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DOSSIER Mieux voir et bien-être en perspectives L’éclairage vit aujourd’hui sa troisième révolution, après celle de l’incandescence et de la fluorescence, avec le déploiement des diodes électroluminescentes (LED). Miniatures, intenses, peu consommatrices, et spectralement flexibles, « elles changent tout et vont tout remplacer ». Dans le même temps, la connaissance des interactions entre l’œil et la lumière a réalisé plusieurs avancées, la plus notable étant la mise en évidence que l’éclairage, fondamental pour le bien voir, agit aussi sur le bien-être. À une époque où les modes de vie s’organisent majoritairement autour de l’éclairage artificiel, celui de demain doit mettre à profit ces avancées théoriques, technologiques et physiologiques. Il devra répondre à un défi de taille : intégrer les nouveaux usages et technologies pour construire une relation saine et durable entre l’Homme et la lumière. Il s’agira d’assurer le bien-être de l’usager tout en lui permettant de réaliser et d’apprécier la tâche pour laquelle on l’éclaire, alors que, considère-t-on déjà, « le XXI e siècle des lumières est numérique ». En collaboration avec la CIE France (Commission internationale de l’éclairage) et de nombreux professionnels de la filière éclairage, ce dossier exclusif trace les perspectives attendues. DOSSIER CONÇU PAR JACQUES DARMON ©Takuji Shimmura

DOSSIER Module LED et Driver Mieux voir Des luminaires ......connaissances des systèmes visuel et non visuel, sur les opportunités qu’offrent les nouvelles technologies, et, aussi,

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D O S S I E R

Mieux voir et bien-être en perspectivesL’éclairage vit aujourd’hui sa troisième révolution, après celle de l’incandescence et de la fluorescence, avec le déploiement des diodes électroluminescentes (LED). Miniatures, intenses, peu consommatrices, et spectralement flexibles, « elles changent tout et vont tout remplacer ». Dans le même temps, la connaissance des interactions entre l’œil et la lumière a réalisé plusieurs avancées, la plus notable étant la mise en évidence que l’éclairage, fondamental pour le bien voir, agit aussi sur le bien-être.À une époque où les modes de vie s’organisent majoritairement autour de l’éclairage artificiel, celui de demain doit mettre à profit ces avancées théoriques, technologiques et physiologiques. Il devra répondre à un défi de taille : intégrer les nouveaux usages et technologies pour construire une relation saine et durable entre l’Homme et la lumière. Il s’agira d’assurer le bien-être de l’usager tout en lui permettant de réaliser et d’apprécier la tâche pour laquelle on l’éclaire, alors que, considère-t-on déjà, « le XXIe siècle des lumières est numérique ».En collaboration avec la CIE France (Commission internationale de l’éclairage) et de nombreux professionnels de la filière éclairage, ce dossier exclusif trace les perspectives attendues.

DOSSIER CONÇU PAR JACQUES DARMON

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Module LED et Driver

Des luminaires toujours plus performants et plus discrets Grâce aux modules LLE G5 et aux nouveaux drivers (PRE)

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C’est une évidence ! L’éclairage du XXIe siècle doit répondre aux besoins des usagers dans leurs environnements en s’appuyant sur les nouvelles connaissances des systèmes visuel et non visuel, sur les opportunités qu’offrent les nouvelles technologies, et, aussi, sur l’impact des innovations sur l’usager. En effet, l’éclairage peut avoir des effets bénéfiques mais aussi négatifs sur l’usager et son organisme. Aussi, est-il de la responsabilité de tous les acteurs du domaine de l’utiliser à bon escient. Des experts de CIE France (voir encadré), dont son président, Gaël Obein, apportent leur expertise prospective.

«La volonté de réduction de la consommation d’énergie et l’utilisation de nouvelles technologies ne doivent

pas se faire au détriment de l’usager aussi bien du point de vue des effets visuels que des impacts sur sa santé et son humeur. » Pour Gaël Obein, cette évidence, quelque peu « négligée », impose, dès aujourd’hui, aux concepteurs d’installations d’éclairage de relever plusieurs défis. À savoir, proposer des solutions associant au mieux les pos-sibilités offertes par les nouvelles sources et les nouvelles connaissances des fonctions visuelles et non visuelles, pour garantir une bonne vision, du confort et du bien-être.Le déploiement des nouvelles technologies de ges-tion et pilotage, de télécommunications et d’éclairage dynamique représente autant de moyens d’optimi-ser l’éclairage en limitant les consommations d’énergie tout en produisant des ambiances lumineuses adaptées à l’usager et à son environnement. « Les LED, par la possi-bilité qu’elles offrent de moduler le spectre et la distribution spatiale des intensités lumineuses, vont permettre d’éclai-rer autrement », poursuit-il en rappelant les principaux fondamentaux.

LES DERNIÈRES AVANCÉESL’évolution des connaissances en matière de vision et, en particulier, la détermination des sensibilités spectrales des photorécepteurs visuels de l’œil (les 3 cônes et les bâtonnets) ont tout d’abord permis de déterminer une colorimétrie « fondamentale » basée sur ces photorécep-

teurs1 et une photométrie plus précise dépendant des conditions d’illumination (notamment la photométrie mésopique)2. « Cette nouvelle colorimétrie, qui a l’avan-tage d’être ajustable en fonction de l’âge de l’observateur et de son champ de vision, permettra, dans le futur, d’être plus adaptée aux usagers et à l’usage », estime Sophie Jost.Une autre avancée concerne l’évaluation de l’indice du rendu des couleurs (IRC). En effet, l’arrivée des LED, et de leurs nouvelles distributions spectrales, a mis en évi-dence les faiblesses de cet indice3 et, en particulier, son désaccord avec la perception visuelle. Les recherches por-tant sur le sujet ont pointé deux problèmes :- le premier était l’imprécision de l’évaluation de l’ap-

parence des couleurs. Ce problème est résolu avec le nouvel indice de fidélité4 ;

- le second est la non prise en compte de l’importance des autres aspects de qualité de couleur (discrimination, aspect naturel, augmentation de la saturation, préfé-rence…). Sur ce deuxième point, des recherches sont en cours pour déterminer les paramètres pertinents pour une métrique prédictive de la perception de la quali-té de la couleur.

Enfin, lors de la construction d’une ambiance lumi-neuse, l’inconfort produit par les sources est une notion de la plus grande importance. Comme pour l’IRC, l’ar-rivée des LED et de leur très grande hétérogénéité en luminance, a révélé les lacunes de l’UGR à caractériser l’inconfort. Aussi, la CIE va prochainement statuer sur une nouvelle formulation de l’éblouissement d’incon-fort, adaptée aux luminaires uniformes et non uniformes. À noter que, en extérieur, aucun modèle n’est employé pour limiter les éblouissements d’inconfort. La CIE sou-tient les recherches dans ce domaine, pour permettre une meilleure caractérisation de l’éblouissement, afin de comprendre les mécanismes physiologiques et psy-chologiques sous-jacents et développer un modèle d’éblouissement d’inconfort performant pour toutes les applications (éclairage de bureaux, d’installations spor-tives, routier, tunnels, urbain…) et valable quel que soit l’éclairage, artificiel ou naturel.

FAITES ENTRER LA LUMIÈRE NATURELLE« Au-delà de son importance pour la vision, la lumière est le principal synchroniseur de notre horloge biologique, rappelle Coraline Barrau, cette connaissance s’étant sin-gulièrement affinée depuis une quinzaine d’années. » On sait maintenant que c’est la lumière bleu-vert (autour de 480 nm), présente en grande quantité à l’extérieur, qui excite notre cinquième photorécepteur rétinien, non

CIE FRANCE

Lumière, vision et santé : revenir aux fondamentauxREMERCIEMENTSMerci aux experts de CIE-France pour avoir rédigé cet article coordonné par Céline Villa, chercheur IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux ingénieur chercheur en éclairage et visibilité).Gaël Obein, président de CIE-France, maître de conférences et responsable amont du pôle photonique au LNE-CNAM, Coralie Barrau, chercheur en optique et photobiologie, R & D Lumières & Vision Essilor et Céline Villa se sont chargés de l’introduction, tandis que Coralie Barrau et Sophie Jost, chercheur enseignant ENTPE (École de l’aménagement durable des territoires) ont apporté leur expertise « vision et santé » et que Yannick Sutter, président du Collège lumière naturelle de l’AFE, enseignant chercheur à l’École nationale supérieure d’architecture de Normandie (ENSA), et gérant du BE Lumibien, a apporté son expertise en éclairage intérieur.

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MIEUX VOIR ET BIEN-ÊTRE / DOSSIER

visuel, les cellules ganglionnaires à mélanop-sine5. Ces cellules photosensibles envoient des signaux vers des aires non visuelles du cer-veau conférant ainsi à la lumière le rôle de puissant stimulant physiologique et psycho-logique. Reçue en journée, la lumière améliore la vigilance, l’humeur et le bien-être tout en augmentant la productivité et les capacités d’apprentissage. À l’inverse, reçue en soirée, même aux faibles niveaux d’émission des écrans et des éclairages artificiels domestiques, elle retarde la production de l’hormone de la nuit, la mélatonine. La lumière, le soir, contri-bue ainsi à dégrader la qualité et l’efficacité de sommeil, en particulier chez les enfants et les jeunes adultes, plus sensibles6.« En moyenne, nous manquons de lumière le ma-tin et en recevons trop le soir quand notre nuit biologique devrait démarrer », poursuit Gaël Obein. Nos durées d’exposition lumineuse augmentent et rognent sur le temps passé au noir, sans pour autant que nous recevions une dose journalière suffisante. Les Européens passeraient en effet en moyenne 90 % de leur temps en intérieur selon l’OMS7. « Par consé-quent, on ne peut que recommander de passer plus de temps en extérieur en journée pour re-cevoir la lumière dont nous manquons tant et favoriser les entrées de lumière naturelle dans les bâtiments », conseille-t-il.

L’ÉCLAIRAGE DE DEMAIN EN ÉQUATIONEn matière d’éclairage artificiel, les effets sur notre organisme sont fonction de sa compo-sition spectrale, de la durée et du moment d’exposition, de la quantité de lumière reçue ainsi que de l’historique d’exposition. Les ef-fets non visuels de la lumière ne peuvent être caractérisés par la photométrie visuelle. Ils font intervenir un nouveau photorécepteur et nécessitent donc l’utilisation de nouvelles grandeurs et fonctions de sensibilité spec-trale (en particulier le spectre d’action de la mélanopsine), récemment référencées par la CIE8. « Nous n’en sommes qu’aux prémices, la recherche avançant en affinant la compréhen-sion des mécanismes. La santé et le bien-être font désormais partie de l’équation que s’apprête à résoudre l’éclairage de demain », conclut Gaël Obein, en considérant, toutefois, que si les so-lutions d’éclairage adaptatif se développent de plus en plus. « Nous ne connaissons pas l’impact des adaptations temporelles de l’éclairage sur les usagers ; des retours d’expérience et des recherches plus en amont sont requises. » À suivre donc… 1. CIE 015 : 2018 Colorimetry, 4th Edition.2. CIE 191 : 2010 Recommended System for Mesopic Photometry

Based on Visual Performance.3. CIE 013.3-1995 Method of Measuring and Specifying Colour

Rendering Properties of Light Sources.4. CIE 177 : 2007 Colour Rendering of White LED Light Sources.5. Lucas et al., 2014, Trends Neuroscience. “Measuring and using

light in the melanopsin age”.6. Figueiro, Overington, 2015, Lighting Research Technology.

“Self-luminous devices and melatonin suppression in adolescents”.7. OMS 2013 Combined or multiple exposure to health stressors

in indoor built environments.8. CIE S026/E : 2018 System for metrology of optical radiation

for ipRGC-influenced responses to light.

LA CIE POUR QUOI FAIRE ?La Commission internationale de l’éclairage (CIE) est un forum de discussions et d’échanges d’informations portant sur les aspects relatifs à la lumière et l’éclairage. Elle traite les sujets de la couleur et de la vision, de la mesure de la lumière, de l’art de l’éclairage intérieur et extérieur, de la photobiologie et de la technologie des images. Elle maintient à jour et à niveau le vocabulaire international de l’éclairage.Avec de solides bases techniques, scientifiques et culturelles, c’est une organisation indépendante, à but non lucratif, qui sert les pays membres sur la base du volontariat. Depuis sa création, en 1913, elle a été acceptée comme autorité référente sur le sujet. En tant que telle, elle est reconnue par l’ISO comme un organisme international de normalisation, publiant des normes fondamentales et des procédures. Aujourd’hui, grâce au forum qu’elle anime entre les chercheurs, qu’ils soient psycho-physiciens, physiologistes, métrologues, éclairagistes, psychologues, producteurs de lumière ou d’instruments de mesure, la CIE nourrit cette révolution, en proposant de nouvelles métriques et méthodes de mesures, développées, débattues et validées dans un cadre prénormatif par des panels d’experts mondiaux et indépendants.

En éclairage intérieur, l’utilisation de la lumière naturelle, couvrant à la fois nos besoins en matière de vision et d’activation des fonctions biologiques, doit toujours être préférée à celle de la lumière artificielle. Le déploiement des systèmes de pilotage de l’éclairage artificiel, en fonction de la lumière naturelle disponible, permettant de limiter les consommations d’énergie, reste donc indispensable.Ci-contre, bibliothèque et learning center du campus universitaire de Luminy à Marseille par Rémy Marciano Architecte.

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La coopération entre acteurs de l’éclairage et de la biodiversité est fondamentale

Les technologies d’éclairage évoluent très vite, offrant une my-riade de nouvelles possibilités, de perspectives d’économies, de

nouveaux usages, etc. Si vite que l’évaluation de leurs effets sur la biodiversité ne peut suivre en temps réel, celle-ci étant contrainte aux rythmes biologiques des espèces, sur une, voire plusieurs années, et au temps d’une évaluation scientifique rigoureuse (trop peu nom-breuses). « Dans ce contexte, une coopération plus étroite entre les acteurs de l’éclairage et de la biodiversité apparaît donc comme fondamentale », considère Florian Greffier, en soulignant que plusieurs projets por-tés par exemple par des métropoles (Nantes, Lille…), et dont certains sont accompagnés par le Cerema, montrent qu’elle s’initie. « Elle de-vra devenir incontournable dans les années à venir. »

UN ÉCLAIRAGE UTILE, MAÎTRISÉ ET RESPONSABLEPartant du principe simple que l’éclairage artificiel n’est par essence pas « naturel » et de fait induit une modification de l’environnement nocturne, un certain nombre de règles basiques peuvent s’appliquer. Ceci quelle que soit la technologie considérée, pour réduire les effets négatifs et permettre une cohabitation nocturne plus harmonieuse entre l’Homme et les autres êtres vivants, dans une période où la biodiversité est particulièrement menacée. « Ces règles, qui répondent aussi à d’autres enjeux comme la sobriété énergétique, se fédèrent autour de la notion d’éclairage utile, maîtrisé et responsable », poursuit Florian Greffier. Définissons ces trois qualités :- utile pour éclairer où c’est nécessaire et quand c’est nécessaire, avec

une qualité et une quantité de lumière ajustées. L’éclairage utile est

Il ne s’agit plus aujourd’hui d’opposer les professionnels de l’éclairage et les biologistes ou d’opposer les intérêts humains et les enjeux environnementaux. Il s’agit de mieux comprendre et mieux anticiper les effets de l’éclairage sur la biodiversité afin de proposer des solutions adaptées aux besoins de toutes les espèces vivantes. Une équipe conduite par Florian Greffier, responsable de l’unité « Éclairage et lumière » du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), l’explique.

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Ci-dessus.Travaux en cours sur Nantes Métropole où le Cerema a mis en place un classifieur automatique de luminance zénithale (lumière émise directement vers le ciel) à partir d’une orthophoto aérienne nocturne.

Page de droite.Milieux naturels et sources lumineuses cohabitent dans le paysage des Hautes-Alpes.

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EXPERTS EN ÉCLAIRAGE ET BIODIVERSITÉRemerciements à l’équipe constituée autour de Florian Greffier (Cerema Ouest/Angers) pour la rédaction de cet article. À savoir : Paul Verny, responsable de la mission « Éclairage, maîtrise de l’énergie et des nuisances » (Cerema Méditerranée/ Aix en Provence) ; Samuel Busson, chargé d’études « Biodiversité et foncier » (Cerema Méditerranée). Deux contributeurs du Cerema Ouest/Nantes se sont joints à eux : Jean-François Bretaud et Christophe Pineau, respectivement chef de projet « Biodiversité » (référent TVB) et chef de groupe « Ingénierie écologique ».

un consensus entre des besoins réels (sécurité, déplacement, économie, artistique, etc.) et la réduction de l’impact des activités humaines sur la faune et la flore. « L’acceptabilité sociale d’un éclairage sobre sera un levier primordial pour défendre ce consensus. »

- maîtrisé en se basant sur la connaissance du parc d’éclairage existant et de ses performances effectives, des besoins actuels et futurs en équipements ainsi que des enjeux énergétiques et structurels. Il convient aussi de dis-poser d’une vision élargie des enjeux de biodiversité sur le territoire, et au-delà de son périmètre (notamment les corridors de déplacement des espèces nocturnes). Ce diagnostic « global » offre ainsi une sectori-sation de l’éclairage et une hiérarchisation des investissements ad hoc. Il permet de tenir compte ici d’une zone à enjeux forts pour une espèce patrimoniale, et là d’une zone piétonne particulièrement fréquentée, afin de proposer par secteur des typologies d’éclairage, des spectres de source, des puissances, des plages horaires adaptées, etc., « permettant de répondre aux enjeux d’usage » ;

- responsable quant aux actions menées aujourd’hui et leur impact sur les années à venir. Le besoin de compétences et de formation des acteurs autour de l’éclairage reste un enjeu d’actualité, notamment devant le nombre encore trop important de projets aberrants bien que très récents.

NE PAS REGRETTER DEMAIN CE QUI EST FAIT AUJOURD’HUI« On assiste à une très vive accélération des rénovations des éclairages qui va ensuite figer la situation pendant 20 ans », conclut Florian Greffier. Selon lui, il existe un risque fort de regretter certains choix faits aujourd’hui, soit par mauvaise habitude et des pratiques hors d’âge, soit par manque de compétences, ou encore par des technologies dont on ne maîtrise pas les impacts sur le milieu vivant par manque de connaissances scientifiques.

PROCHE DU BESOIN DES TERRITOIRESLa prise de conscience de l’incidence de l’éclairage artificiel sur les organismes vivants, qu’ils soient animaux ou végétaux, est assez ancienne, mais n’est entrée réellement dans le débat public que récemment. Pour répondre à cet enjeu, l’État se dote progressivement d’outils législatifs (loi biodiversité de 2016) et réglementaires (arrêté sur les nuisances lumineuses de 2018) afin de veiller à la sauvegarde et à la protection de l’environnement nocturne.Sans attendre ces prescriptions, et par sa volonté d’être au plus près des besoins réels des territoires, le Cerema œuvre depuis plusieurs années à promouvoir un éclairage raisonné. Cette volonté se traduit, au quotidien, par l’alliance des compétences des experts éclairage et biodiversité du Centre dans le cadre de ses partenariats avec les collectivités territoriales.

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L’agence britannique Speirs + Major a conçu un mur lumineux dans le tunnel piétonnier qui relie la station de métro King’s Cross St Pancras avec le One Pancras Square, conçue par l’architecte David Chipperfield. Le mur offre un effet de lumière douce et homogène, avec la possibilité de produire des nuances de pastel autant que des couleurs intenses et saturées dynamiques. Le design a été développé avec l’agence The Light Lab.

YVES FELD (AFE EST)

Toujours et encore… de nouvelles lumières

L’évolution des technologies et du milieu médical, ne nous a pas permis, comme certaines espèces du monde animales, de nous

déplacer ou nous sécuriser sans éclairage. « Nous pouvons toutefois imaginer qu’une évolution de la sensibilité rétinienne, “boostée” par le rajout d’un organe artificiel, nous permette, un jour, de nous dépla-cer sans recourir à une source de photons associée ou, tout simplement, que nos véhicules, grâce au radar, ne nécessitent plus d’éclairage pour nos déplacements. »

DIVERSIFIER NOS ÉCLAIRAGESSi le besoin de lumière est bien réel, la mise en œuvre d’un éclai-rage artificiel reste toutefois très disparate selon que l’on soit dans le domaine public ou dans en intérieur dans un bâtiment tertiaire, scolaire, médical, régi par une réglementation très précise. « En est-il autrement chez soi où la liberté de chacun et les produits mis sur le mar-ché nous permettent aisément de diversifier nos éclairages », s’interroge Yves Feld. « Il n’en est rien ! », répond-il. Nous sommes tous soumis à l’emprise d’un concept d’éclairage trop homogène, caractérisé par très peu de diversité, dans tous les pays développés.

Depuis la nuit des temps, l’éclairage est un besoin pour l’homme qui grâce à la lumière naturelle pouvait, de jour, se déplacer, et se préserver la nuit des dangers grâce à la lumière émise par le feu. « Aujourd’hui, toujours et encore, le besoin de lumières, naturelle ou artificielle, demeure », commente Yves Feld président du centre régional « Est » de l’AFE1.

« Quel éclairage pour demain ? », continue-t-il à s’interroger. Pourquoi ne pas envisager un éclairage diffusant à partir des parois, du plafond, des murs, du sol. « Grâce à un re-vêtement luminescent ou un produit tel que l’Oled, ne sera-t-il pas possible de nous ap-porter un nouvel éclairage et une lumière adaptative ? » Cela nécessite toutefois une évolution technologique importante, asso-ciée à une adaptation de nos habitudes et solutions d’éclairage.Nous sommes aujourd’hui situés dans une mouvance importante et rapide des techno-logies accompagnant les nombreux acteurs du monde de l’éclairage auxquels s’ajoutent de nouveaux entrants. De nouvelles idées émergent et nous n’en sommes qu’aux pré-misses des évolutions. La miniaturisation des produits LED, notamment, permet d’intégrer l’éclairage dans de nombreuses applica-tions, comme les transports (automobile, train, avion, navigation…) où la technologie LED provoque une révolution. Tant en exté-rieur et qu’intérieur, ces évolutions n’ont pu se faire que par une optimisation de l’éner-gie consommée qui a nettement diminué grâce à l’utilisation des composants et se-mi-conducteurs ainsi que des systèmes de gestion électronique. « Quelles nouvelles tech-nologies poursuivra la mutation des produits et solutions d’éclairage ? »

LA JUSTE LUMIÈRE POUR TOUT LE MONDEDe nombreuses études portant sur l’utilisa-tion du laser associé à la technologie LED peuvent être envisagées dans la plupart des usages ci-dessus. « Elles apporteraient de nou-velles réponses lumière non encore tout à fait écrites, mais dont le niveau de réflexion per-met d’anticiper de proches usages », poursuit le président du centre régional « Est » de l’AFE pour qui le besoin de lumière, associé à un juste éclairage, doit être accompagné par une science appliquée, afin de comprendre et de mesurer l’impact de leur mise en œuvre sur les territoires. « Cet accompagnement doit même aller bien au-delà, avec l’analyse préa-lable des conséquences portant sur la santé. »Et Yves Feld de conclure que, « si l’ensemble des personnes vivant sur notre planète ne bé-néficient toujours pas d’un éclairage artificiel dès la nuit tombée, nous pouvons espérer que, très prochainement, les nouvelles technologies accompagnent les projets de lumière sur notre terre pour tous. »

1. Yves Feld est responsable « Équipe collectivités » au sein d’Électricité de Strasbourg.

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L’éclairage du futur, dans sa fonction pre-mière, c’est à dire « éclairer », cumulera

tous les Saints-Graals de la recherche d’au-jourd’hui : une efficacité énergétique proche de 100 % et une durée de vie comparable ou supérieure à celle des infrastructures ou des bâtiments sur lesquels il a été installé. Mais il aura également intégré des fonctions connexes telles que la communication, l’in-teractivité et l’adaptation instantanée aux besoins. En ce qui concerne l’éclairage public, le futur proche est déjà bien concret et dans une phase d’implantation bien avancée parmi de nombreux grands fabricants : c’est le Smart Lighting. Des luminaires connectés et « intel-ligents » qui communiquent entre eux et qui savent reconnaître un humain, d’un chien ou d’un chat, s’éteindre quand les rues sont vides et s’allumer, avec un éclairage suffisant associant à la fois un sentiment de confort et de sécurité, lors du passage d’un piéton ou d’un véhicule et en s’adaptant à la vitesse de

celui-ci. Mieux encore, des algorithmes sau-ront analyser la nature de l’environnement et éclairer avec une lumière suffisante, en blanc chaud, avec une atmosphère reposante en temps normal ou inversement, très intense, en blanc froid, en cas de situation de crise, d’attroupement anormal, intervention de ser-vices d’urgence, de pompiers ou des forces de l’ordre, vandalisme, agression…L’éclairage public du futur est déjà à notre porte sur le plan technologique et, par son adaptabilité, il aura ainsi la double fonc-tion de rendre beau notre environnement urbain comme le disait l’architecte Le Cor-busier, « l’architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés sous la lu-mière », tout en préservant notre ciel étoilé, et d’être également ce soutien à l’ordre public. Ce qui a toujours été sa fonction première et que l’on trouve déjà avec l’ordonnance royale du roi de France, Philippe V le Long, de janvier 1318 qui enjoint au greffier du tribunal du Châtelet, à Paris, de veiller « à ce qu’une chandelle fut entretenue pendant la nuit à la porte, du palais de ce tribunal, afin de déjouer les entreprises des malfaiteurs qui se perpétuaient jusque sur la place, alors la plus fréquentée de la capitale ».

QUID DE L’ÉCLAIRAGE DOMESTIQUE ?Le futur de l’éclairage rejoint sur certains plans techniques le cadre général : une durée

de vie quasiment infinie et une efficacité éner-gétique proche de la perfection. Mais si l’on peut vraisemblablement tenter d’imaginer le futur, il faut rappeler les fondamentaux : rien n’est meilleur que l’éclairage naturel ! L’éclai-rage de demain se confondra donc avec la lumière naturelle du soleil. Sur cette base, il

est facile d’imaginer des fenêtres pourvues de vitres actives et connectées. « Actives » pourquoi et comment ? Pour opérer plusieurs fonctions intégrées dans son épaisseur alliant différentes fonctions telles que la production d’énergie avec du photovoltaïque transparent, de jour, permettant éventuellement de se pro-téger du soleil l’été en s’obscurcissant, des batteries, toujours intégrées dans l’épaisseur de la vitre et transparentes, et de l’éclairage OLED avec une qualité de lumière comparable à celle du soleil.Et « connectées » comment et pourquoi ? Pour s’adapter au rythme biologique de la personne, à son activité, à ses habitudes, en fonction des heures de la journée, et pro-poser ainsi différents « programmes » ou différentes « séquences » en mesurant le pouls via une montre connectée en fonction des habitudes et des heures de la journée. L’éclairage de demain sera au plus près de nos besoins propres, s’adaptera à nos envies tout en étant capable d’être interactif… À ce stade, l’éclairage domestique et l’affichage ne constitueront alors qu’un seul et même ob-jet et qu’une seule et même fonction centrée sur l’humain, centrée sur notre bien-être.

1. Ingénieur de recherche au CNRS. Président de l’Association française de l’éclairage Midi-Pyrénées

Dr LAURENT CANALE1 (CNRS ET AFE MIDI-PYRÉNÉES)

Imaginons l’éclairage du futurParler des technologies d’avenir constituera toujours un exercice délicat. Tant que l’on reste dans la fantaisie ou dans la fiction, que l’on s’appelle Jules Vernes, Asimov ou Barjavel, et que l’on fasse l’apologie du rêve et de l’évasion, l’auteur est loué pour ses qualités d’écrivain. Mais si Jules Vernes avait soutenu crédible l’exploration de l’espace ou celle des fonds marins, il eut été aussitôt mis au ban de la société et traité de fou. Le chercheur, celui sur qui le sceau des certitudes est bien souvent apposé, ne se hasarde que bien rarement en conjectures et en projections futuristes où alors, il traverse bien souvent deux étapes : la première, critique, où il passe pour un farfelu et la seconde parfois élogieuse, où il enfile le costume de visionnaire.

L’éclairage de demain se confondra avec la lumière naturelle. Ici, les vitrages dynamiques Sageglass adaptent leur teinte à la lumière du jour.

MIEUX VOIR ET BIEN-ÊTRE / DOSSIER

L’éclairage public du futur est déjà à notre porte sur le plan technologique

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DOSSIER / MIEUX VOIR ET BIEN-ÊTRE

LUX – L’ÉCLAIRAGE USAGE JOUE UN RÔLE PRÉPONDÉRANT AU QUOTIDIEN ET, POURTANT, IL N’EST PLUS CONSIDÉRÉ À SA JUSTE VALEUR (NOTAMMENT AU NIVEAU DU PRIX DE LA QUALITÉ). N’EST-IL PAS DEVENU UN « BANAL CONSOMMABLE » ?Jean-Luc Lavenir – Si on reste limité au point lumineux, effectivement l’éclai-rage ne devient qu’un banal consommable dont le prix est, en permanence, tiré vers le bas. À ce stade on ne loue que l’appré-ciable atout « économies d’énergie ». Bien sûr, on éclaire en respectant les normes et recommandations, mais quid de la qualité de la lumière et du confort des utilisateurs trop souvent négligés ? Ne pas répondre à ces enjeux est extrêmement regrettable. Mais les industriels de l’éclairage ne sont pas les seuls concernés. Toute la filière est impliquée ! La convention de partenariat que nous sommes en train d’établir avec l’AFE va dans ce sens. Souhaitant supporter l’action et s’investir dans les travaux de cette société savante, nous appuyons sa mission principale, por-teuse de l’intérêt général, ayant pour but de diffuser le savoir et le savoir-faire de l’éclai-rage à tous.

L’INNOVATION, PERTINENTE ET PRATIQUE, PEUT FAIRE ÉVOLUER LE COMPORTEMENT DES USAGERS, NOTAMMENT DES PROFESSIONNELS. MAIS SONT-ILS PRÊTS À EN MESURER L’INTÉRÊT ET À EN PAYER LE JUSTE PRIX ?Notre vision porte sur la création d’innova-tions reliant la lumière et les usagers, en nous projetant au-delà du « simple » éclairage. Au-jourd’hui, tout en continuant à maîtriser la lumière et ses paramètres, nous sommes lea-der dans le développement des systèmes et services d’éclairage connecté. Nous offrons ainsi une expertise en éclairage, favorisant

un sentiment de sécurité, de confort, de concentration, de dynamisme et de bien-être. Enfin, nous améliorons le rendement énergétique et assurons des solutions d’éclai-rage plus respectueuses de l’environnement. À présent, tout se concentre autour de l’hu-main et des usages, au-delà de la simple fonction d’éclairer au moindre coût. D’au-tant plus que de nouvelles solutions se développent, l’utilisation, et non la propriété, devenant la notion clé. Plus besoin d’acqué-rir des dispositifs d’éclairage, seul compte l’usage de la lumière. À partir de ce principe, le modèle économique de l’éclairage en tant que service (LaaS) est en pleine expansion. Le concept du modèle repose sur le fait que les installations d’éclairage ne nécessitent plus d’investissements en amont. L’utilisa-teur paie uniquement pour l’éclairage utilisé sans avoir à acquérir l’équipement. Ce mo-dèle permet d’accélérer la rénovation des installations, de réaliser encore plus d’éco-nomies et offre l’avantage de la simplicité des opérations et de la maintenance. L’uti-lisateur finance son éclairage au travers des économies réalisées. Dans l’état actuel de l’industrie de l’éclairage en Europe occiden-tale, seuls 10 % des luminaires jetés sont officiellement collectés et inventoriés. L’éclai-rage circulaire, un concept qui approfondit le modèle LaaS, peut offrir une solution à ce problème, et augmenter la quantité d’équi-pement d’éclairage collecté, retransformé et remis en circulation.

DE NOUVELLES PERSPECTIVES SE DESSINENT AVEC LA NUMÉRISATION DES SOLUTIONS D’ÉCLAIRAGE. LESQUELLES ?La technologie LED a permis à l’éclairage d’accéder à l’intelligence des bâtiments, des villes et du monde rural, comme en témoigne le département de la Nièvre (voir p. 32). À présent, la data et l’intelligence artificielle font de la lumière un nouveau vecteur de

communication complémentaire à ceux dé-veloppés au niveau du Smart Building et de la Smart City. À ce niveau, l’accélération des évolutions de l’industrie de l’éclairage est re-marquable. Quatre étapes en témoignent :- durant plus d’un siècle, l’éclairage analo-

gique, principalement représenté par la traditionnelle source incandescente, se li-mitait, au niveau des « services », à allumer ou à éteindre ;

- ensuite, il y a tout juste une quinzaine d’années, la technologie LED a apporté une efficacité et une qualité accrues de l’éclairage ;

- cette technologie a aussi tracé les pers-pectives de la numérisation appliquées aux systèmes et services liés à l’éclairage et a ouvert à de nouveaux modèles écono-miques basés sur cet usage ;

- à présent, avec l’Internet des Objets (IoT), nous entrons dans l’ère de l’intégration des appareil intelligents connectés qui permettent la collecte de données et la création de nouveaux services basés sur ces données.

Lancée au salon Light & Building 2018, notre plateforme Interact, dédiée à l’IoT, répond à cette évolution, en collectant les informa-tions fournies par l’installation d’éclairage LED, les capteurs intégrés et les objets connectés. Enfin, les logiciels et l’architecture ouverte du système permettent de partager les données entre les luminaires, les cap-teurs et la plateforme, via des API ouvertes. Cette technologie permet aux propriétaires et investisseurs de créer de la valeur, l’infras-tructure digitale (la lumière) appartenant au bâtiment ou au réseau d’éclairage public. Ces nouvelles performances opérationnelles, les nouveaux avantages et services apportés aux usagers construisent un nouveau « siècle de lumière » en nous permettant d’entrer dans l’ère de l’éclairage connecté. Notre nouveau nom, Signify, fort de ces deux marques glo-bales Philips et Interact, en est l’illustration.

JEAN-LUC LAVENIR (SIGNIFY FRANCE)

« La lumière est d’abord notre métier, mais la data le devient aussi ! »« Un réseau d’éclairage LED connecté représente un parfait point de départ pour devenir une composante intégrale et durable du bâtiment et de la ville intelligents. » Pour Jean-Luc Lavenir, PDG de Signify France, cet objectif du groupe, porté par « la réputation de sa marque », s’entend aussi grâce aux innovations technologiques s’appuyant sur les besoins clients.

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MIEUX VOIR ET BIEN-ÊTRE / DOSSIER

Au XIXe siècle, l’électricité a permis d’ob-tenir la lumière à la demande et rendu

possible l’activité humaine la nuit, que ce soit pour l’éducation ou pour l’industrie. Au XXe siècle, l’invention du laser et de la fibre optique a aboli les distances en permettant la création de réseaux de communication denses et ultrarapides, l’Internet en étant le prolongement naturel. Au XXIe siècle, la lumière façonnera la vie humaine en in-vestissant trois écosystèmes essentiels : mobilité, industrie/tertiaire, santé.

LUMIÈRE ET MOBILITÉLa lumière rend les humains autonomes dans leur mobilité à deux niveaux. D’une part, avec l’invention de la LED, elle devient numérique et programmable et apporte In-ternet dans tous les locaux d’un bâtiment. « Cela s’appelle le LiFi, complémentaire du Wifi », rappelle David Menga. La géolocalisa-tion LiFi bas débit permettant de se repérer précisément dans n’importe quel espace clos, généralisant ainsi le GPS et Bluetooth en garantissant aucune interférence avec les ondes électromagnétiques (voir les solutions proposées par Oledcomm et Signify).D’autre part, elle permet l’exploration de l’environnement (observation des étoiles avec la lunette astronomique et du vivant avec le microscope). Au CES 2017, la socié-té israélienne SCIO présentait le premier spectromètre intégré à un smartphone per-mettant de déterminer, en temps réel, la composition chimique de l’air, des aliments, des liquides. Ainsi, « je sais ce que je mange, bois et respire ».Au CES 2019, le LIDAR (LIght Detection And Ranging), sorte de radar lumineux, s’est im-posé comme moyen privilégié de perception de l’environnement 3D (formes et vitesse) pour les véhicules autonomes. Trois sociétés, Ouster, Innoviz Technologies et Robosense ont reçu un prix pour leurs innovations.

LUMIÈRE ET INDUSTRIE/TERTIAIRE« La lumière est une composante essentielle de l’industrie du futur. » Jusqu’à présent, elle était présente dans les usines à travers, outre l’éclairage indispensable à la sécurité, la dé-coupe laser, sorte de sculpture de formes. Désormais, associée à une imprimante 3D, elle construit des formes à la demande. Par exemple, la lumière UV, via le procédé « Continuous Liquid Interface Production » de la société Carbon3D, permet de créer en continu des objets 3D en photopolymérisant de la résine. La fameuse scène du film Ter-minator 2, dans laquelle T1000 se recrée en sortant d’un bain métallique liquide, devient presque la réalité. Pour preuve, Adidas pro-duit ainsi des semelles en plastique pour ses chaussures de sport.La lumière permet aussi de réparer des frac-tures mécaniques sur des circuits électriques en contrôlant le mouvement de matériaux photochromiques via des variations de po-larisation. Des chercheurs coréens du KAIST (Korea Advanced Institute of Science and Technology) ont conçu, dès 2015, un tel conducteur photosensible. Enfin, elle per-met de calculer, de faire de l’apprentissage machine sur de grosses masses de données et donc d’optimiser les processus indus-triels, le tout en consommant peu d’énergie. La société française LightOn produit de tels coprocesseurs optiques.

LUMIÈRE ET SANTÉ, BIEN-ÊTRETout d’abord, la lumière naturelle influe for-tement sur notre moral et notre productivité, comme l’ont démontré les études menées notamment par Philips Lighting qui propose des solutions de luminothérapie destinées aux particuliers. La société française Echy, quant à elle, apporte aux occupants d’un bâ-timent les bienfaits du soleil. À présent, le laser permet de corriger la myopie, l’astig-matisme, la presbytie. Avec l’optogénétique,

la lumière permet d’agir in vivo sur les neu-rones du cerveau, soit individuellement, soit en groupe, avec la perspective d’agir sur le stress post-traumatique ou la mala-die d’Alzheimer.

DEMAIN VERS DE NOUVELLES ÉTOILESDurant ce siècle, la lumière va encore en-chanter nos rêves les plus fous, « en nous ouvrant peut-être une porte vers les étoiles ». Le projet « Breakthrough Starship », financé par le milliardaire russe Yuri Milner, spécialiste de l’Internet, vise à construire un gigan-tesque laser capable de propulser une voile solaire de la taille d’une pièce de 1 centime au cinquième de la vitesse de la lumière afin d’atteindre l’étoile la plus proche de notre soleil, à savoir, Proxima Centauri qui, décou-verte il y a moins de 23 ans, est l’étoile la plus proche de notre Système solaire… dont elle est quand même distante de 4,22 an-nées-lumière. « Le Siècle des lumières est ainsi plein de nouvelles promesses pour l’humanité », conclut David Menga.

DAVID MENGA (EDFLAB)

« Le XXIe siècle marque le « retour » au Siècle des lumières »La lumière, c’est d’abord le cadeau des étoiles pour apporter la vie sur notre planète. Ensuite, avec l’avènement de l’électricité, l’Homme a créé son propre soleil artificiel, sa lumière, activable à la demande. Avec l’avènement du numérique, illustre David Menga (EDFlab), la lumière devient programmable, intelligente et précise. Elle sculpte, fabrique, calcule et soulage. Au XXIe siècle, la lumière est au cœur des activités humaines. Demain, anticipe-t-il, elle nous conduira vers de nouveaux soleils.

Avec l’optogénétique, la lumière permet d’agir in vivo sur les neurones du cerveau. Ou quand la lumière contrôle le cerveau.

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«Quatre applications principales orientent notre stratégie, souligne Steve Denni, la connectivité, la sécurité, la mobilité, le bien-

être et la santé. » Un composant représente le « nœud digital » les réunissant. Il s’agit de l’interface de communication bidirectionnelle, auto-alimentée, intra-luminaire DEXAL (Data Exchange for Advanced Lighting), non-propriétaire, basée sur le standard DALI. Cette tech-nologie permet aux fabricants de créer des luminaires connectés via une seule interface prise en charge par plusieurs systèmes de gestion de la lumière (LMS – Lighting Management System).

DALI2 DANS LA COUR DES OBJETS CONNECTÉS (IOT)Créé il y a une vingtaine d’années, le « traditionnel » protocole DALI (Digital Addressable Lighting Interface), dédié à la gestion de l’éclairage, a plus récemment été adapté par l’Alliance DiiA (Digital Illumina-tion Interface Alliance) au monde de l’IoT. Son objectif ? « Apporter les avantages du DALI aux réseaux d’objets connectés en permettant la connexion des luminaires », explique Steve Denni.Tout en garantissant l’interopérabilité entre les composants, l’Alliance développe de nouvelles caractéristiques techniques, étendant ainsi les possibilités du protocole d’éclairage. Par ailleurs, elle tend à stan-

STEVE DENNI (OSRAM LIGHTING)

« La digitalisation crée de nouvelles applications »« Redessiner ce que sera la lumière en ne se limitant plus au visible. » Telle était la perspective déjà annoncée par Steve Denni, président d’Osram Lighting France, dans l’édition LUX 297. Plus concrètement, le groupe poursuit sa réorganisation pour accélérer son développement portant, notamment, sur la fourniture de composants et solutions pour la digitalisation des villes et bâtiments intelligents (#TheNewOSRAM).

LA LUMIÈRE POUR NOURRIR LES MÉGAPOLESDans cette présente édition de LUX, pages 71-72, est évoqué le développement de l’éclairage horticole pour les fermes urbaines qui représentent « un nouveau champ de croissance pour l’éclairage LED »… et pour le groupe Osram. Fluxunit, son bras d’investissement, a acquis une participation dans la jeune entreprise canadienne Motorleaf, société d’intelligence artificielle pour les exploitants de fermes verticales. Par ailleurs, Osram a également élargi son portefeuille horticole avec l’acquisition du fabricant américain de luminaires spécialisés Fluence Bioingeneering.Toujours via Fluxunit, le spécialiste de l’éclairage détient, depuis 2017, une participation dans la start-up horticole Agrilution.

dardiser la façon dont les drivers échangent des données de mesure et de diagnostic. Sur la même base, DiiA cherche également à simplifier la connexion des luminaires via des nœuds de communication inté-grés. Nous voici revenus à DEXAL.

POUR QUOI FAIRE ?Pour illustrer les possibilités offertes par cette solution, citons quatre cas génériques d’applications :- la gestion de l’occupation des bureaux où, forcément, existe au

moins un luminaire dans chaque pièce pouvant détecter son état d’occupation (présence ou absence), dans un espace de coworking par exemple ;

- dans un parking, c’est un minimum de sécurité que d’éclairer le cheminement du piéton vers la sortie au moment où il est détecté. Techniquement, l’information de présence est transmise au premier luminaire qui communique avec tous les autres et qui balisent le par-cours vers la sortie la plus proche ;

- en extérieur, des capteurs de bruit peuvent être installés dans des lu-minaires d’éclairage public lesquels, par ailleurs, peuvent informer sur la disponibilité d’une place de stationnement. Cette solution évite la circulation inutile en quête d’une place libre et réduit les émissions de CO2, nocives pour l’environnement et notre santé ;

- enfin, dans l’hôtellerie, à l’entrée d’un établissement, le client est détecté et identifié à partir de sa réservation, ce qui permet de déclencher les paramètres individuels de confort programmés à l’intérieur de la chambre qui lui est attribuée : chauffage/climati-sation ; ambiances lumineuses… et même la TV connectée sur sa chaîne préférée.

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»«Le président de la SBA (Smart Buildings

Alliance) ne cache pas aujourd’hui sa satisfaction. Après quatre années de travail menées par la Commission « Ready 2 Ser-vices », présidée par Emmanuel Olivier, ont été définis les prérequis pour un bâtiment connecté et communicant au service des usa-gers et la ville intelligente et durable. Résultat, le 26 juin 2018, la SBA et Certivea ont pré-senté le label « R2S », référentiel conçu pour accompagner les professionnels du bâtiment et de l’immobilier face à un double défi :- d’une part, celui lié à la révolution numé-

rique et aux nouveaux usages développés ;- d’autre part, celui lié à la transition énergé-

tique et environnementale.

L’ÉCLAIRAGE LED TIRE LE NUMÉRIQUE DANS LE BÂTIMENTConséquence du développement du nu-mérique et de l’intelligence embarquée, les équipements du bâtiment fonctionnent, pour la plupart, en courant continu 24 ou 48 V ainsi que l’informatique, les systèmes de traitement d’air, les volets roulants, la vidéo protection, l’audio… À ces usages, s’ajoute, le développement du stockage d’énergie sur batteries, pour alimenter les véhicules élec-triques, réalisé en courant continu à partir de générateurs photovoltaïques. À présent, la technologie LED fait « tomber » le dernier

bastion où le courant alternatif dominait encore, l’éclairage. Dorénavant, il participe aussi à « tirer » le déploiement du numé-rique dans les bâtiments « DC Ready ». En premier lieu, cette évolution est pertinente

dans le neuf où s’imposent les installa-tions LED. Mais il convient surtout de ne pas « oublier » la rénovation de l’immense parc existant, tant au niveau des éclairages que des infrastructures électriques. Face à un bâtiment s’orientant vers une plateforme de services adossée à une infrastructure PoE (Power over Ethernet), le courant alternatif 220 V ne se justifie plus, estime Emmanuel François. « Alimenter ces équipements numé-riques nécessite l’ajout de transformateurs ac/dc consommant de l’énergie et coûtant cher à l’investisseur. C’est un non-sens ! », affirme-t-il.

S’APPUYER LA RÉNOVATIONFort de ce constat, le président de la SBA mi-lite pour, d’ici deux ou trois ans, constituer, en France, une expertise industrielle nou-

velle dans le domaine du courant continu. Comment ? « En s’appuyant sur l’indispen-sable rénovation des installations l’éclairage », répond-il. « Le remplacement des sources lu-mineuses actuelles s’effectue en moyenne tous les 7 ans. Ce relamping doit être mis à profit pour faire évoluer le réseau d’éclairage vers un réseau PoE pour réaliser la colonne vertébrale du bâtiment Ready to Services (R2S). À l’heure où l’on parle de rénovation énergétique, de res-pect de l’environnement, de bâtiment vertueux, de responsabilité sociétale… la transition éner-gétique doit s’accompagner d’une transition numérique », déclare-t-il.L’enjeu est important, cette mutation étant riche d’économies tant au niveau énergé-tique qu’à celui de la réduction des coûts d’équipements et de câblages, le principe de la solution PoE consistant à faire passer, sur un même câble Ethernet, à la fois une ali-mentation électrique 48 V courant continu et jusqu’à 1 Gbits/s de données numériques se-lon les configurations. Le concept bouscule, « disrupte » disent certains, comme la tech-nologie LED a chahuté les acteurs historiques de l’éclairage conventionnel. Mais, le passé l’a démontré, le numérique a toujours gagné sur les résistances qu’on lui opposait. « On n’empêchera pas cette ré-volution qui s’annonce », conclut Emmanuel François.

EMMANUEL FRANÇOIS (SMART BUILDINGS ALLIANCE)

« On n’empêchera pas la révolution qui s’annonce »« L’éclairage, vecteur du numérique pour les bâtiments R2S, véritables plateformes de services. » Emmanuel François en est convaincu ! Il l’explique.

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Tout s’accélère. Il faut anticiper ce que sera demain.

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«Intelligemment pensée et gérée, la mise en valeur du patrimoine, quelles que soient

sa nature et son envergure, représente un atout supplémentaire pour toutes les communes, in-dépendamment de leur taille. » Anne Valachs, Directrice générale du Serce (Syndicat des en-treprises de génie électrique et climatique). Elle invite ainsi tous les maîtres d’ouvrage, publics ou privés, ayant réalisé une mise en lumière pérenne et visible gratuitement, à participer au Concours Lumières.Au total, environ 150 mises en lumière récompensées en 30 ans témoignent de l’efficacité de l’éclairage pour redonner de la cohésion sociale à des espaces urbains sou-vent mal identifiés. Ces mises en lumière de monuments, sites urbains ou ruraux, jardins ou ensembles paysagers, à la fois historiques et contemporains, contribuent, également, à l’attractivité touristique. Elles participent à l’attractivité économique des territoires,

tant à l’échelle d’un site que d’un quartier ou même d’une ville. Trente années de concours ont démontré que l’éclairage nocturne s’est considérablement réinventé.

LA LUMIÈRE RECRÉE AUSSI UN LIEN SOCIAL« En analysant le panorama des lauréats, on s’aperçoit que l’utilisation et le rôle joué par la lumière ont beaucoup évolué en 30 ans », sou-ligne Anne Valachs. À l’origine, il s’agissait surtout de « mettre en lumière ». On éclairait les monuments pour qu’ils soient considé-rés comme des phares dans la nuit. « Il fallait que cela se voie. » Puis, au cours des années 2000, l’éclairage a gagné en subtilité tandis que la couleur a pris une place importante dans les réalisations. À partir de 2006, le ju-ry a intégré la notion d’efficacité énergétique pour faciliter des réalisations performantes sans être énergivores.Les innovations technologiques qui suivront, notamment l’apparition de la technolo-gie LED, ont permis une nouvelle évolution dans la mise en valeur du patrimoine. La lumière, en s’appliquant directement sur l’édifice, vient sculpter les monuments, elle en souligne les contours ou les élé-ments architecturaux caractéristiques. Le

flux lumineux est mieux maîtrisé et, tout en changeant la physionomie des bâtiments, il réduit les nuisances lumineuses. Sur le plan environnemental, des critères ont également été introduits pour juger les efforts d’intégra-tion au site des sources lumineuses et des équipements afin de limiter leur impact vi-suel, de jour comme de nuit. Le concours a aussi évolué dans ses choix. Au début des an-nées 2000, il sort du patrimoine traditionnel (églises, châteaux, mairies…) pour s’inté-resser au patrimoine industriel. Des ponts, une grue, un haut-fourneau deviennent lau-réats. Des dossiers portant sur des bâtiments

La mise en lumière est vecteur de fierté pour les habitants et facteur de bien-être en devenant un élément structurant et sécurisant, reflétant une image positive de la commune.Guy Geoffroy, Président de l’association

Les Éco Maires et Maire de Combs-la-Ville (77)

ANNE VALACHS (SERCE)

Depuis 30 ans, le Concours Lumières témoigne que l’éclairage nocturne se réinventeL’éclairage joue un rôle essentiel dans l’attractivité et l’animation des territoires. Depuis 30 ans, en témoigne le « Concours Lumières » organisé par le Serce, en partenariat avec Signify (ex-Philips). Avec pour ambition de valoriser des réalisations de mises en lumière exemplaires, sa longévité est riche d’enseignements.

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Page de gauche, en haut.Le Chai Ballande à Ludon-Médoc en Gironde mis en lumière par Yon Anton-Olano a été primé en 2004. Le concepteur a intégré en façade dans les trous de banche 278 points lumineux.

Page de gauche, en bas.La base sous-marine de Saint-Nazaire mise en lumière par Virginie Nicolas. Pour ce troisième prix de 2015, l’enjeu était de rendre le site plus attractif de nuit.

Ci-dessus.Recréer un lien social avec le reste de la ville, en profitant de travaux de rénovation énergétique, tel était l’objectif de la mise en lumière de la Tour TR2 à Elbeuf-sur-Seine. Premier prix 2018.

PHILIPPE BADAROUX (CLUSTER LUMIÈRE)

« L’AFE peut jouer un rôle fédérateur au sein de la filière »C’est quoi la filière éclairage ? Peut-on vraiment parler de filière, alors que ses acteurs sont très dispersés et que les organisations professionnelles, tentant de la représenter, ont du mal à s’entendre ? Philippe Badaroux, président du Cluster Lumière, qui vient de fêter ses 10 ans, s’interroge… et avance une proposition fédératrice.

«La représentation unifiée des acteurs scientifiques et économiques, sous l’égide d’un chef de file neutre, est un prérequis à l’existence

même de cette filière avant d’envisager son avenir. L’AFE devrait pouvoir jouer ce rôle fédérateur », avance Philippe Badaroux, en considérant que, « si cela n’a pas lieu à court terme, je reste très pessimiste au re-gard du risque de voir l’éclairage devenir un bien de “commodity”. De plus, l’excellence industrielle et artistique française risque de se noyer dans de nouveaux usages qui la dépasseront. »Avec le développement de la technologie LED et de la gestion nu-mérique, ce sont les nouveaux usages qui tireront les marchés et créeront les opportunités d’affaires de demain. Il suffit de les anti-ciper et de les comprendre, pour identifier ceux qui représentent un vrai sens et entraînent une rupture. « Ce sont eux qui créeront de la valeur demain et insuffleront la dynamique nécessaire à la filière », martèle le président du Cluster Lumière.

Le Cluster Lumière apporte sa pierre à l’édifice en proposant depuis 10 ans

une démarche originale et différente, très large, qui regarde la lumière, et non seulement l’éclairage traditionnel, au travers des usages.

ÉCLAIRER DIFFÉREMMENT ET INTELLIGEMMENTLes innovations technologiques, qui s’accélèrent, créent autant d’opportunités de tout repenser, d’éclairer différemment, intelli-gemment, en optimisant l’énergie et en intégrant le bien-être et la santé. Jusqu’à présent, nous nous sommes contentés de remplacer les sources lumineuses traditionnelles par des LED avec, à la clef, des gains énergétiques et photométriques certains… mais sans vrai-ment en repenser l’usage.« L’avenir sera ailleurs, et je le vois très large, à l’instar de ce que le nu-mérique a apporté à la photographie, où l’appareil photo traditionnel a été remplacé par le Smartphone, ou encore à l’audio, qui a vu les sup-ports se dématérialiser, ou aussi à l’explosion de la lumière nomade », conclut Philippe Badaroux, en confirmant qu’il y aura des nouveaux entrants, de nouvelles façons de faire. Enfin, les modèles écono-miques actuels devront se renouveler. « Il faut travailler ensemble pour les appréhender. »

contemporains sont également proposés avec des réalisations sur-prenantes comme l’entrée du cimetière du parc de Clamart, un chai dans le Bordelais ou la bibliothèque de la Part Dieu à Lyon. Ces der-nières années, le Concours a également récompensé des projets portant la qualité de leur éclairage, mais aussi pour la contribution sociétale du projet.

LE RÔLE DE LA LUMIÈRE ÉVOLUEBien sûr, il s’agit toujours de mettre en valeur un patrimoine, mais tout en contribuant au renouveau économique d’une ville. Deux exemples en témoignent notamment : d’une part, la vallée des usines, à Thiers, dont la mise en lumière, en rappelant l’histoire de la ville, génère une fréquentation touristique importante ; d’autre part, le parcours lumière de Châlons-en-Champagne, sur le Nau et le Mau, faisant découvrir le patrimoine historique de la ville au fil de l’eau.La lumière recrée aussi du lien social. On notera par exemple l’éclai-rage de jardins à la Réunion, qui sécurise les lieux et permet aux habitants de se réapproprier des espaces délaissés. Celui de la base sous-marine de Saint-Nazaire est aussi particulièrement significa-tif. La mise en lumière permet une véritable transformation d’un univers de béton en un lieu d’expression culturelle. Ce qui peut pa-raître laid de jour, devient attractif la nuit… et, en conséquence, les habitants réinvestissement les lieux.Enfin, l’exemple le plus récent est le premier prix attribué à la tour TR2, abritant 45 logements HLM, située quartier du Puchot, à l’en-trée de la ville d’Elbeuf-sur-Seine, en Normandie. Dans le cadre de sa rénovation énergétique extérieure, la tour a été mise en valeur par « une pluie d’étoiles » descendant de son sommet. « Ainsi éclairée, cette tour, implantée dans un quartier autrefois stigmatisé autrefois, si-gnale de façon poétique l’entrée de la ville… et rend ses habitants fiers d’y habiter », conclut l’architecte Olivier Fontes de Aguiar à qui l’on doit cette conception lumière.

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Pour Virginie Nicolas, l’exemple d’XPO1 est passionnant. Neuf associations

réunissant les métiers de l’exposition, re-présentant des centaines de professionnels, échangent depuis 6 mois pour s’aider mu-tuellement, se faire reconnaître et réfléchir à l’amélioration des pratiques par le dialogue et l’émulation. Cette approche anti-compéti-tive et amicale (les membres sont confrères, concurrents, clients, cotraitants, sous-trai-tants…), espère-t-elle, « devrait se développer de manière transversale dans tous nos champs d’intervention ». Mais pour cela, estime-t-elle, « il faut construire une vraie culture du dialogue, de l’efficacité et du compromis ». À enseigner au plus tôt aux étudiants !

UN NÉCESSAIRE DIPLÔME« La complexification des enjeux, des techno-logies et des cadres normatifs fait que, dans ce domaine comme dans d’autres, la légitimité du métier de concepteur lumière me semble de plus en plus recherchée. » Reste le problème de la formation, la présidente de l’ACE (Associa-tion des concepteurs lumière et éclairagistes) gardant espoir que, d’ici deux ans, « nous parvenions à consolider une formation de type master M1 + M2 ou mastère professionnel en conception lumière pour nourrir ce métier et le renforcer ».

Si les profils variés représentent la richesse du métier de concepteurs lumière, « qu’il faut encourager », Virginie Nicolas considère qu’une base théorique et pratique com-mune et solide permettrait d’aller encore plus loin et plus vite dans l’expérimentation et la maîtrise du métier. D’autant plus que la contraction annoncée des familles de mas-ters (7 700 masters dénombrés à ce jour en France !), « représente un véritable défi pour l’ACE convaincue de la nécessité de créer un di-plôme de conception lumière ! »

FAIRE ÉVOLUER LES MÉTHODES DE TRAVAILL’actualité témoigne que les citoyens prennent l’habitude, via les réseaux sociaux, de se réunir pour agir, donner leur avis, par-ticiper à la chose publique. « Il me semble que cela se ressent déjà tant au sein des agences que des projets », poursuit-elle. En effet, les méthodes de travail en équipe évoluent : moins de structures de décision pyramidale, plus de collaboratif en structure neuronale (l’intelligence ne relève pas du cer-veau d’un seul individu, mais d’échanges entre plusieurs personnes). « Collaboratif ou collectif ? », interroge la présidente de l’ACE. Le premier mode d’organisation est plus lent et complexe car exigeant un consensus. En

revanche, le mode collaboratif est idéal, mais peu adapté à la rapidité croissante de réac-tion attendue sur les projets lumière.Le second mode implique un « leader », (et non un « chef » !) orientant l’énergie com-mune. Une alternative adaptée à la structure pyramidale classique du concepteur lumière expert et décisionnaire accompagné d’assis-tants. « Le mode “collectif ” permet à tous de s’épanouir et d’approfondir chacun son champ d’expertise pour en faire profiter le groupe. »Cet impératif récent de concertation se re-trouve sur le terrain : le concepteur lumière doit gagner en compétences pour participer à, voire animer, des ateliers de conception avec les habitants, faire des enquêtes noc-turnes de terrain (et non plus observer tout seul…). « C’est différent de ce que l’on a appris, c’est passionnant, mais c’est aussi difficile au car nous avons peu de temps… » De plus, ce-la remet en cause l’image du créateur génial et libre, traversé d’inspirations fulgurantes, d’autant plus que, dans cette profession comme dans de nombreux autres métiers connexes, les femmes sont de plus en plus présentes. À ce propos, Virginie Nicolas a particulièrement été marquée par le Maroc « où nous étions une petite minorité quand j’ai commencé à y travailler, il y a 10 ans, et où, maintenant, les hommes sont en grande mino-rité autour de la table : ingénieures réseaux et infrastructures, maître d’ouvrage, paysagistes… Ce progrès est stupéfiant, et me réjouit ».Autre évolution interpellant la conceptrice lumière, qui s’interroge sur l’impact qu’aura l’intelligence artificielle sur ce métier. Super-assistant pour la modélisation ou la collecte

VIRGINIE NICOLAS (PDTE DE L’ACE)

La légitimité du métier de concepteur lumière En tant que présidente de l’ACE (Association des concepteurs lumière et éclairagistes), Virginie Nicolas poursuit la défense de la légitimité de concepteur lumière. Elle entrevoit de nombreuses évolutions positives, ainsi que quelques mutations, tout en formulant certains souhaits.

Plan lumière d’un site de maintenance du Grand Paris Express : comment réduire au mieux l’impact de la lumière d’un site industriel actif la nuit à proximité d’un espace boisé ? En utilisant des spectres lumineux pauvres sur les sites de stockage, de la détection de présence, des niveaux bas, un cadrage très précis des faisceaux… et des caméras infrarouges pour la sécurisation du site. Chaque projet demande un arbitrage délicat entre des enjeux contradictoires !

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de données de terrains ? Conception lumière paramétrique ? Automatisation du dessin des plans, des comparatifs de matériel, des propositions d’esquisse ? « Notre métier, très hybride et polyvalent, caractérisé par beaucoup d’interactions humaines et réagissant au cas par cas sur chaque projet, résistera a priori bien à cette vague de fond qui a déjà commencé à faire muter des champs professionnels entiers », estime-t-elle.

BIEN ÉCLAIRER, C’EST NE PAS TROP ÉCLAIREREn 12 ans, Virginie Nicolas a observé plu-sieurs prises de conscience successives. D’abord « mieux éclairer consistait à beaucoup éclairer ». Puis le beau a gagné en légitimi-té dans l’espace public (en intérieur c’était un critère-clé depuis longtemps déjà) : « Bien éclairer, consistait à réaliser un bel éclairage. » Avec la prise de conscience de la limite des ressources énergétiques et avec l’émergence du développement durable : « Bien éclairer, est devenu éclairer avec efficacité. »À présent, la société (re) découvre la nécessité de préserver le ciel, la nuit, les animaux noc-turnes, notre sommeil ! La lumière, jusqu’ici considérée comme un progrès, devient une nuisance. « Bien éclairer, aujourd’hui, c’est ne pas trop éclairer. » Chaque étape ayant im-prégné la culture lumière, l’ensemble des aspects précédents doivent, également, être pris en compte. « Les projets gagnent en com-plexité (exigences parfois contradictoires), mais aussi en subtilité, et en vertu. »Et Virginie Nicolas de désespérer. « Pendant que l’on compte les W au mètre carré, à l’autre bout du monde ou même moins loin, des villes et mégalopoles sont noyées de photons, de mé-dia façade, de projets lumière pharaoniques… »

TEMPS LONG ET TEMPS COURTConcrètement, sur un même projet lu-mière, les concepteurs lumière se retrouvent presque systématiquement à devoir, entre deux phases de travaux, changer de généra-tion de matériel, remplacer un matériel qui n’est plus fabriqué, voire, pour les plannings d’études les plus longs, reconcevoir toutes les études photométriques à chaque étape de validation. « Cela rend l’exercice de planifica-tion à long terme, et de cohérence, très délicat. » Pour l’avenir, considère Virginie Nicolas, « il n’existe pas d’autre solution que de parvenir à une réelle interopérabilité et modularité des sys-tèmes d’éclairage. »Quand les systèmes installés ne sont pas in-teropérables et donc résilients, l’innovation

devient trop vite obsolète, la technologie est abandonnée… et les experts l’ayant conseil-lée perdent leur crédibilité. « Une réserve, voire une méfiance, est déjà palpable chez les investisseurs privés et publics, si enthousiastes pourtant la première fois ! » Les protocoles propriétaires freinent le développement des innovations en éclairage, bien qu’ils soient un pilier nécessaire du système économique, en permettant une rémunération des ef-forts de recherches et développement. Mais comme en informatique, le protocole ouvert et « responsive » est le seul qui permettra d’évoluer sereinement et de se développer dans le temps et l’espace.« Mais quelle sera le prochain standard… la pro-chaine norme ? Je me le demande chaque jour. Dans l’intervalle, on fait des zones tests, on expé-rimente sur de petits bouts… », poursuit-elle en soulignant, qu’en éclairage intérieur et évé-nementiel, « se rapprochent des métiers de vidéastes et de concepteurs lumière témoignant que les passerelles entre les deux professions se multiplient ».

LA TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLESe considérant « assez technophile », Virginie Nicolas se dit convaincue par la vision de Je-remy Rifkin qui imagine nos cités comme des nœuds autonomes énergétiquement, et donc résilients. Dans ce cadre, « l’intel-ligence de l’éclairage fait sens » à plusieurs niveaux : utilisation des candélabres comme relais d’information, de lieu de production et d’échange d’énergie ; captation de la pro-duction infime d’électrons, pour alimenter des composants électroniques ; grâce à la piézoélectricité, qui sait, « le vent caressant le mât d’un luminaire suffira un jour à le re-

charger en énergie pour la nuit ? » Le très beau projet d’anticipation d’ARUP éclairage repré-sente un exemple fou : des drones lumineux éclairent nos rues, se reconfigurent à la de-mande si les usages changent, abaissent leur puissance en cœur de nuit, et en journée, se repositionnent sur les toitures pour se re-charger au moyen de panneaux solaires. « La partie “data” me laisse plus dubitative », poursuit la présidente de l’ACE. Collecter des données, pour analyser les usages de tous, lui semble une obsession toxique de nos socié-tés. « Je ne pense pas que l’avenir désirable de l’éclairage urbain consiste à permettre à chacun de changer la lumière de sa rue à partir de son smartphone, ou que la lumière suive chaque voiture. » Tout simplement parce que l’espace public est un lieu communautaire et non in-dividuel. « L’atmosphère lumineuse, conçue par une équipe expérimentée doit y favoriser le vivre ensemble. »Et Virginie Nicolas de conclure en faisant référence à Baruch Spinoza pour projeter l’avenir de la conception lumière associant évolutions positives et mutations. « L’acqui-sition de compétences représente une source de joie dans la vie », estime le philosophe néer-landais d’origine portugaise. Or, selon elle, « la lumière reste un champ d’apprentissage qui semble inépuisable ».

1. XPO est le nom d’une fédération des métiers de l’exposition, en cours de constitution, réunissant scénographes, vidéastes, auteurs, muséographes… Leur objectif ? Travailler ensemble et valoriser la richesse de leur métier.

2. ARUP éclairage : branche du bureau d’études anglais précurseur dans la conception lumière européenne.

Lamyaa AKARID, architecte (RRAI) & Yosra ZENNIBY, architecte (G3), en visite sur leur gigantesque écoquartier Casablanca ANFA (350 hectares).

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Tendre vers un marché plus qualitatifToujours en partenariat avec CIE France, poursuivons le déroulé de ce dossier « Mieux voir et bien-être en perspectives » en traitant, avec Yannick Sutter, de l’éclairage intérieur qui se doit de devenir dynamique. D’ores et déjà, les nouvelles technologies numériques permettent de gérer la lumière en fonction des besoins de notre organisme. Pour assurer le bien-être, ces solutions adaptatives, ou a minima multiples, devront varier en spectre et en quantité selon le moment de la journée, voire selon le profil de l’usager (son âge, son métier, son historique d’exposition lumineuse…). Les solutions se développent, comme en témoignent les « paroles d’experts » ci-après.

JÜRG ZUMTOBEL (ZUMTOBEL GROUP)

« L’éclairage représente le réseau d’infrastructure idéal pour l’IoT » « Ces dernières années, les industriels de l’éclairage ont trop privilégié les économies d’énergie en négligeant la qualité de la lumière. » On doit cette « autocritique » à un leader industriel lui-même lors de l’inauguration, en décembre dernier à Paris, du nouveau Centre des lumières de Zumtobel Group en France (voir aussi p. 88). Parmi les invités, le philosophe Raphaël Enthoven.

En proposant une interaction entre lu-mière et architecture, « nous sommes

devenus leader international des solutions ho-listiques », se félicite le président du Conseil de surveillance de Zumtobel Groupe AG. Et de rappeler, qu’au niveau de l’être humain, cette approche prend en compte les di-mensions physiques, mentales, familiales, sociales, culturelles et spirituelles. Ce rap-pel lui permet d’ajouter que « l’être humain et ses besoins doivent profiter des capacités des systèmes de gestion »1. Évolution que prolonge Thomas Moder, Segment Manager Controls & Connectivity chez Tridonic (filiale de Zumto-bel Group) pour qui « l’éclairage représente le réseau d’infrastructure idéal pour l’IoT… et les services associés ».

L’ÊTRE DE LA LUMIÈRE ET L’ÊTRE DE L’OMBRELors de l’inauguration du Centre lumière Zumtobel Group, à Paris, Marcel Masson, nouveau DG de la filiale française, avait convié le philosophe Raphaël Enthoven, ré-gulièrement animateur d’un concert lecture, conduit en duo avec la violoniste Geneviève

Laurenceau, intitulé À l’ombre… des lumières. Mais revenons, en extrait, à son intervention de décembre dernier. « L’un des paradoxes attachés à la question de la lumière c’est la question de l’ombre. Bien souvent, en termes de représentation morale de l’existence, on si-tue la lumière du côté du bien et l’ombre du côté du mal. On oppose ainsi lumière et ombre. Voi-là un être lumineux, voilà un être sombre. Et nous faisons comme si c’étaient des qualités. Ce qui est au départ un phénomène physique, re-vêt une dimension morale. L’être de la lumière et l’être de l’ombre ; celui qui se cache, celui dont il faudrait se méfier. Or, les choses sont plus compliquées. Quand on raisonne ainsi, on op-pose la lumière et l’ombre comme on oppose la vérité et le mensonge… et on devient spontané-ment platonicien. On fait comme s’il y avait la vérité lumineuse en attente d’être découverte, recouverte par de l’ombre, recouverte par le voile des apparences. En balayant le voile des apparences, on fait jaillir la lumière, comme on fait jaillir la vérité qui, comme la lumière, va s’imposer à nous. Sauf que, dit Nietzsche 2 200 ans plus tard, “si la lumière est derrière les apparences, quand tu les balayes, tu fais ap-paraître la vérité”. Autrement dit, tu ne sors pas des apparences. C’est tout le paradoxe de la lumière. Plus la lumière se répand, plus elle donne le sentiment qu’il y a des zones d’obscu-rité. C’est la raison pour laquelle, un théoricien du complot n’en aura jamais assez. Imaginez que quelqu’un pense que la vérité, comme la lu-mière, lui est dissimulée, cette personne verra immédiatement, dans la vérité qu’on lui pré-sente, le parapet de la vérité qu’on lui cache. Croire que la lumière serait au terme de la dis-sipation de l’obscurité, ou que la vérité serait au terme de la dissipation des apparences, est il-lusion remontant à la naissance de l’humanité et avec laquelle on n’a pas fini de se battre. »

1. Dès la fin des années 1980, Zumtobel a lancé sa gamme « Luxmate Profesional », développée par Dr Walter Werner, considéré comme le « père » des commandes d’éclairage.

»«Il est faux de croire qu’il suffit de balayer l’ombre pour faire apparaître la lumière.Raphaël Enthoven, philosophe

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Jeu d’ombres sur les murs du learning center du campus universitaire de Luminy à Marseille par Rémy Marciano Architecte.

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MIEUX VOIR ET BIEN-ÊTRE / DOSSIER

« L’émergence de la technologie LED représente une opportunité exceptionnelle pour le monde de l’éclairage afin de se moderniser et entrer pleinement dans l’ère de l’électronique et du numérique de plus en plus prégnante dans notre vie quotidienne. »

Pour le président d’Actiled Lighting, so-ciété qu’il a créée il y a 5 ans pour

accompagner l’évolution de l’éclairage vers les Smart Lighting, la mutation vers la LED a d’abord été vue comme une opportunité économique, « réduction de la consommation obligeant ». En conséquence, le marché des sources à LED s’est fortement ouvert à l’Asie… et à sa logique « bas coût » en inondant le marché de produits standardisés.En France, de nombreuses sociétés se sont créées pour distribuer ces produits made in China et les adapter aux besoins des clients locaux. Leur performance, leur fiabilité et globalement leur qualité n’ont malheureu-sement pas toujours été au rendez-vous. « L’image des produits LED en a pâti et cer-taines de ces sociétés ayant rapidement disparu, le marché de la distribution est en train de se consolider. » Parallèlement, le marché des fonctionnalités intelligentes associées, en-core émergent, peine à se déployer au-delà de projets pilotes. « Les modèles économiques doivent devenir matures et les acteurs évoluer dans leur pratique pour accélérer ce mouve-ment », considère Étienne Bénéteau.

FACILITER LA MIGRATION DU PARC INSTALLÉL’éclairage est encore trop souvent traité comme une fonction utilitaire basique. Tou-tefois, une partie significative du marché commence à évoluer vers une gestion plus qualitative. Les architectes et concepteurs lu-mière ont souvent des demandes spécifiques nécessitant une approche projet plutôt que la prescription de luminaires standard dispo-nibles sur catalogues. « Les acteurs capables de traiter ces demandes et de gérer les contraintes d’un projet sur-mesure ne seront peut-être pas nombreux, mais ils devront rester très réactifs pour maintenir des services compétitifs dans un pay-sage qui va continuellement évoluer », poursuit-il.

ÉTIENNE BÉNÉTEAU (ACTILED LIGHTING)

« Se pose la question du retrofit dans l’existant »

Par ailleurs, le contrôle de la fonction éclai-rage devient également primordial pour bien gérer les niveaux et les périodes d’éclaire-ment adaptés aux usages. Ces évolutions s’inscrivent dans la gestion des bâtiments où les réseaux mis en œuvre peuvent être complexes et coûteux. « C’est un frein au déploiement. Aussi importe-t-il de bien dimen-sionner les solutions de pilotage pour qu’elles

restent simples à installer, à gérer et à un coût maîtrisé. Cette approche permet aussi d’accom-pagner au mieux la capacité des opérateurs à financer la migration. »L’évolution du parc de luminaires installés est contrainte par des directives de ban-nissement de sources trop énergivores. Ces retraits progressifs au profit de la LED donnent le tempo. Toutefois, leur mise en œuvre reste très lente car limitée par les bud-gets alloués. Pour les éclairages grand public,

les lampes LED viennent en remplacement naturel. En revanche, dans de nombreux usages plus spécifiques d’éclairage public, tertiaire ou industriel, la migration est tech-niquement plus complexe. « La question du retrofit de l’existant se pose alors. Dans cer-tains cas, la valeur du luminaire (matériaux, style, etc.) est telle que remplacer uniquement la source (et son système de pilotage) est écono-miquement plus pertinent. »Enfin, l’évolution du marché dépend éga-lement de la formation des acteurs de l’ensemble de la filière. La conception des bâ-timents est en pleine transition. L’émergence du BIM, la convergence des réseaux, l’évolu-tion des usages dans l’espace public et dans le tertiaire fixent de nouvelles exigences. L’installation, la gestion et la maintenance de systèmes d’éclairage obligent également à acquérir de nouvelles compétences. « C’est actuellement l’un des freins majeurs pour dé-ployer des solutions innovantes », conclut Étienne Bénéteau.

Au-delà des compétences, la capacité des acteurs à travailler ensemble constitue un enjeu majeur pour les prochaines années.Étienne Bénéteau, président d’Actiled Lighting

Projet de rénovation d’une salle historique à Nantes : les salons Mauduit. L’éclairage de corniches et de plafonniers en ligne continue a été conçu et optimisé en réponse à des besoins liés à la puissance d’éclairement, à la facilité d’installation et à la mise en place d’un système de pilotage et de gradation économique et simple à utiliser.

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DOSSIER / MIEUX VOIR ET BIEN-ÊTRE

La lumière naturelle influence le métabolisme humain. L’éclairage a donc un rôle primordial

à jouer pour respecter le rythme circadien et les besoins des utilisateurs. « C’est tout l’enjeu de l’éclai-rage biodynamique », explique Lionel Witkowski, président de Trilux France. D’ores et déjà se déve-loppe un panel de luminaires centrés sur l’Homme (Human Centric Lighting – HCL) avec pour objec-tif d’identifier la solution la mieux adaptée pour l’utilisateur et la configurer selon les besoins, quels que soient les secteurs (tertiaire, industriel, éduca-tif, santé ou soins).

DE L’INDUSTRIE AU BUREAUDans le secteur industriel, ce type d’éclairage per-met d’éviter les erreurs, d’améliorer la sécurité au travail et la productivité. Le travail sur poste fixe peut se traduire par un rythme veille-sommeil per-turbé. Mais un niveau d’éclairement trop bas peut également avoir un impact négatif sur la sécuri-té des opérateurs. Les solutions d’éclairage HCL (« Active ») permettent d’y remédier. Le bureau et l’un des domaines où l’éclairage biodynamique, favorisant la sécrétion de mélatonine, est le plus efficace. Grâce à l’équilibre entre les effets stimu-lants et apaisant de la lumière, l’éclairage améliore la concentration, la créativité et la performance.

INFLUENCES« Un bon éclairage doit offrir plus que des conditions de visibilité optimales, conformes aux normes », consi-dère Lionel Witkowski. La température de couleur et le niveau d’éclairement peuvent influencer l’hu-meur et le bien-être de l’utilisateur. Si la solution d’éclairage suit les variations de la lumière du jour, il est également possible de soutenir le rythme circadien grâce à une commande d’éclairage intel-ligente, permettant de fournir le bon éclairage au bon moment.Et le dirigeant de Trilux de rappeler que « l’éclairage biodynamique doit être basé sur une étude profes-sionnelle dont tous les composants sont adaptés aux besoins du client et au domaine d’application ». Il en résulte des solutions sur-mesure performantes accompagnant l’utilisateur dans ses missions au quotidien.

La numérisation des bâtiments, via l’éclairage, représente aujourd’hui

un enjeu stratégique, les installations devenant de véritables infrastructures numériques… « Connecté, toujours ali-menté, caractérisé par sa capillarité stratégique dans les bâtiments…, l’éclai-rage devient ainsi un support idéal pour accélérer la transformation des locaux existants », considère le directeur Smart Beyond Lighting Solutions de Sylvania, à l’origine d’une démarche associant l’expertise européenne Smart Building à l’approche Smart City chinoise. Et Pierre Taing de rappeler, à ce propos, qu’en 2016, Shanghai Feilo Acoustics, entreprise principalement contrôlée par le groupe chinois INESA1 interve-nant notamment dans le domaine de la Smart City, a fait l’acquisition de Sylva-nia, spécialiste de l’éclairage depuis plus d’un siècle, riche d’une forte expertise en « indoor ».Aujourd’hui, après un lancement pru-dent dans la gestion d’éclairage intégrée et après en avoir convaincu de l’intérêt, Pierre Taing « transite » régulièrement entre les unités européennes de Syl-vania2 et la maison mère de Shanghai, pour accélérer la transition vers le nu-mérique en utilisant l’éclairage comme support incontournable afin de rendre les bâtiments intelligents. « Positionne-ment stratégique et complémentaire pour créer une synergie sino-européenne avec ce que nous considérons comme l’éclairage de demain », complète-t-il. Et d’ajouter que l’environnement est d’autant plus propice aujourd’hui que les économies d’énergie réalisées au niveau des équi-pements d’éclairage sont immédiates et facilement mesurables. « Contribuant à la transition énergétique, elles permettent d’intéressants retours sur investissements. Par ailleurs, l’usage des données collectées par ces infrastructures génère de nouveaux

services allant bien au-delà de l’éclai-rage », poursuit Pierre Taing, en citant, notamment, l’optimisation de l’espace ou la géolocalisation permettant, aux entreprises, d’améliorer leurs coûts d’ex-ploitation tout en générant des revenus supplémentaires plus valorisants encore que de « simples » économies d’énergie. « Toutefois, l’interopérabilité des systèmes reste encore un enjeu de taille à résoudre. »

NE PAS NÉGLIGER POUR AUTANT LE CONFORT« La numérisation des bâtiments ne doit toutefois pas se faire au détriment du confort des occupants », rappelle-t-il. Aussi, tout projet doit être réfléchi, en amont, avec les utilisateurs finaux, l’éclairage ne devant plus seulement être considéré comme une « banale » source lumineuse. « Il crée une ambiance, une atmosphère impactant le bien-être des oc-cupants. »Idéalement il convient d’adopter une approche pragmatique, associée à une architecture adaptée, prenant en compte un traitement de données appliqué à différents niveaux pour éviter toute mauvaise expérience. « Au regard de cet objectif, nous développons, depuis plusieurs années déjà, une stratégie d’innovation ou-verte en travaillant en étroite collaboration avec plusieurs partenaires technologiques afin d’offrir les solutions adaptées aux dif-férents besoins des utilisateurs/clients », conclut Pierre Taing en se félicitant que, depuis 2015, « l’activité « Smart » de Syl-vania enregistre une croissance annuelle à trois chiffres ».

1. La ville de Shanghai est l’unique actionnaire du groupe INESA, qui, début 2016, avait envisagé de créer une usine de fabrication de LED en Moselle.

2. Luminaires Concord et Lumiance à Newhaven au Royaume-Uni ; sources lumineuses à Erlangen en Allemagne ; luminaires Lumiance et Sylvania à Saint-Étienne.

LIONEL WITKOWSKI (TRILUX)

« Respecter le rythme circadien et les besoins des utilisateurs. »

PIERRE TAING (SYLVANIA)

« L’avenir de l’éclairage dépend de sa capacité à guider les bâtiments vers la transition numérique. »

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DIDIER PETIT-BRESSON (EAS SOLUTIONS)

« Le métier mute vers l’usine 4.0 »Après 10 ans d’expérience, comment EAS Solutions imagine- t-elle la décennie à venir ? Quelles perspectives pour l’éclaira ge de grande hauteur, pour quels usages et dans quels domaines ? Autant de questions que pose le remplacement du marché de l’éclairage des centres logistiques approchant de la maturité.

Depuis janvier 2009, le fondateur d’EAS Solutions s’est dédié aux remplacements

d’éclairages dans les usines, commerces, bureaux ou infrastructures avec des solu-tions LED ayant permis de travailler sur un réseau inter-luminaires « transformés en véri-tables supports de communication », explique Didier Petit-Bresson. Chaque luminaire LED est maintenant doté d’intelligence embar-quée (détection de présence et de luminosité) qui permettent de connecter toutes sortes de capteurs : température, CO2, humidité, de vi-brations, qualité d’air, etc.Les objectifs consistent toujours à réaliser des économies d’énergie (jusqu’à 95 %). « Mais pas seulement », poursuit-il. Ces luminaires LED, devenus intelligents permettent aussi d’agir directement sur l’environnement, la

sécurité, l’adaptabilité aux postes de travail, le confort des utilisateurs et la maintenance. « Les grandes évolutions à venir portent sur la mise à disposition de ce réseau de communi-cation inter-luminaires, qui ne perturbe pas les réseaux internes des industries, et permet d’en-trer dans le monde connecté des usines 4.0. », tout en obtenant un éclairage qualitatif sur-mesure pour tous les usages et dans tous les domaines : tertiaire, industriel, bureaux, sièges d’entreprises, magasins…Plus spécifiquement, au niveau des centres logistiques, dans lesquels les opérateurs se déplacent, en permanence, l’économie se joue par point lumineux et non par zone. Quelques secondes après un passage, l’éclai-rage devant pouvoir se remettre au niveau d’éclairement intermédiaire, il importe pour bénéficier d’un confort d’utilisation maxi-mum, de disposer d’un capteur de luminosité par point lumineux, la solution par interrup-teur crépusculaire étant plus approximative et moins confortable pour les utilisateurs.

VERS DES ÉCONOMIES D’USAGELes marchés de l’éclairage en hauteur restent encore porteurs, les flux lumineux aug-mentant et les consommations diminuant. Toutefois, poursuit Didier Petit-Bresson, « le rapport lumen/watt spécifique à l’éclairage in-telligent ne va pas permettre de faire beaucoup

plus d’économies d’énergie contrairement à la multiplication des fonctionnalités embarquées dans les luminaires ».Déjà, l’économie d’énergie résultant davan-tage de l’utilisation du luminaire, elle devient encore plus conséquente avec l’intelligence embarquée et interopérable. « On l’éteint dès que l’on n’en a plus besoin. » Si il fonctionne 90 % du temps à 10 % de sa puissance ou est éteint, on arrive à une consommation extrê-mement limitée, de l’ordre de 5 à 10 W. Qui plus est, l’éclairage LED intelligent augmente sensiblement la durée de vie du luminaire, jusqu’à plus de 200 000 heures.

MUTATIONLe métier mute vers l’usine 4.0 Avec l’appari-tion de plusieurs fonctionnalités embarquées dans les luminaires LED, les possibilités deviennent infinies : géolocalisation des per-sonnes et des objets, sécurité accrue avec des capteurs de présence… De plus, les installa-tions d’éclairage sont également proposées sous forme d’abonnement, de leasing… « Au cours de notre première décennie d’existence, nous avons permis à nos 850 clients d’éco-nomiser 136 millions de KWh d’énergie et 48 680 tonnes de CO2. Pour les 10 prochaines années, notre ambition vise à leur apporter de l’intelligence au-delà de l’éclairage », conclut Didier Petit-Bresson.

ANNE VETTER-TIFRIT (Pdte du Groupe Velum)

« Libérons la lumière »

À ses marques Velum (éclairage LED professionnel intérieur/extérieur en modes projets), Solycom (éclairage intérieur/extérieur distribuable), City U (mobilier urbain à façon) et Azura (thermolaquage), la présidente du groupe Velum en ajoute une cin-quième : Imagin by Velum (configura-teur de luminaires). Avec cette offre, explique-t-elle, « nous allons jusqu’au bout des possibilités du sur-mesure en proposant aux architectes un moyen de “libérer la lumière” via un concept de luminaires personnalisables ».

À SUIVRE… DANS LUX 301

Pour deux Niçois, le RSE c’est le bon choix !

En 2011, la commission européenne a défini la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société, la norme internationale ISO 26000 précisant les sept questions centrales à aborder. Dans ce contexte, les entreprises engagent, en collaboration avec les parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations sociales et environnementales, ainsi que le respect des droits de l’Homme et des consommateurs, dans leurs activités commerciales et leur développement de base.Depuis 8 ans, il se confirme qu’une approche de la RSE peut créer des avantages concur-rentiels pour les PME. En témoignent deux industriels niçois : d’une part, Marcel Ragni, président de la société Ragni1, pour qui « la RSE rapporte plus qu’elle ne coûte » ; d’autre part, Bernard Alfandari, président de la société Resistex2, pour qui « on ne construit pas de profit, on crée des richesses ».Dans la prochaine édition de LUX (301 de mars-avril) seront publiés leurs échanges croi-sés portant sur la stratégie qu’ils développent concernant la RSE… et les avantages qu’en tirent leurs entreprises, y compris les collaborateurs.

1. Marcel Ragni a été nommé, en janvier dernier, premier vice-président du Syndicat de l’éclairage.2. Bernard Alfandari préside le GIL – Syndicat du luminaire.

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Sous les étoiles, il y a intelligemment mieux à faire

Poursuivons notre partenariat avec la CIE France en abordant l’éclairage extérieur. « Au-delà de simples capteurs de détection déjà utilisés pour ajuster le niveau lumineux au trafic, ou aux passages de piétons, d’autres optimisations sont envisageables », souligne Céline Villa (chercheur IFSTTAR – Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux ingénieur chercheur en éclairage et visibilité). Et de citer, en particulier, la luminance de la chaussée, déterminante pour la visibilité nécessaire à la sécurité du déplacement, variant selon la nature du revêtement ou son état (sec, mouillé). « L’intensité des sources d’éclairage public pourrait alors être modulée intelligemment selon les caractéristiques de réflexion de la chaussée. » Enfin, le dimensionnement de l’éclairage urbain ou routier est réalisé en faisant abstraction de l’éclairage automobile. « À l’heure de la télécommunication entre véhicules et infrastructures, une optimisation pourrait être envisagée en tenant compte des différentes sources d’éclairage au service de la sécurité routière et des économies d’énergie, mais aussi du confort des usagers et du respect de l’environnement nocturne », poursuit-elle, en précisant que le problème est multicritère impliquant différents usagers (automobiles, piétons, cyclistes) tout en respectant la biodiversité. D’autres « paroles d’experts » vont dans le même sens.

Cet ensemble HLM – héritier des HBM, Habitations à Bon Marché – fut réalisé par le duo d’architectes André Dubreuil et Roger Hummel (tous deux prix de Rome). Comprenant aujourd’hui près de 540 logements sociaux, le Square Dufourmantelle est inscrit depuis 2007 à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques. Il vient de faire l’objet d’une mise en lumière signée du concepteur Timothé Toury.

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MIEUX VOIR ET BIEN-ÊTRE / DOSSIER

Les solutions d’éclairage connecté permettront de réellement prendre en compte les nouveaux usages et besoins des collectivités. Si, pour l’instant, ces installations n’en sont encore qu’aux balbutiements, les perspectives sont grandes.

Pour la présidente de Technilum, l’abaissement du niveau lu-mineux et la programmation des éclairages représentent les

premières solutions d’éclairage connecté, en limitant, au maximum, les éventuelles nuisances lumineuses, tout en assurant sécurité et confort. Mais sont également possibles les intégrations de services plus élaborés, tels que l’information en temps réel, l’aide au parking, l’enregistrement de données climatiques. « Nous croyons fermement que l’innovation passe par ces services intégrés ; la rationalisation des réseaux et la mutualisation des émergences au sein de l’espace public de-vant être repensée, globalement », estime Agnès Jullian.Au-delà de la connectivité et de l’efficacité lumineuse, le mobilier d’éclairage public se doit aussi de soutenir l’attractivité des centres urbains, de jour comme de nuit. D’où l’aspect esthétique fondamen-tal dans le choix d’un mobilier, qualité, design et durabilité devant faire partie du contrat ! Dernier point, important pour les usagers, concitoyens comme élus : la recherche d’un cercle économique ver-tueux, auquel l’éclairage public peut participer s’il joue le jeu de la production made in France.

PUBLIC OU URBAIN ?La notion d’éclairage public n’est-elle pas devenue trop limitative ? N’est-il pas préférable d’utiliser le concept d’éclairage urbain ? À cette question, Agnès Jullian partage le fait que le terme « éclai-rage public », très large, englobe des réalités bien différentes selon

les espaces. Il semble préférable de différencier l’éclairage urbain de l’éclairage périphérique (plutôt que rural). Le premier peut fina-lement trouver des similitudes entre une mégapole et un cœur de village : un mobilier d’éclairage au design différenciant permettant, par exemple, de valoriser autant un centre bourg qu’une avenue emblématique. Bien entendu, il faudra adapter l’ensemble aux cir-culations et aux usages.Pour sa part, Technilum se définit comme fabricant de mobilier ur-bain d’éclairage depuis plus de 20 ans… « Nous n’avons d’ailleurs jamais utilisé les termes de “poteaux” et “gamelles” pour parler de nos fabrications qui, à leur échelle, jouent un rôle indéniable dans tout pro-cess de valorisation urbaine », souligne Agnès Jullian.

LES LIMITES DE LA NUMÉRISATION ?L’usage est primordial, l’étude en amont des besoins réels (et non sup-posés) des usagers est indispensable. Les développements doivent se faire en concertation avec la population concernée, à l’échelle du quartier réhabilité : quelles sont les habitudes des habitants (trajets, horaires…) ? Comment adapter la programmation lumineuse ? Quels services numériques peuvent faciliter la vie des usagers ? L’aménage-ment représentant un tout, les équipes pluridisciplinaires s’imposent. Urbaniste, concepteur/trice lumière, architecte, paysagiste, fabricant : chacun apporte un point de vue éclairant et aide élus et habitants à co-construire l’aménagement voulu ! « Une chose est certaine : sans hu-main, le numérique n’est rien ! », conclut la présidente de Technilum.

AGNÈS JULLIAN (TECHNILUM)

« L’innovation passe par des services intégrés »

L’avenue de la Méditerranée à Vias (Hérault). Conçus spécialement, les candélabres sont ornés d’un motif en aluminium ajouré et mis en valeur par un rétro-éclairage intérieur bleu. Équipés de luminaires LED à basse consommation, ils offrent également des services connectés Smart-In-Site tels que caméras et haut-parleurs, parfaitement intégrés aux mâts.

Nouveau point d’entrée vers le cœur du village ancien de Sérignan (Hérault) : la passerelle Saint Roch. Les mâts support projecteurs Structure K, installés sur le parking et les alentours de la passerelle, intègrent différents services connectés Smart-In-Site, dont des caméras de vidéo-surveillance et des haut-parleurs.

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DOSSIER / MIEUX VOIR ET BIEN-ÊTRE

VICTOR VINCENTZ (CONCEPT LIGHT)

« On vous doit plus que la lumière »Aujourd’hui, nous entrons dans un besoin d’interaction avec le public au niveau des collectivités. « Notamment pour l’animation et la valorisation du patrimoine où nous devons apporter plus que la lumière », considère le dirigeant de Concept Light. Selon lui, il convient à présent de proposer de la projection vidéo et de la sonorisation associées, le tout piloté électroniquement. « Il s’agit de solutions 360° clé en main », comme les caractérise le fabricant intégrateur.

Les villes et communautés de com-munes, entre autres, demandent

de plus en plus d’attractivité tant pour la fierté de leurs habitants que pour la satisfaction des visiteurs. « D’où le be-soin de proposer de nouvelles solutions innovantes », souligne Victor Vincentz, associant notamment « lumière, son et vidéo » (voir p. 92), sans en oublier le pilotage. Ce qui impose à la PME al-sacienne « de chercher, en permanence, une technicité d’avance à proposer ». Depuis sa création, en 1994, Concept Light témoigne, en développant sa propre marque (C Led Light), des

évolutions technologiques qui s’ac-célèrent :- tout d’abord, au niveau du cadrage et

de la découpe LED. En complément de projecteurs LED forte puissance (65 à 480 W, 58 000 lm), a été créée une gamme de projecteurs CL Pro-file LED, premier dispositif à cadrage et projection extérieure (200 W, 25 000 lm ; une version 250 W est an-noncée), répondant aux contraintes actuelles : limitation de la pollution lumineuse ; éblouissement évité hors de la plage lumineuse ; conception lumière à forts contrastes réduisant les puissances installées. En complé-ment, a été annoncée une gamme RGBW pour le courant 2019 ;

- ensuite, avec Vialis à Colmar, « nous avons réfléchi à comment penser au-trement la mise en lumière ? Notre réponse ! En travaillant la lumière via un vidéoprojecteur ». A ainsi été conçu, il y a plus de 5 ans, le premier CL-VP Box, caisson étanche thermos-taté et ventilé « offrant une nouvelle dimension à la mise en lumière pé-renne ».enfin, fin 2018, toujours en collaboration avec Vialis, vient d’être installé, à Colmar, le premier mobilier urbain interactif Colmedia associant, à la vidéo projection, la so-norisation, la Wi-Fi, un écran tactile… autant d’outils développant la com-munication avec les habitants et les touristes.

À SUIVRE… DANS LUX 301Dès la conception des produits, mieux travailler les temps de poseSélectionner les meilleurs fournisseurs selon un processus transparent, ouvert et équitable, basé sur une expression de besoins fonctionnels et sur les critères techniques de qualité, de détails, de coûts et d’engagements contractuels. Ensuite, gérer un panel de fournisseurs stratégiques, préféren-tiels ou majeurs, portant sur les achats récurrents et globaux, telle est résu-mée la politique d’achat développée par le groupe Engie.Dans le cadre de cette politique, Cédric Carlarnou a, depuis novembre 2014, en charge la stratégie « Achat monde » des équipements d’éclairage inté-rieur/extérieur. Outre la recherche d’offres compétitives, il privilégie égale-ment « les gains de temps de pose qui, au niveau de l’installation des équipe-ments, représentent un fort potentiel d’économies ». Nous développerons ce sujet dans la prochaine édition de LUX (301, mars/avril 2019).

Lumière bleue : du nouveauDepuis le dernier rapport de l’Anses, en 2010, les connaissances portant sur la lumière bleue et ses effets sur la rétine et la biologie humaine ont évolué. Si certaines données manquent encore, les représentants des grands acteurs français de la recherche sur le sujet viendront, le temps d’une journée proposée par le collège Santé de l’AFE, faire le point sur l’état des connaissances et présenter les dernières avancées réalisées, dont certaines en avant-première. Seront aussi analysées les conséquences au niveau des politiques publiques ainsi que la réalité des enjeux sanitaires liées à cette question.LE PROGRAMMEAccueil et introductionDr Christophe Orssaud, responsable de l’Unité fonctionnelle d’ophtalmologie aux Hôpitaux universitaires de Paris-Ouest (CRMR Ophtara HEGP, AP-HP Paris) et président du Collège Santé de l’AFE.Lumière bleue, l’affaire de tous. Exemple du temps passé sur les écransCatherine Jegat, responsable opérations et communication, AsnaV.Lumière bleue et rétine humaine : un moyen de défense naturel ?Alicia Torriglia, docteur en Sciences de l’Université Paris Descartes, directeur de recherche Inserm au Centre de recherche des Cordeliers.Lumière bleue, chronobiologie et sommeil : quels effets et quelles précautions ?Claude Gronfier, chercheur Inserm et chronobiologiste.Évaluation des effets sur la santé humaine et sur l’environnement des systèmes utilisant des LEDDina Attia, chef de projets scientifiques, Unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques – Anses (Participation sous réserve de la publication de l’avis de l’Anses).Bilans d’exposition de la rétine à la lumière bleueSamuel Carré, ingénieur éclairage et Christophe Martinsons, responsable de la division Éclairage et Champs Électromagnétiques – Direction Santé Confort, Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB).

INFORMATIONS PRATIQUESMardi 26 mars 2019, de 14 à 17 heures À L’Espace Hamelin, 17 rue de l’Amiral-Hamelin, Paris 16e Conférence gratuite, sur inscription avant le 21 mars 2019. Nombre de places limité. Contact et inscriptions : [email protected]