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DÉJOUEZ LES MANIPULATEURS

Déjouez les manipulateursNoam Chomsky, cité par Normand Baillargeon dans Petit cours d’autodéfense intellectuelle o n r 11 i t Duction le livre que vous tenez entre les mains

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  • Dé jouez lesma n ipulateurs

  • Suivi éditorial :Iris Granet-Cornée

    Conception graphique et mise en page :Élisabeth Chardin

    Correction :Catherine Garnier

    © Nouveau Monde éditions, 201621, square Saint-Charles - 75012 Paris

    Dépôt légal : janvier 2016ISBN : 978-2-36942-361-4

    Imprimé en Italie par Rotolito Lombarda

    Ce livre étend ses ramifications en ligne. Pour une synthèse en images de la langue de bois et du corps de bois, rendez-vous sur : corpsdebois.com.

  • élodie Mielczar eck

    Déjouez lesmanipulateu r s

    l’art du Mensongeau quoti d i en

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    préfac e

    A llez, un de plus ! Encore un livre sur la manipulation ! Quoti-dienne, insidieuse et surtout très dangereuse pour les naïfs que nous sommes…

    Encore un livre, mais pas des moindres ! Car rien n’est si simple. Complot ourdi par les marionnettistes d’un monde en mal de démocratie ou lot commun dont nous sommes tous res-ponsables : que représente vraiment la manipulation ?

    Certes, ici vous verrez à l’œuvre des professionnels des médias, des politiques et des communicants, les occupants de nos écrans. Ce sont eux qui sont implacablement étudiés, scannés, analysés dans cet ouvrage qui nous livre une grille de décodage aussi chirurgicale que savoureuse des gestes, des postures, des mots qui trahissent la manipulation.

    Mais à la vérité, sous chaque page se cache votre conjoint, votre collègue, votre voisin.

    Ces acteurs de votre quotidien sont-ils de grands mani-pulateurs ? Pour certains peut-être. Mais l’immense majorité d’entre eux ne sont que de modestes pratiquants occasionnels de l’influence.

    Car manipuler est un acte souvent involontaire, voire inconscient, qui nous concerne tous.

    Dans la première partie, quand vous découvrirez les prin-cipaux scenarii : noyer le poisson, être faussement impliqué ou encore faire diversion, peut-être reconnaîtrez-vous la méthode de votre ado pour cacher une mauvaise note, ou encore une tech-nique de séduction utilisée par votre collègue.

  • Déjouez les manipulateurs 6

    En miroir du pincement de lèvres de Bill Clinton, ne voyez-vous pas votre petit dernier qui tente de cacher un gros mensonge ?

    Au détour du chapitre sur les types de manipulateurs, décou-vrirez-vous que votre meilleure amie est une pseudo-chef et votre voisin un pseudo-altruiste ?

    Enfin, n’oublions pas un acteur majeur de ce livre : nous-mêmes !

    Oui, souvent à notre insu, nous sommes directement impli-qués. Au cours de votre lecture, peut-être découvrirez-vous avec étonnement que vos arguments les plus naïfs en apparence sont en fait hautement manipulatoires !

    Peut-être même vous faudra-t-il du courage pour affron-ter certaines descriptions qui évoquent des faits et gestes trop familiers.

    Certes, vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas ! Mais une fois passé ce moment difficile, le meilleur restera à venir. Déjouez les manipulateurs nous dote de clés, d’astuces, de « trucs » simples pour contrer tous ces micro-complots qui rognent jour après jour nos convictions, nos opinions, notre bien-être… et surtout pour nous mettre au clair vis-à-vis de nous-mêmes.

    Éric FAure-Geors

  • à AlAin

  • « s i nous avions un vrai système éducatif, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle. »Noam Chomsky, cité par Normand Baillargeon dans Petit cours d’autodéfense intellectuelle

  • onr

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    i t D u c t i o n

    l e livre que vous tenez entre les mains a une ambition péda-gogique : partager avec vous les « techniques » de manipula-tion, plus ou moins conscientes, utilisées par chacun d’entre nous quotidiennement.

    C’est parce que la manipulation passe à la fois par le verbal et le non-verbal que ces deux aspects sont, pour la première fois, abordés au sein du même ouvrage. La séparation entre les mots et les gestes dans l’étude des techniques de communication est une vision dépassée. Les uns et les autres se complètent, s’ac-cordent et font sens par leur interaction.

    Ce livre décortique les phénomènes manipulatoires en répon-dant à quarante questions. Vous n’êtes donc pas obligé de le lire en respectant l’ordre des chapitres. Considérez-le plutôt comme un guide ou un manuel que l’on peut sortir de sa poche en cas de besoin. N’hésitez pas à choisir d’emblée la question qui vous interpelle le plus !

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    Chaque réponse propose plusieurs outils ou pistes de réflexion. La première partie, Les arguments et les mots du manipulateur, aborde les outils de la rhétorique. La seconde partie, La gestuelle et la posture du manipulateur, revient sur les outils du langage non verbal à partir de connaissances diverses, comme les neurosciences ou la synergologie. La troi-sième partie, Comment ramener un manipulateur en zone d’authenticité ?, pose la question de la posture et revient sur la notion d’authenticité, que nous opposons à celle de mani-pulation. Enfin, la quatrième partie, Ces manipulateurs qui endorment les foules, est une réflexion plus générale sur la manipulation de masse.

    Ce livre est pluridisciplinaire. Il s’inspire, bien sûr, de la

    linguistique, avec les apports de la rhétorique, de l’analyse du discours et de la pragmatique. Il s’appuie également sur la phi-losophie du langage, et plus particulièrement la notion de per-formativité. Il puise également dans la sémantique générale, et sa définition pertinente de la « relation ». Il est enfin nourri des apports de la sociologie, notamment autour des phénomènes de manipulation de masse et de suggestibilité.

    La démarche est entièrement sémiologique, c’est-à-dire ana-lytique et objective, bien que le style se veuille léger et accessible. L’ambition est de transmettre les notions qui vous permettront de décrypter le message sous le message, pour « mettre à nu le procès du sens », comme disait Roland Barthes. Ainsi, ce projet n’est dicté par aucune orientation politique sous-jacente. Bien que les références dans le domaine politique ne manquent pas… Nos gouvernants et gouvernantes restent à l’heure actuelle les meilleurs vecteurs des « techniques » de manipulation !

    À l’origine de ce livre, l’étude que j’ai réalisée sur « la langue de bois » et sa gestuelle associée, « le corps de bois ». L’analyse s’est fondée sur un corpus constitué d’une quinzaine de vidéos compilant plusieurs heures d’entretiens, dans lesquelles divers représentants politiques sont interviewés sur les affaires dites « Cahuzac » et « Bygmalion ». Entre-temps le corpus s’est étoffé, chaque émission ou journal télévisé devenant l’occasion de déve-lopper mes recherches, infirmant ou confirmant mes hypothèses

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    de départ. Ces apports ont été formalisés dans le modèle Indyx, que vous retrouverez au cœur de cet ouvrage, au sein d’une typo-logie de manipulateurs, chacun ayant sa propre langue de bois et sa propre gestuelle.

    En l’abordant sous différents angles, j’ai essayé de montrer les paradoxes de la manipulation : quotidienne, légère et utili-sée par tous, et pourtant destructrice et nauséabonde à grande échelle ; à la fois inconsciente et intentionnelle ; à la fois subtile et exposée au grand jour. Seule sera exclue de mon propos la manipulation pathologique, comme la perversion narcissique, qui constitue un sujet à part. Au fil du texte, les petits – ou les grands – coups bas que nous pouvons chacun observer autour de nous seront décrits et analysés à travers des exemples issus des sphères politique et médiatique, mais aussi intime et profession-nelle. Le mensonge n’est qu’une petite partie de ce domaine plus vaste qu’est la manipulation.

    Notre postulat est simple. Il a été vérifié par Ferdinand de Saussure, Sigmund Freud et Roland Barthes, pour ne citer qu’eux. Les mots et les gestes sont les indices manifestes d’une pensée latente. Autrement dit, en décodant et interprétant ces signes – les postures, les micro-démangeaisons, le choix des mots, la syntaxe, etc. – il est possible de percer les convictions profondes de notre

    Convictions profondesValeurs et croyances

    Comportements et attitudes

    Indices verbaux [les mots] et non verbaux [les gestes]

    L AT ENT

    MA NI F ES TE

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    interlocuteur. En effet, nous ne sommes pas télépathes. Nous sommes donc obligés de nous exprimer à travers un langage. Que celui-ci soit verbal ou non verbal, il reste la seule porte qui ouvre à l’intériorité de l’autre.

    Enfin, l’ambition de cet ouvrage est citoyenne. Je suis de cette génération Y qui n’a connu que le choc pétrolier et le chômage. Las d’être confronté quotidiennement aux nez qui s’allongent, aux rictus hypocrites, aux enfumages plus ou moins odorants, mon regard se tourne vers demain. Je suis convaincue que l’au-thenticité des organisations et des hommes est la clef de la réus-site face aux enjeux épineux que sont l’écologie, l’économie et la politique. Être citoyen, c’est avoir le pouvoir des actes et des paroles, et non pas le déléguer aux élites. Je veux vous trans-mettre les outils qui m’ont inspirée, et ceux que j’ai réussi à faire émerger. Les mots ont un pouvoir, le corps est une arme. Aux armes, citoyens !

  • les arguments et les mots

    Du manipulateur

  • Yaka…Fokon !

    Déjouez les manipulateurs 18

  • les arg u m ents et les m ots D u mani pul ateur 19

    coMMent diMinue-t-il sa part de res ponsabil ité ?

    A vez-vous remarqué comment certaines personnes, impli-quées jusqu’au cou dans une quelconque malversation, réussissent à s’en tirer… et avec les honneurs ? C’est que, pour se sortir d’une situation difficile, tout bon manipulateur sait dimi-nuer sa part de responsabilité dans l’événement qui vient de se jouer.

    Pour ce faire, il use et abuse des tournures imperson-nelles : il met les pronoms personnels au placard et ne jure que par les « il faut », « il est important de », « il y a », « il conviendrait de », « il n’y a qu’à ». Vous allez me dire : « Il manque un sujet dans ces phrases ! » C’est vrai. Pour paraître plus précis, le manipula-teur sort alors souvent le « on » de sa manchette. Cela marche à tous les coups : « on doit », « on peut », « on fera ». La méthode du « yaka-fokon », largement répandue, permet au locuteur de ne pas s’impliquer directement dans une action. Inconsciemment, l’auditoire n’établit pas de lien entre l’événement raconté et le locuteur. Cela permet de se dédouaner d’un cahier des charges trop lourd et d’une échéance trop précise. Une seule ligne de conduite pour le manipulateur : être flou, rester généraliste et distancié dans son discours.

    Cet usage va très souvent de pair avec l’utilisation pléthorique de l’infinitif. Le temps et le sujet sont ainsi inhibés, ne reste que l’approximation d’une action à mener par un groupuscule faussement défini. Que pensez-vous de cette citation : « Il y a eu manifestement une erreur d’appréciation […]. La durée de la réa-lisation et d’obtention d’autorisation des délais est beaucoup trop

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    longue sur ce type d’équipement […]. Il faut encore que les choses mûrissent pour aboutir à une solution pérenne et durable. […] L’idée, c’est de ne pas traîner, il faudra être au clair avant la fin de l’année sur les solutions » ? Elle a été prononcée par Ségolène Royal à propos du barrage de Sivens. Voyez comme la tournure impersonnelle permet de n’offenser personne et de rester flou quant au planning et aux modalités d’action.

    Le manipulateur sait qu’il peut aller plus loin. Il combine souvent cette technique avec celle de la nominalisation. Magicien d’un jour, il transforme les verbes en noms ! Souvent utilisée par les médias dans des formules-chocs, la nominalisa-tion entretient la confusion sur l’identité des acteurs : le sujet qui réalise l’action disparaît instantanément. Parler de « baisse des impôts » est plus rapide, plus simple et moins contraignant que de rentrer dans les détails du « qui ? fait quoi ? pour qui ? ». À l’inverse, une phrase verbale comme « François Hollande promet une baisse d’impôt en 2016 pour 8 millions de foyers » permet d’identifier clairement le président comme le sujet de l’action, et donne une idée précise de la situation et des bénéficiaires, fût-ce une promesse en passant…

    Enfin, si les choses ne s’arrangent toujours pas, le manipu-lateur sort de sa botte secrète une dernière technique. C’est ce qu’on appelle la désagentivité en linguistique. Le manipula-teur favorise les tournures passives, en omettant le complément d’agent. Dans la phrase « La souris a été mangée », on n’évoque pas précisément par qui. Ainsi, le chat n’est présent que de manière implicite et suggérée. Il est éloigné de son action.

  • tab l e Des mati ères 159

    ■ Votre interlocuteur fait-il corps avec ce qu’il dit ? 81■ Comment questionner un menteur ? 83

    coMMenT rAMener un MAniPulATeur en Zone D ’AuTHenTiciTÉ ?■ Être authentique, ça veut dire quoi ? 88■ Êtes-vous certain que l’on vous ment ? 91■ Et le rôle de celui qui écoute, alors ? 94■ Peut-on comprendre un manipulateur ? 97■ À quel type de manipulateur avez-vous affaire ? 101

    ces MAniPulATeurs Qui enDorMenTles Foules…■ Les mots ont-ils un pouvoir ? 108■ Les mots agissent-ils sur notre réalité ? 111■ Le corps est-il une arme ? 114■ Comment masquent-ils la réalité ? 118■ Pourquoi nous racontent-ils des histoires ? 122■ Déformer, est-ce mentir ? 125■ Pourquoi nous parle-t-on

    comme si nous étions stupides ? 128■ La langue de bois est-elle l’outil ultime de la domination ? 131■ À quel type de langue de bois vous frottez-vous ? 134■ Quelle est la posture à adopter ? 139

    ÉPiloGue■ La fin de la politique à papa ! 144

    ■ Bibliographie 149■ Index 153■ Remerciements 157

  • PréfaceIntroductionLes arguments et les mots du manipulateurComment diminue-t-il sa part de responsabilité