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Dossier Littérature (s) algérienne (s), reflets d’une société ? NRP juin 2010, n°3 Société Enfants des rues: des filles brisées à vie H. EL-MEKKAWI Economie Russie, Qatar, Algérie: La course au leadership gazier M. FARAH Droit 7 milliards de préjudices dû au piratage des œuvres artistiques Z. SABER Mémoire Chambres avec vues sur l’histoire d’Alger J.-P. TUQUOI Maroc Mohamed Abed Jabri. Un chercheur en or Tunisie Le Maghreb des entreprises entre mythe et réalités

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DossierLittérature (s) algérienne (s), reflets

d’une société ?

NRP juin 2010, n°3

Société Enfants des rues: des f illes brisées à vieH. EL-MEKKAWI

Economie Russie, Qatar, Algérie: La course au leadership gazier

M. FARAH

Droit 7 milliards de préjudices dû au piratage des œuvresartistiquesZ. SABER

Mémoire Chambres avec vues sur l’histoire d’Alger

J.-P. TUQUOI

Maroc Mohamed Abed Jabri. Un chercheur en or

Tunisie Le Maghreb des entreprises entre mythe et réalités

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NRP, juin 2010, n°3

SommaireN° 3 juin 2010

La NRP est la nouvelle formule de la « Revue de presse »,

créée en 1956 par le centre des Glycines d’Alger.

[Attestation du ministère de l’information: A1 23, 7 février 1977]

Revue bimensuelle réalisée en collaboration avec le :

Ont collaboré à ce numéro

Faïza GACHI

Bernard JANICOT

Fayçal SAHBI

Mehdi SOUIAH

Leila TENNCI

Houari ZENASNI

CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE

3, rue Kadiri Sid Ahmed, Oran • Tel: +213 41 40 85 83 • Courriel: [email protected]

Site web: www.cdesoran.org

DossierLittérature (s) algérienne (s), reflets d’une société ?

SociétéAdieu à Abdelkader DJEGHLOUL, sociologue :Un homme attentif et émotifA. FERHANI, p. 9

Si vous voulez recevoir gracieusement les numérossuivants de la Nouvelle Revue de Presse, envoyez-nous un message à l’adresse suivante:

[email protected]

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L’Olympe des Infortunes de Yasmina Khadra vu parla critique, p.5

Rachid Boudjedra : « Je refuse de mélanger l’art etl’idéologie »F. MÉTAOUI, p. 5

Anouar Benmalek: «les écrits littéraires qui ne dé-rangent personne ne valent même pas le papiersur lesquels ils sont imprimés»propos recueillis par : S. LOU, p. 6

Habib Ayoub. Ecrivain : « Pas de littérature sanssubversion »propos recueillis par : F. MÉTAOUI, p. 6

La littérature algérienne au fémininM. BEY, A. MOSTAGHANEMI, F. BAKHAI, p. 7

Littérature Algérienne D’expression Française Quel devenir ?K. KENNOUCHE, p. 8

Enfants des rues: des filles brisées à vieH. EL-MEKKAWI, p. 10

EconomieRussie, Qatar, Algérie: La course au leadershipgazierM. FARAH, p. 11

Instabilité et fragilité de la zone euroUne aubaine pour l’Algérie pour renégocier l’ac-cord d’associationY. FERHAT, p. 11

Le Maghreb des entreprises entre mythe et réalités L’intégration maghrébine en débatR. LAHMAR, p. 12

Droit7 milliards de préjudices dû au piratage des œuvresartistiquesZ. SABER, p. 13

Des brevets aux droits d’auteurTraité secret sur l’immatérielF. LATRIVE, p. 13-14

MémoireChambres avec vues sur l’histoire d’AlgerJ.-P. Tuquoi, p. 15

Constantine: Le palais Ahmed Bey, de marbre etd’orangersF. Hamou, p. 16

Maroc : Mohamed Abed Jabri. Un chercheur enor, p. 17

Bibliographie, p. 18-19

Les idées exprimées dans les textesrepris par la NRP n’engagent que laresponsabilité de leurs auteurs

p.4

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NRP, juin 2010, n°3

Editorial

Une certaine idée « platonicienne » veut que l’art soit une reproduction du réel. La littérature n’en est pasune exception. En effet, Platon, et après lui Aristote, ne pensaient la littérature autrement que par sonrapport au réel et à la vérité. Selon cette idée, la littérature devient « l’expression directe de la société »,comme disait G. Lanson. Elle dépasse le cadre étroit de l’expérience artistique et acquiert un rôle detémoin de son époque et miroir de sa société. L’Histoire de la littérature universelle est pleine d’exemplesd’écrits romanesques qui sont autant des chefs d’œuvres artistiques que des documents historiques con-sidérables. Elles sont nombreuses les études historiques et sociologiques qui s’appuient sur l’œuvre deCervantès, par exemple, pour compléter ou éclairer quelques zones d’ombre dans l’Histoire de la pénin-sule ibérique ou ailleurs. L’Algérie par exemple, à travers les souvenirs du captif (Cervantès ?). Noustrouvons dans Don Quichotte non seulement un roman de chevalerie, mais aussi tout un inventaire desproverbes de cette période ainsi que des questions politiques, philosophiques et littéraires contemporai-nes de la période d’écriture du roman.

Victor Hugo, dont l’œuvre est une fresque gigantesque de la France du XIX siècle, pensait que ce qui estdans la littérature est dans la société. La littérature utilise donc les mots pour exprimer les maux d’unesociété disloquée, en perdition et en éternelle quête de soi. La littérature se veut une fenêtre sur unesociété en crise de conscience et de valeurs, mais aussi rétroviseur de son passé, avec le recul que l’expé-rience littéraire apporte aux vérités et/ou mensonges de l’Histoire. Le réel se voit, subséquemment, tra-duit par la littérature ou la littérature reproduit le réel.

Cette conception de Victor Hugo du rapport entre la littérature et la société trouve parfaitement son échodans le champ littéraire algérien actuel. Si l’imaginaire collectif garde des écrivains algériens de la pre-mière génération (Dib, Feraoun, Mammeri, Kateb, etc.) une image assez inactuelle et tournée vers lepassé, en raison du discours social auquel ils sont associés, les auteurs de la nouvelle génération, à partirde Rachid Boudjedra, Rachid Mimouni jusqu’aux plus récents, s’inscrivent dans une nouvelle dynamiquedont les thèmes, les soucis, les questionnements, et les « angoisses » pour reprendre le terme d’AnouarBenmalek, ne sont plus les mêmes que jadis. Ils sont plus en phase avec la « nouvelle réalité » de cettenouvelle société. Ils sont également plus complexes. Aussi complexes que la société elle-même, avec sestabous, ses paradoxes, et ses différences.

Outre le poids si lourd de leurs ainés, les écrivains de la nouvelle génération souffrent d’un problème delégitimité, et continuent à être suspectés pour leur « manque d’authenticité » tant leur littérature estpénalisée par un statut ambigü, face à un imaginaire collectif archaïque et dépassé, mais constammentalimenté par des logiques et des enjeux politiques et idéologiques, qui ne tolèrent la littérature que dansla mesure où elle accepte de glorifier la guerre de libération. Il n’est donc pas étonnant que les premièrestentatives sérieuses « d’émancipation » de cette littérature, après une période de littérature « d’urgence »dont le thème est autour de la décennie noire du terrorisme, reviennent à cet épisode historique fonda-teur, qu’est la guerre de libération, pour le démystifier. C’est ainsi que Rachid Boudjedra et AnouarBenmalek, dans leurs derniers romans, même s’ils se disent différents dans leurs démarches, s’accordentpour « démonter » l’Histoire officielle. Instaurant par la même occasion une nouvelle légitimité néces-saire à leur « survie littéraire » dont le maître-mot est la subversion.

Le troisième numéro de la NRP « Littérature algérienne : Reflets de la société ? », ne se veut pas un pano-rama de cette nouvelle littérature algérienne, encore moins sa bibliographie exhaustive. Il se proposecependant – et cela en quatre temps- d’apporter les premiers éléments de réponse à la question énoncéedans son titre :

1) La question de la langue de la littérature algérienne, discutée par Lamine Zaoui et Habib ElSaïh.2) Le conflit générationnel tel que l’exprime la « polémique » Boudjedra /Yasmina Khadra.3) La notion de la subversion chère aux jeunes auteurs algériens et les frontières entre le politique/idéologique et le littéraire.4) Et enfin, trois articles qui évoquent, encore une fois, la question suivante : Y a-t-il une littérature (algérienne) féminine ?

Fayçal SAHBI

« Je crois à l’écrivain comme pure conscience, probité intégrale, qui propose aumiroir de son art une société à assumer ou à changer, qui interpelle son lecteurau nom des plus fondamentales exigences de l’humain : la liberté, la justice,l’amour…Je crois à l’intellectuel comme éveilleur de conscience, commedépositaire des impératifs humains, comme guetteurs vigilants, prêts à dénoncerles dangers qui menacent la société. » Rachid Mimouni

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NRP, juin 2010, n°3

DOSSIER

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NRP, juin 2010, n°3

DOSSIER

Hélène Dubuc: Yasmina Khadra revient dans ce romanvers son thème de prédilection, les clochards, ces laisséspour compte rejetés par une civilisation qui broie si faci-lement les êtres humains.Il décrit ce monde sans prosaïsme, avec beaucoup detendresse et de poésie, offrant au lecteur une fable phi-losophique touchante. Malheureusement, ce contemoderne souffre aussi de quelques dérives. La vision deYasmina Khadra sur le sujet reste très manichéenne, sespersonnages n’ayant pas vraiment d’alternatives : ous’isoler dans un no man’s land relativement supportable,ou être happés par une civilisation violente et impartiale.De plus, la prédominance des dialogues ôte toute pro-fondeur aux personnages seulement survolés, voire ca-ricaturés. Leur psychologie reste ainsi souvent trop sim-pliste.

Thierry Cousteix: Vaguement affable !Le style est soigné. Trop peut-être !Les personnages sont fabuleux. Trop sûrement !Les pages nous vagabondent. Dans l’ennui presque!L’histoire nous tient compagnie. Dans l’ennui sûrement !Mais, bon sang, où veut en venir l’auteur ?Mais, bon dieu, que veut nous dire l’auteur ?Les intentions de cette fable resteront trop affablementvagues pour que le lecteur puisse les partager dans ceterrain glissant du conte moralisateur.

Fabienne Vidallet: Métaphore grossière, au trait lourdet appuyé, L’Olympe des Infortunes se veut la mise enscène d’une humanité différente, celle de marginaux quivivent dans une décharge publique à ciel ouvert en bordde mer. Heureux les simples d’esprit et les laissés pour

compte semble vouloir prouver Khadra et il étire ce cli-ché vieux comme la Bible au long de plus de deux centspages sans intrigue autre que le départ et le retour deJunior, enfant prodigue martyrisé par une société poli-cière incapable d’accepter la différence. C’est un romanterriblement bavard, aux dialogues artificiels comme sespersonnages et au style ampoulé, mélange invraisem-blable de syntaxe relâchée et de vocabulaire soutenuqui sonne faux d’un bout à l’autre. L’apparition de BenAdam (pouvait-on faire nom plus lourd ?), l’homme éter-nel, descendu de son olympe pour répandre la bonneparole achève d’élever ce roman dans les hauteurs... duridicule.

Estelle Urien: Sur un terrain vague non identifié, la mi-sère s’isole pour échapper au bagne.Khadra traite du dénuement de façon très originale etd’un point de vue exclusivement masculin. Dans un dé-cor minimaliste, L’Olympe des Infortunes expose la dé-pendance attachante des êtres les uns aux autres, sansdébordement de sentimentalisme.Khadra mêle à souhait langage ordurier et envolées lyri-ques et excelle dans l’art de rendre poétiques les infor-tunes humaines les plus dures. Il décrit la misère sansvoyeurisme en donnant une grande profondeur aux per-sonnages à travers des dialogues simples et philosophi-ques qui ne s’éloignent jamais des difficultés matériellesauxquelles sont confrontés les membres de la troupe deL’Olympe des Infortunes. Une œuvre sous forme de huitclos atemporel qui fait preuve d’un immense humanismeet ne laisse pas insensible...

Yasmina KhadraL’Olympe des Infortunes

[Lu dans l’express : quatre critiques littéraires sur le dernier roman de l’écrivain algérien le plus lu en Europe]

Rachid Boudjedra refuse d’« idéologiser » l’histoire. Dans son dernierroman, Les F iguiers de Barbarie, qui vient de paraître en Algérie auxéditions Barzakh, après sa publication en France par les éditionsGrasset, il se pose des questions sur l’assassinat de Abane Ramdane,sur les massacres de Melouza et sur l’opération « Bleuite », qui avaitpiégé le colonel Amirouche en 1958. « Je ne peux pasdonner de réponses dans un roman, car cela revien-drait à trahir le système romanesque. Un roman doitbégayer. Nous n’avons pas le discours absolu », « Lors-que les historiens algériens feront leur deuil, ils écrirontl’histoire comme cela été fait dans les pays qui ontconnu la guerre. A eux d’apporter les réponses scienti-f iques et objectives », a-t-il ajouté.Il n’est pas d’accord avec la démarche de AnouarBenmalek qui est revenu dans Rapt, son dernier roman, sur les mas-sacres de Melouza et de Mechta Kasba, commis par l’ALN en mai1957. « Mon idéologie politique me sert de garde-fou. Elle m’empê-che d’aller vers l’absolu ou de prendre partie. Il faut relativiser leschoses. Je suis communiste depuis l’âge de 17 ans, j’ai fait de laphilosophie et des mathématiques. Anouar n’a fait que des mathé-matiques. Je refuse de mélanger l’art et l’idéologie. Le roman deBenmalek est idéologique et donne une vision pour ceux de l’autrecôté », a observé l’auteur de Le Désordre des choses. Il a dit n’accor-der aucun intérêt à ce que peuvent penser les Français. « Quand

j’écris, je pense d’abord aux Algériens », a-t-il appuyé, regrettant queles romans algériens de ces dernières années ressemblent à des pam-phlets. « Quand la littérature s’empare de l’histoire, elle oublie lapâte, la vie humaine, l’égo, la psychanalyse », a-t-il expliqué.Le dernier roman de Rachid Boudjedra pose le problème de la vio-

lence fratricide sans jugement. « Le romancier ne faitpas le travail de l’historien, il a plus de liberté », a-t-ilobservé, regrettant que certaines vérités historiquesdemeurent toujours cachées. Rachid Boudjedra estimequ’on écrit toujours le même livre du fait qu’on esttoujours la même personne.« Depuis que j’ai pris conscience du monde, je n’ai paschangé. J’ai les mêmes fantasmes et les mêmes com-portements », a dit l’auteur de La Vie à l’endroit. Il a

remarqué que la critique ne pose jamais la question à un peintre surle fait qu’il reproduit toujours le même tableau. Rachid Boudjedra acritiqué vivement le romancier Yasmina Khadra. « Je n’aime pas lalittérature de Yasmina Khadra. C’est une littérature de loisirs. Il n’estpas un écrivain dans le sens noble du terme. Autrement dit, un écri-vain qui pose des questions et qui s’angoisse », a-t-il dit. Il a ironisésur le fait qu’il existe des écrivains de l’intérieur et des écrivains del’extérieur.

Rachid Boudjedra : « Je refuse de mélanger l’art et l’idéologie »

« Je n’aime pas la littératurede Yasmina Khadra. C’est unelittérature de loisirs. Il n’estpas un écrivain dans le sensnoble du terme. Autrementdit, un écrivain qui pose desquestions et qui s’angoisse »

Fayçal MÉTAOUI

21 avril 2010

13 février 2010

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NRP,juin 2010, n°3

DOSSIER

Dans votre dernier livre «Le Rapt», vous vous attaquez àun thème épineux: le massacre de Melouza. Pourtant,même si le thème est omniprésent, ce n’est pas le sujetprincipal. Vous invitez la guerre d’indépendance à sejoindre à la présente. Y a-t-i un lien entre les deux ?Anouar Benmalek : Levons d’abord une équivoque quiserait une ignominie. Loin de moi l’idée de rapprochermécaniquement deux événements a priori si antagoni-ques. La guerre d’indépendance visait à libérer l’Algériede l’indignité coloniale ; la guerre des terroristes s’ins-crit, elle, dans l’idéologie exactementinverse, et son but déclaré est d’asser-vir le pays, ses institutions, sa culture etses habitants à une vision du mondeobscurantiste, considérant la démocra-tie comme une invention perverse etne reculant pas devant l’assassinat deceux qui osent remettre en cause lesprincipes moyenâgeux de la théocratieislamiste.Ceci dit, force est de reconnaître que,si le but de la guerre de libération étaiton ne peut plus noble, les moyens utili-sés par le FLN pour s’imposer commel’unique représentant du peuple enlutte contre la domination coloniale ontparfois été d’une extrême brutalité, ne reculant ni de-vant la torture ni devant l’assassinat d’Algériens souventaussi patriotes que les plus engagés des combattants duFront. Dans certains cas, comme de celui de Melouza,cette violence peut être qualifiée sans excès de langagede véritable crime de guerre ! Le dire avec force n’estpas trahir les idéaux de liberté pour lesquels se sont bat-tus les moudjahidines, bien au contraire ! Taire officielle-ment — et jusqu’à présent… — la vérité sur cet abomi-nable massacre et sur d’autres épisodes aussi sanglantsque les tueries d’étudiants montés au maquis lors de lableuïte, c’est renforcer l’idée qu’en Algérie, la fin justifieabsolument tous les moyens, dès lors que la fin est jugée« transcendante »[…] Un quotidien algérien avait appelé au boycott de votre

livre Ô Maria. Avec celui-ci, vous risquez à nouveau dedéclencher une grande polémique. Appréhendez-vousl’accueil de votre dernier livre ?A.B : Je dirais d’abord que, dans nos pays, les écrits litté-raires qui ne dérangent personne ne valent même pas lepapier sur lesquels ils sont imprimés. Il y a peu de diffé-rence, en somme, entre écrivain et écrit vain… Je necherche pas la polémique pour la polémique, d’autantque, chez nous, elle est bien souvent synonyme de «danger physique », si vous voyez ce que je veux dire…

Les thèmes que je traite dans mes livresm’habitent pendant longtemps, jusqu’àce que je décide, le moment de matura-tion venu, de me colleter avec eux : monhistoire familiale, celle de l’Algérie, leMoyen Orient, l’Andalousie et l’histoiredu monde musulman, et, maintenant, laguerre d’Algérie. Je n’oublie jamais ce-pendant que si le hasard m’a fait Algé-rien, je suis d’abord et surtout un êtrehumain, à la fois singulier et semblable àdes milliards d’autres partageant unmême étrange destin : celui de naîtrepour mourir…Je me doute que des plumitifs d’obé-diences diverses vont m’accuser de tous

les maux. Je commence à en avoir l’habitude car l’insulteest facile en Algérie. J’espère seulement que le lecteurordinaire, en particulier le lecteur algérien, se reconnaî-tra dans cette peinture sans concessions que je fais denotre pays, peinture souvent terrible, parfois pleine detendresse. Qu’il soit sûr cependant d’une chose : je n’aiservi, en écrivant ce roman, qu’une idée : celle, trèshaute, que je me fais de la littérature et de son corollairele plus exigeant, la liberté.

Anouar Benmalek: «les écrits littéraires qui ne dérangent personne ne valentmême pas le papier sur lesquels ils sont imprimés»

doux. Son premier roman était dans la période deréappropriation de l’identité nationale. Ce qui est arrivé àla littérature algérienne, comme au cinéma. Il ne peut yavoir de cinéma ni de littérature qui n’aient fait leur muepour progresser. Il ne peut y avoir de littérature ou d’artdignes de ce nom s’ils ne sont pas subversifs.S’il n’y a pas de liberté aussi...La subversion ! La subversion ne serait que par rapport àl’ordre établi. Ce qui a fait la grandeur de Mimouni, c’ estsa capacité à le faire. Le fleuve détourné est son romanmajeur. Il y a eu Tombéza, L’honneur de la tribu et Hzamel ghoula. Mimouni a été très critique vis-à-vis du sys-tème. Tous les systèmes ont la capacité de retomber surleurs pattes et récupérer les écrivains les plus témérai-res. Mon dernier recueil de nouvelles, L’homme quin’existait pas, est assez féroce mais on le trouve dans lesmeilleures librairies et à l’aéroport d’Alger. Cela devientune espèce d’alibi à la démocratie. Mais que voulez-vousque je fasse ? M’arrêter d’écrire ? Je ne le pense pas.

Peut-on tout reprendre du patrimoine ?On peut tout reprendre mais pas tout à la fois. Tout dé-pend de l’inspiration du moment et de quoi on parle. DansLe Palestinien, j’évoque le Coran qui est aussi un patri-moine. C’est une façon pour moi de me déterminer.J’écris en français, mais je me revendique en tant qu’Al-gérien, Arabe, musulman. J’appartiens donc à une airegéographique, intellectuelle, etc.La langue n’est pas une barrière...[...] j’aime bien la façon avec laquelle écrit Aziz Chouakiqui use d’un langage particulier. Il utilise un françaisremalaxé à la manière des écrivains martiniquais. Saufque là, il y a à prendre et à laisser. Si je me mets à l’arabe,ce n’est pas par mauvaise conscience. On m’a posé unefois la question à Bordeaux, j’ai répondu en citant un ha-dith du Prophète, « Man tâalama loughata kaoumin aminacharahoum » (Celui qui a appris la langue d’une autrenation sera préservé de son mal). Cela a jeté un froiddans la salle ! J’aime bien mettre les pieds dans le plat.On célèbre le défunt Rachid Mimouni à travers les collo-ques. Mais est-ce qu’on connaît réellement l’œuvre duromancier ?Il y a parfois tentative de récupérer des choses icono-clastes. Rachid Mimouni était iconoclaste. Il n’est pas

1 septembre 2009

propos recueillis par : Sarah LOU

Habib Ayoub. Ecrivain : « Pas de littérature sans subversion »

propos recueillis par : Fayçal MÉTAOUI

6 avril 2010week-end

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DOSSIER

Romancière et nouvelliste algérienne,Maïssa Bey écrit en langue française.On lui doit notamment de superbes té-moignages de femmes en révolte, con-tre la peur, le silence, l’oubli ou l’indif-férence. L’écriture de Bey est lucide,déconcertante, tranchante.Avec Puis-

que mon cœur est mort, elle nous brosse un nou-veau portrait de femme algérienne qui doit affron-ter la disparition de son fils, assassiné par des isla-mistes. Toute sa vie s’écroule. Elle est au bord dubasculement dans la folie. Mais on lui demanded’oublier et de ravaler sa peine. La loi sur la con-corde civile (votée en juillet 1999) est passée par là.Elle ne se soumettra pas. Elle se met à écrire sonjournal, qu’elle adresse à son fils, comme un chantd’amour. Elle y déroule le fil de leur existence, cher-che à savoir comment elle a pu l’exposer en l’éle-vant seule. Elle se rend chaque jour au cimetière,mesure le désespoir de tous ceux et celles qui pleu-rent un proche disparu. Puis elle échafaude patiem-ment le projet qui la retient à la vie par un fil : retrou-ver l’un des assassins de son fils qu’elle a pu identi-fier ; exorciser le renoncement et l’impuissance.

Marina DA SILVA

Maïssa BeyPuisque mon cœur est mort

« L’écrivain algérien AhlemMosteghanemi, est une lumière qui scin-tille au milieu de ces ténèbres. Ce roman[Nissiane.com] a pu réunir le meilleur duroman international et de la tradition po-pulaire. Ecrit avec une langue arabe élé-gante et un sens littéraire aigu, il est dotéd’une trame technique esthétique unique dans songenre, et d’une narration bien ficelée qui provoque l’ad-miration et l’éblouissement ».»Voici ce que dira Ahlem concernant la femme algérienneet la littérature qui est un reflet de notre société : « Il fautdéfendre cette nouvelle littérature, cette nouvelle so-ciété. Et moi toute seule, je ne puis rien faire. Il faut qu’onsoit nombreux pour faire face à cette vague dangereusequi s’abat sur nous. Nous sommes tous responsables decette image.». Elle voit cette femme combattante, ac-tive, et elle se bat pour qu’elle soit reconnue à sa justevaleur. [...] Ahlem Mostaghanemi relève souvent la ques-tion de l’immortalité de l’artiste écrivain arabe. En effet,le statut de ce dernier n’est pas vraiment valorisé, et sur-tout, sa mémoire n’est pas réellement respectée. En toutcas, Alhem, restera une artiste écrivaine immortelle. Elleest d’ailleurs aujourd’hui l’écrivaine la plus lue dans lemonde arabe.

Ahlem MostaghanemiL’écrivaine la plus lue dans le monde arabe

La littérature algérienne au féminin

.netavril 2010

[...] J’ai donc voulu savoir quelle était l’his-toire de mes ancêtres. C’est tout simple !J’ai cherché, j’ai beaucoup lu. C’était par-fois fastidieux, difficile, parfois exaltant !J’ai voulu raconter cette longue histoireet il m’a semblé que pour la rendre plusaccessible, le meilleur moyen était de laromancer. C’est la trilogie Izuran. Ce n’est

absolument pas un travail d’historien, je n’en ai pas lescompétences, mais à travers la saga, je me permets dedonner des repères, d’évoquer les grands événements,les grands hommes, certaines traditions, etc. Beaucoupde choses semblent alors plus claires. Certains de noscomportements, la plupart de nos traditions, notre fa-çon de penser, de parler, de cuisiner, de réagir s’expli-quent parfaitement. Une société se bâtit sur la durée,elle n’est jamais spontanée. On peut apprécier ou nonl’ouvrage mais, en général, les lecteurs me font savoirqu’Izuran les a réconciliés avec eux-mêmes, ou qu’ils ontappris bien des choses qu’ils ignoraient, ou qu’ils voient àprésent les choses d’une autre manière ! C’est encoura-geant ! Les Algériens doivent d’abord connaître leur his-toire, sans en occulter la moindre période. Accepter en-

suite cette histoire telle qu’elle s’est réellement dérou-lée depuis les temps les plus reculés. Cette histoire n’estni meilleure ni pire que celle des autres peuples, elle ases périodes de grandeur et ses périodes sombres, onne peut rien y changer. Cette histoire nous appartient,dans toutes ses dimensions. Une identité ne s’imposepas, on ne peut ni ne doit la commander ! L’identité estun résultat, celui d’un long chemin parcouru ensemble…« Nous sommes Algériens et rien d’autre. Nous ne re-nions rien de ce qui, depuis des millénaires, nous a étéapporté par d’autres peuples, d’autres cultures. Nous enavons gardé ce qui nous convenait que nous avons trans-formé, adapté, amélioré pour en faire une synthèse quin’appartient qu’à nous et qui fait qu’aujourd’hui, noussommes nous, avec des ressemblances, des différences,une originalité… » Tel est le message que j’essaie de faireparvenir dans chacun de mes romans.

Fatima Bakhaï. [Algerien et rien d’autre]

extrait de: «Notre histoire, ni pire ni meilleure qu’une autre»

16 avril 2010

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DOSSIER

[...]La littérature algérienne d’expression française estune dimension temporelle, une période historique et unespace spatio-temporel, ce sont d’abord des noms : M.Dib, M. Feraoun, M. Mammeri, A. Bounemeur, K. Ya-cine, A. Boumahdi… et des œuvres : L’Incendie, Le Filsdu pauvre, La Colline oubliée, Nedjma, La Répudiation,Le Fleuve détourné… Dès le déclenchement de la révo-lution en Novembre 1954, certains romanciers tels queDib, Feraoun, K. Yacine se posaient des questions fonda-mentales. Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Ils parlentde malaise, de désarroi. Ils veulent être les témoins d’unpeuple et d’une patrie spoliée.[...]A cette époque, l’écrivain algérien était, comme di-sait F. Fanon, « condamné à la plongée dans les entraillesde son peuple ». Après l’indépendance, les romancierssortent du thème obsédant de l’immense victimologiedont parle Gilles Charpentier in Evolution et structure duroman algérien de langue française. Il faut remonter letemps, croire en la vie. Lacheraf disait en Tunisie en 1968: « On exploitait abusivement l’héroïsme guerrier. » A.Laâbi, dans L’œil et la Nuit, lançait un cri : « Et mainte-nant, nous, nous sommes exténués dupassé. Mais qui sommes-nous ? Commentsortir de la caverne ? » M. Bourebounefaisait dire au héros du Muezzin (1968) : «Marre de tous les pays en quête de hérospositifs. » En Algérie, de nouveaux roman-ciers se font connaître, M. Farès, M.Boureboune, A. Djebar, A.Lemsine, M. Achour, R. Boudjedra, R.Mimouni, T. Djaout… Les auteurs an-ciens, tels que Dib, Mammeri continuè-rent de créer. Le premier fait apparaîtreDieu en Barbarie, La Danse du roi, Habelle second, La Traversée. Les thèmesétaient pluriels et enrichissants, l’aliénation, la religion, lacondition humaine, l’absurde… « L’écrivain, disait R.Mimouni, écrit pour les marginaux, les paumés, les lais-sés-pour-compte. » La littérature algérienne d’expres-sion française aujourd’hui n’est pas « condamnée à mou-rir jeune », comme l’avait affirmé A. Memmi. Elle innove,elle rayonne, elle surprend. Le roman algérien n’est pasun « déclin », pour reprendre l’expression du critiquelittéraire Todhkrov. Elle ne cesse de poser ou de reposerles problèmes urgents des êtres, leur vie, leur avenir,leur espérance.Le roman devient « recherche », comme l’ont soulignéBakhtine et M. Butor. L’œuvre littéraire devient, en ef-fet, un appel. Elle est le reflet d’une époque. Elle est «prédilection ». Par la parole qui est un pouvoir, le roman-cier maîtrisant la durée narrative nous offre un tableauobjectif d’un certain vécu. Les lecteurs ressentent ce plai-sir du texte en y adhérant. Une nouvelle tendance etnée : elle questionne notre devenir. Elle aspire à un re-nouveau. L’œuvre littéraire devient ainsi le refuge d’uneconscience libre. Les romanciers algériens en France s’en-gagent dans cette aventure de l’écriture. On produitmaintenant avec M. Mokkadem, N. Bouraoui (prix Re-naudot), A. Benmalek, Le Rapt ; A. Beggag, La Guerredes moutons et, bien sûr, avec toujours Malek Alloula etH. Tengour, Salim Bachi et Nadia Ghalem.[...] il faut lire Y.Mechakra, Magani et surtout le roman

de H. Grine, Cueille le jour avant la nuit (prix des Libraires)ou ceux de Salim Bachli, Tuez-les tous (2006) et Le Chiend’Ulysse (Prix de la vocation – Goncourt de premier ro-man). Avec Yasmina Khadra aussi, la littérature algérienned’expression française rayonne. Elle surprend. Cet écri-vain, lecteur de Nietzche et d’El Mutanabbi pour sonécriture originale et l’art de conter, inscrit une œuvremajeure dans cette histoire littéraire. Après sa trilogieromanesque, on retient cette fresque merveilleuse surla période coloniale, Ce que le jour doit à la nuit (meilleurlivre de l’année 2008). On conserve cette phase d’espoirdans ce livre, où le père dit à Thébaine : « Aime de toutestes forces. Aime comme si tu ne savais rien faire d’autre.» C’est une œuvre capitale.Avec L’Olympe des infortunes, il resplendit : un messagephilosophique qui s’ouvre sur un quatrain de O. Khayyâm: « Si tu veux la paix, accepte ton destin. » Dans ce ro-man, les personnages, le Borgne, le Pacha, le Simpletsont exclus du champ social. Ils se retrouvent dans ladéchéance et la misère. Khadra situe les notions de lamensongerie et de la culpabilité. Il est dit page 13 : « Je ne

sais pas comment j’ai échoué. »C’est la vérité — ce roman nous rap-pelle cette « inquiétante étrangetéde l’être » dont parle Freud. Un dé-sarroi face à un monde qui a perdusa raison —, R. Boudjedra reste tou-jours surprenant avec L’Hôtel Saint-Georges et Les Figues de Barbarie.On ne raconte plus cet auteur, il fautle lire. Le dépliement du sens setrouve aussi chez A. Zaoui avec sondernier livre qui reste fascinant.Cette littérature algérienne connaîtaussi l’éclosion de nouveaux talents

: M. Ben Fodil, M. Farah, Ben Achour et beaucoupd’autres encore. L’œuvre devient déplacement, réponseaux questions de l’heure. Une littérature de « l’immédiat».Le texte avec cette tresse de sens devient une copie dela réalité. Il l’exprime : la chronique littéraire est aussi àapprécier. Elle est attente et dévoilement. Il faut lire A.Lotfi, T. Belghiche, A. Ferhani, O. Merad, D. Khellas, A.Chawki, M. Begtache…, écrits pluriels qui questionnentnotre existence. Lire dans ce sens R. Escarpitt, La Litté-rature et le Social. L’écrivain P. Henri Simon disait à sesles lecteurs en 1972 : « Pas de force littéraire qui ne soitque style et pas de bonne littérature qui ne soit style. »Nous sommes une « pierre lancée », disait M. Dib, avantd’écrire L’Arbre à dires. L’écriture s’inscrit ainsi dans cettealgérianité. Elle aspire à ce changement : à vivre plus. Lalittérature algérienne d’expression française devient letalent d’une individualité. Par ses sensations, ses senti-ments, les images et les formes, l’écrivain d’aujourd’huiest celui qui est en train de construire nos valeurs.Le plaisir de lire constitue un cri. A notre perplexité danscette mouvance sociale, c’est une vision de monde. Pourcela, il faut revenir à l’excellent ouvrage de RachidMokhtari, Le Second Souffle du roman algérien.

La littérature algérienne d’ex-pression française devient le

talent d’une individualité. Parses sensations, ses sentiments,les images et les formes, l’écri-vain d’aujourd’hui est celui quiest en train de construire nos

valeurs. Le plaisir de lire consti-tue un cri.

Littérature Algérienne D’expression Française Quel devenir ?

14 avril 2010

Kemal KENNOUCHE

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Jeudi matin, s’est éteint l’intellectuelalgérien qui exerçait en tant que con-seiller auprès du président de la Ré-publique.C’est assurément une grande perteque celle d’Abdelkader Djeghloul,celle du travailleur de la pensée etcelle de l’homme connu pour sa par-faite éducation et sa gentillesse na-turelle. Il portait toujours sur son vi-sage, qui avait gardé quelques traitsenfantins, un air d’inquiétude, pa-raissant toujours sur le qui-vive, par-ticulièrement attentif. Je l’ai connudans les années 1980 à Oran, où ilavait créé et gérait le Cridsh (sauferreur, le centre de recherche, d’in-formation et de documentation ensciences humaines). Cette institu-tion avait pris rapidement une en-vergure nationale et même interna-tionale considérable que sa taille etses moyens ne laissaient pas présa-ger, mais que Abdelkader Djeghloulavait su développer avec talent etpertinence. Dans cette premièremoitié des années 1980, il en avaitfait un pôle d’attraction, les sémi-naires succédant aux colloques etaux journées d’études, attirant parla qualité des thèmes toute l’intelli-gentsia et les médias (alors rares) dupays. Il lui avait notamment insuffléune orientation fortement culturelleet les artistes aussi avaient pris le che-min de cette salle, qui joua un rôleessentiel dans l’impact d’Oran à cetteépoque sur la vie intellectuelle natio-nale.Il était alors hyperactif, au summumde sa forme, communiquant et écri-vant beaucoup, présent pour tout unchacun, en parfait maître de cérémo-nie. Ce sont aussi les années où il pu-blia de manière très régulière. En1984, aux éditions ENAL, il avait si-

gné Elements d’histoire culturelle al-gérienne ainsi que Trois études surIbn Khaldoun. En 1986, toujours chezle même éditeur, il publia Huit étu-des sur l’Algérie. Sa double forma-tion de philosophe et de sociologuelui donnait un large angle de vue et

d’analyse qui lui permettait d’inscrireses recherches dans une large ap-proche qui touchait autant l’actualitéque la profondeur historique. A celas’ajoutait une culture généralebrillante qui embrassait la littérature,les arts et un fort intérêt pour lessciences. A cette période, avec leséditions Sindbad (Paris), il entrepritun immense travail de défrichage etde diffusion de textes anciens dontla parution fut grandement saluéepar la communauté universitaire. Onpeut citer ici le roman El Euldj, captifdes barbaresques et surtout Le Mi-

roir de Hamdane Khodja, chroni-que extraordinairement pré-cieuse des premières années dela conquête coloniale. Ses lon-gues préfaces, qui présentaientles textes complets, sont des tré-sors d’analyse et avaient aidé àdécouvrir ce patrimoine littérairealgérien qui remontait au XIXe siè-cle et était demeuré inconnu, si-non de rares spécialistes. Dansles années 1990, il s’installa unmoment à Paris, mais revint as-sez rapidement au pays, portantvisiblement les stigmates de cetexil et particulièrement tour-menté par les affres du pays. Ilcontinue pourtant à produire,collaborant notamment avec larevue Awal où il signe des contri-butions remarquées : Mammeri,le courage lucide d’un intellectuelmarginalisé, (1990) ; Kateb Ya-cine, la révolte sereine d’unpoète militant (1992), Frantz Fa-non, (1994)…On ne saurait ici récapituler l’en-semble de ses contributions, es-sais, articles, biographies, recher-ches, sinon pour signaler leur ri-chesse et leur intérêt pour la

construction de l’histoire cultu-relle nationale. A maints égards, ilavait emprunté les chemins intel-lectuels d’un Mostefa Lacheraf.Comme lui aussi, il avait opté pourune fonction officielle que cer-tains de ses anciens collègues necomprenaient pas mais qui cor-respondait à ses convictions etson désir sincère de représenterau cœur de l’Etat, le monde desidées et de la recherche.

Adieu à Abdelkader DJEGHLOUL, sociologue :Un homme attentif et émotif

Ameziane FERHANI

24 avril 2010

[Le Jeudi 22 Avril me parvenait l’annonce de la mort de Kader Djeghloul. Je l’avais rencontrépour la dernière fois l’année précédente au Salon International du livre. Dans les années 80,alors qu’il animait brillamment le Centre de Documentation en Sciences Humaines d’Oran, ilpassait aussi de nombreuses heures au CDES, m’aidant par ses conseils à mettre en place le

rayon de sociologie. Comment ne pas lui rendre ce dernier hommage ?Bernard JANICOT]

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Enfant trouvée, elle a passé son en-fance et une partie de son adoles-cence dans un orphelinat. Toute savie, elle a été privée de tendresse etd’amour. Elle a quitté l’orphelinat,pensant que dehors, le monde allaitl’accueillir à bras ouverts. Mais dansla rue, elle n’a trouvé que des brutesqui n’ont fait qu’abuser d’elle. Tom-bée enceinte après avoir été violée àl’âge de 14 ans, Nada raconte elle-même son histoire qui ressemble àcelles qui résident à la maison des «petites mamans » au quartier deMoqattam. Un refuge qui accueilleles filles de la rue, victimes deviol. « Je ne sais pas qui est lepère de mon enfant, cela se pas-sait régulièrement et par plu-sieurs garçons à la fois », ditNada, la tête baissée. En voyantcette petite créature dans uncoin, un bébé dans ses bras, onne comprend qu’il s’agit d’unemaman et de son enfant quelorsque Nada tire son sein pourallaiter son bébé avec des mainstremblantes. « Un enfant res-ponsable d’un autre, telle est larelation des filles de la rue vio-lées avec leurs bébés. De par leur viedans la rue, les expériences sexuel-les terribles qu’elles ont vécues, cesfilles font plus que leur âge. Quel-ques-unes sont mères depuis l’âgede 12 ans », explique Chaïmaa Abdel-Qader, psychiatre à la maison fondéedepuis 2004 et dépendant de l’orga-nisation Al-Amal qui présente desservices aux enfants de la rue.

L’ENGRENAGE DE LA VIOLENCELa maison composée de trois étagessemble plutôt paisible de dehors etmême lorsqu’on y pénètre. Des fillesqui accomplissent différentes tâ-ches, des enfants et des employés.Mais il suffit de s’approcher et poserquelques questions pour que la dé-tresse fasse éruption révélant des ci-

catrices indélébiles sur le psychiqueet le physique. Elles sont toutes victi-mes de négligence, d’indifférencesociale. Il y a celles qui ont quitté lamaison à la mort de leurs parents ouà cause de maltraitance particulière-ment, celles dont la mère ou le pèrese sont remariés.Certaines ont subi la violence d’unemarâtre ou d’un beau père, alors qued’autres ont quitté leurs maisonspour harcèlement sexuel ou inceste.[…]

UN PHÉNOMÈNE EN RECRUDES-CENCE

[…] « Depuis la création de la mai-

son, on descend régulièrement dansla rue, essayant d’attirer le plus grandnombre de filles de la rue, une majo-rité accepte notre aide tandis qued’autres préfèrent demeurer dans larue », dit Mahmoud, en affirmantqu’aucune fille de la rue ne peut évi-ter d’être violée ou de tomber en-ceinte. Loin des endroits qui ac-cueillent ces cas sensibles, beaucoupaccouchent dans la rue et laissentleur bébé affronter son destin, dumoins s’il reste vivant. Une fois arri-vée dans ce foyer, la fille, victimed’un viol ou enceinte, se prépare àchanger de vie. « Notre premièredémarche est de contacter les pa-rents et leur expliquer la situation tra-gique de leur fille. Ainsi, on essayede ramener cette fille chez elle, car

la meilleure des solutions estqu’elle retourne chez ses parents.Parfois, ces derniers compren-nent et acceptent de coopéreravec nous pour tirer la fille de larue. D’autres préfèrent la laisserloin d’eux peu soucieux de ce quipeut lui arriver, que ce soit dans larue ou ailleurs », dit Sayed Anouar,directeur de la maison des petitesmamans.

DES SÉQUELLES PARFOISIRRÉVERSIBLES

[…]Selon Chaïmaa, lacoordinatrice, l’objectif est d’aiderces filles à reprendre une vie nor-

male et d’atténuer leurssouffrances. « En général,ces filles ont plusieurs com-plexes liées directement ausexe. Soit elles deviennentavides de sexe ou bien ellesle rejettent carrément. Ellesgardent toutes de très mau-vais souvenirs, des expé-riences qu’elles ont vécues,alors, on essaye de rendreleur vie plus agréable, pluséquilibrée », dit Chaïmaa.Cette dernière aff irmequ’en général, la maman ar-

rive de la rue déjà enceinte et sanspouvoir déterminer qui est lepère. Et dans ce cas, lorsqu’elleaccouche, on donne à l’enfantn’importe quel nom. Mais si onconnaît le père, on l’oblige à con-tracter un mariage blanc afin degarantir une identité légitime àl’enfant. Le problème est que cesjeunes mamans éprouvent dessentiments contradictoires àl’égard de leurs enfants. Ellesvoient en eux le résultat de tou-tes les violences, souffrances etinjustices qu’elles ont subies.[...]

Enfants des rues: des filles brisées à vieLa maison des petites mamans est un refuge qui accueille les filles violées et parfois enceintes. Elles y

trouvent un peu de sécurité, mais ont toutes du mal à dépasser leur détresse.

Hanaa El-Mekkawi

3 juin 2010Repris par :

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C’est ce que les experts ont mis enexergue à travers les différentes in-terventions lors du premier jour duGNL16, en dépit des difficultés aux-quelles le marché est confronté de-puis 2008 à cause de la crise écono-mique mondiale. Celle-ci a précipitéles prix du gaz dans une chute con-séquente notamment en raison dusurplus d’offres et la baisse de la de-mande. Selon Luc Speeleveld, ingé-nieur en mécanique à Gaz de France(GDF), le marché a connu un chan-gement dramatique en 2009.En 2008, les prévisions, selon lui, por-taient sur une capacité de 25 millionsde tonnes mises sur le marché mon-dial annuellement et 500 millions detonnes d’ici 2020. Néanmoins, dira-t-il, «tous les nouveaux projets vontêtre menés à termes» en signalantqu’actuellement, le marché du GNLconstitue 8% de la demande mon-diale en gaz. Pour lui, trois pays pè-seront à l’avenir sur le marché gazier.Il s’agit du Qatar, de la Russie et duYémen à lesquels l’Algérie devra faireface. Il a ajouté que l’Inde et la Chineconstituent des marchés consomma-teurs très importants dans l’avenir carils ont absorbé le surplus de gaz quiétait de 503 milliards de mètres cu-bes de GNL, en 2009.

Actuellement, le gaz conventionneloccupe 45% des parts du marché degaz. Le Qatar concurrence l’Algériesur le marché anglais puisque leRoyaume Uni compte augmenter sesimportations de gaz de ce pays, se-lon un représentant de Qatargas. Sescapacités en gaz sur toutes ses for-mes sont de 2,5 milliards de m3 surune seule pipe dont les deux tierssont exportables. Pour la Russie, prin-cipal concurrent de la sociétéSonatrach, sur les 27% des réservesprouvées en Europe, 25% sont russespour approvisionner le marché del’Union européenne, selonl’ambassadom s’est fixé comme ob-

jectif d’augmenter cette part à 30%d’ici 2030.Gazprom transforme 100 millions detonnes de GNL par an prévus pourl’UE. Le Yémen, qui a effectué sa pre-mière exportation de gaz non con-ventionnel en novembre dernier a

débuté son exportation de gaznon conventionnels en novembre2009. Ses capacités ont atteint 6,5millions de tonnes de gaz en 25ans.

Malek FARAH

21 avril 2010

La crise grecque et la situation de «fragilité « de la zone euro, engendréepar l’aide apportée par les pays euro-péens à la Grèce pour rétablir sa si-tuation déficitaire, estimée à 110 mil-liards d’euros, peut s’avérer bénéfi-que pour l’Algérie.Cette situation ne concerne pas lesconséquences des turbulences su-bies par les marchés financiers inter-nationaux et leurs influences sur lescours du pétrole, mais une situationqui procure à l’Algérie une positionde force dans ses négociationsd’échanges internationaux.«La fragilité de la zone euro est uneaubaine pour l’Algérie pour négocierses échanges internationaux «, a in-diqué mardi, M. Brahim Gacem, ex-pert financier, à l’occasion de la con-férence-débat, consacrée à la crisefinancière mondiale et la restructu-ration bancaire, organisée au forumEl Moudjahid.L’Algérie, qui s’apprête donc àrenégocier l’accord d’association Al-gérie-UE le 15 juin prochain à Bruxel-les, a aujourd’hui «toutes les cartesen mains pour renégocier l’accordd’association «, a-t-il ajouté.Pour l’expert, il ne s’agit pas seule-ment de renégocier l’accord d’asso-ciation Algérie-UE mais tous les ac-cords passés, relevant des échangesinternationaux, voire même le pro-cessus d’adhésion de l’Algérie à l’Or-ganisation mondiale du commerce(OMC). « l’Algérie, qui a créé des bar-rières pour protéger son tissu éco-nomique.Pour les ouvrir et faire son entréedans le concert des pays en dévelop-pement, tout en conservant ses in-térêts, a tous les atouts en mains

pour faire valoir ses conditions «, aestimé M. Gacem, qui s’est lon-guement étalé sur l’historique dela crise financière mondiale et surses retombées sur l’économie al-gérienne.Selon lui, l’Algérie qui classée 3 epuissance économique sur le plancontinental, n’a pas été touchéesévèrement par la crise financièremondiale en raison de la décon-nexion du système bancaire algé-rien du système financier interna-tional.Néanmoins, l’économie rentièredu pays a fait que « la crise finan-cière soit ressentie par deux ca-naux, à savoir les importations debiens libellées en euros et l’expor-tation d’hydrocarbures qui a enre-gistrée à l’époque une chute ver-tigineuse des valeurs des expor-tations en raison de la baisse du prixde pétrole dans les cours interna-tionaux en l’espace de six mois de147 à 49 dollars le baril», a expli-qué l’expert en estimant que tou-tefois, les mesures prises par legouvernement algérien, conte-nue dans la loi de f inances(LFC2009), est une décision politi-que correcte. «Les pouvoirs pu-blics ont pris des mesures drasti-ques pour limiter l’importation debiens de luxe (automobiles).En revanche, l’importation desbiens nécessaires à la productionétaient soutenus par l’Etat «, a-t-ilprécisé. L’orateur estime, enoutre, que malgré des lacunes quela succession de crises a révélé enson sein, le capitalisme financier aquand même de beaux jours de-vant lui. [...]

Y. FERHAT

Lors de la 16ème Conférence internationale sur le gaz naturel liquéfié (GNL16), qui se clôture aujourd’hui, ilressort que le marché international connait une course infernale vers le leadership par, essentiellement, trois

pays : la Russie, le Qatar et l’Algérie.

Russie, Qatar, Algérie: La course au leadership gazier

Instabilité et fragilité de la zone euroUne aubaine pour l’Algérie pour renégocier l’accord

d’association

19 Mai 2010

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M. Hédi Djilani, président de l’UTICA,a débattu avec les représentants desmédias tunisiens des enjeux de l’in-tégration maghrébine. Cela a donnélieu à un débat prolongé avec unéchange de réflexions et d’impres-sions empreintes de vérités et d’uncertain réalisme.Les débats ont porté sur le blocagedes transactions commerciales intra-maghrébines et un semblant de pro-tectionnisme, la rétention des inves-tissements croisés, l’absentéismed’un système bancaire à vocationmaghrébine, la lenteur de la crois-sance du PIB faute d’intégration éco-nomique. Le président de l’UTICA,courtois et modéré, a essayé de ca-drer le débat mais les constats expri-més ne pourraient pas être compri-mées outre mesure.

Il faut dire que les économies ma-ghrébines sont à un état inégalitairede leur évolution et qu’elles se déve-loppent à des rythmes différents : àplusieurs vitesses, dirait-on, Tunisieet Maroc ont ouvert leur marché, réa-lisent la mise à niveau de leurs entre-prises économiques, privatisé unebonne partie de leur tissuentrepreneurial, amélioré leur climatde l’investissement pour attirer lesIDE et conclu des partenariats por-teurs avec l’UE. La Libye bénéficiedéjà du statut d’observateur au ni-veau du processus de Barcelone tan-dis que l’Algérie, dont l’économie re-pose encore sur le secteur énergéti-que et les grandes entreprises étati-ques, négocie encore depuis desannées avec l’UE pour ce qui est dela zone échange et d’un éventuelpartenariat avec l’UE. Son économien’a pas encore été privatisée et di-versifiée et l’Algérie n’attire pas en-core les IDE à la hauteur de ses ob-jectifs et de ses légitimes ambitions,elle n’a pas signé les Accords d’Aga-dir. 90% de ses exportations portentsur le gaz et le pétrole, ses réservesen devises sont fabuleuses et le paysest un immense chantier.

[...]Le marché commun maghrébinverra-t-il le jour ?

Nous devons être optimistes pouraller de l’avant et voir l’avenir en rose,or il est navrant de constater quel’état des lieux actuel est fait de res-trictions commerciales et de bloca-ges à l’investissement lorsqu’il n’y apas de fermeture des frontières etdes liaisons commerciales et detransport, ne parlons pas du froid desrelations diplomatiques, ce qui est lecas entre l’Algérie et le Maroc depuislongtemps déjà. Il y a lieu de recon-naître qu’il y a un léger mieux alorsque les potentialités sont énormes.Le commerce (légal et illégal) entreLibye et Tunisie prospère de façonactive plus de 2 milliards de dollarspar ans pour ce qui est légal, mieux,les investissements industriels tuni-siens en Libye se multiplient alors queles investissements touristiques etcommerciaux libyens (LAÏCO etOillibya) sont en forte croissance.Une société commune avec poursiège Djerba procède à l’exploitationou plutôt l’exploration du pétrole surla plateau continentale off-shore, àcheval sur les deux pays. Le com-merce intra-maghrébin qui n’étaitque de 3% du commerce extérieurmaghrébin est en train de doublergrâce au réchauffement des rela-tions commerciales entre Algérie etTunisie (7%), Libye et Tunisie. Il fautdire que les importateurs privés al-gériens font de plus appel aux indus-triels tunisiens pour leurs fournitures,ce qui n’a pas manqué d’engendrerun certain dynamisme pour un futurpartenariat gagnant-gagnant. Plus de1300 hommes d’affaires tunisiens ontouvert des commerces ou créé unesociété en Algérie. Des opérateurséconomiques algériens et marocainsont investi en Tunisie. Il est vrai quela BIAT avait déposé il y a quelquesannées une demande d’agrémentpour la création d’une banque en Al-gérie avec un capital de 50 millionsde DT auprès de la Banque CentraleAlgérienne, en vain. Amen bank avaiteu l’intention de le faire il y a un cer-tain temps sans peut-être passer àl’acte. La COMAR voulait égalementimplanter une compagnie d’assu-rance en Algérie avec un capital de50MD ; elle en a les moyens et enmaîtrise les techniques, mais les nou-velles dispositions semblent «la gê-

ner aux entournures». Certes lemarché algérien paraît fructueuxet plein de potentialités mais lesnouvelles tendances impliquant lé-galement des privés algériens defaçon majoritaire semblait rebuterles IDE, car la maîtrise de l’investis-sement et du projet leur échappe-rait.Il y a des industriels tunisiens quiont créé des usines en Algérie :Poulina et Carthago Céramic, AlKhimia dans la chimie, Tahar Bayahidans l’industrie de l’aluminium…Cependant il y a quelques mois lalégislation algérienne en matièred’investissement étranger est de-venue plus sévère et restrictive :dorénavant la loi oblige les inves-tisseurs étrangers à concéder 51%du capital de leur entreprises auxAlgériens.Encore faut-il trouver des investis-seurs partenaires algériens qui ontles moyens financiers et les com-pétences adéquates pour la ges-tion. Imaginez un investisseurétranger qui apporte sa technolo-gie et son financement à un projetindustriel où il est condamné à êtreactionnaire minoritaire. Difficile àconcevoir mais possible, rare et ris-qué à la fois.

Les infrastructures et les projetsfédérateurs manquent encoreIl faut reconnaître que les signesavant-coureurs structurels pourl’éventuelle émergence d’un mar-ché commun maghrébin ou en-core la possible intégration écono-mique ne sont pas encore au ren-dez-vous. La construction del’autoroute maghrébine progressecertes de toutes parts, lentementmais sûrement ; elle risque cepen-dant d’être interrompue entreOran et Casablanca. Il n’y a pas deligne de desserte maritime de ca-botage permettant aux marchan-dises d’être transportées à un coûtraisonnable du Maroc vers la Libyeen passant par Algérie et Tunisie,pas de TGV en vue non plus Tripoli-Nouakchott.[...]

RidhaLAHMAR

TUNISIE

Le Maghreb des entreprises entre mythe et réalités L’intégration maghrébine en débat

17 Mai 2010

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Le piratage et la contrefaçon dont pâtissent les auteurs et les créateurs artis-tiques dans dix-sept wilayas de l’Ouest du pays ont incité les responsables del’Office national des droits d’auteurs (ONDA) et droits voisins à cordonner

leurs actions avec les huissiers de justice et les brigades de lutte contre la contrefaçon, avons-nous appris desource crédible. Dans ce contexte, des actions communes devront permettre de mieux maîtriser le phénomènede la contrefaçon et le piratage. En dépit du raidissement de la loi condamnant les réfractaires à une peine deprison de six mois à trois ans assortie d’une amende de cinq cents mille à un million de dinars, les contrefacteurs nesemblent pas désarmer. Selon notre interlocuteur, la tension est particulièrement perceptible à Oran où lesinterventions de la police et des services de l’ONDA ont permis de coordonner leurs actions. Dans ce contexte,une saisie de plus de 124.000 supports (CD, DVD…) a été opérée par les services de sécurité. Les préjudicescausés au Trésor public et à la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sont respectivement de l’ordre de 38 millions et 33millions de dinars en 2009. En appelant à l’application de la loi dans toute sa rigueur, notre interlocuteur nemanquera pas de souligner la gravité de l’atteinte à la propriété intellectuelle. Il propose, dans ce sens, d’interdireaux non professionnels d’importer des CD vierges tout en accordant des exonérations aux professionnels pourfaire face à ce fléau. El Watan: 29 mars 2010

Z. SABER

7 milliards de préjudices dû au piratage des œuvresartistiques

La propriété intellectuelle est-elle lepétrole du XXIe siècle ? Le renforce-ment continu des marques et bre-vets se révèle à l’occasion hostile auxlibertés individuelles ou aux besoinssanitaires du Sud. Après trois ans denégociations secrètes, un projet detraité anticontrefaçon, l’ACTA, viseà consacrer mondialement un ré-gime commercial tyrannique.[...]L’Accord commercial anti-contrefa-çon (ACAC) — surtout connu soussa dénomination anglaise : Anti-Counterfeiting Trade Agreement(ACTA) — fait l’objet de négociationsdepuis déjà plus de trois ans, en de-hors de toute instance multilatéraleofficielle . Il touche à la liberté d’ex-pression, à la santé, à la surveillanced’Internet, et à l’organisation ducommerce mondial.Officiellement, le texte vise à ren-forcer la lutte contre les produitscontrefaits. [...]Technique sur le contenu et flou surles contours, l’ACTA porte néan-moins un projet politique d’une

grande clarté. L’accord anti-contre-façon représente le dernier avatard’une évolution du droit internatio-nal en faveur d’une protection accruede la propriété intellectuelle, au dé-triment des grands équilibres histori-ques du droit d’auteur et des brevets,dont le principe, rappelons-le, est defavoriser inventeurs et artistes, delutter contre le secret industriel etd’assurer la protection des consom-mateurs. [...]Pour l’un des négociateurs euro-péens de l’ACTA, « il est clair que l’Eu-rope ne peut concurrencer les autrespays sur les prix, mais elle a la créati-vité, la qualité, la culture, l’innova-tion ». Or rien de plus facile que dedupliquer à l’infini un film sur DVD,de reproduire un modèle de chaus-sure ou de fabriquer la copie identi-que d’un médicament sorti d’un la-boratoire des pays développés. « Tou-tes ces choses sont protégées par lapropriété intellectuelle et relative-ment facilement détournées ou vo-lées, poursuit le négociateur. La pro-priété intellectuelle est un élémentde la compétitivité européenne etelle doit être protégée dans les pays

tiers. »Cette logique imprègne la straté-gie de Lisbonne, adoptée parl’Union en 2000, tout comme lesefforts américains. « C’est de l’im-périalisme sans excuse, estimeM. James Love, le directeur del’ONG américaine KnowledgeEcology International (KEI). Lesresponsables politiques nient l’im-portance de l’accès à la connais-sance et de la liberté d’utiliser laconnaissance pour le développe-ment — y compris dans les paysriches. » Et oublient au passageque la plupart des paysaujourd’hui développés ont long-temps appliqué des politiquesnon restrictives sur les brevets etle droit d’auteur afin de soutenirleur propre développement. Le-quel s’inspirait du savoir et de laculture puisés chez d’autres (3)...C’est le cas de la Suisse, copieusede la chimie allemande auXIXe siècle, avant de se muer endéfenseur acharné de ses propresbrevets. Ou des Etats-Unis, quin’ont pas reconnu le copyright surles œuvres anglaises, majoritaires

Des brevets aux droits d’auteurTraité secret sur l’immatériel

Florent LATRIVE

[L’Accord Commercial Anti Contrefaçon est un projet d’accord en gestation négocié secrètement endehors de toute instance internationale et regroupant : L’Union européenne, les États-Unis, le Japon,le Canada, la Corée du Sud, l’Australie ainsi qu’un certain nombre d’autres pays. En faveur d’une pro-tection encore plus accrue de la propriété intellectuelle, cet accord, s’il vient à se concrétiser, entra-

vera sérieusement la marche des pays en voie de développement, dont l’Algérie et le Maghreb.Houari ZENASNI]

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avant 1891, offrant ainsi aux éditeurslocaux des revenus faciles issus deleur libre copie.Cette stratégie mise en œuvre dansles années 1980 a été progressive-ment adoptée par tous les pays dé-veloppés, convaincus que l’immaté-riel — le savoir, la connaissance, laculture — formerait la nouvelle fron-tière de la propriété et du capitalisme.Le droit d’auteur (et le copyright)s’accroît alors, au détriment du do-maine public. Destinés à octroyer àl’inventeur un monopole temporairesur des techniques essentiellementindustrielles afin de récompenser l’in-novation, les brevets sont désormaisaccordés bien plus généreusementà des découvertes triviales, à des pro-grammes informatiques ou à des mé-canismes biologiques. Une fois la pro-priété intellectuelle enracinéechez eux, les pays dévelop-pés ont pratiqué l’ex-portation législative,notamment à tra-vers les accords surles aspects des droitsde propriété intellec-tuelle qui touchent aucommerce (Adpic), négo-ciés en 1994 dans le cadre del’Organisation mondiale ducommerce (OMC). Consé-quence, les génériques, qui per-mettent de fortement diminuer leprix des médicaments anti-VIH dansles pays du Sud, se trouvent bloquéspar les brevets. Un pays commel’Inde, qui avait fondé son industriechimique et pharmaceutique sur lareproduction de substances mises aupoint à l’étranger, connut alors unrenversement complet de modèle.«… »Côté Internet, les inquiétudes por-tent sur la responsabilité des fournis-seurs d’accès (FAI) et des intermé-diaires techniques. Là aussi, les Etats-Unis tentent d’obtenir un durcisse-ment des règles en vigueur. La re-cette ? Rendre les FAI responsablesdes infractions commises par leursabonnés. Et les inciter ainsi à filtrer,couper, bloquer, sans passer parl’autorité judiciaire, quitte à ne passe soucier trop de la réalité des pira-tages ainsi punis. Une demande faitede longue date par les industries cul-

turelles du monde entier et que laFrance avait tenté de satisfaire avecla loi Hadopi — mais dont les débatsau Parlement européen, en 2009,rappelaient qu’elle risque de porteratteinte à l’exercice de libertés fon-damentales des citoyens (4).[...]Les Etats impliqués dans ces négo-ciations secrètes réfutent, bien en-tendu, toute idée de viol des opinionspubliques. « L’ACTA n’est pas une ex-ception au processus démocratique— le but n’est pas de tromper les Par-lements européen ou nationaux »,se défend le négociateur e u r o -péen, qui juge « fan- t a i -siste de croire q u el’on réus- s i tc e s

cho-ses-là en

cachette ». Cen’est pourtant pas la

p r e - mière fois que ces mêmesgouvernements contournent l’Orga-nisation mondiale de la propriété in-tellectuelle (OMPI), l’institution inter-nationale en théorie dédiée à ce typede discussions. A la fin des années1990, le cadre de l’Accord général surles tarifs douaniers et le commerce(GATT, ancêtre de l’OMC) lui avait étépréféré pour engager les négocia-tions sur les droits de propriété intel-lectuelle. Les pays développésavaient alors emporté la signature duSud en échange de promesses surl’ouverture des marchés agricoles —un troc que l’OMPI ne permettaitpas.Depuis quelques années, cesmanœuvres ne suffisent plus. Plu-

sieurs tentatives pour « durcir » lapropriété intellectuelle ontéchoué à l’OMPI, mais aussi àl’OMC. Sous la pression du Sud etde certaines ONG, l’OMPI acceptedésormais officiellement de discu-ter d’autres modes de soutien àl’innovation, et envisage un traitésur les exceptions et limitations audroit d’auteur. Le Brésil, l’Inde,l’Argentine ou encore la Chine re-nâclent à renforcer des textesqu’ils jugent taillés sur mesurepour les pays du Nord. « La simpleinclusion dans l’agenda de l’OMCd’une discussion sur la propriétéintellectuelle était bloquée parcertains de nos partenaires », re-connaît le négociateur européen.Toutes les voies étant fermées, ilne reste alors que celle du traitéad hoc, négocié secrètement parquelques dizaines d’Etats (dix plus

l’Union européenne). La straté-gie est d’une efficacité redou-

table : une fois l’ACTA négo-cié en petit comité et loin

des regards, il « suffira » dele transposer dans le droit

national de chaque si-gnataire. Puis, quand

les jeux seront faits,d’imposer la signa-ture du texte aux

pays en développementpar le jeu d’accords bilaté-

raux, en leur faisant miroiter desconcessions sur d’autres chapi-tres. Un traité de 1996 sur le droitd’auteur et Internet (5), négociédans le cadre de l’OMPI, montrela voie : transposé en droit euro-péen en 2001, il a été présenté auParlement français en 2006. Lesdéputés avaient alors protesté,mais sans plus aucune marge demanœuvre, le gouvernement fai-sant systématiquement valoir queles engagements internationauxde la France ne pouvaient être tra-his. Imparable. Sauf à débattre dece type d’accord en pleine lu-mière, et au moment où il en estencore temps. Pour l’ACTA, c’estmaintenant.

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Alger, ce n’est pas par la mer qu’ilfaut la découvrir. Mieux vautl’investir par les hauteurs enprenant appui sur deux prisessolides, deux hôtels : le Saint-George et l’Aurassi. Aux explora-teurs de la capitale, ils serviront depoints de repère et de refuge.

Le Saint-George, en réalité, ne s’ap-pelle plus le Saint-George depuis prèsde trente ans. Il a été rebaptisé parson propriétaire - l’Etat - Hôtel El-Djazaïr («Algérie» en arabe), mais lagreffe n’a pas pris et l’on continue à

«descendre» au Saint-George,comme s’il ne fallait pas rompre le fild’une histoire séculaire. Et quelle his-toire ! Palais mauresque transforméen pensionnat pour jeunes filles, puisen hôtel de luxe pour une clientèled’Anglais fuyant les hivers humides,le Saint-George - et son remarquablejardin botanique - peut témoigner dequelques soubresauts fameux du siè-cle passé.Au salon des Ambassadeurs fut si-gné, le 10 novembre 1942, un cessez-le-feu entre l’amiral Darlan et lesAméricains, qui venaient de débar-quer en Afrique du Nord. A l’étagedu dessus, la chambre occupée parle général Eisenhower a été conser-vée. Et, sur la porte voisine, une pla-que a été apposée qui rappelle que«le général Dwight Eisenhower,commandant en chef des forces ex-péditionnaires alliées en Afrique duNord a tenu son quartier général danscette chambre entre novembre 1942et décembre 1943». Une vingtaine

d’années plus tard, c’est un autreguerrier qu’allait accueillir le Saint-George : Che Guevara.A vrai dire, tout ce quartier de la capi-tale respire l’histoire, glorieuse oudramatique, récente ou pas : chef dugouvernement provisoire, le généralde Gaulle résidait à proximité, à la villades Oliviers. Une autre villa - la villaSusini, en cours de restauration - futun centre de détention et de tortureutilisé par les parachutistes lors de laguerre d’Algérie.La présidence de la République n’estpas loin non plus du Saint-George,mais Abdelaziz Bouteflika ne la fré-quente guère.A un jet de pierre de l’hôtel habitaitaussi Abassi Madani, le fondateur duFront islamique du salut, parti qui futmajoritaire au premier tour des élec-tions législatives de 1991.Que l’on quitte le Saint-George pourl’Hôtel Aurassi et c’est l’Algérie so-cialiste des années 1970, celle dutiers-mondisme triomphant, que l’onredécouvre. L’hôtel n’a guèrechangé depuis son inauguration.C’est un bloc de béton dénué degrâce mais qui offre l’un des plusbeaux panoramas sur la baie d’Alger.Dans ses salons se sont tenus denombreux sommets et conférencesinternationaux. Les chambres del’Aurassi sont restées figées dans letemps, avec leur décoration de plas-tique orange, vert, jaune...De la terrasse de l’hôtel, on aperçoitau loin un autre monument : le cen-tre Riad El-Fath, un tripode de bétonde près de 100 mètres de haut plantésur les hauteurs de la capitale. «C’est

notre tour Eiffel», disent les Algé-riens. Mais où sont les files de tou-ristes ?La période coloniale, c’est uneautre affaire. Un palace l’incarne,situé non pas sur les hauteurs dela capitale mais en bord de mer, àdeux pas du port et du centre-ville: l’Hôtel Aletti, rebaptisé, en pureperte, Hôtel Safir. Ouvert en 1930,soit «l’année du centenaire de l’oc-cupation française», rappelle sondirecteur, Sami Djilali, il a été inau-guré par Charlie Chaplin. L’Alettiest un chef-d’oeuvre Art déco :formes épurées et géométriques,sculptures stylisées... Le palaceoffrait à ses clients un casino, unesalle de music-hall, un cinéma.C’était le rendez-vous obligé descolons fortunés.Depuis, le temps a passé et l’Alettia perdu son lustre. Des rénova-tions mal conduites l’ont enlaidi.«Il faudrait rénover les rénova-tions», dit encore son directeur.En attendant, pourquoi ne pas serabattre sur un autre lieu, à l’écartde l’agitation de la ville : le Muséenational des beaux-arts. Surplom-bant le -Jardin d’essai (encore unecuriosité), il est d’une richesseinouïe. Les collections,qui com-portent des Degas, des Dufy, des-Gauguin, des Maillol, des Picasso,sont sans égales dans toute l’Afri-que.

Chambres avec vues sur l’histoire d’Alger

Jean-Pierre TUQUOI

1 avril 2010

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Constantine :Le palais Ahmed Bey, de marbre et d’orangers

Farida HAMADOU

11 juin 2010Week-end

Fasciné par les palais qu’il visita enOrient, Ahmed Bey décida deconstruire un ksar somptueux àConstantine, où il ne vécut pour-tant que de 1835 à 1837. Fermé pourrestauration en 1985, il vient derouvrir au public. Un bijou d’archi-tecture à visiter absolument.

Une porte verte, massive, constelléede clous décoratifs en laiton quis’ouvre du côté sud de l’édifice, invi-tant les visiteurs, qui se retrouvent deplain-pied dans l’enceinte du palais :dès l’entrée, par la place Si El Haouès(ex-place Générale), un charmeétrange se dégage du bâtiment, tantles lieux sont éloquents. C’est le rez-de-chaussée. A peine quelques petitesmarches escaladées, on accède au halltout en marbre, aux colonnades d’al-bâtre et aux murs revêtus de faïencesmauresques, dans lequel se trouve àgauche, Dar Fatoum, l’appartement dela favorite du bey. Tous les plafondssont ornés de luminaires en cuivrejaune.A droite, nous accueille, dans une or-gie florale, le grand jardin des Pal-miers, distinct de l’autre, celui desOrangers, dans lequel, raconte-t-on,Napoléon III avait planté deux cè-dres du Liban, et au milieu du-quel trône une vasque de mar-bre avec jet d’eau. Au-dessusdes panneaux, s’esquisse unefresque étonnante qui rendcompte du périple entre-pris par AhmedBey pour ar-river auxL i e u xSaints del’Islam. Onpeut y ad-mirer Tunis,la Goulette,Tripoli, le portd ’ A l e x a n d r i e ,avec des frégates tou- tes voi-les hissées, et Le Caire, avec ses mos-quées, puis, comme un livre d’imagesgéant, la fresque se redéploie encorevers tous les murs intérieurs. C’est du-

rant ce périple accompli avant son in-tronisation que le futur Ahmed Bey,fasciné par les villas et les palais visitésen Orient, décidera d’édifier un ksar

somptueux, n’ayant rien à envier auxplus belles demeures de l’époque.Pour cela, il en confia, en 1826, la cons-truction à deux illustres artisans algé-riens formés à Tunis et Alexandrie,dont le fameux El Hadj Youcef Barrar,que le souverain vassal fait venird’Egypte, alors que les vitraux et lesouvrages de ferblanterie seront exé-

cutés par des juifs de Tunis. Seloncertaines sources historiques,

le bey, soucieux de l’origina-lité des ouvrages d’orne-mentation, chargera uncommerçant génois de

faire venir les matériauxnécessaires. On y trouve

des faïences italien-nes et espagnoles,aux bigarruresflorales et végéta-les, garnissant leslambris des mursdu palais, notam-ment ceux du rez-

de-chaussée et dela galerie du premier

étage.Les appartements du bey

communiquent avec le harem et lachambre des baigneuses. Ce sont dessalons mauresques, en forme de T,comprenant tous des boudoirs, qu’on

appelle « maksouras ». Plus loin,vers le sud, c’est la salle du Diwân,ou d’audience, où ce dignitaire ad-ministrait les affaires de la cité. Lessous-sols, qui servaient d’écuries à

l’époque ottomane, seront plustard transformés en geôles par lesFrançais. D’innombrables piècesgarnissent l’étage. Toute la nostal-gie des splendeurs orientalistesplane sur ces lieux au faste discret,où ce sultan ne vécut, avec sa suite,que deux années, de 1835 à 1837.Pour rappel, le palais du bey, devenule siège de l’état-major de l’arméefrançaise après la prise de Constan-tine, le 13 octobre 1837, a été classémonument historique par les auto-rités coloniales en 1935.

L’actuLe palais vient de rouvrir ses portesau public. Il avait fermé en 1985 pourdes travaux de restauration.

Les faitsLa restauration du palais est finie à80%. Il reste les colonnes et les mar-bres à terminer, ainsi que la poly-chromie (peinture murale), dontl’étude est également à actualiser,et aussi un gardiennage digne dece nom, avec des caméras vidéo.

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NRP, juin 2010, n°3

Pour bien situer le poids du penseur, ilest utile de revenir au commencement.Automne 1957 : le jeune MohamedAbed Jabri a 22 ans lorsqu’il quitte leMaroc pour Damas, la capitale sy-rienne, afin d’entamer des études demathématiques. Il est alors féru de chif-fres,de géométrie et d’algèbre, et ses no-tes au lycée sont exceptionnelles. Seu-lement voilà : à Damas, il découvre desmanuels différents, un enseignementqui ne correspond pas à ce qu’il avaitconnu au Maroc, et surtout les chiffresutilisés ne sont pas les mêmes. Les Sy-riens ont adopté les chiffres indiens,tandis qu’au Maroc ce sont les chiffresarabes qui sont d’usage.

Des maths à la philoJabri décide donc de changer d’orien-tation. Il abandonne les maths et setourne vers des études de lettres, quivont le conduire à la découverte de laphilosophie. Une discipline qu’il ne vaplus quitter, pour devenir une figuremajeure et incontournable de la pen-sée philosophique arabe. Une penséeque Mohamed Abed Jabri a, commeon le verra, mise au service de son en-gagement politique et de son combatcontre l’obscurantisme.Mohamed Abed Jabri appartient à unegénération d’intellectuels arabes nour-ris d’espoirs et d’utopies, après la va-gue de décolonisation des années1950. Des espoirs qui vont se heurterà la dictature et à la répression des ré-gimes en place, et qui vont subir deplein fouet le choc de la défaite histo-rique face à Israël en 1967. Que s’est-ilpassé ? Quelle est l’origine de cettedécadence politique et intellectuelle ?Et surtout, comment s’en sortir ? Desquestions que Jabri et d’autres intel-lectuels n’ont cessé de se poser.Une grande partie de la réflexion duphilosophe marocain est ainsi orien-tée vers l’analyse et la critique desstructures politiques et intellectuellesqui ont mené à cette situation drama-tique. Pour Jabri, la solution, ou ce qu’ilappelle “l’issue” doit être trouvée aucœur même de l ’héritage culturelarabo-musulman. Selon lui, il fauts’adresser au peuple avec un langage,des mots et des codes culturels qu’ilpeut saisir et comprendre. La présencepermanente d’Ibn Rochd et IbnKhaldoun dans ses écrits illustre par-faitement cette ambition. Le philoso-phe andalou et l’historien maghrébinsont les porteurs d’une pensée ration-

nelle, méthodique et rigoureuse, quis’oppose totalement au conserva-tisme de beaucoup de théologiensmusulmans. Jabri est convaincu que lamodernité occidentale peut s’allier etse fondre, sans rupture dramatique niheurt frontal, avec la tradition arabo-musulmane. Une position qualifiée de“tiède” par ses détracteurs, qui jugentcette conciliation impossible.

Un penseur engagéLa montée de l’islamisme et la gesta-tion difficile de la démocratie dans lemonde arabe sont présentes dans lapensée de Mohamed Abed Jabri. DansLa raison politique arabe (Ed. La Dé-couverte, 2007), il distingue trois élé-ments déterminants de la pratiquepolitique dans le monde arabe : la foi,la tribu et le butin. Le premier élémentcorrespond à l’idéologie religieuse,moteur de mobilisation et de domina-tion, le second fait référence aux soli-darités traditionnelles qui soutiennentles régimes politiques et le troisièmeprend la forme d’une économie ren-tière, nécessaire pour se maintenir aupouvoir. Pour Jabri, le changementpolitique passe nécessairement par laréforme et le dépassement de ces troiséléments. Pour sortir de la crise, il sug-gère une nouvelle trinité : une écono-mie libre et moderne, une société ci-vile forte, à côté d’un vrai Etat de droit,et une foi tolérante qui accepte le ques-tionnement et le pluralisme.Mohamed Abed Jabri estime qu’il n’ya pas d’incompatibilité entre le travailde chercheur, exigeant l’objectivité etla neutralité de l’analyse, et l’engage-ment politique et militant. Dans Posi-tions, une série de textes autobiogra-phiques sur son expérience politique,il écrit : “J’ai toujours agi comme sij’étais dans le même champ : j’écrivaisen politique, je pratiquais la recherchescientifique et j’élaborais des théoriesphilosophiques, tout en me consa-crant à l’enseignement et la réflexionpédagogique. Pour moi, ces champsétaient complémentaires”.

Ben Barka et luiEn 1957, Jabri fait la rencontre d’unhomme qui va profondément le mar-quer : Mehdi Ben Barka. L’ancien pro-fesseur de Hassan II, et son futur op-posant, est très actif au sein du Partide l’Istiqlal, malgré ses frictions avecla vieille garde du parti. Les jeunes luivouent une grande admiration pourson dynamisme et ses idées frondeu-

Mohamed Abed Jabri. Un chercheur en or

Philosophe engagé, militant de gauche et écrivain prolifique, Mohamed Abed Jabri amarqué de son empreinte l’histoire intellectuelle marocaine. Sa disparition le 3 mai est

une immense perte pour la pensée arabe.

N° 423

HOMMAGE

MAROC

ses et sans con-cession. En 1959,Mehdi BenBarka, AbdellahIbrahim etA b d e r a h i mBouabid quittentl’Istiqlal et créentl’Union nationaledes forces popu-laires (UNFP). Lejeune Jabri em-boîte le pas deson idole, rejoint le nouveau parti etintègre bénévolement la rédaction deAttahrir, journal du parti, dont un cer-tain Abderahman Youssoufi est le ré-dacteur en chef. Pendant une ving-taine d’années, Jabri prendra part àtous les combats et mutations du partisocialiste marocain. Membre du bureaunational de l’UNFP, il sera arrêté en1963 et en 1965, puis participera à lacréation de l’USFP dont il sera mem-bre du bureau politique, de 1975 à 1981.Jabri était la caution intellectuelle del’USFP, sa boîte à idées et même, se-lon certains, son “idéologue en chef”.Malgré son départ du parti de la roseen 1981, pour se consacrer entière-ment à ses activités intellectuelles,Mohamed Abed Jabri est resté fidèleà ses convictions politiques. Une cons-tance qui explique son refus de siégerà l’Académie du royaume, malgré lademande de Hassan II.

L’impossible “bloc historique”Mais l’engagement politique de Jabriau sein de la gauche marocaine n’a ja-mais été sectaire. Au début des années1980, et sous l’influence de l’intellec-tuel marxiste italien Antonio Gramci,Jabri va appeler à l’émergence d’un“bloc historique”. Une alliance entreles partis de gauche et les islamistesmarocains, pour œuvrer ensemble à laréforme politique du pays. Mais l’ap-pel de Jabri trouvera plus de réso-nance à l’extérieur du Maroc qu’à l’in-térieur, puisqu’il a abouti à la créationdu Congrès nationaliste islamiste àBeyrouth. Une structure qui regroupedes hommes politiques et des intellec-tuels islamistes et de gauche pour met-tre en application cette idée chère àl’intellectuel marocain. Nul n’est pro-phète en son pays, sans doute.

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[BIBLIOGRAPHIE]

Maissa BEY

Puisque mon coeur est mort

« Me couler dans le moule. Sourirequand j’avais envie de pleurer, me tairequand j’avais envie de crier. Mais c’étaitun autre temps. Le temps où le soleiléclairait encore le monde. Maintenant,je ne veux plus faire semblant. Quem’importent l’opprobre, l’exclusion ? Jen’ai plus rien à perdre puisque j’ai toutperdu. Puisque mon coeur est mort. «Aïda, algérienne, divorcée, quarante-huit ans, et mainte-nant orpheline de son fils, assassiné. Pour ne pas perdrela raison, elle lui écrit dans des cahiers d’écolier. Et à tra-vers ce dialogue solitaire, peu à peu elle avance, inexora-ble, vers son destin. Mektoub. Un roman fait d’ombreset de lumière - éblouissant. (éditions de l’Aube, 2010)

Rachid BOUDJEDRA

Les figuiers de barbarie

Deux hommes se retrouvent côte àcôte dans le vol Alger-Constantine.A dix mille mètres d’altitude, en unpeu moins de d’une heure, c’est leurdestin - et celui de tout un pays à tra-vers le leur -, qui va se jouer au fil dela conversation et des réminiscen-ces.Ils sont unis par les liens du sang, par

l’expérience traumatisante de la guerre d’Algé-rie, mais aussi par le souvenir d’un été torride deleur adolescence, épisode dont jamais ils n’ontreparlé mais qui symbolise la jeunesse perdue deleur patrie. (éditions Grasset, 2010)

Amin ZAOUI

La chambre de la vierge impure

À seize ans, on m’a embarqué dans uncamion et je me suis retrouvé dans uncamp d’entraînement islamiste. Il y avaitune fille, Laya. Une fanatique, une re-belle. Elle était séduisante. Elle ressem-blait à ma cousine Sultana, celle qui criait«Suce-moi les seins! Suce-moi le sein!»quand nous faisions l’amour. Sauf queLaya ne voulait pas faire l’amour avec

moi. Elle préférait écouter mes histoires. Le soir, nousfumions le haschich et je racontais.Parfois, des tirs écla-taient. Des choses se sont passées en Algérie, je crois.Des émeutes, des séditions. Moi, je fumais et je racon-tais. Les mêmes histoires et pourtant chaque fois diffé-rentes. Dans mon village, on m’appelait «le poète». Jetenais ça de mon père, qui avait œuvré toute sa vie àtraduire le saint Coran en berbère, la langue de l’amouret des oiseaux. Mon père était un fou. Comme moi. Poèteet fou, c’est pareil. Amin Zaoui chante l’amour des fem-mes et celui des livres, la passion des histoires. Mais Lachambre de la vierge impure est aussi un livre de résis-tance. Dans la fumée psychotrope, les récits qui s’en-châssent ont l’étrange vertu de renvoyer à l’état de fa-ble ce qui est bien réel: une Algérie confrontée à l’intolé-rance et à la violence. (éditions Fayard, 2009)

Wiciny LAREDJ

Les ailes de la reine

Le combat pour la liberté de danser d’une femme auxprises avec les démons de l’Algérie desannées 1980. Le sixième roman del’écrivain Algérien Wacini Laredj.Dans une Algérie déchirée, en proie àses propres démons, une danseuse deballet, Miryam, n’a qu’un seul rêve : in-carner le personnage deSchéhérazade dans une adaptationchorégraphique du célèbre poèmesymphonique de Rimsky-Korsakov. Elletrouve soutien et réconfort auprès deson amie et professeur de danse,Anatolia, ainsi que dans le souvenir deson idole, la danseuse étoile Ekatrina Maximova, qui atenu bon, jusqu’au bout de ses forces, malgré un sévèrehandicap physique. Gravement blessée lors des événe-ments du 5 octobre 1988, Miryam continue à s’entraîneravec acharnement, toujours stimulée par Anatolia, jus-qu’au jour où celle-ci est renvoyée par le ministère de laCulture et « invitée » à quitter le pays. Sous la pressiondes groupes islamistes armés, tous les espaces culturels,y compris l’Opéra, sont d’ailleurs menacés de ferme-ture… (Actes-sud col. Sindbad, 2009)

Abdelkader DJEMAÏ

Zohra sur la terrasse

«Zohra sur la terrasse » raconte lesdeux séjours de Matisse à Tanger.L’artiste fera la connaissance de lalumière douce, des couleurs vives, despaysages luxuriants et de seshabitants. Il peindra une vingtaine detoiles et une soixantaine d’études auMaroc. Mêlant f iction et réalité,Abdelkader Djémaï, l’auteur de ce récit,portant le titre d’un tableau de Matisse,

évoque la figure de son grand-père et sa ville natale,Oran (éditions du Seuil, 2010)

Marta SEGARRA

Nouvelles romancières francophonesdu Maghreb

Entre 1995 et 2008, de nombreuses ro-mancières du Maghreb ont émergé,telles que F. Mernissi ou R. Amari. Unessai de critique littéraire sur ces roman-cières francophones à travers l'étudede la langue, de la représentation sym-bolique du monde et des techniquesnarratives qu'elles utilisent. (éditionsKarthala, 2010)

Ahlem Mostaghanmi est une grandeécrivaine et poétesse arabophone na-tive de Constantine. Elle est l’écrivainela plus lue dans le monde arabe.Ses romans sont célèbres dans tout lemonde arabe, notamment sa trilogie,«Passager d’un lit», «L’anarchie dessens» et «La mémoire de la chair». Sesromans mettent en valeur le corps, «Lamémoire de la chair» sera interdit dansplusieurs pays arabes et ce, pendant

plusieurs années. Ahlem Mostaghanmi vient de sortirun nouveau livre intitulé Nessyan.com.

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Anouar BENMALEK

Le Rapt

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«Où commence, où finit un roman ?Avec Archéologie du chaos(amoureux), Mustapha Benfodil, enbon « rêveurévolutionnaire », nousencourage à lire son roman avec lecorps, avec les mains, les bras, lesjambes, les yeux, la bouche, en selaissant porter par un mouvement de marche, en selaissant envelopper, frôler par des gestes, des contacts,en clignant des paupières devant les lumières d’Alger, lanuit, en prêtant l’oreille au crissement des pneus surl’asphalte mouillé, au froissement des papiers, surtoutles papiers.» Djilali Khallas (Alger, Barzakh, 2007)

Mustapha BENFODIL

Archéologie du chaos (amoureux)

Alger, les années 2000, l’hiver. Unjeune homme disparaît. «Pour réglerune dette», Djo, commissaire à laretraite - forte tête, solitaire - reprenddu service, réactive ses réseaux et selance à sa recherche. Mais très vite lespistes se brouillent, et l’enquêtedevient une inquiétante course contre

la mort où tous les fantômes d’une époque que l’oncroyait révolue ressurgissent.Empruntant au polar certains de ses codes, Adlène Meddialterne sécheresse de style, dialogues percutants etéchappées poétiques, et met en scène des personnagespris au piège d’une ville glauque et fantasmagorique,sur fond de terrorisme, de complot politique, d’illusionsperdues et d’amour impossible.» (Présentation del’éditeur) (Alger, Barzakh, 2008)

Adlène MEDDI

La Prière du maure

(Alger, Barzakh, 2008)

la Préface du nègre est un recueil dequatre nouvelles, écrites à la premièrepersonne et qui représentent unevision à la fois noire et tendre del’Algérie d’aujourd’hui ; d’un pays quiveut à tout prix oublier son passé, maiscelui-ci le rattrape sans cesse. Lapremière nouvelle intitulée l’Amid’Athènes raconte l’histoire d’uncoureur de fond, qui court et court et court sans objectifbien précis, sauf – peut-être – pour fuir un “pays à moitiédesséché”. Mais c’est sans compter sur sa mémoire etses souvenirs qui remontent à la surface. Le coureur estobligé de se souvenir car sa mémoire à des droits sur lui,tout comme ses ancêtres et ses descendants. L’objectifse dessine enfin pour ce coureur à partir du moment oùil restitue sa mémoire. En fait, on fuit souvent notrepassé, mais il finit toujours par nous rattraper parce qu’ilfait partie de notre histoire (personnelle ou nationale).

Kamel DAOUD

La préface du nègre

�������������� �����������������2008

Quand il comprend que sa fille n’a pasfugué mais a été enlevée, Aziz pensed’abord aux islamistes radicaux qui ontégorgé un jeune homme sous ses yeuxquelques jours auparavant. Il mauditson pays, ses haines fratricides, sesfanatiques, son pouvoir raidi par la peuret sa police incompétente. Cet

employé d’un drôle de zoo algérien n’imagine pas quece rapt puisse être une vengeance, dont l’origineremonte à un demi-siècle ! Il s’avoue volontiers lâche etcynique, mais il n’a jamais rien fait à quiconque qui méritequ’on séquestre sa fille ! Le ravisseur se manifeste partéléphone. Bien entendu, Aziz est sommé de ne rienrévéler à la police. De coup de fil en coup de fil, qui sontautant d’étapes d’une longue torture psychologique,Aziz va finir par comprendre que ce n’est pas lui qui estvisé mais Mathieu, le second mari de sa belle-mère, lebeau-père de sa femme, un Français demeuré en Algérieaprès l’indépendance. (éditions Fayard, 2009)

Les aveux de Tam City 2039 est lenouveau roman de l’écrivain et poèteAzzeddine Mihoubi présenté hier lorsd’une soirée littéraire animée parl’auteur à la Maison de la culture deTamanrasset. Dédié à la population dela capitale de l’Ahaggar, ce nouveauproduit littéraire de trois tomes TinAmoud, Aïn Zana et MokachafatAskrem, édité par la maison d’éditionTala, a été exposé pour la première fois lors de lamanifestation «Alger, capitale de la culture arabe 2007».Dans la présentation de son œuvre, Azzeddine Mihoubia indiqué que l’idée d’écriture sur cette région «estdictée par la mue que cette région a opérée». Unemétamorphose qui pourtant, a-t-il dit, «n’a pasencouragé les gens à opter pour le Sud», faisant allusionau phénomène de l’émigration clandestine, appelécommunément «harraga». Cette œuvre prévoit, selonl’auteur, une «nette» mutation de Tamanrasset quideviendra, à l’horizon 2039, une région «pivot» entre leSud et le Sahel devant attirer les investisseurs. Joignantla f iction au mythe, l’auteur aborde l’arrivéed’importantes personnalités dans la région, dont unFrançais venu au pays à la recherche du tombeau de sonpère inhumé à Souk Ahras, mettant son séjour à profitpour reconnaître les crimes commis par son géniteur enAlgérie. M. Mihoubi, qui a annoncé que ce produit esten cours de traduction vers la langue française, avaitanimé une soirée poétique avant d’être honoré par lesautorités locales de Tamanrasset.