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1 Dossier de presse Exposition Du 2 avril au 29 juin 2015 Hall Napoléon La fabrique des saintes images Rome—Paris, 1580—1660 Contact presse Céline Dauvergne [email protected] Tél. 01 40 20 84 66

Dossier de presse Exposition Du 2 avril au 29 juin 2015 fabrique des... · Commissaires de l’exposition : Louis Frank, ... Londres, Dist. RMN- ... Simon Vouet, Eustache Le Sueur,

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Dossier de presse Exposition Du 2 avril au 29 juin 2015 Hall Napoléon

La fabrique des saintes images Rome—Paris, 1580—1660

Contact presse Céline Dauvergne [email protected] Tél. 01 40 20 84 66

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Sommaire

Communiqué de presse page 3 Parcours de l’exposition page 9 L’Image page 12 par Louis Frank Rome page 17 L’art après le concile. Image et imagination par Philippe Malgouyres Regards sur quelques œuvres page 22 Autour de l’exposition page 25 Publication Manifestations à l’auditorium du Louvre Liste des œuvres exposées page 29 Visuels disponibles pour la presse page 39

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Communiqué de presse Expositions

Une saison dédiée au XVIIe siècle

Au printemps 2015, le musée du Louvre met à l’honneur le XVIIe siècle avec trois expositions, deux dans ses murs et une aux Galeries nationales du Grand Palais : Poussin et Dieu, La fabrique des saintes images. Rome-Paris, 1580-1660 et Velázquez.

Le Louvre explore ainsi le Grand Siècle français, en portant un nouveau regard sur Nicolas Poussin, son peintre le plus illustre, et en proposant une autre lecture de ses tableaux religieux.

En écho, une deuxième exposition, située dans le même espace du musée, propose de comprendre le processus d'élaboration et de création des images sacrées dans les lieux et à l’époque où vécut Poussin : à Rome et à Paris, dans un siècle encore profondément marqué par la querelle religieuse et en plein mouvement de renouveau spirituel.  

Et, en coproduction avec la Réunion des musées nationaux-Grand Palais et le Kunsthistorisches Museum de Vienne, le Louvre propose la première exposition monographique en France témoignant du génie de celui que Manet a consacré « peintre des peintres » : Velázquez. Poussin et Dieu Musée du Louvre / Hall Napoléon 2 avril - 29 juin 2015 Commissaires de l’exposition : Nicolas Milovanovic, conservateur en chef au département des Peintures, musée du Louvre et Mickaël Szanto, maître de conférence, Université Paris-Sorbonne.

La fabrique des saintes images. Rome-Paris, 1580-1660 Musée du Louvre / Hall Napoléon 2 avril - 29 juin 2015 Commissaires de l’exposition : Louis Frank, conservateur en chef au département des Arts graphiques et Philippe Malgouyres, conservateur en chef au département des Objets d’art, musée du Louvre.

Velázquez Grand Palais / Galeries nationales 25 mars - 13 juillet 2015 Commissaire de l’exposition : Guillaume Kientz, conservateur au département des Peintures, musée du Louvre.

Contact presse RMN-GP : Florence Le Moing [email protected] / 01 40 13 47 62

Direction des Relations extérieures Contact presse

Anne-Laure Béatrix, directrice Céline Dauvergne Adel Ziane, sous-directeur de la communication [email protected] - Tél. 01 40 20 84 66 Sophie Grange, chef du service de presse

Nicolas Poussin, L’Annonciation (détail) © The National Gallery, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / National Gallery Photographic Department

Guido Reni, Le Christ au roseau (détail) © RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

Diego Velázquez, L’infante Marie-Thérèse © The Metropolitan Museum of Art, dist. RMN-Grand Palais / Malcom Varon

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Communiqué de presse Exposition

2 avril - 29 juin 2015 Hall Napoléon

La fabrique des saintes images Rome-Paris, 1580-1660

Le grand mouvement de réforme qui secoua l’Église tout au long du XVIe siècle apporta avec lui, après une violente remise en cause, une profonde réflexion sur ce que devaient être les images sacrées. Rassemblant 85 œuvres (dessins et gravures, peintures, objets d’art, sculptures), La fabrique des saintes images se propose d’évoquer la complexité des enjeux qui furent, pour l’art religieux, au cœur du processus créateur des plus grands peintres, sculpteurs et architectes du XVIIe siècle : Le Caravage, Annibale Carracci, Guido Reni, Gianlorenzo Bernini et Pietro da Cortona à Rome ; Simon Vouet, Eustache Le Sueur, Philippe de Champaigne ou les frères Le Nain à Paris.

Suite aux bouleversements de la crise religieuse et à la stabilisation des positions respectives des Catholiques et des Réformés, l'Église de Rome avait en effet entrepris sa propre réforme, dont le concile de Trente (1545-1563) fut l'entreprise la plus spectaculaire. Il réaffirma, entre autres, la possibilité, la légitimité et l'utilité des saintes images, profondément et brutalement attaquées par les Protestants. C'est dans ce contexte que commanditaires et artistes réfléchirent pour fabriquer de nouvelles images qui soient recevables : comment créer ces images et quel rôle revient à l’artiste dans ce processus ? S’il est admis que le Christ ou la Vierge Marie sont représentables puisqu’incarnés, comment leur donner des traits alors qu’on ne connait pas leur visage ? Les artistes peuvent-ils inventer de toutes pièces ces images et en faire des images valides pour le croyant ? La crise religieuse du XVIe siècle vit la réédition de l’antique combat contre les images. Cette iconophobie se traduisit, dès les années 1520, par la réapparition d’un iconoclasme véhément, qui allait donner toute sa mesure en France et aux Pays-Bas dans le cours des années 1560. Le catholicisme, en particulier lors de la vingt-cinquième et ultime session du concile de Trente en décembre 1563, s’attacha donc très tôt à la défense des images.

Dans les années 1580, après une brève période de réaction, l’art religieux se reconstruisit en Italie sur la base d’une recherche dévote de pureté et de vérité. Mais ce fut également l’aube d’une renaissance inattendue, prélude à une floraison incomparable, dont la présente exposition montrera, en consonance avec le parcours de « Poussin et Dieu », deux pôles opposés et profondément liés : Rome, épicentre de ce mouvement d’iconophilie triomphale, et Paris, où la cohabitation des Catholiques et Protestants après la pacification apportée par l’Édit de Nantes, donna naissance à une expression artistique plus retenue, sans théâtralité, mais tout aussi riche.

Direction des Relations extérieures Contact presse Anne-Laure Béatrix, directrice Céline Dauvergne Adel Ziane, sous-directeur de la communication [email protected] - Tél. 01 40 20 84 66 Sophie Grange, chef du service de presse

Catalogue de l’exposition, sous la direction de Louis Frank et Philippe Malgouyres. Coédition Somogy éditions d’art/musée du Louvre éditions. Avec le soutien d’Arjowiggins Graphic.

Guido Reni, Le Christ au roseau, musée du Louvre © RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

Commissaires de l’exposition Louis Frank, conservateur en chef au département des Arts graphiques, musée du Louvre et Philippe Malgouyres, conservateur en chef au département des Objets d’art, graphiques, musée du Louvre.

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L’exposition questionne, une fois encore, le sens de l’amour chrétien des images. Dieu, dans le christianisme, ayant pris corps et visage d’homme, s’est prêté à l’image : telle est la raison par laquelle l’Église a toujours justifié la présence et la vénération des saintes images. De manière plus profonde encore, le Dieu du christianisme possède en lui-même la nature d’image. Le parcours se déploie en quatre sections thématiques, qui permettent d’aborder les principaux enjeux soulevés par la fabrication des saintes images au XVIIe siècle. Commençant par la présentation de l’un des arguments majeurs de l’Église catholique pour justifier l’existence et la légitimité des images (si Jésus a laissé aux hommes des empreintes de son visage et de son corps, c’est bien que Dieu approuve les images), le propos aborde ensuite successivement deux réalités différentes et complémentaires : la Rome pontificale triomphante à l’heure des grands jubilés de 1600, 1625 et 1650 et Paris, miroir d’une France profondément marquée par la déchirure des guerres de religion et dont l’Église cherche une voie autonome de celle de la papauté. L’exposition se conclut par une section consacrée à l’Eucharistie et au Saint Sacrement, dont le culte prend une dimension nouvelle au XVIIe siècle et qui est interrogé ici dans sa dimension de signe et d’image ultime. Les images non faites de main d’homme La tradition des achéiropoiètes, de ces images « non faites de main d’homme » et dites avoir été imprimées par le corps ou le visage même du Christ, fut l’une des grandes justifications pratiques de l’iconophilie chrétienne. Il y avait la série des Saintes Faces, dont la plus célèbre était le Mandylion, ce linge sur lequel le Christ avait, dit la légende, imprimé son visage en réponse à l’envoyé du roi Abgar d’Édesse, qui le priait de le guérir et de lui faire parvenir son portrait. Transféré d’Édesse à Constantinople, il disparut des suites de la Quatrième Croisade. Il y avait la série des Linceuls, dont le plus illustre était (et est toujours) le Suaire de Lirey, transporté à Chambéry, puis à Turin en 1578. Ces images connaissent une nouvelle ferveur au tournant des XVIe et XVIIe siècles, attirant les pèlerinages et faisant l’objet de nombreuses copies. La gloire des images. Rome, 1580 – 1660 De 1580 jusqu’au XVIIIe siècle, Rome fut un perpétuel chantier. Le premier moment de cette extraordinaire transformation – jusqu’en 1610, autour du grand Jubilé de 1600 – est traditionnellement compris sous le signe de la Contre-Réforme. De même que l’architecture, la représentation religieuse se veut conforme à l’esprit du concile de Trente. La convenance consiste alors dans la recherche de la vérité plutôt que dans celle de la beauté.

Cette phase transitoire, marquée par le rejet des séductions du contour et de la couleur, propose un art de la narration didactique, de la clarté spatiale, s’attachant à des formes abrégées ou délibérément archaïques, puis bientôt plus proches du naturel. La dureté de ce rapport à la vérité dans l’élément de l’histoire religieuse et dans celui de la nature se retrouve ainsi, au moment où s’annonce le nouveau siècle, à l’origine des deux grandes expériences artistiques, parentes et divergentes à la fois, d’Annibale Carracci et du Caravage : la nature repensée dans sa nécessité, son universalité idéale, et cette même nature contemplée dans l’éternelle contingence des corps singuliers.

Atelier de Philippe de Champaigne, La Sainte Face, musée du Louvre, en dépôt à Port-Royal © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Le Mage

Le Caravage, La Mort de la Vierge, musée du Louvre © Vienne, Erich Lessing

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Rien, dans le décret du concile sur les images, ne laissait prévoir que du travail de cette première génération, bientôt fécondé par le retour de la force, des couleurs et de la sensibilité, naîtrait, autour de 1630, un art plus triomphal que jamais, renouant avec les puissances et les sortilèges de l’image, et voué à la glorification perpétuelle d’un Dieu manifeste.

Cet art, pourtant, maintient les termes de la contradiction immanente à l’image, qui révèle et voile au regard, d’un seul et même mouvement, la vérité de l’Inaccessible. La chapelle Cornaro, à Santa Maria della Vittoria, où le Bernin sculpta la Transverbération de Thérèse d’Avila, en est l’emblème : tout s’y offre à la vue, tout s’y résorbe dans l’abstraction de l’or et des marbres, tout s’y évanouit dans le face-à-face secret de la lumière incréée et d’yeux qui ne voient plus. L’école française. Paris, 1627-1660 La société française entretient à l’égard de l’Italie, dans les domaines religieux, politique, intellectuel, artistique et littéraire, un rapport à la fois d’affinité profonde, d’autonomie proclamée et de rivalité essentielle.

En matière ecclésiale et spirituelle, notamment, la France est gallicane, c’est-à-dire opposée à l’influence ultramontaine (qui défend la primauté, spirituelle et juridictionnelle, du pape sur le pouvoir politique). Mais la France est également sortie profondément divisée d’un demi-siècle de guerres civiles, et le catholicisme français se devait de composer avec l’esprit de la minorité réformée. Ces circonstances, ainsi que la force de sa tradition propre, expliquent le fait que la prodigieuse floraison mystique et littéraire qui suit la pacification du royaume par l’Édit de Nantes se soit accompagnée, dans l’ordre des images, d’une iconophilie assez discrète.

Les positions les plus nettement favorables à la culture de l’image, celles des jésuites (pour lesquels Simon Vouet réalisa le grand retable de la Présentation au Temple au maître-autel de l’église Saint-Louis, à Paris), ou celles du Carmel réformé, ne représentent que l’une des composantes de l’iconophilie de l’École française.

L’image demeure, certes, l’une des marques par excellence de l’appartenance à la foi catholique – le jansénisme lui-même ne le remettra pas en cause – mais elle obéit, chez des artistes tels que La Hyre, Le Sueur ou Philippe de Champaigne, à un principe de distance, de discrétion, d’immobilité, de mesure et de silence, au regard de la grandeur infinie de Dieu.

Simon Vouet, L’Extase de la Madeleine, musée du Louvre © Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais / Suzanne Nagy

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Le Saint Sacrement L’Église catholique voit dans l’Eucharistie non seulement le sacrement ultime d’action de grâce et le mémorial de la Passion, mais aussi l’actualisation permanente du sacrifice de Jésus et la présence réelle du Christ sous la forme des saintes espèces.

L’exaltation du Saint Sacrement est l’un des traits de la Réforme catholique et de son iconographie. C’est alors qu’à l’antique représentation de la Cène, centrée sur le moment où Jésus annonce la trahison de Judas, se substitue la Cène eucharistique, où le Christ-prêtre consacre le pain et le vin et donne la communion aux disciples.

L’Église récuse expressément l’idée, jadis défendue par l’Iconoclasme à Byzance et reprise par les penseurs de la Réforme, que l’hostie consacrée soit la seule et vraie image du Christ, au motif qu’étant le corps du Christ, elle ne saurait être dite image. L’Eucharistie, pourtant, touche à la question de l’image, puisque, bien qu’étant le corps du Christ, elle donne à voir autre chose que l’aspect de ce corps sacrifié, fragmenté et livré à la manducation, spectacle dont Thomas d’Aquin lui-même avait remarqué qu’il eût été proprement insoutenable.

L’hostie est donc non seulement le corps du Christ, mais elle est ce corps visible sous l’apparence d’une image dissemblante et paradoxale. Les liturgies et les dévotions tridentines, d’ailleurs, qui adorent en lui la présence divine, exposent et glorifient le Saint-Sacrement, exalté par l’ostensoir solaire, comme une image.

Le Repas de paysans, attribué à Louis Le Nain, est l’un des témoignages les plus mystérieux de l’importance de la dévotion au Saint-Sacrement dans la société du XVIIe siècle. On met désormais ce tableau en relation avec l’activité de Gaston de Renty, membre éminent de la Compagnie du Saint-Sacrement, qui organisait chez lui des repas eucharistiques en faveur des pauvres, en lesquels l’Église voit également l’image cachée de Jésus-Christ.

François Knaeps, Ostensoir, Liège, Grand Curtius © Ville de Liège-Grand Curtius

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Autour de l’exposition

Publications Catalogue de l’exposition, sous la direction de Louis Frank et Philippe Malgouyres, coéd. Somogy éditions d’art/musée du Louvre éditions. 35 euros.

Cet ouvrage est réalisé avec le soutien d’Arjowiggins Graphic.

Application téléchargeable / audioguide Sélection d’œuvres commentées par les commissaires de l’exposition.

Visite-conférence dans l’exposition Les lundis et samedis à 14h30. Renseignements au 01 40 20 52 63

Cycle de visites 

La peinture religieuse au temps de Nicolas Poussin 20 et 27 mai, 3 juin à 14h30

Ateliers Face aux œuvres, le croquis Trois séances de cet atelier d’initiation au croquis et au dessin dans les salles du musée sont proposées en lien avec les expositions « Poussin et Dieu » et « La fabrique des saintes images ». 15 avril, 6 et 27 mai à 18 h 30

A l’auditorium du Louvre Conférence Mercredi 6 mai à 12h30 Présentation de l’exposition par Louis Frank et Philippe Malgouyres, musée du Louvre.

Opéra filmé Lundi 13 avril à 20h Il Sant’Alessio de Stefano Landi Prototype de l’opéra sacré produit par l’église catholique post tridentine. Dir : William Christie. Réal : Francois Roussillon. 2007, 2h50.

Concert Mercredi 3 juin à 20h Ensemble Correspondances. Sébastien Daucé / direction. Œuvres de Rossi, Landi, Boësset, Constantin, Chancy.

Cinéma Samedi 11, dimanche 12, mercredi 15, lundi 20 avril Le sentiment religieux au cinéma. Éloge de la grâce

Samedi 11 avril À 14h30 : Ordet de Carl. T. Dreyer ; à 17h30 : Journal d’un curé de campagne de Robert Bresson.

Dimanche 12 avril A 15h : Thérèse d’Alain Cavalier ; à 17h : Lumière silencieuse de Carlos Reygadas ; à 20h : Bad Lieutenant d’Abel Ferrara.

Mercredi 15 avril à 20h : L’Évangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini.

Lundi 20 avril à 20h : Je vous salue Marie de Jean-Luc Godard.

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Parcours de l’exposition Texte des panneaux didactiques de l’exposition

C’est pourquoi j’étais extrêmement amie des images. Ô malheureux ceux qui perdent ce bien par leur faute ! Il paraît assez qu’ils n’aiment pas Notre Seigneur,

parce que s’ils l’aimaient, ils se réjouiraient de voir son portrait, comme dans le monde on reçoit du contentement de voir le tableau de celui qu’on chérit.

Thérèse d’Avila, Autobiographie, IX La crise religieuse du XVIe siècle vit la réédition de l’antique combat contre les images. Âprement mené par les penseurs les plus radicaux de la Réforme, il se traduisit par la réapparition en Europe d’un iconoclasme véhément et qui allait devenir, dans le cours des guerres civiles de la seconde partie du siècle, l’un des symboles de l’adhésion à la cause protestante. L’Église catholique s’attacha donc très tôt à la défense des images. Et lors de son ultime session de décembre 1563, le concile de Trente réaffirma la légitimité de leur présence dans les lieux de culte ainsi que l’honneur et la vénération qui leur étaient dus. Dans les années 1580, l’art religieux se reconstruisit en Italie sur un principe de vérité et de pureté dévote, fuyant les séductions de la beauté. Mais ce fut également l’aube d’une renaissance inattendue, prélude à une floraison incomparable, dont la présente exposition voudrait montrer, en consonance avec le parcours de Poussin et Dieu, deux pôles rivaux et étroitement liés : l’iconophilie triomphante de la Rome pontificale et l’expression, retenue et secrète, qu’en a donnée l’École française. Manière de questionner, une fois encore, le sens de l’invincible amour chrétien des images – amour dont la source est un Dieu possédant au plus intime de son essence et en sa manifestation, comme l’écrivit l’apôtre Paul, la nature d’Image. IMAGES NON FABRIQUÉES

Depuis la grande crise iconoclaste qui ébranla le monde byzantin aux VIIIe et IXe siècles, le principal argument que développaient, sous forme polémique, les partisans des images, était le suivant : il est possible de représenter Dieu puisqu’il s’est fait homme et qu’en la personne du Christ, il s’est rendu visible. Le Christ lui-même, ajoutaient-ils, avait approuvé les images, car durant sa vie terrestre, il avait laissé plusieurs empreintes miraculeuses de son visage et de son corps. Ces images dites achéiropoiètes – ce qui, en grec, signifie « non faites à la main » –, engendrèrent une abondante iconographie montrant le visage du Christ sur un linge : Sainte-Face, Mandylion, Véronique… Au XVIe siècle, dans la controverse qui opposa les catholiques, favorables aux images, aux protestants, qui leur étaient hostiles, les mêmes arguments furent invoqués. Le siècle suivant vit la dévotion au visage du Christ prendre un nouvel essor. ROME, 1600

De 1580 jusqu’au XVIIIe siècle, Rome fut un perpétuel chantier. Le premier moment de cette extraordinaire transformation, de part et d’autre du grand Jubilé de 1600, est traditionnellement compris sous le signe de la Contre-Réforme. De même que l’architecture, la représentation religieuse se veut conforme à l’esprit du concile de Trente. La convenance consiste alors dans la recherche de la vérité plutôt que dans celle de la beauté. Cette phase transitoire, marquée par le rejet des séductions du contour et de la couleur, propose un art de la narration didactique, de la clarté spatiale, s’attachant à des formes abrégées ou délibérément archaïques, puis bientôt plus proches du naturel. Ce rapport à la vérité historique et religieuse est à l’origine, à l’orée du nouveau siècle, des deux grandes expériences artistiques, parentes et divergentes à la fois, d’Annibale Carracci et du Caravage : la nature repensée dans sa nécessité, son universalité idéale, et cette même nature contemplée dans l’éternelle contingence des réalités singulières. LE CARAVAGE

Le Caravage se consacra presque entièrement à la peinture religieuse. C’est dans ce domaine qu’il connut ses premiers grands succès et fut appelé à travailler pour les commanditaires les plus prestigieux. Son langage, austère jusqu’à la brutalité, son vérisme sans concession, correspondent à la sensibilité particulière d’un temps qui se voulait exigeant envers les images : on refuse les inventions trop séduisantes ou trop fantaisistes pour leur préférer des formes que l’on considère comme authentiques. Le sérieux que l’on attend de l’image, au début du XVIIe siècle, s’exprime notamment par un archaïsme délibéré. Chez le Caravage, il se manifeste par un souci de vérité qui le conduit jusqu’aux frontières de la laideur. Ce réalisme des apparences, ce sentiment de présence immédiate, nous donnent à percevoir, en miroir, l’intense réalité des choses invisibles.

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ROME ET BOLOGNE

Entre 1597 et 1608, le Bolonais Annibale Carracci conçut à Rome l’un des ouvrages fondateurs de la peinture du nouveau siècle : le décor de la galerie des Amours des dieux, inspiré des Métamorphoses d’Ovide, au palais Farnèse. Ses plus brillants élèves l’avaient suivi dans la ville sainte dès 1600. Guido Reni, Francesco Albani, Domenico Zampieri – le Dominiquin – et Giovanni Lanfranco allaient ainsi contribuer, sous les pontificats de Clément VIII Aldobrandini, de Paul V Borghese, de Grégoire XV Ludovisi et d’Urbain VIII Barberini, à donner les modèles d’une culture rénovée de l’image catholique : un art idéal et fastueux, plus triomphal que jamais, renouant avec les puissances et les sortilèges de la représentation, et voué à la glorification perpétuelle d’un Dieu manifeste. LE BERNIN

À l’église des Carmélites de Rome, Gian Lorenzo Bernini conçut l’aménagement du transept à la gloire de Thérèse d’Avila (1515-1582), mystique réformatrice de l’ordre de Notre-Dame-du-Mont-Carmel. C’était aussi la chapelle funéraire du commanditaire de l’artiste, le cardinal Federico Cornaro. Par l’étroite association de la peinture, de la sculpture et de l’architecture, Bernini proposa en cet ouvrage une démonstration magistrale sur la place que les sens occupent dans la vie spirituelle, de l’extase de la sainte, représenté sur l’autel, jusqu’aux effigies des cardinaux assistant à la célébration de la messe pour le repos de leur âme. Conçu à la gloire des images, en pleine conscience de leur pouvoir, cet ensemble unique offre également une méditation sur les limites qui sont les leurs : c’est à la frontière de ce qu’elles montrent qu’apparaît l’invisible. PARIS : L’ÉCOLE FRANÇAISE

La société française entretient à l’égard de l’Italie, dans les domaines religieux, politique, intellectuel, artistique et littéraire, un rapport à la fois d’affinité profonde, d’autonomie proclamée et de rivalité essentielle. En matière ecclésiale et spirituelle, notamment, la France est gallicane, c’est-à-dire opposée à l’influence ultramontaine. Mais la France est également sortie profondément divisée d’un demi-siècle de guerres civiles, et le catholicisme français se devait de composer avec l’esprit de la minorité réformée. Ces circonstances ainsi que la force de sa tradition propre expliquent le fait que la prodigieuse floraison mystique et littéraire qui suit la pacification du royaume par l’édit de Nantes se soit accompagnée, dans l’ordre des images, d’une iconophilie assez discrète. Les positions les plus nettement favorables à la culture de l’image, celles des jésuites – pour lesquels Simon Vouet, le plus italianisant des peintres français, réalisa le grand retable de la Présentation au Temple au maître-autel de l’église Saint-Louis, à Paris –, ou celles du Carmel réformé, ne représentent que l’une des composantes de l’iconophilie de l’École française. L’AMOUR DES IMAGES ET LA GRANDEUR DE DIEU

On peut observer les nuances de l’iconophilie française au prisme de la société de Madame Acarie, véritable microcosme de la spiritualité parisienne au temps de Henri IV et de Louis XIII. Il y subsiste un très puissant courant de mystique abstraite, pour lequel l’approche de Dieu se marque par l’anéantissement des images, matérielles et intérieures, comme de toutes les formes créées. Chez Bérulle lui-même, maître spirituel de l’École française, qui fut pourtant l’un des introducteurs du Carmel thérésien en France, la sensibilité proprement visuelle au moindre des actes du Verbe incarné s’accompagne d’une réticence fondamentale à l’égard de la peinture. Avec son successeur à la tête de l’Oratoire, Charles de Condren, ces tendances néantistes sont encore accentuées. L’image demeure, certes, l’une des marques par excellence de l’appartenance à la foi catholique – le jansénisme lui-même ne le remettra pas en cause –, mais elle obéit, chez des artistes tels que La Hyre, Le Sueur ou Philippe de Champaigne, à un principe de distance, de discrétion, d’immobilité, de mesure et de silence, au regard de la grandeur infinie de Dieu. PHILIPPE DE CHAMPAIGNE ET PORT-ROYAL

L’historiographie voit en Philippe de Champaigne le peintre de Port-Royal. Champaigne, pourtant, peignit pour tout ce qui comptait dans la France de son temps. La gravité de son art était en harmonie parfaite avec l’austère vertu de religion qui, loin d’être le propre du jansénisme, fut la marque de toute la Réforme catholique française. Port-Royal-des-Champs avait d’ailleurs été réformé par Angélique Arnauld dès 1609, bien avant que ne se cristallisent, dans les années 1630 et 1640, les grands thèmes de la pensée janséniste, laquelle nie essentiellement que la liberté humaine soit capable de vouloir le bien sans le don souverain de la grâce, que Dieu n’accorde qu’à ceux qu’il prédestine. Malgré ces positions extrêmes, que l’Église frappa de censure d’hérésie, le jansénisme ne contesta pas la légitimité de l’image, signe d’appartenance définitive à l’univers de la foi catholique. Champaigne peignit deux grandes Cènes pour chacun des monastères de Paris et des Champs, ainsi qu’une version de petit format. Le très célèbre Christ mort, en revanche, dont les circonstances de création sont inconnues, resta dans l’atelier des Champaigne jusqu’à la mort de Jean-Baptiste, en 1681, et n’est documenté à Port-Royal des Champs qu’en 1693.

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LE SAINT-SACREMENT ADORÉ COMME UNE IMAGE

À la veille de sa Passion, Jésus offrit à ses disciples de partager le pain et le vin et leur dit : « ceci est mon corps, ceci est mon sang. » La signification de ces paroles si simples fut débattue avec une intensité particulière pendant le XVIe siècle. Au concile de Trente (1545-1563), l’Église catholique réaffirma le dogme de la présence réelle du Christ dans les espèces du pain et du vin consacrées lors de la messe. Le XVIIe siècle vit la dévotion eucharistique se développer de manière spectaculaire. L’hostie fut alors proposée à la vénération et à la contemplation des fidèles sertie dans l’ostensoir solaire, à la manière d’une image. Elle fut désormais conservée dans un tabernacle qui devint le centre de l’aménagement liturgique. Sacrement d’action de grâce, actualisation permanente du sacrifice de Jésus et mémorial de la Passion, l’Eucharistie est au cœur de la pratique religieuse du catholicisme moderne, comme en témoigne l’œuvre énigmatique des frères Le Nain. L’iconographie du dernier repas du Christ s’en est également trouvée modifiée. Jadis, les artistes avaient coutume de représenter dans la Cène l’instant où le Christ annonce qu’il est trahi. Désormais, il est figuré en prêtre instituant le Saint-Sacrement de l’Eucharistie.

Annibale Carraci, La Vierge à l’écuelle. Plume et encre brune, lavis brun. H. 14,4 cm ; l. 17,7 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 7142 © Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais / Suzanne Nagy

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L’Image par Louis Frank

I

Du récit de Thérèse de Jésus, le Bernin tira la Transverbération, songe d’or et de pierres dures jailli des nuits de l’oraison, où tout s’offre à la vue, où tout se résorbe dans l’abstraction des bronzes et des marbres, où tout s’évapore dans le face-à-face secret de la lumière incréée et d’yeux qui ne voient plus. Captives de la matière brillante, polie, minérale et métallique, sous le jour tombant d’un carreau de verre jaune, à la paroi obscure d’une basilique romaine, les suavités et les douleurs de la sainte illustrent l’affinité suressentielle, indéfiniment résurgente, du christianisme et des images.

Thérèse avait pris l’habit au couvent de l’Incarnation d’Avila, de la Règle mitigée du Mont Carmel, le 2 novembre 1536, et y avait fait profession l’année suivante. En 1538, son oncle, Pedro de Cepeda, lui offrit le Tercer Abecedario espiritual de Francisco de Osuna, manuel d’initiation à la vie mystique, qui lui révéla les voies de l’oraison de recueillement. Les ans passèrent, mêlés de joies et de souffrances, de grâces et de sécheresses. Elle ne savait comment choisir entre l’appel de Dieu et l’amitié de ce monde. Et puis, un jour (c’était en 1554), quelque chose vint lui ouvrir les portes d’un autre monde :

« Mon ame estoit desja lassée et fatiguée, mais quoy qu’elle voulût se reposer, les mauvaises habitudes qu’elle avoit ne luy en donnoient pas la licence. Or il advint qu’entrant un jour dans l’oratoire, j’y vis une image qu’on y avoit mis en attente, ayant esté empruntée pour une feste qui se devoit faire en nostre monastere. Cette image representoit Nostre Seigneur Jesus-Christ fort couvert de playes, mais elle estoit si devote, que sa veuë m’esmeut et me troubla entierement, car elle exprimoit naïfvement ce qu’il avoit souffert pour nous[…]. »

C’est alors qu’elle entra pleinement dans l’oraison. Comme elle avait le plus grand mal à méditer, elle essayait de se représenter le Christ, et plus spécialement dans les lieux solitaires de son affliction, comme le Jardin de l’Agonie[…].

Mais l’imagination même lui faisait défaut : il lui fallait voir. Elle regardait les champs, l’eau et les fleurs, afin d’y contempler les traces du Créateur. La contemplation des images matérielles fut la clef de sa progression spirituelle : « J’estois si peu habile à me former et figurer les objets, que mon imagination ne me servoit de rien, si ce n’est que je les visse actuellement, quoy que d’autres personnes ayent cet avantage de se pouvoir representer des choses par lesquelles elles viennent à se recueillir. Je pouvois seulement penser en Nostre Seigneur Jesus-Christ comme homme, mais il est vray que jamais je n’ay pu me le representer au-dedans de moy, quelque excellence que je seusse de sa beauté, et quoy que je visse de ses images ; mais seulement j’estois comme une personne qui est aveugle, ou qui est dans l’obscurité, laquelle parle à quelqu’un qu’elle sçait certainement estre present, car elle sçait et croit qu’il est là, encore qu’elle ne le voye pas. Or le mesme m’arrivoit quand je pensois à Nostre Seigneur, c’est pourquoy j’estois extremement amie des images. O malheureux ceux qui perdent ce bien par leur faute ! Il paroist assez qu’ils n’ayment pas Nostre Seigneur, parce que s’ils l’aymoient, ils se resjouïroient de voir son pourtrait, comme dans le monde on reçoit du contentement de voir le tableau de celuy qu’on cherit»[…].

Dieu, dans l’expérience de l’amour, emplit l’âme, qui ne vit plus que de la vie de Dieu. Dieu est en elle, elle est en lui. Mais alors que l’espace des corps et des couleurs semble si loin désormais, alors que les sens se sont tus et que les puissances de l’esprit ont délaissé ses rives, dans cet élément de passivité pure où tout est livré à l’amour et à la volonté divine, c’est encore à l’image qu’il revient d’exprimer le mystère de l’ultime inclusion. Sur le plan de cristal de l’âme anéantie, se projette l’image du Christ, et le miroir de l’âme, à son tour, épouse l’image, se sculpte sur cette image, imite l’image, se fait image[…].

II

Thérèse acheva la première version du récit de sa vie en juin 1562. Le 24 août, elle fondait le monastère de San José d’Avila, première maison de l’ordre réformé de Notre-Dame du Mont Carmel. Au cours de cette même année, le royaume de France fut pris dans la guerre civile. Depuis le précédent été, l’iconoclasme, prémices de cette guerre, déferlait sur le pays. La répression royale et les violences catholiques avaient réussi à faire de ce qui était ici resté un phénomène isolé, l’un des symboles de l’adhésion à la cause de la Réforme. En juillet 1561, trois à quatre cents personnes brisèrent les autels et les images de l’église de Sauve. Dans l’espace d’un an, l’onde submersive se propagea à l’ensemble du Midi. En 1562, lorsque entrèrent en scène les grandes armées protestantes du prince de Condé, du comte de Montgomery et du baron des Adrets, les dévastations militaires, la ruine des bâtiments, les meurtres et les tortures, répondant aux atrocités commises par le camp catholique, vinrent se conjuguer aux effets de la chasse aux idoles, couvrant de leur misère le val de Loire, la Normandie et la vallée du Rhône. Les destructions reprirent entre 1567 et 1569. L’été de cette année-là, Montgomery, à l’appel de Jeanne d’Albret, reine de Navarre, ravagea la Gascogne.

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Peu nombreuses furent les provinces (la Bretagne, les régions montagneuses de l’Auvergne, la Champagne que gouvernaient les Guises, Paris, citadelle de la Ligue) épargnées par ces désastres qui frappèrent les basiliques les plus insignes comme les oratoires les plus retirés, les cités les plus puissantes, les villes moyennes, les bourgs et les campagnes environnantes, emportant dans leur tumulte édifices, statues, reliefs, tableaux, croix, crucifix, retables, autels, calices et ciboires, trésors, tombeaux, reliques, tentures, orgues, cloches, vêtements et parures liturgiques.

Le 4 décembre 1563, avant-dernier jour de sa vingt-cinquième et ultime session, le concile de Trente adoptait en conséquence de cette situation un décret sur l’invocation, la vénération et les reliques des saints et sur les saintes images. Ce décret ordonnait aux évêques d’enseigner aux fidèles, suivant les traditions reçues dans l’Église depuis les premiers temps du christianisme, que les saints intercèdent par leurs prières auprès de Dieu et qu’il est bon de les invoquer et prier afin d’en obtenir les bienfaits du ciel. Que leurs corps sacrés, qui furent les membres du Christ et le temple de l’Esprit, doivent être vénérés par les fidèles, car nombreux sont les bienfaits que, par eux, Dieu accorde aux hommes.

« Qu’en outre et surtout les images du Christ, de la Vierge, Mère de Dieu, et des autres saints doivent se trouver dans les temples et y être conservées, que l’honneur leur est dû et que la vénération doit leur être accordée, non que l’on doive croire qu’il y ait en elles une divinité ou une vertu à cause de laquelle il faille leur rendre un culte, ou que l’on puisse se confier aux images, comme le faisaient jadis les païens, qui mettaient leur espoir dans les idoles, mais parce que l’honneur qui leur est adressé se rapporte au prototype qu’elles représentent, de sorte que, par les images que nous baisons et devant lesquelles nous découvrons nos têtes et nous prosternons, c’est le Christ que nous adorons et les saints, dont elles portent la similitude, que nous vénérons, ce qui fut rendu irrévocable par les décrets des conciles, principalement, il est vrai, le second synode de Nicée, contre les adversaires des images. Que les évêques enseignent diligemment ceci, que par les récits des mystères de notre Rédemption exprimés au moyen de peintures ou d’autres similitudes, le peuple est instruit et confirmé dans les articles de foi qu’il lui convient de se remémorer et de méditer avec assiduité, mais surtout que l’on retire un grand fruit de toutes les saintes images, non seulement parce que le peuple est averti des bienfaits et des dons que le Christ lui a réservés, mais encore parce que les miracles de Dieu par les saints, et leurs exemples salutaires, sont mis sous les yeux des fidèles, afin qu’ils en rendent grâce à Dieu, qu’ils conforment leur vie et leurs mœurs à l’imitation des saints et qu’ils soient excités à adorer, à aimer Dieu et à cultiver la piété. »

La suite du décret instituait une procédure de contrôle confiée à l’évêque, au métropolitain, au synode provincial et, en dernier ressort, au souverain pontife, soumettant à l’examen toute image insolite, toute nouvelle relique et tout nouveau miracle, et destinée à prévenir les abus, les erreurs et les superstitions dont le culte des saints et des images pouvait être l’occasion. Mais quant à la doctrine des images, les pères se contentaient de réaffirmer la substance dogmatique de l’horos, la définition solennelle du concile que Constantin VI et Irène, sa mère, avaient réuni à Nicée, en 787, afin de condamner les positions du synode de Hiéréia, convoqué trente-trois ans auparavant par Constantin V, l’empereur iconoclaste :

« Pour dire brièvement notre profession de foi, nous conservons toutes les traditions de l’Église écrites ou non écrites qui nous ont été transmises sans changement. L’une d’elles est la représentation picturale des images, qui s’accorde avec la prédication de l’histoire évangélique, en croyant que vraiment et non pas en apparence le Dieu Verbe s’est fait homme, ce qui est aussi utile et aussi profitable. Car les choses qui s’éclairent mutuellement ont indubitablement une signification réciproque. Dès lors, continuant d’avancer dans la voie royale et suivant la doctrine divinement inspirée de nos saints Pères et la tradition de l’Église catholique, dont nous savons qu’elle est la tradition de l’Esprit Saint qui habite en elle, nous définissons en toute certitude et justesse que, comme les représentations de la Croix précieuse et vivifiante, aussi les vénérables et saintes images, qu’elles soient peintes, en mosaïque ou de quelque autre matière appropriée, doivent être placées dans les saintes églises de Dieu, sur les saints ustensiles et les vêtements, sur les murs et les tableaux, dans les maisons et dans les chemins, aussi bien l’image de Dieu notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ que celle de notre Dame immaculée, la sainte mère de Dieu, des saints anges, de tous les saints et des justes. En effet, plus on regardera fréquemment ces représentations imagées, plus ceux qui les contempleront seront amenés à se souvenir des modèles originaux, à se porter vers eux, à leur témoigner en les baisant, une vénération respectueuse sans que ce soit une adoration véritable selon notre foi, qui ne convient qu’à Dieu seul. Mais comme on le fait pour l’image de la Croix précieuse et vivifiante, pour les saints évangiles, pour les autres objets et monuments sacrés, on offrira de l’encens et des lumières en leur honneur, selon la pieuse coutume des anciens. Car l’honneur rendu à une image remonte au modèle original. Et celui qui vénère une image, vénère la réalité qui y est représentée ». (Horos de Nicée II)

On trouve dans l’horos de Nicée les principaux éléments de la justification des images : le fait de la tradition et le dogme de l’Incarnation.

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III

Le christianisme professe qu’afin de sauver le monde et d’élever l’humanité à la vie divine, le Verbe éternel de Dieu s’est incarné dans l’humanité de Jésus Christ :

« Au commencement le Verbe était et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par lui et sans lui rien ne fut.

« Et le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité ». (Jean, I, 1-3 ; 14)

[…] Le Verbe, Sagesse, Pensée, Parole de Dieu, est engendré de toute éternité dans l’éternelle simplicité de Dieu. Parce qu’il n’y a rien ici que Dieu, le Verbe, qui est en Dieu, est Dieu. Selon qu’il engendre son Verbe, Dieu est Père, et selon que le Verbe, qui est Dieu, est engendré, il est Fils. […] cet amour, immanent à l’amour, du Père et du Fils, est l’Esprit.

Le Verbe s’étant fait chair, il a vécu sa vie sensible dans un corps, celui de Jésus, corps semblable à tous les corps et qui, pourtant, était le corps du Verbe.[…]

Tous les corps se prêtent à l’image, en quoi celui du Verbe ferait-il exception ? Dès lors celui qui peint le visage du Christ, peint, avec ce visage, la personne même du Verbe, le Fils unique du Dieu unique, image vivante du Père :

« Qui m’a vu a vu le Père ». (Jean, 14, 9)

L’Incarnation fonde par conséquent la possibilité de représenter le Dieu invisible.

IV

Mais si l’on peut représenter Dieu en vertu de l’Incarnation de sa Sagesse, faut-il cependant le représenter ? […]

Les commandements reçus par Moïse sur le Sinaï, qui sont le cœur de l’Ancienne Loi, gardent donc leur valeur absolue sous la Nouvelle. Ainsi :

« Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les eaux au-dessous de la terre. » (Exode 20, 4 ou Deutéronome 5, 8)

Leurs adversaires n’ont cessé d’opposer ce commandement aux partisans des images, lesquels répondent que le précepte ne constitue pas un commandement propre, n’étant que la suite du premier :

« Tu n’auras, dit le Seigneur, pas d’autres dieux que moi. Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces images ni ne les serviras. » (Ex 20, 3 Dt 5, 7)

L’interdit, affirment les iconophiles, ne porte pas sur les images, mais sur les idoles, ces faux dieux qui, sous les visages taillés dans le bois et la pierre ou fondus dans le métal, ne sont que vacuité, et dont la tradition prophétique d’Israël n’a cessé de dénoncer l’impuissance. Or depuis que le Christ a paru, que la Vérité s’est manifestée dans le monde, ces faux dieux sont retournés à leur néant.[…]

V

Bien d’autres lieux de l’Écriture furent convoqués dans les luttes séculaires où l’on se déchira autour de l’image de Dieu, et qui virent se ranger du côté des partisans du seul culte en esprit Irénée, Tertullien, Minucius Félix, Clément d’Alexandrie, Origène, Lactance, Eusèbe, Épiphane, Augustin, Bernard de Clairvaux, Érasme, Carlstadt, Calvin, et, du côté des défenseurs de l’icône, Grégoire de Nysse, Grégoire le Grand, Jean Damascène, Nicéphore le Patriarche et Théodore, abbé du Stoudion.

Mais l’amour chrétien des images tient-il seulement à la justification de l’icône du Christ ? Est-ce là l’unique raison de leur prolifération infinie, de leur perpétuelle renaissance malgré la guerre impitoyable que leur fit l’iconoclasme ? Est-ce là le secret de l’efficace qu’on leur accorde en dépit de tous les discours qui proclament qu’en elles, il n’y pas de vertu ? Le christianisme avait rompu avec l’aniconisme à l’orée du IIIe siècle. Les images étaient alors apparues sur les murs des catacombes et les reliefs des sarcophages, souvent issues du répertoire païen – l’Orante, figure de la piété romaine et de la prière chrétienne, le Bon Pasteur, symbole de la philanthropie des dieux et du nom de Jésus, le Christ Orphée, le Christ Philosophe –, ou formant une iconographie nouvelle des récits de l’Ancien et du Nouveau Testament – Noé, Jonas, Daniel, Lazare – afin de dire l’espérance du salut au-delà de la mort.

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Lorsque Constantin eut établi la Paix de l’Église par l’édit de Milan, en 313, et que les lois de Théodose, à la fin du siècle, eurent aboli le paganisme et fait du christianisme la religion de l’État, l’Empire se couvrit de basiliques, livrant au déploiement de la fresque ou de la mosaïque les vastes et hauts espaces des nefs, propices à la narration historique, et la conque des absides, lieu des brillantes théophanies. On date du début du Ve siècle la Majestas Domini de Sainte-Pudentienne, où, sous la Croix gemmée, le Christ et l’Agneau, environnés des quatre symboles des Évangiles, siègent au sénat des Apôtres, entourés de l’Église de la gentilité et de l’Église de la circoncision. Ce siècle et le suivant, celui de Théodoric et de Justinien, ont laissé les grands cycles sur fond de mosaïque d’or qui font la splendeur des antiques églises de Rome et de Ravenne. Répandues au VIe siècle dans tout le monde chrétien, les images deviennent en Orient l’objet d’une vénération que le grec nomme proskunèsis. On leur accorde les honneurs jusque-là réservés à l’effigie de l’empereur et aux corps des saints : prosternation, encens, lumières, baisers. C’est alors, écrit le P. Dumeige, historien du second concile de Nicée, que surgissent les acheiropoïètes, ces images non faites de main d’homme et qui, remplies de la présence divine, apportent l’efficace de leur protection tutélaire. La plus célèbre est le linge sur lequel le Christ avait, dit la légende, imprimé son visage en réponse à l’envoyé du roi Abgar d’Édesse, qui le priait de le guérir et de lui faire parvenir son portrait. Palladium de la cité, on lui rendait les honneurs impériaux. Il y avait l’acheiropoïète de Camuliana, en Cappadoce. Après sa découverte, elle avait été transférée à Césarée, puis à Constantinople en 574. Héraclius la porta dans ses mains lors de la campagne victorieuse contre les Perses en 622. Elle se reproduisait et accomplissait des miracles. En ces temps d’insécurité, l’acheiropoïète du Christ et l’icône redoutable de la Vierge pure protégeaient les cités assiégées. On les élevait sur les remparts, on les reproduisait sur les portes des villes. On vit bientôt les images opérer des conversions et accomplir des guérisons. Elles vivaient, elles parlaient, elles ordonnaient, confiaient des missions, apparaissaient dans les songes, elles souffraient, saignaient, frappaient et punissaient en retour.

En Orient, les images survécurent à l’iconoclasme, qui commença vers 730 sous Léon l’Isaurien, et connut ses persécutions les plus violentes sous les règnes de Constantin V et de Léon l’Arménien. Le Synodikon du 11 mars 843 y mit fin, scellant la vocation de l’icône dans l’Église grecque. Du côté de l’Occident, où l’on professait ne leur accorder de valeur que transitionnelle, mnémonique et didactique, les images envahirent pourtant peu à peu toutes les sphères de la vie.

VI

L’honneur que l’on adresse aux images, affirme le décret tridentin dans le sillage de l’horos de Nicée, remonte au prototype. Cette formule, empruntée au dix-huitième chapitre du Traité du Saint Esprit de Basile de Césarée, fut le grand argument des iconophiles, comme le commandement de l’Exode fut l’arme principale des iconomaques. Elle servait moins à justifier l’image que la vénération de l’image, dont elle suppose naturellement la légitimité acquise. Au-delà de Basile, elle a son origine chez Athanase d’Alexandrie. Ni Athanase ni Basile n’avaient à l’esprit la défense des icônes de bois et de peinture : l’image fut chez eux l’instrument d’une analogie dont le but était d’établir les fondements orthodoxes de la christologie et de la théologie trinitaire.

Athanase fut confronté toute sa vie à ce qui demeure l’hérésie par excellence, l’arianisme. Arius niait la divinité du Christ au nom de la transcendance absolue de Dieu. Le Verbe, pour lui, n’était que la première, la plus noble, de toutes les créatures. Arius fut condamné et chassé de l’Église par le premier concile œcuménique, réuni à Nicée en 325 sur l’ordre de Constantin. Le concile adopta contre lui et ses partisans le Symbole de la foi que vinrent compléter dans la suite les définitions de Constantinople et de Chalcédoine, et qui affirme du Fils qu’il est de même essence que le Père, homoousios tô Patri. Athanase, qui participa comme diacre au concile de Nicée avant son élévation au siège patriarcal d’Alexandrie, le 8 juin 328, se fit le défenseur inlassable de la doctrine de la consubstantialité. Ses Trois Discours contre les ariens s’attachent ainsi à réfuter l’exégèse hétérodoxe d’une série de citations scripturaires. Le Troisième Discours s’ouvre par l’interprétation du verset de saint Jean :

« Je suis dans le Père et le Père est en moi ». (Jean, 14, 10)

Le Fils n’est pas le Père, ni le Père le Fils, puisque le Père est Père, et le Fils, Fils. Mais le Fils est dans le Père parce que tout l’être du Fils est cela même qui est propre à la substance du Père, comme les rayons jaillissent du soleil et le fleuve de la source. Le Père est dans le Fils comme le soleil dans ses rayons et la source dans le fleuve qui d’elle s’écoule. Deux sont le soleil et les rayons, deux sont le fleuve et la source, unique est l’eau, unique est la lumière :

« L’exemple de l’image de l’empereur, poursuit Athanase, fera comprendre cela plus facilement. Car dans l’image il y a les traits et la forme de l’empereur et, dans l’empereur, les traits qui sont dans l’image. Car parfaite est la ressemblance de l’empereur dans l’image, en sorte que celui qui voit l’image voit en elle l’empereur et qu’à l’inverse celui qui voit l’empereur reconnaît que c’est lui qui est dans l’image. Et du fait que la ressemblance est sans défaut, à qui voudrait, après avoir vu l’image, voir aussi l’empereur, l’image pourrait dire : “Moi et l’empereur, nous sommes un : car je suis en lui et lui en moi, et ce que tu vois en moi, cela même tu le vois en lui, et ce que tu vois en lui, cela même tu le vois en moi”.

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Celui donc qui vénère l’image vénère en elle aussi l’empereur, car l’image n’est autre que la forme et les traits de celui-ci. Étant donc donné que le Fils est l’Image du Père, on doit nécessairement comprendre que la divinité propre au Père est l’être même du Fils. » (Troisième Discours, 5)

L’image n’est pas une chose, mais l’expression d’une relation unique, qui est différence et unité, échange, inclusion réciproque, et dont sont tissées toutes ces réalités que sont la filiation, la pensée, la vie, l’amour. C’est ainsi que le Fils, Verbe de Dieu, est l’Image. L’exégèse d’Athanase d’Alexandrie se tient dans la lumière du verset de l’Épître de saint Paul aux Colossiens :

« Il est l’Image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature, car c’est en lui qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, Trônes, Seigneuries, Principautés, Puissances ; tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui. »

Le Christ de chair, le Verbe Incarné, dans l’unité de sa personne et la dualité de ses natures, est l’image du Verbe éternel. Le Verbe éternel se tient en ce corps sensible qu’il inhabite et qui porte son visage, et ce visage est immanent à l’éternelle divinité du Verbe. Le Verbe éternel lui-même est l’absolu de l’Image, l’Image vivante et consubstantielle de Dieu en Dieu, le Fils en qui est le Père et qui est dans le Père. Le Verbe, Image parfaite du Père, l’imite en son agir, sa volonté se faisant librement la volonté du Père […] ».

Si la nature d’image appartient au mystère de la vie trinitaire, s’il est vrai qu’elle est l’une des formes immanentes au Dieu du christianisme, alors toutes les images sont saintes (du moins dans leur principe) et l’on ne s’étonne pas de l’invincible amour chrétien des images. Les images matérielles, en lesquelles la séparation l’emporte sur l’inclusion, appartiennent aux premiers degrés de la vie spirituelle, elles sont l’appui de son envol. Lorsque l’âme s’en détache, elle entre dans la nuit du sens et de l’esprit, nuit profonde chez les uns, nuit chez d’autres éclairée de visions extraordinaires. Au terme de son parcours, lorsqu’elle s’est parfaitement anéantie afin de laisser toute la place à l’Aimé, en même temps elle le reçoit et elle est accueillie dans son amour, comme une mer tranquille où tout est paix et où tout est Image.[…]

Eustache Le Sueur, Raymond Diocrès. Pierre noire et rehauts de blanc. H. 23 cm ; l. 41 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 30713 © RMN Grand Palais (musée du Louvre) / Christophe Chavan

Sauf mention contraire, les textes sont extraits du catalogue La fabrique des saintes image. Rome - Paris, 1580 -1660, sous la direction de Louis Frank et Philippe Malgouyres. Coédition Somogy / musée du Louvre éditions

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Rome L’art après le concile. Images et imagination 

par Philippe Malgouyres

Une fois admise la possibilité des images, reste la question lancinante de leur fabrication : comment créer cette image, et quel rôle revient à l’artiste dans ce processus ? On peut représenter le Christ ou la Vierge mais comment leur donner des traits alors que l’on ne connaît pas leurs visages ? Certes, il est admis qu’ils sont « représentables » puisque incarnés, mais les artistes peuvent-ils inventer de toutes pièces ces images, et, par le seul fait de les désigner comme telles, en faire des images valides pour le croyant ? La possibilité des images est une question distincte de leur légitimité ou de leur véracité. On a trop souvent mis en parallèle (et même expliqué) l’iconoclasme byzantin par les interdits du judaïsme et de l’islam alors que les ressorts en sont différents. Les iconoclastes n’interdirent pas la fabrication de toute image (les portraits par exemple) mais remirent en cause la possibilité de donner un visage au Christ. Comment une image inventée et fabriquée pourrait-elle représenter la Vérité, et être vénérée en tant que telle ? C’est à la lumière de ces interrogations que nous proposons de relire la condamnation par le concile de Trente des inventions des peintres. Elles ont été interprétées par les historiens dans une perspective stylistique, la réprobation des outrances du maniérisme ou plus généralement de la liberté de l’art de la Renaissance. Une grande attention a été portée dans notre discipline à ces problématiques formelles, mais nous proposons d’adopter ici un nouveau point de vue, qui est interne à l’image, et qui touche à sa conception. La question de la licence de l’artiste rejoint celle de son imagination, qui peut être incompatible avec la vraisemblance, voire avec la vérité. Le jésuite Louis Richeome, qui publia en 1598 un important ouvrage de réfutation des idées protestantes concernant le culte des saints, des reliques et des images, explique d’abord que la différence essentielle entre l’idole et l’image tient à la nature de la chose représentée, à sa véracité. Il donne ensuite deux règles aux artistes : « la première de ne rien peindre de nouveau de Dieu de sa propre fantaisie, ainsi se contenter des figures déjà approuvées par l’Église […]. L’autre règle qu’il faut garder, est donnée par le Concile de Trente, après plusieurs autres : qui est, qu’il ne soit loisible d’exposer au temple & lieu sacré, aucune Image nouvelle, sans congé de l’Évêque ». Ce contrôle de la production artistique par l’autorité ecclésiastique n’était pas nouveau non plus, puisqu’il figurait déjà à l’ordre du jour dans le deuxième concile de Nicée en 787. Pour ce qui est de l’invention, l’icône orthodoxe est la solution portée à ce problème : les peintres ont leur manière de peindre, leur style, signent et datent parfois leurs œuvres, mais ils restent fidèles à un schéma établi. Pas (ou peu) de place dans ce domaine pour l’invention iconographique.

Nous soutenons que les restrictions assez modérées formulées par le concile de Trente regardent moins le style que ce problème de la vérité et de la vraisemblance. Une magnifique preuve nous en est donnée à Venise, dix ans après la clôture du concile. Le 18 juillet 1573, Paolo Veronese fut interrogé par l’Inquisition à propos d’une Cène peinte pour l’église des Dominicains, Santi Giovanni e Paolo. Le conflit est né du gros chien au premier plan que les commanditaires voulaient transformer en Marie Madeleine, ce que le peintre refusa. Ses juges lui demandèrent : Pourquoi y a-t-il un serviteur qui saigne du nez… des gens vêtus à l’allemande avec des hallebardes… des bouffons… des nains ? Ce à quoi le peintre répondit par la nécessité d’orner ce grand tableau de figures issues de sa propre imagination, une licence qui appartient aux poètes et aux fous. On lui rétorqua : Ne savez-vous pas qu’en Allemagne et autres lieux infestés par l’hérésie, on a coutume d’avilir et de tourner en dérision les choses de la sainte Église catholique ? Il ne s’agit donc pas seulement du décorum, il s’agit, si l’on a pris le parti des images, de l’assumer devant les détracteurs de celles-ci et de les rendre incontestables. Il n’était pas possible de corriger cet immense tableau dans le sens requis, il fut bien plus simple d’en changer le titre et d’en faire le Repas chez Lévi. Cet épisode permet de comprendre que ce qui est en cause, c’est ce que Véronèse revendique, ou en tout cas offre en explication : la licence, l’imagination. Quant au style et à la théâtralité de Véronèse, ils furent la plus féconde source d’inspiration des grands décors religieux du XVIIe siècle. Cette dialectique, vérité/vraisemblance et imagination, permet de considérer autrement la question de la réception des œuvres du Caravage, ce que nous proposons de faire ici pour le plus scandaleux de ses tableaux, la Mort de la Vierge.

Un autre aspect de l’iconoclasme byzantin peut aussi éclairer la question des images dans l’Europe de la fin du XVIe siècle. Les images, défendues, furent rétablies. Cela est commémoré dans l’Église orthodoxe par la fête du Triomphe de l’orthodoxie, en souvenir de la cérémonie du 11 mars 843. Mais ce triomphe sur le principe semble avoir été progressif dans les faits. Les images sont réintroduites avec prudence, avec lenteur, et peut-être même avec réserve. On peut en dégager deux points qui éclairent selon nous ce qui se passe au XVIIe siècle : les nouvelles images sont en retrait ; la conscience s’est faite de leur pouvoir limité (d’où découle l’innocuité de leur multiplication).

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Dans l’Europe catholique, ce retrait n’est pas quantitatif mais qualitatif. Les images n’ont pas diminué en nombre mais ont profondément changé de nature : elles doivent légitimer leur existence et ne peuvent être le simple fruit de la fantaisie licencieuse de l’artiste, comme le souhaitait Véronèse. Elles furent d’abord strictement tenues en laisse par les textes. Contrairement à l’opinion répandue, les Jésuites ne furent pas, dans un premier temps, les champions de la propagande par l’art : au contraire, ils cantonnèrent la peinture à un rôle purement illustratif, peintures accompagnées de légendes appelées par des lettres introduites dans les compositions, dans un processus très conscient de destruction de tout illusionnisme. Les images, inexpressives, ne sont qu’un prolongement du texte. Pour reprendre les mots du père Richeome paraphrasant Plutarque : « la peinture est une poésie, ou escriture muette, & que la poésie, ou escriture, est une peinture parlante ». Une manière de ne pas céder aux chimères de l’imagination et au plaisir sensuel de l’invention était d’y renoncer : l’art devint immédiat, brutal, cru, réaliste ou schématique, et même consciemment laid. Une autre possibilité fut de minimiser le rôle créateur (et donc inventeur) de l’artiste et de se faire archaïque : non seulement en n’utilisant que les formes déjà approuvées par l’Église, mais en imitant la manière de ces œuvres anciennes. Notre second point porte sur le constat de la limite de l’image. Là encore, un intéressant parallèle peut être fait avec l’iconoclasme byzantin. À l’issue de cette crise, qui suscita une prise de conscience nouvelle sur l’économie des images, le patriarche Méthode soulignait que les images portent en elles-mêmes l’échec à montrer ce qui est spirituel, et que, par cette impossibilité, en négatif, elles témoignent de cette réalité supérieure. Ainsi, l’image humaine du Christ permet de comprendre sa nature divine, et son irreprésentabilité. Dans la même mouvance post-iconoclaste, Théodore Stoudite comparait l’image à l’empreinte qui renvoie au sceau et à l’ombre qui renvoie à la lumière. Cette insuffisance de l’image, qui n’est qu’un signe elliptique, fut aussi appréhendée et soulignée dans la Rome du XVIIe siècle, que nous voyons pourtant comme le triomphe de l’iconophilie. Le Bernin avait parfaitement compris qu’il fallait désigner au spectateur les limites de l’image pour qu’il puisse percevoir le vertige de l’indicible et de l’irreprésentable. Les images portent et assument cette faiblesse, cette impossibilité, et c’est de cette manière que, tel un doigt pointé, elles nous dirigent vers des lieux où elles ne peuvent nous conduire. Cette réflexion sur le pouvoir limité des images produisit une extraordinaire floraison de nouveaux sujets. Comme dans le monde byzantin post-iconoclasme, on assiste au développement de l’iconographie des « visions ». Si l’on ne peut pas montrer Dieu directement, on peut représenter celui qui le voit, en train de le voir. Comme en ouvrant les guillemets d’une citation, le peintre entoure la vision spirituelle d’une nuée de nuages dorés et dans ce lieu mis à part, il représente ce qui n’est pas figurable. L’art du XVIIe et du XVIIIe siècle usa et abusa de ce recours. Nous verrons plus bas comment les nouvelles scénographies conçues pour les icônes reposent sur le même concept de vision indirecte, à travers un intermédiaire, une médiation qui est le caractère même de l’intercession.

Le laid, le vrai ?

La recherche de la vérité ou de la véracité dans l’histoire sacrée est un effort qui va parfois à l’encontre de l’art et du décorum si cette véracité est exprimée par un surcroît de réalité (ou de « réalisme »). La construction d’images faites uniquement des éléments provenant de la réalité sensible, ce qui pourrait être une manière de caractériser le naturalisme du Caravage, oppose la réalité de ces phénomènes à la nécessité de rechercher des formes idéales qui ne se trouvent pas « naturellement ». L’imagination, subjective, du peintre se dissimule derrière une brutalité objective : l’artiste se donne le droit d’utiliser seulement ce qu’il peut observer lui-même. Cet apparent renoncement à l’imagination a pour corollaire l’abandon de la manière, c’est-à-dire d’un langage idiosyncrasique, au profit d’une transcription prétendument photographique du monde sensible (le Caravage est l’artiste dont on a le plus reconstitué l’œuvre par la photographie). Ce double renoncement aux séductions de l’invention et de l’exécution devient le signe de l’ascèse artistique. Au service de la vérité, l’art doit prendre le risque de la laideur : qui plus est, la laideur devient son alliée. Car, qui choisirait la laideur contre la beauté si ce n’était pour servir la plus grande cause de la vérité ? Revenons au mot acheiropoïète, « non fabriqué » : ce qualificatif est aussi appliqué aux multiples icônes de la Vierge qui sont dites peintes par saint Luc. Dans ce contexte, c’est un contresens : ces images sont bien fabriquées, faites par une main, une main que l’on désigne et qui est celle de l’évangéliste. Alors, que veut-on nous dire ? Simplement que ces images ne sont pas le résultat du travail d’un artiste, d’un effort de la technique et de l’imagination, mais qu’elles sont vraies : elles ont été faites devant le modèle lui-même et ont le même caractère d’absolue exactitude et de total anonymat que, pour prendre un exemple contemporain, les photographies des papes récemment canonisés. La possibilité d’avoir vu vraiment, opposée à la faculté d’imaginer, fonde la légitimité de ces images et rend le processus nécessaire de leur fabrication, anecdotique. C’est dans ce sens que l’on peut les dire « non fabriquées », non artificielles, naturelles en quelque sorte. Si l’on accepte ce lien entre image naturelle, dans le sens de non artificielle (et de non artistique), et vérité, l’esthétique du Caravage trouve son explication au cœur même de la question des images. L’artiste ne peut montrer que ce qu’il peut voir, parce que ce rappel de la réalité sensible manifeste la réalité de ce qu’il représente, impossible à montrer.

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L’ancien, l’authentique ?

L’artiste peut aussi s’effacer derrières les productions antérieures. Cet archaïsme délibéré accompagne un puissant effort, de la part de l’Église catholique, de reconstruction archéologique et apologétique. Le recours aux textes fondateurs (les Pères de l’Église entre autres) est conforté par les fouilles engagées pour retrouver les lieux de sépultures des martyrs. C’est la première fois que l’on mena de front l’histoire de la pensée théologique et celle des monuments. On se pencha avec une précision scientifique sur l’histoire des supplices et des machines de tortures : nous ne sommes plus dans la Légende dorée. La réalité historique de l’existence de ces saints des premiers temps est corroborée par la brutalité de la reconstitution de leurs tourments : l’exactitude archéologique au service de la vérité et l’horreur au service de l’exactitude. Le cardinal Baronio (1538-1607), membre de l’Oratoire, fut le fer de lance de ces études et de ce mouvement de restauration. Successeur de Philippe Néri, qui explorait avec dévotion les catacombes, confesseur de Clément VIII, savant auteur des Annales ecclesiastici et du Martyrologium romanum, il se fit attribuer l’église des Saints Nérée et Achille, qu’il pensait être une basilique funéraire paléochrétienne. Il la fit restaurer pour le jubilé de 1600, en la remeublant avec des éléments médiévaux et en la faisant décorer par Niccolò Circignani de scènes de martyres particulièrement sanglantes. L’Église de Rome pouvait opposer aux protestants son antiquité, dont le sous-sol portait les marques, et sa fidélité ne varietur aux doctrines de l’Église primitive, en particulier face aux images.

La sculpture, elle aussi, devait faire pénitence, en abandonnant la beauté des canons classiques et les sinuosités sensuelles de Michel-Ange. La brutalité, la laideur, l’absence d’art (au sens d’artifice) lui servirent de passeport vers la vérité, non dans un vérisme impossible ou dans un hyperréalisme, qui est toujours sensuel en sculpture, mais par l’adoption d’un style agressivement grossier, simplifié, d’un archaïsme plus néomédiéval qu’antique. Les sculpteurs tournaient le dos à la poésie du contour et à la sensibilité du traitement des surfaces, pour former des images anguleuses, aux plis schématiques et aux grosses têtes, qui semblent vouloir renvoyer à l’art paléochrétien. Les deux apôtres peut-être conçus par Ambrogio Buonvicino sont un bel exemple de cette tendance, très observable sur les chantiers les plus prestigieux, ceux des chapelles pontificales.

L’exemple le plus éloquent de cette politique des images nous semble le maître-autel élevé en 1635 dans le chœur de l’église Santi Luca e Martina. Cette église consacrée à la mémoire de sainte Martine, martyrisée sous Septime Sévère, était aussi, depuis 1588, celle de l’Académie de Saint-Luc, la confrérie romaine des peintres placés sous la protection du peintre-évangéliste. Depuis lors, elle porte ce double vocable. Pierre de Cortone, élu à la tête de l’Académie en 1634, proposa de transformer à ses frais la crypte en chapelle funéraire pour sa famille. Lors de ces travaux, on découvrit le corps de sainte Martine et de ses compagnons Concorde et Épiphane. Il fut alors décidé de reconstruire l’église, sur les plans de Pierre de Cortone ; elle fut consacrée en 1650. L’architecte dessina aussi le maître-autel, qui porte au centre la composition de Saint Luc peignant la Vierge. Il s’agit de la copie, par Antiveduto Della Grammatica (1571-1626), d’un tableau alors attribué à Raphaël, qui faisait l’orgueil de l’Académie de Saint-Luc. Sous le retable, juste au-dessus de l’autel, se trouve la statue représentant le cadavre de saint Martine, vu comme dans un loculus des catacombes. Le principe s’inspire de la célèbre Sainte Cécile de Maderno, montrant le corps tel qu’il fut découvert. L’effigie fut commandée par le cardinal Francesco Barberini en 1635 à Nicola Menghini, le sculpteur qui restaurait sa collection d’antiques. La peinture nous parle de l’antiquité des images dans l’Église: c’est saint Luc qui portraiture la Vierge. Elle rappelle aussi la grandeur des peintres du passé, d’avant la Réforme, en l’occurrence Raphaël. La sculpture, quant à elle, est à l’antique : elle n’est pas image, mais monument, témoignage de l’ancienneté de l’église de Rome fondée sur le sang des martyrs. L’autel exprime cette double vénération due aux images et aux reliques, toutes deux remontant aux origines mêmes de l’Église.

Défense des images et exaltation des icônes

Au XVIIe siècle, la défense des images se fit en remettant à l’honneur les plus antiques, en particulier les icônes, monuments de la vénération constante de l’Église. Deux insignes images-reliques non fabriquées, la Sainte-Face de San Silvestro in Capite et celle de Saint-Pierre, reçurent de magnifiques cadres d’orfèvrerie, la première par Francesco Comi en 1623 et la seconde par Carlo Spagna, offert en 1675 par le cardinal Barberini et réalisé sur un dessin de Bernin. Les icônes des églises de Rome, qui ont souvent une origine miraculeuse, furent restaurées et exaltées par de nouveaux cadres, souvent scénographiques, qui les font apparaître comme une vision hors du temps, une relique plutôt qu’une image.

La plus célèbre de ces icônes est celle de Santa Maria Maggiore, la Vierge dite Salus Populi Romani, palladium de la cité. Elle est dite peinte par saint Luc et protégea la ville d’une terrible peste sous saint Grégoire (590) : la cessation du fléau fut marquée par l’apparition d’un ange remettant son épée au fourreau au sommet du mausolée d’Hadrien, qui devint le château Saint-Ange. Saint François Borgia (1510-1572) vouait à cette icône une vénération particulière. En 1569, il obtint la permission de Pie V d’en faire faire une copie, sous la supervision de Charles Borromée.

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Cette image accompagna les jésuites en mission jusqu’aux Amériques et en Asie. En 1685, Teofilo Ciotti, un jésuite du collège de Tepotzotlán au Mexique, écrivit à Rome pour demander l’envoi d’une gravure de cette icône, afin d’en faire faire une copie en plume pour l’offrir au pape : c’est dire la place fondatrice assignée par la Réforme catholique à ces images « activistes ». L’icône elle-même fut réinstallée en grande pompe au centre de la chapelle Pauline par Paul V Borghèse le 27 janvier 1613. Sur le nouvel autel dessiné par Girolamo Rainaldi et réalisé par Pompeo Targone, elle est soutenue par des anges de bronze doré modelés par Camillo Mariani.

Cette solution nouvelle a été analysée par les historiens comme une recherche illusionniste. Nous pensons qu’il s’agit du contraire. Les anges, du fait qu’ils sont de bronze et se trouvent à l’intérieur de l’architecture, ne contribuent pas à l’illusion ou à la mimèsis : ils renforcent le caractère matériel de l’icône, contenue par un lourd cadre et soutenue dans les airs. Leur nature artificielle (pris ici aussi au sens d’artistique) est affirmée : ils soulignent a contrario que l’icône existe sur un autre plan de réalité, supérieur à l’art. L’emploi du lapis-lazuli pour le fond, qui est décrit dans le contrat comme évoquant l’air, ne relève pas davantage d’un désir de trompe-l'œil : le trompe-l'œil, c’est la peinture, ce n’est pas l’usage d’une pierre précieuse qui représente mais qui n’imite pas le bleu du ciel. L’art (dans le contexte ici étudié) n’imite pas, il est signe. Ce type de paradoxe dans la juxtaposition des médiums sera au cœur de la pensée visuelle de Bernin. La solution formelle inaugurée par Rainaldi à Santa Maria Maggiore – l’icône-relique magnifiée par un cadre architectural et entourée d’anges sculptés – fut constamment répétée au XVIIe siècle, à Rome et ailleurs.

Ces icônes étaient célèbres par leurs actions et les miracles qu’elles accomplissaient : c’est un autre aspect des images agissantes. Leur vertu, leur caractère supra-artistique est rendu visible par la présence des anges, qui participent à la gloire de Dieu. Montrer des anges adorant les images revient à affirmer la conformité de celles-ci à leur prototype (ici la Vierge) et qu’il est, à ce titre, légitime de les vénérer. Les mêmes anges adorateurs encadrent le tabernacle eucharistique et témoignent de la présence du Christ dans les espèces consacrées.

Ce fut une véritable frénésie dans les années qui suivirent : les icônes mariales les plus vénérées furent somptueusement réinstallées et couronnées, d’abord la Vierge de Santa Maria del Popolo, presque aussi célèbre que celle de Santa Maria Maggiore et attribuée elle aussi à saint Luc. L’église de Santa Maria del Popolo plonge ses racines dans le cœur de l’histoire de Rome : elle avait été construite sous Pascal II en 1099 en manière d’exorcisme à la place du noyer maléfique qui couvrait les cendres de Néron. C’est en 1235 que Grégoire IX y avait fait placer cette icône, l’une des plus vénérées à Rome. En 1627, le cardinal Antonio Maria Sauli commanda pour elle le magnifique retable de marbre que l’on y voit toujours.

Au même moment (1626-1627), le Bernin donnait le modèle des anges pour le nouveau maître-autel de Sant’Agostino, renfermant une icône « non fabriquée » réputée venir de Sainte-Sophie de Constantinople, et même du tombeau de saint Luc. Le Bernin installa ensuite une autre Vierge de saint Luc, à Santa Maria in Via Lata (1634-1635). […]

La plus riche de ces scénographies fut réalisée par de jeunes collaborateurs du Bernin, Melchiorre Caffà, Ercole Ferrata et Giovanni Paolo Schor, pour l’abside de Santa Maria in Campitelli (1667). Un édicule, qui semble le baldaquin de Saint-Pierre, est transporté par les anges dans une gloire aveuglante. La petite image de la Vierge – une plaque émaillée médiévale – occupe le centre, presque invisible, de cette construction. Le cadre en forme de tabernacle évoquerait l’origine de l’image, qui provient de l’église voisine de Santa Maria in Portico et faisait l’objet d’une grande ferveur populaire ; on lui attribuait un rôle miraculeux dans la cessation de la peste en 1656. Le caractère halluciné de cette mise en scène s’explique par son origine. Le schéma, un tabernacle ravi par les anges dans une nuée glorieuse, avait été imaginé par Pierre de Cortone pour une « machine des quarante heures » à San Lorenzo in Damaso en 1633. Cette spectaculaire cérémonie permettait aux fidèles d’adorer pendant quarante heures (le laps de temps entre la mort et la résurrection du Christ) le Saint-Sacrement, exposé dans une « machine » au sens théâtral du terme. Pour le jubilé de 1650, Carlo Rainaldi, architecte de Santa Maria in Campitelli, composa la « machine des quarante heures » du Gesù en reprenant et en amplifiant l’invention précédente. C’est cette réalisation éphémère, combinée à la dernière création de Bernin (la chaire de Saint-Pierre), qui inspira ce monument, ultime et superlative glorification des images à Rome. Ce processus d’exaltation des images anciennes ne toucha pas que les icônes et les œuvres médiévales : de modestes fragments, parfois assez récents, mais sauvés de la destruction, furent aussi glorifiés. […]

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Archaïsme et nouvelles icônes

Pour retrouver quelque chose de la véracité et de la vertu des images anciennes, certains peintres adoptèrent un style archaïsant. Réformateurs et critiques étaient unanimes à louer chez les artistes d’autrefois la piété et la sincérité, à la différence des modernes, soucieux de la recherche de l’effet et de pompe ; cet éloge du primitivisme dévot contre la manière contemporaine, savante mais artificieuse, est un cliché de l’époque. Remonter d’un siècle en arrière pouvait s’avérer suffisant, au temps béni d’avant la Réforme et la division de l’Église : la première manière de Raphaël, celle de son maître le Pérugin ou d’autres artistes du Quattrocento servait de modèle et conférait aux nouveaux tableaux une dignité atemporelle dont l’effet n’est guère différent de celui de la peinture pieuse néomédiévale de la fin du XIXe siècle. La magnifique Annonciation peinte par Guido Reni pour le couvent parisien des Carmélites est un bel exemple de cette manière archaïsante et raffinée. Cette œuvre s’inscrit elle-même dans le sillage d’une Annonciation de Ludovico Carracci, dont on a justement souligné le caractère néo-Quattrocento.

Le peintre plus emblématique de cette tendance, à laquelle il adhéra avec une fidélité sans faille, fut Giovanni Battista Salvi, dit Sassoferrato (1609-1685), qui produisit tout au long de sa carrière, et avec succès, des copies et pastiches très appréciés de Raphaël et du Pérugin.

Ce retour en arrière est la marque du désir de réforme chez bien des artistes au début du XVIIe siècle. Les images, loin de triompher immédiatement, cherchent un nouveau souffle. Aux modèles immédiats de la première Renaissance s’ajoutent des références nouvelles, plus complexes, issues des origines mêmes de l’art chrétien. La restauration des monuments paléochrétiens et médiévaux, en particulier des mosaïques, est l’occasion d’attirer l’attention des artistes sur ce patrimoine, ces antiquités de l’Église, différentes des antiques païennes déjà admirées et copiées. Outre des emprunts plus ou moins ponctuels, il est curieux d’observer, dans la peinture de dévotion, l’apparition de tableaux qui sont manifestement inspirés des icônes, au sens le plus large que l’on donnait alors à ce terme. Cela touche à la fois le choix des sujets et certains partis de la composition, par exemple le recours à la frontalité stricte : c’est le cas d’un Christ en buste de Guido Reni, peint vers 1633, d’une rigidité solennelle. […]

Guido Reni, Saint André Corsini en extase. Pierre noire et sanguine sur papier bleu décoloré. H. 36,6 cm ; l. 27 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 8922 © Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Suzanne Nagy

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Regards sur quelques œuvres Texte des cartels de l’exposition

Philippe de Champaigne (Bruxelles, 1602 – Paris, 1674) Sainte-Face Huile sur panneau de chêne (porte la marque de Melchior de Bout). Magny-les-Hameaux, Musée national de Port-Royal des Champs (dépôt du musée du Louvre en 2005, RF 3165)

Pour les hommes du XVIIe siècle, la Sainte-Face n’est plus la reproduction d’une relique extraordinaire, mais un objet de méditation sur l’humanité souffrante du Christ. Le dévot peut y contempler, comme dans un miroir, sa propre indignité face à l’amour sans limites de Dieu.

Michelangelo Merisi, dit le Caravage (Milan ? 1572 – Porto Ercole, 1610) La Mort de la Vierge Huile sur toile. Paris, musée du Louvre, département des Peintures, inv.54

Le Caravage a renoncé à montrer ce que nous ne pouvons pas voir : les anges et la gloire de Dieu. Mais il en a laissé les signes : la lumière qui frappe le visage mort de la Vierge et la draperie pourpre qui flotte au-dessus d’elle, tel le manteau d’un invisible souverain céleste. Moins montrer exige plus de la foi.

Gian Lorenzo Bernini (Naples, 1598 – Rome, 1680) Saint Jérôme à genoux devant un crucifix Plume et encre brune, lavis brun. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Inv. 9575

Comme l’indique l’annotation, ce dessin fut réalisé à Paris par Bernin pour être offert à Colbert le 19 octobre 1665. Le saint, transporté de dévotion à la vue d’un crucifix, ouvre les bras dans un geste passionné : on ne peut faire plaidoyer plus éloquent en faveur des images et de leur pouvoir.

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Guido Reni (Bologne, 1575 – 1642) Ecce homo Huile sur toile. Paris, musée du Louvre, département des Peintures, inv. 528

En montrant le Christ humilié en roi dérisoire, Guido Reni créa l’une des images de dévotion les plus aimées de la peinture européenne. A la fois pathétique et sensuelle, doloriste et idéalisée, elle correspond parfaitement à la nouvelle sensibilité du siècle, loin des austérités et des violences de la Contre-Réforme.

Simon Vouet (Paris, 1590 – 1649) L’Extase de la Madeleine Pierre noire, rehauts de blanc Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Inv. 33310

Pierre de Bérulle voyait en Marie-Madeleine non point la pénitente que le Grand Siècle honora si souvent, mais l’amante absolue de Jésus-Christ. C’est ainsi que Vouet l’a représentée, défaillante de pur amour, dans les solitudes de la Sainte-Baume où, secourue par les anges, elle passa, dit la légende, les trente dernières années de sa vie.

Gian Lorenzo Bernini (Naples, 1598 – Rome, 1680) assisté de son fils Paolo Valentino (Naples, 1598 – Rome, 1680) L’Enfant Jésus jouant avec un clou Marbre. Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, MR 2733

Bernin imagina, en pendant au buste de Louis XIV, d’offrir à la jeune reine ce relief « pour la pensée dévote et pour représenter à son imagination un bel objet d’un enfant », selon ses propres mots. C’est une grave méditation sur les souffrances futures du Christ, qui semble découvrir la douleur en jouant avec les outils de son père adoptif.

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Laurent de La Hyre (Paris, 1606 – 1656) La Déploration dans un hôpital Pierre noire, lavis gris, rehauts de blanc. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Inv. 27487

L’énigmatique Déploration de La Hyre fut probablement conçue pour les salles basses de l’Hôpital de la Charité, dont elle devait prolonger les perspectives. Les troncs d’arbres éclatés et les coins qui la bloquent dans la terre du Calvaire exaltent les vertus du bois sacré de la Croix, dont l’image était l’une des cibles des attaques protestantes.

François Knaeps (Liège, 1629 – 1708) Ostensoir, 1663 Argent doré. Liège, Grand Curtius III, inv. E 19

L’ostensoir d’orfèvrerie permet de présenter aux fidèles l’hostie. Il adopte au cours du XVIIe siècle la forme rayonnante d’un soleil, ici entouré des anges, de la Vierge et des saints. L’objet de métal manifeste ainsi la gloire invisible de Dieu présent dans le pain. Le pain blanc et son auréole d’or forment ensemble une nouvelle image.

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Autour de l’exposition - sommaire

Publication page 26 Manifestations à l’auditorium du Louvre page 27

Pietro da Cortona, Sainte Bibiane. Sanguine sur papier doublé. H. 21,4 cm ; l. 19,5 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 14777© RMN- Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

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Publication Catalogue de l’exposition La fabrique des saintes images Rome– Paris, 1580-1660 Sous la direction de Louis Frank et Philippe Malgouyres AUTEURS Textes de Louis Frank, Catherine Loisel, Philippe Malgouyres, Ginevra Odone, Marianne Paunet et Olivia Savatier Sjöholm SOMMAIRE  L’Image

La serviette et le linceul, ou des images non fabriquées

ROME L’art après le concile, images et imagination

Trois jubilés : 1600-1625-1650

Chantiers de la Contre-Réforme

Le Caravage : le vrai et l’irreprésentable

Baglione, rival du Caravage

L’évolution de la sensibilité religieuse

Les Bolonais au service de l’Église

Guido Reni ou le « divin mouvement des yeux »

Gian Lorenzo Bernini en trois épisodes

La gloire de Cortone, le baroque triomphant

Pierre de Cortone : ambassadeur du goût romain PARIS L’École française, le sentiment religieux et l’image

La Compagnie de Jésus : de Fontainebleau à Paris

Vouet et les retables architecturés des églises de Paris

Le Vœu de Louis XIII

L’Hôpital de la Charité

La tenture de Saint-Étienne-du-Mont

Pierre de Bérulle

Une estampe de dévotion

Les grands mays de Notre-Dame

Les Chartreux

La chapelle Le Roux et la tenture de Saint-Gervais-Saint-Protais

Philippe de Champaigne et Port-Royal L’EUCHARITIE L’eucharistie : la présence réelle et l’image ultime

Deux représentations de la Cène en Italie autour de 1600

La Cène de la trahison

Charité et dévotion eucharistique dans deux tableaux des frères Le Nain

Coédition : Somogy / musée du Louvre éditions Pages : 288 Format : 23 x 30 cm 150 illustrations ISBN : 978-2-75720-930-1 Distribution : UD.

Prix (TTC) : 35 €

Ouvrage réalisé avec le soutien de Arjowiggins Graphic

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Conférence de présentation de l’exposition par Louis Frank et Philippe Malgouyres Mercredi 6 mai à 12h30

Concert Ensemble Correspondances Sébastien Daucé, direction Rossi La Cecità del misero mortale, oratorio ; airs spirituels Landi Extraits de Sant’Alessio Boësset Airs à cinq voix sur des parodies spirituelles Ce concert, au sens de réunion improvisée de musiciens autour de belles musiques, illustre tout ce que Nicolas Poussin a pu entendre pendant sa formation et ses séjours parisiens. Les pièces retenues ici montrent à quel point la musique profane et la musique sacrée sont connectées : les airs polyphoniques les plus à la mode dans le Paris des années 1620-1630 sont adaptés sur des textes sacrés, chantés ici pour la première fois. Vendredi 3 avril à 20h

Opéra filmé Il Sant’Alessio de Stefano Landi, 2007, durée : 2 h 50. Maitrise de Caen, les Arts florissants. William Christie, direction ; Benjamin Lazar, mise en scène. Avec Philippe Jaroussky (Alessio), Max Emanuel Cenčić (Sposa), Xavier Sabata (Madre), Damien Guillon (Curtio). Il Sant’ Alessio, chef-d’œuvre du compositeur romain Stefano Landi est une œuvre singulière : un drame sacré ou se mêlent des éléments de comédie et de critiques de la foi de l’époque de la Contre-Réforme. Une partition magnifiée par la direction de William Christie et les voix de Philippe Jaroussky et Max Emanuel Cenčić. Lundi 13 avril à 20h

Manifestations à l’auditorium du Louvre

Il Sant’Alessio de Stefano Landi © N. Baruch

Ensemble Correspondances © Molina Visuals

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Cycle de cinéma Le sentiment religieux au cinéma - Éloge de la grâce Comment transcrire à l’écran le sentiment religieux, le doute et l’engagement, le désir de rédemption ou de transcendance, la foi et le mystère chrétiens ? Ce fut bien souvent en puisant dans leur propre expérience spirituelle tout en empruntant des voies esthétiques allant de la forme épurée au baroque le plus flamboyant que quelques cinéastes réussirent à traduire, comme le prônait Robert Bresson, le vent invisible par l’eau qu’il sculpte en passant. Ordet (La Parole) De Carl. T. Dreyer, Dan., 1955, 123 min, nb. Après La Passion de Jeanne d’Arc (1928), Dreyer se fait le peintre du mystère chrétien avec Ordet, portrait de deux familles divisées par leurs désaccords religieux et auxquelles, finalement, l’évidence de la parole s’impose grâce au miracle. Samedi 11 avril à 14h30 Journal d’un curé de campagne De Robert Bresson, Fr., 1951, 110 min, nb. D’après le roman de Georges Bernanos. L’épure de la mise en scène exprime avec intensité les tourments spirituels d’un jeune curé à la santé fragile face au vide spirituel qu’il découvre dans sa première paroisse. Samedi 11 avril à 17h30 Thérèse D’Alain Cavalier, Fr., 1986, 94 min, coul. Ni biographie ni reconstitution historique, le film évoque la figure radieuse de Thérèse de Lisieux et son combat contre le doute. Film présenté par Charlotte Garson et discussion avec Alain Cavalier. Dimanche 12 avril à 14h30 Lumière silencieuse De Carlos Reygadas, Mex., 2007, 142 min, coul. Empreinte de naturalisme et de poésie, cette chronique située dans l’univers des Mennonites du nord du Mexique rappelle le miracle d’Ordet. Dimanche 12 avril à 17h Bad Lieutenant D’Abel Ferrara, E.-U., 1992, 96 min, coul. L’évocation, aussi sombre que réaliste, de la descente aux enfers d’un policier new-yorkais corrompu cherchant la rédemption. Dimanche 12 avril à 20h L’Évangile selon saint Matthieu De Pier Paolo Pasolini, It., 1964, 133 min, nb. Cinquante ans après sa sortie, le film vient d’être réhabilité par l’Église catholique, qui le qualifie de chef-d'œuvre, probablement le meilleur film jamais tourné sur Jésus. Mercredi 15 avril à 20h Je vous salue Marie De Jean-Luc Godard, Fr., Suisse, G.-B., 1985, 107 min, coul. Cette transposition à l’époque moderne de l’histoire de Marie déchaîna les passions : malgré ses audaces blasphématoires, le film incarnait-il un retour du religieux au cinéma ? Lundi 20 avril à 20h

Journal d’un curé de campagne de Robert Bresson © TF1 / Tamasa Distribution

Thérèse d’Alain Cavalier © Studio Canal / Tamasa Distribution

Bad Lieutenant d’Abel Ferrara © Wildside / Wizzmedia

L’Évangile selon Saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini © Carlotta

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Liste des œuvres exposées Texte des cartels de l’exposition

Giovanni Mauro Della Rovere (Milan, 1575 – 1640) Sainte Véronique Plume et encre brune, lavis gris, rehauts de blanc, papier bleu Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques RF 28437 La Sainte-Face de la basilique Saint-Pierre de Rome semble avoir été détruite par les lansquenets protestants lors du sac de la ville en 1527. Elle fut remplacée par une autre, aux yeux fermés, copiée sur le suaire de Turin. Della Rovere reprend ici l’iconographie traditionnelle de sainte Véronique, mais il a remplacé sur le voile l’ancienne relique par la nouvelle image. Philippe de Champaigne (Bruxelles, 1602 – Paris, 1674) Sainte-Face Huile sur panneau de chêne (porte la marque de Melchior de Bout) Magny-les-Hameaux, Musée national de Port-Royal des Champs (dépôt du musée du Louvre en 2005, RF 3165) Pour les hommes du XVIIe siècle, la Sainte-Face n’est plus la reproduction d’une relique extraordinaire, mais un objet de méditation sur l’humanité souffrante du Christ. Le dévot peut y contempler, comme dans un miroir, sa propre indignité face à l’amour sans limites de Dieu. Claude Mellan (Abbeville, 1598 – Paris, 1688) Sainte-Face Burin Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie Inv. ED 32 Cette gravure, réalisée par un seul trait continu en spirale, est plus qu’un tour de force. La lettre précise « L’Unique est formé d’une seule ». Une seule ligne, ou plutôt, une seule femme ? Par la Vierge, Dieu infini s’est fait homme fini, comme ici l’espace se concentre dans le point au centre de la gravure. Italie du Nord ? (vers 1600) Adoration du Saint-Suaire Sanguine, plume et encre brune, lavis brun et rose Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 2037 Le Saint-Suaire fut transféré de Chambéry à Turin en 1578. Dans ce dessin, de peu postérieur à l’événement, il est porté par les anges et adoré par des pèlerins. À l’arrière plan, l’on assiste à l’ensevelissement du Christ dans ce linge et à sa Résurrection, qui semble traverser le suaire. Copie réduite du Saint-Suaire de Turin (1516) Peinture sur toile Lierre, église Saint-Gommaire Il s’agit de la plus ancienne copie du suaire de Turin. Afin d’éviter qu’elle ne passe pour un original, elle est réduite au tiers et porte une longue inscription latine et allemande qui raconte l’histoire de la relique. Elle est particulièrement précieuse car elle montre le suaire avant qu’il ne soit endommagé par un incendie en 1532.

Gian Lorenzo Bernini (Naples, 1598 – Rome, 1680) David étouffant le lion Sanguine, rehaut de blanc Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 12093 Les Jésuites réalisèrent en 1631 une superbe édition des poésies d’Urbain VIII. Le frontispice, dessiné par le Bernin, montre David, futur roi et poète, terrassant un lion pour protéger son troupeau. C’est une manière de rappeler au pape ses devoirs dans la lutte contre les hérétiques et de l’éloigner de la France, alors alliée aux Suédois protestants. Federico Zuccaro (Sant’Angelo in Vado, 1540/1541 – Ancône, 1609) La Vision de saint Pierre à Joffé Pierre noire, plume, encre brune, lavis brun Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 11593 Saint Pierre reçut cette vision pour s’affranchir des interdits alimentaires de la loi juive : il était désormais possible de manger de tous les animaux. Cet épisode tiré des Actes des Apôtres devait être représenté dans la chapelle Paoline du Vatican. Zuccaro en fit le dessin vers 1580, mais la peinture ne fut jamais réalisée. Federico Barocci (Urbino, 1535 – 1612) La Nativité Pierre noire, plume, encre brune, lavis brun, rehauts de gouache blanche, mis au carreau à la pierre noire Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques2 Inv. 2843 Conformément au désir d’exactitude et de vérité prôné par le concile de Trente, Barocci nous présente la Nativité dans le désordre sordide d’une étable. Saint Joseph doit attendre les bergers à la porte pour les guider. Comme chez le Caravage, le réalisme est l’outil pour exprimer au fidèle la véracité et l’actualité de l’histoire sainte. Niccolò Circignani, dit Pomarancio (Pomarance, vers 1530 – vers 1597) Le Martyre d’Edmund Campion Plume, encre brune, lavis brun sur traits à la pierre noire Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 10302 Avec une cruelle précision, Circignani présente les supplices infligés aux Jésuites en 1581 dans l’Angleterre protestante. Destinée à la gravure, la composition s’inscrit aussi dans un vaste projet, une série de fresques illustrant les horreurs de ces nouveaux martyres. La grande clarté narrative caractérise l’art de la Contre Réforme.

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Cesare Nebbia (Orvieto, vers 1536 – 1614) Saint Jérôme lave les pieds des pèlerins Plume, encre brune, lavis brun Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 5098 Par son style simple et narratif, Nebbia fut l’un des peintres les plus actifs dans la Rome de la Contre-Réforme. Il montre ici saint Jérôme, un Père de l’Eglise, lavant les pieds des pèlerins. L’église catholique souligne ainsi l’importance des œuvres de charité pour le salut de l’homme, œuvres dont la valeur avait été niée par les protestants. Giuseppe Cesari, dit Il Cavalier d’Arpino (Arpino, 1568 Rome, 1640) Le Martyre de saint Paul Sanguine et pierre noire Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 2973 Autour de 1600, le Cavalier d’Arpin était à la tête du plus fécond des ateliers romains, dans lequel passa le Caravage. La violence et le dynamisme du bourreau ont été rapprochés des œuvres de ce dernier mais ne lui doivent rien : ce dessin est antérieur d’une dizaine d’années au célèbre Martyre de saint Matthieu. Pompeo Targoni, fondeur (1575 – v. 1630) Ambrogio Buonvicino, sculpteur (1552 – 1622) Deux prophètes Bronze doré Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art Inv. OA 5595 et 5596 Ces deux statuettes ornaient un tabernacle comme celui de Saint Jean de Latran, commandé par Clément VIII peu avant le jubilée de 1600. Les grosses têtes, les plis schématiques semblent vouloir imiter les œuvres de la fin de l’Antiquité ou du haut Moyen-Age : l’église de Rome affirme aussi par l’art son antiquité. Giovanni Battista Ricci (Suno, 1537 – Rome, 1627) Saint Augustin et saint Ambroise Pierre noire et craie blanche sur papier bleu, mis au carreau à la pierre noire Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques RF 36013 La chapelle Cerasi à Santa Maria del Popolo présente un raccourci saisissant de l’art au moment du jubilée de 1600, avec trois tableaux d’Annibale Carracci et du Caravage. Le vestibule fut décoré par Ricci de fresques sur un fond d’or, pour évoquer les mosaïques paléochrétiennes. Comme le réalisme, l’archaïsme est signe d’authenticité. Michelangelo Merisi, dit le Caravage (Milan? 1572 – Porto Ercole, 1610) La Mort de la Vierge Huile sur toile Paris, musée du Louvre, département des Peintures Inv.54 Le Caravage a renoncé à montrer ce que nous ne pouvons pas voir : les anges et la gloire de Dieu. Mais il en a laissé les signes : la lumière qui frappe le visage mort de la Vierge et la draperie pourpre qui flotte au-dessus d’elle, tel le manteau d’un invisible souverain céleste. Moins montrer exige plus de la foi.

Giovanni Baglione (Rome, vers 1566 – 1643) La Résurrection du Christ 1603 Huile sur toile Paris, musée du Louvre, département des Peintures RF 1964.28 Baglione peignit un immense retable pour la nouvelle église des Jésuites, dont nous avons ici l’esquisse. L’œuvre, disparue vers 1622, fut vertement critiquée à son dévoilement par une clique d’artistes menée par le Caravage, ce qui donna lieu à un recueil de poésies satiriques puis à un procès en diffamation. Ludovico Carracci (Bologne, 1555 – 1619) Le Corps de saint Sébastien jeté dans la Cloaca Maxima Pierre noire, plume, encre brune, lavis brun Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 7720 Pour la chapelle familiale, qui se trouvait sur le lieu où le corps du saint fut jeté dans les égouts, le futur Urbain VIII commanda en 1612 un tableau à Bologne, dont ce dessin est l’étude. Lorsqu’il reçut la toile, il choisit de la garder dans sa collection et préféra placer sur l’autel une image moins brutale et moins réaliste. Ludovico Cardi dit Cigoli (Cigoli, 1559 – Rome, 1613) Ecce homo Plume encre brune, lavis brun et bleu Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 915 Ce dessin prépare l’un des plus célèbres tableaux de Cigoli, conservé au palais Pitti à Florence. Une tradition ancienne y voyait le résultat d’un concours organisé par le cardinal Massimi entre trois peintres, Cigoli, Passignano et Caravage : ils devaient tous les trois illustrer l’épisode du Christ présenté au peuple. Annibale Carracci (Bologne, 1560 – Rome, 1609) La Déploration du Christ mort Pierre noire, plume encre brune et noire, lavis brun Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 7162 Annibale Carracci (Bologne, 1560 – Rome, 1609) La Vierge à l’écuelle Plume, encre brune, lavis brun et gris, rehauts de gouache blanche sur papier lavé gris-beige, contours incisés pour le transfert Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques4 Inv. 7142 Cette œuvre intime, réalisée à la fin de la vie d’Annibale en vue de la gravure, montre le Christ enfant donnant à boire à saint Jean-Baptiste. La surprise de sainte Anne, qui lève la main, attire notre attention sur cet événement prophétique, qui préfigure l’institution de l’eucharistie.

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Guido Reni (Bologne, 1575 – 1642) Un ange apporte les couronnes à sainte Cécile et à saint Valérien Pinceau et lavis brun, sur traits à la pierre noire Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 1135 Des fouilles conduites à la veille du jubilée de 1600 dans la basilique Sainte-Cécile mirent à jour le corps de la sainte. Guido, associé à ce chantier, conçut cette image en s’inspirant d’une fresque médiévale. Les catholiques réaffirment à la fois l’antiquité du culte des saints et de la vénération des images. Guido Reni (Bologne, 1575 – 1642) Tête de vieille femme de profil Pierre noire, craie blanche et sanguine sur papier bleu décoloré Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 8919 Plus que l’étude d’un profil, cette feuille cherche à capturer l’expression d’un sentiment, qui semble être l’admiration et la tendresse. La beauté de l’émotion transfigure le visage usé de cette femme. Représenter et transmettre les mouvements de l’âme fut le plus grand enjeu de l’art du XVIIe siècle. Guido Reni (Bologne, 1575 – 1642) Étude pour Saint Philippe Neri et détail de ses mains Pierre noire sur papier beige Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 8912 Philippe Neri (1515-1595), comme Ignace de Loyola et Thérèse d’Avila, fut l’un des grands réformateurs du catholicisme et fut canonisé avec eux en 1622. Cette feuille est une première étude pour un tableau qui se trouve dans l’église mère de l’ordre des Oratoriens dont il fut le fondateur, Santa Maria della Vallicella, dite la Chiesa Nuova. Guido Reni (Bologne, 1575 – 1642) Saint Andrea Corsini Pierre noire et sanguine sur papier bleu décoloré Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 8922 Guido Reni reçut en 1629 la commande d’un tableau en vue de la canonisation d’Andrea Corsini, un Carme du XIVe siècle. Pour créer un portrait du nouveau saint, Guido s’inspira d’une fresque médiévale ; puis il lui insuffla cette expression pathétique d’espoir et de crainte, transformant une image conventionnelle en vivante expression de la dévotion. Domenico Zampieri, dit Domenichino (Bologne, 1581 – Naples, 1641) La Vierge de l’Assomption Pierre noire et craie blanche sur papier beige, anciennement bleu Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 7828 La restauration de l’antique basilique de Santa Maria in Trastevere fut entreprise au début du XVIIe siècle. Domenichino conçut le dessin de l’immense plafond de bois doré avec, au centre, l’Assomption de la Vierge. Ce carton, composé de feuilles assemblées, lui permit de préparer, à la taille réelle, l’exécution de cette grande toile.

Giovanni Lanfranco (Parme, 1582 – Rome, 1647) La Vierge de l’Assomption Pierre noire et craie blanche sur papier beige Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 6316 Elève d’Annibale, comme son rival Domenichino, Lanfranco développa un style dynamique et pictural très original, qui est particulièrement évident dans ce dessin. Il s’agit d’une étude très libre pour une fresque, réalisée vers 1615 dans l’église San Agostino. Ce décor ouvre la voie aux coupoles peintes qui fleurirent ensuite. Artiste de l’entourage de Giovanni Lanfranco Moïse et les explorateurs de retour de Canaan Plume, encre brune, lavis brun, gouache blanche sur papier lavé en gris-brun Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 6310 Artiste de l’entourage de Giovanni Lanfranco Recto : Élie et la veuve de Sarepta Pierre noire, plume, encre brune, lavis brun, gouache blanche sur papier bleu Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 6311 Au moment du jubilée de 1625, Lanfranco peignit un cycle de tableaux pour la chapelle du Saint-Sacrement de Saint-Paul-hors-les-murs. Ils illustrent les préfigurations de l’eucharistie dans l’Ancien Testament et participent à la volonté de l’église catholique de glorifier ce sacrement contre les attaques protestantes. Giovanni Lanfranco (Parme, 1582 – Rome, 1647) Saint Pierre marchant sur les eaux Sanguine, plume, encre brune, lavis brun, mis au carreau à la sanguine, taches d’atelier Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 6312 Urbain VIII confia à Lanfranco la réalisation d’une composition pour la basilique Saint-Pierre représentant l’apôtre sauvé des flots par le Christ. La fresque est aujourd’hui ruinée, mais ce dessin, mis au carreau, témoigne de son élaboration : Lanfranco semble anticiper, par l’emploi libre du lavis, ce que sera l’exécution picturale. Alessandro Algardi (Bologne, 1598 – Rome, 1654) Le Portement de Croix avec sainte Véronique Pierre noire, plume, encre brune, lavis brun Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 7825 Comme Bernin qui fut son rival en sculpture, l’Algarde fut un abondant dessinateur. Il s’agit rarement d’études préparatoires, mais plutôt, comme ici, de dessins indépendants. On y voit sainte Véronique sur le chemin du Calvaire se précipitant avec son voile vers le Christ. Selon la tradition romaine, celui-ci y laissa l’empreinte miraculeuse de son visage.

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Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino (Cento, 1591 – Bologne, 1666) Saint François d’Assise recevant les stigmates Plume, encre brune et lavis brun, trace de sanguine Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 6881 Guercino fit un bref séjour à Rome sous le pontificat de Grégoire XV Ludovisi (1621-1623) et laissa quelques chefs d’œuvres marquant pour l’art romain du XVIIe siècle. Sa sensibilité, sa piété et sa poésie s’épanchent avec prédilection dans le dessin. Guido Reni (Bologne, 1575 – 1642) Ecce homo Huile sur toile Paris, musée du Louvre, département des Peintures Inv. 528 En montrant le Christ humilié en roi dérisoire, Guido Reni créa l’une des images de dévotion les plus aimées de la peinture européenne. À la fois pathétique et sensuelle, doloriste et idéalisée, elle correspond parfaitement à la nouvelle sensibilité du siècle, loin des austérités et des violences de la Contre-Réforme. D’après Gian Lorenzo Bernini (Naples, 1598 – Rome, 1680) Sainte Bibiane Terre cuite Paris, musée du Louvre, département des Sculptures RF1601 Peu avant le jubilée de 1625, on découvrit les reliques de sainte Bibiane dans l’église homonyme : Bernin fut chargé de reconstruire l’édifice et sculpta une statue pour l’autel, dont nous présentons une copie. La spontanéité de l’expression et du geste, la fraicheur et la sensualité sont le signe de cette nouvelle génération d’artistes. Gian Lorenzo Bernini (Naples, 1598 – Rome, 1680) Vue de la chapelle Cornaro à S. Maria della Vittoria et de la Transverbération de sainte Thérèse d’Avila Sur l’autel, le groupe de marbre représente une vision décrite par la sainte dans son autobiographie. Pour donner forme à cette vision inexprimable, Bernin imagina un concept paradoxal, un colossal groupe de marbre qui semble flotter librement dans l’espace. D’après Gian Lorenzo Bernini (Naples, 1598 – Rome, 1680) Sainte Thérèse d’Avila Marbre Paris, musée Rodin Co 1013 La sculpture de l’autel, très admirée, fut copiée et le visage de la sainte moulé, pour être diffusé en terre cuite ou en plâtre. À partir de ces moulages, des copies de marbre furent réalisées, destinées aux touristes du XIXe siècle. Celle ci fut acquise par Auguste Rodin. Gian Lorenzo Bernini (Naples, 1598 – Rome, 1680) Saint Jérôme à genoux devant un crucifix Plume et encre brune, lavis brun Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 9575 Comme l’indique l’annotation, ce dessin fut réalisé à Paris par Bernin pour être offert à Colbert le 19 octobre 1665. Le saint, transporté de dévotion à la vue d’un crucifix, ouvre les bras dans un geste passionné : on ne peut faire plaidoyer plus éloquent en faveur des images et de leur pouvoir.

Gian Lorenzo Bernini (Naples, 1598 – Rome, 1680) assisté de son fils Paolo Valentino (Naples, 1598 – Rome, 1680) L’Enfant Jésus jouant avec un clou Marbre Paris, musée du Louvre, département des Sculptures MR 2733 Bernin imagina, en pendant au buste de Louis XIV, d’offrir à la jeune reine ce relief « pour la pensée dévote et pour représenter à son imagination un bel objet d’un enfant », selon ses propres mots. C’est une grave méditation sur les souffrances futures du Christ, qui semble découvrir la douleur en jouant avec les outils de son père adoptif. Claude Mellan (Abbeville, 1598 – Paris, 1688) « Il s’est humilié lui-même » Burin Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie Inv. ED 32 Montrer le Christ enfant, au XVIIe siècle, c’est montrer ce qu’il y a de plus humble dans la condition humaine. Ce vertigineux abaissement de Dieu dans le nouveau-né est rendu plus tragique encore par la fantomatique multiplication des croix qui l’entourent. Pietro Berettini da Cortona (Cortona, 1596 – Rome, 1669) Sainte Bibiane Sanguine Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 14777 Cette magnifique étude d’après nature prépare la fresque montrant la flagellation de sainte Bibiane. La pose, inspirée de l’antique, est vibrante de sensualité : Pierre de Cortone, au début de sa carrière romaine, s’affirme aux côtés du Bernin comme futur chef de file du nouveau style né au début du pontificat d’Urbain VIII. Pietro Berettini da Cortona (Cortona, 1596 – Rome, 1669) David, Adam et les prophètes Plume, encre brune. Saint-Germain-en-Laye, musée municipal Inv. R 2000-2 Cette étude prépare le décor de la coupole de la Chiesa Nuova, l’église des Oratoriens (1647-1651). C’est l’un des plus remarquables ensembles de fresques de Pierre de Cortone, qui peignit également la nef et l’abside. L’artiste lui-même suivait la voie spirituelle de charité proposée par le fondateur de l’ordre, saint Philippe Neri. Giovanni Francesco Romanelli (Viterbe, 1610 – 1662) L’Apparition du Christ à saint Gaétan de Thiene (1480-1547) Plume, encre brune, lavis brun, rehauts de gouache blanche Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 3792 Ce dessin célèbre le fondateur de l’ordre des Théatins, ordre qui fut introduit en France par le cardinal Mazarin. C’est aussi le ministre qui attira à Paris Romanelli, un collaborateur de Pierre de Cortone, pour y décorer son palais (la galerie Mazarine, aujourd’hui la Bibliothèque Nationale) et les appartements d’été d’Anne d’Autriche au Louvre.

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Pier Francesco Mola (Coldrerio, 1612 – Rome, 1666) La Sainte Trinité Pierre noire, sanguine, plume, encre brune, lavis brun, gouache blanche sur papier lavé à la sanguine Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 32906 Depuis le concile de Trente, le Missel romain fut corrigé et édité à diverses reprises. En 1662, Alexandre VII le fit publier orné de gravures, sous la direction de Pierre de Cortone. Pour ce projet, Mola fournit cette composition. Elle s’inspire d’un dessin du maitre qui avait été transposé dans un relief de bronze par Cosimo Fancelli. Giovanni Battista Gaulli, dit Baciccio (Gênes, 1639 – Rome, 1709) L’Assomption de la Vierge Sanguine, plume, encre brune, lavis brun Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 9501 Ce dessin prépare un tableau commandé par le cardinal Chigi, neveu d’Alexandre VII. Le talent de Gaulli fut reconnu par Bernin, qui en fit dans la dernière partie de sa carrière « son peintre ». Giovanni Batista Gaulli se révéla à la hauteur de cette confiance et sut donner forme aux conceptions les plus audacieuses du génie berninien. D’après Pierre de Cortone (Paris ? fin du XVIIe siècle ?) Saint Ananias rendant la vue à saint Paul Bronze Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art Inv. OA 5597 Pierre de Cortone peignit vers 1630 un retable pour l’église des Capucins, l’un des premiers chantiers d’Urbain VIII. Le tableau, très admiré, fut gravé et même reproduit en bronze. Il montre Paul recevant l’onction d’Ananie, en réponse aux protestants, qui avaient abandonné certains sacrements. Ciro Ferri, peintre (Rome, 1633 – 1689) et Urbano Bartalesi, orfèvre (Sienne, 1641 – Rome, 1732) Bénitier-reliquaire : L’Annonciation Bronze doré et argent, miniature sur vélin Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon Inv. V 4647 Ce spectaculaire bénitier fut offert en 1674 à la reine Marie-Thérèse par l’envoyé du pape Alexandre VII. Il a été conçu par Ciro Ferri, le plus important collaborateur de Pierre de Cortone, qui fournit, comme son maître, des projets pour la sculpture. Ce concert harmonieux des arts est l’une des grandes réussites de l’art romain du XVIIe. Martin Fréminet (Paris, 1567 – 1619) Projet pour le retable de la chapelle de la Trinité au château de Fontainebleau Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun, aquarelle, rehauts de blanc Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques RF 2361 bis Le projet de Martin Fréminet pour la chapelle palatiale de Fontainebleau fut conçu avant 1608, époque où l’influence des Jésuites, rappelés d’exil par Henri IV, était croissante à la cour. Fréminet peignit la voûte et l’Annonciation de la lunette, mais le maître-autel ne fut réalisé qu’en 1633, et sur un dessin très différent, par Francesco Bordoni.

Simon Vouet (Paris, 1590 – 1649) La Présentation au Temple, pour le retable du maître-autel de Saint-Louis-des-Jésuites Huile sur toile Paris, musée du Louvre, département des Peintures Inv. 8492 Les Jésuites furent les plus ardents partisans des images. Leur influence fut immense, mais fort controversée, car ils représentaient, aux yeux de la France gallicane, les intérêts ultramontains du Saint-Siège. Vouet peignit pour le retable de leur maison professe à Paris un glorieux frontispice qui semble tout droit surgi d’une basilique romaine. Simon Vouet (Paris, 1590 – 1649) L’Assomption de la Vierge. Étude pour le tableau du maître-autel de l’église Saint-Nicolas-des-Champs Sanguine, lavis brun. Mise au carreau à la sanguine Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 14270 C’est pour Saint-Nicolas-des-Champs que Simon Vouet exécuta sa première commande publique après son retour d’Italie en 1627 : l’Assomption de la Vierge. Cette œuvre inaugure une formule nouvelle, marquée par la scission de la composition originelle en deux registres, terrestre et céleste, adaptée au nouveau type du retable architecturé parisien. Simon Vouet (Paris, 1590 – 1649) Dieu le Père. Étude pour l’Apothéose de saint Eustache, tableau supérieur du maître-autel de Saint-Eustache Pierre noire, rehauts de blanc Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 30693 En 1635, Vouet réitéra, à l’occasion d’une commande pour la prestigieuse paroisse Saint-Eustache, la formule qu’il avait expérimentée à Saint-Nicolas. C’est ainsi qu’il livra deux peintures, le Martyre et l’Apothéose de saint Eustache, destinées à orner le retable du maître-autel de la grande église. Simon Vouet (Paris, 1590 – 1649) Étude pour l’un des fils du saint dans l’Apothéose de saint Eustache, tableau supérieur du maître-autel de Saint-Eustache Pierre noire, rehauts de blanc. Mise au carreau à la pierre noire Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 33312 Simon Vouet (Paris, 1590 – 1649) Étude pour un Christ en croix Pierre noire, rehauts de blanc Montpellier, université de Montpellier, musée Atger Inv. 290 En 1635, Louis XIII s’engageait dans la guerre de Trente Ans. La lente élaboration d’un Vœu consacrant la France à Dieu par l’intercession de la Vierge, s’inscrit dans ce contexte. Publié en 1638, le Vœu de Louis XIII promettait l’érection d’un autel à Notre-Dame de Paris, ainsi que la commande d’une image du roi offrant son royaume à la Vierge de pitié.

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Simon Vouet (Paris, 1590 – 1649) Étude pour un Christ en croix Pierre noire, rehauts de blanc Montpellier, université de Montpellier, musée Atger Inv. 291 Le tableau du Vœu de Louis XIII fut exécuté par Philippe de Champaigne. Vouet exécuta quant à lui une peinture votive, conservée à Neuilly-Saint-Front, et qui porte le même titre bien qu’elle ne réponde pas à son iconographie, le roi s’y tenant au pied du Christ en croix. Les deux études du musée Atger préparent cette composition. Simon Vouet (Paris, 1590 – 1649) L’Extase de la Madeleine Pierre noire, rehauts de blanc Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 33310 Pierre de Bérulle voyait en Marie-Madeleine non point la pénitente que le Grand Siècle honora si souvent, mais l’amante absolue de Jésus-Christ. C’est ainsi que Vouet l’a représentée, défaillante de pur amour, dans les solitudes de la Sainte-Baume où, secourue par les anges, elle passa, dit la légende, les trente dernières années de sa vie. Laurent de La Hyre (Paris, 1606 – 1656) La Déploration dans un hôpital Pierre noire, lavis gris, rehauts de blanc Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 27487 L’énigmatique Déploration de La Hyre fut probablement conçue pour les salles basses de l’Hôpital de la Charité, dont elle devait prolonger les perspectives. Les troncs d’arbres éclatés et les coins qui la bloquent dans la terre du Calvaire exaltent les vertus du bois sacré de la Croix, dont l’image était l’une des cibles des attaques protestantes. Laurent de La Hyre (Paris, 1606 – 1656) L’Imposition des mains aux sept diacres. Étude pour la tenture de Saint-Étienne-du-Mont Pierre noire, lavis gris Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 27504 Au milieu des années 1640, les marguilliers, administrateurs laïcs de la paroisse Saint-Étienne-du-Mont, commandèrent à La Hyre les dessins d’une fastueuse tenture de dix-sept pièces, dont cinq seulement devaient être réalisées de haute lisse par Pierre Laneron. Laurent de La Hyre (Paris, 1606 – 1656) Saint Étienne devant le Sanhédrin Pierre noire, lavis gris Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 27507 La tenture de Saint-Étienne-du-Mont témoigne du renouvellement de l’hagiographie tridentine en réponse aux attaques des protestants. Cette historiographie poursuit la tâche consistant à épurer les vies des saints de leurs éléments légendaires, et à leur conférer une validité historique en s’appuyant sur des sources identifiables.

Laurent de La Hyre (Paris, 1606 – 1656) Saint Étienne traîné hors de la ville. Étude pour la tenture de Saint-Étienne-du-Mont Pierre noire, lavis gris. Mise au carreau à la pierre noire Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 27509 L’austérité des compositions de La Hyre peut s’interpréter à la lueur des exigences de l’hagiographie moderne. Leur decorum antique vise à restituer avec exactitude la vie des premiers chrétiens. Leur retenue atticiste se veut à l’image de la pureté de la primitive Église, à laquelle l’Église gallicane prétendait rattacher sa propre fondation. Laurent de La Hyre (Paris, 1606 – 1656) L’Apparition du Christ aux trois Maries. Étude pour le tableau du Carmel de la rue Saint-Jacques Pierre noire, lavis gris Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 27488 Le Carmel réformé fut introduit en France par les efforts de Barbe Acarie et de Pierre de Bérulle. La spiritualité de Thérèse d’Avila s’enracine dans l’amour des images, et l’église de la maison-mère de la rue Saint-Jacques fut célèbre par ses peintures. La Hyre conçut pour elle une icône immobile et hiératique de l’Apparition du Christ ressuscité. Laurent de La Hyre (Paris, 1606 – 1656) Saint Jean à Patmos, et la Femme de l’Apocalypse Sanguine Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 27482 Près de Jean, penché sur le livre de l’Apocalypse, apparaît, nimbée d’étoiles sur le croissant de lune, la Femme vêtue de soleil, figure de l’Immaculée Conception. Objet de controverses séculaires, cette doctrine voulait que, seule parmi les créatures, la Vierge eût été exempte du péché originel. Son image fut l’un des emblème de la dévotion tridentine. Sébastien Bourdon (Montpellier, 1616 – Paris, 1671) Étude pour la Crucifixion de saint Pierre, may de 1643 à Notre-Dame de Paris Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 24991 Les grands mays de Notre-Dame sont des tableaux votifs que, chaque année à partir de 1630, les orfèvres de la confrérie de Sainte-Anne offraient à la cathédrale en l’honneur de la Vierge Marie. À l’origine, le may était un arbre. Son offrande était liée aux coutumes ancestrales qui célébraient, au premier jour de mai, le renouveau de la nature.

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Sébastien Bourdon (Montpellier, 1616 – Paris, 1671) Étude pour la Crucifixion de saint Pierre, may de 1643 à Notre-Dame de Paris Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 24992 Le clair-obscur tumultueux et les grandes obliques du may de 1643 font de la Crucifixion de saint Pierre l’une des manifestations les plus libres de l’iconophilie à l’italienne dans le Paris gallican du XVIIe siècle. Grand peintre catholique, Bourdon, originaire de Montpellier et formé à Rome et à Venise, était pourtant de confession calviniste. Eustache Le Sueur (Paris, 1616 – 1655) Étude pour la Prédication de saint Paul à Éphèse, may de 1649 à Notre-Dame de Paris Pierre noire, plume et encre brune, lavis gris. Mise au carreau à la sanguine Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques MI 909 Le Sueur reçut la commande du may de 1649. L’austère gravité, la rigueur classique de la Prédication de saint Paul, en adéquation si profonde avec la sévérité de la Réforme catholique française, offre un saisissant contraste avec l’art virtuose, coloré et lumineux de Bourdon. Eustache Le Sueur (Paris, 1616 – 1655) Les Funérailles de Raymond Diocrès Huile sur bois, transposée sur toile Paris, musée du Louvre, département des Peintures Inv. 8026 Le miracle de Raymond Diocrès inaugure le récit de la conversion de saint Bruno, fondateur de l’ordre des chartreux. À trois reprise, alors que l’officiant lisait la leçon du Livre de Job : « Réponds-moi, quel est le nombre de tes iniquités ? », le cadavre se releva pour dire qu’il avait été accusé, jugé et condamné selon le juste jugement de Dieu. Eustache Le Sueur (Paris, 1616 – 1655) Saint Bruno en oraison Huile sur bois, transposée sur toile H. 1,93 ; L. 1,30 m Paris, musée du Louvre, département des Peintures Inv. 8027 Le Sueur fut chargé de peindre la Vie de saint Bruno dans le cloître rénové de la chartreuse de Paris. L’un des panneaux qu’il y peignit montre le saint dans l’état de pure intériorité qui suit l’oraison de méditation – la prière mentale – et qui se passe ici des images matérielles. Bruno est agenouillé devant le crucifix, mais son regard s’en détourne. Eustache Le Sueur (Paris, 1616 – 1655) La Mort de saint Bruno Huile sur bois, transposée sur toile H. 1,93 m ; L. 1,30 m Paris, musée du Louvre, département des Peintures Inv. 8045 La vocation érémitique et ascétique des chartreux les avait maintenus à l’écart de la décadence générale des ordres religieux. Ils furent l’un des fers de lance de la Réforme catholique en France. Le Sueur sut en exprimer à la perfection l’esprit de silence et d’anéantissement dans la rigueur monochromatique de la Mort de Saint Bruno.

Philippe de Champaigne (Bruxelles, 1602 – Paris, 1674) La Vierge et l’Enfant Jésus debout emmailloté Sanguine, rehauts de blanc Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques RF 42229 Bérulle, profondément marqué par la mystique thérésienne, exerça une profonde influence sur le Carmel français. La dévotion à l’Enfant est le fruit de ses méditations sur l’anéantissement par lequel le Verbe s’est vidé de sa substance divine, prenant forme d’esclave, jusqu’à mourir sur une croix. L’enfance est l’un de ces moments de l’exinanition du Christ. Philippe de Champaigne (Bruxelles, 1602 – Paris, 1674) La Vision de saint Bruno Pierre noire, plume et encre brune, lavis d’encre brune Paris, musée du Petit Palais, D. Dut. 1048 Champaigne peignit à de nombreuses reprises pour les chartreux. Il offrit à la chartreuse de Paris une grande Crucifixion aujourd’hui conservée au musée du Louvre. La Vision de saint Bruno doit être rapprochée d’un tableau peint pour le monastère de Bourbon-lès-Gaillon, fondé en 1571. Eustache Le Sueur (Paris, 1616 – 1655) La Décollation de saint Protais, études pour le vitrail de la chapelle Le Roux à Saint-Gervais-Saint-Protais Pierre noire, plume et encre brune, sanguine. Mise au carreau Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques MI 1102 Le 24 mars 1652, Le Sueur reçut de la fabrique de Saint-Gervais commande d’une tenture de la Vie des saints Gervais et Protais. L’année précédente, peu après le succès de son may, il s’était vu confier par Étienne le Roux, premier marguillier de la paroisse, le décor de sa chapelle. Il y conçut une Déposition ainsi que le carton du double vitrail. Philippe de Champaigne (Bruxelles, 1602 – Paris, 1674) Étude de figures pour saint Gervais et saint Protais Pierre noire, lavis gris, sanguine Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques RF 42625 Le Sueur n’acheva qu’un seul des six cartons de la tenture qui lui avait été commandée par les marguilliers de Saint-Gervais en 1652. Les autres furent exécutés par Thomas Goussé, Bourdon, Philippe et Jean-Baptiste de Champaigne. La tenture fut tissée de haute lisse par Girard Laurent. Le programme iconographique laissait une grande liberté aux artistes. D’après Philippe de Champaigne Apparition des saints Gervais et Protais à saint Ambroise Pierre noire, plume et encre noire, lavis gris, rehauts de blanc Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 1986 La scène nocturne dont Philippe de Champaigne fit le choix est celle où les deux martyrs, par l’intercession de saint Paul, apparaissent à Ambroise de Milan et lui révèlent le lieu de leur sépulture. Le peintre, connu pour son érudition, renonce ici aux exigences critiques de l’hagiographie tridentine et s’en tient à l’autorité de la Légende dorée.

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Jean-Baptiste de Champaigne (Bruxelles, 1631 – Paris, 1681) L’Invention des corps des saints Gervais et Protais Lavis gris, sanguine, plume et encre brune Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 19858 À l’encontre du mysticisme de Philippe de Champaigne, Jean-Baptiste conçut les scènes de l’Invention des corps et de la Translation des reliques des saints Gervais et Protais suivant une structure purement narrative, répondant parfaitement à l’idéal de clarté logique qui était celui de l’historiographie tridentine. Philippe de Champaigne (Bruxelles, 1602 – Paris, 1674) Le Christ mort Huile sur bois Paris, musée du Louvre, département des Peintures Inv. 1128 Moule à hostie Fer France, XVIIIe siècle Dijon, musée d’Art sacré et de la Vie bourguignonne Inv. 981.5.46f Les plaques de pain azyme fabriquées dans ce moule étaient ensuite découpées pour en faire des hosties de deux sortes : des grandes, pour célébrer la messe et des petites, distribuées aux fidèles. Elles portent en léger relief l’image de la crucifixion ou de l’agneau pascal, pour rappeler la présence réelle du Christ dans le pain consacré. Charles Le Brun (Paris, 1619 – 1690) Projet de tabernacle pour l’église des Carmélites, 1654 Plume, encre brune, lavis gris Paris, musée des Arts décoratifs Inv. 8460 Ce tabernacle destiné à conserver les hosties prend la forme de l’arche d’alliance, fabriquée durant l’Exode pour abriter les tables de la loi. Au centre est représentée la chute de la manne, un autre événement de l’Exode, qui préfigure l’institution de l’Eucharistie. Cette savante composition souligne la continuité entre Ancien et Nouveau Testament. Ventura Salimbeni (Sienne, v. 1568 – 1614) Adoration du Saint-Sacrement, 1606 Plume et encre brune, encre rose ; mis au carreau à la pierre noire Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 1616 La dévotion envers le pain consacré connut un extraordinaire essor au moment de la Contre Réforme, surtout chez les laïques. Les hommes ici montrés au pied de l’ostensoir appartiennent probablement à l’une des nombreuses confréries qui réunissaient les dévots du Saint-Sacrement.

François Knaeps (Liège, 1629 – 1708) Ostensoir, 1663 Argent doré Liège, Grand Curtius III Inv. E 19 L’ostensoir d’orfèvrerie permet de présenter aux fidèles l’hostie. Il adopte au cours du XVIIe siècle la forme rayonnante d’un soleil, ici entouré des anges, de la Vierge et des saints. L’objet de métal manifeste ainsi la gloire invisible de Dieu présent dans le pain. Le pain blanc et son auréole d’or forment ensemble une nouvelle image. Girolamo Muziano (Acquafredda, 1532 – Rome, 1592) La Cène Sanguine Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 5096 Le Christ annonce aux apôtres qu’il va être livré, et désigne au centre de la table l’agneau pascal, qui symbolise son sacrifice. Muziano conçut quelques années après la clôture du concile cette composition, qui en reflète parfaitement les attentes de simplicité, de pédagogie et d’apologétique. Agostino Carracci (Bologne, 1557 – Parme, 1602) La Cène Plume et encre brune. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 8418 Agostino, jeune frère d’Annibale Carracci, étudie ici rapidement le groupe central pour un tableau représentant la Cène, conservé au Prado. L’agitation des apôtres autour du Christ permet de comprendre que nous assistons à l’annonce de sa trahison, plutôt qu’à l’institution de l’eucharistie. Simon Vouet (Paris, 1590 – 1649) La Cène de la basilique de Lorette Pierre noire, sanguine, lavis brun, lavis de sanguine. Mise au carreau à la sanguine et à la pierre noire Donné sous réserve d’usufruit par Georges Pébereau en 2009 Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques RF 54738 À l’ancienne représentation de la Cène, centrée sur le moment où Jésus annonce la trahison de Judas, se substitue désormais la Cène eucharistique, où le Christ-prêtre consacre le pain et le vin. La Cène que Vouet peignit pour la confrérie du Saint Sacrement de la basilique de Lorette y associe le thème de la communion des apôtres. Philippe de Champaigne ( ?) La Cène Pierre noire, pinceau, encre noire, lavis gris, rehauts de blanc Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 19860 La Cène conçue par Champaigne pour le chœur de Port-Royal de Paris et qu’il reproduisit dans la suite au monastère des Champs relève de la pure typologie de la consécration des espèces. Le présent dessin est considéré par les uns comme préparatoire au tableau et par d’autres comme une copie.

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Philippe de Champaigne (Bruxelles, 1602 – Paris, 1674) La Petite Cène Huile sur toile Paris, musée du Louvre, département des Peintures Inv. 1125 Philippe de Champaigne peignit deux grandes Cènes pour chacun des monastères de Paris et des Champs, ainsi qu’une version réduite, la Petite Cène, dont la nature, modello ou répétition, est toujours discutée. Nicolas Bonnart (Vers 1637 – 1718) La Cène Pierre noire Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 19875 La Cène de Bonnart s’inspire de celle de Philippe de Champaigne. Le Christ s’y désigne lui-même en montrant le pain consacré, allusion au verset de saint Jean : Je suis le pain vivant, descendu du Ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais. Et le pain que moi, je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. (Jn 6, 51) Antoine Bouzonnet-Stella (Lyon, 1637 – Paris, 1682) La Cène Plume et encre brune, lavis gris, rehauts de blanc Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques Inv. 12508 Bouzonnet-Stella, comme Poussin en avait donné le modèle, introduit ici le motif du triclinium, ensemble de trois lits sur lesquels s’allongeaient les convives des banquets romains. L’intérêt pour les questions archéologiques était en adéquation avec le désir de vérité et d’historicité de la Réforme catholique. Matthieu Le Nain (Laon, vers 1607 – Paris, 1677) Les Pèlerins d’Emmaüs Huile sur toile Paris, musée du Louvre, département des Peintures RF 1950-8 À Emmaüs, ses deux disciples reconnurent Jésus qui les avait accompagnés depuis Jérusalem, le jour de la Résurrection, au moment où il rompit le pain. Dans le tableau de Matthieu Le Nain, l’épisode conté par Luc est interprété comme la première réitération du sacrement institué lors de la Cène. Le Christ-prêtre y consacre et le pain, et le vin. Louis (ou Antoine ?) Le Nain (Laon, vers 1600/1610 – Paris, 1648) Repas de paysans, 1642 Huile sur toile Signé et daté à gauche, sur le banc : LENAIN. FECIT. AN. 1642. Paris, musée du Louvre, département des Peintures MI 1088 Le Repas de paysans, transposition profane des Pèlerins d’Emmaüs, doit être lu à la lumière des enseignements associés par l’Église au récit de saint Luc : l’incitation à l’hospitalité et à la charité, et la promotion de l’Eucharistie. Il reflète les pratiques caritatives et dévotionnelles des élites parisiennes actives au sein de la Compagnie du Saint-Sacrement.

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Visuels disponibles pour la presse La fabrique des saintes images L’utilisation des visuels a été négociée par le musée du Louvre, ils peuvent être utilisés avant, pendant et jusqu’à la fin de l’exposition (2 avril – 29 juin 2015), et uniquement dans le cadre de la promotion de l’exposition. Merci de mentionner le crédit photographique et de nous envoyer une copie de l’article à l’adresse [email protected]

1. Atelier de Philippe de Champaigne, La Sainte Face. Huile sur panneau de chêne. H. 36,6 cm ; l. 27,7 cm. Paris, musée du Louvre. RF 3165 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Le Mage

2. Le Caravage, La Mort de la Vierge. Huile sur toile. H. 369 cm ; l. 245 cm. Paris, musée du Louvre. RF 3165 © Vienne, Erich Lessing

3. Annibale Carraci, La Vierge à l’écuelle. Plume et encre brune, lavis brun. H. 14,4 cm ; l. 17,7 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 7142 © Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais / Suzanne Nagy

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4. Guido Reni, Le Christ au roseau, dit aussi Ecce Homo, vers 1640. Huile sur toile. H. 60 cm ; l. 45 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 528 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Stéphane Maréchalle

5. Guido Reni, Saint André Corsini en extase. Pierre noire et sanguine sur papier bleu décoloré. Collé en plein sur un montage Mariette. H. 36,6 cm ; l. 27 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 8922 © Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais / Suzanne Nagy

6. Le Bernin, Saint Jérôme devant le crucifix. Plume et encre brune, lavis brun. H. 39,3 cm ; l. 29,5 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 9575 © Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais / Suzanne Nagy

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7. Le Bernin, Le Christ enfant. Marbre. H. 63 cm ; l. 80 cm ; P. 17 cm. Paris, musée du Louvre. MR 2733 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec

8. Pietro da Cortona, Sainte Bibiane. Sanguine sur papier doublé. H. 21,4 cm ; l. 19,5 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 14777© RMN Grand-Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

9. Simon Vouet, L’Extase de la Madeleine. Pierre noire, réhauts de blanc. H. 32,3 cm ; l. 23,5 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 33310 © Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais / Suzanne Nagy

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10. Eustache Le Sueur, Raymond Diocrès. Pierre noire et rehauts de blanc. H. 23 cm ; l. 41 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 30713 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Christophe Chavan

11. Laurent de La Hyre, La Déploration devant un hôpital. Pierre noire, lavis gris, rehauts de blanc. H. 36,6 cm ; l. 29,3 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. 27487 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Le Mage

12. François Knaeps, Ostensoir. Argent doré. H. 84 cm ; l. 33 cm. Liège, Grand Curtius. © Ville de Liège Grand Curtius