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Publié par : Published by : Publicación de la : Faculté des sciences de l’administration Université Laval Québec (Québec) Canada G1K 7P4 Tél. Ph. Tel. : (418) 656-3644 Fax : (418) 656-7047 Édition électronique : Electronic publishing : Edición electrónica : Aline Guimont Vice-décanat - Recherche et partenariats Faculté des sciences de l’administration Disponible sur Internet : Available on Internet Disponible por Internet : http ://www.fsa.ulaval.ca/rd [email protected] DOCUMENT DE TRAVAIL 2003-040 LA PRIVATISATION DES ENTREPRISES PUBLIQUES EN AFRIQUE AU SUD DU SAHARA : REMÈDE MAGIQUE DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE OU FÉTICHISME NÉOLIBÉRAL MODERNE? DILEMMES, PERSPECTIVES ET EFFICACITÉ D’UNE POLITIQUE ÉCONOMIQUE QUI PEINE À RETROUVER SON CHEMIN DE DAMAS Hachimi Sanni Yaya Version originale : Original manuscript : Version original : ISBN 2-89524-190-2 Série électronique mise à jour : On-line publication updated : Seria electrónica, puesta al dia 12-2003

DOCUMENT DE TRAVAIL 2003-040 - Université Laval · la privatisation des entreprises publiques en afrique au sud du sahara : remÈde magique de politique economique ou fetichisme

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Faculté des sciences de l’administration Université Laval Québec (Québec) Canada G1K 7P4 Tél. Ph. Tel. : (418) 656-3644 Fax : (418) 656-7047

Édition électronique : Electronic publishing : Edición electrónica :

Aline Guimont Vice-décanat - Recherche et partenariats Faculté des sciences de l’administration

Disponible sur Internet : Available on Internet Disponible por Internet :

http ://www.fsa.ulaval.ca/rd [email protected]

DOCUMENT DE TRAVAIL 2003-040

LA PRIVATISATION DES ENTREPRISES PUBLIQUES EN AFRIQUE AU SUD DU SAHARA : REMÈDE MAGIQUE DE

POLITIQUE ÉCONOMIQUE OU FÉTICHISME NÉOLIBÉRAL MODERNE? DILEMMES, PERSPECTIVES ET EFFICACITÉ

D’UNE POLITIQUE ÉCONOMIQUE QUI PEINE À RETROUVER SON CHEMIN DE DAMAS

Hachimi Sanni Yaya

Version originale : Original manuscript : Version original :

ISBN – 2-89524-190-2

Série électronique mise à jour : On-line publication updated : Seria electrónica, puesta al dia

12-2003

LA PRIVATISATION DES ENTREPRISES PUBLIQUES EN AFRIQUE AU SUD DU SAHARA :

REMÈDE MAGIQUE DE POLITIQUE ECONOMIQUE OU FETICHISME NEOLIBERAL

MODERNE ? DILEMMES, PERSPECTIVES ET EFFICACITE D’UNE

POLITIQUE ECONOMIQUE QUI PEINE À RETROUVER

SON CHEMIN DE DAMAS

Hachimi Sanni Yaya

1, M.Sc.

Département de Management

Faculté des sciences de l’administration

Université Laval

Québec, Canada

G1K 7P4

[email protected]

1 L’auteur est chargé de cours au département de management de la Faculté des sciences de l’administration de

l’Université Laval et à l’École nationale d’administration publique (ENAP). Il complète actuellement un Ph.D. au

programme conjoint de doctorat en administration de Montréal (CONCORDIA, HEC, MCGILL, UQÀM).

2

RÉSUMÉ

« Tout physicien et même tout écolier du primaire sait qu’un mobile qui se meut,

trouve en lui-même, par les frottements qu’il engendre, les propres limites de son

mouvement », et le phénomène de la privatisation des entreprises publiques en

Afrique au sud du Sahara n’échappe pas aujourd’hui à cette logique. Si les

théoriciens néo-libéraux et les thuriféraires de l’entreprise privée ont longtemps

dénoncé cette machine bureaucratique au fonctionnement inefficace, lourd et lent

qui caractérise les organisations publiques, il y a lieu de se demander, après

plusieurs querelles de chapelles, si les critiques des entreprises publiques ne sont

parfois pas fondées sur des « fautes de logique ».

S’il est vrai que les entreprises publiques en Afrique apparaissent parfois comme

ces organisations schizophrènes qui inhibent leurs possibilités de développement et

de dynamique endogène, d’où l’impérieuse nécessité de les réformer, il faut

également admettre que la privatisation peut parfois s’avérer la pire des solutions,

surtout dans le contexte africain, à la lumière des échecs des expériences passées.

Cet article suggère qu’il est important voire fondamental de dépasser ces

considérations qui sont de l’ordre des paradigmes, et qui visent à opposer les

secteurs public et privé, alors qu’on devrait plutôt les examiner dans une

dynamique de partenariat et de collaboration, en utilisant les atouts de l’un et en

cultivant les spécificités de l’autre, et en utilisant au mieux la compétence de

chacune des parties, afin de répartir les risques et de partager les bénéfices

communs dans le dessein de faire efficacement face aux exigences d’un

environnement de plus en plus complexe et en perpétuelle mutation.

3

INTRODUCTION

Aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire de l’humanité, l’État a

toujours été présent dans l’esprit des penseurs tant classiques que modernes,

et des théoriciens, qu’ils soient philosophes, sociologues ou économistes. Ainsi,

de Rousseau à Hobbes, en passant par Weber, Marx, Nietzsche, ou encore

Saint-Augustin, Engels, Platon, Machiavel, et plus récemment Smith, Keynes et

j’en oublie, de nombreux auteurs se sont questionnés sur la légitimité de l’État,

tant sur le plan social, politique qu’économique. Ainsi, au cours de notre longue

histoire, depuis la Grèce antique jusqu’à l’époque contemporaine, l’État a

revêtu, tel l’habit d’arlequin, des formes diverses: État-entrepreneur, État-

nation, État-providence pour les uns, État théocratique, assuranciel,

interventionniste, totalitaire, néo-libéral, socialiste, communiste ou

démocratique pour les autres, bref chacun au regard de ses valeurs, de ses

convictions propres et de sa vision de la société et du monde, essaie de se

rattacher à une croyance ou à une idéologie.

En fait, au cours des dernières décennies, plus que dans la sphère politique ou

sociale, on s’est énormément interrogé sur la légitimité de l’État dans le

domaine économique (Crozier, 1964 ; 1967). Ainsi, l’État ne serait pas

seulement cette abstraction chargée de maintenir l'ordre, de faire respecter les

lois et d'administrer les affaires publiques. Au-delà de la supposée moralité

objective qu’elle incarnerait (Hegel, 1938), il jouerait également un rôle

important dans le jeu économique.

Les années 80 ont particulièrement été marquées en Afrique par une vague de

privatisations et de restructurations sans précédent qui ont conduit comme

dans nombre de pays et à l’échelle planétaire, à une mutation profonde du rôle

4

économique de l’État. La privatisation des entreprises publiques constitue un

sujet qui à travers différents courants et écoles de pensée, aura marqué d’une

forte empreinte l’histoire de la théorie économique moderne. Au rang des

réflexions théoriques, les libéraux ont cherché à « démocratiser » l’économie et

tenté de démontrer en quoi l’entreprise privée est plus performante que

l’entreprise publique, en raison notamment de son système d’intéressement et

de contrôle efficace et moins coûteux, et de son autonomie de gestion. Les

néoclassiques quant à eux ont volontiers examiné la question en justifiant

l’interventionnisme étatique dans la dynamique économique et en invoquant la

nécessité de l’entreprise publique comme un palliatif aux déficiences et aux

carences du marché (Chaurreaux, 1991 ; Dia, 1992 ; Jones, 1982).

Au cours de la seconde moitié du siècle, les débats théoriques sur les

fondements de la privatisation et de la désétatisation ont resurgi avec acuité. Ils

n’ont cessé depuis, d’agiter tant les milieux scientifiques, institutionnels que

gouvernementaux et ont contribué à l’ouverture de nouveau champs de

recherche, dans le domaine économique bien sûr, mais également dans les

domaines juridique, politique et managérial. Depuis plusieurs années, les

politiques de restructuration des entreprises publiques mises en œuvre par les

pouvoirs publics ont consisté à désengager l’État de la gestion de ces

entreprises et à adopter des mécanismes devant aboutir à promouvoir

l’autonomie et la qualité de la gestion des entreprises publiques économiques

(Drumaux, 1988).

En réalité, la véritable question qui caractérise aujourd’hui autant la

problématique de la privatisation que celle de la désétatisation est la suivante :

qui du secteur privé ou du secteur public parviendra à mieux satisfaire les

exigences de plus en plus croissants du grand public qui réclame de plus en

plus une meilleure qualité de produits et services ? À cette époque caractérisée

5

par l’ambiguïté et l’interdépendance, tous se font prudents : personne ne prône

ni une privatisation aveugle ou à grande échelle, ni un monopolisme étatique

débridé (Nellis, 1986 ; Paré, 1998).

Et pourtant, les pays d’Afrique semblent évoluer hors de cette logique car on

assiste partout et ce, depuis les dernières décennies, à une vague massive de

privatisations (sous l’impulsion des programmes d’ajustement structurel et des

institutions financières internationales de Bretton Woods), privatisations qui

touchent d’ailleurs aujourd’hui de plus en plus certains secteurs dits

stratégiques (télécommunications, énergie, etc.).

Les réalisations effectives de transferts de propriété du secteur public au

secteur privé en Afrique Subsaharienne varient d’un pays à l’autre, et chaque

entreprise publique est un cas particulier et chaque cas soulève des problèmes

spécifiques liés au secteur auquel il appartient, à la structure du marché et aux

objectifs politiques sous-jacents à l’action économique de l’État. Les résultats

de ces programmes de privatisations se présentent par ailleurs sous un double

aspect : il y a des pays qui semblent réaliser quelques infimes progrès, et

d’autres (la majorité), qui ont du mal à réaliser convenablement les opérations

de transfert des entreprises publiques au secteur privé (Silva Lopes, 1993).

Mais à défaut de dresser un bilan et un audit complets des programmes de

privatisations en Afrique, quelques constats cependant s’imposent : les

bénéfices et les réalisations effectives des transferts de propriété du secteur

public au secteur privé en Afrique semblent plutôt mitigés et il apparaît à

première vue, assez clairement que les privatisations en Afrique Subsaharienne

ne donnent (du moins pour l’instant) que des résultats très limités, notamment

au plan micro-économique.

6

Selon plusieurs auteurs, il ne fait aujourd’hui l’ombre d’aucun doute que la

privatisation en Afrique Subsaharienne est en panne, sa mise en œuvre en

crise, et sa pertinence, parfois objet de doute tel que semblent le confirmer

maintes observations et analyses issues de nombreuses recherches sur la

question (Rhomari, 1989 ; Pestieau, 1992). Après près de deux décennies de

privatisation en Afrique, il est peut-être temps de se demander si l’Afrique

subsaharienne a-t-elle pour autant retrouvé son chemin de damas, afin de

réaliser le rêve tant caressé de faire partie du concert des nations ?

L’objectif de cet article est double : d’une part, il vise à démontrer que la

propriété publique ne mène pas nécessairement à l’inefficacité, et que, n’en

déplaise aux allégations théoriques qui affirment la supériorité institutionnelle

des entreprises privées sur les entreprises publiques, la privatisation dans le

contexte africain, ne peut et ne devrait en aucun cas être considérée comme

une fin en soi.

En effet, grâce à des politiques micro-économiques judicieuses et à des

stratégies adaptées, la performance des entreprises publiques peut faire l’objet

d’une amélioration significative, alors qu’une privatisation appliquée à

l’aveuglette et à grande échelle, sans un choix responsable préalable et

pertinent des «privatisables», peut mener à un pis-aller ou à des conséquences

sociales et économiques épouvantables, comme ce fût le cas dans certains pays

de l’Amérique Latine, comme l’Argentine et le Vénézuela.

D’autre part, les présupposés théoriques qui justifient les privatisations en

Afrique nous apparaissent fondées sur des « fautes de logique » car la

comparaison public-privé (souvent anodine a priori) peut paraître tronquée

voire aberrante, d’autant plus que les deux entités (entreprises publiques et

7

privées) dans leur nature intrinsèque, sont distinctes et ne poursuivent pas

toujours les mêmes objectifs.

1. LA PRIVATISATION DES ENTREPRISES PUBLIQUES EN AFRIQUE

SUBSAHARIENNE : PERSPECTIVES ET DILEMMES

En tant que volet clé des réformes imposées dans le cadre des Programmes

d’Ajustement Structurel (PAS) par les institutions financières internationales de

Brettons Woods (Banque Mondiale et Fonds Monétaire International), il est utile

de rappeler que la privatisation des entreprises publiques en Afrique au Sud du

Sahara repose sur l’idée selon laquelle une structure étatique trop étendue

dénature le développement et que les entreprises publiques ont lamentablement

échoué dans leur effort à générer des profits qui puissent être réinvestis dans

la collectivité, et qu’elles ont par surcroît créé un énorme déficit budgétaire

insoutenable pour les finances publiques (Munkandala, 1992 ; Nakoulma, 2000).

La privatisation devrait donc permettre de rentabiliser les entreprises d’État en

les exposant aux lois et à la discipline du marché. En moins de quelques

décennies, le rôle et la place de l’État se sont beaucoup amoindris en Afrique,

et la planification économique a été abandonnée au profit de la « main invisible

du marché » pour réglementer l’économie. Nombre de pays sont alors

rapidement passés, presque sans transition véritable, d’un système socialiste à

un système capitaliste.

Dès lors, l’accent est désormais mis sur les effets bénéfiques de la privatisation

à travers la vente des biens de l’État à des investisseurs privés et étrangers.

« Moins d’État, et mieux d’État », prédisaient certains !

8

Le contexte dans lequel se sont déroulés les privatisations en Afrique est

révélateur à plus d’un titre, des diverses difficultés qu’éprouvent les

privatisations aujourd’hui dans le vieux continent. En effet, l’ampleur des

problèmes économiques que vivent plusieurs pays en Afrique au Sud du Sahara

et la forte pression des problèmes souvent urgents ont contraint nombre de

pays à n’adopter qu’une vision obtuse et souvent surréaliste des aspects

économico-financiers des programmes de privatisation (Morin, 1993).

À court de ressources financières, plusieurs États n’avaient guère de marge de

manœuvre face à certaines exigences qui se font sentir de plus en plus

pressantes. Dans ces conditions, la seule alternative, fortement encouragée

d’ailleurs par les bailleurs de fonds, est la privatisation, qui devrait leur

permettre soit de bénéficier de nouveaux rééchelonnements de dettes, ou de

nouvelles aides financières (Ndir, 1996 ; Nellis, 1998).

Les privatisations certes, peuvent favoriser un regain de l’économie et

constituer dans certaines conditions, un effet d’entraînement pour la

dynamisation du secteur privé, et par conséquent, stimuler le développement.

Malheureusement, le mouvement des privatisations en Afrique semble avoir été

abordé avec empressement, et sans véritable planification intégrée dans un

cadre macro et micro-économiques de développement, et sans une prise en

compte des capacités réelles d’absorption du secteur privé.

L’histoire de privatisation en Afrique révèle une approche privilégiant des

problèmes de court terme liés à des tensions sur les finances publiques, que

des problèmes de nature structurelle débouchant sur une réelle stratégie de

recomposition de pôles de développement et de la formation d’un véritable

capital productif. Or, une meilleure approche devrait prendre en considération

9

les différents traits des « privatisables » aux plans micro-économique, sectoriel

et macro-économique.

Si les applications des programmes de privatisation en Afrique Subsaharienne

sont aujourd’hui nombreuses et très variées, il faut dire que les résultats

enregistrés par les entreprises privatisées eux, restent très limités, au regard

de l’importance et de l’envergure des problèmes économiques immédiats et des

objectifs à moyen et long termes relatifs à une structuration adéquate des

appareils de production des dites entreprises.

Les diverses approches de privatisation mises en œuvre dans plusieurs pays

manquent de cohérence et souffrent pour la plupart d’une absence d’approche

planifiée au sens d’une gestion micro-économique de tous les aspects et des

effets complexes induits, tant en amont qu’en aval du processus de

décongestionnement du secteur économique de l’État, et de la revitalisation du

secteur privé. Cette situation laisse apparaître dans bien de cas, une situation

de désordre et de chaos venant s’ajouter encore à une situation économique

déjà fortement perturbée (Paré, 1998).

Les travaux entrepris sur les privatisations en Afrique révèlent que l’acuité des

problèmes économiques a un effet inhibiteur sur les résultats obtenus. En

marge des préoccupations majeures des planificateurs, la privatisation

s’apparente à un épiphénomène et, n’a de ce fait, qu’une influence limitée sur

les programmes et objectifs globaux de développement (Plane, 1996). En outre,

l’absence d’un cadre analytique préalable des privatisations et de ses effets sur

la performance des entreprises publiques a certainement été une erreur qui a

jeté le pavé dans la marre de cette approche.

10

Mais relativisions nos propos : les tensions sur les finances publiques de

plusieurs pays en Afrique, dues aux énormes déficits budgétaires qui sont

d’ailleurs financés par d’importantes dettes extérieures compromettent

considérablement les politiques de développement des gouvernements

subsahariens. Il est clair que cette situation ne peut pas perdurer, et il est

impérieux pour les gouvernements, d’assainir, dans un délai raisonnable, les

finances publiques à travers une nouvelle politique économique. Mais la

question qu’il convient de poser est de se demander, à la lumière du contexte

économique, sociopolitique et institutionnel de plusieurs pays en Afrique au Sud

du Sahara, si une telle politique devra-t-elle nécessairement toujours passer

par la privatisation ?

La privatisation doit être de notre point de vue envisagée comme un moyen et

jamais comme une fin. Elle pourrait améliorer certes les conditions

d’exploitation des entreprises publiques, et parer et la déconfiture de certaines

entreprises, en brisant tant les inerties managériales qui prévalent dans les

organisations publiques, dans le marché et dans l’environnement institutionnel,

et en gommant l’inefficience-x à tous les niveaux du système productif de

l’État (Prokopenko, 1995).

Cependant, une telle « démocratisation » ou libéralisation de l’économie

comporte ses limites. Il ne faut surtout pas perdre de vue que les entreprises

publiques en Afrique sont nécessaires pour réorienter l’activité économique,

afin de protéger les entreprises locales contre les puissants monopoles

internationaux, et redéfinir ainsi la position économique de l’Afrique

subsaharienne au sein de l’économie mondiale. Les entreprises publiques ont

des objectifs autres que celui du profit à tout prix et doivent régler des

problèmes sociaux et économiques spécifiques et dans le contexte africain, il

11

s’agit là d’un rôle capital, prépondérant, voire incontournable (Plane, 1996 ;

Mercier, 2002).

2. UNE PLACE POUR LA PROPRIETE PUBLIQUE EN AFRIQUE

SUBSAHARIENNE

Le mythe qui veut que le désengagement total de l’État de l’économie simule le

développement ne repose que sur du sable mouvant car même si les situations

géopolitiques et économiques sont relativement différentes, il y a peut-être

encore lieu de rappeler que certains pays comme le Japon et la Corée du Sud

ont bâti leur succès économiques sur le rôle actif de l’État dans l’économie.

La question qui se pose alors est de savoir si l’Afrique Subsaharienne est

suffisamment prête et bien préparée pour supporter les conséquences socio-

économiques et politiques de ses choix en matière de privatisation. La

mauvaise redistribution des richesses provenant des privatisations par les

monopoles privés étrangers, la privatisation de certains secteurs vitaux et

stratégiques de l’économie nationale, la relative dépendance vis-à-vis du

capital étranger, le mauvais choix des privatisables, la suppression de certains

services publics, la distribution équitable des revenus et la capacité des

pauvres à y participer sont autant de difficultés et de problèmes que posent les

privatisations en Afrique subsaharienne (Rhomari, 1989 ; Ravi, 1999).

D’ailleurs, dans un récent rapport, la Commission Économique des Nations

Unies pour l’Afrique allègue que la plupart des privatisations entreprises dans

les pays d’Afrique subsaharienne dans le cadre du PAS (Programme

d’Ajustement Structurel) ont entraîné d’importants coûts sociaux et humains2.

2 ECA (1999). The Challenge of Poverty Reduction and Sustainablity. UN Publications, New York, March.

12

Mais a lieu de privatiser automatiquement toutes les entreprises publiques non

performantes, l’État en Afrique ne devrait-il pas songer à moderniser et

réformer certaines d’entres-elles ? La question mérite d’être posée parce que

de récentes recherches entreprises sur les performances comparées du public

et du privé dans certains pays comme le Kenya ou l’Ouganda, la Tanzanie et

l’Éthiopie démontrent que la propriété publique ne mène pas nécessairement à

l’inefficacité, et que dans certains cas, les performances des entreprises

publiques peuvent même être comparables voire supérieures à certaines

entreprises privées.

À l’ère de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « New Public

Management », nous pensons qu’il est possible de faire le pari d’une meilleure

gestion publique en Afrique, qui ne se déroule pas nécessairement sous

l’auspice de la privatisation.

Réformer le secteur public reviendrait donc à clarifier les objectifs des

entreprises publiques, et mettre en place, des méthodes de gestion similaires à

celles que l’on retrouve dans la firme privée. Une telle réforme suppose une

décentralisation des pouvoirs, une réduction des mauvaises influences

politiques et par conséquent une plus grande autonomie aux gestionnaires, une

sélection des managers sur la base de critères stricts et de compétences

démontrées, et une réduction des cercles vicieux bureaucratiques (Lavergue,

1998).

Cette modernisation des entreprises publiques pourtant nécessaire pourrait se

résumer selon Wright (1998) à travers ces lignes : « […] une précision claire

des objectifs des entreprises propriété de l’État, qui puisse être traduite dans

des buts quantifiables et contrôlables, une autonomie suffisante accordée aux

gestionnaires pour réaliser les objectifs et être tenus responsables des

13

résultats, une sélection des gestionnaires compétents et une responsabilisation

des gestionnaires quant à leurs résultats ».

Axer la gestion publique sur les résultats, y développer des réflexes de

flexibilité et d’acceptation de la nouveauté, opérer une distinction nette entre

aspects de la politique stratégique et ceux de la politique opérationnelle dans le

champ de l’administration publique ne pourrait que renforcer la capacité

d’action des entreprises publiques, en leur permettant d’être à la fois efficace

sur le plan économique, et sur le plan sociétal.

En définitive, nous pensons de notre point de vue, qu’en matière de politique

économique, il faut dépasser ces questions qui sont de l’ordre des paradigmes

et des idéologies. En fait, il ne s’agit surtout pas d’évoquer le bien-fondé de la

privatisation en essayant de démontrer en quoi le privé est l’arène de

l’efficacité et de la performance, et le public, le lieu de l’inefficience, de la

lourdeur et de la désuétude. Ce culte néolibéral qui vise à faire de la

privatisation en Afrique, l’unique instrument de développement micro et macro-

économique nous semble un leurre. La réalité et l’expérience des privatisations

aujourd’hui nous plonge dans une situation où il y a souvent plus de gris, que de

noir ou blanc.

3. UNE NECESSAIRE REFORME DES ENTREPRISES PUBLIQUES EN AFRIQUE

SUBSAHARIENNE

En dépit du fait que certaines critiques des entreprises publiques en Afrique

apparaissent aujourd’hui davantage comme le précise si bien Mercier (2002)

comme un « jeu intellectuel de salon qui permet à certains convives de briller

par le caractère absolu de leurs discours », nous pensons qu’il est nécessaire

voire impérieux de réformer les entreprises publiques en Afrique.

14

La part véritable des entreprises publiques dans la détérioration de certains

agrégats tels le PIB, l’endettement extérieur, la balance des paiements, les

finances publiques constituent une preuve des limites des modèles

interventionnistes à outrage qui ont jadis marqué les politiques publiques des

pays concernés.

L’analyse des organisations publiques en Afrique tend à montrer que leur

inefficience est en partie liée aux comportements de ses agents, un

comportement maintes fois décrié par plusieurs auteurs et s’apparentant à

celles de féodalités administratives constituées ou des retraités de vacances, et

le secteur public en Afrique devra redorer son blason et cesser d’être le lieu où

règnent l’incompétence, la corruption, la mauvaise gouvernance et

l’insouciance. D’ailleurs, le portrait que dresse de Senarclens (1998) est peu

reluisant : « […] dans plusieurs pays de l’Afrique Subsaharienne, l’accès aux

ressources et leur partage s’inscrivent dans un environnement politique de

violence et d’oppression, s’apparentant souvent à une activité guerrière. Le

pouvoir, celui que confère l’État, est un butin qui se partage en fonction de

liens clientélistes et ethniques. Les biens essentiels sont désormais hors de

portée de la majorité de la population. Les exigences d’ajustement structurel de

la Banque Mondiale n’ont pas amélioré ces conditions »3.

En considérant l’analyse des courants issus de l’école classique qui développe

une approche moniste de l’entreprise, c’est-à-dire l’entreprise comme une

unité identifiée à la personne de l’entrepreneur (propriétaire) ou à son

représentant (directeur général ou manager), il conviendrait d’admettre dans ce

cas, que les performances de l’organisation dépendent de l’entrepreneur, c’est-

à-dire de la capacité de celui-ci à combiner judicieusement les facteurs

3 “Gouvernance et crise des mécanismes de régulation internationale”. Revue internationale des sciences

sociales, no 155, p.99

15

nécessaires transformables en output optimal. En poursuivant la maximisation

de plusieurs objectifs (à la fois économique, social, politique, de défenses des

intérêts particularistes et ethniques), parfois contradictoires, les entreprises

publiques en Afrique sont si désorientées que les salariés développement

(consciemment ou inconsciemment) des attitudes négatives dans leur travail.

Le comportement de l’État-entrepreneur diffère donc de celui de l’opérateur

privé, et la différence entre secteur public et secteur privé, devrait d’abord être

appréhendée de notre point de vue, par cette différence comportementale. La

multiplicité des objectifs contradictoires nuit à l’efficacité de l’entreprise car la

dispersion des efforts des acteurs sur les buts accessoires induit des attitudes

économiquement inefficientes qui pénalisent les performances de l’entreprise

(Ansoff, 1981 ; Nakoulma, 2000).

Détenteur du monopole des pouvoirs politique et économique, l’État-

entrepreneur en Afrique ne fait pas preuve de cohérence en matière d’objectifs

assignés aux organisations publiques, et de ce fait, ne peut avoir un

comportement d’entrepreneur au sens réel du mot. La conséquence logique de

cet fait est que les agents des entreprises publiques ne se comportement pas

comme des employés d’une entreprise privée, et prennent des décisions en

fonction des volontés politiques, l’organisation publique étant devenue le lieu où

se jouent les stratégies des clientèles du pouvoir central.

Que ce soit au sein des industries occupant des positions monopolistiques

confisquées (eau, énergie, télécommunications, manufactures, corps gras,

cimenteries …), il y a manifestement inefficience-x au niveau des

comportements des agents, ce qui génère d’importants suppléments des coûts

nuisibles à la rentabilité des entreprises publiques. D’ailleurs, les facteurs

explicatifs de l’inefficience des organisations publiques ont été examinées à

16

maintes reprises et indiquent des insuffisances liées à l’environnement dans

lequel celles-ci évoluent et à leurs structures internes4.

Figure 1 : Facteurs de l’environnement, structures et processus internes des entreprises publiques en Afrique

Source : construit et adapté à partir de : Gortner, H. F., Mahler, J. & Nicholson, J. B. (1993). La gestion des

organisations publiques, traduit et adapté par Alain Dumas et Daniel Maltais, Presses de l’Université du Québec, p.

25

4 Cette problématique d’ailleurs été abordée par nous dans un article publié sur la question et intitulé : « Rationalité

politique et management de la complexité : Essai d’un modèle explicatif de l’inefficience des entreprises publiques

», Faculté des sciences de l’administration, Université Laval, document de travail 2003-035, ISBN – 2-89524-

185-6, 30 pages.

17

Les décisions définies par les objectifs d’une entreprises sont généralement au

nombre de trois : les décisions stratégiques, les décisions administratives et les

décisions opérationnelles, chacune de ces catégories de décisions ayant sa

propre rationalité (Ansoff, 1981). Mais pour que ces décisions soient efficaces,

il faudrait que leurs mécanismes d’élaboration soient efficients, ce qui implique

des choix optimaux ou au moins satisfaisants. Or, il est permis de constater

qu’on est assez loin de retrouver une telle démarche rationnelle dans les

entreprises publiques en Afrique Subsaharienne.

L’efficacité d’une entreprise donnée est fonction de la conjonction de

l’efficience technique, de l’efficience économique et de l’efficience des

comportements. Dans les organisations publiques, c’est d’abord et avant tout

les comportements inefficients des acteurs qui empêchent la réalisation de la

combinaison optimale des facteurs correspondant à l’efficacité. Les propos de

Diakité (1986) qui suivent illustrent d’ailleurs à plus d’un titre cet état de chose:

« Aucun État au monde, si bien doté par la nature fût-il, ne peut aller de l’avant, réaliser un progrès social et économique conséquent si ses agents ont le comportement que l’on note actuellement dans tous les pays d’Afrique noire : absentéisme, inconscience, forte propension à la corruption, manque d’ordre et d’esprit de méthode et pillage systématique de tout ce qui appartient à l’État. En Afrique, la chose la plus mal gérée est ce qui est collectif, ce qui appartient à l’État. Les entreprises et sociétés d’État connaissent presque partout une carence congénitale, d’où, dans la plupart de ces pays y compris, et surtout, ceux qui ont été à un moment donné de leur histoire enflammés par le virus socialiste ou la vogue socialisante et progressiste, un retour à la privatisation »5.

5 Diakite, T. (1986). L’Afrique Malade d’Elle-Même. Éditions Karthala, p. 85

18

À cela, il faut ajouter dans les entreprises publiques une structure

organisationnelle inefficiente due notamment à la conjonction de la structure

administrative et des interférences extérieures. L’hypertrophie administrative

se caractérise par la concentration d’un nombre exagéré de fonctionnaires et

d’anciens responsables politiques au sein de l’appareil étatique, ce qui crée très

souvent des situations conflictuelles déstabilisantes pour l’entreprise car s’y

posent souvent des problèmes de légitimité de pouvoirs de décision et

d’incohérence entre les services.

Cette concentration d’agents (économiquement inutiles) pour les entreprises

publiques favorise la transposition de normes et de valeurs qui viennent altérer

la configuration structurelle de l’entreprise, empêchant ainsi celle-ci de faire

convenablement face aux exigences de la production.

Il existe cinq configurations structurelles (ces typologies seront complétées en

quelques années plus tard par deux autres6) possibles au sein d’une

organisation : la structure simple, la structure mécaniste, la bureaucratie

professionnelle, la forme divisionnalisée et l’adhocratie (Mintzbeg, 1986). En

règle générale, la configuration structurelle des entreprises publiques en

Afrique s’apparente de la bureaucratie mécaniste, une structure qui subit de

fortes influences extérieures, qu’elles soient politiques (à la fois individuelles et

collectives), ethniques (exercés par des membres influents) ou socioculturelles

(relevant de pesanteurs socioculturelles de l’environnement).

6 Pour plus de détails, voir Minztberg, H. (1991). « The Effective Organization: Forces and Forms ». Sloan Management Review, 32, 2, Boston.

19

Au cours des dernières décennies, l’idée selon laquelle si les organisations

publiques ne poursuivent pas nécessairement des objectifs de profits, et que

leur mission est davantage sociale qu’économique, on pourrait mesurer leur

performance par le « bénéfice public »7 qu’elles génèrent ou par leur « utilité

sociale » a suscité beaucoup d’attention. L’utilité sociale de l’entreprise

publique peut être définie comme étant la somme de la valeur ajoutée, du

surplus du consommateur et du solde net des économies et déséconomies

externes.

Or l’utilité sociale des entreprises publiques aujourd’hui en Afrique est

relativement très faible car non seulement elles ne sont pas rentables, mais

induisent des surcoûts de production à chaque phase du processus de

transformation des inputs. En outre, beaucoup d’entre-elles sont

structurellement déficitaires au point que nombre d’acteurs sociaux et

économiques se retrouvent durement pénalisés : retards des paiements de

salaires, difficultés de renouvellement des actifs obsolètes, insatisfaction des

consommateurs (prix élevés, mauvaise qualité des produits, pénurie …) et

difficulté grandissante de l’État actionnaire à faire face à ses obligations.

L’affaiblissement de la capacité d’intervention des États et de leurs

administratives publiques est venu renforcer le néolibéralisme, comme le fait

remarquer de Senarclens (1998) :

« […] L’échec de l’État-développementaliste en Amérique latine et en Afrique, avec ses dérives autoritaires, sa corruption, son incompétence, son endettement abusif, est venu conforter ce néolibéralisme. Le FMI et la Banque Mondiale, soutenus par les grandes puissances économiques, ont encouragé la mise en œuvre de programmes d’ajustement structurel d’inspiration très libérale. Les travaux sur la gouvernance ont également été encouragés par

7 L’idée de bénéfice public est préconisée par la Banque Mondiale, et repose sur l’idée que l’évaluation des

performances de l’entreprise publique est à mener en considérant explicitement ses missions à caractère social.

20

la désillusion qu’inspiraient un peu partout, la lourdeur et l’inefficacité des organisations intergouvernementales, la difficulté de les contrôler. Ils contiennent également une valorisation d’initiatives associées à celles de la société civile, celles provenant en particulier des acteurs économiques. Ces dernières sont considérées comme plus efficaces, moins bureaucratiques, plus sensibles aux exigences du changement »8.

Mais si ce portrait peu reluisant des entreprises publiques en Afrique dépeint

des « entités chaotiques ingouvernables » et des « anarchies organisées » dans

un état comateux très avancé, ou pour reprendre les termes de Wortzel (1989),

des « organisations schizophrènes inhibant leur possibilités de développement

et de dynamique endogène », l’on pourrait alors se demander quelle (s)

alternative (s) s’offre (nt) véritablement aujourd’hui aux États africains pour

sortir les entreprises publiques de leur impasse ? La privatisation est-elle

l’unique et seul moyen pour améliorer les conditions d’exploitation des

entreprises publiques et pour pallier à la déconfiture des secteurs publics

parapublics en Afrique ?

À défaut de suggérer une privatisation à tout prix de toutes les entreprises

publiques en Afrique (la privatisation n’étant plus la meilleure solution et

pouvant même parfois être la pire à la lumière des leçons des expériences

passées), il convient de reconnaître qu’il y a un urgent besoin de compenser

l’inefficience et le déficit managérial caractérisant les entreprises publiques en

Afrique, une nécessité qui s’est d’ailleurs accrue et renforcé dans nombre de

pays à l’échelle planétaire, depuis le traité de Maastricht9.

8 Ibdi, p. 101.

9 Le traité de Maastricht a été signé le 7 février1992 et est entré en vigueur le 1er novembre 1993. Il institue une

Union européenne entre les douze Etats membres (quinze à partir du 1er janvier 1995) et instaure une audition et

une réforme des entreprises publiques.

21

L’inévitable et nécessaire modernisation des entreprises publiques en Afrique

Subsaharienne suppose donc la mise en place de mécanismes de contrôles afin

de permettre à l’organisation d’« être en contrôle ». Le contrôle, au sein d’une

organisation peut être défini comme « […] l’ensemble des éléments qui

contribuent à une conduite ordonnée et efficace des activités dans le respect

des autorisations en vigueur »10.

S’il est une chose que l’on reproche aux entreprises publiques en Afrique, c’est

l’absence de contrôle (interne et externe, a priori et a posteriori) qui

caractérise leur gestion. D’ailleurs selon Crozier (1991), les difficultés

financières et les crises de décision, ainsi que la perte de confiance dans les

entreprises publiques sont essentiellement reliées à l’inadaptation voire à

l’absence d’un système de contrôle public interne et externe, fondé sur les

notions de hiérarchie, de distance et de secret.

La notion de contrôle a longtemps été mal perçue dans le champ de

l’administration publique à cause de sa connotation péjorative et suspicieuse. Et

pourtant, le contrôle répond à un besoin de rationalité, mais aussi et surtout de

transparence et devra être perçu non comme une procédure visant à

rechercher des coupables, mais davantage comme un processus essentiel de

gestion et de régie d’entreprise.

Selon Gortner et al. (1993), « […] le contrôle est une tâche fondamentale dans

toute organisation. Pour atteindre l’efficacité, notamment dans les organisations

complexes, il est en effet essentiel de mettre en place des mécanismes de

contrôle permettant de surveiller et, au besoin, de réorienter les nombreuses

10 Gouvernement du Québec, Conseil du Trésor (2002). « Rapport du groupe de travail sur le programme type de

contrôle de gestion ».

22

activités spécialisées qui s’y déroulent »11. Toutes les organisations mettent en

place des systèmes de contrôle, à travers la structure hiérarchique, les

systèmes comptables, les systèmes d’information et de gestion, l’évaluation du

personnel, l’évaluation des programmes et des politiques … Le système de

contrôle est essentiellement constitué d’un certain nombre de dispositifs qui

permettent les interactions entre le système global et l’extérieur, entre sous-

systèmes (pilotage, opérations, information), et entre modules internes à

chaque sous-système au long de chacune des phases du processus de contrôle

(Bouquin, 2001) .

Chan (1994) dans ses travaux sur l’importance et la nécessité du contrôle dans

les entreprises publiques fait un constat peu élogieux sur le management dans

les organisations publiques, et celui-ci pourrait très bien s’appliquer aux

entreprises publiques en Afrique. En effet, l’auteur fait remarquer que « […]

des milliards de dollars ont été perdus chaque année à travers la fraude, le

gaspillage, l’abus de pouvoir et la mauvaise gestion parmi des centaines

d’entreprises publiques. Ces pertes pourraient être significativement diminuées

par une amélioration du système d’information de gestion, incluant une

amélioration de la coordination des contrôles internes et de la comptabilité

financière »12.

4. DU CONTRÔLE DANS LA GOUVERNANCE DES ORGANISATIONS

PUBLIQUES

Le concept de « gouvernance » revêt plusieurs significations et peut être

entendu de plusieurs manières, tantôt sous sa forme la plus simple, comme « la

manière de gouverner », tantôt sous une forme éthiquement plus connotée,

comme « la manière de bien gouverner ». En fait, la gouvernance peut être

11 Gortner, F. H., Mahler, J. & Nicholson, B. J. (1993). La Gestion des Organisations Publiques. Traduit et adapté

par Alain Dumas et Daniel Maltais, Presses de l’Université du Québec, p. 244 12 Chan, J. L. (1994). « Who Should Control Public Enterprises »? Journal of Management Studies, vol 62, no 18, p.

44

23

considérée comme un ensemble de transactions par lesquelles des règles

collectives sont élaborées, décidées, légitimées, mises en oeuvre et contrôlées

dans une quelconque sphère d’activité (Lamy, 2000).

D’ailleurs, la thématique de la « bonne gouvernance » constitue aujourd’hui un

sujet d’actualité dans nombre de pays en voie de développement et Favoreau

(2000) la décrit comme « un système de gestion et de pilotage du

développement fondé sur des relations partenariales, coopératives et

consensuelles s’instaurant entre une diversité d’acteurs locaux et orienté vers

la réalisation d’objectifs et de stratégies collectifs »13.

Dans une perspective moins holistique, la gouvernance d’entreprise peut être

perçu comme un « mécanisme d’orientation, de contrôle et d’évaluation de

l’entreprise » et elle recouvre l’ensemble des démarches entreprises dans le

champ de l’organisation pour comprendre, analyser et influencer de façon

positive, les décisions stratégiques qui touchent à la répartition et à la

distribution de la valeur créée par l’entreprise.

Le concept de « gouvernance d’entreprise » a beaucoup évolué au fil des

années et s’inscrit aujourd’hui dans une logique visant à améliorer d’une part, la

transparence des informations transmises par l’entreprise, et d’autre part, à

établir un rapport de force équilibré du pouvoir et du contrôle dans la gestion

même de l’organisation. La gouvernance administrative se distingue donc ici de

la gouvernance politique.

13 Favoreau, L. & Troper, M. (2000). Interventionnisme Économique et Pouvoir Local en Europe. Paris, Économica,

p. 92

24

Les programmes de contrôles axés sur la gouvernance des entreprises

publiques permettent en fait aux gestionnaires et aux pouvoirs publics, de se

poser un certain nombre de questions fondamentales qui touchent à la survie

même de l’organisation et sur la façon dont celle-ci s’acquitte de ses

obligations. Ce contrôle peut s’effectuer à trois niveaux et plusieurs éléments

permettent un suivi efficace de cette gouvernance : une clarification des

énoncés de mission, des attentes des clientèles et des résultats visés par

l’entreprise; une précision des compétences et de la performance de

l’entreprise et enfin, un véritable suivi stratégique des activités de

l’organisation et l’instauration d’un système de reddition de comptes des

gestionnaires publics.

5. DU CONTRÔLE DANS LA GESTION DES OPÉRATIONS

La définition la fonction production dans le processus décisionnel de

l'entreprise, la planification, l’organisation et les contrôles relatifs à la gestion

des opérations revêtent une importance fondamentale dans toute organisation,

et cela est d’autant plus vrai pour les entreprises publiques, quelles soient des

entreprises publiques à vocation industrielles ou des entreprises publiques

offrant un service public.

Les grandes décisions stratégiques et tactiques en matière de gestion des

opérations, le choix des produits et des processus, les décisions relatives à la

capacité de l’entreprise et à l’organisation du travail, l’approvisionnement, les

stocks, la production et la logistique, la gestion intégrale de la qualité sont

autant d’aspects qui sont concernés par le contrôle.

25

La gestion des opérations constitue une responsabilité importante. Selon le «

Rapport du groupe de travail sur le programme type de contrôle de gestion »,

les principaux éléments du programme de contrôle concernant la gestion des

opérations sont les suivants : une clarification des objectifs et résultats

attendus; l’élaboration et l’amélioration des processus d’affaires et de la

prestation des services et enfin, le suivi opérationnel et la reddition de comptes

interne.

6. DU CONTRÔLE DANS LA GESTION DES RESSOURCES

La contrôle dans la gestion des ressources (qu’elles soient humaines,

matérielles ou financières) au sein des organisations publiques prend une place

tout aussi importante. La gestion des ressources constitue en effet un rôle

essentiel dans les activités d’une entreprise, et la question est aujourd’hui

d’actualité.

L’importance du rôle des entreprises publiques dans un contexte de ressources

globalement limitées et face à des mutations indispensables, appelle une

appréciation aussi exacte que possible de l’impact effectif des actions engagées

et une gestion aussi efficace et efficiente que possible de celles-ci. Les

principales composantes d’un programme de contrôle concernant la gestion des

ressources sont les suivantes : l’acquisition et gestion des ressources; la

conformité des gestes administratifs avec les lois prescrites, les règlements et

les directives et enfin, la protection des actifs.

Il existe d’autres formes de contrôles à divers niveaux : on distingue les

contrôles de régularité/probité (recherche de détournements, d’actes

frauduleux, tant dans les maniements des fonds que dans les opérations

informatiques; emploi de techniques de vérification par sondage, contrôles

26

inopinés, etc.), des contrôles de régularité/respect des instructions et des

règles (examen des conditions dans lesquelles les services exécutent les

instructions, circulaires, règlements; mise en évidence des difficultés concrètes

d’application, appréciation des écarts entre le droit et le fait, la théorie et la

pratique. Ces contrôles peuvent déboucher sur une injonction de revenir au

respect des règles) et des contrôles de gestion (cette forme de contrôle

administratif va bien plus loin que l’examen du simple respect des règles, et

cherche à répondre à la question suivante : « Tel organisme, tel service sont-

ils bien ou mal gérés » ?).

7. POUR UNE VÉRITABLE GESTION AXÉE SUR LES RÉSULTATS

« […] La gestion axée sur les résultats est une approche à la gestion qui est à la fois globale et basée sur le cycle de vie d'une politique, d'un programme ou d'une initiative. Cette approche intègre la stratégie d'ensemble, les gens, les processus et les mesures pour améliorer la prise de décision ainsi que pour influencer le changement. Elle se concentre sur l'acquisition d'un bon plan (tôt dans le processus) la mise en oeuvre des mesures de rendement, l'apprentissage et l'adaptation ainsi que la reddition des comptes »14.

Fondamentalement, l’introduction d’une culture de gestion axée sur les

résultats dans le champ des entreprises publiques en Afrique devrait permettre

à notre avis, de mettre l’accent sur trois fonctions essentielles de la démarche

managériale à savoir : la planification stratégique, la gestion stratégique et

l’évaluation de la performance des entreprises. Mieux comprendre les résultats

obtenus par chaque entreprise et ajuster les programmes et les pratiques de

celles-ci en conséquence constitue donc la clé de voûte de toute gestion axée

sur les résultats. Cette philosophie devrait permettre aux entreprises publiques

14 Gouvernement du Canada, Agence Canadienne pour le Développement International (2002). « La gestion axée

sur les résultats » [En Ligne]

http://www.acdicida.gc.ca/cida_ind.nsf/0/9BA5C3550DCB3FEC85256C360053408B

27

de mieux définir les résultats attendus de façon réaliste, à travers des analyses

appropriées, d’identifier de façon précise, claire et concise les bénéficiaires des

projets, et la mise en place des programmes et politiques qui répondent aux

besoins de la collectivité, le suivi de ceux-ci, à partir d’indicateurs et de

critères, en fonction des ressources engagées, une meilleure gestion des

risques et le développement de l’apprentissage organisationnel à la lumières

des expériences et erreurs du passé et en intégrant tout ceci au processus

décisionnel.

8. LA DIFFICILE MAIS NÉCESSAIRE DÉ-BUREAUCRATISATION DES

ENTREPRISES PUBLIQUES

Le développement de la bureaucratie est historiquement lié au développement

de l’État moderne et des administrations publiques. Max Weber (1864-1920)

apparaît sans doute comme le précurseur de ce modèle théorique qui à

l’origine, était supposé être la forme d’organisation du travail la plus efficace.

De toutes les définitions présentes dans la littérature, celle élaborée par

Levergue (1998) nous paraît plus intéressante et révélatrice du phénomène:

« […] On entend par bureaucratie - notion développée par Max Weber pour décrire un des grands principes d'organisation des sociétés modernes - aussi bien un ensemble hiérarchisé de Fonctionnaires que le pouvoir exercé par ce groupe. On appelle bureaucratisation l'évolution au cours de laquelle les processus de décision bureaucratiques étendent leur emprise sur les individus et les organisations. Une organisation bureaucratique se caractérise par le poids de l'écrit, le partage clair des compétences, une hiérarchie nette, une gestion réglementée, des fonctionnaires professionnels (diplômés), à plein temps, stables et dont le travail n'interfère pas avec la vie privée. Ce modèle imprègne surtout la fonction publique, mais aussi l'administration d'entreprises privées, de fédérations ou de médias […] »15.

15 Lavergue, B. (1998). Pour Une Approche Sociologique de la Bureaucratie. Horald-Breck, Editons Mason, p.88

28

Aussi loin qu’on puisse remonter dans l’histoire des organisations publiques,

surtout au cours des récentes décennies, la bureaucratie à aucun moment n'a

véritablement suscité la sympathie; elle a au contraire, essuyé des critiques de

tous bords. Les entreprises publiques ont longtemps été décriées pour leur

fonctionnement fortement bureaucratique, une bureaucratie caractérisant

habituellement les organisations complexes, de grande taille, souvent âgées et

reposant sur une forte division du travail, une spécialisation des tâches, une

standardisation des procédures, une faible décentralisation et un contrôle

hiérarchique soutenu (Mintzberg, 1990). Les entreprises publiques en Afrique

s’inscrivent très bien dans cette typologie car elles évoluent dans un système

fermé, rencontrent souvent des problèmes d’adaptation et résistent au

changement.

La question qu’il convient donc de se poser est la suivante : les entreprises

publiques africaines pourront-elle se détacher de leur modèle de gestion

bureaucratique fortement qui est ancrée dans la culture organisationnelle de

façon à pouvoir en épouser un nouveau modèle, plus adapté aux besoins des

citoyens et aux exigences de l’environnement et du nouveau contexte ? Ce

système bureaucratique fortement centralisé dans lequel les acteurs

organisationnels qui se trouvent au bas de l’échelle ne sont que de simples

objets d’actions administratives peut-il perdurer ?

La modernisation des entreprises publiques en Afrique doit à notre avis passer

par une dé-bureaucratisation de celles, une dé-bureaucratisation qui

consisterait à alléger la gestion, les structures, les règles et les procédures et à

donner plus de responsabilités aux équipes de travail et à adopter des modes

de contrôle a posteriori et non a priori.

29

9. IMPUTABILITÉ ET REDDITION DES COMPTES

« […] La notion de contrôle est étroitement liée à celle de responsabilité, car les contrôles ont pour but de permettre aux dirigeants et aux gestionnaires de s’acquitter adéquatement de toutes leurs responsabilités. La notion d’imputabilité implique, par ailleurs, qu’il y a obligation de rendre compte, c’est-à-dire de faire rapport »16.

S’il est une chose qui caractérise la gestion des entreprises publiques en

Afrique Subsaharienne, c’est l’absence totale d’une obligation de la part des

gestionnaires, de rendre compte et de répondre de l'exercice des

responsabilités leurs sont conférées (Wilson, 1998). Fondamentalement, la

reddition de comptes devra dorénavant faire partie intégrante des obligations et

devoirs d'une saine administration.

Proche synonyme de l'imputabilité, elle consiste à renseigner au premier chef

l’opinion publique et les élus, sur les orientations et objectifs des entreprises

publiques, de leurs priorités, des moyens choisis pour les atteindre, de la

mesure des résultats obtenus ainsi que des méthodes mises en oeuvre pour

assurer l'adaptation constante de l'organisation à son environnement socio-

économique. L'obligation de rendre compte est donc une relation fondée sur

l'obligation de faire la preuve et d'assumer la responsabilité d'un rendement à la

lumière d'attentes convenues.

En résumé, nous dirons à l’instar de Desautels (2001) que l’imputabilité « […]

comporte deux éléments de base : premièrement, rapporter ce que l’on a

accompli d’une manière transparente et honnête, qui est compréhensible et qui

rejoint les préoccupations des citoyens qui paient la note; et, deuxièmement,

effectuer les changements qui s’imposent en fonction des résultats obtenus. En

16 Gouvernement du Québec, Conseil du Trésor (2002). « Rapport du groupe de travail sur le programme type de

contrôle de gestion ».

30

tant que pilier véritable d’une société démocratique, l’imputabilité doit supporter

un dialogue valable entre ceux à qui l’on a confié des tâches publiques et les

citoyens qu’ils doivent servir »17.

Une telle démarche permettra sans doute une plus grande transparence dans la

gestion des entreprises publiques en Afrique, gestion longtemps caractérisée

par l’impunité et une improvisation permanentes. Celle-ci s’inscrit donc dans la

logique de la modernisation et de la réforme du secteur public en Afrique, une

modernisation qui devra remplacer une culture de l’impunité par une culture de

responsabilité dans le champ de la gestion publique.

10. VERS UN PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ ?

Qu’il s’agisse de la coopération inter-entreprises, ou des alliances stratégiques,

beaucoup d’auteurs ont insufflé une nouvelle dimension à la coopération et à la

réciprocité comme voies d’accès à la réussite des organisations (Jolly, 1994 ;

Debresson & Pilon, 2001 ; Heenan & Perlmutter, 1986 ; Ouchi, 1988 ; Hamel,

Doz & Prahalad, 1989 ; Little, 1981 ; Akrich & al. 1989).

La nécessité de la coopération tient essentiellement à la spirale d’exigences de

l’environnement concurrentiel et des facteurs de la contingence qui réduisent le

nombre d’entreprises susceptibles de réussir toutes seules. Les alliances

stratégiques constituent de ce fait une alternative viable pour des entreprises

aux ressources limitées et qui évoluent dans un environnement exigeant,

instable, turbulent et risqué.

17 Desautels, D. (2001). « La Modernisation des Concepts d’Imputabilité ». Centre d’études en gouvernance,

Université d’Ottawa.

31

L’autosuffisance ou l’autonomie de la firme, peu importe son secteur d’activité

et son environnement concurrentiel est aujourd’hui de plus en plus difficile et

décider de faire cavalier seul peut parfois limiter les possibilités pour

l’entreprise à un accès aux ressources (savoir-faire) d’une autre entreprise, et

cela est d’autant plus vrai lorsqu’il est question des entreprises en Afrique.

Dans ces circonstances, une autre alternative, semble possible : les

partenariats public-privé. Puisque l’un des problèmes des entreprises publiques

est lié à l’inefficacité de leur gestion, à leur faible productivité et au manque

d’autonomie, les partenariats public-privé pourraient leur permettre d’atteindre

sous certaines conditions, d’importants niveaux d’efficacité, une productivité

plus grande, une autonomie de gestion dans le processus de fonctionnement

avec des objectifs de réalisation de substantielles réductions et économies de

coûts.

Même si elle fait l’objet de vives critiques, contrairement aux autres méthodes

de privatisation, les partenariats public-privé se sont imposés aujourd’hui à

travers le monde comme outil privilégié de financement, de développement et

de gestion des grandes infrastructures publiques. À l’opposé de la firme

privatisée, l’Etat dans un tel système garde la propriété du bien (cela peut être,

dans le contexte de l’Afrique Subsaharienne, le cas de l’eau, de l’énergie et de

des télécommunications etc.) ainsi que du réseau infrastructurel de base, et

délègue au privé, la gestion par un contrat d’affermage ou de concession, tout

en conservant le pouvoir de contrôle politique sur la gestion.

Selon l’IPPP (Institut des partenariats public/ privé), le partenariat public-privé

peut être perçu comme une « […] coopération entre deux parties, l’une

publique, l’autre privée, pour la livraison d’un service public, dans laquelle, il y

32

a l’apport particulier de chacun et un partage des risques et bénéfices »18. Afin

de permettre aux entreprises publiques d’assurer des services collectifs de

première ligne de qualité à moindre coût, les partenariat public-privé se

proposent de mobiliser des acteurs aux intérêts divergents sur des projets

communs et d’utiliser au mieux la compétence de chacun des acteurs afin de

répartir les risques et de partager les bénéfices communs.

Les partenariats public-privé ont déjà dans plusieurs pays fait leurs preuves et

leurs avantages ne sont plus à prouver. La question qui se pose n’est pas de

savoir si les partenariats public-privé peuvent aujourd’hui fonctionner en

Afrique, mais plutôt à quelles conditions elles le peuvent ?

La question des avantages de la coopération et des alliances stratégiques a été

examiné sous plusieurs angles19 et les auteurs en sont venus à la conclusion

qu’elles génèrent un certain nombre de bénéfices liés entre autres, à

l’acquisition ou à l’échange de connaissances, de savoir-faire, d’expertise, à la

co-entreprise et même à l’échange ou au débauchage de personnel scientifique

et technique. L’idée de la coopération ou des alliances stratégiques devra donc

être sérieusement examinée par les gouvernements.

Les expériences antérieures vécues dans nombre de pays (Angleterre, France,

Finlande et Canada) nous enseignent qu’elle peut être une perspective ou une

alternative viable et efficace pour des firmes aux ressources limitées, évoluant

dans un environnement incertain, avec des frontières élargies, un

investissement risqué et élevé. Il apparaît donc clairement que des firmes

alliées, en partageant des ressources, peuvent accéder à des avantages

auxquels elles ne pourraient prétendre individuellement. À cet égard, l’alliance

18 Institut pour le Partenariat Public Privé, http://www.ippp.org/, Janvier 2001. 19 Voir l’article de Devlin, G. & Bleackley, M. (1988) « Strategic Alliances. Guidelines for Succes », Long Range Planning, vol. 1, no 5, p. 18-23

33

permet donc à une entreprise d’aller au-delà de l’utilisation des ses ressources

internes propres et d’exploiter des facteurs externes pour atteindre ses

propres objectifs (Jolly, 94).

CONCLUSION

Les résultats issus de plusieurs travaux et recherches sur la privatisation en

Afrique Subsaharienne depuis deux décennies nous amènent à penser que

celle-ci (la privatisation) que celle-ci ne semble pas avoir été à la hauteur des

attentes placées en elle. En réalité, la privatisation en tant que politique

économique ne peut à notre avis fonctionner efficacement au sein d’économies

de marché développées, ou les conditions socio-économiques, politiques et

institutionnelles sont favorables à l’établissement d’un environnement

concurrentiel viable. À ce stade-ci, il serait hasardeux voire illogique de

penser que la privatisation est cette panacée, cette boussole sûre, cette carte

d’état major ou ce GPS de série capable de remettre les entreprises publiques

sur les rails.

La solution à notre avis ne repose plus aujourd’hui sur l’opposition séculaire

public/privé, mais plutôt sur à un rapprochement, une complémentarité, et une

interpénétration accrue des deux. En effet, les secteurs public et privé ont

chacun leurs points forts et leurs points faibles, et il est impossible de conclure

à la supériorité systématique de l'un par rapport à l'autre.

On devrait en réalité s'acheminer vers de nouveaux compromis, pour les

collectivités publiques, les entreprises et leur personnel. Si le secteur privée

l'emporte pour sa rigueur, ses techniques de gestion des entreprises et des

ressources humaines, ainsi que pour le développement de nouveaux services,

le secteur public lui, conserve son rôle en matière de cohésion sociale et

34

nationale, de protection du consommateur, et plus largement de définition et de

respect de l'intérêt général.

C’est pourquoi, il importe de faire la part de choses, et de mettre certaines

questions en perspective, en ce qui trait aux débats caractérisant les

privatisations et leur utilité en Afrique. Comme le fait si bien remarquer

Mercreir (2002), « […] il est bon de préciser que la critique du secteur public

est à la fois justifiée, fondée rationnellement, mais aussi exagérée,

déraisonnable et très souvent déterminée par des modes intellectuelles et

esthétiques », et nous ajouterons idéologiques et culturelles.

Les entreprises publiques ont des obligations sociales « incompressibles » et

inaliénables et certaines responsabilités économiques irremplaçables à

assumer, responsabilités qu’elles ne peuvent confier à d’autres formes

d’organisations. Il est vrai que les entreprises publiques en Afrique

subsaharienne, du fait des énormes difficultés qu’elles vivent, sont encore loin

d’avoir atteint l’idéal wébérien de l’évolution bureaucratique, visant à les faire

passer d’un modèle mécanique, à un modèle organique.

Cependant, il est important voire fondamental de dépasser ces considérations

qui sont de l’ordre des paradigmes, et qui visent à opposer les secteurs public

et privé, alors qu’on devrait plutôt les examiner dans une dynamique de

partenariat et de collaboration. Il y a et il y aura encore beaucoup de tâches

que les entreprises publiques devront accomplir, et certainement des domaines

d’activité où le privé est plus apte à agir et de façon plus efficace, ce qui pour

une fois encore, renforce notre position selon laquelle la vraie solution

aujourd’hui, se trouve dans ce que Strong (1984) a appelé un meilleur mix entre

secteurs public et privé.

35

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