3
CI,$ au poin onnées récentes sur la physiopathologie de la FA Des mécanismesmultiples mais de mieux en mieux cernés. Stéphane Hatem (Faculté de médecine La Pitié-Salpêtrière, Paris) L 'étude des mécanismes respon- sables de la survenue d'une fibrilla- tion auriculaire (FA) occupe toujours un grand nombre de chercheurs. Tout d'abord, la fréquence et la sévérité de cette arythmie justifient un tel intérêt. Ensuite, sa physiopathologie demeure largement mal comprise. On sait que le substrat de la FA est le plus souvent fait d'un enchevêtrement d'altérations de la structure et de la physiologie des oreillettes, réalisant une véritable myopa- thie atriale qui contribue au caractère récidivant et chronique de l'arythmie. L'effort de recherche actuel vise à mieux connaître les bases cellulaires et molécu- laires de ce substrat, à les intégrer dans un schéma physiopathologique et, bien sûr, à identifier de nouvelles cibles théra- peutiques pour essayer de mieux préve- nir et traiter cette arythmie. Des potentiels d'action courts qui favorisent la réentrée de l'influx électrique Qu'elle soit paroxystique ou chronique, qu'elle survienne sur des oreillettes dila- tées ou non, la FA est toujours associée à des potentiels d'action (PA) courts (fig. 1 A) [l-41. Ce facteur de risque majeur de constitution de micro-réentrée de l'influx électrique a été abondamment étudié par les électrophysiologistescellulaires 151. Le résultat de ces travaux est qu'il existe durant la phase plateau du PA un désé- quilibre entre les courants dépolarisants et repolarisants qui aboutit au raccourcis- sement de la dépolarisation des myo- cytes atriaux. En effet, une réduction de plus de 70 % du courant calcique de type L, le principal courant dépolarisant, densité des canaux calciques et aussi au d'action fait qu'une M o n importante d'entre courts eux sont moins actifs, silencieux, dans un état de déphosphorylation [2, 4, 61. Des canaux silencieux sont aussi présents dans les oreillettes dilatées. Dans ce cas, a été observée dans la plupart des la surcharge hémodynamique des études qui se sont intéressées aux méca- oreillettes pourrait être le facteur déclen- nismes cellulaires de la FA (fig. 1 B) 12-41. chant d'une cascade d'événements met- Cela a été attribué à une diminution de la tant en jeu l'augmentation locale du pep- A hh c Mb f l O contrôle GTP~~: & kT PKG QI 9 Fig. 1 - Anomalies électrophysiologiques des oreillettes en FA. A) Potentiel d'action cellulaire enregistré à l'aide d'une micro-électrode dans un trabécule musculaire d'une oreillette humaine d'un patient en rythme sinusal (contrôle) et en FA. II existe une disparition de la phase en plateau du PA des oreillettes en FA. B) Diminution de l'intensité du courant calcique de type L enregistré par la technique du patch clamp dans un myocyte atrial provenant d'une oreillette humaine en FA. C) Schéma d'une cascade d'événements conduisant à la diminution du courant calcique (voir le texte pour plus de détails). ANP : atrial natriuretic peptide ; Guk : guanylate kinase mem- branaire : PDE : Dhos~hodiesterases : PKG : ~rotéine-kinase activ6e par le GMPc . . (d'après 1 ; réf. 6). AMC NO 128 - 25 avril 2004

Données récentes sur la physiopathologie de la FA

Embed Size (px)

Citation preview

CI,$ au poin

onnées récentes sur la physiopathologie de la FA

Des mécanismes multiples mais de mieux en mieux cernés.

Stéphane Hatem (Faculté de médecine La Pitié-Salpêtrière, Paris)

L 'étude des mécanismes respon- sables de la survenue d'une fibrilla- tion auriculaire (FA) occupe toujours

un grand nombre de chercheurs. Tout d'abord, la fréquence et la sévérité de cette arythmie justifient un tel intérêt. Ensuite, sa physiopathologie demeure largement mal comprise. On sait que le substrat de la FA est le plus souvent fait d'un enchevêtrement d'altérations de la structure et de la physiologie des oreillettes, réalisant une véritable myopa- thie atriale qui contribue au caractère récidivant et chronique de l'arythmie. L'effort de recherche actuel vise à mieux connaître les bases cellulaires et molécu- laires de ce substrat, à les intégrer dans un schéma physiopathologique et, bien sûr, à identifier de nouvelles cibles théra- peutiques pour essayer de mieux préve- nir et traiter cette arythmie.

Des potentiels d'action courts qui favorisent la réentrée de l'influx électrique

Qu'elle soit paroxystique ou chronique, qu'elle survienne sur des oreillettes dila- tées ou non, la FA est toujours associée à des potentiels d'action (PA) courts (fig. 1 A) [l-41. Ce facteur de risque majeur de constitution de micro-réentrée de l'influx électrique a été abondamment étudié par les électrophysiologistes cellulaires 151. Le résultat de ces travaux est qu'il existe durant la phase plateau du PA un désé- quilibre entre les courants dépolarisants et repolarisants qui aboutit au raccourcis- sement de la dépolarisation des myo- cytes atriaux. En effet, une réduction de plus de 70 % du courant calcique de type L, le principal courant dépolarisant,

densité des canaux calciques et aussi au d'action fait qu'une M o n importante d'entre

courts eux sont moins actifs, silencieux, dans un état de déphosphorylation [2, 4, 61. Des canaux silencieux sont aussi présents dans les oreillettes dilatées. Dans ce cas,

a été observée dans la plupart des la surcharge hémodynamique des études qui se sont intéressées aux méca- oreillettes pourrait être le facteur déclen- nismes cellulaires de la FA (fig. 1 B) 12-41. chant d'une cascade d'événements met- Cela a été attribué à une diminution de la tant en jeu l'augmentation locale du pep-

A hh c Mbfl

O contrôle G T P ~ ~ : &

kT PKG QI 9

Fig. 1 - Anomalies électrophysiologiques des oreillettes en FA. A) Potentiel d'action cellulaire enregistré à l'aide d'une micro-électrode dans un trabécule musculaire d'une oreillette humaine d'un patient en rythme sinusal (contrôle) et en FA. II existe une disparition de la phase en plateau du PA des oreillettes en FA. B) Diminution de l'intensité du courant calcique de type L enregistré par la technique du patch clamp dans un myocyte atrial provenant d'une oreillette humaine en FA. C) Schéma d'une cascade d'événements conduisant à la diminution du courant calcique (voir le texte pour plus de détails). ANP : atrial natriuretic peptide ; Guk : guanylate kinase mem- branaire : PDE : Dhos~hodiesterases : PKG : ~rotéine-kinase activ6e par le GMPc . . (d'après 1; réf. 6).

AMC NO 128 - 25 avril 2004

* i J Y ~ ~ * ~ . ,-?-*--'-..F=

% > . ' : GLs .. ' , . -.. -- Mise au point

rôle dans la su est bien établi. Elle

une relative normali fonctionnelles du

nsable du remaniement

d'une mutation dans un nombre de myocytes atriaux ont

ourants dépolarisants eux ne chan- pas, responsable probablement là

ssi du raccourcissement du PA. excès -relatif ou absolu de courant

Ilétage auriculaire que ventriculai- trée au niveau des disques intercalaires (bandes vertes). (6) les mêmes immunomar- ITlme les Wlaux de type Shaker quages effectues dans une coupe d'oreillettes en FA, montrent une importante

d6sorganisation des connexines (Catherine RückercMartin, données personnelles).

Mise au point

prévient en partie la constitution du sub- strat de la FA au cours de l'insuffisance cardiaque expérimentale [13].

Défaut de couplage des myocytes entre eux

Le couplage électrique des myocytes est assuré par de gros canaux jonctionnels situés dans les disques intercalaires. Ils sont constitués de l'assemblage de connexines provenant de 2 cellules conti- guës, chacune fournissant un hémi- connexon (un connexon est formé de 6 connexines). Le myocarde auriculaire contient principalement des connexines 43 et 40. Dans le myocarde des oreillettes en FA, les connexines se délocalisent au pour- tour des myocytes [14]. Cette délocalisa- tion des connexines pourrait être favori- sée par le remaniement de la matrice extracellulaire et du cytosquelette, des acteurs majeurs de l'organisation des canaux dans les régions spécialisées de la membrane plasmique. La prolifération des fibroblastes pourrait également favo- riser la délocalisation des connexines au pourtour des myocytes. Ces cellules pos- sèdent aussi des connexines et il a été montré, in vitro, que lorsque I'hémi- connexon d'un fibroblaste s'associe à celui d'un myocyte cardiaque, il se forme un canal jonctionnel responsable d'un couplage électrique très efficace entre ces 2 types cellulaires [15]. Si un tel mariage mixte entre un fibroblaste et un myocyte existait dans la paroi des oreillettes dilatées, il pourrait avoir des conséquences délétères sur la propaga- tion harmonieuse du front de dépolarisa- tion. Comme pour les connexines, la localisa- tion et l'organisation membranaire de tous les canaux se font grâce aux rela- tions étroites qu'ils contractent avec les différents éléments du cytosquelette. II est ainsi fort probable qu'au cours de la FA les anomalies de l'architecture tissu- laire et cellulaire du myocarde atrial reten-

En pratique :

tissent sur le fonctionnement de nom- breux systèmes électrogènes. Prévenir le remodelage du myocarde pourrait ainsi s'avérer être une piste importante pour agir sur les mécanismes moléculaires des troubles de I'électrogenèse. Cette revue non exhaustive des bases moléculaires et cellulaires de la FA sou- ligne l'apport important des travaux de recherche dite fondamentale pour une meilleure prise en charge de cette aryth- mie. La surcharge hémodynamique des oreillettes, les différents systèmes neuro- hormonaux activés au cours de la FA, la matrice extracellulaire ou encore les nombreux partenaires des canaux ioniques pourraient représenter autant de cibles pour de nouveaux traitements de la fibrillation auriculaire.

Références

1. Boutjdir M, Le Heuzey JY, Lavergne T et al. lnhomogeneity of cellular refractoriness in human atrium: factor of arrhythmia? PACE 1986 ; 9 : 1095-1 00.

2. Le Grand B, Hatem S, Deroubaix E, Coue- til J-P, Coraboeuf E. Depressed transient outward and calcium currents in dilated human atria. Cardiovasc Res 1994 ; 28 : 548-56.

3. Yue L, Feng J, Gaspo R, Li GR, Whang Z, Nattel S. lonic remodeling underlying action potential changes in a canine model of atrial fibrillation. Circ Res 1997 ; 81 : 512-25.

4. Van Wagoner DR, Pond AL, Lamorgesse M, Rosie S, McCarthy PM, Nerbonne JM. Atrial L-type Ca2+ currents and human atrial fibrillation. Circ Res 1999 ; 85 : 428- 36.

5. Allessie M, Bonke F, Schopman F. Circus movments in rabbit atrial muscle as a mechanism of tachycardia. III. The "lea- ding circle" concept: a new model of cir- cus movement in cardiac tissue without involvment of an anatomical obstacle. Circ Res 1977 ; 41 : 9-1 8.

6. Boixel C, Gonzalez W, Louedec L, Hatem SN. Mechanism of the down regulation of the L-type calcium current in atrial myo- cytes of rat in heart failure. Circ Res 2001 ; 89 : 607-13.

7. Chen YH, Xu SJ, Bendahhou S et al. KCNQl gain-of-function mutation in fami- lial atrial fibrillation. Science 2003 ; 299 : 251 -4.

8. Ausma J, Wijffels M, Thoné F, Wouters L, Allesie M, Borgers M. Structural changes of atrial myocardium due to sustained atrial fibrillation in the goat. Circulation 1997 ; 96 : 31 57-63.

9. Aimé-Sempé C, Folliguet T, Rücker-Martin C et al. Myocardial cell death in fibrillating and dilated human right atria. J Am Coll Cardiol 1999 ; 34 : 1577-86.

10. Li D, Fareh S, Leung TL, Nattel S. Promo- tion of atrial fibrillation by heart failure in dogs. Atrial remodeling of a different sort. Circulation 1999 ; 100 : 87-95.

11. Boixel C, Fontaine V, Rücker-Martin C et al. Fibrosis of the left atria during progres- sion of heart failure is associated with increased matrix metalloproteinases in the rat. J Am Coll Cardiol2003 ; 42 : 336-44.

12. Goette A, Arndt M, Rocken C et al. Regu- lation of angiotensin II receptor subtypes during atrial fibrillation in humans. Circula- tion 2000 ; 101 : 2678-81.

13. Li D, Shinagawa K, Pang L et al. Effects of angiotensin-converting enzyme inhibition on the development of the atrial fibrillation substrate in dogs with ventricular tachypa- cing-induced congestive heart failure. Cir- culation 2001 ; 104 : 2608-1 4.

14. Gaudesius G, Miragoli M, Stuart PT, Rohr S. Coupling of cardiac electrical activity over extended distances by fibroblasts of cardiac origin. Circ Res 2003 ; 93 : 421-8.

15. Van Der Velden HMW, Van Kempen MJA, Wijffels M et al. Altered pattern of connexin-40 distribution in peristent atrial fibrillation in the goat. J Cardiovasc Elec- trophysiol 1998 ; 9 : 596-607.

Possibilités de thérapeutiques plus ciblées à venir ?

AMC pd+w- No 128 - 25 avril 2004