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Don d’organes: soignant en détresse? Virginie Deschamps Psychologue aux soins intensifs CHU de Liège 1

Don d’organes: soignant en détresse? - Document … · 2011-12-07 · 3 Ferdinande P. et al. 2011 . ... pour la dépression. 5 . infirmières Médecins Nb USI 9 (Belgique) 189

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Don d’organes: soignant en détresse?

Virginie Deschamps Psychologue aux soins intensifs

CHU de Liège

1

CHU de Liège Site Sart Tilman 2010

•  5 unités de soins intensifs, 42 lits •  ± 1800 admissions

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Décès Limitations thérapeutiques Arrêts thérapeutiques ~ 300 ~ 225 ~ 100

2010 Mort cérébrale (DBD) Cœur arrêté (DCD) Donneurs potentiels 26 18 Donneur effectifs 6 8

Stress et charge émotionnelle

La confrontation régulière : •  À la mort (presque un décès/jour) •  Aux décisions de limitations thérapeutiques. •  À la souffrance des patients et à celle de

leur famille è  Les capacités d’adaptation des soignants

face à ces multiples sources de stress et à leur impact émotionnel.

3

Ferdinande P. et al. 2011

Epuisement professionnel

•  Impact émotionnel et répétition des traumatismes è un travail de deuil répété qui nécessite du temps, de la mise en sens, de l’acceptation ce qui n’est pas toujours facile dans des services où le temps est plutôt à l’urgence et à l’action.

•  Peu d’études ont été réalisées sur l’impact spécifique du travail en réanimation sur les soignants (épuisement professionnel)

4

Burnout ou dépression?

•  L’épuisement professionnel (burnout). Selon l’OMS : sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail.

•  Dans la dépression, le travail n’est pas la cause première mais il peut être un facteur aggravant. En cas de burnout, la personne atteinte est toujours en situation de stress chronique, tandis que c’est le cas 1 fois sur 2 pour la dépression.

5

infirmières Médecins Nb USI 9 (Belgique) 189 (France) n 525 978 Dépression 15-30% 24% Burnout sévère 42% 46% Burnout modéré 30% 30%

Ferdinande P. et al. 2011 Embriaco N. et al. (2007)

6

Détresse des soignants

Facteurs de risque de détresse chez les médecins

– Prévalence chez les femmes – Facteurs organisationnels :

§ Temps de travail, § Nombre de gardes/mois, § Manque de repos, § Conflits avec les autres médecins et/ou le nursing.

– P/C la qualité de la relation entre les soignants est associée à un burn-out plus faible.

7 Embriaco N. et al. (2007)

Facteurs de risque de détresses chez les infirmières

– L’âge – Facteurs organisationnels:

§ Congés, § Participation ou non à des groupes de formation

– Qualité des relations de travail: § Conflit patients/familles ou intra-équipe soignante

– Situation de fin de vie: § Nombre d’accompagnements de mourants ou de

décisions d’arrêt thérapeutique

Embriaco N. et al. (2007) 8

Facteurs de risque de détresses

– Vécu lié à l’organisation du travail §  Sentiment de pression au travail (multiplicité des tâches)

§ Mauvaise communication au sein de l’équipe – Vécu lié aux situations émotionnelles pénibles et

à l’ajustement psychologique §  Décès de personnes jeunes (sentiment d’injustice et de

désespoir) §  Décès du patient et investissement relationnel et

émotionnel §  Forte identification au patient et à sa famille §  Accompagnement des familles (situations de fin de vie,

souffrance des famile, impuissance à soulager, agressivité) §  Acharnement thérapeutique et décision de fin de vie

(désaccord au sein de l’équipe) §  Soins et rapport au corps du patient

9 Chahraoui K. et al. (2011)

Facteurs de risque de détresses

– Mauvaise qualité des relations de travail (conflit avec patients/familles ou intra-équipe soignante)

– Répétition de situation de fin de vie (nombre accompagnements mourants ou de décisions d’arrêt thérapeutique)

10 Chahraoui K. et al. (2011)

Ajustement psychologiques aux situations émotionnelles pénibles

Stratégies individuelles

•  Partage social (collègues, famille et/ou amis) •  Investissement dans des activités de hobby •  Oubli (faire le vide de la situation, penser à autre

chose) •  Rationalisation / Intellectualisation •  Besoin d’agir (agir dans les situations complexes, aller

au contact de la famille, …) è mettre une certaine distance par rapport à ce vécu émotionnel intense.

11 Chahraoui K. et al. (2011)

Ajustement psychologiques aux situations émotionnelles pénibles

– Partage social (avec collègues) – Soutien des collègues expérimentés – Défenses groupales (mise à distance de

éléments et ressentis comme menaçant pour l’équipe)

– Cohérence des soins (qui garantit de leur qualité) è Présence d’une cohésion au sein de l’équipe ainsi qu’une communication de qualité (« entité équipe » solide et fonctionnelle)

Stratégies collectives

12 Chahraoui K. et al. (2011)

Détresse des soignants dans le contexte du don d’organes – les médecins

Eléments spécifiques aux médecins USI: – Situation d’échec thérapeutique è culpabilité

pouvant être un facteur limitant à l’information relative au don

– Difficulté à modifier leur(s) objectif(s): passage de la prise en charge d’un patient pour le soigner vers la gestion d’un donneur d’organes

– Doute sur la réalité de la mort –  « Complexe du vautour » Par contre – Aspect positif potentiel : la mort du patient peut

«redonner la v ie» à d ’aut res pat ients è réparation de l’échec

Etablissement français des greffes, 2004 13

Examen interuniversitaire - SI Mort cérébrale = mort de l’individu?

47

18

12

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

correct

incorrect

abstention ~ 40% des futurs intensivistes ont une méconnaissance de la mort cérébrale

n = 77 14

Détresse des soignants dans le contexte du don d’organes – les médecins

Eléments spécifiques aux médecins USI: – Situation d’échec thérapeutique è culpabilité

pouvant être un facteur limitant à l’information relative au don

– Difficulté à modifier leur(s) objectif(s): passage de la prise en charge d’un patient pour le soigner vers la gestion d’un donneur d’organes

– Doute sur la réalité de la mort –  « Complexe du vautour » Par contre – Aspect positif potentiel : la mort du patient peut

«redonner la v ie» à d ’aut res pat ients è réparation de l’échec

Etablissement français des greffes, 2004 15

Détresse des soignants dans le contexte du don d’organes – les infirmières

Eléments spécifiques aux infirmières USI: – Dépossession des éléments médicaux en

rapport avec le diagnostic de la mort cérébrale è Doute sur la réalité de la mort è  Le processus de don peut être vécu comme

un arrêt thérapeutique – Poursuite des soins chez un patient décédé – Les infirmières des hôpitaux sans activité de

transplantation ne vivent pas l’aspect positif du don d’organe.

16 Etablissement français des greffes, 2004

Détresse des soignants dans le contexte du don d’organes – Bloc op.

Eléments spécifiques aux infirmières du Bloc op : – Sentiment que le patient décède en fin de

procédure lors du clampage aortique ou du « débranchement » par l’équipe d’anesthésie

– Difficulté de réaliser un geste chirurgical sur un patient mort

– Solitude face au cadavre lors de la restauration tégumentaire et de la toilette mortuaire

– Restitution du corps à la famille

17 Etablissement français des greffes, 2004

Détresse des soignants dans le contexte du don d’organes

L’approche de la famille : – Mort encéphalique : mort avec apparence de

vie – La demande de don d’organes est un moment

délicat è crainte d’augmenter la souffrance de la famille et difficultés d’être confronté à leur détresse (sentiment d’impuissance à les soulager)

– Restauration du corps (morcellement du corps)

18

Détresse des soignants dans le contexte du don d’organes

Eléments communs aux soignants :

– Doute sur la réalité de la mort – Difficulté d’être confronté à la souffrance et à

la détresse des proches

19

Pistes pour l’amélioration de la vie professionnelle

•  Amélioration de la communication: – En faisant tourner l’information – En assurant une plus grande concertation

•  Amélioration de la formation: – Pour permettre une meilleure compréhension des

stratégies thérapeutiques (réanimation du donneur)

•  Assurer un débriefing psychologique pour les soignants

•  Reconnaissance et valorisation par les pairs et par la hiérarchie

Chahraoui K. et al. (2011) 20

Prévention

•  Meilleure gestion des conflits interpersonnels pour garantir la cohésion de l’équipe

•  Participation à des groupes de formations ou de recherches

•  Meilleure prise en considération des aspects de fin de vie (temps)

•  Plus grande implication des infirmières dans les décisions de limitation thérapeutique

Embriaco N. et al. (2007) Mealer M.L. et al. (2007) 21

Conclusions – don d’organes

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Emotions liées à la mort

Sentiment d’impuissance

Questionnement sur la réalité de la mort

Malaise face au don d’organes

Nécessité de mécanismes de défenses

Stratégies individuelles Stratégies collectives

Question de sens de la fonction de soignant

Risque de burnout / dépression