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5e RENDEZ-VOUS AVEC
UN PHOTOJOURNALISTE
AU HAVRE
2 9 F É V R I E R 1 5 AV R I L 2 0 1 6
G A Ë L T U R I N E
EXPOSITION
BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE
DU HAVRE
D O S S I E R P É D A G O G I Q U E
L’exposition de Gaël Turine au Havre
L’ exposition de Gaël Turine, Le mur et la peur, se tiendra dans l’atrium de la Bibliothèque universitaire
du Havre du 29 février au 15 avril 2016,
25, rue Philippe Lebon
76600 Le Havre
Un contact préalable des équipes de la bibliothèque avec l’enseignant est souhaitable
pour préparer la visite et adapter la présentation de l’exposition aux objectifs pédagogiques
de l’enseignant.
Chaque visite peut s’accompagner :
d’une présentation du parcours de l’exposition : éléments biographiques sur Gaël Turine ;
présentation de la sélection de photographies ;
d’un temps de visite libre ;
de la distribution de “ fiches-élèves ”, à remplir individuellement ou en groupe.
L’exploitation des réponses peut être faite au cours de la visite, ou de retour en classe.
Contacts pédagogiques
Bibliothèque universitaire du Havre
02 32 74 44 14
CLEMI Rouen
LE BOTANIQUE
PRÉAMBULE
PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION
Gaël Turine, humaniser le regard 8
Le photographe au pied du mur 9
LE PHOTOJOURNALISME
Les débuts ( 1856 – 1920 ) 10
“ L’âge d’or ” ( 1920 – 1970 ) 11
Crise ou renouveau ? ( 1970 – 2014 ) 12
INDE/BANGLADESH : FRÈRES ENNEMIS ?
La partition des Indes ( 1947 ) 14
L’indépendance du Bangladesh ( 1971 ) 14
Le renforcement de la frontière (1985) 15
Repères historiques 15 & 16
TOUJOURS PLUS DE MURS DANS UN MONDE SANS FRONTIÈRES 18
PRÉPARER LA VISITE DE L’EXPOSITION : QUELQUES PISTES
S’approprier en classe le travail du photographe 22
Identifi er dix murs de séparation dans le monde 24
La frontière en questions 25
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ET DOCUMENTATION 28
Ce dossier pédagogique a été conçu et rédigé par le Botanique, Centre Culturel de la Fédération Wallonie-Bruxelles,( Belgique ) à l’occasion de l’exposition de Gaël Turine qui s’y est tenue du 11 septembre au 19 octobre 2014.
La Bibliothèque universitaire du Havre et Deux Tiers remercient très chaleureusement Madame Marie Papazoglouet l’équipe du Botanique de les avoir autorisés à utiliser ce dossier.
Initialement lieu de science et d’études botanistes de 1829 à 1939, le Botanique devient, en 1984, le centre culturel de la Fédération
Wallonie-Bruxelles. Ce pôle culturel est situé dans le cadre agréable du jardin botanique, au cœur de la ville, et compte aujourd’hui parmi
les centres culturels les plus visités de Belgique. En plus des concerts et des festivals de musique, dont les fameuses Nuits Botanique
où sont passés les plus grands, le Botanique est également reconnu pour ses expositions d’arts plastiques et de photographies d’envergure,
telles que : Henri Cartier-Bresson, René Magritte, Bettina Rheims, Elliott Erwitt, Marie Jo La Fontaine, Jane-Evelyn Atwood, Sarah Moon,
Hans Op de Beeck, Harry Gruyaert...
Dans ses trois espaces ( le Museum, la Galerie et les Serres ), ce centre d’art pluridisciplinaire propose une programmation artistique
internationale et contemporaine, soucieuse de mettre en valeur la jeune création et réunissant près de 2 000 passionnés d’art par an.
Le Botanique
Centre Culturel de la Fédération Wallonie- Bruxelles
Rue Royale, 236
1210 Bruxelles
Belgique
+32 2 / 218 37 32
http://botanique.be/
Conception, rédaction : Botanique
Mise en page pour l’exposition de la Bibliothèque universitaire du Havre : Deux Tiers – 2015
PRÉAMBULE
Outre une brève introduction à l’exposition, ce dossier pédagogique propose quelques angles
possibles pour aborder le travail que le photographe belge Gaël Turine a consacré au mur-frontière
qui sépare l’Inde du Bangladesh.
Parce que le travail de Gaël Turine est régulièrement publié dans la presse nationale et internationale,
nous nous arrêtons dans un premier temps sur l’histoire du photojournalisme. Nous donnons
ensuite quelques repères pour appréhender le contexte géopolitique peu médiatisé dans lequel
a été érigée la plus longue barrière géopolitique du monde contemporain.
Enfi n, parce que le travail du photographe invite les visiteurs à s’interroger sur la prolifération
frénétique des murs de séparation qui caractérise notre époque, nous évoquons quelques-uns
des murs érigés entre les hommes au cours du dernier quart de siècle.
Nous vous proposons par ailleurs quelques suggestions de discussions ou d’activités à développer
avec vos élèves avant ou après votre visite.
L’ équipe des expositions du Botanique
photographie de couverture
Inde
Entre deux patrouilles de la Border Security Force, des Bangladaises
descendent du mur de séparation qu’elles ont escaladé de l’autre côté.
Elles arrivent les mains vides mais repartiront chargées de produits
de contrebande. La BSF accuse les gardes frontaliers bangladais
de laisser faire de leur côté, laxisme qui la forcerait à intervenir
davantage, et violemment.
Gaël Turine fait partie de ceux qui préfèrent porterleur attention aux laissés-pour-compte, cheminantplus volontiers sur les chantiers que sur les autoroutes.Comme nombre de ses pairs qui ont opté pourles mêmes voies, sa seule ambition consisteà témoigner, le plus honnêtement possible, à voirpuis à montrer ce qui ne mérite ni la une des quotidiensni une édition spéciale des journaux télévisés.Alain D’Hooghe, Aveuglément, 2011
Au fi l des projets, Gaël Turine s’est construitun univers au sein duquel l’humain a toujourstrouvé une place centrale. Chez lui, nulle extravaganceou superfi cialité. C’est dans la simplicité d’un gesteou dans la spontanéité d’un regard que le travailde ce photographe se décline.Jonas Legge, La Libre Belgique, 15/07/2011
L’EXPOSITION
GAËL TURINE, HUMANISER LE REGARD
Un séjour d’un an aux Comores pendant son enfance aura suffi à donner
envie à Gaël Turine de voyager et de raconter des histoires. Ce séjour
a considérablement infl uencé ses passions et déterminé ses futurs
choix. Après des études secondaires en Belgique, il passe six mois
à Madagascar où il eff ectue ses premières expériences photographiques.
Dès son retour, il entame des études de photographie et, dans le cadre
de ce cursus, commence à eff ectuer ponctuellement des missions
pour diff érentes ONG. Ces premiers projets le conduisent en Angola,
en Afghanistan et en Erythrée.
Diplôme en poche, Gaël Turine entame un travail au long cours sur
les coopératives d’aveugles en Afrique de l’Ouest. Le résultat de ce travail
sera publié quelques années plus tard dans la collection Photo Poche
sous le titre Aveuglément. En parallèle de cette recherche, au lendemain
de la chute du régime taliban en Afghanistan, le photojournaliste
commence à travailler sur le projet Avoir 20 ans à Kaboul, recherche
qui porte sur la jeunesse afghane et dont le fruit sera publié en 2003
aux éditions Alternatives. S’en sont suivis d’autres projets, parmi lesquels
un travail de longue haleine sur le culte vaudou : de la brousse béninoise
aux faubourgs de Miami en passant par Haïti, le photographe s’est
intéressé de près aux pratiques, aux traditions et aux croyances animistes
séculaires. Ce travail a fait l’objet d’une publication en 2011 aux éditions
Lannoo sous le titre Voodoo.
Le photographe se fait ainsi le témoin de réalités souvent méconnues,
plaçant l’humain au centre de son attention. C’est encore le cas pour
le travail présenté au Botanique dans la mesure où, pour le projet
Le mur et la peur, Gaël Turine s’est intéressé au mur qui sépare l’Inde
du Bangladesh. Or, bien que ce mur constitue la plus longue barrière
géopolitique du monde contemporain, rares sont les échos faits à
la réalité quotidienne des personnes qui évoluent aux abords de cette
frontière, dangereuse à de multiples égards.
Curieux ?
Le travail de Gaël Turine est visible sur son site : http://www.gaelturine.com/
8
LE PHOTOGRAPHE AU PIED DU MUR
Habitué aux reportages rigoureux et au long cours, le photographe
belge Gaël Turine nous ouvre ici les yeux sur une réalité méconnue,
celle d’un mur de séparation long de quelque 3 200 kilomètres. Ce mur,
séparant l’Inde du Bangladesh, constitue la barrière géopolitique la plus
longue du monde.
Pendant près de deux ans et avec une forte détermination, Gaël Turine
s’est plongé dans la vie quotidienne des personnes qui évoluent aux abords
de cette frontière. Il est parvenu, avec l’aide de journalistes et activistes
locaux, à contourner les interdits et à approcher le mur malgré une
surveillance permanente.
Fidèle à son approche fondamentalement humaine, c’est à travers des
histoires individuelles que le photographe nous livre un témoignage
essentiel sur l’une des constructions humaines les plus révoltantes de ces
vingt dernières années.
Ce reportage a fait l’objet d’une publication en août 2014 aux éditions
Actes Sud, dans la collection Photo Poche Société. Amnesty International
en a rédigé la postface.
Gaël Turine n’est pas de ces photographes pressés,dévoreurs de monde, qui le parcourent fébrilementen quête de l’image. Il est de ceux, patientes sentinelles,qui posent leur regard, qui se posent et, silencieux,prennent et donnent le temps. Sentent, s’interrogent,et fi nalement réfl échissent le monde pour révélerune histoire, toujours une histoire d’hommes.Caroline Milic, Voodoo, 2011
Curieux ?
Arte a donné la parole à Gaël Turine dans l’émission Temps de pose. Le photographe y parle de ce qu’il a observé le long de la frontière et raconte
l’origine de quelques-unes des photographies présentées à la Bibliothèque universitaire du Havre.
L’émission est accessible librement sur la Toile : http://www.agencevu.com/focus/medias.php?tab=interviews&id_inter=546
9
Avec la photographie, une fenêtre s’ouvresur le monde.Gisèle Freund, photographe ( 1908 – 2000 )
LE PHOTOJOURNALISME
Le travail de Gaël Turine, souvent exposé et primé, est par ailleurs
régulièrement publié dans la presse nationale et internationale. Dans
la mesure où il se présente sous la forme de reportages, on peut
considérer que son travail relève du photojournalisme. Arrêt sur l’histoire
d’une pratique singulière.
LES DÉBUTS ( 1856 – 1920 )
L’invention de la photographie remonte à 1826, mais il faudra un certain
temps pour que les techniques permettent de reproduire facilement
des photographies dans les journaux et donnent naissance au métier
de photojournaliste. Au cours des années qui ont suivi l’invention
de la photographie, les appareils de prise de vue ne permettaient en eff et
pas encore l’enregistrement sur le vif auquel nous sommes habitués
aujourd’hui.
On s’accorde généralement pour dire que la guerre de Crimée a donné
lieu au premier reportage photographique paru dans la presse. En 1855,
le photographe anglais Roger Fenton fut envoyé sur le front par la Reine
Victoria. Les scènes de combats en mouvement, les blessés graves
ou les morts ne figurent pas dans ses photographies, qui n’exploitent
pas encore l’instantanéité. Ce fut cependant le premier traitement
international d’un événement : prise de vue, vente et publication dans
des pays diff érents.
Il n’est pas question de scènes prises sur le vif ou de nouvelles instantanées :
entre la Mer Noire et l’Angleterre, plusieurs semaines sont en effet
nécessaires pour faire franchir la distance aux et clichés réalisés
par Roger Fenton sur le terrain. Quelques avancées techniques majeures
vont permettre le développement progressif du photojournalisme
tel qu’on se le représente aujourd’hui.
Curieux ?
Le travail photographique de Roger Fenton est visible en intégralité sur le site de la bibliothèque du Congrès américain :
http://www.loc.gov/pictures/search/?sp=1&co=ftncnw&st=grid
LA SIMILIGRAVURE
La mise au point de la technique de la similigravure à la fi n
du 19e siècle provoque un tournant dans le domaine
de la photographie et de la presse illustrée. Cette technique
de reproduction des clichés a pris progressivement la suite
de la traditionnelle gravure sur bois parce qu’elle permet
d’insérer des tirages photographiques dans les journaux
de manière mécanique.
LE BÉLINOGRAPHE
Jusque dans les années 1920, des photographes pressés
qui ne peuvent confi er leurs rouleaux aux passagers d’un train
utilisent encore des pigeons. L’ingénieur Édouard Belin comble
cette lacune en inventant le bélinographe, système de transmission
des images à distance par lignes téléphoniques, qui sera
perfectionné et utilisé jusqu’à la fi n des années 80.
Les quotidiens peuvent désormais recevoir des images
photographiques et illustrer instantanément leurs articles écrits.
LE PREMIER KODAK
En 1888, George Eastman imagine le premier appareil photo
à pellicule à destination du grand public. Par cette invention,
il rend un procédé auparavant encombrant et diffi cile à utiliser
simple et accessible à tous.
10
Si vos photos ne sont pas assez bonnes,c’est que vous n’êtes pas assez près.Robert Capa
“ L’ÂGE D’OR ” ( 1920 – 1970 )
Ce n’est qu’avec la mise au point de l’appareil photo Leica, en 1925,
que tous les éléments sont réunis pour entrer dans “ l’âge d’or ”
du photojournalisme. N’ayant plus à gérer un matériel encombrant,
les photographes peuvent désormais produire des images plus proches
du réel et plus saisissantes pour le public. L’idée innovante de l’ingénieur
en chef de la marque Leica, Oskar Barnack, consiste à utiliser du fi lm
de cinéma 35 mm, mais en le faisant défi ler horizontalement, ce qui permet
d’augmenter la surface utilisable.
En parallèle de ces évolutions techniques décisives, une nouvelle
catégorie de magazines fi t son apparition, dans lesquels la photo est
plus utilisée que le texte pour diffuser l’information. Les premiers
magazines illustrés – tels Life, Vu ou Berliner Ilustrierte Zeitung – voient
ainsi le jour. L’ensemble du secteur se structure progressivement avec
la création des premières agences photographiques telles Keystone
en Angleterre ou Alliance Photo en France. Le but de ces agences est
de centraliser, diff user et commercialiser le travail des photographes.
La quête d’authenticité et de proximité avec les événements devient
d’autant plus importante chez les photojournalistes qu’elle a longtemps
été impossible. La figure de Robert Capa, irrémédiablement liée à
la guerre d’Espagne, incarne cette nouvelle approche.
ROBERT CAPA
Robert Capa est le pseudonyme d’André Friedman, juif hongrois,
né en 1913. Il quitte Berlin en 1933 pour fuir le nazisme
et s’installe à Paris. Il photographie la guerre civile d’Espagne
pour l’agence Alliance Photo, les magazines Vu et Regards.
Il réalisera de grands reportages sur la seconde guerre mondiale
de 1941 à 1945… En 1947, il est à l’initiative de la création
de Magnum, une agence indépendante, forte, fondée
sur une éthique du métier de photoreporter.
Robert Capa mourra victime de l’explosion d’une mine,
lors d’un reportage en Indochine, en 1954.
11
CRISE OU RENOUVEAU ? ( 1970 – 2014 )
La donne a progressivement changé avec l’arrivée de la photographie
numérique, des caméras de télévision, des téléphones portables,
de la toile, de Facebook, Twitter et Wikileaks… Le temps entre le moment
où l’événement a lieu et sa transmission au public est aujourd’hui
extrêmement réduit. Les photographes sont par ailleurs victimes du
succès de leur profession et du poids du mythe du photojournaliste :
ils sont très nombreux et les images se vendent de moins en moins bien.
La télévision couvre en eff et de plus en plus les événements grâce à
l’allégement du matériel et les satellites de communication permettent
la retransmission en direct du monde entier. Des chaînes consacrées
en permanence à l’information telles CNN voient le jour : elles permettent
de voir tous les événements instantanément. À cause du handicap de
la lenteur de la transmission, les journaux perdent leur quasi-monopole
sur l’information publique. C’est l’ensemble de la profession qui est
touché par ces nombreuses mutations.
Ainsi, dans le contexte de crise actuel, les photojournalistes se voient
contraints de réinventer leur métier, de diversifi er les manières de montrer
leurs reportages au plus grand nombre, d’investir d’autres champs :
comme Gaël Turine, certains choisissent de le proposer sous forme
de publications ou d’expositions.
La grande page du photojournalisme a été tournéeil y a quatre ou cinq ans. Ce monde, où les photo-journalistes partaient en reportage pour les grands magazines, ne reviendra pas.Alain Genestar, fondateur du magazine Polka
Curieux ?
Le 13/04/2011, la radio France Culture a consacré une émission à la crise du photojournalisme. Plusieurs professionnels parlent de leur manière
de percevoir les changements qui aff ectent leur métier. Le photojournalisme sort du cadre, en accès libre sur la Toile :
http://www.franceculture.fr/2011-04-13-le-photojournalisme-sort-du-cadre.html
12
Bangladesh
Le fils de Folilatunnesa, Ajharul, a été tué par la BSF. On l’a trouvé
dans une rizière, près des barbelés de la frontière, une balle dans le bras
et une autre dans la poitrine. Dans le seul village de Boalia, trois familles
ont perdu un parent tué par les BSF.
13
INDE
SRI LANK A[ CEYLAN ]
BIRMANIE
PAKISTANOCCIDENTAL
PAKISTANORIENTAL
Pour mieux comprendre ce qui se trame derrière la réalité saisie par
Gaël Turine, on peut s’arrêter sur l’histoire de la partie du monde qui a vu
s’ériger ce mur. Les tensions qui ont conduit à l’érection du mur entre
l’Inde et le Bangladesh sont en effet le résultat d’un processus qui
commence bien avant le début de la construction de celui-ci.
LA PARTITION DES INDES ( 1947 )
Pendant la période coloniale, l’Empire britannique des Indes comprenait
entre autres les régions qui plus tard sont devenues le Bangladesh
et le Pakistan. Le territoire qu’on appelle aujourd’hui le Bangladesh
a ainsi fait partie de l’Inde jusqu’en 1947, date à laquelle les Britanniques
divisèrent l’Empire des Indes selon des critères religieux : les musulmans
d’un côté et les non-musulmans de l’autre. Une frontière a ainsi été tracée
au milieu d’une zone qui n’en n’avait jamais connu auparavant, séparant
l’Union indienne ( à majorité hindoue ) et le Dominion du Pakistan
( à majorité musulmane ).
Le Bengale indien, qui était auparavant une entité régionale, culturelle
et économique de l’Empire des Indes, fût divisé en deux lors de
cette partition : le Bengale-Occidental a été rattaché à l’Union indienne
et le Bengale-Oriental ( actuel Bangladesh ) au Dominion du Pakistan.
La partition des Indes a provoqué l’un des plus grands déplacements
de population de l’Histoire : 12,5 millions de personnes ont rejoint l’un
ou l’autre des nouveaux pays. Ces mouvements de population ont causé
quelques centaines de milliers de morts. La nature violente de cette partition
envenime encore aujourd’hui les relations entre l’Inde et le Pakistan.
L’INDÉPENDANCE DU BANGLADESH (1971)Lors de sa création en 1947, le Pakistan est donc divisé en deux parties,
l’une occidentale et l’autre orientale, séparées l’une de l’autre par plus
d’un millier de kilomètres. Un mouvement autonomiste se développe
INDE/BANGLADESH : FRÈRES ENNEMIS ?
L’Inde et le Bangladesh sont comme deux fr èresqui ont été séparés. Il y a beaucoup de chosesqu’on aime chez son fr ère, mais les relationsne vont pas sans haine.Supryio Sen, réalisateur indien
LES NOUVEAUX ÉTATS
APRÈS L’INDÉPENDANCE DE L’INDE[ ex-Empire britannique des Indes ]
Majorité hindouiste
Majorité musulmane
Majorité boudhiste
14
progressivement dans la partie orientale, revendiquant un partage plus
équitable des pouvoirs. Certains jugent que leur participation au pouvoir
pakistanais est largement insuffi sante, la province orientale étant moins
représentée bien que plus peuplée que la province occidentale.
Devant l’absence de changement face à leurs revendications, les
indépendantistes décident en mars 1971 de proclamer l’indépendance
du Pakistan oriental ( actuel Bangladesh ). Le Pakistan refuse de reconnaître
cette décision et exerce une forte répression sur les indépendantistes.
Des milliers de réfugiés quittent alors le pays pour rejoindre l’Inde,
ennemi traditionnel du Pakistan. Une guerre éclate entre les deux pays,
à laquelle un cessez-le-feu mettra un terme le 17 décembre 1971 :
la République du Bangladesh devient officiellement indépendante
grâce à l’appui militaire de l’Inde.
LE RENFORCEMENT DE LA FRONTIÈRE ( 1985 )
La traversée de la frontière par les Bangladais a été longtemps tolérée
par l’État indien qui, dans un premier temps, n’a ni contrôlé les identités
ni organisé d’expulsions. Les raisons de cette migration des Bangladais
vers l’Inde sont multiples et témoignent des liens économiques, culturels
et familiaux très forts qui existent entre l’Inde et le Bangladesh et que la Partition
n’a pas totalement rompus, notamment dans la grande région du Bengale
partagée entre le Bengale occidental indien et le Bangladesh.
L’agitation contre les immigrés bangladais est née en Assam, état indien
situé le long de la frontière. Le mouvement, qui visait essentiellement
les musulmans originaires du Bangladesh, n’a pas hésité à recourir à la violence.
En 1986, un accord a été établi entre le gouvernement indien et les leaders
de l’agitation en Assam. Cet accord, qui avait pour but de mettre fin
aux violences perpétrées par le mouvement, prévoyait la construction
d’un mur de séparation entre l’Assam et le Bangladesh.
REPÈRES HISTORIQUES
1619 Premier avant-poste anglais en Asie du sud
à Surat sur la côte nord-ouest de l’Inde. Plus tard
au cours du même siècle, la British East India
Company ouvre des comptoirs de commerce
permanents à Madras, Bombay et Calcutta.
1757 Les troupes de la Compagnie anglaise des Indes
orientales prennent le contrôle du Bengale
1858 Transfert des possessions de la British East India
Company à la couronne britannique. Le British Raj,
l’empire britannique des Indes s’étend
principalement sur les territoires qui forment
aujourd’hui l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh,
ainsi que la Birmanie jusqu’en 1937.
1947 L’empire britannique des Indes est divisé en deux
dominions indépendants : l’Union Indienne
et le Pakistan, composé du Pakistan occidental
( actuel Pakistan ) et du Pakistan oriental
( devenu Bangladesh ).
15
La construction du mur a commencé en 1993 à la suite des accords
de 1986 en Assam. En 1998, le gouvernement central nationaliste hindou,
mené par le BJP ( Parti du Peuple Indien ), a décidé d’étendre ce mur
à toute la longueur de la frontière avec le Bangladesh. Le mur s’étend
aujourd’hui sur 3 200 km.
Trois objectifs offi ciels ont présidé à l’élévation de cette muraille, au coût
d’un milliard de dollars : il s’agissait de mettre fin à l’immigration
clandestine, de lutter contre les trafi cs en tous genres et de lutter contre
les infi ltrations de terroristes islamistes. Il est probable aussi qu’une autre
motivation non offi cielle de l’Inde soit d’affi rmer sa domination régionale
en définissant plus clairement et physiquement ses frontières, alors
qu’en d’autres endroits elles font l’objet de sévères contentieux avec
les voisins plus redoutés que sont le Pakistan et la Chine.
Le mur de séparation est constitué tantôt de brique, tantôt de béton,
tantôt de rangées de barbelés. Une zone de 150 mètres de part et d’autre
de la frontière internationale est censée constituer un no man’s land,
en application d’un traité bilatéral de 1974 interdisant tout acte de
défense dans cette aire.
1971 Guerre entre les rebelles bangladais et les forces
armées pakistanaises. Victoire du Bangladesh
grâce à l’appui militaire de l’Inde et accession
à l’indépendance. Ce conflit fera un million
de morts et provoquera l’exil de millions
de Bangladais en Inde.
1980 Plusieurs vagues d’émigrations économiques
et religieuses bangladaises vers l’Inde.
1986 Le parlement indien vote le renforcement
de sa frontière avec la Bangladesh.
1993 Démarrage du chantier de construction
du mur de séparation.
2001 Attentats du 11 septembre à New York.
L’Inde justifi e alors le renforcement du contingent
de la Border Security Force pour défendre
son territoire contre l’incursion de terroristes
islamistes basés au Bangladesh.
2013 Fin du chantier de construction du mur.
16
NÉPAL
PAKISTAN
INDE
AFGHANISTAN
J A M M U & C AC H E M I R E
A Z A D C AC H E M I R EA K S A I C H I N
TADJIKISTAN
CHINE
BOUTHAN
BANGLADESH
MYANMAR(BIRMANIE)
SRI LANK A
New Delhi
Bombay
Madras
Calcutta
Dacca
17
TOUJOURS PLUS DE MURS DANS UN MONDE « SANS FRONTIÈRES »
Le travail de Gaël Turine sur le mur qui sépare l’Inde du Bangladesh invite
à s’interroger sur la prolifération frénétique des murs de séparation érigés
entre les hommes au cours du dernier quart de siècle. En eff et, depuis
la chute du Mur de Berlin, de nombreux murs de sécurité, destinés
à contrôler la circulation des personnes, ont surgi le long des limites
territoriales et à l’intérieur des états, prenant des formes très diff érentes.
Outre le mur-frontière dont il est question dans l’exposition, neuf autres
murs de séparation érigés au cours de ces dernières années sont évoqués
dans ce dossier. Loin d’être exhaustive, cette liste permet tout au plus
d’évoquer quelques unes de ces multiples barrières physiques dont
on ne soupçonne pas toujours l’existence dans un monde que l’on dit
globalisé, sans frontières, ouvert à tous les fl ux.
Toute personne a le droit de circuler librementet de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.Toute personne a le droit de quitter tout pays,y compris le sien, et de revenir dans son pays.Extrait de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, 1948
Curieux ?
Dans son livre L’obsession des frontières, Michel Foucher montre, à travers un tour du monde géopolitique, que les confl its les plus graves portent
sur la délimitation des territoires ( entre Israël et ses voisins ; entre le Pakistan, l’Inde et l’Afghanistan ). Il pointe par ailleurs l’édifi cation de murs
et de barrières en Amérique du Nord, au Proche- Orient et en Asie du Sud. Partout, caméras, clôtures et patrouilles prolifèrent : la “ sécurité ” est devenue
le corollaire de la mondialisation. Jusqu’où ce processus de morcellement du territoire peut-il aller ? C’est la question posée par cet ouvrage qui,
grâce à de multiples analyses de terrain, off re une vision planétaire de ce phénomène inquiétant.
L’obsession des frontières, Michel Foucher, Editions Perrin, 2012
ÉTATS-UNIS : LA FRONTIÈRE SAUVAGE
La barrière États-Unis / Mexique est une séparation discontinue
érigée par les États-Unis sur leur territoire, le long de la frontière
avec le Mexique. Cette séparation se matérialise sous la forme
de clôtures et de murs visant essentiellement à empêcher
l’immigration illégale en provenance du Mexique.
IRLANDE DU NORD :
QUATRE VINGT DIX-NEUFS MURS
Les murs de la paix désignent une série de barrières de séparation
construites pour la plupart à Belfast, en Irlande du Nord,
pour séparer les quartiers catholiques des quartiers protestants
de la ville. Leur objectif est de limiter ainsi les violences
entre ces deux communautés. La longueur de ces portions de mur
varie de quelques centaines de mètres à plus de cinq kilomètres.
On recense aujourd’hui 99 murs de la paix. Au mois de mai 2013,
le gouvernement nord-irlandais s’est engagé à détruire
les murs de la paix d’ici dix ans.
18
ISRAËL : L´ÉPAISSE CLOISON
La barrière de séparation israélienne est une construction
en Cisjordanie en cours d’édifi cation par Israël depuis l’été 2002.
Pour justifi er l’érection de ce mur, les autorités israéliennes
disent vouloir protéger la population israélienne en empêchant
physiquement toute intrusion de terroristes palestiniens
sur le territoire israélien. Pour les Palestiniens, la barrière
ne serait pas une mesure sécuritaire provisoire mais plutôt
une stratégie pour annexer une partie de la Cisjordanie
et imposer de facto les frontières d’un futur État palestinien.
CORÉE : LE 38e PARALLÈLE
La zone coréenne démilitarisée est une étroite bande de terre
d’une longueur de 248 km et d’une largeur d’environ 4 km,
séparant la Corée du Nord et la Corée du Sud.
Elle sert de zone tampon et coupe la péninsule coréenne
en deux, le long du 38e parallèle. L’espace est couvert d’une
épaisse forêt, ponctuée de part et d’autre d’un chapelet continu
de postes militaires. Cette zone prétendument démilitarisée
est truff ée de souterrains, de batteries de canon, de kilomètres
de barbelé, d’antennes et de miradors.
ESPAGNE : À LA LISIERE DE L’AFRIQUE
L’Espagne a érigé des clôtures et des barbelés autour
de ses enclaves à Ceuta et Melilla, au Maroc, pour empêcher
les migrants africains de mettre les pieds en Europe.
Une nuit de septembre 2005, des centaines d’Africains
se sont lancés à l’assaut des clôtures qui marquent la frontière
de deux enclaves espagnoles au Maroc, Ceuta et Melilla.
Pour freiner ce fl ux migratoire, l’Espagne a haussé les clôtures
existantes, qui sont passées de trois à six mètres, en a construit
une nouvelle et a doublé le tout d’un enchevêtrement touff u
de fi ls de fer. Le passage marocain vers l’Europe est devenu
quasiment infranchissable.
TURQUIE : LE MUR LE PLUS RÉCENT
Au début du mois d’octobre 2013, la Turquie a annoncé
la construction d’un mur long de sept kilomètres en bordure
de la frontière qui sépare le pays de la Syrie.
Pour les autorités turques, il s’agit de limiter les dégâts
d’une guerre civile qui se trame au Kurdistan syrien. Mais,
aux yeux de la population habitant autour de ce mur, majoritairement
kurde, cette barrière témoigne d’une volonté de diviser davantage
la communauté kurde, répartie de part et d’autre de la frontière.
19
BRÉSIL : LA SÉPARATION RICHES-PAUVRES
Au Brésil, les écarts entre personnes défavorisées et privilégiées
se creusent en même temps que progresse la peur de la criminalité.
Pour se protéger, certains nantis s’installent à Alphaville,
cité entourée d’un mur en béton de six mètres de haut
et de cinq kilomètres de long.
MAROC : LA DIVISION DU DÉSERT
Le mur du Sahara, connu également sous le nom de mur de sable,
a été construit par étapes entre 1980 et 1987.
Édifié par le Maroc, il marque la séparation entre la partie
administrée du désert par le royaume du Maroc ( environ 80 %
du Sahara occidental ), appelée Sahara occupé par les Sahraouis
( habitants du Sahara occidental ), et la partie sous contrôle
du Front Polisario ( 20 % restant ), nommée territoires libérés
par les Sahraouis.
La communauté internationale ne reconnaît pas la légalité
de cette annexion.
GRÈCE : LA NOUVELLE FRONTIÈRE
EUROPÉENNE
En 2012, la Grèce a achevé la construction d’un mur long
de plus de dix kilomètres sur sa frontière avec la Turquie.
Ce mur a été édifi é dans le but d’endiguer l’affl ux d’immigrés
qui entrent en Europe via la Turquie. Ce geste de la part
de la Grèce a été critiqué par plusieurs associations
et organisations de défense des droits de l’homme.
Curieux ?
Sur le site Histoire des arts de l’Académie de Poitiers, on trouve une série de pistes pédagogiques pour aborder la question des murs confl ictuels
dans l’Histoire. Pour chacun des murs historiques abordés, on y trouve un document pédagogique proposant des activités ou des ateliers possibles :
http://ww2.ac-poitiers.fr/histoire-arts/spip.php?article6&debut_page=1
20
Mur desRohingya
Mur des sables
Ceuta
Guantanamo
Melilla
Grillage dela discorde
Zone coréennedémilitarisée
Parc nationalKruger
La vallée duFerghana
ESPAGNE
MAROC
ÉTATS-UNIS
ESPAGNEGIBRALTAR
BOTSWANAZIMBABWE
AFRIQUE DU S.
ZIMBABWE
CORÉE DU S.CORÉE DU N.
ÉTATS-UNIS CHINE
AFRIQUE DU S.
ARABIE SOU.YÉMEN
ÉMIRATS A.U.OMAN
ARABIE SAOU.
ARABIE SAOU.
TURKMÉNIST.OUZBÉKIST.
KAZAKHST.OUZBÉKIST.
PAKISTAN OUZBÉKIST.AFGHANISTAN
OUZBÉKIST.KIRGHIZST.
INDE INDE
BIRMANIEBRUNEIMALAISIE
KOWEÏTIRAK
PAKISTANIRAN
MALAISIETHAÏLANDE
ARABIE SAOU.
ARABIE SAOU.
ARABIE SAOU.
INDE
RUSSIE
MAROC
SAHARA OCC.
CUBA
MAROC
ZIMBABWE
ZAMBIE
MEXIQUE CORÉE DU N.
MOZAMBIQUE
OMAN
ÉMIRATS A.U.
AFGHANISTAN
PAKISTAN(Cachemire)
BIRMANIE
BANGLADESH
IRAK
JORDANIE
QATAR
BANGLADESH
TCHÉTCHÉNIE
(2008)
(1953)
(2006)
(projet)
(1991)
(en cours)
(2004)
(1999)
(proposée)
(projet)
(2005)
(en cours)
(2004)
(en cours)
(1975)
(projet)
(en cours)
(en cours)
(2001)
(1987)
(1959)
(1998)
(2006)
(2001)
(2006)
(2002)
(en cours)
20112000199019801970196019501945
5
10
15
20
25
30
35
40
45
Nombre de murs dansle monde de 1945 à 2011
Sources : Élisabeth Vallet, Chaire Raoul-Dandurand,UQAM et compilation, 2011.
CHUTE DUMUR DE BERLIN
ATTENTATS DU11 SEPTEMBRE
ESPAGNEMAROC
(2001)
Motivation dela construction
Murs, barrières et clôtures en 2011
Immigration
Autre (Ghetto, anti-terrorisme, anti-trafic,Zone de conflit, conflits territoriaux, barrière économique...)
Indéterminée
Pays finançant la constructionPays subissant le murAnnée de construction
Enclaveespagnolede Ceuta
ESPAGNEMAROC
(1998)
5 km
Enclaveespagnolede MelillaESPAGNE
MAROC
(2001)
5 km
La ligne verte
Barrière deséparationisraélienne
ISRAËL ISRAËL
ISRAËL
ISRAËLÉGYPTE
ISRAËL
CHYPRE
ISRAËL
GAZA PALESTINE
SYRIE
JORDAN.GAZA
LIBAN
ÉGYPTE
(en cours)(en cours)
(2008)
(1974)
(1967)(1967)
(projet)
(en cours) 100 km
GRECE
BULGARIE
TURQUIE
(en cours)
10 km
Evros
Evros
© Migreurop ( 2012 ). Atlas des migrants en Europe. Géographie critique des politiques migratoires européenne, Paris, Armand Colin, 144 pages. Carte réalisée par Nicolas Lambert.
21
PRÉPARER LA VISITE DE L’EXPOSITION : QUELQUES PISTES
S’APPROPRIER EN CLASSE LE TRAVAIL
DE GAËL TURINE
À partir des deux photographies de Gaël Turine proposées ci-après,
on peut éveiller la curiosité des enfants ou adolescents à l’égard
de l’exposition en sollicitant dans un premier temps leurs impressions
et connaissances. Le contexte dans lequel les photos ont été prises
ne leur sera dévoilé que pendant l’exposition par le biais d’une légende.
Suivent ici quelques questions ou propositions qui peuvent susciter
la discussion autour des photographies.
À quoi te fait penser cette image ?
Écris trois mots qui refl ètent tes premières impressions.
Donne un titre à ces photographies.
Où était le photographe, selon toi ?
Quelle pourrait être l’histoire de ces hommes ?
Pourquoi le photographe a-t-il choisi le noir et blanc, selon toi ?
22
Pour l’exposition de la Bibliothèque universitaire du Havre, Gaël Turine a bien voulu commenterla photographie ci-dessus. Voir également la fi che élève.
« J’ai pris cette photo lors de mon troisième séjour dans la région.
J’étais du côté indien cette fois et je cherchais à pouvoir m’approcher au plus près du Mur. Je voulais photographier toutes formes
de conséquences sur la population, ainsi que des scènes du quotidien aux abords de la clôture. Mon fi xeur* et moi entendions parler
de villageois dont les maisons jouxtaient les barbelés et qui subissaient beaucoup de pressions et de menaces des soldats de la Border
Security Force indiens ( BSF ) qui les accusaient de trafi c illégal avec les Bangladais ou même en aidaient certains à passer le Mur.
Une fois clairement identifi é sur la carte, il nous fallait, mon fi xeur et moi-même, trouver le moyen de passer les check points de la BSF
partout présents si près de la frontière. Depuis notre base, une petite ville située juste à l’extérieur de la zone “ interdite ” aux étrangers
et journalistes, il nous a fallu quelques heures de voiture et de marche pour accéder à l’une de ces habitations. Notre présence dans la zone
allait se répandre rapidement dans la zone et il fallait donc travailler effi cacement, ce qui réduit le temps d’approche, de discussion
avec les gens. Je ne pouvais malheureusement pas me le permettre, sans quoi je risquais d’être arrêté sans avoir fait la moindre photo.
Mon fi xeur a brièvement expliqué à cette dame et sa petite-fi lle ce que je faisais. Elles ont immédiatement donné leur accord à ce que je puisse
les photographier. J’ai d’abord discuté avec elles pour connaître leurs noms, leurs activités, leur rapport à la BSF, leur opinion sur ce mur-barbelé,
savoir si elles avaient de la famille de l’autre côté… Ensuite, j’ai photographié sans trop hésiter, chercher, je n’en avais pas le temps.
Le contexte visuel et la situation documentaire de la scène étaient précieux mais le temps jouait contre moi. La présence de ces barbelés
comme clôture d’un jardin, d’une cour, d’un pays… comme outil de répression, de séparation, de rempart…tout était rassemblé dans une scène.
Je pris le temps nécessaire, mais sans m’étendre, de saluer et remercier ces deux personnes qui avaient accepté que j’intervienne
sans prévenir dans leur quotidien. J’ai demandé à mon fi xeur de leur dire qu’en cas de visite de la BSF liée à mon passage chez eux,
elles ne devaient pas mentionner mon appareil photo et qu’en aucun cas nous n’avions parlé du mur, que je venais juste pour dire bonjour
et boire de l’eau. C’était la meilleure manière pour elles de se protèger. Mon apparence de touriste ( tongs, short, un appareil caché
sous ma chemise, casquette et lunettes solaires ) confi rmerait cette version des choses. Je n’ai jamais sû si la BSF avait débarqué chez elles ou non. »
*Le «fi xeur» est une personne qui sert de guide et d’interprète aux journalistes.
Comparez ce texte de Gaël Turine avec la légende de cette photographie dans l’exposition.
Quelles informations apporte le commentaire de Gaël Turine, qui ne fi gurent pas dans la légende ?
Ces informations changent-elles votre façon de regarder cette photographie ?
Quel texte vous paraît le plus complet ? Le plus adapté à l’exposition ?
Justifi ez vos réponses en quelques lignes.
23
IDENTIFIER 10 MURS DE SÉPARATION
DANS LE MONDE AUJOURD’HUI
La carte ci-après ( page 26 ) est extraite d’un article*, publié dans le journal
The Guardian et consacré aux murs de séparation dans le monde
aujourd’hui.
En classe, pour introduire la thématique de l’exposition, on peut
soumettre cette carte aux élèves en leur demandant dans un premier
temps s’ils ont une idée de ce qui pourrait être pointé sur cette carte
et en laissant émerger les hypothèses. On peut leur demander ensuite
s’ils connaissent l’existence de certains de ces murs et s’ils savent
pour quelles raisons ils ont été érigés.
Après la discussion, on peut identifi er avec eux les dix murs en question
ou leur proposer, par groupes, d’eff ectuer une recherche pour en savoir
davantage sur le contexte d’édifi cation de l’un ou l’autre mur. Les dix murs
pointés sur cette carte sont évoqués précédemment dans ce dossier
pédagogique.
* http://www.theguardian.com/world/ng-interactive/2013/nov/walls
24
LA FRONTIÈRE EN QUESTIONS
Pour sensibiliser les élèves à la thématique de la frontière, on peut,
avant d’évoquer les caractéristiques de la frontière qui sépare l’Inde
du Bangladesh, inviter les élèves à s’interroger sur le mot frontière
au sens large.
On peut inviter les élèves à choisir par groupe une question parmi celles
reprises ci-dessous et leur demander de proposer plusieurs réponses
à cette question. On peut ensuite demander aux groupes qui le souhaitent
de faire part de leurs réfl exions au reste de la classe.
À quoi sert une frontière ?
Un monde sans frontière est-il possible ?
Si oui pourquoi, si non pourquoi ?
Quels sont les diff érents sens du mot frontière ?
Une frontière et une limite, est-ce la même chose ?
En quoi est-ce semblable, en quoi est-ce diff érent ?
Selon quels critères défi nit-on les frontières ?
Régis Debray, auteur de Éloge des frontières, dit que :
“ Toute frontière, comme le médicament, est remède et poison.
Et donc aff aire de dosage. ”
Qu’en pensez-vous ?
25
D’après : © The Guardian ( 19/11/2013 ) The walled world. Carte originale réalisée par Andrew Mason, Daan Louer, Chris Cross et Alex Purcell.
IDENTIFIER 10 MURS DE SÉPARATION
DANS LE MONDE AUJOURD’HUI ( CARTE )
26
De gauche à droite :
1 Mur-frontière séparant le Mexique des USA
2 Murs et barbelés de sécurité entourant Alphaville, cité proche de Sao Paulo ( Brésil )
3 Mur de sécurité érigé par le Maroc dans le Sahara occidental
4 Barrière empêchant le passage du Maroc vers l’Espagne
5 Murs érigés en Irlande du Nord pour séparer protestants et catholiques
6 Mur érigé par la Grèce pour empêcher l’immigration en provenance de Turquie
7 Murs de protections érigés par les partisans de Bachar Al-Assad en Syrie
8 Barrière de séparation construite par Israël
9 Mur-frontière séparant l’Inde du Bangladesh
10 Mur de barbelés érigé sur la frontière intercoréenne
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ET DOCUMENTATION
Livres de Gaël Turine
MONOGRAPHIES
LE MUR ET LA PEUR
2015 PHOTO POCHE SOCIÉTÉ, Actes Sud, France,
VOODOO
2011 Lannoo Belgique
AUJOURD’HUI C’EST DEMAIN
2009 Delpire éditeur, France
OTHER WORLDS
2006 Husson Édition ( Ang / Fr ), Belgique
AVOIR VINGT ANS À KABOUL
2003 Alternatives éditions, France
AVEUGLÉMENT
2001 PHOTO POCHE SOCIÉTÉ, Nathan, France
OUVRAGES COLLECTIFS
L’ENFER ME MENT
2007 Husson Édition, Belgique
Ouvrage commandité par l’association Autrement, avec :
J-E. Atwood, J-M. Bodson, M. Vanden Eeckhoudt,
H. De Wurstemberger, G. Turine
DEMAIN J’IRAI MIEUX
2004 Editions Laff ont, France
28
Photojournalisme et medias
Une proposition de la Bibliothèque universitaire du Havre et de Deux Tiers.
REGARDER LE MONDELE PHOTOJOURNALISME AUJOURD’HUI
Marguerite Cros et Yves Soulé
CNDP / CLEMI, 2011
GUERRE ET MEDIAS
De la Grande Guerre à aujourd’hui
Patrick Eveno
CANOPÉ / CLEMI, 2014
DU PAPIER À L’INTERNET :LES UNES DES QUOTIDIENS
Daniel Salles et Olivier Dufaut
CNDP / CLEMI, 2010
À voir également :
Site du CLEMI de Rouen
http://clemi.spip.ac-rouen.fr/
Site du CLEMI Montpellier
http://clemi.ac-montpellier.fr/
Travail très intéressant produit par les enseignants
de l’académie de Montpellier pour le festival
VISA pour l’image.
3 ouvrages de Michel Setboun :
40 ANS DE PHOTOJOURNALISME,
Génération SIPA ( 2012 )
Génération SYGMA ( 2013 )
Génération agences ( 2014 )
Éditions de la Martinière
PRISES DE VUESDÉCRYPTER LA PHOTO D’ACTU
Pierangélique Schouler
David Groison
Actes Sud Junior
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conception et rédaction
©Le Botanique
sauf p. 4, p. 23 [ ©Gaël Turine ], p. 28, p. 29
photographies
©Gaël Turine
cartes
p. 21 ©Migreurop
p. 26 ©The Guardian
p. 14, p. 17, p.26 fonds de carte ©d-maps.com
mise en page 2015
Deux Tiers
tous droits réservés
reproduction interdite
12 / 2015