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É D C A T O L U I N MAISO N D E Dossier pédagogique FORÊTS Wajdi Mouawad Dossier pédagogique Dossier

Dossier Forets

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Dossierpédagogique

FORÊTSWajdi Mouawad

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FORÊTSWajdi Mouawad

Ce dossier pédagogique destiné aux professeurs a été réalisé parCaroline Jouffre,professeur de lettres relais de l’Inspection académique des Yvelines auprès de la Scène nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines

Novembre 2009 2

I. Biographie

II. Le texte

1) Genèse

2) Construction de l’œuvre

3) Argument

4) L’écriture

5) Analyse des personnages

6) Analyse des thèmes

III. Dramaturgie

1) Adaptation du texte

2) Réflexions sur la mise en scène

3) Mise en scène

Scénographie

L’univers sonore

Personnages en jeu

Esthétique cinématographique

IV. Revue de presse

V. Ressources

Sitographie

Bibliographie

Iconographie

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I. BiographieOn peut lire dans Le Monde du 27 octobre 2006 un article de Fabienne Darge, intitulé Wajdi Mouawad : le théâtre comme antidote à l’exil :

« D’abord, donc, il y a l’enfance : Beyrouth, au tournant des années 1960-1970. Wajdi Mouawad naît dans une famille chrétienne aisée – un milieu occidentalisé, très francophile : « Mais mon père, qui venait de la montagne, a tenu à nous donner des prénoms arabes. Nous étions les seuls, parmi nos cousins et nos camarades de classe, à ne pas avoir de prénoms français. Cela a sonné comme un rappel constant de mon étrangeté. Un signe que je n’étais pas d’ici… »

Ce prénom, Wajdi, qui signifie « mon existence » en arabe, va signer définitivement cette étrangeté quand la famille arrive à Paris en 1978, après quatre ans de guerre. « Comme tous les Libanais, nous pensions que la guerre allait se terminer rapidement et que nous repartirions. » Le conflit s’éternise, s’enlise. Les trois enfants Mouawad restent à Paris, avec leur mère. Le père, qui a été ruiné par la guerre, tente là-bas de sauver ce qu’il reste de ses affaires.

Wajdi Mouawad est alors « un exemple parfait d’intégration réussie » : excellent élève, entouré d’amis, capitaine de l’équipe de rugby du collège. « Mais sans le savoir, sans le dire, nous étions totalement défigurés par cette guerre, par cet exil. C’est peut-être la grande illusion des civils : croire que, parce que vous avez quitté un lieu en guerre pour un lieu en paix, vous êtes sain et sauf. » Cette fugue qu’il fait à l’âge de 11 ans, au cours de laquelle il s’arrête dans ce café parisien emblématique, synthétise le malaise. « Le sentiment qui m’a éduqué, c’est l’inquiétude de ma mère », dit-il aujourd’hui. Cet équilibre relatif est encore brisé quand les parents Mouawad décident, six ans plus tard, sans explications, d’émigrer à nouveau, vers le

Québec cette fois. (…) »Dans le dossier pédagogique proposé

par la compagnie Au carré de l’hypoténuse, on lit une autre explication sur le départ de France : « un pays d’adoption qu’il doit à son tour quitter en 1983, l’État lui refusant les papiers nécessaires à son maintien sur le territoire ».

« Ce nouvel exil a été extrêmement rude, avoue-t-il. Je me sentais comme quelqu’un qui vient de survivre à une avalanche, qui remonte à la surface et qui reçoit une nouvelle masse de neige sur la tête. » confie-t-il à la journaliste du Monde.

Surtout, « au fur et à mesure que je m’éloignais du Liban, mon prénom devenait une chose qui s’étirait, se déformait, perdait son sens, devenait l’objet d’abréviations », observe-t-il. Années noires, lourdes, vides. Sa mère meurt, d’un cancer. Mais c’est son visage brouillé, perdu, qui va être à l’origine de son identité d’écrivain et d’artiste.

Il commence à écrire à 16 ans. La recherche de ce visage est au cœur de son écriture, dans ses pièces comme dans son unique roman, qui s’intitule d’ailleurs Visage retrouvé (éd. Actes Sud, comme ses pièces). « Prenez un enfant dont le jouet préféré se casse. Il essaie de recoller les morceaux, mais ce n’est jamais tout à fait comme avant. Maintenant, poursuit-il, en conteur de sa propre histoire, imaginez que ce n’est pas le jouet qui se casse, mais sa conviction profonde que le monde dans lequel il vit est beau et merveilleux. La peine qu’il en éprouve est tellement profonde qu’il en a pour la vie à essayer de recoller. Et à chaque tentative, cela donne une pièce de théâtre… »

Aujourd’hui, son passeport est canadien. Mais quand on le tarabuste pour savoir s’il se sent plutôt « libanais, français ou québécois », il répond qu’il est juif ou tchèque. Parce qu’il se sent plus proche de Kafka que de n’importe qui. « Et parce que j’écris. L’écriture et l’exil ont partie liée, depuis toujours. »

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Quand la guerre a de nouveau éclaté au Liban, cet été, cela l’a « mis en morceaux ». Il s’est senti tenu, vis-à-vis de la communauté libanaise de Montréal, de prendre la parole – le texte de son intervention a été publié dans Courrier international du 3 août. Non pour émettre une position politique – « Je ne voulais surtout pas singer les politiciens qui prétendent comprendre la situation » – mais pour tenter de « cerner l’impuissance et le désarroi qu’il y avait à se retrouver dans ce choix impossible : celui de la haine ou celui de la folie ».

On complétera ce portrait en disant que c’est au Québec qu’il fait ses études et obtient en 1991 le diplôme en interprétation de l’École nationale de théâtre du Canada à Montréal. Il codirige aussitôt avec la comédienne Isabelle Leblanc sa première compagnie, Théâtre Ô Parleur.

En 2000, il est sollicité pour prendre la direction artistique du Théâtre de Quat’sous à Montréal pendant quatre saisons. Il crée cinq ans plus tard les compagnies de création Abé Carré Cé Carré avec Emmanuel Schwartz au Québec et Au Carré de l’Hypoténuse en France.

Au cours des quinze dernières années, Wajdi Mouawad s’est imposé au Canada autant qu’en France par la vigueur de sa parole et la singulière netteté de son esthétique théâtrale. Il s’est acquis une réputation internationale grâce à un théâtre mu par une puissante quête humaniste ; théâtre qui met en avant l’acteur comme porte-parole au sens fort de ce terme. Sa démarche va toujours dans le sens d’une prise de parole qui installe une tension entre la nécessité de la résistance individuelle et le non moins nécessaire renoncement à l’emprise du moi. À ce propos, il aime citer Kafka : « Dans le combat entre toi et le monde, seconde le monde. »

Mettant en scène ses propres textes Littoral (1997), Willy Protagoras enfermé

dans les toilettes (1998), Rêves (2000), Incendies (2003), Forêts (2006) et Seuls (2008), Wajdi Mouawad s’intéresse aussi à Shakespeare (Macbeth), Cervantès (Don Quichotte), Irvine Welsh (Trainspotting), Sophocle (Les Troyennes), Frank Wedekind (Lulu le chant souterrain), Pirandello (Six personnages en quête d’auteur), Tchekhov (Les Trois Sœurs), Louise Bombardier (Ma mère chien)…

Depuis septembre 2007, il est directeur artistique du Théâtre français du Centre national des Arts d’Ottawa et parallèlement, s’associe avec sa compagnie française en 2008 à l’Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie.

Travaillant des deux côtés de l’Atlantique, il réunit autour de ses projets de nombreux partenaires, acteurs, concepteurs et théâtres français et québécois.

Il est en 2009 l’artiste associé du Festival d’Avignon où après avoir présenté Littoral en 1999 et Seuls en 2008, il propose Le sang des promesses (Trilogie : Littoral/Incendies/Forêts) et Ciels.

« Ne pas s’enraciner, pour ne pas se déraciner. L’écriture comme seul ancrage. » dit-il aussi. Tout cela traverse la petite dizaine de pièces écrites par le jeune auteur metteur en scène, et notamment les dernières, Littoral, Incendies et Forêts, qui forment un cycle de l’exil et des origines au souffle extrêmement puissant. Wajdi Mouawad n’y raconte pas sa vie. Mais ses identités multiples et successives ont produit une interrogation sans équivalent dans le théâtre francophone d’aujourd’hui sur les imbrications entre les histoires individuelles et la grande histoire.

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Pistes de travail Apprendre à rédiger une biogra-phie. À partir de la biographie présen-tée ci-dessus, faites réaliser une fiche biographique plus synthétique. Réaliser une interview. Faites imaginer une interview de l’auteur par un journaliste. Les élèves doivent imaginer les questions possibles à partir des éléments de réponses qu’ils possèdent et qui figurent ci-dessus.

II. Le texte1) Genèse

Il faut partir de Littoral, pièce coécrite en 1997 et qu’il conçoit rapidement comme le premier volet d’une tétralogie comprenant : Littoral, Incendies, Forêts et Ciels. « Comment tout cela a commencé ? Si l’on veut une histoire, je dirais que, écrivant Incendies en 2003, je me battais contre la mauvaise impression de me répéter. Avant, il y avait eu Littoral et l’écriture se liait, se mélangeait ; des phrases, voire des paragraphes entiers pour ne pas dire une manière de raconter, émigraient allègrement de l’un à l’autre, me donnant la sensation assez désagréable de me copier moi-même. Cela ressemblait à un manque d’imagination flagrant puisque sans écrire la même histoire, Incendies racontait la même chose que Littoral. Alors à quoi bon écrire Incendies ? Ainsi est née l’idée d’une suite. Incendies serait la seconde partie de « quelque chose » dont Littoral est la première. Quel est donc ce « quelque chose » et qu’est-ce qui le constitue ? (…) Poser la question, c’était faire apparaître un horizon dégagé et, de cet horizon, j’ai vu venir quelqu’un, une ombre magnifique et passionnante à contempler dans cette marche qui l’a menée jusqu’à moi pour me dire : « c’est moi, je suis Forêts » », explique Wajdi Mouawad dans la préface de Forêts de 2006.

Les quatre pièces forment un ensemble intitulé Le sang des promesses et sont liées d’abord par leur titre : quatre noms communs sans déterminant (dont trois pluriels) comme pour donner à voir tous les incendies, les forêts et les ciels du monde. Le second point commun aux titres est leur renvoi aux quatre éléments fondamentaux.

Outre le titre, les trois premières pièces présentent des questionnements identiques sur l’identité, l’origine et la promesse. Dans Littoral, Wilfrid recherche une sépulture pour son père qui vient de mourir ce qui l’entraîne dans le pays de ses origines ; dans Incendies, Jeanne recherche, au décès de sa mère, son père et un frère dont elle ignorait l’existence ; dans Forêts enfin, Loup cherche à élucider, suite au décès de sa mère, le secret qu’elle portait en elle. Trois décès entraînent trois quêtes, trois départs, trois odyssées comme se plaît à le souligner l’auteur.

On y retrouve une typologie commune des personnages (le paléontologue de Forêts le notaire d’Incendies par exemple). Ciels est en décalage, comme en contrepoint tant du point de vue esthétique que du fond.

Pistes de travail Étudier des titres. On donnera aux élèves les titres de la tétralogie et leur date de parution puis on leur demandera d’en pro-poser une étude aussi précise que pos-sible en analysant notamment quels en sont les points communs, les différences. À partir de leurs remarques, les élèves élaboreront des hypothèses de lecture. Comprendre la logique de la tétralogie. À partir des articles sur le festival d’Avignon qu’on peut consulter dans le dossier sur Ciels, dans « Pièces démontées » (CRDP de Paris) et des commentaires de l’auteur audi-bles sur les sites : http://www.youtube.com/watch?v=-YAaAQQ2VYI&feature=related (commentaire sur le Sang des promesses)

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et http://www.festival-avignon.com/index.php?r=126&showYear=2009&showVideo=1475#s/elected_video (conférence de presse du 6 juillet 2009 de Mouawad au Festival d’Avignon), les élèves pourront étudier les thèmes récurrents des quatre pièces.

2) Construction de l’œuvre

Le texte ne se construit pas de manière classique avec un découpage en actes et en scènes. On voit cependant sept grandes parties portant des titres, un peu comme le théâtre romantique de Victor Hugo :

– Le cerveau d’Aimée– Le sang de Léonie– La mâchoire de Luce– Le ventre d’Odette– La peau d’Hélène– Le sexe de Ludivine– Le cœur de LoupLes titres mettent en lumière, là

encore, des relations étroites entre les grands ensembles : ils comportent tous des groupes nominaux avec un article défini, un nom qui désigne une partie du corps humain et un complément du nom qui renvoie à un personnage féminin. Toutes ces femmes constituent le passé de Loup. La quête de Loup commence avec sa mère, qui constitue une énigme, et ne s’achève que dans la dernière partie qui porte son prénom.

Les prénoms féminins ne sont pas classés dans ces titres chronologiquement, c’est Loup, à la fin de la pièce (page 100) qui recrée un arbre généalogique des femmes : « Odette, Hélène, Léonie, Ludivine, Sarah, Luce, Aimée, Loup ». Elles permettent cependant l’analepse puis un retour au temps présent avec des éclaircissements successifs.

Ces parties sont elles-mêmes divisées en « scènes », vingt-quatre au total. Leur numérotation couvre l’ensemble de l’œuvre comme pour effacer les divisions entre parties. Par ailleurs, le nom de scène

est peu propre dans la mesure où dans une même unité, on peut voir s’entrechoquer d’un côté Baptiste, Aimée et Freedman qui l’examine et de l’autre côté, Douglas Dupontel, 16 ans après, qui explique à Loup le problème physiologique dont sa mère souffrait. On peut enfin rajouter que les « scènes » sont elles-mêmes subdivisées en unités temporelles.

On observe donc un morcellement des grands ensembles qui correspond au foisonnement de la pièce et aux juxtapositions ou plutôt aux imbrications des espaces et des temps.

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Si l’on examine les grands ensembles plus en détail (figurent dans les tableaux ci-dessous les découpages « scéniques » des grands ensembles et leur titre), on peut dégager la trame narrative suivante :

Le cerveau d’Aimée0racle Examen neurologique Radiographies

Nov 1989, Aimée annonce qu’elle attend une petite fille, crise d’épilepsie d’Aimée.

Elle voit un soldat de 1914 nommé Lucien Blondel durant ses crises d’épilepsie.

Freedman, neurologue, décèle une tumeur qui s’est formée autour d’un os niché au cœur du cerveau

Zoo La fosse

Trois sœurs veillent sur un soldat déserteur, Lucien Blondel. Léonie, enceinte de lui, lui demande de tuer son frère jumeau vivant dans une fosse et retenant prisonnière leur mère.

Une fois l’enfant née, Ludivine, Lucien descend dans la fosse.

On est dans la forêt des Ardennes en 1917. En contrepoint, Douglas révèle à Loup que l’os présent dans la tête de sa mère est une mâchoire supérieure, partie manquante à une tête trouvée dans un camp de concentration, en morceaux, par le père de Douglas. Le père de Douglas a consacré sa vie à reconstituer ce crâne, il a demandé à son fils avant de se suicider de reconstituer « le visage de cette femme ». Pourquoi cette mâchoire supérieure se retrouve-t-elle dans la tête d’Aimée, quelque quarante ans plus tard ?

La mâchoire de Luce

Achille Volant Luce

Luce est dans une maison depuis 30 ans soit depuis 1976. Achille raconte son passé, sa déchirure. Luce attend sa mère biologique, depuis toujours. Elle ne s’est jamais remise de cet abandon. C’est une des déchirures de Luce.

L’autre blessure vient de ses dents arrachées à l’âge de 12 ans pour deux dents cariées seulement. Elle apprend par sa mère adoptive le nom de sa mère biologique : Ludivine. Un soir de fête trop arrosée, elle est secourue par une femme, Sarah qui lui apprend que sa mère est morte ainsi que son père en camp de concentration. Ludivine a eu le crâne écrasé par des coups de marteaux.

Diagnostic Des femmes Césarienne

L’os est un embryon, selon Freedman, le jumeau d’Aimée. Conflit d’intérêt entre sa santé et son bébé.

Elle choisit de ne pas avorter car 14 femmes se sont fait tuer le jour où elle devait avorter.

Naissance de Loup

L’intrigue principale explique la naissance de Loup et le sacrifice de sa mère. En contrepoint, Loup écoute Douglas Dupontel qui l’invite à comprendre le mystère de cet « os ». Mais Loup a promis à Aimée que l’os ne serait pas analysé scientifiquement. On est à Montréal en 1989 puis en 2005, quatre ans après la mort d’Aimée.

Le sang de Léonie

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Père et fils Passion Longue distance Edmond le girafon

En 1871, Albert refuse de suivre son père, part avec Odette qu’il a épousée, enceinte d’un autre qui l’aurait violée.

Odette aime et est aimée d’Alexandre, père d’Albert. C’est son enfant qu’elle porte. Elle part avec le fils ne pouvant avoir le père.

Loup s’humanise et appelle son père.

Ludivine interroge Edmond dans un asile d’aliénés. Il est celui qui peut lui expliquer sa naissance.

Le ventre d’Odette Cimetière Je ne t’abandonnerai jamais

Le bonheur des girafes

Odette attend des jumeaux. Albert veut partir fonder un paradis au cœur des forêts ardennaises.

Dupontel et Loup cherchent la sépulture de Ludivine. Où est-elle ?

Edmond prononce une phrase « je ne t’abandonnerai jamais », celle-là même que Ludivine porte dans son dos, tatouée.

Explication du surnom d’Edmond : son affinité avec les girafes. Loup trouvera une réponse en allant voir le notaire qui s’est occupé de la succession Keller.

Tout commence en septembre 1871 alors que le patriarche Keller s’apprête à abandonner la nationalité française au profit de la nationalité allemande. Odette est à l’origine de la lignée des femmes. Elle est le ventre, la matrice du mystère ; la partie qui porte son nom est d’ailleurs centrale dans l’œuvre. Douglas Dupontel résume les faits ainsi p. 68 : « Alexandre Keller a eu Albert. Albert a eu, avec Odette Gagarine, trois enfants : des jumeaux, Hélène et Edgar, puis, un fils, nommé Edmond. Ensuite Albert s’installera avec sa famille dans un domaine au milieu de la forêt des Ardennes à partir de 1874. Si Ludivine est issue de cette famille, cela signifie, Loup, que vous-même en êtes issue. ». On remonte le temps par intermittence grâce à la conversation entrecoupée d’Edmond le Girafon et de Ludivine. Cette dernière cherche depuis longtemps à comprendre le tatouage qu’elle porte dans le dos. Elle finit par retrouver Edmond dans un asile de fous pendant la seconde guerre mondiale.

On est le 12 février 2006, à Matane à l’embouchure du Saint-Laurent. Dans cette partie, les personnages évoluent presque uniquement dans une seule époque, 2006. On note un seul retour en arrière avec l’apparition de Sarah Cohen qui retrouve Luce et lui donne une photo de Ludivine et du réseau Cigogne. Mais Luce devine qu’un chaînon manque à son histoire : « depuis ce jour, je regarde cette photo et un détail m’échappe comme si quelque chose ne tourne toujours pas rond dans cette histoire » (p. 50).

Le ventre d’Odette

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La peau d’Hélène

Pluie

Dans la forêt, Odette, Edgar et Edmond assistent à la passion qui lie Albert à Hélène. Pour Albert, il n’est pas question d’inceste puisque Hélène est le fruit d’un viol. Ce n’est donc pas sa fille ; il ignore qu’elle est sa demi-sœur. Ils ont des enfants : Jeanne, Marie. En 1900, Odette perd la raison ; Edgar, fou de douleur, tue Albert, viole sa sœur et se jette dans la cage aux ours. Odette se jette à son tour dans la fosse aux fauves. Edmond part dans le monde pour y préparer l’arrivée de sa sœur et celle de ses filles, il lui promet de ne jamais l’abandonner mais ne reviendra que beaucoup plus tard. À sa sortie de la forêt, il a été interné dans un asile d’aliénés ; il n’a pas supporté l’enfer du monde et de la guerre. Après avoir été retrouvé par Ludivine, donc entre 1940 et 1944, il promet qu’il ira sauver sa sœur Hélène.Après son départ, Hélène se rend compte qu’elle est enceinte : de son frère ou d’Albert. Elle aura des jumeaux : une fille Léonie et un garçon monstrueux.Quand Edmond reviendra au zoo, après guerre, il ne trouvera que Léonie, sa nièce, qui lui raconte qu’elle a eu une fille, Ludivine, avec un soldat Lucien Blondel. Lucien a échoué à délivrer Hélène, retenue prisonnière par son fils. Léonie a fui cet univers de mort et est allée déposer sa fille dans un orphelinat. Elle meurt en 1951 et sera enterrée par Edmond. Rebondissement : Luce n’est pas la fille de Ludivine car cette dernière était stérile et ne pouvait pas avoir d’enfant.

Un seul sous-titre à ce grand ensemble alors que l’on côtoie au moins quatre époques et trois lieux. C’est sans nul doute la partie la plus riche en informations et en rebondissements. On suit la famille d’Albert Keller dans la forêt grâce au récit que fait Edmond à Ludivine.

Loup se rapproche du mystère car elle se trouve chez le notaire d’Edmond Keller. Celui-ci a laissé en 1951 un cahier destiné à toute personne qui s’enquerrait de lui et il a ordonné la vente d’une propriété dans la forêt des Ardennes.

La suite du récit d’Edmond se poursuit par l’intermédiaire de la lecture de son carnet par Douglas Dupontel. Le carnet retranscrit le récit que Léonie a narré à Edmond, à son retour au zoo.

On a donc le mystère des Keller révélé par Edmond à Ludivine par son propre témoignage puis par le témoignage de Léonie qu’il rapporte. Loup, elle, en prend connaissance par la lecture de Dupontel.

Les récits s’enchevêtrent comme les époques. Mais quand le puzzle semble prendre forme, une nouvelle donnée relance les interrogations : Ludivine, stérile, n’est pas la mère de Luce, qui est l’aïeule de Loup ?

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Le sexe de LudivineSamuel Cohen Sarah Cohen Ludivine Davre

Le grand-père du notaire était dans la résistance avec Ludivine, dans le réseau Cigogne. Ludivine était très liée avec Sarah depuis les Beaux arts en 1936. Elles y rencontrent Samuel avec qui elles fonderont le réseau Cigogne. Sarah et Samuel attendent un enfant.

Ludivine veut que Sarah se cache pour sauver son enfant. Elle ne peut en avoir car elle est hermaphrodite. Le bébé, Luce, passe en Amérique avec un aviateur anglais par le biais du réseau cigogne. Ludivine dit à l’aviateur que le bébé est la fille de Ludivine Brouillard. Quand Sarah retrouvera Luce, elle ne lui dira pas la vérité. Elle lui dit que ses parents étaient Ludivine et Samuel Cohen et que Ludivine est morte dans un camp de concentration en mai 1944 à Treblinka, la tête fracassée à coups de marteau.

Ludivine Brouillard s’appelait Davre. Elle prend les papiers de Sarah au moment d’une arrestation et échange leur photo.

Cette fois-ci, c’est le notaire qui devient le passeur de mémoire puisque l’histoire de son grand-père est liée à celui de Ludivine. Il peut expliquer à Loup quelles sont les personnes qui figurent sur la photo que lui a donnée Luce, photo que lui avait remise Sarah Cohen. Sarah est donc la mère de Luce, la grand-mère d’Aimée et l’arrière-grand-mère de Loup. Nous sommes tantôt en 2006, tantôt durant la seconde guerre mondiale.Le cœur de Loup

La vérité éclate en gardant des parts d’inexplicable et de merveilleux. Loup s’engage dans la vie, débarrassée de tout sentiment de culpabilité.

On peut voir, à l’issue de ce résumé, combien il est complexe de schématiser la pièce et d’en expliquer la composition. Elle s’apparente aux narrations qui couvrent plusieurs décennies ce qui donne une épaisseur romanesque à la pièce de théâtre.

Douglas Dupontel Le cœur de Loup

Il fait la synthèse : il n’existe aucun lien de parenté entre Ludivine et Sarah pourtant on trouve une trace de Ludivine dans le cerveau d’Aimée, descendante de Sarah. Osmose et prolongement dus à l’amitié.

Apaisée, Loup peut enfin enterrer sa mère. Elle sait d’où elle vient et a fini par trouver la paix dans cette quête qui l’a menée dans les abîmes ; elle peut aimer maintenant, certaine de l’avoir été. Elle peut promettre qu’elle sera la mémoire de toutes ses femmes.

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Pistes de travail Étudier des titres. On peut donner les sept titres des parties à étudier aux élèves afin qu’ils aient conscience de la pré-dominance des personnages féminins et de la dimension très physique, charnelle des souffrances qui les ont déchirées. Reconstruire une chronologie. À partir des éléments ci-dessus, on peut demander aux élèves de narrer l’intrigue principale en re-constituant la chronologie des faits afin que les élèves comprennent mieux l’intrigue. Étudier les temps de l’intrigue. Les élèves peuvent s’attacher à l’étude des temps (les dates et leurs événements, l’histoire individu-elle et l’histoire collective). Cette étude peut déboucher sur un développement : Comment l’œuvre mêle-t-elle les destins individuels et le destin collectif ? Les élèves pourront étayer leur réflexion à l’aide de la lecture de quelques pages (13 et 23) qui expliquent que le destin de Loup se lie à deux événements : un événement historique, la chute du mur de Berlin, et un fait divers, quatorze femmes tuées par un tireur fou à l’école polytech-nique de Montréal, le 6 décembre 1989. On peut compléter cette lecture par l’écoute du compte rendu du fait divers sur le site http://archives.radio-canada.ca/dossier.asp?IDDossier=382. Cette recherche permet aussi de mesurer le désir de Wajdi Mouawad d’ancrer sa pièce dans une réalité historique. Saisir les enchevêtrements des destins in-dividuels. On proposera aux élèves d’analyser comment quelques personnages apparais-sent comme pivot dans l’œuvre. En effet, ils jouent le rôle de passeur de mémoire ou de pont entre des personnes ou des faits. En ex-emple, on peut évoquer le notaire Pierre Pe-tit qui détient le cahier d’Edmond Keller et a hérité d’un tableau de la famille Keller, peint par Ludivine, de son grand-père Amboise Petit. Or Amboise faisait partie du réseau Cigogne avec Ludivine. C’est une façon de saisir les liens tissés entre les personnages alors qu’ils paraissent totalement étrangers.

Comprendre le principe des enchevêtre-ments spatio-temporels. On peut proposer la lecture d’un extrait de la partie intitulée « La peau d’Hélène », les pages 80 à 82. Les élèves distingueront les superposi-tions d’époque et les paroles d’Edmond en 1900, de Ludivine vers 1940, celles de Loup en 2006 qui se font écho avec le « je ne t’oublierai jamais ! ». On les invit-era à étudier comment le metteur en scène peut diriger ses comédiens pour rendre compte de cette diversité temporelle et créer une intensité dramatique maximale.

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3) Argument

Voici le point de départ : Loup, une jeune fille de notre temps, apprend par son père que sa mère, Aimée, était atteinte d’une tumeur insolite au moment où elle lui a donné naissance : dans son cerveau, se sont fossilisés un fœtus et une mâchoire humaine ! Un paléontologue, Douglas Dupontel, découvre à son tour que cet os a le même ADN qu’un crâne humain découvert dans un charnier à Dachau par son père.

En compagnie de Douglas, Loup, très réticente et agressive, va donc partir à la recherche de ses origines. À qui appartient cette mâchoire ? Qui est ce Lucien qu’évoque Aimée lors de ses crises d’épilepsie ?

En ce sens, Forêts apparaît comme une intrigue policière. Douglas Dupontel est lié à la quête personnelle de Loup dans la mesure où il a promis à son père de reconstituer un crâne.

Loup va donc partir à la découverte d’une étrange lignée de femmes, ses ancêtres, qui vont la mener jusqu’à une forêt ardennaise au début du siècle, pendant la Première Guerre Mondiale. Elle va y découvrir la monstruosité des origines mais trouver aussi la réconciliation, l’apaisement.

4) L’écriture

Wajdi Mouawad qualifie dans la conférence de presse à Avignon, du 6 juillet 2009, ses pièces de « bavardes ». Il s’explique sur le sens de l’adjectif en disant qu’il ne s’interdit rien : ni les différents niveaux de langue, ni le mélodramatique, ni le poétique, ni les expressions en patois, ni les expressions anglo-saxonnes. Cet effet de patchwork d’écritures tente de donner une vision plus juste du monde. Dans la mesure où ce dernier n’est pas uni et lisse, mais plutôt éclaté, les écritures veulent rendre compte de cet éclatement.

Ce qui peut expliquer aussi cette diversité, ce sont les lectures assez

disparates qui ont nourri Wajdi Mouawad. Il dit de la littérature qu’elle est sa patrie et il évoque parmi ses lectures de jeunesse Bob Morane ou le Club des cinq chez qui il peut puiser une forme d’héroïsme ou le sentiment de l’enfance. Ce sentiment lui apporte une naïveté vitale. Il s’explique dans une interview dont les propos sont recueillis par Antoine de Baecque et Jean-François Perrier (théâtre contemporain.net) :

Votre patrie serait donc la littérature. Quels sont les auteurs qui vous ont le plus impressionné ?Deux rencontres ont été constitutives de ce que je suis devenu d’autant qu’elles ont eu lieu à l’adolescence : Franz Kafka et les interprètes des chansons françaises, Jacques Brel, Édith Piaf, Léo Ferré, Serge Reggiani et plus tard Bertrand Cantat. C’est ce mélange entre le Talmud et le cri du chanteur qui sont au fondement de mes sensations. L’un ne pourrait pas aller sans l’autre. Je serai incapable d’en dire plus. C’est comme ça. J’aime faire dialoguer ensemble Sainte Thérèse de Lisieux et Nietzsche car tous deux sont aussi fous l’un que l’autre et leur folie me bouleverse car je reconnais la mienne et du coup je n’ai qu’une envie : l’exprimer aussi aveuglément qu’ils l’ont exprimé. Je serais incapable de dire pourquoi c’est tombé sur moi, sauf peut-être parce que j’étais un lecteur assidu de tout ce qui me passait sous les yeux : Bob Morane, la Bibliothèque Rose, le Club des 5… Sans doute parce que cela correspond à la période où je suis arrivé en France et que je vivais dans une très grande solitude. Je rêvais d’être ces héros dont je constatais, en me regardant dans la glace, qu’ils étaient très loin de moi… Un jour, j’avais treize ans, en me promenant dans la bibliothèque, je suis allé voir le rayon des « grands », des adultes, et j’ai pris un livre que j’ai ouvert à la première page et j’ai lu : « Un matin, au sortir de rêves agités, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans

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son lit en une horrible coquerelle ». C’était extraordinaire. J’ai découvert ensuite que ce livre La Métamorphose mettait en scène un garçon dans sa famille, avec un père, une mère, une sœur et j’en suis resté transpercé. Je me voyais en Grégoire Samsa. Pour les chansons, je choisissais celles qui portaient en elles une puissance émotive et lyrique. C’était le mouvement de la chanson et la voix du chanteur qui m’intéressaient plus que les paroles que je ne comprenais pas toujours, même si c’est avec ces chanteurs que j’ai vraiment appris le français. Au Québec ce furent les Pink Floyd, Dépêche Mode et tous les groupes rock qui proposaient aussi une forme de lyrisme. C’est pourquoi quand je suis tombé sur Lautréamont, je l’ai violemment préféré à Rimbaud. J’ai écrit pour écrire comme Kafka, pour retrouver le mouvement émotif de Jacques Brel pour toucher à la folie d’Isidore Ducasse. Tout vient de là, vraiment de là.Votre admiration pour Céline vient-elle de ce qu’il est considéré comme un écrivain qui a écrit à partir de la langue du peuple des faubourgs et de la banlieue parisienne ?Quand j’ai lu Mort à crédit, j’ai cru que c’était un texte anglais qui avait été traduit en français… Je croyais lire un auteur américain… Céline ouvre des espaces inconnus et surtout, il raconte des histoires bouleversantes qui me font hurler de rire et qui sont éminemment théâtrales. J’ai découvert Céline en deuxième année à l’École nationale de Théâtre de Montréal, en lisant Voyage au bout de la nuit et en travaillant sur les monologues où il raconte la Première Guerre mondiale et sur les scènes de l’Amérique, en particulier la séparation d’avec Molly, que je relis régulièrement encore aujourd’hui. Mais c’est vraiment avec Mort à crédit que je trouve le génie de l’écriture. L’histoire du récit liée au rythme, lui-même lié à la langue, m’a fait toucher à une douleur extrême comme jamais je ne l’avais connue.

De cette interview il ressort que l’écriture de Mouawad se caractérise par un effet « patchwork » qui associe expressions québécoises « Tant mieux tabarnac (…) Qu’est-ce que vous en avez à crisser, vous ? (…) » à la page 18 ou « je m’en contre calisse » à la page 36 ; des expressions anglo-saxonnes – généralement assez hautes en couleur : « ben crissez-moi patience, fuck, d’abord » page 36 ou « bullshit ! » à la page 33 ; des termes d’un niveau de langue familier : « je vais finir par y casser les deux jambes » page 44, « Y a rien de plus épais de plus cave qu’un jeune qui dit de lui qu’il est jeune » p 65 ou « j’étais pas là pour tchéquer dans le calendrier, j’étais dans son ventre, je viens de vous le dire » page 18 ; des passages poétiques « Depuis si longtemps il y a un bégaiement à l’aube de ma fenêtre./Il pleut en cataracte au voile fin du jour/Le monde qui m’aimait./Où est-il le tigre savamment libre/et la girafe qui m’aimait ?/ … » pages 61 et 62.

Le comique côtoie souvent le tragique :Douglas Dupontel : Écoutez le mieux, c’est de m’envoyer ça à mon adresse internet. Oui ? Je vous la donne : animaquaenobiscumdegunt arobase museepaleontologiecomparée trait d’union paris trait d’union direction point general point fr. (…)Douglas Dupontel : Non, non, animaquaenobiscumdegunt ça signifie animaux domestiques en latin… quand on comprend ce n’est pas compliqué. je vous épelle : a..n..i…Loup : Donnez-lui mon adresse à moi ça va être plus simple, avec une affaire de même on sera encore ici l’année prochaine jusqu’à Pâques, jusqu’à Noël puis le Nouvel An. (…)Douglas Dupontel : on va vous donner un autre mail.Loup : Toutemecoeuretoutemefaitchier arobase hotmail point com pas d’accent pas

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d’apostrophe. (Pages 63 et 64)Ou à la page 78 :

Edmond : (…) Et c’est là, dans cette seconde d’éternité, qu’Edgar, d’un seul geste, pélican plongeant dans la mer, a planté son couteau dans le dos de son père pour retirer son père du corps de sa sœur et, Edgar, le doux, le grand, le noble, celui qui voulait connaître le monde, laissant le couteau dans le dos de son père, a plongé son sexe dans le sexe de sa sœur. ».

5) Analyse des personnages

Dix-sept personnages dont huit femmes et neuf hommes. Sur les huit femmes, sept donnent leur prénom à une partie de l’œuvre. Seule Sarah est exclue alors qu’elle est la véritable aïeule de Loup, la mère de Luce, elle-même mère d’Aimée, elle-même mère de Loup. Elle est le maillon manquant qui permet à Loup de comprendre qui elle est et comment son histoire est liée à celle de la famille Keller.

Quand on observe la distribution des personnages, on remarque qu’ils apparaissent par couple et dans l’ordre d’apparition du couple dans la pièce : Aimée et Achille, Léonie et Lucien, Luce et Achille, Odette et Alexandre, Odette et Albert, Albert et Hélène, Hélène et Edgar, Sarah et Samuel…

Restent des personnages solitaires : Edmond le Girafon, Ludivine, Loup et Douglas Dupontel. Ces deux derniers personnages formant presque un couple fille/père.

Les personnages apparaissant en rouge sont le fruit d’un inceste (père ou frère). Ainsi Albert aime Hélène qui est en réalité sa demi-sœur si bien que les jumeaux Léonie et l’enfant sans nom sont soit les enfants de son demi-frère Albert, soit les enfants de son frère jumeau Edgar.

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Alexandre

Albert KellerOdette Kellernée Garine

Edmond le girafon

LéonieJumelle d’un garçon sas nom,

monstre informeElle et cet enfant sont les enfants

d’Albert ou d’Edgar

Sarah CohenAmie de Sarah

Achille Volant

Loup

Lucien BlondelSoldat déserteur

Ludivine Brouillard

Aimée LambertAdoptée par Marie et

Jacques Lambert

Jeanne puis MarieEnfants d’Albert Keller

Samuel

Luce Brouillard

Baptiste

Hélène EdgarJumeaux,enfants d’Alexandre Keller

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Les personnages reliés par la double flèche ont des rapports amoureux et/ou sexuels (uniquement sexuels dans le cas de Edgar et de sa sœur Hélène). Les simples flèches tentent de marquer les filiations.

Si la famille Keller est marquée par des amours impossibles et des incestes, les femmes qui se croient descendantes de Ludivine sont marquées par l’abandon (Ludivine, Luce, Aimée). La gémellité est aussi un élément prépondérant de l’œuvre : Hélène et Edgar, Léonie et l’enfant sans nom, Aimée et l’embryon dans son cerveau. Mais on pourrait dire que Ludivine est une jumelle pour Sarah car elle prend son identité, son sort.Loup

Comme tous les personnages principaux de la trilogie, Loup a un accent québécois. Elle emploie un langage assez grossier en français et en anglais. Elle est une adolescente de 16 ans chez qui tout traduit un mal être : « Pourquoi pleurez-vous, Pourquoi vous habillez-vous en noir ? Pourquoi tremblez-vous ? Pourquoi êtes-vous si brutale avec moi ? Pourquoi l’adolescente que vous êtes massacre-t-elle ainsi l’enfant qu’elle a été ? » (Page 34). Elle est décrite par Douglas Dupontel comme « une adolescente boutonneuse, vulgaire, grossière et sans tenue vestimentaire digne de ce nom » (page 35). Elle-même

dit qu’elle est réputée pour être comme « une grosse épaisse » (page 17). Elle porte comme un poids sa propre vie car celle-ci lui renvoie le sacrifice de sa mère. Ce sentiment de culpabilité lui rend la vie inacceptable. De plus elle a promis à sa mère de brûler « le plus vite possible ce qui l’a tuée » (page 35). On peut observer dans la photo ci-dessous la tenue de Loup et son attitude : bras croisés, regard fuyant, jambes plantées solidement dans le sol.

Le personnage de Loup apporte sa fraîcheur et sa sensibilité à toute cette noirceur. Entre révolte et angoisse, avec son vocabulaire d’adolescente, on va la voir peu à peu se transformer pour atteindre la compréhension et la maturité :Douglas D : De quoi avez-vous si peur, Loup ?Loup : J’ai peur de ne pas trouver ma place dans le monde. C’est important, ça, de trouver sa place dans le monde quand on a seize ans, non ?Douglas D : Vous avez le temps, vous êtes jeune !Loup : Non, je n’ai pas le temps et je ne suis pas jeune ! Y a rien de plus niaiseux, de plus épais, de plus cave, qu’un jeune qui dit de lui qu’il est jeune ! Ca veut dire qu’il est déjà mort. Moi, je veux tout, tout de suite et que ce soit beau, grand, magnifique et bouleversant et clair…

Son langage, lui-même, se modifie et perd son agressivité, ses tournures injurieuses.Douglas DupontelIl est extérieur à la tragédie d’Aimée et de Loup cependant il se trouve mêlé au drame par une promesse qu’il a faite à son père : reconstruire le visage d’une femme, celle au crâne fracassé en 1944. Douglas est le prolongement du père : même métier et même quête. Il croit comme son père que reconstruire ce visage est une façon de dire non aux horreurs de la guerre. Il est celui qui accompagne Loup ; il la pousse dans ses retranchements en l’obligeant à

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chercher ; il la comprend mieux qu’elle-même ; il lui avoue qu’il aurait aimé avoir une fille comme elle. Il est le scientifique, l’incarnation du calme, l’enquêteur et le père. Il est celui sur qui Loup pourra toujours compter, reprenant par là la promesse d’Edmond à Hélène : « Je ne t’oublierai jamais » à la page 98. La boucle est bouclée.Aimée et BaptisteAimée Lambert se présente comme un être meurtri que seul l’amour de son mari Baptiste a pu sauver. Elle porte le nom de ses parents adoptifs, décédés. Elle est la fille d’Achille Volant et de Luce Davre. Sa mère était très alcoolique. Aimée la rejette et nie même son existence, elle dira même à la page 25 qu’elle la hait. Elle considère son placement en famille comme un abandon de sa mère. Elle ne le lui pardonnera jamais. Même l’amour de Baptiste n’efface pas totalement cette blessure. Pourtant, Baptiste et sa grossesse lui permettent d’affronter le monde et de donner un sens à sa vie. Son sacrifice est sa façon de perdurer. C’est une conception classique de la maternité qui est un prolongement de soi, une survie, mais dans la pièce, Aimée lui donne une dimension beaucoup plus tragique, presque existentielle.

Durant ses crises d’épilepsie, elle voit Lucien Blondel. Vision incompréhensible pour elle et pour les autres. Cette vision est un des chaînons qui lie le présent au passé et Sarah à Ludivine.

Baptiste est un personnage plus discret : il est l’homme manuel, calme qui sait aimer sans compter.Luce et AchilleLuce Brouillard est coupée du monde depuis trente ans, elle fume et écoute la radio. Elle est arrivée au Québec en avril 1943 avec un aviateur québécois, qui l’a ramenée de France. Elle a été adoptée par les parents de l’aviateur, Rosaire et Louise Godbout. Elle a passé sa vie à

attendre sa mère et y a laissé sa vie et sa raison. Elle a comblé cette absence avec la prière, puis avec l’acte sexuel, enfin avec l’alcool. Cette recherche est en même temps de l’autodestruction.

Ses propos aussi violents et hargneux que ceux de Loup permettent à la jeune fille et à l’aïeule de se parler enfin.

Achille est un peu comme Baptiste, celui qui aime et tente de combler les failles. Mais chez Luce, les blessures sont incurables, elle peut se laisser aimer mais n’a pas d’amour à offrir, ni à son mari, ni à sa fille. Sa blessure morale se double d’une blessure physique puisque ses parents adoptifs lui font arracher toutes ses dents à douze ans. Ces dents qu’elle n’a plus la rapprochent à la fois de Ludivine dont le crâne démantelé a perdu la mâchoire supérieure et d’Aimée qui porte cette mâchoire supérieure dans la tête. Luce comprend intuitivement qu’il existe un mystère douloureux qu’elle traduit à la page 51 : « Comme si nous étions, toutes les quatre, liées à quelqu’un d’autre, quelqu’un qui tente de nous appeler non pas du passé mais des ténèbres et son cri, pour attirer notre attention, a pris des formes terrifiantes : le crâne de Ludivine, ma mâchoire arrachée, et le cerveau de ta mère ».Ludivine et SarahLudivine Davre est le personnage rédempteur de la famille Keller. Elle n’est pas le fruit d’un inceste mais d’un amour qui prend racine dans un lieu coupé du monde et dans un espace-temps coupé du temps réel. Elle est l’enfant d’un paradis infernal. Abandonnée en 1918 à Nancy par sa mère Léonie, recueillie par les Davre dont elle a pris le nom depuis 1930, elle est douée pour le dessin et la peinture. C’est d’ailleurs aux Beaux-arts en 1936 qu’elle rencontre Sarah et Samuel. Elle prendra le nom de Brouillard pendant la guerre pour troubler les pistes alors qu’elle s’engage dans la résistance. Elle craint d’appartenir

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à cette famille Keller qui fabrique « les trains du malheur » (p. 66). Appartenir à un réseau de résistants, c’est aussi une attitude rédemptrice, une manière de lutter contre le destin.

Sarah est l’amie de Ludivine, elle attend un enfant de Samuel Cohen. Samuel mourra pendant la guerre comme tous les membres du réseau Cigogne à l’exception de Sarah. Sarah retrouve la trace de sa fille Luce mais ne peut lui avouer que Ludivine n’est pas sa mère, l’aveu reste sur ses lèvres : « Votre mère n’est pas… Ludivine… a été arrêtée et tuée la tête fracassée à coups de marteaux dans le camp de concentration de Treblinka en mai 1944 ». Luce est devenue la « fille de Ludivine ». Sarah donne sa fille à la mémoire de Ludivine comme Ludivine lui avait fait don de sa propre vie : « vie sauvée, vie perdue, vie donnée » dira Ludivine à la page 95.Léonie et LucienLéonie est une Keller, elle est née avec ses deux sœurs dans une maison à l’écart du monde. Elle ignore même la guerre qui fait rage tout à côté.

Elle a un jumeau monstrueux, signe sans doute de leur origine incestueuse (voir le tableau ci-dessus). Elle semble un personnage surgi de la mythologie, perdu dans un dédale, enfermé avec un monstre qui tient leur mère prisonnière.

Lucien lui apparaît comme un sauveur, un guerrier qui aura toutes les audaces. Elle le regarde comme « un animal fabuleux, un animal de légende » n’ayant jamais vu d’autres êtres humains que sa propre famille. Elle est empreinte d’une naïveté qui s’explique par sa vie en huis clos, coupée des réalités. Par ailleurs, elle porte aussi la colère de sa naissance, prend une attitude animale : elle tue les animaux, les dépèce, se tranche la veine du poignet pour que Lucien porte son odeur… Vivant au sein des animaux, l’acte sexuel est un acte naturel qui l’unit à Lucien. Elle donnera à sa fille un nom empli de symbole : Ludivine

comme Lux divine, la lumière divine ou plutôt rédemptrice. Elle n’est pas capable de vivre en dehors de cet espace, c’est pourquoi elle donne sa fille au monde. En l’abandonnant, elle lui offre la liberté.

Lucien Blondel est un soldat qui a déserté en 1917 après avoir tué son frère. C’est un être meurtri qui ne trouve le courage qu’à l’annonce de sa prochaine paternité. Il se sacrifiera pour essayer de sauver cette famille.

On peut approcher ses deux personnages en écoutant la lecture qu’en propose Wajdi Mouawad sur le site dailymotion :http://www.dailymotion.com/video/x9 l bhh_ l e c t u re - de - fo re t s -wa j d i -mouawad_creation (p. 32 et 33).Hélène et AlbertHélène est née dans la forêt, elle est la fille d’Odette et d’Alexandre Keller. Elle est le fruit du mensonge et du malentendu, de ce fait elle semble maudite comme un personnage, là encore, de tragédie. Elle croit Albert quand il lui dit qu’ils ne sont pas du même sang mais lui-même ignore qu’elle est sa demi-sœur. C’est elle qui commet un inceste la première, son union avec son frère engendrera le meurtre d’Albert (fratricide) et le suicide de son frère et de sa mère. Sa progéniture portera la marque de cette malédiction : son seul fils, né du viol, sera celui qui ne peut recevoir de nom, qui l’enfermera dans les abîmes. Hélène est la victime d’une promesse non tenue, celle d’Alexandre.

Albert est un idéaliste, déçu par le mercantilisme de son père. Sa révolte naît aussi de son refus de prendre la nationalité allemande en 1871. Il refuse ce monde et rêve de créer un nouvel Éden avec des animaux dans une forêt. Son rêve deviendra folie quand il voudra repeupler le zoo de ses enfants et des enfants de ses enfants, nouvel Adam dans un paradis artificiel. Il porte aussi une hérédité familiale puisque sa propre mère est décédée, poussée à la déraison par son père, Alexandre.

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EdgarLe frère jumeau d’Hélène est un révolté qui étouffe dans le zoo. Il veut vivre et aimer, or l’enfermement avec sa famille lui interdit l’amour. Il est honteux et jaloux de son « père », il ne supportera pas l’aveu sur sa naissance. Être le fruit d’un viol le plonge dans un gouffre sans fond, le prive de son identité et de sa propre estime. Dès lors, il part à la dérive. La vérité aura été « l’enfer, la folie, la peine et la haine assurés » (p. 75). Aux yeux d’Edmond, il reste un « valeureux frère » (p. 78), une victime. Cependant il commet le viol de sa sœur Hélène alors que lui-même est hanté par l’idée qu’il est l’enfant d’un viol.EdmondEdmond dit « Edmond le girafon » est un être tourné vers la beauté du monde qu’il perçoit au travers de la forêt et des animaux. C’est sa préférence pour une girafe qui lui a valu son surnom, il a été heureux dans le rêve construit par son père - peut-être parce que sa naissance n’est pas entachée par le mensonge. Comme les animaux qu’il aime, son prénom lui a été tatoué dans le dos. C’est un personnage volontiers contemplatif, il ne juge pas sa sœur et Albert, il se contente de les regarder s’aimer. Il aurait pu se satisfaire de cette vie et y trouver une forme de bonheur ; il sera déchiré définitivement à la mort de son père, de sa mère et de son frère. Quand il essaiera de sortir dans le monde, fragile, rêveur, il basculera à son tour dans la folie. Il vivra dans un poème encore coupé du monde. Il ne tiendra donc pas la promesse faite à sa sœur « je ne t’oublierai jamais ». C’est Ludivine et cette phrase magique qui lui ouvrent les voies de la raison et de la mémoire.Odette et AlexandreIl s’agit du couple fondateur de cette famille maudite. Si la passion les unit, elle poussera Odette à les détruire. Alexandre n’a pas le courage d’assumer cet amour, il refuse de quitter sa femme :

différence d’âge, peur de l’avenir, peur des convenances… tous les arguments sont énumérés. Mais Odette « veut tout, tout de suite », si elle ne peut avoir Alexandre pour elle seule, elle n’accepte pas les compromis et lui vole son fils.

Ici encore, une double promesse : Alexandre lui fait jurer de ne jamais révéler qu’il est le père de leur enfant. De cette promesse tenue naîtront l’inceste, le viol et la folie.

Odette apparaît comme un être entier, charnel, sensuel et libre.

Pistes de travail Étudier un personnage. Les personnages sont donnés à voir de manière fragmentée dans la pièce. Les élèves peuvent en choisir un et regrouper toutes les informations dis-séminées dans la pièce. Ce travail ne peut se faire que dans le cadre de l’étude de la pièce en œuvre intégrale. On choisira Luce ou Lu-divine dont le passé se révèle peu à peu. On invitera les élèves à mettre en lumière cette révélation progressive du personnage com-me un puzzle qui se construit sous nos yeux. Étudier l’évolution d’un personnage. Loup est le personnage qui se transforme au fur et à mesure de sa quête ; l’intérêt est ici de voir l’émergence d’un personnage plus mûr et apaisé. Les élèves analyseront en par-ticulier ses relations avec son père, sa dif-ficulté à dire, sa langue dans les deux pre-mières parties et sa prise de parole finale.

6) Analyse des thèmes

Le théâtre tragique antiqueWajdi Mouawad explique dans plusieurs interviews l’importance des auteurs grecs et en particulier des dramaturges, tout spécialement Sophocle.

Le théâtre de Sophocle l’a frappé par sa démesure et la révélation à laquelle les personnages principaux sont confrontés. Dès le début de la pièce, le ton est donné avec ces paroles prononcées à l’occasion

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de la fête augurale :D. Avec des histoires pareilles, on en fera une tragédienne !B. Une Clytemnestre ! (…)Baptiste : Qui est-elle cette Clytemnestre ?B. Quelqu’un de pas très reposant. Une sombre histoire de famille : Agamemnon veut sacrifier Iphigénie, leur fille, pour que le vent fasse avancer les bateaux grecs jusqu’aux rivages de Troie. L’oracle l’a commandé. Baptiste, tu es Agamemnon et tu viens d’ordonner le sacrifice de ta propre fille (…). (Page 13)

On parlera d’ironie tragique dans cette réplique puisque Baptiste choisira, avec Aimée, dans un premier temps de sacrifier sa fille pour sauver la mère.

Au cours de la pièce, on sera confronté à tout ce qui est consubstantiel à la tragédie antique : lignée maudite de Keller à cause d’un faux viol qui engendre des incestes ; les créatures monstrueuses – le frère jumeau de Léonie à qui Hélène n’a pu donner un nom ; le meurtre entre fratrie et l’inceste.

On peut penser aux Atrides, au Minotaure et à Thésée ou à Œdipe. On peut relever encore cette façon qu’ont les différents personnages de se présenter, une fois qu’ils sont en accord avec eux-mêmes, une fois qu’ils ont recouvré la cohérence de leur être et une partie de leur identité : « Loup, regarde-moi, je suis Luce » page 51, « je suis Edmond… c’est moi ! » page 83, « Ludivine, regarde-moi, je suis Sarah, c’est moi ! » page 95, ou encore « Loup, regardez-moi : je suis Douglas, c’est moi », page 98, « je sais que je suis Loup et que mon cœur a traversé le siècle », page 99.

Wajdi Mouawad évoque l’influence des tragédies et mythes grecs en ces termes : « C’est un socle de référence pour moi. Les Grecs croyaient que lorsque l’on est condamné à faire et à refaire le même geste, c’est pour trouver où, dans ce geste, une erreur s’est glissée. Ils ne voyaient pas

cela comme un comportement névrotique ni comme un ressassement maladif mais comme un défi lancé à l’homme pour tenter, dans la répétition, de trouver ce qui a failli. Raconter toujours la même histoire ressemble dans mon cas, je crois à cette tentative de trouver où, dans l’histoire, s’est glissée l’erreur me condamnant à un étrange chagrin. Revenir aux tragédies, c’est revenir à ce qui a fait naître notre civilisation. Comme nous avons de la difficulté à comprendre ce que nous sommes, nous nous tournons alors vers ces textes qui semblent encore nous indiquer ce que nous espérions atteindre, il y a de cela 2 400 ans déjà. C’est le sentiment de la révélation qui m’interpelle tout spécialement chez les Grecs et chez Sophocle en particulier. Peut-être parce que, très concrètement, c’est une question que je pose souvent : qu’est-ce que je ne vois pas de moi ? ». C’est aussi une manière d’expliquer pourquoi les trois premières pièces de la tétralogie semblent traiter du même thème.

En parallèle avec l’influence du théâtre grec, on note la référence à des thèmes fondateurs comme la recherche d’un paradis perdu. Albert Keller fuit le monde, la guerre et le mercantilisme pour tenter de créer un monde parfait, naturel où les animaux vivraient en harmonie avec des hommes purs, une humanité nouvelle et innocente.La promesseLa promesse est au cœur de la pièce. Tous les personnages, ou presque tous, sont liés par des promesses. Certains les tiennent : Odette ne révèle pas qu’Alexandre est le père de ses deux premiers enfants ; Loup recherchera le mystère de son aïeul Luce ; Douglas n’abandonnera pas Loup dans sa douloureuse quête. Mais ces promesses, même quand elles sont tenues, peuvent engendrer chagrin et douleur. Ainsi, Odette gardera le silence mais permettra l’inceste entre les demi-frère et sœur Albert et Hélène. Lorsque les promesses ne sont pas

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respectées - Loup ne brûle pas le corps de sa mère, Edmond ne va pas chercher sa sœur Hélène, elles sont sources d’aussi grandes souffrances.

On trouve même le cas d’une promesse tenue mais laissée comme abandonnée. La mère de Luce a promis qu’elle viendrait chercher sa fille, or Sarah vient retrouver sa fille mais au moment de tenir sa promesse, cette dernière est remplacée par les promesses échangées avec Ludivine.La filiationC’est un thème central dans la pièce. Loup est confrontée à la question des origines. Elle se lance dans la recherche de son identité. Selon Wajdi Mouawad, c’est plus une odyssée qu’une quête dans la mesure où la quête entraîne l’individu au loin, c’est un voyage géographique, tandis que l’odyssée renvoie à un individu égaré qui cherche à rentrer chez lui.

Cette odyssée souligne un paradoxe : pour vivre il faut à la fois lever le secret de son origine – la quête de Loup – car l’on ne peut sans cela être un être complet et se libérer de la prison familiale pour découvrir le monde de ses propres yeux au risque de tomber en Enfer – Edmond le Girafon –.La guerre et le devoir de mémoireLa guerre sert de toile de fond à Forêts. On commence avec le conflit de 1870 opposant la Prusse à la France – la famille Keller change de nationalité –, on poursuit avec la première guerre mondiale – Lucien Blondel – puis la seconde guerre mondiale – la résistance symbolisée par Ludivine et le réseau Cigogne, la dénonciation du nazisme et de l’holocauste.

La pièce entière répond au devoir de mémoire, Loup y répond aussi en poursuivant sa quête sur sa filiation, en devenant celle qui se souvient de toutes les vies de femmes brisées, reçues et données. Deux thèmes : la forêt et le loupLe premier thème, la forêt, sert d’ouverture

avec le titre dont nous avons déjà parlé plus haut. La forêt renvoie d’abord à un espace géographique : la forêt des Ardennes dans laquelle Albert va fonder son zoo. Elle est la nature originelle, l’Éden reconstitué. Mais ce qui est conçu comme un asile, un lieu protecteur est perçu par Edgar comme une prison castratrice. Elle prive les êtres de la liberté d’aller dans le monde, les prive des hommes et de l’amour. Pour Edgar, page 72, c’est l’enfer : « La forêt. À perte de vue, la forêt et partout, partout, partout, partout, partout, partout, partout la forêt et au beau milieu de cette putain d’enfoirée de bordel de cul de merde de forêt, il y a nous, sans personne à aimer, sans personne à rencontrer et jamais, jamais le moindre espoir pour rêver ! ». C’est aussi plus métaphoriquement l’âme d’Edmond, ne dira-t-il pas à la page 69 : « Ma mémoire est une forêt dont on a abattu les arbres ».Le second thème lexical, celui du loup, apparaît dès la page 26. C’est le prénom du personnage central « On t’appellera Loup comme un loup car un loup, il te faudra être : Loup. » Ainsi prénommée, la jeune fille est à la fois Lou et un loup, animal sauvage. De l’animal, elle aura l’instinct, le flair pour suivre une piste. Sa grand-mère la confortera dans ce rôle à la page 51 : « Loup, il te faudra être un loup et loup jusqu’au bout. Loup la noire tu surgis dans ma vie comme une foudre au milieu du ciel bleu ; tu es celle par qui la parole arrive, alors entre dans les ténèbres et tire-nous du néant ».Loup est aussi le nom du gouffre dans la mine, lieu où Odette aurait été violée. On est cette fois-ci dans les ténèbres dont parlait Luce. Odette devient elle aussi un loup, un être sauvage voire fou « Plus rien d’humain en moi. J’ai tout raté, j’ai tout menti ! Regarde mon visage dans le miroir… vois-tu, comme moi, la tête d’un loup à la place de ma propre image ? »

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page 77. Odette est le « loup » originel, celui du mensonge qui conduit à la folie et à la barbarie ; Loup sera celle qui traquera le mensonge et fera éclater la vérité salvatrice.

Les thèmes sont nombreux, on le voit. On pourrait encore travailler sur la responsabilité de l’homme qui transforme l’univers en enfer, la culpabilité, l’enfance abandonnée, l’autorité abusive du père qui impose son rêve à ses enfants…

Pistes de travail Étudier un thème. Après la lecture de la pièce – ou la représentation –, l’élève choisira un thème majeur et en proposera une étude dans un développement organisé. On lui demandera de faire des références les plus précises possibles à l’œuvre et de proposer une conclusion personnelle sur ce thème, en mettant en avant par exemple ses récurrences dans la littérature. Réfléchir sur les textes fondateurs. L’enseignant, après avoir étudié une tragédie de Sophocle par exemple, proposera aux élèves de saisir toutes les références antiques présentes dans Forêts. Les élèves auront la confirmation de la permanence des mythes et du théâtre grecs. Ils mesureront la modernité de la question très œdipienne des origines et de la filiation. Aborder la dissertation. On invitera l’élève à s’interroger sur la question de l’engagement. « Dans quelle mesure, Forêts vous semble-t-elle une œuvre engagée ? », « Forêts est-elle une œuvre que l’on doive lire uniquement comme une œuvre engagée ? » peuvent être des sujets de réflexion.

III. Dramaturgie1) Adaptation du texte

S’il a réécrit et supprimé certains passages des trois premières pièces à l’occasion du festival d’Avignon, c’est pour renforcer l’intensité dramatique de la tétralogie et sa cohérence. Par ailleurs, Mouawad dit avoir réécrit des passages de Littoral et Incendies mais explique dans ses conférences de presse qu’il n’a pas touché au texte de

Forêts, pas d’adaptation véritable donc, simplement une mise en scène.

2) Réflexions sur la mise en scène

• Interview d’une comédienneDans le numéro d’été 2009 de Théâtral, bimestriel, on lit une interview de Marie-Ève Perron, actrice qui joue à la fois dans Forêts et Littoral. Deux expériences de travail avec Wajdi Mouawad et pourtant des expériences différentes.– Comment s’est passée votre première rencontre avec Wajdi Mouawad ?Je terminais le Conservatoire national d’art dramatique de Montréal en 2004 par les auditions au Théâtre de Quat’Sous et Wajdi faisait sa dernière année comme directeur de ce théâtre mais il a assisté quand même aux auditions. Il m’a téléphoné deux ou trois jours plus tard pour qu’on aille boire un café ensemble Et là, il m’a parlé beaucoup de cinéma, de lecture, un peu comme quand on rencontre quelqu’un dans une soirée. À ce moment-là, Stanislas Nordey venait faire une mise en scène à Montréal. Wajdi m’a suggéré pour son projet et ensuite il m’a demandé de faire partie de Forêts.– Comment s’est passée cette première aventure ?En fait, tous les acteurs ont accepté sans savoir de quoi il était question, ni quel rôle ils allaient jouer. On a travaillé pendant six semaines autour de la table et pendant une semaine, on n’a fait que parler du Québec, de la France, des thèmes qui allaient être repris dans Forêts par la suite. Et à la fin de cette semaine, il nous a raconté l’histoire de A à Z et ça a duré 2 h 30. [rires] Et ensuite, on a travaillé pendant les cinq autres semaines à discuter de la pièce et en général sans savoir qui on allait jouer. On l’a su à la fin de cette première partie. Quand on ne sait pas qui on doit jouer, on a la même affection pour tout le monde. Après une pause de trois mois, on s’est retrouvés tous en France

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et Wajdi est arrivé avec une première ébauche de trente pages de dialogues, qui ont beaucoup changé depuis.– Et ensuite comment vous dirige-t-il ?Il n’y a jamais d’improvisation dans son travail jamais. Habituellement il arrive avec le texte. Au début, il avait du temps pour écrire, alors il arrivait avec plus de pages et plus le temps accélérait, plus il écrivait pendant la nuit ; il arrivait le matin et nous lisait la suite. On lui disait si ça allait il nous donnait le texte en main et on le jouait, et le soir il repartait écrire. C’était vraiment très particulier. Il fait ce dont il a envie. C’est quelqu’un qui a une vision mais qui est ouvert aux propositions aussi.– Vous jouez dans Littoral aussi. C’était le même travail ?C’est complètement différent parce que c’est une pièce que Wajdi avait écrite il y a dix ans, c’est un texte qu’il reprenait avec une toute nouvelle distribution. Il a remanié le texte, il a fait énormément de coupures pour que ça dure un peu plus de trois heures, et pour être encore plus précis dans sa direction. Ça n’est pas le même spectacle qu’il avait pu faire dix ans auparavant.– Les textes sont-ils faciles à apprendre ?Franchement oui, parce qu’ils sont bien écrits. Le grand défi dans ses pièces, c’est le rythme à tenir. Il n’y a pas de demi-mesure, il faut complètement s’abandonner et se laisser porter par le souffle des mots. Et ça demande beaucoup d’énergie, beaucoup de force. On ne peut pas être tranquille sur le plateau. Mais il y a une espèce de dépassement de soi à essayer soir après soir de porter ça, je pense que chaque acteur est fier de participer à cette parole et ça nous donne la foi.– Comment est-il en dehors du travail ?Il y a beaucoup d’affectif. Je crois que Wajdi aime fondamentalement ses acteurs, il prend le temps de les choisir. Chaque

comédien qui a travaillé avec lui a une anecdote particulière sur sa rencontre avec lui. Ce n’est jamais banal. Pour lui, je crois que les rencontres humaines comptent tout autant que le travail.– Qu’est-ce que vous pensez de l’engouement autour de lui ?C’est très impressionnant. C’est comme s’il y avait eu un avant Forêts et un après Forêts.• Interview de l’auteur, metteur en scène.À l’occasion de sa dernière production au Théâtre 71 de Malakoff, Forêts, l’artiste aux origines contrastées, Wajdi Mouawad, se confie sur son travail et sa vision du théâtre. Ses propos sont recueillis par laure Dubois pour Evene, en octobre 2006.– Comment s’organise votre travail de manière générale et plus particulièrement sur un projet tel que Forêts ?C’est d’abord une rencontre avec une histoire. Un jour, je suis inspiré par des éléments inattendus : il y a une grande part de hasard dans cette rencontre. Ceci dure assez longtemps, deux ou trois ans. J’apprends alors à connaître cette histoire, à lui faire confiance, à vivre intimement avec elle… tout comme se ferait une rencontre de personne à personne. Puis je commence à écrire d’après cette idée. De là, je réfléchis au nombre de comédiens dont je vais avoir besoin et je les contacte. S’ils sont d’accord, nous commençons à travailler tous ensemble avant même que j’aie fini d’écrire le texte. Nous prenons alors du temps pour discuter et réfléchir au projet. Pour Forêts nous avons organisé une discussion de six semaines. Le temps est la chose la plus importante pour mon travail. Si je n’ai pas les moyens d’en prendre, je préfère ne pas faire de spectacle. Puis, au fur et à mesure du temps, je commence à mieux connaître les comédiens et à distribuer les rôles en fonction de ce que je ressens en eux.– Vous travaillez de front sur l’écriture et

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sur la mise en scène. Il vous arrive donc de modifier votre texte en fonction de ce que vous apportent les comédiens.Oui, c’est avant tout un travail d’équipe. Par exemple, pour Forêts on répétait le matin, l’après-midi je retravaillais sur le texte et le lendemain j’apportais de nouvelles scènes. En fin de compte l’écriture et la mise en scène m’importent moins que la construction du spectacle. Je n’hésite donc jamais à couper ou modifier le texte, parfois en direct, parfois le soir même. C’est un peu comme cela, à l’aveugle, que l’on avance.– Votre travail en est d’autant plus intéressant, car vous êtes en cela étroitement lié à l’œuvre. Mais avez-vous déjà assisté à d’autres mises en scène de vos propres œuvres ?Oui. Mes quatre premières pièces, je les ai écrites dans le secret de ma chambre. Puis, quand j’ai fait la mise en scène de Littoral en 1996, avec des amis, nous n’avions rien d’autre à faire que du théâtre. C’est là que je me suis rendu compte que ce travail, qui s’apparente davantage au travail d’un chorégraphe, m’enflammait beaucoup plus que d’écrire et de mettre en scène après. Puisque d’une certaine manière, cela correspond davantage à ma manière d’être et de vivre le théâtre. Ce qui m’importait c’était de me mettre au service du théâtre, des comédiens.– Vous écrivez finalement pour eux ?Oui, c’est-à-dire que lorsque nous commençons à travailler je leur demande des choses très simples, parfois ludiques. Par exemple, ce qu’ils rêveraient de faire sur scène. Les idées qu’ils me donnent sont des idées auxquelles je n’aurais jamais pensé tout seul. Au final, leurs désirs s’accordent à mes intuitions. C’est vrai qu’à force de connaître un acteur, je commence à le comprendre et parfois, même, je le surprends. Je leur révèle des traits qu’ils ne soupçonnaient pas. Je leur donne donc des personnages qui sont nés

de ce que j’ai pu voir en eux. Ils sont très souvent beaucoup touchés par cela. Cela leur permet de sentir qu’ils sont la texture première du rôle.– Travaillez-vous également avec d’autres artistes : plasticiens, musiciens… Dans quelle mesure interviennent-ils dans votre travail ? Quelle est leur part de création dans vos spectacles ?Après un filage, je demande à ce que toute l’équipe soit présente. Toute l’équipe de création parle alors du projet dans son ensemble, chacun parle de la lumière, du maquillage ou de tel ou tel costume… Pour Forêts par exemple, nous avons eu la chance de pouvoir travailler toujours sur plateau. Nous avons tout d’abord mis des bâches en plastique dans l’espace pour bloquer le regard et trouver des volumes. Puis, nous nous sommes demandés de quoi ils étaient composés : bois, céramique, métal… Là encore, tout le monde intervient. Le sonorisateur, par exemple, est beaucoup intervenu à cette étape du travail, afin de donner du son à cet espace de manière naturelle. J’exige en général beaucoup de présence de la part de toute l’équipe. J’ai beaucoup de mal à travailler de manière fragmentée, c’est-à-dire à ne travailler qu’avec le scénographe ou le sonorisateur.– Concernant les événements au Liban, étant originaire de ce pays, vous devez vous sentir très affecté ? Songez-vous dans vos futures pièces écrire sur ce thème ?Je crois que le prochain spectacle sera un solo, que je vais monter, écrire, mettre en scène et jouer moi-même. Je crois qu’il y aura en effet un lien entre ce qu’il s’est passé au Liban cet été, et ce spectacle-là. Mais je ne le ferai pas de façon directe. Dans le sens où, quand les choses sont dites de façon trop directe, cela devient extrêmement plat. Je voudrais donc faire cela de manière extrêmement détournée, ou par surprise. J’ai besoin de ne pas

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nommer trop les choses, de laisser une certaine ouverture pour que les gens ne se disent pas « Ah, tiens, c’est sur la guerre au Liban ! » Au fond, ce n’est jamais ça qui est vraiment important, c’est surtout un contexte dans lequel évoluent des personnages qui sont pris par des questions autres, l’amitié, l’amour, la promesse, la mort, les relations humaines… Ce ne sont pas des pièces qui traitent de la guerre, ce sont des pièces qui parlent de la tentative de rester humain dans un contexte inhumain.– Beaucoup d’auteurs et d’artistes se sont interrogés sur le rôle, la mission et la place de l’art après Auschwitz et les crimes majeurs du XXe siècle : Celan, Blanchot, Adorno… Comment vous inscrivez-vous dans ce débat ? Forêts est-elle une tentative pour y répondre ?Il y a plusieurs choses. Tout d’abord, je suis né au Liban. Mais c’est au Québec que j’ai appris à faire du théâtre. Du coup je n’ai pas la culpabilité de ces choses-là. Je ne me sens pas coupable de l’histoire de l’Europe. Je me sens responsable, mais pas coupable. C’est ce qui fait ma différence avec les autres Européens. La place de la narration est une chose très compliquée. Je viens d’une civilisation marquée par l’histoire. L’Orient est rempli d’histoires. Tout à coup, l’on vous dit que vous n’avez plus le droit de raconter toutes ces histoires, car il s’est passé quelque chose que personne ne peut raconter : personne n’est sorti vivant de la chambre à gaz, donc personne ne peut plus raconter d’histoire. Ainsi la génération à laquelle j’appartiens est tout à fait interdite de raconter, interdite de rêver, interdite de beauté, interdite de figurer, de paysage, de nature, d’éléments… Comme si les 2 500 ans qui viennent de se passer et qui étaient affichés sur la beauté du monde, vous n’y avez plus droit. Je crois que les générations qui arrivent auront besoin de reconstruire en disant que l’on peut être

responsable tout en restant dans le monde. La capacité à raconter des histoires a encore toute sa place, malgré toute cette violence qui s’est abattue sur nous. Je me situe, par rapport à la narration, dans ce courant-là. Je ne veux pas être coupé de ces 2 700 ans qui sont la base de notre histoire sous prétexte qu’il y a eu quelque chose de catastrophique qui a cassé tout cela. Je n’ai pas envie de rejeter les événements qui ont fait l’Europe. Et c’est en continuant à raconter des histoires que nous gardons ce fil, même s’il est ténu, qui nous a fondés depuis les Grecs.– Quels sont les univers littéraires ou artistiques qui vous influencent en général dans votre travail et dans Forêts en particulier ?Le cinéma est très important. J’ai vu plus de films dans ma vie que tout autre chose. Sinon, c’est surtout la contemplation de la nature, la couleur d’un ciel… C’est la conjonction entre les deux. La littérature aussi m’apprend beaucoup, la peinture. Mais tout cela se fait de manière très intuitive. Ce qui m’intéresse c’est d’être subjugué par les choses que nous ne comprenons pas. Je ne supporte pas la sociologie, la psychanalyse, même si je m’y intéresse. Je ne peux pas supporter quelque chose qui veut tout m’expliquer et me prouver que je suis totalement explicable. Je suis attiré au contraire par tout ce qui exacerbe le mystère que je suis.– Quelle mission donnez-vous au théâtre ?Rien d’autre que d’être du théâtre ! C’est difficile de faire du théâtre. Je ne fais rien d’autre qu’une tentative de donner de la transparence au spectateur, de lui faire comprendre comment tout cela s’est passé. Je n’ai pas de mission. Je cherche vraiment à faire en sorte que le regard du spectateur soit détourné du fabriquant, et qu’il regarde l’objet. C’est comme face à un arbre : devant un arbre vous regardez l’arbre et non celui qui l’a fait. Et ça

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c’est déjà compliqué. Donc ce n’est rien d’autre que du théâtre. Certes, c’est une tautologie, mais s’il n’y a pas ça, il n’y a rien, et il faut qu’il soit sublime ou rien. Je ne cherche pas à sauver le monde mais à rien d’autre que de faire une pièce limpide et transparente, afin que le spectateur soit entièrement submergé. C’est ainsi que la beauté de la pièce révèle ses messages, même les plus violents. C’est un dialogue avec le public. De là, donc, peut surgir beaucoup de choses.

Pistes de travail Comprendre le travail de metteur en scène de Wajdi Mouawad. À partir de la vidéo que les élèves pourront regarder et écouter plusieurs fois, et dans laquelle Wa-jdi s’explique sur la mise en scène de Lit-toral, on demandera aux élèves d’expliquer les principes de mise en scène retenus et voulus par l’auteur. On les invitera à faire ce travail avant d’aller voir le spectacle. Après le spectacle, ils pourront mesurer comment ces principes ont été suivis. Le site est le suivant : h t t p : / / w w w . y o u t u b e . c o m / watch?v=MfVf9fp5P50&feature=related

3) Mise en scène

ScénographieWajdi Mouawad exprime le désir de simplifier la scénographie le plus possible pour montrer la complexité de l’histoire. L’espace est assez vide pour mettre en relief les acteurs et leur personnage. Des murs gris, des portes dans le fond à cour et à jardin, un téléphone sur une étagère, sur un des murs, un portemanteau, des chaises, une table massive et une valise. Par contre, tous les éléments du décor qui sont présents ont leur importance, font sens. Sur les deux photos ci-dessous, on peut voir un marteau au sol rappelant le crâne de Ludivine, fracassé par un marteau dans un camp de concentration.

La valise s’ouvre et laisse apparaître un

crâne qui s’élève grâce à une machinerie qui souligne le mystère de ce crâne comme on peut le voir ci-dessous :

Certains objets sont polysémiques dans la mesure où les objets sont détournés, utilisés de façon décalée. Ainsi, une table en bois aux pieds travaillés est à la fois table, lieu d’accouchement, puis renversée avec une planche, elle devient estrade…

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L’univers sonoreAssez important, il peut être un fond musical associant airs de jazz et tempo moderne, des cris qui se mêlent, un accordéon qui installe une fête et une cérémonie. L’univers sonore accompagne étroitement les gestes.Personnages en jeuL’auteur-metteur en scène privilégie un jeu vrai puisque ses pièces s’écrivent au cours des répétitions. Il cherche la démesure dans le jeu de ses acteurs, l’expression de sentiments vrais qui jaillissent.

Les mouvements de groupe favorisés par le nombre d’acteurs important sur le plateau en même temps sont transformés en ballets, très chorégraphiés. On voit même des pas de deux se dessiner durant les rencontres amoureuses.Esthétique cinématographiqueWajdi Mouawad se nourrit du cinéma, on pourra relever l’utilisation par exemple de champ contrechamp. L’éclairage utilise les ombres portées, délimite des espaces, isole des personnages ou en rapproche d’autres. Comme au cinéma encore, on trouve la simultanéité des temps et des espaces. Ainsi plusieurs scènes se superposent ; un objet passé d’un homme à un autre, d’une époque à une autre assure cette superposition comme on le voit dans la photo ci-dessous :

Pistes de travail Analyser la mise en scène. Après la représen-tation, l’enseignant analysera les compos-antes de la mise en scène du spectacle afin que les élèves en saisissent la créativité et la modernité. Ils analyseront en particulier comment le metteur en scène a pu résou-dre la diversité des époques et des lieux.

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IV. Revue de presseDes critiques sur des blogs

Forêts de Wajdi Mouawad : une impression de déjà-vuPosté par Catherine le 18.10.06 à 22:12 Tags : théâtre, théâtre 71/malakoffLa mode est aux pièces longues. Très longues. Il faut le savoir. En tout cas, il faut savoir avant de se rendre à Malakoff que Forêts durera quatre heures. Heureusement, si Wajdi Mouawad commence sa mise en scène tambours battants comme d’habitude, comme d’habitude il varie ensuite les rythmes pour permettre au spectateur de le suivre dans ses histoires les plus rocambolesques.

Comme d’habitude bien sûr, il s’agit de recherche des origines, de filiation. Si vous avez vu Littoral, Incendies, si vous avez lu Visage retrouvé, vous retrouverez avec intérêt, plaisir, ennui ou exaspération, au choix, la fameuse scène du notaire, l’indispensable figure des jumeaux, la si triste évocation de la guerre et bien d’autres thèmes chers à l’auteur.

D’accord, il s’agit d’une trilogie, d’accord on a changé de guerre, d’accord on sort du théâtre avec l’impression d’avoir traversé quelque chose de solide, mais quelques petites idées de mise en scène qui avaient pu faire si forte impression la première fois, perdent toute leur saveur ici réchauffées. Vivement la prochaine création de Wajdi Mouawad.Critique par Lilly - le 19/03/2006Quels chemins emprunter pour se sortir du labyrinthe in ex tri cable de ces forêts généalogiques ? Quel fil tirer, quel projecteur dé clen cher ? Forêts est le 3e volet d’un triptyque, qui fi na le ment en comprendra quatre, sur le thème de la filiation. Wajdi Mouawad explore des géné-ra tions pour sui vies par le poids du temps in di vi duel, fa mi lial et col lec tif. Ce fut Lit-to ral, puis In cen dies, puis Fo rêts. L’idée de la quatrième gé né ra tion de cette série de

textes est en toute pre mière pé riode de ges ta tion.

Wajdi Moua wad ex plique que Fo rêts s’est présentée à lui sous forme d’une ma gni fique femme avec qui il a passé 4 ans de sa vie. 4 ans de pensées, 6 mois de ré pé ti tions avec 11 co mé diens qué bé-cois, fran çais et belge qui se consacrent à cela corps et âme, pour par ve nir à 3 h 30 de spec tacle. Long tra vail d’in tros pec tion, d’in ter ro ga tions, d’in car na tions. L’écri ture n’est venue fixer cette ex pé rience qu’après un tra vail col lec tif in tense.

Alors qu’est- ce que Fo rêts ? C’est l’his-toire d’une ado les cente qui part mal-gré elle à la recherche de ses origines, découvre un, disons le franchement, un bor del monstrueux, des an cêtres cor rom-pus, des ta bous hor ri fiants, des uto pies meur trières, des tra gé dies his to riques ef-frayantes, on tra ver se ra avec elle guerres mondiales et conflits familiaux. Ne nous en li sons pas à dé crire cette pro fu sion de per son nages, ces viols, in cestes, tra hi-sons, fo lies mais sur tout ces amours ma-ter nels, ces ami tiés ma gni fiques, cette bien veillance qui brave tous les drames, toutes les vio lences, tous les liens du sang pour sau ver ce qui fait notre hu ma ni-té. Les femmes sont à l’hon neur dans Fo-rêts, ce sont elles qui enfantent malgré et contre tout, qui aiment, su bissent et se battent. Lou, notre adolescente révoltée et écœurée de sa famille découvre au final quelle sublime amitié lui a donné la vie quand un jour une femme s’est sacrifiée pour que son amie enceinte survive à sa place. Le lien affectif lave les souillures du sang.

On ne ressort pas indemne d’une telle pièce, des su jets forts et pro fonds y sont trai tés, pé tris, éta lés. On n’est pas loin du concept de ca thar sis, ou de psy cha-na lyse, comme si le bon heur ne pou vait venir qu’une fois des mots posés sur cet in con nu, cet in cons cient in di vi duel et col-lec tif qui pèse sur nos sou rires. Le spec-

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tacle n’est pour tant pas in sup por table et dou lou reux. Les 4 heures de pré sence au théâtre passent sans qu’on ait le temps de jeter un œil à sa montre, les co mé diens sont fas ci nants, le texte bou le ver sant, mais dans tout ce sé rieux Wajdi Moua wad et son équipe nous ré servent des res pi ra-tions bien ve nues. L’hu mour et l’éner gie de la troupe et de la langue se mêlent tout au long du spec tacle. Fran çais et qué bé cois s’al ternent jus te ment lais sant place aux vannes lé gères et jeux de mots ty piques.

La dra ma tur gie et la construction du récit superposent les fils des gé né ra-tions sans les em brouiller, les co mé diens s’en tre croisent sur le plateau sans qu’on confonde les rôles, les époques dé filent sans ordre chro no lo gique et le canevas se tisse en par tant de ses deux bouts. Les indices sont égrenés un peu partout et on s’étonne de ne pas se perdre dans ce déluge d’his toires et d’in for ma tions.

Qu’est- ce qui alors fait que nous ne nous sommes pas to ta le ment lais sés prendre à cette lame de fond ? C’est peut-être justement ces gouttes d’eau qui fi nissent par nous noyer dans un océan trans for mé en marée noire. Un peu trop de drames, un peu trop d’ab jec tions, un peu trop de co lère, un peu trop de cris, peut être tout sim ple ment un peu trop de gé né ra tions et de per son nages ? Tout cela est ex trê me-ment bien construit mais on se lasse de ce qui sou le vait nos tripes.

Si la di rec tion d’ac teurs est étin ce lante, la mise en scène est de façon globale plus inégale. À la force symbolique de certaines scènes (une femme nue dans un boîtier de plastique médical baignée dans une vapeur rouge, un homme nu jouant une tumeur dans un cerveau, une ombre projetée sur un mur qu’on fracasse à coups de marteaux en sont quelques exemples mais les bijoux ne manquent pas), répondent mal adroi-te ment d’autres scènes très réa listes qui nous paraissent bien pauvres (scènes de sexe à ré pé ti tion, violence).

Le spectacle mé ri te rait peut-être d’être conden sé en core, al lé gé de certains détails qui donnent une impression de too much. Ce se rait alors une vraie bombe ex plo sant avec douceur devant les yeux ébahis du spectateur, qui là reste trop distant de ce qui se trame sur le plateau.

Wajdi Mouawad est un des auteurs contemporains qui marquera cer tai ne-ment l’histoire du théâtre. Sa construction et sa langue, son rythme et son piquant, l’épaisseur de ses personnages et de ses fresques familiales sont le sceau de cette écriture qui s’étire pour mieux tenir en haleine. Fo rêts s’aventure peut-être trop loin, mais outre les échos de son texte, sa mise en scène grave en nous images et sons d’une grande puissance. Le maître a su s’entourer de comédiens aux reins solides qui relèvent un défi ici quasi sportif.

Libération du 10/07/09

« Wajdi Mouawad s’égare en forêt »Critique. Avignon. « Littoral », « Incendies », « Forêts », une trilogie étalée sur douze heures, qui commence mieux qu’elle ne s’achève, au petit matin. Par René Solis.Il y a bien sûr l’excitation du très long cours : les spectateurs qui s’installent peu avant vingt heures sur les gradins de la cour d’honneur sont censés n’en ressortir que vers sept heures et demie le lendemain matin. Depuis l’historique Soulier de satin mis en scène par Antoine Vitez en 1987, on n’avait jamais fait aussi long.Accent québécois. Mercredi soir, pour la première, le vent frais de plus en plus marqué (couvertures pour tout le monde) n’a que peu dégarni les travées au fil de la nuit. Debout au salut, le public a applaudi la performance des acteurs, et sans doute un peu la sienne ; ce n’est pas tous les jours qu’on a le sentiment d’être aussi acteur de l’histoire. D’autant que le théâtre de Wajdi Mouawad (1), l’artiste associé du festival 2009, s’écoute sans

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effort - l’accent québécois de plusieurs de ses comédiens générant un surcroît d’attention, mais aussi de plaisir, brasse des thèmes accessibles à tous - la famille, les origines -, et emprunte au polar (énigme, puzzle à reconstituer) pour s’inscrire dans un genre aussi vieux que la littérature - le voyage initiatique.

Les trois pièces présentées dans la cour d’honneur (2) ne sont pas inédites. Elles participent d’un quatuor que l’auteur a nommé Le Sang des promesses, et dont il doit créer la dernière partie, intitulée Ciels, dans huit jours au festival.

Cela commence donc par Littoral, une pièce écrite il y a une quinzaine d’années que Mouawad a largement retravaillée. L’histoire de Wilfrid, un très jeune homme qui vit au Canada et part dans un pays lointain - le Liban, même s’il n’est pas mentionné - pour offrir une sépulture à son père. Wilfrid voyage en compagnie du cadavre paternel et d’un personnage inventé, un chevalier droit sorti de ses jeux d’enfant.

En cours de route, tel Dorothée sur le chemin d’Oz, il s’adjoint plusieurs compagnons, qui tous témoignent de la guerre ayant dévasté leur pays. Wilfrid est joué par un comédien épatant, Emmanuel Schwartz, grand gamin tout maigre qui allège tout ce qu’il touche.

Malgré la gravité sous-jacente, et la peinture rouge ou bleue qui macule corps, vêtements et linceuls, Littoral parvient à conserver un ton de comédie. Devant la façade du palais, un large rideau de lamelles noires oscille et bruisse dans le vent. Même munis de micros, les comédiens ont tendance à forcer la voix ; pour le reste, le spectacle ne s’occupe guère de s’inscrire dans la solennité du lieu et c’est aussi bien. Littoral se termine sur le rivage : la mer se charge d’accueillir le cadavre du père dont personne ne voulait.Testament. Une heure trente de pause - on peut sortir dîner alentour ou se restaurer dans le palais - et l’on réattaque, peu après

minuit. Incendies est sans nul doute la pièce la plus maîtrisée des trois. Mouawad y refait le coup du retour au Liban. Mais cette fois les jeunes gens sont une sœur et un frère (Jeanne et Simon) confrontés au testament de Nawal, leur mère, qui les enjoint de partir à la recherche du père et du frère qu’ils n’ont jamais connus.Picaresque. Mouawad sait conserver le ton du picaresque, mais trouve aussi celui de la tragédie. Le retour aux origines ressemble à un voyage aux enfers ; en reconstituant le fil de la vie de Nawal, Jeanne et Simon retraversent toutes les horreurs de la guerre et remontent jusqu’à l’atrocité du secret de famille dont ils sont issus. L’auteur a le chic, notamment via un personnage de notaire bouffon, pour remettre du rire dans le pire, et pour donner à Incendies l’authenticité d’une autofiction.

Celle-là même dont est totalement dépourvue Forêts, où l’on pénètre peu après trois heures du matin et dont on ressort quatre heures et demie plus tard avec le sentiment que Wajdi Mouawad a scié sa propre branche. Pas de Liban cette fois, mais un grand flash-back généalogique, qui débute à Montréal de nos jours et se téléporte en Alsace et dans les Ardennes au lendemain de la guerre de 1870.

La première scène, très réussie, ne tient pas ses promesses : à une table de fête, une femme remercie ses amis, revendique son ignorance vis-à-vis des événements du monde – on est une semaine après la chute du mur de Berlin –, et annonce qu’elle est enceinte. Seize ans plus tard, au lendemain de sa mort (cancer), Loup, sa fille part à la recherche de ses vraies origines, avec l’aide d’un professeur de paléontologie paralysé des jambes. Au programme, viols, incestes, meurtres, suicides, plus deux guerres mondiales, la résistance et la déportation. Forêts prend l’allure, au choix, d’un film de Claude Lelouch, ou d’un workshop de technique du best-seller à l’université de Dayton, Ohio. Dommage.

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L’Humanité Dimanche

Article de Jean-Pierre Léonardini du 2 au 8 juillet 2009Le théâtre de Wajdi Mouawad possède un pouvoir émotionnel considérable, car il est tissé du tragique consubstantiel au Bassin méditerranéen et de l’humour propre à l’Amérique du Nord, le tout composé en une langue française infiniment libre. Dans Littoral, Wilfrid (double lisible de Wajdi) doit organiser, sur sa terre natale perdue de vue, les funérailles d’un père qu’il n’a pas connu. Dans Incendies, Jeanne et Simon partent au pays de leur mère morte et découvrent que leur père, lui, y est toujours vivant. Dans Forêts enfin, Loup, jeune héroïne en quête d’identité, rongée par le mal de vivre, doit se pencher sur le passé des siens pour tenter de vivre l’omniprésence de la guerre, quête du père et proximité du désastre, l’œuvre de Wajdi Mouawad, sans cesse, arpente du particulier au général un territoire d’humanité reconnaissable. « Les plus belles histoires affirme-t-il sont celles qui viennent des ténèbres pour surgir à la lumière du plateau, là où victimes, bourreaux ct juges peuvent dire, sans manichéisme aucun, les conflits et les drames éternels de l’humanité »Pour couronner le tout, Ciels, l’ultime partie du « quatuor » Le Sang des promesses, sera représentée au parc des expositions de Châteaublanc (du 18 au 29 juillet).

Pistes de travail Comparer des articles de presse. Dans le cadre de l’étude de l’argumentation, on fera étudier aux élèves les articles ci-dessus. Les élèves repéreront les partis pris des ar-ticles et relèveront les qualités et les dé-fauts de la pièce tels qu’ils sont perçus par les journalistes ou les critiques des blogs. Rédiger une critique. Après avoir étudié les articles, leur stratégie critique et leurs arguments, on demandera aux élèves de rédiger une critique du spectacle en af-fichant un parti clairement identifiable et en apportant des arguments précis en faveur ou en défaveur du spectacle.

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• Site où l’on entend l’auteur parler de son œuvre et proposer une lecture d’un extrait :– http://www.dailymotion.com/video/x9lbhh_lecture-de-forets-wajdi-mouawad_creation• Entretien d’Avignon :– http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Forets/ensavoirplus/idcontent/15759/?autostart• Interview de Mouawad :– http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Littoral-Incendies-Forets/ensavoirplus/idcontent/15551

V. Ressources

Sitographie

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Œuvres de Wajdi Mouawad– Littoral, Léméac/Actes Sud Papiers, 1999– Rêves, Léméac/Actes Sud Papiers, 2002– Incendies, Léméac/Actes Sud Papiers, 2003– Willy Protagoras enfermé dans les toilettes, Léméac/Actes Sud Papiers, 2004– Forêts, Léméac/Actes-Sud, 2006– Seuls, Léméac/Actes Sud Papiers, 2008

Sur Wajdi Mouawad– Architecture d’un marcheur, Jean-François Côté– Entretiens avec Wajdi Mouawad, L’écritoire/Léméac, 2005

Bibliographie

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©Thibaut Baron

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