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LES LIMBES Création et interprétation Étienne Saglio Compagnie Monstre(s) •• CRÉATION – ARTISTE COMPAGNON DE LA FAÏENCERIE DOSSIER PÉDAGOGIQUE REPRÉSENTATIONS SCOLAIRES : CM2 à la 5° Jeudi 11 décembre – 14h00 Les séances commencent à l’heure, nous vous prions de bien vouloir arriver avec 15 minutes d’avance et de vous présenter à l’accueil lors de votre arrivée. LA FAÏENCERIE-THÉÂTRE DE CREIL Allée Nelson, CS 50012, 60104 Creil Cedex 03 44 24 01 01 - www.faiencerie-theatre.com Direction Grégoire Harel Les limbes © Etienne Saglio M A G A I E D è s 1 0 a n s

Dossier pédagogique Les limbes

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les limbes Création et interprétation étienne Saglio Compagnie Monstre(s) Durée 55 minutes •• CRÉATION – ARTISTE COMPAGNON DE LA Faïencerie

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LES LIMBESCréation et interprétation Étienne SaglioCompagnie Monstre(s) •• CRÉATION – ARTISTE COMPAGNON DE LA FAÏENCERIE

DOSSIER PÉDAGOGIQUE

REPRÉSENTATIONS SCOLAIRES :CM2 à la 5°Jeudi 11 décembre – 14h00

Les séances commencent à l’heure, nous vous prions de bien vouloir arriver avec 15 minutes d’avance et de vous présenter à l’accueil lors de votre arrivée.

LA FAÏENCERIE-THÉÂTRE DE CREILAllée Nelson, CS 50012, 60104 Creil Cedex03 44 24 01 01 - www.faiencerie-theatre.comDirection Grégoire Harel

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Dès 10 ans

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LES LIMBES Création et interprétation Étienne SaglioCompagnie Monstre(s)Durée 55 minutes•• CRÉATION – ARTISTE COMPAGNON DE LA FAÏENCERIEÉcriture et regard extérieur Raphaël Navarro Écriture Valentine Losseau / Création lumière Elsa Revol / Régie lumière Nicolas Joubaud / Régie Plateau Laurent Beucher, Vasil Tasevski, Simon Maurice / Jeu d’acteur Albin Warette / Composition musicale Oliver Dorell / Montage et suivi de production : ay-roop

Production : Monstre(s)

Coproductions, aides et soutiensFestival Mettre en scène (structures associées : Théâtre National de Bretagne à Rennes, Le Carré Magique pôle national des arts du cirque à Lannion, Théâtre Le Grand Logis / Ville de Bruz ), le TJP - CDN d’Alsace en partenariat avec Le Maillon Théâtre de Strasbourg, La Brèche pôle national des arts du cirque à Cherbourg, Le CREAC pôle national des arts du cirque Méditerranée, La Faïencerie Théâtre de Creil, EPCC Le Quai à Angers, l’Espace Jéliote à Oloron-Ste-Marie, l’Espace Jean Vilar à Ifs, La Méridienne scène conventionnée de Lunéville, L’Estran à Guidel.

Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication - DGCA et Drac Bretagne, et de la Ville de Rennes.

Un grand merci à : Barbara, Mickael, Sandra, Anna et Martin...

Résidences : Théâtre Le Grand Logis / Ville de Bruz, le Centre Culturel Jacques Duhamel à Vitré, L’Intervalle à Noyal-sur-Vilaine, La Paillette à Rennes, Le Channel scène nationale de Calais, L’Estran à Guidel, L’Hectare scène conventionnée de Vendôme, Les Passerelles Espace Culturel de Pontault-Combault, La Brèche pôle national des arts du cirque à Cherbourg, Le Théâtre de Laval, Le Carré Magique pôle national des arts du cirque à Lannion.

Date et lieu de création : les 6 et 7 novembre 2014 au Carré Magique à Lannion, dans le cadre du festival Mettre en scène.

À VENIR

Informations pratiquesLa Faïencerie-Théâtre de CreilAllée NelsonCS 50012

60104 CREIL Cedex

Action culturelle // Education ArtistiqueClaire Chaduc03 44 24 95 [email protected]

Renseignements // RéservationsCaroline Porebski03 44 24 01 [email protected]

www.faiencerie-theatre.com

BABADelphine Bailleul Compagnie Mirelaridaine

Représentations scolaires :MaternellesMardi 13 - 14h00Mercredi 14 - 9h15, 10h30Jeudi 15 - 9h15, 10h30, 14h00Vendredi 16 - 9h15, 10h30, 14h00

Mercredi 14 janvier - 18h00 Samedi 17 janvier - 10h00>> Salle de la ManufactureDurée 45'

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Un homme en proie à ses fantômes s'éloigne de la rive et s'enfonce alors doucement dans les Limbes.Cet étrange voyage nous plonge au coeur d'un conte symbolique peuplé de créatures magiques.

L'inanimé prend la Vie et nous laisse médusés. Hantés.

ÉCRITUREÀ la mort d'une personne, suit une période de veillée permettant aux personnes de l'entourage de s'habituer à la mort d'un proche. Mais le mort a aussi besoin de ce temps pour s'habituer à son nouveau statut.Dans beaucoup de traditions, d'ailleurs, la mort de la personne est suivie d'un voyage durant lequel le mort vit différentes aventures accompagné par un guide. Une sorte de guide des âmes qui l'accompagne jusqu'au royaume des morts.C'est ce voyage que j’invente afin de vous le conter.

Pour cela, le moment de bascule Vie/Mort ne m'intéresse pas. Nous arrivons juste après.Tout ceci reste le sous-texte.Le spectateur n'a pas forcément accès à ces informations.

Sur scène, il y a un personnage, un manteau rouge, une épée, du plastique.

Le personnage peut prendre plusieurs formes :

• Le comédien qui est le mort

• Le sosie du comédien qui est le fantôme du mort.

• Le crâne et le manteau qui représentent son cadavre stylisé

• Le pantin hyper-réaliste en latex qui représente son corps sans vie.

Le manteau rouge et l'épée sont des symboles de puissance que le personnage manipule de façon marionnettique avant de se les approprier au fur et à mesure qu'il prend conscience de sa mort.

Le plastique peut prendre plusieurs formes :

• Un petit morceau de plastique comme une étincelle de vie

• Une grande bâche plastique qui est l'âme du mort

• Une méduse qui est le compagnon de voyage, l'animal psychopompe qui accompagne le personnage vers l'autre monde.

• Une baleine éblouissante qui est la porte d'entrée vers l'autre monde. Un être de lumière.

SCÉNOGRAPHIEIl n'y a pas de décor.Le plateau est recouvert d'une moquette noire épaisse qui nous permet un noir profond sans distinction entre le sol et le fond de scène.Il peut être fermé en avant scène et au milieu de scène par une soie noire qui permet de figurer différents espaces (net, flou, ombres).

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LUMIÈRELa lumière permet de situer les différentes zones du voyage, la "réalité" du mort, les limbes, l'enfoncement, les profondeurs ou les réminiscences de sa vie.Un jeu d'ombres et de floutés donne d'autres perceptions de l'espace.

MUSIQUELa musique est un mélange de musique électronique et de musique classique.Elle figure des ambiances lointaines à partir de sons bruts desquels émergent des moments de clarté extraits du Stabat Mater de Vivaldi.

MARIONNETTELa marionnette est utilisée pour le moment miraculeux où les choses s'animent grâce à l'imagination des spectateurs. Ce moment souligne notre besoin de donner vie aux choses inanimées et permet une complicité qui m'est ensuite utile en magie pour désamorcer la tension du public qui veut comprendre "comment ça marche ".

MAGIELa magie fait naître les images qui figurent les limbes, elle est partout, sur scène comme dans l'air que le personnage respire. Ce langage puissant et universel vient renforcer la confusion dans la perception entre vivant / inanimé et par là-même renforcer la plongée des spectateurs dans la narration en place.Cette magie s'inscrit dans une démarche de recherche autour de la magie nouvelle.

LES LIMBES, DÉFINITIONDans la religion catholique, les limbes (du latin limbus, « marge, frange ») correspondent à deux lieux de l'au-delà situés aux marges de l'enfer. Par extension, ils désignent un état intermédiaire et flou.

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MAGIE NOUVELLELongtemps la magie ancienne s’est proposée de faire disparaître et apparaître des cartes à jouer, des colombes et même des humains. La réversibilité tenait lieu de récit. La magie nouvelle - celle d’Étienne Saglio - ne s’attache à effacer les hommes que pour mieux rendre visibles leurs âmes et la circulation de celles-ci. Elle donne à parcourir des histoires. Elle fait voyager. Il n’est que de renforcer les défenses de la black box originelle - l’espace théâtral -, en noircissant encore le noir, pour approcher une obscurité où la moindre lueur capte les regards sans cillement possible. Cette zone nocturne, Étienne Saglio la conçoit comme des "limbes" qui n’autoriseraient ni le paradis ni l’enfer, où il serait possible de faire l’expérience de la mort avant un retour à la lumière.

Le magicien n’habite pas seul ce qu’il nomme un "non lieu". Son reflet, son double, sa marionnette l’accompagne, comme si elle était son propre corps, capable de dialoguer avec un crâne qui saurait l’au-delà. Le magicien est alors tantôt ce spirite, tantôt ce nécromancien qui dispenserait un peu de ce qu’il a pu entendre ou percevoir. Lorsqu’elles apparaissent, les âmes animées par Étienne Saglio adoptent volontiers la dégaine de fantômes à l’ancienne. Elles flottent, dans une nuit amniotique, sous la forme de méduses d’un blanc éclatant, et, effectivement, elles médusent si puissamment les spectateurs qu’il faut à ces derniers un certain temps avant de revenir aux réalités du jour.

MAGIE NOUVELLE - LES APPARITIONS D’UN ART CONTEMPORAINFoin de lapins et de prestidigitateurs virtuoses, la magie nouvelle s’affirme depuis huit ans comme un mouvement artistique autonome visant à renouer avec le sentiment magique.

Si l’on retient souvent de la magie son aspect de divertissement, la discipline recouvre pourtant bien d’autres réalités : utilisée tant dans le domaine rituel, traditionnel, religieux que médical, elle touche aux grands fantasmes humains (voler, ressusciter, lire dans les pensées...). Il était urgent de ré-investir ce potentiel créatif en prise avec des problématiques contemporaines et pourtant délaissé pendant de nombreuses années.

Déterminer la grammaire propre à ce langage, étudier le réel sous toutes ses formes pour mieux le détourner, faire appel à des techniques anciennes comme aux nouvelles technologies : il s'agit à chaque fois d’impulser l’acte créatif, usant de la magie comme d’un moyen de transformation infinie du monde. Des balles qui s’envolent au-dessus du public, des ombres qui prennent leur autonomie, un nuage en lévitation sous une cloche de verre...

Par sa faculté à détourner le réel dans le réel – en rendant tangible un imaginaire, en donnant corps à l’invisible, en se jouant de nos perceptions – le langage magique porte des propos aussi variés que les artistes qui s’en emparent.Au moment où les initiateurs de ce mouvement rédigent le manifeste « Pour une magie nouvelle », Stradda donne les clés de lecture de ce courant artistique, qui permet d’ouvrir de nouveaux champs du possible.»

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Réalités parallèlesPar ses spécificités d’écriture, mises en exergue par la magie nouvelle, le langage magique guide les créations de certains artistes pour en faire des « auteurs de magie ». En croisant la route de la magie

nouvelle au Centre National des Arts du Cirque en 2005, le jongleur Etienne Saglio y découvre le moyen de formaliser les intentions artistiques de sa première création, Le Soir des monstres : un personnage entouré d’objets encombrants – les monstres – meuble sa solitude en leur donnant vie. Sa bascule mentale est donnée à voir de manière concrète au public : « La magie me permet de figurer dans le réel cette mise en abyme par rapport à l’acte créatif de l’artiste : des moments d’illumination et des moments de solitude totale où l’esprit peut vaciller. »Présidant à l’écriture du spectacle, le langage magique pose trois réalités différentes au sein de la dramaturgie : la réalité lambda, où évolue le personnage ;

la réalité magique, traduisant de manière tangible l’activité distordue de son esprit, animant par exemple un tuyau qui se mue en serpent ; la réalité émotionnelle, créant des bulles atemporelles lors de saynètes suspendues, telle une séquence de jongle avec une plaque de polystyrène. Etienne Saglio poursuit ses recherches techniques dans le spectacle vivant (performance de diabolo au ralenti avec Antoine Terrieux) comme dans les arts plastiques. Il a ainsi réalisé deux installations, un mini-couple de danseurs en papier, évoluant dans un tango endiablé sur une vieille table en bois, et des nuages en lévitation sous cloche de verre. « De ce dispositif émane un rapport au temps figé, nous travaillons à y créer du mouvement, comme faire pleuvoir le nuage... »La rencontre avec la magie nouvelle a également permis au metteur en scène Olivier Porcu (compagnie Pentimento) de matérialiser des idées qui dormaient depuis longtemps en lui, « autour de la petite mort, de l’absence ».La magie, par la manipulation d’objets ou les prédictions, met en place cette matrice omnipotente et omnisciente, où sont plongés dans un même élan comédien et spectateurs. L’auteur travaille actuellement à une adaptation de « Dans la solitude des champs de coton » de Bernard-Marie Koltès, revisitant le fameux dialogue entre le dealer et le client par le biais de l’hologramme :« La direction d’un acteur campant simultanément deux personnages sur le plateau permet de chercher des choses plus intimes. »

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© Johann Fournier

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Cinq mille ans d'enchantements

Quelques repères historiques pour décoder le cheminement jusqu’à la magie nouvelle.Le terme de magie procède d’une ambiguïté initiale : pour le commun des mortels, le mot recèle une connotation symbolique liée au charme, à l’enchantement et au merveilleux. C’est en 1535 qu’apparaît le terme de magie, forgé à partir du grec mageia, du latin magia et implicitement relié aux magi, caste de prêtres persans, adorateurs de Zoroastre. Un faisceau de pratiques magiques est alors identifié de façon générique. L’Inquisition associera la magie à la sorcellerie, l’enfermant dans une vision infamante qui ne s’effacera qu’avec la disparition des tribunaux religieux au XVIème siècle en France, et en 1831 en Espagne. Les termes de prestidigitation et d’illusionnisme naissent conjointement à la disparition de l’Inquisition, et forgent le vocabulaire de la magie moderne. A la même époque apparaissent les termes de médium, chamane, spirite : ces mots permettent alors de distinguer la magie feinte de la magie « réelle ».

Les premières traces de magie, 3 000 ans avant notre ère, soulignent les liens étroits entre illusion et survie. Les pratiques d’imitation qui permettent aux sociétés archaïques de cueilleurs et de chasseurs d’inciter les dieux à les pourvoir en gibier (techniques de piégeage, trappes recouvertes de feuilles, grottes à double-fond...) constituent les prémices d’une magie nécessaire. C’est en imitant la nature et en jouant sur le décalage de la perception commune que les hommes ont forgé une magie créatrice et subordonnée au regard de l’autre.

La magie de divertissement est attestée dès l’Egypte pharaonique. Le papyrus Westcar relate les exploits du magicien Dédi, attaché au service du pharaon Khéops qui régna vers - 2550, suggérant l’intérêt porté par les puissants au développement de l’art magique. Un joueur de gobelet sculpté sur un bas-relief d’un tombeau de Béni-Hassan (autour de -2 500), souligne le lien au subterfuge et à la manipulation, éléments déterminants dans l’accomplissement du propos magique.

La magie de spectacle apparaît dans la Grèce antique. Le théâtre développe alors un répertoire où des trappes et des passages secrets, autorisant la réalisation d’effets spéciaux, s’avèrent indispensables pour la progression de l’intrigue. Au VIème siècle avant notre ère apparaissent les premières voleries : un artifice spectaculaire qui permet aux acteurs qui incarnent les dieux d’occuper le ciel du théâtre et de se déplacer, comme par magie, dans les airs. Les fonctions du Maître des secrets du mystère médiéval procèdent de la même source : il s’agit de transposer et transfigurer le réel sur de vastes plateaux, où anges et diables nécessitent des attentions différentes, mais suscitent la même fascination.

L’Inquisition, instaurée en France en 1234 par le pape Grégoire IX, va bloquer le développement des pratiques magiques pendant près de six siècles. La condamnation de l'hérésie va s’étendre à tout phénomène considéré comme paranormal ou surnaturel et entraîner la raréfaction des magiciens dans tout l’Occident.

Dans le reste du monde, en revanche, d’autres pratiques de magie traditionnelle se révèlent à la curiosité des voyageurs. En 1355, l’infatigable pèlerin géographe Ibn Battuta observe, et relate dans son « Journal de route », l’enchantement de la « corde hindoue », futur objet de fascination pour des générations de magiciens.

En Europe, la magie moderne émerge au XIXème siècle en tant que savoir-faire d’illusion : un vocable renvoyant à la période des arts modernes, pour une discipline se nourrissant tant des progrès techniques que de l’attrait pour les sciences psychiques de l’époque. En 1845, le français Robert Houdin, horloger et scientifique de génie, inaugure son Théâtre des soirées fantastiques. Vêtu d’une classique tenue de soirée, il préfigure un autre rapport à la magie, théâtral et élégant, mais surtout il délimite un espace

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où l’art magique peut désormais s’épanouir. L’ouverture en 1873 en Angleterre, à l’initiative de John Nevil Maskelyne, de l’Egyptian Hall s’inscrit dans cette notion de foyers de rassemblement des praticiens d’une magie moderne destinée à devenir toujours plus spectaculaire.

Un répertoire de gestes, de codes, de conventions régit la magie moderne. Le close up, qui privilégie la manipulation de cartes, de pièces ou de cigarettes, est destiné à une toute petite assistance ; la magie de salon est pratiquée pour une centaine de spectateurs, le magicien utilise alors cordes, foulards, colombes et éventails de cartes... La grande illusion, offerte sur la scène de plus grands théâtres, développe un répertoire basé sur l’utilisation de boîtes et de procédés scéniques spectaculaires. La femme coupée en deux, ou la femme zig-zag, la malle des Indes et les multiples transformations où entrent en scène fauves et éléphants ont permis à quelques magiciens de devenir de véritables stars : Siegfried & Roy, David Copperfield ou Criss Angel émerveillent et fascinent des millions de spectateurs aux quatre coins du monde.

Sept catégories d'effets jouent sur les grands fantasmes humains : lévitation, apparition, disparition, transformation, téléportation, invulnérabilité, mentalisme. C’est à partir de ces propositions que les magiciens inventent sans cesse de nouveaux tours ou de nouvelles manières de les présenter.

La magie nouvelle éclot en 2002, désireuse de libérer la discipline de ses limites formelles identifiées. En écho à la définition de la magie moderne posée par Robert-Houdin – « le magicien est un acteur qui joue le rôle de magicien », la magie nouvelle évoque « un art dont le langage est le détournement du réel dans le réel », appelé à puiser dans les différentes fonctions revêtues par la magie au fil de l’histoire, pour devenir une forme artistique autonome.

Dossier coordonné par Julie BordenaveTextes extrait de Stradda n° 16 avril 2010

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Robert-Houdin fils et Brunnet, la malle des Indes, vers 1875

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ETIENNE SAGLIO Étienne Saglio, malgré son jeune âge, est un des représentants les plus prometteurs de ce nouveau courant artistique qui s’identifie sous le vocable de magie nouvelle. Sa compagnie, Monstre(s), est implantée à Rennes.

D’où vient ce goût du jonglage que vous développez dans votre pratique du cirque ?Ce goût est étroitement lié à l’absence de télévision. Dans mon enfance, nous n’avions pas la télévision à la maison car mes parents y étaient hostiles. Nous nous ennuyions beaucoup avec mes frères et soeurs mais cela nous a permis à tous de développer une passion, quelque chose d’assez fort pour occuper le temps. Je me souviens du jour précis où j’ai commencé à jongler. Toute ma classe devait se rendre à Paris pour assister à un enregistrement de Des chiffres et des lettres. Mes parents trouvaient un peu stupide d’emmener des élèves à la capitale pour une émission et je suis donc resté chez moi toute la journée. Mon père faisait du tennis et je me suis mis à jongler avec ses balles. J’ai ensuite jonglé quotidiennement, énormément, au moins une heure chaque jour, jusqu’à mon bac. Je n’ai pas du tout pratiqué en amateur puisque je suis entré en formation professionnelle de cirque à Châtellerault puis au Lido, centre des arts du cirque de Toulouse, avant d’intégrer le Centre national des arts du cirque de Châlons.

Comment le cirque s’enrichit-il de la magie ?L’image du cirque est pour moi profondément liée à un personnage du roman Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez : un forain qui débarque dans un village et montre des choses très étranges. C’est cela qui m’intéresse. Le cirque est un lieu de décollage, une piste d’envol vers l’extra-ordinaire. Les limites de notre réalité s’estompent pendant quelques instants et cela donne un sentiment puissant et indéfini que je qualifierais de magique. Le cirque est une tentative d’aller vers l’impossible. On s’en approche en défiant les lois de la gravité en jonglant à sept balles. La magie intervient là où le cirque s’arrête en permettant d’aller encore plus loin. Elle brouille encore plus les frontières entre le possible et l’impossible. Pour que ce soit savoureux, il faut que la magie prenne imperceptiblement le relais. Dans Le soir des monstres, je jongle à trois balles, puis à quatre, à cinq... C’est très hypnotique. Arrive un moment où le spectateur ne sait plus si cela relève du réel ou de la magie. La magie permet d’apporter de l’abstrait dans le cirque qui est un moment très concret, dans le présent.Le propre de la magie est de rester dans le réel puisqu’elle part de là – en direct, devant les yeux du

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spectateur – tout en s’en éloignant. Elle permet de rejoindre notre esprit, ce que nous rêvons de faire partager au public. Quand je jongle et fais une figure, je vis par moment une suspension : j’essaie, par un beau lancer, de faire en sorte que tout le monde se sente en suspension. J’ai envie que tout s’arrête au moment où ma balle est en haut de sa courbe : avec la magie, il est possible de rallonger un peu ce moment et le faire vivre de manière encore plus intense. Cela me permet aussi, en tant qu’artiste, d’accéder à des images qui me hantent depuis longtemps.

Vous appartenez au courant de la magie nouvelle théorisé par Raphaël Navarro. Quel rapport entretenez-vous à la magie ou au cirque traditionnels ?Je fais d’abord du cirque et non du cirque contemporain, de la magie et pas de la magie nouvelle même si l’étiquette me convient puisqu’elle permet de faire avancer. J’ai un grand respect pour la technique et les magiciens traditionnels. Dans ce que nous proposons en magie nouvelle, nous faisons en sorte que les trucages soient très forts, que les magiciens qui viennent nous voir soient impressionnés. Je suis ravi que quelqu’un comme Bebel le magicien aime nos spectacles. À la sortie de l’école, j’avais des propositions des scènes contemporaines mais aussi du cirque du Soleil ou du cirque Gruss : c’est important pour moi. Je ne suis pas magicien à l’origine et ne connais pas bien ce milieu.En créant Le soir des monstres, je n’avais pas envie que les gens viennent me demander comment cela fonctionne. Je suis d’ailleurs mauvais menteur. La magie repose en partie sur une défiance puisque le spectateur cherche à la démasquer, à la comprendre. Je n’avais pas envie de ce jeu-là. De ce fait, j’ai essayé de travailler avec la complicité du public et de l’engager dans ce qu’il voit en l’invitant à compléter l’image. C’est un peu ce qui se passe face à une marionnette. Pour entrer dans l’image et ressentir le beau sentiment d’une marionnette qui vit toute seule, le spectateur doit faire abstraction des fils et des manipulateurs.On ne peut apprécier un numéro de trapèze sans oublier les longes et les sécurités. Je propose donc des images qui ne sont pas finies pour que le spectateur les construise lui-même et qu’il lui soit plus difficile d’être tenté de la dé-construire pour trouver le trucage. Je n’ai jamais cherché à cacher, par exemple, que les balles sont des boules de ferraille avec des ailes. Je pense que je pourrais faire croire que ce sont de vrais oiseaux en mettant des plumes mais ne le souhaite pas. De la même manière, certains me reprochent d’être cruel avec le pauvre petit serpent qui est un peu la vedette du spectacle : je leur explique que ce n’est rien d’autre qu’une gaine de VMC qui sert à aérer les sèche-linge. Je questionne les spectateurs sur leur imaginaire en les rendant partie prenante de l’image qu’ils voient. Chacun sait que les balles en ferraille ne sont pas des oiseaux mais personne n’a envie de revenir aux balles en ferraille quand on a imaginé des oiseaux. Plutôt que la lutte soit entre le magicien et le spectateur qui cherche à dévoiler ses trucs, elle est interne chez le spectateur qui oscille entre je veux savoir et je n’ai pas envie de savoir. Expliquer les trucages s’appelle la désillusion et j’ai envie de les préserver de cela. Il est, peut-être, des illusions qu’il est bon de préserver. La touche finale, la plus importante, est apportée par l’esprit humain. Chacun peut s’approprier l’image qui devient un peu la sienne. En Bretagne on me dit voir des mouettes, à Paris ce sont des pigeons.

L’image semble jouer un rôle essentiel dans votre travail. Celle du personnage du Soir des monstres est très forte et apparaît aussi dans vos dessins... Comment naissent ces images ?L’image du personnage du Soir des monstres est partie du manteau. J’étais à Stockholm, en hiver, il faisait froid, et j’ai vu un grand manteau noir qui dépassait d’une poubelle. Je l’ai revêtu et ce manteau de femme un peu cintré m’a donné une stature que je n’avais pas car j’ai grandi un peu vite et ne me tenais pas forcément droit. Quand je le mets, cela m’oblige à me redresser : je l’ai gardé et suis beaucoup allé sur scène avec lui. Il est devenu alors un moyen d’expression dans le sens où, plutôt que penser à un personnage, j’avais des images en tête dans lesquelles je pouvais intégrer cette silhouette.

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Je travaille vraiment en images. Elles me viennent quand je traîne un tout petit peu juste avant de me réveiller : je suis dans un demi sommeil et des images m’arrivent. J’essaie de les garder et de les travailler. Par exemple si je suis dans la voiture et que j’ai quatre heures devant moi, je travaille une image en laissant mon esprit rebondir d’une idée à une autre pour voir ce qui se construit dans ma tête. Je pense qu’un artiste travaille toute sa vie à la quête des images qui l’habitent, qui viennent comme cela, qui sont en nous, de manière intuitive et qui viennent de très loin. Je ne me pose pas la question du sens qui ne m’apparaît pas primordiale. Je ne me dis jamais que je vais réfléchir sur quelque chose. Je pars de moi, de mon intuition, puis mets en forme, analyse, essaie de comprendre pourquoi ces images sont en moi et ce qu’elles me disent de l’être humain. Par exemple, pour la dernière image du Soir des monstres, je siffle un grand coup et une balle arrive en volant jusque dans mes mains. Il y a six mois, je me suis brusquement souvenu que quand j’avais onze-douze ans, il y avait des buses autour de chez moi qui tournaient dans les airs. Dès que j’étais en vélo sur les petits chemins, je passais beaucoup de temps à siffler très fort avec le poing en l’air pour qu’elles viennent se poser sur mon bras. J’avais oublié ces moments et n’y ai pas pensé en créant l’image. Il s’agit de quelque chose qui me travaillait en profondeur. Cette image peut par exemple raconter ma volonté farouche de capturer la beauté pour la montrer. Je pense qu’une image qui me travaille intimement peut toucher tout le monde car nous sommes tous habités par des images fondamentales. L’universel se trouve dans l’intime.

Propos recueillis par Jean-Christophe Planche en mai 2012 pour les Cahiers du Channel(Scène nationale de Calais).

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La Faïencerie-Théâtre de Creil est subventionnée par la Ville de Creil, le Conseil régional de Picardie, le Conseil général de l’Oise, le Ministère de la culture et de la communication (DRAC de Picardie), les Villes de Villers-Saint-Paul, de Montataire et de Nogent-sur-Oise et bénéficie du soutien de la CAC de l’ONDA et de l’acsé

La Faïencerie-Théâtre de Creil Allée Nelson CS 50012 60104 CREIL CEDEX

Contact : Claire Chaduc03 44 24 95 [email protected]

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