32
Mensuel de la Confédération paysanne Mensuel de la Confédération paysanne Campagnes solidaires N° 360 avril 2020 – 6 – ISSN 945863 Coronavirus La nécessaire refondation de nos systèmes agricoles et alimentaires Dossier (Re)vivre ensemble en milieu rural

Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Mensuel de la Confédération paysanneMensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 360 avril 2020 – 6€ – ISSN 945863

Coronavirus La nécessaire refondationde nos systèmes agricoles et alimentaires

Dossier

(Re)vivre ensembleen milieu rural

Page 2: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de larubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis.

Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé

Min

es

de

plo

mb

sSommaireDossier

(Re)vivre ensemble en milieu ruralLettre ouverte à nos concitoyen·nesCoronavirus La nécessaire refondation de nos systèmes

agricoles et alimentaires

Vie syndicaleHommageJoseph Bourgeais

ActualitéPour un plan de transition sociale et écologique de l’agriculture

Le tomatovirus, un grand danger pour les cultures de tomate

Quand l’argent public finance de très controversés élevages

industriels de poulets

Pour une filière volailles plus vertueuse en Bretagne

CourrierStock de retraité·es : un langage inacceptable !

Taxer la viande : une nouvelle idée de génie !

InternationalesLes Suisses pourraient se prononcer par référendum sur

un accord de libre-échange

N’exportons pas nos problèmes en Afrique

Agriculture paysanneVosges La toute nouvelle ferme « Au bon vieux temps »

Béarn « Nous voulions faire revivre cette fermette »

InitiativeLa Maison Paysanne de l’Aude, un lieu de vie pour le monde

paysan

CultureAtlas du business des espèces menacées

Gilles Luneau Steak barbare

AbonnementAnnoncesActionLe 8 mars, on arrête toutes !

4

6

7

89

10

12

1313

14

15

1617

18

19192122

24

Des vidéos pourl’agriculture paysanne

Il est souvent question de mieux communiquer surles pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année,la Fédération des associations départementales pourle développement de l’emploi agricole et rural (Fadear)a pu appuyer la réalisation de trois vidéos. Si lescibles de ces outils ne sont pas nécessairement lesmêmes, l’objectif, lui, est partagé : ces vidéos ontvocation à communiquer largement autour du pro-jet de d’agriculture paysanne.La première, réalisée par l’Ardear du Centre-Val-de-Loire, présente ce projet d’une manière décalée, vial’animation graphique. Son objectif est aussi de mettreen valeur un des outils du réseau : le diagnostic d’agri-culture paysanne (1).La deuxième, réalisée par l’Addear de la Loire, meten lumière l’accompagnement des collectifs de pay-san·nes qui permet par l’échange, le partage et lamutualisation, de nourrir le projet.La troisième, réalisée par Initiatives Paysannes (Hautsde France), met en évidence la construction d’unefilière, « Du blé au pain » : depuis 2017, l’associationrégionale a établi un partenariat avec la coopérativeBiocer autour d’une filière de blés anciens/blés pay-sans. La vidéo retrace sa mise en place, interrogeantles différents acteurs et actrices de la démarche.Ces vidéos, publiées en mars, sont visibles sur le sitede la Fadear et des Adear concernées :

agriculturepaysanne.orgPour plus d’informations : [email protected]

(1) agriculturepaysanne.org/en-savoir-plus-sur-le-diagnostic-agricul-ture-paysanne

2 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Page 3: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

On l’ouvre

Mensuel édité par : l’association Média Pays104, rue Robespierre – 93170 BagnoletTél. : 0143628282 – fax : [email protected]

confederationpaysanne.fr

facebook.com/confederationpaysanne

Twitter : @ConfPaysanne

Abonnements : [email protected]

Directeur de la publication : Nicolas Girod

Rédaction : Benoît Ducasse et Sophie Chapelle

Secrétariat de rédaction : Benoît Ducasse

Maquette : Pierre Rauzy

Dessins : Samson, Denys Moreau

Diffusion : Anne Burth et Jean-Pierre Edin

Comité de publication : Christian Boisgontier,Michel Curade, Joël Feydel, Florine Hamelin,Véronique Léon, Jean-Claude Moreau,Michèle Roux

Impression : Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 – 89101 Sens Cedex

CPPAP n° 1121 G 88580

N° 360 avril 2020

Dépôt légal : à parution

Bouclage : 25 mars 2020

Crise et mutationÀ la vitesse à laquelle évolue la pandémie du Covid-19, cet édito sera peut-être dépassé

au moment de sa parution (1). Malgré cela, j’aimerais avoir une pensée pour les proches

des défunt·es, pour les soignant·es (qui tiraient la sonnette d’alarme depuis un an),

pour celles et ceux qui prennent soin des plus fragiles, toujours premières victimes en cas

de crise. Un soutien aussi au monde agricole qui assure l’essentiel, en n’oubliant pas que

la différence entre la barbarie et la civilisation se limite à une assiette pleine.

Je laisserai le soin aux historiens et aux historiennes de nous expliquer qu’au quinzième

mort sur 1,4 milliard d’habitant·es, la Chine savait déjà que c’était une épidémie. Je leur

laisserai aussi voir si certains (Trump…) n’ont pas essayé d’en profiter pour faire plier leurs

adversaires (Chine ou Iran, par exemple) avant d’être rattrapés par le virus. Le moment venu,

on s’interrogera sur le lien entre la maladie et l’effondrement financier prédit par des

économistes.

En attendant, la Confédération paysanne doit répondre dans l’urgence aux problèmes

des paysan·nes. Qu’il s’agisse de la désorganisation des filières amont et aval, de l’accès

aux marchés ou de la poursuite de l’activité, pour certain·es. Elle se bat, entre autres, pour

le maintien de marchés de plein-vent, la non-fermeture des abattoirs aux abattages fermiers

ou l’indemnisation des différentes pertes liées à l’épidémie. Elle reste vigilante aussi

aux difficultés des filières longues, difficultés qui ne vont pas manquer d’arriver.

Mais dès à présent, la Confédération paysanne doit également réfléchir à ce que nous révèle

cette crise. Le président Macron a affirmé que « déléguer notre alimentation, notre capacité à

soigner, notre cadre de vie à d’autres est une folie » (il faudra penser à lui proposer

une adhésion !). La question de la résilience de nos systèmes alimentaires est posée.

La compétition mondiale sur l’alimentation (mais pas seulement) est mortifère, socialement,

économiquement, écologiquement… La relocalisation des productions pour une souveraineté

alimentaire accrue est incontournable. Cela passera par des fermes nombreuses, diverses

et diversifiées.

Il nous appartiendra de faire que cet épisode ne soit pas qu’une perturbation dans

la marche en avant du capitalisme financier et de la mondialisation économique,

et qu’il débouche bien sur une mutation de notre monde.

Face à la crise, les politiques ont été capables de prendre des mesures fortes. Il faudra

le moment venu les pousser à faire preuve de la même volonté pour reprendre la main

sur le monde économique.

Ce n’est pas gagné, mais la Confédération paysanne mettra toutes ses forces dans la bataille

pour, entre autres, réorienter le système agricole actuel vers l’agriculture paysanne.

(1) Texte rédigé le 23 mars

Denis Perreau,paysan en Côte-d'Or, secrétaire national

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 3

Page 4: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

La crise du Coronavirus quenous traversons est avant toutsanitaire. Mais ces effets tou-

chent nos vies dans leur ensembleet engendrent des conséquencesde grande ampleur qui secouentles économies de tous les pays dumonde. C’est un épisode fulgu-rant, avec un trait révélateurimportant : cette crise montre quebien des domaines de notre quo-tidien doivent être extraits deslogiques de compétition mon-diale, de recherche de profit à toutprix, de financiarisation de l’éco-nomie réelle, de spécialisation desterritoires.

Il devient ainsi commun d’en-tendre parler, dans le débat public,de l’importance de la souverai-neté. Dans le domaine de la fabri-cation des médicaments et de lasanté, par exemple. Dans ses allo-cutions récentes, le Président dela République, EmmanuelMacron, a lui-même déclaré que« déléguer notre alimentation, notreprotection, notre capacité à soigner,notre cadre de vie (…) à d’autres estune folie. Nous devons en reprendrele contrôle ». Dans cette lettreouverte, nous voulons nous pen-cher sur le domaine alimentaire,pilier essentiel de notre société, quidoit être reconnu comme tel.

La souveraineté alimentairedevient une idée prégnante dansces temps de crise où la sécuritéalimentaire de tout le pays est souspression, et nous, Confédérationpaysanne, estimons que c’est lemoment approprié pour parler del’avenir du système alimentairequi la fonde. Nous estimons eneffet que si la crise est avant toutsanitaire, notre réponse à celle-cine peut être que politique, et puis-qu’on ne reviendra pas à avant leCovid-19, cette réponse engagenotre avenir.

Si on continue à piller les res-sources naturelles, à considérerla terre, le vivant et la main-

d’œuvre comme des marchan-dises comme les autres, à pro-duire l’alimentation comme unedenrée industrielle standardiséeet échangeable à travers la pla-nète, comment ferons-nous faceà l’effondrement de la biodiver-sité, aux conséquences sanitaireset agronomiques du changementclimatique ?

Si on continue à breveter levivant et déléguer la productionde semences à des firmes multi-nationales, qu’en sera-t-il enpériode de crise si nous n’avonspas la main sur la base de toutenotre alimentation ?

Si on continue à construire desfilières internationalisées dontle moindre choc économique,sanitaire, climatique, engendreune volatilité catastrophique desmarchés, comment garantir desprix justes, stables et sécuriséspour nous, paysannes et pay-sans, qui vous nourrissons, iciet ailleurs ?

Nous avons besoinde paysannes et de paysans nombreux

Si on continue à prôner l’agran-dissement et l’industrialisation denos structures agricoles, et doncà favoriser la disparition de nosemplois paysans et la dépendanceau secteur de l’agrobusiness, com-ment ferons-nous, alors que nousavons besoin de paysannes et depaysans nombreux, pour faire faceaux enjeux de climat, de biodi-versité ou de crise sanitaire quisont et seront devant nous ?

Si on continue à spécialiser lesterritoires, à segmenter les filières,à faire parcourir aux biens agri-coles et agroalimentaires le tour dela planète, comment ferons-nousquand nous nous rendronscompte que la France ne produitplus que la moitié des fruits etlégumes consommés par sa popu-lation ? Comment ferons-nous si

nos acheteurs internationaux nes’approvisionnent plus auprès denous pour leurs achats de veaux,de chevreaux, de lait ou de blé ?

Si on continue à baser notremodèle alimentaire sur la consom-mation d’énergies fossiles, la des-truction des cycles naturels, lerecours permanent à la technolo-gie, nous ne saurons pas faire faceaux réactions du vivant, de notreplanète. Il est illusoire de croire àune maîtrise totale des sociétéshumaines sur la nature par uneartificialisation et une « techno-logisation » croissante de nosmodes de vie. Nous avons besoinde pouvoir compter sur les savoir-faire paysans et leur connaissancede la complexité des écosystèmes.

Les tendances actuelles à la dis-parition de l’emploi paysan et à lamondialisation des échanges nousexposent à une concurrence achar-née sur les prix et les moyens deproduction à l’échelle mondiale.Les accords de libre-échangeaggravent la situation sur le plansocial, économique, sanitaire etécologique. Il est grand temps quecela change.

Il n’est pas question de répondreà la mondialisation et au systèmefinancier capitaliste par une autar-cie ou le repli sur soi, mais biende remettre au cœur des politiquespubliques la question de l’auto-nomie. Ce principe d’autonomienous est plus que cher : il guidedepuis des années nos luttes etfonde l’agriculture paysanne, pro-jet agricole et alimentaire de laConfédération paysanne. Nousespérons que la situation actuellepermette à chacun·e de se rendrecompte de la valeur du travailpaysan et de l’importance de l’au-tonomie paysanne pour la rési-lience de nos systèmes alimen-taires.

La Confédération paysanne,inspirée par des valeurs huma-nistes, a toujours porté la ques-

Le ruraleurLa petite bêteDepuis 25 ans, nous étions ran-

gés dans les empêcheurs de

mondialiser en rond. Face à

nous, le triomphe des grands

acteurs économiques plaçant

leurs pions là où se trouvent les

meilleurs avantages compara-

tifs. Point de plan B, disaient-

ils aux ignares du nouveau

monde que nous étions. Et pour

les pays qui ne dérouleraient

pas le tapis rouge aux trans-

nationales, les marchés finan-

ciers se chargeraient de rap-

peler où se trouve le pouvoir.

La Chine s’est offerte à ce nou-

vel eldorado, sans contraintes

climatiques ni droit du travail,

au prix de pollutions redou-

tables. 80 % des molécules

médicamenteuses de base sor-

tent de cet autre goulag, l’équi-

valent de notre sous-proléta-

riat du XIXe siècle. Où on ne

bricole pas avec la discipline :

10 000 condamné·es à mort

chaque année…

Pas un problème pour Danone

qui y emploie 8 400 salarié·es,

ni pour SEB d’où proviennent

53 % de ses bénéfices, ni pour

LVMH qui y a ouvert 950 bou-

tiques. Les affaires sont les

affaires…

Rien ne semblait perturber

cette véritable machine de

guerre économique. Mais

moins qu’un grain de sable, un

virus est venu tout dérégler.

Des dizaines de millions de per-

sonnes confinées, l’économie

mondiale dans la panique.

Comme à chaque crise, celles

et ceux qui l’ont provoquée

vont nous promettre d’en tirer

les enseignements. En 1973,

une crise due à l’embargo sur

le soja avait multiplié le prix

mondial par deux. Trente ans

plus tard, prenant cet exemple,

la commissaire européenne à

l’Agriculture avait déclaré :

« Pourquoi produire ici ce que

l’on peut trouver à moins cher

sur le marché mondial ? » Ah, si

les petites bêtes pouvaient

faire le tri des coupables…

Le

ru

rale

ur

4 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Lettre ouverte à nos concitoyen·nes

CoronavirusLa nécessaire refondation de nossystèmes agricoles et alimentaires

Page 5: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

tion de la répartition : répartition desmoyens de production, répartition desrichesses à l’échelle internationale. Larecherche d’autonomie est pleinementcomplémentaire avec la solidarité humainequi traverse les frontières et qui est néces-saire en cas de crise. Un système écono-mique relocalisé, équitable, qui place lesconsidérations sociales et le travail avecla nature au cœur de la réflexion, est lavoie d’avenir à suivre.

Toutes les questions que la pandémie ducoronavirus pose de manière aiguë remet-tent en cause nos systèmes alimentairesdans leur ensemble, dont l’avenir sera fondépar les réponses que nous donnons et don-nerons à cette crise.

Repenser nos systèmes alimentaires

Repensons l’organisation de nos filières,de notre consommation, de notre alimen-tation. Repensons nos systèmes alimen-taires pour un accès à une alimentation dequalité pour toutes et tous. Repensons-les,de sorte à les fonder sur une protectionaccrue, ambitieuse et durable du mondepaysan. Cette protection ne veut pas direabsence d’évolution mais, au contraire, unaccompagnement fort par les politiquespubliques d’une agriculture créatrice d’em-plois de qualité, rémunératrice, produc-trice d’une alimentation diversifiée, résilienteaux chocs, respectueuse de l’environne-

ment et du vivant, relocalisée et ancréedans son territoire. Une agriculture capabled’être la base pour une sécurité sociale ali-mentaire, prochaine grande avancée socialede notre siècle.

La pandémie actuelle a des répercus-sions importantes sur nous tou·tes. Pay-sans et paysannes, nous sommes parmiles premiers impactés. La Confédérationpaysanne appelle à un soutien indéfectibleaux paysannes et paysans, aujourd’hui, etelle demande aussi que ce soutien soitdurable. À ce jour, les modes de distri-bution et de commercialisation qui fontvivre des dizaines de milliers de pay-san·nes et concernent des millions decitoyen·nes sont sous pression. Il fauttrouver des solutions concrètes, inno-vantes et durables pour tou·tes les pay-san·nes, touché·es parce qu’ils dépendentdu système mondialisé, de contrats avecla restauration hors domicile, de marchésde plein-vent dont l’ouverture est incer-taine. Il faut les trouver, ensemble, en fai-sant des propositions pleinement res-ponsables et efficaces face à l’urgencesanitaire. Réguler les marchés, rééquili-brer la chaîne de valeur au profit des agri-culteurs et agricultrices, stopper la concur-rence effrénée, sont des mesures urgentespour nous garantir un revenu digne. L’ali-mentation et l’agriculture doivent rede-venir dès demain l’un des socles et des fon-dements de nos sociétés. Le métier de

paysan, producteur d’alimentation, doitretrouver un statut et une situation à lahauteur de l’enjeu auquel nous répon-dons : satisfaire le besoin premier de lapopulation de se nourrir sainement, enquantité et qualité.

On voit actuellement qu’il est possibled’avoir des actes politiques forts face àdes enjeux planétaires, ici une menacesanitaire. Cela nous prouve que nouspouvons aussi agir pour changer notresystème économique et améliorer notremode de vie vers plus de justice socialeet climatique. Il faut maintenant quenous nous donnions les moyens derépondre à l’urgence sociale dans la pro-duction agricole et à l’urgence climatiqueet écologique que nous avons à relevercollectivement. Il est plus que tempsmaintenant de prendre des décisions quiaboutissent à plus de solidarité et de res-ponsabilité.

Tirons les enseignements sur notre sys-tème économique et financier actuels pourl’avenir de notre société. Revalorisons nospaysan·nes et redonnons tout son sens à nosmétiers de l’alimentation pour reposition-ner ce secteur au cœur de notre projet desociété !

Relocalisons notre agriculture et nos sys-tèmes alimentaires en France, en Europe,et pour tous les peuples ! n

Le secrétariat national

de la Confédération paysanne

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 5

Lettre ouverte à nos concitoyen·nes

Page 6: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Apiculture : victoire juridiqueLe tribunal correctionnel d’Orléans a rendu son jugement le 13 février sur le cas des cires altérées vendues par Thomas Apicul-

ture, un procès dans lequel la Confédération paysanne était partie civile.En 2017, plusieurs apiculteurs et apicultrices ont constaté un effondrement de la cire des cadres de leurs ruches. Ce phénomène

affecte le nombre d’alvéoles. Il a pour effet de réduire la production de miel, le nombre des abeilles et met en péril, par voie deconséquence, l’équilibre financier des élevages. Très vite, la suspicion s’est portée sur la société Thomas, basée dans le Loiret, four-nisseur de nombreux apiculteurs et apicultrices.

Les prévenus – les deux gérants de la société – ont été reconnus coupables des faits qui leur étaient reprochés : pratique com-merciale trompeuse, vente de produits agricoles falsifiés, corrompus ou toxiques, non-information des acquéreurs d’un produit desa non-conformité portant sur une qualité substantielle, non-respect d’une mesure de consignation ordonnée par un agent de laRépression des fraudes.

Le tribunal a condamné Thomas Apiculture à 15 000 euros d’amende – dont 10 000 euros avec sursis – et les deux dirigeants à1 500 euros d’amende chacun avec sursis.

À la suite de cette décision, la Confédération paysanne demande que l’interprofession (InterApi) et l’Institut technique de l’abeillese saisissent du dossier afin d’établir des protocoles de qualification et des contrôles rigoureux des lots de cires.

Mutagénèse: alerte avant les semis À l’approche des semis de tournesol puis de colza, la Confédération paysanne a alerté – par lettre ouverte, le 4 mars, les produc-

teurs et productrices sur les conséquences de la décision prise par le Conseil d’État le 7 février : les récoltes « pourraient être éti-quetées OGM » en cas de variétés issues de mutagenèse in vitro. « Le gouvernement a l’obligation dans les neuf mois, soit avant le11 novembre, de faire retirer du catalogue officiel les variétés obtenues et multipliées par les techniques de mutagenèse in vitro (diri-gée ou aléatoire) ou de suspendre l’autorisation de culture. Passé ce délai, elles ne pourront pas être cultivées et commercialisées sansavoir obtenu au préalable une autorisation de dissémination d’OGM. En cas d’autorisation, elles devront être étiquetées et tracées toutau long de la filière jusqu’au client final. » La Confédération paysanne réclame la transparence des semenciers sur les techniquesqu’ils utilisent pour obtenir leurs variétés.

6 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Vie syndicale

Fermer indistinctement les marchés est irresponsable

Nous l’avons dit et nous le réaffirmons : ilfaut maintenir et pérenniser l’approvision-nement en nourriture sur le territoire natio-nal en l’adaptant à la crise sanitaire duCovid-19.

La décision du Premier ministre, le 24 mars,de supprimer de manière unilatérale lesmarchés de plein-vent sur l’ensemble du ter-ritoire est inadaptée à la situation et poten-tiellement dangereuse. Nous ne pouvons pasaccepter qu’à cause de quelques marchéstrop fréquentés dans lesquels les restrictionssanitaires n’ont pas été appliquées demanière conséquente, l’ensemble de lapopulation soit privé d’un mode d’appro-visionnement fondamental et les produc-teurs de débouchés.

Qu’elles soient à la ferme, dans des pointsde distribution itinérants ou sur des mar-chés réorganisés, nombreuses sont les ini-tiatives qui se mettent en place au niveaulocal dans le respect strict des règles sani-taires en vigueur : espacement des bancs (surles marchés), distanciations entre les per-sonnes, absence de caddie, paniers à dis-position, interdiction du libre-service ou

des emballages en plastique… Un guide debonnes pratiques a été proposé. Il permetd’ouvrir le dialogue avec des mairies quidoivent allouer plus de moyens humainspour la tenue de ces marchés.

Ces initiatives vont d’ailleurs bien plus loinque ce qui se pratique dans la grande dis-tribution où il n’y a pas eu d’analyse desrisques, avec des personnes laissées à elles-mêmes, touchant les mêmes produits et serapprochant les unes les autres dans desespaces clos. Ce serait malencontreux etdangereux de voir les gens se ruer dans lessupermarchés parce qu’il n’y a plus de mar-chés ouverts. C’est pourtant ce qui risquede se passer si le gouvernement ne com-prend pas très vite la situation et n’incitepas les pouvoirs locaux à multiplier les pra-tiques imaginées de concert avec les pay-san·nes pour maintenir et pérenniser l’ap-provisionnement.

La Confédération paysanne s’engage danstous les départements à identifier, décrireet diffuser les initiatives qui sont en trainde se mettre en place, pour donner auxpaysan·nes les instruments qui leur per-

mettent de les adopter et pour qu’ils soientforce de propositions vis-à-vis des pouvoirslocaux.

Nous demandons au gouvernement defaire sa part et qu’une parole claire soitprononcée dans les plus brefs délais pourdonner aux municipalités les moyens des’organiser et de garantir l’approvisionne-ment en nourriture, sécurisant ce qui s’ima-gine localement.

Nous exigeons enfin que le gouvernementassume clairement ses responsabilités faceaux producteurs et aux productrices quisubissent des pertes dans cette situation decrise. Nous le disons clairement, il faut uneindemnisation complète des pertes : nousne tolérerons pas un·e seul·e paysan·ne demoins à la sortie de cette crise.

(Communiqué du 24/3)

Pour se renseigner sur les initiatives qui se sontmises en place, qui se mettent en place ou quise projettent localement, se renseigner auprèsde la Confédération paysanne de son départe-ment. Pour la trouver : confederationpaysanne.fr/reseau.php

Page 7: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Joseph naît en janvier 1937 à Champi-gné (Maine-et-Loire), dans une famillemodeste, catholique pratiquante, son

père sera proche du MRP (Mouvement répu-blicain populaire, créé à la Libération), d’es-sence démocrate-chrétienne réformatrice.

Il quitte l’école à quatorze ans, aide fami-lial sur la ferme de ses parents. Il participeaux activités de la Jeunesse agricole catho-lique (JAC), mouvement de masseà l’époque. À 17 ans, il devientresponsable cantonal et participeau comité fédéral (départemental).

En 1960, Jo participe à l’équipenationale de la JAC en tant quepermanent non salarié, gardantson statut d’aide familial. Il a encharge le journal Militants à l’actionet les campagnes thématiquesannuelles de l’organisation. Il estélu président au congrès de fin1961 qui transforme la JAC enMRJC (Mouvement rural de jeu-nesse chrétienne), dans unepériode où les relations de ce mou-vement avec la hiérarchie de l’Églisecatholique sont difficiles. Il occu-pera ce poste jusqu’en février 1964.

Pendant son mandat, il rencontre,en mai 1962, le pape Jean XXIII,dans le cadre de la préparation duconcile Vatican II (1962-1965). En1965, il se marie avec Claudine Nol-let qui fut permanente nationale àla JECF (Jeunesse étudiante chré-tienne féminine) puis devient père de deuxfilles: Anne (née en 1966) et Ghislaine (1967).

En 1965, Jo est secrétaire général du CDJA(Centre départemental des jeunes agricul-teurs) puis, de 1966 à 1972, membre dubureau régional des jeunes agriculteurs del’Ouest. Il présente, lors du congrès du 27sep-tembre 1968, un rapport d’orientation Deschoix difficiles qui exigent une action syndicalecombative. Quelques semaines après les jour-nées de Mai, le rapport marque une radica-lisation des jeunes paysan·nes de l’Ouest. Àla tribune, derrière le rapporteur, un slogansur un grand calicot : OUI au développementde l’agriculture, NON à l’écrasement des faibles!

Notre homme devient administrateurnational du CNJA à partir de 1966, encompagnie notamment de Bernard Tha-

reau (1936-1995). En 1972, à 35 ans, il« passe » à la FDSEA (Fédération départe-mentale des syndicats d’exploitants agri-coles) qu’il quitte en 1974, avec une dizainede membres du conseil d’administration,pour créer un syndicat « paysan-travailleur »dans le Maine-et-Loire. Il est très prochede Bernard Lambert (1931-1984), le prin-

cipal animateur du mouvement, paysandans la Loire-Atlantique voisine.

Il participe alors à la rédaction du men-suel de l’organisation, Vent d’Ouest, lancé fin1969, notamment pour les brèves et depetits articles, activité qu’il poursuit jusquedans Campagnes solidaires après la fonda-tion de la Confédération paysanne, en 1987.

Au long de son parcours syndical, JosephBourgeais reste à l’écart des structures poli-tiques, y compris dans les années 1976-1977 où certain·es, à la direction des Pay-sans Travailleurs, se réclament des dogmesmarxistes-léninistes des communistes chi-nois. Il explique ne pas s’être écarté d’uneéglise pour en rejoindre une autre.

En 1980, Joseph Bourgeais est cofonda-teur de l’Afip (Association pour la forma-

tion et l’information paysannes), dont l’ob-jectif était de devenir une plate-forme decoopération large entre syndicalistes pro-gressistes de diverses obédiences (forma-tion, information, études, échanges inter-nationaux…).

Il cède sa ferme en 1997 mais poursuit uneactivité syndicale au sein de la commission« Retraites » de la Confédération paysanne,

dont il devient responsable auniveau national à partir de 2003 jus-qu’à 2013.

Toutes celles et tous ceux quil’ont connu sont sincèrement affec-tés par sa disparition, même si l’âgeavançant et son état de santé sedégradant ne poussaient pas à l’op-timisme. Un autre membre ducomité de rédaction de Campagnessolidaires, ancien porte-parolenational de la Confédération pay-sanne, Christian Boisgontier adres-sait ce petit mot à l’annonce dudécès de Jo : « Que de souvenirspartagés, de veillées ponctuées degrands éclats de rire lors des réunionsde notre commission des anciensquand il nous parlait de sa rencontrea l’Élysée avec de Gaulle ou de celleavec le Pape, quand il était le premierprésident du MRJC. Il disait encorequ’il aurait pu être le président de laFnsea s’il avait accepté de collaborerà la machine de guerre professionnelle,ayant fait ses armes dans la lignée des

Debatisse ou Lacombe. Mais il n’en était pas.Et ses colères quand il trouvait que les com-bats syndicaux étaient trop mous ! Mais quellebelle histoire, il a écrit, de sa vie ! »

Le dernier mot à Jean-Claude Moreau,lui aussi partenaire de longue date de Jo ausein de notre comité de rédaction : « Nom-breux sont ceux et celles qui auront le senti-ment que, s’ils ont quelque chose de pas tropmauvais en eux, ils le doivent en particulier àun homme comme Jo. » n

Benoît Ducasse, avec l’aimable autorisation

de Serge Cordellier, militant de l’éducation

populaire, auteur d’une note biographie plus

complète de Jo Bourgeais sur le site du

Dictionnaire biographique du mouvement

ouvrier/mouvement social :

maitron.fr (copyright : Éditions de l’Atelier)

Jo Joseph Bourgeais – Jo – nous a quittés le 15 mars. C’était le doyen du comité de rédactionde Campagnes solidaires. Pendant plus de 30 ans, il a notamment rédigé les écobrèves,très documentées et professionnelles. Mais il n’était pas que cela.

Hommage

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 7

Page 8: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

À l’occasion du Salonde l’Agriculture 2020,la Confédération paysanneet d’autres organisationssyndicales ou associativesse sont engagées à rédigerun plan de transition socialeet écologique de l’agriculturefrançaise. Les travauxdevraient démarrerprochainement.

Alors que l’État préfère cri-minaliser les opposant·esà l’agro-industrie par sa

cellule autoproclamée Demeter(cf. dossier), que l’État, en coges-tion avec la Fnsea, organise lemaintien du statu quo au lieud’engager la transition, nous avonsdécidé d’unir largement nos forcespour l’avenir de notre agricultured’ici 2030.

Dans les dix ans à venir, la moi-tié des paysan·nes partiront à laretraite. Sans installations à la hau-teur, nos territoires se videront etl’industrialisation poursuivra sonœuvre destructrice de l’autono-mie, de la rémunération paysanneet de la planète.

L’urgence sociale dans les cam-pagnes est là ! Pourtant, si nousrelevons ce défi de l’installation,cette nécessité de transmettre peut

être une formidable opportunitépour la transition agricole.

En dix ans, nous nous devons desortir de ce modèle agro-industrielmortifère et de ses logiques deconcentration, agrandissement,spécialisation, compétitivité-prixet industrialisation de la produc-tion agricole.

Ce plan devra permettre uneréorientation des politiquespubliques pour développer l’emploiagricole et rural et soutenir le redé-ploiement de l’agriculture paysanneet biologique et la relocalisation denos systèmes alimentaires.

Agir rapidementEn parallèle, l’urgence clima-

tique et écologique nous saute auxyeux et nous appelle à agir rapi-dement et efficacement. En dixans, nous nous devons de chan-ger de modèle social et écono-mique pour répondre à cetteurgence. Sobriété et relocalisationsont indispensables pour atténuerle changement climatique etaccroître la résilience de nos sys-tèmes alimentaires locaux pour yfaire face.

Nous sommes collectivementconvaincu·es que la solution estde traiter conjointement urgencesociale et écologique en faisant

vivre le dialogue entre monde agri-cole et société civile.

Le dialogue et l’échange sont lesseuls moyens de construire unfutur vivre ensemble.

Nous croyons à un nouveaucontrat social pour des systèmesalimentaires équitables et durables.

Nous savons ainsi que la transi-tion agricole et alimentaire ne sefera qu’avec les paysan·nes. Nousavons besoin de paysannes et depaysans nombreux dans nos cam-pagnes pour réussir ce plan : ilnous faut un million de paysan·nespour répondre à l’urgence socialeet climatique.

Nous sommes conscient·es quenotre modèle agricole doit chan-ger pour répondre aux enjeuxactuels : changement climatique,effondrement de la biodiversité,qualité de l’eau, alimentation dequalité accessible à tou·tes, emploi,rémunération paysanne… Nousnous devons d’y répondre.

Les soutiens à l’agriculture indus-trielle doivent cesser. Nous reven-diquons une politique ambitieused’accompagnement des paysan·nesà la transition agricole et alimen-taire, en commençant par la Pacet l’enseignement agricole. Ceciafin de sortir les paysan·nes dupiège tendu par l’agro-industrie etles politiques mises en place depuiscinquante ans. Cette évolution dumodèle, proposée à tou·tes, répon-dra aux enjeux de revenu paysan,de dynamique territoriale, auxdroits sociaux, à la santé des popu-lations et de l’environnement, auclimat et à la biodiversité. n

Premiers signataires : Nicolas Girod,porte-parole de la Confédération pay-sanne, Jean-Marie Le Boiteux, secré-taire général du SNETAP-FSU, CécileDuflot, directrice générale d’OxfamFrance, Anne-Laure Sablé, chargée decampagne Agriculture des Amis dela Terre, Jean-François Julliard, direc-teur général de Greenpeace, Éric Bey-nel, porte-parole de Solidaires, Auré-lie Trouvé, porte-parole d’Attac.

ÉcobrèvesDissonance

Le 13 mars, Nicolas Giroud,porte-parole de la Confédéra-tion paysanne, a participé à uneaction symbolique près duPalais de l'Élysée, préparée parplusieurs organisations non gou-vernementales. Le but était deporter des portraits d’Emma-nuel Macron pour dénoncer ladissonance entre ses discours etses actes : le non-respect desengagements climatiques de laFrance, la fragilisation du sys-tème social français et le creu-sement des inégalités, maisaussi la casse des servicespublics et notamment celle dusecteur hospitalier, une cassedont les effets se font cruelle-ment sentir aujourd'hui.

Action symbolique mais répres-sion sans détour : une dizainede participant.es arrêté.es etmis.es en garde à vue, dontKhaled Gaiji, le président desAmis de la Terre, et AurélieTrouvé, porte-parole d'Attac.

SolutionsLa mission interministériellesur le suicide des agriculteursrendra ses recommandationsdans cinq mois. C’est ce qu’aindiqué le ministre de l’Agri-culture en remettant, le10 mars, sa lettre de missionau député Olivier Damaisin(LREM). Celui-ci a été chargéd’enquêter sur la préventionet l’accompagnement des agri-culteurs en difficulté. Le députédu Lot-et-Garonne a indiquéavoir connu de près le suicidepaysan et s’est dit surpris« qu’on puisse quasiment tousconnaître cette situation etqu’on ne trouve pas les solu-tions ». Sans doute que ça nerésoudra pas tout, mais chan-ger les politiques publiques quiprécipitent paysannes et pay-sans dans la faillite, la préca-rité et le burn-out, ça pourrait

être une piste…

Un chiffre9 Français sur 10 qualifient lespaysan·nes d’« utiles » et« courageux », ou encore de« passionnés », sondage deOdoxa-Dentsu Consulting pourfranceinfo et Le Figaro, à laveille de l’ouverture du Salonde l’Agriculture 2020. Parmiles autres adjectifs utilisés, ontrouve aussi « sympathiques »(77 %) et « proches des gens »(70 %). Et donc certain·escrient à l’« agribashing »…

Éc

ob

rèv

es

8 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Actualité

Pour un plan de transition socialeet écologique de l’agriculture

« Nous avons besoin de paysannes et de paysans nombreux dans nos campagnes pourréussir ce plan : il nous faut un million de paysan·nes pour répondre à l’urgence socialeet climatique. »

Page 9: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Actualité

Une histoire presque banale,ou quand les culturesindustrielles essaimentde nouveaux virus. Cettefois-ci, ce sont les tomatesqui sont en danger, menacéespar un virus provenantdes serres de cultureintensive du Moyen-Orient.

En 2014 apparaît un nouveauvirus dans des serres israé-liennes sur des variétés

hybrides de tomates. Il impacte laculture en la rendant invendable.Il se répand rapidement dansd’autres pays, compte tenu de l’ho-mogénéisation des modes d’ob-tention des semences et des modesintensifs de culture.

Le virus atteint le territoire métro-politain français en ce début d’an-née 2020. Il arrive d’abord dans desserres bretonnes hors sol, par desplants britanniques issus desemences vraisemblablement néer-landaises ou péruviennes…

Où est la logique ? Plus l’indus-trie standardise, plus elle simpli-fie le vivant et plus celui-ci luirépond !

Très vite, la « profession » se sai-sit du sujet, tant l’organisation deproductrices et producteursimpactés (OP) que l’interprofes-sion nationale des fruits et légumes(Interfel).

Le virus se propage d’un pays àl’autre, comme on l’a vu par lesplants et les semences, mais aussipar les cageots, les palettes, lesvêtements, etc. Le risque de pro-pagation à toutes les serres detomates, quel qu’en soit leur modede production, est bien réel.

Il a été acté que le ministèrefrançais de l’Agriculture devaitmettre en place un plan de lutteet, qu’étant donné qu’aucun trai-tement n’existe, une indemnisa-tion des producteurs et produc-trices devait être effective. Pource faire, les dirigeants du Fondsnational agricole de mutualisationsanitaire et environnemental(FMSE) se sont réunis lors duSalon de l’Agriculture, fin février,et ont acté qu’une « cotisationvolontaire étendue » sera lancéepour éviter qu’un trop grandnombre de producteurs et pro-ductrices soit en difficulté. Cetteréaction à court terme est relati-

vement adaptée. La Confédéra-tion paysanne a donné son avalà ce programme, sous conditiond’une cotisation spécifique (dontles modalités restent à définir)proportionnelle au chiffre d’af-faires.

La où en tant que syndicalistespaysans nous sommes circons-pects, c’est sur la mise en place duplan de lutte et sur les méthodesde prévention annoncées qui sontinadaptés aux fermes diversifiées,en circuit court notamment :rédaction d’un plan de culturedoublé d’un plan de circulationdes personnes et des cageots dansla ferme…

À moyen terme, c’est-à-dire dèsla saison 2021, le ministère devraavoir impulsé une politique derelocalisation (que nous prônonsdepuis toujours) de toute lafilière, de la semence à la distri-bution.

Au plus vite, pour enrayer la dif-fusion de cette maladie, il estnécessaire d’interdire l’importa-tion des plants pour les jardine-ries, dont le potentiel de dissé-mination du virus en plein champest considérable et pourrait ruinertoute mesure de biosécurité prisepar ailleurs. n

Jonathan Chabert,

paysan dans les Côtes-d’Armor

Éc

ob

rèv

es Écobrèves

PrévisionsLors du colloque de l’innova-tion céréalière, Phloème (29et 30 janvier), les effets mar-quants du réchauffement cli-matique dans les années àvenir ont été mis en avant. Ilfaut s’attendre à une recru-descence d’événementsextrêmes pour toute la France.Les vagues de chaleur serontplus longues en durée et enintensité, tout comme lesvagues de froid. Les pluiesexceptionnelles d’hiver neseront plus limitées aux Pyré-nées et au Sud-Est. Leur fré-quence et leur durée augmen-teront. La sécheresse gagneradu terrain : la Nouvelle Aqui-taine et l’Occitanie seront par-ticulièrement touchées. Lasécheresse d’automne sera plusimportante au Nord, la prin-tanière et l’estivale s’étendrontpartout. Les risques d’incen-die vont croître de 40 % auSud et frapperont des zonesjusqu’à maintenant nonconcernées…

ProcrastinationD’après une étude réalisée parle cabinet Carbone 4 pour lesorganisations à l’origine de l’Af-faire du siècle (Notre affaire àtous, la Fondation pour laNature et l’Homme, Green-peace et Oxfam), la Francen’atteindra pas la neutralitécarbone avant 2085, si l’onconsidère la réductionmoyenne de ses émissions surla période 2011-2017. Dans lanouvelle version de la Straté-gie nationale bas carbone(SNBC), dont la consultations’est terminée début mars, legouvernement a fixé l’objectifde neutralité pour 2050. Or,en 2020, le volume d’émis-sions projeté aurait déjà étéatteint le 5 mars, d’après lesétudes de Carbone 4. Une dateque les associations nomment« jour du dérèglement », et àpartir duquel « l’État françaisest donc à découvert climatiqueet aggrave son impact sur le

dérèglement de la planète ».

Un chiffreEn 2018, le cap de 2 millionsd’hectares cultivés en bio enFrance a été franchi, selonl’Agence Bio. Ce qui représente7,5 % de la surface agricole,contre 6,5 % en 2017. Il oscil-lerait entre 8 % et 9 % fin2019.

Fruits et légumesLe tomatovirus, un grand dangerpour les cultures de tomate

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 9

Redoutable pourles cultures à hautedensitéOn l’a baptisée Tomato brownrugose fruit virus (ToBRFV). Chlo-roses, mosaïques et marbruressur les feuilles des plantes, tâchesnécrotiques sur les pédoncules,déformation des fruits, symp-tômes de rugosité… La liste desconséquences de cette maladievirale sur les plants de tomate etleurs fruits est longue, rendantles produits invendables. Selonl’Agence nationale de sécuritésanitaire de l’alimentation(Anses), le virus peut infecter jus-qu’à 100 % des plantes sur unsite de production, ce qui le rendredoutable pour les cultures àhaute densité de plantationcomme les cultures sous serre.En revanche, il n’a pas d’impactsur l’homme. Mais le poivron etl’aubergine y seraient aussi sen-sibles.

Page 10: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Actualité

10 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Écobrèves

Quand l’hommefavorise lesépidémies

C'est le titre d'un article paru enseptembre 2014 sur le sited'info du Centre national de larecherche scientifique (CNRS)(1),interview du biologiste Fran-çois Renaud. On y apprend ourappelle ceci (extrait) :« Il y avait un milliard d’individusen 1800, il y en a aujourd’huisept milliards, et l’on parle deneuf milliards demain… Pour lesnourrir, on a généralisé l’élevageindustriel intensif partout sur laplanète. Ce faisant, on a consti-tué une niche écologique rêvéepour les pathogènes. PrenezH5N1, le virus de grippe aviaireapparu en Asie dans les années1990, avant de défrayer la chro-nique en Europe dans les années2005-2006. À l’origine, H5N1est un virus d’oiseau extrême-ment virulent, mais peu efficaceà l’état sauvage : il tue son hôte,l’oiseau, très rapidement – d’oùune transmission à d’autres hôteslimitée. C’est l’élevage indus-triel qui a créé les conditions deson succès, grâce à une concen-tration exceptionnelle d’oiseauxet une promiscuité des volatilesfavorisant la transmission duvirus. Le passage à l’homme,malgré la barrière inter-espèces,a fini par se faire du fait de cetteconcentration de volailles en unseul endroit et de conditionssanitaires dégradées. C’est unjeu d’essai-erreur : en théorie, levirus aviaire n’est pas transmis-sible à l’homme, mais à forced’essayer, il finit par passer… Lemême scénario ou presque s’estreproduit en 2009 avec le virusH1N1, apparu dans les élevagesde porcs au Mexique. »Pour le biologiste : « On n’éra-dique pas un pathogène, onapprend à vivre avec. C’est untravail long et fastidieux (…) Pource faire, il faut comprendre latotalité des événements qui ontconduit à son émergence (…)Cela demande une approche glo-bale des épidémies dans toutesleurs composantes, biologiques,mais aussi environnementales etsociales. »(1) lejournal.cnrs.fr

Un chiffre88 % des Français·es préfèrentle modèle des « petites exploi-tations qui privilégient la qua-lité des produits » à celui des« grandes exploitations qui pri-vilégient la quantité pour res-ter compétitives » (sondé·espar Odoxa-Dentsu Consultingpour franceinfo et Le Figaro, àla veille de l’ouverture du Salonde l’Agriculture 2020).

Éc

ob

rèv

es

Le 5 octobre dernier, 300 per-sonnes sont rassembléesdevant la mairie de Néant-

sur-Yvel, dans le Morbihan. Ellesmanifestent leur inquiétude faceau projet agro-industriel d’unjeune agriculteur local qui comptemultiplier par cinq la capacité deson élevage, de 40000 à 192500poulets. La fébrilité est palpable :un autre éleveur de volaille de lacommune, en grande difficultééconomique, s’est donné la mortla semaine précédente. Uneminute de silence précède la prisede parole de la Confédération pay-sanne qui dénonce le piège dusurendettement dans un systèmed’élevage intensif. L’associationEau et Rivières de Bretagne, le col-lectif « Non à la ferme usine deBrocéliande », le syndicat Soli-daires et le Collectif de soutienaux victimes de pesticides dénon-cent également les impacts envi-ronnementaux de l’extension, sou-mise à une enquête publique.

Outre sa taille industrielle, uneautre particularité du projet contro-versé agace : il est en partie financépar le conseil régional de Bretagnequi soutient allègrement la filièrevolaille locale. 20 millions d’eurosd’argent public y sont investisdepuis 2018, à travers des prisesde participation actionnariales, laconstruction ou modernisationd’usines et différents investisse-ments. La « ferme-usine » deNéant-sur-Yvel a ainsi bénéficiéd’une subvention de 50000 euros.

Cette politique publique inter-roge, d’autant qu’elle profite aussià de gros industriels. La Région estainsi actionnaire d’une entrepriseagroalimentaire, Yer Breizh (« lapoule bretonne »), créée endécembre 2018 pour reprendre lesactivités du groupe volailler Doux,

en liquidation judiciaire. La col-lectivité est actionnaire à hauteurde 5 % – participation qu’elle por-tera à 33 % d’ici 2021, soit 2 mil-lions d’euros –, aux côtés du groupesarthois LDC, leader européen dansla production de volaille, de l’im-portateur saoudien Al Munajem etde deux coopératives agroalimen-taires, Terrena et Triskalia.

L’objectif : reconquérir le marchéfrançais, malmené par la concur-rence venue d’Europe de l’Est. LaBretagne fournit déjà 40 % de laproduction nationale de volaille dechair. L’arme de cette reconquêteest la Société bretonne de volaille(SBV), crée par LDC pour porterses investissements dans la région,dont la construction d’un nouvelabattoir à Châteaulin (Finistère)d’ici 2021, dans laquelle la régioninvestit pas moins de 12,7 millionsd’euros.

« Construisezdes bâtiments, on vavous donner du travail »

« Pour être compétitif, nous devonsêtre capables de produire bon et pascher, explique Ronand Tonarelli, ledirecteur de SBV. La région nousaccompagne parce qu’avec un nou-vel outil d’abattage, on peut inciterles éleveurs à investir et nous enga-ger sur le long terme, avec eux et lesbanques, en disant : construisez desbâtiments, on va vous donner du tra-vail. » D’où le choix, malgré lesimpacts environnementaux, definancer aussi l’agrandissementd’élevages afin d’alimenter cettereconquête.

LDC est justement l’intégrateurde l’éleveur portant le projet àNéant-sur-Yvel. L’éleveur resterapropriétaire et investira en sonnom propre, LDC lui vendra lespoussins et les aliments en fixant

ses prix, et le rémunérera. En choi-sissant ce modèle, l’agriculteurarrête de cultiver ses six hectaresde terres servant à alimenter sespoulets et à composter leseffluents. Ceux-ci seront désor-mais exportés par camion par lasociété Terrial, une filiale com-mune au groupe Avril. Le projetdevient complètement hors sol.

« Bien sûr, il vaut mieux faire de lavolaille chez nous de manière maîtriséeque d’importer des produits faits n’im-porte comment en Ukraine, déploreArnaud Clugery, président d’Eauxet Rivières de Bretagne. Mais nousaurions préféré un plan national quirelocalise la production de volaillesau plus près des territoires en capa-cité de produire des céréales et derecevoir la matière organique, plutôtque d’exporter les fientes dans lesgrandes plaines céréalières. »

Pour la reconquête du marchéintérieur, le conseil régional sou-haite une « montée en gamme »: dupoulet lourd, pesant 2,1 kg contre1,6 kg pour le poulet export dontla région s’était fait une spécialité,surtout à destination du Moyen-Orient. Cela implique des instal-lations un peu moins low cost :lumière naturelle (fenêtres) à laplace des néons dans les bâtimentsd’élevage, dalle de béton à la placede la terre battue et une durée d’éle-vage qui va jusqu’à 40 jours, contre20 jours pour le poulet exporté.

Ces arguments pour le pouletmade in France ont cependant dumal à passer. Les exportations sontau beau fixe, un an après la liqui-dation judiciaire de Doux. 340000têtes sont abattues chaque jour àl’abattoir de Châteaulin, dans lequella société saoudienne Al Munajema augmenté son capital, passant de100000 à 5 millions d’euros. Larégion y a également injecté 1,2 mil-

Quand l’argent public finance de trèscontroversés élevages industrielsde pouletsLe conseil régional de Bretagne soutient financièrement la filière avicole industrielle, au nomde l’emploi et en souhaitant orienter la production vers une meilleure qualité. Mais ce sontsurtout les industriels qui en profitent et les paysan·nes restent coincé·es dans un modèleinstable, aux conséquences écologiques et sociales négatives.

Page 11: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 11

Actualité

lion d’euros. Mais dans ces conditions, lafilière volaille a-t-elle vraiment besoin d’au-tant d’argent public? « Ce fut mon choix d’ac-compagner Al Manujen dans la reprise, il yavait des emplois à sauver. Et oui, depuis un an,le cours mondial du poulet a flambé et les éle-veurs choisissent aussi un modèle qui les rému-nère », assume Loïg Chesnais-Girard (PS), leprésident du conseil régional.

Modèle hyperconcentréDe fait, la politique régionale appuie le

futur monopole de production qui se des-sine, entre les mains de LDC et d’Al Muna-jem, reproduisant le modèle hypercon-centré qu’avait développé Doux. Les« fermes-usines » de poulet vont-elles semultiplier ?

Alors que le projet de Néant-sur-Yvel rece-vait son avis favorable, le préfet du Mor-bihan autorisait l’exploitation d’un autre éle-vage controversé, à Langoëlan. Deuxpoulaillers géants de 2200 m2 chacun, pourune production de 500000 à 900000 pou-lets par an, auxquels s’ajoute un élevage exis-tant de 4500 m2. Le vice-président de laRégion en charge de l’agriculture et del’agroalimentaire, Olivier Allain, a lui-mêmesigné son soutien au projet lors de l’enquêtepublique où la déposition d’un membre del’exécutif n’a pourtant pas sa place. Précé-demment président de la Fdsea et de lachambre d’agriculture des Côtes-d’Armor,

l’élu a été également conseiller à l’agricul-ture du candidat Emmanuel Macron pen-dant la campagne présidentielle.

Mais à mesure que d’autres projets éclo-sent dans différentes communes bretonnes(Scrignac, Bégard, Plaudren…), la colère decitoyen·nes, syndicats et associationsgronde, jusqu’à provoquer des remous ausein même du conseil régional. Débutoctobre, Thierry Burlot (PS), vice-prési-dent chargé de l’environnement, eau, bio-diversité et climat qualifie, devant l’as-semblée générale de la Confédérationpaysanne de Bretagne, d’« incohérent » lefinancement de la Région aux nouveauxpoulaillers.

Durant l’automne, le président de laRégion, Loïg Chesnais-Girard a de son côtérencontré Eaux et rivières de Bretagne etla Conf’. Saluant des échanges « trèsconstructifs », l’association environnemen-tale et le syndicat paysan espèrent un reculfranc de l’élu sur les critères déclenchantles subventions.

Le 13 décembre, un nouveau cahier descharges est communiqué. L’appel à projetne soutient plus les investissements en bâti-ment de « 1200 m2 et plus », mais les limiteà « 2000 m2 maximum », étend l’aide auxbâtiments de chair labellisé ou en bio, etconditionne les aides à des exploitationsdont les bâtiments d’élevage ne dépassentpas, en tout, 5000 m2. Le conseil régional

adopte aussi le cahier des charges BBC (Bet-ter chicken commitment) qui fixe des critèresà atteindre d’ici 2026 : lumière naturelle,un maximum de 30 kg de poulets au mètrecarré, un aménagement avec perchoirs.

On est cependant encore bien loin d’uneréorientation de la politique régionaleen faveur de l’agriculture paysanne. LaConfédération paysanne, Eau et Rivièresde Bretagne, le syndicat Solidaires et leCollectif de soutien aux victimes de pes-ticides ont déposé un recours devant lejuge administratif contre son autorisa-tion d’exploiter le projet de Langoëlan.Une Zad y est même envisagée. MorganOdy, porte-parole de la Confédérationpaysanne du Morbihan, prévient : « S’ilsne reculent pas sur les projets actuels, ça vapartir en conflit dur. » n

Caroline Trouillet

Nous remercions l’au-trice et Bastamag pourleur autorisation à

reproduire en grande partie cet article publiéle 14 janvier sur le site www.bastamag.netBasta ! est un média indépendant en lignequi publie quotidiennement des enquêtes,reportages, entretiens, sur les questionssociales, environnementales, économiqueset démocratiques. Il est animé par uneéquipe de huit journalistes permanent·es etrevendique produire une information d’in-térêt général.

Le 5 octobre 2019, manifestation contre un projet de poulailler-usine à Néant-sur-Yvel, dans le Morbihan.

Page 12: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Actualité

12 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Les décideurs politiques etéconomiques de Bretagne ont à cœurde préserver voire de développerles filières agricoles. Mais cedéveloppement doit tirer les leçonsdu passé et tracer une vision éclairéedes défis à relever.

Le comportement des consommateurset des consommatrices évolue. Maissoyons réalistes, ils sont encore loin de

plébisciter massivement l’agriculture pay-sanne. La ruée dans les grandes surfaces, lapréoccupation d’acheter des produits pascher et le temps plus ou moins volontaire-ment réduit pour cuisiner sain font que lesnuggets ont de beauxjours devant eux. Fortsde ce constat, lestenants de l’agricultureindustrielle la vendentavec un argument mas-sue : « Mieux vaut dupoulet produit en Bre-tagne qu’importé dePologne ».

Ah bon, serait-il si dif-férent ? Non, bien sûr :c’est la même viande.

Les décideurs poli-tiques et économiquesde notre région ont àcœur de préserver,voire de développer, lesfilières agricoles. Nouspouvons partager cetobjectif. Mais ce développement doit tirerles leçons du passé et tracer une visionéclairée des défis à relever.

Un regard dans le rétroviseur remet leschoses en perspective. La filière avicoleindustrielle a opéré en 25 ans une restruc-turation des élevages à grande échelle, enles poussant à investir lourdement dansdes bâtiments de plus en plus sophisti-qués. Elle a mis en place des contrats d’in-tégration qui asservissent les éleveurs à desrémunérations étriquées. Ce sont eux quiprennent des risques financiers alors qu’ilsne bénéficient finalement que d’un revenulimité. Ils ne disposent d’aucune autono-mie dans le choix d’une alimentation dépen-dante des importations de soja d’Amériquedu Sud. Ils sont aliénés à l’évolution de mar-chés, oscillant entre euphories éphémères

et crises à répétition. En réalité, ils pro-duisent du « minerai » pour des groupesprivés et coopératifs qui misent sur desprofits aussi colossaux qu’aléatoires.

La stratégie commerciale de la filière aété prioritairement orientée vers les mar-chés export. Résultat : une histoire émailléede récessions économiques successives.Chaque fois, il a fallu appeler les pouvoirspublics à la rescousse pour sauver les pro-ducteurs et les opérateurs économiques.Litanie des faillites : Bourgoin, Tilly-SABCO,Doux, Amice Soquet… Jusqu’à ce que larégion mette la main au portefeuille publicen prenant participation récemment dansYer-Breizh.

Dans le cadre d’une Coop Breizh en coursde discussion et de celui fixé par les accordsde Paris sur le climat, le plan de soutien de5 millions d’euros à la construction de nou-veaux poulaillers est un signal incohérent.Aujourd’hui, les habitudes alimentairesdoivent tendre vers une moindre consom-mation de viande, les volumes de produc-tion sont à revoir à la baisse, de l’ordre de-15 % pour la volaille de chair.

La construction de poulaillers neufs peuts’envisager, à condition qu’elle vienne encompensation de bâtiments vétustes quiseront reconvertis vers une destinationautre qu’agricole, ou bien déconstruits.Ensuite, l’autonomie alimentaire doit êtrela base de l’élevage en Bretagne : les aidespubliques doivent être absolument condi-tionnées à l’arrêt immédiat des importations

en alimentation animale. Ce sont elles quiaccentuent la déforestation en Amazonie etle transport maritime, une catastrophe surles plans de l’énergie et des émissions degaz à effet de serre. Ce sont elles qui encou-ragent des monocultures si exigeantes enpesticides et en OGM. C’est aussi ce sys-tème qui livre en Amérique du Sud les pay-san·nes sans terre à l’oppression des grandspropriétaires fonciers. C’est pourquoi larègle d’un minimum de lien au sol doitêtre instaurée, à hauteur d’un ratio quipourrait s’établir à 20 %, comme en bio.Cela équivaudrait à une assise foncière de50 hectares de surface agricole pour unpoulailler de 2000 m2.

Enfin, la fameusemontée en gamme, tantpréconisée lors desÉtats Généraux de l’Ali-mentation, en 2017-2018, passe évidem-ment par une durée decroissance plus longueet des densités d’éle-vage compatibles avecdes systèmes sans anti-biotiques. Commentexpliquer au consom-mateur qu’un pouletlourd de 2,3 kg élevé en45 jours est de bonnequalité, alors que lecahier des charges labelimpose 80 jours et quedes poulets bio de 2 kg

sont abattus parfois au bout de 120 jours?De telles propositions ont pour but d’ame-

ner la filière bretonne à se différencier deses concurrents étrangers par l’excellencesur tous les plans : qualité de la viande,bien-être animal, revenu des paysan·nes,environnement et climat, relocalisation dela production alimentaire…

Combien de catastrophes sanitaires et cli-matiques faudra-t-il pour comprendre qu’ilest urgent de modifier profondément nosmodes de production ? La grippe aviaire,la peste porcine africaine et maintenant lecoronavirus sont autant de signaux alar-mants. Il est encore temps de bien produirepour bien manger. n

Jean-Marc Thomas,

paysan dans les Côtes-d’Armor, porte-parole

de la Confédération paysanne de Bretagne

Volailles Pour une filière volailles plus vertueuseen Bretagne

Page 13: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / I

Dossier

À l’heure où j’écris ces lignes, le Salon de l’Agriculture vient de refermer ses portes sur la vitrine de l’agriculture française.

De l’environnement à chaque coin de stand, des races animales domestiques à foison, des produits gourmands emblématiques

des régions… une image d’Épinal présentée à des citadin·es en mal de ruralité !

De l’autre côté de la vitrine, un monde agricole qui peine à se faire rémunérer de son travail, à transmettre ses fermes, à évoluer

pour répondre aux enjeux contemporains climatiques et environnementaux. Un monde agricole plus très fier de ses produits,

de plus en plus isolé parce que sans voisin·es et croulant sous le boulot.

Un fossé se creuse entre la réalité de nos vies, de notre travail et l’image idéalisée que peuvent en avoir des personnes coupées

du monde rural depuis une, deux, trois générations…

Même dans nos systèmes, même en agriculture paysanne, cette incompréhension existe. Quand un paysan qui pulvérise

un produit bio dans son champ est montré du doigt ou insulté, c’est grave et ce n’est pas une remise en cause du modèle

industriel. Quand on me dit que mes vaches ne sont pas bien soignées car elles sont dans les champs même en hiver (les hivers

sont relativement doux en Bretagne), c’est agaçant de devoir justifier que ce n’est pas de la maltraitance animale. Quand

un paysan du Cantal est condamné à 8 000 euros, après plusieurs années de procédure engagée par des voisins retraités

néoruraux, pour odeurs dues à son troupeau et à son ensilage, l’intolérance qu’entraîne une vision hygiénisée de la campagne est

insupportable.

Mais quand bien même nos voisin·es auraient des attentes incompatibles avec notre travail, cela ne constitue pas une raison

pour crier à l’« agribashing », ce vilain anglicisme, étendard agité par la Fnsea pour rallier ses troupes, interdire toute critique

du modèle agricole dominant et contrecarrer son évolution.

Cela ne justifie pas la création d’une cellule spéciale de la gendarmerie nationale pour empêcher toute atteinte au monde

agricole… y compris la remise en question de l’industrialisation des productions.

S’arc-bouter pour garder une agriculture compétitive à l’international et contribuant à la « croissance » participe à opposer

le monde agricole au reste de la société, à l’isoler et à renforcer le sentiment de défiance.

Il est pourtant plus urgent de créer des ponts entre nous, de repenser un projet commun en répondant aux enjeux de qualité

de l’alimentation, de vie dans les territoires, de préservation de l’environnement et des ressources. C’est cela qui permettra

de renouer des liens distendus.Véronique Marchesseau, paysanne dans le Morbihan,

secrétaire générale de la Confédération paysanne

(Re)vivre ensemble en milieu rural

Page 14: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Ces derniers mois, plusieurs faitsdivers ont attiré l’attention média-tique. Un procès a été intenté, sans

succès, au coq Maurice accusé de chan-ter trop fort sur l’île d’Oléron. Dans lesLandes, une agricultrice à la retraite pour-suivie par ses voisins qui se plaignaient dubruit de ses canards, a vu le tribunaldemander une « expertise acoustique com-plémentaire ». Le 19 novembre, un éleveurdu Cantal a été condamné à payer8 000 euros à ses voisins pour « troubleanormal du voisinage » provoqué parl’odeur de ses vaches.

Jacques Bonati, juriste retraité de laConfédération nationale, a été confrontéà plusieurs cas au cours de sa carrière.« Un paysan auvergnat a été condamnépour préjudice de vue à plusieurs milliersd’euros d’amende, évoque-t-il. L’équi-libre économique de la ferme peut s’entrouver fragiliser. » Il a également étémarqué par le cas d’un paysan de Haute-Garonne conduit au tribunal adminis-tratif plus d’une vingtaine de fois par savoisine en raison de son bâtiment d’éle-

vage : « Elle a perdu à chaque fois mais quede temps perdu ! » La géographe GretaTommasi l’a observé dans ses travaux :« On retrouve chez une partie des nou-veaux habitants une vision idéalisée duretour au vert. C’est un endroit de reposcertes, mais c’est aussi un espace vécu etun lieu de travail. » (1) En réaction à cesexcès, un projet de loi visant à protégerle « patrimoine sensoriel des campagnes »est en cours d’examen (2).

Selon André Torre, qui participe à unprogramme de recherche mené par l’Inraet AgroParisTech sur les conflits d’usageet de voisinage en France, « les petits évé-nements dont la presse se fait l’écho sonten réalité très anecdotiques et ne reflè-tent pas l’ambiance et les relations quirégissent les campagnes » (3). Selon lui, lestensions reposent moins sur les bruits oules odeurs de la ferme que sur les pratiquesagricoles (usage de pesticides, rejets d’ef-fluents polluants…) dont certaines peu-vent relever de la santé publique. Lesquestions d’infrastructures – dont l’ins-tallation d’éoliennes ou de méthaniseurs

– cristalliseraient les tensions. En creux sepose la question de l’occupation des solset donc des arbitrages entre activités agri-coles, espaces naturels, lieux de résidence,tourisme et activités industrielles. Long-temps dédié à l’agriculture, l’espace ruralest désormais convoité pour d’autres fonc-tions, ce qui peut générer des opposi-tions.

Au-delà des territoires ruraux, AndréTorre observe une hausse des conflitsd’usage de voisinage depuis plus de quinzeans, ou du moins de leur expression. Dèsqu’un problème se manifeste, mêmemineur, la tendance serait au recours auxtribunaux, à la campagne comme à laville. n

Sophie Chapelle

(1) Ruraux et urbains en campagne, pas en guerre (Libéra-tion, 28 août 2019)(2) senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-286.html(3) Les résultats reposent sur les articles parus dans lapresse régionale, l’analyse des jugements ou recours auxtribunaux et des enquêtes de terrain. Andre Torre et al.,« Les conflits d’usage et de voisinage de l’espace. Bilan d’unprogramme de recherche pluridisciplinaire », L’Informationgéographique 2016/4 (Vol. 80), p. 8-29.

En d’autres temps, les composantes dumonde rural grandissaient dans les uset coutumes des un·es et des autres.

Le monde n’était pas idyllique pour autant.Les conflits de voisinage existaient maisreposaient surtout sur les questions delimites de propriété.

La nature ayant horreur du vide, avec l’éro-sion du nombre de paysan·nes et la libéra-tion de petits corps de ferme sont arrivé·esde nouveaux habitant·es, sans culture locale,cherchant le coin bucolique pour échapperau stress de la vie urbaine. Parallèlement,le regard sur l’animal, le végétal, les paysagess’est idéalisé, jetant un regard négatif surbien des activités économiques. Dans cecoin de bocage de l’Orne, à modeste relief,la présence de talus boisés de châtaigniersest encore une réalité pour une récolte depiquets de clôture, de bûches pour la che-minée ou de copeaux pour la chaudière.Mais l’agression verbale se fait courante.

C’est Claude, paysan près d’un manoiracheté voici 20 ans par un haut fonction-naire de Bercy, qui reçoit un courrier d’in-sultes après avoir fait tailler un talus recou-vert de gaules de châtaignier. C’est Pierre,du côté du mont Margantin, qui récolte lemême type de bois et se fait interpeller pardes promeneurs : « Vous massacrez lanature ! »

D’autres remarques parlaient de « déboi-sement », transposant ce qui se passe enAmazonie alors que ces talus ont unerepousse spectaculaire et vont piéger leCO2.

D’où vient cette fracture, ce presque néo-colonialisme de nouveaux venus, pourtantà la tête bien faite, s’érigeant en mission-naires conservateurs ? Tout pourrait êtreplus simple si on prenait le temps de separler, de s’écouter, de se comprendre. Dansl’air du temps, chacun·e construit sa vérité,collé·e à son écran. Comme les éleveurs et

les éleveuses forcément tortionnaires deleurs animaux qu’il faut remettre à la viesauvage… un univers sauvage fait de terriblesprédations.

Arrivent les nouvelles théories sédui-santes sur les arbres qui « communiquententre eux » et s’entraident. Ils sont pour-tant en terrible concurrence, eux aussi.Ainsi ce gros chêne et ce gros hêtre qui ontfait le vide autour d’eux par leur bran-chage et leur capacité à faire la razzia surtoute trace d’humidité. L’arbre a aussi uncycle biologique : il grandit, vieillit puismeurt s’il n’est pas récolté à temps. À ladécharge des récent·es venu·es dans lescampagnes, la concentration des exploi-tations et l’hyper mécanisation ont faitd’énormes dégâts et marqué au fer rougel’inconscient collectif. Alors chiche : ontourne la page, l’homo-economicus restenotre adversaire commun. n

Christian Boisgontier

L’espace rural, objet de convoitises et de conflitsd’usagesSi les adhérent·es de la Confédération paysanne ne se reconnaissent généralement pas dans l’« agribashing »,une partie fait état d’une montée de l’intolérance préoccupante vis-à-vis de leur activité agricole.

Dossier

II \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Se comprendre

Page 15: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

La création, en octobre 2019, par leministère de l’Intérieur, de la celluleDemeter (cf. III-IV) marque une étape

dans l’incompréhension grandissante entreune partie de la société et une partie dumonde agricole. Les caricatures sont nom-breuses de part et d’autre, et les discourspublics n’aident pas toujours à en sortir. Ainsi,lors de cette création, le Ministre affirmait :« La réalité, c’est que nos agriculteurs fontun travail difficile, exigeant, essentiel. Ils neconnaissent pas de repos, font une partie dela renommée de la France et nous permet-tent de bénéficier de produits de qualitéexceptionnelle.» Avancer de façon généraleque les agriculteurs et agricultrices neconnaissent pas de repos est aussi absurdeque de tous les qualifier de rentiers, et neprêche pas en faveur des vocations. Dire aussiqu’ils produisent nécessairement des pro-duits de qualité exceptionnelle est du mêmeacabit.

Faire l’amalgame entre toutes les pratiquesnuit à la compréhension de leur diversité. Lefait que le Ministre passe sous silence tousles abus d’une partie de l’agriculture dans cediscours censé répondre à l’« agribashing »incite à des réactions tout aussi partiales.

D’un côté un déni demeure dans unepartie de la profession agricole sur sa res-

ponsabilité en matière d’environnement etde santé : le slogan des JA lors de mani-festations il y a quelques années, « Lais-sez-nous produire », était à ce titre unsommet de déni.

Le passage de 45,4 % de maires agricul-teurs en France en 1971 à 15,38 % en 2014n’aide pas non plus aux médiations directes,même si la profession reste nettement sur-représentée (1). Mais le maire-agriculteurétait aussi parfois peu représentatif desagriculteurs locaux, et pas toujours un avan-tage pour la médiation.

IgnoranceD’un autre côté, certain·es citoyen·nes

éloigné·es des cultures rurales sont capablesd’erreurs d’appréciation grossières dans leurjugement sur l’activité agricole. Et ignorentsurtout les énormes disparités du secteuren matière de revenus, de temps de travail,de pénibilité des tâches et de responsabi-lité environnementale.

Reconnaissons aussi qu’en matière ali-mentaire, et malgré l’existence de labels« intermédiaires » comme Label Rouge ouProduits fermiers, on est bien dans un cli-vage grandissant bio/conventionnel quetout sépare : prix, rayons, magasins, réseaux,image, aides, paysages. Difficile pour un

producteur ou une productrice de revendi-quer facilement les vertus de pratiques horsAB aux consommateurs et consommatrices,même si elles existent.

Pour faire progresser les jugements desun·es et des autres et la nécessaire respon-sabilité de tou·tes, nous sommes au défi dereconstruire quatre proximités agricoles encrise : géographique, commerciale, politiqueet culturelle.

La priorité me semble la proximité com-merciale qui ouvre à toutes les autres. Si lesystème Amap n’est sans doute pas géné-ralisable à toute l’économie agricole, sonesprit – un nouveau pacte engageant entreproducteur et consommateur – est une voiede compréhension et d’évolution. Si cer-taines filières sont tournées vers l’export,elles auront néanmoins besoin d’un ancrageterritorial, même partiel, et d’une démarchede transition, pour être comprises et admises.Pour la décennie à venir il semble cepen-dant qu’on s’oriente vers des contrastesrenforcés entre agricultures de proximité(et leurs soutiens citoyens) et agricultureshors-sol (et leurs soutiens économiques)sur un même territoire. n

(1) Les actifs agricoles représentant 2,58 % des actifs en2016 (source Agreste et Insee).

Inventer de nouvelles proximitésComment analyser la fracture ressentie entre nombre de paysannes et paysans et le reste de la société ? Le pointde vue de Xavier Guiomar, enseignant-chercheur à AgroParisTech.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / III

La tension entre la société et une partie du monde agricole n’est pas propre à la France : chaque année depuis 2014, des milliers de personnes manifestent contrel’agriculture industrielle à l’occasion de la Semaine Verte, l’équivalent du Salon de l’Agriculture, qui se tient fin janvier à Berlin. Leur slogan : « Wir haben es satt »(« Nous en avons marre ! »)

Page 16: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

« Nous ne pouvons que regretter quela gendarmerie soit mise au servicedes intérêts particuliers défendus par

seulement deux organisations syndicales »,constate Morgan Ody, paysanne dans leMorbihan. Selon le sociologue Fabien Jobard,la gendarmerie a déjà signé par le passédes accords avec des organisations non éta-tiques, dans le secteur du BTP par exemplepour la prévention de vols sur les chantiers.Ce qui est en revanche « inédit », estime-t-il, c’est qu’« une institution qui garantit lasécurité de tous contracte avec un acteur etun seul, qui est aussi le promoteur d’un typed’agriculture contre un autre » (1).

Le but affiché de la cellule Demeter est lalutte contre « l’agribashing ». « De plus enplus, nos agriculteurs sont visés par des inti-midations, des dégradations, des insultes,indique le ministère de l’Intérieur. Nousdevons assurer la sécurité des agriculteurs etles défendre, impérativement. » Pour cefaire, la convention prévoit la mise en placed’un système de maillage de renseigne-ment, du local au national. La gendarme-rie, la Fnsea et les JA « communiquent, defaçon réciproque, régulière et simplifiée, desinformations opérationnelles visant à anti-ciper la commission de faits délinquants oude menaces pesant sur le secteur agricole ».

Aucun recrutement ni budget n’est for-mellement prévu. La gendarmerie natio-

nale prévoit de s’appuyer sur des effectifset moyens existants – plus de 3 000 « cor-respondants » et « référents » répartis surtout le territoire. En 2014, un plan d’ac-tions contre les vols dans les exploitationsagricoles avait déjà été mis en place, incluantun réseau d’alerte par SMS appelé « VigiAgri » permettant d’informer les agriculteursen cas d’intrusion. La cellule Demetercompte aussi sur la généralisation des obser-vatoires de « l’agribashing » dans chaquedépartement.

Mélange des genresCette cellule vise pêle-mêle les auteurs de

vols et de dégradations, les « occupationsillégales de terrains agricoles » par des « gensdu voyage » ou pour des « free parties », lesintrusions animalistes dans les élevages, lesactions anti-fourrure et anti-chasse, lesdégradations de boucheries et abattoirs…mais aussi les « actions de nature idéolo-gique, qu’il s’agisse de simples actions sym-boliques de dénigrement du milieu agricoleou d’actions dures ayant des répercussionsmatérielles ou physiques ». Pour MorganOdy, ce mélange des genres vise à fairetaire celles et ceux qui mènent des actionssymboliques contre le système de l’agri-culture industrielle, dont la Fnsea est leprincipal soutien. « Serons-nous bientôt traî-nés en justice et punis pour dénoncer publi-

quement les fermes-usines et leurs impactssociaux et environnementaux ? Or, ce ne sontpas les agriculteurs qui sont critiqués, maisbien le système agricole. »

En amalgamant tous les méfaits recensés,le ministère de l’Intérieur conclut à unehausse de 1,5 % des atteintes au monde agri-cole en 2019. Sur près de 14500 faits enre-gistrés, deux tiers sont des vols et des cam-briolages. Peut-on vraiment apparenter duvol de GPS à de « l’agribashing »? Si leministère insiste sur le vol d’un tracteurchaque jour, la tendance est à la baisse desvols simples. Concernant les agressions phy-siques, 24 vols avec violences sont signalés.Les destructions et dégradations, en revanche,sont en hausse : + 23 %, avec 1675 faits. Lesagressions verbales, elles, ne sont pas quan-tifiées. Une vingtaine de cas d’intrusionsdans des élevages ou libérations d’animauxpar des militant·es antispécistes ont étécomptés en 2019 par la gendarmerie natio-nale – plus du double selon la Fnsea. Aveccette cellule, le gouvernement fait le choixd’ajouter de la tension entre deux mondesplutôt que de renouer le dialogue. n

S. Ch.

(1) Vives critiques contre Demeter, la cellule de gendarme-rie surveillant les « atteintes au monde agricole »,Le Monde, 13 février 2020

Ce que dit la création de la cellule DemeterEn octobre 2019, le ministère de l’Intérieur a choisi de s’allier avec la Fnsea et les JA créant Demeter, cellule de lagendarmerie nationale qui entend assurer un « suivi des atteintes au monde agricole ». Pour la Confédération paysanne,il s’agit surtout de faire taire celles et ceux qui mènent des actions symboliques contre l’industrialisation de l’agriculture.

Dossier

IV \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

LitigieuxDans la mythologie grecque, Demeter est ladéesse de l’agriculture et des moissons. Dansles médias, ce nom est aujourd’hui associéà une cellule de la gendarmerie nationale…au détriment d’une marque de l’agriculturebiodynamique. La marque Demeter a eneffet été créée en 1932 par des agriculteursallemands souhaitant identifier, valoriser etprotéger leur pratique de l’agriculture bio-dynamique(1). Elle est aujourd’hui représen-tée dans 62 pays regroupe près de 7400adhérent·es, dont un millier en France.Face à l’usage de la marque Demeter par leministère de l’Intérieur, les représentant·esde la biodynamie ont pris contact avec laFnsea et les JA… qui n’ont jamais répondu.Ils se sont alors tournés vers le ministère del’Intérieur, resté également muet. Le 13 jan-vier 2020, les associations Demeter et IBDA(International biodynamic association) ontfini par mettre en demeure le ministère afinqu’il retire la dénomination litigieuse.

(1) demeter.fr/biodynamieChristophe Castaner, ministre de l’Intérieur, Christiane Lambert, présidente de la Fnsea et José Jaglin, secré-taire général adjoint des JA, signent une convention contre l’« agribashing », en décembre, dans le Finistère.

Page 17: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Dossier

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / V

9 Français sur 10 ont une bonne opinion despaysan·nes, c’est ce que révélait le 21 février,un sondage(1) à la veille de l’ouverture du Salonde l’Agriculture. Pourtant, le terme « agriba-shing » a envahi l’espace public avec une rapi-dité foudroyante. Une étude du cabinet SaperVeder revient sur la propagation du terme« agribashing » sur les réseaux sociaux (2). Il estutilisé une première fois en 2014 dans un billetde blog par un agriculteur engagé en faveur duglyphosate, des OGM et contre l’agriculture bio.Le fondateur de la revue Agriculture et envi-ronnement reprend le terme en mars 2016

pour dénoncer un « bashing médiatique ». Lemême mois est diffusé à ce sujet une émissionsur youtube, à laquelle est invité le groupe chi-mique BASF. En avril 2017, la Fnsea reprend leterme à son compte, après qu’EmmanuelMacron a réaffirmé l’interdiction du glyphosateen France dans les 3 ans.La Fnsea use abondamment de ce terme lorsdes élections aux chambres d’agriculture. Enfévrier 2019, Emmanuel Macron relaie au Salonla notion d’« agribashing » dans son acceptiond’attaque contre les agriculteurs. Le terme estlégitimé avec la création par le ministre de

l’Agriculture du premier observatoire de l’« agri-bashing », en avril. Le concept s’envole vraimenten juillet 2019, alimenté par la Fnsea. Le débatdevient sociétal, les observatoires de l’« agri-bashing » se généralisent et la cellule Deme-ter est mise en place en novembre par le minis-tère de l’Intérieur. Preuve que la réponsepolitique est possible, mais pas sur les sujetsimportants pour le monde agricole, comme devrais revenus pour les paysan·nes.

(1) sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour franceinfo etLe Figaro effectué en février 2020(2) saper-vedere.eu/about/etudedircom2020-2

« Agribashing » : un concept partagé par l’industrie chimique

P lus d’une vingtaine d’observatoiresde l’« agribashing » ont déjà été misen place dans les départements,

À l’initiative du ministre de l’Agriculture.Défaut d’avoir été consultée sur la créa-tion de ces observa-toires et de la celluleDemeter, la Confédé-ration paysanne a étéinvitée ces dernièressemaines par les pré-fectures à participerà des réunions. Sesreprésentant·es en ontprofité pour affirmerque la remise en causede la politique agri-cole actuelle n’est pasde l’« agribashing »,mais relève aucontraire d’uneurgence sociale, éco-nomique et écolo-gique.

C’est le cas dans leMorbihan où lesconfédéré·es ontinsisté sur la détressedans les campagnes.« Plutôt que de s’atta-quer aux racines de ce mal-être, largementlié à la concentration de la production et auxfaibles prix payés par la grande distributionet l’industrie agroalimentaire, le gouverne-ment préfère mettre des moyens publics pourcriminaliser l’action de celle et ceux qui pro-meuvent un autre modèle agricole. Ce choixest lourd de responsabilité » a déclaré le

syndicat départemental avant de quitter laréunion.

Comme le précise Jean-Paul Duhalde,porte-parole du syndicat basque ELB,membre de la Confédération paysanne,

celle-ci « condamne sans ambiguïté les vio-lences physiques envers les paysan·nes etleurs animaux, notamment de certains indi-vidus ou groupes antispécistes, commeL214, qui combattent l’élevage quel qu’ilsoit. Nous ne nions pas non plus le fosséqui existe parfois entre des consommateursdéconnectés du vivant et des agriculteurs

qui y travaillent au quotidien ». Mais lessolutions préconisées sont celles du « dia-logue avec le reste de la société », avance-t-il, quand le concept d’« agribashing »empêche les paysan·nes de prendre

conscience de l’im-passe sociale et finan-cière dans laquelle ilsont été conduits.

Un constat partagépar Teo Boutrelle etSebastien Persec, co-porte-parole en Avey-ron, qui interrogent :« A quand le chemi-not-bashing, le santé-bashing, l’ouvrier-bashing, lepolice-bashing. Onn’aurait donc plus ledroit de porter unregard critique sur lafaçon de faire sonmétier dans lasociété ? » En Indre-et-Loire, les représen-tant·es de la Confédé-ration paysanne ontconclu leur prise deparole sur leurs priori-

tés : plutôt que de miser sur ce nouvelobservatoire, ils entendent consacrer leurénergie à installer des paysan·nes nom-breux, créer des emplois et du lien socialen milieu rural, cultiver la biodiversité etassurer la sécurité alimentaire du territoiredans un contexte de changement clima-tique. n

Criminaliser celles et ceux qui promeuventun autre modèle agricoleFace à la mise en place d’observatoires de l’« agribashing » partout en France, les syndicats départementauxde la Confédération paysanne se mobilisent.

Panneau posé contre les grilles de la préfecture du Morbihan, le 30 janvier 2020 à Vannes, lors d’un ras-semblement contre la mise en place de la cellule Demeter dans le département.

Page 18: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

«Ahurissant » et « surréaliste ». C’est cequi vient à l’esprit de Carole Pouzard,éleveuse en Ardèche, lorsqu’elle se

remémore la réunion sur l’« agribashing »,organisée par sa chambre d’agriculture le 31jan-vier. « Une première réunion s’était tenue le18décembre mais nous avions décidé de ne pasparticiper. De l’«agribashing» en Ardèche, c’estn’importe quoi! Même la préfète avait admis cejour-là qu’aucun « agribashing » n’avait étéconstaté dans le département. Quand on a apprisla tenue d’une deuxième réunion, la Conf’ adécidé d’y aller pour porter une autre parole.»

Autour de la table, plusieurs gradés de lapolice et de la gendarmerie. Pendant 2 h 30sont égrenés les faits de « mettre en sûreté »et « en sécurité », de « se protéger »… Il estmême proposé d’envoyer les gendarmesdans toutes les fermes ardéchoises pourdes « conseils sécuritaires », avant que l’idéene soit finalement abandonnée. « Si l’on peutfaire quelque chose contre les vols de châ-

taignes ou de fioul, c’est bien, mais de là àdévelopper tout ça… Quand je leur aidemandé de citer des faits relevant de l’« agri-bashing » en tant que tel, ils nous ont parléde trois bâtiments brûlés dans la Drôme. Saufque deux d’entre eux relevaient d’accidentsprovoqués par des gamins et le troisièmed’un problème de voisinage», observe Carole.

Lors de sa prise de parole, la paysannedemande s’il ne serait pas possible d’associerd’autres acteurs de la société afin de parta-ger des idées, plutôt qu’un entre-soi danslequel on parle « protection ». « J’ai proposéque l’on invite des associations ou les initiateursde l’opération De ferme en ferme. On m’afait comprendre que ce n’était pas le lieu. »Carole en est pourtant convaincue: « S’en-fermer, mettre des caméras de vidéosur-veillance subventionnées, faire venir la police:ce n’est pas comme ça que le dialogue se fera.Cela veut dire que l’on a des choses à cacheralors que les gens ont le droit de savoir. »

Là où vit Carole coexistent surtout despetites structures en vente directe. « Onconnaît nos clients et ils nous encouragent.Quand c’est le moment d’abattre les che-vreaux, on explique et les gens compren-nent. C’est à nous d’expliquer, pas à la police.Les voisins ne sont jamais venus en criant.Mais on a le droit de dénoncer un systèmequi ne nous convient pas et des pratiquesque l’on ne veut plus. Si on remet partout del’agriculture paysanne, on aura moins deproblème et moins d’attaque. »

À ses yeux, les vitrines temporaires commele Salon de l’Agriculture ne suffisent pas.« C’est tout au long de l’année que l’échangese construit. Notre ferme est ouverte, on faitbeaucoup de marchés de producteurs. Cesont des moments festifs, avec le cochon àla broche, les concerts… Toutes ces mani-festations et animations autour de l’agri-culture paysanne concourent à ce que lesgens dialoguent. » n S.Ch.

Aujourd’hui, nous, paysan·nes, quenous soyons bio, que nous respec-tions la nature le plus possible, que

nous élevions des animaux ou pas, aux yeuxde la société nous sommes parfois sus-pect·es. Un de nos voisins qui pratique labiodynamie était en train de passer unepréparation dans une de ses parcelles devigne, à côté de l’école du village, à l’heurede la sortie des enfants. Très vite, les parentsmanifestent leur colère : le paysan se metalors torse nu et se « douche » sous les jetsde l’atomiseur. Humour qui permet à la dis-cussion-explication de démarrer.

Pour nous, c’est ça, la clef : rencontrer nosvoisins, nos acheteurs, expliquer, montrer,sans cesse répéter. Plusieurs fois nous avonsorganisé des visites de ferme avec, parexemple, l’association de randonnée du vil-lage voisin. But de la rando, ce dimanche-là : notre ferme avec visite, questions sur nospratiques et dégustation de nos produits. Des

personnes qui habitent à quelques kilo-mètres découvrent l’agriculture paysanne…

Nos chambres d’hôtes accueillent sou-vent des parents avec leurs enfants qui vien-nent chez nous parce qu’il y a des animaux,qu’on peut les voir, assister à la traite, à ladistribution du lait aux veaux… Découverted’un autre monde.

Nous vendons en direct plusieurs de nosproduits (vin, viande) et lors des distribu-tions des colis ou des ventes en foire, noussommes amenés à décrire et commenter laculture, la production, les traitements éven-tuels. Il nous arrive de dire : « Oui, même enbio nous traitons, différemment, quelquefoisplus souvent, mais nous traitons ». Ou :« Aujourd’hui, nous n’utilisons plus de pro-duit dangereux mais nous avons multipliépar trois notre facture de carburant ». Ou :« Oui, je mets un peu de soufre dans mon vinquand c’est nécessaire ; le soufre, par soncôté antioxydant empêche la reprise des fer-

mentations, et par son côté désinfectantévite le développement de mauvais goûts. »

Comme tou·tes nos collègues paysan·nes,nous pourrions multiplier les exemples deces échanges en tout genre sur notre ferme.Doit-on appeler cela de la transparence? Outout simplement de la participation à la vielocale, l’un des six thèmes du diagnostic enagriculture paysanne(1) ? L’agriculture indus-trielle, qui a largement contribué à l’épui-sement des ressources, au réchauffementclimatique et à l’effondrement de la biodi-versité, nous pousse à indiquer un autrechemin possible. Comme paysan·nes noussommes actrices et acteurs du territoire.Communiquer en bonne intelligence avecnos voisin·es fait partie de ce rôle, commecelui de fournir de la nourriture de qualitéaccessible à toutes et tous. n

(1) agriculturepaysanne.org/la-charte-de-l-agriculture-paysanne

Des pistes pour renouer le dialogue

Des citoyen·nes à la chambre d’agriculture plutôtque la policePaysanne en Ardèche, Carole Pouzard revient sur sa participation à l’observatoire de l’« agribashing » et la visionalternative qu’elle a défendue.

Communiquer en bonne intelligence avec nos voisin·esÊtre pédagogue et transparent : c’est le parti pris de Michèle Roux, paysanne en Dordogne.

Dossier

VI \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Page 19: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Si l’association des Ami·es de la Confé-dération paysanne défend « l’agri-culture paysanne » depuis sa création

en 2003 (1), elle défend aussi la proximitéentre citoyen·es et paysan·nes. Cette proxi-mité est engendrée par une solidarité de faitet une solidarité active. Solidarité de fait carles citoyen·nes ne peuvent vivre sans s’ali-menter, sans exister dans un environne-ment de qualité. Solidarité active car si nousvoulons vivre dans un autre monde possible,il est indispensable de soutenir celles etceux qui le promeuvent, notamment lespaysan·nes.

Les Ami·es de la Conf’ ont contribué àfaire avancer cette idée. De nombreuxcitoyen·nes se mobilisent dans des amapsou des groupes d’« alterconsommateurs »,en lien direct avec des paysan·nes. Ces lienssont étroits : les amapiens et alterconsosconnaissent les producteurs, leurs préoc-cupations, vont sur le terrain. Si le bio et lavente directe ne sont pas le remède à tout,il est nécessaire pour les Ami·es de montrerce que cela implique.

Cela passe par de nombreux médias danslesquels les questions peuvent être abordéespar le côté négatif, mais le plus souventsous l’angle constructif d’alternatives cré-dibles. Les projections débats qu’anime l’as-sociation autour des questions agricolespermettent à des paysan. nes de venir expli-quer leur travail, leurs préoccupations, lesfreins.

Chercher des alternativesDans La mort est dans le pré d’Éric Gué-

ret, les victimes des produits « phytosani-taires » témoignent, qu’elles soient pay-san·nes, conjoint·es, enfants ou voisin·es. Ilset elles racontent la transformation de leurvie depuis la découverte de la maladie, laprise de conscience qu’elle est due à des pra-tiques culturales pathogènes et le change-ment à mettre en œuvre. L’émotion estimmense quand une femme d’agriculteur,atteinte d’un cancer interpelle : « Notre tra-vail nous tue ! » Comment ne pas chercherdes alternatives aux pratiques culturalesincriminées ?

D’autres films – Le grain et l’ivraie, de Fer-nando Salanas, Au nom de la terre, d’ÉdouardBergeon, ou La terre, bien commun, d’Auré-lien Levêque et Luba Vink – interrogentaussi sur un système mortifère.

Lors d’une conférence avec Émilie Jean-nin, paysanne en Côte-d’Or, les personnesprésentes réagissent positivement à sonamour du travail, à l’acharnement à mettreen place des abattoirs mobiles afin de mini-miser le stress des animaux. Elles com-prennent bien mieux les impasses dans les-quelles les éleveuses et les éleveurs sontconduits. Le débat s’oriente alors vers ladiminution de la part carnée dans l’ali-mentation, et en parallèle la qualité recher-chée.

En novembre 2019, les Ami·es de la Conf’ont lancé une convergence avec une tren-taine d’associations, nationales et locales,pour « décider de notre alimentation » aveccomme première étape les élections muni-cipales. Nous proposons un autre modèleoù production et alimentation sont en cor-respondance. C’est un moment privilégié

pour faire connaître aux can-didat·es et aux citoyen·nes,parfois dans un même lieu, cequ’est le modèle agricoleaujourd’hui. Des banquetspaysans sont aussi des évé-nements de re-connaissance,de compréhension du travailpaysan pour nourrir la popu-lation. n

Serge Muller,

Ami de la Confédération paysanne

(1) Pour en savoir plus et rejoindre lesAmi·es de la Confédération paysanne :lesamisdelaconf.org

De belles rencontres : De fermeen ferme se déroule fin avril.Mais pas cette année, pour causede coronavirus. Dans le cadrede cet événement porté parle Réseau Civam, plus de600 fermes de 24 départements,engagées dans une démarched’agriculture durable ouvrentleurs portes au grand public,font découvrir leurs activitéset déguster leurs produits. defermeenferme.com

Agir pour une solidarité active envers lespaysan·nesPlus il y aura de contacts entre paysan·nes et citoyen·nes, moins il y aura de fracture. Tel est le parti pris des Ami·esde la Confédération paysanne qui usent de moyens multiples pour nouer le dialogue.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / VII

Page 20: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

La Confédération paysanne condamnesans ambiguïté les violences aux per-sonnes, les intrusions violentes dans

les fermes et, bien entendu, les incendies cri-minels ou autres actes de la sorte. Aucuneaction de ce type n’est à même de trouvergrâce à nos yeux : aucun excès ne sauraréparer un autre.

Ces actes doivent être condamnés, maisnul besoin d’une nouvelle cellule de gen-darmerie pour cela. Les forces de police etde justice sont à même d’enquêter et decondamner si besoin. La cellule Demeter, quiprovient d’une convention entre la Fnsea etle ministère de l’Intérieur, est une anoma-lie démocratique : comment accepter demettre les forces de l’ordre au service du pro-jet agricole d’un syndicat ? C’est surtoutun moyen pour les politiques de ne pass’attaquer aux vrais problèmes.

Car il s’agit bien de cela : sous couvert delutte contre des violences, l’entente du gou-vernement et d’un syndicat veut taire etfaire taire toute remise en cause du modèlede développement agricole dominant.Modèle qui tue les paysan·nes, fragilise nosterritoires et notre environnement, met endanger notre santé, notre planète et notreavenir.

Cette réponse se place dans une logiquesécuritaire et judiciaire inacceptable et nefera qu’agrandir le fossé d’incompréhen-sion entre deux mondes qui n’échangentet ne se parlent plus. Le repli sur soi cor-poratiste n’a jamais participé à renouer ledialogue.

Notre responsabilité de syndicaliste pay-san est, à l’inverse, de trouver les moyens

de renouer ce dialogue, de recréer des pas-serelles qui seront le terreau du vivreensemble futur.

Écouter les attentes, comprendre les dif-ficultés à évoluer, toujours trouver des solu-tions collectives : voilà où nous voyons notreplace pour proposer des politiques publiqueslocales, nationales et européennes qui nouspermettront de mieux vivre sur des terri-toires partagés. C’est de cette manière, avecune volonté réaffirmée de co-constructionautour de valeurs de solidarité, de coopé-ration et d’échanges à même de répondreà l’urgence sociale et climatique que nouslutterons collectivement contre ces ten-sions et ces divisions.

Plutôt que dos à dos, il nous faut être côteà côte, même si les sujets de frictions sontnombreux. C’est ainsi que nous permet-

trons la transition de toutes et tous pourdemain vivre mieux sur des territoires dyna-miques avec des paysannes et des paysansnombreux, rémunérés et fiers de leur métier,et des citoyennes et citoyens avertis maisà l’écoute, exigeants mais respectueux etforce d’accompagnement.

Le changement de modèle agricole estune nécessité absolue, d’abord pour lespaysan·nes, pour leur avenir, leur revenu etleur sérénité. Collectivement, nous devonspeser pour sortir le monde agricole dufossé où les ont poussés politiquespubliques désastreuses et Fnsea. Cetteremise en cause n’est pas de l’« agriba-shing », bien au contraire ! Les paysan·nessont victimes de tous ces mécanismes misen place depuis des dizaines d’années pourproduire plus, plus vite et à moins cher. La

sortie de cette dépendance etl’acquisition de plus d’auto-nomie salvatrice pour tou·tesne se réaliseront qu’avec despolitiques capables d’engagerune transition profonde denotre système économiqueultralibéral.

Nous revendiquons donc despolitiques publiques qui pro-tègent, régulent et répartis-sent mieux afin de recons-truire les bases d’une sociétéplus juste et équitable, et ainsiapaisée. n

Nicolas Girod,

paysan dans le Jura,

porte-parole de la Confédération

paysanne

Plutôt que dos à dos, il nous faut être côte à côte

Dossier

VIII \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

À bas l’agrib-ashing et vive l’agri-Bashung !Alain Bashung, un poète, un chanteur, un précurseur…

Pour celles et ceux qui attendent leur acompte Pac : « J’suis comme un pétard qu’attend plus qu’une allumette.»Pour celles et ceux qui remplissent leur déclaration Pac : « J’peux plus dormir, j’fais que des conneries. »Pour celles et ceux qui vendent en local : « Ma petite entreprise connaît pas la crise. »Pour celles et ceux qui suivent Christiane L : « S.O.S Amor ! »Pour nos ancien·nes qui survivent avec des pensions indignes : « Rien ne s’oppose à la nuit, rien ne justifie. »Pour notre ministre drômois de l’Agriculture : « On l’a vu dans le Vercors sauter à l’élastique. »Pour une politique agricole plus juste : « J’ai dû rêver trop fort. »Pour celles et ceux qui sont à fond : « C’est comment qu’on freine ? »À bas l’agri-bashing et vive l’agri-Bashung !

Vincent Delmas, paysan dans la Drôme

Références dans l’ordre : Gaby, ô Gaby (Bergman-Bashung, 1980), Ma petite entreprise (Bashung-Fauque-Bashung,1994), S.O.S Amor (Bashung-Golemanas-Bashung, 1984), Osez Joséphine (Bashung-Fauque-Bashung, 1991),La nuit je mens (Bashung-Fauque-Bashung, 1998), Vertige de l’amour (Bergman-Bashung, 1981), C’est com-ment qu’on freine (Bashung-Gainsbourg-Bashung, 1982).

Le changement de modèle agricole est une nécessité absolue, d'abord pour les paysan.nes, pour leur ave-nir, leur revenu et leur sérénité.

Page 21: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Courrier

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 13

Le 22 février, dès son arrivée à l’en-trée du Salon de l’Agriculture, uncomité d’accueil organisé par la

Fnsea et ses Jeunes Agriculteurs atten-dait le Président de la République pourun échange convenu sous la forme dequestions-réponses bien préparées. Au-delà de la forme, ce qu’il faut en rete-nir, c’est le manque de combativité desparticipant·es, avec l’absence de reven-dication forte pour une politique derémunération pérenne du travail pay-san et des pensions de retraitesdécentes.

Concernant les retraites, le Président acommencé par la jouer bon prince enannonçant : « Pas de retraite en dessous de1 000 euros dans le futur régime. » Uneformule qui tient plus du registre de lacommunication que d’une mesure réelle,tant la garantie d’un tel montant géné-ralisé reste très hypothétique. Mais leplus édifiant de l’échange entre Emma-nuel Macron et le syndicat cogestion-naire reste la réponse concernant la reva-lorisation des pensions des retraité·esactuel·les : pas de revalorisation desretraites actuelles.

Emmanuel Macron a tranché : « Pour trai-ter le stock, il faudrait 1,1 milliard d’euros(…) On ne peut pas financer toutes les retraitespassées car on ne peut pas demander aux

actifs d’aujourd’hui de financer les retraites encours en plus du stock. »

Par-delà le refus de corriger une cruelleinjustice sociale, réduire l’existenced’hommes et de femmes à l’état de stockest particulièrement révoltant.

Bernard, Françoise, Henri, Lucien,Ginette ; Denis, Dominique, Elisa, Fran-çois, Maïté, Yves, Marcel, Anne et tantd’autres, mes ami·es retraité·es agri-coles, sachez que pour le Président denotre République, vous ne représentezpas plus que des produits manufactu-rés.

Aliénation et soumissionAu Salon de l’Agriculture, utiliser des

termes aussi déshumanisés pour traiter denos conditions de vie, et sans réaction dela part de « syndicalistes », en dit long surle phénomène d’aliénation et de soumis-sion qui traverse notre profession.

Il devient urgent de rompre avec cetteforme de pensée issue du managementd’entreprise qui anime Emmanuel Macron.Et jusqu’où ira-t-il quand l’excellence enmatière de gestion d’entreprise préconisele « zéro stock » qui permet ainsi de for-tifier la trésorerie et de réaliser des éco-nomies ?

Cette approche managériale appliquéeà la gouvernance d’un pays révèle un

projet politique adossé à une doctrinestrictement financière – qui par ailleursn’a pas reçu l’aval d’une majorité du pays.Alors que l’humanité est confrontée à sasurvie au sein d’une planète surexploi-tée, sa réalité a déjà disparu du langagedes technocrates en charge de répondreà ce défi.

Aussi, pour faire société au XXIe siècle,il y a nécessité à rompre avec ce systèmefinancier qui tend à modifier et à régirl’organisation de l’ensemble de nos rap-ports sociaux.

La révolte sociale qui se manifesteaujourd’hui sous diverses formes attestedu niveau d’inacceptation du logiciel encours et il est urgent que les paysanneset les paysans grossissent le front de résis-tance.

Les paroles explicites du Président de laRépublique au Salon ne peuvent pas res-ter lettre morte. La langue du dominant for-mate les esprits des dominé·es.

Ou l’on se contente d’exister en tant questock inerte dans lequel on veut nousréduire, ou on s’émancipe de cette aliéna-tion intellectuelle pour faire valoir notreexistence et reprendre notre vie en main.

En ce qui me concerne, ce ne sera pas lestockage sur l’étagère. n

Christian Crouzet,

paysan néo-retraité dans le Lot-et-Garonne

Le 6 février, le journal de France 2, entre l’épidémie de coronavirus et lagrève des retraites, titrait sur l’idée lumineuse d’un groupe d’ONGnéerlandaises pour lutter contre le réchauffement climatique : taxer la

viande pour sauver le climat. Quelle bonne idée pour faire baisser laconsommation et la production !

Sauf qu’en dix ans, cette consommation a déjà baissé de 12 % en France et bien plusen Allemagne ou en Italie.

En revanche, pas un mot sur le trafic aérien, gros producteur de gaz à effet deserre, lequel double tous les 15 ans, soit + 6 % par an ! Ne serait-il pas plusjudicieux, si on veut vraiment combattre le réchauffement climatique, de taxer lekérosène ?

Et le trafic Internet dont on sait aussi sa contribution importante au réchauffementclimatique, rien de prévu ? Une taxe sur les smartphones ou sur les fournisseursd’accès ? Pourquoi pas ?

Non ! Une taxe sur la viande, c’est tellement plus « tendance »… Et les éleveurs etéleveuses gagnent tellement bien leur vie ! n

Jean-Charles Cougny,

paysan dans la Nièvre

Stock : un langage inacceptable !

Taxer la viande : une nouvelle idée de génie !

Bonjour,

Nous ne sommes pas agriculteurs

mais très concernés par les thèmes que

vous présentez dans Campagnes soli-

daires.

Ce serait bien que plus de citadins,

sympathisants ou juste consomma-

teurs, bref autres qu’agriculteurs, lisent

un peu votre revue. Les gens sont tel-

lement ignorants des problèmes de

l’agriculture.

Quand je vais chez le docteur ou le

dentiste, je glisse mon paquet d’an-

ciens numéros entre Elle et Le Figaro…

En tout cas, nous admirons votre

engagement et rien que de voir çà, cela

nous donne un peu d’espoir !

Anne Giraud,

Gironde

Page 22: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Ce serait le premier référendum contreun accord de libre-échange. Plu-sieurs organisations suisses se mobi-

lisent pour recueillir les 50000 signaturesnécessaires pour obtenir cette consultationnationale. Parmi elles, le syndicat paysanUniterre (1), membre de la Via campesina,associé pour l’occasion au parti genevoisSolidaritéS, aux Jeunes Verts, au parti Nou-veau Radical, à Bioforum, Longo Maï etSolidarité sans frontières.

Le Parlement suisse a approuvé, le20 décembre 2019, l’accordcommercial entre l’Indoné-sie et l’Association euro-péenne de libre-échange(dont fait partie le pays, auxcôtés de la Norvège, de l’Is-lande et du Liechtenstein).« Et ce, malgré la déforestationmassive et la menace des feux,le travail des enfants et le tra-vail forcé, l’utilisation de pes-ticides chimiques et le dépla-cement de milliers de petit·espaysan·nes », fait remarquerUniterre.

La production d’huile depalme est particulièrementvisée. « Les palmiers sont cul-tivés en monoculture, avec lerecours à des pesticidestoxiques, dans des conditions detravail misérables », rappellele syndicat paysan. Produitedans ces conditions, l’huilede palme offre un prix attrac-tif : elle est l’huile de cuissonla moins chère au monde etconstitue de fait le premiercorps gras consommé. SelonGreenpeace, 620 000 hec-tares de forêts tropicalesauraient été défrichés pourcette production, chaqueannée, en Indonésie lors dela précédente décennie. L’In-donésie et la Malaisie pro-duisent à eux seuls 90 % de la productionmondiale d’huile de palme.

Pour Uniterre et les tenants du référen-dum: « L’huile de palme est présente dans unproduit sur deux (proposé par l’industrie

agroalimentaire, NDLR). Elle est produite àtrès bas prix et son importation entraîne uneconcurrence déloyale avec nos huiles végétaleslocales. »

De plus, « alors qu’en Suisse, nous fixonsdes normes élevées en matière de protectionde l’environnement, de bien-être des animauxet de biodiversité, les conditions en Indonésiesont en totale contradiction avec nos exigences.

Comme dans tous les accords de libre-échange, il manque des mécanismes de contrôleefficaces, de sanctions contraignantes. Les vio-

lations des droits de l’homme et du travail, dela protection du climat et de l’environnementne sont pas l’exception, mais la règle. La dura-bilité mise en avant par les promoteurs del’accord est donc réduite à néant. »

« Les organisations paysannes indonésiennessont elles aussi opposées à cet accord », noteRudi Berli, d’Uniterre. Notamment l’Uniondes paysans indonésiens, Indonesian PeasantUnion (SPI), elle aussi membre de la Viacampesina.

Les tenants de l’accord y vont aussi de leursarguments, qui se veulent rassurants : l’huilede palme devra être importée dans desciternes de 22 tonnes maximum, ce qui per-mettra une traçabilité du produit, a préciséle parlementaire Christian Levrat (PS). Une

liste positive de « normes dedurabilité », que les produc-teurs devront respecter, estprévue. Elle est en coursd’élaboration au sein de l’ad-ministration fédérale. Descontrôles réguliers sont pro-mis afin que les standardsécologiques et sociaux fixéssoient respectés. « De fait,cet accord est un saut qualita-tif dans le domaine de durabi-lité », a insisté ChristianLevrat.

Les grosses entreprisessuisses soutiennent bien sûrun accord qui prévoit que78 % des exportations versl’Indonésie bénéficieront dela franchise douanière dèsl’entrée en vigueur du texte.Au bout de 12 ans, le tauxgrimpera à 98 %. Ceténorme marché émergentde 270 millions d’habi-tant·es fait saliver…

S’il se tient, le référendum enappellera peut-être d’autres.Uniterre rappelle: « Très bien-tôt, nous devrons égalementdébattre des accords de libre-échange avec le Mercosur(regroupement d’États sud-amé-ricains) et la Malaisie. Il est justeet stratégiquement important desoutenir le référendum mainte-

nant. Ce faisant, nous envoyons un signal pourun commerce mondial juste et équitable ! Nousn’avons pas de temps à perdre! » n

Benoît Ducasse

(1) uniterre.ch/fr

Les Suisses pourraient se prononcer parréférendum sur un accord de libre-échangeLes Suisses pourraient se prononcer dans les prochains mois, par référendum, sur un accord de libre-échange avecl’Indonésie. C’est ce qu’espère – entre autres – Uniterre, le syndicat paysan suisse membre de la Via campesina.

Internationales

14 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Page 23: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

La filière laitière africainehandicapée parune concurrence déloyale

Me voilà de nouveau au Burkina Fasopour les « 72 heures du lait local »(1), à Oua-gadougou en octobre 2020 : la situationdes professionnel·les que j’ai rencontrésillustre bien les difficultés de la filière laitdans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest.

Halimata, aidée par son fils Ben, gèreune laiterie à Ouagadougou. Elle y trans-forme en yaourt 50 litres par jour, ens’approvisionnant en lait auprès d’un pro-ducteur installé en périphérie. Elle luiachète ce dont elle a besoin, sans res-triction. C’est clair : pour Halimata, lefacteur limitant le développement de sonunité est la présence sur le marché desyaourts fabriqués à base de poudre de laitimportée à un prix défiant toute concur-rence.

À quelques dizaines de kilomètres de« Ouaga », les sœurs du monastère deKoubri nous expliquent acheter deux foispar an un container de poudre de lait, enpartie réengraissée à l’huile de palme,auprès d’une multinationale de l’indus-trie laitière française qui fournit aussi lesferments.

À deux pas de ce monastère, les moinespossèdent un troupeau de bovins croisésdont ils peinent à écouler la production lai-tière, du lait trop cher sans doute ? Lessœurs ne nous précisent pas les raisons decette situation.

Voilà, le décor est planté !

Une volonté affirméed’exporter vers l’Afrique

L’Afrique de l’Ouest est devenue une cibleprivilégiée pour les exportations euro-péennes de lait.

Selon l’expression couramment utiliséepar les protagonistes, les industriels y « chas-sent en meute » : cela illustre leur état d’es-prit.

Cette politique exportatrice est subven-tionnée par l’Union européenne (2) qui – ledouble jeu ne gène personne – financeparallèlement de l’aide au développement.

La France n’est pas en reste. Ses expor-tations de produits laitiers sont en aug-mentation. Ses productrices et produc-teurs laitiers ne sont pas pour autantgagnants : disparition des petites struc-

tures dans certaines régions, concentra-tion géographique et agrandissement desfermes, avec les conséquences que l’onconnaît : déséquilibre territorial, surin-vestissement, revenu aléatoire, utilisationmassive d’aliments du bétail importés,perte de sens de notre métier et détério-ration de son image.

Pour soutenir l’interprofessionafricaine

La campagne Mon lait est local regroupedes acteurs de l’interprofession ouest-afri-caine, dans le but de développer la filièrelaitière locale et ainsi assurer la sécuritéalimentaire, l’emploi, la place des femmeset l’équilibre des territoires. Or, de toute évi-dence, le renforcement de cette filière néces-site la révision des politiques européennes :gestion des volumes produits, arrêt dessubventions à l’exportation.

C’est dans ce contexte et pour soutenirMon lait est local qu’est née en Belgique lacampagne N’exportons pas nos problèmes,menée par Oxfam, SOS faim, Vétérinairessans frontières et European Milk Board(EMB).

Le collectif N’exportons pas nos problèmes -France est en cours de constitution, coor-donnée par le Comité français pour la soli-darité internationale (CFSI) ; laConfédération paysanne y participe.

Concrètement sont mises en œuvre plu-sieurs actions telles que :

• plaidoyer auprès des décideurs euro-péens, qui se traduit aujourd’hui par un dia-logue prometteur avec la Commission et leParlement européen pour une politiquecohérente ;

• des études économiques et scienti-fiques (enjeux des droits de douane, inci-dence nutritionnelle de la consommationde poudre de lait écrémé et réengrais-sée…) ;

• dialogue avec le Cniel, l’interprofessionfrançaise, pour que les industriels laitiersintègrent dans leur RSE (règlement socialet environnemental) un volet concernantles enjeux de développement dans les paystiers.

Les choses avanceront en nousunissant mais l’adversaire estpuissant !

Pour nous, éleveuses et éleveurs laitierseuropéens, la solidarité avec nos consœurset confrères africains et les petites unités detransformations de leurs pays doit nousconduire à diffuser ces informations etintervenir sur le devenir de notre produc-tion afin que ni eux, ni nous, ne buvionsla tasse. n

Marie Ramillon,

paysanne dans l’Allier

(1) Les « 72 heures du lait local » sont organisées à Ouaga-dougou par l’UMPLB (union des producteurs de lait et desmini-laiteries du Burkina Faso) afin de promouvoir les pro-duits laitiers locaux auprès des consommateurs et des déci-deurs politiques. Marie Ramillon nous avait déjà fait partd’un premier voyage au Burkina Faso, il y a quelques mois.(2) Une note du Cniel (interprofession laitière française),de décembre 2018, indique que la Commission européennea accepté un cofinancement à 80 % pour un projet d’unedurée de 3 ans (2019 – 2021) ayant pour but l’accroisse-ment des parts de marché des produits laitiers européens etfrançais dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest, pour uncoût global de 1,9 million d’euros.

N’exportons pas nos problèmesÀ l’initiative de plusieurs organisations non gouvernementales et professionnelles, le collectif N’exportons pas nosproblèmes a été créé pour soutenir les éleveuses et éleveurs laitiers d’ici et d’ailleurs.

Internationales

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 15

Plus d’infos sur : nexportonspasnosproblemes.org

Page 24: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Du bio, du bon et du local : le pro-jet de Sarah est le fruit d’uneréflexion de plusieurs années. Pour

en finir avec une vie qui ne lui convenaitplus, elle quitte son métier et son Alsacenatale avec « un BTS tourisme en poche etquelques années de labeur dans le monde dela restauration ».

Avec Basile, son compagnon, elle achèteen 2015 une maison à Escles,dans les Vosges, qui dispose toutautour d’un terrain de 1,8 hec-tare dont 9 000 m2 en forêt etverger. L’idée de s’installer commepaysanne productrice de légumesprend forme : Sarah a le désir degérer sa propre entreprise et d’êtreindépendante.

Quelques semaines de stagechez deux maraîchers l’aident àaffiner sa réflexion. Les finalitésde son installation visent à res-pecter l’environnement, pro-duire des légumes de bonnequalité et assurer des débou-chés locaux. D’où le projet ini-tial : de la permaculture sansaucune mécanisation, de latransformation et des chambresd’hôtes : « Je souhaitais remettreen application les bons vieux pré-ceptes de nos grands-parents. Lemodèle agricole actuel ne meconvient pas et je dois faire mapart pour en changer. »

Toujours en 2015, Sarah accèdeà une formation BPREA(1), optionmaraîchage et volaille bio, aucentre de formation profession-nelle (CFPPA) de Mirecourt. Elleobtient son diplôme en 2 016.Vient le temps de prospecterpour trouver des financements,des aides matérielles ethumaines.

Plusieurs dispositifs permettentde soutenir financièrement le démarrage del’activité, soutiens nécessaires au vu de lafaible capacité d’autofinancement de Sarah :des prêts familiaux, en attendant les aidesà l’installation, et un financement partici-patif pour achat des serres (près de

11 500 euros collectés sur la plateformeZeste, filiale de la Nef (2)).

Sarah démarre alors son parcours à l’ins-tallation avec la chambre d’agriculturedépartementale.

En 2017, le projet est ficelé mais faute deterrain suffisant, l’installation est repous-sée : la surface minimale d’assujettissement(SMA) a changé entre-temps, passée de

9000 m2 à 1,5 hectare pour du maraîchagede plein champ.

En 2018, la commune de Vioménil vienten aide à la néo-paysanne en mettant àsa disposition un terrain d’un hectare, à4 km de chez elle, pour lui permettre de

s’installer. Le 26 août, les portes de lanouvelle ferme sont ouvertes au publicpour la première fois. L’occasion pourSarah de faire découvrir sa démarched’installation en agriculture paysanne etbiologique auprès d’un large public, etaussi de remercier toutes celles et tousceux qui ont œuvré pour que son projetvoie le jour (famille, amis, bénévoles, pay-

sans solidaires, woofers).La production commence et la

vente des produits est assurée viadeux amaps locales, en alternanceune semaine sur deux. Les sur-plus sont vendus sur la plate-forme gratuite cagette.net (au ser-vice d’un réseau alimentaire local,solidaire et résilient), via l’asso-ciation Les Bios du Coin dontSarah fait partie et par l’associa-tion Bioziq (relais de productriceset producteurs bio et locaux),basée à Mirecourt.

Le 1er mars 2019, c’est l’instal-lation officielle avec 1,5 hectareen maraîchage bio, en pleinchamp et sous 800 m2 de serres.La production est variée : carottes,pommes de terre, tomates, auber-gines, poivrons, choux, maïsdoux, fenouil, panais, ails,oignons, fèves, pois, haricots,salades, courgettes et aroma-tiques. Pour compléter, un atelierbiologique de 110 poules pon-deuses et quelques chèvres quiont beaucoup travaillé à défri-cher le terrain.

« Je souhaite vivre de la Terre etaussi la préserver, résume Sarah.Accomplir de belles choses avec unrie, créer, semer, construire, planter,échanger, partager : tant de verbesqui définissent ce que je fais, ce queje suis. » n

Nadia Jacquot,

paysanne dans les Vosges

Le site de la ferme de Sarah Chahid :

fermeaubonvieuxtemps.jimdofree.com

(1) Brevet professionnel responsable d’exploitation agricole(2) zeste.coop/fr

Vosges La toute nouvelle ferme « Au bon vieux temps »Sarah Chahid, 31 ans, est paysanne – maraîchère et éleveuse de poules pondeuses –, sur la ferme « Au bon vieuxtemps », entre Escles et Vioménil, dans les Vosges.

Agriculture paysanne

16 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

D’un projet initial en permaculture, Sarah Chahid a évolué progressivement versun projet professionnel en maraîchage et poules pondeuses, suffisammentsolide pour lui dégager un revenu. Le soutien qu’elle a trouvé auprès des pay-sans de la Confédération paysanne dans les Vosges a été déterminant dans soninstallation progressive. Son conseil aujourd’hui aux porteurs de projet : s’en-tourer d’un réseau et l’entretenir.

Page 25: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

À quoi ressemble votre ferme ?Planterose est une fermette de 7 hectares,

à Lourdios. Actuellement, on élève 12 porcsnoirs gascons. D’ici 2021, on espère avoir80 porcs à l’engraissement et 20 chèvres.

Quel a été votre parcours jusqu’ici ?Marie-France : Cela fait dix ans que je suis

salariée bergère-fromagère dans la valléed’Aspe. Et dans mon dernier emploi, j’aitravaillé trois ans avec des porcs gascons.

Nicolas : Je suis ébéniste de formation, j’aiété gérant de bar à Oloron, j’ai des originesrurales, en Aveyron. Quand on a cherchéà s’installer, on a créé un petit projet agri-cole qui s’est orienté vers le cochon… carj’aime bien manger ! L’installation agricoleconcernera surtout Marie-France, moi jesuis aussi bûcheron, à côté.

Avez-vous rencontré des difficultéspour trouver la ferme ?

Le problème, c’est de trouver du foncier.Pas forcément la maison ou la grange, maisles terres. Il y a beaucoup d’exploitationsqui veulent s’agrandir. Cela a été difficile,même pour nous qui cherchions des terrespour les cochons, donc éventuellement enfriches, pas forcément tractables, etc.

Comment avez-vous réussi ?M-F. : On a écrit un mail dans le réseau

agricole de la vallée et un agriculteur deLourdios nous a mis en relation avec lepropriétaire, âgé, de cette fermette. Nousl’avons contacté, il nous a dit que c’était troptard car il signait le lendemain avec un Bor-delais. Quand Nicolas m’a appelée pour mel’annoncer, je me suis dit que ce n’était paspossible et j’ai rappelé le papi en lui expli-quant pourquoi, nous, jeune couple del’extérieur, nous faisions le choix de vivreici. Lui dire que nous voulions des enfants,qu’ils grandissent ici, aillent à l’école du vil-lage…

N. : Nous avons aussi expliqué que nousavions un projet agricole, contrairement àson acheteur qui voulait une maison secon-daire. Finalement, il a annulé la vente avecle Bordelais.

Comment allez-vous travailler ?Nous voulons que tous nos animaux

aillent dehors. Nous allons mettre80 cochons sur six parcs, soit 20 cochons

par hectare, avec deux parcs vides à chaquefois pour que la parcelle se régénère. Onréfléchit à alimenter les cochons avec descéréales achetées à des producteurs locaux.On a fait le choix des porcs gascons, racerustique et du terroir, avec une viande dequalité.

Et pour la transformation et la vente ?N. : Tout en vente directe, un peu à des

charcutiers en carcasse entière et à des par-ticuliers qui voudraient « faire le cochon »à la maison. Je me suis formé à la découpe,Marie-France va se former aussi. On uti-lise des ateliers collectifs où faire la char-cuterie nous-mêmes. Nous avons un sys-tème de précommande avec les clients quenous livrons ensuite. Mais on est déjà frus-trés car on n’a pas encore assez de pro-duction pour répondre à la demande.

Des besoins s’expriment pour avoir desoutils collectifs de transformation dans lavallée. Je me suis formé au Pays Basque oùil y a pas mal d’ateliers collectifs. Nous, d’ici,on doit faire 1 h 30 à 2 heures de routepour aller transformer notre viande. Pas malde jeunes qui s’installent se lancent dansla valorisation de leurs produits, en ventedirecte. Rien que sur Lourdios, on est quatrefermes à avoir besoin, demain, d’un atelierde transformation. La réflexion a été relan-cée l’été dernier sur le Haut-Béarn pour voirce que l’on peut faire. Un groupe de tra-vail va identifier les besoins, les volumes àtransformer… Ensuite, on verra si une

structure peut nous aider à animer tout ça,et on sollicitera les financeurs.

La valorisation des produits peut fairevivre ces vallées demain, avec des petitesstructures et un meilleur contact avec lesclients. Sur Bordeaux, nos clients nousdisent qu’ils préfèrent ne pas acheter beau-coup mais savoir ce qu’ils mangent. Trans-former ses produits, c’est aussi mieux par-ler de ce qu’on leur vend.

Pour qu’une installation hors cadreréussisse, y a-t-il des éléments clés ?

M-F. : Ici, la maire du village nous a apportéune grande aide, le rôle des élus est impor-tant. Quand on a fait le premier parc, lesvillageois ont vu qu’on savait travailler.Souvent, on est pris de haut ou sous-esti-més : il faut montrer qu’on a envie et qu’onest capable. Aujourd’hui, on nous donnedes coups de main ! L’accompagnement àl’installation nous aide aussi à avoir un pro-jet cohérent (1). Mais l’accès au foncier restele plus compliqué. Il ne faut pas lâcher. Onaurait préféré être davantage dans la val-lée, mais parfois il faut savoir dévier deson souhait pour réussir. n

Maritxu Lopepe,

Laborari, hebdomadaire d’ELB, syndicat basque

membre de la Confédération paysanne

(1) Marie-France et Nicolas ont été accompagnés par l’AB-DEA, Association béarnaise de développement de l’emploiagricole, membre de la Fadear :agriculturepaysanne.org/abdea

Béarn « Nous voulions faire revivre cette fermette »Des porcs, des pentes et l’envie : c’est ce que possèdent Marie-France Munch et Nicolas Sabatier sur leur fermePlanterose, sur les hauteurs de la vallée d’Aspe, en Béarn.

Agriculture paysanne

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 17

Page 26: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Fondée en décembre 2018, la Scic Mai-son Paysanne regroupe, début 2020,plus de 100 sociétaires. Elle fonc-

tionne, comme toute société coopérative,sur le principe d’une personne = une voix,quel que soit le nombre de parts dans lecapital social.

C’est l’aboutissement d’une belle histoire.En 2004, l’Association pour le développe-ment de l’emploi agricole et rural de l’Audeet la structure locale d’Accueil Paysan (Aude-Pyrénées orientales) partagent la locationde locaux pour leur salarié·es. En 2009, lesstructures départementales de Nature &Progrès et de la Confédération paysanne lesrejoignent. Des associations se créent à lamême échelle – Graines de paysans (espacetest), l’AFOCG (gestion et comptabilité),Solidarité Paysans – et sont d’embléeaccueillies au sein de la Maison Paysanne.Terre de Liens Languedoc-Roussillon vienty tenir une permanence.

En 2015, des réflexions émergent : qu’est-ce qui nous rassemble et nous lie? Quel pro-jet commun pouvons-nous créer ? Quellesmutualisations pouvons-nous imaginer au-delà de la location d’une maison? Qu’avons-nous, ensemble, à offrir au monde paysan,à la société ?

Concrètement, nous nous rassemblonsun sein d’une structure juridique pourmutualiser nos forces, nos outils et êtreplus visibles. Nous mettons en place unmode de gouvernance transversal et coopé-ratif, et nous nous ouvrons activement auxcitoyen·nes et aux acteurs locaux pour par-tager réflexions et actions, tout ceci au ser-

vice du développement de l’agriculturepaysanne.

La création d’une Scic matérialise la convic-tion commune que la question agricoleregarde tout le monde (comme, plus lar-gement, celle du modèle social de produc-tion, de distribution et de consommation).

L’agriculture paysanne, par les valeursd’équité sociale et environnementale qu’elledéfend, est la forme de développementagricole à même de pouvoir répondre auxurgences sociales, environnementales etclimatiques actuelles, tout en stimulant ledynamisme du monde rural.

Projets d’ampleurEn 2020, les activités de la Maison Pay-

sanne – par elle-même ou par les structuresqui la composent – recouvrent l’ensembledes champs d’action agricole, dans le cadrede la charte de l’agriculture paysanne : l’ac-compagnement de porteurs/porteuses deprojet et des paysan·nes tout au long de leurparcours (formation, installation, trans-mission, comptabilité et gestion…), l’accueilà la ferme, la labellisation des produits, ladéfense des paysan·nes, la solidarité aveccelles et ceux en difficulté…

La Maison Paysanne accompagne ainsides projets d’ampleur, transversaux, àl’échelle du territoire départemental :

• distribution de l’aide de la Fondationde France pour les paysan·nes sinistré·espar les inondations d’octobre 2018 etexclu·es des dispositifs de soutien financier ;

• animation du projet alimentaire terri-torial sur la Haute Vallée de l’Aude ;

• création d’un marché dans un quartierprioritaire de Limoux ;

• accompagnement des groupes de pay-san·nes et citoyen·nes dans leur projetd’abattage à la ferme ou de création d’unefilière locale de consigne du verre ;

• élaboration d’un centre de ressources surl’agriculture paysanne.

La création de la Scic a également permisde libérer les imaginaires pour des locauxqui nous correspondraient et répondraientà nos besoins (cf. illustration).

Après un processus plein de rebondisse-ments, nous achetons aujourd’hui les locauxde l’antenne limouxine de la chambre decommerce et d’industrie, ce qui noussemble, symboliquement, de bon augure !

La Maison Paysanne pourra ainsi devenirun lieu de rencontre, d’échanges, de trans-mission du savoir-faire, où il fera bon venirpartager ses questions, convictions, expé-riences et projets. Un lieu polyvalent, avecune bibliothèque, un accès Internet,accueillant formations, événements (ciné-débats, conférences, concerts, cafés-pay-sans…), nous semble indispensable à uneréappropriation par l’ensemble de la sociétéde la question agricole, réappropriation àlaquelle nous voulons contribuer. n

Les sociétaires de la Maison Paysanne de l’Aude

La Maison Paysanne de l’Aude, un lieu de vie pour le monde paysanÀ Limoux, dans l’Aude, la Maison Paysanne, société coopérative d’intérêt collectif (Scic), rassemble des structuresassociatives ou syndicales, des collectivités territoriales, des porteurs et porteuses de projet agricole, des paysan·nes,des boutiques paysannes…

Initiative

18 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Pour nous rejoindre, ou aller plus loin :[email protected] 55 60 41 75et bientôt un site : maisonpaysanneaude.fr

Projet pour la Maison Paysanne de l’Aude (conception : Laetitia Poirier).

En prenant une part sociale, je soutiens laMaison Paysanne de l’Aude et l’achat dubâtiment !En demandant un formulaire à :[email protected] dans l’aventure !

Page 27: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Sur le marché de l’extinction

Dans la planète fric, nous étions habitués à toutes les pratiques d’exploitation destinées à accumuler les richesses pour celle etceux qui en sont gavés. Par un ouvrage très documenté, l’association Robin des Bois (1) nous démontre que l’imagination estsans limite pour tous ces prédateurs.

Il y a eu depuis toujours des chasseurs et des braconniers, mais cela res-tait de modestes prélèvements, en phase avec les gestes et pratiques del’époque. À présent, nous voilà sur les chemins de l’infamie vorace. Entre lamode, la décoration, la fabrication de chimères pour d’hypothétiques remèdesjusqu’à la gastronomie, toutes ces activités sont destructrices de notre envi-ronnement animal. C’est une véritable industrie qui s’est mise en place,quasi un état de guerre : « Les champs de bataille sont truffés de pièges, de lances,de poisons, de fusils… » Partout dans le monde, des gouvernements et desONG tentent de s’opposer à ce « capitalisme de l’extinction » mais, selon Interpol ,les saisies n’arrêtent que 10 % du trafic. Jusque dans les échelons les plusélevés des autorités, les yeux se ferment, la corruption bat son plein.

Le livre décrypte le sort de 32 espèces. Un travail considérable de compi-lation de données, avec les zones de chasses, les circuits de transferts et par-fois quelques surprises. Ainsi, si on savait que les rhinocéros ou les éléphantsétaient très recherchés pour leurs défenses, les geckos seraient efficaces surle sida et certains cancers, sans qu’aucun élément scientifique sérieux ne vienneconfirmer ces délires.

Ce qui est sûr, c’est qu’en affaiblissant la biodiversité, c’est la survie de l’hu-manité qui est mise en péril.

Ouvrage remarquable, à lire et à faire lire. nMichel Curade

(1) robindesbois.org

Atlas du business des espèces menacées – Association Robin des Bois – Édi-tions Arthaud – 152 pages – 19,50 euros.

Culture

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 19

Nouvelle barbarie

En août 2013, à Londres, un biologiste néerlandais présentait à la presse lepremier steak in vitro, produit en laboratoire à partir de cellules souches ani-males. Une sorte de steak haché, plat. Six ans plus tard, des dizaines de labo

et start-up produisent – encore expérimentalement – de la viande de culture, quecertains qualifient de « propre ». Un simili de viande sans élevage ni abattoir : unaboutissement pour les « animalistes ». Une production alimentaire sans agri-culteurs ni agricultrices, de moins en moins naturelle, de plus en plus industrielle.Et un marché plus que prometteur avec des jeunes de moins en moins « carni-vores ». « On ne met pas d’entrée 365 millions de dollars dans un marché sans ave-nir », rappelle l’éditeur du livre de Gilles Luneau.

Bien connu de nos lectrices et lecteurs – car notamment cosignataire en 2000de l’essai Le Monde n’est pas une marchandise, avec José Bové et François Dufour –le journaliste a mené une enquête d’ampleur, aux États-Unis et en Europe, surces nouvelles productions à partir de cellules souches cultivées en laboratoire.Pour lui, une « nouvelle barbarie » qui « élimine d’un coup l’animal et le paysan ».

Un rapport publié par un cabinet américain de conseil en stratégie annonce :« Ce n’est qu’une question de temps avant que les substituts de viande prennent unepart de marché substantielle », précisant l’ambition : « Le remplacement de la viandeperturbera principalement le secteur de la viande traditionnelle et de la viande (en géné-ral) pour une valeur totale de 1000 milliards de dollars. »

Voilà le tableau aujourd’hui. On y est presque. Sachant que le pire n’est jamaiscertain. n BD

Steak barbare, par Gilles Luneau, l’Aube (éditeur), 368 pages, 145x220, 23 euros,parution : 20/02/2020.

Page 28: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations
Page 29: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Comme bien d’autres activités, la rédaction, la fabrication et la diffusion de Campagnes solidaires sont perturbées en ces tempsde coronavirus.

Ainsi notre imprimeur a dû cesser sa production dans la semaine où devait être imprimé ce numéro.Celui-ci paraît donc exceptionnellement sous un format PDF à lire et/ou télécharger gratuitement sur le site Internet

de la Confédération paysanne. Nous espérons que vous trouverez tout de même intérêt et satisfaction à cette lecture.

À ceci près : nous n’avons pas pu passer tous les textes à une relecture suffisamment attentive, traquant la faute dans les moindresrecoins. De ce fait, quelques coquilles se sont sans doute planquées dans nos articles : nous vous prions de bien vouloir nousen excuser.

Pour nos abonné·es, cette version du journal ne sera pas comptée dans leur abonnement. Nous en profitons pour inviterles lectrices et lecteurs occasionnels à rejoindre notre fidèle lectorat en s’abonnant au mensuel :

confederationpaysanne.fr/campagnes_solidaires.php

Les semaines qui suivent s’annoncent tout autant incertaines : nous ignorons quand et comment sera publié le prochain numéro.Peut-être sera-t-il « normalement » livré dans votre boîte aux lettres en temps et en heure, peut-être le sera-t-il à nouveau sousformat téléchargeable sur le site de la Confédération paysanne, peut-être la publication sera-t-elle reportée d’un mois…

Nous nous efforcerons de faire au mieux et vous remercions par avance pour votre compréhension.

Le comité de publication de Campagnes solidaires

À nos lectrices et lecteurs

Actualité

Bulletin d’abonnement

Nom ______________________________ Prénom __________________________________Adresse _____________________________________________________________________Code postal _____________Commune __________________________________________Profession_________________________Téléphone ________________________________Courriel : ____________________________________________________________________

Nom ______________________________Prénom ____________________Adresse_______________________________________________________Code postal______________Commune ___________________________

En signant ce formulaire de mandat, vous autorisez Média Pays à envoyer des instructions à votre banquepour débiter votre compte, et votre banque à débiter votre compte conformément aux instructions deMédia Pays. Vous bénéficiez du droit d’être remboursé par votre banque selon les conditions décrites dansla convention que vous avez passée avec elle. Une demande de remboursement doit être présentée dansles 8 semaines suivant la date de débit de votre compte pour un prélèvement autorisé.

Fait à...................................... Signature :

le ............................................

Nom et adresse de l’établissement teneur du compte à débiter:Établissement/Agence _________________________________________Adresse_______________________________________________________Code postal _____________Commune ___________________________

Je vous prie de bien vouloir présenter en faveur de Média Pays sur le compteréférence ci-dessous les sommes correspondant à mon abonnement:Tous les quatre mois r 15 € ou r 20 € Soutien, collectivité et étranger(le 15ème jour du premier mois)

Annuellement r 45 € ou r 60 € Soutien, collectivité et étranger(à la date du renouvellement)

TARIFS : Annuel (11 numéros) : 46 €6 numéros : 24 €Soutien, collectivité et étranger: 60 € (ou plus)

Avec le bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe timbrée avec votre chèqueà l’ordre de Campagnes solidaires au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

Tél. : 0143628282 – [email protected] informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion de l’association

et pourront donner lieu à l’exercice du droit individuel d’accès aux informations dans les conditions prévues par la délibération N°80 du 1/4/80 de la CNIL.

Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

Ou avec le mandat de prélèvements sepa ci-dessousà retourner en y joignant un relevé bancaire (RlB) ou postal (RIP)

Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

BIC

IBAN

N° 360

Ou sur le site de la Confédération paysanne : www.confederationpaysanne.fr

#

#

Association bénéficiaire : Média pays – Numéro national d’émetteur : FR96ZZZ492109

Page 30: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

Emploi - stages - formation

Offres

• Centre-Val-de-Loire - La Confé-dération paysanne du Centre-Val-de-Loire recrute son animatrice ouanimateur - Animation des ins-tances régionales, gestion admi-nistrative, suivi de la représentationsyndicale au sein des instances agri-coles régionales, animation de com-missions de travail thématiquesrégionales, coordination et appuides équipes départementales -Niveau bac +5 en agriculture, déve-loppement rural, sciences politiques,expérience recommandée - CDI àtemps plein (35 heures parsemaine), basé à Blois, à la maisonde l’agriculture paysanne (bureauxpartagés avec 7 autres associa-tions) - Déplacements en région àprévoir - Rémunération selonconvention collective de la Confé-dération paysanne - base :2403,96€ brut/mois - CV et lettrede motivation à envoyer avant le30/4 à :[email protected] - 0980676346

• Aveyron - La SCTL du Larzac etla société de production d’énergierenouvelable Lum del Larzac recru-tent un·e chargé·e de mission - Ani-mation du conseil de gérance de laSCTL et de la direction collégiale dela SAS Lum, préparation et anima-tion de réunions, suivi de la gestionfoncière du bâti et du non bâti,suivi des projets de développementterritoriaux, gestion administrative,dossiers juridiques (rédaction bauxruraux, contrats de mise à disposi-tion de biens…) - Formation et/ouexp pro en aménagement et déve-loppement territorial et agricole -CDI - Prise de poste à partir de sep-tembre 2020 - Permis B et véhiculeperso - Basé à Montredon (LaRoque Ste Marguerite) - De100 heures à 140 heures/mois -

Rémunération selon conventioncollective, 13e mois - 0565621339 -www.larzac.org

• Loire-Atlantique - Gaec (2 asso-ciés) en polyculture élevage bovinlait, AB, système herbager, recherchesalarié agricole (H/F) - Vous inter-viendrez en collaboration avec lesassociés sur l’élevage (traite, soin,alimentation des animaux), les tra-vaux de culture (sol et récolte) etl’entretien du matériel - Maîtriseconduite d’engins agricole - CDD tpsplein à partir d’avril (ou selon dis-pos) - Évolutif CDI - Salaire en fonc-tion des compétences et conventioncollective - Astreinte 1 WE/3 [email protected]

Association - installationtransmission

Offres

• Saône-et-Loire - A 4 km de Cluny,ferme bio en polyculture-élevage(Gaec Saint-Laurent), 6 associés etdeux salariés cherche un·e asso-cié·e afin de remplacer le départd’un des associés maraîcher - Éle-vage de porcs plein air, de caprins,de bovins lait et viande, maraîchage,céréales, arbres fruitiers - Ventedirecte - 102 ha de SAU (+ bois) -Pour le maraîchage: 2,6 ha, 6 serresd’une surface d’environ 1900 m2,bâtiments de stockage du matériel,chambres froides, atelier, matérield’irrigation - Installation par reprisede parts sociales, investissementlimité - Logement : à discuter - L’ac-tivité actuelle de la ferme n’est pasfigée et peut être modifiée en fonc-tion des projets et des envies dechacun·e [email protected]

- Haute-Loire - Petite ferme bovinviande à reprendre à Venteuges, à10 minutes de Saugues - 25 ha deprairies dont 3-5 ha labourables+ possibilité de reprendre des misesà disposition sur 3,5 ha - La reprised’une partie du cheptel bovin en

race Aubrac serait souhaitable, maisd’autres productions peuvent êtreenvisagées - Du matériel et un trac-teur ancien peuvent également êtrerepris - Pas de logement disponiblesur place mais dans le hameau oules villages voisins - Modalités dereprise : vente de cheptel, locationdes terres les premières années, lavente des terres à moyen termepourra être avantageuse pour unrepreneur motivé - Pour plus d’in-fos, contactez l’Alodear :0466493280 - [email protected]

• Charente-Maritime - Le GaecL’Accueille du Mignon cherche un·eassocié·e - Maraîchage bio multi-espèces sur 6 ha de SAU - Com-mercialisation : paniers hebdo etmarché hebdo à la ferme (80 %vendus sur place) - Bâtiment300 m2, construit en 2010 avecchambre froide, atelier, espace devente… - Revenu et vacancesgarantis - 0546273017

• Charente-Maritime - Deux pay-sans-meuniers-boulangers, Julien(23 ans) et Antoine (32 ans), cher-chent un·e associé·e - 110 ha decéréales bio (depuis 1998) (blésanciens, épeautre, engrain, sarra-sin, seigle…), grand fournil, four àbois, 400 kg de pain par semaine -Nous assurons toute la filière, de laculture des céréales à leur trans-formation et à la vente - Le pain etla farine sont vendus au seind’amaps, marchés, magasins bioainsi qu’au magasin de la ferme -Nous recherchons une personneayant de l’expérience en boulange,dans le but d’une association com-prenant un investissement autourde 40 000 € (rachat de partssociales) - Un stage de parrainagesera mis en place pour découvrirl’ensemble des ateliers et seconnaître - A Saint-Saturnin-du-Bois- [email protected]

• Lot - Recherche 2 associé·esgérant·es pour une ferme laitièreprès de Gourdon - Ferme familialede 25 vaches et 35 ha, une partiedu lait est transformée en yaourtset fromage blanc vendus dans lessupérettes locales, le reste est venduen coopérative. Bâtiments sont enétat. Après 10 ans salariée en déve-loppement agricole, je souhaitereprendre la ferme au départ à la

retraite de mes parents, fin 2021.Pour cela je souhaite construire unprojet collectif avec 2 associés, enpassant la ferme en bio. Je prévoisd’augmenter le volume transforméet d’autres projets autour de la pro-duction ou valorisation laitièreseront envisagés avec les associé·es- L’objectif d’être 3 associé·es, outrel’intérêt du travail en équipe, c’estse partager le travail, les astreintes(traite) et prendre des congés - Pos-sible CEFI (stage parrainage de 12mois) - Je cherche deux associésindépendants, il n’est pas néces-saire de répondre à l’offre à deuxen même temps - 0658473617 [email protected]

• Tarn - Ferme de 33 ha dans leSégala, avec habitation, à trans-mettre en fermage fin 2022 (départà la retraite) - Actuellement30 bovins viande en label « veaud’Aveyron et du Ségala » et canardsgras en vente directe (450/an) -salle d’abattage canards sur placeet possibilité de reprise à plusieursd’un atelier collectif pour la trans-formation - Matériel sur la fermeet en Cuma - 10 ha prairies natu-relles, 18 ha prairies temporaires et5 ha céréales - Haies plantées -Conversion en AB possible rapide-ment - Bâtiments d’élevage et stoc-kage 1000 m² - Ouverts à autresproductions ou projets avec de pré-férence un élevage (au regard dela qualité agronomique des terres),et de la vente directe - PropositionCEFI sur 12 à 24 mois pour accom-pagner la transmission -05 63 56 51 70 - [email protected] [email protected]

- Tarn - En raison de la cessationd’activité au 31/12 dernier de l’ex-ploitant actuel, la Rocque, fermeen caprin lait à Bout-du-Pont-de-Larn, est à reprendre dès à présent,à l’achat uniquement - 41 ha d’unseul tenant dont 27 en SAU (le resteen châtaigneraies abandonnéesmais exploitables) - Fromagerie,chèvrerie (400 m2), un bâtiment de400 m2 comprenant stock de paille,foin et matériel, et une maison d’ha-bitation, également à l’achat - Letout : 250000 euros - Le matériel(tracteur, fenaison, fourche, épan-deur, gyro, chèvres restantes…) està la vente à part, à discuter avec lepropriétaire - 05 63 51 03 70 [email protected]

• Tarn - A céder activité maraîchageen AB - Surface totale = 8500 m2

- Maraîchage de 2000 m2, en agro-foresterie et permaculture, prairienaturelle 4000 m2, parcelle arbo-rée avec des fruitiers et petits fruitsrouges et un petit poulailler - Bâti-ment en bois 150 m² (logement de73 m², fournil et four à pain, piècede stockage et un hangar) + unpetit chalet - Le cédant s’engage àformer le futur repreneur s’il ledésire - Le prix de 199500€ com-prend : le bâtiment, les terrains, lematériel cuisine/marché/jardin etle chalet - 05 63 51 03 70 [email protected]

• Ardèche - Ferme à transmettreen Sud-Ardèche, dès que possible- Bovins allaitant : beau troupeaude 35 mères, majoritairementAubrac, en insémination et montenaturelles, facile à convertir en bio- Équivalent de 130 ha de parcs et30 ha en prairies naturelles et tem-poraires, majoritairement en fer-mage - Possibilité de construire unemaison d’habitation sur place -Vente directe à la ferme (en cais-settes) et en circuits longs, grossedemande localement et sur larégion parisienne, réseau de venteétabli et possibilité d’en bénéficier- Ferme très rentable économique-ment - Possibilité de s’installer à plu-sieurs - Possibilité de faire un stagereprise - 0751653299

• Drôme - Ferme à vendre avec sonmatériel d’exploitation - A 900 md’altitude - 34 ha, dont 7 ha deterre plane, 24 ha de bois et taillis,4 ha de landes (défrichables) -2 tracteurs, bétailère et autre maté-riel - Maison d’habitation rénovéede 180 m² - 2 sources et un bassin- 0683082016

• Drôme - Recherche associé surferme en polyculture-élevage - Val-lée du Rhône - Sur 20 ha, en AB -Arboriculture (pommes, poires, abri-cots, prunes), élevage (ovins alli-tants, caprins, volailles de chair),ateliers de transformation à la ferme(fruits, fromage et viande) - Ventedirecte : magasins de producteurset marchés locaux - 0661881417- [email protected]

• Indre-et-Loire - A vendre en SudTouraine exploitation céréalière biode 105 ha, avec étang, bois, systèmed’irrigation, maison d’habitation ethangar agricole - Ouvert à tousprojets bio, différentes productionssont envisageables - Projets col-lectifs avec différents ateliers pos-sibles, ainsi qu’un découpage dela ferme en plusieurs lots si néces-saire - 0608151038

• Ille-et-Vilaine - Ferme laitière enAB à transmettre, entre Vitré et Fou-gères - 550 000 l de lait, 90 VLprim’holstein, 95 ha - Bâtimentsrécents et évolutifs - Proche espacenaturel dans cadre agréable - Peutconvenir projet pédagogique et oucollectif - 5-6 longères rénovables- 0299976731 - 0650173731

• Ille-et-Vilaine - Annonce distinctede la précédente - Corps de fermeà vendre entre Vitré et Fougères,avec maison, dépendance en pierre,2 stabulations et 1 Hangar - Bâti-ments rénovés et évolutifs - Entre15 et 30 ha proches de la ferme -Convient pour tous types de pro-jets - 0299976731 - 0679809646

• Côtes-d’Armor - Recherche asso-cié pour reprendre courant 2021un élevage ovin viande AB (280brebis) - Circuit vente directe àmettre en place - Ferme d’un seultenant sur 60 ha, boisé, avec coursd’eau attenant, à 8 km de la mer(à Plufur) - Ouvert à la discussionpour la mise en place d’autres ate-

liers compatibles avec celui desbrebis - 02 56 39 53 24 - [email protected]

• Mayenne - Appel à porteur·se deprojet - Un collectif a été créé surun terrain agricole à Argentré (à10 minutes de Laval). Nous aime-rions qu’un·e jeune porteur·se deprojet nous rejoigne pour “exploi-ter” le terrain d’1 ha. Il y a unemare, un puits, un hangar, une serresemi-enterrée et un bâtimentrénové pouvant servir d’héberge-ment provisoire. Il y a l’eau, l’élec-tricité et des toilettes sèches + unverger. Nous avons créé une ose-raie et un potager en permacul-ture. Nous sommes dans l’attentede lire toutes les propositions deprojets respectueux de l’environ-nement - [email protected] -0634988229

• Orne - A transmettre, dans leDomfrontais, cause départ enretraite - Vente d’un atelier de confi-tures avec local de vente et soncorps de ferme, avec un ou trois hec-tares de terre - Possibilité de louer23 ha de terre dont 6 ha plantés enpoiriers et pommiers haute tige(variétés pour poiré, cidre, confi-tures et jus de fruit), 12 ha labou-rables, le reste en prairie - Certainsbâtiments peuvent être aménagéspour faire de l’accueil -0615743665 - [email protected]

• Orne - A céder, région Domfront,ferme AB laitière et cidricole, terreset ensemble bâtiments en location,à reprendre en 2022, cause retraite- Peu de matériel individuel, utili-sation de matériel en Cuma - 65 haen prairies dont 55 ha groupés -50 VL, 234000 l livrés à Biolait -6 ha de vergers traditionnels jeuneset fabrication de 30000 bouteillesde poiré, cidre, jus de pommes etpoires, apéritifs - Vente à la ferme,amap, magasins locaux - Environ-nement préservé avec haies boca-gères - Conviendrait pour projet àplusieurs - 02 33 30 16 89 -0686964120 - [email protected]

• Orne - A céder, région Argentan,ferme laitière en AB, 230000 l, ensystème tout herbe - 97 ha en loca-tion (une partie en proriété Terre deliens) - Vente corps de ferme, chep-tel de race normande et matériel -Vente possible maison habitation- 0689394633

• Orne - A vendre ferme en AB dansle Perche - 14 ha- Activité de pay-san-meunier-boulanger : produc-tion de blés, transformation surplace de la farine, et fabrication depains au levain cuits dans un fourà bois - Activité de maraîchage enplace (2 tunnels), arboriculture enplace (200 fruitiers) et petits fruits- En vente directe 100 % - Possibi-lité de former le futur repreneur -Ferme de type longère, possibilitédeux logements, conviendrait pourun projet collectif - [email protected]

• Aveyron - Recherche associé·epour développer un atelier volailles

Les petites annonces sont payantes, sauf celles qui concernentl’emploi, les recherches et propositions d’installation, et touteautre demande à but non lucratif.Tarif : 8,5 € les six lignes + 1,5 € par ligne supplémentaire (30 caractères par ligne).Pour les tarifs publicitaires, contacter :Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLETTél. : 0143628282

Enquête auprès des petites fermesNous sommes une équipe de chercheurs et de chercheuses de l’Ins-titut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’en-vironnement (Inrae, ex-Inra). Nous menons une enquête auprès despetites fermes. L’objectif est de recueillir l’avis de paysannes et depaysans sur un dispositif de soutien spécifique de la Pac aux petitesfermes (c’est-à-dire celles qui touchent entre 0 et environ 15000 eurosd’aides directes du premier pilier). Nous espérons ainsi proposer denouvelles mesures d’aides en France pour promouvoir une agricul-ture paysanne et responsable.Merci aux paysan·nes de nous donner leur avis en répondant à cetteenquête avec ce lien : web.supagro.inra.fr/analyse-aidesagricolesLes résultats de cette enquête pourront être partagés avec Campagnessolidaires en septembre 2020.

22 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020

Annonces

Page 31: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

fermières - Ferme en volailles etchèvres angora, 25 ha de SAU: uneproduction de volailles (canard gras,canettes) élevées, abattues et trans-formées sur la ferme et de chèvresangoras pour la production de laineMohair - Je cherche un·e associé·epour partager le travail et les déci-sions dans le but de développer laferme tout en se dégageant dutemps libre - Possibilité de déve-lopper un nouvel atelier ou deconforter les ateliers existants -Modalités d’association à discuter- Pour tester le travail en commun,un CEFI ou un temps salarié peu-vent être envisagés - A Auzits -Logement possible à proximité -0676885453

• Aveyron - Recherche repreneur,gérant ou associé SCEA - Ferme enbio depuis 20 ans - 50 ha à louerdans le Ségala, dont 30 ha decéréales irrigables et 10 ha de par-cours bois pour les cochons -20 bovins allaitants + génisses et6 truies naisseurs engraisseurs(autonomie alimentaire des porcs)

- Nombreux potentiels de diversi-fication : transformation charcu-tière, vente directe en colis, maraî-chage… Période de transitionpossible sous forme de CEFI -Opportunités de logement prochesde la ferme - 07 69 25 13 96 - [email protected]

• Lozère - Installé en AB en 2019,je cherche unµe asocié·e, voire uncouple, pour développer la ferme -Tous profils, après période d’essaien salariat en 2020 (à définir) - Pos-sibilité de logement indépendantsur la ferme - Productions : maraî-chage PC (1,8 ha), en tunnel froid(0,04 ha), transfo produits végé-taux, poules pondeuses (40) etlapins de chair - Nombreux débou-chés à développer - Le climat estrude mais l’opportunité commer-ciale est là (seul maraîcher à 40 kmà la ronde) - De nouvelles oppor-tunités foncières s’offrent à moimais je ne peux y répondre seul etne souhaite pas devenir employeur- De nouvelles productions peu-vent être envisagées (petits fruits,

PPAM, pain…), mais la priorité estle développement du maraîchageet des poules - 04 66 32 05 66 - [email protected]

• Gard - Maraîcher, proche de Som-mières, cherche remplaçant expé-rimenté avant départ à la retraite- Possibilité vente directe -0782272238

• Doubs - La ferme collective deLods cherche partenaire·s - Pro-duction actuelle : maraîchage biosur 70 ares, 3 tunnels, traction avecânes, élevage ovin viande (40 bre-bis), petits fruits, vergers, poulespondeuses, apiculture, transfo,vente en circuit court - 2,5 ha méca-nisables, 20 ha de parcours - Exppro souhaitée - Habitat participa-tif sur place - Lieu militant et inter-générationnel - Vu que un maraî-cher partira fin 2020, on cherche dèsmaintenant des personnes dont leprojet parait réalisable chez nouset avec nous pour un temps d’es-sai - 03 81 84 12 50 - [email protected]

• Limousin - Ferme à vendre ou àlouer dans la vallée de la PetiteCreuse - Parcellaire regroupé enquatre îlots, surfaces pour deuxtiers en faire valoir direct, un tiersen location et mise à disposition,en tout 150 ha de prairies perma-nentes et terres cultivables - Avecgrange en pierre, hangar charpentebois, grand bâtiment mono-penteavec auvent, une maison d’habita-tion - Actuellement en élevage

extensif de bovins allaitants, certi-fié en bio, nous contribuons à la sau-vegarde de bovins d’une soucheancienne - Vente directe des pro-duits et travail en cuma - La grandediversité des sols et orientationspermet d’envisager de nombreusesautres productions - L’idée que cettetransmission permette une ou plu-sieurs installations nous motiveparticulièrement - Très ouverts -07 88 36 43 48 [email protected]

• Creuse (Sud) - Cherche paysan-chevrier pour association - La fermede la Clairière (Gaec 3 associés)produit du fromage avec ses75 chèvres sur 15 ha (dont 12 enfermage) - Bonne santé écono-mique, clientèle fidèle, bâtimentsfonctionnels et fromagerie auxnormes - Habitats sur place - Pourcause de départ à la retraite en2020, nous recherchons un pay-san·ne pour remplacer l’associémenant le troupeau - Période de tui-lage souhaitée pour transmettre lesavoir-faire et définir un nouveauprojet commun - Ouverte aux sou-haits de chacun, notre ferme pour-rait s’adapter à 1 ou 2 associésentrants - 06 48 32 29 04 -06 32 60 25 49 - 06 48 70 87 86 [email protected]

• Oise - À céder pour cause deretraite, ferme 100 % bio depuis40 ans et en bio-dynamie - 160 ha(140 ha de polycultures et 20 ha depâtures) - Élevage bovins viandeet porcs (engraissement) - Trans-formation : meunerie, boulangerieet huilerie, avec fort potentiel dedéveloppement - Vente directe -2 salariés - Deux maisons d’habi-tation en très bon état sur la ferme- Bail de carrière non cessible -Conviendrait pour couple·s ou col-lectif - www.fermesaintebeuve.fr [email protected] -0365970305

• Somme - Ferme maraîchère bioà transmettre - Parcelle de 2,38 hacultivée en bio depuis 2013 - 4serres (2 serres de 30 m x 7 m et 2serres de 30 m x 8 m), bâtimentagricole de 300 m² avec électricité,forage et système d’irrigation, maté-riel (rotavator, broyeur, charrue 2socs, cultivateur, vibroculteur,semoir, motobineuse, planteuse…)- plus petit verger - Vente en amapet magasin spécialisé - Potentielsde développement sur 6 000 m²(agrandissement du verger, diver-

sification des cultures, atelier poulespondeuses…) - Pas de logement surplace mais proche de Roisel - Condi-tions de reprise à négocier - [email protected] 0322421257

• Vendée - Recherche associé. e enmaraîchage bio pour la créationd’un Gaec courant 2021 - Noussommes deux maraîchers pour lemoment en individuel, nous culti-vons 3 à 4 ha et 2200 m² d’abri froidet vendons une partie de notre pro-duction dans un magasin à la ferme- L’opportunité nous est offerte dereprendre des surfaces, du matérielet des parts de marché sur le maga-sin - Il nous semble judicieux decréer une structure collective pours’adapter au nouveau contexte -Dans ce cadre, nous recherchonsun·e candidat·e à l’installation dontnous aimerions faire la connais-sance au cours d’une période destage, parrainage ou Ciap - Sec-teur La-Roche-sur-Yon -0681034162 - [email protected] 06 64 93 66 96 [email protected]

Divers

• Sud - Ancienne bergère, jerecherche une petite location deplain-pied à la campagne ou dansune ferme, le temps de récupéreraprès une opération - Loyer : pasplus de 300 euros - Départements :Pyrénées orientales, Lozère, Alpesde haute Provence, Drome, Ardèche- [email protected]

• Tarn et Lot-et-Garonne - Nousrecherchons des familles d’accueildans le Lot et le Tarn-et-Garonne(dans un rayon de 100 km autourde Cahors) pour personnes endémarche de soins, souffrant d’ad-diction - Accompagnement et suiviassurés par une équipe de profes-sionnels, à raison de visites et d’en-tretiens hebdomadaires- Séjoursde 1 à 7 mois, basés sur la libreadhésion - Les familles sont indem-nisées 30 €/jour + leurs frais dedéplacements (0,54€/km) - Nos cri-tères de conventionnement sonttrès souples - Toutes personnespouvant transmettre des valeursseront les bienvenues - AssociationCMSEA-Réseau d’accueil en FamilleTél. du lundi au vendredi -05 65 20 12 02 [email protected]

Recherche don de matériel agricoleA.J.A.P.E.M.C.I (Action pour les jeunes agriculteurs, pêcheurs, éle-veurs modernes de Côte d’Ivoire) a élaboré un projet de développe-ment agricole pour 8 villages du département de Tiébissou, visant àmécaniser les groupes de paysans et paysannes pour contribuer audéveloppement de leur activité.Elle recherche des dons d’outils agricoles (neuf ou occasion) aprèsdes paysan·nes français·es pour les faire parvenir aux paysan·nesivoirien·nes ;Contacts : Jules Aka : [email protected] – Monique Lapie (Amie dela Confédération paysanne) : 0607650051 ou [email protected]

Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 23

Annonces

Page 32: Dossier (Re)vivre ensemble en milieu ruralIl est souvent question de mieux communiquer sur les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, la Fédération des associations

La commission « femmes » de la Confédération paysanne aanticipé l’événement et adapté nos revendications. Nousavons décidé une grève symbolique des paysannes, ce 8 mars,

pour réclamer haut et fort la reconnaissance de notre travail, celuique tout le monde voit, mais aussi le travail invisible.

Sur les fermes, cetravail non reconnuest encore plusimportant qu’ailleurs :comptabilité, gardedes enfants, inten-dance et préparationsde repas pour les per-sonnes qui gravitentautour du travail pay-san, s’occuper des sta-giaires et autres per-sonnes qui viennentpour de l’entr’aide, del’accueil…

Nous subissons unedouble injustice. Eneffet, l’obtention d’unstatut à part entière est récente, et beaucoup d’entre nous restentlongtemps sans statut les premières années, pour minimiser le coûtdes cotisations MSA. Pour cette raison, et dans la continuité dumouvement social autour de la « réforme » des retraites, nous avons

décrété la grève des paysannes pour obtenir des retraites cor-rectes.

Car si celles de nos conjoints ou compagnons sont indécentes,les nôtres sont carrément honteuses : 640 euros en moyenne pourune carrière complète, et sans tenir compte de tout le travail invi-

sible et donc noncomptabilisé.

« Quoi de pirequ’une retraite depaysan ? Une retraitede paysanne ! »

« Il est où le patronde la ferme ? Elle estlà »

« Paysannes engrève, fermes enpanne, femmes enlutte »

Nos slogans et prisesde paroles ont étéremarqués et appré-ciés dans les mani-festations. La plupart

du temps, les personnes mobilisées ignoraient tout de nos vies etde nos soucis !

Ce fut un moment de partage, une expérience à renouveler ! nVéronique Léon, paysanne en Ardèche

Le 8 mars, on arrête toutes !Cette année, les paysannes de la Conf’ ont rejoint le mot d’ordre international des mouvements féministes pourprotester contre le système capitaliste et patriarcal.