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Présentation du Conseil 4 Dossier Le burnout ou syndrome d’épuisement professionnel Le dossier de ce dixième numéro du Journal du Conseil économique et social est consacré au burnout. Ce terme, qui nous provient de l’anglais « to burn out » - s’éteindre, se consumer jusqu’au bout - fait désormais partie du langage commun. Il se glisse dans les conversations entre collègues, entre amis, et trouve un large écho dans les médias. Il est aujourd’hui admis par les psychologues du travail dans la catégories des risques psychosociaux professionnels. Mais savons-nous au juste ce que recouvre ce phénomène ? D’où vient le burnout ? Comment le définir ? Comment le différencier du stress ou de la dépression ? Pas si sûr… Le présent dossier va tenter de répondre à ces interrogations. Ce dossier s’articulera en trois volets. Dans une première partie, nous délimiterons les contours du burnout. Pour commencer, nous verrons dans quel contexte la notion de burnout est apparue en psychologie sociale. Nous définirons ensuite le burnout selon le modèle tridimensionnel de Christina Maslach. Nous envisagerons alors les différents facteurs qui peuvent causer son apparition. Puis, nous nous attarderons sur la manière d’évaluer le burnout chez les patients. Enfin, nous analyserons les interactions qu’entretient le burnout avec le stress et la dépression. La deuxième partie de ce dossier tentera d’appréhender l’ampleur du burnout. Nous présenterons au préalable quelques chiffres clés en rapport avec le burnout à l’échelle européenne. Nous nous pencherons ensuite sur la situation en Belgique. Enfin, dans une troisième partie, nous examinerons les mesures de prévention qui peuvent être mises en place afin d’éviter que le burnout n’apparaissent ainsi que les aspects légaux qui y sont liés. QU’EST-CE QUE LE BURNOUT ? Aux origines du burnout Le terme est apparu pour la première fois dans une étude de psychologie en 1969 (1) . Il sera repris quelques années plus tard par le Docteur Herbert Freundeberger, psychiatre et psychothérapeute américain, dans une publication scientifique inti- tulée « staff burnout ». Cet article, daté de 1974, constitue la première véritable approche théo- rique sur le sujet. Le Docteur Freundeberger est directeur d’un centre d’accueil de jour pour toxicomanes dans le Lower East Side, dont le personnel composé d’aides-soignants est principalement bénévole. Il observe que les jeunes qui travaillent au centre perdent tout en- thousiasme au bout d’une année seulement. Par ail- leurs, il s’aperçoit que leur changement d’attitude face au travail s’accompagne, d’une part, de symp- tômes somatiques parmi lesquels des maux de tête, des troubles intestinaux, des insomnies, de la fa- tigue ; d’autre part, de réactions émotionnelles telles que l’irritabilité et la colère. Dans ses travaux, le Docteur Freundeberger met en évidence la forte implication des aides-soignants ainsi que leur volonté d’accomplir un travail signi- ficatif auprès des toxicomanes. Ceci contribue à justifier durant un certain temps les efforts consentis. Néanmoins, les patients toxicomanes « résistent », sont souvent imperméables aux conseils et le travail effectué ne porte pas toujours ses fruits. Les jeunes bénévoles se découragent alors et perdent toute motivation. C’est pourquoi le Docteur Freundeberger utilise la métaphore de la combustion d’une bougie - burnout en anglais - pour rendre compte de ce phénomène : après avoir éclairé intensément de longues heures du- rant, la bougie n’offre plus qu’une flamme fragile. Selon lui le burnout provient donc d’une asymé- trie chez certains individus entre les attentes trop élevées et les contraintes de leur situation de tra- vail. Le modèle tridimensionnel du burnout Christina Maslach, chercheuse américaine en psy- chologie sociale, va imposer le concept de burnout et asseoir sa validité à partir des années 1980. Elle étudie les mécanismes de mise à distance émo- tionnels développés par les médecins. Elle les ap- pelle « mécanismes d’objectivation » : par exemple, considérer les patients comme des cas plutôt que comme des personnes. Ceux-ci sont utiles car ils protègent les médecins du risque de débordement émotionnel dans leurs relations professionnelles. Au fil du temps, elle s’aperçoit que de nombreux praticiens développent des at- titudes cyniques et négatives envers les patients, qui vont bien au-delà de la simple objectivation. Elle nomme ce phénomène, qui constitue selon elle l’une des dimensions du burnout, « la déper- sonnalisation ». Elle découvre également ce type de réaction dans le chef des avocats qui exercent auprès d’un pu- blic défavorisé et elle postule alors que la relation d’aide et la forte implication relationnelle se trou- vent au cœur du phénomène. Ceci l’amène, contrairement au Docteur Freundeberger, à situer les causes du burnout dans l’environnement de travail plutôt que dans des caractéristiques indi- viduelles. Christina Maslach va procéder à un inventaire théorique des recherches sur le sujet et proposer une définition synthétique du burnout. Selon elle, il s’agit d’une réponse au stress émotionnel chro- nique comportant trois dimensions : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et la réduction de l’accomplissement personnel. La première di- mension est de nature affective et se traduit par une baisse de la motivation. Les deux autres di- mensions sont davantage de nature cognitive. La dépersonnalisation est une stratégie qui permet de s’adapter à l’effondrement de l’énergie au tra- vail. Les patients étant perçus négativement, leurs demandes en deviennent moins importantes, moins pressantes. Quant à la réduction de l’ac- complissement personnel, elle se manifeste à tra- vers la dévalorisation du travail accompli et la baisse de l’estime de soi. Ce modèle permet également de donner une vi- sion évolutive du burnout. Celui-ci démarre d’abord avec l’épuisement émotionnel, qui en- traine ensuite la dépersonnalisation. Quant à l’ac- complissement personnel, il est réduit sous l’effet de l’épuisement émotionnel ou au travers de la dépersonnalisation (cf. schéma n°1). Schéma n°1 : Les trois dimensions du burnout Auteur : Mitchev ; source : http://commons. wikimedia.org/wiki/File:Maslach_burnout.svg (1) Bradley H. (1969). Crime and delinquency, Community based treatment for young adults offenders. University of Massachusetts. STRESSEURS Épuisement émotionnel Dépersonnalisation Accomplissement Personnel

Le burnout ou syndrome d’épuisement professionnel ORIGINES DU BURN OUT... · le Docteur Freundeberger utilise la métaphore de la combustion d’une bougie - burnout en anglais

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Présentation du Conseil

4

Dossier

Le burnout ou syndromed’épuisement professionnel

Le dossier de ce dixième numéro du Journal du Conseil économique et social est consacré au burnout. Ce terme, qui nous provient

de l’anglais « to burn out » - s’éteindre, se consumer jusqu’au bout - fait désormaispartie du langage commun. Il se glisse dans les conversations entre collègues, entre

amis, et trouve un large écho dans les médias. Il est aujourd’hui admis par lespsychologues du travail dans la catégories des risques psychosociaux professionnels.

Mais savons-nous au juste ce que recouvre ce phénomène ? D’où vient le burnout ?Comment le définir ? Comment le différencier du stress ou de la dépression ? Pas si

sûr… Le présent dossier va tenter de répondre à ces interrogations.

Ce dossier s’articulera en trois volets. Dans une première partie, nous délimiterons lescontours du burnout. Pour commencer, nous verrons dans quel contexte la notion de

burnout est apparue en psychologie sociale. Nous définirons ensuite le burnout selonle modèle tridimensionnel de Christina Maslach. Nous envisagerons alors les

différents facteurs qui peuvent causer son apparition. Puis, nous nous attarderons surla manière d’évaluer le burnout chez les patients. Enfin, nous analyserons les

interactions qu’entretient le burnout avec le stress et la dépression. La deuxièmepartie de ce dossier tentera d’appréhender l’ampleur du burnout. Nous présenterons

au préalable quelques chiffres clés en rapport avec le burnout à l’échelle européenne.Nous nous pencherons ensuite sur la situation en Belgique. Enfin, dans une troisièmepartie, nous examinerons les mesures de prévention qui peuvent être mises en place

afin d’éviter que le burnout n’apparaissent ainsi que les aspects légaux qui y sont liés.

QU’EST-CE QUE LE BURNOUT ?Aux origines du burnout

Le terme est apparu pour la première fois dansune étude de psychologie en 1969(1). Il sera reprisquelques années plus tard par le Docteur HerbertFreundeberger, psychiatre et psychothérapeuteaméricain, dans une publication scientifique inti-tulée « staff burnout ». Cet article, daté de 1974,constitue la première véritable approche théo-rique sur le sujet.

Le Docteur Freundeberger est directeur d’un centred’accueil de jour pour toxicomanes dans le Lower EastSide, dont le personnel composé d’aides-soignantsest principalement bénévole. Il observe que lesjeunes qui travaillent au centre perdent tout en-thousiasme au bout d’une année seulement. Par ail-leurs, il s’aperçoit que leur changement d’attitudeface au travail s’accompagne, d’une part, de symp-tômes somatiques parmi lesquels des maux de tête,des troubles intestinaux, des insomnies, de la fa-tigue ; d’autre part, de réactions émotionnellestelles que l’irritabilité et la colère.

Dans ses travaux, le Docteur Freundeberger met enévidence la forte implication des aides-soignantsainsi que leur volonté d’accomplir un travail signi-ficatif auprès des toxicomanes. Ceci contribue àjustifier durant un certain temps les effortsconsentis. Néanmoins, les patients toxicomanes« résistent », sont souvent imperméables auxconseils et le travail effectué ne porte pas toujoursses fruits. Les jeunes bénévoles se découragentalors et perdent toute motivation. C’est pourquoile Docteur Freundeberger utilise la métaphore dela combustion d’une bougie - burnout en anglais- pour rendre compte de ce phénomène : aprèsavoir éclairé intensément de longues heures du-rant, la bougie n’offre plus qu’une flamme fragile.Selon lui le burnout provient donc d’une asymé-trie chez certains individus entre les attentes tropélevées et les contraintes de leur situation de tra-vail.

Le modèle tridimensionneldu burnout

Christina Maslach, chercheuse américaine en psy-chologie sociale, va imposer le concept de burnoutet asseoir sa validité à partir des années 1980. Elleétudie les mécanismes de mise à distance émo-tionnels développés par les médecins. Elle les ap-pelle « mécanismes d’objectivation » : parexemple, considérer les patients comme des casplutôt que comme des personnes. Ceux-ci sontutiles car ils protègent les médecins du risque dedébordement émotionnel dans leurs relations

professionnelles. Au fil du temps, elle s’aperçoitque de nombreux praticiens développent des at-titudes cyniques et négatives envers les patients,qui vont bien au-delà de la simple objectivation.Elle nomme ce phénomène, qui constitue selonelle l’une des dimensions du burnout, « la déper-sonnalisation ».

Elle découvre également ce type de réaction dansle chef des avocats qui exercent auprès d’un pu-blic défavorisé et elle postule alors que la relationd’aide et la forte implication relationnelle se trou-vent au cœur du phénomène. Ceci l’amène,contrairement au Docteur Freundeberger, à situerles causes du burnout dans l’environnement detravail plutôt que dans des caractéristiques indi-viduelles.

Christina Maslach va procéder à un inventairethéorique des recherches sur le sujet et proposerune définition synthétique du burnout. Selon elle,il s’agit d’une réponse au stress émotionnel chro-nique comportant trois dimensions : l’épuisementémotionnel, la dépersonnalisation et la réductionde l’accomplissement personnel. La première di-mension est de nature affective et se traduit parune baisse de la motivation. Les deux autres di-mensions sont davantage de nature cognitive. Ladépersonnalisation est une stratégie qui permetde s’adapter à l’effondrement de l’énergie au tra-vail. Les patients étant perçus négativement, leursdemandes en deviennent moins importantes,moins pressantes. Quant à la réduction de l’ac-complissement personnel, elle se manifeste à tra-vers la dévalorisation du travail accompli et labaisse de l’estime de soi.

Ce modèle permet également de donner une vi-sion évolutive du burnout. Celui-ci démarred’abord avec l’épuisement émotionnel, qui en-traine ensuite la dépersonnalisation. Quant à l’ac-complissement personnel, il est réduit sous l’effetde l’épuisement émotionnel ou au travers de ladépersonnalisation (cf. schéma n°1).

Schéma n°1 : Les trois dimensions du burnout

Auteur : Mitchev ; source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Maslach_burnout.svg(1) Bradley H. (1969). Crime and delinquency, Community based treatment for young adults offenders. University of Massachusetts.

STRESSEURS

Épuisementémotionnel

Dépersonnalisation

AccomplissementPersonnel

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Présentation du Conseil

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Les causes du burnout

Les études montrent que le burnout est dû tant àdes facteurs situationnels qu’à des facteurs indi-viduels. D’une part, le vécu des travailleurs est in-fluencé par le contexte organisationnel danslequel il s’exerce. Les contraintes de l’environne-ment de travail influencent donc directement leburnout. D’autre part, les facteurs individuels nesont pas à négliger. Ainsi, les individus qui ontmoins d’estime de soi, qui développent des stra-tégies d’adaptation passives ou évitantes ontmoins de chances de résister à l’apparition du bur-nout. De même, les attentes trop importantes decertaines personnes envers le travail, surtout sielles sont peu réalistes, peuvent mener à un bur-nout. Il est donc important pour la compréhen-sion du syndrome d’épuisement professionneld’intégrer les deux types de facteurs dans l’ana-lyse. Néanmoins, la plupart des recherches sug-gèrent que l’environnement de travail joue un rôleprépondérant.

Christina Maslach référence six causes principalesdu burnout en lien avec l’environnement profes-sionnel. Celles-ci correspondent à des disparitésentre les individus et leur poste de travail.

1. Une surcharge de travail. Celle-ci peut êtredue à l’intensité du travail, à la longueur dutravail ou à la complexité des tâches à effec-tuer.

2. Le manque d’autonomie dans le travail. Les in-dividus ne disposent pas de suffisamment decontrôle par rapport aux contraintes de leurtravail.

3. Le manque de récompense. Ces récompensespeuvent être salariales mais pas seulement.Le prestige lié à la fonction ou la sécurité del’emploi sont aussi considérés comme des ré-compenses.

4. Le manque d’esprit de groupe, d’interactionentre collègues sur le lieu de travail.

5. Le manque d’équité dans les relations de tra-vail. Certaines décisions paraissent injustesou irrespectueuses aux yeux du travailleur.

6. Des valeurs contradictoires. Il existe un conflitentre la mission de l’entreprise ou du serviceau public et la réalité du travail quotidien.

L’évaluation du burnout

Sur base de son modèle tridimensionnel, ChristinaMaslach crée, en 1986, un outil de mesure du bur-nout, le « Maslach Burnout Invetory’s » ou MBI (cf.schéma n°2). Il s’agit d’une échelle d’auto-évalua-tion composée de 22 items reprenant des com-portements et des attitudes envers le travail. Les22 items sont décomposés en trois sous-échellescorrespondant aux trois dimensions du burnout :9 items sont liés à l’épuisement émotionnel, 5 à ladépersonnalisation et 8 à l’accomplissement per-sonnel.

Pour chaque item, le sujet de l’évaluation indiquela fréquence à laquelle il éprouve le sentimenténoncé. Une note correspond à chaque fréquence.En additionnant ces notes on obtient ensuite unscore pour chaque sous-échelle ou dimension duburnout. De cette manière, l’épuisement, la dé-personnalisation et l’accomplissement personnelsont évalués séparément. Le sujet ne reçoit doncpas un score global de burnout mais un score pourchacune de ses trois dimensions.

Bien qu’aujourd’hui, le MBI reste un outil couram-ment utilisé pour appréhender le burnout, d’au-tres ont fait leur apparition. Citons notamment le« Oldenburg Burnout Inventory – OLBI » utilisédans l’étude de l’ULG « Stress & Santé des indé-pendants : quelles réalités, quelles solutions ? »qui sera présentée plus loin dans ce dossier. Cetinstrument, basé sur un modèle similaire au MBIne prend pas en considération la sous-échelle del’accomplissement personnel. La formulation desitems relatifs aux deux autres sous-échelles (épui-sement émotionnel et dépersonnalisation) seveut plus mesurée : le modèle OLBI comporte desitems énoncés tant positivement que négative-ment, alors que le MBI ne reprend que des itemsformulés positivement. Ces adaptations répon-dant aux principales critiques émises envers leMBI rendraient ce modèle plus équilibré.

Les professions touchées par le burnout

Le contexte dans lequel est apparue la notion deburnout explique que les premières études sur lesujet ont ciblé les professions impliquant un enga-gement relationnel important. Le burnout a doncd’abord été étudié chez les travailleurs sociaux, dansle secteur médical et chez les enseignants. Pourtant,les facteurs environnementaux qui peuvent causerl’apparition du burnout sont transversaux et peu-vent être rencontrés dans tous les secteurs profes-sionnels. De même, l’engagement ou les attentesélevées de certains travailleurs en rapport avec leurfonction ne sont nullement spécifiques aux sec-teurs du travail social, de la médecine ou de l’édu-cation. Le burnout peut donc toucher toutes lesprofessions et tous les secteurs d’activité sans dis-

tinction pour autant que les individus soient psy-chologiquement engagés. Il n’est donc pas spéci-fique à certaines professions. Ceci a amené leschercheurs à « reconceptualiser » le burnout, à l’en-visager comme une crise de relation avec le travailet non plus comme une crise des relations dans letravail. Les outils de mesure du burnout ont étéadaptés en conséquence, de manière à engloberl’ensemble des professions : les items qui faisaienttrop directement référence aux relations avec pa-tients, clients ou élèves ont été modifiés.

Les études menées depuis lors confirment,comme nous le verrons dans la suite de ce dossier,que le burnout peut toucher toutes les profes-sions salariées, les chauffeurs poids-lourds autantque les enseignants, les cadres ou les dirigeantsd’entreprises.

LES INTERACTIONS DUBURNOUT AVEC LESTRESS ET LADÉPRESSIONStress et burnout

Le stress est généralement considéré par les psy-chologues comme une interaction entre l’individuet son environnement. Confronté à une situationdonnée, l’individu va procéder à une évaluation

des ressources (cognitives, émotionnelles et com-portementales) dont il dispose pour y faire face.Suite à cette évaluation, il va mettre en place dif-férentes stratégies d’adaptation qui lui permet-tront de réagir aux différents « stresseurs ». Cettedéfinition du stress souligne l’importance du ca-ractère subjectif du stress, puisque celui-ci nait del’évaluation de la situation par l’individu.

Dans le cadre professionnel, il est clair que lestress et le burnout sont tous deux des consé-quences négatives des contraintes liées au travail.Cependant, les études démontrent que, si le stressest prédit par l’apparition d’éléments stresseurs,le burnout est quant à lui davantage lié à l’impor-tance que donnent les individus à leur travail.Ainsi, certains facteurs liés à la personnalité destravailleurs semblent être des causes du burnoutindépendantes du stress : les attentes envers letravail ou les objectifs professionnels élevés parexemple. Au niveau comportemental, le burnouts’accompagne d’attitudes négatives, cyniques en-vers les collègues, les clients ou l’organisation. Lestress ne provoque par contre pas forcément dechangements d’attitude par rapport à l’environ-nement de travail.

Stress et burnout ont de nombreux symptômesen commun, ce qui rend la relation entre les deuxsyndromes complexe. Néanmoins, de nombreuxauteurs s’accordent à dire que le stress est un pro-cessus temporaire d’adaptation, contrairement auburnout qui possède un aspect durable. Danscette perspective, le burnout représente enquelque sorte le stade final de l’inadéquationentre les exigences professionnelles et les res-sources de l’individu. Il semblerait donc que leburnout soit le résultat d’une exposition à unstress répété et chronique.

Fonctionnement : Evaluer les affirmations des tableaux 1, 2 et 3 à l’aide de l’échelle de numérisation des réponses ci-dessous, pour chaque évaluation additionner la valeur de l’échelle au score du tableau, interpréter le score du tableau.

NUMÉRISATION DES RÉPONSES

1. EPUISEMENT PROFESSIONNEL

2. DÉPERSONNALISATION

3. ACCOMPLISSEMENT PERSONNEL

INTERPRÉTATION DES SCORES

1 Jamais2 Quelques fois par an3 Une fois par mois4 Quelques fois par mois

5 Une fois par semaines6 Quelques fois par semaine7 Tous les jours

* Je me sens émotionnellement vidé(e) par mon travail

* Je me sens à bout à la fin de ma journée de travail

*Je me sens fatigué(e) lorsque je me lève le matin et que j’ai à affronter une autre journée de travail

*Travailler avec des gens tout au long de la journée me demande beaucoup d’effort

*Je sens que je craque à cause de mon travail

*Je sens que je travaille « trop dur » dans mon travail

*Travailler en contact direct avec les gens me stresse trop

*Je me sens au bout du rouleau

*Je sens que je m’occupe de certains patients/clients/élèves de façon imperson-nelle comme s’ils étaient des objets

*Je suis devenu(e) plus insensible aux gens depuis que j’ai ce travail

*Je crains que ce travail ne m’endurcisse émotionnellement

*Je ne me soucie pas vraiment de ce qui arrive à certains de mes patients/clients/élèves

*J’ai l’impression que mes patients/clients/élèves me rendent responsable de certains de leurs problèmes

*Je peux comprendre facilement ce que mes patients/clients/élèves ressentent

*Je m’occupe très efficacement des problèmes de mes patients/clients/élèves

*J’ai l’impression, à travers mon travail, d’avoir une influence positive sur les gens

*J’arrive facilement à créer une atmosphère détendue avec mes patients/clients/élèves

*Je me sens ragaillardi(e) lorsque dans mon travail j’ai été proche de mes patients/clients/élèves

*Je me sens plein(e) d’énergie*J’ai accompli beaucoup de choses qui en valent la peine dans ce travail

*Dans mon travail, je traite les problèmes émotionnels très calmement

CORRECT ATTENTION DANGEREUX

0 18 30

1. Épuisement professionnelCORRECT ATTENTION DANGEREUX

0 6 12

2. DépersonnalisationDANGEREUX ATTENTION CORRECT

0 34 40

3. Accomplissement personnel

Auteur : Mitchev ; source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Maslach_Burnout_Inventory%27s.svg

�Schéma n°2 : Exemple d’échelle de mesure du Maslach Burnout Inventory’s

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Dossier

Dépression et burnout

La psychologie définit le trouble dépressif majeur,communément appelé dépression, comme un en-chainement de plusieurs épisodes dépressifs ma-jeurs. Un épisode est caractérisé par l’apparitionde plusieurs symptômes parmi lesquels figurentl’humeur dépressive et la perte d’intérêt pour lesactivités quotidiennes, qui sont fondamentaux àl’épisode dépressif majeur. Une série d’autressymptômes peuvent intervenir : la perte ou le gainde poids, les troubles du sommeil, le sentiment dedévalorisation ou de culpabilité, les pensées demort récurrentes ou encore les idées suicidaires.On peut parler d’épisode dépressif majeur si cessymptômes se manifestent quotidiennementpendant une durée de deux semaines et s’ils in-duisent une souffrance significative ou une alté-ration du fonctionnement social de l’individu. Letrouble dépressif majeur débute généralement àla suite d’un facteur de stress psychosocial intense(décès d’un proche, divorce,…).

Le burnout et la dépression présentent une sériede caractéristiques communes quand on compareleurs critères cliniques. En effet, dans les deux cas,les symptômes dits « dysphoriques » sont prédo-minants, c’est-à-dire les troubles de l’humeur, lafatigue mentale et émotionnelle. Dès lors, si l’onenvisage la définition tridimensionnelle du bur-nout présentée ci-dessus, il est évident que la dé-pression et la composante d’épuisementémotionnel du burnout se recouvrent en grandepartie. Par contre, les deux autres dimensions duburnout (dépersonnalisation et réduction de l’ac-complissement personnel) ne présentent pas decorrélation systématiques avec la dépression. Lesobservations cliniques mettent plusieurs diffé-rences en exergue entre les deux syndromes. Lespersonnes en burnout ont en général :• une vitalité plus grande ; • perdent plus rarement du poids ; • éprouvent un sentiment de culpabilité moins

délirant ; • attribuent leur indécision ou leur inactivité à

leur fatigue plutôt qu’à une maladie.

Les troubles du sommeil s’expriment aussi diffé-remment : les personnes en burnout ont plus dedifficulté à trouver le sommeil tandis que les per-sonnes en dépression ont plus de mal à se lever lematin.

Enfin, plus fondamentalement, la relation du bur-nout au travail constitue l’élément le plus discri-minant pour différencier les deux syndromes. Eneffet, la dépression est un trouble de l’humeur gé-néral et non spécifique à une sphère de la vie enparticulier. Le burnout, quant à lui, constitue uneatteinte au bien-être affectif en lien avec le travail.Par exemple, des études menées auprès d’ensei-gnants montrent que le manque de réciprocitédans la relation professeur/élève - stresseur lié autravail - prédit le burnout des enseignants et nonleur niveau de dépression. A l’inverse, le manquede réciprocité vécu par les enseignants dans leurvie privée prédit la dépression et non le burnout.

Plusieurs études menées en psychologie socialesur le lien entre le stress et la dépression montrentque le burnout peut parfois agir comme média-teur de la relation entre stress et dépression.Concrètement, bien qu’il ne s’agisse nullementd’une causalité ni d’une succession stricte, le faitd’être sous le coup d’un stress professionnel peutmener à la dépression en passant d’abord par unburnout.

L’AMPLEUR DU BURNOUTNous allons à présent tenter de donner un aperçude l’ampleur du phénomène et des coûts qu’il en-gendre. Cet exercice ne sera pas simple car le bur-nout ne fait pas partie des pathologies reconnuesen Belgique. L’INAMI applique en effet la classifi-cation ICD-9 qui n’admet pas le burnout en tantque maladie. Il ne sera donc pas possible de pro-duire des données officielles en rapport avec cettepathologie en Belgique. Il existe par contre deuxétudes d’intérêt portant sur l’ampleur du burnouten Belgique. Nous allons les présenter, après avoirparcouru quelques données au niveau européen.La première enquête, réalisée par le SPF Emploi,appréhende le burnout par le biais de sa manifes-tation dans le système de santé. La seconde, por-tant sur la santé physique et mentale desdirigeants de PME, apporte des conclusions inté-ressantes sur l’état du burnout dans cette profes-sion.

Quelques chiffres relatifs à lasituation en Europe

Les données présentées ci-dessous vont nousaider à illustrer l’ampleur des pathologies men-tales liées au travail (dont le burnout) en Europe.De plus, le Journal du Conseil a sélectionné troispays (Allemagne, Pays-Bas et Finlande) dans les-quels des évaluations sérieuses ont été menées.La comparaison entre ces chiffres doit toutefoisrester prudente du fait des différences d’ap-proches méthodologiques entres les études.

A l’échelle européenneLes problèmes de stress, de dépression etd’anxiété liés au travail touchent 15,8% de la po-pulation active(2). La dépression est le plus grandproblème de santé mentale chez les Européens enâge de travailler : 20% d’entre eux ont reçu undiagnostic de dépression à un moment de leur vie.Le coût de la dépression a été estimé à 92 milliardsd’euros en 2010 au sein de l’UE, avec une perte deproductivité représentant plus de 50% du totaldes coûts liés à la dépression(3).

En AllemagneUn Allemand sur cinq souffre de troubles psy-chiques à cause de son travail. 14,3% des arrêtsmaladies diagnostiqués avaient pour origine unedépression ou un burnout(4).

Aux Pays-Bas Entre 10 et 11% des travailleurs néerlandais sontatteints de burnout(5). Les coûts de l’absentéismeliés au stress au travail sont évalués à 6 milliardsd’euros(6).

En Finlande 25% des travailleurs finlandais âgés de 30 à 64 anssouffrent de burnout moyen et 2,5% d’épuise-ment professionnel7).

La situation en Belgique

Recherche sur le burnout au sein de lapopulation active belge

En 2010, le SPF Emploi, Travail et Concertation so-ciale a publié la première étude portant sur la fré-quence du burnout chez les travailleurs belges.Celle-ci a été menée par un consortium multidis-ciplinaire composé des Professeurs Isabelle Han-sez et Philippe Mairiaux de l’Université de Liège,du Professeur Pierre Firket du « Cites - Clinique duStress » et du Professeur Lutgart Braeckman del’Université de Gand.

Après avoir effectué une revue de la littératurescientifique, l’équipe de chercheurs a réalisé uneestimation de la prévalence (c’est-à-dire la mesurede la fréquence d’une affection au sein d’une po-pulation) du burnout en Belgique à travers son ex-pression au niveau du système de santé. Cettepartie nous intéresse particulièrement puisqu’ellelivre une approche quantitative du burnout enBelgique.

La plupart des études menées sur la fréquence duburnout au sein d’une population se basent surl’utilisation des échelles d’autoévaluation, tellesque le MBI ou l’OLBI. L’originalité de cette re-cherche est qu’elle s’appuie sur le diagnostic desmédecins. En tout 346 médecins (178 généralisteset 168 médecins du travail) ont accepté de prendrepart durant trois mois à l’étude. Ils ont chacunreçu des fiches à compléter et à renvoyer : unefiche « médecin » reprenant quelques donnéessur le médecin lui-même, des fiches mensuellesindiquant le nombre de consultations effectuéeschaque mois et des fiches « patient/travailleurs »compilant les informations sur les personnes ren-contrées et les symptômes observés. L’étude acommencé en avril 2010 et a pris fin en août 2010.

• 19.000 travailleurs touchés par leburnout en Belgique

Au cours de la période étudiée, les médecins ontdiagnostiqué 1.089 cas de burnout sur les 135.131contacts-patients enregistrés. La prévalence duburnout au sein de population active belge a doncpu être estimée à 0,8%. Les résultats obtenus chezles médecins généralistes et chez les médecins dutravail sont comparables. Les chercheurs ont cal-culé que ce résultat, rapporté à la population destravailleurs salariés belges (environ 3.400.000personnes en 2010), suivis par la médecine du tra-vail (70% d’entre eux), équivalait à 19.000 cas deburnout diagnostiqués en Belgique sur la période.

A première vue, ce chiffre de prévalence paraît fai-ble en comparaison des taux avancés par d’autresétudes (cf. chiffres avancés plus haut) mais il dé-coule en réalité de l’approche choisie par l’équipede chercheurs(8). En effet, il est logique que la pré-valence mesurée à travers le contact avec le sys-tème médical soit largement inférieure à celledérivée des échelles d’auto-évaluation. Il estconnu dans la littérature médicale que le pour-centage de patients qui consultent un médecin etqui sollicitent un arrêt-maladie, ne représente ef-fectivement qu’une fraction des patients décla-rant souffrir d’une pathologie. La méthodeoriginale utilisée dans l’étude introduit donc uncritère de sévérité objectif dans l’évaluation de laprévalence du burnout. Les 19.000 patients ensouffrance du burnout ne représentent donc quele sommet de l’iceberg.

• Autres enseignements de l’étudeAu niveau du profil des patients, il est apparu quel’échantillon comprenait davantage de femmestouchées par le burnout. Cette observation peutêtre rapprochée des données issues de la littéra-ture médicale indiquant que les femmes ont ten-dance à consulter plus souvent le médecin que leshommes. Au niveau des tranches d’âge, les 45-55ans sont les plus touchés par le burnout.

L’étude a permis d’identifier des symptômes clésassociés à un burnout. Les six symptômes les plusfréquemment cités par les patients sont les trou-bles du sommeil (60,8%), la diminution d’énergie(53%), les plaintes neurovégétatives/fonction-nelles(9) (52,6%), la diminution de la motivation(48,4%), l’asthénie(10) (45,7%) et enfin, la frustra-tion (44,4%). L’étude a également confirmé le lienexistant entre le burnout et le contexte profes-sionnel puisque, dans 95% des cas, les symptômesdécrits par le patient ont été mis en lien avec letravail de manière explicite.

En matière d’environnement de travail, les cinqcontraintes les plus fréquemment citées par lespatients en burnout sont : la charge de travail(57,9%), la pression temporelle (41,3%), les chan-gements organisationnels (38,4%), le conflit autravail (37,4%) et la conciliation entre vie privée etvie professionnelle (30,6%). Sur base des donnéesrecueillies, une liste des ressources dont manquele travailleur peut également être établie. Les plusfréquemment citées sont : le soutien de la hiérar-chie (63,2%), la reconnaissance (47,5%), le soutiendes collègues (29,4%), les possibilités d’épanouis-sement au travail (23, 4%) et la définition destâches (19,6%). Ces résultats permettent donc detirer des conclusions quant aux politiques de pré-vention à mener contre le burnout.

(2) Eurostat : Work and Health in the EU, a statistical portrait – 2004(3) European Depression Association : Impact of Depression at work in Europe Audit – 2012 (4) D’après une étude réalisée au premier semestre 2011 par la caisse d’assurance maladie « Techniker Krankenkasse » à partir des données re-

cueillies sur ses 3,4 millions d’assurés.(5) Permanent Quality of Live Survey – 2006(6) Staatsecretaris report – 2006(7) Health and Functionnal Capacity in Finland – 2004 (8) Ce chiffre de prévalence obtenu peut être comparé aux résultats d’une autre étude menée en France en 2000 à partir de données écono-

miques, statistiques et épidémiologiques et qui évaluait qu’entre 1 et 1,4% de la population active est touchée par une pathologie liée austress (Trontin – 2006). Le coût associé au stress au travail représente, dans cette étude française, 10 à 20% des coûts de la branche acci-dents du travail et des maladies professionnelles) de la sécurité sociale.

(9) Les plaintes neurovégétatives ou fonctionnelles sont des plaintes liées au fonctionnement végétatif de l’organisme, comme les palpitations,les plaintes gastro-intestinales, la respiration difficile,…

(10) L’asthénie correspond à un état de fatigue physique généralisé.

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Etude sur le burnout chez lesdirigeants de PME

En octobre 2012, une équipe de chercheurs del’ULG a publié les résultats d’une enquête portantspécifiquement sur la santé des dirigeants dePME, intitulée : « Stress et santé des indépendants :quelles réalités, quelles solutions ? ». L’étude a étémenée sur base de 1.161 questionnaires remplispar des dirigeants d’entreprises de moins de 250personnes dans les provinces de Liège et deLuxembourg. Parmi les questions en lien avec lasanté des répondants, figurait une échelle de bur-nout du type OLBI comprenant huit items en re-lation avec l’épuisement émotionnel et huit avecle désengagement ou dépersonnalisation. Celle-ci a permis d’évaluer les scores de burnout dans lapopulation étudiée.

Les résultats portant sur le burnout des dirigeantsde PME ont montré que 15% d’entre eux présen-tent un score élevé d’épuisement professionnelsuivant l’échelle de mesure OLBI ; leur nombremonte à 19% si l’on considère uniquement la sous-échelle d’épuisement émotionnel. Il s’avère doncqu’un dirigeant de PME sur cinq présente lessignes précurseurs d’un burnout. Les analysesmulti-variées indiquent que le score de burnoutest corrélé avec trois variables principales : le petitnombre d’heures de sommeil, le manque d’activitéphysique et une passion faible ou moyenne pour lemétier. L’épuisement émotionnel est plus élevéchez les dirigeants qui dorment moins de sixheures par nuit, chez ceux qui ne prennent pastoujours un jour de repos par semaine, ainsi quechez ceux qui ne pratiquent pas d’activité phy-sique régulière durant les loisirs. Quant à la sous-échelle du désengagement ou dépersonnalisation,elle est influencée significativement par la passionpour le métier qui a motivé la personne à devenirdirigeant d’une PME. Ceci confirme donc que lesfacteurs motivationnels peuvent protéger les tra-vailleurs du burnout : en premier lieu, la passiondu travail, et dans une moindre mesure, la liberté,l’esprit d’innovation et de créativité.

• Autres résultats Les données recueillies montrent que les diri-geants de PME perçoivent leur santé de manièreplus négative que le reste de la population active :ils sont 6,6% à se considérer en mauvaise ou trèsmauvaise santé contre seulement 1,7% dans la po-pulation active belge ; 67,3% pensent être enbonne ou très bonne santé contre 82% dans la po-pulation active belge. Les problèmes les plus fré-quemment rencontrés sont une fatigue généralepour 74,7% des dirigeants (vs 34% dans la popula-tion active belge) ; des douleurs musculaires par74% (vs 40%) ; des maux de dos dans 67,6% descas (vs 44%)(11).

En ce qui concerne le temps de travail, ils sont 37%à travailler plus de 60 heures par semaine, et 42%plus de 10 heures par jour ; 46% travaillent tou-jours le samedi. Parmi les répondants, 18% travail-lent tous les jours et seulement 29% s’accordenttoujours un jour sans travail par semaine. Quantaux congés annuels, 24% d’entre eux s’accordentmaximum 10 jours de congé par an et seulement23% plus de 20 jours.

Les dirigeants de PME ont été invités à évaluer unesérie de causes potentielles de stress. La charge detravail est, à l’instar de l’étude analysée précé-demment sur le burnout dans la population ac-tive en général, la première cause de stressmentionnée. Pour 46% d’entre eux, elle est consi-dérée comme un facteur d’importance élevée. Lescharges administratives (43%), les problèmes detrésorerie et d’impayés (36% et 35%) et la gestiondu personnel (34%) sont également cités commefacteurs élevés de stress parmi cette population.De manière générale, les analyses statistiquesmettent en évidence certains déterminants de ladégradation des indicateurs de santé physique etmentale des dirigeants de PME. Trois facteurs si-gnificatifs sont identifiés par l’étude : en premierlieu, le nombre d’heures de sommeil ; en secondlieu, l’absence d’une activité physique régulièredurant les loisirs ; en troisième lieu, le nombred’heures travaillées par semaine.

Le coût du burnout enBelgique

Selon un rapport du SPF Sécurité sociale publié fin2012(12), les dépenses totales de santé pour l’année2011 s’élevaient à 24 milliards d’euros. Cela repré-sente une hausse de 4 milliards d’euros par rap-

(11) Les comparaisons sont basées sur l’enquête « Eurofund : European Working Conditions Survey » - 2010(12) SPF Sécurité Sociale : Les dépenses sociales en Belgique, Chiffres clés – 2012(13) OCDE : Mal-être au travail, Mythes et réalités sur la santé mentale et l’emploi – 2012

port à l’année 2008 et de 1,25 milliards d’euros parrapport à l’année précédente. En 2011, 289.814 tra-vailleurs étaient en situation d’incapacité de tra-vail depuis plus d’un an et donc à charge de lasécurité sociale. Cela représente 39.109 personnesde plus qu’en 2008 (+16%) et 11.743 personnes deplus qu’en 2010 (+4%). Le coût pour la sécurité so-ciale était de 3,6 milliards d’euros, soit une haussede 825 millions par rapport à 2008 (+29%) et de297 millions par rapport à 2010 (+9%) (Cf. tableaun°1). La cause principale de cette augmentation del’absentéisme de longue durée est l’augmentationdes troubles psychologiques en lien avec le travail,dont le burnout et la dépression.

D’après une étude de l’OCDE(13), les travailleurs atteints de troubles mentaux sont absents plus sou-vent et plus longtemps que les autres travailleurspour des raisons de santé. Cependant, de nom-breux travailleurs atteints de troubles mentauxne prennent pas de congés pour maladie et conti-nuent de travailler en étant moins efficaces. Cephénomène est appelé « présentéisme » par opposition à l’absentéisme. Selon cette étude, lespertes de productivité au travail peuvent êtreconsidérables. En effet, 69% des travailleurs atteints de troubles mentaux « courants » (parmilesquels la dépression ou le burnout) ont vu leurproductivité diminuer sur une période étudiée dequatre semaines ; la proportion atteint 88% parmiles travailleurs souffrant de troubles mentauxgraves. Le manque à gagner de ce présentéismeest difficile à chiffrer mais au vu des chiffres avan-cés, il pourrait représenter une perte énorme pourles entreprises.

Ces quelques chiffres témoignent du coût élevédes maladies mentales en lien avec le travail. Auvu de leur augmentation croissante, il est crucialde réfléchir aux moyens qui peuvent être mis enplace dans le contexte professionnel pour prévenirleur apparition.

Tableau n°1 : Les dépenses sociales en Belgique

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Dossier

SOIGNER LE BURNOUTPrévenir plutôt que guérir

L’intervention sur le burnout est nécessaire pourles travailleurs dans les entreprises touchéescomme nous l’explique le docteur Mesters (voirinfra). Néanmoins, une fois qu’il s’est déclenché,l’entreprise, le travailleur et la société doivent ensupporter les coûts… C’est pourquoi toute mesurevisant à empêcher le burnout de se manifester etde provoquer des dégâts est essentielle. Mais,comment agir contre les situations causes de bur-nout ? Les déterminants du burnout sont de deuxtypes : les facteurs individuels et les facteurs or-ganisationnels entrent en ligne de compte. Dèslors, en matière de prévention, une approche effi-cace doit s’appuyer sur ces deux dimensions.

Au niveau individuel, il faut savoir que la personneelle-même peut agir autant que l’entreprise. Ainsi,le travailleur, en étant attentif à son cadre de viedans et hors du travail, peut prévenir l’apparitiondu burnout. Pour cela, il faut qu’il veille à préserverun certain équilibre entre sa vie professionnelle etsa vie privée, qu’il préserve sa santé en mainte-nant une activité physique régulière et en ayantune alimentation équilibrée, qu’il retrouve le sensde son travail et l’estime de soi, qu’il apprenne àdire non et à se mettre des limites.

L’entreprise peut également participer au bien-être des travailleurs par différentes mesures vi-sant à améliorer les conditions de travail engénéral, en mettant des services à disposition destravailleurs comme par exemple une garderie. Ellepeut également fournir une série de clés aux tra-

vailleurs pour qu’ils apprennent via des forma-tions à gérer leur temps et leur stress. Des groupesde soutien ou de parole peuvent aussi être mis enplace de manière à élaborer une réflexion et desactions collectives.

Au niveau organisationnel, les interventions dansl’entreprise peuvent viser à diminuer lescontraintes pesant sur le travailleur ou à aug-menter les ressources professionnelles dont il dis-pose pour y faire face. Les politiques managérialesdoivent agir sur les facteurs qui ont causé l’appa-rition du burnout. Des solutions peuvent être ap-portées aux 6 types de déséquilibres qui peuventse manifester entre l’individu et son travail et quenous avons envisagés dans ce dossier comme descauses du burnout :

1. Aménager la charge de travail. Il est possibled’agir sur l’intensité, la longueur du travail oula complexité des tâches. Les procédures detravail peuvent être adaptées par exemple.

2. Donner davantage de contrôle aux travail-leurs, en leur donnant autonomie et soutien,et en leur permettant de participer au pro-cessus de décision.

3. Accorder des récompenses plus importantesaux travailleurs, que ce soit en terme de sa-laire, de statut ou de sécurité de l’emploi.

4. Renforcer le sens de la communauté dansl’entreprise.

5. Assurer un traitement équitable en prenantdes décisions justes et respectueuses auxyeux de tous les salariés.

6. Clarifier les valeurs essentielles de l’entre-prise afin d’éviter les conflits entre la missionde l’entreprise ou du service au public et laréalité du travail quotidien.

Voici autant de pistes pour prévenir l’apparitiondu burnout chez les salariés.

Les aspects légaux

La législation belge – la loi du 4 août 1996 relativeau bien-être des travailleurs lors de l’exécution deleur travail dite « loi bien-être » – prévoit que lesemployeurs respectent certains principes de pré-vention des risques au travail. Depuis l’arrêté royaldu 17 mai 2007, la notion de charge psychosocialefait partie de ces risques. La loi définit la chargepsychosociale comme « toute charge, de naturepsychosociale, qui trouve son origine dans l'exé-cution du travail ou qui survient à l'occasion del'exécution du travail, qui a des conséquencesdommageables sur la santé physique ou mentalede la personne ». Le burnout entre tout à fait danscette catégorie de risques.

Pour renforcer la législation, la Ministre fédéralede l’Emploi prévoit d’étendre les moyens d’actionprévus spécifiquement aux cas de violence, deharcèlement sexuel et de harcèlement moral autravail, à l’ensemble des problèmes psychosociauxqui peuvent se poser au travail. Le dossier est pourl’instant sur la table du Conseil des Ministres.Concrètement, cela voudrait dire qu’une personnevictime de burnout pourrait déposer plainte au-près de la direction générale du contrôle du bien-être au travail et que des sanctions financièrespourraient être infligées par les tribunaux si laresponsabilité de l’employeur peut être démon-trée. Il s’agirait là d’un pas important dans la priseen compte du burnout en tant que maladie pro-fessionnelle. Cela devrait en tout cas obliger lesemployeurs à prendre en compte le burnout et lesmotiver à renforcer les mesures de préventionpour éviter qu’il ne survienne dans leur entreprise.

BIBLIOGRAPHIE

• Grebot E. (2008). Stress et burnout au travail :identifier, prévenir, guérir. Paris : Eyrolles.

• Hansez I., Angenot A., Donneau A-F., Mairiaux P.,Schippers N., Eubelen I., Panda J-P. (2012). Stresset santé des indépendants. Quelles réalités, quellessolutions ? Université de Liège.

• Hansez I., Mairiaux P., Firket P. et Braeckman L.(2011). Recherche sur le Burnout au sein de la po-pulation active belge : rapport final. Bruxelles :SPF Emploi, Travail et Concertation sociale.

• Maslach C., Leiter M. (2011). Burn Out : le syn-drome d’épuisement professionnel. Paris : LesArènes.

• Mesters P., Peters S. (2007). Vaincre l’épuisementprofessionnel : toutes les clés pour comprendre leburn out. Paris : Robert Laffont.

• Wikipedia. (2013). Syndrome d’épuisement pro-fessionnel (mention « article de qualité »). URL :http://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_d'%C3%A9puisement_professionnel

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INTERVIEW DE MONSIEUR PATRICK MESTERSLe Journal du Conseil a rencontré le docteur Mesters(14), neuropsychiatre et spécialiste belge du burnout. Il a écrit en 2007 : « Vain-cre l’épuisement professionnel. Toutes les clés pour comprendre le Burn Out (Editions Robert Laffont, Paris) », en collaboration avecSuzanne Peters. Il dirige le « European Instititute for Intervention and Research on Burn Out » qui intervient avec une équipe decoaches, à la demande des entreprises confrontées au burnout.

Le Conseil : Vous êtes le directeur de l’Instituteuropéen pour l’intervention et la recherchesur le burnout. Dans ce cadre, vous êtes amenéà intervenir à la demande des entreprises.Quand font-elles appel à vos services ?

Dr. Mesters : Lorsqu’il y a crise, lorsque les indivi-dus sont en burnout, les entreprises nous appel-lent pour les sortir de là par le coaching. Lescoaches qui font partie de l’équipe de l’institutsont des anciens managers eux-mêmes, des di-recteurs d’entreprise, des entrepreneurs, des gensqui ont exercé des professions libérales. Ce ne sontpas des psychologues mais bien des gens qui sa-vent ce que c’est que de gérer une entreprise. En-suite, un réseau de psychologues, de psychiatres,interagissent avec les coaches, afin que tous lesaspects du burnout soient couverts lors de l’in-tervention : nous connaissons l’aspect managé-rial, psychologique, médical, psychiatrique, etc.Nous sommes les seuls à faire cela en Europe.

Le Conseil : En quoi consistent lesinterventions ?

Dr. Mesters : Nous agissons à plusieurs niveaux.Nous faisons d’abord de la détection en menantpar exemple une étude pour déterminer les po-pulations à risque, en termes d’âge, de sexe ou defonction. Il est également possible de déterminerquelles sont les pratiques managériales qui met-tent les travailleurs en difficulté : le manque de re-connaissance, la gestion du temps, les valeurs, lavision de l’entreprise, etc. Quand nous avons faitcela, nous proposons des programmes d’informa-tions à tous les niveaux de l’entreprise et nousmettons en place un système de détection et deprévention. Celui-ci va servir de base à l’élabora-tion d’une culture de prévention, que tous les ni-veaux de l’entreprise vont s’approprier. Nousformons les cadres à la détection, à la préventiondu burnout et nous les sensibilisons au style ma-nagérial à adopter pour prévenir les problèmes.Ceci peut aller jusqu’à discuter du «mobbing(15)»,de la violence au travail, du harcèlement, etc. Nouspouvons ensuite mettre en place un réseau de vi-

gilance composé de personnes formées pour dé-tecter et approcher les travailleurs qui connais-sent des difficultés. Tout cela est géré par uncomité de pilotage qui prend en charge la com-munication, la politique, et la culture d’entrepriseautour de la prévention du stress. Nous travaillonsavec les comités exécutifs auxquels nous expli-quons que leur support effectif est extrêmementimportant pour permettre à tous ces acteursd’être légitimes.

Le Conseil : Dans quel type d’entreprise êtes-vous amenés à intervenir ?

Dr. Mesters : Nous intervenons dans toutes les en-treprises. Nous avons travaillé comme cela dansle secteur bancaire, dans le secteur des équipe-ments automobiles, dans certains hôpitaux, dansl’industrie pharmaceutique... Le travail s’accomplitdans la durée, il faut des mois et des mois.

Le principe de base est le même et peut être ap-pliqué selon la taille ou la fonction de l’entreprise.Nous passons d’abord du temps à écouter l’entre-prise car nous partons de l’idée que c’est l’entre-prise qui est la spécialiste d’elle-même. Nousagissons simplement comme révélateur et puisnous disparaissons et l’entreprise devient alorsautonome. Nos techniques sont dérivées de l’ap-proche systémique, que nous appliquons aux or-ganisations. La systémique part de l’idée que s’il ya un symptôme dans une entreprise, il est générépar l’entreprise. C’est un processus inconscientmais il a une signification et un rôle dans l’entre-prise. Le burnout, selon moi, c’est un peu le canariembarqué dans les veines de charbon avec les mi-neurs, qui, lorsqu’il arrête de chanter, annonce ledanger de grisou. Le burnout d’un individu ou d’ungroupe est ce canari. Ces entreprises font appel ànous et nous disent que quelque chose ne va pas,elles veulent savoir pourquoi. Elles veulent savoirà quoi réfléchir pour consolider les travailleurs,qu’ils ne tombent pas dedans, quels changementspourraient être apportés en terme de conditionsde travail, d’organisation, de style de leadership,etc.

Le Conseil : Lorsque vous travaillez avec despetites entreprises, intervenez-vous demanière différente ?

Dr. Mesters : Non, pas vraiment. En fait, des petitesaux grandes entreprises, les complexités sont dif-férentes et donc les approches doivent être diffé-rentes. Mais les grands principes sont les mêmes…

Dans le cas des petites entreprises, la difficultéprovient du fait que le dirigeant est à la fois aufour et au moulin. Il doit s’occuper du marché, desclients, des produits, du réapprovisionnement, dessalariés qu’il occupe, de la gestion financière. Il estconfronté à des sources de stress particulières,comme le manque de vue sur le long terme, lesproblèmes de trésorerie, les payements qui ne sefont pas au jour le jour, les problèmes de concur-rence, etc. C’est ça qui provoque son burnout : ildoit être partout, tout le temps. Dans certains cas,le dirigeant peut porter un poids moral et psy-chologique particulier du fait qu’il s’agit d’une en-treprise familiale, développée parfois depuisplusieurs générations. Il éprouve une sorte de res-ponsabilité morale. Vous n’êtes pas confronté à cegenre d’état d’esprit dans les grandes entreprises.Les relations avec les salariés sont plus complexescar le dirigeant les connaît, il y a un poids émo-tionnel et sentimental. Ce lien affectif est présentquand il doit prendre des décisions... Quand vousêtes à la tête d’une multinationale basée à New-York, vous n’éprouvez pas le même genre de sen-timent que lorsque vous licenciez 30 personnesen Belgique…

Toutes ces caractéristiques-là font que l’accom-pagnement du burnout d’un chef de PME est par-ticulier. Cela doit se traduire dans l’intervention,en adaptant les façons de faire et le coaching.

PROPOS RECUEILLIS PAR JÉRÔME NOËL

“... Le burnout, selon moi, c’est un peu le canariembarqué dans les veines de charbon avec les mineurs,qui, lorsqu’il arrête de chanter, annonce le danger degrisou ...

“... Dans le cas despetites entreprises, ladifficulté provient du faitque le dirigeant est à lafois au four et aumoulin ...

(14) [email protected] - http://www.burnhout-institute.org/(15) Le « mobbing » est une forme de harcèlement moral destinée à pousser un salarié à quitter volontairement son poste

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