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168 Quel est votre diagnostic ? Imagerie de la Femme 2005;15:168-171 © Masson, Paris, 2005 Quel est votre diagnostic ? Diagnostic en imagerie conventionnelle et en IRM d’une lésion mammaire Jocelyne Chopier 1 , Nabila Kadi 1 , Christine Salem 1 , Martine Antoine 2 , Serge Uzan 3 1. Service de Radiologie, Hôpital Tenon, 4, rue de Chine 75020 Paris. 2. Service d’Anatomopathologie, Hôpital Tenon. 3. Service de Gynécologie, Hôpital Tenon. Correspondance : J. Chopier, à l’adresse ci-dessus. Email : [email protected] Observation L’examen clinique mammaire systématique d’une femme âgée de 57 ans met en évidence à la palpation un nodule en projection de l’union des quadrants internes du sein droit, il n’y pas de rétraction cutanée, ni d’adénopathie satellite. La patiente est ménopausée, ne prend pas de traitement hormonal substitutif et n’a aucun antécédent personnel ou familial de pathologie mammaire. Une mam- mographie (fig. 1) et une échographie mammaire (fig. 2) sont réalisées. Quel est votre diagnostic ? Figure 1. Mammographie face droite. Figure 2. Échographie mammaire.

Diagnostic en imagerie conventionnelle et en IRM d’une lésion mammaire

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Page 1: Diagnostic en imagerie conventionnelle et en IRM d’une lésion mammaire

168 Quel est votre diagnostic ? Imagerie de la Femme 2005;15:168-171© Masson, Paris, 2005

Quel est votre diagnostic ?

Diagnostic en imagerie conventionnelle et en IRM d’une lésion mammaire

Jocelyne Chopier 1, Nabila Kadi 1, Christine Salem 1, Martine Antoine 2, Serge Uzan 3

1. Service de Radiologie, Hôpital Tenon, 4, rue de Chine 75020 Paris.

2. Service d’Anatomopathologie, Hôpital Tenon.

3. Service de Gynécologie, Hôpital Tenon.

Correspondance : J. Chopier, à l’adresse ci-dessus.

Email : [email protected]

ObservationL’examen clinique mammaire systématique d’une femme âgée de 57 ans met

en évidence à la palpation un nodule en projection de l’union des quadrantsinternes du sein droit, il n’y pas de rétraction cutanée, ni d’adénopathie satellite.La patiente est ménopausée, ne prend pas de traitement hormonal substitutif etn’a aucun antécédent personnel ou familial de pathologie mammaire. Une mam-mographie (fig. 1) et une échographie mammaire (fig. 2) sont réalisées.

Quel est votre diagnostic ?

Figure 1. Mammographie face droite. Figure 2. Échographie mammaire.

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Diagnostic

Sarcoïdose mammaireAnalyse des documents d’imagerie

mammaire :En mammographie, la densité

glandulaire est de type 3 selon la clas-sification Bi-Rads, une discrète asy-métrie focale de densité sans micro-calcifications associées est décritedans le territoire de l’anomalie clini-que (fig. 1). L’échographie dirigéemet en évidence plusieurs massesadjacentes de petite taille mesurantentre 3 et 5 mm de diamètre, hypoé-chogènes bien limitées évocatrices denodules solides à type de granulome.Il n’y a pas de modification de l’échos-tructure glandulaire adjacente, niatténuation des ultrasons en profon-deur (fig. 2). Il n’y a pas de flux vascu-laire détecté en étude Doppler.

L’IRM mammaire effectuée avecun aimant à 1.5 Tesla comporte desséquences en pondération T1, T2avec saturation de graisse et des sériesdynamiques effectuées après injectionde produit de contraste paramagnéti-que. La lésion apparaît en bas signalT1 peu contrastée du parenchymeglandulaire adjacent (fig. 3). Sur laséquence en pondération T2, elleapparaît en hypersignal et d’orienta-tion linéaire (fig. 4). Après injectionde produit de contraste paramagnéti-que, l’analyse effectuée après sous-traction d’image met en évidence uneprise de contraste de type micronodu-laire et de trajet canalaire (fig. 5). Cerehaussement est lent et progressifcomme en atteste la courbe (fig. 6).

L’interrogatoire de la patiente,dirigé à la recherche d’une pathologiesystémique, révèle qu’elle est suiviedepuis 2 ans pour une sarcoïdose tho-racique. Cette dernière a été diagnos-tiquée au cours de l’exploration d’unegêne pharyngée. Une tomodensito-métrie thoracique réalisée a permis ladécouverte d’adénopathies médiasti-nales et de micronodules parenchy-mateux. Le diagnostic pathologique aété obtenu par une biopsie bronchi-que. Pour cette sarcoïdose thoraciquede type II, aucun traitement médical

Figure 3. IRM mammaire séquence en pondération T1 sans injection ; zone de bas signal d’aspect linéaire en projection interne droite.

Figure 4. IRM mammaire séquence en pondération T2 sans injection ; zone d’hypersignal d’aspect linéaire en projection interne droite.

Figure 5. IRM mammaire séquence en pondération T1 et soustraction d’image avec injection de contraste ; prise de contraste micronodulaire et de trajet canalaire.

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n’a été institué en raison du caractèreasymptomatique de la maladie.

Afin de confirmer l’atteinte mam-maire, des microbiopsies échoguidéesavec une aiguille de 14 Gauge sonteffectuées. L’étude histopathologiqueconfirme la présence de nodules etmicronodules sarcoïdosiques com-portant une réaction épithélioïde etgigantocellulaire sans nécrose asso-ciée. Ces lésions sont parfois dispo-sées au contact de fentes lymphati-ques et de situation périlobulaire. Larecherche d’agents infectieux (colora-

tions de Grocott et de Ziehl sontnégatives). Il n’y a pas de proliférationtumorale, ni de cellules lymphoïdesatypiques (fig. 7).

DiscussionLa sarcoïdose est une maladie

inflammatoire de cause immunologi-que atteignant le plus souvent le pou-mon, le système lymphatique, la peau,la rate et le foie. Les lésions mammai-res représentent moins de 1 % des

Figure 6. IRM mammaire courbe de la dynamique de prise de contraste. Prise de contraste progressive et peu intense.

Figure 7. Coupe histologique obtenue après microbiopsie. Granulomes de siège périlymphatique, sans nécrose caséeuse.

cas et apparaissent le plus souventsecondairement aux autres loca-lisations [1]. Exceptionnellementl’atteinte mammaire peut correspon-dre à la première manifestation de lamaladie [1]. Lorsqu’elle est isolée, lesautres causes de mastites granuloma-teuses doivent être discutées [2].D’autre part, certains auteurs [3] ontdécrit la coexistence d’une atteintesarcoïdosique mammaire et d’unepathologie maligne.

L’expression clinique de la mala-die est variable. Certaines présenta-tions peuvent suggérer une atteintebénigne par la palpation d’une massesouple non fixée aux plans profonds,ni modification cutanée, mais parfoisl’examen clinique révèle une massedure fixée suspecte [4]. Les signesmammographiques et échographi-ques de la pathologie ont été rappor-tés dans un nombre limité de cas.L’imagerie révèle alors des signes nonspécifiques pouvant orienter vers unelésion bénigne ou maligne, elle estparfois négative. Dans certainesobservations, la masse apparaît decontours spiculés ou mal limitée, elleest alors suspecte de malignité [3]. Enmammographie, il n’y a jamais demicrocalcifications associées à lalésion. L’expression en imagerie IRMde la pathologie n’a été décrite quedans 2 observations. Dans un cas, laprise de contraste était celle d’unemasse hétérogène de contours spicu-lés et dont la dynamique de prise decontraste était intense, rapide et avecun phénomène de lavage, cet aspectétait en faveur d’une lésion mali-gne [4]. Dans l’autre cas, la prise decontraste était multinodulaire avecune masse principale de contoursirréguliers entourée de nodules satel-lites adjacents, d’autres nodulesétaient visualisés dans le sein contro-latéral. La dynamique de la prise decontraste était de type lent et progres-sif en faveur d’une pathologie béni-gne. L’auteur soulignait la bonnecorrélation de l’imagerie entre l’écho-graphie et l’IRM, révélant le caractèremultinodulaire de la lésion [3]. Lavariabilité des dynamiques de prise decontraste en IRM entre les 2 observa-

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J. Chopier et al. Quel est votre diagnostic ? 171

tions peut s’expliquer par la vasculari-sation différente des composantesinflammatoire ou fibreuse des lésions.

Dans notre observation les signesdécrits en mammographie sont nonspécifiques. Nous constatons commedans le cas de Ishimaru et al. [3], uneexcellente corrélation entre les signesen échographie, en IRM et les don-nées pathologiques de la sarcoïdosesous la forme de multiples lésionsnodulaires associées révélant des gra-nulomes. La dynamique de la prise decontraste est lente et progressive, cetaspect est concordant avec une patho-logie bénigne. Dans notre observa-tion, l’agencement particulier desmicronodules selon un axe linéaireorienté vers le mamelon est inhabi-tuel. Ce type de rehaussement a faitdiscuter une prise de contraste cana-laire, décrite dans les carcinomesintracanalaires, mais également dansd’autres pathologies comme leslésions d’hyperplasie atypique ou de

mastopathie fibrokystique [5]. Aucuneobservation dans la littérature n’a rap-porté une prise de contraste d’orienta-tion canalaire en IRM dans une sar-coïdose mammaire. Dans notre cas, enanatomopathologie la diffusion desnodules sarcoïdosiques s’effectueprincipalement selon l’axe des trajetslymphatiques. Ce type de rehausse-ment est expliqué par la distributiondu réseau lymphatique en intra mam-maire qui suit un trajet péricanalaire etpérilobulaire. La sarcoïdose peut doncse manifester en IRM par un rehausse-ment canalaire. Ce signe est peu spéci-fique et rencontré dans de nombreu-ses pathologies [5].

Conclusion Chez une patiente suivie pour une

sarcoïdose, l’atteinte mammaire, bienque rare, doit être systématiquementdiscutée devant toute lésion focale

détectée en mammographie, en écho-graphie et en IRM. Une preuve histo-logique est indispensable, le plus sou-vent obtenue par microbiopsieséchoguidées.

Références[1] Donaldson BA, Polynice A, Oluwole S.

Sarcoidosis of the breast: case report andchart review. Am Surg 1995;61: 778-80.

[2] Sabaté JM, Closet M, Gomez A, De lasHeras P, Torrubia S, Salinas T. Radiolo-gic evaluation of uncommon inflamma-tory and reactive breast disorders. Radio-graphics 2005;25:411-24.

[3] Ishimaru K, Isomoto I, Okimoto T,Itoyanagi A, Uetani M. Sarcoidosis of thebreast. Eur Radiol 2002;12:105-8.

[4] Kenzel PP, Hadijuana J, Hosten N et al.Boeck Sarcoidosis of the breast: mammo-graphic, Ultrasound and MR findings. JComput Assist Tomogr 1997;21:439-41.

[5] Liberman L, Morris EA, Dershaw DD,Abramson AF, Ta L K. Ductal enhance-ment on MR imaging of the breast. AJR2003;181:519-25.