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Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011 - e Algérie 150 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,50 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 4,25 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤, Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,50 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 700 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,50 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 10 DH, Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion1,90 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 30 KRS, Suisse 3,00 CHF, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,00 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA, Y aura-t-il un « miracle tuni- sien » ? Y aura-t-il dans ce pays, à juste titre réputé pour sa tolérance et sa sagesse, une transition démocratique paci- fique ? La question est posée au lendemain d’une étonnante révol- te de rue qui, pour la première fois dans un pays arabe, a chassé du pouvoir un régime dictatorial, corrompu et indigne. Ce qui va se jouer dans les prochains jours à Tunis dépasse le sort de la Tuni- sie, qui a vu, vendredi 14 janvier, s’effondrer comme un château de cartes l’autocratie « flicarde » que dirigeait le président Zine El-Abidi- ne Ben Ali. Il aura fallu 23 jours d’une révolte de la rue, dans toutes les villes du pays, pour mettre fin à 23 ans de régime Ben Ali. Des dizai- nes de Tunisiens sont morts dans ces manifestations réprimées par des tirs à balles réelles de la poli- ce. Elles ont culminé dans une journée de chaos, de pillages et d’affrontements armés vendredi à Tunis, la capitale, à l’issue de laquelle M. Ben Ali a fui son pays pour se réfugier en Arabie saoudite. L’état d’urgence a été déclaré ; l’armée a été déployée dans les rues pour tenter de rétablir l’or- dre à Tunis et alentour. La prési- dence par intérim est assurée par le premier ministre, Mohammed Ghannouchi. Celui-ci a autorisé le retour des opposants en exil et annoncé son désir de former un gouvernement d’unité nationale avant l’organisation d’élections. Rien n’est garanti, vraiment rien, tant le coup de colère qui s’est emparé du pays est profond, rage puisée dans des années d’hu- miliations et de peur, trop long- temps encaissées en silence. C’est une explosion qui était – large- ment – prévisible. Le régime Ben Ali, dont le bilan économique et social n’est pas négligeable, avait hermétiquement verrouillé tou- tes les possibilités d’expression politique ou sociale. Tout était contrôlé par le pouvoir – rares for- mations politiques autorisées, syndicats, justice, associations, presse, éditions, etc. Et même l’économie. Car la Tunisie de Ben Ali n’était pas seulement un régime policier brutal, elle relevait de l’autocratie kleptomane. La « famille », com- me disaient les Tunisiens pour parler des proches du président, et notamment de sa belle-famille, s’est emparée d’une partie de l’éco- nomie du pays – banques, touris- me, immobilier, etc. – par des moyens relevant purement et simplement du gangstérisme. Ces régimes-là finissent mal, toujours, et il n’est pire aveugle que ceux qui se refusent à les regarder pour ce qu’ils sont. Bra- vant torture, tabassages et autres exactions, l’opposition tunisien- ne a alerté, crié des années sans jamais être entendue à Paris. La France officielle, de François Mit- terrand à Nicolas Sarkozy, en pas- sant par Jacques Chirac, ne voulait pas entendre. Au nom d’une real- politk bien peu réaliste et bien peu politique, Paris a multiplié les complaisances à l’adresse de Ben Ali. Au prétexte que le régime pro- tégeait le pays de l’islamisme – a moins qu’il ne l’ait nourri –, on se refusait à en reconnaître la vraie nature. L’avenir dira que ce ne fut pas seulement une faute morale, mais aussi, et plus encore, une erreur politique. p Diplomatie Généalogie de la relation Paris-Tunis. Page trois et page 5 Politique Une nouvelle ère dans l’histoire de la Tunisie. Page 4 Portrait Un dictateur choyé par les Occidentaux. Page 6 Médiator : autopsie d’un scandale sanitaire S amedi matin, l’élection de Marine Le Pen à la tête du Front national ne faisait aucun doute. La fille de Jean-Marie Le Pen l’aurait emporté sur Bruno Gollnisch avec un peu plus de deux tiers des voix. Dans un entretien au Monde, l’historien Michel Winock analyse l’évolution du FN, estimant que « l’européanisation du national- populisme dilue la spécificité du lepénisme ». En outre, et c’est là un piège tendu à la fois à la droite et à la gauche, Michel Winock insiste sur le fait que « l’extrême droite use d’une pirouette qui consiste à utili- ser l’arme historique de ses adver- saires – la laïcité – à ses propres fins ». p Lire pages 8 et 9 Médicament Remis au ministre de la santé, Xavier Bertrand, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur le Mediator devait confirmer les responsabilités du groupe pharmaceutique Servier et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. M. Bertrand devait prôner la transparence en matière de conflits d’intérêts et envisager la création d’un fonds d’indemnisation des victimes. « Le Monde » fait le récit de ce scandale sanitaire, à l’origine de la mort d’au moins 500 personnes. Lire pages 9, 14 et 15 Editorial La Tunisie face au choc de l’après-Ben Ali Marine Le Pen et le « national- populisme » A Tunis, l’espoir d’une transition démocratique UK price £ 1,50 CHAQUE MOIS, UNE SÉLECTION DES MEILLEURS ARTICLES DU MONDE. POUR VOUS ABONNER : www.lemonde.fr/abolemensuel t Président depuis vingt-trois ans, M. Ben Ali a fui en Arabie saoudite, chassé par une révolte contre l’arbitraire du régime et sa corruption Le regard de Plantu Tunis Envoyées spéciales V ous réalisez ? On va avoir un prési- dent qu’on aura élu, nous ? » Myriam Karoui, 37 ans, directrice de production à Nesma TV, n’en revient pas. Ce vendredi 14 janvier, « c’est la naissance de la jeune Tunisie », exulte Bilal Khefifi, 29 ans, ingénieur en informatique. Au numéro 3 de la rue Kemal-Atatürk, tout près de l’avenue Bourguiba, une cin- quantaine de manifestants se sont réfu- giés dans un appartement du deuxième étage pour échapper aux gourdins des miliciens, lâchés hors de contrôle dans les rues de la capitale. La nouvelle de la fuite du président Zine El-Abidine Ben Ali, les « séquestrés » de la rue Atatürk l’ont appri- se, vers 18 heures, par un SMS. Une cla- meur de joie a jailli des poitrines. C’est la première révolution dans le monde arabe. Ici, en Tunisie. Oui, vrai- ment, Myriam, Bilal et les autres n’en reviennent pas. Pendant un court instant de liesse, chacun se congratule, applaudit. On sort un drapeau tunisien. Isabelle Mandraud et Catherine Simon aLire la suite page 4 Affrontements vendredi dans une avenue de Tunis, quelques heures avant la fuite du président Ben Ali. FETHI BELAÏD/AFP upbybg

Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

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Page 1: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011 - e

Algérie 150 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,50 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 4,25 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤, Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,50 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 700 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,50 ¤, Malte 2,50 ¤,Maroc 10 DH, Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion1,90 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 30 KRS, Suisse 3,00 CHF, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,00 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA,

Y aura-t-il un « miracle tuni-sien » ? Y aura-t-il dans cepays, à juste titre réputé

pour sa tolérance et sa sagesse,une transition démocratique paci-fique? La question est posée aulendemain d’une étonnante révol-te de rue qui, pour la premièrefois dans un pays arabe, a chassédu pouvoir un régime dictatorial,corrompu et indigne. Ce qui va sejouer dans les prochains jours àTunis dépasse le sort de la Tuni-sie, qui a vu, vendredi 14 janvier,s’effondrer comme un château decartes l’autocratie « flicarde » quedirigeait le président Zine El-Abidi-ne Ben Ali.

Il aura fallu 23 jours d’unerévolte de la rue, dans toutes lesvilles du pays, pour mettre fin à23 ans de régime Ben Ali. Des dizai-nes de Tunisiens sont morts dansces manifestations réprimées pardes tirs à balles réelles de la poli-

ce. Elles ont culminé dans unejournée de chaos, de pillages etd’affrontements armés vendredià Tunis, la capitale, à l’issue delaquelle M. Ben Ali a fui son payspour se réfugier en Arabiesaoudite.

L’état d’urgence a été déclaré ;l’armée a été déployée dans lesrues pour tenter de rétablir l’or-dre à Tunis et alentour. La prési-dence par intérim est assurée parle premier ministre, MohammedGhannouchi. Celui-ci a autorisé leretour des opposants en exil etannoncé son désir de former ungouvernement d’unité nationaleavant l’organisation d’élections.

Rien n’est garanti, vraimentrien, tant le coup de colère quis’est emparé du pays est profond,

rage puisée dans des années d’hu-miliations et de peur, trop long-temps encaissées en silence. C’estune explosion qui était – large-ment – prévisible. Le régime BenAli, dont le bilan économique etsocial n’est pas négligeable, avaithermétiquement verrouillé tou-tes les possibilités d’expressionpolitique ou sociale. Tout étaitcontrôlé par le pouvoir – rares for-mations politiques autorisées,syndicats, justice, associations,presse, éditions, etc. Et mêmel’économie.

Car la Tunisie de Ben Ali n’étaitpas seulement un régime policierbrutal, elle relevait de l’autocratiekleptomane. La « famille», com-me disaient les Tunisiens pourparler des proches du président,et notamment de sa belle-famille,s’est emparée d’une partie de l’éco-nomie du pays – banques, touris-me, immobilier, etc. – par des

moyens relevant purement etsimplement du gangstérisme.

Ces régimes-là finissent mal,toujours, et il n’est pire aveugleque ceux qui se refusent à lesregarder pour ce qu’ils sont. Bra-vant torture, tabassages et autresexactions, l’opposition tunisien-ne a alerté, crié des années sansjamais être entendue à Paris. LaFrance officielle, de François Mit-terrand à Nicolas Sarkozy, en pas-sant par Jacques Chirac, ne voulaitpas entendre. Au nom d’une real-politk bien peu réaliste et bienpeu politique, Paris a multiplié lescomplaisances à l’adresse de BenAli. Au prétexte que le régime pro-tégeait le pays de l’islamisme – amoins qu’il ne l’ait nourri –, on serefusait à en reconnaître la vraienature. L’avenir dira que ce ne futpas seulement une faute morale,mais aussi, et plus encore, uneerreur politique. p

Diplomatie Généalogie de la relationParis-Tunis. Page trois et page 5Politique Une nouvelle èredans l’histoire de la Tunisie. Page 4Portrait Un dictateurchoyé par les Occidentaux. Page 6

Médiator:autopsied’unscandalesanitaire

S amedi matin, l’élection deMarine Le Pen à la tête duFront national ne faisait

aucun doute. La fille de Jean-MarieLe Pen l’aurait emporté sur BrunoGollnisch avec un peu plus dedeux tiers des voix.

Dans un entretien au Monde,l’historien Michel Winock analysel’évolution du FN, estimant que« l’européanisation du national-populisme dilue la spécificité dulepénisme ». En outre, et c’est là unpiège tendu à la fois à la droite et àla gauche, Michel Winock insistesur le fait que « l’extrême droite used’une pirouette qui consiste à utili-ser l’arme historique de ses adver-saires – la laïcité – à ses propresfins». p Lire pages8 et9

Médicament Remis au ministre de la santé, XavierBertrand, le rapport de l’Inspection générale des affairessociales sur le Mediator devait confirmer lesresponsabilités du groupe pharmaceutique Servier et del’Agence française de sécurité sanitaire des produits desanté. M. Bertrand devait prôner la transparence enmatière de conflits d’intérêts et envisager la créationd’un fonds d’indemnisation des victimes. « Le Monde »fait le récit de ce scandale sanitaire, à l’origine de la mortd’au moins 500 personnes. Lire pages9, 14 et15

Editorial

LaTunisie face au choc del’après-Ben Ali

MarineLePenetle«national-populisme»

A Tunis, l’espoir d’une transition démocratique

UK

pric

1,50

CHAQUE MOIS, UNE SÉLECTION

DES MEILLEURS ARTICLES DU MON

DE.

POUR VOUS ABONNER : www.lemon

de.fr/abolemensuel

t Président depuis vingt-trois ans, M.Ben Ali a fui en Arabie saoudite, chassé par une révolte contre l’arbitraire du régime et sa corruption

Leregard dePlantu

TunisEnvoyées spéciales

V ous réalisez ? On va avoir un prési-dent qu’on aura élu, nous ? »Myriam Karoui, 37ans, directrice de

production à Nesma TV, n’en revient pas.Ce vendredi 14 janvier, « c’est la naissancede la jeune Tunisie », exulte Bilal Khefifi,29 ans, ingénieur en informatique.

Au numéro 3 de la rue Kemal-Atatürk,tout près de l’avenue Bourguiba, une cin-quantaine de manifestants se sont réfu-giés dans un appartement du deuxièmeétage pour échapper aux gourdins desmiliciens, lâchés hors de contrôle dans lesrues de la capitale. La nouvelle de la fuitedu président Zine El-Abidine Ben Ali, les«séquestrés » de la rue Atatürk l’ont appri-se, vers 18 heures, par un SMS. Une cla-meur de joie a jailli des poitrines.

C’est la première révolution dans lemonde arabe. Ici, en Tunisie. Oui, vrai-ment, Myriam, Bilal et les autres n’enreviennent pas. Pendant un court instantde liesse, chacun se congratule, applaudit.On sort un drapeau tunisien.

Isabelle Mandraud et Catherine Simon

aLire la suite page 4

Affrontementsvendredi dans une

avenue de Tunis,quelques heures avant

la fuite du présidentBen Ali. FETHI BELAÏD/AFP

upbybg

Page 2: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

A Roubaix, les geeks donnent l’exemple

Les faits

L’histoire GeoffroyDeffrennes (Lille, correspondant)

aInternationalM.BenAli s’est réfugié enArabiesaoudite aprèsavoir quittéla TunisieLe président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali a quitté le pays, vendredi14janvier, après avoir cédé le pouvoir à son premier ministre MohamedGhannouchi, nommé chef de l’Etat par intérim. M. Ben Ali est arrivé enArabie saoudite alors que la France semble avoir refusé de l’accueillir.L’annoncede son départ après un mois de contestation aété suivie de scè-nes de pillage dans les rues de Tunis. L’armée a été déployée pour tenterde rétablir l’ordre alors qu’un couvre-feu nocturnea été décrété. M. Ghan-nouchi, qui a autorisé le retour des opposants en exil, a prévu de rencon-trer, samedi 15 janvier, des représentants des partis politiques, pour ten-ter de former un gouvernement d’union. Lire pages3 à6n Sur Lemonde.fr : portfolio sonore; entretien avec LarbiChouikha, politologue et militant de la Ligue tunisienne des droitsde l’homme; la lettre de démission envoyée par l’ambassadeur deTunisie auprès de l’Unesco, Mezri Haddad.

EnJordanie,manifestationscontrel’inflation etle gouvernementDes milliers de personnes ont manifesté dans le calme, vendredi 14 jan-vier, dans plusieurs villes de Jordanie pour protester contre le chômageet l’inflation, et réclamer la chute du gouvernement. Environ 8000 per-sonnes, selon des organisateurs, ont manifesté notamment à Amman,Irbid (nord du pays), Salt (ouest), Karak, Ma’an et Diban (sud), sansqu’aucun incident ne soit enregistré. « La Jordanie n’est pas que pour lesriches», « Méfiez vous de notre faim et de notre fureur», « A bas le gouver-nement Rifaï », « Salutations aux Tunisiens libres », ou encore « 2011,année des changements dans le monde arabe », pouvait-on lire sur desbanderoles brandies par les manifestants. Lire page5

Côted’Ivoire: M.Ouattara appelleàl’usage dela force contreM.GbagboAlassane Ouattara, reconnu président ivoirien par la communauté inter-nationale,a appelé vendredi 14 janvierau recours à laforce pour faire par-tir Laurent Gbagbo du pouvoir, à 48 heures de la venue à Abidjan d’unenouvelle médiation africaine pour tenter de dénouer la crise. MaisM. Ouattara semble tirer un trait sur une solution diplomatique : « Lastratégie de M. Gbagbo est de gagner du temps », a-t-il lancé. « Je ne veuxpas d’effusion de sang », a-t-il cependant assuré, accusant le camp Gbag-bo d’être en train d’importer des munitions et d’organiser le recours àenviron 3 000 mercenaires.L’Union européenne a, de son côté, accru la pression sur M. Gbagbo et 84de ses proches, en décidant de geler leurs avoirs en Europe, notammentdans le secteur du cacao et du pétrole.

aFranceMarineLePen devrait succéderàson pèreà la têteduFront nationalLe XIVe congrès du Front national qui s’ouvre samedi 15 janvier à Toursverra son chef historique Jean-Marie Le Pen passer le flambeau à sa filleMarine après trente-huit ans de règne sur le parti. Marine Le Pen l’auraiten effet emporté, vendredi 14janvier, sur son rival Bruno Gollnisch poursuccéder à son père à la tête du Front national. Le résultat du vote desadhérents ne sera officiellement proclamé que dimanche 16 janvier àTours, mais le dépouillement a eu lieu vendredi soir, et le secret exigé parJean-Marie Le Pen n’a tenu que quelques heures. Lire pages8 et9

Reconstitution jugéeinfructueusedansl’affaire deTarnacDans la nuit du jeudi 13 au vendredi 14 janvier, une reconstitution a étémenée près d’une ligne de TGV en Seine-et-Marne dans l’enquête visantdix personnes dans l’affaire de Tarnac pour des sabotages de lignes SNCFavec un fer à béton dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008. Julien Coupat,présenté comme le chef du groupe de supposés activistes, et son amieYldune Lévy y ont participé, sous forte surveillance. Leur présence dansla zone du sabotage, peu avant les faits, est avérée, car ils étaient alors sui-vis par la police. Pour Me Jérémy Assous, un des avocats de la défense, cet-te reconstitution, jugée infructueuse, n’avait aucun intérêt, car les jugesn’avaient pas convoqué les policiers auteurs de la filature.Les suspects ont tous été libérés après leur emprisonnement initial, etl’enquête semble marquer le pas depuis, mais les demandes d’annula-tion de procédure ont néanmoins échoué à la cour d’appel en octo-bre 2010.

aEconomieBPetRosneft s’allient pourexploiterlesgisements pétroliers del’ArctiqueLa compagnie pétrolière publique russe Rosneft a annoncé son entrée aucapital du groupe britannique BP en vue d’une exploitation conjointed’énormes gisements d’hydrocarbures très convoités en Arctique. Lazone présenterait des ressources comparables à celles de la mer du Nord.Rosneft détient déjà des permis d’exploiter dans ce secteur. Cet accordannoncé conjointement de Moscou et de Londres a été scellé entre le pre-mier ministre Vladimir Poutine et le directeur général de BP RobertDudley, lors d’un entretien vendredi 14 janvier. Il se concrétisera par unéchange de participations entre les deux compagnies. Rosneft détiendra5% du britannique, et BP 9,5% de Rosneft, une transaction représentant16milliards de dollars (11,95 milliards d’euros).

D ans la nuit du 27 décembre 2010, un

incendie ravage le stock du Secours

populaire du Nord, installé depuis

peu à Roubaix : 4 000palettes de produits ali-

mentaires, destinés à nourrir 15 000 familles

pendant six mois, partent en fumée. Une per-

te de 6 millions d’euros pour l’association,

soit la valeur de la dotation de la banque ali-

mentaire européenne qu’elle venait tout

juste de recevoir. Octave Klaba, 37 ans, dirige

l’entreprise roubaisienne OVH, premier

hébergeur français de contenus Internet,

dont les serveurs ultrasécurisés abritent

WikiLeaks. Il s’émeut en découvrant les rui-

nes de l’entrepôt.

Le jeune patron décide, le 29 décembre,

d’envoyer un post à tous ses clients. «Le quar-tier sent encore la fumée, écrit-il. On ne peutpas se contenter de ralentir en passant àcôté.» M. Klaba annonce alors qu’il donnera

au Secours populaire l’intégralité de son chif-

fre d’affaires de la journée du lendemain.

L’idée est simple : plus ses clients feront

appel aux services de l’hébergeur, plus le

don sera important. «Le montant ne dépendque de vous », résume-t-il. La proximité du

réveillon est peu propice, mais, fait remar-

quer M. Kabla, «les vrais geeks sont toujoursconnectés ». 341 224 euros sont encaissés. Et le

31décembre, il signe le chèque au Secours

populaire. «C’est peu, écrit-il à ses clients,

toujours par mail, cela permettra de tenir seu-lement deux semaines. Je vous invite à m’imi-ter. »

Des centaines d’enveloppesEn dépit de la success story de son entrepri-

se, ce fils d’immigré polonais, arrivé dans le

Nord en 1990 à l’âge de 16 ans, ne se prend

pas pour Warren Buffett ou Bill Gates. Son

épouse, Stéphanie, chargée des relations

extérieures, prévient le Secours populaire

qu’OVH ne communiquera pas sur son geste.

Un simple entrefilet paraît dans la presse

locale. D’autres dons arrivent : Carrefour

envoie 50 000 euros et le fait savoir, le

conseil général du Nord offre 100 000 euros,

des particuliers, souvent modestes, adres-

sent des centaines d’enveloppes. « Quand lepatron d’OVH nous a appelés, explique Chris-

telle Danglot, chargée de la communication

de l’association, il nous a parlé du chiffre d’af-faires d’une journée, mais je ne voyais pas dutout ce que cela pouvait représenter. Il a évo-qué la somme de 200 000 euros. J’étais déjàsans voix… En outre, nous sommes plutôt habi-tués aux entreprises qui font des dons avec l’es-poir d’en retirer un bonus en termes d’image.Là, ce n’était pas le sujet. »

Le Secours populaire avait récolté, au

12janvier, 776 000 euros, dont plus de la moi-

tié grâce à OVH. L’association a ainsi de quoi

couvrir ses besoins du mois de janvier, mais

il reste plus de 5 millions à trouver pour les

cinq prochains mois. La maire de Lille, Marti-

ne Aubry, a annoncé qu’elle allait proposer

au conseil communautaire de Lille Métropo-

le une aide de 50 000 euros, à laquelle s’ajou-

teront 20000 euros de la ville de Lille. p

Société éditrice du « Monde » SAPrésident du directoire, directeurde la publication : Louis DreyfusSecrétaire général du directoire :Pierre-Yves RomainDirecteur du «Monde»,membre du directoire: Eric FottorinoDirecteur adjoint : Laurent GreilsamerEditeur : Michel SfeirDirectrice de la rédaction : Sylvie KauffmannDirecteurs éditoriaux : Gérard Courtoiset Alain Frachon.Rédacteurs en chef : Jean-Jacques Bozonnet,Michel Kajman, Franck Nouchi, Isabelle Talès,Didier Pourquery (« Le Monde Magazine »).Chef d’édition : Françoise Tovo.Directrice artistique : Sara Deux.Veille de l’information : Eric Azan.Secrétaire général : Jean-Pierre GiovencoMédiatrice : Véronique MaurusConseil de surveillance : Pierre Bergé, prési-dent. Gilles van Kote, vice-présidentLe Monde est édité par la Société éditrice du « Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000.Capital social : 149 017 497 ¤. Actionnaire principal : Le Monde SA.

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Les scores

Les chiffres

Les gens L’agendat JeanPaulIIvaêtrebéatifiéLe pape polonais Jean Paul II, deson véritable nom Karol Wojtyla,mort en avril 2005, à l’âge de84ans, sera béatifié le 1er mai, aprèsl’approbation, vendredi 14janvier,par l’actuel souverain pontifeBenoît XVI, d’un décret validantun miracle attribué à son prédéces-seur. Cette béatification intervientdans un délai record, bien infé-rieur aux cinq ans habituellementrespectés avant d’engager ce typede procédure. Lire page7

t SatsukiEda,ministrejaponaiscontrelapeinedemort

Légiste diplômé de l’université deTokyo et d’Oxford, Satsuki Eda,69 ans, a été nommé, vendredi14janvier, ministre de la justicepar le premier ministre japonais,Naoto Kan. Farouchement opposéà la peine de mort, il est l’un desmembres fondateurs d’un groupede parlementaires japonais quisoutiennent les activités d’Amnes-ty International. (PHOTO AFP)

Paniquemeurtrièreen Inde

tLundi 17 janvierGrèce Procès à Athènes des mem-bres du groupe Conspiration descellules de feu, accusés d’avoiradressé des colis piégés, débutnovembre 2010, à plusieurs diri-geants étrangers.Irak 20e anniversaire de l’opéra-tion «Tempête du désert ».DépendanceLancement de l’asso-ciation Carrefour des aînés par ledéputé Philippe Viel et l’écono-miste Hervé Juin.Energie Sommet mondial surl’énergie du futur à Abou Dhabi(jusqu’au 20janvier).Presse Annonce par Steve Jobs etRupert Murdoch de la mise enligne de The Daily, quotidien diffu-sé uniquement sur iPad.

tMardi 18janvierDiplomatie Visite d’Etat à Wash-ington du président chinois, HuJintao (jusqu’au 21).Rwanda Procès pour génocide, àFrancfort, du Rwandais Onespho-re Rwabukombe, ancien maire deMuvumba.Sécurité Examen en deuxièmelecture au Sénat du projet de loide programmation sur la sécuritéintérieure, Loppsi2.Justice Examen du projet de loisur la garde à vue à l’Assembléenationale.Banque Prise de fonctions de Phi-lippe Wahl au poste de présidentde La Banque postale.

tMercredi 19janvierEuropedu Nord Sommet des Paysbaltes et nordiques, à Londres (jus-qu’au 20).Grand Paris Réunion du Club duGrand Paris, élargie aux prési-dents des huit conseils générauxfranciliens.Justice Arrêt de la cour d’appelconcernant Alain Péligat, un dessix membres de L’Arche de Zoé.Ouverture du procès en appel del’angolagate.

tJeudi 20janvierAfghanistan Session inauguraledu nouveau Parlement de Kaboul.PS Meeting de Ségolène Royal àBully-les-Mines (Nord).Justice Nouveau procès en appelde cinq ex-détenus français deGuantanamo relaxés enfévrier 2010 (jusqu’au 28).Transport Approbation officiellede l’accord international sur lescrédits à l’export dans l’aéronauti-que entre l’Union européenne, lesEtats-Unis, le Canada, le Japon etle Brésil.Etats-Unis Deuxième anniversai-re de l’entrée en fonctions deBarack Obama.

tVendredi 21 janvierIranRéunion à Istambul sur le pro-gramme nucléaire iranien (jus-qu’au 22).EmploiRéunion àParis desorgani-sations syndicales sur l’avenir del’Association pour l’emploi descadres (Apec).Culture 2oe festival de musiqueSons d’hiver, dans le Val-de-Mar-ne (jusqu’au 12février).Vœux Présentation des vœux deNicolas Sarkozy aux représen-tants des hautes juridictions.

tSamedi 22janvierUMP Rencontre entre le secrétairegénéral de l’UMP, Jean-FrançoisCopé, et les Jeunes Populaires.Centre Conseil national du Nou-veau Centre.

tHandballLes favoris réussissentleur entrée dans le MondialLa France, tenante du titre mon-dial, a commencé le tournoi de han-dball disputé en Suède en s’impo-sant lors de son premier match,vendredi 14janvier, face à la Tuni-sie (32-19), grâce à 6 buts de NikolaKarabatic et 5 de Luc Abalo. La Croa-tie, battue par les Bleus en finaledu dernier Euro et du dernier Mon-dial, a battu la Roumanie (27-21).

24heuresdans lemonde

tJustice

60544personnesincarcéréesenFranceLe nombre de détenus dans les pri-sons françaises s’élevait, au 1er jan-vier, à 60 544 personnes pour56 358 places opérationnelles, aindiqué, vendredi 14 janvier, l’ad-ministration pénitentiaire. Cechiffre est en baisse de 0,7% com-paré à janvier 2010. Le nombredes personnes en détention provi-soire dans l’attente d’un juge-ment s’élevait à 15 702 pour 44 842personnes condamnées.

Une bousculade provoquée parun accident de la route a fait102morts, vendredi 14janvier, par-mi une foule de pèlerinshindouïstes dans le Kerala, unEtat du sud de l’Inde. Des centai-nes de milliers de pèlerinss’étaient rassemblés vendredi soirdans un sanctuaire situé à Sabari-mala, au dernier jour de fêtes reli-gieuses en cours depuis deuxmois. Un autocar ramenant despèlerins dans l’Etat voisin, le Kar-nataka, est entré en collision avecune Jeep. Le car a écrasé des pas-sants, et les pèlerins, pris de pani-que, ont provoqué une bouscula-de meurtrière. (PHOTO REUTERS)

0123 est édité par la Société Editrice du Monde (SA).La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’adminis-tration. Commission paritaire des publications et agences de pressen° 0712 C 81975 ISSN 0395-2037

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Imprimerie du Monde12, rue Maurice-Gunsbourg,

94852 Ivry cedex

80, bd Auguste-Blanqui,75707 PARIS CEDEX 13Tél : 01-57-28-39-00Fax : 01-57-28-39-26

Président :David GuiraudDirectrice générale :

Bénédicte Half-Ottenwaelter

0123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

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Sur les images, NicolasSarkozy et Zine el-Abidi-ne Ben Ali ne cessent desourire. Carla Bruni por-te une robe printanière.La secrétaire d’Etat aux

droits de l’homme, Rama Yade, setient légèrement en retrait. Cettedernière « ne se souvient plus trèsbien aujourd’hui du voyage», maiselle affirme qu’elle a pu « évoquerquelques dossiers» avec son homo-logue du gouvernement tunisien.

A l’époque, pourtant, lorsqueM.Sarkozy se rend avec sept de sesministres les 28, 29 et 30avril 2008en visite d’Etat auprès du présidenttunisien, les propos du présidentfrançais frappent, c’est le moinsque l’on puisse dire. « Certains sontbiensévèresaveclaTunisie,quidéve-loppesurbiendespointsl’ouvertureet la tolérance», explique M.Sarko-zy, avant d’affirmer que « l’espacedes libertés progresse ».

M. Sarkozy n’est pas le premierprésidentfrançaisàafficherunetel-le indulgence à l’égard du régimetunisien. Tous ses prédécesseursont fait preuve avant lui, sinon decomplaisance, au moins d’une pru-dence extrême à l’égard de cetancien protectorat français.

En1988,leprésidentBenAli, fraî-chement arrivé au pouvoir, estreçu en grande pompe à Paris parFrançois Mitterrand, lors d’undînerdegalaréunissant215 person-nalités françaises. En 1991, le prési-dent socialiste, en visite à Tunis,déclare : « La Tunisie est un paysaccueillant et les Français quiaiment venir en Tunisie pour leursvacances auraient bien tort des’écarter de ce chemin. C’est un paysoù l’on peut vivre dans des condi-tions de confort et d’agrément trèsgrandes.»En1995,c’estleprésidentChirac qui rend hommage à BenAli, affirmant qu’il a engagé sonpays « sur la voie de la modernisa-tion, de la démocratie et de la paixsociale », évoquant l’ouverture duParlement aux « représentants dedivers courants d’opinion » et son«audace économique et sociale».

Cesderniersjours,encore,laclas-se politique française a fait preuved’une frilosité remarquée àcondamner la répression opéréepar le régime contre les milliers demanifestants. Mercredi 12 janvier,en conseil des ministres, puis jeudimatin lors du petit déjeuner de la

majorité, M. Sarkozy a bien portéunjugementplussévèresurlerégi-me tunisien. Mais, rapporte l’un deses ministres, « il a rappelé que l’onne sait pas forcément si un autredirigeant serait mieux à même depréserver le pays contre les intégris-tes religieux ».

Si près de 600 000 Tunisiensvivent en France (40 % en Ile-de-France, 12% dans la région lyonnai-se et 8% à Marseille), la France estégalement l’un des premiers inves-tisseursenTunisie.22000 Françaisy sont installés. Près de 60 % sontdes commerçants, des cadres supé-rieurs ou des chefs d’entreprise,10% des médecins, des avocats oudes enseignants et 30 % desemployés, des exploitants agrico-les ou des retraités.

Des hommes politiques fran-çais, comme le ministre Pierre Lel-louche ou Bertrand Delanoë, sontnés en Tunisie et y conservent desattaches familiales ou des mai-sons. Le ministre de l’industrie etde l’économie numérique, EricBesson, lui-même né au Maroc, aépousé Yasmine Tordjman, arriè-re-petite-fille de l’ancienne pre-mière dame de Tunisie, WassilaBourguiba.

« Jusqu’ici, dénonce le sénateursocialiste Jean-Pierre Sueur, quipréside le groupe d’amitié franco-tunisien au Sénat, la France s’estabritée derrière le fait que le paysest le bon élève du Maghreb enmatière d’éducation, de droit desfemmes et d’enseignement du fran-çais pour expliquer que la Tunisie

est un rempart contre l’islamismeet justifier son silence sur sa situa-tion politique.»

De nombreuses personnalitéspolitiques, du monde des affaireset parfois de la presse ont été régu-lièrement invitées par le régimeBen Ali dans des campements deluxe du désert tunisien. Deuxanciens ambassadeurs de Franceen Tunisie, l’amiral Lanxade (quifut aussi le chef d’Etat-major desarmées sous François Mitterrand)et Serge Degallaix (qui fut l’un desconseillers de Jean-Pierre Raffarin),sont devenus d’ardents promo-teurs de la Tunisie.

L’agence de communicationfrançaise Image 7, fondée par AnneMéaux, détient le contrat de l’AT-CE,l’Agencetunisiennedecommu-

nication extérieure,et organisedesvoyages afin de faire valoir lesatouts du pays. Le vice-présidentd’Havas, Jacques Séguéla, était enoctobre 2010 en Tunisie pour lan-cer son agence et passe pour avoirconseillé le président Ben Ali, cequ’il dément au Monde.

Mais cette connivence va par-

fois plus loin. L’un des mémos del’ambassade américaine en Tuni-sie, obtenus par le site WikiLeaks etrévélés par Le Monde, a ainsi ététitré « The French Connection ». Ony apprend que l’un des anciensambassadeurs de France est vu« comme l’ambassadeur de Ben Aliauprès du président de la Républi-que française et non le contraire ».Le mémo rapporte que cet ambas-sadeur aurait reçu du gouverne-menttunisienunevillasituéedansunerue huppée de Tunis proche dela présidence, la résidence ayantété mise au nom de sa fille.

Enfin, la France a parfois ferméles yeux sur les agissements d’unepartie de la famille Ben Ali. Entre lafin 2005 et le printemps 2006,trois yachts ont ainsi été volés dansdes ports français, dont l’un appar-tenant à Bruno Roger, dirigeant dela banque d’affaires Lazard Frères,à Paris, et proche de Jacques Chiracet de Nicolas Sarkozy. L’enquête apermis de remonter auxconvoyeurs des bateaux dont l’una avoué qu’ils avaient été remis àdes neveux du président Ben Ali.

De fait, les yachts ont été retrou-vés à Sidi Bou Saïd, le Saint-Tropeztunisien. Les enquêteurs, par lebiaisd’écoutes,ontapprisqueJean-Baptiste Andréani, l’assureur d’undes trois yachts (le Beru Ma), négo-ciait avec Tunis pour obtenir lerapatriement du navire et quecelui-ci était en contact avec le pré-sident Chirac et M.Sarkozy, à l’épo-que ministre de l’intérieur.

In fine, faute de pouvoir faireéteindre les poursuites visant lesneveux du chef de l’Etat, Tunis aobtenu, en liaison avec l’Elysée, deles faire juger dans leur pays.Seuls les comparses ont donc étéprésentés devant un tribunal fran-çais. En Tunisie, le procès n’ajamais eu lieu. p

Raphaëlle Bacqué

et Jean-Pierre Tuquoi

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Le couple Sarkozy et le président Ben Ali, à Tunis, en avril 2008, et en arrière-plan Brice Hortefeux et Michèle Alliot-Marie. F. BELAID/AFP

Unappel augouvernement françaisPoint de vue Sept intellectuels français fustigent le silence de Paris

Pagetrois

Dèssaprisedepouvoiren1988,etjusqu’auxdernièresheuresavantsachute,leprésidentBenAliabénéficiédel’indulgencedelaclassepolitiquefrançaise

Une France trèsprotectrice

LA RÉVOLTE du peuple tunisien,qui dure maintenant depuis unmois, s’est soldée à ce jour par lamort de plus de 50 personnestombées sous les balles de la poli-ce du régime. Cette révolte, initia-lement cantonnée à des revendi-cations sociales, s’est vite transfor-mée à la surprise de tous en unerévolte ouvertement politique.Les manifestants, plus nombreuxchaque jour, ont provoqué ledépart du président Ben Ali et desa famille, et réclament l’avène-ment d’un régime démocratique.

Face à cette situation dramati-que dont les enjeux n’échappentà personne, le gouvernement fran-çais a d’abord réagi par un silenceassourdissant. Puis ont suivi uncertain nombre de déclarationssidérantes : celles du ministre del’agriculture, Bruno Le Maire esti-mant que le président Ben Aliétait « souvent mal jugé » ; celle duministre de la culture, FrédéricMitterrand, osant affirmer : « Direque la Tunisie est une dictatureunivoque, comme on le fait si sou-vent, me semble tout à fait exagé-

ré » ; celle de François Baroin, por-te-parole du gouvernement, décla-rant que « déplorer les violences,appeler à l’apaisement, faire partde ses préoccupations, c’est uneposition équilibrée que défendaujourd’hui la France au regardde la situation tunisienne » ; enfin,celle de la ministre des affairesétrangères, Michèle Alliot-Marie,appelant devant l’Assembléenationale à « déplorer les violen-ces », ajoutant que « la prioritédoit aller à l’apaisement après desaffrontements qui ont fait desmorts », suggérant enfin que « lesavoir-faire, reconnu dans le mon-de entier, de nos forces de sécuritépermette de régler des situationssécuritaires de ce type ».

« C’est la raison pour laquellenous proposons effectivementaux deux pays [Algérie et Tunisie]de permettre, dans le cadre de noscoopérations, d’agir pour que ledroit de manifester puisse se faireen même temps que l’assurancede la sécurité. » Une proposition sistupéfiante qu’elle a disparu de laversion finale du communiqué

transmis par le ministère desaffaires étrangères.

Marquée par une déshonoran-te tradition de complaisance àl’égard de la dictature tunisienne,la position du gouvernementfrançais est devenue intenable.Tous les arguments mobilisésdepuis vingt ans par la Franceavec la plus grande mauvaise foi(« le régime de Ben Ali n’est pasune vraie dictature», « il est unrempart contre l’islamisme », « iln’y a pas d’opposition ni d’alterna-tive politique »), ont volé en éclatsen l’espace de quelques semaines.Le peuple tunisien se bat pour seslibertés civiles et réclame sondroit à vivre dans une démocra-tie.

Occasion historiquePour cette raison, nous appe-

lons toutes et tous à faire partpubliquement de leur soutienaux revendications du peupletunisien, et nous exigeons du gou-vernement et de la diplomatiefrançaise, comptables devant lescitoyens français et devant nos

concitoyens franco-tunisiens, ain-si que les Tunisiens vivant enFrance, de prendre acte de la légiti-mité de ces revendications etd’agir en conséquence, en affir-mant enfin, et de façon claire, unsoutien au peuple tunisien en lut-te contre un régime violemmentrépressif.

Il ne s’agit pas seulement làd’une question de principe : il estégalement dans l’intérêt de tousque le gouvernement français ces-se de soutenir un régime honni etd’ores et fortement ébranlé, etqu’il saisisse cette occasion histo-rique de contribuer à l’avène-ment d’une démocratie authenti-que dans le monde arabe. p

Etienne Balibar, professeur émérite del’université Paris-X (Nanterre) ; EstherBenbassa, directrice d’études à l’EPHE(Sorbonne) ; Luc Boltanski, directeurd’études à l’EHESS ; Robert Castel,directeur d’études à l’EHESS ; JacquesRancière, professeur émérite à l’universi-té Paris-VIII (Saint-Denis) ; Pierre Rosan-vallon, professeur au Collège de France ;Dominique Schnapper, sociologue

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«Une conférencenationale pour doter le pays d’une nouvelle Constitution»

L e pouvoir est à prendre àTunis. Le sera-t-il par ceuxqui,civilsou militaires, furent

les collaborateurs plus ou moinszélés de l’ancien président Ben Ali ?Par des « démocrates », opposantsde toujours au régime ? Ou par desislamistesdu parti Ennahda ?

Au lendemain de la fuite préci-pitée, sous la pression de la rue, del’ancien chef de l’Etat et d’une par-tie de sa famille vers l’Arabie saou-dite, tout est fait à Tunis pour pré-server un semblant de légalité.

Mettant en avant l’article 59 dela Constitution, le premier minis-

tre, Mohammed Ghannouchi, aannoncé, vendredi soir 14 janvier,qu’il assumait « provisoirement (…)lachargedeprésidentparintérim».Dans une brève allocution, il s’estengagé à « respecter la Constitutionetàmettreenœuvretouteslesréfor-mes (…) annoncées en collaborationavec les partis politiques et les com-posantes de la société civiles ».

Premier ministre depuis onzeans, Mohammed Ghannouchi,69 ans, n’était pas un intime deBen Ali. Haut fonctionnaire de for-mation, plus économiste que poli-tique, peu connu des Tunisiens, il

n’apas été impliquédans la répres-sion.Lesaffaires touchantàla sécu-rité se traitaient en dehors de lui.Mais il a laissé faire et a accepté lamainmise sur la vie politique duparti présidentiel, le Rassemble-ment constitutionnel démocrati-que (RCD) dont il était membre dubureau politique depuis 2002.

Lorsqu’il a lu sa brève déclara-tion à la télévision, M. Ghannouchiétait entouré de deux autres caci-ques du RCD : le président de lachambredes députés,Fouad Meba-zaa, 78 ans, lui aussi membre dubureau politique du RCD. Et Abdal-

lah Kallal, 68 ans, président de laChambre des conseillers – l’équiva-lent du Sénat français. Ce dernierest, depuis des années, dans le colli-mateurdesorganisationsde défen-sedes droits de l’homme qui l’accu-sent d’avoir torturé des opposantslorsqu’il était ministre de l’inté-rieur dans les années 1990.

Au lendemain d’une révoltepopulaire qui a fait des dizaines demorts, les Tunisiens accepteront-ilsd’être dirigés, même provisoire-ment, par des hommes issus du«benalisme » ? Ce n’est pas acquis.Mais quelle est l’alternative ?

L’un des problèmes auquel estconfronté le paystient àla faiblessede l’opposition laïque. Les person-nalités qui l’incarnent manquentde troupes. Vingt-trois ans de régi-meBenAliontfait duchamppoliti-que un désert. A telle enseigne que,ces dernières années, les voix lesplus fortes de l’opposition éma-naient de la Ligue tunisienne desdroits de l’homme, la plus ancien-ne du monde arabe, de journalistesdissidents ou du monde judiciaire.

Le courant islamique profite-ra-t-il du vide ? C’est la principaleinconnue. Lorsque Ben Ali s’est

emparé du pouvoir, en novem-bre 1987, les « barbus» du Mouve-ment de la tendance islamique(MTI) de Rached Ghannouchi (sanslien de famille avec le premierministre) constituaient une forcepolitique importante et structurée.

Passée une courte période d’étatde grâce entre Ben Ali et Ghan-nouchi les relations vont se dégra-der. Le chef du MTI, qui seracondamnéàmortpour« complot»,est contraint de s’exiler en Grande-Bretagne tandis que ses sympathi-sants font l’objet d’une répressionféroce qui divise d’ailleurs les«démocrates»: faut-il défendre oupas les ennemis de la liberté?

Depuis, la situation a évolué. LeMTI (devenu Ennahda) était tou-jours interdit en Tunisie mais lepouvoir avait maintenu descontacts avec les islamo-conserva-teurs. Certains avaient été autori-sésà rentrer en Tunisie. Etune ban-que et une radio islamiquesavaient fait leur apparition dans lepays, sous le contrôle de la familledu président déchu.

Ben Ali renversé, Rached Ghan-nouchi s’est engagé, lors d’uneinterview diffusée vendredi parFrance 24, à « travailler avec lesmouvements politiques et la socié-té civile pour bâtir un Etat dedroit ». Mais sera-t-il en mesure dele faire en position de force ?p

Jean-Pierre Tuquoi

Au3, rueKemal-Atatürk, la joie et les craintesdes habitants de TunisRéfugiés dans un appartement pour échapper aux exactions de la police, des Tunisiens s’inquiètent de l’après-Ben Ali

International

aaaSuite de la première page

Mais, bien vite, l’angoisse revient :Ben Ali parti, reste la police – desinistre réputation. En attendantque le pays retrouve ses esprits etse dote d’un vrai gouvernement,elle s’en donne à cœur joie. Lesratissages vengeurs ont commen-cé, mais impossible de s’échapper.Le couvre-feu interdit toute sortie.

Dans l’appartement, les deuxpièces, la minuscule cuisine etmême le cabinet de toilette sontremplisdemonde.Chacunchucho-te dans son téléphone portable. Lesnouvellesvont vite.Elles sont mau-vaises. Les pillages et les exactionsse multiplient. Certains sont le faitde la police, alliée à la pègre. Les for-ces de sécurité n’ont plus de chef. Etl’armée, déployée à travers le paysmaissoucieuse, avanttout, d’éviterde nouveaux bains de sang, sembleincapable d’empêcher les dérives.

Parmi les réfugiés de la rue Ata-türk, tous ont en mémoire les scè-nes d’horreur vécues quelques ins-tantsplustôtdanslarue.Unejeunefille à genoux est giflée et battuesauvagement par trois policiers.Un jeune est traîné par les cheveux

et frappé. D’autres sont violem-ment projetés contre des murs. Ilssont en sang, mais leurs bourreauxs’acharnent.

Dans le petit appartement, l’at-mosphèreesttendue. Nadia, 18ans,pullgrisetjeannoir,sanglote,recro-quevillée contre le mur. Certainscraquent. Ils veulent quitter, coûteque coûte, cet abri devenu un piè-ge.Maisle piègeest partout.Derriè-re les rideaux tirés montent de larue les hurlements de douleur. Et lebruit des portes qu’on défonce.Pour ceux qui restent, une longuenuit commence.

Le premier rassemblement de lajournée ne laissait pas imaginerune suite aussi chaotique. Regrou-pés devant le siège de l’Union géné-rale tunisienne du travail (UGTT),dès 9heures le matin, les protesta-taires, quelques centaines, pren-nent ensuite le chemin de l’avenueBourguiba. Ils sont rejoints au fildes heures, devant le ministère del’intérieur,pardesmilliersdemani-festants.

«Ben Ali, assassin !», « Vingt ansde dégâts, Ben Ali dégage-toi ! », « Ilfaut juger les Trabelsi [la belle-famille du président, accusée

d’avoir fait main basse sur l’écono-mie du pays de l’Etat] », scande lafoule, qui crie sa haine du chef del’Etat et de son entourage. «Chaquefamille en Tunisie a été volée, insul-tée,humiliéeparcetteracaille,enra-ge une étudiante de 26 ans. Ce quedit Ben Ali, on n’y croit plus: c’est laparole d’un voleur.»

« Son gouvernement d’unionnationale, c’est du rafistolage,s’énerve Lotfi Benmosbah, méde-cin, 51ans. Parce qu’en Tunisie tantqu’il est là, c’est lui qui décide, pas legouvernement,pasplusqueleParle-ment. » Un peu plus loin, unemployé de Tunis Air a les larmesaux yeux: « Descendre dans la rue,c’est notre dernière chance. » « Onn’a jamais demandé la baisse duprix du lait, on veut notre dignité,

c’est tout », ajoute-t-il. Les ultimesconcessions d’un régime aux aboisn’ont pas convaincu.

Masseuses de hammam, avo-cats, aides-soignants, artistes, uni-versitaires, employés, commer-çants, ouvriers… On est venus seul,en bande ou en famille. Les fem-mes sont nombreuses. Grimpéssurlesficus,des jeunesbrandissentle drapeau tunisien et chantentl’hymne national, martelant uncouplet bien particulier : « Nevivront pas en Tunisie ceux qui l’onttrahie.» Les plus audacieux se sontaccrochés aux grilles des fenêtresdu ministère de l’intérieur. Sur lestrottoirs, on siffle, on applaudit, onplaisante. Des poètes amateursimprovisent sur la fin de règne.«Un tel bonheur ! Je ne pensais pasque je connaîtrais ça dans ma vie»,rit Dadoucha, pédiatre. Plus de tirsàballesréelles, pasun mort de plus,a promis le président.

Mais à 14 h 30, tout bascule. Descentaines, peut-être des milliers dejeunes surgissent soudain, à piedou à Mobylette. Ils brandissent leportrait d’un jeune tué par la policela veille dans le grand Tunis, com-me quinze autres personnes abat-

tues ce jour-là. Aussitôt, la policecharge et bombarde la foule de gazlacrymogènes. C’est la panique. Parvagues, les manifestants se jettenten criant dans les rues adjacentes.Certains tentent de s’échapper ens’accrochantauxfenêtres,auxlam-padaires. Beaucoup s’engouffrentdans des immeubles. Mais la policepoursuit et traque sans relâche lesfuyards, lescontraignant àgrimperles étages.

Rue Atatürk, le cinéaste AladineSlim, dont l’appartement sert debureau à sa société, Exit Produc-tion,n’apas hésitéàouvrir sa porte.Les informations affluent grâceaux téléphones portables. Le pre-mier ministre assume «provisoire-ment» la présidence; des électionslégislativesseront organiséesd’iciàsixmois;plusieursvillasdesTrabel-siontétémisesàsacàTunisetHam-mamet; on annonce même l’assas-sinat d’un des fils Trabelsi. Parmiles «séquestrés» de la rue Atatürk,certains entament des discussionspassionnées, que les autres inter-rompent vite: la milice approche, ilne faut pas être repérés.

Plus rien ni personne ne protègeles populations. Prévenu par télé-

phone de la situation, Etienne Cha-pon, diplomate de l’ambassade deFrance, n’hésite pas à se rendre surles lieux pour tenter de négocierune sortie sans trop de casse.D’abord en vain. A 3 heures, ilrevient seul, n’écoutant que soncourage.

La pègre a investi le quartier. Ilssont plus de cinquante, des bâtonsou des tiges de fer à la main, quisèment la terreur dans les habita-tions alentour. Cette fois, ils sontmassés devant le numéro 3 de larue Atatürk. La police est avec eux.Il faut parlementer pour obtenirl’engagementdetoussortirensécu-rité. Une fois dans la rue, la parolene sera pas tenue et un terrible tricommence. Français d’un côté,Tunisiens de l’autre.

Les premiers sont entraînés versl’ambassade de France. A l’aube, lesortdurestedugroupe,unevingtai-ne de personnes, demeurait incer-tain. Dans la ville désertée, des mil-liers de chaussures abandonnéessurlachausséeétaientlesseulestra-ces de la formidable manifestationqui a fait tomber Ben Ali. p

Isabelle Mandraud

et Catherine Simon

Chacunchuchotedansson portable.Lesnouvellesvontvite. Elles sontmauvaises.Lespillagessemultiplient

La révolution tunisienne

Incertitudes politiques aprèsla fuitede Ben AliLe premier ministre assume «provisoirement» l’intérim du pouvoir. Retour attendu des islamo-conservateurs

Entretien

Kamel Jendoubi, 58 ans, est unopposant de longue date du régi-me de Zine El-Abidine Ben Ali. Exi-lé en France depuis 1994, il est lefondateur du Comité pour le res-pect des libertés et des droits del’homme en Tunisie.Le président Ben Ali a quitté laTunisie. Vous y retournez aprèsdix-sept ans d’exil en France.Dans quel état d’esprit?

Je veux aller respirer l’air de laliberté qui souffle sur la Tunisienouvelle. Je veux aussi aller fairele deuil du décès de mon père, dis-

paru en 2005, aux obsèquesduquel je n’ai pu assister, étantprivé de passeport par les autori-tés tunisiennes.

Enfin, je veux aller à Sidi Bou-zid pour rendre un hommage àMohamed Bouazizi, notre JanPalach [l’étudiant tchécoslovaquequi s’était immolé par le feu en jan-vier1969, à Prague], dont le décèsen décembre a servi de déclen-cheur à la révolte populaire. Grâceà son sacrifice, le rêve d’une Tuni-sie libre est en train de se réaliser.Quelles sont les priorités, main-tenant que le président Ben Ali aquitté la Tunisie?

Il faut restaurer très vite la sou-veraineté populaire. Il nous fautconstituer un gouvernement detransition associant toutes les for-ces vives de ce pays. Et aller versune conférence nationale pourdoter le pays d’une nouvelleConstitution.

Des élections générales doi-vent être organisées le plus rapide-ment possible. Des électionslibres et honnêtes, et non pas tru-quées comme c’était le cas depuisdes décennies dans la Tunisie deBen Ali. Ce ne sera pas facile, dansce pays où il n’y a jamais eu d’élec-tions libres depuis l’indépendan-

ce mais dont le peuple est considé-ré, à juste titre, comme le plusmûr du monde arabo-musulman.

D’urgence, il faut égalementdécréter une amnistie généralepour tous les prisonniers politi-ques, libérer tous ceux qui sont endétention et permettre et garantirle retour des exilés.

Je plaide aussi pour la créationd’une commission Justice et Véri-té pour faire la lumière sur toutecette période, depuis le 7 novem-bre 1987, date de l’arrivée au pou-voir de Ben Ali, jusqu’à aujour-d’hui.Faites-vous confiance à M.Ghan-

nouchi, le premier ministre, pourconduire la transition?

Non. Il n’a aucune légitimitéconstitutionnelle pour la condui-re. La Constitution est d’ailleurstrès claire : c’était au président del’Assemblée nationale d’assumerl’intérim. Par ailleurs, M.Ghan-nouchi, semble-t-il, veut mettreen place un gouvernement domi-né par le RCD [Rassemblementconstitutionnel démocratique], leparti de M. Ben Ali. C’est ça dontles Tunisiens ne veulent plus. BenAli parti, le RCD doit disparaîtreavec lui. p

Propos recueillis par J.-P. T.

La police tunisienne devant le ministère de l’intérieur, sur l’avenue Bourguiba, où des milliers de manifestants ont défilé vendredi pour demander le départ du chef de l’Etat. F. BELAID/AFP ET C. ENA/AP

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La révolution tunisienne

L a diplomatie française auradonné l’impression d’ap-puyer jusqu’au bout le régi-

me du président tunisien, Ben Ali,apparaissant dépassée par les évé-nements et ne montrant à aucunmoment le moindre signe de sou-tien aux revendications de démo-cratisationexpriméesparlesmani-festations, qui ont conduit, vendre-di 14janvier, à la fuite vers Djedda,en Arabie saoudite, du dirigeanttunisien, au pouvoir depuis vingt-trois ans.

C’est par un communiqué laco-nique que l’Elysée a commenté,vendredi, vers 20heures, le specta-culaire changement politique enTunisie. « La France prend acte de latransition constitutionnelle annon-cée par le premier ministre Ghan-nouchi.Seul le dialogue peut appor-ter une solution démocratique etdurable à la crise actuelle. La Francesetientauxcôtésdupeupletunisiendans cette période décisive.» Le tex-te est diffusé au moment où Nico-las Sarkozy et François Fillon sontréunis à l’Elysé pour se pencher surla crise.

Vers 20 h30, tandis que la desti-nationde l’avionduprésidenttuni-sien demeure l’objet de spécula-tions, Paris fait connaître son refusdel’accueillirsurlesolfrançais.« LaFrance n’a reçu aucune demande

d’accueil de M.Ben Ali », indique uncommuniqué du Quai d’Orsay, quiprécise: «Au cas où cette demandese présenterait, la France apporte-rait sa réponse en accord avec lesautorités constitutionnelles tuni-siennes.»

Tout au long des quatre semai-nesdeprotestationsderueenTuni-sie, qui ont commencé le 17 décem-bre 2010, la France aura adopté unprofil bas, se limitant à appeler àl’«apaisement»sansjamaisdénon-cer la répression policière, en parti-culier l’emploi de tirs à balles réel-lesdesforcesde l’ordre,quiontpro-voqué au moins 66 morts en unmois, selon les organisations dedéfense des droits de l’homme.

Mardi 11 janvier, tandis que lacontestation gagne Tunis, des pro-pos tenus par la ministre des affai-res étrangères française, MichèleAlliot-Marie, devant l’Assembléenationale,àParis,suscitentunecer-taine consternation, y compris àl’intérieur du Quai d’Orsay. Le gou-vernement tunisien vient d’établirun bilan de 21 civils tués par ballesdepuis le début des troubles, etMme Alliot-Mariepropose…unecoo-pération policière.

La France veut faire bénéficier laTunisiedu« savoir-fairede[ses]for-ces de sécurité», afin de « régler dessituations sécuritaires de ce type »,

explique la ministre, afin que « ledroit de manifester soit assuré, demême que la sécurité». L’« apaise-ment peut reposer sur des techni-ques de maintien de l’ordre», esti-me Mme Alliot-Marie.

La crise semble ainsi ramenée àunproblèmedeprofessionnalismedes forces de l’ordre tunisiennes,auquel viennent s’ajouter les diffi-cultés économiques. Mme Alliot-Marie évoque des « troublessociaux de grande ampleur », sansmentionner le volet politique desrevendications des manifestants,qui dénoncent un pouvoir confis-

qué par la famille Ben Ali et s’enprennent aux affiches du chef del’Etat.«Plutôt quedelancerdesana-thèmes,notre devoir estde faire uneanalyse sereine et objective de lasituation», commente-t-elle.

Outre la coopération policière,Paris semble penser, ce jour-là, quel’annonce d’un accroissement del’aide à la Tunisie, notamment auniveau européen, pourrait contri-buer à dénouer la crise. «Notre pre-mier message doit être celui del’amitié entre le peuple de France etle peuple» tunisien, « sans nous éri-ger en donneurs de leçons ».

Jeudi 13 janvier, la veille du jouroù tout bascule, Paris insiste denouveau sur son offre de coopéra-tionpolicière.LeQuaid’Orsaysouli-gne que « la France dispose d’unsavoir-faire reconnu en matière demaintien de l’ordre dans le respectde l’usage proportionné de la force

afin d’éviter des victimes». Le soir, àlatélévision,M.BenAli annonceuntrain de mesures : son renonce-ment à un nouveau mandat prési-dentiel en 2014, la fin des tirs à bal-lesréellesdelapolice,etunrétablis-sement de la liberté de la presse.

Vendredi matin, sur instruc-tions de l’Elysée, le Quai d’Orsay«note positivement » ces décisions«en faveur de l’ouverture politiqueet démocratique de la Tunisie ». LaFrance « encourage les autoritéstunisiennes à poursuivre sur cet-te voie ». Mais tout s’accélère. Lesautorités françaises se réfugientderrière des communiqués suc-cincts,sanslemoindrecommentai-re sur le fait qu’un dirigeant arabevient pour la première fois d’êtrechassé par la foule.

Dans l’entourage de Mme Alliot-Marie, vendredi soir tard, on sedéfendait d’avoir fait preuve demyopie sur la crise tunisienne. «Lemessage de la diplomatie françaisea été pragmatique, commente unesource. Ce n’est pas à la France dedire: Ben Ali doit partir. Nous avonsvoulu aider la Tunisie à résoudreses problèmes. Si les médias ont étérouverts, ainsi qu’Internet, c’estpeut-être grâce à nous. Nous avonsvoulu aider le pouvoir à avancerdansladémocratisation. Ona tentéde faire cela. »

Interrogée sur le contraste avecles positions françaises adoptéessur l’Iran, où, en 2009, les grandesmanifestations de l’oppositionavaient reçu le soutien appuyé deNicolas Sarkozy, et où chaqueaction répressive du pouvoir avaitétédénoncéeavecforceparladiplo-matie française, cette source com-mente que les deux dossiers nesont pas comparables, car l’Iranreprésente une menace régionale,et qu’« avec la Tunisie, il y a des liensd’amitié et de coopération». p

Natalie Nougayrède

Jeudi13 janvier,laveille dujour oùtoutbascule, Parisinsiste denouveausurson offredecoopérationpolicière

Pendant une réunion à l’Elysée, vendredi soir, un communiqué laconique a été diffusé: «La France prend acte de la transitionconstitutionnelle annoncée par le premier ministre Ghannouchi» (à gauche), devenu président par intérim. C. ENA/AP ET T. COEX/AFP

L a révolution en Tunisie est-elle le signe annonciateurd’un printemps démocrati-

que arabe ? Le renversement en untemps record du président ZineEl-Abidine Ben Ali, le 14 janvier, estsans précédent au Maghreb com-me au Proche-Orient. Le régimejeté à bas, avec courage, par lesmanifestantstunisienscomportaitplus d’un point commun avec unecertaine norme régionale : extrê-meconcentrationdupouvoir,klep-tocratie, surpuissance du maillagepolicier, étouffement systémati-que de toute forme d’opposition etonction démocratique de façadeobtenue par le détournement desélections politiques ou socio-pro-fessionnelles, le tout justifié aunom d’une spécificité culturelle ounationale. Dans ces régimes autori-taires, l’opposition a été réduite àl’islamisme politique, un épouvan-tail commode instrumentalisépour obtenir le soutien peu exi-geant de leurs alliés occidentaux.

Même s’il est encore trop tôtpour savoir ce qu’il adviendra de larévolution tunisienne, l’évictionde M. Ben Ali constitue une réfuta-tion de la thèse d’une exceptionarabo-musulmane en vogue après

l’effondrement des dictaturesd’Europe centrale ou d’Amériquedu sud. Une thèse qui nie, il estvrai, les « moments démocrati-ques » expérimentés dans la pre-mièremoitié du XXe siècleen Egyp-te, en Syrie ou en Irak.

Compte tenu de son histoire(uneindépendance obtenuepacifi-quement) et de l’existence d’uneclasse moyenne éduquée, le faitque la première révolution arabepostérieureàladécolonisation sur-vienne en Tunisie ne surprendrapersonne.Pourreprendre enle ren-versantle titred’unouvrage collec-tif dirigé en 1994 par le politologueGhassan Salamé (Démocratiessans démocrates, Fayard), la Tuni-sie était avant la révolution de jan-vier2011 une terre de «démocratessans démocratie ».

Verrouillage politiqueCettesingularitétunisiennelimi-

te-t-elleleséventualitésdetransfor-mations politiques similaires ? Lesrégimes autoritaires de la région,au cours des dernières années, sesont adaptés aux circonstances enrompant avec le dirigisme écono-mique souvent désigné par l’ex-pression de «socialisme arabe» auprofitd’unmodèlechinoisousinga-pourien conjuguant l’ouvertureéconomique et le verrouillage poli-tique. Ce nouvel équilibre ne metpas à l’abri des surprises, c’est laleçon de l’exemple tunisien quis’inscrivait pourtant dans ce cadre.

L’inquiétude qu’il alimenteaujourd’hui peut être vérifiéedans la célérité manifestée par lesautorités algériennes ou jorda-niennes à répondre par des mesu-res budgétaires aux tensionsconjoncturelles créées par la nou-velle hausse mondiale des pro-duits alimentaires de base. LaLibye et le Maroc ont égalementpris des dispositions en ce sens.Face aux turbulences, les régimesdu Maghreb ou du Proche-Orientne sont pas sur un pied d’égalité.Ceux qui sont dépourvus de res-sources pétrolières sont en effetprivés des moyens d’acheter unetemporaire paix sociale. p

Gilles Paris

«Il n’a jamais demandéquoi que ce soit », selonl’Elysée

Le président américain, BarackObama, a salué dans un commu-niqué, vendredi 14janvier, le«courage et la dignité» du peu-ple tunisien, après la fuite du pré-sident Zine El-Abidine Ben Ali.«Nous nous souviendrons long-temps des images du peuple tuni-sien cherchant à faire entendresa voix», a-t-il affirmé, avantd’encourager «toutes les partiesà maintenir le calme et à éviter

des violences». «J’appelle legouvernement tunisien à respec-ter les droits de l’homme et àorganiser dans un proche avenirdes élections libres et justes quireflètent la volonté réelle et lesaspirations des Tunisiens», aajouté le président. «Je n’aiaucun doute sur le fait que l’ave-nir de la Tunisie sera plus radieuxs’il est guidé par la voix du peu-ple tunisien», a-t-il conclu.

Barack Obama salue le « courage » des Tunisiens

International

Les manifestants encolèrecontrele manquedesoutien de la France

UNE RÉUNION de crise devait setenir autour du président de laRépublique française, NicolasSarkozy, samedi midi 15 janvier, àl’Elysée. Le premier ministre, Fran-çois Fillon, le ministre de l’inté-rieur, Brice Hortefeux, et la minis-tre des affaires étrangères,Michèle Alliot-Marie (qui s’estentretenue vendredi avec le pre-mier ministre Mohammed Ghan-nouchi), devaient s’y retrouver encompagnie du ministre de ladéfense, Alain Juppé, et de Fran-çois Baroin, le porte-parole dugouvernement.

Au cours de cette réunion,devait être étudié un possibleplan de protection des Français,touristes et résidents en Tunisie,si l’évolution de la situation le ren-

dait nécessaire. Selon les autoritésfrançaises, il n’y aurait actuelle-ment que quelques milliers detouristes en Tunisie. Depuis unedizaine de jours, cette destinationétait évitée par les ressortissantsfrançais.

La veille, vendredi après-midi,dès l’annonce du départ du prési-dent Zine El-Abidine Ben Ali, laFrance a très vite écarté son éven-tuelle arrivée à Paris. Les autoritésfrançaises estiment que M. BenAli se retrouverait avec une com-munauté tunisienne en Francequi lui est hostile, qu’il serait sus-ceptible de faire l’objet de poursui-tes judiciaires. « Il n’a jamaisdemandé quoi que ce soit », assurel’Elysée. « S’il avait atterri en Fran-ce, on aurait tout fait pour qu’il

reparte immédiatement», indi-que l’exécutif. Lorsque l’avion duprésident tunisien décolle deTunis, aux alentours de 18 heures« personne n’a su où il allait »,raconte une source diplomatiquequi justifie le communiqué ély-séen suggérant l’hostilité de Parisà un accueil de M. Ben Ali : « Noussouhaitions éviter d’apprendre aposteriori qu’il s’était posé sur unquelconque aéroport ».

Des sources officielles françai-ses confirment en revanche qu’unavion a bien atterri au Bourgetvendredi soir avec des proches etde la famille du président. L’unede ses filles se trouvait déjà enFrance. Elle y était venue quel-ques jours auparavant pour desen vacances à Disneyland-Paris.

Les zones d’ombre qui entou-rent encore la journée de vendre-di ne se limitent pas à la destina-tion finale du président déchu.Les autorités françaises s’interro-gent également sur le déroulé desdernières heures qui ont précédéson départ de Tunis. Le présidentest-il parti de son plein gré,conscient que la partie était désor-mais perdue, ou bien a-t-il été misdans un avion, quasiment sous lacontrainte, pour sauver ce qui res-tait encore à sauver du régime?

Paris doit maintenant compo-ser avec le scénario qui s’est dessi-né vendredi et qui conserve sesinconnues : « Où est l’opposition, yen a-t-il une? Comment vont sepositionner les islamistes ? » p

Arnaud Leparmentier

L’Arabie saoudite et«le peuple frère tunisien»

I ncompréhension, déception,voire colère : les silences de laFrance n’ont pas fini d’empoi-

sonner les relations entre Paris etTunis. La France « n’a pas dit unmot pour nous soutenir », s’éton-ne, vendredi 14 janvier, avant lachute du président tunisien, unejeune manifestante, NaouelaSnoussi, avocate. « Pourquoi laFrance se tait ? Parce que Sarkozyest ami de Ben Ali ? Est-ce que laFrance accepterait, sur son sol,qu’on tue des gens de cette maniè-re ?», ajoute-t-elle.

Interpellation plus vive encoredans la bouche de ce syndicalistede l’Union générale tunisiennedu travail (UGTT) : « Dites à“Mam” qu’on n’a pas besoin desflics français », lance-t-il, en réac-tion à la suggestion faite devantles députés français par la minis-tre des affaires étrangères,Michèle Alliot-Marie, d’aider à laformation au maintien de l’ordrede la police tunisienne. « Com-ment expliquer que la France,patrie des droits de l’homme, aitpu aider ce régime ?», s’indigne,de son côté, Ridha Tlili, porte-parole du secrétariat général del’UGTT. Le ressentiment contreun pays « ami » – « patrie des

droits de l’homme, oui, mais autre-fois», ironise un employé– est lar-gement partagé par tous ceux quiont participé à un mouvement derévolte durant quatre semaineset qui ont découvert, avec colère,les déclarations des ministresBruno Le Maire et Frédéric Mit-terrand refusant de comparer lerégime honni à une dictature.

Rhadia Jerbi, qui défile dans sarobe noire d’avocate sur l’avenueBourguiba, le dit sans ambages :« Le gouvernement français nousa trop déçus, les gens ont quandmême payé de leur vie. » « Ilaurait fallu au moins un soutienmoral, cela aurait dû être faitdepuis le début de la révolution,car c’en est une », tempête, unpeu plus loin, une autre manifes-tante.

L’annonce de la fuite précipi-tée du président Ben Ali, vendre-di, n’arrange rien. Très vite, larumeur enfle sur sa destinationd’accueil supposée, Paris. Malgréle démenti de l’Etat français, qui afait savoir qu’il avait refusé, il fau-dra du temps pour faire oublierleur déception aux Tunisiens. p

Isabelle Mandraud

et Catherine Simon

(Tunis, envoyées spéciales)

Une premièrepousséedémocratiquedans lemondearabepostcolonialPlusieurs pays adoptent des mesures budgétairesface à une montée du mécontentement

Ladiplomatiefrançaise a défendujusqu’aubout le régime tunisienMme Alliot-Marie réduisait les troubles à un problème de professionnalisme des forces de sécurité

Un communiqué du palais royalsaoudien a officialisé, vendredisoir 14janvier, l’asile accordé auprésident déchu Zine El-AbidineBen Ali, dont l’avion s’est posé àDjedda dans la soirée aprèsavoir quitté précipitammentTunis. «Le gouvernement saou-dien a accueilli le président ZineEl-Abidine Ben Ali et sa familledans le royaume (…) en considé-ration pour les circonstancesexceptionnelles que traverse lepeuple tunisien.» Riyad, a ajoutéce communiqué, exprime «sonsoutien à toute mesure bénéfi-que au peuple tunisien frère» etapporte «sa solidarité totaleavec ce peuple et espère la cohé-sion de tous ses enfants pour sur-monter cette conjoncture diffici-le». – (AFP.)

50123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

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Le président Zine El-Abidine Ben Ali et son épouse Leïla en mai 2010 à Tunis, lorsde la campagne pour les élections municipales. FETHI BELAID/AFP

Pour la première foisdepuis 1987, les Tuni-siens peuvent clamerhaut et fort ce qu’ilsdisent tout bas depuisdesannées:ZineEl-Abi-

dineBen Ali, l’hommequi les adiri-gés pendant presque un quart desiècle, était un dictateur. Ilsavaient fini par le haïr au point desouhaiter sa mort.

Des dirigeants des trois pays duMaghreb, Ben Ali était sans doutele plus exécré par son peuple.Mêmeceuxquiprofitaientdu«sys-tème » le honnissaient. Mais tousse taisaient, écrasés par la peur.Peur de perdre des privilèges et unconfort certain, pour les uns. Peurd’être tabassés, envoyés en prison,torturés, pour les autres. Seule unepoignée de défenseurs des droitsde l’homme s’est escrimée, durantces vingt-trois ans, à tenter de faireconnaître au monde le vrai visagede la Tunisie de Ben Ali : libertésconfisquées, corruption, inégalitéset justice instrumentalisée.

Maisles responsablesde la com-munauté internationale, à com-mencer par l’Elysée et le Quai d’Or-say, sont restés sourds à ces appelsau secours, niant l’évidence.Quant aux touristes étrangers(5millions chaque année), qui s’of-fraient pour quelques centainesd’euros une semaine ensoleilléeau pays du jasmin, ils repartaientpour la plupart sans rien connaî-tre de la réalité tunisienne, tant lescontacts avec la populationétaient réduits.

Pourtant, les signaux d’alarmen’ont pas manqué. Certains se sou-viennent de la grève de la faim dujournaliste Taoufik Ben Brik, enavril 2000. Mais qui a encore enmémoirel’opération«bouche cou-sue » de l’avocat Mohamed Abbou,emprisonné pour avoir écrit surInternet un article hostile au prési-dent Ben Ali ? A la veille du Som-met mondial sur la société de l’in-formation, organisé par lesNations unies à Tunis en novem-bre 2005, ce jeune avocat s’étaitcousu la bouche pendant quatrejours à l’aide d’agrafes. Dans unelettreadressée dufin fonddesapri-son à ses amis, Mohamed Abbouexpliquait les raisons de son ges-te : attirer l’attention sur le « tristesort » d’un pays « obligé de la bou-cler» pour pouvoir manger et évi-ter « les représailles d’une dictaturedes plus féroces ».

Quand Ben Ali arrive au pou-

voir le 7 novembre 1987, il est pour-tant accueilli en sauveur. En desti-tuant en douceur le père de lanation, Habib Bourguiba, devenusénile, celui qui est alors premierministre libère les Tunisiens detrente ans de « bourguibisme » etd’une fin de règne chaotique. De cemilitairede formation, par ailleursdiplômé d’électronique – son hob-by–, onne sait alorspas grand-cho-se. Le nouveau venu est silencieux.Il cultive même le mystère.« C’était une stratégie, pour mieuxcacher qu’il n’avait rien à dire ! »,déclare abruptement l’un de sesanciens supérieurs.

Tout au long de sa carrière, BenAli va, en tout cas, faire preuved’habileté. De 1958 à 1974, il estdirecteur de la sécurité militaire.Après l’échec de l’union tuniso-libyenne auquel il est soupçonnéd’avoir été mêlé, il est envoyé enexil comme attaché militaire àRabat, au Maroc. Il revient troisans plus tard à Tunis, à la direc-tion de la sûreté. C’est sans étatsd’âme qu’il mate des manifesta-tions en janvier 1978.

Nouvel exil, en avril 1980 : sousla pression de Wassila Bourguiba,(l’épouse du vieux président), il est

écarté de son poste de directeur dela sûreté. « En apprenant la nouvel-le, il est tombéinanimédesa chaise,danslebureauduministre del’inté-rieur. C’est alors que j’ai mesuré safragilité psychologique. Il a tou-jours été fragile, contrairementaux apparences », raconte untémoin de la scène.

Ben Ali est alors envoyé à Varso-vie comme ambassadeur. Quatreans plus tard, le voilà rappelé àTunis.Les«émeutesdupain»vien-nent de se produire. On a besoin decet homme d’ordre. En octo-bre 1984, il est nommé secrétaired’Etat àla sécurité nationale. « A unmilitaire qui le félicitait, il a riposté :“Cette fois-ci, ce sera difficile de mefaire quitter le ministère de l’in-térieur” », rapporte un témoin.C’est à partir de ce moment-là queBen Ali tisse sa toile sur la Tunisie.

Pour arriver à ses fins, le militai-re devenu policier va agiter l’épou-vantail islamiste. Devenu ministrede l’intérieur en 1986, il n’hésitepas à déclarer, lors du premierconseil des ministres auquel il par-ticipe, à ses collègues médusés :«Dans notrelutte contre lesislamis-tes, nous devons recourir à deuxméthodes: la désinformation et lesdélinquants. Nous allons les sortirde prison pour leur confier destâches de police.»

Le système Ben Ali est né. Il nefera que se renforcer au fil dutemps, jusqu’à rendre l’at-mosphère irrespirable. Après sonaccession au palais de Carthage, lenouveau président applique à lalettre sa stratégie définie précé-demment. Il fait la chasse aux isla-mistes. Puis il s’en prend à la gau-che, et enfin à tous les démocratestunisiens. La presse est muselée, lemultipartisme interdit – à l’excep-tion d’une opposition de décor –, laliberté d’association confisquée etla justice instrumentalisée.

Chacun vit sous le règne de l’ar-bitraire. Quiconque se rebiffe s’ex-pose à des représailles de tousordres, des plus violentes aux plusmesquines : tabassages en règle,passeports confisqués, lignes télé-phoniquescoupées, courrier Inter-net détourné, domiciles mis à sac,locaux professionnels cambriolésou encore campagnes d’insultesordurières, en particulier à l’égarddes femmes.

A titre d’exemple, SihemBensedrine, l’une des figures de lalutte pour les libertés, se retrouve,en mai 2005, la cible de véritablesappels à la lapidation lancés parAchourouq et Al-Hadath. Ces deuxjournaux arabophones à fort tira-ge qualifient cette journaliste de55 ans de « prostituée », « créaturedu diable » et « vipère haineuse ».

Tous les opposants tunisiens,de Khemaïs Chammari à l’avocatMokhtar Trifi, le président de laLigue tunisienne des droits del’homme – empêchée de fonction-ner ces dix dernières années –, onteu à subir de telles campagnes dehainedela partde lapresse decani-veau, à l’initiative du Palais de Car-thage et de l’inamovible conseilleret âme maudite du président :Abdelwahab Abdallah.

Entre soumission et révolte, lasociété tunisienne oscille. Mais lesystème Ben Ali, savant mélangede clientélisme et d’intimidation,fonctionne. En Occident, on vante

le « miracle économique tunisien».Et il est vrai que ce petit pays,dénué de ressources en hydrocar-bures, est plutôt bien géré. La crois-sanceannuelle estde l’ordrede 5%.Un taux honorable mais insuffi-santpourabsorberles60000nou-veaux diplômés qui arrivent cha-que année sur le marché. Au lieude prendre la mesure du danger,Ben Ali continue d’utiliser le systè-me éducatif comme « un outil degouvernance démagogique » et dedélivrerdesdiplômes « à des quasi-analphabètes», comme le résumeHassineDimassi, professeur d’éco-nomie à l’université de Sousse.

La colère et la frustration gran-dissent au sein de la population àqui l’on a promis la prospérité enéchange d’une confiscation deslibertés. Alors que le clan des Tra-belsi, du nom de Leïla, la deuxièmefemme du chef de l’Etat, fait desaffaires – immobilier, téléphonie,transports, tourisme, banques… –et s’accapare les richesses du pays,la population enrage d’être excluedu système. Au fil des ans, tout luiparaît de plus en plus insupporta-ble: le chômage, les bas salaires, les

passe-droits, le racket des petitsfonctionnaires (des policiersnotamment), les innombrablesindicateurs, l’obligation d’adhérerau parti au pouvoir, le Rassemble-ment constitutionnel démocrati-que, pour bénéficier d’un emploi,d’une bourse, d’un permis deconstruire… Le ressentiment aug-

mente, mais il met du temps avantde l’emporter sur la peur.

Les attentats du 11 septembre2001 aux Etats-Unis vont consti-tuer une aubaine pour le prési-dent Ben Ali, alors que le camp desdémocrates et des militants desdroits de l’homme commençait àmarquer des points. Au nom de lalutte antiterroriste, les libertéssont encore davantage bridées. En

parallèle,Ben Ali modifielaConsti-tution, tous les cinq ans, pour écar-ter de l’élection présidentielle toutrival potentiel. Il enchaîne ainsicinq mandats, recueillant à cha-que fois au moins 90 % des voix.

Sourde, aveugle, voire cynique,l’Union européenne, France entête, lui manifeste un soutien sansfaille, au risque de contribuer à cequ’elleprétendcombattre:la mon-tée de l’islamisme. « Le premier desdroits de l’homme, c’est de manger(…). De ce point de vue, la Tunisie esttrès en avance sur beaucoup depays », déclare Jacques Chirac, lorsd’une visite officielle à Tunis, endécembre 2003, alors même quel’avocate Radhia Nasraoui en est àson 50e jour de grève de la faim.

Nicolas Sarkozy ne fait pasmieux quand il vient en Tunisie,en avril 2008. « L’espace des liber-tés progresse », se félicite-t-ildevant un Ben Ali radieux. Danslesrangs del’oppositionetdesmili-tantsdesdroitsdel’homme,chacu-nede cesphrases estressentiecom-meun coup de poignard et une tra-hison. Une de plus. p

Florence Beaugé

InternationalLa révolution tunisienne

Quiconqueserebiffes’expose àdesreprésaillesde tousordres,des plusviolentesaux plusmesquines

7novembre 1987 Le premierministre, Zine El-Abidine Ben Ali,dépose Habib Bourguiba,«le père de l’indépendance»,et le remplace à la tête de l’Etat.

7novembre 1998 Signature d’unpacte national entre le pouvoir et

les principales forces d’opposi-tion, à l’exception des islamistes.

1991 Des milliers de militantsislamistes sont arrêtés au coursdu printemps.

20mars 1994 M.Ben Ali, unique

candidat, obtient 99,9% des suf-frages à l’élection présidentielle.

11février 1998 Le vice-présidentde la Ligue tunisienne des droitsde l’homme (LTDH), KhemaïsKsila, est condamné à trois ansde prison ferme.

24octobre 1999 Le présidentBen Ali est réélu avec 99,4%des suffrages.

11avril 2002 Des attentatsislamistes sur l’île de Djerbacausent la mort de 15 personnes.

24octobre 2004Le présidentBen Ali est réélu avec 94,5%des suffrages.

16 au 18novembre 2005La Tuni-sie accueille le Sommet mondialsur la société de l’informationorganisé par l’ONU.

Juin2008 Emeutes dans larégion minière de Gafsa, au sud de

Tunis. Les leaders du mouvementseront lourdement condamnés.

Octobre2009 Ben Aliest réélu président, avec 89,62%des suffrages.

Décembre2010 La ville de SidiBouzid s’enflamme après qu’unjeune marchand, MohamedBouazizi, à qui l’on a confisquésa marchandise, s’est immolé.D’autres villes du payssont gagnées par la contestation,qui finira par en toucherla plupart.

13janvier 2011 Le président BenAli annonce son intention d’aban-donner le pouvoir en 2014, à la finde son mandat. Il donne l’ordreaux forces de sécurité de ne plustirer sur les manifestants, dont plu-sieurs dizaines ont été tués dans lepays depuis le début des troubles.

14janvier Le chef de l’Etat quittela Tunisie.

«Dansnotre luttecontreles islamistes,nousdevons recouriràla désinformationetaux délinquants»

Ben Ali, en 1986

De novembre 1987 à janvier 2011, vingt-trois ans de règne sans partage

UndictateurhonniparsonpeupleetchoyéparlesdirigeantsoccidentauxPendant 23 ans, Zine El-Abidine Ben Ali, ancien militaire, ausé d’un savant mélange de clientélisme et d’intimidation

6 0123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

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Entretien

A l’issue d’une procédureexceptionnellement rapi-de, Jean Paul II sera béatifié

le 1er mai à Rome, en présence dedizaines de milliers de personnes.Benoît XVI a signé, vendredi 14jan-vier, le décret validant un miracleattribuéà son prédécesseur, condi-tion nécessaire à la béatification.Cette dernière interviendra doncsix ans après la mort du pape polo-nais alors que les délais habituelspour ouvrir la procédure sont decinq ans après le décès.

Cette rapidité s’explique par« l’imposante réputation de sainte-té dont jouissait le pape Jean Paul IIpendant sa vie, à sa mort et aprèssa mort », a indiqué le Vatican, quia reconnu « miraculeuse » la guéri-son de la religieuse françaiseMarie Simon-Pierre de la maladiede Parkinson, dont Jean Paul II,mort en avril 2005 après vingt-sept ans de pontificat, avait lui-même souffert. La canonisation,qui permet d’accéder au statut desaint dans l’Eglise catholique, sup-pose la reconnaissance d’unsecond miracle. Etienne Fouilloux,historien du christianisme, expli-quel’enjeu politique de cettebéati-fication pour la papauté.Pour quelles raisons l’Eglisecatholique béatifie-t-elleses papes?

Que cette institution exalte qua-siment tous ceux qui l’ont dirigéedepuis cent cinquante ans consti-tue à mes yeux une forme d’auto-justification de la papauté. Ces pro-cessus servent en effet à solidifierl’institution, à montrer qu’elletient le coup en dépit des critiques,et que les hommes qui la dirigentsont des personnalités exception-nelles, quitte à instaurer un «cultede la personnalité».De quand date cette politique?

C’est un phénomène nouveauqui remonte au XXe siècle. Avantcela, le dernier pape béatifié fut,au XVIIe siècle, Pie V, pape de lacontre-réforme. Depuis, sur lesdix derniers papes, seuls trois,Léon XIII, Benoît XV et Pie XI,demeurent étrangers à ceconcours de glorification. Leurspositions à caractère politique [leralliement au régime républicainpour l’un, l’opposition à la premiè-re guerre mondiale pour l’autre, lasignature des accords de Latranavec Mussolini pour le troisième]ont empêché une unanimité pos-thume sur leur nom. Tous lesautres en bénéficient, y comprisJean Paul Ier, au pontificat trèscourt ; certains sont déjà canoni-

sés – Pie X en 1954 – ou béatifiés,Pie IX et Jean XXIII en 2000.Tous les courants sont doncreprésentés…

Les béatifications de 2000, quijumelaient l’intransigeance dePie IX et le modernisme incarnépar Jean XXIII, « père » du concileVatican II, prouvent la dimensionpolitique de ces béatifications.Elles visent à maintenir un équili-bre et à valider l’hypothèse d’unecontinuité de la papauté quels quesoient les papes. La béatificationdeJean PaulIIs’inscrit dansle mou-vement conciliaire. L’Eglise affir-me que l’on béatifie un homme etnon sa politique, ou que les vertushéroïques mettent en avant ladimension spirituelle du futursaint,mais la distinction est diffici-le à établir pour un pape. Les grou-pes de pression qui poussent lacause de l’un ou l’autre poussenten fait une conception de l’Eglise.

Jean Paul II, dont la popularité etl’impact sur l’Eglise demeurentexceptionnels, avait-il «besoin»de cette béatification?

Dès sa mort, de manière plus oumoins spontanée, est apparue lademande qu’il soit fait santo subi-to. Benoît XVI pouvait difficile-ment aller contre ce mouvement.Mais je pense que son projet étaitde pousser en parallèle les causesde Jean Paul II et de Pie XII, commePaul VI avait tenté de le faire enouvrant ensemble les causes deJeanXXIII et de PieXII pourneutra-liser les contradictions entre lesdeux pontificats. Mais les difficul-tés autour de la personnalité dePie XII, notamment ses « silences »durant la Shoah, ont rendu sa cau-se beaucoup plus lente.

Dufaitdesapersonnalitéexcep-tionnelle, Jean Paul II jouit déjàd’une aura particulière et l’on peuts’interroger sur le bénéfice spiri-tuel de sa béatification pour lesfidèles.Le mythe s’était déjà empa-ré de l’homme, en dépit de certainschoix, tels que le soutien au fonda-teur des Légionnaires du Christ[convaincu depuis sa mort, en2008, de pédophilie et de liaisonsmultiples avec des femmes]. p

Propos recueillis par

Stéphanie Le Bars

Teresopolis (Brésil)Envoyé spécial

T out est figé en contrebas de lacommunauté de Bom Suces-so, sur la route joignant les

deux villes de Nova Friburgo etTeresopolis, dans la région monta-gneuse au nord de l’Etat de Rio deJaneiro. Des voitures, des meubles,des arbres, des câbles électriques,s’entremêlent dans une montagnede boue rougeâtre. Cette zone estl’une des plus touchées par lespluies torrentielles du 11 janvier etles glissements de terrain qu’ellesont engendrés.

Ricardo est né ici. Après avoirpassé plusieurs heures à aider lessecours, il rejoint un petit grouped’habitants sur le bord du chemin,certains sont pieds nus. Ils n’ontmême pas eu le temps de sauverune paire de chaussures. Plus bas,les sauveteurs sont en train d’ex-traire deux nouveaux corps. Ricar-

do entame la discussion : « Ils ontidentifié la petite amie du gars dela station-service, celle aux che-veux bouclés. Son corps était envoie de décomposition, ils l’ontquand même reconnue. »

Toute la région est en état dechoc. Le bilan de 532 morts, qui enfait l’une des pires catastrophesnaturelles qu’ait connue le pays,est provisoire, car les secours pei-nent à atteindre des zones isoléespar les éboulements. Ceux-ci peu-vent se reproduire : la pluie vaencore tomber plusieurs jours.

Constructions illégalesChaque jour, des cadavres sor-

tent de terre. A l’hôpital de campa-gne installé près de la mairie dePetropolis, ledocteur Carlos Eduar-do sait déjà que cette catastrophene s’effacera pas des mémoires :« Nous avons reçu une mère defamille qui a perdu cinq enfants,elle allaitait encore le dernier. Elle

est montée avec eux sur le toit de samaison pour se protéger. Elle est laseule survivante. » Dans cet amasde boue, de béton et de ferraille, lessecours n’espèrent plus retrouverde rescapés. Restent des milliersde sans-abri.

Dilma Rousseff, la présidentebrésilienne, a promis des actions« concrètes » pour leur venir enaide. Et cette fois-ci, les règlesdevraient être bien établies avantde savoir où les habitations serontreconstruites. Car la polémique sefait jour, comme au moisd’avril2010, après les inondationsdans la ville de Rio de Janeiro.

«Lesmunicipalitésontlarespon-sabilitéducadastre,rappellelegou-verneur de l’Etat de Rio, SergioCabral. Elles doivent se préoccuperdes constructions irrégulières et seconfronter à ce problème.» Dans laligne demire, lemaire de Teresopo-lis. Jorge Mario Sedlacek a admisquenombredesglissementsdeter-

rain s’étaient produits dans deszones occupées illégalement.

Concernant la responsabilité decette catastrophe, les débats res-tent toutefois assez tièdes au Bré-sil. C’est de l’extérieur qu’estvenue l’attaque la plus franche.« Ce drame est inacceptable, s’estinsurgée Debarati Guha-Sapir,une responsable de l’Organisationmondiale de la santé (OMS). Cespersonnes sont mortes, car il n’y aaucune volonté politique pourempêcher ces drames qui se répè-tent d’année en année. »

L’Etat n’investit que très peudans les systèmes de drainage dessols, d’infrastructures, d’assainis-sement ou encore d’études desti-nées à déterminer les zones à ris-que. Depuis 2004, le gouverne-ment fédéral a dépensé 169 mil-lions d’euros dans la réalisationd’ouvrages préventifs contre plusde 2 milliards d’euros en mesuresd’urgence.p – (Intérim.)

AuBrésil,à l’heure où le bilans’alourdit,l’urbanisationanarchique est dénoncéeBoue et glissements de terrain ont fait plus de 500 morts. La progression des secours est difficile

Surles dixdernierspapes,seulstrois,LéonXIII,BenoîtXVetPieXI,demeurentétrangersàceconcoursdeglorification

JeanPaul IIbéatifié:«Une formed’autojustificationdela papauté»Etienne Fouilloux, historien du christianisme,explique l’enjeu politique de cette béatification

Niger Un des deux otages français tués par les frappesaériennes françaises, selon AQMIAl-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) a affirmé dans un communi-qué, vendredi 14 janvier, que l’un des deux otages français enlevés auNiger puis tués lors d’un assaut, le 8 janvier, était mort à cause des frap-pes aériennes françaises, tandis que l’autre a été exécuté par les ravis-seurs. Le communiqué a été rapporté samedi par le service américainde surveillance des sites islamistes SITE. – (AFP.)

Russie Les députés de la Douma adoptent le traité Starten deuxième lectureMOSCOU. Les députés russes ont approuvé en deuxième lecture, ven-dredi 14janvier, le traité de désarmement nucléaire Start, signé enavril2010. Ils ont précisé les conditions dans lesquelles la Russie se reti-rerait du traité en cas de développement par les Etats-Unis d’armes stra-tégiques non nucléaires. Ils ont réaffirmé le lien entre la limitation desarmements stratégiques et la question de la défense antimissile. – (AFP.)

Cuba Barack Obama lève des restrictions frappantle tourisme et les échanges avec l’îleWASHINGTON. Le président américain, Barack Obama, a levé, vendredi14janvier, des restrictions sur les visas, les envois d’argent et les voya-ges vers Cuba. Cela permettra aux groupes religieux et aux étudiants des’y rendre plus facilement. En outre, il sera possible de transférer500dollars par trimestre aux petites entreprises privées. – (AFP.)

International 70123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

Page 8: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

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ARNAUD MONTEBOURGDÉPUTÉ PS DE SAÔNE-ET-LOIRE,

SECRÉTAIRE NATIONAL À LA RÉNOVATION

DIMANCHE16 JANVIER À 18H10

et avec

France

Entretien

A l’occasion du congrès duFront national (FN), les 15 et16janvier, qui va déboucher

sur la proclamation de sa nouvelleprésidente, Marine Le Pen, l’histo-rien Michel Winock, professeurémérite à Sciences Po, analysel’évolution de l’extrême droitefrançaise, dont il est l’un desmeilleurs spécialistes. Auteurd’unlivre intitulé Le XXe siècle idéo-logique et politique (Perrin, 2009),il revient sur les défis que posel’émergencedu « national-populis-me » sur la scène politique.Jean-Marie Le Pen quitte la prési-dence du Front national, qu’iloccupe depuis 1972. En quois’agit-il d’un tournant?

Ce qui me frappe, s’agissant del’évolution du FN, c’est sa banalisa-tion. Triple banalisation, en fait.D’abord une banalisation liée àune rupture du parti avec ses atta-ches historiques et mémorielles.Originellement, le FN était un partirésolumentd’extrême droite, dontde nombreux membres avaientsoutenulerégimedeVichyetlacol-laboration, puis l’Algérie françaiseet l’OAS. La relève des générations,qui n’est pas nouvelle au niveaudes cadres intermédiaires mais quitouche aujourd’hui le sommet dumouvement, a pour effet debrouiller l’image du FN, de rendremoins lisibles ses racines idéologi-ques et sociologiques.

La banalisation concerne aussiles discours et les pratiques, autre-ment dit la «culture politique » duFN. Il aurait parexemple été incon-cevable, autrefois, qu’une femmepuisse incarner l’extrême droite.C’est aujourd’hui possible. Pourune famille politique qui a tou-jours exalté la virilitéet pratiqué leculte du chef, c’est une révolution.

La banalisation, enfin, est liéeau fait que le FN n’est plus, commedans les années 1980-1990, uneexception française. Il a aujour-d’hui des équivalents dans plu-sieurs pays d’Europe, comme enAutriche, en Italie, aux Pays-Bas,en Hongrie ou en Scandinavie, oùdes partis similaires obtiennentdes scores comparables. En quel-que sorte, l’européanisation dunational-populisme dilue la spéci-ficité du « lepénisme ».

«National-populisme», dites-vous…

Le populisme n’est pas spécifi-quement d’extrême droite. Le motdésigne une confiance dans le peu-ple, voire une religion du peuple,que l’on rencontre dans les dis-cours de Robespierre ou les écritsde Michelet. Mais le populisme aeu tendance à se localiser à l’extrê-me droite, avec l’ère des masses etla démocratie parlementaire. L’ex-trême gauche, elle, était ouvriéris-te tandis que l’extrême droite ten-dait au populisme, sans distinc-tion de classe.

Le FN est populiste, en ce sensqu’il est un mouvement protesta-taire contre les élites, contre ce queLe Pen a appelé, dans une traduc-tion douteuse de l’anglais, « l’éta-blissement » –, à commencer parles énarques, les intellectuels, lespoliticiens éloignés de la réalitépopulaire. C’est un national-popu-liste (le terme a été introduit enFrance par Pierre-André Taguieff),ence sens qu’ilest aussi un mouve-mentidentitaire, nationaliste, pro-tectionniste, xénophobe, islamo-phobe, antieuropéen.

Comme tous les extrémismes,il récuse la complexité du réel auprofit de l’analyse et de la solution

simplistes. C’est ce que l’historienLéon Poliakov a appelé la « causali-té diabolique ». Aujourd’hui, toutva mal, dit le FN, à cause de l’immi-gration, de l’euro, de l’Union euro-péenne et de la mondialisation.Solution: la fermeture et le retourau franc. Les populismes s’adres-sent aux émotions et à la « psycho-logie des foules ».Le national-populisme pertur-be-t-il les équilibres politiquestraditionnels?

Onse représente traditionnelle-ment le paysage politique sous laforme d’un demi-camembert. Jepréfère pour ma part l’image duferàcheval, quej’emprunteau phi-

losopheJean-Pierre Faye,qui l’utili-sa à propos de la République deWeimar (1919-1933). Dans un fer àcheval, les extrêmes sont prochesl’un de l’autre, il y a entre eux unesorte d’aimantation.

Jepense que cette image est per-tinente pour qualifier une périodecomme la nôtre, mais ce n’est pasla première fois que cela se pro-duit : le général Boulanger, PaulDéroulède ou Edouard Drumont àla fin du XIXe siècle, comme Jac-ques Doriot dans les années 1930,ont incarné ce rapprochemententre les extrêmes. La recette esttoujours la même : elle consiste àséduire l’électorat populaire enessayant de le convaincre que lessolutions de l’extrême droite – àcommencer par la préférencenationale et le rejet de l’étranger –sont les bonnes pour résoudre sesproblèmes. Ce phénomène se pro-duit toujours dans un contexte decrise économique et de forte mon-tée du chômage: la grande dépres-sion des années 1880-1890, les len-demains du krach de 1929, la findes «trente glorieuses », et aujour-d’hui la crise financière mondiale.Comment peuvent réagir les par-tis traditionnels dans un telcontexte?

Il peut y avoir trois attitudes.L’une est de faire du populismecontre le populisme. Un tel dis-cours peut être de gauche commede droite. Quand Jean-Luc Mélen-chon publie un livre intitulé Qu’ilss’en aillent tous ! (Flammarion,2010), on pense au fameux sloganutilisé par Pierre Poujade dans lesannées 1950 : « Sortez les sor-tants ! »

A gauche, il existe une tradi-tion, la défense républicaine.Quand le régime est menacé, lesrépublicains se rassemblentau-delà de leurs divisions. C’est ce

qui s’est passé au moment du bou-langisme, quand certains socialis-tes – à l’époque les partisans dePaul Brousse et de Jean Allemane –se sont mobilisés pour la Républi-que alors que d’autres – les « blan-quistes » et les « guesdistes » –étaient séduits par Boulanger.C’est ce qui s’est passé au momentde l’affaire Dreyfus. C’est encore cequi s’est passé avec le Front popu-laire, en 1936, quand les commu-nistes se sont alliés aux socialisteset aux radicaux face au danger fas-ciste. C’est, enfin, ce qui s’est pro-duit en 2002, quand JacquesChirac et Jean-Marie Le Pen se sontretrouvés au second tour de l’élec-tion présidentielle.

Cela dit, la stratégie de défenserépublicaine ne fonctionne pas àtous les coups : en 1958, par exem-ple, l’isolement du Parti commu-niste, lié au contextedeguerre froi-de, a empêché la gauche de fairefront commun face au retour dugénéral de Gaulle. La défense répu-blicaine, aujourd’hui, peut pren-drela forme de«discipline républi-caine » dans les seconds toursd’élection.

La troisième attitude est la ten-tation qui concerne plus spécifi-quement la droite : face à la mon-tée de l’extrême droite, elle peutêtre intéressée par une allianceavec elle. Le risque est d’autantplusfort quela droite parlementai-re est affaiblie : on l’a vu aux élec-tions régionales de 1998 avec cequi s’est passé en Rhône-Alpes, enPicardie, en Languedoc-Rous-sillon,enBourgogne etdansleCen-tre. La possibilité de voir de tellesalliances se nouer à nouveau est, àmon avis, l’un des grands dangersaujourd’hui. D’autant plus quel’on voit bien que toute une partiede l’électorat UMP se retrouvedans une idée que défend le FN

depuistoujours : la peur des immi-grés et l’islamophobie.A ce propos, comment analysez-vous les récentes déclarationsde Marine Le Pen contre les priè-res de rue des musulmans?

C’est très habile de sa part. D’uncôté, elle parle à un électorat dedroite qui juge que l’islam est unemenace pour l’identité nationale.De l’autre, elle peut toucher unélectorat de gauche pour qui la laï-cité est une valeur fondamentalede l’identité républicaine. De cepoint de vue, c’est une nouveauté.Mêmes’il atoujours existéune tra-dition antireligieuse – notam-ment néopaïenne – au sein de l’ex-trêmedroite,cette défensedela laï-

cité a de quoi étonner. Avant 1914,et encore entre les deux guerres,dans la mesure où elle s’opposait àun régime républicain qui incar-nait la laïcité face au cléricalisme,l’extrême droite n’avait aucunintérêt à défendre celle-ci. Aucontraire, elle avait tout intérêt às’opposer à la laïcité pour séduirel’électorat catholique.

Aujourd’hui, l’extrême droiteuse d’une pirouette qui consiste àutiliser l’arme historique de sesadversaires – la laïcité – à ses pro-pres fins. Apparemment, cela n’estpas inefficace, comme le mon-trent les récents apéritifs géantsoù se côtoient des militants d’ex-trême droite et des laïcs qui sedisent de gauche.

Vous avez évoqué le second tourde la présidentielle de 2002. Untel scénario peut-il se reproduireen 2012?

A mes yeux, tout est possible.Première possibilité : NicolasSarkozy est tellement impopulai-re qu’il ne parvient pas au secondtour, et alors un scénario de type2002, mais à l’envers cette fois, seproduit. L’accession de Marine LePenàla présidence duFN représen-te ainsi un danger bien plus grandpour la droite que ne l’aurait étéBruno Gollnisch, qui n’a pas lemême charisme, pas non plus lamême image rassurante, et doncpas le même potentiel électoral.

Deuxièmepossibilité: unerépé-tition de 2002. C’est envisageablesi lagauche arrive atomisée aupre-mier tour. Ce qui est malheureuse-ment très possible, compte tenudes institutions de la Ve Républi-que. En faisant de l’élection prési-dentielle le rendez-vous majeur del’agenda politique, notre Constitu-tion implique que, pour exister,toute formation politique doiveprésenter un candidat à la prési-dentielle.Le multipartismede gau-che pourrait lui être fatal encoreune fois.

Pour le Parti socialiste, c’estextrêmement compliqué, dans lamesure où le seul candidat aujour-d’hui crédible – DominiqueStrauss-Kahn – est en mêmetemps celui qui est le plus rejetépar une partie de la gauche. Etdonc celui dont la présence peut leplus favoriser cette atomisationqui a empêché la gauche d’arriverau second tour en 2002.p

Propos recueillis par

Thomas Wieder

«L’un des grands dangers est l’alliance FN-droite»Spécialiste de l’extrême droite, l’historien Michel Winock analyse les raisons de la «banalisation» actuelle du FN

Le congrès du Front national

«LeFNn’est plus uneexceptionfrançaise.L’européanisationdunational-populismedilue laspécificitédulepénisme»

«L’extrêmedroiteused’une pirouettequiconsisteà utiliserl’armehistoriquedesesadversaires–la laïcité – àsesfins»

BENJAMIN CHELLY POUR « LE MONDE »

8 0123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

Page 9: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

90123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

BrunoGollnischneveut pas «commenterlesrésultats avant leur proclamation»

ToursEnvoyés spéciaux

La « consigne officielle » était clai-re. Elle est parue vendredi 14 jan-vier à minuit sur les pages Face-book du Front national de la jeu-nesse (FNJ) et de Marine Le Pen :« Nous vous demandons de ne pascommuniquer sur vos pages,comptes et groupes respectifs lerésultat du congrès de Tours sivous le connaissez. » Même son decloche chez Bruno Gollnisch,l’autre prétendant à la successionde Jean-Marie Le Pen.

Pour parer à toute éventualité,Bruno Gollnisch avait même enre-gistré un message dissuasif surson téléphone portable. Il y affir-mait que ce n’était pas la peine delaisser un message, qu’il «ne com-

menterait pas les résultats avantleur proclamation», dimanche 16janvier.

A Tours, les quelques responsa-bles du Front national déjà sur pla-ce vendredi soir avaient l’oreillerivée à leur téléphone portable,essayant, comme les journalistes,d’obtenir des informations sur l’is-sue du vote. Apparemment sansrésultats.

«Drôle de soirée»Les formalités de vote expli-

quent notamment cette «drôle desoirée». Les adhérents frontistesont eu environ un mois pour voterpar correspondance, à la fois pourdésigner le président du Frontnational mais aussi pour élire lescent membres du Comité central –le parlement du parti. Le dépouille-

ment se déroulait «dans un lieutenu secret » en Ile-de-France, sousl’œil de représentants de chaquecandidat et d’un huissier. Toute lajournée et une partie de la soiréedu vendredi ont été consacrées à lasurveillance de cette opérationcomplexe.

L’enregistrement des votesétant fait avec un lecteur optique,il était impossible de donner destendances avant que l’appareil nepermette un décompte final.

Il reste maintenant au FN à fairecomme si les résultats n’étaientpas connus. Au moins jusqu’audernier discours de Jean-Marie LePen en tant que président, samediaprès-midi 15janvier, lors ducongrès. Histoire de ne pas lui fairede mauvaises manières. p

A. Me et C. M.

ToursEnvoyés spéciaux

M arine Le Pen l’a large-ment emporté dans lacompétition interne qui

l’opposait à Bruno Gollnisch pourla succession de son père à la têtedu Front national (FN). Du mêmecoup, le FN se dote d’une candidateà la présidentielle : Mme Le Pen n’aeudecessedemarteler quel’épreu-ve avait valeur de primaire.

A l’issue du dépouillement duvote des adhérents, dans la nuit duvendredi 14 janvier, un peu plus dedeux tiers des voix se sont portéessur la fille de Jean-Marie Le Pen,contre un peu moins d’un tiers àson concurrent.

Lesadhérents duFNont eu envi-ron un mois pour voter par corres-pondance. Les résultats doiventêtre proclamés officiellement

dimanche. La veille, Jean-Marie LePen aura tenu son dernier dis-cours en tant que président du FN,au premier jour du XIVe congrès dela formation politique qui sedéroule à Tours.

Plusieurs raisons expliquentun tel écart entre les deux concur-rents. Marine Le Pen a bénéficiétout d’abord d’une large exposi-tion médiatique, avec commepoint d’orgue l’invitation à l’émis-sion d’Arlette Chabot « A vous dejuger » le 9 décembre 2010 surFrance 2, juste avant la clôture desadhésions pour pouvoir voter. Lesproches de Marine Le Pen affir-maient d’ailleurs « avoir fait2 500 nouvelles cartes, toutes pourMarine », dans les heures suivantl’émission.

Pendant la durée du vote qui acouru sur décembre 2010 et lemois de janvier, Mme Le Pen a été aucentre du débat politique après sesdéclarations rapprochant les priè-resmusulmanes dansla rueetl’Oc-cupation. Elle a également pu pro-fiter du soutien de son père, prési-dent du FN depuis 1972, ainsi qued’un appareil acquis à sa cause.

Bruno Gollnisch, lui, n’a jamaisvraiment semblé en mesure deremporter cette élection, même sisa candidature a connu quelquesfrémissements à l’automne. Partitrop tard par rapport à sa concur-rente, M. Gollnisch a presque tou-jours paru en décalage.

Surtout, Marine Le Pen a tou-

jours misé sur le fait que, dans l’es-prit des adhérents, elle ferait unemeilleure candidate à l’électionprésidentielle que Bruno Goll-nisch. C’est la raison pour laquel-le, à la différence de son rival,elle n’a jamais souhaité dissocierprésidence du mouvement et can-didature en 2012. De fait, sa cam-pagne interne a été organiséecomme une précampagne prési-dentielle.

Une femme candidate du FN ?Un ancien haut dirigeant du Frontnational fait valoir que « l’analyseselon laquelle les femmes sont lesmeilleures candidates du Frontn’est pas nouvelle. Marie-FranceStirbois, Catherine Mégret ou YannPiat ont par le passé gagné desmandats à la majorité absolue ».

Ce score important place entout cas Marine Le Pen en positionde force pour, à la fois, constituerson équipe dirigeante au FN, maisaussi pour imposer sa ligne et sonfutur programme en vue de la pré-sidentielle de 2012.

« A la faveur de l’élection du pré-sident du FN, c’est toute une lignepolitique qui va être choisie. Etc’est essentiel. Ceux qui ne sont pasd’accord avec cette ligne politique,soit ils se soumettent à la volontédes adhérents du FN, soit ils se met-tent en retrait », déclarait-elle auMonde à quelques jours dudépouillement. Et d’ajouter : « J’aijoué le choix. Parce que moi, jecrois que les synthèses, c’est nul.

On voit ce que ça donne au PS, c’estdramatique. Et je crois que la politi-que, ça s’incarne. »

Pour la future présidente, le FNdoit moins s’adresser aux diffé-rentes composantes de l’extrêmedroite, dans le but de les rassem-bler en son sein, qu’aux électeurspour élargir sa base politique etsortir de son isolement. C’est lesens de sa stratégie dite de « dédia-bolisation», stratégie qu’avait éga-lement portée, en son temps,Bruno Mégret. « Probablement,Mégret faisait le même constatque moi, la diabolisation est unplafond », déclarait-elle encorerécemment.

Au cours de la campagne inter-ne, elle adéfendu une ligne « natio-nale-populaire » axée sur l’emploi,l’Etat protecteur contre la mondia-lisation, la sécurité et la luttecontre « l’islamisme ».

Les partisans de Bruno Goll-nisch, eux, ont mis en avant leurappartenance à « la famille natio-naliste ». Et ont développé uneligne « nationale-catholique » dedéfense des valeurs traditionnel-les. Pas sûr, donc, que les plusinvestis d’entre eux puissent sereconnaître dans un FN « mari-nisé » et se « soumettent », ainsique l’entend la fille de Jean-MarieLe Pen. Sans compter que descontentieux personnels forts sontnés à la faveur de la campagneinterne, notamment via Rivarol,hebdomadaire d’extrême droitequi a soutenu Bruno Gollnisch demanière très virulente.

La prochaine étape pour Mari-ne Le Pen est de boucler l’organi-gramme du parti d’extrême droi-te. Elle devrait l’annoncer dès lejeudi suivant le congrès. Y aura-t-ilune place pour le vaincu ? Pourson camp ? Plus délicat encore, elledevra savamment doser l’attribu-tion des postes-clés entre les diffé-rents groupes qui composent sonentourage. Celui des « amis » pré-sents depuis le début et celui, plusrécent, des anciens mégrétistes,notamment autour de Bruno Bil-de et Steeve Briois. p

Abel Mestre

et Caroline Monnot

«A la faveur del’électionduprésidentduFN,c’est touteuneligne politiquequiva être choisie»

Marine Le Pen

L ’un des plus grands scandalessanitaire que la France aitconnu, décrit au long de cen-

taines de pages : le rapport de l’Ins-pectiongénérale des affaires socia-les (IGAS) sur le Mediator, quidevait être remis samedi 15janvierdans la matinée au ministre de lasanté, Xavier Bertrand, et publiésur Internet dans l’après-midi,était pour le moins attendu.

En deux mois, les trois inspec-teurs de l’IGAS ont auditionné desdizaines d’experts et de fonction-nairespouressayerde comprendrecomment ce médicament auxeffets toxiques a pu rester sur lemarché,alorsquelesautoritéssani-taires étaient informées de sa dan-gerosité au moins dix avant sonretrait, en novembre 2009. Ils ontmis en lumière des dysfonctionne-ments qui devraient conduire àune refonte totale du système fran-çais de sécurité sanitaire.

L’Agence française de sécuritésanitaire et des produits de santé(Afssaps), et bien sûr le fabricant dumédicament, le groupe Serviersont au cœur du scandale. Les liensentre l’une et l’autre, l’absence desuivi des effets sanitaires du médi-cament, les conflits d’intérêts (desexperts, des membres de cabinetsministériels ou dans l’administra-tion), l’éparpillement des commis-sions, les allers et venues des res-ponsables entre cabinets, adminis-tration et industrie pharmaceuti-que, ont conduit à un aveugle-ment collectif. « Une étude est encours», était-il répondu lors de cha-que débat sur le Mediator, sansqu’une autorité prenne la moindredécision.Entrente-troisansdecom-mercialisation, le Mediator auraitprovoqué entre 500 et 2000 mortset 3 500 hospitalisations pouratteinte des valves cardiaques.

Lerapportdevait, exceptionnel-lement, être présenté par les ins-pecteurs, samedi, lors d’une confé-rence de presse. Le rapporteur,Aquilino Morelle, ancienne plumede Lionel Jospin à Matignon, est unspécialiste de santé publique. Il aconsacré un livre, La Défaite de lasanté publique (Flammarion,1996), à l’affaire du sang contami-né. Dans un second rapport, ildevra, avec ses collègues, Anne-Carole Bensadon, médecin généra-liste, et Etienne Marie, haut fonc-tionnaire au ministère de la santé,rendreses conclusionssur l’organi-sation de la pharmacovigilance.

Ce second volet doit être remisle 31 mars. Il nourrira un travail de

concertation plus large, dontXavier Bertrand devait annoncerleprincipe samedi,après laprésen-tation du rapport de l’IGAS. Lesrévélations parues dans la presse –qui seront sans doute démulti-pliées dans le rapport – montrentla nécessité de réformer le systè-me de sécurité sanitaire français.

Lespatients et les syndicats pro-fessionnels devraient être associésaux futures instances, et non plusseulement les représentants del’industriepharmaceutique.Ce tra-vail de concertation devrait êtreterminé fin juin. Il s’inspirera desmissions d’information du Sénatet de l’Assemblée nationale – ledéputé socialiste Gérard Bapt a éténommé mercredi président de cel-le de l’Assemblée.

Rendre confianceXavier Bertrand a beaucoup

consulté depuis qu’àla mi-novem-bre2010,au lendemaindesa nomi-nation au ministère de la santé(postequ’il occupait déjàde 2005 à2007), le scandale du Mediator aéclaté. Il a reçu des parlementairesde gauche et de droite, commeGérard Bapt et Jean-Pierre Door(UMP) – tous deux cardiologues deprofession –, le directeur de larevuemédicale indépendantePres-crire, le docteur Bruno Toussaint,et la pneumologue de Brest IrèneFrachon, sans laquelle le scandalen’aurait jamais été mis au jour.

Le ministre de la santé devaitinsister samedi sur la nécessité derendre confiance aux Françaisdans lesystème desécurité sanitai-re. Il devait prôner la transparenceen matière de conflits d’intérêts. Etredire qu’il est favorable à la publi-cation des conflits d’intérêts desmembres des cabinets ministé-riels. Sans oublier les victimes duMediator : la création d’un fondsd’indemnisation est envisagée etdes dispositions sont prises quantà leur suivi.

Dans un premier temps, leministre doit trouver rapidementun remplaçant à Jean Marimbert,le directeur général de l’Afssaps,dont la gestion est critiquée. Lui-même a annoncé son départ, touten prônant une « rénovation sanscomplaisance » de l’organismepublic. Une nomination délicate.Enarque – comme le directeur sor-tant – ou médecin, quel est le profille plus adapté ? Le débat est déjàlancé. p

Laetitia Clavreul

et Marie-Pierre Subtil

France

Mme Le Pen bien placéeen 2012, selon un sondage

Mediator: l’IGASrendpublic unrapportaccablantLe ministre de la santé, Xavier Bertrand, devaitannoncer une réforme du système sanitaire

1976 Le benfluorex est mis sur lemarché sous le nom de Mediator.Il est indiqué en complément d’unrégime et chez les diabétiques ensurpoids.

1995 Le benfluorex est interditdans les préparations en pharma-cie. Il reste en vente en boîte.

1997 Les Etats-Unis interdisentles fenfluramines, auxquelles estrattaché le Mediator. La Franceinterdit l’Isoméride, coupe-faimde la famille des fenfluramines.

1998 L’Union régionale des cais-ses d’assurance-maladie de Bour-gogne évoque «des prescriptionsinutiles, voire dangereuses pour lasanté». La direction de l’Agencedu médicament est informée.

1999 Un premier cas de valvulopa-thie chez un patient prenant duMediator est notifié à Marseille.

2001 Le groupe Servier s’engageà réaliser une étude. Les premiersrésultats sont exposés à l’Afs-

saps en juin… 2009.

2003 Un cas de valvulopathie estdécrit en Espagne. Le médica-ment est retiré en Italie et enEspagne en 2005.

2006 La commisssion de la trans-parence, chargée d’évaluer le ser-vice rendu des médicaments dansle cadre de leur remboursement,réexamine le Mediator. Mais, dansl’attente d’une réévaluation durapport bénéfice/risque, le Media-tor reste remboursé à 65%.

2009 Onze cas de valvulopathiessous Mediator sont signalés parle CHU de Brest à l’Afssaps. Uneétude de la CNAM portant sur unmillion de diabétiques confirme lelien. Le 30novembre, le Mediatorest retiré de la vente.

2010 Le 15novembre, l’Afssapsreconnaît que le médicamentaurait fait au moins 500 morts. Leministre de la santé, Xavier Ber-trand, mandate l’inspection géné-rale des affaires sociales.

Le congrès du Front national

Selon un sondage CSA pourl’hebdomadaire Marianne,publié vendredi 14janvier, Mari-ne Le Pen arriverait en troisièmeposition (18% des suffrages) sile premier tour de l’élection pré-sidentielle de 2012 avait lieudimanche 16janvier. Le socialis-te Dominique Strauss-Kahn rem-porterait le premier tour avec30% des voix, devant NicolasSarkozy (25%).

A l’entrée du congrès de Tours, samedi 15janvier, à 8heures. PATRICK ARTINIAN/CONTACT PRESS IMAGE POUR « LE MONDE »

Marine LePen remporte la présidenceduFN avec plus de deuxtiers des voixJean-Marie Le Pen devait tenir son dernier discours, samedi 15janvier, lors du congrès de Tours

Trente années avant le retrait du médicament

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MontpellierEnvoyée spéciale

L e président de la cour d’assi-ses de l’Hérault, Joël Mocaer,se donne le temps. Il reprend

le récit que Jean-Michel Bissonnetvient de livrer de sa journée du11 mars 2008, depuis le matin jus-qu’aux premières heures qui ontsuivi sa découverte, à son retourdu Rotary Club, du corps ensan-glanté de son épouse, Bernadette,dans leur villa de Castelnau-le-Lez.

L’interrogatoire s’engage d’unevoix étale, courtoise. Les questionssont précises, de plus en plus préci-ses. A chaque fois, Jean-Michel Bis-sonnetrépondlonguement, donnedes détails, souvent trop. La sallepleine à craquer assiste dans unsilence épais à l’échange, sans tou-jours comprendre pourquoi le pré-sident s’attarde autant sur ce pro-blème d’éclairage de l’allée, celuidu corridor, ou sur l’attitude duchien Pit. Les trois avocats de Jean-Michel Bissonnet, eux, ont com-pris. Assis au pied du box, ils ren-trent la tête dans les épaules.

Le président avance dans l’em-ploidutempset,dumêmetonneu-tre, en arrive aux treize minutesquise sontécoulées –de 22heures à22 h 13 – entre le moment où Jean-MichelBissonnetdécrochesontélé-phone et compose le 17 et celui del’arrivée des pompiers et des gen-darmes à la villa.

Jean-Michel Bissonnet explique,la voix noyée de sanglots, com-ment il s’est alors approché ducorps de sa femme – « elle avait labouche ouverte, du sang par-tout» –, a pris son pouls – « le brasest tombé» –, a monté le chien Pit àl’étage pour l’enfermer dans unechambre « pour qu’il ne piétine pasdans le sang », est allé chercher unvêtement pour recouvrir le visagedela victime, est entrédansle salonpour éteindre le poste de télévi-sion, a pris une serpillière dans lacuisine, a nettoyé des gouttes desang éparses dans l’entrée. Jean-Michel Bissonnet, qui connaît sondossier par cœur, sait que ce gestede la serpillière pèse lourd dans ledossier d’accusation. Les traces de

sang qu’il a cherché à effacer, lesplus éloignées du corps de Berna-dette Bissonnet, sont celles deMeziane Belkacem, qui s’était arra-ché un ongle en tirant avec le fusil àcanon scié.

Devant les photos de la scène decrime, diffusées sur grand écran, le

président lui demande encore debien préciser chacun de ses gestes.

« Bien », dit-il. Il se tourne alorsvers la technicienne installéedevant un ordinateur portabledans le prétoire et lui demande dediffuser l’enregistrement sonorede l’appel que Jean-Michel Bisson-net a passé aux pompiers.

Un hurlement déchirant reten-tit. « Allô ! Allô ! », répond calme-

ment une voix masculine au télé-phone.CelledeJean-Michel Bisson-net n’est qu’un cri : « Ma femme,ma femme, ils ont tué ma femme!»A l’autre bout du fil, l’homme tentede le calmer, lui demande son nom,son adresse. Les sanglots saturentl’échange. « Restez en ligne, Mon-sieur, ne raccrochez pas, surtout netouchez à rien.» Les hurlements dedouleur reprennent, de plus enplus forts, puis semblent s’éloignerdu combiné. « Allô! Allô ! Monsieur,ne bougez pas », dit encore la voix.« Mon amour, je t’aime, je t’aime,Bernadette… Mais pourquoi ? Maispourquoi ? » « Allô, allô ? » Dans lalumière crue de la salle d’audience,la scène devient insoutenable. Auxsanglots enregistrés répondentceux de Jean-Michel Bissonnet,effondré dans le box, et le cri dedétresse de son fils cadet, Marc, quiquitte aussitôt la salle.

Le président ne cille pas. L’enre-gistrement se poursuit. On entendretentir les sirènes des pompiers,celles des gendarmes qui arrivent àla villa, les premiers échanges. Lavoixde Jean-MichelBissonnet: «La

peine de mort pour des salopardspareils !» On perçoit l’écho des pre-mières questions des gendarmes etcettephrase de Jean-Michel Bisson-net: « J’ai nettoyé un peu. » Encoredescris,puislesilence.L’enregistre-mentestterminé.Lasalleresteson-née par cette invasion de douleurbrute. Le président suspendl’audience quelques instants.

Un quart d’heure plus tard, l’in-terrogatoire reprend.

« M. Bissonnet, je vous repose laquestion. Vous nous confirmez quetous ces gestes [il énonce distincte-ment et lentement] : monter lechien à l’étage, récupérer une vestepour couvrir votre épouse, éteindrele téléviseur, passer la serpillière etnettoyer les taches de sang, tous cesgestes, donc, vous les effectuez pen-dant votre appel ?

– Sans doute, répond d’une voixfaible Jean-Michel Bissonnet.

– Tout cela en même temps ?,insiste le président.

– Oui, Monsieur le président.»En contrebas, ses trois avocats

baissent la tête. p

Pascale Robert-Diard

Z emmour! Zemmour!» C’estsous les encouragementsscandés par des dizaines de

fans qu’Eric Zemmour est sorti dela 17e chambre du tribunal correc-tionnel de Paris, vendredi 14jan-vier. «Je sais ce que je vous dois, etje vous remercie», a déclaré le jour-naliste du Figaro, chroniqueur surRTL, France 2 et iTélé, cerné par lescaméras. «On va gagner!», a ren-chéri son avocat, Me Olivier Pardo,relançant la clameur.

Cité par cinq associations anti-racistes – SOS-Racisme, Licra,MRAP, UEJF et J’accuse – M.Zem-mour répondait, depuis mardi, de«diffamation et provocation à ladiscrimination raciale» pour despropos tenus le 6mars 2010. SurCanal+, il s’était exclamé, à proposdes contrôles de police au faciès:«Mais pourquoi on est contrôlé 17fois? Pourquoi? Parce que la plu-

part des trafiquants sont noirs etarabes! C’est comme ça, c’est unfait.» Le même jour sur France Ô, àune question relative à la discrimi-nation à l’embauche, il répondaitque les employeurs «ont le droit»de refuser des Arabes ou des Noirs.

Indépendance d’espritPonctuées d’éclats de rires et

d’applaudissements – prohibésdans une salle d’audience –, lestrois demi-journées de son procès,où il a farouchement défendu sa«liberté d’expression», ont pris latournure d’un show médiatique,au grand dam des parties civiles.Elles ont unanimement dénoncé,vendredi, dans leurs plaidoiries,«l’immense gravité» des proposd’Eric Zemmour. Me Patrick Klug-man, conseil de SOS-Racisme, s’estrefusé à y voir un «dérapage». «Ilfait passer un mensonge pour un

fait établi», a déclaré l’avocat.Me Sabrina Goldman, avocate de laLicra, a enjoint au tribunal de«considérer que le racisme des pro-pos d’Eric Zemmour n’est pas unracisme “raisonnable”».

La veille, des personnalités detous bords – le député UMP deParis Claude Goasguen, l’écrivainDenis Tillinac, l’éditeur-chroni-queur Eric Naulleau, l’ex-secrétai-re général de Reporters sans fron-tières Robert Ménard, ou le préfetde l’Allier Pierre Monzani,ex-conseiller de Jean-Pierre Che-vènement quand il était ministrede l’intérieur – étaient venueslouer l’indépendance d’esprit duprévenu.

Se refusant à le qualifier de«raciste », le procureur Anne deFontette a précisé, vendredi,qu’« Eric Zemmour a tenu des pro-pos susceptibles d’être sanction-

nés». Elle lui a également rappeléque « la discrimination n’est pasun droit, mais un délit». Arguantde la « portée » de sa parole entant qu’«homme de médias etpolémiste reconnu », elle a requisune condamnation de « princi-pe», sans préciser de peine.

«Laissez la belle, libre et fortevoix d’Eric Zemmour s’expri-mer! », a imploré Me Pardo à l’is-sue d’une plaidoirie de deux heu-res en dénonçant un procès « poli-tique». « La réalité que décrit EricZemmour est insupportable [auxassociations], a jugé l’avocat, quiont bâti pendant trente ans uneconception idéologique et culturel-le pour éviter que cette réalité exis-te. C’est le constat d’une partie deleur échec.»

Le jugement a été mis en déli-béré au 18 février. p

Patricia Jolly

Condamnation requisepour le showmédiatique Zemmour

Pierre MOSCOVICI, Député PS du DoubsDimanche Soir Politique reçoit

dimanche 16 janvier à 18h10 sur i>TELE et France InterA retrouver sur : franceinter.com, itele.fr, Dailymotion et

Lestracesde sang qu’ilacherchéà effacer,lesplus éloignées ducorpsdeBernadetteBissonnet,sontcellesdeMeziane Belkacem

Lestreizeminutes cruciales de l’emploidutemps de Jean-Michel BissonnetL’accusé a passé la serpillière autour du corps de sa femme avant l’arrivée des gendarmes

C ’est aux côtés des personnelsde santé en lutte contre le«démantèlement» de l’hôpi-

tal public qu’Eva Joly a démarré sacourse électorale, vendredi 14 jan-vier. Pas encore désignée candidateécologiste à l’élection présidentiel-le de 2012, concurrencée par Nico-lasHulot qui hésitemais distillesesenvies de se présenter, la députéeeuropéenne n’a pas la tâche facile.Elle compte faire la différence enallant sur le terrain, à la «rencontredu réel ».

« Si c’est moi qui suis désignée»,commence-t-elle devant une dou-zaine de professeurs, médecins,infirmières et personnels hospita-liers de l’hôpital Trousseau, situé

dans le 12e arrondissement de Paris.Elleestvenue«écouter» lesdoléan-ces de ce service public, « un despiliers de notre vivre-ensemble ».Les médecins du Mouvement dedéfense de l’hôpital public luiracontentladégradationdescondi-tions de travail et de l’accueil. Ledirecteur de l’établissement insistesur les réductions des crédits et lechoix de société qui est fait « entreun nouvel hôpital et un Rafale ».

La Franco-Norvégienne prenddes notes, cite des chiffres, expli-que qu’elle-même veuve d’unmédecin, qui a travaillé en structu-re hospitalière, est « extrêmementsensible» aux problèmes de la san-té publique. Un des bâtiments del’hôpital pour enfants porte mêmele nom d’un membre de sa belle-famille,EdouardBrissaud,neurolo-gue et dreyfusard militant.

Deux heures d’échanges et lacandidate repart avec sa valise àroulettes.«Tiensbon», lui lanceJac-ques Boutault, maire Europe Ecolo-gie-Les Verts du 2e arrondissementde Paris. Depuis quelques jours, la«rumeur Hulot» enfle. Le père duPacte écologique fait savoir qu’ilconsulte beaucoup, réunit desexperts commes’il voulait lui aussise lancer en campagne. Ses amiss’activent. Une pétition circulechez les écologistes, lancée parChristophe Rossignol, conseillerrégional (EELV) de la région Centre.

Yves Cochet, député de Paris, quilui aussi s’est déclaré candidat dansla primaire des écologistes, ne ces-se, depuis trois jours, de clamer sonsoutien à l’animateur de TF1: «Evan’a pas d’expérience. Elle connaîtpeu l’écologie, alors que NicolasHulot est habité par son thème »,déclarait-il, jeudi, sur France Info.Eva Joly lâche : « Je ne trompe per-sonnenisurmonorigine nisurmonâge ni d’où je viens et mes combatssont aussi ceux des écolos.»

L’anciennemagistrate sait qu’el-le peut compter sur le soutien de laplupartdes personnalités d’EuropeEcologie, que Noël Mamère a réu-niesdansunconseilpolitiqueinfor-mel avec d’autres ténors de l’écolo-gie et sur celui des militants, scepti-ques devant la danse de l’ombre deNicolas Hulot, qui avait déjà failliêtre candidat en 2006. « Avec Eva,on sait dans quel camp on sera ausecond tour », répètent-ils.

«Mes combats parlent pour moi.Depuis vingt-cinq ans ce sont descombatsdegauche»,glisseladépu-tée. Alors, si « Nicolas » hésite, ellecreusesonsillon. «Aussi longtempsque c’est virtuel, aussi longtempsque son intention n’est pas suivied’actes, il n’y a pas lieu de dévier demon chemin », dit elle en annon-çant ses prochaines sorties. Ajou-tant qu’elle sera partout où les can-didats aux cantonales de marsauront besoin d’elle. p

Sylvia Zappi

France

Arrivée de Jean-Michel Bissonnet à la cour d’assises de l’Hérault, le 13janvier. N. GUYONNET/ICON SPORT

«Mescombatsparlentpourmoi.Depuisvingt-cinq ans,cesont descombatsdegauche»

Eva Jolydéputée européenne

EvaJolysurleterrainpourcontrer«larumeurHulot»Des membres d’Europe Ecologie-Les Vertsmilitent pour la candidature de l’animateur

Social Le suicide d’un agent de l’ONFétait dû à ses conditions de travailL’Office national des forêts (ONF) a reconnu, vendredi 14 janvier, que lesuicide d’un de ses agents en décembre 2009 à Poligny (Jura) était impu-table à ses conditions de travail. Cette reconnaissance permet notam-ment « la prise en charge par l’ONF d’un certain nombre de frais » et leversement d’indemnisations. Depuis 2005, l’ONF qui comprend10 000 agents, a comptabilisé 20 suicides de salariés. – (AFP.)

Fait divers 18 jeunes interpellés à Corbeil-EssonnesDix-huit jeunes hommes ont été interpellés, vendredi 14 janvier, à Cor-beil-Essonnes (Essonne). Ces jeunes, soupçonnés de dégradations dansun bureau de la mairie, voyaient arriver à échéance leur contrat d’ac-compagnement vers l’emploi (CAE). Selon la mairie, ils ont fait irrup-tion dans le bureau du directeur général des services, « afin d’obtenirpar intimidation le renouvellement de leurs contrats». – (AFP.)

Prison Le directeur aurait privilégié plusieurs détenuesLe contrôleur général des prisons a révélé, vendredi 14 janvier, que ledirecteur de l’établissement de Versailles, poursuivi pour avoir eu desrelations sexuelles avec une jeune femme appartenant au « gang desbarbares», aurait accordé un traitement de faveur à d’autres détenues.

Justice Le PDG de Visionex condamné à 30000 eurosd’amendeLe PDG de la société Visionex a été condamné, vendredi 14 janvier, à30000 euros d’amende pour avoir commercialisé des bornes de jeuxclandestins. – (AFP.)

10 0123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

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EnhausseVivendiLe groupe français a reçu 1,2milliard d’eurosde Deutsche Telekom, mettant fin à un conflitde onze ans entre les deux sociétés qui portait surla possession de l’opérateur mobile polonais PTC.

EnbaisseLa GrèceL’agence de notation Fitch a abaissé d’un cranla note de la dette de long terme du pays(de BBB – à BB +), ce qui relègue la Grèce au rangdes émetteurs considérés comme peu fiables.

99 dollars.C’est le prixdu barilde Brentà Londres,unseuil atteintpour la premièrefoisdepuis le 1er octobre 2008.La hausse

estsoutenuepar une demandesolideenEurope et enAsie, tandis quela productionen Norvège, le principalfournisseur,devraitchuter en2011 deprès de 6%.

Un accord avec la villede Toulouse

Economie&Médias

C ’était il y a dix ans, le 15 jan-vier 2001. Deux Américains,Jimmy Wales et Larry San-

ger, lançaient les bases de Wiki-pédia.Unprojetun peufou :conce-voirune encyclopédieenligne,gra-tuite,rédigée par des internautes,àlaquelle tous, experts ou néophy-tes, pourraient contribuer, encréant, complétant ou corrigeantles articles grâce à un outil inspirédes logiciels libres, le « wiki », per-mettant un travail collaboratif.

D’abord improbable, Wikipédiaaprospéré. Il est aujourd’hui le cin-quième site le plus visité du Web.AuxEtats-Unis, plusd’uninternau-te adulte sur deux consulte l’ency-clopédie enligne, selon une enquê-te de Pew Internet. Le nombre d’ar-ticles dépasserait 17 millions, en270 langues.

Pourtant, l’encyclopédie resteun ovni. C’est le seul service Webde cette importance qui n’a pas« monétisé » son audience par lapublicité. Elle est à but non lucra-tif, et compte toujours sur l’en-thousiasme de centaines de mil-liers de bénévoles pour croître.

« Elle s’inscrit dans la culture departage et de gratuité des leadersd’opinion du Web », pour PierreChappaz, un des principaux entre-preneursfrançaisduNet.«Lasocié-té fondée en parallèle par M. Wales,Wikia, a financé nos premiers ser-veurs. Mais dès 2003, on a fait lapart des choses, et créé une fonda-tion, laWikimediaFoundation, pro-priétaire des machines, des nomsde domaine et de la marque »,raconte Florence Devouard, prési-dente de la fondation entre 2006et 2008, « wikipédienne» de la pre-mière heure. « Nous avons com-mencé à faire appel aux dons dèsfin 2002. A l’époque, nous n’étionsque quelques dizaines à contribueraux articles», précise-t-elle.

La hiérarchiereste àpeine sensi-ble. Les fondateurs ont été écartés.« M. Sanger voulait un contrôle apriori des articles », selonMme Devouard. M. Wales reste, lui,très sollicité par les médias, mais« n’a plus qu’un rôle de représenta-tion », ajoute-t-elle. L’actuel prési-dent est un Allemand d’originechinoise plutôt discret, Ting Chen.

Le projet est décentralisé.Autour de la fondation gravitentune trentaine de « Wikimédia »nationales, assez autonomes, char-gées d’animer la communauté descontributeurs, de lever les fonds…« Au début, il y avait une gouver-nance anglo-saxonne. Maintenant,chacun vit sa vie », noteMme Devouard. Ce fonctionnementa ses lourdeurs. « Un contributeurpeut contester un vote de notreconseil d’administration. D’où desprocessus de décision parfoislongs », note Adrienne Alix, prési-dente de Wikimédia France. Destensions existent : « On veut être

accueillants avec les contributeursquelles que soient leurs opinions. Cen’est pas toujours simple », ajouteMme Devouard.

Investir et convaincreWikipédia a encore ses failles,

pointées dans les médias : leserreurs, les articles trop peu objec-tifs, ceux qui annoncent la mortpar erreur de personnalités… « Deswikipédiens ont développé des logi-ciels pour traquer les dérapages. S’ilyarisquede diffamation,un contri-buteurrégulier peutsupprimerl’ar-ticle. Si les contributions sont farfe-lues ou publicitaires, on en débatentre nous. Mais il y a des choses quipassent au travers des mailles dufilet, surtout dans les biographies

de personnes peu connues, moins“surveillées” par la communauté »,reconnaît Rémi Mathis, ex-élève àl’Ecole des chartes, gros contribu-teur en français sur l’histoire del’Europe au XVIIe siècle.

Pour éviter les dérapages, leswikipédiens allemands et améri-cains ont instauré une procédurede validation a priori pour lesbibliographiesde personnes vivan-tes, dès lors que le contributeurqui la modifie est un « nouveau ».

Il y a aussi les risques de récupé-ration, comme ces livres « copiés-collés» d’articles de Wikipédia, quiseraient en vente sur Amazon.« C’est d’autant plus déplorablequ’ils sont mal faits. On n’y peutrien : le contenu de Wikipédia est

libre de droits ; il peut être réutilisépar qui veut», dit Mme Devouard.

Mais Wikipédia change, se pro-fessionnalise. A la suite de l’appelaux dons lancé fin 2010, le budget2011 a doublé, à 16 millions de dol-lars (12millions d’euros). Une gros-se partie ira au troisième centre deserveurs qui doit ouvrir aux Etats-Unis, avec des embauches d’infor-maticiens à la clé. L’audience aug-mentant, il faut investir dans desinfrastructures. Wikimédia Francea aussi salarié une personne à lacomptabilité en 2010, pour soula-ger les bénévoles.

Attirer des contributeurs, si pos-sible des spécialistes, est aussi unedes priorités, notamment en Fran-ce. Avec d’autres, M. Mathis tente

deconvaincrelesinstitutionscultu-relles de confier à Wikipédia unepartie de leurs richesses (photos,textes) ou de rédiger des articles.Un accord a été signé en avril 2010avec la Bibliothèque nationale deFrance, pour mettre à dispositiondes internautes 1 400 textes tom-bésdansledomainepublic.«Désor-mais, on nous prend au sérieux », sefélicite M. Mathis, qui dit avoir descontacts avec les Archives nationa-les et le Château de Versailles. «Lesréticences sont au niveau des direc-tions, qui s’inquiètent des risquesd’exploitation par des tiers de leurcontenuainsi mis en ligne », recon-naît Mme Devouard. p

Cécile Ducourtieux

et Laurence Girard

En dix ans,Wikipédia est devenue incontournableL’encyclopédie en ligne à but non lucratif, cinquième site le plus visité du Web, cherche à multiplier les contributeurs

La«contre-offensive»desencyclopédiestraditionnelles

En octobre2010, WikimédiaFrance a signé un accord avec laville de Toulouse, soucieuse depolir son image «high-tech».Dans ce cadre, le Museum d’his-toire naturelle dépendant de lamunicipalité a accepté que des«wikipédiens» viennent photo-graphier son fonds paléontologi-que. «L’idée est de donner unlibre accès à des photos d’unesélection de nos objets. 300cli-chés en haute définition sontdéjà en ligne, et 2000 devraientl’être à terme. L’intérêt pournous est d’être cités quand lesinternautes les consultent»,affirme Francis Duranthon,directeur du Museum. Quitte àaccepter que ces photos libresde droits soient exploitées com-mercialement par des éditeursou utilisées mal à propos. «Unjournal américain en ligne a illus-tré l’histoire du meurtre d’unmari par sa femme par un de noscrânes du mésolithique…», ajou-te M.Duranthon, qui prend l’af-faire avec le sourire.

LE QUID est mort et enterré. Leshéritiers de Dominique Frémy,son fondateur, réclamaient prèsde 3,5 millions d’euros aux édi-tions Robert Laffont pour avoirarrêté la publication de la célèbreencyclopédie en volume unique.Ils ont été déboutés, le 7 janvier,par la cour d’appel de Paris.

Sur ce segment des encyclopé-dies, Wikipédia règne presquesans partage sur la Toile. Avecprès de 17 millions d’articles dansle monde, plus de 1 million d’arti-cles disponibles en françaisdepuis l’automne 2010, le siteoccupe une place centrale dans lepaysage du savoir en ligne. La moi-tié des Français y a recours unefois par mois au moins.

HégémonieEt depuis l’arrêt par Microsoft,

en 2009, de son projet d’encyclo-pédie en ligne Encarta, il n’y aplus de rival. Knol, lancé par Goo-gle, n’est qu’une plate-formed’échange d’informations.

En France, la « contre-offensi-ve» pour lutter contre cette hégé-monie a débuté en 2008. Larous-se, dont la marque est connueinternationalement, a lancé sonencyclopédie contributive en

ligne en mai 2008. Celle-ci existe àcôté de l’encyclopédie Larousse enligne. Les deux sont gratuites etprésentent 200000 articles. Avec21millions de pages vues par moiset 1 million d’utilisateurs régu-liers, ces encyclopédies connais-sent une fréquentation soutenueet contribuent à faire vivre la mar-que sur Internet.

Larousse ne peut pas rivaliseravec Wikipédia en nombre de réfé-rences. Mais, dans les champs clas-siques du savoir, la marque à lasemeuse se défend bien. « Onobserve des pics de fréquentationle dimanche soir ou le mercrediaprès midi », note Julien Chante-pie, responsable marketing multi-média chez Larousse.

Troisième acteur du marché,loin derrière les deux autres, l’En-cyclopédie Universalis a adoptéune autre stratégie. Elle est restéepayante sur le Web et privilégieànouveau son édition papier. Ellevise un public universitaire et triésur le volet.

Pour les concurrents de Wiki-pédia, lameilleure manière pourexister consiste d’ailleurs à seconcentrer sur des thématiquesspécialisées. p

Alain Beuve-Méry

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D es efforts, mais peut mieuxfaire. L’ex-directeur géné-ral du Fonds monétaire

international (FMI) MichelCamdessusa présenté àBercy, ven-dredi 14 janvier, son rapport sur lecontrôle des bonus versés aux opé-rateurs de marchés.

Il a observé un « double effet demodération et de transparence »de la part des six établissementsbancaires français ayant reçu desaides d’Etat au plus fort de la criseen 2008 : BNP Paribas, Sociétégénérale, Crédit agricole, Dexia,BPCE et Crédit mutuel.

Au titre de l’année 2009, cesbanques ont versé en 2010 au total3 milliards d’euros de bonus, dont2milliards d’euros à 8200 person-nes. Par rapport au total versé autitrede2008,cette enveloppeacer-tes progressé de 60 % ; mais cetteannée-là avait vu les rémunéra-tions diminuer fortement à causedu déclenchement de la crise.

M. Camdessus a donc choisi decomparercette enveloppe de3mil-liards d’euros à celle versée au titre

de 2007 : entre ces deux années, lemontant total a diminué de800millionsd’euros, soitune bais-se de « plus de 20 % » en raison del’application de nouvelles régle-mentationsenmatière derémuné-rationdes traders.Sanselles, lerap-port estime que les bonus versésauraient retrouvé des niveauxéquivalents, voire supérieurs àceuxdistribuésavantlacrisefinan-cière de 2008.

Toutefois, toujours selon le rap-port, les 40 premiers bonus indivi-duels au titre de 2009 dépassentles rémunérations perçues lamême année par les dirigeants duCAC40, l’indice phare de la Boursede Paris. La situation reste donc« choquante» en raison de l’« écartavec ce qui est observé dans lesautres secteurs de l’économie ».

L’une des inquiétudes expri-mées par les établissements ban-caires français face aux nouvellesnormes était notamment la fuitedes traders vers des banques plus« offrantes ». Cette crainte est plu-tôt réfutée par le rapport. Leur

application « n’a pas entraîné unaffaiblissementsubstantielet dura-ble de leur position par rapport à laconcurrence », a ainsi indiquéMichel Camdessus, malgré des dif-ficultés observées aux Etats-Uniset en Asie.

Ces normes ont été dessinéesdans le cadre du G20 de Pittsburgh(Pennsylvanie, Etats-Unis) en sep-tembre 2009, la France ayantpublié dans la foulée un arrêté afinde les mettre en pratique. Auniveau européen, elles sont envigueur depuis le 1er janvier 2011.

Parmi ces règles, le versementdifféré dans le temps d’une partiedu bonus ou encore l’introduction

d’un malus, la prime pouvantéventuellement être réduite lesannées suivantes en cas de baissedes performances de l’opérateur.

«Laclause de malusest incontes-tablement celle qui a soulevé leplus de difficultés », note le rap-port. Les banques ont « cherché àavoir une interprétation extrême-ment restrictive » de cette mesure,en ne souhaitant l’appliquer « quequand il y a perte », a expliquéM. Camdessus. Pour autant, lemaluss’appliquant aux rémunéra-tions différées sur trois ans, sonrespect n’a pas encore pu êtreobservé dans le cadre de l’étude.

Prochaine étape, les banquesdevront présenter dans leur rap-port annuel un tableau standardi-sé des rémunérations variables,élaboré par la Fédération bancairefrançaise et l’Autorité de contrôleprudentiel. Reste à savoir quandcette exigence supplémentaire detransparence s’appliquera, car res-te « la tentation d’un retour auxpratiques antérieures ». p

Cécile de Corbière

Lesbonus versés par les banques françaises ont diminué,mais la situationreste «choquante», selon unrapportL’enveloppe a atteint 3milliards d’euros pour 2009, soit une baisse de 20% par rapport à 2007

Reportage

LeHavre (Seine-Maritime)Envoyé spécial

D epuis mercredi 12 janvier,les 2 000 dockers et les230 portiqueurs du Grand

Port maritime du Havre (GPMH,Seine-Maritime) se sont organisés.Les jours impairs, les premiers ces-sent le travail ; le lendemain, lesautres prennent le relais. Ces grè-ves par roulement permettent delimiter les conséquences financiè-res pour les salariés, sans atténuerl’impact du mouvement.

Chaque jour, le port est paraly-sé, hormis l’activité des raffineries,gérées par des opérateurs privés, etcelle des car-ferries, épargnée aunom d’une vieille coutume locale.Mais ces trois derniers jours, qua-rante bateaux et 30 000 conte-neurs n’ont pu accoster.

Ce conflit, national, vise le gou-vernement, accusé par le syndicatCGT des ports et docks de ne pashonorer la promesse de ses prédé-cesseurs visant à financer l’accordsur la pénibilité conclu avec lepatronat. Il s’agissait d’abaisser dequatre ans, à 58 ans, l’âge de départen retraite. Une disposition déro-gatoire devenue entre-temps poli-tiquement incompatible avec laréforme des retraites.

Privée de cet accord qui fait offi-cede contrepartieà laréforme por-tuaire – elle consiste à transférerau privé les équipements et le per-sonnel des ports –, la CGT a lancéun appel à la mobilisation quiaffecte Le Havre, Marseille, Rouen,Dunkerque(Nord) etNantes-Saint-Nazaire. « Noussommes prêts à ins-crire ce mouvement dans la duréeet à mener des actions qui pénalise-ront fortement l’activité », pré-vient Laurent Delaporte, secrétai-re du syndicat CGT du GPMH.

Et alors que Thierry Mariani,secrétaire d’Etat aux transports, sedit « déterminé à mener la réformeportuaire à son terme », la fédéra-tion des dockers et des agents por-tuaires se déterminera, lundi17janvier, sur denouvelles modali-tés d’action.

Après 58 journées de grève en2010, le port du Havre en recensedéjà dix pour 2011. Cette comptabi-lité n’accable pas Laurent Castaing,président du directoire du GPMH.« L’activité hors hydrocarbures aété maintenue et le trafic des conte-

neurs, domaine où nous détenonsles deux tiers du marché français, abien progressé », dit-il.

Ces dernières années, Le Havreacédé moinsde terrain àla concur-rence d’Europe du Nord que Mar-seille. Entre 2000 et 2007, le port acréé 2 400 emplois et s’est fait unespécialité des expéditions de vinsetspiritueuxmaisaussi desimpor-tations d’automobiles ou de pro-duits de luxe. Le suivi informati-que des cargaisons et les entrepôtspour la logistique ont fait l’objetd’investissements importants.

Le GPMH a aussi anticipé la libé-ralisation en louant au secteur pri-vé la plupart de ses équipements.

«Des entreprises locales ont investi30 millions d’euros et sont prêtes àen consacrer autant pour de nou-veaux outils ; ce sont des sociétésqui connaissent bien le port», insis-te M.Castaing.

Découragement«Nous avons tout pour réussir ; il

ne nous manque que la fiabilitésociale», renchérit Hervé Cornède,directeur commercial du GPMH,non sans remarquer que « les grè-ves qui nous affectent sont toujoursdécidées au plan national».

Certains semblent pourtant fri-serle découragementfaceàla répé-tition des arrêts de travail. « La

réforme portuaire est inéluctable,mais à quel prix ? », s’interrogeChristian Leroux, président del’Union maritime et portuaireduHavre, qui regroupe armateurs,transitaires et transporteurs.Selon lui, « la part de responsabili-té du gouvernement est clairementétablie », alors que « la pénibilitédes tâches des dockers ou des gru-tiers est déjà largement prise encompte, en particulier si l’on consi-dère leurs horaires de travail ». Ega-lement présidentdes Unionsmari-times et portuaires de France,M. Leroux admet « craindre unmouvement long ».

De leur côté, les compagniesmaritimes prennent leurs disposi-tions. Anne-Sophie Avé, déléguéegénérale d’Armateurs de France,voit dans « la tardive fermeté dugouvernement ce qui pourrait êtrela dernière chance de faire aboutirune réforme indispensable ». Elleobserve que « les lignes ont étédéroutéesvers les ports d’Europe duNord ». En réponse, la CGT a faitsavoir,vendredi,queplusieurssyn-dicats de dockers belges, néerlan-dais et allemands « ont donné leuraccord pour refuser de déchargerles bateaux détournés en raison dela grève des ports français ». p

Jean-Michel Normand

C ’est unsujetdontleséditeursde presse n’aiment pas tropparler. Bon gré mal gré, ils se

sont pourtant réunis, vendredi14 janvier, au ministère de laculture, pour discuter des aides del’Etat au secteur. Le but : mettre enplaceuneinstance deconcertation,présidée par Roch-Olivier Maistre,conseiller à la Cour des comptes,fixer un calendrier de travail pourréduire progressivement, sur lapériode 2012-2016, le montant desinterventions de l’Etat.

Le problème, c’est que beau-coup de journaux sont devenustrès dépendants de ces aides, aupoint de les intégrer dans leurmodèleéconomique.Ce phénomè-ne n’a fait que s’accentuer depuis2009, après les Etats généraux dela presse écrite – ils avaient été lan-cés par l’Elysée en octobre 2008,afin de réfléchir à l’avenir de ce sec-teur en difficulté.

Un rapport remis au ministèredu budget et au ministère de laculture et de la communicationpar le consultant Aldo Cardoso, le8septembre 2010, a évalué le mon-tant total des aides à plus d’1 mil-liard d’euros par an sur la période2009-2011, soit environ 12 % duchiffre d’affaires du secteur. Dansce montant, les aides directes sontpassées de 438 à 626 millions d’eu-ros entre 2008 et 2009, en haussede près de 43 %.

Encore ce chiffre dissimule-t-ilune grande disparité entre lestitres. Depuis longtemps, la pressequotidienne d’information politi-que et générale bénéficie de sub-ventions au nom de la liberté d’ex-pression et de l’information descitoyens en démocratie. Mais cer-tains titres à faibles ressourcespublicitaires et faible tirage sontquasiment placés sous assistanceartificielle. Selon les chiffres four-nis par le rapport Cardoso, lesaides directes de l’Etat par exem-plaire de journal diffusé et payé se

monteraient à 8 centimes d’europour Libération, 12 pour Le Monde,29 pour L’Humanité et 52 centimespour France Soir. « L’aide publique(…) n’a pas suffi à faire émerger unmodèle économique viable dans ladurée, en particulier pour la pressed’information politique et généra-le, pointe le rapport. Pire, elle a pla-cé certains titres dans une situa-tion de dépendance à l’égard d’unrégime d’intervention peu incitatifau changement. »

Le dérapage des aides qui s’estproduit à partir de 2009 est lié à lamise en place de plusieurs disposi-tifs : l’aide au portage, pour unmontant de 70 millions d’euros ; lacréationd’un Fondsd’aideàlapres-seenligne dotéde20millions d’eu-ros destiné aux sites Internet d’in-formation. A quoi s’ajoutent lacompensation par l’Etat du mora-toireconsentiparLaPostesurl’aug-mentation des tarifs postaux(25 millions d’euros) et une aideexceptionnelle aux diffuseurs depresse (60 millions d’euros).

Le rapport Cardoso pointe enparticulier l’effet d’aubaine qu’aconstitué l’aide au portage, captéeprincipalement par quelquesgrands titres de presse quotidien-ne régionale. « Cette subvention estvenue aider un mode de distribu-tion qui, de toute façon, aurait étémis en œuvre par les quotidiensrégionaux, sans effet structureldonc », analyse Patrick Le Floch,économiste et spécialiste de lapresse. Elle a permis à de grandsquotidiens comme Ouest Francede passer sans trop de dommagesla crise de 2009.

M. Le Floch pointe d’autreseffets pervers du système actuel.« Le Fonds de modernisation de lapresse quotidienne, qui fonctionnesur une logique d’aide aux projetsindividuels, a favorisé une surcapa-cité d’impression en subvention-nant les différents investissementsdes éditeurs pour moderniser leursimprimeries, sans vue d’ensemblede l’évolution du secteur. » Lesaides pourraient faire l’objet d’unpilotage stratégique d’ensemble,dans une structure unique qui res-te à définir. Les éditeurs n’ont pasfini de parler du sujet. p

Xavier Ternisien

Economie&Médias

Autitre de2009,les40 premiersbonusindividuelsdépassentlesrémunérationsperçues…par lesdirigeantsduCAC40

Trafic Deuxième port de commer-ce français derrière Marseille,LeHavre a enregistré, en 2010, unrepli de 5% de son activité, essen-tiellement en raison du recul dutrafic de pétrole brut.

Conteneurs L’activité a crû de4% à 2,5millions d’équivalentvingt pieds (EVP, taille standarddes conteneurs). Plus de 100 por-te-conteneurs géants (transpor-tant plus de 10000 EVP) ont utili-sé le port en eaux profondes.

Lignes La plate-forme duHavreaaccueilli de nouvelles liaisonsrégulières vers la Chine, l’Inde, laCorée du Sud et le Brésil lancéespar les compagnies CMA-CGM,MSC et Maersk.

Croisières Au total, 70 paque-bots ont fait escale auHavre en2010. Avec 130000 passagers,cette activité a décollé de 49%.Les car-ferries transmanche onttransporté 270000 personnesvers Portsmouth (Royaume-Uni).

AuGrand Port maritime du Havre,laréforme des dockers reste à quaiLa non-application de l’accord sur la pénibilité bloque le processus de remise à plat du statut

Sur lapériode2009-2011, le secteuraurareçu, par an, plusd’1milliard d’euros

L’Etatsouhaiteremettreà platlesaides àla presseUne réunion de concertation s’est tenueavec les éditeurs pour réduire le soutien public

Automobile

L’usineFiat deMirafiori acceptedenouvellesconditions detravailLe «oui » l’a emporté d’une courte majorité (54,3 %) lors du référendumauquel ont pris part 95% des 5431 employés du site Mirafiori de Fiat àTurin (Italie). Le résultat du scrutin, clôt vendredi 14 janvier à 19 h 30, n’aété rendu officiel que samedi dans la matinée en raison de la lenteur dudépouillement. Ce vote entérine l’accord signé par tous les syndicats,sauf la FIOM (la branche métallurgie de la CGIL, la plus grande centraleitalienne), le 23 décembre 2010. «Par le sens de leur responsabilité, les sala-riés ont sauvé des dizaines de milliers d’emplois», s’est félicité GiovanniCentrella, responsable du syndicat UGL (modérés). Fiat s’est engagéàinvestir plus d’1 milliard d’euros avec son partenaire américain Chrys-ler pour produire, à Mirafiori, jusqu’à 280 000 Jeep et Alfa Romeo paran. En échange, les employés acceptent des conditions de travail plusdures (généralisation du travail de nuit, heures supplémentaires, luttecontre l’absentéisme) qui dérogent au contrat national. – (Corresp.)p

Energie Gros contrat pour Alstom en EstonieLe groupe français Alstom a confirmé, vendredi 14 janvier, la signatured’un contrat de 950 millions d’euros avec le groupe public d’électricitéestonien Eetsi Energia pour construire une centrale thermique à Narva(Nord-Ouest du pays). – (AFP.)

Finance Dette : M.Trichet veut «un effort énorme»Dans un entretien au quotidien allemand Bild du 15 janvier, le présidentde la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet demandeaux Etats de la zone euro de faire « des efforts énormes » pour réduireleur endettement.

Transport aérien Ryanair condamné pour avoir fait payerune carte d’embarquementDan Miro, un avocat espagnol qui s’était vu réclamer 40 euros pouravoir omis d’imprimer sa carte d’embarquement avant son vol, a obte-nu l’annulation de cette clause par un tribunal catalan, qui l’a jugée abu-sive. La décision rendue le 14 janvier est susceptible d’appel. – (AFP.)

Du pétrole, des conteneurs et des passagers

Le «Eugen-Maersk», un des plus grands porte-conteneurs de la flotte mondiale,amarré sur le Grand Port du Havre (Seine-Maritime). ROBERT FRANÇOIS/AFP

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Taux et changes

C e devait être une nouvellesemaine de cauchemar pourla zone euro, une de ces

séquences catastrophiques com-me elle en a tant vécu depuis unan… Lisbonne mercredi 12 janvier,Madrid et Rome le lendemain,devaient tester l’appétit des inves-tisseurs lors d’opérations dontbeaucoup redoutaient qu’ellestournent au désastre.

Mais la psychologie des mar-chés continue d’échapper aux ana-lystes même les plus avertis :déjouant les pronostics, ils ontaccordé un répit au Portugal, à l’Es-pagne et à l’Italie. Aucun de cesEtatsn’a dûfairefaceà unepénuried’acheteurs. Tous ont pu emprun-ter à des taux d’intérêt en moyen-ne moins élevés qu’attendu.

Mieux,lescandidaturesse bous-culent en Asie pour tenir le rôle ducréancier. La Chine, d’abord, affir-me à qui veut l’entendre qu’elleveut se procurer de la dette espa-gnole, portugaise… et même grec-que dès que celle-ci sera de nou-veau proposée sur le marché.

Le Japon n’est pas en reste. Mar-di 11 janvier, Tokyo a annoncé vou-

loiracquérirmassivementdesobli-gations européennes. L’Archipelpuisera dans ses gigantesquesréserves de devises (les deuxièmesdu monde après la Chine) pouracheter quelque 20 % des obliga-tions qui doivent être émises cou-rant janvier, dans le cadre du plande sauvetage de l’Irlande.

SursisLa zone euro est-elle donc sur la

voie de la guérison ? Le doute estpermis.Moins qu’une réelle déten-te, les analystes préfèrent évoquerun sursis. Dans les salles de mar-ché, il se murmure d’ailleurs quela Banque centrale européenne(BCE) est pour beaucoup dans lesuccès des émissions obligatairesde la semaine. Elle aurait multipliéles rachats d’obligations du Portu-gal et de l’Espagne pour faire bais-ser les taux d’intérêt avant ces opé-rations cruciales.

Or la BCE commence à s’impa-tienter.«Çaladémange depasserleflambeau aux Etats européens. Sonmessage est de dire que la solutionne doit pas venir de Francfort maisde Berlin», affirme Bruno Cavalier,

analyste chez Oddo. Le patron del’institution, Jean-Claude Trichet,l’a clairement indiqué jeudi, à l’is-sue de la réunion mensuelle duconseil des gouverneurs, en récla-mant « aux autorités européenneset aux gouvernements d’assumerleurs responsabilités».

C’est que la BCE aura peut-êtrebientôt, elle-même, d’autres chatsàfouetter.D’autresmissionsàrem-plir, plus en ligne avec son mandatoriginel. En clair, la stabilité desprix, la lutte contre l’inflation. Lahausse des prix – au-delà de 2 % endécembre 2010 – a réveillé les« faucons » de l’autorité monétai-re. En termes sibyllins, M.Trichet ad’oresetdéjàprévenuqu’unrelève-ment des taux d’intérêt n’était pasexclu dans les prochains mois, encas de dérapage de l’inflation enzone euro.

En attendant, estime le ban-quier central, il serait bon que lesdirigeants européens se retrous-sent les manches. Comme le for-muledanssa«une»l’hebdomadai-re britannique The Economist du15 janvier, il est plus que « tempspourunplan B ». D’autant que, d’ici

au mois de mars, les agences denotation pourraient sévir en abais-sant la note de plusieurs pays. Sanssurprise, la Grèce, le Portugal, l’Es-pagne et la Belgique sont dans leurviseur. De quoi refroidir à nouveaules marchés…

Pour l’heure, un vent d’enthou-siasme porte la monnaie unique :elle a grimpé vendredi jusqu’à1,3457 dollar, son plus haut niveaudepuis un mois. Ce rebond n’estsans doute pas tout à fait du goûtde Nicolas Sarkozy : en visite chezl’avionneur Airbus jeudi, le prési-dent français a estimé que, mêmeà 1,29-1,30 dollar, le niveau del’euro était encore « trop » élevé. p

Marie de Vergès

L e groupe Saint-Gobain, spé-cialiste du verre et des maté-riaux de construction, a été la

vedette de la Bourse de Paris entrele lundi 10 et le vendredi 14 jan-vier : en cinq séances, le titre agagné11,31%,soit laplusfortehaus-se du CAC 40, à 42,35 euros.

Les analystes ont multiplié lesavis favorables sur l’action. Mardi,HSBC et Cheuvreux en ont recom-mandé l’achat. Mercredi, Oddo

Securities a porté son objectif decoursde4oà51euros,avantqu’Exa-ne BNP Paribas n’embraye le pas,faisant de la société tricentenairesa valeur préférée du secteur avecle groupe britannique Wolseley.

Tous voient en Saint-Gobain,avec ses isolants et ses verres per-formants, le grand gagnant de l’es-sor des bâtiments économes enénergie, qui s’imposent dans tousles pays occidentaux. « La hausse

des prix de l’énergie et l’accroisse-ment des exigences réglementaires[en France, la généralisation, en2012, de la norme « Bâtiment basseconsommation » pour les loge-ments neufs] constituent un élé-mentpositif pourlegroupe,qui réa-lise aujourd’hui 32 % de son chiffred’affaires sur le segment de l’effica-cité énergétique (38 % à l’horizon2015)»,écrivent lesauteurs del’étu-de d’Oddo Securities. Certains ana-

lystes anticipent une hausse de38 % du résultat d’exploitationpour 2013.

L’autre bonne nouvelle concer-ne l’activité conditionnement(flacons, bouteilles) que le PDG,Pierre-André de Chalendar, a tou-jours déclaré vouloir céder. Maisfaute d’offre à prix convenable, lavente a été repoussée au profitd’une entrée en Bourse, envisagéeau deuxième trimestre, le groupe

en gardant une majorité dans unpremier temps. Cette activité – legroupe est numéro deux mondialde l’emballage en verre –qui repré-sente 9 % du chiffre d’affaires deSaint-Gobain, a bien résisté pen-dant la crise : ce pôle vaudrait aumoins 4 milliards d’euros. Le mon-tantde lavente permettra au grou-pe d’accélérer son recentrage surl’habitat.p

Isabelle Rey-Lefebvre

Capitaux Isabelle Ehrhart

Matières premières Alain Faujas

La valeur de la semaine Saint-Gobain, gagnant des économies d’énergie

L a marine mondiale prendl’eau de toutes parts et lesarmateurs se rongent les

ongles avec frénésie tant les prixdu fret sont au plus mal. C’est sim-ple, le Baltic Dry Index des taux defretpourlesmatièressèches(mine-rais notamment) a été divisé pardeux depuis septembre2010, reve-nant de 3 000 points environà1 446points, vendredi 14 janvier.

Leprixdela journéedemer d’unmastodonte de 170 000 tonnes(capesize) chargé de charbon à cokeest tombé sous les 10 000 dollars(7500 euros), deux fois moins quece qu’il lui faudrait pour équilibrerses frais fixes. Capesize touché.Même scénario avec le fret pétro-lier : les monstres des mers capa-bles de transporter 300 000 ton-nes de brut ne rapportent plus que20 000 dollars par jour, quand illeur en faudrait 30 000 pour vivre.Supertanker touché.

Trop de bateauxBizarre tout de même que ce

naufrage général, quand l’écono-mie mondiale semble retapée,notamment du côté des pays endéveloppement, et alors que lesprix des matières premières s’en-volent sous l’effet de la demande!

Non, ce n’est pas la faute deNiña, ce phénomène climatiquequi a noyé le nord-est de l’Australiesous un déluge, arrêtant net l’ex-portation de coke qui remplissaitles cales des minéraliers à destina-tion de la Chine et du Japon. Fauted’affrètement dans le Pacifiquepour les prochaines semaines,nombre de bateaux font route àvide vers l’Atlantique, où il y a, aumoins, à trimballer le charbon sud-africain vers l’Europe.

La vraie explication est ailleurs.« Les armateurs ont scié la branchesur laquelle ils étaient assis en com-mandant des bateaux neufs en

trop grande quantité, quand lademande de fret était forte », com-mente Guillaume Perret, direc-teur de Perret Associates à Lon-dres.

Ce classique prolongement detendance aboutit à un résultat« monstrueux », selon le mot d’unprofessionnel. La flotte de capesi-zes – 1 158 navires – recevra, d’ici à2014, 663nouvelles unités (+ 57 %).Pile au moment où la Chine ralen-tit un tantinet son train d’enfer, etdonc ses importations…

Pareil du côté des supertan-kers: on en compte 548 en activité,qui vont être rejoints dans deuxans par 191 vaisseaux tout neufs,(+ 35 %). Une saturation moinscatastrophique que dans le sec,parce que les pétroliers à simplecoque, peu sûrs, ont été détruits, etparce que beaucoup ont servi deréservoirs flottants aux spécula-teurs du pétrole. Ces deux bouéesde sauvetage ont disparu.

LA solution ? « Les prix insuffi-sants vont pousser les armateurs àaccélérer la destruction de leursvieux navires, prédit GuillaumePerret, d’autant que le prix dela fer-raille qu’ils peuvent en tirer est ennette hausse. » Une petite prime àla casse pour bateaux de 20 ans. p

M ême l’économiste améri-cain Nouriel Roubini, spé-cialiste des pronostics les

plus sombres, a dû s’y résoudre :l’économie mondiale est en trainde se redresser. Mais comme celuique l’on appelle « Dr Doom »(« Dr Fatalis ») – du nom du hérossupervilain des comics de Marvel –n’arrivejamaisàêtretoutàfaitopti-miste, il parle d’une « croissancedangereuse» en 2011.

De fait, sur les marchés, l’annéecommence dans un climat quimêleinquiétudeetespoir.L’inquié-tuded’abord, quipèsesur la stabili-té de la zone euro embourbée dansune crise de déficits publics. Aprèsla Grèce et l’Irlande, le Portugaladonné cette semaine – et commeattendu – des signes de faiblesse.Anouveau les investisseurs se sontimaginé le pire : une faillite portu-gaise suivie, pourquoi pas, d’unéclatement de la zone euro.

Finalement et heureusement,riendetout cela n’estarrivé.LePor-tugal a pu emprunter, mercredi12 janvier, les 1,25 milliard d’eurosdont il avait besoin sans difficultémajeure. Et les investisseurs, aprèss’être affolés, ont soufflé. Trop fortdisent les uns ; à juste titre, esti-ment les autres.

Justifiée ou exagérée, cettehausse a donné le ton de ce débutd’année. En Europe, les places deParis, de Londres et de Francfortont engrangé sur la période écou-lée entre le lundi 10 et le vendredi14 janvier respectivement 3,04 %,0,3 % et 1,84 %.

Une fois n’est pas coutume,Wall Street a été guidé par la ten-dance en Europe. Ainsi, malgréunebaisse lundiprovoquéeenpar-tie par les craintes venues duVieux Continent, le Dow Jones apris 0,96 % sur la semaine.

Le secteur bancaire européen,premièrevictimeencasde banque-route d’un Etat du fait de son expo-sition à des créances toxiques,ad’abord été très attaqué, avant debénéficier d’un retournement dumarché. Les titres du Crédit agrico-le et de la Société générale ont ainsi

gagné respectivement 7,18 % et10,54% sur la semaine.

La plupart des experts ne se fontpourtant aucune illusion. La crised’endettement reste le problèmenuméro un de l’Europe et, pourl’heure, aucune solution durablen’a été trouvée.

Quant aux banques, « il y a sansdoute des cadavres dans les pla-cards», signaleMarc Touati,écono-miste chez Assya. Autrement dit :prudence.D’autantquelaCommis-sion européenne réfléchit à lafaçon de rédiger les « testamentsbancaires»pourpermettreauxéta-blissements de faire faillite « danslecalme» sansavoir àlesrenflouer.Une perspective que le marchén’aime pas vraiment.

Seulement voilà, jusqu’ici, toutva bien. Alors les investisseurs ontenvie d’y croire. Même le dérapagedes prix des matières premières,qui commence à se traduire par depetites poussées inflationnistes,

n’inquiète pas. « Soyons clairs : unpeu d’inflation n’a jamais tué per-sonne, au contraire. Compriseentre 2 % et 3 %, elle peut mêmedynamiser la consommation, doncla croissance, puis l’emploi », écritM.Touati dans une note d’analyse.

Et puis, les investisseurs saventque,en dehorsdel’Europe, l’écono-mie mondiale se porte de mieuxen mieux. Aux Etats-Unis, notam-ment, « nous voyons que l’écono-mie est en train de se renforcer »,a indiqué Ben Bernanke, le prési-dent de la Réserve fédérale améri-caine (Fed), jeudi depuis Fairfax(Virginie), dans la banlieue deWashington. Selon lui, une crois-sance aux Etats-Unis de 3 % ou 4 %semble « raisonnable» pour 2011.

Le patron de la Fed n’a pas étécontredit par les faits. Sur la semai-ne, les premiers résultats d’entre-prises américaines, et non desmoindres,ont étéplusqu’encoura-geants. Ainsi du producteur d’alu-minium Alcoa, du numéro unmondial du microprocesseur Intelou encore de la banque JP Morgan,dont les profits ont bondi de 48 %en 2010.

Seul reste le problème de l’em-ploi, qui ne donne pas de signe denette amélioration. Le départe-ment américain du travail a faitétat, jeudi, de 445 000 demandesd’allocations-chômage du 2 au8 janvier, soit 8,5 % de plus que lasemaine précédente.

Autrement dit, le chemin de lareprise reste encore long. p

Claire Gatinois

Bourse: les investisseurs veulent y croireCraintes et incertitudes n’ont pas empêché les différents indices internationaux de progresser

INDEXBALTICfret maritime vrac sec,en points

Naufrage

SOURCE : BLOOMBERG

13 janv. 201114 juil. 2010

3 000

1 800

2 200

2 600

1 400 1 446

Laplupartdes expertsnesefontpourtantaucuneillusion.Lechemindela repriseresteencorelong

10 499,04 points3 983,28 points 11 787,38 points6 002,07 points7 075,70 points 2 755,30 points2 920,40 points

TokyoParis New YorkLondresFrancfort NasdaqEurostoxx 50

+ 3,04 % + 1,84 % + 0,30 % + 3,99 % + 0,96 % + 1,93 % – 0,29 %CAC 40 Dow JonesFTSE 100DAX 30 Nikkei

E spagne, Italie, Portugal, Grè-ce. Les émetteurs présentsces jours derniers jouaient

dans la catégorie poids lourdsàhaut risque. Et ils ont fait le vide,ou quasiment. Chacun attendaitqu’ils soient passés pour juger dela santé du marché des capitauxen euros. Ces quatre pays ont réus-si leur levée de dette, au soulage-ment général. En trois jours, ils ontemprunté 13,2 milliards d’euros.Sans oublier l’Autriche (4 milliardsempruntés le 12 janvier) ou la Polo-gne (1 milliard, le 12 janvier).

Les autres emprunteurs se sontdonc faits plus discrets. Outre lesinévitables émetteurs bancaires,une société non financière a toutde même sollicité les investis-seurs: Dong Energy.

Ce groupe énergétique danois,réputé pour ses parcs d’éoliennes,avait suspendu, le 1er décembre2010, une offre de rachat d’obliga-tions qui devait être suivie d’uneémission de titres hybrides. Il vientde retourner sur le marché pourémettre 700 millions d’eurosd’obligations remboursables en…3010. Ce ne sont pas des titres per-

pétuels – ils ont une échéance –,mais hybrides. Cependant l’émet-teur peut décider de rembourser àson gré en 2021.

Détenu à 76,45 % par l’Etatdanois, Dong Energy a convaincules investisseurs. La structure destitres fait qu’ils sont moins biennotés que l’entreprise qui les émet.Celle-ci est notée Baa1 par Moody’set A – par Standard and Poor’s ; lestitres émis bénéficient d’un BB+ de Standard and Poor’s (quatrecrans de moins), et d’un Baa3 deMoody’s (deux crans de moins).

Un risque bien rémunéréLes obligations restent ainsi

dans la catégorie investissementpour Moody’s mais descendentdans les titres spéculatifs pourStandard and Poor’s. Le coupon estde 7,75 % jusqu’en 2021, ce qui cor-respond à une prime de risque de4,5 %. Une démonstration de l’ap-pétit des investisseurs pour le ris-que pourvu qu’il soit rémunéra-teur.Parmi lesquatre banques diri-geant l’opération, il faut noter laprésence d’un établissement fran-çais, la Société générale. p

SOS, on coule!

Zoneeuro: le scénariocatastrophe n’a paseu lieu

+ 11,3%+ 11,3%37

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SOURCE : BLOOMBERG

7 janv. 2011 14 janv. 2011

SAINT GOBAINen euros

42,35

La Bourse de Madrid a spectacu-lairement rebondi de 8,62%entre le lundi10 et le vendredi14janvier, après avoir perdu17,43% au cours de l’année2010, et encore reculé de3,03% au cours de la premièresemaine de janvier, quand la plu-part des grandes places mondia-les progressaient. La semaineavait pourtant mal démarré,avec un nouveau repli de 1,29%.La faute notamment au Portu-

gal, où la perspective d’un plande sauvetage européen se maté-rialisait de plus en plus; la situa-tion espagnole est la plus précai-re au sein de la zone euro aprèsla portugaise. Mais Lisbonne aréussi à lever sur les marchés, le12janvier, 1,25milliard d’euros,s’offrant un peu de répit. Le len-demain, Madrid a égalementréussi son émission obligataire.De quoi redonner un peu d’opti-misme aux investisseurs.

Priorité auxEtats

LaSociétédes lecteursdu« Monde»Cours de l’actionVENDREDI 14 JANVIER : 2,16 eurosSociété des lecteurs du « Monde »,80, boulevard Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 05.Tél. : 01-57-28-25-05.Courriel : [email protected]

Marchés

Madrid rebondit après une période noire

1 ¤ = 1,3457 $ b Taux à 10 ans (France) = 3,404 % b Taux à 10 ans (US) = 3,325 %

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MediatorUnscandale

françaisJ

acques Servier, 88 ans, est un hommed’un autre siècle – mais lequel ? Ennovembre, rosette à la boutonnière, ilreçoit Le Monde. Quatre jours plustôt, le scandale a éclaté. C’est par LeFigaro, dit-il, qu’il a appris que le

Mediator aurait fait au moins 500 morts.Les temps ont changé, ce journal « nousavait habitué à plus de prudence bourgeoi-se ». Charmante désuétude, ce « nous » demajesté. N’était la suite : si « cette campa-gne fait de l’impression » au sein du grou-pe, c’est « sur la partie du personnel lamoins évoluée».

Sur le site Internet de l’entreprise, c’estuncontedefées.Unehistoirequicommen-ce au bord de la vallée de la Loire, il y a plusd’undemi-siècle. Ils étaient huit, autourdeJacques Servier, à lancer un petit labora-toire. Ils sont 20 000 aujourd’hui, dont5 000 en France, employés par le deuxiè-me groupe pharmaceutique français. Unemultinationale présente dans 140 pays,qui vend 88 % de ses médicaments àl’étranger.

Dans l’entrée du siège, rue Garnier, àNeuilly-sur-Seine(Hauts-de-Seine), unslo-gan est affiché en grand : « Où est l’amourdes humains, là est aussi l’amour dumétier. » Jacques Servier aime les slogans.Sur le site Internet, une phrase témoignede la spécificité de la culture d’entreprise :« Tout royaume divisé contre lui-mêmepérira. » L’invitation à serrer les rangs estplus que jamais d’actualité.

Grâceaucultedusecretetdelaprocédu-re, le groupe a toujours réussi à passerentreles gouttes. L’emploide barbouzes, lerecrutement sur des bases ethniques et leclientélisme auprès des médecins ont sou-ventétédénoncés, jamais sanctionnés.Cet-te fois, l’empire vacille. Les révélations sesuccèdent. De nouveaux éléments sontversés chaque jour au dossier.

Depuis au moins dix ans, le laboratoire,qui connaissait les effets toxiques duMediator sur les valves du cœur, s’em-ployait à éviter son retrait du marché.Mais la multinationale intouchable, forte-resse qui a toujours trouvé en elle-mêmeses ressources, chancelle. Pour essayer desauver son image, Servier appelle à la res-cousse un cabinet extérieur, celui de lagrande prêtresse de la communication,Anne Méaux. Sans précédent.

L’estocade est venue d’un moustique.D’une femme à l’autre bout de la France.Même pas cardiologue. Même pas vrai-ment concernée. Sauf que… Irène Frachonest de ceux qui connaissent les méthodesServier de longue date. Des propos de Jac-ques Servier au Monde sont restés gravésdans sa mémoire : « On nous traite en faitd’assassins sans en apporter la preuve. » Ilsne sont pas d’hier, ces mots qui l’ont cho-quée, mais du 21 décembre 1996.

Unpremier scandaleimpuni, l’IsomérideEn 1990, l’étudiante en médecine termineson internat. Elle a 27 ans, elle sera pneu-mologue. La médecine est sa vocationdepuis qu’elle a entendu l’histoire du bondocteur Schweitzer à l’école biblique, lecatéchisme des petits protestants. Pourl’heure,elle faitson dernier stage d’interneà l’hôpital Antoine-Béclère, à Clamart(Hauts-de-Seine). Le service, pointu, estspécialisé dans une maladie rare, l’hyper-tension artérielle pulmonaire (HTAP).

Ces six mois de stage marquent IrèneFrachon à vie. C’est ici, à Béclère, que sejoue l’acte I d’un premier scandale qui res-tera impuni. A l’hôpital, une petite équipe

de renommée internationale, dirigée parle professeur Pierre Duroux, fait une terri-ble découverte : certains malades, surtoutdes femmes, jeunes, meurent d’avoir vou-lu perdre quelques kilos. Comme à la findes années 1960 en Suisse, en Allemagneeten Autriche, oùun coupe-faim, l’Amino-rex, avait provoqué plusieurs morts.

Cettefois,c’estun produitcommerciali-sé en France depuis 1985 qui suscite lacolè-re des docteurs Gérald Simonneau et Fran-çois Brenot. Les médecins de Béclère ontdécouvert que l’Isoméride est responsabled’une partie des HTAP qu’ils ont à traiter,une femme sur cinq en a pris. La maladietouche les vaisseaux des poumons, provo-que la mort par étouffement progressif.Onnepeuts’ensortirqu’auprixd’une gref-fe très lourde. Il faut très vite retirer cemédicament du marché.

Quand Irène Frachon arrive dans le ser-vice, la bagarre est engagée entre les pneu-mologues de Béclère et le fabricant de l’I-soméride. Elle durera sept ans. Au début,les escarmouches sont feutrées : commenttapersurla mainquivousnourrit ?Lelabo-ratoire Servier, qui produit le médicamentaux effets toxiques, octroie des bourses auservice, envoie les médecins aux Etats-Unis, les invite à dîner dans l’hôtel particu-lier dupatron sur lesbords de la Seine,avecmaître d’hôtel en gants blancs ; son vice-président est un ami du chef de service…

Aux cajoleries succèdent des pressionsd’une violence inouïe. Les pneumologuesdel’hôpitalBéclèrecèdent parfoisàla para-noïa. Quand l’un d’entre eux, le docteurFrançois Brenot, meurt d’un accident car-diovasculaire, en 1996, ses collègues sedemandent d’abord si sa mort n’est pasliée à son combat contre l’Isoméride.

Son stage terminé, Irène Frachon conti-nue de collaborer avec le service, elle y gar-de des amitiés, reste en contact avec certai-nes malades. Quand, plusieurs annéesplus tard, elle apprend que le groupe Ser-vier projette d’exporter l’Isoméride aux

Etats-Unis, elle comprend qu’il ne veut pasvoir couper les ailes de sa future poule auxœufs d’or. Le laboratoire connaît pourtantladangerositédu produit.Uneétude inter-nationale qu’il a financée le dit : les ano-rexigènes, ou coupe-faim, multiplient par23 le risque de développer une HTAP.

L’auteur de l’étude est le professeurLucien Abenhaim. Le groupe Servier estallé chercher ce grand épidémiologiste, en1991, à l’université McGill, à Montréal.Cinqans plustard, quand ledébat est portéoutre-Atlantique, le scientifique reçoit desmenaces de mort. Il n’est pas le seul. DidierTabuteau, qui dirige l’Agence française dumédicament, est, lui, destinataire de petitscercueils. A Paris, les autorités sanitaires,échaudées par l’affaire du sang contami-né,sontobsédéespar leprincipedeprécau-tion.Elles viennent d’interdire les anorexi-gènes dans les préparations en pharmacieet de restreindre l’usage de l’Isomérideaux hôpitaux.

L’affaire est entendue : les coupe-faimsontmortels. Invoquant lavague d’obésitéqui touche les Etats-Unis, la Food and DrugAdministration (FDA) autorise néan-moins la mise sur le marché de l’Isoméri-de, en avril 1996. Une gigantesque opéra-tion publicitaire promeut le produit, com-mercialisé sous le nom de Redux par undistributeuraméricain. Bingopourlegrou-pe Servier. Le coupe-faim fait l’objet de18millions de prescriptions dans l’année.

Le scandale n’éclate pas en France, maisaux Etats-Unis. Il est énorme. Le Redux estretiré du marché américain, en septem-bre 1997, parce qu’il provoque des attein-tes des valves du cœur, ou valvulopathies.Un effet démontré par Heidi Connolly,une cardiologue de la prestigieuse MayoClinic, à Rochester, dans le Minnesota. Del’hypertension artérielle pulmonaire,mise en évidence par les Français, il n’estpas question.

Le 15septembre 1997, le groupe Servieranticipe de quelques heures la décisiondes autorités américaines et françaises.Par « mesure d’extrême précaution », lelaboratoireannoncecesserlacommerciali-sation mondiale de l’Isoméride et d’unautre coupe-faim, le Pondéral. Ces pro-duits étaient vendus dans 85 pays ; 70 mil-lions de personnes à travers le monde enont consommé, 7 millions en France.

LecardiologuedeMarseilleL’Isoméride a tué de part et d’autre de l’At-lantique. Seuls les Américains se saisissentde l’affaire. Une class action est menée, desprocèsont lieu dans toutle pays. LegroupeServier en sort indemne : le risque est por-té par son distributeur qui, des annéesplus tard, devra provisionner 21,1 milliardsde dollars (15,8 milliards d’euros) pour fai-re face aux demandes de dommages etintérêts des patients. En France, la plupartdes victimes se contentent d’indemnisa-tions à l’amiable, en échange de leur silen-ce, pour éviter de longues procédures. Al’issue des rares procès intentés, les dom-mages sontpayés par l’assureurdu groupeServier, Axa. Le fabricant ne reconnaît pasla moindre responsabilité.

Isoméride, combien de morts? Pour lespneumologues spécialistes d’HTAP, laréponse est « plusieurs centaines ». Dixans plus tard, Irène Frachon écrira unlivre : « Mediator 150 mg, combien demorts ? » Pour l’heure, le Mediator, autreanorexigène produit par le groupe Servier,passeinaperçu.Pas dedébat,pasde discus-sion, pas d’interrogation. Excepté chez unhomme, armé de sa seule curiosité.

Installé dans les quartiers nord de Mar-seille, le docteur Georges Chiche est du

genre pas bégueule pour un sou, quitutoie au bout de cinq minutes. Quand legroupe Servier a exporté l’Isoméride auxEtats-Unis, il a « béni le bon Dieu ». « Sansles Américains, on l’aurait encore en Fran-ce ! » A la faculté, ses « maîtres » lui ontappris une chose : il faut lire les publica-tions scientifiques. Il les avale, il connaîttout des effets néfastes des médica-ments.

A la fin de l’année 1998, le docteurChiche reçoit un de ses patients, un méde-cin généraliste. Deux de ses valves ducœur sont abîmées. Question de routine :« Vous avez pris de l’Isoméride ? » Non.« Vous prenez du Mediator ? » La notice amis la puce à l’oreille du cardiologue : lescontrôles antidopage pouvant être posi-tifs, il a compris que le produit est unamphétaminique.

En 1995, Georges Chiche l’a remarqué,tous les anorexigènes ont été interditsdans les préparations en pharmacie. Surla liste, figurait le benfluorex. Mais cettesubstance – prohibée en préparation –est en vente en boîtes, sous le nom deMediator. Pourtant, toutes les moléculesdont le nom se termine par « orex » sontdes anorexigènes, « c’est à la portée detout le monde ». Les médecins n’ont pasfait le rapprochement. Le docteurChiche, lui, est en alerte, il n’en prescritjamais.

Et bien, oui, son patient a pris duMediator. Il se trouve trop gros. Le doc-teur Chiche prépare un dossier, l’envoieau début de l’année 1999 à l’agence régio-nale de pharmacovigilance. Il est clairpour lui que le Mediator est néfaste pourles valves cardiaques. Il faut, insiste-t-ilauprès des autorités sanitaires, que celafigure dans la notice du produit.

Trois semaines plus tard, le cardiolo-gue reçoit une visite. Pas des responsa-bles parisiens du système de pharmacovi-gilance – il n’aura jamais de retour del’Agence du médicament. Non, son visi-teur se présente comme un directeurtechnique du groupe Servier. Il vient leconvaincre du bien-fondé du Mediator.

DécryptagesEnquête

La pneumologue Irène Frachona révélé les effets parfois toxiquesdu Mediator. DIDIER OLIVRÉ POUR « LE MONDE »

Depuis des années,le laboratoire Servierconnaissaitles effets parfoistoxiques dumédicament,aujoud’hui accuséd’avoir provoquéla mort d’au moins500 personnes.En 1997, le mêmegroupe avaitdéjà dû retirerdu marchél’Isoméride, autreproduit reconnucomme dangereux.Récit d’une récidive

Marie-Pierre Subtil

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Quelques jours plus tard, le docteurChiche reçoit un coup de fil de l’un desadjoints au maire de Marseille – aujour-d’hui décédé –, l’un de ses anciens « maî-tres». « Comment un type brillant commetoi peut faire ça ? », lui demande l’élu, visi-blement missionné par le groupe Servier.Le cardiologue ne saura pas qui a informélelaboratoiredesonsignalement.Qui,hor-mis un expert intervenant à l’Agence dumédicament, l’instance qui vient d’hériterd’unenouvelledénominationbiencompli-quée,l’Agencefrançaisede sécuritésanitai-re et des produits de santé, l’Afssaps ? Lanotice reste inchangée.

Lapneumologue deBrestGeorges Chiche est l’un des rares à se poserdes questions. Quand le professeur LucienAbenhaim fait sa grande étude internatio-nalesurles effetsdescoupe-faim,de 1992à1995, l’Agence du médicament lui trans-met la liste des produits à observer. LeMediator,unvieuxproduit (il estcommer-cialisé depuis 1976) présenté comme« adjuvant » pour les diabétiques ensurpoids, n’y figure pas. En 1999, alors quetous les coupe-faim sont interdits, leMediator reste seul en vente.

Au milieu des années 1990, Irène Fra-chon s’est installée à Brest. Elle a suivi sonmari, spécialiste des cartes maritimes. LeCHU de la Cavale-Blanche met à profit ses

deux compétences, l’hypertension arté-rielle pulmonaire et le suivi des maladestransplantés des poumons.

En 2006, la spécialiste isolée au bout duFinistère commence à se poser des ques-tions. Elle a lu un petit article surprenantdans Prescrire. La seule revue médicaleindépendante des laboratoires pharma-ceutiques s’insurge contre le maintien surle marché du benfluorex, vendu sous lenom de Mediator. La pneumologue se sou-vient avoir entendu Gérald Simonneau,son ancien patron de stage, parler d’uneparenté entre ce médicament et l’Isoméri-de. Le groupe Servier serait-il capabled’une récidive ? Ses soupçons se renfor-cent en février 2007, quand Irène Frachonvoit une malade à bout de souffle, qui en apris pendant plusieurs années.

C’est le début d’une enquête obsession-

nelle. Deux années de recherches obsti-nées, ponctuées de découvertes étonnan-tes. Sur des forums Internet, les femmesobèses s’échangent un tuyau : il existe unepilule miraculeuse ! Irène Frachon vérifieet constate que la pilule miracle a été reti-rée des marchés espagnol et italien.

Sensibilisés par leur collègue pneumo-logue, les cardiologues du CHU de Brestremarquentquebeaucoupdeleurspatien-tes souffrant d’attaques des valves ducœur ont pris du Mediator pendant desannées. Comme celles d’Heidi Connolly, lachercheuse américaine, avaient pris de l’I-soméride.

Comment établir la parenté ? Le labora-toire Servier est sollicité. Le 7 avril 2008,sondirecteur dedivisionscientifiquephar-macologie, Pierre Schiavi, rassure le CHUdans un courriel : « Mediator 150 mg se dis-

tingueradicalement des fenfluramines [lessubstances aux propriétés anorexigènes]tant en termes de structure chimique et devoies métaboliques que de profil d’efficaci-té et de tolérance. »

Six mois plus tard, un médecin brestoisreçoit une lettre de Biopharma, une filialedu groupe Servier : « Mediator 150 mg pré-sente une bonne sécurité d’emploi. »D’ailleurs, précise le courrier, l’autorisa-tion de mise sur le marché a été renouve-lée, en 2007.

Lepot auxrosesDébut 2009, la preuve est faite. Epauléepar ses collègues du CHU et ses camaradesde l’hôpital Antoine-Béclère, Irène Fra-chonarriveàuneconclusion quilui enlèvele sommeil : chaque jour, 300000 person-nes prennent des comprimés susceptiblesdeprovoquerdes fuitesde leurs valves car-diaques. A Brest, elle a autopsié une fem-me qui en est morte.

LesdonnéesinformatiquesdelaCavale-Blanche ont permis d’effectuer des recou-pements: une majorité de valvulopathiesinexpliquées seraient dues au médica-ment. Sûr qu’il y en a d’autres, dans toutela France. Comment obtenir le retrait de lapilule ?

En juin 2009, l’exposé scientifique de laprovinciale est pris de haut par les expertsde l’Afssaps qu’elle rencontre à Paris. Unepneumologue venue de Brest prétenddémontrer qu’il faut interdire de touteurgence un médicament commercialisédepuis trente-trois ans ? Irène Frachon seheurte aux sommités, mais se fait tout demême quelques alliés.

Catherine Hill, épidémiologiste à l’Insti-tutGustave-Roussy,àVillejuif (Val-de-Mar-

ne), est experte à l’Afssaps. Les observa-tions d’Irène Frachon l’ont troublée, ellel’aide à bâtir une étude. En octobre 2009,Mme Hillassiste àuncolloquesur lecanceràl’Institut Montsouris, à Paris. Devant lamachine à café, elle parle de ses doutes audocteur Alain Weill, chargé d’études à laCaisse nationale d’assurance-maladie. Lui,a accès à des bases de données nationales.Il décide de faire en toute discrétion desrecoupements. Et découvre le pot auxroses.Ilyaurait,chaqueannée,150hospita-lisations pour valvulopathies à cause duMediator. Une opération des valvesrevient à 7 000 euros, le produit fautif esttoujours remboursé à 65 %!

Le 30 novembre 2009, le médicamentest retiré des pharmacies. Des articles ano-dins sont publiés dans la presse. Les victi-mes restent dans l’ignorance de la cause deleurs souffrances, généralistes et cardiolo-gues ne l’ont pas plus réalisée. Le groupeServier passe à nouveau entre les gouttes.Comme l’administration, si proche deslaboratoires et du deuxième groupe phar-maceutique français en particulier. Lapneumologue ne veut plus attendre : elledoit dire et prévenir. D’un trait, elle rédigeun livre : Mediator 150 mg, combien demorts? (Editions-dialogues.fr).Servieratta-que en justice. Le juge cède au laboratoire.Il interdit que soit posée la question fatale:«Combien de morts ?»

Il n’y aurait sans doute jamais eu descandale si Gérard Bapt n’avait pas lu lelivre, par hasard. Ancien cardiologue, ledéputé socialiste de Haute-Garonne pose,dans une tribune publiée le 24 août 2010parLemonde.fr, la question interditeparlajustice française : «Mediator : combien demorts ? » Un cadre de l’Afssaps demandeimmédiatement à la Caisse d’assurance-maladie de faire une évaluation à l’aide deses banques de données.

La réponse est rendue publiquemi-novembre. C’est une bombe: en trente-trois ans, le Mediator aurait provoqué3 500 hospitalisations et au moins500morts.Uneestimationminimale: seu-les les atteintes des valves cardiaques ontété prises en compte, reste à évaluer lenombre d’hypertensions artérielles pul-monaires, la maladie rare dont Irène Fra-chon est spécialiste, et les effets psychiatri-ques. Les révélations s’enchaînent, de plusen plus vite, de plus en plus précises. Legroupe Servier savait depuis longtemps,des experts de l’Afssaps savaient depuis1998, au moins.

Cetteannée-là, lacaisserégionale del’as-surance-maladie de Bourgogne produitune étude alarmante: dans plus d’un tiersdes cas, le Mediator, qui fait partie du grou-pedesamphétamines,estconsommécom-me coupe-faim. Son remboursement estinjustifié, affirment les chercheurs.

L’Agence du médicament est alertée.Une étude a été justement demandée aucentre régional de pharmacovigilance deBesançon.Et,àlafindel’année,l’Agenceita-liennedumédicamentestchargéed’analy-ser la substance du produit. Les conclu-sions, publiées en octobre 1999, sont for-melles: trois comprimés de Mediator pro-duisent le même poison que deux compri-més d’Isoméride. Le médicament sera reti-ré du marché italien en 2003.

L’agence européenne somme le groupeServier de lancer une vaste étude. La multi-nationale s’y engage début 2001 :700 patients doivent être suivis pendantun an, échocardiographies à l’appui. Lespremiers résultats sont exposés àl’Afssapsen juin… 2009. L’étude, appelée « Regula-te», n’est toujours pas publiée. Dix ans ontpassé depuis la publication des conclu-sions italiennes. Dix ans de gagnés pour legroupe Servier, dix ans de perdus pour lesvictimes. « On nous traite en fait d’assas-sins sans en apporter la preuve », disait, en1996, le bon docteur Jacques Servier. p

Jacques Servier, 88ans, le fondateurdu groupe pharmaceutique Servier.

PATRICK ALLEA/REA/FRED CAROL/FEDEPHOTO

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Tousmédecinsgénéralistes !

L a médecine exerce une emprisegrandissante sur nos vies. Et la santén’échappe pas au grand chambarde-

ment de nos démocraties. L’autorité dumédecin ne va plus de soi, patient docileou pas. Le brutal et pertinent Dr House aremplacé l’inquiétant et charlatan doc-teur Knock. L’automédication triomphe,la consultation numérique est autoriséeet les internautes se livrent à de savantsou hasardeux autodiagnostics. Nos attitu-des ont changé. Patients impatients, nousserions tous devenus des généralistes,des experts patentés. Pour ces raisons, larevue Médium, dirigée par l’écrivain etphilosophe Régis Debray, s’est emparéede ce passionnant sujet.

Le constat est partagé par tous lesrédacteurs de cette publication trimes-trielle : la médecine est partout. Pas unhebdo sans son palmarès des hôpitaux,pas une télé sans son émission de santé.Et le Mediator est d’abord un drame, maiségalement un feuilleton. Alors, que peutnous apprendre sur ce moment d’embal-lement sanitaire la « médiologie » (termecombiné du latin – medium, le véhicule –et du grec – logos, le discours), qui dési-gne une discipline qui s’attache aumoyen de communication plutôt qu’aucontenu que celle-ci véhicule et s’intéres-se aux effets produits par l’innovationtechnique sur l’espace public ?

Tout d’abord un « effet jogging ». Demême que le progrès des moyens detransport développe paradoxalement lamarche et la course à pied dans un mon-de fortement urbanisé, de même l’hyper-technicité médicale provoque des retoursaux médecines traditionnelles, expli-quent Monique Sicard, coordinatrice dunuméro, et Paul Soriano, rédacteur en

chef de Médium. Ensuite un « effet wiki » :blog, forum, réseaux sociaux ou experts«on line » font que le savoir médical estparticipatif et interactif. Au point queDominique Dupagne, médecin généralis-te, célèbre l’avènement d’une « médecine2.0». Car le Web permettrait de contour-ner les intérêts financiers et d’inventerun nouvel art de soigner. « Estompementdes frontières du savoir et du pouvoir », dusachant et de l’ignorant, du médecin etdu patient, le Net met une déterminanteexpérience en partage, celle du vécu de lamaladie.

Directeur des ressources humaines ducentre hospitalier de Senlis, Lucien Gérar-din n’y voit pas qu’un progrès. Un « mou-vement de consumérisme médical » est enmarche, dit-il. Et les prescriptions desmédecins sont souvent vérifiées sur dessites spécialisés par des patients inquietsdes effets secondaires d’un médicament,ou dubitatifs sur le diagnostic établi parleur médecin traitant. Ainsi cette « hypo-chondrie généralisée» de la société où cha-que citoyen se transforme en petit méde-cin a, selon lui, « un côté orwellien ». Il fautdire que les crises sanitaires (vache folle,vaccin H1N1, Mediator, etc.) ont inauguréune ère de la méfiance et de la défiance.

Mais attention à ne pas oublier que l’es-pérance de vie, dans les pays dits « déve-loppés», ne cesse d’augmenter, rappelleJean de Kervasdoué, titulaire de la chaired’économie et de gestion des services desanté du CNAM. Et que le système de san-té français demeure l’un des plus perfor-mants. Inutile, pourtant, de dépenserplus. Car « plus de médecine ne veut pasdire plus de santé ». Ainsi le Japon, paysqui dépense le moins pour ses soins, àl’exception de la Corée, est aussi celui oùl’on vit le plus longtemps, écrit-il.

Gardons-nous donc de donner raison àAldous Huxley, l’auteur du Meilleur desmondes (1931), qui disait que «la médecinea fait tellement de progrès que plus person-ne n’est en bonne santé» !p

Nicolas Truong

L’aidehumanitaire par NateBeeler

MédiumSanté, nouvellestechniques,nouvellescroyancesAssociationMédium, nº 26,264p., 16 ¤

Antonio TabucchiEcrivain et essayiste

Il a publié une vingtaine d’ouvrages traduits dans le mondeentier, dont «Nocturne Indien» (1984), «Pereira prétend»(2004) et «Le temps vieillit vite» (2009). Ses articlescontre l’invasion de l’Irak et le système berlusconien ontété réunis dans «Au pas de l’oie» (2006). Pour sonengagement en faveur des droits du peuple rom, il a reçuen Espagne le titre d’Hidalgo des Gitans. (PHOTO : D. JOCHAUD)

L’engagementde certains intellectuelsfrançais en faveurd’unancienterroriste italien, en toute méconnaissancedeson dossier judiciaire, constitueun véritable scandale

CesareBattisti, uncoupable

Maintenant que l’affaireBattisti est devenueune affaire internatio-nale qui provoque unecrise entre deux payset bouleverse les

règles du droit qui prévalent en Occident,le groupuscule de leaders d’opinion qui asoutenu le terroriste fait la fête. Car c’estde la France que l’embrouille est partie, etles penseurs médiatiques locaux sontfiers du chaos provoqué. Ils sont inspiréspar une conception petite-bourgeoise dusurhomme, un « nietzschéisme » bas degamme et mal interprété. Mais leur confu-sion ne fait qu’alimenter celle qui règnedéjà, la crise actuelle de la démocratie, etune situation internationale toujoursplus funèbre.

Cesare Battisti, sanctifié par quelquesintellectuels français, a été condamné enItalie à la perpétuité pour quatre homici-des dont deux qu’il a commis directe-ment en abattant ses victimes d’un coupde revolver dans la nuque. Il a débuté com-me criminel de droit commun volantdans les supermarchés pour son bénéficepersonnel jusqu’au moment où, en pri-son, il eut l’idée de mettre son expérienceau service d’un groupe terroriste (les PAC,Proletari Armati per il Comunismo). Ils’évada en compagnie du terroriste quil’avait formé et d’un criminel mafieuxdont les deux compères étaient amis. Apartir de là, les vols changèrent de « natu-re » : il ne s’agissait plus d’attaques à mainarmée, mais de ce qui s’appelait désor-mais des « expropriations prolétarien-nes». Et si quelqu’un était tué, tant pis.

M. Battisti s’enfuit clandestinementen France en abusant de la loi dite « doctri-ne Mitterrand » qui accorde le droit d’asi-le, à la condition toutefois que l’hôte n’aitpas commis de crimes de sang. M. Battistiaurait donc dû être aussitôt arrêté et resti-tué à l’Italie, car des crimes de sang, il enavait commis quatre. Au lieu de quoi ilfut déclaré « réfugié politique ». La ques-tion fondamentale est : pourquoi ? Maréponse coïncide avec celle écrite parBruno Tinti dans le Fatto Quotidiano du8 janvier : « On entre dans le terrain deshypothèses, qu’on pourrait définir com-me des certitudes hypothétiques, car il n’ya pas d’alternatives : Battisti collaboreavec les services secrets français auxquelsil vend tout ce qu’il sait sur le terrorismeinternational. Il l’admettra lui-même enracontant avoir été aidé par les servicesfrançais dans sa fugue au Brésil. »

Les procès par contumace intentés àM. Battisti se sont déroulés avec lesmeilleures garanties, car l’institutionjudiciaire italienne, à la différence de lafrançaise, prévoit que le fugitif soit detoute façon assisté d’avocats, avantagedont M. Battisti a amplement profité. Jesouligne que, dans le cas du terrorismecontre l’Etat, en Italie, l’acte est jugé parun tribunal ordinaire qui rend une sen-tence avec motivations. En France, aucontraire, un cas comme celui-ci relèved’un tribunal spécial, à huis clos, qui renddes sentences sans motivations. C’estune des raisons pour lesquelles la Francea plusieurs fois subi des blâmes de la partde la Cour européenne des droits del’homme.

Mais venons-en aux intellectuels. Ber-nard- Henri Lévy, qui sur son propre bloga mis l’image de M. Battisti à côté de cellede l’Iranienne condamnée à la lapidation,Sakineh, devrait réfléchir à l’irresponsabi-lité dont il fait preuve. Quand il se lancedans la défense de M. Battisti, il démarreainsi : « J’ignore si Battisti a commis ounon les crimes qui lui sont imputés » (LePoint, 19 février 2009).

Il s’agit d’une nouvelle doctrine destemps qui courent : une doctrine qu’ontdéjà épousée Silvio Berlusconi en Italie, leministre Brice Hortefeux en France, etGeorge W. Bush aux Etats-Unis, quandColin Powell affirma, il y a quelquesannées, qu’il n’avait absolument rien àfaire des preuves concrètes des observa-teurs de l’ONU sur l’Irak. D’ailleurs,M. Lévy avait déjà exprimé sa vision trèscurieuse de sa propre histoire et de celle

des autres dans son bloc-notes (Le Point,8 juillet 2004). Il parle des amnistiesaccordées par le gouvernement français.« C’est ce que nous avons fait, nous, Fran-çais, en amnistiant, sous de Gaulle, lesamis du FLN. Puis, sous Mitterrand, les cri-mes de l’OAS. Et tel est le vrai service quenous pouvons, aujourd’hui, rendre à nosamis transalpins : les aider à penser, vou-loir, cette amnistie ; les faire bénéficier denotre petite expérience historique en cesmatières hautement explosives… » Maisqui correspond à qui ? Les terroristes ita-liens sont-ils le FLN et la magistraturel’OAS ? Et sur cette amnistie il faudrait unlong discours, car on sait bien qu’elle asauvé surtout l’OAS. Mais aucun intellec-tuel italien n’a jamais critiqué les choixde la France.

Certains intellectuels français, en seréférant avec arrogance à la justice italien-ne, ignorent les précieux services que lesmagistrats ont rendus à la démocratie età la Constitution italiennes. Ils ne saventpas que les magistrats ont fait arrêter ungrand nombre de mafieux, de terroristeset d’hommes politiques corrompus. Et ilsne savent pas que beaucoup de ces magis-trats l’ont payé de leur vie. Et, de toute évi-dence, ils ne savent pas que M. Berlusco-ni, dès son arrivée au pouvoir, a défini lamagistrature comme « un cancer à élimi-ner ». Et, de son point de vue, elle est vrai-ment un danger, car la magistrature enItalie est indépendante, elle n’obéit pasau garde des sceaux comme c’est le cas enFrance.

L’auteur de polars Fred Vargas est deve-nue la philosophe du droit la mieux pré-parée de France sur le cas Battisti. Lemagistrat Armando Spataro, dans Le Mon-de du 12-13 décembre 2004, avait répliquécomme il se devait à son manque d’infor-mation. Pour l’information des lecteurs,Armando Spataro est un magistrat à qui

l’on doit des enquêtes judiciaires très déli-cates et très importantes : Mafia, corrup-tion du personnel politique, servicessecrets italiens « déviés », opérations illi-cites de la CIA sur le territoire italiendurant la présidence Bush.

Mme Vargas a ses « convictions », et il nem’appartient pas de la convaincre, ellequi s’est rendue au Brésil pour dévelop-per son œuvre de conviction. En suivantson héros, et en critiquant les lois sur lescollaborateurs de justice du système ita-lien, pourquoi a-t-elle cependant oubliéla repentie Frédérique Germain, diteBlond-Blond, qui, en 1988, fit condamnerles terroristes français d’Action directe etqui n’a jamais purgé sa peine parce qu’el-le avait collaboré avec la justice ?

Dans le respect de la loi, ce groupe ter-roriste fut condamné à perpétuité, etaprès cela l’Etat français aurait aussi pumontrer son indulgence ; mais NathalieMénigon, hémiplégique depuis 1996 à lasuite de deux attaques cérébrales, a atten-du jusqu’en 2008 dans la prison deBapaume (Pas-de-Calais) pour obtenir lasemi-liberté, tout comme Georges Cipria-ni, enfermé depuis 2001 à l’hôpital psy-chiatrique de Sarreguemines (Moselle),et qui n’en est sorti qu’en 2010 pour béné-ficier lui aussi de la semi-liberté. La loi

Kouchner sur les prisonniers âgés etmalades a été appliquée en priorité à l’ex-préfet collaborationniste Maurice Paponqui en a bénéficié.

Un autre intellectuel très désinvoltesur cette affaire se trouve être PhilippeSollers. Voici quelques-unes de ses affir-mations dans un entretien donné à unjournal italien : « Puisque la France s’estprononcée sur le droit d’asile il ne doit pasy avoir d’extradition, le droit d’asile neconsiste pas à juger sur le fond (…). En Ita-lie, il y a eu aussi un terrorisme d’Etat trèsimportant dans ces années-là : il s’est agid’une vraie guerre civile et sociale. »

Et il conclut en s’adressant au journa-liste qui l’interroge : « Pour nous c’est seu-lement une question de droit. Si vous étiezfrançais vous comprendriez facilement »(La Repubblica, 5 mars 2004). Est-il possi-ble que M. Sollers, à qui le droit tient tantà cœur, ne se soit pas encore rendu comp-te qu’il existe en France une loi archaïquecomme la garde à vue (plus de vingt-qua-tre heures de détention dans des cellulesde commissariat sans avoir le droit à unavocat et avec fouille corporelle à la dis-crétion des policiers), dénoncée cetteannée encore par la Cour européenne desdroits de l’homme ?

Quant à ses autres affirmations, je medois de les démentir. Il y eut en effet unterrorisme d’Etat, mais il n’y eut aucuneguerre civile, et les Brigades rouges, quequelques intellectuels français conti-nuent de voir comme des héros romanti-ques, étaient des assassins qui tiraientdans le dos des magistrats, des journalis-tes, des intellectuels et des policiers.

Mais ce qui est le plus offensant, c’estque des gens qui n’ont pas vécu ce qu’ontvécu les Italiens se permettent si superfi-ciellement de demander à l’Italie de met-tre un voile sur notre histoire tragiquequi n’est pas encore éclaircie. Il pourra yavoir un pardon juridique, mais avantcela la vérité historique doit voir le jour :les citoyens de la Péninsule savent enco-re trop peu de chose.

J’écris cet article en France, pays quej’aime et où je vis souvent. J’aime la Fran-ce parce que je connais bien sa langue, salittérature, son histoire. Mais ces intellec-tuels connaissent-ils vraiment l’Italie ? Etconnaissent-ils l’italien ? Et ce n’est pasune question anecdotique : pour lire lesactes des procès d’un tribunal italien, ilfaut bien connaître la langue italienne. p

Traduit de l’italien parBernard Comment

Revue

Il pourra y avoirun pardonjuridique, maisavant cela la véritéhistoriquedoit voir le jour

DécryptagesDébats

Dessin de Nate Beeler paru dans «The Washington Examiner». [email protected]

16 0123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

Page 17: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

Contre-indignation

Lesens des honneursDidier Migaud, premier président de la Cour des comptes, et Michel Cha-rasse, membre du Conseil constitutionnel, viennent d’être nommésdans l’ordre de la Légion d’honneur (Le Monde du 4 janvier) et Jean-MarcSauvé, vice-président du Conseil d’Etat, promu commandeur. L’attribu-tion par l’exécutif de décorations à des juges ne met-elle pas à mal laséparation et l’équilibre des pouvoirs ? Jusqu’à la Grande Guerre, avecson cortège d’anciens combattants, il n’était pas d’usage d’arborer desdécorations dans les prétoires. Le procureur Eric de Montgolfier observedans Le Devoir de déplaire (Michel Lafon, 2006) : « Nos robes portentnotre impartialité et les décorer n’apporte rien, sinon des interrogationsinutiles. (…) Que de risques on fait courir à la justice pour de si médiocressatisfactions!» Dans sa célèbre «Harangue aux magistrats», Oswald Bau-dot, substitut du procureur de la République de Marseille, en 1974,conseillait : « Gardez-vous de vous griser de l’honneur, feint ou réel, qu’onvous témoigne…» Une ordonnance du général de Gaulle du 17novembre1958 interdit aux parlementaires de recevoir quelque médaille que cesoit. La rigueur gaullienne étendue à la magistrature permettrait ausside remédier à «la trop faible représentation des personnes de rang modes-te et des bénévoles du monde associatif» dans les promotions de laLégion d’honneur et du Mérite national, déplorée par le président Nico-las Sarkozy dans ses instructions du 11 juillet 2008 au premier ministre.

Valéry Chavaroche, Marseille

Quand on attaque une icône, onrisque le choc en retour. Sur-tout quand celle-ci incarne l’es-prit de la Résistance, de l’hu-manisme et des droits del’homme, toutes valeurs défen-

dues par Le Monde depuis son origine.Dans l’édition datée des 9-10janvier, lachronique de Pierre-Antoine Delhom-mais, « Les Chinois, eux, ont le champagnegai», éreintait le best-seller de StéphaneHessel (Indignez-vous!, éditions Indigène),le qualifiant de « légèrement indigne». Ellea, logiquement, choqué nos lecteurs ; parson ton, d’autant plus virulent qu’il étaitmoqueur, et par les arguments avancés.

«En critiquant férocement le texte deStéphane Hessel et l’enthousiasme (traitéde naïf, ignorant, voire indigne) de ceuxqui l’ont plébiscité, M. Delhommais rejointla cohorte de ceux qui tentent de se distin-guer en s’inscrivant en faux contre uneidée qui a insufflé un vent de fraîcheur,d’espoir et d’enthousiasme en ces tempsmoroses. En la déformant volontairement,

ils dénoncent une pensée simpliste avecune pensée plus simpliste encore (le pro-grès, l’économie de marché), infinimentplus conventionnelle, frileuse, peureuse etconservatrice. Si l’enthousiasme suscitépar le texte d’Hessel est surprenant, la féro-cité de la critique, elle, est simplement sus-pecte. C’est excessif et fallacieux», estimeJean Bretonelle (Saint-Affrique, Aveyron).«Ce qui est choquant, c’est le ton employé,très agressif. Oui, indigné je le suis de liredes propos pareils dans Le Monde», ajoutePatrick Bilheran (Cintegabelle, Haute-Garonne). « M.Delhommais insulte mêmeM.Hessel en le traitant d’indigne, mêmes’il atténue son propos avec l’adverbe“légèrement”», renchérit Claude Noé(Paron, Yonne).

Beaucoup de lecteurs argumentent lon-guement sur le fond, exigeant pratique-ment un « droit de réponse», comme Jean-Pierre Pagé (Paris), dont, faute de place,nous résumons le propos: «Reléguer aupassé la pensée de Stéphane Hessel (…) com-me décrire par l’image de “Chinois venant,

émerveillés, visiter la Tour Eiffel” le nou-veau monde qui émerge de l’action bienfai-sante des marchés est, pour le moins, tropcourt. De même, l’hommage rendu à lamondialisation sans allusion aux très pro-fondes inégalités qu’elle a creusées ou auxdégâts provoqués dans les cultures et lesconditions de vie locales ne donne qu’unevision faussée de la réalité».

Jean-Jacques Dubois (Charbonnières-les-Bains, Rhône) remarque : « Le sondageBVA-Gallup [comparant le moral des popu-lations, sur lequel s’appuie la chronique] ainterrogé tous les Français, y compris lesplus pauvres. En revanche, il est dans l’inca-pacité d’interroger tous les habitants auVietnam, au Nigeria, au Ghana et au Brésil.Dans ces pays, ceux qui sont en mesure departiciper à un sondage font évidemmentpartie des classes moyennes favorisées oudes quelques élites qui tirent parti de lasituation.»

De même Alain Marschallik (Stras-bourg) demande: « Alors donc, pour quedes Chinois s’enrichissent, il faudrait queles Européens s’appauvrissent? Et que cesEuropéens s’en réjouissent ? » Juliette Des-jardin-Daude (Gières, Isère) appuie : « Lasécurité sociale, aujourd’hui progressive-ment démantelée, il faut la défendre, com-me les autres acquis sociaux des Français.Elle est un modèle à suivre et à exiger pard’autres peuples comme les Américains etles Chinois.»

D’autres, bien sûr, approuvent la chro-nique, mais ils ont adressé leurs encoura-gements directement à l’auteur, ce qui n’a

rien d’inhabituel –les mécontents s’expri-ment plus volontiers dans le Courrier deslecteurs ou l’édition en ligne. « Il fallait quetout cela fût dit. Et vous le dites avec beau-coup d’énergie et de conviction et, je n’hési-te pas à le dire, avec beaucoup de courage.Compte tenu de l’écho, assez incompréhen-sible, rencontré par le fameux Indignez-vous!», écrit, par exemple, Pierre Quelin(Lyon).

Plus grave, enfin, certains croient voirdans cette chronique un reniement.«L’auteur venant, en toute candeur, d’unseul coup, d’effacer la devise du père fonda-teur, “La vérité quoi qu’il en coûte”, piétineaussi, à l’occasion, les valeurs éthiques duConseil national de la Résistance quim’avaient amené, jadis, à lire Le Mondepar-dessus l’épaule de mon père», remar-que Daniel Guillobez (Courbevoie, Hauts-de-Seine).

C ette chronique m’a scandalisé. Lemépris, le cynisme et, pour faire bon-ne mesure, la méchanceté. Méchan-

ceté à l’égard d’un homme, Stéphane Hes-sel, qui a d’autres arguments moraux etintellectuels et d’autres titres de service àfaire valoir que votre journaliste. Otez-moiun doute, les idées défendues dans cettechronique ne seraient-elles pas la based’un nouveau positionnement du journal,conforme aux exigences des nouveauxactionnaires? », demande Pierre Laconche(Ecully, Rhône).

Rassurons-les: la chronique de Pierre-Antoine Delhommais faisait exception.

Depuis la publication d’Indignez-vous!, LeMonde lui a consacré plus d’une douzained’articles, dont une double page et sixchroniques ou éditoriaux –sans compterles libres opinions et courriers de lecteurs.Tous allaient en sens inverse, à une excep-tion près (la tribune de Franck Allisio, pré-sident des Jeunes Actifs de l’UMP).

On touche, ici, au précepte fondateurdu journal –qui fait son originalité–: lapluralité des opinions. Depuis toujours,les chroniqueurs, comme tous les rédac-teurs, sont absolument libres d’exprimerleurs idées –à condition de les étayer. Quit-te à détonner ou à choquer.

Pierre-Antoine Delhommais soulignedans sa chronique « une certaine continui-té dans la ligne éditoriale économique duMonde, au milieu des tempêtes directoria-les». Il a tort: Le Monde n’a pas, n’a jamaiseu de «ligne » imposée, quel que soit ledomaine. Rappelons seulement pourmémoire les duels éditoriaux opposant,dans les années 1970, Gilbert Mathieu,chef du service économique, à sonadjoint, Paul Fabra ; ou, à la même époqueet jusqu’à nos jours, les polémiques oppo-sant, dans nos colonnes, les pro- et antinu-cléaires –pour ne pas parler du Proche-Orient…

Notre chroniqueur, en l’occurrence,exprime des idées qui lui sont propres, cequi est son droit. Tant que ce droit existe-ra, Le Monde n’aura pas renié ses princi-pes fondamentaux.p

Courriel : [email protected]

EconomieMonnaie or not monnaieLes deux courriers publiés le 7 jan-vier en faveur de l’euro autorisentau moins cet enseignement: unemonnaie commune ne fait pasune économie commune. Maisdéplorer le manque de systèmeéconomique commun et espérerque la politique le comble est-ilsensé, lorsque les politiques natio-nales s’alignent et s’entendent surl’impératif de compétitivité?Quel sens peut avoir ce jeu où cha-cun doit vendre aux autres plusqu’il ne leur achète ? Maintenant,on en connaît au moins le résul-tat. Peut-être n’est-ce pas tantl’euro qui doit être critiqué que sabase économique. D’ici qu’on enait le courage, je doute que les étu-diants et les consommateursgrecs et irlandais n’éprouvent pasle besoin d’argumenter et que laperspective fuyante d’une harmo-nisation fiscale et salariale lesconsole.

Jean-Denis Gauthier

Gahard (Ille-et-Vilaine)

LégislationDes promesses aux loisL’éditorial du 13 janvier sur « Leslois inapplicables, un mal fran-çais » met en lumière que nombrede lois sont inappliquées parcequ’inapplicables, et inapplicablesfaute de textes réglementairesd’application. Père de la loi sur lelittoral, le député qui faisait la pré-sentation de ce texte était atteintd’un fou rire en nous racontantque, vingt ans plus tard, la moitiédes décrets d’applicationn’étaient toujours pas publiés. Ilajoutait, toujours en riant, que laplus grande difficulté rencontréedans l’élaboration de la loi avaitété de définir ce qu’était un « villa-

ge côtier » et qu’on avait mêmedécouvert alors l’existence d’unlac au bord de la mer, dont j’aioublié la surface, qui n’existaitsur aucune carte ! Mais l’éditorialme fait surtout penser au Malfrançais, d’Alain Peyrefitte(Fayard, 1976), traduit en manda-rin par « le mal bureaucratique »,c’est tout dire.Oui, c’est « une maladie nationalequi semble incurable ». En l’occur-rence, le véritable « mal français »me paraît être cet incroyable déca-lage permanent entre les « bon-nes intentions » et la réalité desfaits.Nos plus hauts responsables poli-tiques « décrètent », et advienneque pourra. On l’a vu aussi avec laloi de 2005 sur le handicap, on levoit régulièrement pour ce quiconcerne les suites du Grenellequi sont hélas beaucoup moinsflamboyantes que ce qui nousavait été annoncé. Il n’y a doncpas que les lois qui soient «bavar-des », il y a aussi les discourspleins de promesses!

Robert Avezou

Vaucresson (Hauts-de-Seine)

SociétéIndignez-vous!Je crois avec Stéphane Hessel queles citoyens de France doivent semobiliser devant cette régressioneffroyable de notre société parrapport aux idéaux de la Résistan-ce. Je crois cependant qu’il ne leursuffira pas de s’indigner. Ilsdevront mieux s’organiser, par-dessus les partis si nécessaire,pour exercer une pression beau-coup plus forte sur les pouvoirs. Ilest peut-être encore temps de fai-re l’économie d’une révolution.

Jean Cot

Paris

PolitiqueLe tabou des tabousLe langage de la classe politico-médiatique se renouvelle sans ces-se en formules creuses. Un récenttour verbal de passe-passe : « Cen’est pas une question taboue » ou« il n’y a pas de tabou » pour signi-fier qu’on pourrait fort bien avoirraison sur tous les sujets tabous,c’est-à-dire les valeurs d’autrui,ainsi ramenées à leur magie pri-mitive. Au-delà de cette transpa-rence du creux, qui fait le marke-ting politique, je m’interrogecependant. Et si la questiontaboue de notre modernité refu-sant les tabous était : « Une sociétésans tabous est-elle vivable ? »

Patrick Nguyen, Marseille

DiplomatieDe Moscou à GuantanamoRéagissant au verdict de culpabili-té prononcé par un tribunal mos-covite à l’encontre de Mikhaïl Kho-dorkovski et de Platon Lebedev, laMaison Blanche s’est dite «profon-dément inquiète » d’une décisionqui «sape l’Etat de droit en Russie »(Le Monde du 29 décembre 2010).Par une ironique coïncidence ducalendrier, Le Monde révélait, lemême jour, dans son éditorial«Barack Obama pris au piège deGuantanamo», que le présidents’apprêtait à signer un décret auto-risant la détention, pour unedurée illimitée et sans jugement,d’une cinquantaine (au moins) deprisonniers du camp de Guantana-mo. A la différence de l’ancienmagnat du pétrole russe, ces déte-nus – officiellement accusés derien mais considérés comme «hau-tement dangereux » pour la sécuri-té des Etats-Unis – ne bénéficie-ront donc pas d’un simulacre deprocès. Avec son ironie glaçante,Vladimir Poutine aura encore unefois beau jeu de railler les beauxdiscours d’un Occident volontiersdonneur de leçons sur « l’Etat dedroit», mais qui n’hésite pas à lesaper lorsque les circonstances lerecommandent. Le Monde estimequ’en maintenant Mikhaïl Kho-dorkovski en détention jusqu’en2017, «Vladimir Poutine secondamne lui-même, à terme »(éditorial du 30décembre2010),mais il se garde d’appliquer lemême pronostic au Prix Nobel dela paix 2009. Pourtant, la réélec-tion de Barack Obama sur fond desurenchère hypersécuritaire etd’échec en Afghanistan sembled’ores et déjà compromise.

Marc-Antoine Coppo, Nice

DémographieEnfants de décembreJ’ai lu avec attention l’article deMaryline Baumard (Le Monde du29décembre 2010) sur les travauxde Julien Grenet, concernant les«difficultés» des enfants nés endécembre, travaux auxquels la

télévision a fait, le même jour, réfé-rence, preuve de l’intérêt recueillipar l’enquête. Je ne suis pas sûrd’avoir bien compris de quel «han-dicap» souffrent les malheureux(!). 34 % d’entre eux redoublent,nous dit-on, contre 17 % nés en jan-vier. Et l’auteur de l’article regrettequ’ils n’aient pas attendu le 1er jan-vier pour naître. Soit. Mais en cecas, au lieu de perdre un an enredoublement, ils seraient toutsimplement entrés… l’année sui-vante en classe, avec le même

résultat final. En revanche, les66% qui auraient échappé auredoublement auraient gagnéonze mois sur leurs benjamins dejanvier entrés, un an plus tard, enCP. Où est le handicap ? Et, si com-me le dit Mme Baumard, les redou-blements étaient supprimés, c’esttoute la cohorte des enfants dedécembre qui aurait quasimentun an d’avance sur celle du pre-mier mois de l’année suivante.Cependant, nous «rappelle» lechercheur, à niveau égal, le jeune

qui a redoublé est plus aisémentrelégué (quelque 2 ou 3% en fait)vers la «voie professionnelle ».Quoique ayant enseigné trente-sixans dans un lycée, je ne connaispas ce «principe d’orientation ».J’ai même le souvenir d’élèves quel’on favorisait, à même niveau, par-ce qu’ils étaient plus jeunes etqu’on leur attribuait plus de poten-tialités. Les choses ont-elles chan-gé à ce point depuis ma retraite?

Gabriel Gohau

Saint-Cloud (Hauts-de-Seine)

Courrier

DialoguesDécryptages

MédiatriceVéronique Maurus

170123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

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EconomiePierre-Antoine Delhommais

N oir c’est noir, mais il y aencore de l’espoir. Tel pour-rait être le résumé du der-

nier ouvrage de l’inclassable poète,essayiste et écrivain Annie Le Brun,qui explore la part d’ombre de nossociétés conformistes et s’aventu-re dans les nuits de l’esprit humainafin de trouver quelques échappa-toires à ce triste destin. Le constat,pourtant, n’est pas brillant.

Triomphe de la rationalité tech-nicienne, jeunesse sacrifiée, arase-ment de la biodiversité, affaisse-ment de la pensée critique, imagi-naire souvent réduit aux chimèresnumériques, dévalorisation de lapassion au profit d’un pur désir deconsommation… Un peu sur lemodèle des bâtonnets de crabe oude poisson reconstitués, nousvivons l’avènement d’une sociétéen carton-pâte, un nouvel âge del’ersatz, écrit-elle. Annie Le Bruntente néanmoins de s’orienterdans ce brouillard et cet empire dela virtualité illusoire.

Et défriche, dans une languelumineuse, l’épineuse question du«noir». Non pas le négatif ou l’obs-cur, mais le néant et la nuit dontsont faits nos rêves et nos vies. Le« noir », c’est-à-dire l’imaginaire,les profondeurs de l’être que l’on aparfois nommées inconscient,mais qu’elle préfère, dans le sillagedes romantiques, de Hegel, de Sadeou d’André Breton, appeler «le sensde l’inhumain».

Le noir échappe à la rationalitéimpérieuse de la philosophie, il amême fait vaciller ses fondations,un peu comme Sade l’ébranlait enla mettant dans son boudoir. Car iln’y a pas de pensée sans corps,explique Annie Le Brun. D’où l’ur-gencededéfendreuneraisonsensi-ble par l’entremise d’une conscien-ce poétique qui rend grâce au mer-veilleuxsanstomberdanslesorniè-

res du religieux. Car nos sens sonten danger. Et l’amour est, commedisait Rimbaud, à réinventer. Parceque seule la passion est véritable-ment capable encore de faire « bas-culer l’horizon ». Parce qu’elle est,dans notre intériorité, la véritableradicalité. Il convient donc d’oppo-ser l’ébranlement amoureux aurègne de la pulsion, à l’heure oùtrop d’individus se priventd’aimer, c’est-à-dire de risquer l’in-connu, d’éprouver l’éperdu. « C’esten ce sens qu’aimer n’a pas perduson sens qui donne tous les autres »,écrit Annie Le Brun.

L’amour est politiqueAlors, l’amour et le merveilleux

seraient-ils des recours pour nostemps désenchantés ? A n’en pasdouter. Et il n’est pas étonnantqu’Annie Le Brun, auteur de Vagit-prop et de Lâchez tout, deux ouvra-ges récemment réédités en 2010aux éditions du Sandre (248 pages,24 ¤) et qui s’en prenaient autantau néoféminisme des « stalinien-nes en jupon » des années 1970qu’au moralisme égalitariste bonteint des années 1980, se livre à unedéfense mêlée de l’amour et dumerveilleux face à ce féminismequise félicitaitdela mise àdistancedela passion.Carl’amourestpoliti-que, explique Annie Le Brun, puis-qu’il est un pari qui rompt le train-train quotidien, le ronron des habi-tudes et certitudes acquises, s’af-franchit des convenances d’âge, degenre ou declasse. Il est unacte gra-tuit qui permet de « transfigurernos jours et nos nuits ».

Au déferlement de croyances etnouvelles bigoteries, AnnieLe Brunopposesa visionéclairantedu« noir» qui permet ainsi demet-trel’imaginationaupouvoir.Etsug-gère de retrouver l’enthousiasmede Victor Hugo, qui, après avoirobservé une montagne de la luneau télescope d’Arago, qu’il nommale « promontoire du songe »,s’écria: « Si rien avait une forme, ceserait cela.» p

Nicolas Truong

Cherslecteurs...

Lelivredu jour

P our dire vrai, nous nous endoutions bien un peu. Nousnous doutions bien qu’à dire

du mal du livre de Stéphane Hes-sel, dont tout le monde avait dit dubien, à se déclarer peu emballé parles thèses économiques, prochesde celles d’Attac, d’un homme auxcombats admirables et à la vieilles-se superbe, à critiquer cette Francequi consomme presque autantqu’elle se plaint de son sort, à trou-ver les Français un peu gonflés dese déclarer plus inquiets de leursort personnel que les Irakiens, letout, cerise sur le gâteau, en citantEric Le Boucher, nous risquions deprovoquer quelques réactions.Cela n’a pas raté et notre boîte maila même failli imploser sous l’af-flux de messages vengeurs ou aucontraire approbateurs.

Une forme de reconnaissancede notre travail, quoi qu’il en soit,

l’angoisse du chroniqueur écono-mique au moment de chroniquerétant d’abord que le lecteur décro-che dès la troisième ligne. Lessujets d’économie (pouvoird’achat, inflation, chômage) ontbeau figurer au premier rang despréoccupations des Français, onsait bien que l’ennui les guette dèsqu’on empile des chiffres indiges-tes et qu’on cite des économistesque plus personne n’écoute.

Sans vouloir du tout dévaloriserl’excellent travail de nos confrèresdes autres services, il est tout demême autrement plus difficile deretenir l’attention d’un lecteuravec des prévisions de PIB et dedéficit public qu’avec des guerresau Parti socialiste ou des combatsen Afghanistan.

Toujours est-il qu’on s’est doncfait allumer. Et pas qu’un peu. On aeu droit à du «salope d’ultrali-

béral», du «facho immonde» etmême du «bobo égoïste», ce quinous a fait plutôt rire, pas seule-ment parce que c’est un pléonas-me. Nous profitons de l’occasionpour saluer le petit groupe d’abon-nés du Monde.fr («Omar b.»,«Dubonsens», «Un noir»,etc.)qui, depuis que nous avons com-mencé cette chronique, font preu-ve, dans leurs réactions, d’une fidé-lité haineuse remarquable.

On est presque sûr qu’il man-quera un petit quelque chose àleurs week-ends le jour où nous nela tiendrons plus. Au fait, on veutbien croire que les insultes anony-mes, sur Internet, nous conduisenttout droit vers le monde meilleurde la démocratie participative,mais, parfois, elles ont les relentsnauséabonds de l’intolérance et del’hystérie verbale de la presse d’ex-trême droite des années 1930.

Quelques mails teintés d’hu-mour nous ont heureusementréconforté. Comme ce « Je lis cha-que samedi vos chroniques à mafille, qui a entrepris des études d’éco-nomie contre mes recommanda-tions» ou cette lectrice un peucoquine et visiblement mélomanequi dit avoir «adoré » notre articleet nous demande si nous sommes«célibataire» et si nous jouonsd’« un instrument de musique».Nous nous sommes bien sûrempressé de lui répondre.

Il y a aussi ce message qui posela question de fond, que nousn’avions pas abordée. «Que les Viet-namiens soient plus optimistes queles Français, cela peut se compren-dre, parce qu’ils sont pauvres et quela croissance est devant eux. Maispourquoi les Français sont-ils beau-coup plus pessimistes que les Ita-liens ou les Allemands ?»

La réponse, à l’évidence, estmoins d’ordre économique qu’his-torique, culturel et sociologique.Sans doute une part de l’explica-tion se trouve-t-elle dans cettedéfiance décrite par Yann Algan etPierre Cahuc pour caractériser lasociété française, car le cheminn’est pas bien long de la défiance àla peur et de la peur au pessimis-me. En France, «chacun ressent cequi lui manque plutôt que ce qu’ila», disait déjà de Gaulle.

Peut-être aussi la noirceur fran-çaise préfigure-t-elle cette décom-position du capitalisme annoncéepar Joseph Schumpeter(1883-1950), dont il apparaît que,de tous les grands économistes duXXe siècle, il est celui qui a le mieuxrésisté à la crise financière. Le libé-ralisme d’Hayek a pris du plombdans l’aile avec le sauvetage du sys-tème financier par les gouverne-ments et les banques centrales.Quant à Keynes, son retour en grâ-ce et celui de la dépense publique

auront duré moins d’un an, letemps que l’endettement des Etatsatteigne des niveaux insoutena-bles. «Deux personnes en qui je n’aipas confiance, écrivait Schumpe-ter: l’architecte qui affirme pou-voir construire à moindre coût,l’économiste qui affirme détenirdes solutions simples.» A elle seule,cette remarque suffit à le rendresympathique mais aussi trèsactuel.

Schumpeter aurait probable-ment, comme dans la crise de1929, vu dans celle des subprimesune de ces crises inhérentes «à uncapitalisme qui non seulementn’est jamais stationnaire, mais nepourra jamais le devenir». Proba-blement l’aurait-il liée à l’arrivéede nouveaux entrepreneurs, enprovenance de pays émergents,conduisant à un processus de «des-truction créatrice». Le problème,

ajoutait Schumpeter, est que ceprocessus présente des effets posi-tifs à long terme, mais des consé-quences négatives à court terme,ce qui empêche les hommes politi-ques et les citoyens de reconnaîtrela supériorité du capitalisme pourcréer de la richesse. «Nous préfé-rons des contre-vérités grossièresplutôt que des vérités évidentes.»

Et son instabilité intrinsèquesuffit à créer « une incompatibilitéd’humeur absolue» entre le capita-lisme et les opinions publiques.Pire: plus une société voit sonbien-être économique progresser,les acquis sociaux se renforcer,moins les gens sont en mesure desupporter l’insécurité du système.Le capitalisme s’autodétruit au furet à mesure qu’il réussit, les gensveulent de plus en plus d’un Etatprotecteur, de plus en plus desocialisme.

D’autant, ajoutait Schumpeter,de façon pas très politiquementcorrecte, que l’élévation du niveaude vie et d’éducation gonfle lesrangs des «intellectuels» – dont laFrance n’est certes pas dépour-vue– qui n’ont de cesse «de stimu-ler, activer, exprimer et organiserles sujets de mécontentement et,accessoirement, d’en ajouter denouveaux». Parce qu’ils ne sontpas intégrés eux-mêmes dans lasphère économique, ces intellec-tuels opposent «un rejet moral àl’ordre capitaliste». Et ce n’est pas«le spectacle d’exactions honteu-ses», mais bien « l’insatisfaction etle ressentiment» qui nourrissent«l’indignation vertueuse de l’intel-lectuel dressé contre le capitalis-me». « Indignation vertueuse», ony revient. Chers lecteurs, vous pou-vez adresser vos courriels de pro-testation à l’adresse suivante:[email protected]

Courriel : [email protected]

Si rien avait une forme,ce serait celaAnnie Le BrunGallimard, 274 p., 21,90 ¤

On s’estdonc faitallumer.Etpasqu’unpeu. On a eudroitàdu «saloped’ultralibéral»,etmêmedu«bobo égoïste», ce quinousa faitplutôt rire

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18 0123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

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SingapourEnvoyé spécial

U ne foire d’art contempo-rain de plus ? Oui, mais pasn’importe où, et pas avec

n’importe qui. Le Suisse LorenzoRudolf, par ailleurs un des anima-teurs d’Art Paris, vient de créer ArtStage Singapore, organisée du 12au 16 janvier, à Singapour, quipourrait bien, à terme, devenirl’un des centres du monde artisti-que.

La cité-Etat, dont l’île principaleponctue le sud de la Malaisie, estidéalement située, à proximitétant de l’Australie que de l’Inde, del’Indonésie ou de la Chine. Elle estriche, très riche : son PIB par habi-tant est l’un des plus élevés dumonde, son taux de croissance, en2010, a été de 14,7 % – record mon-dial – et son port vient juste de sevoir ravir la première place en ter-mes de commerce maritime parcelui de Shanghaï. Selon le BostonConsulting Group (BCG), c’est l’en-

droit au monde qui compte le plusdemillionnaires,et, d’aprèslesspé-cialistes de l’automobile, le pro-chain modèle de Lamborghini, pasencore commercialisé, mais dontle prix est évalué à plus de 1 mil-lion d’euros, aurait déjà cinquantecommandes fermes dans ce paysde moins de 5 millions d’habi-tants… où la vitesse est limitée à80km/h.

Aller vendre des tableaux à Sin-gapour n’est donc pas tout à faitune mauvaise idée, et cent vingtmarchands l’ont reprise à leurcompte. Dont le Parisien Emma-nuel Perrotin, qui avait suffisam-ment travaillé pour rentrer dansses frais, et sans doute plus, avantmême l’ouverture officielle duSalon, le 12 janvier, lequel a reçu cepremier jour près de 7 000 visi-teurs. Il faut dire qu’il est lui aussitrès bien situé, au Marina Bay

Sand, un casino fondé en 2010 parun groupe de Las Vegas et dont lasilhouette incongrue a depuis déjàfait le tour du monde : trois toursincurvées, de 200 mètres de haut,qui soutiennent une terrasse évo-quant vaguement la coque d’unnavire, mais d’un navire de340 mètres de long sur le pontduquel pousserait, autour d’unepiscine à débordement, un parc de1,2 hectare en plein ciel…

L’essentiel est pourtant dans lesous-sol, où se tient la foire, avecdes hauteurs de plafond compara-bles à celles du Centre Pompidou.

On y verra, certes, de l’art interna-tional, les inévitables (et immédia-tement vendus) Murakami, les« suspects habituels », commedisent les Anglo-Saxons. Il y amême, grâces soient rendues aujeune marchand de Hongkong,Edouard Malingue, une mini-rétrospective de Picasso en quinzedessins et tableaux, qui commencepar une gouache de 1901 et s’achè-ve par un tableau de 1969 : l’une etl’autre représentent une mère etson enfant, en un joli contrepoint.Ce n’est pas le seul : de l’autre côtéde la cimaise, dans le stand voisin

de la galerie pékinoise Xin DongCheng, Wang Ziwei a repris la figu-rede La Femmequi pleure, de Picas-so, à laquelle il confère un autresens en la faisant larmoyer sous undouble portrait de Mao. Choc descultures. Là est le principal intérêtde la foire.

Celle de Hongkong, sa principa-le rivale, a lieu en mai et se targuede faire venir en Asie des poidslourds du marché, comme LarryGagosian. Singapour a une démar-che différente, qui consiste certes àattirer de bonnes galeries occiden-tales, mais surtout à dénicher les

talents émergents ou confirmés dela zone Asie-Pacifique. A cet égard,la composition de son comité desélection est significative : troisgaleristes chinois, un de Taïwan,deux indiens, un coréen, un japo-nais, un thaïlandais, un philippinet un malaisien. Aucun occidental.Il s’agit d’abord de donner un visa-ge, une identité, à l’art de la région,et pas de pratiquer la politique dela canonnière en expliquant auxautochtones ce qui est bon poureux…

Un peu d’altérité, qui fait dubien : parce que les fourmis géan-tes de Paresh Maity, fabriquées ensoudant deux réservoirs et un pha-redemoto,lespattesétantfaitesdetronçons de porte-bagages, valentbien Jeff Koons. Parceque lessculp-tures de Rajesh Ram, qui montrentla vie du petit peuple indien, méri-tent qu’on s’y arrête. Parce que lestreillis militaires, rebrodés parAmandaHeng,oulesburquascom-posées d’un patchwork de badgespublicitaires et revêtues par deshommesqu’aimaginéesMellaJaar-sma, donnent le regard tonique dedeux femmes sur des sujets qui,même dans une région multicon-fessionnelle, ne sont pas anodins.

Cette volonté affirmée parLorenzoRudolf de fairela part belleaux galeries et aux artistes de larégion (au sens large) se double,hors de la foire, d’une série d’expo-sitions que son large réseau de col-lectionneurs, constitué depuis sesdébuts comme directeur de la foirede Bâle de 1991 à 2000, lui a permis

d’organiser dans divers lieux de laville. Plusieurs d’entre eux mon-trentdespièceschoisies deleurcol-lection.Ondécouvreainsil’installa-tion hallucinante de Shen Shao-min,des dirigeants politiquesdansleur cercueil. Certes, Maurizio Cat-telan avait déjà traité le thème avecun Kennedy mort. Mais là, ce sontles plus beaux dictateurs de la pla-nète, de Lénine à Castro (ce dernierseulement agonisant), en passantpar Kim Il-sung ou Mao, qui sontreprésentés par leur figure de cire.L’œuvre est intitulée Summit etfait allusion aux sommets du G8.Elle aurait pu déranger les autori-tés locales, qui sont parfois trèssourcilleuses, mais comme les lea-ders concernés sont tous commu-nistes, ou l’ont été, cela passe.

Lesdites autorités ont puissam-mentaidéLorenzo Rudolf dans sonentreprise. Et ce d’autant plusvolontiers que Singapour misedésormais aussi sur la culture engénéral, et l’art en particulier, pourcontinuer son développement. Legouvernement a investi environ1 milliard d’euros dans la culturecescinqdernièresannées.Ilvaorga-niserune biennaled’artcontempo-rainenmars,et aconfiéàl’architec-te français, Jean-François Milou, lamission de créer, à partir des bâti-ments de l’ancienne Cour suprê-me, un musée de 48 000 m2, quiveut rassembler à Singapour lemeilleur de l’art moderne etcontemporain de la zone Asie-Paci-fique. p

Harry Bellet

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Que faire aprèsle Bac ?

Le12janvier,jourd’ouverture,leSalon areçu prèsde7000visiteurs

Singapours’affirme en nouvelle capitale de l’artLa foire internationale, créée dans la cité-Etat, affirme l’importance du continent asiatique sur la scène contemporaine

Sur 25000m2 , lecoffrele plussécurisé du monde

Culture

Les fourmis géantes de l’artiste indien Paresh Maity : deux réservoirs soudés, un phare de moto et des pattes en tronçons de porte-bagages. STEPHEN MORRISON/EPA

SingapourEnvoyé spécial

Dans les films de James Bond,quand le gentil presse sonempreinte digitale sur un scannerpour ouvrir une porte, on se dou-te que le méchant va lui couper ledoigt et s’en servir comme passe-partout. « Non, non », nous dit leSuisse Yves Bouvier, concepteuret principal propriétaire deslieux, d’un ton aussi égal que lors-qu’il nous décrivait les autresmesures – plus classiques – desécurité de ses chambres fortes.«Ce modèle-là perçoit aussi la pres-sion sanguine. Avec un doigt cou-pé, ça ne marche pas. »

Bienvenue dans le coffre leplus sécurisé du monde, qui vient

d’être inauguré à Singapour. Ilmesure 25 000 m2 et va bientôtdoubler de taille. Sans doute parceque toutes les œuvres d’art, maisaussi les bijoux, bouteilles degrands vins, cigares… qu’il abrite,jouissent d’un statut particulier :ils ne sont soumis à aucune taxe.

Sauf quand on les fume. Lescigares, bien sûr, mais, si on osedire, le reste aussi. Yves Bouvierest très clair là-dessus. Les biensdéposés dans le port franc de Sin-gapour n’échappent aux taxes(l’équivalent local de la TVA est de7 %) que tant qu’ils sont dans lesmurs, ou qu’ils sont réexportés.Des policiers singapouriens véri-fient les marchandises, toutes pré-cisément répertoriées, même sileur liste est l’un des secrets les

mieux gardés de la planète. Ilnous a été demandé de détournerla tête à l’ouverture d’une porte,un tableau étant exposé derrière…

Scanner puis désinfectionLes visiteurs comme les

œuvres passent au scanner à l’en-trée et à la sortie. Lesquelles sontidéalement situées, le long des pis-tes de l’aéroport. Votre avion atter-rit, décharge son conteneur dePicasso, lequel passe au scanner,puis à la désinfection (les champi-gnons et autres amoureuses destapis persans, qui ne dédaigne-raient pas de grignoter aussi unModigliani, n’ont aucune chance),avant d’être stocké dans l’espace–de 10 à 150 m2 – que vous avezréservé. Evidemment climatisé,

mais selon une procédure où l’hu-midité est strictement contrôlée,et l’air filtré. La machinerie, ensous-sol, est dantesque et évoqueune raffinerie.

Mais, de tout cela, le client neverra rien. Pour lui, tout n’est queluxe, calme et volupté. Dans lehall, une gigantesque sculpturede Ron Arad, naguère exposée auMoMA de New York, décrit unebelle volute, et, dans les bureaux,on est accueilli par des fauteuilsprofonds et une fontaine de PolBury, le tout éclairé par des lumi-naires verts de Johanna Grawun-der qui font du bâtiment uneœuvre d’art en soi. Le titre del’œuvre de Ron Arad ? La Cagesans frontière… p

Ha. B.

190123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

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Espoirset déboiresdes énergies« vertes »

C ela faitquinzeans quel’artis-te Fred Forest ferraille avecle Centre Pompidou. Il

demande à l’institution parisien-ne de dévoiler le prix des œuvresd’art qu’il achète pour enrichir lescollections de son Musée nationald’art moderne (MNAM). FredForest avance qu’il s’agit de l’ar-gent du contribuable, et il veutmontrer que les musées achètenttrop cher, « au plus fort de la cote »d’un artiste. En 1997, le Conseild’Etat a donné raison à Beau-bourg: les musées achètent « à desprix privilégiés », et divulguerleurstransactions pourrait interférersurlemarché del’art,voirele désta-biliser.

Un nouvelachat duCentre Pom-pidou, en 2010, semble si atypiquequ’il donne à Fred Forest l’occasionderelancerle débat. Depuisle 9jan-vier, Forest a publié dans la rubri-que « actualités » de son site, Web-netmuseum.org, une « lettre ouver-te à Alain Seban, président du Cen-trePompidou». Ildemandeàl’insti-tutiondedirecombienetdansquel-lesconditionsaétéachetéel’œuvrede Tino Sehgal This Situation(2007).

Agé de 34 ans, d’origine indien-ne, né à Londres, installé à Berlin,Tino Sehgal a une grosse réputa-tiondans le mondedel’art contem-porain – il a exposé au Musée Gug-genheim de New York, en 2010. Sesœuvres, immatérielles, proches duspectacle ou de l’événement, sontinterprétées par des acteurs. Ceux

qui ontvu This Situation à la galerieMarian Goodman, à Paris, àl’automne 2009, se souviennentde six acteurs en chair et en os quidiscutent de thèmes dictés par l’ar-tiste, à partir de citations de pen-seurs importants, dont des situa-tionnistes.

Nombre d’artistes conceptuels,depuis les années 1960, commeYves Klein, les minimalistes, les

adeptes du land art, ont conçu desœuvres ou des performances quin’existent pas en tant que telles,mais sont décrites sur le papier–titre, matériaux, fabrication, pro-tocole d’accrochage – afin de pou-voir les recréer pour une exposi-tion.

Rien de tout cela dans l’universde Sehgal, pour qui ses performan-ces se transmettent oralement.Aucune trace écrite de l’œuvre.Aucune trace visuelle non plus,puisqu’il refuse qu’elle soit filmée,photographiée et même enregis-trée.

Comment, dans ces conditions,le Centre Pompidou pourra-t-ilreconstituer This Situation ? « Cet

achat a fait l’objet d’une rencontreorale, le 20avril 2010,chez un notai-re, explique Alfred Pacquement,directeur du musée parisien. Il yavait l’artiste, un conservateur duMNAM, un représentant de la gale-rie Marian Goodman, et moi-même. L’artiste a énoncé les règlesqui régissent l’œuvre pour que nousles ayons en mémoire et que nouspuissionsensuiteles consignerdansun dossier conservé au musée. »M. Pacquement ajoute que desmusées du monde, comme leMusée d’art moderne de New York,ont procédé de la même façon.

Ce n’est pas cela qui pose problè-me à Fred Forest, mais la transac-tion financière. S’appuyant sur unarticle de la revue en ligneArtsThree, il affirme que Sehgalpousse au bout le principe d’orali-té : il ne délivre pas de certificatpour garantir l’authenticité del’œuvre, l’acheteur doit payer enliquide, et il ne reçoit en échangeaucun récépissé. « Seule l’interven-tion d’un notaire comme témoinoculaire apporte une touche de for-malité à cette drôle de vente », peut-on lire sur le site. Aussi, Fred Forestse demande si un établissementpublic peut mener à bien une tran-saction financière sans reçu.

Alfred Pacquement répond queles choses ne se sont pas passéescomme cela : «Nous possédons unefacture de la galerie Goodman, etnous n’avons pas payé en liquide.Nous avons suivi nos règles habi-tuelles. » Et d’ajouter : Si nous

avions dû payer en liquide et sansfacture, nous aurions été embarras-sés.»

Fred Forest rétorque alors que siun document a été remis à Beau-bourg,unprincipecentraldel’artis-te serait bafoué, la transactionserait entachée d’une «grave escro-querie intellectuelle et morale ».L’œuvre serait à ce point dénaturéequ’elle en perdrait «toute légitimi-té et, en conséquence, toute valeurmarchande».

Il semble en fait que c’est TinoSehgal lui-même qui a changé d’at-titude au fur et à mesure que sacote grimpait. « Sans doute fonc-tionnait-il différemment quand iln’avait pas de galerie », remarqueAlfred Pacquement. Il y a six ousept ans, quand les prix restaientmodestes, sous les 10 000 euros,sans doute était-il plus « puriste »dans ses transactions. Mais aujour-d’hui, ses œuvres valent de50000à 100000 euros, dit-on à lagalerie Goodman.

«Les premiers collectionneurs deSehgalontpupayeren cash,maiscen’est plus possible, c’est devenuinterdit», explique Agnès Fierobe,directrice de la galerie MarianGoodman. Cette dernière préciseune subtilité : « La facture estenvoyée par mail, elle n’est jamaissous forme de trace écrite. » Resteque le Centre Pompidou comme lagalerie Marian Goodman se refu-sent à dire le montant de la transac-tion.p

Michel Guerrin

S itué rue du Miroir, au Mans,le lycée Yourcenar a long-temps été appelé le lycée du

Miroir, avant de changer de nomen 1991 : bel établissement, agréa-blement dessiné, très aéré (la«cour de la méditation » vouluepar l’architecte), 1300élèves etsolides projets pédagogiques.AuMans, depuis 1980, se tient lefestival le plus « expérimental»–en général, on entasse dans ceCaddie ce qui fait peur –, le plustéméraire, le plus fidèle à seschoix, mais aussi le plus populai-re: l’Europajazz Festival. Deuxanciens pions, l’un devenu direc-teur du festival (Armand Mei-gnan), l’autre, son président et pro-fesseur de lettres au lycée Yource-nar (Jean-Marie Rivier), font lapreuve que l’impossible se peut.

L’Europajazz a lieu en mai. L’hi-ver, il se promène de villages enlycées. Jeudi 13janvier, au lycéeYourcenar, les deux anciens pionssont capables de rassembler,autour du débonnaire proviseur,142élèves (entrée libre) et specta-teurs extérieurs (17euros), desenfants et des curieux qui igno-rent tout de ce dont sont capablesJoëlle Léandre et AkoshS. Musi-que improvisée en roue libre,concert acoustique. Grands instru-mentistes: elle, contrebasse, voix,comique expérimental ; lui, souf-fleur sans concession. Tous deux,à la ville comme à la scène, doux,capables de tout.

La jeunesse? Vous avez luLaFontaine : «Cet âge est sanspitié.» Eux, les artistes, ilsauraient pu attaquer à l’estomac.Pas du tout. Ils jouent pianissimo,se croisent, se contrepointent, se

fuguent, se rencontrent, colorentle silence d’archet et la clarinettebasse d’un fond de souffle. Audébut, ça secoue. Gwanaëlle :«C’est une bonne expérience, je dispas le contraire, mais ça fait unpeu peur.» Nassim: «Ben oui, j’airi, vous trouvez pas que ça peut fai-re rire?» Manon: «Je veux pas exa-gérer, mais ça fait surréalisme,c’est vrai, on l’a travaillé l’an der-nier.» Tom filme avec un pied decaméra digne de Cecil B. DeMilleet un air d’ange de Pasolini: «Pourmettre tout au point, j’ai raté ledébut.» Peu importe: il n’est passûr que ce soit une musique quicommence quelque part.

Chargé de la communicationDe toute façon, même quand onles suit depuis trente ans, person-ne ne peut s’attendre à « ça»: l’im-proviste, la chance, la beauté sur-prise. Belle écoute, bel accueil,moment parfait, à l’envers de tou-tes les habitudes; d’une si familiè-re étrangeté. Les élèves chargés dela communication avaient mis lepaquet: «Vous l’avez manquéquand il jouait avec Bertrand Can-tat et Noir Désir: vous ne manque-rez pas AkoshS., saxophonistegénial, avec Joëlle Léandre, aulycée Yourcenar. » Europajazzcontinue dans les lycées, les cha-pelles, les hôpitaux, les maisonsde retraite. Vive la vie. p

Francis Marmande

(Le Mans, envoyé spécial)

Les Corbeaux, d’Akosh. S et Josef Nadj(chorégraphie), L’Estal, 60-62, rue del’Estérel, Le Mans. Tél. : 02-43-50-21-50.Le 15 janvier, à 20 h 30. De 7,5 ¤ à 20 ¤.Europajazz.fr

LamusiquedeJoëlleLéandreetAkoshS.secouelelycée

Edition Le marché du livres’est stabilisé en 2010Avec un chiffre d’affaires de 4,2mil-liards d’euros, le marché françaisdu livre s’est stabilisé en 2010 parrapport à 2009 (+0,1 % en valeur,+0,2% en volume), selon une étu-de de l’institut GfK Retail and Tech-nology. L’institut dresse égale-ment un palmarès des meilleuresventes entre le 28décembre 2009et le 26décembre 2010, à partird’un «panel distributeur» compo-sé de 3500 magasins représenta-tifs de l’ensemble de la distribu-tion française (hors clubs). Je nesais pas maigrir et Les RecetteDukan, de Pierre Dukan, seraientainsi aux deux premières placesdu classement, avec respective-ment 597897 et 501303 exemplai-res vendus. – (AFP.)

Patrimoine L’appelà projets pour l’hôtelde la Marine a étérepoussé au 7févrierPour donner plus de temps auxcandidats dans l’examen et la pré-sentation du dossier, FranceDomaine, chargé des cessionsimmobilières de l’Etat, a repousséau lundi 7 février la date limite deremise des candidatures à l’appelà projets lancé pour l’hôtel de laMarine, place de La Concorde, àParis. L’édifice, au double péristy-le, construit sous Louis XV, classémonument historique, doit êtrelibéré par la marine en décem-bre 2014. L’Etat cherche un repre-neur pour l’occupation, la mise envaleur et l’exploitation de ce qua-drilatère de 24 000 m2. Il proposeune location meublée et un bailemphytéotique de 60 à 80 ans. Ladate limite pour les visites du siteest repoussée au 2 février.

Théâtre Hommageà Roger PlanchonLe Théâtre Nanterre-Amandiers(7, avenue Pablo-Picasso) rendra,lundi 17 janvier, à partir de20h 30, un hommage à l’hommede théâtre Roger Planchon(1931-2009). Patrice Chéreau lirades textes, et des témoignagesseront apportés par Michel Vina-ver, Georges Lavaudant, MichaLescot, Jean-Pierre Vincent… Ren-seignements au 01-46-14-70-50.

Culture

FredForestsedemande siunétablissementpublicpeutmener àbienunetransactionfinancièresans reçu

Unachat du CentrePompidou relanceledébat surle secret des transactionsL’acquisition, en 2010, d’une œuvre conceptuelle de l’Anglais Tino Sehgalest dénoncée par l’artiste Fred Forest, qui combat cette pratique depuis quinze ans

Musique

L e compositeur américain Ste-ve Reich (né en 1936) a pro-noncé cette vérité : « Le réper-

toire, c’est ce que le public a envied’entendre et les musiciens enviedejouer.» S’il l’a formulée en oppo-sition aux musiques d’avant-gar-de qui ont coupé les mélomanesd’une partie de ce qui se compo-sait de leur temps, il ne faut cepen-dant pas étendre cette réflexion augoût général présumé du grandpublic. Car, à en juger à sa réactionenthousiaste, jeudi 13 et vendredi14 janvier, Salle Pleyel, à l’exécu-tion par Janine Jansen (dense,concernée) du rare Concerto pourviolon op. 13 (1938-1939), de Benja-min Britten (1913-1976), avec l’Or-chestre de Paris et le chef PaavoJärvi (froid et sans mystère), et, lelendemain, par Hilary Hahn(magnifique, un rien corsetée),l’Orchestre philharmonique deRadio France et le chef Pietari Inki-nen (impeccable et juste), du plusrare encore Concerto pour violon(1952), de Gian Carlo Menotti(1911-2007), on se dit que leditgrandpublicneboude pas sonplai-sir quand les interprètes sortentdes sentiers battus.

Certes, la plupart des violonis-tes ne sont pas de la trempe aven-tureuse d’Hilary Hahn, qui, au pro-grammede son dernier enregistre-ment pour Deutsche Grammo-phon, affiche le Concerto pour vio-lon (2008) de Jennifer Higdon (néeen 1962) au côté d’un pilier derépertoire, le Concerto de Tchaïko-vski. Mais, à leur décharge, il fautavouer qu’on a aussi très souvententendu chefs et solistes se plain-dre que les puissances invitanteset les tourneurs leur recomman-dent le plus souvent le tout venantrassasiant plutôt que la rareté apé-ritive, par peur de vider la salle etleur escarcelle.

Bien sûr, le programme donné

mercredi 12janvier par l’Orchestrede Paris, la veille de celui de JanineJansen, comportait le célébrissimeConcerto pour piano de Tchaïkovs-ki, etaffichait complet. Mais, le len-demain, la salle était cependantpresque pleine pour écouter Brit-ten. Qu’est-ce qui a attiré lepublic? Harold en Italie, de Berlioz,et Daphnis et Chloé, de Ravel, don-nés après l’entracte ? Le nom déjàtrès connu de la violoniste hollan-daise, qui signe des disques chezDecca ?

Métamorphose stupéfianteAprès la petite merveille incon-

nue, lyrique, qu’est le Concerto deMenotti, l’Orchestre philharmoni-que de Radio France interprétait laSymphonie du Nouveau Monde, deDvorak. Sans ce cheval de bataille,le public serait il venu en masse ?Si la Troisième Symphonie d’AaronCopland(1900-1990)avait rempla-cé celle de Dvorak, serait-il restéaprès l’entracte ?

En bis, comme presque tous sescollègues, Hilary Hahn donnait duBach. On aurait pu rêver qu’ellejoue plutôt cette autre raretéqu’est la Chaconne à son goût(1947), la métamorphose stupé-fiante de la Chaconne pour violonsolo deBach opérée par FranzWax-man (1906-1967), grand composi-teur d’Hollywood et grand défen-seur de la musique savante de sontempsdans unfestivalqu’il organi-sa pendant vingt ans sur sesdeniers. Mais il ne faut pas endemander trop : ce que nous ontoffert Jansen et Hahn lors de leurpassage parisien est en soi unebénédiction qui devrait décidé-ment se propager urbi et orbi. p

Renaud Machart

Concerts. Benjamin Britten, jusqu’au13 juillet sur Orchestredeparis.com ;Gian Carlo Menotti, sur France Musique le31 janvier, à 9 h 07 ; disponible à l’écoutependant un mois sur Francemusique.com

Deux raretéspour violon,horsdes sentiers battusJanineJansenetHilaryHahnontjouéSallePleyel

20 0123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

Page 21: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

“CLINT EASTWOODnous émeut encore une fois... Fantastique”

FIGARO MAGAZINE

AU CINÉMALE 19 JANVIER

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Au cinéma avec

La fabrique de la culture

MartinRobainarchitecte

MaikeFreessGalerie Eva HoberSes biographies affirment queMaike Fress est née en 1965 à Leip-zig. Il faut donc croire à la métemp-sychose car cette artiste est possé-dée par l’esprit de Baldung Grien,à moins que ce ne soit celui deGrünewald, ou, plus près de nous,de Bellmer. Sur papier blanc ounoir, elle dessine avec la mêmesûreté de traits qu’eux et la mêmemanière légère de suggérer lesvolumes des têtes et des corps pardes lignes sinueuses et des ponc-tuations de lumière. Mais elle estd’aujourd’hui. On a observé cesvisages féminins moroses ouhébétés dans les rues. Les défilésmilitaires qui montent de l’arrière-plan, on les connaît aussi, depuisle XXesiècle. Amok, le très granddessin qui domine l’accrochage,est l’une des plus impressionnan-tes allégories de l’histoire récenteque l’on ait vues. L’une des pluscruelles aussi.p Philippe Dagen« Vacuum », Galerie Eva Hober,9, rue des Arquebusiers, Paris 3e.Tél. : 01-48-04-78-68. Du mardiau samedi, de 11 heures à 19 heures.Jusqu’au 19 février.

SarahRapsonGalerie ZürcherAnglaise, née en 1959, ayant passéquatorze ans à New York avant dese retirer dans le Dorset, au sud del’Angleterre, Sarah Rapson n’avaitjamais été montrée en France.Dommage car son œuvre est abso-lument délectable. Elle colle desarticles de journaux sur des châs-sis. Elle bricole avec de vieux tis-sus déchirés et des bouts de bois.Elle tourne parfois une vidéofloue en noir et blanc. Tout celaest impeccablement réalisé etd’une ironie sans limite. Les arti-cles sont en effet des critiques

d’expositions, découpés et assem-blés précisément. Elle les appelleNew York Times Sutras. Les vieuxtissus noirs ou blancs parodient leculte puritain du monochrome.Les allusions à l’art moderne, sesstars – Stella, Warhol – et son mar-ché abondent, cryptées ouavouées, toujours bien ajustées.Sarah Rapson ou l’art de faire silen-cieusement le vide.p Ph. D.

« Transcendental Materialism »,Galerie Zürcher, 56, rue Chapon,Paris 3e. Tél. : 01-42-72-82-20. Du mardiau samedi de 12 heures à 19 heures.Jusqu’au 25 février.

Martin KasperGalerie Eric MircherAvec une logique inflexible, lepeintre Martin Kasper, 49 ans,poursuit son exploration de l’ar-chitecture moderniste. En Allema-gne, en Ukraine ou à Paris, il étu-die la structure et les décors debâtiments qui se voulaient monu-mentaux et paraissent aujour-d’hui désuets. Dans sa série la plusrécente, il isole un motif, le cercle,celui des escaliers, des coupolesou des lustres. Chaque toile est unarrangement géométrique calculéau centimètre et traité dans destonalités éteintes. Un regard unpeu plus attentif apprend que lesperspectives sont anormales, tor-dues ou déviées et les plans en lévi-tation. Cette peinture suscite unléger vertige et le sentiment d’unesolitude impitoyable.p Ph. D.

« Rotations », Galerie Eric Mircher,26, rue Saint-Claude, Paris 3e.Tél. : 01-48-87-02-13. Du mardiau samedi de 12 heures à 18 heures.Jusqu’au 28 février.

J esus died for somebody’s sinsbut notmine. » (« Jésus est mortpour les péchés de quelqu’un,mais pas pour les miens. ») La

voix un peu rauque et très brava-che de Patti Smith ouvrait ainsiavec la chanson Gloria son pre-mier album, Horses, sorti en 1975,sans se douter que ce vers – textemis sur la musique du classiquedu rock du groupe Them – devien-drait l’un des plus célèbres incipitsde l’histoire du rock.

Avec cette provocation, l’Améri-caine, alors âgée de 29 ans, affi-chait une « déclaration d’ex-istence, le serment d’assumer [s] espropres actes ». Malgré les éclipseset les deuils, la poète-chanteuse,peintre et photographe, n’a cessé,depuis, de confirmer cet engage-ment. La Cité de la musique et laSalle Pleyel, à Paris, lui consacrent,uncycle, du 17 au22janvier (projec-tion de film, lecture de poèmes etconcerts). A cette occasion, PattiSmith, 64 ans, rejouera l’intégrali-té d’Horses, samedi 22janvier, Sal-le Pleyel, avec des complices detoujours – le guitariste LennyKaye, le batteur Jay Dee Daugherty– et de nouveaux musiciens – JackPetruzzelli (guitare), Tony Shana-han (basse). Sans surprise, c’estpour ce concert consacré à ce dis-que fondateur que les places sesont arrachées le plus rapidement.

Sensualité androgyneEn 1975, le choc est autant musi-

cal que visuel. Alors que la plupartdes pochettes de l’époque rivali-sent d’esthétique boursouflée, cel-le d’Horses tranche par la sobriétéde la photo noir et blanc de RobertMapplethorpe, saisissant la sen-sualité androgyne de celle qui futsa compagne. « Je portais mes vête-ments de tous les jours, se souve-nait la chanteuse pour Le Monde,en 1996. Une chemise blanche, unpantalon, une cravate, une vestenoires, ce que j’imaginais être unetenue baudelairienne. Robert apris quinze photos, pas plus. Lamaison de disques était furieuse. Al’époque, les chanteuses se devai-

ent d’être maquillées et glamour.Je n’étais même pas peignée. »

Mal peignées également, ceschansons turbulentes cherchantà marier l’éloquence poétique etla fièvre primitive du rock. Ten-dant un pont entre les idéaux pas-sés et l’urgence rageuse du punkbalbutiant « Horses est apparu àun moment où le rock s’était per-du dans le professionnalisme, lacompétence technique, insiste Len-ny Kaye, qui demeure aussi un his-torien de la musique populaire.Ce disque a représenté, soudain,un espoir, un manifeste pour quechacun libère sa propre force créa-trice. » Nombre de chanteuses,mais aussi des groupes commeR.E.M. ou U2, considéreront cetalbum comme un moment-clé deleur vocation.

Au milieu des années 1970, Pat-ti Smith est une chanteuse débu-tante. Fuyant l’étroitesse du NewJersey de son enfance, elle a débar-qué à New York en 1967, fascinéepar le rayonnement de sa vie debohème. Elle s’essaie au théâtre, àla peinture, à la photographie, aujournalisme rock, trouve sa voiedans la poésie et les performan-

ces. Pour illustrer en musiquel’une de ses lectures, elle réquisi-tionne Lenny Kaye. « Je voulaisinsuffler dans le mot écrit l’immé-diateté et l’attaque frontale du roc-k’n’roll », écrit-elle dans le passion-nant Just Kids (Denoël, 327 p.,20 ¤), récent ouvrage de souvenirscontant ses premières annéesnew-yorkaises et sa relation avecRobert Mapplethorpe.

La déclamation poétiques’oriente petit à petit vers lechant, et les lectures vers de vraisconcerts avec Lenny Kaye, accom-pagnés d’abord d’un clavier,Richard Sohl, puis d’un second gui-tariste, Ivan Kral, et enfin du bat-teur, Jay Dee Daugherty. Une nou-velle vague rock commence àsecouer l’underground local avecdes personnalités comme RichardHell ou Tom Verlaine, du groupeTelevision.

Très impressionnée par ces der-niers, Patti Smith invite Tom Ver-laine à jouer sur un premier sin-gle, Piss Factory, autoproduit avecde l’argent avancé par Map-plethorpe. Essai concluant. Lacompagnie Arista se montre inté-ressée. Quelques jours après avoir

signé son contrat, en mai 1975, lePatti Smith Group enregistre austudio Electric Lady, jadis étrennépar Jimi Hendrix.

Mélangedelyrismeetd’âpretéA l’écoute de l’album aujour-

d’hui, on est frappé par la fougueet la verdeur de la production, sonmélange de lyrisme et d’âpreté.« Nous étions un tout jeune grou-pe, précise Lenny Kaye. Le batteurne nous avait rejoints que deuxmois avant, nous n’avions aucuneexpériencedes studios.Nous appre-nions encore ce que nous voulionsdevenir. »

Le groupe a demandé à JohnCale de produire l’album. Ancienbassiste et altiste du Velvet Under-ground – une inspiration majeurede Patti Smith –, producteur, en1969, du premier album des Stoo-gesavec Iggy Pop, leGallois se révè-le plus rétif que prévu. John Cale«était dans sa phase très orchestra-le, se souvient Kaye. Il avait enviede construire l’album instrumentaprès instrument. Or, nous vou-lions des ambiances live. Il nous amis au défi de prouver que nous enétions capables, nous encoura-

geant finalement à l’improvisa-tion comme dans Bird-land, deve-nu un morceau de dix minutesalors qu’il en faisait trois. »

Imprégnés de multiples réfé-rences à la littérature (« Go Rim-baud go Rimbaud » dans Land) etau cinéma français, les textes invo-quent aussi les mannes des hérosdu rock (Van Morrison, l’ancienchanteur de Them, Jimi Hendrix,Jim Morrison…). « C’était un hom-mage, mais nous avions aussi laconviction que nous pouvionsdevenir l’un d’eux », se souvient leguitariste. De fait, l’accueil criti-que d’Horses sera dithyrambique,et le succès commercial satisfai-sant, même s’il faudra attendre letroisième album (Easter) et le qua-trième (Wave) pour que le groupetriomphe vraiment.

En 2005, un double CD est sortipour fêter les 30 ans d’Horses. Laréédition de l’album original estaccompagnée d’une version enconcert enregistrée en juin 2005.Toujours aussi ardente, maismeilleure chanteuse qu’en 1975,Patti Smith y rayonne plus quejamais. « A l’époque, nous l’appe-lions notre field marshal, rigoleLenny Kaye. Aujourd’hui, elle esttoujours notre commandeur, uneartiste multiple qui s’est épanouieavec le temps. » p

Stéphane Davet

Au programme

Spectacles Patti Smith: Dreamof Life, film de Steven Sebring,dont la projection sera suivied’une rencontre avec la chanteu-se. Cité de la musique, le 17 jan-vier, à 20heures. 8¤;«Picturing Robert», poèmes etmusiques en souvenir de RobertMapplethorpe. Cité de la musi-que, le 18janvier, à 20heures.30¤;«Unplugged Dreams», concertacoustique de Patti Smith. Citéde la musique, le 20janvier, à20heures. 39¤;Patti Smith et Philip Glass ren-dent hommage à Allen Ginsberg,poète américain et membre fon-dateur de la Beat Generation. Sal-le Pleyel, le 21 janvier, à 20heu-res. De 45¤ à 60 ¤;Patti Smith joue Horses. SallePleyel, le 22janvier, à 20heures,de 30¤ à 45¤.

Lieux Cité de la musique.211, avenue Jean-Jaurès,Paris19e. Tél. : 01-44-84-44-84.Salle Pleyel. 252, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Paris 8e.Tél. : 01-44-84-45-78.

Galeries

PattiSmith faitrevivre «Horses» sur scèneUn cycle sur l’artiste américaine est organisé du 17 au 22 janvier, à la Cité de la musiqueet Salle Pleyel, à Paris, dont un concert où elle interprétera son album-choc, paru en 1975

Martin Robain est l’un des fonda-teurs de l’agence française Architectu-re Studio, qui a notamment réalisé leparlement européen de Strasbourg oul’église Notre-Dame-de-l’Arche-d’Al-liance, à Paris et est solidement implan-tée en Chine. Il nous présente « I Wish IKnew », le film du Chinois Jia Zhang-ke,qui évoque les transformations récen-tes de la ville de Shanghaï, notammentà partir de témoignages.

YPour moi, JiaZhang-ke est unhomme qui se pla-

ce délibérément sur la ligne rou-

ge. Still Life, en 2006, avait bienmontré la violence de la destruc-tion post-Révolution culturelle,avec une nuance d’optimismedans les rapports entre les gens.

Jia Zhang-ke est originaire deTaiyuan, ville poussiéreuse, tris-te, dure, noire, qui sent le char-bon et dans laquelle il y a unvieux centre-ville presque aban-donné, partiellement démoli. Làaussi, il a été décidé de reconstrui-re un centre-ville qui ne soit pasun down town à l’américaine.Après la Révolution, commeaprès les démolitions, il y a enco-re la vie. Still Life, c’est encore lavie ! Le titre de ce film contenaittoute la philosophie du cinéaste.C’est “la fin de…” et “l’espoir de…”.

I Wish I Knew montre le cœurde Shanghaï, fait parler pendantdeux heures près de vingttémoins sur tous les change-

ments survenus depuis lesannées 1930. Le regard de JiaZhang-ke est particulièrementintéressant, car il est toujours surun fil tendu, à la limite de ce qu’ilest possible de faire, à la limitedu politiquement correct. Etpourtant, il arrive à transmettresa pensée. Le dernier témoignagedu film, celui de Han Han, roman-cier de 28 ans et pilote de rallye,révèle une attitude à la fois provo-catrice et pratique : “Pour l’ins-tant, j’écris des livres, mais je meconsidère plutôt pilote. Quandj’aurai atteint un niveau profes-sionnel, je pourrai dire que non.Tout compte fait, je suis bien écri-vain.” Il représente bien la jeu-nesse chinoise.

En 2004, A l’Ouest des rails, deWang Bing, montrait la destruc-tion des grands conglomérats deShenyang. Qu’imaginer après

cela ? On ne peut que faire unparallèle avec la génération mon-tante des architectes chinois, parexemple Wang Shu et Lu Wenyu,très brillants et déjà internationa-lement renommés.

Je pense aussi aux résultats duconcours de la jeune architecturechinoise que notre agence a orga-nisé à l’occasion de la Biennale deVenise. La question du contextehistorique, sinon de la forme,apparaît clairement dans les pro-jets des Shanghaïens Liu Yichunet Chen Yifeng. Je suis très sensi-ble à l’émotion qui naît de cetterelation entre le passé et laconstruction d’aujourd’hui,entre la strate historique et la pro-jection vers le futur. » p

Frédéric Edelman

I Wish I Knew, de Jia Zhang-ke,en salles à partir du 19 janvier.

CultureRendez-vous

«L’Homme qui marche»(2010), de Sarah Rapson.GALERIE ZÜRCHER

Patti Smith en concert, dans les années 1970. AARON RICHARD/DALLE

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Page 23: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

R omain Duris avait le sourire,à l’heure des saluts, lundi29 novembre 2010 au soir. Il

avait de quoi : il venait de gagnerses galons de comédien de théâtre,superbement. Au Louvre, dans lesalon Denon, Patrice Chéreau,avec la collaboration du chorégra-phe Thierry Thieû Niang, lui fai-sait faire ses premiers pas sur scè-ne avec un texte époustouflant deBernard-Marie Koltès (1948-1989) :La Nuit juste avant les forêts.

Cemomentde théâtred’une for-ce rare, on peut maintenant leretrouver au Théâtre de l’Atelier, àParis, où le spectacle est repris jus-qu’à fin février. Le choc vientd’abord de la (re)découverte d’untexte que Koltès a écrit en 1977,avant ses grandes pièces. Non seu-lement il n’a pas vieilli, mais ilrésonne aujourd’hui, dans sa ful-gurance, avec une actualité quilaisse estomaqué.

La Nuit…, c’est un peu Les Milleet Une Nuits version Koltès : unhomme qui parle, sans reprendresouffle, pour conjurer la mort,pour aller au moins jusqu’au boutde cette nuit-là, en une seule lon-gue phrase de presque 60 pages.Un homme seul, un étranger dansla ville, un de ces hommes à qui laparolen’est pas donnée et qui d’or-dinaire ne la prennent pas, et qui alarguéles amarres que l’on assignehabituellement à ses semblables :le travail à l’usine, les chambresminables.

Un soir de pluie où les vête-ments comme la solitude collent àla peau, au milieu de ce ballet decorpsqu’est la villenocturne, il ten-te de retenir, par tous les motsqu’il peut trouver, un inconnuabordé au coin de la rue, « unenfant peut-être, silencieux, immo-bile », écrit Koltès.

Alors, en un seul souffle, la lan-gue de Koltès charrie en sa houlesomptueuse tout ce que l’écrivainvoyait de la France de la fin desannées 1970, et ce qu’elle n’allaitcesser de devenir, trente ans plustard : les banlieues et le non-tra-vail, le racisme ordinaire, qui lui

aussi colle comme une secondepeau, la peur de l’autre qui imprè-gne les corps et les têtes, la vieconfisquée par « le petit clan dessalauds techniques qui décident ».

Dans cette France où chacuns’enferme dans sa petite identité,où l’amour seul ne se laisse pas

assigner à résidence mais s’en vacomme il était venu, lui, l’homme,a bien repéré « toute la série dezones que les salauds ont tracéespour nous, sur leurs plans, et danslesquelles ils nous enferment parun trait au crayon, les zones de tra-vail pour toute la semaine, leszones pour la moto et celles pour ladrague, les zones de femmes, leszones d’hommes, les zones depédés, les zones de tristesse, les

zones de bavardage, les zones dechagrin et celles du vendredi soir ».

« J’ai cherché quelqu’un qui soitcommeunangeau milieudecebor-del, et tu es là», dit-il, tel que Patri-ce Chéreau le met en scène, dansune chambre d’hôpital blanche etanonyme, le visage en sang aprèsd’être fait castagner dans le métro.Sans doute n’est-il là, le mysté-rieux ange-confident, que dans ledésir d’amour qui habite cet hom-me que Romain Duris ne fait passeulement exister grâce à sa bellegueule d’« étranger », mais enincarnant les mots de Koltès avecune puissance impressionnante.

Corps nerveux, tendu, ployé– au Louvre, c’était d’autant plustroublant que le comédien avaitderrière lui, comme une ligne defuite, un Saint-Sébastien percé deflèches, sans que le côté doloristeque peut avoir Chéreau ne prennejamais le dessus –, le voilà donc,cet homme qui parle et qui vamourir, son existence tout entièrecontenue dans un de ces sacs à

rayures, en mauvais plastique,que l’on trouve dans les bazars dequartier.

Il parle, et ce qu’il dit, on lereçoit en pleine figure, sans doutebeaucoup plus directement qu’il ya trente ans, où l’on pouvait enco-re avoir l’espoir que tout allaitchanger : « Tout d’un coup, moi,j’en ai ma claque, cette fois ça y est,je ne me retiens plus, j’en ai ma cla-que, moi, de tout ce monde-là, dechacun avec sa petite histoire dansson petit coin. » Alors restent « lapluie, la pluie, la pluie », et lesforêts obscures où disparaîtrecomme un météore. p

Fabienne Darge

La Nuit juste avant les forêts, de Ber-nard-Marie Koltès (éd. de Minuit). Miseen scène : Patrice Chéreau et ThierryThieû Niang. Avec Romain Duris. Théâ-tre de l’Atelier, 1, place Charles-Dullin,Paris 18e. Mo Anvers. Tél. :01-46-06-49-24. Du mercredi au samedià 19 heures, jusqu’à fin février. De 15 ¤ à30 ¤. Durée : 1 h 30. Theatre-atelier.com

Lever de rideau

Rendez-vousCulture

MahlerSymphonie no 2«Résurrection»Riccarda Merbeth, Bernarda Fink,Chœur de la Radio des Pays-Bas, Orches-tre royal du Concertgebouw d’Amster-dam, Mariss Jansons (direction).

Voilà une«Résurrec-tion» sansépate nitapage.Mariss Jan-sons est àl’évidence

l’un de ces chefs pour qui l’équani-mité fait loi. Dans Mahler, cela aparfois du bon, tant cette musiqueest souvent saturée de tensionsmusculaires, tics nerveux etautres démangeaisons instrumen-tales. Rien de tout cela chez Jan-sons, qui file le parfait amour–une relation dense, pleine et cha-leureuse, presque conjugale – avecun Concertgebouw d’Amsterdampuissant et ductile pour unMahler parfaitement abouti. Diffi-cile de faire plus éthéré et spirituelque la mezzo Bernarda Fink dansun « Urlicht» chanté aux frontiè-res du ciel. Quant au chœur final,il est d’un souffle, d’une majestévisionnaire et d’une splendeurabsolus. p Marie-Aude Roux

1 CD RCO Live.

MattDuskGood NewsLa scène canadienne nous donnerégulièrement de ses nouvelles.Cette fois, c’est avec le troisièmealbum du chanteur Matt Dusk,qui confirme les bonnes disposi-tions du garçon à faire swinguerla pop et à rendre pop le jazz. Surle premier terrain, Matt Duskpourra aisément faire penser àRobbie Williams, dans sa manièrede donner de l’allant à des chan-sons-hymnes. Du point de vueplus proche du jazz, Matt Duskrappellera Cab Calloway et lestenants du style jumpin’jive desannées 1940. Avec en plus unepointe de soul, Good News a doncbelle allure, assumant sa capacitéà être une efficace musique dedivertissement. p Sylvain Siclier

1 CD Emarcy/Universal Music.

JulietteNo ParanoSingulière, unique, Juliette saitécrire. S’inscrivant dans l’histoirede la chanson française, commegenre, la chanteuse, pianiste,

auteure et compositrice, joue surles registres musicaux (mambo,valse, java, swing, slow, etc.) quiont fait la gloire des récitals dumusic-hall parisien et des caba-rets. Elle ose aussi la reprise (Unechose pareille, de Salvatore Adamo,Les Dessous chics, de Serge Gains-bourg, Volver, tango, d’AlfredoLePera et Carlos Gardel) et y réus-

sit. Creu-sant lesillon desgrandsaînés, ellemet Prévert(Dans mar u e ) e t

Hugo (La Chanson de Dea) enmusique. Juliette porte aussi unregard plein d’humour sur sonépoque (Rhum-Pomme, et surtoutThe Single, oùelleétrille lesnouvel-les mœurs musicales «électro-pop-chic » où Gossip « fait jurispru-dence ». No Parano est un albumintelligent, construit en légèreté,expurgé des excès d’une Juliettequi a pu porter sur les nerfs parcequ’elle en rajoutait. p

Véronique Mortaigne

1 CD Universal Music.

Oudaden25 ansPrécédant la parution d’un ouvra-ge collectif sur Nass el Ghiwane,formation légendaire du Maroc, àl’occasion de ses cinquante ans decarrière (Senso Unico et Editionsdu Sirocco/L’Oiseau Indigo diffu-sion), voici le témoignage musicald’un autre groupe culte marocain.Originaires de la région d’Agadir,les musiciens d’Oudaden célè-

brent aveccet album,enregistréen France,sous ladirectiondu guitaris-te français

Camel Zekri, leurs vingt-cinq ansde disques. Ils revendiquent unrépertoire de quatre cents titresdont sept ont été choisis pour leurpremier projet phonographiquefait en dehors du Maroc.Composées par Abdellah el Foua(chanteur lead et banjo), interpré-tées en tachelhit, la langue berbè-re du Souss, elles parlent d’amouret d’amitié, portent en elles unetranse fiévreuse, d’où jaillissentdes images d’amandiers en fleur,les parfums et couleurs de leur ter-re.p Patrick Labesse

1 CD Aâkia/L’Autre Distribution.

Sortie le 19 janvier

« Une eçon de cinéma éb ouissante »StudioCiné ive HHH

« Un évènement ! »les Cahiers du cinéma

RomainDuris magnifiela phrasedeBernard-Marie KoltèsLe comédien, dirigé par Patrice Chéreau d’abord au Louvre, incarne au Théâtre de l’Atelier«La Nuit juste avant les forêts», texte méconnu écrit en une seule phrase en 1977

Corpsnerveux,tendu,ployé, levoilà donc,cethomme quiparleetquiva mourir

Sélection CD

Romain Duris dans «La Nuit juste avant les forêts». PASCAL VICTOR/ARTCOMART

230123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

Page 24: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

Samedi15 janvierTF1

20.45 Les 30 Histoiresles plus spectaculaires. Divertissement.23.15 New York, section criminelle.Série. La Belle et la Bête (saison 4, 19/23) U.Une seconde chance (saison 5, 1/22) U.Mauvaise carte (saison 2, 16/23) U (145 min).

FRANCE2

20.35 Champs-Elysées.Invités : Alain Delon, Sylvie Vartan, Dany Boon,Line Renaud, Christophe Willem, Les Prêtres...22.50 On n’est pas couché.Magazine. Invités : Jean-Pierre Chevènement,Laure Adler, François Damiens, Isabelle Alonso,Fabrice Eboué (180 min).

FRANCE3

20.35 1788... et demi.Série. Du principe d’Archimède appliquéaux canailles. Du désastre de se découvrirdes cousins éloignés. Des désagrémentsde l’amour et du désir (S1, 1 à 3/6, inédit).23.10 et 3.30 Soir 3.23.45 Strip-tease.Evelyn, reine d’Afrique [2/2] (50 min).

CANAL+

21.00 Football.Ligue 1 (20e journée) : multiplex en direct.23.00 Jour de foot. Magazine.0.00 [REC]2Film Jaume Balagueró et Paco Plaza. AvecJonathan Mellor (Espagne, 2009, 85 min) W.

ARTE

20.40 L’Aventure humaine.Débâcle en Germanie. Les Légions perduesde Rome. Documentaire. Christian Twente.22.10 Quand le mondenous appartiendra.Téléfilm. Antje Kruska et Judith Keil. Avec VincentKrüger, Christian Blümel (All., 2009, v.o.).23.50 Metropolis. Spécial Haïti (45 min).

M6

20.45 NCIS/Los Angeles.Série. Avis de recherche (S2, 1/24, inédit) U.Meilleure ennemie. L’Appât du gain (S1, 5-6/24) U.23.00 Dollhouse.Série. Réinitialisation. Croyance aveugle.Légende urbaine (S1, 4-6/13, inédit) U (145 min).

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Nord-Ouest

Ile-de-France

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Jours suivants

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Températures à l’aube l’après-midi

Front chaud Front froid

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En EuropeAmsterdamAthènesBarceloneBelgradeBerlinBerneBruxellesBucarestBudapestCopenhagueDublinEdimbourgHelsinkiIstanbulKievLa ValetteLisbonneLjubljanaLondresLuxembourgMadridMoscouNicosieOsloPragueReykjavik

RigaRomeSofiaStockholmTallinTiranaVarsovieVienneVilniusZagrebDans le mondeAlgerAmmanBangkokBeyrouthBrasiliaBuenos AiresDakarDjakartaDubaiHongkongJérusalemKinshasaLe CaireMexicoMontréalNairobi

New DelhiNew YorkPékinPretoriaRabatRio deJaneiroSéoulSingapourSydneyTéhéranTokyoTunisWashingtonWellingtonOutremerCayenneFort-de-Fr.NouméaPapeetePte-à-PitreSt-Denis

Paris

Madrid

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Dimanche 16 janvier 201116.01.2011

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JAPON TEMPS SOUVENT FROID AVEC DE LA NEIGE

En Europe12h TU

Les grisailles feront plus oumoins laplace au soleil suivant les régions encours de journée, sinon uneperturbation arrivera vers le soir surla pointe bretonne. Des rentréesmaritimes affecteront par ailleurs lescôtesméditerranéennes avec un peude pluie sur le Languedoc-Roussillon.Le soleil brillera en revanche trèslargement près des Pyrénées, sur leMassif Central et dans les Alpes.

SaintMarcelCoeff. demarée 48

LeverCoucher

LeverCoucher

Douceurpersistante

Aujourd’hui

Météo&Jeux Ecrans

Les résultats du Loto sont publiés dans nos éditions datées diman-che-lundi, mardi, mercredi et vendredi.Tous les jours Mots croisés et sudoku.

Dimanche16janvierFRANCE CULTURE

16.00 Une vie, une œuvre.William Faulkner (1897-1962).17.00 Place de la Toile.18.00 et 22.00 Journal.18.10 Les Retours du dimanche.19.00 Masse critique.20.00 Théâtre & Cie.« Les Trois Sœurs », d’Anton Tchekhov.22.10 Cultures d’islam.23.00 Atelierde création radiophonique.0.00 Je l’entends comme je l’aime.

FRANCE MUSIQUE

18.10 Lettres intimes.Concert. Dictionnaire du lied : P comme populaire.Coup de cœur : « Trio » op. 8, de Brahms,par Maria-Joao Pires, piano, Augustin Dumay,violon et Jian Wang, violoncelle.19.30 Œuvres de Haydn et Chostakovitch. Parle Trio Hochelaga, Anne Robert, violon, PaulMarleyn, violoncelle, Stéphane Lémelin, piano.21.00 L’Autre Dimanche.22.00 Subjectif 21.23.00 Easy Tempo.[3/4] Les Mondes de Quincy Jones.0.00 Tapage nocturne.

FRANCEINTER

17.00 L’Afrique enchantée.18.10 Dimanche soir politique.Invité : Pierre Moscovici.19.20 L’Actualité francophone.19.30 Les P’tits Bateaux.20.05 Le Masque et la Plume.« Ce qu’aimer veut dire », Mathieu Lindon ;« Faut-il manger les animaux ? », Jonathan SafranFoer ; « Les Petits », Christine Angot ; « Rougedans la brume », Gérard Mordillat ; « Des genstrès bien », d’Alexandre Jardin. Invités : NellyKaprièlian, Olivia de Lamberterie, Jean-LouisEzine et Arnaud Viviant...21.05 Les Grands Concertsde Radio France.« La Fiancée vendue » : Ouverture, de Smetana.Par l’Orchestre national de France, dir. KurtMazur ; « Concerto pour violoncelle et orchestreen si mineur » op. 104, de Dvorák, par l’Orchestrenational de France, dir. Kurt Mazur.22.15 Summertime. Invité : Tribeqa.

RADIOCLASSIQUE

18.00 Le Royal Classic Hall.19.30 Un dîner en musique.

Dimanche16janvierTF1

20.45 Je suis une légendeFilm Francis Lawrence. Avec Will Smith, AliceBraga, Charlie Tahan (Etats-Unis, 2007) V.22.40 Les Experts.Série. Une pluie de balles. La Détenue (S4, 14et 17/23) V. Avec William Petersen (95 min).

FRANCE2

20.35 Survivre avec les loupsp

Film Véra Belmont. Avec Mathilde Goffart,Yaël Abecassis, Guy Bedos (France, 2007) U.22.35 Faites entrer l’accusé.Jean-Luc Blanche, le routard du viol (80 min) U.

FRANCE3

20.35 Inspecteur Barnaby.Série. L’Epée de Guillaume. Avec John Nettles,Jason Hughes, Neil Dudgeon (GB, 2010) U.22.10 et 1.15 Soir 3.22.50 L’Empire des sans.Documentaire. Pierre Caule (France, 2010) V.23.45 Du plomb pour l’inspecteurpp

Film Richard Quine. Avec Fred MacMurray, KimNovak, Paul Richards (EU, 1954, N., v.o., 90 min).

CANAL+

21.00 Football.Ligue 1 (20e journée) : Marseille - Bordeaux.22.55 Canal Football Club. Magazine.23.15 L’Equipe du dimanche. Magazine.0.05 Spécial investigation.Magazine. Caïds des cités : le nouveau grandbanditisme (80 min) U.

ARTE

20.39 Thema -L’Humanité en couleurs.20.40 Loin du paradis p Film Todd Haynes.Avec Julianne Moore (EU - Fr., 2002).22.25 Une question de couleur. Documentaire.23.20 A Girl Like Me. Court métrage. Kiri Davis(Grande-Bretagne, 2005, v.o.).23.25 Le Voyageur noir. Court métrage.Pepe Danquart. Avec Senta Moira (15 min).

M6

20.45 Zone interdite.Délinquance sexuelle : comment éviterla récidive ? Présenté par Mélissa Theuriau V.22.45 Enquête exclusive.Guerre des bandes au cœur de Paris (85 min) V.

Rédaction : 80, boulevard Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 13Tél. : 01-57-28-20-00 ; télex : 202806F ;

télécopieur : 01-57-28-21-21Courrier des lecteurs : par télécopie : 01-57-28-21-74 ;

Par courrier électronique : [email protected]édiatrice : [email protected]

Abonnements : par téléphone : de France 32-89(0,34¤ TTC/min) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89.

Sur Internet : www.lemonde.fr/abojournal/Tarif 1 an : France métropolitaine : 394 ¤

Internet : site d’information: www.lemonde.frfinances : http://finance.lemonde.fr

Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http ://immo.lemonde.fr

Documentation : http ://archives.lemonde.frCollection : Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40

Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60

EuroMillions

Motscroisés n˚11-013 Samedi15 janvierFRANCECULTURE

17.00 Jeux d’épreuves.« Nuits insomniaques », de Robert Cohen. ;« Les Hommes sirènes », de Fabienne Juhel ;« Les Petits », de Christine Angot.18.00 et 22.00 Journal.18.10 Le Magazine de la rédaction.19.00 Mauvais genres.Hommage à Jean Rollin et à Blake Edwards.20.00 Drôles de drames.Hommage à Molière. Soirée spécialeen direct de la Comédie-Française.21.00 Ça rime à quoi ?Invité : Emmanuel Laurier.21.30 Jusqu’à la Lune et retour.22.10 Affinités électives.23.00 Perspectives contemporaines.« Instructions aux domestiques », de JonathanSwift. Adaptation de Jean-Luc Lagarce.0.00 Chanson Boum !Invité : Yves Borowice.

FRANCEMUSIQUE

18.00 Les Greniers de la mémoire.Jean-Paul Sartre.19.05 Soirée lyrique.19.30 « Bellérophon ». Opéra de Lully.A l’Opéra royal du Centre de Musique Baroquede Versailles. Par le Chœur de Chambre deNamur et les Talens lyriques, dir. ChristopheRousset. Avec Cyril Auvity (Bellérophon), CélineScheen (Philonoé), Ingrid Perruche (Stenobée)...23.00 Le Bleu, la nuit...Jazz sur le vif ; Le jazz, probablement.

FRANCEINTER

17.05 La Librairie francophone.Invités : Yahia Belaskri, Dai Sijie...18.00 Journal.18.10 Ça peut pas faire de mal.Patrick Bruel (n˚ 2).19.20 L’Actualité francophone.19.30 L’Atelier de.Invité : Jean-François Sivadier.20.05 Le Pont des artistes.Invités : Alexis HK, Vincent Segal, Manu Galure.22.15 Alternatives.Spécial Pan European Records.

RADIOCLASSIQUE

18.00 Passion Classique.Présenté par Olivier Bellamy.19.30 Un dîner en musique.Le Meilleur de la musique classique.0.00 Radio Classique de nuit.

Sudoku n˚11-013 Solution du n˚11-012

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Lesjeux Lasélection radio

Lessoiréestélé

Résultats du tirage du vendredi 15 janvier.2, 14, 24, 39, 44, 6 e et 7 e

Rapports : 5 numéros et e e : pas de gagnant ;5 numéros et e : 384 523,20 ¤; 5 numéros : 96 996,80 ¤ ;4 numéros et e e : 7 423 ,20 ¤ ; 4 numéros et e : 262,40 ¤ ;4 numéros : 117,10 ¤ ;3 numéros et e e : 103,70 ¤ ; 3 numéros et e : 29,00 ¤ ;3 numéros : 17,20 ¤ ;2 numéros et e e : 30,40 ¤ ; 2 numéros et e : 9,50 ¤ ;1 numéro et e e : 12,70 ¤.

Horizontalement Verticalement

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Solution du n° 11 - 012HorizontalementI. Emancipation. II. Semoule. Alto.III. Cuistots. Lit. IV. ANC. Tell. To.V.Miasmes. Aber.VI. Pelée. Ecru.VII. Ere. Rechange.VIII. Té. Kit. Ui.Ut. IX. Cités. Ruée.X.Embrasements.

Verticalement1. Escampette. 2.Meunière.3. Amicale. Cb. 4.Nos. SE. Kir.5. Çut. Mérita. 6. Ilote. Etes. 7. Pète-sec. Se. 8. Sl. CHU. 9. Ta. Laraire.10. Ill. Bun. Un. 11.Otite. Guet.12.Notoriétés.

Philippe Dupuis

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1. Appels pas toujours discrets.2.Devient une seconde nature.3. Belle et bonne à croquer. Boutde terre. Bouts de filin. 4.Desfeuilles et beaucoup d’eau.S’occupe des affaires dumonde.5. Permet de rester dansl’anonymat. Points culminants.6. Equipe le bâtiment. 7.Du jaunedans les jachères. Liaisonsfranciliennes. 8. Evite lesruissellementsmuraux. Négation.9.Unité de flux. Pâte dure. 10. Soncoup est renversant. James Byron.11. Chez les Helvètes. Redoute.12.Grande ouverture sur lemonde extérieur.

I. Réagit au premier contact.II. Posé par lesmal élevés. Couchéet abandonné. III. Sacré sur lesbords du Nil. A donc lesmêmesparents. IV. Conjonction. Finit sacourse dans le Rhin. Passe.V. Paquet de vers. Queue de lapin.Bon début d’apprentissage.VI. Protection dans la boîte. A unœil sur chaque poste.VII. Accueille les vainqueurs.Apparus en surface.VIII. En findematinée. Se lancer. Assure lasécurité en bordure de route.IX. Bande organisée. Négationd’un autre temps.X. Pour depetites ouvertures au bloc. Règle.

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Page 25: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

PAUL.GRAVES@CATSANDDOGSPARIS. COM POUR « LE MONDE » – RETOUCHES : B’PONG

Sécurité Des détecteursde fumée dans chaquelogement d’ici à 2015Chaque logement devra être équi-pé d’au moins un détecteur defumée à partir du 8 mars 2015,indique un décret publié au Jour-nal officiel du 11 janvier, en appli-cation d’une loi adoptée enmars2010. L’achat de ce petitappareil, d’une vingtaine d’euros,incombera aux «occupants », loca-taires ou propriétaires. Les détec-teurs, qui se déclenchent dès qu’ily a de la fumée, doivent permet-tre de prévenir les incendies, aunombre de 250 000 par an. « EnFrance, plus de 800 personnes per-dent la vie chaque année dans desfeux d’habitation et plus de10000 sont gravement blessées »,soulignent le ministère de l’écolo-gie et le secrétariat d’Etat au loge-ment. Aujourd’hui, seuls 2 % deslogements en seraient équipés.

Psychologie

C ertes, les Bleus ont étélamentables au Mondial2010, mais les Français sont

malgré tout champions du mon-de. Menée par BVA-Gallup dans53 pays pour Le Parisien, l’enquêtesur les perspectives 2011 les hisseau premier rang des pessimistes.Ils sont 61 % à penser que l’annéequi débute sera faite de difficultéséconomiques, un pourcentageénorme comparé à des pays émer-gents, comme le Vietnam, le Brésilou la Chine, mais aussi à des paysmeurtris, comme l’Afghanistan,ou pauvres, comme le Bangla-

desh. Et quand on leur demande sileur situation personnelle serameilleure qu’en 2010, là encore, ilsse caractérisent par leur vision plu-tôt sombre. Les Français sont qua-trièmes sur 53 au classement dupessimisme, ex aequo avec lesUkrainiens, derrière les Serbes, lesRusses et les Tchèques.

Commentexpliquer cette sinis-trose aiguë dans une société où il ya beaucoup à faire, certes, mais oùla situation n’a guère à voir aveccelle des Irakiens ou des Gha-néens, nettement plus optimis-tes ? « Les Français ont un attache-ment très fort au modèle social del’Etat-providence qui, pendant desdécennies, a été défendu et ampli-fié par les dirigeants politiques dedroite comme de gauche, expliqueCéline Bracq, directrice adjointede BVA Opinion. Or ces dernièresannées s’est opéré un changementbrutal de discours avec l’électionde Nicolas Sarkozy et la crise finan-

cière. » Le premier ministre, Fran-çois Fillon, a annoncé en septem-bre 2007 être à la tête d’un Etat« en faillite sur le plan financier ».La crise est arrivée un an plus tard.

« Les Français se sont mis à croi-re à un risque de faillite de l’Etat,crainte étayée par la réforme surles retraites, présentée comme unmoyen de sauver les meubles sanspour autant sauver le système,poursuit Céline Bracq. Le discourspolitique ambiant porte beaucoupsur les efforts à faire sans proposerun nouveau projet collectif. » LesFrançais seraient en quête de sens,collectivement.

Comment devient-onpessimis-te ? « Au niveau individuel, il y adeux déterminants. L’un est généti-que, l’autre, qualifié d’“épigénéti-que”, dépend de l’environnement,de l’histoireindividuelle et va modi-fier le premier », explique le neu-ropsychiatre Boris Cyrulnik. « Unmême alphabet génétique peutêtre façonné de mille formes diffé-rentes selon la pression dumilieu », ajoute-t-il. Ainsi, 15 % dechaque population de mammifè-res sont de petits transporteurs desérotonine, une substance naturel-lement euphorisante. Théorique-ment, ils souffriront beaucoupplus face à un coup dur de la vieque desgros transporteurs de séro-tonine.

Sauf que l’environnementintervient également, et en parti-culier les conditions de sécuritéaffective dans lesquelles granditun enfant. « Un petit transporteurde sérotonine élevé dans un milieuaffectif stable sera équilibré, pour-suit le neuropsychiatre. Al’inverse, un gros transporteur éle-vé dans un milieu carencé va deve-nir vulnérable. »

« Un bébé insécurisé va répon-dre par un comportement de crain-te à toutes les informations de lavie quotidienne. Il est embarquésur le tapis roulant du pessimis-me », analyse Boris Cyrulnik. Heu-reusement, cette énorme injustice

peut se rattraper. « Si l’on améliorel’environnement, le processus répa-rateur va reprendre très rapide-ment au niveau neuronal puis auniveau affectif », remarque le théo-ricien de la résilience.

Lepessimisme aaussi des déter-minants collectifs, comme l’envi-ronnement familial, social. « Cetteperception négative du monde sedéveloppe plus facilement dans lesfamilles rigides, recroquevillées sur

elles-mêmes, et dans celles où l’onsouffre de la précarité sociale »,analyseBoris Cyrulnik.Les structu-res péri-familiales (associationssportives, culturelles, universités,écoles) peuvent compenser enoffrant des substituts affectifs quipermettent un développementéquilibré.

«Les Américains, qui vivent dansun pays au tissu associatif riche, etoù les parcours scolaires sont très

flexibles – on peut être mauvais élè-ve dans le secondaire et excellent àl’université, contrairement à laFrance –, sont plus optimistes »,explique le neuropsychiatre. Der-nier point : « La manière dont seraconte une société joue aussi dansla vision que l’on a du monde. Dansles années d’après-guerre, les gensétaient incroyablement optimistes,la réalité était très difficile mais onavait des projets d’existence, ce que

ne propose plus notre cultureaujourd’hui aux jeunes.»

La culture joue assurément unrôle dans notre vision du monde.« Nous avons en France une sorted’obligation d’afficher notre pessi-misme. C’est une sorte de confor-misme social. On n’ose pas direqu’on est optimiste, comme sic’était une obscénité », considèreMichel Lejoyeux, professeur depsychiatrie à l’UFR de médecinede Paris-VII.

L’optimiste serait considérécommeniais, à l’inverse de la socié-té américaine qui valorise cettetournure d’esprit. « Au fond, pour-suit Michel Lejoyeux, les Françaissont peut-être plus optimistesqu’ils n’osent l’avouer. »

On le leur souhaite, car l’opti-misme a du bon. « Il est bon pour lasanté, poursuit Michel Lejoyeux.Les optimistes vivent plus long-temps et en meilleure santé que lespessimistes, qui sont plus souventvictimes de cancers ou de maladiescardio-vasculaires. »

Comment le regard porté sur lemonde peut-il autant influer surl’état de santé ? « Les optimistesont davantage confiance en eux etentretiennent mieux leur forme. Ilsont plus d’amis et mobilisentdavantage leur entourage familialet amical pour échapper au stressou à la solitude, précise le profes-seur de psychiatrie. Ils font davan-tage confiance à leur médecin etaux conseils de prévention »

« Le regard que portent les opti-mistes sur une situation peut suffi-re à leur donner les moyens de lachanger », affirme MichelLejoyeux. A l’inverse, les pessi-mistes se résignent à vivre dansleur inconfort car ils ont le senti-ment qu’ils ne peuvent pas lemodifier. p

Martine Laronche

Mourir de dire la honte, de BorisCyrulnik. éd. Odile Jacob, 2010.Les Secrets de nos comportements,de Michel Lejoyeux. éd. Plon, 2009.

Jesuis pessimiste mais jene me soigne pasL’origine du mal est à rechercher dans la génétique et l’environnement, explique le neuropsychiatre Boris Cyrulnik

&Vous

Dis-moi quitu suissur Twitter,et je te diraiqui tu es

A l’école suisse dudesignL’ECAL/Universityofarts&designdeLausanne, une des plus prestigieuses écoles de design du mon-de, investit en ce début d’année deux lieux parisiens. La Cité internationale des arts de Paris expose lesprojets d’artistes en arts visuels, tous anciens étudiants. En fait partie par exemple Cyprien Gaillard,qui a reçu le prix Marcel-Duchamp à la dernière édition de la Foire internationale d’art contemporain(FIAC). La galerie Kreo accueille, elle, le département design industriel de l’ECAL, avec une expositionde luminaires « A new generation of lights », notamment « Mold Lamp » de Michel Charlot (à gauche),«Texalium Light » de Guillaume Schweizer (au centre) ou « Slim & Strong » de Delphine Frey (à droite).Des créations audacieuses de jeunes designers, dont quelques-uns sont déjà reconnus au niveau inter-national. p Mélina Gazsi

(CRÉDITS PHOTOS MILO KELLER/ECAL ; FEDERICO BERARDI/ECAL ; DANIELA DROZ ET TONATIUH AMBROSETTI)

Cité internationale des arts, 18, rue de l’Hôtel-de-Ville, Paris 4e, du 15 janvier au 12 février. Citedesartsparis.fr.Galerie Kreo, 31, rue Dauphine, Paris 6e, du 15 janvier au 5 février. Galeriekreo.com.

«On n’ose pasdirequ’onestoptimiste,comme sic’étaituneobscénité»

Michel Lejoyeuxprofesseur de psychiatrie

D aniel Gayo-Avello n’a riend’un profileur. Chercheuren informatique à l’uni-

versité espagnole d’Oviedo, cetrentenaire a pourtant mis aupoint un algorithme qui réussit àdresser à grands traits le profild’un individu (sexe, âge, apparte-nance religieuse, ethnique, orien-tation sexuelle…) sur la simplebase des personnes qu’il suit surle site de microblogging Twitter.

« Cette expérience montre que,quelle que soit la prudence dequelqu’un sur le réseau en matiè-re de données privées, si onconnaît des informations person-nelles sur ses “voisins” [en l’occur-rence les personnes qu’il suit], onconnaîtra forcément des infor-mations personnelles sur lui »,

résume le chercheur. Une pierrede plus à l’édifice de ceux quipensent que, même sanss’épancher sur la Toile, nos seulsagissements en ligne, s’ils sontétudiés précisément, suffisent àconnaître intimement notre per-sonnalité.

Pour arriver à ce résultat, lechercheur espagnol a étudié prèsde 28 millions de tweets anglo-phones publiés entre janvier etaoût 2009 par près de 5 millionsd’utilisateurs, principalementdes Américains et des Britanni-ques. Sa « matière première »était donc, pour chaque individu,sa minibiographie laissée sur lesite Twitter et la liste des person-nes qu’il suivait et qui le sui-vaient. Des données accessibles à

tous. Il a ainsi découvert que lesrenseignements récoltés en lignesur les personnes dont un indivi-du était « fan », dont il était un«follower», permettaient statisti-quement de le caractériser assezjustement. «Les résultats sont par-ticulièrement précis quand ils’agit de déterminer l’appartenan-ce religieuse ou l’origine ethni-que, indique M. Gayo-Avello. Ilest moins évident de définir lesexe et l’âge de l’internaute. »

«Affichage intime»Ainsi, 98 % des individus éti-

quetés comme chrétiens par lemodèle informatique développépar le chercheur l’étaient vrai-ment. Le modèle est un peumoins performant pour les per-

sonnes données comme juives(64 %). En revanche, 94 % des per-sonnes identifiées comme noiresl’étaient bien. Même pourcenta-ge pour les personnes pressen-ties comme républicaines. Et laprédiction atteint 100 % pour leshomosexuels.

Des résultats assez impression-nants, et qui interpellent le cher-cheur : « J’avoue avoir été assezhésitant avant de me lancer danscette étude car, en tant qu’Euro-péen, je trouvais que l’ensembledes informations que je recher-chais étaient particulièrementsensibles. » Et de justifier sadémarche: « Comme beaucoupde personnes exposent des don-nées personnelles en ligne, il meparaissait important de montrer

quelles pouvaient être les consé-quences en chaîne de cet afficha-ge intime sur d’autres person-nes.» En un sens, poursuit l’infor-maticien, « cette étude donne desclefs aux utilisateurs pour réduireles risques d’intrusion dans la vieprivée » qui ne manqueront pasd’être réalisées « par toutes lesméthodes d’exploitation des don-nées ». Pour ceux qui ne veulentpas attendre la publication del’étude en juillet, elle est disponi-ble sur le site de la bibliothèquede l’université de Cornell, auxEtats-Unis (Arxiv.org). Des résul-tats à méditer, lorsqu’on est untant soit peu pudique, avant dese lancer dans la course aux amisen ligne. p

Laure Belot

250123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

Page 26: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

Carnet

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AU CARNET DU «MONDE»

DécèsPierre, Janine et Michèle,

ses enfants,Emmanuelle et Philippe,Véronique et Bruno,Elodie et Tayeb,Frédéric et Sophie,

ses petits-enfants,Valentine, Alice, Augustin,Clément, Thibault et Marion,

ses arrière-petits-enfants,Jean Poumerol,

son frère,Toute sa familleEt ses amis,

ont la douleur de faire part de la mort,

Marie FERRAND,née POUMEROL,

diteMie

épouse de

Eloi FERRAND,

à l’âge de quatre-vingt-treize ans.

Une brève cérémonie est prévueau crématorium du Père-Lachaise, mardi18 janvier 2011, à 12 h 15.

93, rue Duhesme,75018 Paris.2, rue des Vinaigriers,86130 Jaunay-Clan.

Paule de Calbiac,sa femme,Jean-Christophe et Catherine Fournel,Lambert et Pauline,Pierre et Marie-Alyette Fournel,Marie-Eden et Louise-Betelihem,Françoise Fournel,Philippe et Dominique de Calbiac,Clémence et Camille,Christophe et Pascale de Calbiac,Daphné, Ombline, Agathe et Bertille,Stéphane et Alexandrine de Calbiac,Hortense, Marie et Eléonore,

ses enfants et petits-enfants,

ont la douleur de faire part du décès de

M. Emile FOURNEL,ingénieur civil des Mines,

ancien directeur des Houillèresde Provence et des Cévennes,

survenu le 10 janvier 2011, à Aix-en-Provence, à l’âge de soixante-seize ans.

Les obsèques religieuses ont eu lieule jeudi 13 janvier, en l’église Saint-Jean-de-Malte, à Aix-en-Provence.

Son dévouement et son attention auxautres auront marqué tous ceux qui l’ontconnu.

Cet avis tient lieu de faire-part.

33, avenue Henri Malacrida,13100 Aix-en-Provence.

Didier Galibert,son époux,Ses frères et sœurs,Les familles Andriantsileferintsoa

et Rakotondramanitra,La famille de feu Gérard Galibert,

font part du décès, survenu le 7 janvier2011, à Bordeaux, à l’âge de cinquante-sept ans, de

Nivoelisoa GALIBERT,docteur d’État ès Lettres,professeur des Universités,

membre titulairede l’Académie Nationale malgache.

Selon sa volonté, sa dépouille a étéincinérée dans la stricte intimité lejeudi 13 janvier 2011.

« Maintenant donc ces trois chosesdemeurent : la foi, l’espérance, l’amour.

Mais la plus grande, c’est l’amour ».(I Corinthiens, 13/13).

[email protected], rue Emile Dreux,33200 Bordeaux.

Le présidentde l’université Paris-Sorbonne (Paris IV)Et l’ensemble

de la communauté universitaire,

ont la tristesse de faire part du décès de

Mme le professeurKatia de QUEIRÓS MATTOSO,professeur émérite d’histoire du Brésil,

survenu le 11 janvier 2011.

Sophie et Etienne Pflimlin,Françis et Marie-Magdeleine Nehlil,Emmanuèle Nehlil et Nicolas Bigo,

ses enfants,Geneviève Salbaing,

sa sœur,Edouard et Hélène Pflimlin,Thomas Pflimlin,Aurélien André-Hesse,Constance André-Hesse,

ses petits-enfants,Pauline et Julie Pflimlin,

ses arrière-petites-filles,

ont la tristesse de faire part du décès de

Pierre NEHLIL,

survenu le 11 janvier 2011,dans sa quatre-vingt-douzième année.

La cérémonie religieuse a eu lieu dansl’intimité familiale, le vendredi 14 janvier,en l’église de Saint-Symphorien, Tours,Indre-et-Loire.

Ils remercient chaleureusement pourleur dévouement l’ensemble du personnelde la Maison Russe de Sainte-Geneviève-des-Bois ainsi que Matilde Marquès.

Charles Melman,fondateur,Le bureau,L’École de psychanalyse de l’Enfant

et de l’Adolescent,Ses amis et collègues

de l’Association lacanienneinternationale,

touchés par la disparition de

Manfred NICOLOVIUS,

qui tant de fois les a accompagnés sur leurchemin, s’associent à la peine de leur amieet collègue, Martine Lerude et de sesenfants.

La cérémonie aura lieu le mardi18 janvier 2011, à 15 heures, au cimetièrede La-Lande-Saint-Léger (Eure).

Martine Lerude,sa compagne,

Anaïs Fléchet et Olivier Compagnon,Cécile Fléchet,Camille Fléchet et Jason File,

sa famille recomposée,

Ses amis,

ont le chagrin de faire part du décès de

Manfred NICOLOVIUS,

survenu subitement dans sa maisonde Bellevue, le 12 janvier 2011.

Né en 1942 à Königsberg, architecteurbaniste, il fut, de 1992 à 2008,responsable de la réhabilitation du quartierAlter Schlachthof, à Berlin.

On se réunira au cimetière de La-Lande-Saint-Léger (Eure), le mardi 18 janvier,à 15 heures.

14, rue Choron,75009 Paris.

Pont-de-Tanus (Aveyron).

Ses enfants,Son petit-fils,Ses neveux et nièces,

ont la douleur de faire part du décès de

Marcel NOUYRIGAT,ancien prisonnier de guerre 1939 - 1945,

dernier de la fratrie,

décédé le 7 janvier 2011,à l’âge de quatre-vingt-quinze ans.

Mme Violette, Aimée Ouazan,Jean-Marc et Amélie Ouazan,Paul et Cécile Ouazan,Stéphane et Ariane Ouazan,Delphine et Cédric Ouazan-Labrosse,Léo Ouazan,Elias, Hannah, Isaac et Sarah,Lisette Ledjam et Lucien Ouazan,

ont la douleur de faire part du décès,survenu le 13 janvier 2011, de leur époux,père, grand-père, arrière-grand-père etfrère,

Jacques OUAZAN,

à l’âge de quatre-vingt-six ans.

Les obsèques auront lieu ce lundi17 janvier, à 11 h 15, au cimetière parisiende Th i a i s . On se r e t r ouve r a à11 heures, à l’entrée principale ducimetière, 261, avenue de Fontainebleau,à Thiais (Val-de-Marne).

16, rue Saint-Didier,75116 Paris.

Véronique Umbdenstock,son épouse,Simon et Jonas,

ses enfants,Sa familleEt ses amis,

ont la tristesse de faire part du décès de

Jean-Pierre UMBDENSTOCK,vagabond céleste,

survenu le dimanche 9 janvier 2011.

L’inhumation aura lieu le jeudi13 janvier, au cimetière de Saint-Gobain.

Cet avis tient lieu de faire-part.

16 bis, rue Alfred Mulot,02410 [email protected]

RemerciementsNous avons été très touchés par vos

témoignages d’affection et d’amitéconcernant,

Mme AugustineCHAILLOUX SISENAUD,

décédée à Saint-Mandé, le 8 décembre2010.

Nous vous remercions de nous avoiraccompagnés et soutenus.

Avec toute notre affection.

Ses enfants,Ses petits-enfants,Ses belles-fillesEt son arrière-petite-fille.

Danielle,son épouse,Frédérique, Alexandre, Jean-Philippe,

ses enfants,

très touchés par les témoignagesd’affection reçus depuis la disparition de

Vincent GEORGE,

qui nous manque tant,

remercient tous ceux qui l’aimaient etcontribueront à ce qu’il ne nous quittejamais.

Toulouse. Paris.Mont-de-Marsan (Landes).

Mme Anne SourdoisEt ses enfants,

très affectés par la disparition de

M. Dominique SOURDOIS,

remercient toutes les personnes qui les ontsoutenus dans cette épreuve par leurprésence et leurs très nombreuses marquesd’affection et de sympathie.

Jean-Pierre Weben,Ses filles,Sa famille,

touchés par les témoignages de fidélitéà ce qu’a voulu vivre

Violaine WEBEN,

morte à l’aube du 31 décembre 2010, vousremercient du fond du cœur.

« Continuez à vous battre ! Que Dieusoit le plus fort ! »C’est par cette injonction qu’elle

terminait les quelques lignes laissées sur satable de travail.

SouvenirIl y a sept ans, le 17 janvier 2004,

Alain ZUMMER

nous quittait à l’âge de trente-deux ans,après s’être battu pendant dix-huit moiscontre la maladie avec un courageexemplaire.

Il rejoignait sa mère,

le docteur Katia ZUMMER,

décédée le 30 décembre 2001.

Que tous ceux qui les ont connus,estimés et aimés aient une penséeaffectueuse pour eux en ce jour.

HommagesUn hommage à

Roger PLANCHON,

aura lieu le lundi 17 janvier 2011,à 20 h 30, au théâtre Nanterre-Amandiers,7, avenue Pablo-Picasso, à Nanterre(Hauts-de-Seine).

Patrice Chéreau lira des extraitsdu journal de Roger Planchon.

Témoignages, projections.

Entrée libre.

ColloquesLa Fondation Mémoire Albert Cohen

lance son 1er E-colloque sur« Les Grands Enjeux de l’Etat de Droit »

à l’adresse suivante : http://ecolloque.fondationmemoirealbertcohen.org

ConférencesInstitut d’études de l’islam et des sociétésdu monde musulman (IISMM-EHESS)

et le Collège de France :conférence publique,

le mardi 18 janvier 2011,de 18 heures à 20 heures,

Fatiha Dazi Heni,Le Conseil de Coopération du Golfe.Trente ans après sa création.

EHESS-amphithéâtre,105, boulevard Raspail, Paris 6e.Contact : 01 53 63 56 02.

Entrée libre.

L’événement dédié aux cadresde direction territoriaux !

« Shanghai et l’Exposition universelle,ou les mirages du développement

durable ? »,animé par Dominique Lorrain,directeur de recherche au CNRS,

le mercredi 19 janvier 2011,de 10 heures à 16 heures.

Programme et inscription :www.inet.cnfpt.fr

SéminairesLes séminaires invités du département

de philosophie de Paris 8 :

Giorgio AGAMBEN,

« Je le veux, je l’ordonne » :Archéologie du commandement

et de la volonté,

les vendredis, à 15 heures,du 14 janvier au 18 février 2011.

Amphithéâtre B106.Métro : Saint-Denis-Université.

Communications diversesPrésentation du dernier livre

de Marie Vidal,Balaam & la Bénédiction,paru en décembre 2010,

aux Editions du Cosmogone,préfacé par Brigitte Jacquet Lauret postfacé par Shmuel Trigano

et Raphaël Draï.

Lundi 24 janvier 2011 à Béziers,mercredi 26 janvier en Agde,jeudi 27 janvier à Montpellier.

Renseignements : 06 76 87 53 64.

a le plaisir de recevoir

M. Laurent Fabiusancien premier ministre

à l’occasion de la sortie de son livreLe Cabinet des douze :regards sur des tableauxqui ont fait la France

Lemercredi 26 janvier 2011de 17 heures à 19 heures.

Inscription obligatoire :[email protected], rue de La Boétie

75008 Paris.Tél. : 01 47 70 23 83www.groupeeac.com

Rencontre avec Pascal Quignard.

A l’occasion de la sortie du DVDPascal Quignard

et tous les matins du monde,le SCÉRÉN-CNDP vous invite

à une soirée en présence de l’écrivain,le 17 janvier 2011, à partir de 18 h 30,

au lycée Louis-le-Grand, à Paris.

Lycée Louis-le-Grand,123, rue Saint-Jacques, Paris 5e.Métro : Cluny La SorbonneRER : Luxembourg.Réponse souhaitée à[email protected]

Soutenances thèseSamuelle Ducrocq-Henry

professeur à l’université du Québecen Abitibi-Témiscamingue (UQAT),spécialiste des serious games.

a soutenu le jeudi 21 octobre 2010, àMontréal, une thèse de doctorat conjointbilingue en communication des Universitésde Montréal, du Québec à Montréal et deConcordia, intitulée :

Les tribus ludiques du « Lan Party » :perspectives d’apprentissage et desocialisation en contexte de compétition dejeux vidéo.

Le jury était composé de :Michèle-Isis Brouillet, codirectrice de

recherche, professeure en communicationsociale et publique, UQAM,Pierre-Léonard Harvey, directeur de

recherche, professeur en communicationsociale et publique, UQAM,Aude Dufresne, professeure titulaire en

communication, université de Montréal,François Ruth, professeur associé en

sciences de l’éducation, UQAT,Jean-Pierre Boyer, professeur associé à

l’École des médias, UQAM,

qui lui a décerné la mention Très Bienavec autorisation de publication.

Paris-Montréal.

26 0123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

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Page 27: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

270123Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011

Ancien résistant MOIJosephMinc

Homme de convic-tions et de coura-ge, symbole d’unegénération decommunistestchèques entrés

en résistance contre le régimeoppresseur après le «printemps dePrague»,en1968, JiriDienstbier estmort le 8 janvier, à l’âge de 73 ans,des suites d’une longue maladie.Avec la disparition de ce journa-liste et homme politique-clé dansla vie publique de ces vingt derniè-

res années, la République tchèqueaperdul’undesvisagesdel’ancien-ne dissidence.

Parmi les images fortes de sonparcours figure la célèbre photo dedécembre 1989. Depuis quelquessemaines, Jiri Dienstbier avait quit-té son métierdechauffagiste –biendes dissidents avaient dû se résou-dre à des emplois de cette nature –pour devenir ministre des affairesétrangères. Avec le chef de la diplo-

matieallemandedel’époque,Hans-Dietrich Genscher, il pose devantles caméras en train de couper lesbarbelés entre la République tché-coslovaque et l’Allemagne. Unmonde disparaissait ; un pays seréunifiait. Cette année 1989 mar-quait le triomphe, en Europe del’Est, de la résistance pacifique opi-niâtre, malgré les années de prisonsubies par ses figures de proue.

Jiri Dienstbier compta parmi lespremiers signataires et fondateursde la Charte 77, mouvement dedéfense des droits de l’hommedont il fut le porte-parole à deuxreprises.Premierministredesaffai-res étrangères de la Tchécoslova-quie postcommuniste, il fut par lasuite haut représentant de l’ONUpour les droits de l’homme dansl’ex-Yougoslavie et sénateur à par-tir de 2008.

Le président Vaclav Klaus lui arendu hommage en soulignantqu’il était de la « vieille généra-tion», celle des « gentlemen», toutcomme son prédécesseur au Châ-teau de Prague, Vaclav Havel. Ledramaturge a regretté la dispari-tion d’« un vieux camarade pour lemauvais temps ». Moustache griseet chevelure d’argent, Jiri Dienst-bier, le sourire et la bonne humeurimperturbables, a passé trois ansen prison avec Vaclav Havel, le fon-dateur de la Charte 77.

Entré à 20 ans au Parti commu-niste, en 1957, Jiri Dienstbier tra-vailla jusqu’en 1969 à la radio tché-coslovaque. Il en fut exclu lors despurges au lendemain de l’écrase-

mentdu«printemps dePrague ». Ilfut l’un des journalistes de la radioqui animèrent les émissions clan-destines de résistance à l’interven-tion soviétique, ce qui lui valut unecertaine notoriété, mais aussil’acharnement des dirigeants de la«normalisation».

Proche du chef de file de la dissi-dence, Jiri Dienstbier fut appelé parVaclav Havel, au lendemain de la«révolutiondevelours»denovem-bre 1989, au Palais Czernin (siègedu ministre des affaires étrangè-res), pour réorienter la diplomatietchécoslovaque vers l’Occident.Sonsensdeladiplomatie,soncarac-tère jovial et sa complicité avec leprésident Havel lui ont permis denouer des contacts chaleureuxavecnombredesescollèguesétran-gers, contribuant au rayonnementdelaTchécoslovaquiepostcommu-niste.

Si sa carrière politique connutdavantage de bas que de hauts aucours des vingt dernières années àl’intérieur du pays, sa voix étaitécoutée et respectée à l’extérieur.Au début des années 2000 apparu-rentlespremièresdivergencespoli-tiques avec son ami Vaclav Havel.Jiri Dienstbier condamna ainsi lesfrappes de l’OTAN contre la Serbie(et fut un farouche opposant à l’ac-tion de BernardKouchner au Koso-vo), s’opposa à la guerre en Iraktout comme à l’installation d’unradar du système antimissile amé-ricain à 50 km de Prague.

Ces prises de position le rappro-chèrent du Parti social-démocra-te (CSSD), qui lui permit d’être éluen 2008 sénateur de sa ville nata-le et de participer aux travaux dela commission des affaires étran-gères. p

Martin Plichta

Fondateur de la glaciologiemoderne, premier scientifiqueà avoir exploré les climats dupassé en utilisant les glaces duGroenland, lauréat du prix Cra-foord en 1995 – la distinction la

plus prestigieuse pour les disciplines nonreconnues par un prix Nobel –, le géophy-sicien danois Willi Dansgaard est mort, le8janvier, à Vaerloese (Danemark).

Né le 30 août 1922 à Copenhague, dansune famille de graveurs sur métaux, il étu-die les sciences à l’université de la capitaledanoise et se spécialise dans les applica-tions de la physique à la biologie. Bien loinde sa spécialité d’origine, sa contribution àla science couronne une aventure intellec-tuelle hors norme, mise en mouvementpar une intuition scientifique géniale etforgée avec une opiniâtreté sans faille.WilliDansgaard bénéficiaaussi àplusieursreprises de conjonctions, parfois improba-bles, d’événements ou de situations.

Après s’être intéressé aux effets desrayonsXsurlestissusvivants, ilestembau-ché,en 1947, par leBureau météorologiquedanois. Quatre années durant, il étudie lesliens entre géomagnétisme et météorolo-gie et passe une année, en compagnie desonépouse, dans la station de recherche deQeqertarsuaq, sur la côte occidentale duGroenland. « Ce sera l’origine d’une sorted’histoire d’amour » avec la grande île,raconte son disciple, le physicien et glacio-

logue Jorgen-Peder Steffensen, professeurà l’université de Copenhague.

En1951,onluioffreun posteàl’universi-té, dans son laboratoire d’origine. WilliDansgaard revient donc à la biophysique.«Sonlaboratoire venaitderecevoir unspec-tromètre de masse américain dans le cadredu plan Marshall », raconte M.Steffensen.«C’était l’époque où ces technologies, mili-taires à l’origine, venaient tout juste de pas-ser aux laboratoires de recherche», précisele glaciologue Jérôme Chappellaz (labora-toire de glaciologie et de géophysique del’environnement, Grenoble).

Que faire du spectromètre?La spectrométrie de masse permet en

effet d’analyser la répartition des isotopes,c’est-à-dire les formes lourdes ou légèresde certains éléments : utilisée dans la cour-se à l’arme atomique, elle s’est considéra-blement développée dans les années 1940.La suite découle de ce cadeau américain àl’université danoise.

« C’est une histoire que Willi Dansgaardadorait évoquer : il était dans son labora-toire de biophysique avec son spectromètrede masse, et ne savait pas quoi en faire. Iln’en avait pas l’usage, raconte Jorgen-Peder Steffensen. Il a commencé à imagi-ner ce qu’il pourrait en faire pour lui-même… Il a reconstruit l’appareil pour lerendre capable d’analyser les isotopes del’oxygène présent dans l’eau. Il a eu ensuitebeaucoup de chance : en juin 1952, après lalecture de quelques articles théoriques etalors qu’il s’était mis en tête d’analyserl’eau de pluie, il s’est mis à pleuvoir sans dis-continuer sur le Danemark, avec passaged’un front froid puis d’un front chaud. Pen-dant vingt-quatre heures, Willi a récupérél’eau de pluie qui ruisselait de son toit, danstous les récipients qu’il avait pu trouver,vieilles bouteilles de bière, vases, pots, etc. »

L’analysedecetteeauproduitune corré-lation à la netteté stupéfiante : les quanti-tés relatives d’oxygènes lourd et légerdans l’eau de pluie varient « en fonction dela température des nuages », schématiseM. Steffensen. En 1954, Willi Dansgaardpublie cette découverte dans un scepticis-me général.

Ensuite, pendant plus d’une décennie, ildéploie une énergie considérable à récupé-rer des échantillons d’eau de pluie de tou-tes les latitudes possibles, pour asseoir lacertitude du lien mis en évidence. Dans lesannées 1960, il demande la collaborationde l’explorateur Paul-Emile Victor : lesexpéditionspolairesfrançaisess’apprêtenten effet à traverser à nouveau le Groenlandet Willi Dansgaard requiert de l’explora-teur français quelques échantillons d’uneeau rare, prélevée aux hautes latitudes del’hémisphèreNord.Lescorrélationsdemeu-rent solides et, au début des années 1960,« elles existent sur des milliers d’échan-tillons», explique Jorgen-Peder Steffensen.

Willi Dansgaard cherche alors une autreeau de pluie. Une eau de pluie ancienne. IlsetrouvaitquelesEtats-Unisavaientinstal-lé,à lafin des années 1950, un campmilitai-re–CampCentury–àl’extrêmenord-ouestde l’inlandsis groenlandais. Son originen’était pas la curiosité scientifique mais laprésence toute proche de l’Union soviéti-que:Washingtonnedisposantpasdemissi-les aussi fiables que ceux de Moscou, CampCenturyavaitpourbutdetesterlapossibili-té de creuser de longs tunnels sous la calot-te de glace pour acheminer des ogivesnucléaires au plus près de leurs ciblespotentielles.

Des efforts colossaux sont accomplispour mener à bien cette entreprise : lecamp sera alimenté par un réacteurnucléaireetunelignedechemin deferlon-gue de deux kilomètres sera construitesous la calotte, avant que le projet ne soitabandonné.

La glace des militairesWilli Dansgaard sait que les Américains

creusent la glace très profondément aunord du Groenland, mais ne peut récupé-rer d’échantillons. En 1967, un an après lafermeturede CampCentury, il écrità Ches-terLangway, l’un desscientifiques respon-sables de la conservation de la glace préle-vée sous autorité militaire. Celui-ci accep-te de laisser le géophysicien danois menerses analyses. Et, en 1969, la première cour-be reconstruisant des variations climati-ques passées, sur cent mille ans, à partir

d’une carotte de glace, est publiée dans larevue Science. La science des carottes deglace est née.

Le chercheur danois n’en avait pourtantpas fini avec le scepticisme de ses pairs. Carcette première reconstruction paléoclima-tique montre des variations climatiquesextrêmementabruptes:dessautsgigantes-ques de température à ces hautes latitudes,au cours de la dernière période glaciaire.« Personne n’y croyait », rappelle Jorgen-Peder Steffensen.

Une fois de plus, Willi Dansgaard fait

preuve d’une ténacité hors du commun. Ilmène croisade dans les années 1970 pourqu’un forage scientifique soit accomplidans le sud du Groenland. La coûteuse opé-ration est finalement conduite, en 1979.AvecleSuisseHansOeschger,l’étudedecet-te nouvelle carotte confirme la brutalité etl’ampleurdesfluctuationsclimatiquespas-sées. La communauté scientifique estconvaincue. Ces sursauts sont aujourd’huiconnussouslenomd’événementsdeDans-gaard-Oeschger.p

Stéphane Foucart

En 1971, au Groenland, sur le site du forage DYE-3. S. JOHNSEN/UNIVERSITÉ DE COPENHAGUE

N é en 1908 à Brest-Litovsk,alors ville de l’empire rus-se, Joseph Minc est mort le

8janvier 2011, à quelques semainesde son cent-troisième anniversai-re. L’âge n’a eu raison de cet hom-me chaleureux et particulière-ment attachant que dans les toutderniers jours de sa vie : il faisaitpartie de ces privilégiés que levieillissement épargne totalementoupresque.Saseulevraieetprofon-de tristesse était d’avoirsuccessive-ment perdu son épouse Lisa, com-pagne de soixante-neuf ans d’ex-istence et de militantisme, et tousles amis de sa génération. Il vivaitdepuis des souvenirs d’une viedontilavaitlui-mêmequalifiél’his-toire « d’extraordinaire » dans unlivrepubliéausoirde sonexistence(L’Extraordinaire Histoire de ma vieordinaire, LeSeuil,2006). «Heureu-sement, disait-il avec le délicieuxaccent yiddish dont il n’a jamais puse défaire, j’ai une mémoire d’élé-phont (sic)» – et c’était vrai!

« Originaire d’une famille juivepratiquante, j’étais destiné à deve-nir rabbin », nous avait-il confiédans un entretien publié en 2004dans la revue Diasporiques. Mais,dès l’âge de 15ans, la foi l’avait quit-té, et il lui en avait aussitôt substi-tué une autre : « En 1924, j’adhéraiau Parti communiste », écrit-il audébut du chapitre de son livre quisuitceluiqu’ilconsacreà«L’adieuàDieu». Et ce n’est que quelque qua-ranteansplustardqu’ils’endétour-nera également. « Que voulez-vous,nous disait-il, quand on entre à16 ans au PC dans la clandestinité,sous menace permanente d’empri-sonnement ou pire, on ne se résout

que difficilement à en sortir… » Cequ’il finit quand même par faire,sans pour autant renier ses choixantérieurs.

Pendant l’Occupation, resté àParis, refusant de porter l’étoilejaune,JosephMincs’engagerésolu-ment dans les réseaux de Résistan-ce, dans le cadre des FTP-MOI(Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée) et de l’UJRE(Union des juifs pour la résistanceet l’entraide).

« Comment avez-vous fait pourpasser inaperçu avec votre accent ?

– Je n’ai pas beaucoup parlé ! »,nous répondit-il.

Dans la Résistance, il s’occupaplus particulièrement, et avec suc-cès, du sauvetage des enfants juifs.Une activité qu’il devait prolonger,après la Libération, par un soutienà la jeunesse rescapée, sous l’égidedu Comité central de l’enfance del’UJRE, dont il conserva pendantplusieurs années la responsabilité.

Son fils Alain disait, le jour deson enterrement : « Nous aurionsvoulu le croire immortel. » Il nel’était pas et nous ne nous conso-lons pas de sa disparition.p

Philippe Lazar

ancien directeur général

de l’Inserm

14 mars 1908 Naissanceà Brest-Litovsk1924-1967 Militant du Particommuniste1941-1945 Résistance (MOI)et Entraide (UJRE)8 janvier 2011 Mort à Paris

Diplomate tchécoslovaque

JiriDienstbier

30 août 1922 Naissanceà Copenhague1947 Embauché par le Bureaumétéorologique danoisA partir de 1951 Peut utiliserun spectromètre de masse dans sonlaboratoire universitaire1954 Publication des premièresdécouvertes sur l’eau de pluie1969 Première courbe sur centmille ans de variations climatiques, àpartir de l’étude d’une carotte de glace8 janvier 2011 Mort à Vaerloese(Danemark)

20avril 1937 Naissance àKladno, près de Prague1979-1982 Emprisonnement enraison de ses activités au sein dela Charte 771989-1992Ministredes affaires étrangèresde la Tchécoslovaquie1999-2002 Rapporteur del’ONU sur les droits de l’hommedans l’ex-Yougoslavie8janvier 2011 Mort à Prague

Géophysicien danois

Willi Dansgaard

Le 19décembre 1989, Jiri Dienstbier (à droite) à la frontièreentre l’Allemagne et la République tchèque. RUDI BLAHA/AP

Disparitions

Page 28: Dimanche16 - Lundi 17 janvier 2011 - e ...ibfrenchb.wikispaces.com/file/view/LMD+16012011.pdf · 23 ans de régime Ben Ali. Des ... Karak, Ma’an et Diban (sud), sans qu’aucun

LES HABITANTS de l’enclave kirghize de Barak, située en Ouzbékis-

tan, viennent de s’adresser à Barack Obama. Faisant valoir une homo-

nymie incontestable, ils demandent au président américain de leur

accorder une aide financière : les difficultés qu’ils rencontrent avec

les autorités ouzbèkes les empêchent d’exploiter leurs terres. Or, ils

ont besoin d’un hôpital et d’écoles. Selon un député local, la Maison

Blanche aurait accueilli favorablement leur requête.

On hésite à publier de telles informations, sachant l’effet d’entraî-

nement qu’elles provoquent. N’y a-t-il pas, dans le vaste monde,

d’autres communes appelées Barak, susceptibles de s’appuyer sur ce

précédent pour formuler des revendications ? Barak ou un autre chef

d’Etat, d’ailleurs… Imaginez l’embarras de l’Elysée si des villages por-

tant le beau nom de Nicolas lui réclamaient des sous !

Mieux vaut s’adresser aux homonymes cousus d’or, mais le faire à

temps. Signalons aux communes appelées Zine El-Abidine qu’il est

inutile de solliciter M. Ben Ali. Le président tunisien n’a plus accès

aux coffres-forts de l’Etat. L’aide éventuelle qu’il fournirait ne pour-

rait être puisée que dans son livret personnel de Caisse d’épargne.p

Homonymie

Empathie

Billet Robert Solé

C e sont des drôles de choses, les fron-tières, les pays, les nationalités, lesnaturalisations, les appartenances.

On voudrait qu’elles soient claires et net-tes, étanches et proprettes, or elles ne lesont pas. Imposées par l’Histoire, ellesn’en sont pas moins sujettes à des glisse-ments. Nécessaires à toute action politi-que, souvent rassurantes, elles peuventsusciter aussi de l’ambivalence.

Va savoir pourquoi, depuis toute peti-te j’éprouve une vraie appréhension àl’approche des frontières. Comme si onallait me dépister déterrer dénicherdénoncer pour la criminelle que je suisau fond, que je dois être au fond, la Gran-de Coupable. Même dans les années1970, chaque fois que je devais traverserla frontière (pourtant plutôt symboliqueet poreuse, à l’époque) entre le Canada etles Etats-Unis, je tremblais à l’avance, ten-dais mon passeport comme s’il était unfaux, prononçais mes réponses en rougis-

sant comme une menteuse mal entraî-née, et m’effondrais de soulagement oupresque, quand, d’un geste las, l’officierde l’immigration me signifiait l’autorisa-tion de passer.

Et puis, ces dernières années, il m’estarrivé de rencontrer de vrais problèmesaux frontières, d’y être réellement refou-lée, de voir mes amis et connaissancesréellement agressés. Du coup, mon atti-tude change…

En juillet 2003, engagée pour donnerun cours d’été dans l’Etat de New York,j’arrive à la frontière en voiture, venantde Montréal, avec une lettre de l’universi-té qui m’emploie, devant suffire pour ladélivrance d’un visa temporaire. Aussinerveuse que d’habitude, hélas ! je rai-sonne de travers, me disant que si un pas-seport aide à traverser une frontière,deux devraient faire encore mieux l’af-faire. Je les sors donc l’un et l’autre, lecanadien et le français, et les tends à

l’agent de l’immigration avec un sourireéblouissant. Grave erreur ! Idiotie ! Carl’ambiance à l’époque (George W. Bushest au pouvoir, le Patriot Act est envigueur, la guerre d’Irak vient de com-mencer) est violemment antifrançaise.

Après m’avoir fait poireauter pendantplusieurs heures, l’agent revient et, sansme regarder, me rend froidement mespapiers : « Remontez dans votre voiture,dit-il, faites demi-tour, retournez auCanada. » « Mais… mais… balbutié-je, j’aides étudiants qui m’attendent demainmatin ! » « Remontez dans votre voiture,répète-t-il sur le même ton glacial, faitesdemi-tour et retournez au Canada. » Ins-tant inoubliable. L’homme sait qu’ilvient de m’infliger une humiliation sym-bolique et une perte matérielle ; il jubilepeut-être intérieurement mais ses yeuxsont deux morceaux de glace.

Depuis longtemps, je m’émerveille dela complaisance dont on fait preuve lors-qu’on emploie le mot « humain » com-me compliment, synonyme de « gentil »,ou « capable d’empathie ». En fait, l’onsait depuis quelque temps que plusieursespèces animales connaissent l’empa-thie (voir les travaux de Frans de Waal).Est spécifiquement humaine, en revan-che, la suspension volontaire de l’empa-thie. On a pu la voir à l’œuvre chez lesnazis, les Khmers rouges, les gardiens dezeks en Sibérie et chez bien d’autresmembres de Homo sapiens sapiens.

L’autre jour, mon ami M., né à l’étran-ger comme moi, naturalisé français com-

me moi depuis de longues années, m’araconté l’interrogatoire qu’il venait desubir à l’ambassade américaine rueGabriel à Paris, après qu’on lui avaitsignifié par Internet un refus catégori-que d’entrer sur le territoire américain.Pourtant, M. est un dramaturge connu,on montait une de ses pièces à New York,il était muni d’une longue lettre duconseiller culturel français aux Etats-Unis, donnant tous les détails de sonséjour et assurant à ses collègues améri-cains que ses services prenaient tout encharge…

L’interrogatoire se déroulait sous unportrait non plus de George W. Bushmais de Barack Obama ; peu importe.« Quelles sont les preuves de votre atta-chement à la France ? », lui demandel’agent. Malgré tous les documents queM. vient de lui fournir, on le soupçonnevisiblement de vouloir s’installer defaçon permanente aux Etats-Unis ! Com-me M. a l’air perplexe, l’agent entre dansle détail. M. a-t-il des propriétés, des ter-rains, un emploi stable, une épouse, des

enfants, des voitures, un logement à sonnom ? La réponse à toutes ces questionsest négative, mais M. finit par trouver :« Je sais ce qui m’attache à la France : c’estla langue. » L’agent sourit, lui rend sonpasseport : « Elle est belle, mais ce n’estpas une vraie garantie. A une prochainefois, j’espère. » Ce qu’il faut savoir pourcomprendre pleinement cette histoire,c’est que le nom de mon ami est Moha-med et qu’il est né en Algérie.

Des « histoires américaines », tout ça ?Non, car je constate qu’en France, autourde moi, des gens sympas, se disant démo-crates et républicains, se sont mis ces der-niers temps à raconter des blagues anti-musulmanes. Je constate qu’un grandjournal sérieux n’hésite pas à afficher en« une », sans la moindre distance, lesrésultats d’un sondage demandant si « lacommunauté musulmane » est suscepti-ble de s’intégrer à la France. Comme s’iln’y avait pas des millions de Françaismusulmans ! Comme si « les musul-mans » formaient une seule et même« communauté » !

Il est facile de s’indigner, rétrospecti-vement, de l’antisémitisme européendes années 1930. Beaucoup plus malaiséde détecter, ici et maintenant, les signesavant-coureurs d’une dérive à bien deségards semblable. Renforçons les frontiè-res ! Chassons les corps étrangers ! Gla-çons nos yeux ! Prouvons que nous som-mes humains, oui, éminemmenthumains, grâce à notre don pour suspen-dre l’empathie ! p

«Le MondeEconomie»2011: les incertitudesd’un mondeen convalescence

Contre-enquêteFaut-il avoir peurde Marine Le Pen?Portrait de la nouvellefigure de proue du FN

Jem’émerveilledela complaisance dontonfaitpreuve lorsqu’onemploielemot «humain»comme compliment,synonymede«gentil»

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Née au Canada et éduquée aux Etats-Unis, Nancy Hustonvit en France depuis 1973 et écrit en anglaiset en français. Parutions : « L’Espèce fabulatrice » (2008),« Jocaste reine » (2009) et « Infrarouge » (Actes Sud,310 p., 21,80 euros).

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28 Dimanche 16 - Lundi 17 janvier 2011