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1 PARTICULARITÉS PHYSIOLOGIQUES DE L'ENFANT Dr. Bernard Dalens CHUL du CHUQ L'enfant n'est pas ou pas seulement un adulte en miniature. C'est un être en développement non seulement sur le plan de la taille de son organisme et de ses organes, mais également sur le plan de ses grandes fonctions biochimiques, physiologiques mais aussi psychoaffectives et comportementales. Ce cours vise à donner un bref aperçu des principaux changements qui s'opèrent au cours de l'enfance (période néonatale exceptée, qui fera l'objet d'un cours séparé), en insistant principalement sur les particularités qui ont une incidence sur la prise en charge anesthésique. CROISSANCE STATURO-PONDÉRALE ET MATURATION DES ORGANES Le développement de l'enfant, de la naissance à l'âge adulte, est marqué par de nombreux changements physiques, physiologiques, psychomoteurs et affectifs qui ne s'opèrent pas au même rythme pour toutes les fonctions ni nécessairement au même âge pour tous les enfants mais qui se font toujours dans le même ordre. Le développement physique comporte 2 aspects, la croissance et la maturation. La croissance représente l'aspect quantitatif, facilement mesurable ; elle est très rapide durant les 3-4 premières années de vie puis sa vitesse se ralentit pour s'accélérer à nouveau au moment de la puberté qui survient en moyenne 2 ans plus tôt chez la fille que chez le garçon. Les paramètres les plus utiles pour vérifier son bon déroulement sont le poids, la taille et l'indice de masse corporelle. La maturation des organes et des tissus représente le volet qualitatif du développement physique. Les indicateurs les plus utilisés pour l'évaluer sont l'étude des maturations dentaire, osseuse et des caractères sexuels secondaires (maturation sexuelle). La maturation du système immunitaire est plus difficile à évaluer mais la connaissance de ses particularités, notamment durant la 1 ère année de vie, est importante car il en découle des risques infectieux et des précautions particulières à prendre (antibioprophylaxie), notamment du fait : - du défaut de chimiotactisme et de migration des polynucléaires et des monocytes vers les sites infectieux, - de l'insuffisance des différents composés du complément, - et du caractère "naïf "des lymphocytes T et B capables d'une réponse uniquement de type primaire. DÉVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR Le développement psychomoteur de l'enfant est davantage qu'un simple processus de maturation car il est intimement lié à ses capacités cognitives, relationnelles, intellectuelles et affectives. Il présente 3 caractéristiques majeures (ou "lois") : - loi de différenciation : il s'effectue dans le sens d'un perfectionnement progressif ; - loi de variabilité : la progression des acquisitions n'est pas continue et régulière mais procède par alternance de poussées et de paliers ; - loi de chronologie : l'ordre de maturation est constant avec une progression simultanément rostro-caudale et centripète ; le contrôle musculaire volontaire s'acquiert du haut (face et cou) vers le bas (membres inférieurs) et de la racine des membres vers les extrémités (bras avant doigts). Le développement affectif a été principalement étudié par 3 écoles psychanalytiques qui proposent chacune une classification de stades de développement psycho-affectif :

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PARTICULARITÉS PHYSIOLOGIQUES DE L'ENFANT

Dr. Bernard Dalens

CHUL du CHUQ

L'enfant n'est pas – ou pas seulement – un adulte en miniature. C'est un être en développement

non seulement sur le plan de la taille de son organisme et de ses organes, mais également sur le

plan de ses grandes fonctions biochimiques, physiologiques mais aussi psychoaffectives et

comportementales. Ce cours vise à donner un bref aperçu des principaux changements qui

s'opèrent au cours de l'enfance (période néonatale exceptée, qui fera l'objet d'un cours séparé), en

insistant principalement sur les particularités qui ont une incidence sur la prise en charge

anesthésique.

CROISSANCE STATURO-PONDÉRALE ET MATURATION DES ORGANES

Le développement de l'enfant, de la naissance à l'âge adulte, est marqué par de nombreux

changements physiques, physiologiques, psychomoteurs et affectifs qui ne s'opèrent pas au

même rythme pour toutes les fonctions ni nécessairement au même âge pour tous les enfants

mais qui se font toujours dans le même ordre. Le développement physique comporte 2 aspects, la

croissance et la maturation. La croissance représente l'aspect quantitatif, facilement mesurable ;

elle est très rapide durant les 3-4 premières années de vie puis sa vitesse se ralentit pour

s'accélérer à nouveau au moment de la puberté qui survient en moyenne 2 ans plus tôt chez la

fille que chez le garçon. Les paramètres les plus utiles pour vérifier son bon déroulement sont le

poids, la taille et l'indice de masse corporelle.

La maturation des organes et des tissus représente le volet qualitatif du développement physique.

Les indicateurs les plus utilisés pour l'évaluer sont l'étude des maturations dentaire, osseuse et

des caractères sexuels secondaires (maturation sexuelle). La maturation du système immunitaire

est plus difficile à évaluer mais la connaissance de ses particularités, notamment durant la 1ère

année de vie, est importante car il en découle des risques infectieux et des précautions

particulières à prendre (antibioprophylaxie), notamment du fait :

- du défaut de chimiotactisme et de migration des polynucléaires et des monocytes vers les

sites infectieux,

- de l'insuffisance des différents composés du complément,

- et du caractère "naïf "des lymphocytes T et B capables d'une réponse uniquement de type

primaire.

DÉVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR

Le développement psychomoteur de l'enfant est davantage qu'un simple processus de maturation

car il est intimement lié à ses capacités cognitives, relationnelles, intellectuelles et affectives. Il

présente 3 caractéristiques majeures (ou "lois") :

- loi de différenciation : il s'effectue dans le sens d'un perfectionnement progressif ;

- loi de variabilité : la progression des acquisitions n'est pas continue et régulière mais

procède par alternance de poussées et de paliers ;

- loi de chronologie : l'ordre de maturation est constant avec une progression simultanément

rostro-caudale et centripète ; le contrôle musculaire volontaire s'acquiert du haut (face et

cou) vers le bas (membres inférieurs) et de la racine des membres vers les extrémités (bras

avant doigts).

Le développement affectif a été principalement étudié par 3 écoles psychanalytiques qui

proposent chacune une classification de stades de développement psycho-affectif :

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- école de Freud : le développement de l'enfant est classé en 5 stades successifs (oral, anal;

phallique, latent, génital), conçus comme des paliers successifs d'équilibration du

désir/affectivité, chacun étant caractérisé par une partie dominante du corps et un mode

particulier de relation avec le monde extérieur ;

- école de Piaget : l'évolution de l'enfant résulte d'une recherche de l'équilibre entre

accommodation et assimilation, qui s'effectue en 4 stades successifs principaux (et de

nombreux sous-stades) :

o stade sensori-moteur (0 - 2 ans) : l'intelligence de l'enfant est sensorielle et motrice (il

est en constant mouvement) ;

o stade préopératoire (2 - 7 ans) : l'enfant accède aux symboles, ce qui lui permet de

passer des schèmes sensori-moteurs aux schèmes conceptuel ; il reconstruit au plan

de la pensée ce qu’il avait construit au plan sensori-moteur ;

o stade des opérations concrètes (8 -12/14 ans) : l'enfant devient capable d'intégrer des

schémas abstraits élaborés (que Piaget appelle "opérations") comme la réversibilité, la

classification logique, l’addition, la soustraction, la multiplication, la division, la

sériation ;

o stade des opérations formelles (adolescence) : l’enfant devient capable de manipuler

et d’organiser tant les idées que les objets ; il est capable d'émettre des hypothèses

d'action, de faire des généralisations (comme étendre ses raisonnements à des

situations dont il n’a jamais fait l’expérience), de mettre en place des stratégies

systématiques pour résoudre un problème.

- école de Wallon qui décrite 6 stades post-natals :

o stade impulsif et émotionnel (0 – 1 an), caractérisé par un désordre gestuel

(impulsivité motrice pure) et une symbiose émotionnelle avec l'entourage ;

o stade sensori-moteur et projectif (1 - 3 ans) : l’enfant développe deux types

d’intelligences, l’intelligence pratique, liée à la manipulation des objets, à

l’exploration de l’espace proche puis lointain grâce à la marche, et l’intelligence

représentative ou discursive liée au langage.

o stade du personnalisme (3 - 6 ans) : l'enfant passe d'abord par une période

d’opposition et d’inhibition, puis une période de "grâce" (4 ans) et enfin une période

d'imitation et de frustrations (5 ans) ;

o stade catégoriel (6 - 11 ans), caractérisé par la prépondérance des activités

intellectuelles sur les conduites affectives avec l'acquisition du pouvoir

d'autodiscipline mentale ou "d’attention" ;

o stade de l’adolescence à partir de 11 ans, caractérisé par le développement de

l’aptitude catégorielle qui permet à l'enfant de se concevoir comme une unité pouvant

appartenir à des groupes différents et avoir des rôles différents ; il devient capable de

construire des connaissances de plus en plus précises des objets et de lui-même.

PHYSIOLOGIE RESPIRATOIRE

Voies aériennes supérieures

Les voies aériennes supérieures subissent de nombreuses transformations au cours de la

croissance :

- augmentation progressive de la largeur antéropostérieure du nasopharynx et modification

de son axe par rapport à celui de l'oropharynx qui atteint progressivement 90° à la fin de

l'adolescence secondaire à la migration antérieure du massif facial et au recul de l'os

occipital ;

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- changement d'orientation des cordes vocales : chez le nouveau-né et le nourrisson, les

cordes vocales ne sont pas perpendiculaires au grand axe de la trachée comme chez

l'adulte, mais ont une insertion postérieure plus haut située que l'insertion antérieure : si

l'on défléchit trop la tête lors d'une intubation, l'extrémité de la sonde risque de se loger en

arrière du clapet formé par la corde vocale et ne pas pénétrer dans la trachée ou risquer de

léser la corde concernée.

Nouveau-né

Cordes vocales

AdulteNouveau-né

Cordes vocales

Adulte

- descente du larynx qui éloigne l'épiglotte du voile du palais, ce qui allonge la cavité

pharyngée ; dans le même temps, le larynx augmente de taille ; sa partie la plus étroite se

situe au niveau des cordes vocales mais celles-ci peuvent être écartées par la sonde

endotrachéale, ce qui fait qu'en pratique c’est le cartilage cricoïde, inextensible, qui est la

zone anatomiquement la plus étroite du larynx : les lésions post-intubation se retrouvent

soit au niveau des cordes vocales (intubation traumatique) soit au niveau sous-glottique et

cricoïdien (sonde trop grosse) ;

- diminution relative de la taille de la langue qui suit le mouvement d'allongement du

pharynx et se trouve donc progressivement déplacée vers l'arrière et vers le bas ; il en

résulte un meilleur dégagement des structures laryngées lors de l'intubation à mesure que

l'enfant grandit. Les anomalies de croissance de la mandibule (syndrome de Treacher

Collins par exemple) retentissent fortement sur cette évolution en réduisant la taille de la

cavité orale (la langue reste donc très obstructive) ; l'intubation peut devenir d'autant plus

difficile que l'ouverture de bouche est souvent très limitée également ;

- augmentation du diamètre trachéal de manière linéaire avec l'âge ;

20-

18-

16-

14-

12-

10-

8-

6-

4-

2-

0-0 2 4 6 8 10 12 14 16

Années

mm

Age

Dia

tre

trac

héa

l

- augmentation de longueur de la trachée : durant les 3 premiers mois de vie, la longueur

trachéale moyenne est 5,04 cm entre la carène et le bord supérieur des cordes vocales et

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de 4,12 cm de la carène au 1er

anneau trachéal : cette brièveté trachéale expose à la fois au

risque d'extubation accidentelle et à celui d’intubation bronchique lors de la mobilisation

de la tête d'un enfant intubé, surtout lors des mouvements de flexion/extension du cou ;

- rigidification des anneaux trachéaux et bronchiques, ce qui réduit leur tendance au

collapsus expiratoire ; la compliance trachéo-bronchique diminue (donc la rigidité

augmente) avec la croissance : plus l'enfant est petit, plus la trachée et les bronches

risquent de se collaber pour de faibles variations de pression transmurale ;

- musculature lisse bronchique peu développée à la naissance, en particulier pour ce qui

concerne les fibres résistantes à la fatigue (épuisement rapide à l'effort respiratoire) ; à

mesure que l'enfant grandit, la musculature bronchique se renforce et la proportion de

fibres de type I augmente fortement, pour atteindre un maximum à l'adolescence.

- les anciens prématurés ont souvent aussi une réduction définitive de la taille de leur arbre

bronchique ce qui augmente chez eux le risque de bronchiolite sévère, ainsi que celui de la

persistance de sibilances après la phase infectieuse aiguë.

Cage thoracique

À la naissance, les côtes sont horizontales. La zone d'apposition costale du diaphragme est

réduite et le muscle travaille dans une configuration défavorable : le rendement est faible et la

fatigue musculaire s'installe rapidement lorsque le travail ventilatoire augmente. À mesure que

l'enfant grandit, les côtes se verticalisent progressivement pour atteindre leur orientation

définitive vers l'âge de 10 ans. Le travail du diaphragme est facilité d'autant plus que l'enfant

acquiert la position verticale, et son rendement s'améliore considérablement,

En outre, le nourrisson a une cage thoracique très déformable parce que peu ossifiée et très

compliante (la compliance de l'enfant de moins de 1 an est supérieure de 50% à celle du

nourrisson plus âgé) : le couplage thorax-poumon est particulièrement médiocre, rendant

possible l'apparition d'un asynchronisme ventilatoire avec des mouvements paradoxaux même en

ventilation calme et pendant les phases de sommeil paradoxal, sans pathologie associée. Après

l'âge de 1 an, la rigidité de la cage thoracique augmente : la compliance thoracique diminue

fortement et les risques d'asynchronisme ventilatoire disparaissent.

Volumes et compliances thoraco-pulmonaires

Le développement du poumon est complexe et ne s'achève que longtemps après la naissance. On

évalue la fonction respiratoire en mesurant les volumes gazeux pulmonaires, les propriétés

statiques de l'ensemble poumon/paroi thoracique (compliance ou courbe pression/volume) et

dynamiques (résistance des voies aériennes).

Volumes respiratoires 3 mois Adulte Facteur de

croissance

Volume pulmonaire total 20 mL (5-7 mL/kg) 450 mL (6 mL/kg) 22

Volume courant (mL/kg) 6-8 7 1

Capacité résiduelle

fonctionnelle

90

(30 mL/kg)

2400

(34 mL/kg)

1

Espace mort anatomique 7 mL (2,5 mL/kg) 150 mL (2 mL/kg) 20

Espace mort physiologique 0,3% 0,3% 1

Fréquence respiratoire 40-60/min 12-16/min 0,3

Variation des volumes pulmonaires au cours de la croissance

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Les paramètres les plus importants sont le volume courant (faible chez le nourrisson), la

ventilation alvéolaire (élevée), la capacité résiduelle fonctionnelle (réduite) et le volume de

fermeture, très augmenté sous anesthésie et en cas d'infection pulmonaire chez le nourrisson.

La compliance pulmonaire est très faible chez le nourrisson (,8 mL/cmH2O) par rapport à l'adulte

(140-200 mL/cmH2O). À l'inverse de la compliance pulmonaire, la compliance thoracique, qui

évalue les propriétés élastiques de la cage thoracique, est d'autant plus élevée que l'enfant est

plus jeune (moindre ossification des pièces osseuses, côtes et sternum, qui sont très "élastiques"

chez le nourrisson). Concrètement, cela signifie que, pour respirer efficacement, le nourrisson

doit fournir un plus gros effort inspiratoire et créer une plus grande négativation de sa pression

intrapleurale, ce qui entraîne une plus forte rétraction pariétale, un plus grand travail respiratoire

et une moindre efficacité des échanges gazeux.

En fin d'expiration, les forces élastiques opposées du poumon, de la paroi thoracique et du

diaphragme s'équilibrent et le volume pulmonaire résiduel représente la capacité résiduelle

fonctionnelle, qui est corrélée à l'âge, au poids et à la taille de l'enfant. Comme la compliance

thoracique est élevée chez le nourrisson, l'équilibre entre les forces élastiques du poumon et de la

paroi thoracique favorise la rétraction pulmonaire, c'est-à-dire la diminution du volume courant,

la réduction de la CRF et la tendance à l'atélectasie.

Les résistances des voies respiratoires sont d'autant plus grandes que l'enfant est plus petit et que

la muqueuse respiratoire est plus inflammatoire (donc épaissie).

Propriétés statiques et dynamique

thoraco-pulmonaires

3 mois Adulte Facteur de

variation

Compliance pulmonaire (mL/cm H2O) 5-6 200 40

Compliance thoracique (mL/cm H2O/kg) 1 2,5-3 2,5-3

Compliance spécifique (compliance/CRF) 0,04-0,06 0,04-0,07 1

Résistance pulmonaire (cm H2O/L/sec) 25-30 1,6 0,05

Variations des compliances et résistances thoraco-pulmonaires au cours de la croissance

100

80

60

40

20

+20 +10 0 -10 -20 -30 -40

%

cmH2O

%100

80

60

40

20

+30 +20 +10 0 -10 -20 -30 -40cmH2O

Nourrisson Adulte

Compliance thoracique Compliance pulmonaire totale

Compliance pulmonaire

100

80

60

40

20

+20 +10 0 -10 -20 -30 -40

%

cmH2O

%100

80

60

40

20

+30 +20 +10 0 -10 -20 -30 -40cmH2O

Nourrisson Adulte

Compliance thoracique Compliance pulmonaire totale

Compliance pulmonaire

La capacité résiduelle fonctionnelle est active chez le nourrisson du fait de la grande compliance

de la cage thoracique à cet âge (surtout avant 1 an) : pour compenser les conséquences de cette

compliance accrue, le nourrisson met en jeu d'une part les muscles adducteurs de son larynx,

créant un frein laryngé (ou glottique) et d'autre part son diaphragme en fin d'inspiration, ce qui

réalise un frein diaphragmatique.

En outre, la fréquence respiratoire élevée à cet âge réduit fortement le temps expiratoire et

contribue à maintenir une hyperinflation pulmonaire relative en ventilation spontanée. Cette

hyperinflation dépend également du niveau de vigilance. Durant le sommeil certains nourrissons

voient leur CRF diminuer de façon importante, ce qui provoque une chute de la PaO2 et une

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désaturation. Le phénomène se corrige normalement après l'âge de 1 an avec la rigidification de

la cage thoracique. La CRF augmente avec la taille et l'âge, mais de manière non linéaire : elle

s'accélère vers l'âge de 4-5 ans, puis augmente de manière régulière jusqu'en période pré-

pubertaire où elle subit un ralentissement avant de s'accélérer de nouveau pendant la puberté.

L'anesthésie réduit fortement la CRF, surtout chez le nourrisson, ce qui place le patient dans la

portion basse de la courbe sigmoïde de pression/ventilation demandant l'établissement de

pressions élevées (donc un travail respiratoire important) pour récupérer un volume pulmonaire

acceptable : on comprend dans ces conditions que le maintien d'une ventilation spontanée au

cours d'une anesthésie générale n'est acceptable que pour de très courtes périodes (15 min au

plus avant 1 an) sous couvert d’une CPAP et à condition de ne pas entraver davantage la

mécanique respiratoire (par une incision abdominale par exemple).

Échanges gazeux et travail respiratoire

Les échanges gazeux respiratoires dépendent de la ventilation alvéolaire qui ne représente qu'une

fraction de la ventilation pulmonaire dont 1/3 ne fait que balayer l'espace mort anatomique (voies

aériennes) et physiologique (alvéoles non perfusées). La ventilation alvéolaire est

comparativement beaucoup plus importante chez le nourrisson (100 à 150 mL/kg/min) que chez

l'adulte (60 mL/kg/min) du fait des besoins métaboliques élevés, de la consommation d'O2 plus

importante et de la taille relative des poumons beaucoup plus petite. Elle se dégrade lorsque la

compliance diminue et que les résistances augmentent.

La distribution de la ventilation est affectée par les forces de gravité. Chez l'adulte, en position

verticale, la dépression pleurale des sommets est plus forte que celle des bases : en fin

d'expiration, les alvéoles des sommets restent davantage remplis que ceux des bases et lors d'une

inspiration normale, les sommets reçoivent moins d'air que les bases où la compliance thoraco-

pulmonaire est plus favorable (partie la plus verticale de la courbe pression/volume). De même,

en décubitus latéral, chez l'adulte, le poumon inférieur est mieux ventilé que le poumon

supérieur.

Chez le nourrisson, jusque vers l'âge de 2 ans, la situation inverse se produit. La partie du

poumon qui est la mieux ventilée est celle qui se trouve en position supérieure, que le poumon

soit sain ou pathologique. De même, en cas de pathologie pulmonaire unilatérale, l'oxygénation

est améliorée si c'est le poumon sain qui est en position supérieure lorsque l'enfant est placé en

décubitus latéral. La raison de cette différence tient à la compliance de la paroi thoracique et au

volume de fermeture plus élevé à cet âge.

Les anomalies de distribution sont aggravées par l'anesthésie. Les atélectasies sont fréquentes en

fin d'induction anesthésique chez le nourrisson. L'addition d'une faible pression expiratoire

positive (5-6 cm H2O) permet de prévenir la complication et de restaurer une compliance

normale avec une bonne saturation, surtout dans la tranche d'âge des moins de 8 mois (Figure 3-

7).

Le travail respiratoire est comparativement très important chez le petit nourrisson qui est exposé

au risque d'épuisement rapide en cas d'augmentation des besoin. Il est très dépendant des

tensions alvéolaires de surface qui sont presque complètement annulées par le surfactant.

Paramètres respiratoires 3 mois Adulte Facteur de

croissance

Fréquence respiratoire 40-60/min 12-16/min 0,3

Ventilation minute (mL/min) 650 7000 11

Ventilation alvéolaire

- en mL/min

- en mL/kg/min

400

4200

10

100-150 60 0,5

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7

- mL/m2/min 2,3 2,3 1

Consommation d'O2

- en mL/min

- en mL/kg/min

18

250

14

6,8 3,3 0,5

Travail respiratoire (g/cm/L) 2000-4000 2000-7000 1-2

Élimination de CO2 (mL/kg/min) 6 3 0,5

Capacité de diffusion (mL CO/kPa/min) 6-22,5 112-188 10-20

Shunt physiologique 6-10% 1-3% 0,15-0,4

Variations de la ventilation alvéolaire, du travail respiratoire et de la diffusion des gaz au cours

de la croissance

Contrôle de la respiration

Le contrôle de la respiration est le résultat d'une action coordonnée de nombreux muscles

(principalement le diaphragme) dont la rythmicité de la contraction dépend de centres

respiratoires situés dans le tronc cérébral eux-mêmes rétrocontrôlés par de nombreux

mécanismes de régulation (récepteurs périphériques et centraux) permettant d'ajuster la

ventilation alvéolaire aux besoins du métabolisme. Ces mécanismes régulateurs sont immatures

chez le petit nourrisson, en particulier pendant le sommeil, augmentant fortement les risques

d'apnée centrale (même lorsque la cause est une obstruction périphérique).

Hémoglobine fœtale et transport de l'oxygène

Le transport de l'oxygène est principalement assuré par l'hémoglobine dont la courbe de

dissociation est modifiée par les variations de PaCO2 et de pH. Le sang du nouveau-né est très

riche en Hb fœtale dont l'affinité pour l'O2 est supérieure à celle de l'Hb adulte : le relargage de

cet O2 en périphérie est plus difficile. Avec 80% d'HbF, la saturation normale du nouveau-né est

de 90% pour une PaO2 de 50 mmHg. Le remplacement de l'HbF par l'HbA fait passer la P50

(valeur de PO2 pour laquelle la saturation de l'Hb est de 50%) s'élève de 21 mmHg jusqu’aux

environs de 27 mmHg vers 3 mois. L'élimination du CO2, beaucoup plus soluble que l'O2, est

plus simple et ne fait pas intervenir de protéine porteuse.

Age P50 (mmHg) Saturation pour

une PvO2 de 40

mmHg (%)

Hémoglobinémie

(g/L)

Pouvoir

oxyphorique

(mL/100mL)

1 jour 19,4 87 17,2 1,84

1 mois 22,7 80 13,0 2,61

2 mois 24,4 77 11,0 2,65

3-4 mois 26,5 73 10,5 3,10

6 mois 27,8 69 11,3 3,94

1 an 30,0 65 11,8 4,74

5-8 ans 29,0 67 12,6 4,73

9-12 ans 27,9 69 13,4 4,67

Adulte 27,0 71 15,0 4,92

Tableau 3-5 : Variation de la P50, du taux d'hémoglobine et du pouvoir oxyphorique du sang

selon l'âge

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Malgré les variations importantes de l'hémoglobinémie au cours de la croissance, le relargage

d'O2 en périphérie augmente constamment. Les valeurs érythrocytaires de 2,3-DPG ainsi que

d'ATP restent hautes pendant la même période ce qui explique la bonne tolérance des enfants à

l'anémie.

Synthèse des particularités importantes pour l’anesthésie

Le développement des voies aériennes supérieures et les particularités de la physiologie

respiratoire peuvent interférer notablement avec le bon déroulement de l'anesthésie et rendre

l'intubation difficile. On retiendra particulièrement :

- la disproportion relative entre la tête (volumineuse) et le corps (grêle), réunis par un cou

court et peu mobile chez le tout-petit ;

- le volume important de la langue par rapport à la taille de la cavité orale ;

- l'étroitesse des voies nasales, saignant facilement (muqueuse fragile), aisément obstruées

par des sécrétions (rhinite) et/ou de l'œdème;

- l'épiglotte en forme de "U" et la position proximale (disque C3-C4) et antérieure du larynx,

avec un grand axe oblique en bas et en avant ;

- la chute du tonus des muscles pharyngés (surtout le génioglosse), qui est proportionnelle à

la profondeur d'anesthésie, réduit le volume de la partie aérienne de la cavité pharyngée et

favorise le collapsus inspiratoire du pharynx : d’où l’utilité de la luxation mandibulaire

(jaw-thrust) lors de l’induction et du réveil ;

- chez l’enfant, la partie la plus étroite de la trachée se trouve fonctionnellement au niveau

des cordes vocales, qui sont souples et se laissent écarter par la sonde endotrachéale, et

anatomiquement au niveau du cartilage cricoïde, qui est rigide et recouvert d’une

muqueuse fragile : c’est pourquoi on peut observer des lésions à ces deux niveaux après

une intubation ;

- avant 6 ans, la région sous-glottique a une forme ovalaire à grand axe antéro-postérieur et

la trachée est dirigée en bas et en arrière par rapport à l’axe du larynx : la région sous-

glottique est donc à haut risque de traumatisme lorsqu’une sonde endotrachéale à

concavité antérieure et de section circulaire y est introduite ;

- la trachée courte, exposant au double risque de l'extubation intempestive et de l'intubation

sélective, en particulier au cours des mouvements de flexion/extension de la tête ; si une

sonde à ballonnet est utilisée, ce dernier doit être positionné au niveau de la trachée : c’est

pourquoi il faut choisir un modèle de sonde dont le ballonnet est court et proche de

l’extrémité distale ;

- les résistances pulmonaires totales élevées, ce qui nécessite des pressions de ventilation

relativement élevées ;

- le volume courant faible avec un espace mort important (1/3 du volume courant),

imposant l'utilisation d'un matériel de ventilation adapté ;

- l'importance de la ventilation alvéolaire (100 à 150 mL/kg/min) comparée à celle de

l'adulte (60 mL/kg/min) contrastant avec la faible valeur de la capacité résiduelle

fonctionnelle CRF ; le rôle tampon de la CRF est diminué, ce qui explique la rapidité de

survenue de l'hypoxémie en cas d'hypoventilation ;

- le volume de fermeture, élevé chez le nouveau-né, pouvant dépasser la CRF (décubitus

dorsal, distension abdominale, épanchement thoracique) ; l'anesthésie générale l'augmente

fortement ce qui diminue le rapport ventilation/perfusion et augmente l'effet shunt

intrapulmonaire. L’application d’une PEP permet d’éviter cette fermeture des voies

aériennes.

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PHYSIOLOGIE CARDIOVASCULAIRE

Particularités hémodynamique et électrophysiologiques

Le cœur est un muscle très particulier dont les cellules ont subi une différenciation spécifique,

principalement en cardiomyocytes mais également en cellules nodales (cellules de Purkinje

notamment) et, de façon quantitativement minoritaire, en cellules endocrines sécrétant le facteur

natriurétique (au niveau des oreillettes surtout). Au cours de leur évolution, les cardiomyocytes

subissent de nombreuses modifications concernant leur architecture cellulaire, la distribution des

myofibrilles, la maturation et la multiplication des canaux calciques, la teneur en protéines

contractiles ainsi que des protéines qui les régulent (troponine, tropomyosine etc.).

Paramètre Petit nourrisson Adulte

Compliance Faible Normale

Débit cardiaque Dépendant de la

fréquence cardiaque

Dépendant du volume d'éjection et, de

façon limitée, à la fréquence cardiaque

Contractilité myocardique Faible Élevée

Interdépendance des

ventricules

Très élevée Relativement peu importante

Réponse à l'augmentation

de précharge

Très limitée Bonne adaptabilité

Compensation de baisse

de post-charge

Limitée Efficace

Principales différences physiologiques entre le myocarde du nouveau-né et celui de l'adulte

Les cellules de Purkinje du nourrisson ont un temps de réponse et une durée de leurs potentiels

d'action beaucoup plus courts que dans le cœur mature, permettant des fréquences cardiaques

effectives jusqu'à 200 bpm. La fréquence de base, en l'absence de stimulation, est de l'ordre de

120 bpm en période néonatale. Cette fréquence augmente durant la 1ère

année de vie avant de

décliner progressivement pour rejoindre les valeurs adultes vers l'âge de 16 ans.

Age Fréquence

cardiaque

[mmHg] (SD)

Pression

systolique

[mmHg] (SD)

Pression

diastolique

[mmHg] (SD)

Index

cardiaque

L/min/m2(SD)

Consommation

d'O2 [mL/kg]

(SD)

NNé 120 (20) 73 (18) 50 (8) 2,5 (0,6) 6 (1)

6 mois 150 (20) 90 (25) 60 (10) 2,0 (0,5) 5 (0,9)

1 an 130 (20) 96 (30) 66 (25) 2,5 (0,6) 5,2 (0,1)

2 ans 105 (25) 100 (35) 65 (25) 3,1 (0,7) 6,4 (1,2)

5 ans 90 (10) 95 (15) 55 (10) 3,7 (0,9) 6,0 (1,1)

10 ans 80 (15) 110 (15) 58 (10) 4,3 (1,1) 3,3 (0,6)

15 ans 75 (10) 122 (30) 75 (20) 3,7 (0,3) 3,4 (0,6)

Principaux paramètres hémodynamiques de l'enfant (SD = écart-type)

Les propriétés électrophysiologiques des cardiomyocytes se modifient au cours de la croissance.

La perméabilité membranaire au potassium augmente avec l'âge. Le potentiel membranaire de

repos est plus élevé chez le petit nourrisson que chez l'adulte. La durée de la contraction comme

celle de la période réfractaire sont beaucoup plus courtes dans le cœur immature

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Les propriétés électrophysiologiques des cardiomyocytes se modifient au cours de la croissance

et, jointes à l'augmentation de la masse musculaire cardiaque ainsi qu'à l'établissement de la

prépondérance ventriculaire gauche, conduisent à des changements importants des tracés

électrocardiographiques au cours de la croissance.

Age Fréquence

cardiaque

Axe en

degrés

(extrêmes)

Intervalle

PR (sec)

(extrêmes)

Durée

QRS

Dérivations

précordiales

Onde T

Nouveau-

110 – 160 + 30 / +

180

0,07 - 0,14 0,05 R dominant Peu élevée

Négative en

V1,2

1

semaine-

1 mois

105 – 180 + 65 / +

165

0,07 - 0,14 0,05 R dominant en

V1,2

Amplitude

augmentée,

négative en

V1,2

1 – 6 mois 105 –185 + 10 / +

110

0,07 - 0,15 0,05 R dominant en

V1, pas V2

Négative en

V1,2

6 mois - 3

ans

90 –165 + 5 / + 105 0,07 - 0,16 0,055 le rapport R/S

peut être < 1 en

V1; R dominant

en V6

Négative en

V1,2

3 – 8 ans 65 –140 + 5 / + 130 0,09 - 0,18 0, 07 Progression R/S

semblable à

l’adulte

Négative en

V1

8 – 16 ans 60 –120 0 / + 90 0,09 - 0,18 0,07 QRS de

morphologie

adulte

Positive en

V1

Adulte 60- 100 0 / + 100 0,12 - 0,2 0,08 QRS de

morphologie

adulte

Positive

Modifications de l'électrocardiogramme au cours de la croissance (selon Purday JP. Monitoring

during cardiac anaesthesia. Can J Anaesth 1994; 41: 818-44)

Les paramètres hémodynamiques, systémiques comme pulmonaires, qui connaissent de grands

bouleversements au moment de la naissance, se stabilisent en quelques semaines pour rejoindre

progressivement les valeurs adultes au moment de l'adolescence.

Site de mesure Nouveau-nés

(mmHg)

Nourrissons et enfants

(mmHg)

Oreillette droite

Onde a 5-8

Onde v 2-6

Moyenne 0-4 2-6

Ventricule droit

Systolique 35-80 15-25

Diastolique 1-5 2-5

Artère pulmonaire

Systolique 35-80 15-25

Diastolique 20-50 8-12

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Moyenne 25-60 10-16

Capillaire bloqué

Onde a 6-12

Onde v 8-15

Moyenne 3-6 5-12

Ventricule gauche

Systolique 80-130

Diastolique 5-10

Artère systémique

Systolique 35-80 90-130

Diastolique 45-60 60-80

Moyenne 60-65 70-95

Valeurs hémodynamiques normales mesurées lors de cathétérismes cardiaques (d'après Rudolph

AM. Congenital disease of the Heart. Year Book Medical Publishers. Chicago 1974)

Le volume d'éjection systolique du ventricule gauche augmente tout au long de l'enfance. Le

débit cardiaque du petit nourrisson (180-240 mL/kg) est 2 à 3 fois supérieur à celui de l'adulte et

est bien corrélé à la fréquence cardiaque : de ce fait, une tachycardie modérée est souvent

recherchée en anesthésie pédiatrique et, pendant très longtemps, les anesthésistes pédiatriques

ont systématiquement administré de l'atropine avant l'induction anesthésique.

La pression artérielle systolique de l'enfant est plus basse que celle de l'adulte. Une hypotension

artérielle apparaît quand 20% environ du volume circulant est perdu chez l'adulte mais 40% chez

le nourrisson : elle précède donc de peu le collapsus circulatoire dans cette catégorie d’âge.

Âge Pression systolique normale Limite inférieure acceptable de

pressions artérielle systolique

0-1 mois > 60 mmHg 50 mmHg

1-12 mois > 80 mmHg 70 mmHg

1-10 ans 90 + (2 x âge en années) mmHg 70 + (2 x âge en années) mmHg

> 10 ans 110-130 mmHg 90 mmHg

Valeurs normales et limite inférieure acceptable de pression artérielle systolique chez l'enfant

éveillé (hors anesthésie générale)

Les hypertensions artérielles vraies sont rares chez l'enfant. Les causes les plus fréquentes en

chirurgie pédiatrique sont les tumeurs de Wilms (néphroblastomes), les neuroblastomes, la

coarctation aortique méconnue et les brûlures étendues (en général chez le garçon de moins de

10 ans, 2 à 10 semaines après l'accident). En l'absence de contexte étiologique, il faut d'abord

évoquer une cause rénale. L'hypertension artérielle essentielle est exceptionnelle chez l'enfant

mais le risque de développer cette forme d'hypertension peut être en partie déterminé durant la

vie fœtale et la prime enfance : un petit poids de naissance et une prise pondérale rapide entre 1

et 5 ans sont des facteurs de risques reconnus, peut-être en relation avec des anomalies

structurelles de développement des artérioles.

Les résistances vasculaires périphériques sont beaucoup plus faibles chez le petit nourrisson (244

mmHg/L/min/kg) que chez l'adulte jeune (723 mmHg/L/min/kg chez le jeune adulte). Tandis que

le lit vasculaire artériel s'accroît fortement durant la croissance, la compliance artérielle par m2

de surface corporelle diminue de manière rapide durant les 5 premières années de vie, puis de

manière plus lente durant les 15 années suivantes, ce qui traduit une rigidification progressive

des parois artérielles au cours de la croissance.

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La pression veineuse centrale de base (en cm H2O) croît progressivement avec l'âge : 3 cm à 1

an, 4 cm à 3 ans, 5 cm à 5 ans et 6 cm à 8 ans. En pratique, ces variations sont faibles et on peut

considérer que les valeurs normales sont comprises entre 4 et 8 cm H2O, quel que soit l'âge.

Troubles du rythme cardiaque

La survenue d'une fibrillation ventriculaire est exceptionnelle chez l'enfant (sauf en cas de

myocardite ou d'hyperkaliémie due, par exemple, à une rhabdomyolyse aiguë) ; le rythme

cardiaque terminal de l'enfant est habituellement l'asystolie. Si la cause du trouble du rythme

(dans la plupart des cas, il s'agit d'une hypoxémie) est supprimée, une réanimation cardiaque

rapide et appropriée est presque toujours couronnée de succès. Cependant, en cas d’arrêt

cardiaque d’origine hypoxique, la réanimation cardiorespiratoire est soit peu efficace soit grevée

de séquelles neurologiques graves.

Les troubles du rythme cardiaque ne sont pas rares chez l'enfant. Pendant l'induction

anesthésique, des bradycardies ou des extrasystoles ventriculaires (ESV) peuvent apparaître en

cas d'anesthésie trop superficielle pendant la laryngoscopie et l'intubation. Ces épisodes restent

généralement sans conséquences si un débit cardiaque est conservé (présence d’un pouls

palpable) si une hypoxémie ou une hypercapnie ne viennent pas se surajouter. Il suffit

d'approfondir l'anesthésie pour rétablir un rythme cardiaque normal. Il n’est pas rare d’observer

une tachycardie importante (phase d’excitation) ou un rythme jonctionnel avec perte de l’onde P

(anesthésie profonde) lors d’une induction inhalatoire au sévoflurane.

Malgré ce caractère souvent banal, l'apparition d'ESV durant l'induction anesthésique doit faire

systématiquement et soigneusement contrôler les paramètres vitaux de l'enfant d'autant qu'une

arythmie ventriculaire peut être un signe précoce d'hyperthermie maligne ou de rhabdomyolyse

aiguë. Les cathéters veineux centraux introduits trop loin (en intra-ventriculaire) déclenchent

pratiquement toujours des ESV chez l'enfant.

Les blocs auriculo-ventriculaires complets sont rares chez l’enfant sauf parfois après une

chirurgie cardiaque. Les formes congénitales (1/20.000 naissances) surviennent en général chez

les nouveaux-nés de mères souffrant de lupus érythémateux : un pacemaker est posé en urgence

si leur rythme ventriculaire est inférieur à 50-55 bpm.

L'hypoxémie conduit très rapidement à une bradycardie et c'est cette étiologie qu'il faut

envisager en premier lieu devant un ralentissement cardiaque chez l'enfant pendant une

anesthésie. Ce n'est qu'après avoir éliminé cette hypothèse que l'on cherchera d'autres causes

possibles : bradycardie due à l'halothane (effet direct sur le nœud sinusal et le faisceau de His), à

la succinylcholine, à l'injection rapide de fentanyl ou d'alfentanil, ou à un réflexe oculocardiaque

(chirurgie du strabisme notamment), à une hypertension intracrânienne aiguë.

Circulation pulmonaire

La circulation pulmonaire subit des changements importants. Presque inexistante durant la vie

fœtale, elle s'instaure instantanément au moment de la naissance avec la fermeture des shunts

physiologiques fœtaux (canal artériel surtout) et l'effondrement des résistances pulmonaires. En

quelques jours après la naissance, la musculature des vaisseaux s'amincit, ce qui facilite les

échanges respiratoires. S'il persiste une hypertension artérielle pulmonaire (large communication

interventriculaire par exemple), cet amincissement ne se produit pas et peut devenir irréversible

si le shunt n'est pas fermé rapidement : l'épaississement des parois vasculaires va s'aggraver et

finir par oblitérer le lit vasculaire pulmonaire, conduisant à la fibrose et l'insuffisance cardiaque

droite définitive (syndrome d'Eisenmenger).

Circulation coronaire

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Le débit sanguin coronaire s'effectue durant la diastole qui doit donc avoir une durée suffisante

pour ne pas exposer à une ischémie (surtout endocardique). La circulation coronaire réagit

différemment des autres circulations à la stimulation α-adrénergique : la noradrénaline provoque

une vasodilatation à son niveau tandis que les autres agonistes α ne déclenchent qu'une très faible

vasoconstriction.

RÉGULATION DU MILIEU INTÉRIEUR

Eau totale et besoins hydriques

L'eau totale représente 75% du poids corporel à la naissance et 65% à 1 an. À la puberté, les

garçons développent leur masse musculaire davantage que les filles qui, elles, augmentent

davantage leur masse grasse : comme la teneur en eau du muscle est élevée alors que celle du

tissu gras est faible, le corps féminin ne contient plus que 50% d'eau totale contre 60% pour le

corps masculin à la fin de la puberté.

L'eau totale se répartit en deux secteurs principaux, le compartiment intracellulaire et le

compartiment extracellulaire dont l'importance relative varie fortement avec l'âge.

Secteur liquidien Nouveau-né Nourrisson Adulte

Eau totale 75% 65% 55-60%

Eau extracellulaire 45% 25% 25%

Eau intracellulaire 35% 40% 50%

Répartition de l'eau corporelle en fonction de l'âge

Plus l'enfant est petit, plus ses besoins en eau sont importants. Le nourrisson absorbe

quotidiennement 1/6 de son poids corporel en eau contre moins de 1/20 pour l'adulte. Les

modalités habituelles de prescription des apports liquidiens parentéraux de base ou de

maintenance en dehors de la période périopératoire suivent la règle dite des "4:2:1". Ces

quantités sont calculées en considérant que les besoins quotidiens en H2O sont de 100

mL/100kcal.

Poids Besoins horaires Besoins journaliers

< 10 kg 4 mL/kg 100 mL/kg

10-20 kg 40 mL + 2 mL/kg par kg au-

dessus de 10 kg

1000 mL + 50 mL/kg par kg au-

dessus de 10 kg

> 20 kg 60 mL + 1 mL/kg par kg au-

dessus de 20 kg

1500 mL + 20 mL/kg par kg au-

dessus de 20 kg

Besoins liquidiens de l'organisme

Chez l'enfant de moins d'1 an, le calcul des besoins hydriques est plus exact lorsqu'on utilise la

surface corporelle comme référence : ils sont de 1800 mL/m2. Il est important de noter que les

besoins augmentent de 10% environ par degré de température au-dessus de 37°C. Le nourrisson

est totalement dépendant de son entourage pour les apports hydriques. De ce fait, la soif ne

constitue pas un facteur de régulation des apports hydriques à cet âge.

Les pertes hydriques quotidiennes varient avec l'âge. Chez le nourrisson, la répartition moyenne

est la suivante :

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- pertes urinaires : 70 mL/kg,

- pertes insensibles : 45 mL/kg (peau 30 mL/kg, voies respiratoires 15 mL/kg).

Les pertes insensibles sont d'autant plus importantes que l'enfant est plus petit. On retiendra

notamment le rôle favorisant de la photothérapie, des tables radiantes, de la température des

incubateurs, des lampes à infrarouges et de la ventilation avec des gaz secs. L'importance du

secteur extracellulaire peut être à l'origine de pertes hydriques rapides, à l'origine de

déshydratations sévères, qui peuvent survenir dans de multiples circonstances :

- environnement excessivement chaud et sec (hypersudation) ;

- hyperthermie, troisième secteur, vomissements, diarrhée ;

- hémorragie, traumatismes divers (ouverts et fermés), brûlures.

En peropératoire, des pertes hydriques importantes s'observent lors de l'ouverture des cavités de

l'organisme. Le tableau suivant donne, à titre indicatif, les pertes moyennes mesurées au cours de

différents types de chirurgie.

Type de chirurgie Volume des pertes

Péritonite par laparotomie > 30 mL/kg/h

Chirurgie abdominale par laparotomie 6 à 10 mL/kg/h

Chirurgie thoracique à thorax ouvert 4 à 7 mL/kg/h

Chirurgie superficielle, ophtalmologie,

neurochirurgie

1 à 2 mL/kg/h

Pertes hydriques moyennes au cours de différents types de chirurgie

Les pertes moyennes en cas de chirurgie laparoscopique semblent moins importantes qu’en cas

de chirurgie classique "à ciel ouvert" mais cela n’a pas fait l’objet d’études précises.

Les situations d'hypercatabolisme, postopératoire par exemple, conduisent également à des

pertes hydriques accrues. En effet, pour des raisons métaboliques (équilibre des réactions

thermodynamiques), lorsque l'organisme "brûle" 100 calories, il élimine 100 mL d'eau qui se

répartissent habituellement de la manière suivante :

- pertes urinaires obligatoires : 50-55 mL

- pertes fécales : 0-5 mL

- pertes insensibles : 45 mL

L'existence de pertes hydriques anormales et/ou d'un manque d'apports liquidiens conduit très

rapidement l'enfant à un état de déshydratation.

Besoins ioniques

A l'inverse des besoins hydriques, les besoins en sodium et en potassium (exprimés en

mmol/kg/24h) sont relativement constants :

- besoins quotidiens en sodium : 2-4 mmol/kg

- besoin quotidiens en potassium : 2-3 mmol/kg

Les solutés permettant de couvrir les besoins quotidiens en H2O et en Na doivent être adaptés à

l'âge. Les solutés multi-ioniques glucosés sont bien adaptés aux perfusions pédiatriques et

permettent de couvrir les besoins quotidiens en eau et en sodium (mais pas en calcium).

Métabolisme de base

Le métabolisme de base des nourrissons est principalement le fait de l'activité métabolique

minimale du cerveau, du foie, du cœur et des reins. L'activité métabolique du cerveau est très

élevée durant la première année (53 à 64%) puis diminue comparativement à l'augmentation de

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l'activité métabolique d'autres organes. La synthèse protéique et les transferts actifs d'ions

accaparent les 2/3 au moins du métabolisme de base.

La diminution relative du métabolisme de base après la naissance est liée à la diminution de la

vitesse de croissance relative des organes à haut niveau d'activité métabolique (cerveau, foie,

rein, cœur). Après l'âge de 1 an, la croissance pondérale de ces organes par rapport à celle du

l'ensemble de l'organisme reste relativement constante, autour de 15%, pendant toute l'enfance.

Dans le même temps, par contre, la masse musculaire passe de 20% chez le nouveau-né à 23%

chez le nourrisson de 18 mois. Quant à la masse grasse, sujette à davantage de variations

interindividuelles, elle augmente en moyenne de 12% à la naissance à 20% environ à 18 mois.

Dépense calorique et besoins énergétiques

La dépense calorique journalière dépend de l'activité physique de l'enfant. Elle peut s'exprimer

en fonction du poids. Au repos, les besoins caloriques par jour sont les suivants :

- de 3 à 10 kg : 100 kcal/kg/j ;

- de 11 à 20 kg : 1000 + 100 kcal par 2 kg >10 kg;

- de 21 à 70 kg : 1500 + 100 kcal par 5 kg > 20 kg.

Les besoins énergétiques de l'enfant, exprimés en kcal, sont identiques aux besoins en eau

exprimés en mL. En l'absence d'alimentation orale, comme chez l`adulte, les apports doivent être

constitués de solutions de glucose, d'acides aminés et de lipides auxquels sont ajoutés des oligo-

éléments et des vitamines.

RÉGULATION THERMIQUE

Échanges thermiques et production de chaleur

L'être humain ne tolère que des écarts très faibles (0,4°C) de sa température corporelle avant de

déclencher des mécanismes de correction. C'est un endotherme, c'est-à-dire que sa température

corporelle provient principalement de son propre milieu intérieur. Les échanges thermiques de

l'organisme obéissent à des lois physiques simples, allant du milieu le plus chaud vers le milieu

le plus froid.

Les pertes de chaleur s'effectuent de 4 manières : conduction, radiation, convexion et

évaporation. Les sources de chaleur sont principalement métaboliques : activité musculaire

volontaire, thermogenèse non frissonnante (prédominante chez le nourrisson) et frissonnement

musculaire (thermogenèse frissonnante, prédominante chez le grand enfant et l'adulte).

La thermogenèse non frissonnante est produite au niveau de la graisse brune dont les

mitochondries comportent une protéine membranaire de découplage, la thermogénine ou UCP

(Un-Coupling Protein). Cette protéine permet de contourner la chaîne respiratoire et de dissiper

en chaleur l'énergie libérée par les protons qui retournent à la matrice mitochondriale par les

pores membranaires que l'UCP a permis d'ouvrir.

A l'intérieur de l'organisme, la chaleur est répartie entre un noyau thermique central dont la

température est très stable, et une enveloppe thermique périphérique dont la taille et la

température peuvent varier en fonction de la température du milieu environnant. La régulation

thermique est contrôlée par l'hypothalamus à partir de l'information thermique provenant des

téguments et de nombreux récepteurs disséminés dans l'organisme. Il existe des valeurs seuil

précises d'hypo- et d'hyperthermie qui, une fois dépassées, déclenchent des mécanismes

correcteurs.

En cas de franchissement du seuil d'hypothermie, on observe une contraction du noyau

thermique, une vasoconstriction cutanée, et la mise en jeu des mécanismes de thermogenèse,

frissonnante ou non selon l'âge de l'enfant. En cas d'élévation thermique modérée, on observe un

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élargissement du noyau thermique, une vasodilatation généralisée, et, après l'âge de 4-5 ans

seulement, une sudation importante. Une augmentation majeure de la température corporelle

active l'expression des protéines de choc thermique qui interagissent avec les protéines altérées,

en particulier les enzymes dénaturées par la chaleur, permettant leur remise en conformation

tridimensionnelle et tentant de restaurer leurs fonctions biologiques.

Effets de l'anesthésie sur la régulation thermique

L'anesthésie générale affecte fortement la thermorégulation. Elle élimine les réactions

comportementales adaptatives visant à réduire les pertes caloriques. Elle modifie la taille du

noyau thermique et élargit la zone inter-seuils hypothalamique, créant en quelque sorte une zone

"d'hétérothermie" dans laquelle la température corporelle varie passivement en fonction de la

température ambiante.

Transpiration

Vasodilatation active

Vasoconstriction

nourrisson

enfant

Thermogenèse non

frissonnante

Frissonnement

40°

39°

38°

37°

36°

35°

34°

33°

Patient éveillé Patient anesthésié

40°

39°

38°

37°

36°

35°

34°

33°

Transpiration

Vasodilatation active

Vasoconstriction

nourrisson

enfant

Thermogenèse non

frissonnante

Frissonnement

40°

39°

38°

37°

36°

35°

34°

33°

Patient éveillé Patient anesthésié

40°

39°

38°

37°

36°

35°

34°

33°

Les variations thermiques au cours d'une anesthésie évoluent en 3 phases :

- phase 1 : baisse initiale de la température par redistribution interne de la chaleur,

- phase 2 : déperdition thermique secondaire vers le milieu extérieur

- phase 3 : phase terminale de plateau chez l'adulte.

Chez le nourrisson, la phase de plateau est remplacée par une phase de réchauffement par le

déclenchement d'une thermogenèse non frissonnante.

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17

37,5

37

36,5

36

35,5

35

34,5

34

33,5

0 40 80 120 160 200 240

°C

min

Temps écoulé depuis l'induction

Te

mp

éra

ture

du

no

ya

u Nourrisson

Enfant

Adulte

Phase 1 Phase 2 Phase 3

37,5

37

36,5

36

35,5

35

34,5

34

33,5

0 40 80 120 160 200 240

°C

min

Temps écoulé depuis l'induction

Te

mp

éra

ture

du

no

ya

u Nourrisson

Enfant

Adulte

Phase 1 Phase 2 Phase 3

L'anesthésie locorégionale a beaucoup moins d'effets sur la thermorégulation, mais ceux-ci ne

sont pas nuls, en particulier lors de la réalisation de blocs neuraxiaux étendus et de durée

prolongée.

PARTICULARITÉS PHARMACOLOGIQUES

Les bénéfices thérapeutiques et risques potentiels de l'administration d'un médicament dépendent

de sa disponibilité au niveau de son récepteur, de la sensibilité de ce récepteur et de la réaction

induite par cette liaison. De nombreux facteurs interfèrent avec ce processus chez l'enfant du fait

de la croissance et de la maturation progressive des voies métaboliques (et organes). Ces

différences sont très marquées en période néonatale mais elles restent sensibles au cours de la

petite et moyenne enfance.

Absorption

Pour la voie orale, les facteurs qui affectent l'absorption sont le pH gastrique et intestinal, le

temps de vidange gastrique, la sécrétion et l'activité enzymatique des fluides pancréato-biliaires,

la colonisation bactérienne, la présence de transporteur actif (glycoprotéine P-gp notamment) et

l'activité des systèmes enzymatiques de détoxification au niveau des parois intestinales

(cytochrome P450 3A notamment).

Distribution

La distribution des médicaments est principalement affectée par les modifications :

- des secteurs liquidiens de l'organisme (volume de distribution),

- de la taille des organes, de la perméabilité membranaire,

- de la concentration des protéines plasmatiques (albumine et α1-glycoprotéine acide

surtout),

- de la répartition des graisses dans l'organisme,

- de la circulation sanguine régionale et locale

- ainsi que de la présence de transporteurs actifs (P-gp présente non seulement dans

l'intestin mais aussi le foie, le rein, le cerveau, le rein et d'autres tissus).

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0

2

4

6

8

10

12

1 mois 2 mois 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois

µMol/L

α1-glycoprotéine

acide

Fraction libre

de bupivacaïne

0

2

4

6

8

10

12

1 mois 2 mois 3 mois 4 mois 5 mois 6 mois

µMol/L

α1-glycoprotéine

acide

Fraction libre

de bupivacaïne

Influence de l'augmentation de la concentration plasmatique d'AAG avec l'âge sur la fraction

libre de bupivacaïne

Les modifications de répartition des secteurs liquidiens en fonction de l'âge sont responsables

d'une forte augmentation du volume de distribution chez le nourrisson (double de l'adulte) de

tous les agents pharmacologiques : pour une posologie donnée (par kg de poids), le pic de

concentration sanguine est moindre chez le nourrisson et il faut augmenter les doses pour obtenir

le même taux thérapeutique. En contrepartie, la demi-vie d'élimination est prolongée et il existe

un risque d’accumulation lors des réinjections.

Métabolisme des médicaments

Le métabolisme des médicaments est affecté par le fait que certains systèmes enzymatiques

essentiels chez l'adulte ne sont pas (ou peu) actifs chez le petit nourrisson où, cependant, d'autres

voies viennent souvent compenser ce "manque". Ces différences concernent à la fois les enzymes

de phase I (cytochrome P450 1A2 et 3A7 face à 3A4) et les enzymes de phase 2

(glucuronyltransférase et N-méthyltransférases).

Les réactions de glucuronidation sont particulièrement peu actives chez le petit nourrisson : le

système enzymatique des glucuronyl-transférases comporte de nombreux isoenzymes, dont la

vitesse de maturation est variable, les valeurs adultes étant atteintes, selon le cas, entre 6 mois et

3 ans, voire plus tard. À l'inverse, les réactions de sulfatation (catalysées par des

sulfotransférases et glucuronosyl-transférases), accessoires chez l'adulte, sont très actives chez le

nourrisson et peuvent suppléer à la déficience des glucuronyl-transférases (en particulier pour le

métabolisme de l'acétaminophène, de la morphine et des salicylés).

Posologies pédiatriques

Le calcul des posologies pédiatriques peut s'effectuer en fonction du poids pour les médicaments

dont le volume de distribution est supérieur à 0,3 L/kg mais il devrait s'effectuer en fonction de

la surface corporelle ; des formules simplifiées permettent un calcul facile et relativement exact.

Vd du médicament Dose pédiatrique

< 0,3L/kg Doses adulte x Surface corporelle

> 0,3 L/kg Dose adulte x poids/70

Calcul des doses pédiatriques à partir des doses adultes (d'après Kearn)

En pratique quotidienne, on peut se contenter de l'évaluation simplifiée proposée par Lack :

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Poids de l'enfant Dose pédiatrique

< 30 kg Dose adulte x poids

200

> 30 kg Dose adulte x (poids + 30)

100

PHYSIOLOGIE CÉRÉBRALE

Métabolisme énergétique

Le système nerveux central est constitué du cerveau et de la moelle épinière. Son développement

est complexe et se poursuit bien au-delà de la naissance. Le métabolisme cérébral consomme

25% du glucose utilisé par l'organisme et son quotient respiratoire est proche de 1 lorsque le

cerveau est mature, ce qui signifie que les glucides représentent sa source d'énergie presque

exclusive.

Le cerveau immature du nourrisson et du jeune enfant est capable d'utiliser d'autres sources

d'énergie que les glucides, en particulier les corps cétoniques. Dans tous les cas, toute baisse

significative d'apport glucosé au cerveau se traduit par un coma puis la mort cellulaire cérébrale

au-delà de 3 minutes car les réserves énergétiques cérébrales, situées principalement au niveau

des astrocytes, ne permettent de couvrir ses besoins énergétiques au-delà de ce délai. Ainsi, le

cerveau dépend entièrement du débit de perfusion sanguine cérébrale pour son fonctionnement et

sa survie.

Barrière hémato-méningée

Les échanges entre la circulation sanguine et le milieu extracellulaire de la substance grise sont

limités et régulés par la barrière hémato-méningée représentée principalement par les cellules

endothéliales et leurs desmosomes (tight junctions) mais aussi par les épendymocytes et les

cellules des plexus choroïdes au niveau de l'interface capillaires/liquide cérébrospinal.

Cette barrière limite la pénétration des particules microscopiques (bactéries), des molécules et

des composés hydrophiles de grande taille tout en autorisant la diffusion des molécules

hydrophiles de petite taille (O2, CO2, hormones). Elle permet le transport actif (consommateur

d'énergie) de certaines molécules comme le glucose grâce à la présence de transporteurs

protéiques trans-membranaires spécifiques. Elle régule également le passage des cellules

immunitaires du sang vers le système nerveux. Les astrocytes sont responsables de la régulation

du compartiment interstitiel cérébral grâce à la présence de canaux hydriques protéiques et

d'agrine.

Comme la barrière hémato-méningée est imperméable aux électrolytes, ce sont les variations de

pression osmotique entre le sang capillaire cérébral et le milieu interstitiel qui règlent les

mouvements d'eau : le volume cérébral est directement dépendant de la pression osmotique du

plasma.

Débit sanguin cérébral

Le débit sanguin cérébral est de l'ordre de 50 mL/min/100g à la naissance. Il augmente ensuite

progressivement pour atteindre un maximum de 71 mL/min/100g à l'âge de 5 ans et décroît

ensuite progressivement pour atteindre les valeurs adultes (51 mL/min/100g) vers l'âge de 19

ans. Chez l'enfant malade, le DSC peut varier dans des proportions importantes, tant dans le sens

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d'un bas débit que dans celui d'un hyper débit. La consommation cérébrale en O2 (CMRO2) lui

est directement corrélée : elle peut servir à son évaluation (et réciproquement).

Le DSC est déterminé d'une part par les résistances vasculaires cérébrales et d'autre part par le

gradient de pression net au travers du lit vasculaire, c'est-à-dire la pression de perfusion

cérébrale. Cette dernière est égale à la différence entre la pression artérielle moyenne et la

pression intracrânienne (PIC). Dans les conditions normales, la PIC est égale à la pression

veineuse centrale. Lorsque les conditions ne sont pas normales (traumatisme crânien), seule la

mesure directe de la PIC permet dévaluer la pression de perfusion cérébrale.

Les mécanismes régulateurs du débit sanguin cérébral (autorégulation cérébrale) permettent de

maintenir un débit sanguin tissulaire cérébral à peu près constant malgré des variations

importantes de pression de perfusion cérébrale, entre 50 et 150 mmHg chez l'adulte et entre 40 et

90 mmHg chez le jeune enfant. La latence de l'autorégulation cérébrale semble un peu plus

grande chez l'enfant jeune que chez l'adulte. Chez l'adolescent, le retour à la normale du débit

sanguin cérébral après un épisode d'hypotension transitoire est légèrement retardé par rapport à

l'adulte

Trois mécanismes principaux, myogéniques, neurogéniques et métaboliques, interviennent dans

les processus d'autorégulation cérébrale. Parmi les facteurs métaboliques, le rôle du CO2 est le

mieux connu et le plus facilement modifiable lors d'une anesthésie ou aux soins intensifs.

L'augmentation de la PaCO2 entraîne une vasodilatation capillaire ce qui a pour effet

d'augmenter le débit sanguin cérébral. La baisse de la PaCO2 a l'effet inverse. Une baisse de 1

mmHg de la PaCO2 s'accompagne d'une diminution de 4% du DSC. En parallèle à la baisse de

DSC, le pH du LCS augmente, ce qui provoque la vasoconstriction des capillaires situés à

proximité. L'hyperventilation permet de réduire le DSC de 50% environ en quelques minutes.

Lorsque la PaCO2 baisse au-dessous de 25 mmHg (3,3 kPa), il n'y a pas de diminution

supplémentaire du DSC. L'effet de l'hyperventilation est limité dans le temps. Au-delà de 6 à 8 h,

si aucune nouvelle baisse du CO2 n'est produite, le DSC revient à ses valeurs antérieures. De

même, le retour à une ventilation normale avec normocapnie après une période

d'hyperventilation s'accompagne d'une baisse du pH interstitiel, d'une augmentation de la PaCO2

et d'une forte augmentation du débit sanguin cérébral dont le corollaire immédiat est

l'augmentation de la pression intracrânienne avec ses risques potentiels sur la vitalité des

neurones cérébraux.

Comparé à l'effet du CO2, l'effet de la PaO2 sur la circulation cérébrale est faible. Le débit

cérébral n'est pas modifié tant que la PaO2 reste supérieure à 50 mmHg ; au-dessous de cette

valeur, le débit augmente de manière à maintenir un apport d'O2 suffisant pour le métabolisme.

Traumatisme crânien et debit sanguine cérébral

La survenue d'un traumatisme crânien peut supprimer le lien entre débit sanguin cérébral et

métabolisme, conduisant alors à une ischémie ou à une hyperhémie cérébrale. La vélocité dans

l'artère cérébrale moyenne est particulièrement touchée, entraînant une hypoperfusion cérébrale

(débit < 25 mL/100g/min). L’hyperhémie cérébrale post-traumatique n'est pas nécessairement

avantageuse car elle entraîne souvent une hémorragie cérébrale, une hypoventilation, une

agitation, de la fièvre et une acidose.

Les variations du débit sanguin cérébral après traumatisme crânien sévère passent par 3 phases :

- une phase précoce (6-12 h) d'hypoperfusion cérébrale et d'ischémie ;

- une phase secondaire d'hyperhémie et d'hypertension intracrânienne ;

- une phase tardive de vasospasme et d'hypoperfusion ; cette phase est moins constante chez

l'enfant que l'adulte.

Il est difficile de prévoir quels patients vont suivre la séquence complète des 3 phases et ceux qui

vont ne subir que les 2 premières phases voire n'avoir que des modifications relativement

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mineures et réversibles. Les plus récentes recommandations pédiatriques après traumatisme

insistent sur la nécessité de maintenir une pression de perfusion cérébrale supérieure à 40 mmHg

pour réduire les risques d'ischémie cérébrale.

TRANSMISSION NEUROMUSCULAIRE

La transmission neuromusculaire s'effectue au niveau des plaques motrices. Elle résulte de

l'activation de récepteurs nicotiniques à l'acétylcholine (ACh) qui sont initialement (chez le

fœtus) présents sur toute la surface membranaire des fibres musculaires. Ces récepteurs ACh

sont qualifiés de "fœtaux" ou "immatures" parce qu'ils sont exprimés précocement au cours du

développement. Ils sont constitués de 4 sous-unités organisées en un complexe pentamérique,

α2βγδ, formant un canal ionique au centre de leur structure. Lorsque de l'ACh se lie à ces

récepteurs, le canal ionique qu'ils forment s'ouvre et se ferme en alternance, à fréquence rapide,

pendant 5-6 ms. Durant ce laps de temps, des ions Na+, K

+ et Ca

++ pénètrent dans les fibres

musculaires contre leur gradient de concentration. La dissociation de l'ACh d'avec son récepteur

entraîne la fermeture du ionophore.

À mesure que la membrane post-synaptique se différencie, des protéines cytosquelettiques et

membranaires spécifiques apparaissent. Les canaux sodiques voltage-dépendants et les

récepteurs ACh se multiplient et se stabilisent. Une nouvelle sous-unité du récepteur ACh, ε, fait

son apparition au niveau de la synapse, donnant naissance à un nouveau type fonctionnel de

récepteur ACh dit "adulte" ou "mature" (α2βεδ). Lorsqu'il est activé par l'ACh, le récepteur

adulte a une durée d'activité beaucoup plus courte (1 ms) et une conductance aux ions Na+, K

+ et

Ca++

beaucoup plus grande que le récepteur fœtal. Les mutations du gène de la sous-unité ε sont

à l'origine de syndromes myasthéniques congénitaux très sévères.

La substitution des récepteurs à l'ACh fœtaux par ceux de type adulte au niveau des plaques

motrices s'effectue au cours des 3 premières semaines de vie postnatale. Des récepteurs fœtaux

restent encore présents en faible nombre (20/µm2) à la surface de la fibre musculaire, à

l’extérieur de la plaque motrice mais disparaîtront progressivement au cours du développement

ultérieur (ils peuvent réapparaître à tout âge dans certaines conditions pathologiques)