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DOSSIER OLIVIER TORRES Univ. de Montpellier MOMA et Montpellier Business School ; LABEX Entreprendre MRM CHARLOTTE KINOWSKI-MOYSAN Univ. de Montpellier MOMA ; LABEX Entreprendre MRM Dépistage de l'épuisement et prévention du burnout des dirigeants de PME Dune recherche académique à une valorisation sociétale Le burnout des chefs dentreprise a rarement fait lobjet de recherche. Pourtant, les conséquences du burnout sont ampli- ées du fait de leur position centrale dans les PME. An de prévenir le risque de burnout, les auteurs recommandent de commencer par dépister le niveau dépuisement, premier stade du processus du burnout. Fondé sur un long programme de recherche empirique, les auteurs montrent que ce risque est variable selon les secteurs et les méthodes de collecte des données. En ndarticle, ils relatent comment les travaux sur la santé des dirigeants de PME ont conduit à plusieurs formes de valorisation dont la portée pratique est devenue sociétale. DOI: 10.3166/rfg.2019.00379 © 2019 Lavoisier

Dépistage et prévention du risque de burnout ... · I – LE BURNOUT, UN PHÉNOMÈNE LIÉ AU TRAVAIL TOUCHANT LES CHEFS D’ENTREPRISE L’épuisement constitue la

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DOI: 10

DO S S I E R

OLIVIER TORRESUniv. de Montpellier – MOMA et MontpellierBusiness School ; LABEX Entreprendre – MRM

CHARLOTTE KINOWSKI-MOYSAN

Univ. de Montpellier – MOMA ;LABEX Entreprendre – MRM

Dépistage del'épuisement etprévention du burnoutdes dirigeants de PME

D’une recherche académique à unevalorisation sociétale

Le burnout des chefs d’entreprise a rarement fait l’objet derecherche. Pourtant, les conséquences du burnout sont ampli-fiées du fait de leur position centrale dans les PME. Afin deprévenir le risque de burnout, les auteurs recommandent decommencer par dépister le niveau d’épuisement, premier stadedu processus du burnout. Fondé sur un long programme derecherche empirique, les auteurs montrent que ce risque estvariable selon les secteurs et les méthodes de collecte desdonnées. En fin d’article, ils relatent comment les travaux sur lasanté des dirigeants de PME ont conduit à plusieurs formes devalorisation dont la portée pratique est devenue sociétale.

.3166/rfg.2019.00379 © 2019 Lavoisier

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172 Revue française de gestion – N° 284/2019

Depuis de nombreuses années, lessciences de gestion s’intéressentaux relations santé et travail, soit

pour en dénoncer les aspects pathogènescomme la souffrance au travail (Bardelli etAllouche, 2012), le stress (Deharo et Point,2016) ou le burnout (Picart et Jaussaud,2018), soit pour aborder des aspects pluspositifs (Abord de Chatillon, 2018), notam-ment le rôle des espaces de discussioncomme mode de management salutaire(Detchessahar, 2011). Un point communréunit la plupart de ces travaux : ils se sontfocalisés sur la population des travailleurssalariés (ouvriers, employés, cadres, cadressupérieurs) le plus souvent des grandesentreprises ou de la fonction publique,délaissant de leur champ d’investigationl’immense population des PME. Parmi cesoubliés, les chefs d’entreprise, exclus desservices de santé au travail en raison de leurfréquent statut de travailleurs non salariés(TNS), sont rarement l’objet de recherchedans ce domaine (Torrès, 2017). Ils ne sontpourtant pas en dehors du champ de lasouffrance au travail. L’INSERM dans savaste expertise collective, commence sonpropos en regrettant « qu’il n’existe quasi-ment aucune étude comparant la prévalencede l’épuisement professionnel chez lesindépendants à celle observée chez lessalariés » (INSERM, 2011, p. 125). Budin(2013) évoque quatorze trajectoires de chefsd’entreprise en difficulté ayant parfoiséprouvé de grandes souffrances (chômageprolongé, burnout, tentative de suicide). Demême, le dispositif (Binnié et al., 2018)d’aide psychologique aux entrepreneurs ensouffrance aiguë, APESA, montre à quelpoint le risque suicidaire est aussi une réalitéméconnue des chefs d’entreprise (Torrès etMoysan, 2019). Si le suicide demeure le

stade ultime d’une souffrance, d’autresaspects pathogènes peuvent affecter leschefs d’entreprise, notamment le burnout(Jamal, 2007 ; Ben Tahar, 2014 ; Lechat etTorrès, 2016). Nos recherches s’intéressentà la santé des chefs d’entreprise et, entreautres, à leur risque de burnout, ce qui n’estpas incongru en sciences de gestion.En effet, les conséquences managériales duburnout d’un chef d’entreprise posent desérieux problèmes. En raison du rôle centralexercé par ce dernier, notamment au seind’une PME ou d’une TPE (Marchesnay,1991), le risque de burnout du dirigeant faitpeser sur toute l’entreprise un risque majeur.En référence à la théorie des effets degrossissement (Mahé de Boislandelle,1996), plus la taille de l’organisation estpetite, plus les conséquences encourues parun burnout du dirigeant sont grandes, voirecatastrophiques (risque de dépôt de bilan).Si le burnout du dirigeant fait peser sur uneentreprise de petite taille des risques accrus,il est urgent de s’intéresser à cette popula-tion, de mesurer quels sont les niveaux derisques correspondants et, surtout, de savoircomment prévenir ce risque, par exemplepar un dépistage régulier de son niveaud’épuisement. Si, comme on le dit parfois,gérer c’est prévoir, il semble importantd’intégrer à l’agenda de recherche dessciences de gestion les problématiques liéesà la santé du chef d’entreprise, ici,l’évaluation du risque de burnout.Le burnout comporte trois facettes selonl’Organisation mondiale de la santé :l’épuisement émotionnel, la dépersonnali-sation (ou cynisme) et la perte d’efficacitépersonnelle. Sans réduire le burnout àl’épuisement (le burnout est souvent traduitpar épuisement professionnel), il sembleque tout commence par lui. Si, lors d’un

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Dépistage de l'épuisement et prévention du burnout des dirigeants 173

diagnostic, l’évaluation du burnout néces-site la prise en compte des trois dimensionssimultanément, une gestion préventivegagne à procéder le plus en amont possibleen repérant la première alerte que constituel’épuisement. À ce titre, se pose la questionde l’échelle à utiliser pour, simplement,rapidement et efficacement repérer unépuisement annonciateur d’un burnout.L’échelle de Pines (BMS – BurnoutMeasure Short) présente l’avantage de necomporter que 10 items, notamment parcequ’elle est précisément centrée sur l’épui-sement. Notre intention de participer, par lavalorisation des résultats de nos travaux, à laréduction du burnout des chefs d’entreprisenous a conduits à retenir cette échelle.L’originalité de l’appel à contributions lancépar la Revue française de gestion pour cenuméro dédié à la valorisation sociétale desrésultats de la recherche en sciences degestion constitue une opportunité de revenirsur plus de dix ans de mesure empirique durisque de burnout du TNS. Notre travails’inscrit dans ce que Koenig (1993) qualifiede développement d’instruments prédictifs,en réponse à une question visant à savoir(puisqu’il s’agit d’abord d’apporter de laconnaissance) comment prévenir le risquede burnout des TNS.La première section de ce texte revient sur leburnout pour en préciser les contours. Elles’attarde sur l’épuisement puisqu’un accordsemble le retenir comme la première destrois dimensions s’exprimant lors du pro-cessus de burnout. Elle explique égalementle choix de l’échelle retenue dans le cadred’un observatoire (nommé Amarok) de lasanté des TNS. La deuxième section exposele cadre opératoire permettant d’apprécier lerisque de burnout et la façon dont nousavons procédé pour recueillir et traiter les

données. Elle présente, et discute, lesrésultats obtenus. Pour répondre à unedemande de l’appel à contributions duprésent numéro thématique, la troisièmesection expose la façon dont les résultatsobtenus contribuent à la réduction du risquede burnout et comment ils ont été sociale-ment valorisés.

I – LE BURNOUT, UN PHÉNOMÈNELIÉ AU TRAVAIL TOUCHANT LESCHEFS D’ENTREPRISE

L’épuisement constitue la première dimen-sion se manifestant lors d’un burnout. Si leschefs d’entreprise ont rarement fait l’objetde mesure de ce phénomène, il n’enconstitue pas moins une population dontle risque est à la mesure de leurs responsa-bilités. Après avoir brièvement présentédifférentes échelles de mesure du burnout,nous justifions le recours à l’échelle de Pinespour des raisons préventives.

1. Le burnout commence parl’épuisement, suivi par ladépersonnalisation, et la perted’efficacité

Au fil des ans, le burnout est devenu un faitde société, voire une « pathologie decivilisation » (Chabot, 2017). Si l’étiologiedu burnout reste à parfaire (Kumar et al.,2005), les recherches en psychologie et enpsychiatrie ont fait de nombreux progrès.Une revue lui est aujourd’hui entièrementdédiée (Burnout Research). Dans leuréditorial, Maslach et Leiter (2014) seréjouissent qu’actuellement, « plus de1 000 articles académiques concernant leburnout sont publiés chaque année dansplus de 100 revues savantes dans le

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174 Revue française de gestion – N° 284/2019

monde ». En mai 2019, l’OMS a reconnu leburnout comme un phénomène lié au travailet le définit comme « un syndrome résultantd’un stress chronique au travail qui n’a pasété correctement géré ». Trois dimensions lecaractérisent :– un sentiment de manque d’énergie oud’épuisement émotionnel ;– un retrait vis-à-vis du travail ou dessentiments de négativisme ou de cynismeliés au travail ;– une perte d’efficacité professionnelle.Initialement, les spécialistes du burnout ontsouhaité savoir quelles sont les relationsentre ces trois dimensions et, surtout,comment elles évoluent dans le temps.Leiter et Maslach (1988) ont d’abordproposé un modèle séquentiel selon lequell’épuisement émotionnel débutait en pre-mier. Plus tard, d’autres travaux (Leiter,1993) ont maintenu ce caractère premier del’épuisement sur la dépersonnalisation, maisles relations avec la perte d’efficacitéprofessionnelle ont été refondées.Une tendance se dégage des recherches pourreconnaître l’épuisement comme le premiersigne d’un burnout à venir. Autrement dit, leburnout est un processus débutant parl’épuisement (émotionnel, mental et phy-sique) et se poursuivant par la déperson-nalisation et la diminution de l’efficacitéprofessionnelle (Floru et Cnockaert, 1998).En s’appuyant sur de nombreux travaux,Leiter (1993, p. 241) déclare que « laprogression des phases est fortement consé-quente à une augmentation de l’épuisementémotionnel ». Dans une étude empiriqueexploratoire sur des chefs d’entreprise, BenTahar et Torrès (2013) utilisent l’échelleOLBI à deux dimensions (épuisementémotionnel et désengagement) pour recon-naître que le burnout se déclenche lors d’un

niveau élevé d’épuisement. Quant à Truchot(2004), il modélise le processus du burnoutdans le même sens. « Un consensus sedégage pour affirmer que le burnoutdémarre avec l’épuisement émotionnel…Autant les conceptions théoriques que lesrésultats empiriques lui donnent un rôlecentral. » (Truchot, 2004, p. 13-14).Ainsi, l’épuisement émotionnel reste tou-jours un premier signe déterminant duprocessus de burnout. À partir d’un certainstade, il altère les performances jusqu’aumoment où apparaît la deuxième dimensiondu burnout qu’est la dépersonnalisation (oucynisme). Le processus de dépersonnalisa-tion ou la perte d’empathie se traduit par unedistance accrue entre l’individu et sonentourage proche. Le développement d’at-titudes distantes, détachées, impersonnelles,voire cyniques, a pour conséquence d’alté-rer la qualité des relations professionnelles.Or, on sait à quel point l’entretien de bonnesrelations avec ses parties prenantes (clients,associés, salariés, fournisseurs, banques,etc.) est une des clés de la réussiteentrepreneuriale. « Une organisation estvue comme un ensemble de parties pren-antes primaires possédant des intérêtssinguliers en termes de règles, d’objectifs,de responsabilités. L’ensemble tient par lavaleur que l’entreprise sait apporter dura-blement à chaque groupe. Si l’un desgroupes n’est plus satisfait, le système netient plus » (Verstraete, 2010, p. 12). Dansces conditions, lorsque le risque de burnoutatteint un niveau de dépersonnalisationélevé, l’entreprise de petite taille court degraves dangers en raison d’un risque dedégradation de son réseau de partiesprenantes.Mais c’est lorsqu’apparaît l’ultime dimen-sion du burnout, la perte d’efficacité, que le

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Dépistage de l'épuisement et prévention du burnout des dirigeants 175

risque devient sévère et amplifie ses effetsnéfastes sur l’entreprise. De nombreuxtravaux ont mis de l’avant le self efficacycomme l’une des caractéristiques les plusétablies des dirigeants d’entreprise et destravailleurs indépendants (Bradley etRoberts, 2004 ; Radu Lefebvre, 2015).Or, la perte d’efficacité et/ou d’estime desoi du dirigeant joue comme un effondre-ment des fondations de la PME puisqu’elleatteint son acteur principal.L’apparition des trois dimensions du bur-nout conduit le dirigeant vers un risque deburnout et fragilise la PME. Cette consé-quence intéresse le chercheur en sciences degestion et plaide en faveur d’une préventionle plus en amont possible pour prévoir etagir avant qu’il ne soit trop tard.

2. Les échelles de mesure du risque deburnout

Le burnout a fait l’objet de nombreuseséchelles de mesure. Parmi les plus usitées etles plus citées, Ben Tahar (2014) évoquel’échelle MBI (Maslach Burnout Inventory-General Survey), le BM (Burnout Measure),le BMS-10 (Burnout Mesure Short version),l’échelle OLBI (Oldenburg Burnout Inven-tory) et le SMBM (Shirom-Melamed Bur-nout Measure). L’échelle du MBI semble sedégager comme une référence au point quel’OMS, en 2019, s’en inspire pour évoquerles trois dimensions du phénomène duburnout. Son intérêt majeur est qu’ellefournit un diagnostic complet. Malgré sonfort usage et sa valeur de référence, cetteéchelle suscite encore aujourd’hui denombreux débats, notamment quant aucaractère tridimensionnel du burnout. Pourcertains auteurs, la perte d’efficacité n’estpas une dimension du burnout mais son

résultat. Ainsi, certaines échelles ne retien-nent que les deux dimensions de l’épuise-ment et du désengagement comme l’échelleOLBI (Oldenburg Burnout Inventory) deDémérouti (Ben Tahar et Torrès, 2013).Toutes ces échelles ont une utilité cliniquedont la visée est d’établir un diagnosticmédical ou psychiatrique.Notre recherche ne se situe pas à ce niveau.Notre intention n’est pas d’évaluer leburnout dans toutes ces dimensions clini-ques, ni d’apporter une nouvelle réflexionou définition de ce phénomène lié au travail,mais de le prévenir le plus en amontpossible. En ce sens, nous nous inspironsde Verheul et al. (2016) qui utilisent lesmesures DSM de façon sous-clinique pourétablir les liens entre le trouble de l’attentionet de l’hyperactivité et l’auto-emploi. C’estdans cette logique préventive et nondiagnostique que notre recherche s’estfocalisée sur l’échelle de Pines (BMS-10).Celle-ci est une mesure de l’épuisement, parlequel tout commence.Le BMS-10 est une échelle de mesureunidimensionnelle de l’épuisement facile àinterpréter et à communiquer (Pines, 1993).De plus, l’échelle du BMS-10 est fortementcorrélée à toutes les échelles de mesure duburnout (Qiao et Schaufeli, 2011, p. 91-92).Cette échelle de Pines a été choisie pour demultiples raisons.L’une de ces raisons tient au fait que leBMS-10 est une des échelles de mesure laplus courte avec seulement 10 items lorsqued’autres échelles sont plus volumineuses ennombre d’items (MBI, 16 items ; OLBI, 16items ; BM, 21 items). En outre, cetteéchelle a été traduite et validée en français(Lourel et al., 2007).Par sa simplicité, elle se prête à descomparaisons faciles. Or, la comparaison

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176 Revue française de gestion – N° 284/2019

est d’autant plus importante que la chroni-cité est constamment mise en avant dans lephénomène du burnout. Pouvoir comparer,dans le temps et pour un même individu, sonniveau de risque de burnout est une façon detenir compte de cette chronicité. Cettecomparaison d’échantillons différents, éma-nant de populations différentes, permetaussi d’aborder un regard de santé publique,propre aux ambitions sociétales de notrerecherche.En outre, cette échelle permet, lorsqu’unstade d’alerte est atteint, de signaler lanécessité d’enclencher une procédured’intervention. Pour des raisons préventi-ves, le BMS-10 est une échelle pertinente.La sophistication de la mesure est utileet nécessaire à des fins de recherche,mais la simplicité est ici un gage d’effi-cacité d’une politique de prévention des-tinée à une population oubliée. « Unemesure d’épuisement professionnel unidi-mensionnelle serait pratique au détrimentde la précision conceptuelle » (Leiter,1993, p. 239). Ce que nous perdons enfinesse conceptuelle, nous le gagnons enpraticité pour la prévention du risque deburnout.

II – DIX ANS DE MESUREEMPIRIQUE DE L’ÉPUISEMENT

Pour faire face à l’hétérogénéité de lapopulation des chefs d’entreprise, la recher-che a nécessité de varier les échantillonspour évaluer les niveaux d’épuisement. Laconstitution de onze échantillons a permisde mettre en évidence de nombreuxenseignements sur ces risques en fonction

1. Les auteurs tiennent à remercier la Fondation des entreptechnique et tout particulièrement Hervé Frapsauce et Patric

du secteur, de la méthode de collecte dedonnées, de l’instrument de mesure uti-lisé… Grâce à un échantillon représentatif,cette recherche détermine que 17,5 % deschefs d’entreprise présentent un risque deburnout1.

1. Une collecte menée auprès d’unepopulation cible hétérogène

L’extrême hétérogénéité des TNS est lepremier écueil auquel est confrontée unerecherche sur leur santé. Peut-on mettre surle même plan un expert-comptable, unagriculteur, un dirigeant d’une TPE dubâtiment, un entrepreneur en solo dans lesservices à la personne, un artisan, uncommerçant, un professionnel libéral… ?Si la population des salariés est constam-ment subdivisée en ouvriers, employés,cadres et cadres supérieurs, la populationdes TNS est singulière. Les artisans/commerçants, les professionnels libéraux,les agriculteurs et les chefs d’entrepriseemployeurs constituent quatre classes dis-tinctes. Il est également possible de dis-tinguer les employeurs d’une TPE et d’unePME.La multiplication des partenariats a été unefaçon de répondre à cet écueil. Celui-ci afinalement représenté deux atouts. Lepremier est d’avoir gagné en robustesse.En effet, le fait le constituer onze échantil-lons différents a permis de s’assurer de laconstance de certains des résultats.Dans le cadre de notre programme derecherche, il était au contraire souhaitable demultiplier les mêmes mesures pour appré-hender au maximum cette population

reneurs du Futur MMA pour son soutien financier etk Miliotis.

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Dépistage de l'épuisement et prévention du burnout des dirigeants 177

hétérogène. Le second atout concernel’indépendance du chercheur qu’ils ontpermis (sur laquelle nous reviendrons ensection III).

METHODO

Les données mobilisées pour cette synthèse sont i

ces 8 dernières années par Amarok en France. Ce

au cours d’autant d’enquêtes et totalisant 5 672

Les bases de sondage ont été fournies par des

mutualistes à différentes échelles (nationale, rég

recrutés sur la base du volontariat. La population

petites entreprises ou TPE (au sens de l’Union eu

tous secteurs d’activités (y compris agricoles). L

critère de taille de l’entreprise qu’ils dirigent (eff

détention du capital social (au moins minoritaire)

ces dirigeants se caractérisent par un attachement

pas de service de santé au travail dédié.

En fonction des partenariats, les échantillons coll

des catégories professionnelles de façon plus o

territoriale variable. En 2019, une enquête réalisée

la méthode des quotas a permis de constituer un l

de la population cible. Celui-ci sert de point de

Le mode de collecte a varié selon les enquêtes. L

avec un suivi téléphonique personnalisé des dirig

pour évoluer vers une administration des question

elle, été réalisée par l’intermédiaire d’une platef

Interview).

Le risque de burnout a été évalué par le BMS-10.

au travail, les réponses sont enregistrées sur une

7 = Tout le temps.

La fiabilité de l’instrument s’est avérée excel

Cronbach = 0,85 à 0,94) et sa stabilité temporelle,

bonne (fidélité test-retest= 0,65 sur 10 semaines).

chaque répondant. Conformément aux normes de

un ensemble de symptômes témoignant d’un ép

2. Les résultats empiriques

Le tableau 1 est le fruit d’un travail deplusieurs années (de 2011 à 2019). Il donneun aperçu des mesures de l’épuisement des

LOGIE

ssues des enquêtes par questionnaire menées

sont 11 échantillons indépendants, collectés

chefs d’entreprise interrogés.

réseaux professionnels ou des partenaires

ionale, départementale) et les participants

cible est celle des dirigeants propriétaires de

ropéenne), de toutes formes juridiques et de

es répondants ont ainsi été retenus sur un

ectif< 49 personnes et CA< 10 M€) et de. Quel que soit leur statut ou leur profession,

patrimonial à leur entreprise et ne bénéficient

ectés représentent des secteurs d’activités ou

u moins spécifique et ont une couverture

à l’échelle nationale par OpinionWay selon

arge échantillon représentatif de l’ensemble

référence.

’expérimentation Amarok a, en effet, débuté

eants réalisé par ses propres télé-enquêteurs,

naires en tout internet. L’enquête nationale a,

orme CATI (Computer Assisted Telephone

Constitué d’une liste de 10 symptômes reliés

échelle de fréquence allant de 1 = Jamais à

lente sur tous les échantillons (alpha de

estimée lors des enquêtes longitudinales, est

Un score moyen sur 7 points est calculé pour

l’instrument, le seuil critique de 4,0 révèle

uisement professionnel.

Page 8: Dépistage et prévention du risque de burnout ... · I – LE BURNOUT, UN PHÉNOMÈNE LIÉ AU TRAVAIL TOUCHANT LES CHEFS D’ENTREPRISE L’épuisement constitue la

Tab

leau

1–Présentationdesrisquesde

burnoutdesdifférentesenquêtes

(2011-2019)*

Echan

tillo

nBasede

sond

age

(partena

riat)

Cou

verture

Etude

Adm

.Date

Profildesrépo

ndan

ts

1Interprof.a(M

alakoff-Médéric

/CJD

)Nationalee

Longitudinale

(11questio

nnaires)

Par

téléphone

mar-2011

–déc-2012

Prop.

femmes

:19,5

%Age

moyen

:45,1

ans

Exp.moyenne

:11,4

ans

2Interprof.a(M

alakoff-Médéric

/CJD

)Nationalee

Longitudinale

(9questio

nnaires)

Par

téléphonef

fév-2013

–déc-2014

Prop.

femmes

:24,4

%Age

moyen

:45,2

ans

Exp.moyenne

:10,5

ans

3Sectorielleb(FFB

-OPPBTP-SMA

BTP-BTP

Banque-PROBTP)

Nationale

Longitudinale

(6questio

nnaires)

Par

téléphone

fév-2015

–déc-2016

Prop.

femmes

:20,6

%Age

moyen

:49,0

ans

Exp.moyenne

:16,6

ans

4Interprof.(Fondatio

nMMA)

Nationale

Transversale

Par

téléphone

mar

–jul-2017

Prop.

femmes

:29,0

%Age

moyen

:46,6

ans

Exp.moyenne

:nd

5Professionnellec(G

ARANCE)

Nationale

Transversale

Enlig

nenov-2017

Prop.

femmes

:29,9

%Age

moyen

:51,1

ans

Exp.moyenne

:17,4

ans

6Professionnellec(G

ARANCE)

Nationale

Transversale

Enlig

nefév-2018

Prop.

femmes

:31,0

%Age

moyen

:51,8

ans

Exp.moyenne

:17,6

ans

7Interprof.a(H

armonie

Mutuelle

-GroupeVYV

/CPM

E)

Nationale

Transversale

Enlig

nemar

–avr-2018

Prop.

femmes

:36,1

%Age

moyen

:50,5

ans

Exp.moyenne

:14,2

ans

8Interprof.(A

RACTGuadeloupe)

Régionale

(Guadeloupe)

Transversale

Enlig

neoct–nov-2018

Prop.

femmes

:36,9

%Age

moyen

:48,7

ans

Exp.moyenne

:12,0

ans

9RépertoireSIRENE(Fondatio

nMMA)

Nationalee

Transversale

Par

téléphone

mars-2019

Prop.

femmes

:41,8

%Age

moyen

:50,4

ans

Exp.moyenne

:nd

10Sectorielled(Chambred’Agriculture

71)

Départementale

(Saône-et-Loire)

Transversale

Enlig

neavec

systèm

ed’alerte

mar

–avr-2019

Prop.

femmes

:23,1

%Age

moyen

:47,7

ans

Exp.moyenne

:nd

11Sectorielle

(Ordre

experts-comptables

Ilede

France)

Régionale

(Ile

deFrance)

Transversale

Enlig

neavec

systèm

ed’alerte

mar

–avr-2019

Prop.

femmes

:38,1

%Age

moyen

:nd

Exp.moyenne

:15,6

ans

178 Revue française de gestion – N° 284/2019

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Echan

tillo

nTyp

ed’entreprise

dirigée

Effectif

moyen

Nbr.de

passsation

s

Fiabilité

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osticbu

rnou

t

Alpha

deCronb

ach

BMS1

0(BMS3

)Scoremoyen

(écart-typ

e)Propo

rtion

score>4,0

Nbr.de

dirigean

ts

1TPEnon-em

ploy.:9,4%

;TPEem

ployeuse

:45,1

%;PE:45,5

%12,7

1BMS10

0,87

(0,78)

2,68

(0,97)

10,2

%266

2TPEnon-em

ploy.:10,8

%;

TPEem

ployeuse

:56,4

%;PE:32,8

%9,3

3BMS10

+2BMS3

0,90

(0,83)

2,74

(0,94)

10,4

%360

3TPEnon-em

ploy.:4,6%

;TPEem

ploy

:28,5

%;

PE:66,9

%15,9

2BMS10

+3BMS3

0,89

(0,86)

2,90

(1,06)

16,4

%281

4TPEnon-em

ploy.:41,3

%;TPEem

ploy

:48,1

%;

PE:10,6

%4,0

1BMS10

0,85

(0,72)

2,20

(1,00)

7,9%

303

5TPEnon-em

ploy.:

40,2

%;TPEem

ploy

:54,9

%;

PE:4,9%

3,2

1BMS3

0,84

3,31

(1,29)

35,3

%927

6TPEnon-em

ploy.:47,0

%;TPEem

ploy

:48,4

%;

PE:4,6%

2,9

1BMS3

0,86

3,13

(1,49)

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Dépistage de l'épuisement et prévention du burnout des dirigeants 179

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5 672 chefs d’entreprise et TNS concernantonze échantillons différents. Les popula-tions étudiées sont toujours celles des chefsd’entreprise patrimoniaux, mais leur diver-sité a incité à varier les types de populationsétudiées et la couverture étudiée : nationaleversus régionale ; population interprofes-sionnelle versus intra secteur (bâtiment etagriculture), voire mono-métier (expertisecomptable). Les enseignements de cesrésultats sont multiples.Le premier enseignement est que le burnoutest un phénomène universel. Il concernetout autant les dirigeants que la populationdes salariés et des cadres. Ce n’est pas unesurprise, mais l’absence des mesures duburnout auprès de cette population clé pourl’économie pouvait donner le sentiment queles chefs d’entreprise étaient à l’abri de cephénomène lié au travail. Il n’en est rien et lalacune est aujourd’hui en partie comblée,même si beaucoup reste à faire. Le risque deburnout des chefs d’entreprise existe et ils’amplifie selon les secteurs et les métiers.Les artisans (35,3 %), les agriculteurs(35,2 %) et les experts-comptables(30,2 %) sont des populations atteignantdes records en termes de niveaud’épuisement.Les causes de ces forts épuisements sontvraisemblablement différentes. Chez lesagriculteurs, le sentiment d’impuissance etl’agri-bashing sont deux causes majeures del’épuisement. Quelques travaux récentsmettent en évidence le risque de burnoutdes TNS agricoles (Truchot et Andela,2018). Notre recherche auprès de cettepopulation a intégré une échelle de mesuredu désespoir qui permet de diagnostiquerdes risques suicidaires. L’écosystème agri-cole a déjà pris largement la mesure de cettedétresse et des dispositifs anti-suicide

comme agri’écoute sont mis en place parla MSA.Chez les experts-comptables et commissai-res aux comptes, en revanche, le phénomèneest relativement nouveau. Ce sont lesévolutions de la législation du secteur quidésespèrent en grande partie cette profes-sion. Parmi l’échantillon n°11 d’experts-comptables et commissaires aux comptesd’Île-de-France, 72,32 % d’entre eux sesentent menacés par l’instabilité législative,71,81 % par le durcissement des lois àl’encontre de leur profession et 65,96 % parla complexité des lois. Cette perception de lamenace législative éprouve cette profession.Les professionnels du chiffre, qui estimentse sentir menacés par l’instabilité légis-lative, ont en moyenne un score de risque deburnout significativement plus élevé queceux qui ne se sentent pas menacés (3,452vs. 2,643).Le deuxième enseignement est d’ordreméthodologique. La méthode de collectede données n’est pas neutre dans lesrésultats obtenus. Il est important de noterles écarts de résultats entre les échantillonsinterrogés par téléphone (échantillons 1, 2,3, 4 et 9) et ceux interrogés via unquestionnaire en ligne (5, 6, 7, 8, 10 et11). Les proportions du risque de burnoutvont de 7,9 % à 17,5 % pour ceux qui ontrépondu par téléphone et de 26,2 % à35,3 % pour ceux qui ont répondu à unquestionnaire en ligne. La littérature, bienqu’abondante sur ce sujet, ne dégage pas deconsensus clair sur la méthode la plus fiable.Néanmoins, une étude comparative surl’administration d’un questionnaire de santémentale a montré que l’auto-administration(courrier) permet d’avoir des données dequalité légèrement supérieure à cellesrecueillies par téléphone (Fournier et

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Kovess, 1993). Dans le même sens, Phellaset al. (2011) mettent en avant que l’auto-administration d’un questionnaire permetune plus grande fiabilité des données surtoutlorsque le sujet de la recherche est sensible.En effet, plusieurs études ont montré quel’anonymat et la non-confrontation à unetierce personne (enquêteur) permet dediminuer le risque de biais et de désirabilitésociale que l’on peut craindre lorsque l’ontraite de sujets sensibles (Frippiat etMarquis, 2010 ; Szolnoki et Hoffmann,2013). Ainsi, compte tenu du caractèresensible du burnout, il est possible d’émet-tre l’hypothèse que les échantillons inter-rogés par téléphone ont sous-estimé leursréponses.Un autre enseignement de ces nombreusesmesures est que le BMS-3 présente uneconcordance de diagnostic de 93,2 % à96,5 % selon les échantillons2. Dans l’op-tique d’étude quantitative, cette échelle ultracourte (3 items) peut être utilisée comme unestimateur du risque de burnout. L’alpha deCronbach du BMS-10 fluctue entre 0,85 et0,94 et celui du BMS-3 de 0,72 à 0,87.Finalement, il apparaît clairement que lerisque de burnout, mesuré par l’échelle dePines, est un fait réel et persistant chez leschefs d’entreprise, quels que soient lessecteurs, les métiers et les régions. Certainssecteurs sont en proie à des risques deburnout très élevés (agriculture, bâtiment,expertise-comptable), ce qui suggère la miseen place d’une politique énergique deprévention du burnout des chefs d’entre-prise. Cette question doit devenir un enjeude santé publique car l’impact d’un burnoutdu chef d’entreprise sur sa propre entreprise

2. Le BMS-3 est un sous-ensemble du BMS-10. Il est compovous pensez à votre travail : Vous sentez-vous fatigué ?, Vou

et sur les emplois afférents sont colossaux.Ce sont des centaines de milliers de chefsd’entreprise qui sont directement concernéset des millions d’emplois salariés qui,indirectement, peuvent être fragilisés. L’en-jeu est à la mesure de la place macro-économique que les PME occupent dans lasociété française : 99,84 % des entreprisesfrançaises sont des PME (Insee, 2019).

III – LA CRÉATION D’AMAROK :UNE VALORISATION GRADUELLEET CONNECTÉE À LARECHERCHE

L’intention d’une valorisation n’est pas unsujet nouveau en sciences de gestion. Dansleur appel à contributions à ce dossier,Verstraete et Philippart (2018) rappellentmême que « la gestion comporte unecapacité de transfert vers la pratique inscritedans les gènes de la discipline ». Bien quece ne soit pas fréquent, la valorisation estparfois affichée comme une intentiondélibérée et structurée. Ce qui nous tientlieu de modèles, ce sont les initiatives prisespar de rares chercheurs ayant créé desstructures ad hoc pour faciliter la valorisa-tion de leurs travaux. Pour le cas français, etsans prétendre à l’exhaustivité, nous pen-sons à l’ISEOR de Henri Savall etVéronique Zardet, au GRP Lab impulsépar Thierry Verstraete (Verstraete, 2015) ouà l’IFGE (Institut français de gouvernementdes entreprises) lancé par Pierre YvesGomez. La valorisation des travaux sur lasanté des chefs d’entreprise, via Amarok,s’inscrit dans cette lignée. Amarok est unobservatoire créé en 2010 sous la forme

sé des trois questions suivantes : En ce moment, quands sentez-vous désespéré ?, Vous sentez-vous déprimé ?.

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associative. Il prend comme objet la santédes TNS et, comme le site internet leprécise3, Amarok s’assigne deux missionscomplémentaires. Sa mission sociétale visela sensibilisation de l’opinion publique àl’importance de la santé des TNS. Samission scientifique est transdisciplinaireet crée un pont entre autres entre les sciencesmédicales et les sciences de gestion pourapporter de la connaissance sur la santé desTNS. Amarok est adossé au LabexEntreprendre4.Comme le propose l’appel à contributionsdu numéro thématique, cette section s’at-tarde sur la valorisation sociétale desrésultats des travaux de recherche conduitdans le cadre de l’observatoire, notammentsur les 10 années de collecte et d’analyse dedonnées sur le burnout.

1. Production, médiatisationet accessibilité des résultatsde la recherche conduitepar Amarok

Avant de présenter l’utilisation effective desrésultats des recherches, il convient derappeler que huit thèses de doctorat ontété soutenues par l’équipe sur des sujetstraitant de santé en général (burnout,alimentation, sommeil, stress, etc.) et troisautres sont en cours sur la souffrance desdirigeants, l’impact du rebond sur la santé etle technostress. L’un de ces travauxdoctoraux, portant sur le sommeil desdirigeants de PME et son impact sur lasaisie des opportunités (Guiliani, 2016) a étédistingué par un prix de thèse en

3. https://www.observatoire-amarok.net/4. https://labex-entreprendre.edu.umontpellier.fr/5. Cette initiative a fait la une du Figaro Economie (L’histoibonne santé des dirigeants » (Mollaret, 19 juillet 2017).

entrepreneuriat. À ce jour, ces travaux ontdonné lieu à 25 communications en congrès,15 articles dans des revues à comité delecture et 25 chapitres d’ouvrages. Cetteprécision est une façon d’insister surl’ancrage académique d’Amarok, à l’instardes exemples précédemment présentés.La création d’une chaire « Santé desdirigeants de PME et des entrepreneurs »au sein du LABEX Entreprendre a facilité laconclusion de collaborations scientifiquesinternationales, notamment avec des collè-gues japonais, suisse et néerlandais. Cettedernière collaboration a débouché sur lacoordination d’un numéro spécial de larevue Small Business Economics sur lethème de la santé des dirigeants de PME(Torrès et Thurik, 2019).Les connaissances produites sur la santé desTNS ont été pédagogiquement déclinées dedifférentes façons :– création d’un cours de 21 heures enmaster 1 : « La santé au travail desdirigeants de PME » ;– lancement, dans le cadre d’accord departenariat avec la fondation des entrepre-neurs du futur, d’un MOOC sur la santé desentrepreneurs (mis en ligne à trois reprises :2017, 2018 et 2019)5 ;– conception de deux séminaires, d’unedurée de 5 à 7 heures, pour apprendre auxdirigeants de PME et TPE à mieux gérer leurcapital santé. Ces séminaires ont retenul’attention d’organismes (Garance, AG2RLa Mondiale) qui ont financé des inter-ventions auprès des artisans de la CAPEB(syndicat patronal du BTP) et des métiers debouche, ainsi qu’une formation e-learning

re du jour : « Une formation en ligne pour préserver la

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spécifique à la gestion de la santé desartisans ;– mandatement par AGEFICE (le fondsd’assurance formation du commerce, del’industrie et des services) pour définirl’architecture pédagogique d’une offrestructurée de formation d’une journée de7 heures. S’y ajoute depuis septembre 2019un cycle de conférences et de séminaires àtravers la France pour promouvoir un voletdédié à la santé visant à permettre auxdirigeants de se former, sur ce sujetprioritaire, sans avoir à faire l’avance defonds.Ces exemples pédagogiques portent uneforme de médiatisation, bien que lessuivantes soient plus explicites sur ceregistre.Laufer (2007) invitait les chercheurs ensciences de gestion à participer aux débatspublics. Amarok s’y engage. Ses travauxont fait l’objet de plus de 300 articles dans lapresse (Le Figaro, le Monde, Libération,Les Echos, La Tribune, La Croix, l’Usinenouvelle, etc.) parfois en une du journal(Amarok a suscité « L’histoire du jour » despages saumon du Figaro à deux reprises).Sur le plan international, les travauxd’Amarok ont fait l’objet de deux pleinespages le 15 novembre 2018 dans le journaljaponais Nikkei, journal économique à forttirage. On recense plus d’une quinzaine dereportages sur des chaînes télévisuellesfrançaises. En 2016, les travaux de la chaireont été filmés pour un reportage deComplément d’enquête « Le blues du petitpatron » (France 2) et pour un reportagepour la TV belge (RTL-TVI). Olivier Torrèsa été invité sur des plateaux de Public Sénat« petits patrons, grande détresse » et BFMBusiness « La santé des dirigeants » ou àl’émission de France 3 sur la zénitude au

travail diffusée le 21 juin. Une émissiond’une heure sur France Inter (« les savan-turiers ») a été consacrée à la santé des petitspatrons. Cette médiatisation a permis auxtravaux d’Amarok d’être suivis par près de30 000 abonnés sur son compte Linkedin.Amarok est fortement sollicité pour sonactivité conférencière. Depuis 2010, unepartie de l’équipe de recherche de l’Obser-vatoire Amarok a réalisé plus de 650conférences à travers la France, DOM-TOM compris. Plusieurs dizaines de mil-liers de chefs d’entreprise et de TNS ontainsi pris connaissance des avancées derecherche sur la santé des dirigeants. Cesconférences drainent le public vers lesadhésions (le montant de la cotisationannuelle varie de 20 à 250 euros) et lesventes de livres (plus de 2 000 exemplairesvendus immédiatement après les conféren-ces). Aujourd’hui, 1 700 chefs d’entrepriseont décidé d’adhérer à l’ObservatoireAmarok. Les dirigeants s’engagent égale-ment à participer à nos recherches etpeuvent solliciter le service de préventiondu risque de burnout de l’Observatoire.

2. Les publics touchés par les résultatsdes recherches sur la santé desdirigeants

« Un produit de la recherche est valorisélorsque les publics auxquels il réfèrel’emploient. Autrement dit, le produit nesera pas considéré comme valorisé tant qu’iln’est pas mobilisé pour raisonner ou agir. »(cf. l’appel à contributions à ce dossier et letexte introductif). Les travaux de recherched’Amarok s’inscrivent parfaitement danscette optique. Lors d’une première recher-che longitudinale avec le Centre des jeunesdirigeants (échantillon n° 1), nous avons

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évalué l’effet du suivi de la santé sur lesparticipants. « Votre participation à l’étudea-t-elle modifié le regard que vous portiezsur votre santé ? ». À cette question posée àla fin du processus de collecte des données,65,4 % des dirigeants ont répondu oui(n = 292). D’un point de vue plus per-sonnel, à la question « Votre participation àl’étude a-t-elle modifié la façon dont vousvous préoccupez de votre santé ? », lesdirigeants de l’échantillon sont une majoritéà répondre oui (61,5 %). Les 179 répon-dants ayant déclaré avoir modifié leurscomportements ont pu préciser de façonlibre les changements adoptés. Les 285verbatims collectés à cette occasion indi-quent en premier lieu une plus grandeattention portée à leur alimentation, puis uneprise de conscience globale de l’impact deleur travail et de l’importance de leurcapital-santé. Une proportion importantedes répondants déclare également avoirrepris une activité sportive ou faire davan-tage de sport, essayer de mieux gérer sonsommeil, être plus responsable de leur suivimédical (bilan de santé, consultation plusprécoce du médecin, diminution de l’auto-médication), combattre le stress (aménage-ment d’horaires, délégation, recul) etprendre plus de temps pour soi (récupéra-tion, vacances). Plusieurs fumeurs ontdécidé de diminuer leur consommation detabac et même d’arrêter de fumer. D’autresrépondants ont précisé s’engager dans unrégime afin de perdre du poids. Le produitvalorisé ne se résume pas ici à uneconnaissance précise mais à un changementd’état d’esprit et de comportement au regardde la santé. Les changements opérés ne sontpas sans rappeler l’effet Hawthorne del’expérience d’Elton Mayo avec la WesternElectric. L’intention de recherche du

programme scientifique d’Amarok est belet bien de changer le regard et lescomportements que l’on porte sur la santédes dirigeants.Ce constat encourageant ne s’arrête pasuniquement à la personne du dirigeant. Uneultime question a été posée : « Votreparticipation à l’étude a-t-elle modifié leregard que vous portiez sur la santé de vossalariés ? », 39,8 % des dirigeantsemployant au moins un salarié (n = 254)admettent avoir changé aussi de regard surla santé de leurs salariés. Ce point estimportant car il montre qu’un dirigeant quise préoccupe davantage de sa santé peutdevenir plus sensible à la santé des salariés.Le management de proximité propre auxPME et TPE induit un effet de contagionsalutaire (Torrès et Thurik, 2019). Cerésultat est à méditer par tous les spécialistesde la santé au travail. Il devrait inciter lesservices de santé de travail à englober, dansleurs dispositifs, cet acteur clé en PME etTPE. Le rapport Lecocq va dans ce sens :« La mission constate que les chefs d’en-treprise, les autoentrepreneurs ne peuventaccéder pour leur propre santé, à la mêmeoffre de service que les salariés. Elleconsidère que le futur système de préventiondes risques professionnels devra être enmesure d’accueillir ces populations, pour lebénéfice de toutes et tous. » (Lecocq et al.,2018, p. 65).Fort de ces actions, l’Observatoire a étéauditionné par la commission des affairessociales du Sénat (sénateurs Pascale Grunyet Stéphane Artano) dont le rapport publié le3 octobre 2019 recommande de faire de lasanté au travail « un service universel pourl’ensemble des travailleurs ». La proposi-tion n° 11 du rapport préconise « d’intégrerles chefs d’entreprise dans l’effectif suivi

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par le SST d’une entreprise, sans majorationde la cotisation versée » (Artano et Gruny,2019, p. 63).Au fil des recherches mettant en évidencel’existence, parfois massive, du risque deburnout des chefs d’entreprise et destravailleurs indépendants, l’ObservatoireAmarok a éprouvé la nécessité de structurerune offre de service de prévention contre leburnout des travailleurs indépendants et desdirigeants de PME (Amarok Assistance). En2015, il embauche une psychologue dutravail pour mettre en place une Celluled’écoute téléphonique pour les dirigeants endifficultés. Ce numéro vert offre une écouteactive et une aide concrète aux chefsd’entreprise se sentant démunis face à dessituations qui les mettent en difficulté. Ilvise également à prévenir le risque deburnout ou d’épuisement professionnel.Amarok Assistance a poursuivi son actionauprès de multiples organisations profes-sionnelles et consulaires (CCI, CMA,chambre d’agriculture) ou des syndicatspatronaux (FFB, CPME, CAPEB, etc.) enleur proposant de financer un forfaitd’écoute de 12 h pour leurs adhérents ouressortissants. Le choix des Organismesprofessionnels, des syndicats patronaux etdes réseaux consulaires résulte de l’idée queles permanents sont au contact avec leschefs d’entreprise et les travailleurs indé-pendants et que cette proximité fait de cesinstitutions des « sentinelles potentielles »6.À ce jour, 75 plateformes d’écoute (soit untotal de 900 heures d’écoute) ont été misesen place. 195 chefs d’entreprise (90 femmeset 105 hommes) ont utilisé le dispositif. Lescas relèvent essentiellement d’un risque de

6. Le terme de « sentinelle » est repris de la terminologie du dide commerce de Saintes par M. Binnié et J.-L. Douillard (B

burnout (parmi les appels il faut releverquelques cas de troubles psychiatriques :dépression, troubles de personnalité, troublebipolaire, état de stress post-traumatique,etc.). Majoritairement, les appelantsconnaissent des problèmes financiers dansl’entreprise interrogeant la pérennité decelle-ci. D’autres, plus rares, contactent lenuméro vert en raison de difficultés per-sonnelles ou de difficultés avec un ouplusieurs salariés. Le plus souvent, lesproblèmes se combinent et mettent en périll’avenir de l’entreprise.S’agissant du risque de burnout, certainsaspects cognitifs et de la personnalité sontsystématiquement présents : perfection-nisme, exigences élevées envers soi et lesautres, peur ou refus de l’échec, abnéga-tion... Amarok Assistance participe à laprise de conscience des mécanismes cogni-tifs, parfois inconscients, et qui fontbasculer les dirigeants dans une spiraleinfernale de stress et de pression, dont ils onttant de mal à sortir. Il les aide à comprendreque ces aspects font partie de la constructionde leur personnalité, de leur identité maisqu’ils sont aussi des obstacles à leur bien-être mental et physique. Si ces règles,croyances et schémas cognitifs rigides nesont pas travaillés en thérapie cognitive etcomportementale, les intéressés s’exposentà d’éventuelles rechutes (Torrès etChanselme, 2016).Amarok Assistance s’est enrichi de servicescomplémentaires. En 2019, l’Ordre desexperts-comptables d’Île-de-France ainsique la chambre d’agriculture (71) deSaône-et-Loire ont expérimenté, avec Ama-rok, un questionnaire en ligne doté d’un

spositif APESAmis en place initialement par le tribunalinnié et al., 2018).

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système d’alerte en temps réel. Uneapplication informatique7 a été développéepermettant, au moment où le dirigeantrépond à son questionnaire en ligne et àl’instant même où son score de réponseatteint un risque de burnout sévère (score dePines égal ou supérieur à 5,5 sur un total de7), de lui adresser un message l’incitant àappeler le numéro vert d’Amarok Assis-tance. Le seuil de 5,5 nécessite selonMalach-Pines (2005) la mise en œuvred’un dispositif d’aide à la personne. Lemessage est le suivant : « Votre scoresemble indiquer un degré très fort d’exposi-tion à l’épuisement professionnel. Appelezgratuitement notre numéro vert où vouspourrez échanger avec une professionnellede la santé des travailleurs indépendants, ettrouver une aide. Si vous préférez êtrerecontacté(e) directement par AmarokAssistance, merci de nous laisser voscoordonnées en cliquant ici. »La fondation MMA des entrepreneurs dufutur, après avoir financé une partie destravaux (échantillon n° 4) a demandé àAmarok de concevoir le questionnaire deson baromètre annuel des entrepreneurs enforme (échantillon n° 9) et organise régu-lièrement des rencontres sur ce thème surtout le territoire national. De même, dans lecadre de son opération Branchez-vousSanté, le groupe AG2R La Mondiale,également en partenariat avec l’Observa-toire Amarok, a décidé de faire de laprévention du risque du burnout des artisansdes métiers de bouche une cause nationale.Amarok a noué des partenariats nationauxavec le Centre des jeunes dirigeants, laConfédération des PME, la Fédération

7. Cette application a été conçue par Maxime Brisot, alors ingéPME » du LABEX Entreprendre de l’université de Montpel

française dubâtiment, etc.), régionaux (Ordredes experts-comptables d’Ile-de-France),départementaux (chambre d’agriculture deSaône et Loire), locaux (ARACT de Guade-loupe). De nombreuses entreprises du secteurde l’assurance mutualistes se sont aussirapprochées d’Amarok (Garance, HarmonieMutuelle, Malakoff Médéric, la Fondationdes entrepreneurs du futur de MMA). Dansleur appel à contributions, Verstraete etPhilippart considèrent que « la valorisationinterroge aussi l’indépendance du chercheur,dans la mesure notamment où il s’agit, d’uncôté, de garantir qu’aucun rapport de force neconduise à poser à sa place les questions ».Nous avons construit notre indépendance enmultipliant les partenariats avec des organis-mes multiples et en spécifiant dans toutes lesconventions de recherche que « le partenaires’engage à préserver l’indépendance théo-rique,méthodologique et épistémologique deschercheurs. Les données prélevées lors decette étude feront l’objet d’une déclarationnormale à la CNIL et appartiennent auxchercheurs. Seul l’Observatoire Amarok estautorisé à la valorisation scientifique desdonnées ». À cela s’ajoute toujours une clausede non-exclusivité. Ces précautions d’usagepermettent aux chercheurs de travailler entotale indépendance et avec la quiétude depouvoir valoriser sereinement les résultats deleur recherche, comme ils l’entendent.

IV – CONCLUSION. LA SANTÉ DESCHEFS D’ENTREPRISE : UN SUJETD’INTÉRÊT GÉNÉRAL

Les chefs d’entreprise et les travailleursindépendants sont plus de trois millions et

nieur d’étude (IGE) à la chaire « Santé des dirigeants delier.

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représentent 99,84 % des entreprises enFrance. Ils exercent une fonction essentiellede l’activité économique et leurs ennuis desanté peuvent provoquer la disparition del’entreprise et toucher 7 millions de salariés(Insee, 2019). Promouvoir la santé auprèsde cette population a un double effet : surles dirigeants eux-mêmes et par effet decontagion sur leurs salariés avec qui ils sontla plupart du temps en contact direct etpermanent. Les résultats des travaux réalisésautorisent à dire que les chefs d’entreprise

ne doivent pas être en dehors des dispositifsde santé au travail. L’association Amarokn’ambitionne pas seulement de développerun programme de recherche scientifique,elle a aussi l’ambition de changer l’ordresocial et le regard que la société porte sur lasanté des dirigeants de PME/TPE et destravailleurs indépendants. L’ObservatoireAmarok est aujourd’hui en quête d’unereconnaissance d’un statut d’associationd’intérêt général.

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