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Dimanche III de Pâques - Année B Lorsque le Ressuscité nous rejoint Face au Christ ressuscité, notre pauvre esprit humain a du mal à sʼy retrouver. Son nouveau mode de présence, véritable défi à lʼentendement, constitue le fil directeur des lectures de ce dimanche, entre les apparitions aux disciples tout craintifs (Lc 24), lʼincrédulité du peuple juif apostrophé par Pierre (Ac 3), et les difficultés à croire de la communauté chrétienne, à la- quelle saint Jean envoie une lettre très ferme (1Jn 2). À lʼécoute de la Parole Comment rencontrer le Christ ressuscité aujourdʼhui ? Les disciples ont vu et touché son corps glorieux ; mais ce nʼest pas notre cas. Pourtant, le témoignage des saints, et sur un mode mineur notre propre expérience, nous montrent que le Seigneur nous rejoint sans cesse. Comme au soir de Pâques, il ne cesse dʼapporter sa paix, de nous révéler son amour qui va jusquʼau don de sa vie, dʼouvrir nos in- telligences à lʼÉcriture sainte. Plus encore, il se penche sur nos plaies intérieures pour les transformer en sources de miséricorde. Voir lʼexplication détaillée Méditation : Comment rencontrer le Ressuscité ? Les lectures nous font écouter le témoignage des apôtres, qui ont été choisis par le Seigneur pour être les témoins de son œuvre de salut : ses actions et paroles, ses enseignements et miracles, et surtout sa Passion et sa Résurrection. Voir la méditation complète Pour aller plus loin Nombreuses sont les interrogations de nos esprits modernes par rapport à la résurrection : est-elle historique ? Quel corps avait Jésus ? Quelles preuves pour notre foi ? Et bien dʼautres perplexités nous animent. Le pape Benoît XVI y a apporté une réponse de théologien très au courant des défis mo- dernes, dans son livre « Jésus de Nazareth » (tome II, 2010). On pourra en lire lʼextrait relatif à la Résurrection publié par Le Figaro.

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Dimanche III de Pâques - Année B

Lorsque le Ressuscité nous rejoint Face au Christ ressuscité, notre pauvre esprit humain a du mal à sʼy retrouver. Son nouveau mode de présence, véritable défi à lʼentendement, constitue le fil directeur des lectures de ce dimanche, entre les apparitions aux disciples tout craintifs (Lc 24), lʼincrédulité du peuple juif apostrophé par Pierre (Ac 3), et les difficultés à croire de la communauté chrétienne, à la-quelle saint Jean envoie une lettre très ferme (1Jn 2).

À lʼécoute de la Parole

Comment rencontrer le Christ ressuscité aujourdʼhui ? Les disciples ont vu et touché son corps glorieux ; mais ce nʼest pas notre cas.

Pourtant, le témoignage des saints, et sur un mode mineur notre propre expérience, nous montrent que le Seigneur nous rejoint sans cesse. Comme au soir de Pâques, il ne cesse dʼapporter sa paix, de nous révéler son amour qui va jusquʼau don de sa vie, dʼouvrir nos in-telligences à lʼÉcriture sainte. Plus encore, il se penche sur nos plaies intérieures pour les transformer en sources de miséricorde.

Voir lʼexplication détaillée

Méditation : Comment rencontrer le Ressuscité ?

Les lectures nous font écouter le témoignage des apôtres, qui ont été choisis par le Seigneur pour être les témoins de son œuvre de salut : ses actions et paroles, ses enseignements et miracles, et surtout sa Passion et sa Résurrection.

Voir la méditation complète

Pour aller plus loin

Nombreuses sont les interrogations de nos esprits modernes par rapport à la résurrection : est-elle historique ? Quel corps avait Jésus ? Quelles preuves pour notre foi ? Et bien dʼautres perplexités nous animent.

Le pape Benoît XVI y a apporté une réponse de théologien très au courant des défis mo-dernes, dans son livre « Jésus de Nazareth » (tome II, 2010). On pourra en lire lʼextrait relatif à la Résurrection publié par Le Figaro.

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À lʼécoute de la Parole

La liturgie nous transporte au soir de Pâques, au sein de la Communauté de Jérusalem, alors que les marcheurs dʼEmmaüs sont en train de raconter leur rencontre avec le Seigneur (Lc 24). Jésus lui-même se rend soudain présent à ses disciples qui, comme les femmes, le matin, sont « frappés de stupeur et de crainte ». Le Maître vient bouleverser leur vie, comme naguère en Galilée, lorsquʼIl les avait appelés à sa suite. Mais il sʼagit cette fois-ci de re-cevoir une « nouvelle vie », celle de la foi et de la communion avec le Ressuscité, qui ouvre les portes du Ciel. Cette nouvelle vie, nous la voyons à lʼœuvre dans la communauté chrétienne grâce à deux apôtres de première importance : saint Pierre, qui harangue le peuple dans le Temple de Jérusalem (Ac 3, première lecture), et saint Jean, qui écrit ten-drement à ses enfants spirituels (1Jn 2, deuxième lecture).

Lʼévangile : rencontre avec le Ressuscité (Lc 24) Avant tout, il y a les apparitions de Jésus ressuscité aux disciples : les pèlerins dʼEmmaüs se sont joints à la communauté de Jérusalem, et chacun raconte « ce qui sʼest passé » sur la route ou au Sépulcre, mais les esprits nʼarrivent pas à y voir clair face à tant dʼévènements inouïs. Jusquʼau moment où Jésus lui-même se fait présent, provoquant stupeur et crainte.

Corps glorieux du Christ et résurrection de la chair Pourquoi cette stupeur ? On aurait pu sʼattendre à une joie immédiate. Pour la comprendre, il faut retourner brièvement à la conception de la mort dans lʼAncien Testament et dans lʼAntiquité en général, que nous explique le cardinal Ratzinger :

« Le mort descend au Shéol, où il mène une pâle existence dʼombre. Il peut apparaître, donnant alors lʼimpression dʼun être inquiétant et dangereux. Néanmoins, il est séparé du monde des vivants, de la vie, relégué dans une zone où toute communication est absente, et qui justement par ce défaut de relation, équivaut à une destruction de la vie. Tout le gouffre de ce néant se découvre dans le fait que Dieu nʼest pas là, quʼil nʼy est pas loué. Même par rapport à lui, lʼabsence de communication y est totale. La mort est donc un emprisonnement qui ne finira plus. Être et ne pas être en même temps, être encore dʼune certaine manière et pourtant ne pas vivre ». 1

La religion juive faisait donc interdiction absolue de communiquer avec le monde des ombres, qui est par excellence un monde impur ; on se souvient de la sorcière dʼEn Dor (1 Sam 28). Tout cela explique lʼeffroi des disciples, et lʼinsistance de Jésus à faire constater sa corporéité en montrant « ses mains et ses pieds » avec les marques de la Passion.

Luc insiste sur ce point en notant quʼil mange du poisson grillé : les disciples ne font pas une expérience extatique, de type mystique, hors de la réalité, mais bien une rencontre réelle avec une personne « en chair et en os ». Jésus est le Vivant, revenu auprès des siens. Dans cet apparent paradoxe entre similitude et altérité – cʼest bien lui, mais il est différent – se déploie le mystère de la résurrection : le Christ ne vient pas du monde des morts, mais de celui des vivants, de ce nouveau règne quʼil vient dʼinaugurer auprès de son Père par son humanité glorifiée. Jésus nʼa pas été réanimé comme Lazare, il est entré dans une existence dʼun type supérieur, et les disciples sont stupéfaits par ce saut radical.

Par-là, Jésus nous apprend vers quelle résurrection nous marchons nous-mêmes : non pas une simple revitalisation de notre existence terrestre, mais le passage à une communion

11 Joseph cardinal Ratzinger : La Mort et lʼAu-delà, Fayard p. 88-89.

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totale avec la vie trinitaire, qui élèvera toutes les dimensions de notre personne. En attendant, le Christ ressuscité nous donne déjà de participer à sa nouvelle vie en nous incor-porant dans son Corps, comme lʼexplique le Catéchisme :

« Sʼil est vrai que le Christ nous ressuscitera ʻau dernier jourʼ, il est vrai aussi que, dʼune certaine façon, nous sommes déjà ressuscités avec le Christ. En effet, grâce à lʼEsprit Saint, la vie chrétienne est, dès maintenant sur terre, une participation à la mort et à la Résurrec-tion du Christ : ʻEnsevelis avec le Christ lors du Baptême, vous en êtes aussi ressuscités avec lui, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui Lʼa ressuscité des morts (...). Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses dʼen haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieuʼ (Col 2, 12 ; 3, 1) Nourris de son Corps dans lʼEucharistie, nous appartenons déjà au Corps du Christ. Lorsque nous ressusciterons au dernier jour nous serons aussi ʻmanifestés avec lui pleins de gloireʼ (Col 3, 3). » 2

Les conséquences pour notre chemin sur la terre sont incalculables. Par exemple, le Père Maurice Zundel affirmait : « Nous ne pouvons vivre une vie spirituelle sans spiritualiser notre corps. »3 Cʼest lʼEucharistie qui réalise le mieux ce mystère en nous, comme lʼavait saisi saint Irénée :

« De même que le pain qui vient de la terre, après avoir reçu lʼinvocation de Dieu, nʼest plus du pain ordinaire, mais eucharistie, constituée de deux choses, lʼune terrestre et lʼautre céleste, de même nos corps qui participent à lʼeucharistie ne sont plus corruptibles puisquʼils ont lʼespérance de la résurrection. » 4

Présence du Christ ressuscité Comme sur le bord du lac (Jn 21), comme sur la route dʼEmmaüs, nous retrouvons, dans ce récit, trois éléments: Jésus apparaît aux disciples (il est visible et palpable), il leur parle (ou-vrant leurs cœurs aux Écritures), et il mange avec eux . En dʼautres termes : il se rend réel-lement présent, enseigne ses disciples et partage avec eux un moment de commu-nion fraternelle. Ces différents aspects structurent notre propre rencontre avec le Ressusci-té dans lʼÉglise, grâce à la liturgie de la Parole et à lʼEucharistie, en attendant le jour béni où nous pourrons enfin le contempler directement.

Lʼévangile dʼaujourdʼhui, en Luc 24, présente de nombreuses ressemblances avec celui de la semaine dernière, relatant lʼincrédulité de saint Thomas (Jn 20) :

§ Jésus qui apparaît commence toujours par souhaiter la paix : « La paix soit avec vous ! », salutation que nous utilisons en début de célébration eucharistique. Les prêtres la reprennent à lʼissue de la prière eucharistique : « que la paix du Seigneur soit toujours avec vous ! ».

§ Dans les deux récits, le Ressuscité invite ensuite à contempler et toucher les marques de la Passion : « Voyez mes mains et mes pieds, cʼest bien moi ! » (Lc 24,39). Ce contact avec les plaies du Sauveur provoque la joie des disciples, elles sont depuis lors vénérées comme les sources de la Miséricorde.

§ Dans lʼévangile de Jean, Thomas a besoin dʼune semaine pour entrer dans la foi ; chez saint Luc, il sʼagit de toute la communauté du Cénacle, qui passe progressive-ment de la « frayeur et crainte » à la « joie sans oser croire », puis à « lʼouverture des intelligences à la compréhension des Écritures ». Ils nʼexpriment pas encore leur foi,

2 Catéchisme, nº1002-3, http://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P2C.HTM. 3 Revue Choisir, n° 219, mars 1978. 4 Saint Irénée, Contre les Hérésies, 4, 18, 4-5.

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comme saint Thomas : ce sera lʼobjet du livre des Actes des Apôtres, où retentiront de magnifiques professions de foi.

Écoutons plus attentivement les paroles du Christ aux disciples :

« Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d'entre les morts le troi-sième jour, et qu'en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. De cela vous êtes témoins. » (Lc 24,46-48)

Luc nous présente ici un condensé de toute son œuvre théologique : dʼabord un résumé de son évangile, centré sur le mystère pascal ; puis le programme des Actes des Apôtres, dont il est également lʼauteur, qui rapporte la première proclamation de la Parole à partir de Jérusalem jusquʼaux confins de la terre.

Luc nous présente le Christ insistant sur lʼaccomplissement des Écritures. Comme il lʼavait expliqué de son vivant, tout ce qui lui est arrivé était « écrit dans la loi de Moïse, les Pro-phètes et les Psaumes » (v.44). Cʼétait important pour faire comprendre aux premiers croyants que la crucifixion du Christ nʼétait pas une erreur, et nous y reviendrons à propos de la première lecture.

Or nous sommes parfois déroutés par cette expression : « selon les Écritures », que notre Credo reprend de saint Paul : « Il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures » (1Co 15,4). Était-il vraiment écrit que le Messie devait souffrir et ressusciter le troisième jour ? Dans quel passage exactement ? On peut penser à une prophétie dʼOsée :

« Venez, retournons vers le Seigneur. Il a déchiré, il nous guérira ; il a frappé, il pansera nos plaies ; après deux jours il nous fera revivre, le troisième jour il nous relèvera et nous vi-vrons en sa présence. » (Os 6,1-2)

Sous la plume du prophète, ces expressions stéréotypées désignent un bref laps de temps après lequel le Seigneur prendra soin de son Peuple, mais elles ne parlent pas du Messie. En revanche, les premiers croyants ont tout de suite vu dans les chants du serviteur souf-frant d'Isaïe, lʼannonce des souffrances et de la mort du Christ (cf. Is 53). Une relecture de lʼhistoire de Jonas – qui disparaît pendant trois jours dans le ventre de la baleine et auquel Jésus se réfère explicitement (Mt 12,40) – sʼimpose rapidement à leurs esprits.

De même le Psaume 16 : « mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même re-pose en confiance ; tu ne peux mʼabandonner à la mort ni laisser ton ami voir la corruption. » (vv.9-10) Si lʼon considère que la corruption commence le troisième jour, on comprend que Paul ait utilisé cet argument en Actes 13,35. Le théologien Ratzinger concluait :

« Le ʻselon les Écrituresʼ vaut pour la phrase dans son ensemble et de manière implicite seulement pour le troisième jour. L'essentiel est dans le fait que la Résurrection elle-même soit conforme à l'Écriture - que celle-ci appartienne à la totalité de la promesse devenue, de parole qu'elle était, réalité en Jésus. De cette manière, en arrière-fond, on peut certainement penser au Psaume 16,10, mais aussi naturellement à des textes fondamentaux pour la pro-messe, comme Isaïe 53. En ce qui concerne le troisième jour, il n'existe pas de témoignage scripturaire direct. » 5

5 Joseph Ratzinger / Benoît XVI, Jésus de Nazareth II, le Rocher 2010, p. 282.

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En fait, lʼinsistance sur le « troisième jour » vient de lʼimportance des rencontres avec le Christ ressuscité, le jour de Pâques, le troisième après sa mort le vendredi : ces ren-contres ont eu un tel impact sur la vie des disciples quʼils en sont venus à transférer au di-manche lʼassemblée et le culte qui se tenaient normalement le samedi (shabbat). Une inno-vation impensable, étant donné la centralité du Shabbat dans la religion juive, sans un évé-nement aussi important que les apparitions du Christ ressuscité.

La première lecture : discours de Pierre (Ac 3) Dans son discours, saint Pierre affirme lui aussi que « Dieu a accompli ce qu'il avait annoncé d'avance par la bouche de tous les prophètes, que son Christ souffrirait. » (Ac 3,18). Dans la première communauté, il était très important dʼaffirmer que la Passion et la mort de Jésus avaient été « annoncées par lʼÉcriture », pour montrer quʼil ne sʼagissait pas dʼun accident de lʼhistoire, dʼun échec que la haine des hommes aurait infligé aux desseins de Dieu. Au con-traire, le projet divin englobait les événements dramatiques quʼils venaient de vivre.

À quelle occasion ce discours a-t-il été prononcé ? Au Temple, après la Pentecôte. Pierre vient de guérir un infirme de naissance, « au nom de Jésus-Christ le Nazaréen » (Ac 3,6) ; la foule se rassemble et sʼémerveille, donnant à Pierre lʼoccasion dʼune harangue très directe, la seconde après celle de la Pentecôte. Lors de lʼeffusion de lʼEsprit, il sʼétait adressé aux pèlerins venus du monde entier pour la fête ; à présent il sʼadresse directement aux hommes dʼIsraël, à cette foule qui sʼest montrée hostile pendant le procès et la Passion de Jésus, se laissant retourner par les autorités du Temple.

Pierre commence par indiquer très clairement que la guérison de lʼinfirme ne lui est pas im-putable : « quʼavez-vous à nous regarder comme si cʼétait par notre propre puissance (…) que nous avons fait marcher cet homme ? » (v 12). Et lʼapôtre de poursuivre en proclamant que ce miracle est lʼœuvre du Jésus et atteste de sa résurrection. Il nʼhésite pas mon-trer à ses auditeurs leur péché (vous lʼavez rejeté… vous lʼavez tué…), non pas pour les condamner, mais pour les inviter à la conversion (revenez à Dieu), en les disculpant (je sais que cʼest par ignorance que vous avez agi). Il suit ainsi lʼexemple de Jésus avec ses bour-reaux (Lc 23,34 : ils ne savent pas ce quʼils font). Surtout, Pierre proclame le fait de la Résur-rection. À travers lʼaction des hommes, cʼest le dessein de Dieu, annoncé par les Écritures, qui sʼest accompli.

Notons les titres que Pierre attribue à Jésus : le serviteur de Dieu Jésus (on pourrait aussi traduire παῖς, pais, littéralement : enfant, par « fils ») ; le Saint et le Juste, avec probablement une influence de la liturgie ; le Prince de la vie, dont les apparitions manifestent la victoire sur la mort ; le Christ (Messie) lorsque Pierre fait référence aux Écritures. Ces titres manifestent la foi de Pierre, particulièrement importante pour la nôtre, comme le soulignait le pape Benoît XVI :

« Si le fait d'être chrétien signifie essentiellement avoir foi dans le Ressuscité, alors le rôle particulier du témoignage de Pierre est une confirmation de la tâche qui lui a été confiée d'être le roc sur lequel est édifiée l'Église. » 6

La deuxième lecture : comment aimer Dieu (1Jn 2) Lors de la guérison de lʼinfirme et du discours, un autre apôtre était présent, lʼévangéliste Jean : « Pierre et Jean montaient au Temple pour la prière de la neuvième heure » (Ac 3,1). Lui aussi est un témoin, un titre important que Jésus leur a attribué dans lʼévangile du jour : « À vous dʼen être les témoins » (Lc 24,48) et que saint Pierre revendique : « nous en sommes témoins » (Ac 3,15). Le terme grec de témoin (μαρτυς, martus), qui donne en fran-

6 Joseph Ratzinger / Benoît XVI, Jésus de Nazareth II, le Rocher 2010, p. 384.

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çais martyr, évoque déjà le prix que ces deux apôtres paieront pour y être fidèles. Devenir chrétien signifiera être persécuté par le monde, parfois jusquʼau sang. Une indication qui questionne lʼauthenticité de notre propre témoignage.

Le témoin Jean revient comme Pierre sur la Passion et la mise à mort de Jésus dans sa première lettre (1Jn 2), en utilisant les mêmes titres : « Jésus Christ, le Juste » (v.1). Mais il prend plus de distance par rapport aux événements de la Passion, et dépasse le jugement humain pour en percevoir le sens théologique profond : ce sont nos péchés, et ceux du monde entier, qui en sont responsables. Jean utilise un terme cultuel précis : « Il est la victime de propitiation offerte pour nos péchés » (v.2), qui renvoie aux sacrifices dʼexpiation de lʼAncien Testament.

Le chrétien est celui qui connaît Jésus, qui lʼa rencontré comme Ressuscité et observe ses commandements : comment pourrait-il retourner au péché, cʼest-à-dire le crucifier de nouveau ? Jean nous adresse là une énergique mise en garde : lʼamour nʼest pas affaire de sentiments et dʼémotions, qui peuvent ne rester que superficiels et momentanés. Il sʼagit dʼactes qui attestent une vraie rencontre et une vraie communion avec le Christ. Mensonge et amour sʼopposent comme lumière et ténèbres.

Cependant, sʼil nous arrive de tomber, Jésus intercède aussi pour nos nouvelles fautes : « si lʼun de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père, Jésus-Christ, le Juste » (1Jn 2,1). Cʼest un thème que reprend la 3º préface pascale :

« Vraiment, il est juste et bon de te glorifier, Seigneur, en tout temps, mais plus encore en ces jours où le Christ, notre Pâque, a été immolé, lui qui ne cesse pas de sʼoffrir pour nous, et qui reste éternellement notre défenseur auprès de toi ; immolé, il a vaincu la mort ; mis à mort, il est toujours vivant. » 7

Le Christ à Emmaus (Rembrandt, 1654)

7 Préface III du temps pascal.

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Méditation : Comment rencontrer le Ressuscité ?

Les lectures nous font écouter le témoignage des apôtres, qui ont été choisis par le Seigneur pour être les témoins de son œuvre de salut : ses actions et paroles, ses enseignements et miracles, et surtout sa Passion et sa Résurrection. Nous aimerions bénéficier du même con-tact quʼeux avec le Ressuscité, lorsquʼil est venu partager leur repas au soir de Pâques ; nous voudrions quʼIl vienne ouvrir nos intelligences au mystère des Écritures ; nous souhaite-rions éprouver leur joie profonde et devenir des témoins comme eux. Tout cela est possible : saint Luc nous présente dans cette scène les principaux « canaux » par lesquels nous pou-vons rejoindre le Ressuscité. Nous allons en explorer quelques-uns, comme nous y invite le pape François :

« Pour nous aussi, il existe de nombreux signes où le Ressuscité se fait reconnaître : lʼÉcriture Sainte, lʼEucharistie, les autres sacrements, la charité, ces gestes dʼamour qui por-tent un rayon du Ressuscité. Laissons-nous illuminer par la Résurrection du Christ, laissons-nous transformer par sa force, pour quʼà travers nous également, dans le monde, les signes de mort laissent place aux signes de vie. » 8

Le témoignage des saints nous guide. Nous constatons quʼils ont vécu les mêmes difficultés que nous, avec la même distance qui nous sépare naturellement de Jésus ressuscité. Ils ont pourtant été rejoints par le Christ de manière très concrète et de la même manière que les apôtres, nous montrant que la proximité avec le Ressuscité est un don surnaturel qui va au-delà de notre imagination et nos désirs. Comment la présence du Christ sʼest-elle manifestée dans leur vie ?

La paix

Commençons par la paix : le Seigneur apporte toujours la paix à ses disciples, « La paix soit avec vous ! » (Lc 24,36), un salut qui rappelle le titre de Prince de la Paix quʼIsaïe donnait au Messie dans ses prophéties (Is 9,5).

De façon similaire, le Seigneur a voulu rassurer sœur Faustine alors quʼelle vivait de pro-fondes tribulations, et lui a indiqué comment il prendrait soin de son âme, en lui envoyant un confesseur de confiance :

« Le soir le Seigneur me dit : « Ma fille, que rien ne tʼeffraye ni ne te trouble. Garde une paix profonde ! Tout est dans ma main. Je te ferai tout comprendre par la bouche du Père Andrasz. Sois comme un enfant envers lui ! » […] Quand je me suis approchée du confes-sionnal, jʼai ressenti dans mon âme une si grande facilité pour lui parler de tout, que plus tard, jʼen fus moi-même très surprise. Ses réponses établirent une paix profonde dans mon âme. Ses paroles étaient, sont et resteront toujours des colonnes flamboyantes, qui ne ces-seront dʼéclairer mon âme dans son élan vers la plus haute sainteté. » 9

On peut aussi penser à la paix ressentie par Marguerite-Marie lorsquʼelle entre au couvent de la Visitation de Paray, après avoir visité dʼautre lieux, et sent que le Seigneur la veut dans cette maison. Puis Dieu lui envoya le Père Claude La Colombière pour discerner avec elle lʼauthenticité de ces visions. Ou encore, la paix de Catherine Labouré reconnaissant le por-trait de St Vincent de Paul qui lui est apparu en rêve, en entrant chez les Sœurs de la Chari-té. On se souvient enfin dʼIgnace trouvant la paix de lʼâme en lisant la vie des Saints alors que les livres de chevalerie le laissaient exalté mais insatisfait.

8 Pape François, Audience générale, 3 avril 2013,

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2013/documents/papa-francesco_20130403_udienza-generale.html 9 Sainte Faustine (Héléna Kowalska), Petit Journal, disponible ici, nº219.233.

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La paix est lʼun des signes de lʼaction et de la présence de Dieu. Les décisions et les actions qui nous laissent en paix portent sa marque. Quelle est mon expérience de cette paix ? Y suis-je attentif, est-ce que je sais y reconnaitre le Ressuscité ? Pour trouver cette paix, je dois aussi savoir me retirer et prendre le temps de la prière dans le silence, pour que puisse descendre la paix de Dieu jusquʼau fond de mon être.

Lʼâme fidèle sait reconnaître dans cette paix la présence du Seigneur : elle lui permet de « suivre lʼAgneau partout où il va » (Ap 14,4), dans la confiance dʼêtre sur le bon chemin, même si les circonstances extérieures semblent affirmer le contraire.

Les Écritures Lorsque Jésus apparaît en ce soir de Pâques, il conquiert petit à petit le cœur de ses dis-ciples qui passent de la crainte à la joie ; pour leur faire accomplir la conversion totale qui est celle de la foi, il lui faut aussi convertir leurs intelligences. Saint Luc le note explicite-ment: « Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures » (Lc 24,45). Les pè-lerins dʼEmmaüs quelques versets plus haut disaient : notre cœur nʼétait-il pas brûlant au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures ?

Lorsque Luc mentionne les « Ecritures », il sʼagit pour lui de lʼAncien Testament, qui relate la première Alliance et annonce le don du Messie. Nous avons vu en première partie quels passages de lʼAncien Testament peuvent être lus comme des prophéties de la Passion et de la Résurrection, mais le mystère du Christ dans sa globalité est préfiguré par bien dʼautres textes. En réalité cʼest tout lʼAncien Testament qui prend sens à travers le Christ et qui lʼannonce. Le récit des disciples dʼEmmaüs le dit bien : « en commençant par Moïse et par-courant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait » (Luc 24, 27).

Saint Irénée nous invite à considérer ces Écritures comme inspirées par le Christ lui-même, qui y a caché par avance son propre mystère :

« Si quelqu'un lit l'Écriture dans cette perspective, il y trouvera une expression concer-nant le Christ, et une préfiguration de l'appel nouveau. Car c'est lui, ʻle trésor caché dans le champʼ, c'est à dire dans le monde (Mt 13,38). Trésor caché dans les Écritures, car il était signifié par des symboles et des paraboles, qui, humainement parlant, ne pouvaient pas être comprises avant l'accomplissement des prophéties, c'est-à-dire avant la venue du Seigneur (…) Si donc quelqu'un lit les Écritures de cette manière, il sera un disciple parfait, ʻpareil au maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennesʼ (Mt 13,52) ». 10

Cette action dʼouvrir les intelligences à la compréhension des Écritures, le Christ ressuscité continue à lʼaccomplir tout au long de lʼhistoire de lʼÉglise et jusquʼaujourdʼhui. Les Écri-tures se sont enrichies du Nouveau Testament : le témoignage des apôtres est devenu Écri-ture sacrée. En lisant lʼévangile, les Actes et les lettres de Paul, Pierre, Jean et Jacques, nous apprenons à connaître et à aimer Jésus, à découvrir le visage du Père, à nous laisser guider par lʼEsprit, pour parvenir à la révélation totale que nous dévoile lʼApocalypse.

La parole de Dieu nʼest pas un récit ou un simple texte de sagesse. Elle est vivante et nous rejoint personnellement dans les circonstances concrètes de notre vie. Elle doit nous tou-cher et brûler notre cœur, comme pour les disciples dʼEmmaüs. Est-ce ainsi que nous la lisons ? Beaucoup dʼentre nous ont la très bonne habitude de faire un examen de cons-cience avant de terminer leur journée. Il serait également très utile de faire, plusieurs fois par

10 Saint Irénée, Contre les Hérésies, IV, 26,1.

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semaine, le point sur la Parole : elle mʼa touché, elle mʼa éclairé. Il faut bien sûr, pour cela, prendre le temps de la lire, de lʼentendre à la messe et aux offices, et de lʼaccueillir. Nous verrons alors quʼil y aura toujours une phrase, une expression qui viendra nous rejoindre. Le Christ ressuscité nous rejoint par la Parole de Dieu.

Les plaies du Crucifié Jésus ressuscité montre toujours ses plaies à ses apôtres : elles sont dʼabord un signe pour quʼils reconnaissent son identité personnelle avec le Crucifié, mais elles sont surtout la source de la Miséricorde divine, comme nous lʼavons médité la semaine dernière. Les Pères de lʼÉglise ont beaucoup insisté, comme le Nouveau Testament, sur ces signes de la Pas-sion qui marquent le Ressuscité. Saint Grégoire le Grand écrivait ainsi ingénieusement :

« Les passages dʼÉvangile lus hier et aujourdʼhui nous stimulent à chercher avec soin pourquoi on y lit que le Seigneur, notre Rédempteur, a mangé du poisson grillé après sa Ré-surrection. […] Que peut bien symboliser, à votre avis, le poisson grillé [piscem assum], si-non le Médiateur entre Dieu et les hommes, qui a souffert [passum] ? Car il a daigné se ca-cher dans les eaux du genre humain ; il a voulu se laisser prendre dans le filet de notre mort et être, pour ainsi dire, rôti par la souffrance au temps de sa Passion. » 11

Les sacrements Comment le Seigneur nous permet-il aujourdʼhui de toucher ses plaies ? Ce sont dʼabord les sacrements, en particulier ceux qui manifestent plus particulièrement sa miséricorde : lʼEucharistie, le pardon, le sacrement des malades.

Dans lʼEucharistie, le Seigneur se donne à nouveau ; le pain consacré est son corps livré et ressuscité. Nous revivons le mystère du Calvaire de manière réelle. Il nous montre, sous le voile des espèces, son corps meurtri et ressuscité ; il nous le donne en nourriture. Dans le sacrement du pardon, ses blessures répandent sur nous le sang et lʼeau qui puri-fient, guérissent et apaisent. Dans le sacrement des malades – qui nʼest pas réservé aux mourants – le Seigneur vient rejoindre celui qui souffre comme il le faisait pendant sa vie terrestre. Sa présence et son réconfort sont parfois sentis de manière très sensible par les fidèles et les effets sont souvent étonnants. Sa voix résonne : « La paix soit avec vous ! »

Les martyrs Très tôt dans son histoire, lʼÉglise a découvert quʼil lui était donné de participer à ces plaies glorieuses et de sʼidentifier ainsi au Christ miséricordieux. Cʼest la vocation particulière des martyrs : des femmes et des hommes configurés au Christ jusque dans sa Pas-sion.

À chaque génération, les chrétiens sont soutenus dans la foi par ces compagnons martyrs à la foi inébranlable ; ils sont parmi nous ce Christ vivant présentant ses plaies aux disciples incrédules : « voici mes mains et mes pieds ! ».

Le temps des martyrs nʼest pas un temps révolu, bien au contraire. Le XXº siècle a compté plus de martyrs que tous les autres siècles de lʼÉglise et cette tendance se prolonge au XXIe. Lʼopinion publique pense spontanément aux Chrétiens dʼOrient, mais les Chrétiens sont éga-lement persécutés pour leur foi en Inde, au Pakistan, dans de nombreux pays dʼAsie et dʼAfrique. Dans certaines dictatures, ils ont été persécutés et tués pour leur défense de la justice, de la vérité et des pauvres, et le sont encore. Souvenons-nous du Père Maximi-lian Kolbe (franciscain), dʼEdith Stein (carmélite), de Giuseppe Girotti (dominicain), sous le

11 Saint Grégoire le Grand, Homélies sur les Evangiles, nº24, 18 avril 591, Migne t. 76, col. 1311.

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nazisme. Souvenons-nous des martyrs assomptionnistes de Bulgarie sous le communisme. En 2015, lʼÉglise a béatifié Mgr Oscar Romero, abattu en pleine messe par la dictature dʼextrême-droite salvadorienne, en 1980. Elle instruit actuellement la cause de Cyprien et Daphrose Rugamba, membres de la Communauté de lʼEmmanuel, assassinés avec plu-sieurs de leurs enfants, devant le Saint Sacrement, pendant le génocide rwandais, pour avoir refusé la discrimination ethnique entre Tutsis et Hutus.

Suis-je sensible à cette présence des martyrs dans lʼÉglise et sont-ils une source dʼinspiration et de foi pour moi ?

Les pauvres Le Seigneur ressuscité est également présent dans les pauvres. Ce nʼest pas seulement pour eux-mêmes que nous sommes appelés à servir les pauvres mais parce que mystérieu-sement le Christ est présent dans celui qui souffre, qui manque de lʼessentiel et conti-nue à crier « jʼai soif ». Mère Teresa de Calcutta disait sentir concrètement la présence du Seigneur lors de ses rencontres avec les pauvres. Reprenant une thématique chère à Saint Jean Chrysostome, le pape François ne cesse de nous appeler à découvrir le Seigneur dans le pauvre, tout autant que dans les sacrements :

« Si nous voulons rencontrer réellement le Christ, il est nécessaire que nous touchions son corps dans le corps des pauvres couvert de plaies, comme réponse à la communion sa-cramentelle reçue dans lʼEucharistie. Le Corps du Christ, rompu dans la liturgie sacrée, se laisse retrouver, par la charité partagée, dans les visages et dans les personnes des frères et des sœurs les plus faibles. Toujours actuelles, résonnent les paroles du saint évêque Chrysostome : ʻSi vous voulez honorer le corps du Christ, ne le méprisez pas lorsquʼil est nu ; nʼhonorez pas le Christ eucharistique avec des ornements de soie, tandis quʼà lʼextérieur du temple vous négligez cet autre Christ qui souffre du froid et de la nuditéʼ (Hom. In Mat-thaeum, 50, 3 : PG, 58) ». 12

Pour trouver le Christ dans le pauvre – quʼil sʼagisse dʼune pauvreté matérielle, morale ou spirituelle – il faut quʼil y ait rencontre ; nous ne pouvons donc pas aller vers les pauvres avec lʼidée de faire seulement une bonne action et en repartant très vite. Il faut quʼils devien-nent pour nous des frères et que nous les rencontrions en vérité, en acceptant de les aimer et dʼêtre aimés dʼeux.

Conclusion : la transformation de nos plaies En cette soirée de Pâques, tout se transforme : les signes de la Passion deviennent source de joie pour les disciples ; les cœurs peureux se laissent remplir de lʼEsprit dʼaudace ; les in-telligences lentes à croire ce quʼont annoncé les Prophètes (Lc 24,25) sʼouvrent à la foi. Dans nos célébrations eucharistiques, le Christ ressuscité vient à notre rencontre pour prolonger en nous ces transformations, il nous invite à le rencontrer dans les Écritures, dans les sacrements, dans la présence des martyrs et dans les pauvres.

Il existe aussi, en chacun de nous, une réalité cachée qui attend la venue du Ressuscité : nos plaies personnelles, ces blessures qui proviennent de notre histoire marquée par le péché, le nôtre et celui dʼautrui, et qui marquent notre psychologie, notre vie spiri-tuelle, nos relations avec autrui. Le Christ ressuscité veut les transformer en sources de grâce. Nos plaies personnelles sont ainsi assimilées aux plaies du Ressuscité, et par elles lʼEsprit peut sʼécouler. Merveilles cachées de la Miséricorde !

Sainte Faustine, transformée par la Miséricorde, nous invite à prier ainsi : 12 Pape François: message pour la journée mondiale des pauvres, 19 novembre 2017.

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« Ô mon Dieu, que tu es bon, que ta miséricorde est grande, tu me visites avec de si grandes grâces ; moi, qui ne suis quʼune véritable poussière ! Tombant à tes pieds le visage contre terre, ô Seigneur, je confesse dans la sincérité de mon cœur que je nʼai en rien mérité la plus petite de tes grâces, et si tu me les accordes si largement, cʼest ton inconcevable bonté, voilà pourquoi plus grandes sont les grâces que reçoit mon cœur, plus il sʼenfonce dans une profonde humilité. » 13

13 Sainte Faustine (Héléna Kowalska), Petit Journal, disponible ici, nº1160-61.