DIPLÔME NATIONAL DU BREVET

ÉPREUVE D’HISTOIRE DES ARTS

SÉRIE GÉNÉRALE

PONDICHERY SESSION 2015

ŒUVRE N° 1 Marc CHAGALL, Paris par la fenêtre, 1913, huile sur toile, 136 cm x 141,9 cm, New York, collection Solomon R. Guggenheim. Avant de commencer, quelques informations sur Chagall. Marc Chagall est né en 1887 en Biélorussie. Issu d'une famille modeste d'origine juive, il part en 1907 à Saint-Pétersbourg pour suivre des études aux Beaux-arts. Il s'installe à Paris en 1911. Il y rencontre de nombreux artistes et réalise ses premières grandes œuvres et expositions. En 1914, Chagall rentre dans son pays à cause de la guerre et y séjourne jusqu'en 1922. Directeur d'écoles de Beaux-arts, il peint La promenade en 1917 et le décor du théâtre juif de Moscou. En 1922, il s'installe à Berlin où il réalise ses premières gravures et son autobiographie Ma vie, avant de revenir en France en 1923 et de produire notamment des dessins et des gouaches. Il voyage aussi beaucoup en Europe. Il obtient la nationalité française en 1937, mais part aux Etats-Unis en 1941 à cause de la guerre. Il participe à la création du ballet Aleko en 1942 et peint Obsession en 1943. En 1948, il revient en France. Plusieurs rétrospectives de son travail sont organisées dans le monde entier. Il produit alors des céramiques murales, des vitraux, des peintures, des mosaïques, des tapisseries...

Marc Chagall travaille jusqu’aux derniers jours de sa vie, en 1985 QUESTIONS :

1. Faites la description de ce tableau en précisant les moyens plastiques auxquels le peintre a eu recours : plans, couleurs, lumière, formes, lignes... (5 points) Dans la composition du tableau, différents plans se superposent. Des lignes droites servent de séparation : - au premier plan : l’intérieur de la chambre avec le personnage, la chaise et le chat en rebord de fenêtre qui sert de limite ; - au deuxième plan : la ville de Paris avec les immeubles et la Tour Eiffel ; - au troisième plan : le ciel et le personnage en haut à droite. On remarquera que la perspective et le changement de plan sont peu respectés. La Tour Eiffel est infinie : on n’en voit pas le haut par exemple. Les couleurs ne renvoient pas à la réalité : visage bleu, fenêtre aux montants multicolores, ciel bariolé. De même, la lumière semble traverser le tableau comme un large rayon de soleil, et venir d’en haut à gauche, mais il n’y a pas d’ombres. Les lignes de force présentent un cadre dans le cadre, mettant en valeur certains éléments. Voir schéma des lignes de force ci-dessous.

2. Analysez l'atmosphère qui se dégage de cette œuvre en vous appuyant sur les éléments représentés et les couleurs associées. (3 points) Il se dégage une atmosphère mystérieuse et lumineuse de ce tableau. Les couleurs utilisées sont surtout des couleurs primaires : rouges, bleu, jaune. Elles sont vives et semblent se mêler au marron dominant, comme si elles voulaient le remplacer. Elles ne sont pas reliées forcément à la réalité : fenêtre multicolore, visage bleu, ciel rouge derrière la Tour Eiffel. Ce ciel ressemble d’ailleurs davantage à un drapeau français (bleu, blanc, rouge). 3. Montrez comment Chagall fait coexister dans un même monde des éléments à la fois réels et imaginaires. (4 points)

Chagall associe le réel et l’imaginaire. La fenêtre est un élément réel, mais multicolore (imaginaire). Le personnage a un double visage comme Janus de la mythologie. Le peintre a aussi une double nationalité (il vit à Paris mais il est d’origine russe). Le chat a un visage humain. Le métro (élément réel) semble avoir les roues en l’air et les personnages sont couchés au milieu de la rue. La ville est représentée comme moderne avec ses immeubles (réels) mais la perspective est imaginaire. Le parachutiste peut rappeler un élément réel : le premier saut réussi a eu lieu en 1912. 4. Comment la tour Eiffel est-elle mise en valeur et que peut-elle symboliser en lien avec les couleurs bleu-blanc-rouge ? (3 points) La tour Eiffel est mise en valeur car elle dépasse du cadre du tableau et paraît ainsi infinie. Elle est peinte en blanc avec un rayon de lumière qui l’éclaire. Cela permet de créer un contraste avec le rouge et le bleu qui l’entourent. Ces trois couleurs, bleu, blanc et rouge, sont les couleurs du drapeau français, mais aussi celles du drapeau russe, inversées. Le peintre représente donc ainsi (avec son double visage) sa dualité entre son attachement pour son pays d’origine et son pays d’adoption.

ŒUVRE N° 2 Guillaume APOLLINAIRE, Calligrammes (extrait), Paris, Gallimard, 1918. 5. Quels points communs et quelles différences trouvez-vous entre la démarche artistique du peintre Chagall et celle du poète Guillaume Apollinaire, dans l’œuvre ci-dessous (œuvre n° 2) ? (5 points) Notons tout d’abord qu’Apollinaire est d’origine polonaise et né en 1880 à Rome en Italie. On remarquera donc la coïncidence avec Chagall : la France est son pays d’adoption. L’œuvre d’Apollinaire présentée ici est un calligramme, une forme poétique qu’il a inventée et qui allie l’écriture au dessin. Les mots sont disposés de telle manière qu’ils servent représenter un objet qui constitue le thème du poème. Ici, la Tour Eiffel.

Apollinaire se montre poète engagé de par son texte : la langue française serait une langue « éloquente » pour le monde qu’il salue. Paris devient le symbole de cette langue. La France a des arguments. De plus, on comprend que Paris tire la langue aux Allemands : « la langue… que sa bouche tire et tirera ». La tour Eiffel est un symbole de la capitale. Guillaume Apollinaire propose ainsi un calligramme nationaliste lié à la situation historique (Première Guerre Mondiale). Chagall, en 1913, avant la guerre, propose la même idée nationaliste avec son drapeau dans le ciel parisien et son symbole parisien : la Tour Eiffel.