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204 École d’échographie gynécologique Imagerie de la Femme 2008;18:204-208 © 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés École d’échographie gynécologique Deuxième leçon Sémiologie échographique de la pathologie pelvienne Érick Petit Service d’imagerie médicale, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris. Correspondance : E. Petit, CIMI, 6, place d’Italie, 75013 Paris. Email : [email protected] L’objectif de cette rubrique « école d’échographie gynécologique », centrée sur le thème de la sémiologie échographique de la pathologie pelvienne par voie endovaginale, est de montrer des images pathognomoniques concernant les annexes, l’endomètre, le myomètre puis d’autres origines plus rares, devant conduire à une conclusion diagnostique [1] claire et ferme, sans aucune hésita- tion, basée sur une description sémiologique très précise. Il s’agit, en somme, et par analogie, de repérer et de distinguer immédiatement l’éléphant, la girafe ou le zèbre dans la savane… Voici trois dossiers échographiques de lésions ovariennes, avec échographie par voie endovaginale (fig. 1 à 3). Qu’en pensez-vous et quelle conduite à tenir proposez-vous ? Figure 1. Femme de 23 ans, dysménorrhée, J24, ovaire gauche, plan transversal, kyste de 42 mm.

Deuxième leçon

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École d’échographie gynécologique

Imagerie de la Femme 2008;18:204-208© 2008. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

École d’échographie gynécologique

Deuxième leçon

Sémiologie échographique de la pathologie pelvienne

Érick Petit

Service d’imagerie médicale, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris.

Correspondance : E. Petit, CIMI, 6, place d’Italie, 75013 Paris. Email : [email protected]

L’

objectif de cette rubrique « école d’échographie gynécologique », centrée sur le thème de lasémiologie échographique de la pathologie pelvienne par voie endovaginale, est de montrer desimages pathognomoniques concernant les annexes, l’endomètre, le myomètre puis d’autres originesplus rares, devant conduire à une conclusion diagnostique [1] claire et ferme, sans aucune hésita-tion, basée sur une description sémiologique très précise. Il s’agit, en somme, et par analogie, derepérer et de distinguer immédiatement l’éléphant, la girafe ou le zèbre dans la savane…

Voici trois dossiers échographiques de lésions ovariennes, avec échographie par voie endovaginale

(fig. 1 à

3)

. Qu’en pensez-vous et quelle conduite à tenir proposez-vous ?

Figure 1.  Femme de 23 ans, dysménorrhée, J24, ovaire gauche, plan transversal, kyste de 42 mm.

E. Petit

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a

Figure 2. a : Femme de 41 ans, douleurs pelviennes bilatérales intermittentes, J21, ovaire droit, plan transversal, kyste de 40 mm.

a

b

Figure 3. Femme de 24 ans, dysménorrhée et dyspareunie, J20, ovaire gauche, plan transversal, kyste de 63 mm (a), doppler couleur (b).

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Réponse

Ces trois dossiers illustrent defaçon pathognomonique le chapitredes kystes ovariens à contenu hémati-que dans un contexte paraphysio-logique, fonctionnel ou organiquechronique. Ces trois cas sont très fré-quemment rencontrés. La sémiologieéchographique commune consiste enune hyperéchogénicité intrakystiqued’intensité variable, plus ou moinshomogène, avec renforcement posté-rieur et sans flux vasculaire intrakysti-que détectable en mode doppler cou-leur. Outre le contexte clinique, enrègle caractéristique, c’est essentielle-ment l’analyse sémiologique fine etrigoureuse du contenu échogèneintrakystique qui permet, aidée dudoppler couleur, de porter un dia-gnostic précis en distinguant les troissituations suivantes avec une excel-lente fiabilité [2].

Premier dossier

Il s’agit d’un

kyste du corps jaunehémorragique

(fig. 1)

, de 42 mm,indolore, chez une femme de 23 ansne présentant qu’une banale dysmé-norrhée et examinée à J24, situationparaphysiologique fréquente. Onparle de kyste car il mesure plus de30 mm. L’hyperéchogénicité, fortepar endroits, accompagnée d’un ren-forcement postérieur, évoque lecaractère hémorragique. L’hétérogé-nicité est un aspect quasi constant ducorps jaune de grande taille. L’étudeen doppler couleur ne retrouve aucunflux vasculaire interne, éliminant ainsitoute structure tissulaire avec, enrevanche, un flux périkystique per-mettant d’affirmer la nature lutéale dece kyste hémorragique. Le mode dedécouverte est en règle fortuit endeuxième partie de cycle. Rarement,la formation de ce kyste peut s’accom-pagner d’une vive douleur mais qui serésorbe spontanément ; ce qui permetde surseoir à toute cœlioscopie intem-pestive. L’évolution est en règle à larésolution complète et spontanée dès lapremière partie du cycle suivant.Dans les cas de kystes plus volumineux,

on peut tout au plus constater un reli-quat kystique hétérogène sans couronnevasculaire périphérique. Cependant,aucun contrôle échographique ulté-

rieur et encore moins tout autre exa-men complémentaire ne sont néces-saires quand l’ensemble de cettesémiologie précise est réunie. L’ima-

Figure 1. Kyste du corps jaune hémorragique avec son flux vasculaire périkystique.

Figure 2. Kyste à contenu hématique (a), complètement résolutif sur le contrôle en première partie de cycle à 3 mois, donc fonctionnel, folliculaire (b).

a

b

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gerie par résonance magnétiquen’est notamment pas justifiée etencore trop souvent demandée ouprescrite devant une sémiologie insuf-fisamment précisée ou comprise etdonc en l’absence de conclusion claireou adaptée du compte rendu échogra-phique.

Deuxième dossier

Chez cette femme de 41 ans, àJ21, dans un contexte de douleurspelviennes bilatérales intermitten-tes et non rythmées, avec cyclescourts, on constate un

kyste fonction-nel à contenu hématique

(fig. 2a)

, de40 mm, complètement résolutif lorsdu contrôle échographique effectué àtrois mois en première partie de cycle(fig. 2b). Le contenu est en effet fine-ment échogène et homogène, de fai-ble intensité, à trame peu serrée. Ilexiste, bien entendu, un renforcementpostérieur, et il n’y a aucun flux vascu-laire, tant au sein du kyste qu’en péri-phérie, en mode doppler couleur. Cedernier caractère élimine ainsi unkyste lutéal hémorragique, mais il fautsuggérer la possibilité d’un simplekyste fonctionnel car un fin remanie-ment hémorragique est assez fré-quent comme ont pu le montrerdes ponctions, voire des exérèsescœlioscopiques devant un tel aspectintrakystique. Ces gestes ne doiventcependant être éventuellement prati-qués qu’après un contrôle échogra-phique, en première partie, trois ouquatre cycles plus tard, pour éliminerd’abord la fonctionnalité très plausi-ble, et ce, d’autant qu’il s’agit en règled’une découverte fortuite. En cas depersistance de l’anomalie, ce kystedoit alors être considéré commeorganique. Dans ce cas, le diagnosticdifférentiel va de l’endométriome aucystadénome mucineux ou séreux àcontenu hématique, remaniementcependant plutôt rare.

Troisième dossier

C’est bien entendu un endomé-triome (fig. 3a), sans diagnostic diffé-rentiel possible, chez cette jeunefemme de 24 ans dont le contexte cli-

nique est plus qu’évocateur puisqu’ellesouffre d’une dysménorrhée et d’unedyspareunie. La sémiologie échogra-phique, très précise, est celle-ci : unkyste à contenu hyperéchogène,constitué de fins échos serrés de forteintensité, régulièrement répartis dansle kyste, l’ensemble étant homogèneet traduisant le vieux sang dans uncontexte algique chronique. Ici l’onpeut également noter la présence d’unpoint d’une très forte échogénicitéblanche antérieure, adhérent à laparoi et correspondant à un dépôtd’hémosidérine, inconstant, maispathognomonique du kyste endomé-triosique. Le renforcement postérieurest évident et il n’y a aucun flux vascu-laire en doppler couleur

(fig. 3b)

. Lescontours du kyste sont par endroitsangulaires et la paroi épaisse, tradui-sant la fibrose et les adhérences qui, à

l’écho-palpation, rendent compte ducaractère fixé de l’ovaire et accolé, enrègle, à l’insertion utérine du liga-ment utérosacré très souvent infiltréégalement par un foyer endométriosi-que douloureux à la pression. Cettepatiente a bénéficié d’une IRM pré-opératoire devant la présence d’autresfoyers endométériosiques repérés àl’échographie en divers sites électifs.Le diagnostic d’endométriose ova-rienne a été confirmé après l’ablationpercœlioscopique du kyste de 63 mm.

Conclusion

L’hémorragie intrakystique ova-rienne, traduite par une hyperéchogé-nicité avec renforcement postérieur,oriente vers la bénignité et, par ordrede fréquence décroissante : 1) le fonc-

Figure 3. Endométriome (a), sans flux vasculaire ni central ni péri kystique (b).

a

b

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tionnel, au sens large, que ce soit unkyste du corps jaune hémorragiquecorrespondant à une situation para-physiologique ou variante du normalen deuxième phase de cycle, ou encore

un kyste folliculaire, fonctionnel pro-prement dit, dans les deux cas derencontre fortuite en règle et dispa-raissant spontanément à court oumoyen terme ; 2) l’endométriose,

Points à retenir• L’hémorragie intrakystique se traduit par une hyperéchogénicité d’intensité variable, plus ou moins homogène, avec renforcement postérieur et sans flux vasculaire central en doppler couleur.• Seul le kyste du corps jaune hémorragique, hétérogène, présente un flux vasculaire périkystique.• Le kyste folliculaire hémorragique, homogène, est faiblement hyperéchogène à trame peu serrée.• L’endométriome, homogène, est fortement hyperéchogène à trame serrée dans sa version classique. Des formes plus hétérogènes traduisant des épisodes de saignements d’âge différent sont également possibles.

dans un contexte le plus souvent algi-que chronique et cyclique tout à faitspécifique et d’emblée évocateur, con-duisant à un traitement hormonal et/ou cœlioscopique sans urgence.L’analyse précise et rigoureuse de lasémiologie échographique par voieendovaginale en mode B permet,aidée du doppler couleur, de distin-guer chaque cas.

Références

[1] Hricak H. Diagnostic Imaging: Gynae-cology. Salt Lake City: Amirsys, 2007.

[2] Ardaens Y, Guérin du Masgenêt B, Co-quel P. Échographie en pratique gynéco-logique. Paris: Masson, 2007.