Divorce, pension alimentaire et niveau de vie des parents et des enfants. Une étude à partir de cas-types

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    RECHERCHES ET PRVISIONS N 67 - 2002

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    ENFANCE

    Divorce, pension alimentaire et niveau

    de vie des parents et des enfants

    Une tude partir de cas types

    Alain Jacquot *

    Lobjet de cet ar t icle est de procder un examen cri t ique des rgles censes tre

    appl iques pour l a fi xat ion du montant de la pension al imentai re due par l e parent nongardien pour l entret ien des enfant s en cas de di vorce ou de sparat ion. I l sagi tgalement dvaluer l impact des pensions al iment ai res ainsi calcules sur les niveauxde vi e des deux parent s et des enfants aprs la sparat ion. Dans de nombreusessituat ions, les montant s de pension cal culs en appl icat ion des rgles juridiques envi gueur sont relat ivement modestes, parfoi s infri eurs au montant de l al locat ion desout ien fami l ial verse par la CAF au parent gardien en cas de dfai l lance tot ale duparent non gardien , parfois mme nuls, alors mme qui l est tenu compte expl icit ementdu surcot des enfant s rsul tant de la sit uat ion de monoparent al i t. La modest ie deces montant s sexpli que principalement par t ro is facteurs : le principe mme de calculde la pension al imentai re, en appl icati on du Code civ i l ; la pr ise en compte des frai sexposs, le cas chant , par le parent non gardi en l occasi on du droi t de vi si te ; lapri se en compte dune par t i e du cot des enfant s par l a col l ecti vi t, par l e biai s deprestat i ons fami l ial es ou dconomies dimpt dont bnfi cie le parent gardi en.

    * CNAF Bureaudes Prvisions.NDLR : ltude ayantt ralise selon lesbarmes de 2000, lesmontants exprimsdans larticle sont en

    francs.

    Lorsque les parents sont divorcs ouspars, le parent qui na pas la gardedes enfants participe leur entretien

    en versant lautre parent une pensionalimentaire. Selon les rgles en vigueur

    (encadr1 p. 38), la pension alimentaire doittre dtermine de manire ce que chacundes deux parents contribue au cot desenfants proportion de ses ressources(articles 214 et 288 du Code civil voirencadr 2 p. 40 pour les extraits des articlesdu Code civil cits dans cet article).

    Lobjet de cet article est danalyser limpactdes revenus des parents et du nombre et delge des enfants sur le montant de la pensionalimentaire dtermin en application de cette

    rgle, et dinfrer limpact du montant de la

    pension alimentaire sur le niveau de vie desex-poux et des enfants. Cette contributionest une version abrge dun document pluscomplet auquel on renvoie le lecteur intress(Jacquot, 2001).

    Dans la premire partie, le cadre danalyseest simplifi lextrme : on se place dans unmonde o il nexisterait ni impt ni presta-tions, et le niveau de vie du parent gardienet des enfants est calculen comptant 0,3 unitde consommation au titre de chaque enfant,quel que soit son ge. On nglige, dans cettepremire partie, les cots qui peuvent tresupports par le parent non gardien locca-sion de lexercice dun droit de visite, ainsique les difficults financires particulires

    rencontres par les familles monoparentales.

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    Encadr1

    Prestation compensatoire et pension alimentaire verse pour lentretien des enfantsQuelques rappels juridiques (1)

    Les parents ont lobligation de nourrir, entre-tenir et lever leurs enfants (article 203 duCode civil, article 27 de la Convention inter-nationale des droits de lenfant). Cette obli-gation dentretien incombe aux parents nonmaris tout autant quaux parents maris. Elleincombe aux seuls parents. Lobligation den-tretien dpend en effet directement du lien defiliation, ce qui signifie quelle nat et disparatavec lui. Aprs le divorce ou la sparation,cette obligation perdure (articles 288 et 293 duCode civil), et un parent qui nest pas titulairede lautorit parentale ou qui ne dispose pasdu droit de visite reste nanmoins dbiteurde lobligation dentretien (Rebourg, 2000).Lorsque lenfant vit au foyer de lun de sesparents, ce dernier exerce son obligation den-tretien en nature. Le parent chez lequel lenfantne rside pas ou qui na pas lexercice de lauto-rit parentale doit contribuer lducation et lentretien de lenfant proportion des besoinsde celui-ci et des ressources de lun et lautreparents (article 288 du Code civil). Cette obli-gation prend la forme dune pension verse auparent chez lequel lenfant rside habituelle-ment.La pension alimentaire verse au parent gardien

    a vocation couvrir les frais dentretien desenfants. Elle doittre distingue de la prestationcompensatoire, dont lobjet est de corriger,autant que possible, les disparits cres parla rupture du mariage dans les conditions devie respectives des poux (article 270 du Codecivil). Tout dabord, la prestation compensatoirevise compenser la perte de niveau de vie plusforte de lun des deux ex-poux. Il en rsultenotamment que la prestation compensatoireconcerne en droit les couples (divorcs) sans

    enfant au mme titre que les couples (divorcs)avec enfants. La prestation compensatoire neconcerne en droit que les couples divorcs donc prcdemment maris (2) , alors quela pension alimentaire verse pour lentretiendes enfants est dtermine en appliquant lesmmes rgles pour les couples maris et pourles couples de concubins.Les deux dispositifs prestation compensatoireet pension alimentaire rpondent donc desobjectifs diffrents et nont pas le mme champdapplication. La prestation compensatoire, enoutre, est en principe verse sous forme decapital (article 276 du Code civil) et,contrairement la pension pour lentretien desenfants, elle nest rvisable que sous desconditions assez restrictives (article 279 du Codecivil). Les transferts au titre de la prestationcompensatoire sont considrs commeparticipant de la liquidation du rgimematrimonial (article 280 du Code civil).

    -----(1) Pour une description plus complte de lobliga-tion dentretien, voir Rebourg M., Les prolongementsde lobligation alimentaire : obligation dentretien etobligation naturelle, in Obligation alimentaireet solidarits familiales. Entre droit civil, prote c-

    tion sociale et ralits familiales (sous la dir.de Choquet L.-H. et Sayn I.), L.G.D.J., 2000.(2) Sauf en cas de divorce pour rupture de la viecommune : le divorce ne met alors pas fin au devoirde secours, et la prestation compensatoire est sansobjet ; on notera par ailleurs quen cas de divorcepour faute prononc au tort exclusif de lun despoux ce qui est rare , ce dernier ne peut demanderune prestation compensatoire.NDLR : voir encadr 2 p. 40, pour les extraits desarticles cits dans cet encadr.

    Cette premire partie illustre les principauxmcanismes luvre dans le partage despertes de niveau de vie entre les ex-conjointset offre loccasion de discuter de larticula-tion entre pension alimentaire et presta-tion compensatoire. La rgle pose parlarticle 288 du Code civil, selon laquellechacun des deux parents doit contribuer lentretien des enfants proportion deses ressources, a pour consquence quechacun des deux parents connat la mmeperte de niveau de vie, en pourcentage, par

    rapport ce que serait ce niveau de vie sil

    tait sans enfant. Il en dcoule que lapension alimentaire ne garantit pas auxdeux parents le mme niveau de vie aprsla sparation, le lgislateur ayant laissla prestation compensatoire, et elle seule,le soin de corriger autant que possible lesdisparits cres par la rupture du mariagedans les conditions de vie respectives despoux .

    Dans une deuxime partie, le cadre dana-lyse est progressivement largi, pour tenir

    compte de lge des enfants, des cots

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    ENFANCE

    supports par le parent non gardien, et dusurcot des enfants engendr par la situa-tion de monoparentalit. Le cadre dana-lyse est galement tendu aux situations degarde alterne. Le fait que les enfants soientadolescents ainsi que le surcot des en-fants imputable la situation de mono-parentalit jouent dans le sens dun accrois-sement de la pension alimentaire verse auparent gardien. A linverse, la prise encompte des cots supports par le parentnon gardien loccasion de lexercice dudroit de visite ou la garde alterne, le caschant, tendent rduire la pension ali-mentaire.

    Dans une troisime et dernire partie, onrintroduit dans les calculs les impts etles transferts sociaux. Le problme pospar les impts et les prestations peut trersum de la manire suivante : avantcomme aprs la sparation, une partie ducot des enfants est prise en charge par lacollectivit, par le biais de rductionsdimpt (le principal mcanisme en jeu estcelui du quotient familial) et/ou de presta-tions. Aprs la sparation, pour lessentiel,cest le parent gardien qui bnficie des

    rductions dimpt et des prestations. Parrapport ce qui se passerait dans un mondesans impt ni prestations, un ajustement la baisse de la participation du parent nongardien lentretien des enfants est nces-saire, si lon veut que chaque parent conti-nue contribuer au cot des enfants proportion de ses ressources.

    Fixation du montant de la pensionet impact sur le niveau de vie

    dans un cadre simplifi

    Revenus, par gne, dpenses, et ni veaude vi e

    On convient dans toute la suite de cet articlede noter Y

    1le revenu mensuel du parent

    non gardien (le pre dans prs de 90 % descas) et Y

    2le revenu mensuel du parent

    gardien (la mre en gnral). Pour sim-plifier lanalyse, on suppose pour linstantquil nexiste ni impt sur le revenu ni

    prestations familiales. Les revenus avant et

    aprs impt et transferts sociaux sont doncidentiques.

    Les revenus Y1

    et Y2

    incluent les revenusdactivit professionnelle et les revenus dupatrimoine le cas chant, que ces revenusdonnent lieu ou non un encaissement.Les ressources Y

    1et Y

    2sont supposes

    peu prs stables au cours du temps. Parailleurs, pour simplifier, on suppose quilny a pas dpargne, avant comme aprsla sparation : ainsi, les dpenses dunmnage se confondent avec son revenu, eton emploiera indiffremment les mots dpenses et revenu , bien que ladiscussion qui suit porte en principe sur

    les dpenses.

    A niveau de dpenses donn, le niveau devie dun mnage est dautant plus faibleque le nombre de personnes qui le composentest lev. De manire quivalente, unmnage comprenant au moins deux per-sonnes doit dpenser davantage quunclibataire sans enfant pour atteindre unniveau de vie donn. Pour traduire cetteide, les conomistes ont traditionnelle-ment recours une chelle dquivalence :

    lchelle dquivalence ou nombre dunitsde consommation mesure le rapport entreles dpenses dun mnage de n personneset les dpenses dun clibataire sans enfantpour atteindre un mme niveau de vie.

    Les chelles dquivalence sont en gnralobtenues par des estimations conomtri-ques ralises sur des donnes issues den-qutes sur les dpenses des mnages. Untrait commun toutes les chelles dqui-valence est que les dpenses dun mnage

    de n personnes, pour atteindre un niveaude vie donn, sont infrieures n fois lesdpenses dun mnage de une personne(pour atteindre le mme niveau de vie) ;la raison en est que certains biens sont dunusage collectif (sanitaires, tlvision, etc.) :ils servent lensemble des membres dumnage et la dpense correspondante nestsupporte quune fois.

    Les besoins dun adulte tant plus cons-quents que ceux dun enfant, dans la litt-

    rature sur les chelles dquivalence, il est

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    Encadr2

    Extraits des articles du Code civil cits dans larticle

    (en date du 25 aot 2001) : la loi du 4 mars 2002 relative lautorit parentale en effet restructur

    cette partie du Code civil. Le raisonnement conduit dans cet article garde nanmoins toute sa validit

    Article 203 : Les poux contractent ensemble, par lefait seul du mariage, lobligation de nourrir, entreteniret lever leurs enfants.Article 214 : Si les conventions matrimoniales nerglent pas la contribution des poux aux charges dumariage, ils y contribuent proportion de leursfacults respectives. Si lun des poux ne remplit passes obligations, il peut y tre contraint par lautredans les formes prvues au Code de procdure civile.Article 270 : Sauf lorsquil est prononc en raison dela rupture de la vie commune, le divorce met fin audevoir de secours prvu par larticle 212 du Code

    civil ; mais lun des poux peut tre tenu de verser lautre une prestation destine compenser, autantquil est possible, la disparit que la rupture dumariage cre dans les conditions de vie respectives.Article 271 : La prestation compensatoire est fixeselon les besoins de lpoux qui elle est verse etles ressources de lautre en tenant compte de lasituation au moment du divorce et de lvolution decelle-ci dans un avenir prvisible. Dans le cadre dela fixation dune prestation compensatoire, par le

    juge ou par les parties dans la convention vise larticle 278 ou loccasion dune demande de rvision,les parties fournissent au juge une dclaration

    certifiant sur lhonneur l exactitude de leursressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.Article 272 : Dans la dtermination des besoins et desressources, le juge prend en considration notam-ment : lge et ltat de sant des poux ; la dure dumariage ; le temps dj consacr ou quil leur faudraconsacrer lducation des enfants ; leur qualifica-tion et leur situation professionnelles au regard dumarch du travail ; leur disponibilit pour de nou-veaux emplois ; leurs droits existants et prvisibles ;leur situation respective en matire de pensions deretraite ; leur patrimoine, tant en capital quen reve-nu, aprs la liquidation du rgime matrimonial.

    Article 274 : La prestation compensatoire prend laforme dun capital dont le montant est fix par le

    juge.Article 276 : A titre exceptionnel, le juge peut, pardcision spcialement motive, en raison de lge oude l tat de sant du crancier ne lui permettant pasde subvenir ses besoins, fixer la prestationcompensatoire sous forme de rente viagre. Il prenden considration les lments dapprciation prvus larticle 272.Article 278 : En cas de demande conjointe, les pouxfixent le montant et les modalits de la prestationcompensatoire dans la convention quils soumettent

    lhomologation du juge. Ils peuvent prvoir que leversement de la prestation cessera compter de laralisation dun vnement dtermin. La prestationpeut prendre la forme dune rente attribue pour unedure limite. Le juge, toutefois, refuse dhomolo-guer la convention si elle fixe inquitablement lesdroits et obligations des poux.Article 279 : La convention homologue a la mmeforce excutoire quune dcision de justice. Elle nepeut tre modifie que par une nouvelle conventionentre des poux, galement soumise lhomologa-tion. Les poux ont nanmoins la facult de prvoirdans leur convention que chacun deux pourra, encas de changement important dans les ressources etles besoins des parties, demander au juge de rviserla prestation compensatoire.Article 280 : Les transferts et abandons prvus auprsent paragraphe sont considrs comme partici-pant du rgime matrimonial. Ils ne sont pas assimils des donations.Article 288 : Le parent qui na pas lexercice de lauto-rit parentale conserve le droit de surveiller lentre-tien et lducation des enfants et doit tre inform,en consquence, des choix importants relatifs la viede ces derniers. Il y contribue proportion de ses

    ressources et de celles de lautre parent. Un droit devisite et dhbergement ne peut lui tre refus quepour des motifs graves. Il peut tre charg dadmi-nistrer sous contrle judiciaire tout ou partie dupatrimoine des enfants, par drogation aux articles372-2 et 389, si lintrt dune bonne administrationde ce patrimoine lexige. En cas dexercice en communde lautorit parentale, le parent chez lequel les enfantsne rsident pas habituellement contribue leurentretien et leur ducation proportion de sesressources et de celles de lautre parent.Article 293 : La contribution lentretien et lducation des enfants prvue larticle 288 prend

    la forme dune pension alimentaire verse, selon lecas, au parent chez lequel les enfants ont leur rsidencehabituelle ou qui exerce lautorit parentale ou lapersonne laquelle les enfants ont t confis. Lesmodalits et les garanties de cette pension alimentairesont fixes par le jugement ou, en cas de divorce surdemande conjointe, par la convention des pouxhomologue par le juge.Article 295 : Le parent qui assume titre principalla charge denfants majeurs qui ne peuvent subvenireux-mmes leurs besoins peut demander sonconjoint de lui verser une contribution leur entre-tien et leur ducation.

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    ENFANCE

    par ailleurs dusage, pour affiner lanalyse,de dcomposer le nombre total den personnesen a adultes et e enfants (n =a + e). Issuedestimations conomtriques rcentesmenes par Jean-Michel Hourriez et LucileOlier (1997) partir de lenqute Budget desfamilles conduite en 1995 par lINSEE,lchelle dquivalence la plus usite enFrance compte pour une unit de consom-mation le premier adulte dun mnage,pour 0,5 unit de consommation chaqueadulte au-del du premier, et 0,3 unit pourchaque enfant (1). Cette chelle dquiva-lence se note donc ainsi :

    ( ) ( ) eaeaf .3,01.5,01, ++=

    Ainsi, pour atteindre le mme niveau devie, un couple sans enfant doit-il dpenser50 % de plus quun clibataire sans enfant,et un couple avec un enfant 80 % de plusquun clibataire sans enfant.

    Puisque lchelle dquivalence mesure lerapport entre les dpenses dun mnagede n personnes et les dpenses dun cli-

    bataire sans enfant pour atteindre un mmeniveau de vie, le niveau de vie dun mnageest gal son revenu rapport au nombre

    dunits de consommation correspondant sa composition :

    ( ) ( ) ea

    Y

    eaf

    YNV

    .3,01.5,01, ++==

    On note C le cot direct des enfants : Creprsente la part des dpenses consacresaux enfants, cest--dire plus prcisment lemontant maximum duquel un mnagepourrait rduire ses dpenses, sil navait pasdenfant, tout en conservant le mme niveau

    de vie que celui qui est le sien en prsencedenfants. De manirequivalente, cest aussiune fraction du revenu du mnage, fractiongale la proportion que reprsentent lesunits de consommation imputables auxenfants dans le total des units de consom-mation attribu au mnage :

    ( ) ( )( ) ( )

    Yea

    eY

    eaf

    afeafC .

    .3,01.5,01

    .3,0.

    ,

    0,,

    ++=

    =

    On peut voir maintenant comment ces dfi-nitions se dclinent, avant et aprs la spa-ration. Avant la sparation, le niveau de vie

    de la famille (i. e. le revenu par unit deconsommation) est :

    On note P la pension alimentaire verse auparent gardien par le parent non gardienpour lentretien des enfants. On nglige pourlinstant les frais supports par le parent nongardien loccasion de (ou en raison de)lexercice dun droit de visite auprs de sesenfants.

    Aprs la sparation, pour simplifier lana-lyse, ni le parent gardien ni le parent nongardien ne sont supposs entamer unenouvelle vie de couple. On retient par cons-quent 1 unit de consommation pour leparent non gardien et 1 + 0,3.e unit deconsommation pour le parent gardien.

    Aprs la sparation, le niveau de vie duparent non gardien est donc : NV

    1= Y

    1P

    tandis que celui du parent gardien et desenfants est :

    ( ) e

    PY

    ef

    PYNV

    .3,01,1

    22

    2+

    +=

    +=

    Le cot des enfants vaut :

    ( ) ( )( )

    ( ) ( )2121

    .3,05,1

    .3,0

    ,2

    0,2,2YY

    e

    eYY

    ef

    fef+

    +=+

    avant la sparation et

    ( ) ( )

    ( )( ) ( )

    22.3,01

    .3,0

    ,1

    0,1,1YP

    e

    eYP

    ef

    fefC +

    +=+

    =

    aprs la sparation.

    Le par t age des pert es de ni veau de vi e

    ent re l es ex-conj oi nt s

    Compte tenu de lexistence dconomiesdchelles, la sparation a pour consquenceune perte de niveau de vie pour lun aumoins des ex-conjoints, voire les deux.Comme le niveau de vie du parent gardienest fonction croissante du montant de lapension alimentaire alors que celui duparent non gardien en est fonction dcrois-sante, il nest possible en labsence deprestations de maintenir, voire accrotre,le niveau de vie de lun des deux ex-poux

    quau prix dun appauvrissement de lautre.

    ( ) e

    YY

    ef

    YYNV

    f.3,05,1,2

    2121

    +

    +=

    +=

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    Les rgles applicables pour la dtermina-tion de la pension alimentaire due par leparent non gardien au parent gardien pourlentretien des enfants sont les mmes, queles parents aient t maris ou non avantla sparation. Dans les deux cas, la pensionalimentaire doit tre calcule de telle sorteque chacun des deux parents contribue lentretien des enfants en proportion de sesressources. Pour dterminer le montant dela pension alimentaire, il convient donc :

    de calculer ce que cotent les enfants aprsla sparation :

    ( )2

    .3,01

    .3,0YP

    e

    eC +

    +=

    On notera que ce cot dpend du revenudisponible du foyer dans lequel viventhabituellement les enfants, et donc de lapension alimentaire P un des lments dece revenu disponible , mais qui est pourlinstant inconnue ;

    de rpartir ce cot entre les deux parents, proportion de leurs revenus Y

    1et Y

    2.

    Le parent non gardien doit donc contribuer

    lentretien des enfants hauteur de :

    ( )221

    1

    21

    1

    .3,01

    .3,0.. YP

    e

    e

    YY

    YC

    YY

    Y+

    ++=

    +

    et le parent gardien hauteur de :

    ( )221

    2

    21

    2

    .3,01

    .3,0.. YP

    e

    e

    YY

    YC

    YY

    Y+

    ++=

    +

    La contribution du parent non gardien lentretien des enfants se rduit la pensionalimentaire P, puisque par hypothse on

    nglige les frais supports par le parent nongardien loccasion de (ou en raison de)lexercice dun droit de visite auprs de sesenfants. La pension alimentaire P doit donctre solution de lquation :

    ( )2

    21

    1

    .3,01

    .3,0. YP

    e

    e

    YY

    YP +

    ++=

    Aprs calculs, on obtient :

    ( ) ( )[ ]

    ( ) ( ) 21

    21

    21

    21

    ..3,01

    ...3,0

    .,1

    ..0,1,1

    YeY

    YYe

    YefY

    YYfefP

    ++=

    +

    =

    La rgle en vigueur, selon laquelle la pensionalimentaire due par le parent non gardienpour lentretien des enfants doit tre cal-cule de telle sorte que chacun des deuxparents contribue en fin de compte len-tretien des enfants proportion de ses res-sources, a trois consquences importantes :

    lorsque cette rgle est applique, chacundes deux parents consacre lentretien desenfants la mme fraction de ses ressourcesY

    1et Y

    2: le taux deffort est identique

    pour le pre et pour la mre. Il en rsulteque chacun des deux parents voit son ni-veau de vie grev dun mme pourcentage,par rapport ce que serait ce niveau de vie

    sil tait sans enfant (ces niveaux de vievaudraient alors Y1

    et Y2 respectivement).

    Un calcul simple confirme en effet que :

    ( )

    2

    2

    1

    1 ,1

    Y

    efPY

    Y

    PY +=

    cest--dire que :

    2

    2

    1

    1

    Y

    NV

    Y

    NV=

    puisque les deux parents nauraient pasle mme niveau de vie sils taient sansenfant (sauf si Y

    1= Y

    2), il en rsulte que les

    deux parents nauront pas le mme niveaude vie aprs la sparation (sauf si Y

    1= Y

    2) :

    celui des deux parents dont le revenu estle plus lev se retrouve aprs la sparationavec un niveau de vie suprieur celui deson ex-conjoint ou concubin. Ainsi,contrairement une ide rpandue, lapension alimentaire dtermine en applica-tion des rgles en vigueur nassure pas (na

    pas pour objet dassurer) le mme niveaude vie au parent gardien et au parent nongardien aprs le divorce ou la sparation (2).Cest la prestation compensatoire, et elleseule, que le lgislateur a laiss le soin decorriger, le cas chant et sil y a lieu, lesdisparits cres par la rupture du mariagedans les conditions de vie respectives des poux(encadr 1 p. 38) ;

    la pension alimentaire P ainsi calcule estfonction croissante du nombre denfants et

    du revenu du parent non gardien. Elle est

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    ENFANCE

    galement fonction croissante du revenu duparent gardien. Ce rsultat peut surprendre :il dcoule de lhypothse (trs raisonnable)selon laquelle le cot des enfants est fonc-tion croissante du revenu du foyer auquelil vit. Dans lencadr 3 (p. 45-46), on montreque ce rsultat reste valable sous des hypo-thses beaucoup plus gnrales que cellesque lon a retenues quant la maniredexprimer le cot des enfants en fonctiondu revenu du foyer auquel il vit (3), ds lorsque la pension alimentaire reste dterminede faon ce que chacun des parentscontribue lentretien des enfants en pro-portion de ses ressources.

    En dautres termes, pour que la pensionalimentaire puissetre fonction dcroissantedu revenu du parent gardien, il serait nces-saire de la dterminer selon une autre rgle,qui aurait pour effet de lui assigner unobjectif de redistribution des ressources, duparent aux ressources les plus leves versle parent aux ressources les plus faibles (4)(alors que le lgislateur a jusqu prsentretenu le principe dune redistribution desressources non pas au profit du parent auxressources les plus faibles, mais au profit du

    parent gardien, que celui-ci dispose dunrevenu plus lev ou plus faible que son ex-conjoint).

    Pensi on ali ment ai re

    et prestat i on compensat oi re

    Pour calculer la pension alimentaire, jusquprsent, on a fait abstraction de lexistencedune ventuelle prestation compensatoire.Le caractre relativement exceptionnel de laprestation compensatoire justifie en grande

    partie ce choix : en 1996, seuls 13,7 % desdivorces prononcs ont t assortis duneprestation compensatoire (selon une tuderalise par le ministre de la Justice, citepar Vidalies, 2000). Les divorces avec presta-tion compensatoire interviennent aprs desdures de mariage en moyenne pluslongues que les divorces sans prestationcompensatoire, et les (ex-)poux gs sontsurreprsents dans les divorces assortisdune prestation compensatoire. Par cons-quent, il y a tout lieu de penser que lattri-

    bution dune prestation compensatoire est

    moins frquente lorsquil y a des enfants (5)que lorsquil ny en a pas ou plus.

    Ainsi, il est rare que le juge calcule la foisune prestation compensatoire et une pen-sion alimentaire pour lentretien des enfants.Ce cas de figure se prsente toutefoisrgulirement. Schmatiquement, troisfaons de procder sont alors envisageables :

    on peut tout dabord envisager de calculerla pension alimentaire et la prestationcompensatoire de manire compltementindpendante lune de lautre, savoircalculer la prestation compensatoire en netenant aucun compte de la charge finan-

    cire que reprsentent les enfants, etcalculer la pension alimentaire exactementcomme on laurait calcule en labsence deprestation compensatoire ;

    on peut aussi, de manire alternative,calculer tout dabord la pension alimentaire(exactement comme on laurait calculeen labsence de prestations compensatoire),et calculer dans un second temps laprestation compensatoire, la pensionalimentaire tant dduite des ressources du

    parent non gardien et intgre aux ressourcesdu parent gardien pour les besoins du calculde la prestation compensatoire ;

    une troisime alternative consiste cal-culer dabord la prestation compensatoire,sans tenir compte de la charge financireque reprsentent les enfants, puis dans unsecond temps calculer la pension alimen-taire due pour lentretien des enfants, laprestation compensatoire tant dduite desressources de celui qui en est dbiteur et

    intgre aux ressources de celui qui laperoit, pour les besoins du calcul de lapension alimentaire.

    Sur cette question du calcul dune presta-tion compensatrice et dune pension ali-mentaire, tant la doctrine que la jurispru-dence semblent un peu hsitantes etconfuses, parfois mme peut-tre contra-dictoires (6). Si lintention du lgislateur est

    bien que la prsence des enfants se traduisepour les deux parents par la mme perte

    de niveau de vie en pourcentage quel

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    RECHERCHES ET PRVISIONS N67 - 2002

    autre sens pourrait-on accorder aux articles214 et 288 du Code civil ? , la premirefaon de procder naboutit pasce rsultat :on montre aisment que la prsence desenfants pse plus lourdement, en pour-centage, sur le niveau de vie du dbiteurde la prestation compensatoire quelle nepse sur le niveau de vie du crancier dela prestation compensatoire.

    Un calcul qui prend en compte

    de nombreux f acteurs

    Larticle 272 du Code civil (7) stipule que,pour les besoins du calcul de la prestationcompensatoire, Dans la dtermination des

    besoins et des ressources, le juge prend enconsidration notamment lge et ltat desantdes poux, la dure du mariage, le tempsdj consacrou quil leur faudra consacrer lducation des enfants, leur qualificationet leur situation professionnelles au regard dumarchdu travail, leur disponibilitpour denouveaux emplois, leurs droits existants etprvisibles, leur situation respective en matirede pensions de retraite, leur patrimoine, tanten capital quen revenu, aprs la liquidationdu rgime matrimonial .

    Au travers de ces critres, outre la dure dumariage, le lgislateur semble vouloir prendreen compte les capacits respectives des deuxpoux se procurer des ressources aprs ledivorce. Linclusion du temps consacr ourestant consacrer lducation des enfantsdans cette liste de critres peut aussi reflterle souhait du lgislateur de voir en quelquesorte rcompens ou indemnis lex-poux qui naurait pas pu accumuler unpatrimoine important ou qui aurait sacrifi

    ses perspectives professionnelles pour seconsacrer lducation des enfants.

    En revanche, larticle 272 est muet sur laquestion de savoir sil convient de tenircompte de la charge financire que repr-sentent les enfants. Si lnumration delarticle 272 nest pas limitative, on imaginemal cependant que le lgislateur ait puomettre par inadvertance un lment aussiimportant que la charge financire occa-sionne par les enfants, si son intention

    avait t que cette charge financire soit

    prise en compte pour le calcul de la presta-tion compensatoire. La seconde faon deprocder est de ce point de vue critiquable,puisquelle fait bien intervenir le cot desenfants, au moins pour le dbiteur de laprestation compensatoire.

    La seconde faon de procder pose aussiproblme en termes darticulation logiqueet darticulation dans le temps entre presta-tion compensatoire et pension alimentaire.La prestation compensatoire est en principeverse sous forme de capital, au moment dela liquidation de la communaut, et ellenest que difficilement rvisable. La pen-sion alimentaire, linverse, est verse

    mensuellement et peut tre rvise lorsqueles ressources des parents ou les besoins desenfants connaissent une volution. Si lapension alimentaire vient tre rvise, lemontant de prestation compensatoire quiavait t fix au moment du divorce devientde facto inadapt, sans pouvoir faire lobjetdune rvision. Il en est de mme lorsquelobligation dentretien prend fin, quand lesenfants sont en mesure de subvenir eux-mmes leurs besoins.

    La det t e des parent s vi s-- v i sde l eurs enfant s est pri ori t ai re

    Calculer dabord la prestation compen-satoire (troisime faon de procder) peutse heurter lobjection suivante : la dettedes parents vis--vis de leurs enfants enraison de lobligation dentretien est, enprincipe, prioritaire sur toute autre dette.Selon cette objection, il conviendrait decalculer la pension alimentaire en priorit,et de ne mettre la charge dun des deux

    ex-poux une prestation compensatoiredestine lautre poux que si le patrimoinerestantdisposition du dbiteur, aprs avoirdfalqu les sommes ncessaires lentre-tien des enfants, le permet.

    Toutefois, il faut rappeler que les deuxparents sont dbiteurs solidaires de lobliga-tion dentretien. Un transfert financierpralable entre les deux parents, commepeut ltre la prestation compensatoire, nediminue donc en rien la valeur de la crance

    dtenue par les enfants vis--vis de leurs

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    ENFANCE

    Encadr 3

    A quelles conditions, sur la fonction de cot, la pension alimentairepeut-elle tre fonction dcroissante du revenu du parent gardien ?

    Selon larticle 288 du Code civil, la pension alimentaire due par le parent non gardien pour lentretien des enfantsdoit tre calcule de telle sorte que chacun des deux parents contribue lducation et lentretien des enfants proportion de ses ressources. On a signal que le montant de pension alimentaire calcul en application decette rgle est fonction croissante du revenu du parent gardien, si l on suppose que le cot direct des enfantsest donn par lchelle dquivalence estime par Jean-Michel Hourriez et Lucile Olier (1).

    Dans cet encadr, on tudie quelles conditions sur le cot des enfants le montant de pension alimentaire (toujoursdtermin en application de larticle 288 du Code civil) pourrait tre une fonction non croissante du revenudu parent gardien.

    La rgle pose par le Code civil peut scrire :

    , ou encore :

    oc est la fonction qui exprime le cot direct des enfants en fonction du revenu du foyer o il vit.

    On suppose que la fonction c est continue et deux fois drivable sur lensemble des rels positifs ou nuls. Onsuppose galement que :

    ( ) YYYc ,0 i. e. la dpense pour les enfants est forcment positive ou nulle, et on ne peut pas (durablement)

    dpenser pour les enfants une somme qui excderait le revenu disponible. On a alors en particulier(2) et

    ( ) .,10 YYc Cette hypothse nest pas en toute rigueur ncessaire pour le raisonnement qui va suivre.Elle semble cependant somme toute assez naturelle, et suppose que avec au moins un Ypour

    lequel c serait strictement suprieur 1, conduirait , pour au moins une valeur de Y.

    La diffrenciation de lexpression donne :

    Il en rsulte que la pension alimentaire vrifie la relation

    est donc du signe de cY1P

    Or ( )PYcYY

    YP +

    +=

    2

    21

    1 . par hypothse.

    Donc : .......21

    2

    2

    1

    21

    1

    21

    1

    11

    +

    +

    +=

    +=

    +=

    YY

    PY

    PY

    ccY

    YY

    ccYc

    YY

    YYcPYc

    ( )PYcYY

    YP +

    +=

    2

    21

    1 .

    ( ) ( )PYcYPYY +=+2121

    ..

    ( ) 00 =c ( ) 100 c

    ( ) ,,1 YYc ( ) YYc >

    ( ) ( )PYcYPYY +=+2121

    ..

    ( ).

    1..

    21

    1

    2YcY

    PYcYP

    +=

    ( ) ( )( ).....221212

    dPdYPYcYdPYYdYP ++=++

    2Y

    P

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    Le terme21

    2

    YY

    PY

    +

    +tant forcment infrieur ou gal 1, pour que

    2Y

    P

    soit ngatif (sur lensemble

    des rels positifs ou nuls), il est donc ncessaire (mais non suffisant) que ( ) ( ) , YYcYc < i.e que la fonction c

    soit concave (graphique ci-dessous)

    Il est possible de pousser lanalyse un peu plus avant, en examinant le terme21

    2

    YY

    PY

    +

    +

    En utilisant le fait que ( )PYcYY

    YP +

    +=

    2

    21

    1 . , aprs quelques calculs, on obtient :

    ..121

    21

    21

    1

    21

    2

    YY

    cYY

    YY

    Y

    YY

    PY

    +

    +

    +=

    +

    +

    A concavit donne de la fonction de cot c(Y),2

    Y

    P

    est donc dautant plus faible :

    que le revenu du parent non gardien est faible, en proportion du revenu du parent gardien ;

    que les dpenses pour les enfants reprsentent une part importante des dpenses totales du parent gardienet du parent non gardien.

    En rsum, on ne peut donc pas avoir :21

    2

    ,,0 YYY

    P