de et par

Anne BÉRÉLOWITCH

avec la

Compagnie L'instant même

1. Le texte

BIG BANG ou Les trois premières minutes de l'univers, est une comédie romantique et musicale en octosyllabes rimés. Les parties dialoguées, majoritaires, alternent avec des chansons et des séquences purement chorégraphiques. Paul, médecin, la quarantaine désenchantée, tombe un soir d'orage sur Clarisse, une jeune femme résolue à changer de vie, qui s'apprête à s'envoler pour New-York. Coups de foudre. Mais ni l'orage ni la rencontre ne sont dus au hasard, car les événements amoureux vécus par les deux principaux protagonistes sont en partie provoqués, et largement commentés, par les Dieux du Café du Destin. Dieux décatis, et assez mal embouchés, mais néanmoins capables de suspendre l'action, de la faire revenir en arrière, et de provoquer quelques désordres météorologiques. Ces Dieux sont entourés de trois charmantes "Girls" en tutus pailletés qui actionnent la roue du Destin des Humains, tout en poussant la chansonnette ou en se trémoussant sur des airs de country...

L'enjeu de la pièce est, évidemment, l'amour. L'amour comme révolution, d'où le titre. Révolution modeste ici, puisqu'il s'agit pour une femme célibataire plus très jeune de se laisser enfin attendrir, et pour un homme résigné à une triste routine d'oser changer de vie. Mais ces petites révolutions n'en constituent pas moins l'essentiel de nos existences...

Pour ce spectacle, il s'agit de réinventer une forme de théâtre musical "à la française", inscrit dans la lignée des maîtres du genre, tout en cherchant, modestement, un chemin singulier et résolument contemporain. Le choix de la forme rimée traduit une volonté de rompre avec le naturalisme, tout en revendiquant le droit au plaisir de raconter une histoire, sentimentale, et riche en rebondissements.

Le texte a reçu une Bourse Découverte du CNL, et a été lauréat du concours d'écriture d'Influenscènes en 2009 (lecture pupitre au Rond-Point en novembre 09).

2. Comédie musicale

La comédie musicale rencontre ces dernières années en France un net regain de popularité. Même s'il s'agit surtout de "revivals" de grands classiques ou succès américains importés. De la comédie musicale, nous revendiquons le caractère foisonnant et festif, la simplicité narrative, la naïveté sentimentale, et le goût du "Happy End". Ainsi que la transposition poétique, qui nous permet de réinventer le thème si rebattu de la rencontre amoureuse. Mais il nous semble tout aussi important de ne pas dériver vers un modèle trop calibré. Où nous nous contenterions de singer une manière de faire, ou un registre de "show" gommant toutes les aspérités et les enjeux sous une pluie de paillettes. Il faut qu'il y ait aussi du rugueux et du grinçant. Demy, Brecht, les grands Américains: les maîtres sont présents, et les références assumées. Mais nous tentons de les inscrire dans une forme propre, qui s'invente au fil des répétitions, au plus près des différents registres du texte.

3. Mise en scène et scénographie

La multiplicité des lieux de l'action, la volonté de faire ressortir avant tout la présence des corps et la poésie des parties dansées nous amène à rejeter d'emblée toute illustration réaliste, et à ne conserver d'éléments de décor que le strict nécessaire pour composer des espaces lisibles et différents, dessiner les volumes et varier les perspectives. D'autre part, l'importance dramatique, notamment dans l'épilogue, mais également comme fil rouge de l'action, de l'exposition d'art contemporain dont s'occupe Clarisse, nous amène à exploiter cette possibilité sur le plan de la scénographie. Le principe central est celui du dialogue, ou du choc, entre deux registres: 1. la simplicité rudimentaire d'un théâtre de tréteaux rejoignant l'univers du caf'conc'. 2. la présence d'éléments qui renvoient à différentes tendances de l'art le plus contemporain. 1. Les deux niveaux, celui des mortels et celui des Dieux, sont très clairement marqués. L'espace du Café du Destin, très compact, se résume presque entièrement à un piano-bar autour duquel gravitent les six personnages. Quant aux différents lieux de l'action terrestre, ils apparaissent ou disparaissent selon les besoins sur deux ou trois mini-scènes situées en contrebas de celle des Dieux. L'espace n'est utilisé dans sa totalité que pour l'exposition d'art contemporain, l'espace du théâtre ne faisant plus qu'un avec celui de l'exposition.

2. Mais le "fil rouge" de l'art contemporain est présent dès le début, et tout au long de la représentation, à travers certains éléments de décor ou accessoires, ainsi que dans le choix du langage chorégraphique. L'exposition sur le thème du Big Bang imaginée dans la pièce est supposée rassembler des artistes de tous horizons et travaillant dans des domaines variés: ceci ouvre d'intéressantes possibilités. Par exemple, la "machine à café" de Clarisse, avec laquelle Paul se tache à l'acte 1, devient une sculpture colorée et lumineuse, faite de matériaux de récupération. De la même façon, les quelques éléments qui servent à faire exister les différents espaces domestiques, se résument à des cubes neutres, semblables à ceux qui servent de support dans les expositions. Les comédiens modifient en jeu la disposition des cubes selon les scènes, sur lesquels ils se perchent, s'allongent, ou se posent, dessinant des sculptures vivantes.

Ainsi, le spectacle peut s'adapter à tous les types de lieux, avec des résultats assez différents: dans un espace brut totalement ouvert, type galerie d'art, on éclatera les différents espaces en utilisant la multi-frontalité; alors que dans une salle de théâtre classique, on installera deux niveaux sur scène si la profondeur du plateau le permet, ou on installera le Café du Destin côté public, dans un espace intermédiaire type fosse d'orchestre.

4. Musique et chorégraphies

Les musiques, composées par ALAIN LÉVY, collaborateur de longue date de L'instant même, sont toutes écrites. La partition continue à être affinée et étoffée lors des répétitions. La musique est jouée en direct par le compositeur (pianiste du piano-bar) et par les comédiens (accordéon, trompette, percussions). La partition et les arrangements sont cohérents avec la simplicité de l'ensemble: il ne s'agit pas de musique "savante", et les spectateurs auront certainement envie de fredonner les airs en sortant. Cela n'empêche pas un éclectisme voulu, -puisque les styles vont de la chanson réaliste au hard-bop, en passant par une fugue "à la Rameau"-, et une certaine sophistication.

AGNÈS MOZZICONACCI, chorégraphe spécialisée dans le travail avec les comédiens, supervise les chorégraphies et le training de la troupe. Son langage chorégraphique s'inspire de références classiques ("Singing in the Rain", Bob Fosse), parfois directement citées, mais il est toujours élaboré avec et pour le corps et le tempérament des comédiens, et inventé en accord intime avec la musique et les enjeux dramatiques d'une séquence.

Le chant comme la danse sont travaillés comme des prolongements organiques du jeu, toujours en lien avec personnages et situations, la technique venant au service du jeu, jamais plaquée ou faisant écran aux enjeux dramatiques. Ainsi, le spectacle comporte des chansons, et des parties dansées, désignées comme telles dans le texte. Mais comme dans toute comédie musicale, la musique et la danse contaminent l'ensemble du jeu. Ainsi, des scènes apparemment réalistes (les amis de l'héroïne arrivent chez elle pour dîner) sont "mises en rythme et en mouvement" et ainsi fortement transposées et poétisées. De même, le travail vocal se situe à plusieurs niveaux, puisque, outre les chansons proprement dites, il comprend la mise au point d'une manière juste, précise sans être pesante, de "dire le vers", et une approche qui rende naturel le passage de la parole au chant.

5. Extraits

LUDMILLA: Alors qu'est-ce que tu veux choisir? GIORGIO: Je veux faire le bonheur d'un homme!MAURICE: Et tu comptes faire comment pauv' pomme? GIORGIO: En lui donnant ce qu'il désireAu plus profond! MAURICE: Ben v'là aut' chose!LUDMILLA: La paix Maurice! Et laisse-le dire!ROXANE: Ah çui-là! Faut toujours qu'il cause!LUDMILLA: Tu sais, l' bonheur ça va ça vientPersonne ne sait comment pourquoiIl part il vit il meurtGIORGIO: Si! Moi!Je sais que bonheur rime toujoursAvec...MAURICE: Avec? GIORGIO: Avec... amour!MAURICE: Ah là vraiment on touche le fond!L'amour! Vraiment j'avais raison:T'es bien un tocard de première!L'amour! Mais enfin, mon garçon, Tout le monde s'en fout, sauf les grands-mères!

PAUL: Tu es tellement belle quand tu ris. Tu as un merveilleux regard. CLARISSE: Ne dis pas ça Paul, s'il te plaît!N'aie pas ces yeux! N'aie pas cette voix! C'est pas du jeu! Tu n'as pas le droit! Même la Joconde te céderait!PAUL: Tu vois cette lune, cette clarté? Je ne veux jamais la quitter. C'est incroyable comme elle brille...Je veux rester ici toujours, Sur ce matelas, et rien autourQue ta peau blanche qui scintilleCLARISSE: Bientôt le jour va se lever, Ta lune te laissera tomber. Et nous serons dans de beaux drapsPAUL: Des draps? Où ça? Je n'en vois pasCLARISSE: Arrête! Sois sérieux! Ne ris pas!Qu'est-ce qu'on va faire, Paul? Dis le moi!PAUL: Je suis absolument sérieux,Comme le sont tous les amoureux. ROXANE: Et poète avec ça!GIORGIO: Tais-toi!PAUL: Mais je suis trop bien pour penser. ROXANE: On peut quand même...INÈS: Chut! Pas maintenant!Tu vois pas que c'est important?

À propos de BB....Rares sont les textes qui réunissent organiquement le savant et le populaire, le théâtre et la musique, la tradition et l’invention scéniques.Big Bang d’Anne Bérélowitch est de ceux-là.. Big Bang, c’est une écriture remarquable, rythmée, légère, qui semble « naturelle » et musicale à la fois. Mais l’on se rend compte que ces qualités tiennent à un secret : une grande maîtrise formelle qui rend l’octosyllabe omniprésent aussi évident que discret, et qui fait le lit de la musique et des chansons....François ChattotActeur, directeur du Théâtre Dijon Bourgogne – Centre dramatique national Dijon, le 13 avril 2010

À propos de la lecture au Rond-Point: J'ai pu mesurer devant un public très fourni les qualités indéniables et très particulières au Théâtre Musical de ce texte: ligne dramaturgique claire, très bon rythme, facilité de la versification, dirigeant immédiatement vers la musique, légèreté apparente des personnages permettant de dégager un réel humanisme, et par ailleurs interêt comique du propos qui reste accessible à tous les publics...Lousie Doutreligne, responsable des "Mardis midis" du Rond Point

Revue de presse: sur la toile

Sur bigbangsong.com d'autres photos, des vidéos, des bios de tous les artistes, et des commentaires. Sur www.unechambreasoi.net, vous aurez accès une courte présentation de la Compagnie, un dossier de presse téléchargeable, et des témoignages de spectateurs sur notre précédent spectacle. En consultant la rubrique "Liens", vous aurez accès directement aux articles sur le travail d'Anne Bérélowitch consultables sur le net: http://www.lutecium.org/stp/berelowitch.html http://www.fluctuat.net/scenes/chroniques02/cafes.htm http://skhole.fr/plaidoyer-pour-les-options-artistiques-en-forme-d-interview-imaginaire-paranne-bérélowitch