214
 A   G    L    A             E   L O      H      A    A  D  O N   A     A     U     R    I    E    L A A Editions d'Agapè - Alain Trocmé - Diffusion Gratuite Dogme et Rituel de Haute Magie Eliphas Lévi Zahed ISBN : 978-2-917040-27-0 00002  Tome 2 - Rituel 9HSMJLH*aeacha+[A\A\A\K\M

Dogme Et Rituel de La Haute Magie Tome 2 2014

Embed Size (px)

Citation preview

  • A G L A E I E H

    E L

    O H

    A

    A D O N

    A Y

    A U R I E L

    A A

    Editions d'Agap - Alain Trocm - Diffusion Gratuite

    Dogme et Rituel de Haute MagieEliphas Lvi Zahed

    ISBN : 978-2-917040-27-0 00002

    Tome 2 - Rituel

    9HSMJLH*aeacha+[A\A\A\K\M

  • Introduction.

    Connaissez-vous la vieille souveraine du monde, qui marche toujours et ne se fatigue jamais ? Toutes les passions drgles, toutes les volupts gostes, toutes les forces eff rnes de lhumanit et toutes ses faiblesses tyranniques prcdent la propritaire avare de notre valle de douleurs, et, la faucille la main, ces ouvrires infatigables font une ternelle moisson.

    La reine est vieille comme le temps, mais elle cache son squelette sous les dbris de la beaut des femmes quelle enlve leur jeunesse et leurs amours.

    Sa tte est garnie de cheveux froids qui ne sont pas elle. Depuis la chevelure de B-rnice, toute brillante dtoiles, jusquaux cheveux blanchis avant lge que le bourreau coupa sur la tte de Marie-Antoinette, la spoliatrice des fronts couronns sest pare de la dpouille des reines.

    Son corps ple et glac est couvert de parures fl tries et de suaires en lambeaux.

    Ses mains osseuses et charges de bagues, tiennent des diadmes et des fers, des sceptres et des ossements, des pierreries et de la cendre.

    Quand elle passe, les portes souvrent delles-mmes ; elle entre travers les murailles, elle pntre jusqu lalcve des rois, elle vient surprendre les spoliateurs du pauvre dans leurs plus secrtes orgies, sassied leur table et leur verse boire, ricane leurs chansons avec ses dents dgarnies de gencives, et prend la place de la courtisane impure qui se cache sous leurs rideaux.

    Elle aime rder autour des voluptueux qui sendorment ; elle cherche leurs caresses comme si elle esprait se rchauff er dans leurs treintes, mais elle glace tous ceux quelle touche et ne se rchauff e jamais. Parfois cependant on la dirait prise de vertige ; elle ne se promne plus lentement, elle court ; et si ses pieds ne sont pas assez rapides, elle presse les fl ancs dun cheval ple et le lance tout essouffl travers les multitudes. Avec elle galope le meurtre sur un cheval roux ; lincendie, dployant sa chevelure de fume, vole devant elle en balanant ses ailes rouges et noires, et la famine avec la peste la sui-vent pas pas sur des chevaux malades et dcharns, glanant les rares pis quelle oublie pour lui complter sa moisson.

    Aprs ce cortge funbre, viennent deux petits enfants rayonnants de sourire et de vie, lintelligence et lamour du sicle venir, le double gnie de lhumanit qui va natre.

    Devant eux, les ombres de la mort se replient comme la nuit devant les toiles de lauro-re ; ils effl eurent la terre dun pied lger et y sment pleines mains lesprance dune autre anne.

  • Mais la mort ne viendra plus impitoyable et terrible, faucher comme de lherbe sche les pis mrs du sicle venir ; elle cdera la place lange du progrs qui dtachera douce-ment les mes de leur chane mortelle, pour les laisser monter vers Dieu.

    Quand les hommes sauront vivre, ils ne mourront plus ; ils se transformeront comme la chrysalide qui devient un papillon brillant.

    Les terreurs de la mort sont fi lles de notre ignorance, et la mort elle-mme nest si af-freuse que par les dbris dont elle se couvre et les couleurs sombres dont on entoure ses images. La mort, cest vritablement le travail de la vie.

    Il est dans la nature une force qui ne meurt pas, et cette force transforme continuelle-ment les tres pour les conserver.

    Cette force, cest la raison ou le verbe de la nature.

    Il existe aussi dans lhomme une force analogue celle de la nature, et cette force, cest la raison ou le verbe de lhomme.

    Le verbe de lhomme est lexpression de sa volont dirige par la raison.

    Ce verbe est tout-puissant lorsquil est raisonnable, car alors il est analogue au verbe mme de Dieu.

    Par le verbe de sa raison lhomme devient le conqurant de la vie et peut triompher de la mort.

    La vie entire de lhomme nest que la parturition ou lavortement de son verbe. Les tres humains qui meurent sans avoir compris et sans avoir formul la parole de raison, meurent sans esprance ternelle.

    Pour lutter avec avantage contre le fantme de la mort, il faut stre identifi aux ralits de la vie.

    Quimporte Dieu un avorton qui meurt, puisque la vie est ternelle ?

    Quimporte la nature une draison qui prit, puisque la raison toujours vivante conser-ve les clefs de la vie ?

    La force terrible et juste qui tue ternellement les avortons a t nomme, par les H-breux, Samal ; par les orientaux, Satan ; et par les Latins, Lucifer.

    Le Lucifer de la cabale nest pas un ange maudit et foudroy, cest lange qui claire et qui rgnre en brlant ; il est aux anges de paix ce que la comte est aux paisibles toiles des constellations du printemps.

    Ltoile fi xe est belle, radieuse et calme ; elle boit les clestes aromes et regarde ses sueurs avec amour ; revtue de sa robe splendide et le front par de diamants, elle sourit en chantant son cantique du matin et du soir ; elle jouit dun repos ternel que rien ne sau-

  • rait troubler, et elle marche solennellement sans sortir du rang qui lui est assign parmi les sentinelles de la lumire.

    La comte errante cependant, toute sanglante et tout chevele, accourt des profondeurs du ciel ; elle se prcipite travers les sphres paisibles, comme un char de guerre entre les rangs dune procession de vestales ; elle ose aff ronter le glaive brlant des gardiens du soleil, et, comme une pouse perdue qui cherche lpoux rv par ses nuits veuves, elle pntre jusque dans le tabernacle du roi des jours, puis elle schappe, exhalant les feux qui la dvorent et tranant aprs elle un long incendie ; les toiles plissent son appro-che, les troupeaux constells qui paissent des fl eurs de lumire dans les vastes campagnes du ciel, semblent fuir son souffl e terrible. Le grand conseil des astres est assembl, et la consternation est universelle : la plus belle des toiles fi xes est charge enfi n de parler au nom de tout le ciel, et de proposer la paix la courrire vagabonde.

    Ma sur, lui dit-elle, pourquoi troubles-tu lharmonie de nos sphres ? quel mal tavons-nous fait, et pourquoi, au lieu derrer au hasard, ne te fi xes-tu pas comme nous ton rang dans la cour du soleil ? Pourquoi ne viens-tu pas chanter avec nous lhymne du soir, pare comme nous dune robe blanche, qui se rattache sur la poitrine par une agrafe de diamant ? pourquoi laisses-tu fl otter, travers les vapeurs de la nuit, ta chevelure qui ruisselle dune sueur de feu ? Oh ! si tu prenais une place parmi les fi lles du ciel, com-bien tu paratrais plus belle ! Ton visage ne serait plus enfl amm par la fatigue de tes courses inoues ; tes yeux seraient, purs, et ton visage souriant serait blanc et vermeil comme celui de tes heureuses surs ; tous les astres te connatraient, et, loin de craindre ton passage, ils se rjouiraient ton approche ; car tu serais unie nous par les liens indestructibles de lharmonie universelle, et ton existence paisible ne serait quune voix de plus dans le cantique de lamour infi ni.

    Et la comte rpond ltoile fi xe

    Ne crois pas, ma sueur ! que je puisse errer laventure et troubler lharmonie des sphres ; Dieu ma trac mon chemin comme toi, et si ma course te parait incertaine et vagabonde, cest que tes rayons ne sauraient stendre assez loin pour embrasser le contour de lellipse qui ma t donne pour carrire. Ma chevelure enfl amme est le fanal de Dieu ; je suis la messagre des soleils, et je me retrempe dans leurs feux pour les partager sur ma route aux-jeunes mondes qui nont pas encore assez de chaleur, et aux astres vieillissants qui ont froid dans leur solitude. Si je me fatigue dans mes longs voyages, si je suis dune beaut moins douce que la tienne, si ma parure est moins virgi-nale, je nen suis pas moins, comme toi, une noble fi lle du ciel. Laissez-moi le secret de ma destine terrible, laissez-moi lpouvante qui menvironne, maudissez-moi si vous ne pouvez me comprendre ; je nen accomplirai pas moins luvre qui mest impose, et je continuerai ma course sous limpulsion du souffl e de Dieu ! Heureuses les toiles qui se reposent et qui brillent comme de jeunes reines dans la socit paisible des univers ! Moi, je suis la proscrite qui voyage toujours et qui ai linfi ni pour patrie. On maccuse dincendier les plantes que je rchauff e, et deff rayer les astres que jclaire ; on me reproche de troubler lharmonie des univers parce que je ne tourne pas autour de leurs centres particuliers, et que je les rattache les uns aux autres en fi xant mes regards vers

  • le centre unique de tous les soleils. Sois donc rassure, belle toile fi xe, je ne veux pas tappauvrir de ta lumire paisible ; je mpuiserai au contraire, pour toi, de ma vie et de ma chaleur. Je puis disparatre du ciel quand je me serai consume ; mon sort aura t assez beau ! Sachez que dans le temple de Dieu brlent des feux diff rents, qui tous lui rendent gloire ; vous tes la lumire des chandeliers dor, et moi la fl amme du sacrifi ce : accomplissons nos destines.

    En achevant ces paroles, la comte secoue sa chevelure, se couvre de son bouclier ardent, et se plonge dans les espaces infi nis o elle semble disparatre pour toujours.

    Cest ainsi quapparat et disparat Satan dans les rcits allgoriques de la Bible.

    Un jour, dit le livre de Job, les fi ls de Dieu taient venus pour se tenir en la prsence du Seigneur, et parmi eux se trouva aussi Satan.

    A qui le Seigneur dit : Do viens-tu ?

    Et lui rpondit : Jai fait le tour de la terre et je lai parcourue.

    Voici comment un vangile gnostique, retrouv en Orient par un savant voyageur de nos amis, explique, au profi t du symbolique Lucifer, la gense de la lumire :

    La vrit qui se connat est la pense vivante. La vrit est la pense qui est en elle-mme ; et la pense formule, cest la parole. Lorsque la pense ternelle a cherch une forme, elle a dit : Que la lumire soit .

    Or, cette pense qui parle, cest le verbe ; et le verbe dit : Que la lumire soit, parce que le Verbe lui-mme est la lumire des esprits .

    La lumire incre, qui est le Verbe divin, rayonne parce quelle veut tre vue ; et lors-quelle dit : Que la lumire soit ! elle commande des yeux de souvrir ; elle cre des intelligences.

    Et lorsque Dieu a dit : Que la lumire soit ! lIntelligence a t faite et la lumire a paru.

    Or, lIntelligence que Dieu avait panche du souffl e de sa bouche, comme une toile dtache du soleil, prit la forme dun ange splendide et le ciel le salua du nom de Luci-fer.

    Lintelligence sveilla et se comprit tout entire en entendant cette parole du Verbe di-vin : Que la lumire soit !

    Elle se sentit libre, parce que Dieu lui avait command dtre ; et elle rpondit, en rele-vant la tte et en tendant ses ailes :

    Je ne serai pas la servitude !

    Tu seras donc la douleur? lui dit la voix incre.

  • Je serai la Libert ! rpondit la lumire.

    Lorgueil te sduira, reprit la voix suprme, et tu enfanteras la mort.

    Jai besoin de lutter contre la mort pour conqurir la vie, dit encore la lumire cre.

    Dieu alors dtacha de son sein le fi l de splendeur qui retenait lange superbe, et en le regardant slancer dans la nuit quil sillonnait de gloire, il aima lenfant de sa pense, et souriant dun ineff able sourire, il se dit lui-mme : Que la lumire tait belle !

    Dieu na pas cr la douleur ; cest lIntelligence qui la accepte pour tre libre.

    Et la douleur a t la condition impose ltre libre, par celui qui, seul, ne peut se tromper, parce quil est infi ni.

    Car lessence de lintelligence, cest le jugement ; et lessence du jugement, cest la li-bert.

    Lil ne possde rellement la lumire que par la facult de se fermer ou de souvrir.

    Sil tait forc dtre toujours ouvert, il serait lesclave et la victime de la lumire ; et, pour fuir ce supplice, il cesserait de voir.

    Ainsi, lIntelligence cre nest heureuse daffi rmer Dieu, que par la libert quelle a de nier Dieu.

    Or, lIntelligence qui nie, affi rme toujours quelque chose, puisquelle affi rme sa libert.

    Cest pourquoi le blasphme glorifi e Dieu ; et cest pourquoi lenfer tait ncessaire au bonheur du ciel.

    Si la lumire ntait pas repousse par lombre, il ny aurait pas de formes visibles.

    Si le premier des anges navait pas aff ront les profondeurs de la nuit, lenfantement de Dieu net pas t complet et la lumire cre net pu se sparer de la lumire par essence.

    Jamais lIntelligence naurait su combien Dieu est bon, si jamais elle ne lavait perdu !

    Jamais lamour infi ni de Dieu net clat dans les joies de sa misricorde, si lenfant prodigue du ciel ft rest dans la maison de son pre.

    Quand tout tait lumire, la lumire ntait nulle part, elle remplissait dans le sein de Dieu qui tait en travail pour lenfanter.

    Et lorsquil dit : Que la lumire soit ! il permit la nuit de repousser la lumire, et lunivers sortit du chaos.

    La ngation de lange qui, en naissant, refusa dtre esclave, constitua lquilibre du monde, et le mouvement des sphres commena.

  • Et les espaces infi nis admirrent cet amour de la libert, assez immense pour remplir le vide de la nuit ternelle, et assez fort pour porter la haine de Dieu.

    Mais Dieu ne pouvait har le plus noble de ses enfants, et il ne lprouvait par sa colre que pour le confi rmer dans sa puissance.

    Aussi le Verbe de Dieu lui-mme, comme sil et t ,jaloux de Lucifer, voulut-il aussi descendre du ciel et traverser triomphalement les ombres de lenfer.

    Il voulut tre proscrit et condamn ; et il mdita davance lheure terrible o il crierait, lextrmit de son supplice : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi mas-tu abandon-n ?

    Comme ltoile du matin prcde le soleil, linsurrection de Lucifer annona la nature naissante la prochaine incarnation de Dieu.

    Peut-tre Lucifer, en tombant dans la nuit, entrana-t-il une pluie de soleils et dtoiles par lattraction de sa gloire !

    Peut-tre notre soleil est-il un dmon parmi les astres, comme Lucifer est un astre parmi les anges.

    Cest pourquoi, sans doute, il reste calme en clairant les horribles angoisses de lhuma-nit et la lente agonie de la terre, parce quil est libre dans sa solitude et quil possde sa lumire.

    Telles taient les tendances des hrsiarques des premiers sicles. Les uns, comme les Ophites, adoraient le dmon sous la fi gure du serpent ; dautres, comme les Canites, justifi aient la rvolte du premier des anges comme celle du premier des meurtriers. Tou-tes ces erreurs, toutes ces ombres, toutes ces idoles monstrueuses de lanarchie que lInde oppose dans ses symboles la magique Trimourti, avaient retrouv dans le christianisme des prtres et des adorateurs.

    Nulle part il nest parl du dmon dans la Gense. Cest un serpent allgorique qui trompe nos premiers parents. Voici ce que la plupart des traducteurs font dire au texte sacr :

    Or, le serpent tait plus subtil quaucune bte du champ que le Seigneur Dieu et faite .

    Et voici ce que dit Mose :

  • Cest--dire en franais, suivant Fabre dOlivet.

    Or, lattract originel (la cupidit) tait la passion entranante de toute vie lmentaire (le ressort intrieur) de la nature, ouvrage de Jhah, ltre des tres .

    Mais ici, Fabre dOlivet est ct de la vritable interprtation, parce quil ignorait les grandes clefs de la cabale. Le mot Nahasch, expliqu par les lettres symboliques du Ta-rot, signifi e rigoureusement

    14 n Nun La force qui produit les mlanges.05 h He Le rcipient et le producteur passif des formes.21 w Schin Le feu naturel et central quilibr par la double polari-

    sation.

    Le mot employ par Mose, lu cabalistiquement, nous donne donc la description et la dfi nition de cet agent magique, universel, fi gur dans toutes les thogonies par le ser-pent et auquel les Hbreux donnaient aussi le nom dOd, quand il manifeste sa force active ; le nom dOb, quand il laisse apparatre sa force passive, et celui dAour, quand il se rvle tout entier dans sa puissance quilibre, productrice de la lumire dans le ciel et de lor parmi les mtaux.

    Cest donc l cet ancien serpent qui enveloppe le monde et qui apaise sa tte dvorante sous le pied dune Vierge, fi gure de linitiation ; de cette Vierge, qui prsente un petit enfant nouveau-n ladoration des rois mages et reoit deux, en change de cette fa-veur, de lor, de la myrrhe et de lencens.

    Le dogme sert ainsi dans toutes les religions hiratiques voiler le secret des forces de la nature dont peut disposer liniti, les formules religieuses sont les rsums de ces paroles pleines de mystre et de puissances qui font descendre les dieux du ciel et les soumettent la volont des hommes. La Jude en a emprunt les secrets lgypte, la Grce envoya ses hirophantes et plus tard ses thosophes lcole des grands prophtes ; la Rome des Csars mine par linitiation chrtienne des catacombes scroula un jour dans lglise et lon refi t un symbolisme avec les dbris de tous les cultes quavait soumis la reine du monde.

    Selon le rcit de lvangile, linscription par laquelle tait dclare la royaut spirituelle du Christ tait crite en hbreu, en grec et en latin ; ctait lexpression de la synthse universelle.

    Lhellnisme, en eff et, cette grande et belle religion de la forme, navait pas moins an-nonc la venue du Sauveur que les prophtes du judasme ; la fable de Psych est une abstraction plus que chrtienne, et le culte des panthes, en rhabilitant Socrate, prpa-rait les autels cette unit de Dieu, dont Isral avait t le mystrieux conservateur.

  • Mais la synagogue renia son Messie, et les lettres hbraques furent eff aces, du moins aux yeux aveugls des juifs.

    Les perscuteurs romains dshonorrent lhellnisme, que ne put rhabiliter la fausse modration de Julien le philosophe, surnomm peut-tre injustement lApostat, puis-que son christianisme navait jamais t sincre. Lignorance du moyen ge vint ensuite opposer les saints et les vierges aux dieux, aux desses et aux nymphes ; le sens profond des symboles hellniques fut plus incompris que jamais ; la Grce elle-mme, non-seu-lement perdit les traditions de son ancien culte, mais elle se spara de lglise latine ; et ainsi, pour les yeux latins, les lettres grecques furent eff aces, comme les lettres latines disparurent aux yeux des Grecs.

    Ainsi, linscription de la croix du Sauveur disparut entirement, et il ny resta plus que des initiales mystrieuses.

    Mais, lorsque la science et la philosophie, rconcilies avec la foi, runiront en un seul tous les diff rents symboles, alors toutes les magnifi cences des cultes antiques refl euri-ront dans la mmoire des hommes, en proclamant le progrs de lesprit humain dans lintuition de la lumire de Dieu ;

    Mais de tous les progrs le plus grand sera celui qui, remettant les clefs de la nature entre les mains de la science, enchanera pour jamais le hideux fantme de Satan et en expliquant tous les phnomnes exceptionnels de la nature, dtruira lempire de la su-perstition et de la sotte crdulit.

    Cest laccomplissement de ce progrs que nous avons consacr notre vie et que nous passons nos annes dans les recherches les plus laborieuses et les plus diffi ciles. Nous voulons aff ranchir les autels en renversant les idoles, nous voulons que lhomme din-telligence redevienne le prtre et le roi de la nature et nous voulons conserver en les expliquant toutes les images du sanctuaire universel.

    Les prophtes ont parl en paraboles et en images, parce que le langage abstrait leur a manqu, et parce que la perception prophtique, tant le sentiment de lharmonie ou des analogies universelles, se traduit naturellement par des images.

    Ces images, prises matriellement par le vulgaire, sont devenues des idoles ou des mys-tres impntrables.

    Lensemble et la succession de ces images et de ces mystres sont ce quon appelle le symbolisme.

    Le symbolisme vient donc de Dieu, quoiquil soit formul par les hommes.

    La rvlation a accompagn lhumanit dans tous ses ges, et elle sest transfi gure avec le gnie humain ; mais elle a toujours exprim la mme vrit.

    La vraie religion est une, et ses dogmes sont simples et la porte de tous.

  • Toutefois, la multiplicit des symboles na t quun livre de posie ncessaire lduca-tion du gnie humain.

    Lharmonie des beauts extrieures et la posie de la forme devaient rvler Dieu len-fance humaine ; mais Vnus eut bientt Psych pour rivale, et Psych sduisit lAmour.

    Cest ainsi que le culte de la forme devait cder ces rves ambitieux de lme quembel-lissait dj lloquente sagesse de Platon.

    La venue du Christ tait ainsi prpare, et cest pourquoi elle tait attendue ; il vint parce que le monde lattendait, et la philosophie se transforma en croyance pour se populariser.

    Mais, aff ranchi par cette croyance mme, lesprit humain protesta bientt contre lcole qui voulait en matrialiser les signes, et luvre du catholicisme romain fut uniquement de prparer son insu lmancipation des consciences, et de jeter les bases de lassocia-tion universelle.

    Toutes ces choses ne furent que le dveloppement rgulier et normal de la vie divine dans lhumanit ; car Dieu est la grande me de toutes les mes, il est le centre immua-ble autour duquel gravitent toutes les intelligences, comme une poussire dtoiles.

    Lintelligence humaine a eu son matin ; son plein midi viendra, puis ensuite son dclin, et Dieu sera toujours le mme.

    Mais il semble aux habitants de la terre que le soleil se lve jeune et timide, quil brille au milieu du jour dans toute sa force, et quil se couche fatigu le soir.

    Cest pourtant la terre qui tourne, et le soleil est immobile.

    Ayant donc foi dans le progrs humain et dans la stabilit de Dieu, lhomme libre res-pecte la religion dans ses formes passes, et ne blasphmerait pas plus Jupiter que Jho-va ; il salue encore avec amour la rayonnante image de lApollon Pythien, et lui trouve une ressemblance fraternelle avec le visage glorieux du Rdempteur ressuscit.

    Il croit la grande mission de la hirarchie catholique, et se plait voir les pontifes du moyen ge opposer la religion pour digue au pouvoir absolu des rois ; mais il proteste avec les sicles rvolutionnaires contre lasservissement de la conscience que voulaient emprisonner les clefs pontifi cales : il est plus protestant que Luther, car il ne croit pas mme linfaillibilit de la confession dAugsbourg et plus catholique que le pape, car il na pas peur que lunit religieuse soit brise par la malveillance des cours.

    Il se confi e Dieu plus qu la politique de Rome pour le salut de lide unitaire ; il respecte la vieillesse de lglise ; mais il ne craint pas quelle meure ; il sait que sa mort apparente sera une transfi guration et une assomption glorieuse.

    Lauteur de ce livre fait un nouvel appel aux mages de lOrient pour quils viennent re-connatre encore une fois le Maitre divin dont ils ont salu le berceau, le grand initiateur de tous les ges.

  • Tous ses ennemis sont tombs ; tous ceux qui le condamnaient sont morts ; ceux qui le perscutaient sont couchs pour toujours, et lui, il est toujours debout !

    Les hommes denvie se sont coaliss contre lui, ils se sont accords sur un seul point ; les hommes de division se sont unis pour le dtruire, ils se sont faits rois, et ils lont pros-crit ; ils se sont faits hypocrites, et ils lont accus ; ils se sont faits juges, et ils lui ont lu sa sentence de mort ; ils se sont faits bourreaux, et ils lont excut ; ils lui ont fait boire la cigu, ils lont crucifi , ils lont lapid, ils lont brl et ont jet ses cendres au vent ; puis ils ont rugi dpouvante : il tait debout devant eux, les accusant par ses blessures, et les foudroyant par lclat de ses cicatrices.

    On croit lgorger au berceau Bethlem, il est vivant en gypte ! On le trane sur la montagne pour le prcipiter ; la foule de ses assassins lentoure et triomphe dj de sa perte certaine : un cri se fait entendre ; nest-ce pas lui qui vient de se briser sur les ro-chers du prcipice ? Ils plissent et ils se regardent ; mais lui, calme et souriant de piti, il passe au milieu deux et sen va.

    Voici une autre montagne quils viennent de teindre de son sang ; voici une croix et un spulcre ; des soldats gardent son tombeau. Insenss ! le tombeau est vide, et celui quils croyaient mort, chemine paisiblement, entre deux voyageurs, sur la route dEmmas.

    O est-il ? o va-t-il ? Avertissez les matres de la terre ! dites aux csars que leur puis-sance est menace ! Par qui ? Par un pauvre qui na pas une pierre o reposer sa tte, par un homme du peuple condamn la mort des esclaves. Quelle insulte ou quelle folie ! nimporte, les csars vont dployer toute leur puissance : de sanglants dits proscrivent le fugitif, partout des chafauds slvent, des cirques souvrent tout garnis de lions et de gladiateurs, des bchers sallument, des torrents de sang ont coul, et les csars, qui se croient victorieux, osent ajouter un nom ceux dont ils rehaussent leurs trophes, puis ils meurent, et leur apothose dshonore les dieux quils ont cru dfendre. La haine du monde confond, dans un mme mpris, Jupiter et Nron ; les temples, dont ladulation a fait des tombeaux, sont renverss sur des cendres proscrites, et sur les dbris des idoles, sur les ruines de lempire, lui seul, celui que proscrivaient les csars, celui que poursui-vaient tant de satellites, celui que torturaient tant de bourreaux, lui seul est debout, lui seul rgne, lui seul triomphe !

    Cependant ses disciples mmes abusent bientt de son nom, lorgueil envahit le sanc-tuaire ; ceux qui devaient annoncer sa rsurrection, veulent immortaliser sa mort, afi n de se repatre, comme des corbeaux, de sa chair toujours renaissante. Au lieu de limiter dans son sacrifi ce et de donner leur sang pour leurs enfants dans la foi, ils lenchanent sur le Vatican, comme sur un nouveau Caucase, et se font les vautours de ce divin Pro-mthe. Mais que lui importe leur mauvais rve ? Ils nont enchan que son image ; pour lui, il est toujours debout, et il marche dexil en exil et de conqute en conqute.

    Cest quon peut enchaner un homme, mais on ne retient pas captif le Verbe de Dieu. La parole est libre et rien ne peut la comprimer. Cette parole vivante est la condamna-tion des mchants, et cest pourquoi ils voudraient la faire mourir ; mais ce sont eux enfi n qui meurent, et la parole de vrit reste pour juger leur mmoire !

  • Orphe a pu tre dchir par les bacchantes, Socrate a bu la coupe de poison, Jsus et ses aptres ont pri du dernier supplice, Jean Hus, Jrme de Prague et tant dautres ont t brls, la Saint-Barthlemy et les massacres de septembre ont fait tour tour des martyrs ; lempereur de Russie a encore sa disposition des cosaques, des knouts et les dserts de la Sibrie ; mais lesprit dOrphe, de Socrate, de Jsus et de tous les martyrs restera toujours vivant au milieu des perscuteurs morts leur tour ; il reste debout au milieu des institutions qui tombent et des empires qui se renversent !

    Cest cet esprit divin, lesprit du Fils unique de Dieu, que saint Jean reprsente, dans son Apocalypse debout, au milieu des chandeliers dor, parce quil est le centre de toutes les lumires, tenant sept toiles dans sa main, comme la semence de tout un ciel nouveau, et faisant descendre sa parole sur la terre sous la fi gure dune pe deux tranchants.

    Quand les sages dcourags sendorment dans la nuit du doute, lesprit du Christ est debout et il veille.

    Quand les peuples, las du travail qui dlivre, se couchent et sassoupissent sur leurs fers, lesprit du Christ est dbout et il proteste.

    Quand les sectateurs aveugles des religions devenues striles, se prosternent dans la pous-sire des vieux temples et rampent servilement dans une crainte superstitieuse, lesprit du Christ reste debout et il prie.

    Quand les forts saff aiblissent, quand les vertus se corrompent, quand tout se plie et samoindrit pour chercher une vile pture, lesprit du Christ reste debout en regardant le ciel et il attend lheure de son Pre.

    Christ veut dire prtre et roi par excellence.

    Le Christ initiateur des temps modernes est venu pour former par la science et surtout par la charit de nouveaux rois et de nouveaux prtres.

    Les anciens mages taient des prtres et des rois.

    La venue du Sauveur avait t annonce aux anciens mages par une toile.

    Cette toile, ctait le pentagramme magique qui porte chacune de ses pointes une lettre sacre.

    Cette toile est la fi gure de lintelligence qui rgit, par lunit de force, les quatre puis-sances lmentaires.

    Cest le pentagramme des mages.

    Cest ltoile fl amboyante des enfants dHiram.

    Cest le prototype de la lumire quilibre, vers chacune de ses pointes un trait de lu-mire remonte.

    De chacune de ses pointes un trait de lumire descend.

  • Cette toile reprsente le grand et suprme athanor de nature qui est le corps de lhom-me.

    Linfl uence magntique part en deux rayons de la tte, de chaque-main et de chaque pied.

    Le rayon positif est quilibr par un rayon ngatif.

    La tte correspond avec les deux pieds, chaque main avec une main et un pied, les deux pieds chacun avec la tte et une main.

    Ce signe rgulier de la lumire quilibre reprsente lesprit dordre et dharmonie.

    Cest le signe de la toute-puissance du mage.

    Aussi ce mme signe, bris ou irrgulirement trac, reprsente-t-il livresse astrale, les projections anormales et drgles du grand agent magique, par consquent les en-votements, la perversit, la folie, et cest ce que les magistes nomment la signature de Lucifer.

    Il existe une autre signature qui reprsente aussi les mystres de la lumire ;

    Cest la signature de Salomon.

    Les talismans de Salomon portaient, dun ct, lempreinte de son sceau dont nous avons donn la fi gure dans notre Dogme.

    De lautre ct tait la signature dont voici la forme :

    Cette fi gure est la thorie hiroglyphique de la composition des aimants et reprsente la loi circulatoire de la foudre.

    On enchane les esprits drgls en leur montrant, soit ltoile fl amboyante du pentagramme, soit la signature de Salomon, parce quon leur fait voir ainsi la preuve de leur folie en mme temps quon les menace dune puissance souveraine capable de les tourmenter en les rappelant lordre.

    Rien ne tourmente les mchants comme le bien. Rien nest aussi odieux la folie que la raison. Mais si un op-rateur ignorant se sert de ces signes sans les connatre,

    Cest un aveugle qui parle de lumire aux aveugles ;

    Cest un ne qui veut apprendre lire aux enfants.

    Si laveugle conduit laveugle, a dit le grand et divin Hirophante, ils tombent tous deux dans la fosse.

  • Un dernier mot pour rsumer toute cette introduction.

    Si vous tes aveugle comme Samson lorsque vous secouez les colonnes du temple, les ruines vous craseront.

    Pour commander la nature, il faut stre fait suprieur la nature par la rsistance et ses entranements.

    Si votre esprit est parfaitement libre de tout prjug, de toute superstition et de toute incrdulit, vous commanderez aux esprits.

    Si vous nobissez pas aux forces fatales, les forces fatales vous obiront.

    Si vous tes sage comme Salomon, vous ferez les uvres de Salomon.

    Si vous tes saint comme le Christ, vous ferez les uvres du Christ.

    Pour diriger les courants de la lumire mobile, il faut tre fi x dans une lumire immo-bile.

    Pour commander aux lments, il faut avoir dompt leurs ouragans, leurs foudres, leurs abmes et leurs temptes.

    Il faut Savoir pour Oser.

    Il faut Oser pour Vouloir. Il faut Vouloir pour avoir lEmpire. Et pour rgner, il faut Se Taire.

  • RituelDe

    La Haute Magie

  • Chapitre Premier

    Les Prparations

    Toute intention qui ne se manifeste pas par des actes est une intention vaine, et la parole qui lexprime est une parole oiseuse. Cest laction qui prouve la vie, et cest aussi laction qui prouve et constate la volont. Aussi est-il dit dans les livres symboliques et sacrs que les hommes seront jugs, non pas selon leurs penses et leurs ides, mais selon leurs uvres. Pour tre il faut faire.

    Nous avons donc traiter maintenant la grande et terrible question des uvres ma-giques. Il ne sagit plus ici de thories et dabstractions ; nous arrivons aux ralits, et nous allons mettre entre les mains de ladepte la baguette des miracles, en lui disant : Ne ten rapporte pas seulement nos paroles ; agis toi-mme.

    Il sagit ici des oeuvres dune toute-puissance relative, et du moyen de semparer des plus grands secrets de la nature et de les faire servir une volont claire et infl exible.

    La plupart des Rituels magiques connus sont ou des mystifi cations ou des nigmes, et nous allons dchirer pour la premire fois, aprs tant de sicles, le voile du sanctuaire occulte. Rvler la saintet des mystres, cest remdier leur profanation. Telle est la pense qui soutient notre courage et nous fait aff ronter tous les prils de cette uvre, la plus hardie peut-tre quil ait t donn lesprit humain de concevoir et daccomplir.

    Les oprations magiques sont lexercice dun pouvoir naturel, mais suprieur aux forces ordinaires de la nature. Elles sont le rsultat dune science et dune habitude qui exaltent la volont humaine au-dessus de ses limites habituelles.

    Le surnaturel nest que le naturel extraordinaire ou le naturel exalt : un miracle est un phnomne qui frappe la multitude parce quil est inattendu ; le merveilleux est ce qui merveille, ce sont des eff ets qui surprennent ceux qui en ignorent les causes ou qui leur assignent des causes non proportionnelles de pareils rsultats. Il ny a de miracles que pour les ignorants ; mais, comme il nexiste gure de science absolue parmi les hommes, le miracle peut encore exister, et il existe pour tout le monde.

    Commenons par dire que nous croyons tous les miracles, parce que nous sommes convaincu et certain, mme par notre propre exprience, de leur entire possibilit.

    Il en est que nous nexpliquons pas, mais que nous nen regardons pas moins comme explicables. Du plus au moins et du moins au plus les consquences sont identiquement relatives et les proportions progressivement rigoureuses.

  • Mais, pour faire des miracles, il faut tre en dehors des conditions communes de lhu-manit ; il faut tre ou abstrait par la sagesse, ou exalt par la folie, au-dessus de toutes les passions ou en dehors des passions par lextase ou la frnsie. Telle est la premire et la plus indispensable des prparations de loprateur.

    Ainsi, par une loi providentielle ou fatale, le magicien ne peut exercer la toute-puissance quen raison inverse de son intrt matriel ; lalchimiste fait dautant plus dor quil se rsigne davantage aux privations et quil estime plus la pauvret, protectrice des secrets du grand-uvre.

    Ladepte au cur sans passion disposera seul de lamour et de la haine de ceux dont il voudra faire les instruments de sa science : le mythe de la Gense est ternellement vrai, et Dieu ne laisse approcher de larbre de la science que les hommes assez abstinents et assez forts pour nen pas convoiter les fruits.

    Vous donc qui cherchez dans la magie le moyen de satisfaire vos passions, arrtez-vous dans cette voie funeste : vous ny trouveriez que la folie ou la mort. Cest ce quon expri-mait autrefois par cette tradition vulgaire, que le diable fi nissait tt ou tard par tordre le cou aux sorciers.

    Le magiste doit donc tre impassible, sobre et chaste, dsintress, impntrable et inac-cessible toute espce de prjug ou de terreur. Il doit tre sans dfauts corporels et lpreuve de toutes les contradictions et de toutes les peines. La premire et la plus im-portante des uvres magiques est darriver cette rare supriorit.

    Nous avons dit que lextase passionne peut produire les mmes rsultats que la su-priorit absolue, et cela est vrai quant la russite, mais non quant la direction des oprations magiques.

    La passion projette avec force la lumire vitale et imprime des mouvements imprvus lagent universel ; mais elle ne peut retenir aussi facilement quelle a lanc, et sa destine alors est de ressembler Hippolyte tran par ses propres chevaux, ou Phalaris, prou-vant lui-mme linstrument de supplice quil avait invent pour dautres.

    La volont humaine ralise par laction est semblable au boulet de canon qui ne recule jamais devant lobstacle. Elle le traverse, ou elle y entre et sy perd, lorsquelle est lance avec violence ; mais, si elle marche avec patience et persvrance, elle ne se perd jamais, elle est comme le fl ot qui revient toujours et fi nit par ronger le fer.

    Lhomme peut tre modifi par lhabitude, qui devient, suivant le proverbe, une seconde nature en lui. Au moyen dune gymnastique persvrante et gradue, les forces et lagi-lit du corps se dveloppent ou se crent dans une proportion qui tonne. Il en est de mme des puissances de lme. Voulez-vous rgner sur vous-mmes et sur les autres ? Apprenez vouloir.

    Comment peut-on apprendre vouloir ? Ici est le premier arcane de linitiation ma-gique, et cest pour faire comprendre le fond mme de cet arcane que les anciens d-positaires de lart sacerdotal environnaient les accs du sanctuaire de tant de terreurs et

  • de prestiges. Ils ne croyaient une volont que lorsquelle avait fait ses preuves, et ils avaient raison. La force ne peut saffi rmer que par des victoires.

    La paresse et loubli sont les ennemis de la volont, et cest pour cela que toutes les re-ligions ont multipli les pratiques et rendu leur culte minutieux et diffi cile. Plus on se gne pour une ide, plus on acquiert de force dans le sens de cette ide. Les mres ne prfrent-elles pas ceux de leurs enfants qui leur ont caus le plus de douleur et leur ont cot le plus de soins ? Aussi la force des religions est-elle tout entire dans linfl exible volont de ceux qui pratiquent. Tant quil y aura un fi dle croyant au saint sacrifi ce de la messe, il y aura un prtre pour la lui dire, et tant quil y aura un prtre disant tous les jours son brviaire, il y aura un pape dans le monde.

    Les pratiques les plus insignifi antes en apparence et les plus trangres en elles-mmes au but quon se propose, conduisent nanmoins ce but par lducation et lexercice de la volont. Un paysan qui se lverait tous les matins deux ou trois heures et qui irait bien loin de chez lui cueillir tous les jours un brin de la mme herbe avant le soleil lev pourrait, en portant sur lui de cette herbe, oprer un grand nombre de prodiges. Cette herbe serait le signe de sa volont et deviendrait par cette volont mme tout ce quil voudrait quelle devint dans lintrt de ses dsirs.

    Pour pouvoir il faut croire quon peut, et cette foi doit se traduire immdiatement par des actes. Lorsquun enfant dit : Je ne peux pas, sa mre lui rpond : Essaye. La foi nes-saye mme pas ; elle commence avec la certitude dachever, et elle travaille avec calme comme ayant la toute-puissance ses ordres et lternit devant elle.

    Vous donc qui vous prsentez devant la science des mages, que lui demandez-vous ? Osez formuler votre dsir, quel quil soit, puis mettez-vous immdiatement luvre, et ne cessez plus dagir dans le mme sens et pour la mme fi n : ce que vous voulez se fera, et cest dj commenc pour vous et par vous.

    Sixte-Quint, en gardant ses bestiaux, avait dit : Je veux tre pape.

    Vous tes besacier et vous voulez faire de lor : mettez-vous luvre et ne cessez plus. Je vous promets au nom de la science tous les trsors de Flamel et de Raymond Lulle.

    Que faut-il faire dabord ? Il faut croire que vous pouvez, puis agir. Agir comment ? Vous lever tous les jours la mme heure et de bonne heure ; vous laver en toute sai-son avant le jour une fontaine ; ne porter jamais de vtements sales, et pour cela les nettoyer vous-mme sil le faut ; vous exercer aux privations volontaires, pour mieux supporter les involontaires ; puis imposer silence tout dsir qui nest pas celui de lac-complissement du grand-uvre. Quoi ! en me lavant tous les jours une fontaine, je ferai de lor ? Vous travaillerez pour en faire. Cest une moquerie. Non, cest un arcane. Comment puis-je me servir dun arcane que je ne saurais comprendre ? Croyez et faites ; vous comprendrez ensuite.

    Une personne me disait un jour : Je voudrais tre une fervente catholique, mais je suis voltairienne. Combien ne donnerais-je pas pour avoir la foi ! Eh bien ! lui ai-je rpondu, ne dites plus : Je voudrais ; dites : Je veux, et faites les uvres de la foi ; je vous assure

  • que vous croirez. Vous tes voltairienne, dites-vous, et parmi les diff rentes manires de comprendre la foi, celle des jsuites vous est la plus antipathique et vous semble pour-tant la plus dsirable et la plus forte Faites, et recommencez sans vous dcourager, les exercices de saint Ignace, et vous deviendrez croyante comme un jsuite. Le rsultat est infaillible, et, si vous avez alors la navet de croire que cest un miracle, vous vous trompez dj en vous croyant voltairienne.

    Un paresseux ne sera jamais magicien. La magie est un exercice de toutes les heures et de tous les instants. Il faut que loprateur des grandes uvres soit matre absolu de lui-mme ; quil sache vaincre lattrait du plaisir, et lapptit et le sommeil ; quil soit insen-sible au succs comme laff ront. Sa vie doit tre une volont dirige par une pense et servie par la nature entire, quil aura assujettie lesprit dans ses propres organes, et par sympathie dans toutes les forces universelles qui leur sont correspondantes.

    Toutes les facults et tous les sens doivent prendre part luvre, et rien dans le prtre dHerms na le droit de rester oisif ; il faut formuler lintelligence par des signes et la rsumer par des caractres ou des pantacles ; il faut dterminer la volont par des paroles et accomplir les paroles par des actes ; il faut traduire lide magique en lumire pour les yeux, en harmonie pour les oreilles, en parfums pour lodorat, en saveurs pour la bouche, et en formes pour le toucher ; il faut, en un mot, que loprateur ralise dans sa vie entire ce quil veut raliser hors de lui dans le monde; il faut quil devienne un aimant pour attirer la chose dsire ; et, quand il sera suffi samment aimant, quil sache que la chose viendra sans quil y songe et delle-mme.

    Il est important que le mage sache les secrets de la science ; mais il peut les connatre par intuition et sans les avoir appris. Les solitaires, qui vivent dans la contemplation habituelle de la nature, devinent souvent ses harmonies et sont plus instruits dans leur simple bon sens que les docteurs, dont le sens naturel est fauss par les sophismes des coles. Les vrais magiciens pratiques se trouvent presque toujours la campagne, et ce sont souvent des gens sans instruction et de simples bergers.

    Il existe aussi certaines organisations physiques mieux disposes que dautres aux r-vlations du monde occulte ; il est des natures sensitives et sympathiques auxquelles lintuition dans la lumire astrale est pour ainsi dire inne ; certains chagrins et certaines maladies peuvent modifi er le systme nerveux, et en faire, sans le concours de la volont, un appareil de divination plus ou moins parfait ; mais ces phnomnes sont exception-nels, et gnralement la puissance magique doit et peut sacqurir par la persvrance et le travail.

    Il est aussi des substances qui produisent lextase et disposent au sommeil magntique ; il en est qui mettent au service de limagination tous les refl ets les plus vifs et les plus colors de la lumire lmentaire ; mais lusage de ces substances est dangereux, parce quelles ; produisent en gnral la stupfaction et livresse. On les emploie toutefois, mais dans des proportions rigoureusement calcules, et dans des circonstances tout fait exceptionnelles.

  • Celui qui veut se livrer srieusement aux uvres magiques, aprs avoir aff ermi son esprit contre tout danger dhallucination et dpouvante, doit se purifi er extrieurement et in-trieurement pendant quarante jours. Le nombre quarante est sacr, et sa fi gure mme est magique. En chiff res arabes, il se compose du cercle, image de linfi ni, et du 4, qui rsume le ternaire par lunit. En chiff res romains, disposs de la manire suivante, il re-prsente le signe du dogme fondamental dHerms et le caractre du sceau de Salomon :

    La purifi cation du mage doit consister dans labstinence des volupts brutales, dans un r-gime vgtal et doux, dans la privation des liqueurs fortes, et dans le rglement des heures du sommeil. Cette prparation a t indique et reprsente dans tous les cultes par un temps de pnitence et dpreuves qui

    prcde les ftes symboliques du renouvellement de la vie.

    Il faut, comme nous lavons dj dit, observer pour lextrieur la propret la plus scru-puleuse : le plus pauvre peut trouver de leau aux fontaines. Il faut aussi nettoyer ou faire nettoyer avec soin les vtements, les meubles et les vases dont on fait usage. Toute malpropret atteste une ngligence, et en magie la ngligence est mortelle.

    Il faut purifi er lair en se levant et en se couchant avec un parfum compos de sve de lauriers, de sel, de camphre, de rsine blanche et de soufre, et dire en mme temps les quatre mots sacrs, en se tournant vers les quatre parties du monde.

    Il ne faut parler personne des uvres quon accomplit ; et, comme nous lavons assez dit dans le Dogme, le mystre est la condition rigoureuse et indispensable de toutes les oprations de la science. Il faut drouter les curieux en supposant dautres occupations et dautres recherches, comme des expriences chimiques pour des rsultats industriels, des prescriptions hyginiques, la recherche de quelques secrets naturels, etc.; mais le mot dcri de magie ne doit jamais tre prononc.

    Le magiste doit sisoler en commenant, et se montrer trs diffi cile en relations pour concentrer en lui sa force et choisir les points de contact ; mais autant il sera sauvage et inabordable dans les premiers temps, autant on le verra plus tard entour et populaire, quand il aura aimant sa chane et choisi sa place dans un courant dides et de lumire.

    Une vie laborieuse et pauvre est tellement favorable linitiation par la pratique, que les plus grands matres lont cherche, mme alors quils pouvaient disposer des richesses du monde. Cest alors que Satan, cest--dire lesprit dignorance, qui ricane, qui doute, et qui hait la science parce quil la craint, vient tenter le futur matre du monde en lui disant : Si tu es le fi ls de Dieu, dis que ces pierres deviennent du pain. Les hommes dar-gent cherchent alors humilier le prince de la science en entravant, en dprciant ou en exploitant misrablement son travail ; on lui rompt en dix morceaux, afi n quil tende

  • la main dix fois, le morceau de pain dont il veut bien paratre avoir besoin. Le mage ne daigne pas mme sourire de cette ineptie, et poursuit son uvre avec calme.

    Il faut viter, autant quon le pourra, la vue des choses hideuses et des personnes laides, ne pas manger chez les personnes quon nestime pas, viter tous les excs, et vivre de la manire la plus uniforme et la plus rgle.

    Avoir le plus grand respect de soi-mme et se regarder comme un souverain mcon-nu qui consent ltre pour reconqurir sa couronne. tre doux et digne avec tout le monde ; mais, dans les rapports sociaux, ne se laisser jamais absorber, et se retirer des cercles o lon naurait pas une initiative quelconque.

    On peut enfi n et lon doit mme accomplir les obligations et pratiquer les rites du culte auquel on appartient. Or, de tous les cultes, le plus magique est celui qui ralise le plus de miracles, qui appuie sur les plus sages raisons les plus inconcevables mystres, qui a des lumires gales ses ombres, qui popularise les miracles et incarne Dieu dans les hommes par la foi. Cette religion a toujours exist, et a toujours t dans le monde, sous divers noms, la religion unique et dominante. Elle a maintenant, chez les peuples de la terre, trois formes hostiles en apparence lune lautre, qui se runiront bientt en une seule pour constituer une glise universelle. Je veux parler de lorthodoxie russe, du ca-tholicisme romain, et dune transfi guration dernire de la religion de Bouddha.

    Nous croyons avoir assez fait comprendre par ce qui prcde que notre magie est op-pose celle des Gotiens et des Nigromans (Ncromanciens). Notre magie est la fois une science et une religion absolue, qui doit, non pas dtruire et absorber toutes les opinions et tous les cultes, mais les rgnrer et les diriger, en reconstituant le cercle des initis, et en donnant ainsi aux masses aveugles des conducteurs sages et clairvoyants.

    Nous vivons dans un sicle o il ny a plus rien dtruire ; mais tout est refaire, puisque tout est dtruit. Refaire quoi ? le pass ? On ne refait pas le pass. Recons-truire quoi ? un temple et un trne ? quoi bon, puisque les anciens sont tombs ? Cest comme si vous disiez : Ma maison vient de tomber de vieillesse, quoi bon en construire une autre ? Mais la maison que vous allez btir sera-t-elle pareille celle qui est tombe ?

    Non : celle qui est tombe tait vieille, et celle-ci sera neuve. Mais enfi n, ce sera toujours une maison ? Que voulez-vous donc que ce soit ?

  • Chapitre II

    Lquilibre Magique

    Lquilibre est la rsultante de deux forces. Si les deux forces sont absolument ; et toujours gales, lquilibre sera limmobilit, et par consquent la ngation de la vie. Le mouvement est le rsultat dune prpondrance alterne.Limpulsion donne lun des plateaux dune balance dtermine ncessairement le mou-vement de lautre. Les contraires agissent ainsi sur les contraires, dans toute la nature, par correspondance et par connexion analogique.

    La vie entire se compose dune aspiration et dun souffl e ; la cration est la supposition dune ombre pour servir de limite la lumire, dun vide pour servir despace la pl-nitude de ltre, dun principe passif fcond pour appuyer et raliser la puissance du principe actif gnrateur.

    Toute la nature est bissexuelle, et le mouvement qui produit les apparences de la mort et de la vie est une continuelle gnration.

    Dieu aime le vide quil a fait, pour lemplir ; la science aime lignorance, quelle claire ; la force aime la faiblesse, quelle soutient ; le bien aime le mal apparent, qui le glorifi e ; le jour est amoureux de la nuit et la poursuit sans cesse en tournant autour du monde ; lamour est la fois une soif et une plnitude qui a besoin dpanchement. Celui qui donne reoit, et celui qui reoit donne; le mouvement cest un change perptuel.

    Connatre la loi de cet change, savoir la proportion alternative ou simultane de ces forces, cest possder les premiers principes du grand arcane magique, qui constitue la vraie divinit humaine.

    Scientifi quement on peut apprcier les diverses manifestations du mouvement univer-sel par les phnomnes lectriques ou magntiques. Les appareils lectriques surtout rvlent matriellement et positivement les affi nits et les antipathies de certaines subs-tances. Le mariage du cuivre avec le zinc, laction de tous les mtaux dans la pile galva-nique, sont des rvlations perptuelles et irrcusables. Que les physiciens cherchent et dcouvrent : les cabalistes expliqueront les dcouvertes de la science.

    Le corps humain est soumis, comme la terre, une double loi : il attire et il rayonne ; il est aimant dun magntisme androgyne et ragit sur les deux puissances de lme, lin-tellectuelle et la sensitive, en raison inverse, mais proportionnelle des prpondrances alternes des deux sexes dans son organisme physique.

  • Lart du magntiseur st tout entier dans la connaissance et lusage de cette loi. Polari-ser laction et donner lagent une force bissexuelle et alterne, cest le moyen encore inconnu et vainement cherch de diriger volont les phnomnes du magntisme ; mais il faut un tact trs exerc et une grande prcision dans les mouvements intrieurs pour ne pas confondre les signes de laspiration magntique avec ceux de la respiration ; il faut aussi connatre parfaitement lanatomie occulte et le temprament spcial des personnes sur lesquelles on agit.

    Ce qui apporte le plus grand obstacle la direction du magntisme, cest la mauvaise foi ou la mauvaise volont des sujets. Les femmes surtout, qui sont essentiellement et toujours comdiennes ; les femmes qui aiment simpressionner en impressionnant les autres, et qui parviennent se tromper les premires lorsquelles jouent leurs mlo-drames nerveux ; les femmes sont la vraie magie noire du magntisme. Aussi sera-t-il impossible des magntiseurs non initis aux suprmes arcanes et non assists des lu-mires de la cabale de dominer jamais cet lment rfractaire et fugitif. Pour tre matre de la femme, il faut la distraire et la tromper habilement en lui laissant supposer que cest elle-mme qui vous trompe. Ce conseil, que nous donnons ici spcialement aux mdecins magntiseurs, pourrait peut-tre trouver aussi sa place et son application dans la politique conjugale.

    Lhomme peut produire son gr deux souffl es, lun chaud et lautre froid ; il peut gale-ment projeter son gr la lumire active ou la lumire passive ; mais il faut quil acquire la conscience de cette force par lhabitude dy penser. Un mme geste de la main peut alternativement respirer et aspirer ce quon est convenu dappeler le fl uide ; et le ma-gntiseur lui-mme sera averti du rsultat de son intention par une sensation alternative de chaud et de froid dans la main, ou dans les deux mains sil opre des deux mains la fois, sensation que le sujet devra prouver en mme temps, mais en sens contraire, cest--dire avec une alternative tout fait oppose.

    Le pentagramme, ou le signe de microcosme, reprsente, entre autres mystres ma-giques, la double sympathie des extrmits humaines entre elles et la circulation de la lumire astrale dans le corps humain. Ainsi, en fi gurant un homme dans ltoile du pentagramme, comme on peut le voir dans la philosophie occulte dAgrippa, on doit remarquer que la tte correspond en sympathie masculine avec le pied droit et en sym-pathie fminine avec le pied gauche ; que la main droite correspond de mme avec la main et le pied gauche, et la main gauche rciproquement : ce quil faut observer dans les passes magntiques, si lon veut arriver dominer tout lorganisme et lier tous les membres par leur propres chanes danalogie et de sympathie naturelle.

    Cette connaissance est ncessaire pour lusage du pentagramme dans les conjurations des esprits, et dans les vocations des formes errantes dans la lumire astrale, appeles vulgairement ncromancie, comme nous lexpliquerons au cinquime chapitre de ce Rituel ; mais il est bon dobserver ici que toute action provoque une raction, et quen magntisant ou infl uenant magiquement les autres, nous tablissons deux nous un courant dinfl uence contraire, mais analogue, qui peut nous soumettre eux au lieu de les soumettre nous, comme il arrive assez souvent dans les oprations qui ont pour

  • objet la sympathie damour. Cest pourquoi il est essentiel de se dfendre en mme temps quon attaque, afi n de ne pas aspirer gauche en mme temps quon souffl e droite. Landrogyne magique (voir la fi gure en tte du Rituel) porte crit sur le bras droit Solve, et sur le bras gauche Coagula, ce qui correspond la fi gure symbolique des travailleurs du second temple, qui tenaient dune main lpe et de lautre la truelle. En mme temps quon btit il faut dfendre son uvre en dispersant les ennemis : la nature ne fait pas autre chose lorsquelle dtruit en mme temps quelle rgnre. Or, suivant lallgorie du calendrier magique de Duchenteau1, lhomme, cest--dire liniti, est le singe de la nature, qui le tient la chane, mais qui le fait agir sans cesse en imitation des procds et des uvres de sa divine matresse et de son imprissable modle.

    Lemploi altern des forces contraires, le chaud aprs le froid, la douceur aprs la sv-rit, lamour aprs la colre, etc., est le secret du mouvement perptuel et de la prolonga-tion de la puissance ; cest ce que sentent instinctivement les coquettes, qui font passer leurs adorateurs de lesprance la crainte et de la joie la tristesse. Agir toujours dans le mme sens et de la mme manire, cest surcharger un seul plateau dune balance, et il en rsultera bientt la destruction absolue de lquilibre. La perptuit des caresses engendre vite la satit, le dgot et lantipathie, de mme quune froideur ou une sv-rit constante loigne la longue et dcourage laff ection. En alchimie un feu toujours le mme et continuellement ardent calcine la matire premire et fait parfois clater le vase hermtique ; il faut substituer, des intervalles rgls, la chaleur du feu celle de la chaux ou du fumier minral. Cest ainsi quil faut, en magie, temprer les uvres de colre ou de rigueur par des oprations de bienfaisance et damour, et que, si loprateur tient sa volont toujours tendue de la mme manire et dans le mme sens, il en rsul-tera pour lui une grande fatigue et bientt une sorte dimpuissance morale.

    Le magiste ne doit donc pas vivre exclusivement dans son laboratoire, entre son Atha-nor, ses lixirs et ses pantacles. Quelque dvorant que soit le regard de cette Circ quon appelle la puissance occulte, il faut savoir lui prsenter propos le glaive dUlysse et loigner temps de nos lvres la coupe quelle nous prsente. Toujours une opration magique doit tre suivie dun repos gal sa dure et dune distraction analogue, mais contraire son objet. Lutter continuellement contre la nature pour la dominer et la vaincre, cest exposer sa raison et sa vie. Paracelse a os le faire, et toutefois dans cette lutte mme il employait des forces quilibres et opposait livresse du vin celle de lintelligence ; puis il domptait livresse par la fatigue corporelle, et la fatigue corporelle par un nouveau travail de lintelligence. Aussi Paracelse tait-il un homme dinspiration et de miracles ; mais il a us sa vie dans cette activit dvorante, ou plutt il en a rapi-dement fatigu et dchir le vtement : car les hommes semblables Paracelse peuvent user et abuser sans rien craindre : ils savent bien quils ne sauraient pas plus mourir quils ne doivent vieillir ici-bas.

    Rien ne dispose mieux la joie que la douleur, et rien nest plus voisin de la douleur que la joie. Aussi loprateur ignorant est-il tonn darriver toujours des rsultats contraires ceux quil se propose, parce quil ne sait ni croiser ni alterner son action ; il veut envoter son ennemi, et il devient lui-mme malheureux et malade ; il veut se

    1 Inspir de calendrier magique de Tycho Brah ; voir aussi la Virga Aurea

  • faire aimer, et il se passionne misrablement, pour des femmes qui se moquent de lui ; il veut faire de lor, et il puise ses dernires ressources : son supplice est ternellement celui de Tantale, leau se retire toujours lorsquil veut boire. Les anciens, dans leurs sym-boles et dans leurs oprations magiques, multipliaient les signes du binaire, pour nen pas oublier la loi, qui est celle de lquilibre. Dans leurs vocations, ils construisaient toujours deux autels diff rents et immolaient deux victimes, une blanche et une noire ; loprateur ou lopratrice, tenant dune main lpe et de lautre la baguette, devait avoir un pied chauss et lautre nu. Toutefois, comme le binaire serait limmobilit et la mort sans le moteur quilibrant, on ne pouvait tre quun ou trois dans les uvres de la magie ; et quand un homme et une femme prenaient part la crmonie, loprateur devait tre une vierge, un androgyne ou un enfant. On me demandera si la bizarrerie de ces rites est arbitraire et si elle a uniquement pour but dexercer la volont en multipliant plaisir les diffi cults de luvre magique. Je rpondrai quen magie il ny a rien darbi-traire, parce que tout est rgl et dtermin davance par le dogme unique et universel dHerms, celui de lanalogie dans les trois mondes. Tout signe correspond une ide et la forme spciale dune ide ; tout acte exprime une volont correspondante une pense et formule les analogies de cette pense et de cette volont. Les rites sont donc dtermins davance par la science elle-mme. Lignorant, qui nen sait pas la triple puis-sance, en subit la fascination mystrieuse ; le sage les comprend et en fait linstrument de sa volont ; mais, lorsquils sont accomplis avec exactitude et avec foi, ils ne sont jamais sans eff et.

    Tous les instruments magiques doivent tre doubles ; il faut avoir deux pes, deux baguettes, deux coupes, deux rchauds, deux pantacles et deux lampes ; porter deux vtements superposs et de deux couleurs contraires, comme le pratiquent encore les prtres catholiques ; il faut navoir sur soi aucun mtal, ou en avoir au moins deux. Les couronnes de laurier, de rue, darmoise ou de verveine, doivent galement tre doubles ; dans les vocations, on garde lune des couronnes et lon brle lautre, en observant comme un augure le bruit quelle fait en ptillant et les ondulations de la fume quelle produit.

    Cette observance nest pas vaine, car, dans luvre magique, tous les instruments de lart sont magntiss par loprateur, lair est charg de ses parfums, le feu consacr par lui est soumis sa volont, les forces de la nature semblent lentendre et lui rpondre ; il lit dans toutes les formes les modifi cations et les complments de sa pense. Cest alors quon voit leau se troubler et comme bouillonner delle-mme, le feu jeter une grande lumire ou steindre, les feuilles des guirlandes sagiter, la baguette magique se mouvoir delle-mme, et quon entend passer dans lair des voix tranges et inconnues. Cest dans de pareilles vocations que Julien vit apparatre les fantmes trop aims de ses dieux dchus, et spouvanta malgr lui de leur dcrpitude et de leur pleur.

    Je sais que le christianisme a supprim pour toujours la magie crmonielle et pros-crit svrement les vocations et les sacrifi ces de lancien monde : aussi notre intention nest-elle pas de leur donner une nouvelle raison dtre en venant aprs tant de sicles en rvler les antiques mystres.

  • Nos expriences, mme dans cet ordre de faits, ont t des recherches savantes, et rien de plus. Nous avons constat des faits pour apprcier des causes, et jamais nous navons eu la prtention de renouveler des rites jamais dtruits.

    Lorthodoxie isralite, cette religion si rationnelle, si divine et si peu connue, ne rprouve pas moins que le christianisme les mystres de la magie crmonielle. Pour la tribu de Lvi, lexercice mme de la haute magie devait tre considr comme une usurpation de sacerdoce, et cest la mme raison qui fera proscrire par tous les cultes offi ciels la magie opratrice, divinatrice et miraculeuse. Montrer le naturel du merveilleux et le produire volont, cest anantir pour le vulgaire la preuve concluante des miracles que chaque religion revendique comme sa proprit exclusive et son argument dfi nitif.

    Respect aux religions tablies, mais place aussi la science. Nous ne sommes plus, grce Dieu, au temps des inquisiteurs et des bchers ; lon nassassine plus de malheureux savants sur la foi de quelques fanatiques alins ou de quelques fi lles hystriques. Quil soit dailleurs bien entendu que nous faisons des tudes curieuses, et non une propa-gande impossible, insense. Ceux qui nous blmeront doser nous dire magicien nont rien craindre dun tel exemple, et il est plus que probable quils ne deviendront jamais sorciers.

  • Chapitre III

    Le Triangle Des Pantacles

    Labb Trithme, qui fut en magie le matre de Cornlius Agrippa, explique dans sa Stga-nographia le secret des conjurations et des vocations dune manire trs philosophique et trs naturelle, mais peut-tre, pour cela mme, trop simple et trop facile.voquer un esprit, dit-il, cest entrer dans la pense dominante de cet esprit, et, si nous nous levons moralement plus haut dans la mme ligne, nous entranerons cet esprit avec nous et il nous servira ; autrement il nous entranera dans son cercle et nous le servirons.

    Conjurer, cest opposer un esprit isol la rsistance dun courant et dune chane : cum jurare, jurer ensemble, cest--dire faire acte dune foi commune. Plus cette foi a denthousiasme et de puissance, plus la conjuration est effi cace. Cest pour cela que le christianisme naissant faisait taire les oracles : lui seul alors possdait linspiration et la force. Plus tard, lorsque saint Pierre eut vieilli, cest--dire lorsque le monde crut avoir des reproches lgitimes faire la papaut, lesprit de prophtie vint remplacer les oracles ; et les Savonarole, les Joachim de Flore, les Jean Hus et tant dautres, agitrent tour tour les esprits et traduisirent en lamentations et en me-naces les inquitudes et les rvoltes secrtes de tous les curs.

    On peut donc tre seul pour voquer un esprit, mais pour le conjurer il faut parler au nom dun cercle ou dune association ; et cest ce que reprsente le cercle hieroglyphique trac autour du mage pendant lopration, et dont il ne doit pas sortir sil ne veut perdre linstant mme toute sa puissance.

    Abordons nettement ici la question principale, la question importante : lvocation relle et la conjuration dun esprit sont-elles possibles, et cette possibilit peut-elle tre scientifi quement dmontre ?

    A la premire partie de la question on peut dabord rpondre que toute chose dont limpossi-bilit nest pas vidente peut et doit tre admise provisoirement comme possible. A la seconde partie nous disons quen vertu du grand dogme magique de la hirarchie et de lanalogie uni-verselle, on peut dmontrer cabalistiquement la possibilit des vocations relles ; quant la ralit phnomnale du rsultat des oprations magiques consciencieusement accomplies, cest une question dexprience ; et, comme nous lavons dj dit, nous avons constat par nous-mme cette ralit, et nous mettrons par ce Rituel nos lecteurs mme de renouveler et de confi rmer nos expriences.

    Rien ne prit dans la nature, et tout ce qui a vecu continue vivre toujours sous des formes nouvelles ; mais les formes mmes antrieures ne sont pas dtruites, puisque nous les retrou-vons dans notre souvenir. Ne voyons-nous pas en imagination lenfant que nous avons connu

  • et qui maintenant est un vieillard ? Les traces mmes que nous croyons eff aces dans notre sou-venir ne le sont pas rellement, puisquune, circonstance fortuite les voque et nous les rappelle. Mais comment les voyons-nous ? Nous avons dj dit que cest dans la lumire astrale qui les transmet notre cerveau par le mcanisme de lappareil nerveux.

    Dune autre part, toutes les formes sont proportionnelles et analogiques lide qui les a dter-mines ; elles sont le caractre naturel, la signature de cette ide, comme disent les magistes, et ds quon voque activement lide, la forme se ralise et se produit.

    Schrpff er, le fameux illumin de Leipsik (Leipzig en 2010), avait jet par ses vocations la terreur dans toute lAllemagne, et son audace dans les oprations magiques avait t si grande, que sa rputation lui devint un insupportable fardeau ; puis il se laissa entraner par limmense courant dhallucinations quil avait laiss se former ; les visions de lautre monde le dgotrent de celle-ci, et il se tua. Cette histoire doit rendre circonspects les curieux de magie crmonielle. On ne violente pas impunment la nature, et lon ne joue pas sans danger avec des forces in-connues et incalculables.

    Cest par cette considration que nous nous sommes refus, et que nous nous refuserons tou-jours, la vaine curiosit de ceux qui demandent voir pour croire ; et nous leur rpondons ce que nous disions un personnage minent dAngleterre qui nous menaait de son incrdulit :

    Vous avez parfaitement le droit de ne pas croire nous nen serons pour notre part ni plus d-courag, ni moins convaincu .

    A ceux qui viendraient nous dire quils ont scrupuleusement et courageusement accompli tous les rites et que rien ne sest produit, nous dirons quils feront bien de sen tenir l, et que cest

    peut-tre un avertissement de la nature qui se refuse pour eux ces uvres excentriques, mais que, sils persistent dans leur curiosit, ils nont qu recommencer.

    Le ternaire, tant la base du dogme magique, doit ncessairement tre observ dans les voca tions ; aussi est-il le nombre symbolique de la ralisation et de leff et. La lettre w est ordinairement trace sur les pantacles cabalistiques qui ont pour objet laccomplissement dun dsir. Cette lettre est aussi la marque du bouc missaire dans la cabale mystique, et Saint-Martin observe que cette lettre, interca-le dans lincommunicable ttra-gramme, en a fait le nom du R-dempteur des hommes hvwhi. Cest

  • ce que reprsentaient les mystagogues du moyen ge, lorsque, dans leurs assembles nocturnes, ils exhibaient un bouc symbolique portant sur la tte entre les deux cornes un fl ambeau allum. Cet animal monstrueux, dont nous dcrirons au quinzime chapitre de ce Rituel les formes allgoriques et le culte bizarre, reprsentait la nature voue lanathme, mais rachete par le signe de la lumire. Les agapes gnostiques et les priapes paennes qui se succdaient en son honneur rvlaient assez la consquence morale que les adeptes voulaient tirer de cette exhibi-tion. Tout ceci sera expliqu avec les rites, dcris et regards maintenant comme fabuleux, du grand sabbat de la magie noire.

    Dans le grand cercle des vocations on trace ordinairement un triangle, et il faut bien observer de quel ct on doit en tourner le sommet. Si lesprit est suppos venir du ciel, loprateur doit se tenir au sommet et placer lautel des fumigations la base; sil doit monter de labme, loprateur sera la base et le rchaud plac au sommet. Il faut en outre avoir sur le front, sur la poitrine et sur la main droite le symbole sacr des deux triangles runis, formant ltoile six rayons dont nous avons dj reproduit la fi gure, et qui est connue en magie sous le nom de pantacle ou de sceau de Salomon.

    Indpendamment de ces signes, les anciens faisaient usage dans leurs vocations des combinai-sons mystiques des noms divins que nous avons donns dans le dogme daprs les cabalistes hbreux. Le triangle magique des thosophes paens est le clbre ABRACADABRA, auquel ils attribuaient des vertus extraordinaires, et quils fi guraient ainsi

    ABRACADABRA

    ABRACADABR

    ABRACADAB

    ABRACADA

    ABRACAD

    ABRACA

    ABRAC

    ABRA

    ABR

    AB

    A

    Cette combinaison de lettres est une clef du pentagramme. LA principiant y est rpt cinq fois et reproduit trente fois, ce qui donne les lments et les nombres de ces deux fi gures.

    LA isol reprsente lunit du premier principe ou de lagent intellectuel ou actif. LA uni au B reprsente la fcondation du binaire par lunit. LR est le signe du ternaire, parce quil repr-sente hiroglyphiquement leff usion qui rsulte de lunion des deux principes. Le nombre 11

  • des lettres du mot ajoute lunit de liniti au dnaire de Pythagore ; et le nombre 66, total de toutes les lettres additionnes, forme cabalistiquement le nombre 12, qui est le carr du ternaire et par consquent la quadrature mystique du cercle. Remarquons en passant que lauteur de lApocalypse, cette clavicule de la cabale chrtienne, a compos le nombre de la bte, cest--dire de lidoltrie, en ajoutant un 6 au double senaire de lABRACADABRA : ce qui donne cabalistiquement 18, nombre assign dans le Tarot au signe hiroglyphique de la nuit et des profanes, la lune avec les tours, le chien, le loup et lcrevisse ; nombre mystrieux et obscur, dont la clef cabalistique est 9, le nombre de linitiation.

    Le cabaliste sacr dit expressment ce sujet : Que celui qui a lintelligence (cest--dire la clef des nombres cabalistiques) calcule le nombre de la bte, car cest le nombre de lhomme, et ce nombre est 666. Cest en eff et la dcade de Pythagore multiplie par elle-mme et ajoute la somme du Pantacle triangulaire dAbracadabra ; cest donc le rsum de toute la magie de lancien monde, le programme entier du gnie humain, que le gnie divin de lvangile voulait absorber ou supplanter.

    Ces combinaisons hiroglyphiques de lettres et de nombres appartiennent la partie pratique de la cabale, qui, sous ce point de vue, se subdivise en gmatrie et en tmurah. Ces calculs, qui nous paraissent maintenant arbitraires ou sans intrt, appartenaient alors au symbolisme philosophique de lOrient, et avaient la plus grande importance dans lenseignement des choses saintes manes des sciences occultes. Lalphabet cabalistique absolu, qui rattachait les ides pre-mires aux allgories, les allgories aux lettres et les lettres aux nombres, tait ce quon appelait alors les clefs de Salomon. Nous avons dj vu que ces clefs, conserves jusqu nos jours, mais compltement mconnues, ne sont autre chose que le jeu du Tarot, dont les allgories antiques ont t remarques et apprcies pour la premire fois, de nos jours, par le savant archologue

    Court de Gbelin.

    Le double triangle de Salomon est expliqu par saint Jean, dune manire remarquable. Il y a, dit-il, trois tmoins dans le ciel : le Pre, le Logos et le Saint-Esprit, et trois tmoins sur la terre : le souffl e, leau et le sang. Saint Jean est ainsi dac-

    cord avec les matres de philosophie hermtique, qui donnent leur soufre le nom dther, leur mercure le nom deau philosophique, leur sel la qualifi cation de sang du dragon ou de menstrue de la terre : le sang ou le sel correspond par opposition avec le Pre, leau azotique ou mercurielle avec le Verbe ou Logos, et le souffl e avec le Saint-Esprit. Mais les choses de haut symbolisme ne peuvent tre bien entendues que par les vrais enfants de la science.

    Aux combinaisons triangulaires on unissait dans les crmonies magiques, les rptitions des noms par trois fois, et avec des intonations diff rentes. La baguette magique tait souvent surmonte dune petite fourche aimante, que Paracelse remplaait par un trident dont nous donnons ici la fi gure :

    Le trident de Paracelse est un pantacle exprimant le rsum du ternaire dans lunit, qui com-plte ainsi le quaternaire sacr. Il attribuait cette fi gure toutes les vertus que les cabalistiques hbreux attribuent au nom de Jhova, et les proprits thaumaturgiques de lAbracadabra des hirophantes dAlexandrie. Reconnaissons ici que cest, un pantacle, et par consquent un signe concret et absolu de toute une doctrine qui a t celle dun cercle magntique immense, tant

  • pour les philosophes anciens que pour les adeptes du moyen ge. En lui rendant, de nos jours, sa valeur primitive par lintelligence de ses mystres, ne pourrait-on pas lui rendre toute sa vertu miraculeuse et toute sa puissance contre les maladies humaines ?

    Les anciennes sorcires, lorsquelles passaient la nuit dans un carrefour de trois chemins, hur-laient trois fois en lhonneur de la triple Hcate.

    Toutes ces fi gures, tous ces actes analogues aux fi gures, toutes ces dispositions de nombres et de caractres, ne sont, comme nous lavons dj dit, que des instruments dducation pour la volont, dont ils fi xent et dter-minent les habitudes. Ils servent

    en outre rattacher ensemble, dans laction, toutes les puissances de lme humaine, et aug-menter la force cratrice de limagination. Cest la gymnastique de la pense qui sexerce la ralisation : aussi leff et de ces pratiques est-il infaillible comme la nature lorsquelles sont faite avec une confi ance absolue et une persvrance inbranlable.

    Avec la foi, disait le grand Matre, on transplanterait des arbres dans la mer et lon dplacerait des montagnes. Une pratique, mme superstitieuse, mme insense, est effi cace, parce que cest une ralisation de la volont. Cest pour cela quune prire est plus puissante si on va la faire lglise que si on la fait chez soi, et quelle obtiendra des miracles si, pour la faire dans un sanc-tuaire accrdit, cest--dire magntis grand courant par laffl uence des visiteurs, on fait cent lieues ou deux cents lieues en demandant laumne et les pieds nus.

    On rit de la bonne femme qui se prive dun sou de lait le matin, et qui va porter aux triangles magiques des chapelles un petit cierge dun sou quelle laisse brler. Ce sont les ignorants qui rient, et la bonne femme ne paye pas trop cher ce quelle achte ainsi de rsignation et de cou-rage. Les grands esprits sont bien fi ers de passer en haussant les paules, ils sinsurgent contre les superstitions avec un bruit qui fait trembler le monde : quen rsulte-t-il ? Les maisons des grands esprits scroulent, et les dbris en sont revendus aux fournisseurs et aux acheteurs de petits cierges, qui laissent crier volontiers partout que leur rgne est jamais fi ni, pourvu quils gouvernent toujours.

    Les grandes religions nont jamais eu craindre quune rivale srieuse, et cette rivale, cest la magie.

    La magie a produit les associations occultes, qui ont amen la rvolution nomme renaissance ; mais il est arriv lesprit humain, aveugl par les folles amours, de raliser en tout point lhis-toire allgorique de lHercule hbreu : en branlant les colonnes du temple il sest enseveli lui-mme sous les ruines.

    Les socits maonniques ne savent pas plus maintenant la haute raison de leurs symboles que les rabbins ne comprennent le Sepher Yesirah et le Zohar sur lchelle ascendante des trois

  • degrs, avec la progression transversale de droite gauche et de gauche droite du septnaire cabalistique.

    Le compas du G T A T et lquerre de Salomon sont devenus le niveau grossier et matriel du jacobinisme inintelligent ralis par un triangle dacier : voil pour le ciel et pour la terre.

    Les adeptes profanateurs auxquels lillumin Cazotte avait prdit une mort sanglante ont sur-pass de nos jours le pch dAdam : aprs avoir cueilli tmrairement les fruits de larbre de la science, dont ils nont pas su se nourrir, ils les ont jets aux animaux et aux reptiles de la terre. Aussi le rgne de la superstition a-t-il commenc et doit-il durer jusquau temps o la vraie re-ligion se reconstituera sur les bases ternelles de la hirarchie trois degrs et du triple pouvoir que le ternaire exerce fatalement ou providentiellement dans les trois mondes.

  • Chapitre IV

    La Conjuration Des Quatre

    Les quatre formes lmentaires sparent et spcifi ent par une sorte dbauche les esprits crs que le mouvement universel dgage du feu central. Partout lesprit travaille et fconde la matire par la vie ; toute matire est anime ; la pense et lme sont partout.

    En semparant de la pense, qui produit les diverses formes, on devient le matre des formes et on les fait servir ses usages.

    La lumire astrale est sature dmes, quelle dgage dans la gnration incessante des tres. Les mes ont des volonts imparfaites qui peuvent tre domines et employes par des volonts plus puissantes ; elles forment alors de grandes chanes invisibles et peuvent occasionner ou dterminer de grandes commotions lmentaires.

    Les phnomnes constats dans les procs de magie, et tous rcemment encore par M. Eudes de Mirville1, nont pas dautres causes.

    Les esprits lmentaires sont comme les enfants ils tourmentent davantage ceux qui soc-cupent deux, moins quon ne les domine par une haute raison et une grande svrit.

    Ce sont ces esprits que nous dsignons sous le nom dlments occultes.

    Ce sont eux qui dterminent souvent pour nous les songes inquitants ou bizarres, ce sont eux qui produisent les mouvements de la baguette divinatoire et les coups frapps contre les murailles ou contre les meubles ; mais ils ne peuvent jamais manifester une autre pense que la ntre, et si nous ne pensons pas, ils nous parlent avec toute linco-hrence des rves. Ils reproduisent indiff remment le bien et le mal, parce quils sont sans libre arbitre et par consquent nont point de responsabilit ; ils se montrent aux extatiques et aux somnambules sous des formes incompltes et fugitives. Cest ce qui a donn lieu aux cauchemars de saint Antoine et trs probablement aux visions de Swe-denborg ; ils ne sont ni damns ni coupables, ils sont curieux et innocents. On peut user ou abuser deux comme des animaux ou des enfants. Aussi le magiste qui emploie leur concours assume-t-il sur lui une responsabilit terrible, car il devra expier tout le mal quil leur fera faire, et la grandeur de ses tourments sera proportionne ltendue de la puissance quil aura exerce par leur entremise.

    Pour dominer les esprits lmentaires et devenir ainsi le roi des lments occultes, il faut avoir subi dabord les quatre preuves des anciennes initiations, et, comme ces ini-1 Charles, Jules Eudes de Catteville de Mirville, marquis de Mirville est n le 24 avril 1802 au chteau de Filires Gommerville et y est dcd le 11 septembre 1873.

  • tiations nexistent plus, y avoir suppl par des actions analogues, comme de sexposer sans frayeur dans un incendie ; de traverser un gouff re sur un tronc darbre ou sur une planche ; descalader une montagne pic pendant un orage ; de se tirer la nage dune cascade ou dun tourbillon dangereux. Lhomme qui a peur de leau ne rgnera jamais sur les ondins ; celui qui craint le feu na rien commander aux salamandres ; tant quon peut avoir le vertige il faut laisser en paix les sylphes et ne pas irriter les gnomes, car les esprits infrieurs nobissent qu une puissance quon leur prouve en se montrant leur matre jusque dans leur propre lment.

    Lorsquon a acquis par laudace et lexercice cette puissance incontestable, il faut impo-ser aux lments le verbe de sa volont par des conscrations spciales de lair, du feu, de leau et de la terre, et cest ici le commencement indispensable de toutes les oprations magiques.

    On exorcise lair en souffl ant du ct des quatre points cardinaux et en disant :

    Spiritus Dei ferebatur super aquas, et inspiravit in faciem hominis spiraculum vitae. Sit Michael dux meus, et Sabtabiel servus meus, in luce et per lucem.

    Fiat verbum halitus meus ; et imperabo spiritibus aeris hujus, et refrnabo equos solis voluntate cordis mei, et cogitatione mentis me et nutu oculi dextri.

    Exorciso igitur te, creatura aeris, per Pentagrammaton et in nomine Tetragrammaton, in quibus sunt voluntas fi rma et fades recta. Amen. Sela, fi at. Quil en soit ainsi.

    Puis on rcite loraison des sylphes, aprs avoir trac en lair leur signe avec une plume daigle.

    Oraison Des Sylphes.Esprit de lumire, esprit de sagesse, dont le souffl e donne et reprend la forme de toute chose ; toi devant qui la vie des tres est une ombre qui change et une vapeur qui passe ; toi qui montes les nuages et qui marches sur laile des vents ; toi qui respires, et les es-paces sans fi n sont peupls ; toi qui aspires, et tout ce qui vient de toi retourne toi : mouvement sans fi n dans la stabilit ternelle, sois ternellement bni. Nous te louons et nous te bnissons dans lempire changeant de la lumire cre, des ombres, des refl ets et des images, et nous aspirons sans cesse ton immuable et imprissable clart. Laisse pntrer jusqu nous le rayon de ton intelligence et la chaleur de ton amour : alors ce qui est mobile sera fi x, lombre sera un corps, lesprit de lair sera une me, le rve sera une pense. Et nous ne serons plus emports par la tempte, mais nous tiendrons la bride des chevaux ails du matin et nous dirigerons la course des vents du soir pour voler au-devant de toi. O esprit des esprits, me ternelle des mes, souffl e imprissable de la vie, soupir crateur, bouche qui aspirez et qui respirez lexistence de tous les tres dans le fl ux et le refl ux de votre ternelle parole, qui est locan divin du mouvement et de la vrit. Amen.

    On exorcise leau par limposition des mains, par le souffl e et par la parole en y mlant le sel consacr avec un peu de cendre qui reste dans la cassolette des parfums. Laspersoir se

  • fait avec des branches de verveine, de pervenche, de sauge, de menthe, de valriane, de frne et de basilic, lies par un fi l sorti de la quenouille dune vierge, avec un manche de noisetier qui nait pas encore port de fruits, et sur lequel vous graverez avec le poinon magique les caractres des sept esprits. Vous bnirez et consacrerez sparment le sel et la cendre des parfums en disant :

    Sur Le Sel.In isto sale sit sapientia, et ab omni corruptione servet mentes nostras et corpora nostra, per Hochmal et in virtute Ruach-Hochmal, recedant ab isto fantasmata hyl ut sit sal clestis, sal tere et terra salis, ut nutrietur bos triturans et addat spei nostr cornua tauri volantis. Amen.

    Sur La Cendre.Revertatur cinis ad fontem aquarum viventium, et fi at terra fructifi cans, et germinet arborem vit per tria nomina, qu sunt Netsah, Hod et Jesod, in principio et in fi ne, per Alpha et Omega qui sunt in spiritu Azoth. Amen.

    En Mlant Leau, Le Sel Et La Centre.

    In sale sapieuti tern, et in aqua regenerationis, et in cinere germinante terram no-vam, omnia fi ant per Elom Gabriel, Raphael et Uriel, in scula et onas. Amen.

    Exorcisme De Leau.Fiat fi rmamentum in medio aquarum et separet aquas ab aquis, qu superius sicut qu inferius, et qu inferius sicut qu superius, ad perpetranda miracula rei unius. Sol ejus pater est, luna mater et ventus hanc gestavit in utero suo, ascendit a terra ad clum et rursus a clo in terram descendit. Exorciso te, creatura aqu, ut sis mihi speculum Dei vivi in operibus ejus, et fons vit, et ablutio peccatorum. Amen.

    Oraison Des Ondins.Roi terrible de la mer, vous qui tenez les clefs des cataractes du ciel et qui renfermez les eaux souterraines dans les cavernes de la terre ; roi du dluge et des pluies du printemps ; vousqui ouvrez les sources des fl euves et des fontaines ; vous qui commandez lhumi-dit, qui est comme le sang de la terre, de devenir la sve des plantes, nous vous adorons et nous vous invoquons. Nous, vos mobiles et changeantes cratures, parlez-nous dans les grandes commotions de la mer, et nous tremblerons devant vous ; parlez-nous aussi dans le murmure des eaux limpides, et nous dsirerons votre amour. O immensit dans laquelle vont se perdre tous les fl euves de ltre, qui renaissent toujours en vous ! O ocan de perfections infi nies ! hauteur, qui vous mirez dans la profondeur ; profondeur, qui vous exhalez dans la hauteur, amenez-nous la vritable vie par lintelligence et par lamour ! Amenez-nous limmortalit par le sacrifi ce, afi n que nous soyons trouvs dignes de vous off rir un jour leau, le sang et les larmes, pour la rmission des erreurs. Amen.

  • On exorcise le feu en y jetant du sel, de lencens, de la rsine blanche, du camphre et du soufre, et en prononant trois fois les trois noms des gnies du feu : Michael, roi du soleil et de la fou dre ; Samael, roi des volcans, et Anael, prince de la lumire astrale ; puis en rcitant loraison des salamandres.

    Oraison Des Salamandres.Immortel, ternel, ineff able et incr, pre de toutes choses, qui est port sur le cha-riot roulant sans cesse des mondes qui tournent toujours ; dominateur des immensits thres, o est lev le trne de ta puissance, du haut duquel tes yeux redoutables d-couvrent tout, et tes belles et saintes oreilles coutent tout, exauce tes enfants, que tu as aims ds la naissance des sicles ; car ta dore et grande et ternelle majest resplendit au-dessus du monde et du ciel des toiles ; tu es lev sur elles, feu tincelant ; l, tu tallumes et tentretiens toi-mme par ta propre splendeur, et il sort de ton essence des ruisseaux intarissables de lumire qui nourrissent ton esprit infi ni. Cet esprit infi ni nourrit toutes choses, et fait ce trsor inpuisable de substance toujours prte pour la gnration qui la travaille et qui sapproprie les formes dont tu las imprgne ds le principe. De cet esprit tirent aussi leur origine ces rois trs saints qui sont autour de ton trne, et qui composent ta cour, pre universel ! unique ! pre des bienheureux mortels et immortels.

    Tu as cr en particulier des puissances qui sont merveilleusement semblables ton ternelle pense et ton essence adorable ; tu les as tablies suprieures aux anges, qui annoncent au monde tes volonts ; enfi n tu nous as crs au troisime rang dans notre empire lmentaire. L, notre continuel exercice est de te louer et dadorer tes dsirs ; l, nous brlons sans cesse en aspirant te possder. O pre ! mre, la plus tendre des mres ! archetype admirable de la maternit et du pur amour ! fi ls, la fl eur des fi ls ! forme de toutes les formes, me, esprit, harmonie et nombre de toutes choses ! Amen !

    On exorcise la terre par laspersion de leau, par le souffl e et par le feu, avec les parfums propres pour chaque jour, et lon dit loraison des gnomes.

  • Oraison Des Gnomes.Roi invisible, qui avez pris la terre pour appui et qui en avez creus les abmes pour les remplir de votre toute-puissance ; vous dont le nom fait trembler les votes du monde, vous qui faites couler les sept mtaux dans les veines de la pierre, monarque des sept lumires, rmunrateur des ouvriers souterrains, amenez-nous lair dsirable et au royaume de la clart. Nous veillons et nous travaillons sans relche, nous cherchons et nous esprons, par les douze pierres de la cit sainte, par les talismans qui sont enfouis, par le clou daimant qui traverse le centre du monde. Seigneur, Seigneur, Seigneur, ayez piti de ceux qui souff rent, largissez nos poitrines, dgagez et levez nos ttes, agran-dissez-nous. O stabilit et mouvement, jour envelopp de nuit, obscurit voile de lumire ! matre, qui ne retenez jamais par devers vous le salaire de vos travailleurs ! blancheur argentine, splendeur dore ! couronne de diamants vivants et mlodieu