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1 LES 20 ANS DE L’ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA) : BILAN ET PERSPECTIVES INTRODUCTION GENERALE PREMIERE PARTIE : L’ACTIVITE NORMATIVE Section I : Un bilan en demi-teinte § I : Les Actes uniformes A- La procédure d’adoption des Actes uniformes et la place de ceux-ci dans l’ordonnancement juridique 1) La procédure d’adoption des Actes uniformes 2) La place des actes uniformes dans l’ordonnancement juridique B- L’adoption des Actes uniformes : le cœur de l’OHADA 1) L’approche quantitative 2) L’approche qualitative C- La révision des Actes uniformes 1) L’approche quantitative 2) L’approche qualitative § II : Les règlements A- L’approche quantitative B- L’approche qualitative Section II : Les recommandations : des suggestions d’options § I : Les Actes uniformes A- Concernant l’adoption de nouveaux Actes uniformes 1) Convient-il d’arrêter les projets d’harmonisation en cours et de s’interdire d’entreprendre l’harmonisation de nouvelles matières afin de permettre la consolidation de l’œuvre déjà réalisée ? 2) Comment améliorer la qualité des projets d’Actes uniformes, comment impliquer davantage les Etats ? 3) Dans quel domaine l’harmonisation apparait-elle très utile, voire indispensable ? 4) Ne faudrait-il envisager et admettre des Actes uniformes à plusieurs vitesses ? § II : Concernant la révision des Actes uniformes : le nécessaire redimensionnement A- Faut-il arrêter ou continuer le processus de révision entrepris il y a quelques années ?

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LES 20 ANS DE L’ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU

DROIT DES AFFAIRES (OHADA) : BILAN ET PERSPECTIVES

INTRODUCTION GENERALE

PREMIERE PARTIE : L’ACTIVITE NORMATIVE

Section I : Un bilan en demi-teinte

§ I : Les Actes uniformes

A- La procédure d’adoption des Actes uniformes et la place de ceux-ci dans l’ordonnancement

juridique

1) La procédure d’adoption des Actes uniformes

2) La place des actes uniformes dans l’ordonnancement juridique

B- L’adoption des Actes uniformes : le cœur de l’OHADA

1) L’approche quantitative

2) L’approche qualitative

C- La révision des Actes uniformes

1) L’approche quantitative

2) L’approche qualitative

§ II : Les règlements

A- L’approche quantitative

B- L’approche qualitative

Section II : Les recommandations : des suggestions d’options

§ I : Les Actes uniformes

A- Concernant l’adoption de nouveaux Actes uniformes

1) Convient-il d’arrêter les projets d’harmonisation en cours et de s’interdire d’entreprendre

l’harmonisation de nouvelles matières afin de permettre la consolidation de l’œuvre déjà réalisée

?

2) Comment améliorer la qualité des projets d’Actes uniformes, comment impliquer davantage

les Etats ?

3) Dans quel domaine l’harmonisation apparait-elle très utile, voire indispensable ?

4) Ne faudrait-il envisager et admettre des Actes uniformes à plusieurs vitesses ?

§ II : Concernant la révision des Actes uniformes : le nécessaire redimensionnement

A- Faut-il arrêter ou continuer le processus de révision entrepris il y a quelques années ?

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B- En cas de continuation du processus de révision, quelle méthodologie adopter et suivre pour

les révisions à venir ?

§ II : Les règlements

DEUXIEME PARTIE : L’ACTIVITE JUDICIAIRE, CONSULTATIVE ET ARBITRALE

Section I : L’activité judiciaire : la spécificité de l’OHADA

§ I : Le bilan de l’activité de la CCJA

A- L’approche analytique : un bilan appréciable

1) Au plan qualitatif

2) Au plan quantitatif

B- L’approche critique : la nécessité d’une réflexion

§ II : Les recommandations : du statu quo aux solutions de ‘‘déchirement’’

A- La variété des solutions possibles

1) La solution du statu quo

2) Les solutions principales du changement

3) Les solutions d’accompagnement du changement

B- La solution préconisée : l’épuisement des voies de recours internes

1) L’énonciation de la solution

2) Les avantages de la solution

Section II : L’activité consultative : une activité peu convaincante

§ I : Le bilan

A- Au plan quantitatif

B- Au plan qualitatif

§ II : Les recommandations

Section III : L’activité arbitrale : l’espoir déçu

§ I : Un bilan relativement limité

A- L’approche quantitative

B- L’approche qualitative

§ II : Les recommandations

Section IV : Les activités connexes

§ I : La gestion du recueil de jurisprudence

A- Un bilan globalement satisfaisant

B- Les recommandations : le recentrage et la rigueur

§ II : L’informatisation du fichier

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A- Le point sur l’informatisation

B- Les recommandations

TROISIEME PARTIE : L’ACTIVITE DE FORMATION ET LES ACTIVITES

CONNEXES

Section I : Un bilan impressionnant

§ I : L’activité principale : la formation

A- Le bilan quantitatif

B- Le bilan qualitatif

§ II : Les activités connexes : la documentation et la recherche

A- La documentation

B- La recherche

Section II : Les recommandations : le recentrage et la rigueur

§ I : Concernant la formation

§ II : Concernant la documentation et la recherche

A- La documentation

B- La recherche

CONCLUSION GENERALE

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Introduction

L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) fête

bientôt, en octobre 2013, à Ouagadougou le 20e anniversaire de l’adoption de son traité

constitutif1. Le 10

e anniversaire, quant à lui, avait été fêté en grandes pompes les 16 et 17 octobre

2003 à Libreville par le Conseil des Ministres de l’OHADA2. Tout ceci traduit le fait que

l’OHADA a un certain temps d’existence dernière elle, marqué par un certain nombre de

réalisations mais aussi de problèmes et de défis à relever.

L’harmonisation du droit des affaires en Afrique constitue une question d’importance

nationale et régionale, qui intéresse les autorités politiques, les partenaires au développement, les

techniciens du droit dont les magistrats et les professeurs de droit, les techniciens de l’économie

et de la comptabilité, et surtout le monde des affaires et des entreprises. Cette marche assez

rapide vers un droit régional unifié, qui participe de la mondialisation, devrait entraîner des

répercussions économiques bénéfiques à travers le décloisonnement des marchés. Ses

répercussions positives devraient se manifester à différents niveaux, spécialement dans l’attrait

des investissements au profit des Etats Parties. C’est pourquoi, il est utile que le maximum de

personnes, parmi celles qui sont le plus directement concernées, soient informées des tenants et

des aboutissants du processus d’harmonisation afin de contribuer plus activement à son

avancement.

Et d’abord un peu d’histoire. L’un des jalons majeurs de ce processus d’harmonisation est

incontestablement constitué par l’adoption à Port-Louis (Ile Maurice) le 17 octobre 1993, par la

plupart des pays francophones d’Afrique, du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires

en Afrique, traité qui a créé l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des

Affaires (OHADA) et qui a fait l’objet d’une révision à Québec au Canada le 17 octobre 2008.

Mais il n’y a pas que des pays francophones dans l’OHADA : il y a aussi un pays lusophone (la

Guinée Bissau), un pays hispanophone (la Guinée Equatoriale) et un pays bilingue francophone-

anglophone (le Cameroun). L’événement sur ce plan est l’adhésion, depuis longtemps attendue

et devenue enfin effective le 13 juillet 2012, de la République Démocratique du Congo3.

1 Cette communication aurait pu s’intituler également : « Présentation de l’OHADA : Les organes et les

actes uniformes de l’OHADA ».

Beaucoup d’activités à caractère scientifique sont prévues au cours de cette année anniversaire dont le

présent colloque sur le thème : « Le système juridique de l’OHADA et l’attractivité économique des Etats

parties 20 ans après : bilans et défis à relever », organisé par l’AEDJ et l’IRJS. 2 A cette occasion, nous avons été distingués, les professeurs Joseph Issa-Sayegh, Paul-Gérard Pougoué et

moi-même par le Conseil des Ministres pour service rendu à l’OHADA, probablement au titre la

coordination scientifique du « Code vert », les manuels publiés chez Bruylant et les autres réalisations. 3 Depuis 2006, on pensait que l’adhésion de la RDC allait être acquise en quelques mois. En 2011,

l’autorisation de ratification du Parlement a été obtenue, l’acte de ratification a été pris. Il ne restait plus

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L’idée d’harmoniser le droit des affaires en Afrique, tout au moins dans la zone franc, a

été clairement exprimée pour la première fois4 par les Ministres chargés des finances à

Ouagadougou en avril 1991, puis à Paris en octobre 19915.

Sur la base des observations des opérateurs économiques et des leurs propres, les

Ministres chargés des finances ont senti la nécessité d’élaborer un « droit régional des affaires,

unique, moderne et adapté, susceptible de favoriser le développement de leurs pays respectifs »,

un droit contribuant à l’instauration d’une sécurité juridique et judiciaire à même de favoriser les

investissements indispensables au développement économique et social des Etats de la zone

franc. Leur conviction est certainement que l’action du droit sur l’économie n’est pas

négligeable. A titre d’exemple, le Doyen Ripert a écrit, dans son ouvrage intitulé « Les aspects

juridiques du capitalisme moderne », que la société anonyme est le merveilleux instrument

juridique du capitalisme moderne dont l’apport au développement de l’Europe avoisinerait celui

de la machine à vapeur. Un autre auteur a d’ailleurs écrit que la véritable réforme économique,

c’est la réforme du cadre juridique de l’économie6. Dans le même sens, le Doyen Ripert écrivait

que, s’il faut réformer l’économie, les économistes détermineront la voie et les juristes fourniront

les moyens.

A cette fin, les Ministres ont chargé une mission de sept membres, présidée par le juge

Kéba M’Baye, d’en étudier la faisabilité. Par la suite, le sommet des Chefs d’Etats, tenu à

Libreville en octobre 1992, allant dans le sens préconisé par le rapport de la mission, a décidé du

principe de l’harmonisation, adopté les grandes lignes du projet et mis en place un directoire de

trois membres pour le piloter. En novembre 1992 à Dakar, les Ministres de la Justice ont décidé

la création d’une commission nationale dans chaque Etat intéressé afin de contribuer à l’étude

des projets d’actes uniformes. Au cours de l’année 1993, précisément les 19 et 20 avril 1993,

s’est tenu à Abidjan à l’Hôtel Ivoire un important séminaire regroupant plus de 500 participants

(magistrats, avocats, opérateurs économiques, professeurs de droit, experts comptables, etc.)

pour tracer les grandes lignes du contenu des avant-projets de traité et de textes harmonisés.

Entre 1994 et 1997, de nombreuses réunions, notamment à Ouagadougou, Bangui, Dakar et

Bamako, ont permis aux commissions nationales d’échanger sur les projets d’actes uniformes

déjà élaborés. Par la suite, de nombreuses réunions se sont tenues dans les Etats parties. Du reste,

que le dépôt des instruments de ratification mais sans cela la RDC n’était pas encore membre de

l’OHADA. 4 La défunte UAM (Union Africaine et Malgache) l’avait envisagée et avait créé à cet effet le Bureau

Africain et Mauricien de Recherches et d’Etudes Législatives (BAMREL) par une convention du 5 juillet

1975. 5 D’où la nécessité d’une participation effective et active aux réunions de l’OHADA.

6 M. Allais, A la recherche d’une discipline économique.

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trois d’entre eux7 ont été adoptés par la Conférence des ministres de l’OHADA le 17 avril 1997 à

Cotonou après la mise en place des organes, puis deux à Libreville le 10 avril 19988, un Acte

uniforme et un règlement relatifs à l’arbitrage ont été adoptés à Ouagadougou le 11 mars 1999, et

deux Actes à Yaoundé en 2000 et en 2003. Après une certaine léthargie, l’année 2008 a connu la

révision du Traité et celle de 2010 l’adoption à Lomé, le 15 décembre, des deux premiers Actes

révisés (AUDCG et AUS) et du tout nouvel Acte sur les sociétés coopératives.

Pour préciser succinctement les mécanismes de l’harmonisation en cours, il convient de

relever que l’harmonisation n’est pas un terme technique auquel s’attacherait un contenu précis

dans le domaine du droit. Bien au contraire, c’est un terme vague, probablement choisi à dessin

pour ne pas effrayer ou repousser les potentiels Etats parties. D’ailleurs, en général, la

terminologie utilisée en la matière du rapprochement des législations est flottante : on parle de

coordination, d’harmonisation, d’uniformisation, d’unification… Ainsi, l’harmonisation peut être

plus ou moins ambitieuse ou profonde, se limiter aux principes, s’étendre aux règles ou

embrasser les détails d’application. Sur un plan technique, relativement aux conventions tendant

à faciliter la connaissance des règles applicables et à rapprocher les solutions à retenir en droit

international privé, l’on peut distinguer trois niveaux : un premier niveau se limite aux règles du

droit international privé, c’est-à-dire que la convention va prévoir des règles uniformes régissant

les conflits de lois ou de juridictions ; un second niveau concerne le cas où les règles du droit

international sont des règles matérielles mais s’appliquant uniquement aux opérations

internationales telles que les ventes internationales ; le troisième est relatif au cas où les règles

adoptées concernent toute une matière comme la vente, qu’elle soit interne ou internationale9. On

peut rapprocher de la convention la loi type ou loi modèle10

. Il est certain que si une telle loi est

adoptée par un nombre important d’Etats sans trop de modifications, elle aboutit à des effets

comparables à ceux d’une convention. Toutefois, sur le plan juridique, la différence entre les

deux est nette en raison de ce que la loi type est adoptée par chaque Etat en tant que texte de

7 Ce sont les actes uniformes relatifs au droit commercial général, au droit des sociétés commerciales et

du groupement d’intérêt économique, et à l’organisation des sûretés 8 Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) et Acte

uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et aux voies d’exécution (AUPSRVE). 9 Voy. dans ce sens : J. Derruppé., Droit international privé, Dalloz, 1995, p. 4 et 5 ; P. Mayer, Droit

international privé, Montchrestien, 4e éd., 1991, n° 32 et s. ; P. Meyer, Droit international privé

burkinabè, Collection Précis de droit burkinabè, Imprimerie Presses africaines, 2004, n° 21 où l’auteur

souligne que, « outre l’unification des règles de conflits, des conventions internationales peuvent avoir

pour objet d’élaborer de véritables règles matérielles internationales qui n’éliminent cependant pas, dans

tous les cas, le recours au procédé conflictuel ». 10

Concernant les lois types, la CNUDCI a réalisé un important travail ayant abouti à l’adoption de

nombreuses lois types sous son égide, notamment celle sur l’arbitrage commercial international.

Pour une approche technique de la problématique de l’harmonisation ou de l’unification législative, voy.

G. Gandolfi, Pour un code européen des contrats, R.T.D.Civ., oct-déc. 1992, p. 707 à 736.

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droit interne insusceptible, de ce fait, de soulever des difficultés du type de celles qu’entraîne un

texte international. Techniquement, le processus OHADA aboutit à l’unification des règles dans

les matières qui font l’objet d’harmonisation.

Pour systématiser les finalités de l’OHADA11

, on peut dire que :

- ce qui est espéré, souhaité, attendu, c’est le développement économique et social au bénéfice

des populations des Etats parties ;

- pour cela, il faut l’accroissement sensible des investissements tant endogènes qu’étrangers ;

- pour y parvenir, il faut un cadre juridique adapté et incitatif ; c’est dans ce sens que le Traité et

les actes uniformes ont été conçus et adoptés ; l’objectif général poursuivi est d’aboutir à ce que

l’espace OHADA constitue un environnement assurant la sécurité juridique et judiciaire, en

particulier aux investisseurs et aux entreprises ;

- à cet effet, des organes ou institutions sont nécessaires pour l’adoption et l’application des actes

uniformes et des règlements ainsi que du Traité12

.

Maintenant que l’OHADA est en place depuis 1993 et souffle sur ses 20 bougies, il est

indiqué de procéder à l’établissement de son bilan, en d’autres termes se demander si

l’organisation est en adéquation par rapport aux objectifs poursuivis et si elle est efficace quant à

leur atteinte. Pour se faire, l’on peut peut se fonder essentiellement sur l’analyse d’une part de

ses organes ou institutions, d’autre part de ses activités. En rappel, les institutions de l’OHADA,

qui sont chargées de réaliser les missions qui lui confiées, sont : la Conférence des chefs d’Etat

11

L’harmonisation au sein de l’OHADA concerne essentiellement la zone franc, c’est-à-dire pour

l’essentiel les anciennes colonies françaises de l’AOF et de l’AEF. Ce cadre est particulièrement

favorable en raison de la communauté de langue, de monnaie et de culture juridique. Toutefois, le traité

est ouvert à tout Etat membre ou même non membre de l’OUA. Elle concerne les Etats suivants : Bénin,

Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée (Conakry),

Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo et, depuis le 13 juillet 2012, la République

Démocratique du Congo.

Voy. pour les aspects juridiques :

- les commentaires du Traité, in J. Issa-Sayegh, P.-G. Pougoué et F. M. SAWADOGO (sous la

coordination scientifique de), OHADA : Traité et Actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 1ère

éd. 1999, 2e éd. 2002, 3

e éd. 2008 (un dernier tirage intervenu en septembre 2011 y a inclus le Traité de

Québec, le nouvel acte uniforme sur les sociétés coopératives et la version révisée des actes qui en ont fait

l’objet), 4e éd. 2012 ; les commentaires du Traité sont assurés, en dernier lieu, par les professeurs Babacar

Gueye, Saïdou Nourou Tall et Maurice Kampto) ;

- Joseph Issa-Sayegh et Jacqueline Lohoues Oble, Harmonisation du droit des affaires, Manuel, Editions

Bruylant, Bruxelles, Collection droit uniforme africain, 2002, 245 p. 12

L’harmonisation menée par l’OHADA n’exclut pas les efforts qui peuvent être entrepris dans d’autres

cadres comme la Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurances (CIMA), la Conférence

Interafricaine de Prévoyance Sociale (CIPRES) et bien sûr l’UEMOA et la BCEAO, la CEMAC et la

BEAC, le Conseil Régional de l'Epargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) et la

Commission de Surveillance du Marché Financier de l'Afrique Centrale (COSUMAF). Voy. dans ce sens

le Relevé des conclusions de la Concertation annuelle entre l'OHADA et les Organes et Institutions de

l'UEMOA et de la CEMAC dotés de pouvoirs réglementaires, Dakar, 30 août 2012, qui cite de

nombreuses organisations et structures sauf la CEDEAO.

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et de gouvernement (CCEG), instituée par la révision du Traité intervenue à Québec le 17

octobre 2008 ; le Conseil des Ministres (CM), organe décisionnaire ; le Secrétariat permanent

(SP), représentant de l’OHADA vis-à-vis des tiers, organe de propositions, d’initiatives et de

coordination ; la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA), généralement reconnue pour

être la spécificité de l’OHADA ; l’Ecole régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA),

chargée d’actions de formation, de documentation et de recherche. On pourrait ainsi se

demander, à propos de chaque institution et de manière analytique, quel a été le travail réalisé au

plan quantitatif et qualitatif, quels sont les risques et les menaces pensant sur elle, quelles sont

les perspectives d’évolution et surtout d’amélioration.

L’option a été faite d’aborder le bilan de l’OHADA exclusivement sous l’angle de ses

activités, ce qui peut éviter les chevauchements avec l’approche institutionnelle, étant précisé

que l’analyse des activités donne l’occasion de voir les institutions sous un jour dynamique.

En partant de la nature des principales activités menées par l’OHADA et ses Etats

membres et en procédant à leur regroupement, on peut aboutir aux trois catégories ci-dessous qui

serviront de base pour aux développements :

- L’activité normative (1ère

partie) ;

- L’activité judiciaire, consultative et arbitrale (2e partie) ;

- L’activité de formation, de documentation et de recherche (3e partie).

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9

PREMIERE PARTIE : L’ACTIVITE NORMATIVE

L’activité normative est au cœur des missions de l’OHADA, à savoir adopter des règles

communes, simples, modernes et adaptées à la situation des économies des Etats membres

comme constituant la base de la sécurité juridique et judiciaire dont l’espace a besoin pour

attirer les investissements tant nationaux qu’étrangers pour promouvoir le développement

économique et social.

Cette activité est d’autant plus importante que l’œuvre d’unification des règles aurait pu

ne pas être accompagnée de la création d’une haute juridiction chargée d’assurer le contrôle de

l’application et de l’interprétation des Actes uniformes, surtout s’il n’y avait pas une grande

défiance vis-à-vis des juridictions de différents niveaux (première instance, appel et cassation)

des Etats parties.

Il y a lieu de noter que l’activité normative concerne également les règlements pris pour

l’application du Traité ainsi que les décisions, catégorie ajoutée par la révision du Québec.

Un bilan sommaire de cette importante activité sera établi, ce qui permettra de formuler

des recommandations.

Section I : Le bilan en demi-teinte

Relativement aux aspects normatifs, l’accent sera mis sur les Actes uniformes13

que nous

considérons comme la finalité immédiate de l’OHADA. Les règlements seront simplement

évoqués. Quant aux décisions, certes elles peuvent faire l’objet de contentieux mais leur portée

hors des institutions est probablement généralement limitée, si bien qu’elles ne feront pas l’objet

de développement. Ainsi seront successivement traités les Actes uniformes et les règlements, les

premiers appelant plus d’observations que les seconds.

§ I : Les Actes uniformes

Après un aperçu sur la procédure d’adoption des Actes uniformes et de la place de ceux-

ci dans l’ordonnancement juridique, l’on abordera l’adoption des Actes uniformes puis leur

révision.

A- La procédure d’adoption des Actes uniformes et la place de ceux-ci dans

l’ordonnancement juridique

13

Voy. pour une approche d’ensemble du droit OHADA : Paul-Gérard Pougoué (sous la direction de),

Encyclopédie du droit OHADA, 2012, Paris, Lamy, 2174 p.

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10

Il n’est pas nécessaire de revenir longuement sur la procédure d’adoption des Actes

uniformes et la place de ceux-ci dans l’ordonnancement juridique.

1) La procédure d’adoption des actes uniformes

A ce stade, la révision ou modification des Actes uniformes n’appelle pas de

développement particulier. En effet, selon l’article 12 du Traité révisé, elle intervient, à la

demande de tout Etat Partie ou du Secrétariat Permanent, après autorisation du Conseil des

Ministres, dans les conditions prévues par les articles 6 à 9 relatifs à l’adoption des Actes

uniformes.

Concernant la procédure d’élaboration et d’adoption des Actes uniformes, elle est

originale. A priori, on ne trouve rien de semblable dans le monde, encore qu’un rapprochement

puisse être fait avec l’adoption des règlements et des directives dans certaines organisations

d’intégration comme l’UEMOA en Afrique de l’Ouest ou la CEMAC en Afrique centrale.

De manière succincte, la chronologie de l’adoption des Actes uniformes est la suivante :

- après décision du CM, le projet d’acte uniforme est préparé par le Secrétariat permanent

(SP), qui a toujours eu recours aux services d’experts ;

- le projet élaboré par le SP est soumis aux Gouvernements des Etats parties qui

disposent d’un délai de 90 jours pour faire parvenir au SP leurs observations écrites ; ce délai,

suite à la révision du Traité, peut être prorogé pour la même durée ; chaque Etat fait appel à sa

Commission nationale pour l’harmonisation du droit des affaires (CONAHADA) ;

- l’intervention de la CCJA se situe à la fin du processus : elle dispose depuis la révision

du Traité de 60 jours et non plus de 30 jours pour ses observations ;

- le texte définitif du projet d’acte uniforme mis au point par le SP fait l’objet d’une

inscription à l’ordre du jour du plus prochain Conseil des ministres (CM) ;

- les Actes uniformes sont adoptés par le Conseil des ministres à l’unanimité mais

l’abstention d’un Etat n’empêche pas l’adoption d’un acte uniforme.

2) La place des actes uniformes dans l’ordonnancement juridique

Concernant la place des Actes uniformes de l’OHADA dans la hiérarchie des normes

juridiques, l’on peut d’emblée affirmer que ceux-ci ont un caractère supranational avec pour

conséquence qu’ils se situent au-dessus des normes internes et entrainent l’abrogation des

dispositions contraires et l’interdiction de l’adoption de dispositions internes postérieures

contraires. Il résulte, en effet, de l’article 10 du Traité, qui n’a pas fait l’objet de révision, que

« les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties

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11

nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure »14

. On note à

cet égard l’apport décisif de la CCJA dans son avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001. Cette

position est la suivante :

« Sauf dérogation prévue par les Actes uniformes eux-mêmes, l'effet abrogatoire de

l'article 10 concerne l'abrogation de tout texte législatif ou réglementaire de droit interne présent,

ou l'interdiction de tout texte législatif ou réglementaire de droit intérieur à venir.

Cette abrogation concerne toute disposition de droit interne ayant le même objet que

celles des Actes uniformes, qu'elle soit contraire ou identique.

Selon les cas d'espèce, la "disposition" peut désigner un article d'un texte, un alinéa de

cet article ou une phrase de cet article ».

Relativement à la portée abrogatoire des Actes uniformes, la CCJA a précisé dans le

même avis qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une abrogation expresse de la législation

nationale contraire. La juridiction suprême de l’OHADA a en effet pertinemment souligné que :

« Au regard des dispositions impératives et suffisantes des articles 9 et 10 du Traité relatif

à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, sont superfétatoires les textes d'abrogation

expresse du droit interne que pourraient prendre les Etats Parties en application des Actes

Uniformes ».

Ainsi, sur le plan juridique, il n’est pas nécessaire que chaque législateur national

intervienne pour abroger l’ensemble des dispositions de son droit national qui seraient contraires

ou identiques à celles du droit communautaire. En effet, la supranationalité ou la primauté du

droit OHADA sur le droit interne fait que l’absence d’abrogation expresse présente moins

d’inconvénient qu’en droit interne où l’abrogation concerne des textes se situant au même niveau

au plan de la hiérarchie des normes juridiques.

Au total, il y a lieu de mentionner le rôle éminent du Conseil des Ministres qui se situe en

amont et en aval et sans qui il n’y a pas d’acte uniforme mais c’est principalement le Secrétaire

permanent qui peut faire évoluer qualitativement les choses en raison de son rôle de

coordination.

14

Voy. sur cette question de la hiérarchie des normes juridiques :

- Djibril Abarchi, « La supranationalité de l'OHADA », Revue burkinabè de droit, n° 37, deuxième

semestre 2000, p. 9-27 ;

- Félix Onana Etoundi, OHADA : Grandes tendances jurisprudentielles de la Cour commune de justice et

d’arbitrage en matière d’interprétation et d’application du droit OHADA (1997-2010), Collection

Pratique et contentieux des affaires, près de 300 décisions et avis annotés et commentés par thème),

Edition spéciale octobre 2011, p. 258 et s. ;

- F. M. Sawadogo, Les actes uniformes de l’OHADA : Aspects techniques, Revue Burkinabè de Droit,

n°s 39-40, 2001, n° spécial 20e Anniversaire, p. 37 et s.

- notre communication à l’ERSUMA sur le thème : Introduction générale au droit OHADA : Aspects

institutionnels et matériels, polycopié, 83 pages (particulièrement p. 46 et s.).

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12

B- L’adoption des Actes uniformes

La question peut faire l’objet de deux approches complémentaires, l’une quantitative et

l’autre qualitative.

1) L’approche quantitative

En rappel, l’adoption et la correcte application des Actes uniformes constituent la finalité

majeure de l’OHADA. S’agissant des Actes uniformes adoptés, l’on se contentera d’en donner la

liste, ceux-ci ayant fait l’objet de publications diverses dont la quasi-totalité est répertoriée dans

la bibliographie du Pr Joseph Issa-Sayegh, régulièrement mise à jour et publiée sur le site

ohada.com.

A ce jour, neuf Actes uniformes ont été adoptés à raison de huit entre 1997 et 2003 et le

dernier en 2010. Ils sont tous en vigueur. Ce sont :

- d’abord, trois Actes adoptés à Cotonou le 17 avril 1997, à savoir l’Acte uniforme

portant le droit commercial général (AUDCG), l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés

commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSC) et l’Acte uniforme portant

organisation des sûretés (AUS) ;

- ensuite, deux Actes adoptés à Libreville le 10 avril 1998, à savoir l’Acte uniforme

portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

(AUPSRVE) et l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du

passif (AUPC) ;

- puis, l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUDA) adopté le 11 mars 1999 à

Ouagadougou ;

- également, l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des

entreprises sises dans les Etats parties au Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en

Afrique (AUOHC) adopté à Yaoundé le 24 mars 2000 ;

- l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route (AUCTMR)

adopté le 22 mars 2003 à Yaoundé ;

- en dernier lieu, l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives (AUDSCOOP)

adopté à Lomé le 15 décembre 2010 à Lomé.

Il est indéniable que le nombre des Actes uniformes adoptés et surtout celui de leurs

dispositions sont fort appréciables15

. Ce bilan est quelque peu assombri par le nombre de projets

15

Les 8 premiers actes uniformes font 2135 articles, soit : AUDCG : 289 articles ; AUSCGIE : 920

articles ; AUS : 151 articles ; AUPSRVE : 338 articles ; AUPCAP : 258 articles ; AUA : 36 articles ;

AUDCompt. : 113 articles ; AUCTMR : 30 articles, et le professeur Issa-Sayegh relève avec précision un

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abandonnés ou non aboutis après de nombreuses années, comme le droit des contrats et le droit

du travail.

2) L’approche qualitative

Le processus d’harmonisation du droit des affaires OHADA a permis la mise en commun

des ressources humaines et financières limitées des Etats parties au Traité pour piloter le

processus avec la participation significative, voire décisive, des partenaires financiers.

Incontestablement, il en est résulté pour les Etats parties une amélioration certaine par

rapport à l’état du droit en vigueur lors de leur adoption.

Ce nouveau droit s’inspire en général du droit français en vigueur. Mais d’une part celui-

ci a été influencé par le droit européen (traité, règlements, directives) mais en plus on note la

prise en compte du droit comparé, notamment de la Common Law. Selon un auteur, « le

domaine du droit des affaires se prête fort bien à l’importation de règles de droit étranger,

particulièrement de droit international, la mondialisation y étant plus forte sous la poussée de

nombreux facteurs dont l’absence de référents internes en ce qui concerne les Etats d’Afrique.

Pour ces raisons, évidemment presque aucune règle n’est reprise des coutumes africaines »16

.

Il reste à se demander si le choix des matières à harmoniser a toujours été pertinent. On

peut en douter en ce qui concerne le droit des contrats au regard de son impact sur l’activité de la

CCJA et de l’approche adoptée qui ne prend pas en compte la tradition juridique de la grande

majorité des Etats parties au Traité de l’OHADA.

D’une manière générale, les auteurs qui écrivent sur l’OHADA apprécient l’œuvre qui a

été réalisée et souvent se demandent comment étendre son domaine d’application à d’autres Etats

africains, notamment anglophones17

.

total de 2290 articles pour les actes uniformes et les deux règlements : Règlement de procédure de la

CCJA : 59 articles ; Règlement sur l’arbitrage : 34 articles, et sans compter le Traité : 63 articles. Ce

décompte ne tient pas compte de la révision qui a augmenté le nombre d’articles de ces actes et du dernier

acte uniforme qui comprend 397 articles.

16

Voy., entre autres, noter article sur : La prise en compte du droit comparé dans l’œuvre d’unification de

l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), Revue de droit

international et de droit comparé, Bruylant, 2008, n°s 2 et 34, p. 347. 17

Voy., entre autres :

Frédérique Chifflot Bourgeois, Laurent Bel Kemoun, Sébastien Thouvenot, Pérenniser le succès de

l’OHADA : Pistes de réflexion, Revue de droit des affaires internationales (RDAI), n° 2, 2006, p. 229 à

240 ;

- Marie Joseph Coffy de Boisdeffre, Le rapprochement des normes de l’OHADA avec la législation des

pays d’Afrique anglophone à la lumière de l’expérience de l’harmonisation du droit des affaires des pays

de l’Union européenne, Penant, revue trimestrielle de droit africain, n° 849, octobre - décembre 2004, p.

426 à 430 ;

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14

Le processus de révision de tout ou partie des Actes uniformes en vigueur a été entrepris

et a déjà donné des résultats.

C- La révision des Actes uniformes

Le processus de révision des Actes uniformes est nouveau. C’est vrai que la révision des

Actes uniformes avait été entrevue depuis le début des années 2000 mais ce n’est que de

nombreuses années plus tard qu’il a pris corps. Il accompagne le processus d’adoption des Actes

uniformes et peut même se poursuivre après que le premier soit arrêté. Il convient de l’aborder

sous l’angle quantitatif et sous l’angle qualitatif.

1) L’approche quantitative

A ce jour, deux Actes uniformes ont été révisés le 15 décembre 2010 à Lomé : ce sont

l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général (AUDCG) et l’Acte uniforme portant

organisation des sûretés (AUS).

Le nouvel AUDCG issu de la révision intervenue à Lomé le 15 décembre 2010 apporte

les innovations suivantes18

:

- le nombre d’articles augmente passant à 307 contre 289 antérieurement avec un

changement de la numérotation, de même que celui des livres qui sont désormais au nombre de

neuf contre six antérieurement ;

- l’introduction du statut de l’entreprenant (art. 30 à 33), qui constitue l’une des plus

grosses innovations de l’AUDCG révisé, ainsi que des règles de calcul de la prescription (art. 16

à 29) ;

- la modification en profondeur des règles régissant le registre du commerce et du crédit

mobilier (RCCM) ; au lieu du livre unique de l’AUDCG originaire, quatre livres lui sont

consacrés, directement ou indirectement, à savoir le livre II sur le RCCM (art. 66 à 72), le livre

III sur le fichier national (art. 73 à 75), le livre IV sur le fichier régional (art. 76 à 78) et le livre

- Claire Moore Dikerson, Consolidation et élargissement du système OHADA, Rencontre des Forces

vives, Douala, 8-10 novembre 2012, dactylographié, 6 p. ;

- Roger Masamba, Consolidation et élargissement du système OHADA, Rencontre des forces vives,

Douala, 8, 9, 10 novembre 2007, dactylographié, 17 p. Selon l’auteur, « après un décollage salué,

l’OHADA n’a pas tardé à atteindre sa vitesse de croisière, comme l’illustre le nombre de conférences qui

se tiennent un peu partout en Afrique, en Europe et même en Asie autour de l’intégration juridique et

judiciaire africaine… Au moment où, forte de sa vocation africaine bien affichée, l’OHADA impose son

rayonnement et optimise son attractivité, les rangs ne peuvent que l’élargir, avec ou sans lenteurs, mais

sûrement » (p. 3 et 4). 18

Akuété Pedro Santos, Commentaires de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général du 15

décembre 2010, in J. Issa-Sayegh, P.-G. Pougoué et F.M. Sawadogo (sous la direction de), OHADA :

Traité et Actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 4e édition, 2012, p. 231 à 363.

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15

V sur l’informatisation du RCCM, du fichier national et du fichier régional (79 à 100) ; tous ces

livres auraient pu constituer un seul livre en raison des liens qui les unissent, lequel serait

subdivisé en quatre titres ;

- le remplacement du bail commercial par le bail à usage professionnel, ce qui était déjà

le cas en pratique dans les anciens textes, même avant l’harmonisation, sauf l’appellation, et

l’abandon de la notion confuse de fonds commercial ;

- le quasi maintien des règles sur les intermédiaires ;

- la refonte de la réglementation de la vente (art. 234 à 302).

S’agissant de l’AUS, la révision a entrainé le changement de numérotation des articles

dont le nombre passe de 151 à 228. Un titre préliminaire traite des définitions et du domaine

d’application des sûretés ainsi que de l’agent des sûretés qui est un professionnel de la gestion

des sûretés d’autrui19

et qui constitue une innovation fondamentale du nouvel acte uniforme (art.

5 à 11). Les autres titres sont les mêmes que ceux de l’Acte non révisé : ils abordent les sûretés

personnelles, les sûretés mobilières, les hypothèques, la distribution et le classement des sûretés

et, enfin, les dispositions finales. Aucune modification substantielle n’a été apportée relativement

aux sûretés personnelles. Néanmoins, dans l’ensemble, les innovations sont nombreuses. Ce

sont, outre l’agent des sûretés, la définition nouvelle de la sûreté20

, la notion de débiteur

professionnel, la distinction entre le gage et le nantissement fondée sur le fait que le gage porte

sur des meubles corporels et le nantissement sur des meubles incorporels21

, la propriété retenue

ou cédée à titre de garantie (réserve de propriété et fiducie), la réglementation de la publication

des sûretés par l’AUS (art. 50 à 66)…

Deux Actes sont en cours de révision, en l’occurrence l’Acte uniforme relatif au droit des

sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSC) et l’Acte uniforme

portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC). Au regard des

retards enregistrés, il est probable que le premier soit adopté par le Conseil des Ministres au

cours de sa session à la fin de l’année 2013 et que le second le soit en 2014. Le Conseil des

19

L’article 5 de l’AUS révisé y relatif est ainsi libellé :

« Toute sûreté ou autre garantie de l'exécution d'une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et

réalisée par une institution financière ou un établissement de crédit, national ou étranger, agissant, en son

nom et en qualité d'agent des sûretés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties l'ayant

désigné à cette fin ». 20

« Une sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un

patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit la

nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou

déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant » (AUS

révisé, art. 1). 21

Akuété Pedro Santos, Commentaires de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant organisation des

sûretés, in OHADA : Traité et Actes uniformes commentés et annotés, op. cit., p. 847 à 973.

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ministres été informé lors de sa session de décembre 2011 à Bissau de l’évolution du processus

d’avancement de la révision de l’AUCTMR.

2) L’approche qualitative

La méthodologie utilisée est scientifiquement correcte : un bilan critique a été établi de

manière contradictoire avec une expertise et une contre-expertise. Le temps et les moyens mis

ont été importants et on peut se demander s’il est envisageable de réunir à nouveau de tels

moyens.

Tout ceci a abouti à des textes généralement améliorés sur la forme et sur le fond.

On peut cependant émettre des critiques sur les amendements de pure forme relatifs à des

dispositions qui substantiellement demeurent les mêmes. Autrement dit, des dispositions ont été

modifiées alors qu’il n’y avait pas de nécessité et que leur rédaction ancienne ne posait pas de

problème. On a l’impression qu’il fallait modifier pour modifier.

L’inconvénient majeur tient dans le changement de numérotations des articles. Bien

qu’un tel changement ne concerne que la forme, il présente le grand inconvénient de produire un

effet de dépaysement pour tous ceux qui connaissaient l’ancien acte uniforme. On doit à nouveau

former tous les théoriciens et praticiens afin qu’ils maîtrisent le nouvel acte uniforme.

Sur un plan d’ensemble, l’approche actuelle de la révision, telle qu’elle a été appliquée à

l’AUDCG et à l’AUS, au lieu d’être un nettoyage des points flous, une correction des erreurs ou

incorrections, un complément là où il y a des lacunes, au lieu d’une révision portant sur quelques

points, confine à une réorientation, ce qui peut désorienter toute personne de bonne foi qui a

suivi l’évolution de l’OHADA, surtout lorsque l’on abandonne l’ancienne numérotation des

articles, que l’on crée de nouveaux statuts comme celui de l’entreprenant dont on peut discuter

de la viabilité22

, que l’on multiplie les registres ou les livres relatifs aux registres et qu’on change

d’acte uniforme pour les recevoir. On a l’impression qu’il y a deux camps : celui de ceux qui ont

élaboré ou adopté les Actes uniformes, qui n’a pas de défenseur, et le camp des « réviseurs » qui

se rattrapent en déstructurant le travail réalisé. L’impact négatif de cette révision pourrait être

plus important que ce à quoi on pense a priori dans la mesure où il s’agit pour l’essentiel d’un

nouveau départ, d’un nouvel acte uniforme.

§ II : Les règlements

22

A priori, l’entreprenant ne risque pas de se tailler une place au soleil, spécialement au plan fiscal où

beaucoup d’Etats ont créé un impôt global unique pour le secteur informel (par exemple, le Burkina Faso

a créé la Contribution du secteur informe, en abrégé CSI)) et ne semblent pas prêts à créer un impôt plus

faible pour l’entreprenant, ce qui paraît être l’une des conditions de son succès.

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17

Selon l’article 4, « des règlements pour l’application du présent Traité… seront pris,

chaque fois que de besoin, par le Conseil des Ministres, à la majorité absolue ». On note que

leurs conditions d’adoption sont moins exigeantes que celle des Actes uniformes où l’unanimité

est exigée.

La même approche que celle des Actes uniformes sera observée.

A- L’approche quantitative

Au titre des règlements pris, on note :

- le Règlement de procédure de la Cour commune de justice et d’arbitrage adopté le 18

avril 1996 à N’Djamena ;

- le Règlement d’arbitrage de la Cour commune de justice et d’arbitrage adopté le 11

mars 1999 à Ouagadougou ; en liaison avec ce règlement ont été adoptées la décision n°

004-99-CCJA du 3 février 1999 relative aux frais d'arbitrage ainsi que la décision n° 004-99-CM

du 12 mars 1999 qui l'approuve et ses annexes I à III relatifs aux frais administratifs, aux

honoraires d'un arbitre et aux frais administratifs et honoraires d'un arbitre résultant de calculs

corrects23

; sur ce plan s'est ajouté en dernier lieu le Règlement intérieur de la Cour commune de

justice et d'arbitrage de l'OHADA en matière d'arbitrage, adopté par celle-ci le 2 juin 1999 ;

- le Statut de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) adopté le 03

octobre 1995 à Bamako, République du Mali, remplacé par le Règlement n°

004/2009/CM/OHADA du 19 décembre 2009 portant Statut révisé de l’ERSUMA, adopté à

N’Djamena ;

- le Règlement n°001/98/CM du 30 janvier 1998 portant Règlement financier des

Institutions de l’OHADA, remplacé par le Règlement n° 001/2010/CM/OHADA du 30 juillet

2010 portant Règlement financier révisé de l'Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du

Droit des Affaires, adopté à Lomé ;

- le Règlement n°002/98/CM du 30 janvier 1998 portant statut des fonctionnaires de

l’OHADA, le Règlement n°003/98/CM du 30 janvier 1998 portant régime applicable au

personnel non permanent de l’OHADA, le Règlement n°0009/2000/OHADA fixant les

conditions d’application du statut des fonctionnaires de l’OHADA au personnel de l’ERSUMA,

remplacés par le Règlement n°001/2007/CM/OHADA du 27 juillet 2007 portant Statut du

personnel de l'OHADA, le Règlement n°002/2007/CM/OHADA du 12 décembre 2007 portant

révision du statut du personnel et, en dernier lieu, par le Règlement n° 003/2009/CM/OHADA

du 19 décembre 2009 portant révision du statut du personnel (adopté à N’Djamena).

23

Tous ces textes ainsi que l'Acte uniforme et le Règlement d'arbitrage CCJA ont été publiés au Journal

Officiel de l'OHADA n° 8 du 15 mai 1999, p. 1 à 27.

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On note une forte instabilité des règlements, surtout ceux intéressant le statut du

personnel24

.

De manière plus générale, il faut souligner que le répertoire ci-dessus effectué n’est pas

exhaustif ; en effet, il y en a eu un certain nombre de règlements dont l’adoption découle des

décisions prises lors des sessions de Lomé, Bissau et Cotonou.

B- L’approche qualitative

Les règlements sont adoptés conformément aux dispositions de l’article 4 du Traité

comme indiqué ci-dessus. Contrairement aux décisions, catégorie introduite par la révision de

Québec, qui vise les Actes individuels dont l’objet est de régler des situations personnelles25

, les

règlements sont des Actes de portée générale relatifs à l’organisation et au fonctionnement des

institutions et des organes ainsi qu’à la procédure suivie devant eux26

. En pratique, ils relèvent

pour une large part, voire pour le tout, de l’organisation et du fonctionnement des institutions.

Certains règlements ont cependant le caractère de normes ayant une portée plus étendue

que l’organisation et le fonctionnement institutionnels entendus au sens strict dans la mesure où

ils intéressent les mêmes destinataires que les Actes uniformes. Il en est ainsi :

- du règlement de procédure de la CCJA qui intéressent les justiciables recourant à cette

juridiction ;

- du règlement d’arbitrage de la CCJA dont les destinataires sont toutes les parties ayant

conclu une convention d’arbitrage (clause compromissoire ou compromis) prévoyant le recours à

l’arbitrage CCJA ;

- dans une moindre mesure, du règlement sur le financement autonome de l’OHADA

dont la portée va au-delà des institutions pour toucher la gestion budgétaire des Etats.

Les approches, quantitative et qualitative, ci-dessus conduites ont permis de prendre la

mesure du travail important qui a été réalisé par l’OHADA au plan normatif. Cependant, des

24

La stabilisation ne semble pas pour bientôt puisqu’un communiqué du Secrétariat Permanent de

l'OHADA, publié sur OHADA.com du jeudi 4 octobre 2012 9h08, informe que la date limite de réception

de l’appel d'offres international AOI/004/2012/SP/OHADA relatif au recrutement d'un cabinet

international chargé de procéder à la révision du statut du personnel de l'OHADA, fixée initialement au

14 septembre 2012, est reportée au 15 octobre 2012 à 14H00 GMT. 25

Maurice Kamto, Commentaires du Traité, in OHADA : Traité et Actes uniformes commentés et

annotés, Juriscope, 4e édition, 2012, p. 31 (sous l’article 4) (sous la direction de J. Issa-Sayegh, P.-G.

Pougoué et F.M. Sawadogo). Mais la situation n’est pas toujours claire. Des décisions pourraient créer

des services, comités, commissions… dont la portée irait au-delà d’un individu. Dans ce sens, on peut

citer la décision n°011/2011/CM/OHADA du 17 juin 2011 autorisant une étude sur la faisabilité et la

possibilité d'extension du domaine du droit des affaires de l'OHADA à de nouvelles matières. 26

Maurice Kamto, op. cit., sous l’article 4.

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recommandations pourraient être utiles pour éviter les erreurs du passé et surtout faire mieux que

par le passé, voire même réorienter les actions à entreprendre.

Section II : Les recommandations : suggestions d’options

Les recommandations vont concerner principalement les Actes uniformes mais les

règlements seront également abordés mais de manière sommaire.

§ I : Les Actes uniformes

Les recommandations afférentes aux Actes uniformes seront formulées en tenant compte

des deux principaux volets de l’activité normative que sont l’adoption de nouveaux Actes

uniformes et la révision des Actes uniformes adoptés.

A- Concernant l’adoption de nouveaux Actes uniformes

Plusieurs questions dont les réponses peuvent être considérées comme des

recommandations se posent.

1) Convient-il d’arrêter les projets d’harmonisation en cours et de s’interdire

d’entreprendre l’harmonisation de nouvelles matières afin de permettre la consolidation de

l’œuvre déjà réalisée ?

Le ralentissement ou le stop et non l’arrêt semblent a priori souhaitable. Cela va dans le

sens de la décision n° 005/2009/CM/OHADA du 22 mai 2009 portant orientation stratégique

quinquennale pour l’harmonisation du droit des affaires. On verra qu’il se peut qu’il y ait des

matières qui auraient dû être touchées par les premiers mouvements d’harmonisation et qui

demeurent hors de la sphère du droit uniforme.

Par ailleurs, si des techniques (harmonisation souple) ou une organisation soulevant

moins de difficultés, c’est-à-dire qui n’encombrerait pas la CCJA, sont trouvées, cela pourrait

ouvrir largement la voie à des actions d’harmonisation de grande envergure.

2) Comment améliorer la qualité des projets d’Actes uniformes, comment impliquer

davantage les Etats ?

Etant donné que l’époque de la naissance de l’OHADA (l’OHADA aura 20 ans en

octobre 2013), marquée par l’urgence dans le processus d’adoption des Actes uniformes, est

passée, il convient de veiller à la qualité des projets d’Actes uniformes. Ceux-ci doivent :

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- être conformes à l’évolution du droit des affaires dans le monde, notamment dans les

principaux Etats avec lesquels les Etats parties au Traité de l’OHADA entretiennent des relations

d’affaires ;

- être adaptés à la situation économique des Etats parties ; il ne doit pas s’agir de règles

trop sophistiquées qu’il serait difficile de mettre en œuvre au sein des Etats ;

- tenir compte de l’impact recherché, à savoir la promotion du développement

économique et social dans les Etats parties ; l’on sait, par exemple, qu’une société au capital

ridicule (un euro) aura un impact économique équivalent, c’est-à-dire dérisoire ou inexistant ;

- prendre en compte les Actes uniformes déjà adoptés pour ne pas entrainer des

contradictions ; toutefois, si des contradictions venaient à naître, elles pourraient être résolues en

recourant aux principes d’interprétation classiques en droit interne comme : la supériorité de la

loi nouvelle (lex posterior derogant priori) ; le fait que loi spéciale subsiste malgré l’adoption

d’une nouvelle loi (specialia generalibus derogant ou generalia specialibus non derogant) ;

- reconnaître un rôle central aux commissions nationales d’harmonisation du droit des

affaires conformément au « Texte d’orientation relatif à la création, aux attributions, à

l’organisation et au fonctionnement des commissions nationales de l’Organisation pour

l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) » adopté à Brazzaville et,

éventuellement, des recommandations de la réunion de Dakar des 29 et 30 mai 2008 « sur la

redynamisation des commissions nationales » ; cela suppose une composition qui couvre les

professions et activités intéressées par l’OHADA, la désignation de personnalités de haut niveau,

dynamiques et de bonne volonté ainsi que l’octroi de moyens matériels et financiers substantiels

à chaque commission.

3) Dans quel domaine l’harmonisation apparait-elle très utile, voire indispensable ?

On note les aspects ci-dessous.

Le droit des sociétés civiles mérite de faire l’objet d’harmonisation. Les sociétés civiles,

bien qu’étant hors du champ du droit commercial, relèvent assurément de celui du droit des

affaires. Que l’on songe à la place qu’occupent les grandes sociétés civiles immobilières dans les

pays développés. Elles sont propriétaires des centres commerciaux et de grandes réalisations

immobilières en location simple, en location-vente ou en crédit-bail. Une telle réglementation

permettrait d’abandonner la règle de la responsabilité par part virile ou par tête qui est celle du

Code civil d’avant l’indépendance, qui continue de s’appliquer dans de nombreux Etats de

l’OHADA. Surtout, l’immatriculation pourrait être organisée pour conférer la personnalité aux

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21

sociétés civiles sans entrainer la qualité de commerçant, l’objectif étant de les sortir de

l’informalité dans laquelle elles évoluent actuellement.

Les règles du droit international privé (DIP), surtout les règles des conflits de lois et

des conflits de juridictions, doivent également retenir l’attention du législateur OHADA.

L’harmonisation, qui ne peut pas toucher toutes les matières juridiques intéressant de près ou de

loin les affaires, ne rend pas inutile le recours aux règles du DIP et faciliterait surtout les

relations avec les Etats extérieurs à l’espace OHADA.

La reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires rendues dans les Etats

parties nous semblent constituer des questions d’un grand intérêt. Il parait raisonnablement

urgent que soit instauré dans l’espace juridique OHADA des règles uniformes favorisant la

reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires rendues dans les Etats parties. Il est

curieux et presque anormal que l’on soit plus avancé en ce qui concerne la reconnaissance et

l’exécution des sentences arbitrales avec l’adoption de l’Acte uniforme relatif au droit de

l’arbitrage alors que les jugements rendus par les juridictions étatiques peuvent également

concerner les litiges qui naissent dans les relations d’affaires. Les sentences arbitrales rendues

sous l’égide de la CCJA reçoivent un traitement dont ne bénéficie aucune décision d’une

juridiction des Etats parties alors que ce sont avant tout des décisions de personnes privées.

D’ailleurs, de nombreux Etats de l’espace OHADA n’ont aucune législation sur l’efficacité des

jugements étrangers. « L’absence de législation et de jurisprudence publiée et connue rend

incertain et quasiment divinatoire le sort susceptible d’être réservé aux décisions judiciaires

étrangères dans ces pays »27

. On note cependant que quelques Etats, comme le Burkina Faso, la

Côte d’Ivoire, la Guinée et le Sénégal, disposent d’une législation organisant la reconnaissance et

l’exequatur des actes judiciaires étrangers28

.

Par rapport aux matières retenues par la décision n°011/2011/CM/OHADA du 17

juin 2011 autorisant une étude sur la faisabilité et la possibilité d'extension du domaine du

droit des affaires de l'OHADA à de nouvelles matières (crédit-bail, affacturage, sous-

traitance, franchise, contrats de Built Operate and Transfer ou Partenariats Public Privé,

médiation commerciale, règlement des conflits de lois et circulation des actes publics), on peut

dire que, pour la plupart, elles correspondent à des préoccupations des Etats parties ou à des

lacunes relevées dans l’œuvre d’harmonisation. Des projets de textes de qualité élaborés en ces

matières, avec la participation active des organisations intéressées comme les banques centrales,

27

P. Meyer, La circulation des jugements en Afrique de l’Ouest francophone, Revue Burkinabè de droit,

numéro spécial 20e Anniversaire, 2

e semestre 2001, p. 110.

28 P. Meyer, op. cit., p. 110.

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pourront être adoptés soit par lesdites organisations, soit par l’OHADA, soit par les Etats parties

intéressés.

Quid du droit du travail ?

Le projet en la matière est très ancien. Il a connu beaucoup de lenteurs pour des raisons

diverses. Il semble utile de commencer par affirmer que le droit du travail relève du droit des

affaires29

.

L’OHADA pourrait :

1) soit le poursuivre en vue de son adoption à condition qu’il aille, comme les autres

Actes uniformes, jusqu’aux règles de détail en réglant des questions importantes comme :

- quand est-ce que le contrat à durée déterminée devient un contrat à durée

indéterminée30

;

- la détermination des dommages-intérêts en cas de licenciement abusif au lieu de la

pratique actuelle accordant quelquefois des montants qui sont de nature à ruiner l’entreprise et à

entrainer sa mise sous procédure collective ;

- l’éventuelle réduction de la protection des travailleurs salariés comme cela s’observe

dans le monde entier, qu’il s’agisse de pays développés ou de pays en voie de développement,

l’objectif étant de favoriser la création d’emplois et de faciliter le fonctionnement des

entreprises ; une des conditions de l’adoption de cet acte est que la CCJA ait été réformée ou le

nombre de juges sensiblement accru pour éviter son engorgement qui risque sans cela d’être

immédiat quand on connait l’importance du contentieux du travail dans les Etats parties ;

2) soit l’abandonner, notamment par crainte que son adoption ne contribue au

renforcement de l’engorgement de la CCJA ou qu’il ne concerne que les principes généraux du

droit du travail qui sont déjà communs pour la plupart des Etats de l’OHADA et ne présente de

ce fait pas d’intérêt.

Sur un plan d’ensemble, la recommandation est d’arrêter ou de réduire le rythme de

l’adoption de nouveaux Actes uniformes. Cela est conforme à la décision n°

29

Selon des auteurs célèbres, le droit commercial, « un droit applicable plus particulièrement aux

commerçants (… droit d’une profession), peut être distingué aujourd’hui de tout un corpus juridique qui

vise les entreprises, voire les professionnels en général, sans se préoccuper de la qualité de commerçant :

le droit des affaires. Initialement, ce droit était fait du droit économique (droit de la concurrence, de la

distribution et de la consommation) et du droit commercial. Une vision plus large y ajoute le droit social

et le droit fiscal, car ces règles s’appliquent aux entreprises, et déterminent leur comportement » (Louis

Vogel, Traité de droit commercial de Ripert et Roblot, Tome 1, Volume 1, Commerçants, Tribunaux de

commerce, Fonds de commerce, Propriété industrielle, Concurrence (droits communautaire et français),

LGDJ, 18e éd., 2001, n° 7).

30 On pourrait s’inspirer du Code du travail burkinabè (loi n° 028-2008/AN du 13 mai 2008 portant Code

du travail) dont l’article 52 est ainsi libellé : « Le contrat de travail à durée déterminée est renouvelable

sans limitation sauf cas d’abus laissé à l’appréciation de la juridiction compétente ».

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005/2009/CM/OHADA du 22 mai 2009 portant orientation stratégique quinquennale pour

l’harmonisation du droit des affaires. L’article 2 de cette décision dispose que :

« Durant la période déterminée à l’article 1er

[soit de l’année 2010 à 2015], les

programmes, projets et actions tendant à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique doivent

avoir pour objectif principal de consolider les réalisations accomplies par l’OHADA ou

d’achever celles qui sont en cours ».

4) Ne faudrait-il envisager et admettre des Actes uniformes à plusieurs vitesses ?

On peut penser que l’œuvre de l’OHADA en matière d’harmonisation est grande partie

limitée par la crainte de l’engorgement de la CCJA et les difficultés d’accès à celle-ci en raison

de son éloignement et des coûts qu’entrainent le recours à elle. Il y a aussi la perspective de

l’adhésion d’Etats anglophones dont le système juridique est apparenté à la Common Law. Pour

résoudre de telles difficultés, on peut envisager l’admission de plusieurs niveaux

d’harmonisation dont les plus souples pourraient s’appliquer à des domaines à fort contentieux

comme le droit du travail, le droit des contrats, les sociétés civiles…

Le premier niveau, classique au niveau de l’OHADA, est celui actuel que certains

qualifient d’harmonisation rigide avec la pleine compétence de la CCJA. On rappelle que les

Actes uniformes de l’OHADA s’apparentent aux règlements des organisations d’intégration

régionale. Les règlements ont une portée générale, sont obligatoires dans tous leurs éléments et

sont directement applicables dans tout Etat membre.

Le deuxième niveau pourrait revêtir les mêmes caractéristiques avec la seule

différence que la compétence de la CCJA serait exclue de manière expresse comme on l’a fait

pour les « décisions appliquant des sanctions pénales » (article 14, alinéa 3). L’objectif ici serait

d’éviter l’encombrement de la CCJA et de contenter les juridictions de cassation nationales.

Le troisième niveau pourrait prendre la forme de directives comme celles de l’Union

européenne, de la CEMAC ou de l’UEMOA. Les Etats parties s’engageraient à en introduire la

substance dans leurs législations internes mais comme il ne s’agirait pas d’Actes uniformes mais

de textes internes (lois, décrets, etc.), la CCJA ne serait pas compétente pour en assurer

l’application et l’interprétation. Classiquement, les directives lient tout Etat membre d’une

organisation d’intégration quant aux résultats à atteindre, tout en laissant aux instances nationales

la compétence quant à la forme et aux moyens de mise en œuvre31

.

Le quatrième niveau serait celui de la loi type ou loi modèle comme celles qu’élabore

la CNUDCI à l’attention des Etats du monde. Dans ce cas, chaque Etat aurait la possibilité

31

Voy., à titre d’exemple, pour les définitions du règlement et de la directive l’article 43 du Traité de

l’UEMOA du 10 janvier 1994.

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d’adopter le projet préparé par l’OHADA (sans amendement, avec quelques ou beaucoup

d’amendements) ou de ne pas l’adopter. Il est certain que si elle est adoptée par un nombre

important d’Etats sans trop de modifications, elle aboutit à des effets comparables à ceux d’un

Acte uniforme ou d’une convention. Toutefois, sur le plan juridique, la différence entre les deux

est nette en raison de ce que la loi type est adoptée en tant que texte de droit interne

insusceptible, de ce fait, de soulever des difficultés du type de celles qu’entraîne un texte

international. Bien sûr, s’agissant de textes internes, la CCJA ne serait pas compétente pour en

assurer la correcte et uniforme application et interprétation.

D’une manière générale, l’amélioration de l’activité normative implique une plus grande

implication des Etats parties dans la production normative. Celle-ci commence par la

détermination du domaine normatif et la définition des matières qui peuvent être harmonisées.

Les blocages constatés dans le processus d’harmonisation de certaines matières, comme le droit

du travail, peuvent faire douter d’une participation consciente des Etats lorsque les matières qui

entrent dans le domaine de l’OHADA ont été définies. Les Etats devraient systématiquement

exiger une étude de faisabilité incluant une étude d’impact des mesures à prendre, et c’est à la

lumière des conclusions de cette étude que le domaine des matières à harmoniser (article 2 du

Traité) peut être précisé et le programme annuel d’harmonisation du droit des affaires approuvé

(article 11 du Traité).

Que faire en ce qui concerne la révision des Actes uniformes ?

§ II : Concernant la révision des Actes uniformes

Plusieurs questions se posent dont la réponse peut constituer des indications ou

recommandations sur la conduite à tenir à l’avenir. Elles tournent autour du point de savoir s’il

faut poursuivre le processus de révision des Actes uniformes et si oui dans quelles conditions.

A- Faut-il arrêter ou continuer le processus de révision entrepris il y a quelques

années ?

Le principe nous semble être de ne réviser qu’en cas de nécessité. Dans son ouvrage

intitulé « Essais sur les lois »32

, Jean Carbonnier a écrit : « N’accepte de faire de loi que si tu y

crois, non pas à la loi, mais à la nécessité d’en faire une ». On peut bien sûr transposer ce qui est

dit à la réforme des textes existants, qui requiert la même attitude de réserve.

Donc, il ne faudrait pas engager de révisions qui ne répondent pas à ce critère. Si ce

principe n’est pas respecté, l’OHADA se trouvera en perpétuel recommencement, donc dans

32

Jean Carbonnier, Essais sur les lois, Répertoire du notariat latin, 2ème

édition, Paris, 1995, p. 225.

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25

l’impossibilité de faire des avancées dans l’approfondissement de la sécurité juridique et

judiciaire. Un auteur souligne, relativement au droit français des entreprises en difficulté qui a

connu de nombreuses réformes, que « le droit des procédures collectives est devenu au cours des

dernières décennies d’une volatilité qui confine parfois à l’insécurité juridique »33

. Certes, le

droit des affaires évolue plus vite que le droit civil mais on ne saurait faire table rase de l’œuvre

accomplie chaque dix ou quinze ans.

B- En cas de continuation du processus de révision, quelle méthodologie adopter et

suivre pour les révisions à venir ?

La poursuite de la révision parait souhaitable. Comme on dit, aucune œuvre humaine

n’est parfaite et la révision peut revêtir un caractère de nécessité.

Toutes les révisions à entreprendre doivent revêtir le caractère de nécessité ou, tout au

moins, de grande utilité.

Elles doivent viser à corriger les erreurs, comme l’article 30 de l’AUPSRVE qui a exclu

les entreprises publiques des voies d’exécution alors que les législations nationales le

permettaient, ce qui est un résultat paradoxal pour un processus qui se veut plus favorable aux

affaires que le droit en vigueur. Il y a eu probablement confusion entre la notion d’entreprise

publique et celle d’établissement public. Ce sont les établissements publics qui sont exclus des

voies d’exécution, y compris les entreprises publiques revêtant la forme d’établissement public et

non les entreprises publiques qui adoptent une forme de droit privé, soit la presque totalité des

entreprises publiques à l’heure actuelle34

. En effet, la plupart des Etats parties se sont engagés,

notamment à travers les programmes d’ajustement structurel (PAS), à transformer leurs

entreprises publiques revêtant la forme d’établissement public en une forme de droit privé

(société d’Etat, société d’économie mixte).

Toujours concernant le même acte, un auteur, à titre illustratif, note que « le problème

que pose l’applicabilité de certaines règles uniformes a été mis en exergue par un auteur35

qui

cite notamment les articles 2836

, 2937

, 3038

, 3239

et 4940

de l’Acte uniforme portant organisation

33

P. Roussel-Galle, Redressement et liquidation judiciaires, in Dictionnaire Permanent Droit des affaires,

feuillets 160, 3 juin 2001. 34

Voy. sur cette question notre article sur : La question de la saisissabilité ou de l’insaisissabilité des

biens des entreprises publiques en droit OHADA (A propos de l’arrêt de la CCJA du 7 juillet 2005,

affaire Aziablévi YOVO et autres contre Société TOGO TELECOM), Revue (belge) de droit

international et de droit comparé, n° 2007/4, p. 512-554. 35

Maïnassara Maïdagi, Le défi de l’exécution des décisions de justice en droit OHADA, Penant, 2006, n°

855, p. 176 et s. 36

Qui subordonne l’exécution forcée et les mesures conservatoires au défaut d’exécution volontaire, sans

préciser si une mise en demeure est requise et quelle est la sanction de l’absence de cette mise en

demeure.

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26

des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Il mentionne également les

règles uniformes sur l’exéquatur41

, le sursis à l’exécution42

, la nullité des actes de procédure43

.

C’est un appel à la relecture et au perfectionnement des Actes uniformes : ‘‘ Le droit OHADA se

réduirait-il finalement à une réforme qui crée plus de problèmes qu’elle n’entendait en

résoudre ?’’, s’interroge le juge Maïnassara Maïdagi en guise de conclusion »44

.

Au regard de l’expérience concluante de la CIMA, qui arrive à réformer rapidement le

Code lors que cela est nécessaire, il parait indiqué que l’OHADA trouve les voies appropriées

pour combler les lacunes ou corriger les erreurs de manière diligente au lieu de les trainer sur des

décennies.

Un volet moins important de l’activité normative concerne les règlements.

§ II : Les règlements

Le régime juridique des règlements est méconnu. Il conviendra d’explorer plus à fond les

potentialités qu’offre cette catégorie d’actes juridiques OHADA pour voir si elle n’est pas mieux

à même de régler certaines questions comme constituer le cadre pour recevoir les règles portant

statut et fixant les honoraires des syndics des procédures collectives que les experts chargés de la

révision de l’AUPC ont proposé d’instaurer pour éviter les abus en la matière qui se font au

détriment des créanciers, y compris les salariés, et du débiteur.

37

Qui oblige l’Etat à concourir à l’exécution des décisions de justice et des autres titres exécutoires sous

peine d’engager sa responsabilité, sans que pareil prescrit n’effraie les parquets et policiers qui interfèrent

parfois indument dans le processus d’exécution. 38

Sur l’immunité d’exécution dont jouissent les personnes morales de droit public et entreprises

publiques, sans définition de ces concepts. 39

Sur l’exécution forcée d’un titre exécutoire par provision, sans régler le sort des défenses à exécution

provisoire organisées par certains droits nationaux. 40

Sur la notion générique de « président de la juridiction statuant en matière d’urgence », alimentant la

controverse sur le point de savoir s’il s’agit du juge des référés ou d’un juge de l’exécution autonome. 41

Les arrêts de la CCJA sont dispensés de l’exéquatur. L’exéquatur des sentences arbitrales rendues sous

l’égide de la CCJA est accordé par le président de la Cour et est valable dans l’espace OHADA. Le

silence règne encore au sujet de l’exécution dans l’espace OHADA des décisions rendues par les

juridictions des premier et deuxième degrés d’un Etat partie en matière de droit uniforme. 42

« Il peut être sursis à l’exécution de la décision contre laquelle le pourvoi en cassation est porté devant

la juridiction de cassation nationale alors qu’il ne peut en être de même si le pourvoi est porté devant la

CCJA », ce qui peut pousser à préférer saisir la juridiction de cassation nationale même si elle n’est pas

légalement compétente pour connaître du recours. 43

Au régime « pas de nullité sans grief » connu pour sa simplicité, le droit OHADA introduit un système

plus complexe : la preuve d’un grief est requise dans les cas de nullité expressément visés par l’article

297 de l’AUPSRVE. Dans les autres cas, l’inobservation des formalités prescrites à peine de nullité est de

plein droit. 44

Roger Masamba, op. cit., p. 10.

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L’activité normative est certes très importante mais elle n’est pas la seule que l’OHADA

mène. S’y ajoutent des activités à caractère judiciaire, consultatif et arbitral conduites par la

CCJA qui viennent s’ajouter à l’activité principale et préalable que constitue l’activité normative.

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28

DEUXIEME PARTIE : L’ACTIVITE JUDICIAIRE, CONSULTATIVE ET

ARBITRALE

La CCJA est certainement l’une des originalités majeures de l’OHADA. On ne trouve

rien de comparable dans le monde aussi bien au plan judiciaire qu’au plan arbitral. Les activités

judiciaire45

et consultative qu’elle mène et l’arbitrage qui se conduit sous son égide méritent

d’être abordés séparément pour plus de clarté.

Section I : L’activité judiciaire : la spécificité de l’OHADA

Parmi les trois activités de la CCJA, c’est assurément l’activité judiciaire qui est la plus

importante, celle qui occupe la majeure partie du temps des juges et du personnel, celle qui

absorbe une bonne partie de son budget. C’est aussi celle qui probablement a le plus d’impact sur

la sécurité juridique et judiciaire dont l’OHADA vise l’instauration.

Cette activité sera abordée en commençant pour en faire succinctement le bilan avant de

formuler des recommandations.

§ I : Le bilan de l’activité de la CCJA

L’activité de la CCJA s’exerce en matière contentieuse sous la forme du recours en

cassation. Les pourvois en cassation sont portés devant la CCJA par l’une des parties ou sur

renvoi d’une juridiction nationale statuant en cassation. Après plus d’une décennie d’exercice

des attributions que lui convie le Traité, il est utile d’en donner un aperçu au plan analytique puis

au plan critique.

A- L’approche analytique : un bilan appréciable

L’analyse du travail judiciaire réalisé par la CCJA se présente sous deux angles : le

qualitatif et le quantitatif.

1) Au plan qualitatif

La CCJA a déjà réalisé un travail important en termes de décisions rendues, lesquelles

ont apporté un éclairage décisif dans l’application du droit OHADA, même si certains arrêts ont

fait couler beaucoup d’encre comme l’arrêt Epoux Karnib c/ SGBCI du 11 octobre 2001 par

45

Il faudrait peut-être faire « état d’activité juridictionnelle » pour faire la différence avec les autres

activités de la CCJA. Mais il y a le risque d’une autre confusion, celle avec l’arbitrage qui, sauf en cas de

sentence en équité, consiste à statuer en droit et donc constitue une activité juridictionnelle. Mais ce n’est

pas la CCJA qui exerce cette activité juridictionnelle.

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lequel la CCJA déclare solennellement qu’« en matière mobilière, l’exécution forcée pouvant

être poursuivie jusqu’à son terme aux risques et périls du créancier en vertu d’un titre exécutoire

par provision, la juridiction supérieure saisie ne peut, se référant au droit national qui organise

les défenses à exécution, en ordonner la suspension sans se mettre en contradiction avec les

dispositions en vigueur du droit uniforme ». Mais des arrêts du 19 juin 2003 constituent un

revirement important ou un cantonnement de la solution de 2001. La CCJA y déclare, en effet,

que, « contrairement à ce que prétend la demanderesse au pourvoi, l’article 32 de l’Acte

uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies

d’exécution n’est pas applicable en l’espèce, la procédure introduite le 03 février 2001 et qui a

abouti à l’arrêt attaqué n’ayant pas eu pour objet de suspendre une exécution forcée déjà engagée

mais plutôt d’empêcher qu’une telle exécution puisse être entreprise sur la base d’une décision

assortie de l’exécution provisoire et frappée d’appel ; qu’il s’ensuit que la Cour de céans doit se

déclarer incompétente pour statuer sur le recours en cassation introduit par SOCOM SARL »46

.

D’autres questions ont retenu l’attention de la Cour, comme : la recevabilité du pourvoi

en cassation devant la CCJA ; la juridiction compétente pour connaître du contentieux de

l’exécution (art. 49 AUPSRVE) ; le régime juridique des nullités de procédure en droit OHADA,

notamment le point de savoir si un grief est nécessaire ; l’injonction de payer qui a connu un

abondant contentieux aussi bien sur les conditions de recevabilité ou de mise en œuvre de la

procédure que sur les voies de recours exercées contre l’opposition à l’injonction de payer,

entrainant que, presque dans tous les cas, l’objectif de simplicité et de rapidité n’est jamais

46

CCJA, arrêt n° 014/2003 du 19 juin 2003, Affaire SOCOM SARL contre Société générale de Banques

au Cameroun (SGBC) et Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), Recueil de Jurisprudence

CCJA, n° 1 janvier-juin 2003, p. 19 à 21. Voy. également dans le même recueil deux autres arrêts de la

CCJA de la même date : arrêt n° 012/2003, Société d’Exploitation Hôtelière et Immobilière du

Cameroun, dite SEHIC Hollywood SA, contre Société générale de Banques au Cameroun dite SGBC ;

arrêt n° 013/2003, affaire SOCOM SARL contre Société générale de Banques au Cameroun dite SGBC.

A ce sujet, M. Gaston Kenfack Douajni a émis l’opinion suivante, dans une communication lors du

Conseil des Ministres consacré au 10e anniversaire de l’OHADA les 16 et 17 octobre 2003 à

Libreville : « Par un arrêt en date du 19 juin 2003, la CCJA a tranché l’une des questions que l’avènement

du droit OHADA a fait naître et qui a longtemps divisé les praticiens du droit. Il s’agit de savoir si les

dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice et contenues dans le droit interne des Etats

parties ont ou non été abrogées par le droit OHADA ». Commentant les faits, il avance que « le risque

serait grand pour les banques et plus généralement pour les opérateurs économiques de se voir dépouillés

de leur fortune si, sur la base de décisions de justice non définitives, ils ne peuvent pas obtenir la

suspension de l’exécution forcée desdites décisions, au motif que le droit OHADA a abrogé les

dispositions nationales réglementant l’exécution provisoire des décisions de justice ». Et l’auteur, qui

approuve les dernières décisions de la CCJA, de conclure : « Ainsi se trouve préservé dans l’espace

OHADA le pouvoir qu’a le juge de moduler l’exécution d’une décision de justice pour en prévenir les

conséquences irréparables, cette décision fût-elle assortie d’une exécution provisoire ».

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30

atteint ; l’immunité d’exécution des personnes et des entreprises publiques (la saisissabilité ou

non de leurs biens)47

; la saisie-attribution des créances et l’arbitrage48

.

Quant à savoir quels sont le ou les domaines de prédilection du contentieux connu par la

CCJA, autrement dit les Actes uniformes qui ont le plus fait l’objet de plus de recours devant la

CCJA, au moins jusqu’en 2010, les arrêts ci-dessus évoqués et bien d’autres montrent que

l’activité juridictionnelle de la CCJA a intéressé en grande partie l’AUPSRVE, peut-être à

hauteur de 2/3, voire de ¾, des saisines contentieuses49

, du moins pour les décisions qui

concernent explicitement des Actes uniformes. Cela est inquiétant puisque traduisant pour

l’essentiel la volonté des débiteurs de ne pas exécuter les engagements souscrits par tout moyen,

y compris l’usage abusif des voies de droit, dont les voies de recours, et sans que cela soit

sanctionné50

. Il est vrai que des arrêts en nombre significatif sont rendus sur le motif que les

recours ne sont fondés sur aucun Acte uniforme ou règlement prévu par le Traité instituant

l’OHADA51

ou sur le fait que le recours n’est pas recevable du fait que la partie recourante n’a

pas soulevé l’incompétence de la cour ou juridiction de cassation nationale devant celle-ci et

s’est contentée d’attendre que la juridiction de cassation rende sa décision pour saisir la CCJA.

47

Voy. sur cette question nos articles sur : La question de la saisissabilité ou de l’insaisissabilité des

biens des entreprises publiques en droit OHADA (A propos de l’arrêt de la CCJA du 7 juillet 2005,

affaire Aziablévi YOVO et autres contre Société TOGO TELECOM), Revue (belge) de droit

international et de droit comparé, n° 2007/4, p. 512-554 ; L’immunité d’exécution des personnes morales

de droit public, Actes du colloque tenu à Yaoundé les 14 et 15 janvier 2008, Revue camerounaise de

l’arbitrage, février 2010, p. 136 à 159. 48

Félix Etoundi Onana, OHADA : Grandes tendances jurisprudentielles de la Cour commune de justice et

d’arbitrage…, op. cit., passim. Voy. également :

- J. Issa-Sayegh, P.-G. Pougoué, F. M. Sawadogo (sous la coordination scientifique de), OHADA : Traité

et Actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 4e édition, 2012, 1460 p., particulièrement les

commentaires du Pr Ndiaw Diouf concernant l’AUPSRVE.

- J. Issa-Sayegh, Répertoire quinquennal OHADA, 2000-2005, UNIDA/OHADA.com, 815 p.

- J. Issa-Sayegh, Répertoire quinquennal OHADA, 2006-2010, OHADA/UNIDA/OHADA.com, tome I

(515 p.), tome II (805 p.) ;

- Secrétariat permanent de l’OHADA, Jurisprudences nationales, n° 02 - décembre 2010, 336 p. 49

Voy. le recueil semestriel de jurisprudence de la CCJA : N° spécial janvier 2003, N° 1 janvier 2003 ;

N° 2 juillet - décembre 2003 ; N°3 janvier - juin 2004, N° 4 Juillet - décembre 2004, N° 5 janvier- juin

2005 (vol. 1) ; N° 5 janvier - juin 2005 (vol. 2) ; N° 6 juillet - décembre 2005 ; n ° 7 janvier - juin 2006

ainsi que les numéros ultérieurs. 50

Voy. à titre d’illustration l’arrêt de la CCJA n° 044/2005 du 7 juillet 2005, Société de Transport Aérien

Middle East Airlines Liban dite MEA contre Madame Kamagate Mangnale. Les faits de l’espèce

semblent traduire la mauvaise foi du défendeur à l’injonction de payer, lequel se plaint de ce que le

demandeur réclame le paiement du capital sans réclamer aussi celui des intérêts. Pour la CCJA, « en tout

état de cause, elle [l’intimée] est en droit de ne demander que le principal » s’agissant certainement de

droits dont elle a la libre disposition. 51

Exemples : Arrêts n° 045/2005 du 7 juillet 2005, Etablissements Soules &Cie contre Société Négoce &

Distribution dite N & D et Continental Bank Benin ; n° 046 du 7 juillet 2005 avec les mêmes parties que

l’arrêt précédent ; n° 047 du 7 juillet 2005 Société Kindy-Mali SARL contre Banque internationale pour

le Mali dite BIMA ; n° 051/2005 du 21 juillet 2005, Société TEXACO Côte d’Ivoire contre la Société

Groupe Fregate.

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31

Après ces observations qualitatives éparses, il est indiqué de s’imprégner des données

quantitatives.

2) Au plan quantitatif

Le colloque de Lomé de l’AA.HJF avait déjà noté ce qui suit concernant l’activité de la

CCJA : « Il ressort du bilan de l’activité juridictionnelle, consultative et arbitrale de la CCJA au

31 décembre 2005 et ce, conformément à la communication du représentant de ladite Cour que

depuis l’installation de cette dernière dans ses nouveaux locaux, elle a rendu 160 décisions

contentieuses sur les 401 pourvois en cassation dont elle été saisie, 5 sentences arbitrales sur les

10 demandes enregistrées et émis 17 avis consultatifs » 52

. En actualisant les données, on obtient

les données ci-dessous.

Etat des dossiers de la CCJA en matière contentieuse : de l’installation de la CCJA

au 30 juin 2012

Années Nbre total

des

saisines

Nbre

d’arrêts

rendus

Nbre

d’ordonnances

rendues

Total des

affaires

vidées

Nbre des

affaires

non

tranchées

% des

affaires non

tranchées

par rapport

au nbre des

saisines

2006 105 32 5 37 68 64,76

2007 113 39 4 44 69 61,06

2008 109 63 5 68 41 37,61

2009 131 53 20 73 58 42,27

2010 109 47 3 50 59 54,12

2011 126 40 7 47 79 62,69

2012* 72 65 11 77 -5 0

Total** 1172 485 78 563 609 51,96

* Du 1er

janvier au 30 juin 2012.

** De l’installation de la CCJA au 30 juin 2012.

52

Rapport général du colloque organisé par l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones

(AA-HJF) sur le thème « Rapports entre les Juridictions de Cassation Nationales et la Cour Commune de

Justice et d’Arbitrage de l’OHADA : Bilan et Perspectives d’avenir », tenu à Lomé du 6 au 9 juin 2006, p.

9.

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32

Si l’on veut aller dans les détails relativement aux données d’ensemble, on note, de

l’installation de la CCJA au 30 juin 2012, ce qui suit : Nombre de pourvois en cassation :

1172 ; Arrêts rendus : 485 ; Jonctions de procédures : 21 ; Ordonnances : 78 ; Dossiers

retirés provisoirement du rôle pour défaut de provision : 113 ; Dossiers retirés du rôle pour erreur

de saisine ou radiation à l'audience : 3 ; En cours : au stade de l'instruction pour notification et

échange de mémoires entre les parties : 472 ; il en résulte que près de 50% des saisines n’ont pas

encore traitées, ce qui fait penser, au regard du nombre moyen de saisines annuelles, que

certaines datent de plus de trois ans. Le faible nombre de des assistants juristes, trois au total,

accroit les lenteurs : les dossiers non encore traités sont répartis entre eux en commençant par les

plus anciens ; il semble qu’on en est pas encore aux dossiers de 2011 et de 2012, ce qui confirme

l’existence de délais importants pour que les dossiers soient vidés.

Tout cela a pour effet de faire perdre tout sens aux procédures simplifiées de

recouvrement dès lors qu’un pourvoi en cassation est introduit auprès de la CCJA.

Les personnes soucieuses d’une évolution heureuse de l’OHADA ne peuvent pas rester

indifférentes devant les données quantitatives ci-dessus.

B- Approche critique : La nécessité d’une réflexion

Malgré le travail positif accompli par la CCJA et la place qu’elle occupe dans les efforts

d’instauration de la sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, une réflexion doit être

menée sur la situation de la CCJA et des juridictions de cassation nationales. On ne peut fermer

les yeux sur les saisines de la CCJA, qui se limitent, pour la majeure partie, à quelques trois ou

quatre Etats sur les 1653

qui composent l’organisation, près de la moitié des saisines émanant du

pays qui abrite le siège de la Cour. Ainsi, au 30 septembre 2011, sur 1057 saisines contentieuses,

523 émanent de la république de Côte d’Ivoire, soit 49,47%. Au 30 juin 2012, sur 1172 saisines

contentieuses, 588 émanent de la république de Côte d’Ivoire, soit 50,17%. C’est sûr que tous les

recours ou simplement la majorité des recours en cassation de la plupart des Etats parties ne sont

pas portés devant elle, à moins que sa création ait eu pour effet de tarir ce genre de recours. C’est

sûr aussi qu’avec le nombre actuel des juges (sept récemment porté à neuf), elle aura et a déjà

des difficultés pour trancher les recours dans des délais raisonnables, surtout si toutes les affaires

lui étaient portées alors que les Etats ne semblent pas prêts à accroître sensiblement le nombre

des juges, ce qui signifierait un accroissement important du budget qui est alloué à la Cour54

.

53

Le 17e Etat, la République Démocratique du Congo, vient d’adhérer seulement le 13 juillet 2012. Le

Traité et les actes uniformes y sont entrés en vigueur le 12 septembre 2012. 54

Le Traité révisé à Québec le 17 octobre 2008 a seulement prévu l’augmentation du nombre de juges de

deux, ce qui donne un total de neuf, et la possibilité de relever ce nombre sans passer par une

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D’ailleurs, elle connait déjà des arriérés assez importants. Des auteurs notent que l’ « on ne peut

pas ne pas tenir compte des critiques plus ou moins voilées que la Cour suscite parfois, qu’il

s’agisse de son encombrement et de son fonctionnement, de son éloignement ou de la mise à

l’écart des juridictions suprêmes nationales »55

. Le risque ne concerne pas que l’encombrement

et les lenteurs. Il y a aussi la baisse de la qualité des décisions rendues. On cite à cet égard

certains arrêts où la position adoptée parait juridiquement difficile à soutenir. Une réflexion

courageuse et réaliste s’impose tendant à explorer les différentes pistes de réformes possibles.

Mais probablement que l’on sera limité dans les choix de solution tant que les juridictions

internes ne seront pas réformées de manière à donner davantage confiance aux justiciables,

particulièrement ceux du monde des affaires. A ce sujet, un observateur note que « les

juridictions nationales des premier et deuxième degrés, qui tranchent les litiges relatifs au droit

uniforme, n’inspirent guère confiance, ce qui est d’autant plus grave qu’elles connaissent du plus

gros volume de contentieux. En effet, la part des litiges qui cheminent jusqu’à la cassation est

relativement faible. Cette situation ne garantit pas la sécurité juridique et judiciaire »56

.

§ II : Les recommandations : du statu quo aux solutions de «déchirement»

L’on note une variété de solutions dont certaines peuvent être combinées entre elles. Une

solution nous semble émerger du lot pour son aptitude à résoudre le problème posé en préservant

plus ou moins les acquis de la situation actuelle.

A- La variété des solutions possibles

On rappellera les recommandations issues du colloque de l’Association Africaine des

Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) sur le thème « Rapports entre les Juridictions de

Cassation Nationales et la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA : Bilan et

Perspectives d’avenir »57

. Certaines de ses propositions de ce colloque, qui a revendiqué avec

force et passion la participation des juridictions nationales de cassation à l’œuvre de l’OHADA,

pourraient retenir l’attention.

Tout dernièrement, les participants à la session de formation à l’ERSUMA ont également

formulé des recommandations tendant à un réaménagement de la répartition des compétences

modification du Traité, ce qui devrait faciliter les choses. Ainsi, l’alinéa 2 nouveau de l’article 31 dispose

que « le Conseil des Ministres peut, compte tenu des nécessités de service et des possibilités financières,

fixer un nombre de juges supérieur à celui prévu à l’alinéa précédent [c’est-à-dire au nombre de neuf] ».

Mais on aura noté la référence ‘‘limitante’’ faite aux possibilités financières. 55

Frédérique Chifflot Bourgeois, Laurent Ben Kemoun, Sébastien Thouvenot, Pérenniser le succès de

l’OHADA : Pistes de réflexion, Revue de droit des affaires internationales (RDAI), n° 2, 2006, p. 235. 56

Roger Masamba, op. cit., p. 9. 57

Voy. le rapport général de ce colloque qui a été organisé à Lomé du 6 au 9 juin 2006.

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34

entre la CCJA et les juridictions nationales de cassation dans le but d’éviter l’engorgement de

celle-ci et de permettre l’atteinte des objectifs poursuivis par l’OHADA58

.

A titre de suggestions, on peut penser que ce problème sérieux de risque d’engorgement

ou de paralysie de la CCJA pourrait être résolu, ne serait-ce que partiellement, par l’adoption de

l’une des solutions suivantes ou par la combinaison de deux ou plusieurs d’entre elles. Elles

peuvent être regroupées en solutions principales et en solution d’accompagnement mais le statu

quo demeure possible sous certaines conditions.

1) La solution du statu quo

Elle nécessite l’accroissement sensible du nombre des juges afin de pouvoir maintenir la

situation telle qu’organisée actuellement par le Traité, sauf éventuellement de légers

aménagements pour plus d’efficacité. La majorité de la doctrine semble être en faveur de cette

solution. Les conditions pour ce faire sont : plus de juges, voire même un juge par Etat partie (ce

qui aurait l’avantage de faciliter la connaissance par la CCJA des différents droits nationaux en

cas d’évocation et l’inconvénient de donner l’impression que chaque juge représente l’Etat dont

il est ressortissant et est là pour défendre les intérêts de celui-ci), mais des juges compétents,

travailleurs et de bonne moralité ; plus de chambres pour traiter plus d’affaires ; de manière

générale, un rythme soutenu de travail, une coordination au sein de la juridiction pour que les

chambres n’adoptent pas des solutions contradictoires qui contrarieraient la sécurité juridique et

judiciaire recherché. L’OHADA et les Etats parties doivent veiller au respect de ces critères dans

le choix des juges.

C’est presque sûr que l’incidence financière que cela va entraîner amènera les Etats à être

réticents. Mais tout le monde convient que le succès de l’OHADA, autrement dit l’atteinte des

objectifs poursuivis par sa création, dépend de l’efficacité de la CCJA à accomplir sa mission.

Tout est une question de volonté politique et de l’ambition que l’on a pour cette organisation.

Si l’option n’est pas faite pour l’accroissement sensible du nombre des juges, des

réformes fondamentales ou des aménagements deviennent souhaitables. Le choix est à faire

parmi les possibilités ci-dessous que l’on peut distinguer entre les principales et les solutions

d’accompagnement.

2) Les solutions principales

58

ERSUMA, session de formation du 17 au 21 septembre 2012 au profit des magistrats des juridictions

nationales de cassation sur le thème : « Le contentieux OHADA devant les hautes juridictions nationales

des Etats parties : Interprétation et application de l'article 14 du Traité OHADA par les Cours suprêmes et

cours de cassation nationales ».

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35

Les solutions ci-dessous sont dites principales parce que, en principe, elles ne peuvent

pas se cumuler entre elles ou avec la solution du statu quo.

- Faire connaître des recours en cassation intéressant des litiges d’un montant faible ou

moyen aux juridictions nationales de cassation ; tel est d’ailleurs le cas actuellement, à moins

que les parties ne renoncent à tout recours ; mais l’on pourra rétorquer que l’importance

juridique d’une question n’est pas liée au montant financier en jeu. Dans le même sens, permettre

la saisine de la juridiction nationale de cassation lorsque les parties décident librement de lui

soumettre leur pourvoi. Il est probable qu’un tel accord concernera en grande partie les litiges de

faible montant.

- Faire en sorte que, dans la plupart des cas, la saisine de la CCJA soit à titre préjudiciel,

comme c’est le cas de la Cour de Justice de l’UEMOA ou celle de l’Union européenne ; on peut

légitimement craindre que les juridictions des Etats parties ne fassent un usage à leur guise de la

position que la CCJA leur aura donnée et même qu’elles s’abstiennent de la saisir alors qu’une

difficulté existe.

- Situer le recours en cassation auprès de la CCJA après que la juridiction nationale de

cassation se sera prononcée, même si cela déroge aux règles classiques de procédure ; en droit

comparé, l’on sait que certains recours ne sont ouverts qu’après épuisement des voies de recours

internes.

Par ailleurs, surtout dans le cas de maintien de la situation actuelle, il urge de clarifier les

cas dans lesquels, lorsque le pourvoi concerne le droit OHADA et le droit interne d’un Etat

partie, la CCJA ou la juridiction nationale de cassation est compétente et, en cas de compétence

concurrente, l’ordre dans lequel elles devront être saisies et le rôle de chacune d’elles.

Actuellement, la CCJA reconnait sa compétence quasi exclusive dans ce cas mais la situation

n’est pas satisfaisante en termes de maîtrise du droit applicable et de célérité. La solution adoptée

par la Cour suprême du Niger paraît a priori recommandable, qui préconise de reconnaître la

compétence de la juridiction nationale de cassation lorsque le pourvoi est fondé à titre principal

sur des moyens tirés du droit national et la compétence de la CCJA lorsque le pourvoi est fondé

titre principal sur le droit OHADA59

. Mais qui va décider, du droit OHADA et du droit national,

lequel est prépondérant ? La même clarification s’impose en cas d’application de sanctions

pénales dont les incriminations sont prévues par les Actes uniformes de l’OHADA au lieu de la

solution actuelle de l’incompétence de la CCJA, si bien qu’il n’y a pas actuellement de contrôle

de la correcte application des incriminations contenues dans les Actes uniformes alors que les

aspects pénaux revêtent une grande importance dans l’efficacité de tout système juridique. Etait-

59

Cour suprême du Niger, Chambre judiciaire, 16 août 2001, arrêt n°01-158/C du 16/08/01 : SNAR

Leyma et Groupe HIMA Souley Oumarou.

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36

il vraiment nécessaire de confier la fixation des peines aux législateurs nationaux60

? On peut en

douter au regard de certaines expériences.

3) Les solutions d’accompagnement

Aux solutions ci-dessus, y compris la solution du statu quo, on peut ajouter quelques

propositions de détail mais qui peuvent produire des effets bénéfiques sur l’efficacité de la CCJA

:

- régler de manière diligente la question du remplacement des juges ; on assiste depuis un

bon moment à des difficultés sérieuses pour remplacer les juges dont les mandats sont arrivés à

expiration, ce qui présente les inconvénients suivants : le sortant démotivé est maintenu en

place ; le rentrant n’étant pas désigné ne peut pas déployer ses énergies ;

- veiller à ce que les candidats proposés par les Etats (magistrats, avocats professeurs de

droit) soient des spécialistes du droit OHADA, y compris de la jurisprudence de la CCJA, ou,

tout au moins, des personnes qui en soient suffisamment imprégnées pour ne pas devoir s’initier

au droit OHADA une fois nommées, ce qui entrainera une perte de temps, et une période de

tâtonnements préjudiciable à la qualité et à la rapidité des décisions rendues ; sur ce point, il

semblerait qu’on observe déjà une certaine baisse de qualité dans les décisions rendues ces

dernière années ; l’attention des Etats doit être attiré sur ce point, sachant que, en général, un

assez large choix s’offre à eux ; dans le même sens, les Etats doivent sélectionner leurs candidats

en tenant compte des postes à pourvoir : d’une part les magistrats pour 2/3 des postes, d’autre

part les avocats et les professeurs de droit pour le 1/3 restant ; il serait indiqué que le Secrétaire

permanent, après consultation de la Cour, donne déjà le profil recherché lors de la déclaration de

vacance de poste afin d’éviter le malaise actuel où chaque Etat présente le profil qu’il veut ;

- créer un parquet auprès de la CCJA pour veiller au respect du droit OHADA comme il

le fait auprès de juridictions nationales ;

- créer le ministère d’avoués auprès de la CCJA ;

- abandonner l’obligation de domiciliation auprès d’un avocat installé en Côte d’Ivoire ;

- accroitre le nombre des assistants juristes dont le nombre actuel est de trois ; on peut

songer à doubler ce nombre, voire à faire en sorte que chaque juge dispose d’un assistant

juridique ; cela permettra à chaque assistant juriste d’avoir un nombre restreint de dossiers à

60

Voy. à titre du droit comparé : le règlement de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique

centrale (CEMAC) n° 02/03/CEMAC/UMAC/CM du 4 avril 2003 relatif aux systèmes, moyens et

incidents de paiement, qui contient non seulement les incriminations mais aussi les peines applicables

auxdites incriminations ; l’Accord de Bangui, acte du 24 février 1999 portant révision de l’Accord de

Bangui, acte du 2 mars 1977 relatif à la création d’une Organisation Africaine de la Propriété

Intellectuelle qui également prévoit les incriminations et leurs sanctions.

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traiter par an de façon plus approfondie et plus sérieuse, on pourrait même tendre vers une

spécialisation des assistants juristes ; d’une manière générale, il faut veiller à la diligence des

procédures diligentées devant la CCJA, faute de quoi elle n’atteindra pas ses objectifs ;

- créer une formation ou une chambre chargée de trancher les dossiers urgents ainsi que

les dossiers simples tels que les dossiers où l’incompétence de la CCJA est manifeste, par

exemple parce qu’aucun acte uniforme n’est en jeu ;

- confier à une formation de la CCJA le soin d’accorder de manière rapide si cela semble

nécessaire le sursis à exécution des arrêts de cours d’appel appliquant le droit OHADA ;

- prévoir que, en cas de condamnation à l’exécution provisoire, la partie condamnée doit

s’exécuter entre les mains d’un séquestre ou d’une caisse de dépôts et de consignation qui ne

s’exécutera qu’une fois la décision définitive rendue : soit au profit du bénéficiaire de

l’exécution provisoire si la décision est confirmée, soit au profit du déposant si la décision

provisoire a été remise en cause.

B- La solution préconisée

Elle est celle de l’épuisement des voies de recours qu’il faut énoncer avant de justifier.

1) L’énonciation de la solution

La solution qui semble à même de résoudre durablement le problème de risque

d’engorgement de la CCJA et de lui permettre de rendre ses arrêts dans un délai raisonnable et

avec la qualité requise est celle de l’épuisement des voies de recours internes.

Elle implique que des précautions soient prises : en effet, il faut que les juridictions

nationales de cassation soient obligées de se prononcer dans un délai limité, celui de douze mois

par exemple. A cet effet, il faut que des normes s’imposant à celles soient adoptées et que des

sanctions existent qui puissent les contraindre au respect de ce délai ou qui permettent aux

justiciables, une fois ce délai expiré, de saisir directement la CCJA.

Bien qu’elle soit en recul par rapport à la solution actuelle qui est certainement la

meilleure, cette solution résidant dans l’épuisement des voies de recours internes présente des

intérêts.

2) Les avantages de la solution

Les avantages de cette solution sont les suivants :

- on ne perd pas beaucoup de temps avant l’éventuel saisine de la CCJA parce que le

délai de 12 mois accordé à la juridiction nationale de cassation n’est pas excessif ;

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38

- la CCJA intervenant dans les conditions actuelles en cassation avec éventuellement son

pouvoir d’évocation, cela va obliger les juridictions nationales à tenir le plus grand compte de sa

jurisprudence ; sa possible intervention est comme une épée de Damoclès sur leurs têtes ;

- on peut espérer qu’une majorité des pourvois resteront au niveau national, notamment

ceux de faibles montants ou des Etats très éloignés d’Abidjan, ce qui va alléger la tâche de la

CCJA dont les arriérés actuels et le délai de traitement des dossiers sont excessifs.

Dans tous les cas, il est nécessaire, voire impérieux, que les Etats parties au Traité de

l’OHADA améliorent sensiblement le fonctionnement de leurs juridictions internes et la

confiance qui est leur faite par les justiciables, spécialement ceux du monde des affaires et des

entreprises. C’est là une condition essentielle de l’atteinte des objectifs de l’OHADA. Pour ce

faire, l’OHADA pourrait constituer le cadre de concertation où la décision de travailler à

améliorer l’indice de satisfaction des justiciables pourra être prise. L’édifice de l’OHADA serait

bancal si les choses continuent de se détériorer à ce niveau. Du reste, même en dehors du droit

des affaires harmonisé, le droit à la justice est un droit fondamental non négociable.

L’activité consultative vient prévenir ou compléter l’activité judiciaire.

Section II : L’activité consultative : une activité peu convaincante

L’activité consultative revêt une grande importance mais celle-ci est moindre par rapport

à celle de l’activité judiciaire. La CCJA a reçu un rôle consultatif dont l’objectif est d’assurer la

correcte interprétation et application du Traité et des actes qui en dérivent que sont les Actes

uniformes, les règlements et, avec la révision de Québec, les décisions61

.

A cet effet, la CCJA peut être consultée par tout Etat partie, le Conseil des ministres ou

les juridictions nationales de première instance et d’appel (article 14, alinéa 2).

Cette activité, qui généralement ne retient pas l’attention des observateurs de la CCJA ou

est confondue par d’autres avec la jurisprudence de la Haute juridiction, sera sommairement

examinée relativement au bilan que l’on peut en faire avant de formuler, s’il y a lieu, des

recommandations.

§ I : Un bilan relativement limité

Comme pour d’autres activités de la Cour, le bilan à faire est à la fois quantitatif et

qualitatif.

A- Au plan quantitatif

61

La nouvelle catégorie d’actes juridiques des « décisions » a été ajoutée par la révision du Traité à

Québec le 17 octobre 2008.

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39

De son installation au 30 juin 2012, la situation se présente comme suit : Nombre de

demandes d’avis reçues : 26 ; Nombre d’avis émis : 23 ; Nombre de demandes retournées ou

jonctions de procédures : 2 ; Nombre de demandes d’avis en instance : 1.

Au titre des auteurs des demandes d’avis, sur les 23 avis émis, les données fournies par la

CCJA mentionnent que 14 émanent du Secrétariat permanent, 6 des Etats parties et 3 des

juridictions nationales. La quasi-totalité des saisines émanant du Secrétariat permanent concerne

les projets d’Actes uniformes et les projets de révision pour lesquels la consultation de la CCJA

est obligatoire aux termes des articles 7 et 12 du Traité.

Les six saisines consultatives des Etats proviennent : du Burkina (1), de la Côte d’Ivoire

(2), du Mali (1), du Sénégal (2).

Quant aux trois saisines émanant des juridictions, il s’agit chronologiquement du

Tribunal judiciaire de première instance de Libreville, de la Cour d’appel de N’Djamena et du

Tribunal de commerce de Brazzaville.

B- Au plan qualitatif

Seuls quelques Etats ont fait usage de cette faculté, spécialement celui abritant le siège de

la Cour. On note en particulier l’avis CCJA n° 001/2001/EP du 30 avril 2001 sur la portée

abrogatoire des Actes uniformes, qui a l’avantage d’éviter les vides juridiques. Selon cet avis,

l’abrogation concerne toute disposition de droit interne ayant le même objet que celles des Actes

uniformes, qu'elle soit contraire ou identique. Selon les cas d'espèce, la "disposition" peut

désigner un article d'un texte, un alinéa de cet article ou une phrase de cet alinéa62

. Elle interdit

l’adoption de textes internes contraires, ce qui traduit la position supra législative des Actes

uniformes. A son égard, on peut, faisant le parallèle avec les arrêts, dire que c’est un avis de

principe et qu’il a fait jurisprudence. La plupart des autres avis rendus, notamment ceux sur le

régime des nullités, la sanction du non respect des délais par les juridictions nationales dans le

règlement préventif, le concours de saisine entre la CCJA et les juridictions de cassation, sont

méconnus.

Pour ce qui est de leur force juridique, le Pr Issa-Sayegh relève que « les effets de l’avis

ne sont pas prévus par le Traité ni par le règlement de procédure si bien que les spéculations

juridiques ne manqueront pas à ce sujet »63

. L’avis semble s’imposer à la juridiction nationale

qui a consulté la CCJA sur une affaire pendante devant elle. Dans ce cas, il s’agit d’une sorte de

question préjudicielle qui ne dit pas son nom.

62

Sur demande d’avis de la république de Côte d’Ivoire, enregistrée au greffe sous le n° 002/2000/EP du

19 octobre 2000. 63

J. Issa-Sayegh, Répertoire quinquennal OHADA, 2000-2005, UNIDA/OHADA.com, p. 21.

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§ II : Les recommandations

Que faire pour qu’il y ait un plus grand usage des avis ?

Faut-il élargir le nombre de personnes habilitées à saisir la Cour ? La situation actuelle

parait satisfaisante. Mais en cas de réforme donnant de nouvelles compétences aux juridictions

nationales de cassation (cours suprêmes et cours de cassation), il conviendra de les inclure parmi

les juridictions habilitées à saisir la Cour.

Une publication plus importante et plus visible des avis semble souhaitable.

Il en est de même de la clarification de la force juridique des avis.

Section III : L’activité arbitrale : l’espoir déçu

Ce qui frappe dès le premier abord du système juridique OHADA, c'est la place de choix

accordée à l'arbitrage. Ainsi, dès son préambule, le Traité de Port Louis (Maurice) du 17 octobre

1993, relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, fait état du désir des Hautes

parties contractantes « de promouvoir l'arbitrage comme instrument de règlement des différends

contractuels ». Dans un sens voisin, l’article 1er

dudit Traité dispose que « le présent traité a pour

objet l'harmonisation du droit des affaires par... l'encouragement au recours à l'arbitrage pour le

règlement des différends contractuels ». Le même Traité aborde dans son titre IV (articles 21 à

26) l'arbitrage sous l'égide de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) qui joue,

lorsque les parties y ont recours, un rôle semblable à celui de la Chambre de commerce

internationale de Paris (CCI). Au Traité, il convient d'ajouter l’Acte uniforme relatif au droit de

l'arbitrage (en abrégé AUDA) adopté à Ouagadougou le 11 mars 1999 et le Règlement

d'arbitrage de la CCJA de l’OHADA64

qui ont retenu des règles libérales et modernistes.

Il s’agira ici surtout de l’arbitrage CCJA dont il faut esquisser un bilan qui parait limité

avant de formuler des recommandations.

§ I : Un bilan maigre

Il sera procédé, comme plus haut, à une approche quantitative puis à une approche

qualitative.

64

En liaison avec ce règlement ont été adoptés la décision n° 004-99-CCJA du 3 février 1999 relative aux

frais d'arbitrage ainsi que la décision n° 004-99-CM du 12 mars 1999 qui l'approuve et ses annexes I à III

relatifs aux frais administratifs, aux honoraires d'un arbitre et aux frais administratifs et honoraires d'un

arbitre résultant de calculs corrects. Tous ces textes ainsi que l'Acte uniforme et le Règlement d'arbitrage

CCJA ont été publiés au Journal Officiel de l'OHADA n° 8 du 15 mai 1999, p. 1 à 27. En dernier lieu s'est

ajouté le Règlement intérieur de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA en matière

d'arbitrage, adopté par celle-ci à Abidjan le 2 juin 1999.

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41

A- L’approche quantitative

La gestion des arbitrages dans les mêmes conditions qu’un centre international

d’arbitrage, dont le modèle semble être la Chambre de commerce internationale de Paris (CCI)

constitue une originalité majeure de la CCJA et même de l’OHADA dans son ensemble, qui a

des avantages et des inconvénients. L’un des avantages est de permettre d’accélérer la procédure

d’arbitrage et de lui donner plus d’efficacité (procédure d’exequatur). L’un des inconvénients est

que l’arbitrage est une justice rendue par des particuliers directement (arbitrage ad hoc) ou sous

l’égide d’institutions privées (arbitrage institutionnel). Or la CCJA est une institution publique

internationale. Une telle organisation pourrait effaroucher les partisans de l’arbitrage totalement

privé qui voit dans la CCJA la main de l’Etat.

Des données obtenues auprès de la CCJA, il ressort les indications suivantes de son

installation au 30 juin 2012 : Nombre d’affaires : 49 ; Incompétence ou suite à donner : 10 ;

Sentence partielle : 3 ; Ordonnance/Sentence définitive ou complémentaire : 15 ; Retrait du

registre : 2 ; Désistement ou radiation : 4 ; Arbitrage en cours : 18.

Ce nombre parait très limité au regard des espoirs placés dans cet arbitrage qui doit

permettre d’éviter le recours à la justice étatique tant décriée dans l’espace OHADA. Le constat

quelque amer que l’on peut faire est que, malgré les référents culturels favorables aux modes ou

mécanismes alternatifs de résolution des litiges au sens large dont l’arbitrage, tout reste à faire

car la simple adoption de textes dans l'ensemble adéquats est insuffisante à entraîner le

développement de la pratique de l'arbitrage dans l'espace juridique OHADA.

B- L’approche qualitative

Il s’agit surtout de se demander pourquoi l’arbitrage ne prend pas, surtout l’arbitrage

CCJA65

.

Quoi que l’on dise, l’arbitrage n’est pas à la portée de toute personne. Il faut avoir les

moyens pour aller à l’arbitrage au regard des frais y afférents, surtout les honoraires des arbitres,

même s’ils sont réglementés par un barème. L’arbitrage CCJA est cher : seul l’arbitrage CCI est

plus cher. Peut-être que le barème CCI a servi de base à l’établissement de celui de la CCJA. Il

correspond ou convient aux arbitrages mettant en jeu des intérêts financiers importants. Or, il est

probable que pour de telles affaires, le recours soit toujours fait majoritairement en faveur de la

CCI.

65

Quelques centres d’arbitrages au sein des Etats parties, notamment le Centre d’arbitrage, de médiation

et de conciliation de Ouagadougou (CAMC-O) connaissent un engouement certain en matière de saines.

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42

De plus, il semble que, avec certaines décisions rendues par la CCJA dans certaines

affaires, la confiance dans l’arbitrage CCJA ou dans les arrêts rendus par la CCJA en matière

d’arbitrage se soit quelque peu effritée66

.

Enfin, contrairement à ce que l’on pense, l’arbitrage est certes plus rapide qu’une

instance judiciaire, mais il faut au minimum six (06) mois avant d’espérer avoir une sentence,

encore que ce délai ne soit jamais respecté dans les grands arbitrages67

.

§ II : Les recommandations

66

On cite à cet égard :

- l’arrêt CCJA n° 041/2010 du 10 juin 2010, Affaire Atlantique Telecom contre Planor Afrique SA et

Telecel Faso SA où l’attendu principal est ainsi libellé : « Mais attendu qu’il est de principe qu’en matière

d’arbitrage international, la clause compromissoire par référence écrite à un document qui la contient est

valable, à défaut de mention dans la convention principale, lorsque la partie à laquelle on l’oppose a eu

connaissance de la teneur de document au moment de la conclusion du contrat et qu’elle a accepté

l’incorporation du document au contrat ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel de Ouagadougou, après avoir

examiné les diverses transactions intervenues entre les parties, a, souverainement relevé, par une décision

motivée, que la clause d’arbitrage contenue dans le pacte d’actionnaires du 10 février 2004 n’est pas

opposable à Planor Afrique parce qu’il ne ressort nulle part du dossier qu’elle ait eu connaissance de

ladite clause et qu’elle ait manifesté la volonté d’être lié par la convention d’arbitrage ; qu’il suit que le

moyen n’est pas fondé et doit être rejeté » ; voy. Pierre Meyer, Commentaire de l’AU sur l’arbitrage, in

Code vert, p. 147 qui critique la position de la Cour d’appel de Ouagadougou dans son arrêt n° 037 du 19

juin 2009 ;

- l’arrêt CCJA n° 003/2011 du 31 janvier 2011, Affaire Planor Afrique SA contre Atlantique Telecom

SA ; la CCJA annule la sentence rendue par la CCI le 5 août 2009 au motif que « l’autorité de la chose

jugée, principe fondamental de la justice en ce qu’il assure la sécurité juridique d’une situation acquise,

participant de l’ordre public international au sens des articles 29.2 et 30.6-4 du Règlement de l’arbitrage

de la CCJA, s’oppose à ce que l’arbitre statue dans la même cause opposant les mêmes parties » ; en

conséquence, elle déclare la requête en opposition à l’exécution de ladite sentence sans objet. 67

L'arbitrage a souvent été présenté comme présentant les avantages ci-après.

En premier lieu, il aboutirait à une justice rapide rendue dans des délais plus rapprochés que ceux

observés par la justice étatique, surtout si les règles procédurales et les différentes voies de recours

prévues par le droit judiciaire sont utilisées de manière dilatoire comme cela malheureusement se passe

souvent ; il serait débarrassé des lenteurs et des formalités de la procédure ; il est à souligner que

l’OHADA semble résolue à concrétiser l'objectif de rapidité de l'arbitrage ; en effet, selon l'Acte

uniforme, « si la convention d'arbitrage ne fixe pas de délai, la mission des arbitres ne peut excéder six

mois à compter du jour où le dernier d'entre eux l'a acceptée » (art. 12, al. 1er).

En second lieu, les sentences rendues seraient de meilleure qualité, qualité qui est recherchée par les

industriels et les commerçants lorsqu’il s’agit de régler leurs litiges.

En troisième lieu, l’arbitrage serait moins onéreux qu’une procédure contentieuse devant les juridictions

étatiques, y compris les tribunaux de commerce.

Toutes ces raisons ou ces avantages comportent une part de vérité mais ils sont loin d'être indiscutables. Il

convient donc de les relativiser.

Le professeur Yves Guyon, analysant les avantages qui découleraient du recours à l’arbitrage, conclut

qu’en réalité, « beaucoup de ces avantages sont plus ou moins illusoires, au moins pour les litiges

purement internes »67

. L’on peut ainsi faire le constat que ces avantages ne sont pas démontrés dans tous

les cas (Yves Guyon, Droit des affaires, op. cit., n° 792. Voy. également Guyon Y., L'arbitrage,

Economica (droit poche), 1995 ; et notre article sur : Le droit OHADA de l’arbitrage : principes essentiels

et perspectives d’application, Mélanges en l’honneur du Professeur Yves Guyon : « Aspects actuels du

droit des affaires », Dalloz, 2003, 1138 pages, p. 963 à 983.

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43

Au regard des éléments de diagnostic ci-dessus, il semble indiqué de procéder aux

actions ci-après.

- Poursuivre les actions de promotion de l’arbitrage OHADA en général, de l’arbitrage

CCJA en particulier. Il faut que des actions concrètes et efficaces de promotion de l’arbitrage

soient entreprises afin que les textes puissent « vivre à travers une pratique arbitrale et judiciaire

(de qualité et suscitant un haut degré de confiance auprès des utilisateurs potentiels de cette

forme de justice) qui permettra de les compléter, de les préciser et de les enrichir »68

. En d’autres

termes, il faut le développement d’une pratique conforme à l’esprit des textes et l’organisation

d’une bonne collaboration entre la justice arbitrale et la justice étatique69

.

- Revoir à la baisse le coût de l’arbitrage en veillant, dans la mesure du possible, à une

composition du tribunal arbitral qui réduise les coûts (arbitrage unique ou arbitres n’étant pas

dans des pays trop éloignés du lieu physique de réunion des arbitres afin de réduire les frais de

déplacement par avion).

- Veiller à ce que les arbitres soient techniquement compétents et maitrisent le droit des

affaires de manière générale, le droit OHADA en particulier, mais également la question

technique mise en jeu dans chaque arbitrage et de bonne moralité ; à cet égard, un certain suivi

ou contrôle discret de leurs comportements et actions s’impose ; on sait que l’indépendance,

l’impartialité70

et l’obligation de révélation des conflits d’intérêt pesant sur les arbitres

connaissent un regain d’actualité71

.

- Rassurer les plaideurs potentiels sur la séparation nette entre la CCJA juridiction

étatique et la CCJA centre d’arbitrage.

La CCJA mène des activités connexes à celles ci-dessus.

Section IV : Les activités connexes

Les arrêts et avis rendus ainsi que les arbitrages administrés, qui sont au centre des

activités de la CCJA, ont été examinés plus haut.

68

Pierre Meyer, Droit de l’arbitrage, Manuel, Editions Bruylant, Bruxelles, Collection Droit uniforme

africain, 2002, n° 454. 69

Pougoué P.-G., Fénéon A. et Tchakoua J.-M., Droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA, Presses

universitaires d’Afrique, Yaoundé, 2000, n°s 317 et 318. 70

Généralement, on croit que l’indépendance est plus importante que l’impartialité. Or celle-là est au

service de celle-ci. Voy. dans ce sens P. Sarraille, L’impartialité et l’indépendance de l’arbitre devant les

juges anglais, Revue de l’arbitrage, 2001-n° 1, p. 218 et 227. 71

La Cour de cassation française rappelle dans son arrêt que l'arbitre doit (c'est donc une obligation et non

une faculté), « avant d'accepter sa mission, révéler toute circonstance susceptible d'être regardée comme

affectant son impartialité afin de permettre à la partie d'exercer, à bref délai, s'il y a lieu, son droit de

récusation » (arrêt civ. I du 1er février 2012 publié au Bulletin, voy. les commentaires de M. Joseph

KAMGA sur ohada.com).

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Au titre des activités connexes, l’on notera ici la gestion du recueil de jurisprudence de la

CCJA et l’informatisation du fichier régional qui seront successivement abordés.

§ I : La gestion du recueil de jurisprudence

Il sera succinctement fait état du bilan qui apparait globalement satisfaisant et des

recommandations.

A- Un bilan globalement satisfaisant

L’appellation à partir de la couverture du Recueil est la suivante :

« Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires,

Cour Commune de Justice et d’Arbitrage,

Recueil de Jurisprudence Semestriel ».

Cette appellation est suivie de l’indication du semestre.

Le premier numéro du Recueil a été publié en janvier 2003 en tant que numéro spécial.

Le dernier numéro paru à ce jour est celui n° 16 de juin 2011 concernant des décisions de 2010 et

de 2011 (1er

semestre). C’est donc un numéro annuel concernant deux semestres pour rattraper le

retard.

Les arrêts, ordonnances et avis semblent être publiés dans leur grande majorité, voire

pour leur totalité, dans des délais satisfaisants à partir du moment où ils sont rendus. C’est

apparemment l’ambition des responsables du Recueil telle qu’elle ressort de l’avertissement du

premier numéro72

. Les décisions de la Cour (arrêts, ordonnances) et les avis sont publiés par

semestre. Mais les avis émanant du Secrétariat Permanent ou du Conseil des Ministres ne sont

pas publiés.

Au plan scientifique, le Recueil a été géré pendant longtemps par un Comité de direction

composé comme suit : Président : le Premier Vice-président, M. Jacques M’Bosso ; Membres :

les juges Maïnassara Maïdagi et Boubacar Dicko, le Greffier en chef par intérim, M. Assiehué

Acka, et le Directeur du Centre de documentation de la Cour, M. Traoré Bakary. Des

changements sont intervenus qui ont conduit l’actuel Premier Vice-président, M. Maïnassara

72

« Ce premier numéro, qui est en fait un numéro spécial, vise principalement à rassembler et à publier en

un document unique pour être mis à la disposition du public, qui l’a trop longtemps attendu, l’ensemble

des Arrêts rendus par la Cour depuis le 10 octobre 2001, date de la première audience de celle-ci,

jusqu’au 26 décembre 2002, date de sa dernière audience de celle-ci, jusqu’au 26 décembre 2002, soit un

total trente quatre (34) Arrêts. A ceux-ci, il convient d’ajouter six (6) Ordonnances, dont trois

d’irrecevabilité et trois de radiation des affaires du registre, prises respectivement en application des

articles 32.2 et 44.2 du Règlement de procédure susmentionné et enfin quatre (4) Avis consultatifs émis

en réponse à des demandes émanant de quelques Etats parties au Traité de l’OHADA et d’une juridiction

nationale d’un autre Etat Partie » (Avertissement au 1er numéro du Président du Comité de rédaction, M.

Jacques M’Bosso, Premier Vice-président de la CCJA, p. 1).

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Maïdagi, à présider le Comité. Avec son départ prochain, il y a lieu d’attirer l’attention sur la

nécessité de continuer à assurer la publication régulière du recueil qui connait un certain retard

dans sa parution.

Des informations obtenues de la Cour, jusqu'en 2011 où le greffe assurait la distribution

du recueil, l'état des abonnements a été le suivant : 2006 : 23 ; 2007 : 45 ; 2008 : 34 ; 2009 : 17 ;

2010 : 23 ; 2011 : 12, ce qui est véritablement insignifiant. Les ventes effectuées se situent en

moyenne à 500 exemplaires par an. Au début de la création du Recueil, il y avait deux points de

dépôt-vente : le Secrétariat Permanent et l'ERSUMA. Depuis 2012, le recueil est géré par la

Direction comptable.

B- Les recommandations

On peut apprécier positivement le travail qui a été réalisé. Une plus grande diligence dans

la parution du Recueil est souhaitable.

Les informations ci-dessus sur le niveau des abonnements et des achats montrent que

celui-ci est modeste. Il est souhaitable qu’il y ait plusieurs points de dépôt-vente connus dans

chaque Etat partie afin d’accroître la part de l’autofinancement du Recueil et surtout sa diffusion

car, sans cela, il ne pourra pas atteindre son objectif d’unification de l’interprétation et de

l’application du droit OHADA.

La publication numérique se fait sur les sites liés à l’OHADA : ohada.com, ohada.org,

ersuma.org, juriscope.org. Elle ne concerne pas que les actes de la CCJA. Elle n’est pas

exhaustive par rapport aux décisions rendues. Elle semble encore plus incomplète en ce qui

concerne les avis et les règlements. Peut-être considère-t-on ces derniers comme des actes qui

n’ont pas de grande portée. Leur diffusion nous semble utile, spécialement celle des avis dont la

fonction est proche de celle des décisions rendues.

§ II : L’informatisation du fichier

L’importance du registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM), créé par l’Acte

uniforme portant sur le droit commercial général (AUDCG), adopté à Cotonou le 17 avril 1997

et révisé à Lomé le 15 décembre 2010, n’a pas besoin d’être soulignée en raison de la portée

juridique de l’immatriculation des personnes physiques et des sociétés ainsi que de la publicité

des sûretés73

.

73

Voy. sur les aspects récents : - Abdoullah CISSE et Boubacar DIALLO, L’informatisation du Registre

du Commerce et du Crédit Mobilier et des fichiers connexes, Droit et patrimoine, n° 281, mars 2011, p.

62 (REGISTRE DU COMMERCE – INFORMATISATION) Ohadata D-12-14 ; - Marie-Andrée NGWE

et Serge JOKUNG, La réforme du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier dans la zone OHADA,

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46

Il s’agit d’une manière générale de se poser la question de la mise en place et de la

fonctionnalité du fichier régional du RCCM, surtout de l’informatisation dudit fichier, mais aussi

celle des RRCM au sein des Etats parties puisque la fonctionnalité des RRCM au sein des Etats

conditionne la fonctionnalité du fichier régional.

A- Le point sur l’informatisation

Malgré les efforts déployés, il n’a pas été possible d’obtenir un point de la situation

auprès de la CCJA74

, qui aurait permis de dégager des perspectives.

Les informations ci-dessous ont été localement recueillies75

et sont probablement

semblables à celles de bien d’autres Etats parties.

Le Conseil des Ministres de l’OHADA a décidé de l’acquisition d’un logiciel pour

l’informatisation du RCCM.

Dans le cadre de la mise en œuvre de l’informatisation, la France, à travers la

Coopération française, a mis à la disposition de l’OHADA le logiciel ALINEA qui a été

implanté au Bénin et au Congo pour servir d’Etats Pilote.

Au cours de sa session de mai 2009 qui s’est tenue à N’Djamena, le Conseil des

ministres a autorisé le Secrétaire permanent à acquérir un logiciel pour l’informatisation du

RCCM fichier régional.

Lors de sa session des 13, 14 et 15 décembre 2010, le Conseil des ministres a suivi en

retro video la projection du prototype du logiciel RCCM fichier régional présenté par le

consortium GOPA. Cependant, il n’a pas été possible de faire remonter au niveau du RCCM

fichier régional les données des RCCM du Bénin et du Congo compte tenu du fait que le logiciel

ALINEA a été prêté par la France qui n’a pas livré les codes sources. En conséquence, il est

difficile d’opérer le transfert des données de « ALINEA » à « GOPA ».

Fort de ce constat, le Conseil a fait les recommandations suivantes en cas d’acquisition

de logiciel :

Droit et patrimoine, n° 281, mars 2011, p. 56 (REGISTRE DU COMMERCE – REFORME) Ohadata D-

12-13. 74

Monsieur le Secrétaire permanent a bien voulu, par mail du 15 août 2012, inviter les Présidents

d’institutions de l’OHADA, dont le Président de la CCJA avec ampliation au Greffier en chef, de bien

vouloir nous fournir les informations qui leur seront sollicitées dans le cadre de la présente étude.

Cela nous a permis d’obtenir les statistiques de l’activité (juridictionnelle, consultative et arbitrale)

relativement rapidement le 28 août 2012.

Par la suite, un mail a été adressé le vendredi 31 août 2012 au Président et au Greffier en chef de la CCJA

sollicitant le point de l'informatisation du fichier régional tenu par la CCJA. Une relance de Monsieur le

Greffier en chef a été effectuée le samedi 8 septembre 2012 sans succès. Nous avons déduit de l’absence

de suite à nos sollicitations réitérées que le projet n’est peut-être pas très avancé. 75

Elles ont été fournies par le Président de la CONAHADA du Burkina Faso à qui nous disons merci.

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- s’approprier le logiciel ;

- veiller à la compatibilité ou à l’interopérabilité du logiciel des Etats parties avec celui

du RCCM fichier régional qui répond aux normes « XLM » ;

- détenir les codes sources.

Pour assurer l’opérationnalité et l’interopérabilité des systèmes d’information relatifs au

RCCM, le Conseil a adopté un règlement portant création, organisation et fonctionnement du

Comité technique de normalisation des procédures électroniques de l’OHADA.

Le bilan de l’informatisation des RCCM fichiers nationaux, lors du Conseil des

ministres, à sa réunion des 14 et 15 juin 2012, a constaté que quatre (4) Etats Parties76

avaient un

début d’informatisation. Fort de ce constat, le Conseil a donné au Secrétaire permanent

l’autorisation d’acquérir un logiciel avec l’appui des partenaires, qui sera mis gracieusement à la

disposition des Etats. Il a par ailleurs invité le Secrétaire permanent à mettre à la disposition des

Etats qui le désirent un guide commandité par la Banque mondiale devant aider à la mise place

des RCCM.

Dans le cas du Burkina Faso, il faut constater que l’informatisation n’est pas encore

effective. Des initiatives avaient été développées en vue de le doter du logiciel ALINEA à

travers le Projet d’Appui à l’Institution Judiciaire (PAIJ). En lieu et place, un système

d’archivage est en cours avec la numérisation des données du RCCM grâce au projet Tribunal de

Commerce et Formation des Magistrats, la numérisation étant le début du processus

d'information. L’archivage ne concerne pour l’instant que les données de Ouagadougou et de

Bobo-Dioulasso. Il faut noter que la numérisation en cours constitue une étape importante dans

l’informatisation. La Maison de l’Entreprise du Burkina a été sollicitée pour prendre en charge

l’archivage des données des autres localités. Mais cette démarche n’a pas encore eu d’écho

favorable. Du reste, les projets initiés à ce niveau par rapport au RCCM rentrent dans le cadre du

Guichet unique et dépassent le seul cadre du RCCM.

Il est certain que l’informatisation du RCCM au Burkina Faso, comme pour d’autres

Etats, ne peut être sérieusement envisagée que dans le cadre communautaire (OHADA). Du

reste, c’est ce que prescrit l’AUDCG révisé qui a donné un délai de deux ans pour réussir

l’informatisation complète du fichier national et du fichier régional, délai qui ne sera

probablement pas respecté. Peut-être a-t-on été trop optimiste ! Les différents programmes

d’activités du département de la Justice au Burkina Faso ont toujours pris l’informatisation en

compte mais n’ont pas encore trouvé les ressources pour la réaliser. Les initiatives actuelles ne

s’inscrivent pas véritablement dans un schéma d’informatisation du RCCM. Comme signe

76

Il s’agit du Bénin, du Congo, du Tchad et du Togo.

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d’avancement sur ce dossier, il faut noter que les formulaires du RCCM viennent d’être mis à la

disposition des Etats parties par le SP OHADA, par courrier électronique du mercredi 10 octobre

2012 à 14 heures 52.

B- Les recommandations

Il nous semble, au titre des recommandations, qu’il suffit de reprendre les

recommandations du Conseil des Ministres de l’OHADA formulées lors de sa session des 13, 14

et 15 décembre 2010 à Lomé en invitant le Secrétaire permanent à en assurer la haute direction et

le suivi, en lui donnant les moyens, notamment financiers, et les prérogatives pour ce faire. On a,

en effet, l’impression que, jusque là, il n’y a pas de véritable responsable de cette importante

question.

La troisième catégorie d’activités, qui a énormément contribué à faire connaître

l’OHADA et son droit et à faciliter l’application de celui-ci est la formation à laquelle se greffent

des activités connexes.

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TROISIEME PARTIE : L’ACTIVITE DE FORMATION ET LES ACTIVITES

CONNEXES

L’activité de formation et les activités connexes que sont la documentation et la

recherche sont assurées par l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA). Il

conviendra, de manière succincte, d’en faire le bilan et de formuler des recommandations.

Section I : Un bilan impressionnant

Relativement au bilan de l’ERSUMA77

, il peut être cerné en examinant d’abord la

formation, qui constitue l’activité principale de l’ERSUMA, avant les autres activités qui sont

liées à la formation.

§ I : L’activité principale : la formation

Le bilan doit être appréhendé sous deux angles : l’angle quantitatif et l’angle qualitatif.

A- Le bilan quantitatif

L’ERSUMA est prévue par le Traité de Port Louis. Elle a été progressivement mise en

place, après que les « arrangements de Ndjamena » aient accordé son siège au Bénin et que le

Burkina ait désigné son premier directeur général. C’est au courant de l’année 1999 qu’elle a été

à même de fonctionner et de programmer ses activités.

C’est ainsi qu’elle a pu, avec le financement du PNUD, démarrer son activité principale

qu’est la formation en mai 1999.

De cette date au mois d’août 2012, l’ERSUMA a formé 6297 personnes78

à travers 140

sessions de formation79

.

On peut répartir les personnes formées en deux catégories :

Catégorie I : Personnel judiciaire et parajudiciaire : magistrats, avocats, greffiers,

huissiers, notaires, juges consulaires non magistrats, experts judiciaires ; la grande majorité des

personnes formées par l’ERSUMA relève de cette catégorie, ce qui répond à l’appellation de

l’Ecole et à l’article 41 du Traité originaire pour qui l’ERSUMA « concourt à la formation et au

perfectionnement des magistrats et des auxiliaires de justice des Etats parties » ;

77

Voy. le document élaboré par la Direction générale de l’Ecole intitulé « Bilan des activités de

l’ERSUMA : mai 1999 - août 2012 » qui répertorie de manière exhaustive et analyse les activités de

formation, de documentation et de recherche de l’ERSUMA. 78

Certaines personnes ont bénéficié de deux ou plusieurs sessions de formation. 79

La 140e session de formation a été organisée du 24 au 27 juillet 2012 au siège de l’ERSUMA et a

concerné des magistrats et des auxiliaires de justice.

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Catégorie II : Personnel non judiciaire : universitaires, experts comptables, juristes des

chambres de commerce, cadres des ministères chargés de l’économie et des finances, autres.

Les formations ont été réalisées à travers des sessions sur site pour la majeure partie et

des sessions au sein des Etats parties pour le reste. Il faut souligner que les formations sur site,

malgré leur coût, sont à encourager dans la mesure où elles constituent des occasions de contacts,

de brassage et d’échanges à même de donner corps à la communauté humaine que constitue

l’OHADA.

Quant aux financements de ces formations, ils ont été fournis par :

- le Fonds européen de développement, pour une large part ;

- d’autres partenaires financiers : PNUD, Canada, Suisse, France ;

- les Etats parties au Traité de l’OHADA : sur le budget annuellement alloué à

l’ERSUMA par le Conseil des Ministres, ou à la demande d’Etats parties avec l’appui de

partenaires comme le Millenium Chalenge Account (MCA) ou Investment Climate FaciIity

(ICF).

Le bilan est vraiment impressionnant en termes quantitatifs. Quid sur le plan qualitatif ?

B- Le bilan qualitatif

A l’examen, des formations couvrent principalement le droit OHADA, à savoir les neuf

Actes uniformes adoptés, les deux Actes révisés, le règlement de procédure de la CCJA, le

règlement d’arbitrage CCJA, en prenant en compte la jurisprudence de la CCJA et celle des

juridictions nationales, sans oublier les aspects institutionnels de l’OHADA. Les formations ont

embrassé aussi d’autres droits communautaires (UEMOA-BCEAO, CEMAC-BEAC, CIMA,

OAPI, CIPRES…) mais aussi le droit des affaires hors OHADA.

Elles ont été dispensées généralement par des personnes compétentes dans des conditions

satisfaisantes. Les formateurs ont été invités à organiser la participation des formés à travers des

questions et interventions, des échanges d’expériences, des exercices en ateliers suivis de

plénières pour les corrections…

L’approche pratique a été privilégiée, avec des études de cas souvent construits à partir

de la jurisprudence des juridictions nationales et surtout de la CCJA ainsi que des cas pratiques.

Toutefois, l’approche théorique n’a pas été négligée en ce qu’elle constitue une base solide pour

la pratique.

En général, des supports de formation bien élaborés ont été remis aux participants et sont

conservés par l’ERSUMA dans son fonds documentaire.

D’autres activités, plus ou moins connexes à la formation, sont menées par l’ERSUMA.

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51

§ II : Les activités connexes : La documentation et la recherche

Les activités dites connexes consistent dans la documentation et la recherche80

qui seront

successivement abordées, bien qu’il ne soit pas souvent simple de faire la part de ce qui relève de

l’une ou de l’autre.

A- La documentation

La documentation revêt un caractère accessoire en tant qu’elle est liée à la formation

mais elle est indispensable à ce titre. Vue sous un certain angle, elle est aussi importante, voire

plus importante, que la formation quand on considère que les formés ont un niveau de base

suffisamment élevé qui leur permet de comprendre, d’exploiter et de tirer parti de la

documentation, même sans l’aide d’un formateur.

Il est important de réunir les ressources documentaires au lieu où se tient la formation

pour favoriser les recherches que les bénéficiaires de la formation ainsi que les chercheurs

(confirmés et jeunes, notamment les doctorants, ou les étudiants des Masters recherche et

professionnels) pourraient utiliser. Dans ce sens, pour que les déplacements ne soient pas

toujours nécessaires, le maximum possible de documents devrait être accessible sur le site de

l’ERSUMA qui a d’ailleurs fait des efforts en la matière.

L’ERSUMA a très tôt compris l’étroite liaison qui existe entre la formation et la

documentation. Elle a constitué un fonds documentaire comprenant les documents élaborés par

les formateurs et toute la documentation disponible sur l’OHADA et son droit de toutes les

sources : lois (Traité, Actes uniformes, règlements), jurisprudence de la CCJA et des juridictions

nationales, doctrine (interne émanant d’auteurs de l’espace, externe provenant de l’étranger).

Actuellement, l’ERSUMA est assurément la structure qui réunit le plus de documents en droit

des affaires OHADA dans le monde et en droit des affaires comparé en Afrique, surtout avec les

difficultés financières que connaissent la plupart des universités et autres centres d’information

des Etats parties en matière de budget de la documentation. Le fonds documentaire de

l’ERSUMA à environ quatre mille cinq cent (4500) documents81

.

80

Nous ne reprendrons pas in extenso les activités de documentation et de recherche répertoriées dans le

document intitulé « Bilan des activités de l’ERSUMA : mai 1999-août 2012 » qui consacre de

nombreuses pages audites activités.

81

Les informations fournies par le Chef du service de la documentation permet de noter que le fonds

documentaire de l’ERSUMA comprend : - la majeure partie des ouvrages parus en droit OHADA ;

- des ouvrages sur les autres droits communautaires africains (UEMOA, CEMAC, CEDEAO, CIMA,

OAPI) ; - des ouvrages de référence (français) en droit des affaires (Lamy, Dalloz, Jurisclasseur,

LexisNexis) ; - des ouvrages (français) correspondant aux différents thèmes du droit OHADA et du droit

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L’ERSUMA a procédé au renforcement de son fonds documentaire et à la constitution

d’une bibliothèque numérique.

Il prévu la constitution de mille « mallettes juridiques » afin de doter les formateurs et

surtout les formés de documents utiles à leur travail dont l’utilité est indéniable mais dont on

peut discuter la durabilité.

B- La recherche

Les activités de recherche ont pris leur envol au cours des dernières années avec

l’obtention des financements de l’Union européenne, la création du Centre de recherche et de

documentation de l’ERSUMA (CREDERSUMA) et la nomination d’un universitaire de haut

niveau pour en assurer la direction.

Ceci a permis de mener un nombre significatif d’activités.

Au titre de l’organisation de colloques : on note :

- « De la concurrence à la cohabitation des droits communautaires ».

Ce thème devait, à l’origine, donner lieu à une formation. A la demande des

Responsables de l’ERSUMA, l’avenant au contrat a transformé cette formation en colloque

scientifique. Celui-ci a été organisé par l’ERSUMA et l’OHADA à Cotonou, du 24 au 26

janvier 2011, avec la participation de 66 spécialistes des droits communautaires venus des Etats

membres de l’OHADA, d’Europe et d’autres pays africains, ainsi que des représentants de

des affaires ; - les actes des sessions de formation organisées par l’ERSUMA depuis mai 1999 ; - des

thèses et mémoires en droit OHADA et en droits communautaires africains (UEMOA, CEMAC, OAPI,

CIMA) ; - la littérature grise juridique collectée au niveau des formateurs et des participants lors des

différentes activités de l’ERSUMA (En technique documentaire, « la littérature grise désigne tout «

document dactylographié ou imprimé, produit en dehors des circuits commerciaux de l'édition et de la

diffusion et en marge des dispositifs de contrôle bibliographiques ». La littérature grise est tout produit

sous un format papier ou numérique, et qui n’est pas contrôlé par l’édition commerciale. Exemples de

littérature grise : rapports d'études ou de recherches, actes de congrès) ; - des textes, lois et règlements des

pays membres de l’OHADA ; - quelques documents en anglais, etc.

Le Centre de documentation de l’ERSUMA dispose d’environ soixante-dix (70) périodiques juridiques

constitués d’une trentaine de revues françaises, les autres étant des publications des Etats-parties à

l’OHADA acquises à titre onéreux ou gratuit (abonnement, achat par numéro, don).

Le développement de ce fonds documentaire se poursuit par la recherche et la collecte des références des

nouvelles publications en droit OHADA, en droits communautaires africains en particulier et en droit des

affaires en général (revues, thèses, mémoires, ouvrages, lois et règlements et autres textes officiels des

Etats-Parties, etc.) et leur acquisition par tous les moyens appropriés.

Sur le net, l’ERSUMA possède 1582 références bibliographiques enregistrées dans des catalogues

collectifs des bibliothèques de l’OHADA, 414 documents numériques sous format PDF en accès libre et

gratuit qui constituent la collection de l’ERSUMA dans la bibliothèque numérique de l’OHADA.

Les deux premiers numéros de la revue de l’ERSUMA dont la version papier est distribuée gratuitement

sont aussi accessibles sur le portail web de l’OHADA.

L’alimentation des bases et banques de données juridiques de l’ERSUMA et leur gestion efficiente et

efficace constituent aussi le travail de tous les jours du service pour rendre accessibles toutes les

publications relatives au droit OHADA et autres droits communautaires africains à tous ceux qui en ont

besoin.

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l’UEMOA, de l’UE et des cours de justice de l’UEMOA, de la CEDEAO et de la

CEMAC.

- « Les pratiques contractuelles d’affaires et les processus d’harmonisation

dans les espaces régionaux », tenu à Libreville du 26 au 28 octobre 2011. Les actes du

colloque ont été publiés par l’ERSUMA en juin 2012.

Le Centre de Recherche de l’ERSUMA ou, plus largement, l’ERSUMA participent à

différentes manifestations scientifiques aussi bien en Afrique et au-delà82.

La publication de la Revue de l’ERSUMA est effective. Celle-ci a pour sous-titres : 1 :

« Droit des affaires – Pratique professionnelle », 2 : « Revue semestrielle d’Etudes, de

Législation, de Jurisprudence et de Pratique Professionnelle en Droit des Affaires ». Les numéros

suivants au nombre de deux ont été publiés : le n° spécial de lancement, novembre-décembre

2011, 206 pages ; n° 1-juin 2012, 552 pages. Le numéro 2 paraîtra en novembre-décembre

2012. La revue comporte les rubriques : Editorial, Doctrine, Etudes, Législation, Jurisprudence :

commentaires d’arrêts, Pratique professionnelle, Bibliographie.

Le problème principal est la pérennisation du financement que l’ERSUMA souhaite

régler sur le budget de l'ERSUMA (la subvention de l'UE a jusqu'ici assuré le financement). Les

deux premières parutions ont été distribuées gracieusement et sont téléchargeables en ligne à

revue.ersuma.org et sur le site ohada.org. Le coût n’a pas été porté à notre connaissance mais au

regard du volume des numéros parus, on peut penser qu’il est relativement élevé.

Il faut saluer l’initiative de la distribution de la Revue pour son lancement. Mais il y a

lieu d’en organiser la vente de façon méthodique et efficace pour que celle-ci contribue au moins

à 50% de son financement, l’autofinancement total étant difficile à réaliser.

Le soutien à des publications d’ouvrages en droit OHADA et droit africain des

affaires

A ce titre, on note :

La publication du Répertoire quinquennal OHADA du Professeur Joseph Issa-

Sayegh : 2000-2005, UNIDA/OHADA.com, 815 p. ; 2006-2010,

OHADA/UNIDA/OHADA.com, tome I (515 p.), tome II (805 p.).

82

Quelques unes sont citées ci-dessous :

- Colloque sur « les risques de conflits de normes et de juridictions communautaires entre

l’OHADA et les organisations voisines », organisé par le Secrétariat permanent de l’OHADA à Lomé, les

8 et 9 octobre 2010 ;

- Troisième congrès des Juristes d’entreprises africains, tenu à Cotonou du 4 au 6 mai 2010 ;

- Symposium sur le droit commercial international, organisé à Buéa

(Cameroun) par les Universités de Bâle et Buea, les 13 et 14 janvier 2011 ;

- Séminaire sur le thème « Pour un développement de la recherche en droit OHADA », organisé à Paris

par le Conseil supérieur du notariat français le 6 mai 2011.

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Un appui financier à la publication sera également accordé à la Revue de l’arbitrage

publiée au Cameroun, avec la commande de 200 exemplaires du numéro spécial consacré à

l’arbitrage OHADA. La cession des droits a été signée avec son Directeur, Gaston KENFACK.

Un appui financier est également accordé à une étude sur « le droit de la micro

finance dans l’UEMOA » préparé par le Directeur du CREDERSUMA. Il faut signaler qu’une

proposition de recherche du CREDERSUMA a été retenue par le jury international du

programme « amélioration du climat des investissements et de l’environnement des affaires

» et a obtenu un financement (à hauteur de 50 millions de F CFA) de la fondation Trust

Africa, basé à Dakar, pour mener une étude sur « Les difficultés de recouvrement des

créances dans l’espace UEMOA : cas du Bénin, du Burkina Faso, du Mali et du Sénégal

», ce qui est à saluer. Mais sans entrer dans l’appréciation de la qualité du travail, on peut se

demander si c’est l’objet de l’ERSUMA de réaliser de telles études étant donné le nombre de

cabinets spécialisés et d’universitaires et chercheurs qui ont vocation à réaliser de tels travaux.

Enfin a été décidée la publication par l’ERSUMA de l’« Encyclopédie du droit

OHADA » sous la direction du Professeur POUGOUE, avec qui un contrat de cession des droits

a déjà été signé83

.

Il y a lieu de mentionner la mise en place du Système intégré d’information de

l’OHADA (SII-OHADA).

Section II : Les recommandations recentrage et rigueur

Elles concernent à titre principal la formation mais sans négliger la documentation et la

recherche.

§ I : Concernant la formation

L’intensification et l’adaptation des actions de formation sous l’égide de l’ERSUMA

sont recommandées. Celles-ci sont à réaliser en coopération avec les établissements nationaux de

formation judiciaire et les universités qui assurent naturellement la formation de base en la

matière.

Mais il y a un problème de financement : la formation coûte cher. Il n’est pas sûr que les

partenaires acceptent de financer dans les mêmes proportions les formations à venir. Il est fort

probable que les Etats parties ne pourront pas se substituer à eux intégralement. Il faut donc être

raisonnable : on considère que le moyen juridique est le moins cher pour parvenir à un objectif

donné à condition que son déploiement ne nécessite que des moyens raisonnables.

83

L’ouvrage est paru en 2012 sous les références suivantes : Paul-Gérard Pougoué (sous la direction de),

Encyclopédie du droit OHADA, 2012, Paris, Lamy, 2174 p.

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Il découle de là qu’il faudrait :

- procéder à un contrôle et une réduction des coûts (mêmes les Etats parties y sont

astreints) : faire le maximum avec les maigres ressources disponibles, bannir tout gaspillage ;

- sélectionner les formations à dispenser en raison de leur impact sur l’application du

droit, comme leur nouveauté, leur technicité, les difficultés d’application rencontrées, etc. ;

- utiliser davantage les DVD de formation, les visioconférences…, bref le recours aux

technologies de l’information et de la communication, qui permet d’atteindre le maximum de

personnes au moindre coût.

§ II : Concernant la documentation et la recherche

La documentation et la recherche seront, pour plus de clarté, successivement abordées.

A- La documentation

La poursuite et l’intensification des actions afférentes à la documentation sont

véritablement recommandées : contribution à l’élaboration, à la confection, à la diffusion… de la

documentation. Personne au monde, personne physique ou morale, ne peut faire mieux que

l’ERSUMA en ce domaine. On pourrait dire qu’elle a un avantage comparatif.

Il faut accroitre la part des documents électroniques, faciliter la connaissance et l’accès

au site, multiplier les DVD de formation, comme celui que Juriscope vient de réaliser sur les

procédures collectives avec le Professeur Filiga Michel SAWADOGO. Les avantages sont : la

malléabilité, la disposition permanente comme un support papier… Il reste que leur confection a

un coût qu’il faut couvrir.

De manière générale, la solution de pérennité est que toutes les prestations de l’ERSUMA

doivent être facturées à un prix raisonnable et effectivement payées. Bien sûr, les méthodes les

plus efficaces doivent être utilisées afin de réduire les coûts.

B- La recherche

La recherche au sein de l’ERSUMA suscite plus de questions que de réponses.

Faut-il conduire, diriger, susciter des activités de recherches à l’ERSUMA ? Cela ne va-t-

il pas entrainer une duplication de ces activités dans la mesure où forcément des activités de

recherche seront menées au sein des Etats parties ? La recherche étant une activité des

universités et des centres de recherche des Etats parties, ne faudrait-il pas laisser ces activités

auxdites institutions ? Une réflexion devrait être menée pour savoir si cette activité de recherche

peut être poursuivie telle quelle et à quelles conditions pour être également profitable à tous les

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Etats parties ou si elle doit redimensionnée, circonscrite et réorientée. Dans tous les cas, il serait

toujours utile et souhaitable que l’ERSUMA puisse organiser des séminaires, colloques,

symposiums ou d’autres cadres de réflexion et d’échanges en nombre limité réunissant des

praticiens et des théoriciens et de l’espace et / ou hors espace pouvant dégager des solutions et

propositions qui vont intéresser l’OHADA : SP, CM, CCJA et bien sûr les autorités des Etats

parties et les universités.

Les nombreuses activités ci-dessus analysées sont complétées par d’autres qui

contribuent également à l’atteinte des objectifs de l’OHADA.

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Conclusion générale

L’étude ci-dessus menée, a donné l’occasion d’examiner les institutions, surtout celles

qui mènent directement les actions caractéristiques de l’OHADA. En rappel, les institutions

chargées de réaliser les missions de l’OHADA sont : la Conférence des chefs d’Etat et de

gouvernement (CCEG), le Conseil des Ministres (CM), le Secrétariat permanent (SP), la Cour

commune de justice et d’arbitrage (CCJA) et l’Ecole régionale supérieure de la magistrature

(ERSUMA).

Il s’est surtout agi de faire le bilan : des actions normatives relevant du Conseil des

Ministres (CM) sous l’impulsion du Secrétariat permanent, au cœur du processus

d’harmonisation du droit des affaires ; des actions judiciaires, consultatives et arbitrales

conduites par la CCJA ; des actions de formation, de documentation et de recherche qui sont

confiées à l’Ecole régionale supérieure de la magistrature.

D’une manière générale, ce bilan est positif, digne d’intérêt et en général reconnu comme

tel mais la question qui se pose est de savoir s’il faut continuer ces activités et, si oui, dans

quelles conditions.

Les actions normatives doivent être poursuivies à un rythme plus mesuré, en

sélectionnant les matières devant faire l’objet d’harmonisation, avec une plus forte implication

des Etats parties, spécialement les commissions nationales d’harmonisation du droit des affaires

(CONAHADA). Une réflexion doit être menée sur la possibilité d’instaurer une harmonisation à

plusieurs vitesses pour tenir compte de la possible adhésion d’Etats pratiquant la Common Law

et de l’impossibilité pour la CCJA d’assurer convenablement l’uniforme application et

interprétation d’un droit unifié qui gonflerait démesurément. La révision doit viser des

modifications nécessaires et limitées pour lesquelles les CONAHADA pourraient jouer un rôle

central de recensement de telles modifications.

Du côté de la CCJA, l’arbitrage n’a pas encore pris et des actions pertinentes dégagées

par une réflexion à froid doivent être menées. Les avis gagneraient à être davantage utilisés et

diffusés. C’est surtout l’action judiciaire, en tant que cour de cassation relativement à

l’application des Actes uniformes, qui retient d’avantage l’attention car, objectivement, la CCJA

n’est pas loin de l’engorgement total qui va jouer négativement sur la qualité des décisions

rendues et sur l’atteinte des objectifs qui supposent que les décisions soient rendues dans un délai

raisonnable. Pour éviter une telle évolution apparemment inéluctable si les choses restent en

l’état, plusieurs solutions sont proposées face auxquelles l’immobilisme n’est pas de mise.

Les actions de formation, de documentation et de recherche sont positives et méritent

d’être poursuivies. Il nous semble qu’il est nécessaire de faire un meilleur choix des formations à

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mener, d’accroitre en matière de documentation la part sur le net et de l’autofinancement. La

recherche doit être dimensionnée pour ne pas prétendre remplacer les universités et les centres de

recherche des Etats parties et gérée au moindre coût et de manière à profiter équitablement aux

Etats parties.

Avec le temps qui passe et le développement institutionnel et des actions entreprises, il se

pose la question du maintien du système OHADA mis en place qui pourrait, si rien n’est fait, si

des actions de « containment » ne sont pas entreprises, se gripper et risquer de mettre l’édifice à

bas.

Au-delà, il faut de façon concrète se demander si l’OHADA atteint son objectif

fondamental qui est de contribuer au développement économique et social et, en conséquence,

assurer plus sensiblement et plus visiblement l’amélioration des conditions de vie des

populations. L’on sait que le droit est un instrument efficace et peu onéreux de promotion du

développement économique mais des conditions doivent être réunies dont la publicité, la

connaissance et l’effectivité de ce droit, son application généralisée et de bonne foi, l’utilisation

du nouveau cadre pour promouvoir des actions de développement. Par exemple, un bon droit des

sociétés n’aura pas d’influence positive si les populations n’épargnent pas pour créer de

nombreuses sociétés financièrement solides et pérennes. Un bon acte uniforme sur le

recouvrement des créances n’atteint pas son objectif s’il est utilisé de mauvaise foi comme cela

semble être le cas dans l’OHADA où près de 75% du contentieux concerne cet acte. Il est

symptomatique à cet égard de relever qu’un débiteur a exercé des recours jusqu’à la CCJA au

motif que le créancier, en introduisant son injonction de payer, lui a réclamé le paiement du

principal de la créance, qu’il ne conteste pas, mais pas celui des intérêts. Il convient, si l’on ne

veut pas que les juges, de la CCJA comme des juridictions des Etats parties, passent leur temps à

trancher de faux problèmes, de condamner de tels débiteurs pour usage abusif des voies de droit.

D’une manière générale, il nous semble que l’OHADA devrait initier une réflexion sur

les conditions d’efficacité du droit OHADA quant à l’atteinte des objectifs poursuivis,

impliquant bien entendu les Etats parties.

Pr Filiga Michel SAWADOGO,

Ancien Doyen, Ancien Recteur,

Agrégé des facultés de droit,

Professeur Titulaire,

Université de Ouaga II