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Revue Droit Vol. 1 6 numero FACUlTE DE DROIT UNIVERSITE DE SHERBROOKE QUEBEC, CANADA Cette Revue est publiee avec I'aide du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada , Division des communications sur la recherche.

Droit - Régie de l'énergie

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Page 1: Droit - Régie de l'énergie

Revue

DroitVol. 1 6 numero

FACUlTE DE DROIT

UNIVERSITE DE SHERBROOKE

QUEBEC, CANADA

Cette Revue est publiee avec I'aide du Conseil de recherches en sciences humainesdu Canada , Division des communications sur la recherche.

Page 2: Droit - Régie de l'énergie

LES RECENTS DEVELOPPEMENTS ENMATIERE DE CONTRATS DE

ADMINISTRATION

par Pierre LEMIEUX*

Les relations contractuelles des autorites publiques se caracte-risent par une legislation et reg1ementation fort abondantes. Ainsipour l'administration, 1a liberte de contracter n 'existe pas dans sonintegralite. L'operation contractuelle est 1a mise en oeuvre d'unecompetence et cette derniere n 'est pas entierement discretionnaire.L 'autorite publique ne beneficie pas, soit en ce qui concerne competence pour contracter et 1e choix du cocontractant, soit en cequi concerne 1es formes du contrat, d'une 1iberte analogue a celledont 1es particuliers disposent dans leurs rapports contractue1s.Pour ces raisons, 1e contrat en tant qu'ipstrument de Faction desadministrations modernes tant etatique que des unites decentrali-sees et des entreprises pub1iques, appartient de plus en plus a regime juridique specifique.

Contractual dealings with public authorities are the object of amultitude of statutory provisions and regulations. Indeed, forpublic administrations freedom of contract does not fully exist.Valid contract formation can only be the result of the exercise oflegal power. In addition, public authorities do not enjoy the samecontractual freedom as do others in matters of contract form or choice of contract partner. For these reasons, Contract, as an ins-trument of public policy, increasingly refers to a specific juridicalinstitution.

* Avocat , Ministere de la Justice et professeur a la Faculte de droit l' Univer-site Laval (en conge).

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542 Les nicents developpements en matierede contrats de I'administration (1986) 16 R.

SOMMAIRE

INTRODUCTION

........................................................................................................

1 - LES CARACTERES ACTUELS DES RELATIONSCONTRACTUELLES

.............................................

1 L' habilitation legislative

... . . . . . . . . . . . . . . . .. .. . . . . . . . . . . . . . . .

1 . 1 . La Couronne

.........................................

2 L'administration decentralisee

......................

1 . Les formalites essentielles

..................................

La redaction unilaterale

.....................................

1 . Les reclamations pour des travaux

supplementaires demandes

........................

1 . Les reclamations pour des travaux imprevus

......

2 - LE PROBLEME PARTICULIER DE L'ADJUDICATIONPUBLIQUE

........................................................

Le processus obligatoire

....................................

Le mecanisme des soumissions

...........................

La confection des documents d' appel d' offres

............

2.4 Le precontrat et I' affaire Ron Engineering

. .. .............

La modification du contrat

..................................

La determination de I'eventuel cocontractant

.............

Le plus bas soumissionnaire conforme

............

1 L'absence de discretion

...................

1 . Le concept de conformite

.................

Le rejet des soumissions et un nouvelappel d'offres

........................................

CONCLUSION

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

543

544544545549549552

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de I'administration 543

INTRODUCTION

administration par voie contractuelle , faite de negociationset d'accords conclus entre l'autorite publique et Ie citoyen estdevenue un style d'intervention aussi usuel que l' administration parvoie reglementaire ou d 'action unilaterale. Dans tous les secteursaussi bien economique que social , culturel ou scientifique, les orga-nismes publics contractent sur aut ant de sujets que les marches detravaux publics, de services, les contrats relatifs aux fournituresmobilieres et immobilieres , a la vente ou a la location d'immeublesou de meubles. On assiste ainsi, dans la vie administrative actuellea un developpement considerable du procede de l'accord conven-tionnel comme moyen de procurer a l'administration publique descollaborations de plus en plus variees.

Cette procedure contractuelle meme si e1le se trouve soumiseaux regles du droit prive s exerce souvent a l'interieur d'une struc-ture deja fixee par voie unilaterale. C'est ce qu on pourrait quali-fier de consensualisme organise.

Parfois, la relation administration-citoyen s insere dans uncadre reglementaire tellement important que Ie caractere contrac-tuel disparalt. L'administre , adherent a un service public, tel quservice de sante possede une liberte de contracter purement illu-soire ne pouvant renoncer a ce service essentiell . C'est ce qu 'pourrait appeler des contrats forces. Vu cette absence de choixI 'administre-beneficiaire se trouve dans une situation statutaire decaractere objectif2 dont il peut se prevaloir. Celle-ci se trouve alorsnon contractuelle mais plutot une situation OU deux actes unilate-raux se rencontrent: (...

) "

un acte-regle qui est la loi du service etun acte-condition qui est la marque de la manifestation de volontede l'usager

1. Le statut juridique de /'administration tederale Commission de reforme dedroit , document de travail 40 , p. 70; voir aussi: Andre LAJOIE , Patrick A.MOLINARI et Jean- Louis BAUDOIN

, "

Le droit aux services de sante: Legalou contractuel?" , (1983) R. du B. 675.

2. Pfizer Corporation c. Ministry of Health (1965) A.C. 512 , 536.3. J. DU BOIS DE GAUDUSSON L 'usager du service public administratif,

Paris , Librairie generale de droit et de jurisprudence , 1974 , p. 68.

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544 Les recents developpements en matierede contrats de I'administration (1986) 16 R.

Notre etude portera sur les problemes engendres par ce consen-sualisme encadre qui cree de plus en plus pour les contrats deadministration , un regime juridique specifique4

LES CARACTERES ACTUELS DES RELATIONSCONTRACTUELLES

Les relations contractuelles des autorites publiques se caracte-risent par une legislation et reglementation fort abondantes. Lescontractants tant publics que prives se voient prescrire l' accomplis-sement d'un certain nombre de formalites permettant un controleadequat de l'activite contractuelle. De plus , des clauses obligatoiressont souvent imposees dans Ie contrat.

1 L 'habilitation legislative

Pour I 'administration comme pour les corporations priveesI ' operation contractuelle est la mise en oeuvre d 'une competencequi n 'est pas illimitee ou totalement discretionnaire. La force et lavaleur juridique d'un acte accompli par un organisme prive oupublic decoulent de la competence dont Ia legislation , Ia reglemen-tation ou me me Ies clauses d'un contrat ont investi l'auteur. dernier agit alors dans un cadre determine par Ie droit. En sommela validite d 'un acte pose par un agent public est un rapport comptabilite entre une norme superieure et I'acte en question.Ainsi, toute administration publique contracte par l'intermediaired 'agent, de fonctionnaire, d 'officier public dont Ia competence estencadree par des habili ations legislatives , reglementaires et aussi lesgrands principes de droit public.

Lorsqu parle de competence limitee , une difference doitetre faite entre la Couronne et les administrations decentralisees.

4. Pour une etude complete sur les contrats de I'administration , voir: ReneDUSSAULT et Louis BORGEAT Traite de droit administratif, Quebec , LesPresses de I'Universite Laval , 1984, 28 edition , pp. 601 a 744; PatriceGARANT Droit administratif, Montreal , Les Editions Yvon Blais Inc. , 1985pp. 335 a 399; Pierre LEM I EUX Les contrats de /'Administration: te dera Ieprovinciale et municipale Sherbrooke , Les Editions de la Revue de droitUniversite de Sherbrooke , 1981; Therese ROUSSEAU- HOULE Les contratsdeconstruction en droit public et prive Montreal , Wilson et Lafleur /Sorej,1982; Andre LAJOIE Contrats a dministratifs, jalons pour une theorie Mon-treal , Les Editions Themis , 1984.

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de I'administration545

La Couronne

On peut se demander si pour les contrats passes par Ie gou-vernement ou par un ministre , la loi est a la fois la source et lalimite du pouvoir contractue!. Dans l' arret Procureur general duQuebec c. Ernest Labrecque5 Ie juge Beetz ecrit a ce sujet en deve-loppant Ie point de vue du juge Pigeon dans Verreault et FilsLtee6

La Couronne c est egalement Ie Monarque , une personne physique qui , enplus de la prerogative , jouit d 'une capacite generale de contracter selon lesregles du droit commun. Cette capacite generale de contracter, tout commela prerogative , est aussi l'un des attributs de la Couronne du Chef de laProvince

Dans cette affaire Verreau1t qui fut abondamment commenteepar la doctrine , la Cour supreme a rendu une decision particulie-rement significative a l'effet de reconnaltre a la Couronne un pou-voir de contracter sans qu aucun decret expres, aucune loi expresseni aucune disposition legale expresse ne soit necessaire. Dans cettecause cependant, Ie juge Pigeon rattachait cette competence a con-tracter avec la theorie du mandat. Un decret signe par Ie lieutenant-gouverneur du Quebec, autorisait Ie ministre du Bien Etre social asigner un contrat d'achat d'un bien-fonds. Le terrain devant servira la construction d'un foyer pour personnes agees , Ie Ministere con-tracta avec Verreault et Fils pour Ia construction du foyer. Deselections provinciales eurent lieu et Ie gouvernement decida de retirer du contrat faisant valoir la nullite de celui-ci vu l'absence dedispositions legales expresses permettant de conc1ure pour la cons-truction d'un foyer. Le juge Pigeon affirma qu en l'absence de res-trictions Iegislatives un contrat signe par un representant du gou-vernement agissant dans les limites de son mandat apparent estvalide et oblige Ie gouvernement. Sa Majeste , ecrit le juge "est unepersonne physique, et je cherche en vain Ie principe d'apres Iequel

5. (1980) 2 R. S. 1057.6. Verreault et fils Uee c. Procureur general du Quebec (1977) 1 R. 41.7. (1980) 2 R. S. 1057 , 1082.8. W.J. ATKINSON et M.C. LEVESQUE

, "

Delegation de pouvoirs et delegationde signature , (1982) 42 R. du B. 327; P. GARANT

, "

La formation descontrats administratifs: Theorie du mandat apparent ou theorie de la dele-gation de pouvoir , (1978) 38 R. du B. 178; Rene DUSSAULT et LouisBORGEAT op. cit. note 4 , 619 a 642; Pierre LEMIEUX op. cit. note 4 , 87a 94.

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546 Les recents developpements en matierede contrats de I'administration (1986) 16 R.

les regles generales du mandat

, y

compris celles du mandat appa-rent, ne lui seraient pas applicables

La confusion qu a engendre l' arret Verreault reside dans Ie faitinserer en droit public une theorie de droit prive, soit les regles

du mandat. D'autant plus , que l'application de cette theorie esttout a fait inutile pour arriver au resultat escompte. Si l'on etudiede pres l' arret Verreault il est facile d' en venir a la conclusion queIe ministre du Bien- Etre social avait par la Loi facilitant l'etablis-sement de foyers pour personnes iigees lO

et la Loi constituant departement du Bien-Etre social

I I la competence pour accorder uncontrat de construction d 'un immeuble destine a servir de foyerpour personnes agees , sinon une apparence certaine de compe-tence. Cette theorie du mandat applicable a sa Majeste n 'est pasautre chose que la reconnaissance de la competence generale acontracter de la Couronne.

En somme , la question que les juges se posent ou doivent poser est celIe de I 'existence d 'un pouvoir de contracter. Celui-cipeut decouler d'une loi , d'un reglement ou bien d'une competencegenerale de passer des contrats (...) relatifs a cette partie de l'acti-

vite du gouvernement (...) qui est assigne a (un) ministere"I2

Le fondement du pouvoir du ministre reside en realite , dans larepresentation de Sa Majeste. Cette derniere possedant une capa-cite generale de contracter , il n est alors nullement obligatoire derattacher Ia competence d 'un ministre a un texte legislatif reglementaire. Sa competence n est pas Ie monopole exclusif de laregie legislative. Meme si aucune disposition legislative n 'existe, illui appartient de prendre pour son ministere, les mesures neces-saires au bon fonctionnement de l'administration placee sous sonautorite . Cette competence du ministre se trouve par contre limi-tee par une legislation restrictive ou bien par la Constitution. II estimportant de preciser que la competence du ministre ne peutdepasser Ie cadre de son mandat soit 1es activites prevues dans leslois des ministeres. Pretendre Ie contraire , comme Ie soulignent les

9. Verreault et Fils Ltee c. Procureur general du Quebec (1977) 1 R. S. 41.10. L.O. 1958- , c. 6 , a. 1.

11. L.O. 1958- , c. 27 , a. 8.12. La Reine c. Transworld Shipping Ltd. (1976) 1 C.F. 159 , 163.13. Procureur general du Quebec c. Ernest Labrecque (1980) 2 R. S. 1057.14. c.A.E. Industries Ltd. c. La Reine (1983) 2 C.F. 616.

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de I'administration 547

professeurs Dussault et Borgeat "serait vider de tout leur sens leslois des ministeres"I5 . En effet , comme tout mandataire , Ie ministrea un mandat limite. II possede ainsi une competence generale decontracter qui doit etre exercee dans cette partie de l' activite gou-vernementale assignee a son ministere.

Le ministre mandataire de Sa Majeste et detenteur de cettecompetence contractuelle peut deleguer une partie de ses pouvoirsa un sous-ministre ou a d 'autres fonctionnaires.

Dans Trans world 'Shipping Ltd. Ie juge declarait:Si I 'on admet a priori que Ie ministre a legalement Ie pouvoir de passer des

contrats dans Ie cadre de son ministere, il s ensuit , it mon avis , que saufdisposition legale contraire , ce pouvoir peut etre et sera dans Ie cours nor-mal des choses , exerce par Ies fonctionnaires de son ministere. Cet aspect denotre systeme gouvernemental a ete decrit comme suit dans l' arret CarltonaLtd. c. Commissioners of Works (1943) 2 All E.R. 56.

Dans Ie regime d'administration publique de ce pays , les fonctions qui sontconferees aux ministres (it bon droit du point de vue constitutionnel puis-que les ministres sont constitutionnellement r sponsables) sont si variees

aucun ministre ne pourrait jamais personnellement les remplir. Pourprendre l'exemple du cas present, chaque ministere a sans aucun doutesoumis des milliers de requisitions dans ce pays. On ne peut pas suppo-ser que ce reglement impliquait que, dans chaque cas , Ie ministre en per-sonne devait s occuper de l'affaire. Les taches imposees aux ministres et lespouvoirs qui leur sont conferes sont normalement exerces sous leur autoritepar les fonctionnaires responsabIes du ministere. S'il en etait autrementtout l'appareil de l'Etat serait paralyse. Constitutionnellement, la decisiond 'un tel fonctionnaire represente naturellement la decision du ministre. Leministre est responsable. C' est lui qui doit repondre devant Ie Parlement detout ce que ses fonctionnaires ont fait sous son autorite et si, pour uneaffaire import ante, il a choisi un fonctionnaire subalterne dont on ne peut

attendre qu il execute Ie travail avec competence, Ie ministre devra repondre devant Ie Parlement. Tout Ie systeme d 'organisation et d 'adminis-tration ministerielles s appuie sur l'idee qu etant responsables devant Ie Par-lement, les ministres feront en sorte que les taches importantes soient

15. Rene DUSSAULT et Louis BORGEAT op. cit. note 4 , 628: ils citent a I'ap-pui de leur dire un obiter du juge Boudreault dans Commission scolaire LeGardeur c. G. du Quebec (1979) C.S. 519 , 522: " " n est pas necessairepour les fins de la presente affaire de decider Ie sens qui doit etre donne acette lettre (du sous-ministre adjoint du Ministere de I'education) sauf pourdire qu elle ne peut etre consideree comme un engagement du gouverne-ment a subventionner I'allocation. En effet , les matieres de transport d'ele-ves et de subventions a cet egard relevent du Ministere des transports etde ses officiers auto rises et non du Ministere de I'education ou de sesofficiers

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548Les recents developpements en matiere

de contrats de I'administration(1986) 16 R.

confiees a des fonctionnaires experimentes. S'ils ne Ie font pas , c est au Par-lement qu on devra se plaindre de leurs agissements "16

Vu la complexite du regime de l'administration publique mo-derne , les pouvoirs du ministre , dans la mesure ou ils revetent uncaractere administratif, sont exerces en leur nom par les instancesdu ministere. Dans la mesure ou les fonctionnaires Hpeuvent oudoivent agir ainsi dans les cas particuliers est une question quirei eve de I 'organisation interne et les tiers n 'ont pas de qualite pourcontester les pouvoirs d' un fonctionnaire dans un cas particulier

Le gouvernement ne peut invoquer contre un tiers de bonnefoi l'absence de delegation de pouvoirs , c est- dire qu un fonction-naire n aurait pas ete prealablement autorise et abuse alors de safonction , cela n entache pas la validite du contrat. C'est ce quappelle la delegation implicite. En l' absence de dispositions legisla-tives expresses oblige ant Ie ministre a contracter en personneI8 , Ie

mot ministre dans un texte de loi doit etre lu camme signifiantministre ainsi que ses fonctionnaires.

Le legislateur, pour proteger l'administration et par Ie faitmeme les deniers publics , a limite considerablement la portee decette delegation de pouvoirs a l'interieur d'un ministere par desclauses semblables a celles-ci:

Nul acte , document ou ecrit n engage Ie ministere , ni ne peut etre attribueau ministre , s il n est signe par lui, par Ie sous-ministre ou un fonctionnairemais uniquement dans Ie cas de ce dernier, dans la me sure determinee parreglement du gouvernement publie dans la Gazette Officielle du Quebec

"19

Ces formalites ont ete jugees obligatoires entraIn ant en leurabsence la nullite absolue de I 'acte . Le gouvernement ne peutalors etre lie si Ie contrat ne porte pas la signature de la ou lespersonnes mentionnees dans la loi ou dans Ie reglement de delega-tion de signature.

16. La. Reine c. Transworld Shipping Ltd. (1976) 1 G.F. 159 , 164; FredicMichael Lennarson and Socio- Technical Systems c. La Reine Cour fede-rale , no T - 1956- , 2 fevrier 1984.

1 7. K. Q. Ahmad c. Comite d'appel etabli par la Commission de la fonctionpub/ique (1974) 2 C.F. 644 , 651; La Reine c. Harrison (1977) 1 R. S. 238.

18. Procureur general du Quebec G. Carrieres Ste- Therese Cour supreme , 13

juin 1985.19. Loi sur Ie Ministere du tourisme, de la chasse at de la peche L.R. , c.

, 8. 10.

20. Inter- Ex Inc. c. Procureur general du Quebec (1980) C. A. 18; Commissiondes droits de la personne c. Procureur general du Quebec E. 82-764(C.

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de I'administration549

2 L 'administration decentraliseeadministration decentralisee ne possedant pas comme Sa

Majeste une capacite a contracter, les regles du mandat avanceesdans l' arret Verreau1t ne peuvent s appliquer a el1e. Le juge Pigeonecrivait:

A cet egard , la situation des ministres et autres fonctionnaires du gouver-nement est fondamentalement differente de celIe des fonctionnaires munici-paux. Dans notre systeme , les municipalites sont des creatures de la loi parconsequent , la doctrine de l'ultra vires doit recevoir sa pleine application "21

Ainsi, toute administration decentralisee est soumise a cetteregie de l'habilitation expresse.

2 Les formalites essentiellesEn principe, pour etre juridiquement valables, les contrats

conc1us par l' administration n ont meme pas besoin d' etre constatespar ecrit. Des qu il y a accord de volontes , cela suffit pour que lesobligations et les droits juridiques prennent naissance. Dans la pra-tique , vu l'importance de ces contrats soit par la valeur pecuniaireun formalisme rigoureux devient exige. La conclusion d'un contratavec l'administration s exprime alors sous Ia forme d'une operationcomplexe decomposee en un certain nombre de phases plus oumoins nombreuses. La liberte contractuelle s en trouve restreintepar toute une serie de formalites qui conditionnent la validite ducontrat. EI1es sont variees et prennent leur source dans les regleslegislatives , reglementaires et administratives. II devient alors diffi-cile de presenter un tableau complet et exhaustif de ces conditionsde forme23. Soulignons qu il en existe quatre types principaux:

21. Verreault et Fils Uee c. Procureur federal du Quebec (1977) 1 R. S. 4147.

22. Voir Pierre LEMIEUX op. cit. note 4 , 94 a 133; Rene DUSSAULT et LouisBORGEA T op. cit. note 4 , 703 a 738; G. ANDERSON

, "

Formalities inMunicipal Contracts , (1977) 35 U. T Fac. Law Review 69.

23. Voir par exemple au niveau federal: Reglement sur /'achat de terrains parIe gouvernement 25/8/78 , DORS/78-482 , G. C. Partie II , 14/6/78 , 2702et modifications; Reglement sur location a bail d'ouvrages publicsvol. VII , c. 701 4715 et modifications.- Au niveau du Quebec: Reglement sur les contrats de construction dugouvernement R.R.O. 1981 , c. A- , r. 7; Reglement concernant les contratsde services du gouvernement O. 1981 , c. A. 6 , r. 8 et modifications;Reglement sur les baux et les contrats de location et de concessionR.R.O. 1981 , c. R- , r. 1; Reglement sur les subventions a des fins construction R.O. 1981 , c. A- , r. 293.

Page 11: Droit - Régie de l'énergie

550 Les recents developpements en matierede contrats de I'administration (1986) 16 R.

approbation budgetaire, l'autorisation de tutelle , l'adjudicationpublique par voie d'appels d'offres ou de concours et enfin lasignature. Lorsque ces formalites sont imposees de fac;on expressedans les textes , leur non-respect entralne la nullite du contrat. A cesujet, il est interessant de citer Ie juge de l' arret Beaudry et al.

Cite de Beauharnois11 a toujours ete reconnu par la doctrine et la jurisprudence que ceux qui

contractent avec une municipalite doivent s assurer que non seulement celle-ciagit dans les limites de ses pouvoirs ,. mais aussi que toutes les conditionsrequises par la loi ont ete observees; autrement, la municipalite n est pasliee envers eux

Les contrats de l'administration sont en presence d'un forma-lisme rigide dont depend la validite du contrat . Par contre , il doitemaner d 'un texte legislatif ou reglementaire. Sinon , on revient auconsensualisme du droit prive. De plus , l'exigence devra etre redi-gee en termes imperatifs pour que son defaut rec;oive la sanction denullite absolue du contrat ou la non-existence de celui-ci. Commeces formalites sont ex orbit antes du droit commun , les tribunaux26ont toujours donne une interpretation restrictive de ces clauses.

Analysant Ie Reg1ement sur 1es marches de FEtat et plus par-ticulierement la disposition suivante: "Sous reserve des dispositionsdu present reglement, nul marche ne doit etre conclu sans l'agre-ment du Conseil du Tresor , Ie juge Jackett ecrivait:

(...

) it moins que (oo. ) Ie Reglement sur les marches de J'Etat ne contienneune disposition speciale que je n ai pas ete en me sure de retrouver, precis ant

aucun contrat " aura vigueur ou effet" sauf si la conclusion en a eteautorisee par Ie Conseil du Tresor, au cas ou Ie contrat porte sur un montantsuperieur it celui prescrit par Ie Reglement , je doute fort que Ie defaut d'ob-tenir ceUe autorisation ne constitue rien d' autre que la violation d' une obli-

24. (1962) B. R. 738; voir aussi Corporation municipale de St- Honore c. Corpo-ration municipale de Canton Tremblay, E. 84-268 , p. 7.

25. Gravel c. Cite de St-Leonard (1978) 1 R.C. S. 660; Lalonde c. Vile deMontreal-Nord (1978) 1 R.C. S. 672; Commission scolaire St- Pierre c. Bour-bonnais (1975) C. A. 405; Inter-Ex c. Procureur general du Quebec, (1980)

A. 1 8.

26. Voir a titre d' exemple: La Reine c. Transworld Shipping, (1976) 1 C.F. 159;Vil/e d' lbervile c. Leblanc (1978) C. A. 216; Plourde c. Commissa ires d' eco-les pour la municipalite de Riviere-Duel/e (1974) C. A. 47; CompagnieMiron Ltee c. Vile de Lemoyne (1979) C. S. 787; Procureur general de laprovince de Quebec c. Commission scolaire Champlain (1982) C.A. 200;Montar Construction Inc. c. Vil/e de St-Hubert E. 81-308 (C.

);

La Reinec. Phoenix Assurance Company Ltd. (1976) 2 C.F. 649.

27. Supra note 23.

Page 12: Droit - Régie de l'énergie

(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de I'administration551

gation existant entre les fonctionnaires du ministere et leurs superieurs hie-rarchiques et, a mon avis, il ne s ensuit pas qu un tel defaut vicie neces-sairement un contrat par ailleurs valable "28

Ainsi , l'expression "doit" employee seule , n est pas suffisante arendre une formalite essentielle a la conclusion du contrat. Parcontre , a ete consideree par les tribunaux29 comme une disposition

ordre public , l'expression "doit pour lier cette municipalite"Les formulations "Nul acte n engage Ie ministere , ni ne peut

etre attribue au ministre... "30

, "

nul contrat ne lie ni n est reputelie... "

, "

tout transport fait en contravention avec Ie present articleest radicalement nul entre les parties... "

, "

les contrats sont nuls etde nul effet jusqu a ce qu ils aient ete ratifies par...

, "

un contrat nesera conclu ou n aura vigueur ou effet sauf... "31 montrent bienintention du legislateur d'assujettir Ie pouvoir de contracter a des

restrictions d 'ordre public.Nous constatons que Ie principe "nul n est cense ignorer la loi"

apparaH lourd de consequences pour Ie particulier contractant3Etant place dans une situation de contrat nul ab initio chaquepartie peut en effet en declarer l'inexistence. L'autorite publiquepeut meme invoquer sa propre turpitude33 . N e pouvant etre indem-nise des frais encourus sur Ia base du contrat vu sa nullite soit parabsence de formalites ou defaut d 'habilitation de l'agent, Ie cocon-tract ant ne peut recourir a I 'enrichissement sans cause. Comme

28. La Reine c. Transworld Shipping Ltd. , (1976) 1 C.F. 159 , 163.29. Gravel c. Cite de St-Leonard (1978).. R. S. 660 Lalonde c. Vi//e de

Montreal-Nord (1978) 1 R. S. 672.30. Inter- Ex Inc. c. Procureur general du Quebec (1980) C. A. 18; Commission

des droits de la personne c. Procureur general du Quebec E. 82-764(C.

31. La Reine c. Transworld Shipping Ltd. (1976) 1 C.F. 159 , 163.32. Inter- Ex Inc. c. Procureur general du Quebec (1980) C. A. 18; Olivier c.

Corporation du viiage de Wattonvi//e (1943) R. S. 118 , 124; Corporationmunicipale de Havre St- Pierre c. Brochu (1973) C. A. 832; Plourde c. Pres-cott E. 83- 1163; Construction Hydrex Inc. c. Corporation municipale deHavre St-Pierre (1980) C.S. 1038.

33. Adricon Uee c. Vi//e d'East Angus (1978) 1 R. S. 1107 , 1116 , Le jugeBeetz soulignait: " Lorsqu une municipalite est partie a un contrat qui estexecute et dont el/e profite , que ce contrat n est ni manifestement ultravires ni intrinsequement illegal et que Ie motif invoque pour la liberer deses obligations en vertu du contrat est Ie defaut d' accomplir les formalitesadministratives , c est a cette municipalite qu il incombe de plaider et d'eta-blir son propre defaut ainsi que la nature des nul/ites qui peuvent enresulter

Page 13: Droit - Régie de l'énergie

552 Les recents developpements en matierede contrats de I'administration (1986) 16 R. D. U.

affirmait Ie juge Pigeon dans l' arret Lalonde c. Cite de Montrea1-Nord

II nous faut donc appliquer la loi dans toute sa rigueur sans qu il y ait lieua l'application du principe de l'enrichissement sans cause que la justice nouscommanderait d 'appliquer a un particulier ou a une societe. La ville est, al'egard de son pouvoir de contracter , assujettie a des restrictions d'ordrepublic que l'execution du contrat ne peut avoir pour effet d'ecarterCette jurisprudence35 nous paralt etre la seule qui puisse etre

approuvee car Ia doctrine de I 'enrichissement sans cause n a paspour but de contourner les dispositions legislatives d 'ordre public.En effet, I'enrichissement ne peut etre considere comme etant de-pourvu de cause juridique des Ie moment que Ia cause resulted 'actes transgress ant les dispositions de la loi. La cause de I 'actejuridique, c est "son caractere licite, soit pour un contrat sa con-formite aux Iois imperatives et d'ordre public "36

De plus, l'execution des travaux ne peut etre un obstacle aune defense basee sur Ie defaut de respecter les formalites essen-tie1les puisqu en cette matiere , aucune theorie du fait accompli nepeut exister37

La redaction unilateraleAu point de vue de la forme, les documents constatant les

contrats de l'administration sont plus ou moins complexes. Tantotnous sommes en presence d 'un document unique contenant toutesles clauses. Tantot , les clauses du contrat sont contenues dans plu-sieurs documents qu il faut rapprocher et combiner pour connaitretoutes les obligations et droits respectifs des parties. C'est ainsi quepour les contrats de travaux publics, on y retrouve des cahiers decharges incorpores. Ces clauses types deviennent alors toutes con-tractuelles et font partie integrante du contrat meme si celui-ci ne

34. (1978) 1 R.C.S. 695.35. Clermonf c. Vi//e de Montreal (1970) C. A. 456; La Corporation municipale

de Havre Sf- Pierre c. Brochu (1973) C. A. 832; Cite de St-Romuald d'Et-chemin c. S.A.F Contraction (1974) C. A. 411; Olivier c. Corporation du vil-lage de Wattervi/e (1943) R.C. S. 118; Lalonde c. Cite de Montreal-Nord(1978) 1 R. S. 695.

36. M. T ANCELlN Theorie du droit des obligations Quebec, Les Presses deI'Universite Laval , 1975 , no 476 , p. 314.

37. Goulet c. Corporation de la Paroisse de Sf-Gervais (1931) 50 B.A. 513517; Fernand Leblanc et al. c. Sa Majeste La Reine du Chef du CanadaCour federale , no T -5441 - , 9 mars 1982.

Page 14: Droit - Régie de l'énergie

(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration553

fait qu y referer38 . En l'absence de clause expresse incorporant cesdocuments precontractuels au contrat, ceux-ci pourraient servir ainterpreter Ie contrat au cas d 'ambiguites et determiner la veritableintention des parties39

administration croit de plus en plus a l'uniformisation desprocedures. EI1es sont pour cette derniere un instrument de choixqui tente de reglementer de la fac;on la plus efficace possible cer-taines activites que l'on a cru bon de ne pas laisser entierementlibres. Le contrat type qui en decoule offre un modele deja pret

il suffit de reproduire et de signer. La redaction unilaterale estainsi devenue la regie et la negociation l' exception.

Pour pallier a d'eventuels problemes d'execution du contratdes clauses d'indemnite pour des travaux supplementaires ou im-prevus y sont incorporees.

II est important de noter que Ie cocontractant n ayant eu riena dire dans la preparation des plans et des cahiers de charges , les

tribunaux sont portes a donner aux clauses du contrat une inter-pretation restrictive De plus meme si par sa soumission, Iecocontractant s est declare pret a accepter . effectuer des travauximprevus conformement a ces documents, la soumission conformeaux cahiers des charges n 'est pas encore Ie contrat conclu. Desmodifications res tent toujours possibles et il appartient aux partiesde verifier attentivement Ie contenu de la convention finale quipeut deroger sensiblement a certaines propositions ecrites anterieu-rement. La convention et les conditions generales "auxquelles ellerenvoie ne sont pas une simple ratification des documents redigesanterieurement meme si ces documents sont consideres commepartie du contrat sauf derogation "4I . Souvent , les regles en matiere

interpretation des contrats d 'assurance peuvent nous servir deguide

38. Procureur general du Quebec c. Commission scolaire Champlain (1982).A. 200; Vi/e de Granby c. Oesourdy Construction Ltee (1973) C.A. 971.

39. Faucher c. Corporation municipale de la Paroisse de St-Franyois de Salesde la Riviere du Sud E. 85-580 (C.A.).

40. Ciment Independant Inc. c. CUM. E. 82-1182 (C.

);

Sotramont Inc.

Le Centre Hospitalier Sacre-Coeur de Hull et al. E. 80-84 (C.A.

41. Sotramont Inc. c. Le Centre Hospitalier Sacre-Coeur de Hull et al. E. 80-84 (C.A.), 29 , notes du juge Mayrand.

42. Ibid. La Cour supreme s est penchee a plusieurs reprises sur ce problemeinterpretation des contrats d' assurance: Exportations Consolidated Ba-

thurst c. Mutual Boilers Insurance (1980) 1 R. S. 889; Arrow Transfer

Page 15: Droit - Régie de l'énergie

554 Les recents developpements en matierede contrats de /'administration (1986) 16 R.

1 Les reclamations pour des travauxsupplementaires demandes

Le cocontractant a droit au remboursement des couts des tra-vaux supplementaires imposes par l' administration. Le paiementsera alors relie aux dispositions de l'article 1690 C.c. ou aux termesexpres du contrat.

Souvent , dans les cahiers de charges , on prevoit que I 'adminis-tration pourra exercer toute modification aux plans , devis et clausesque les circonstances peuvent rendre necessaire . Ces depensesoccasionnees a l'entrepreneur du fait de nouvelles obligations exi-gees sont souvent remunerees par des prix unitaires a forfait pre-vus au contrat ou bien fixes unilateralement par l'administration.Un point important est a souligner, c est que dans presque tous Iesdocuments contractuels , ces demandes de travaux supplementairesdoivent etre exigees par ordre ecrit.

Malgre les termes leonins dans lesqueIs sont rediges Ies con-trats de l'administration , il demeure , comme Ie soulignait Ie jugeLajoie 4, "que si Ie ministre impose a l'entrepreneur des change-ments dans l'execution des travaux qui les rendent plus onereuxque ce qui etait originalement prevu, il doit en payer Ie cout sup-plementaire et ne peut rejeter arbitrairement Ia reclamation de I 'en-trepreneur ou ne I'accueillir que pour les sommes qu il determine

En cas de defaut d'entente entre les parties sur Ie bien-fondeune reclamation ou sur la quotite des supplements a accorder, il

Companyc. Royal Bank of Canada (1972) R.C. S. 845; Indemnity Insu-rance Company of North America c. Excel Gleaning, (1954) R. S. 169;Stevenson c. Allance Petroleum et al. (1956) R. S. 949; Voir aussi J.BERGERON

, "

interpretation d' un contrat d'assurance au-dela de la lettredu contrat" , (1981) R. du B. 306; Dans Agence de securite generale Inc.

La Reine (1980) 2 C.F. 223 , 229. Le juge Marceau ecrivait: "Un contrat (n.doit s interpreter de fac;on a donner effet a la commune intention des par- ties , et c est a cette commune intention qu elle s en remet. (.n ) 1/ ne sauraitetre question d' interpreter autrement que dans son sens litteral une clau-se non equivoque d' un contrat; c est la un principe fondamental d' interpreta-tion que I' article du Code civil quebecois (n. ) I'article 1063 , ne manque pasjustement de confirmer; Cloves Survey Yacthing Co. Ltd. c. La Corpora-tion de disposition des biens de la Couronne et La Reine (1982) 22 C.128"

43. Voir par exemple: Cahier des charges et devis generaux Ministere destransports, Gouvernement du Quebec , a. 4.05 et ss.

44. Procureur general du Quebec c. Labrador Excavating Ltd. Cour d' appel

no 200-09-000104-783, 8 aoOt 1980 , p. 14.

Page 16: Droit - Régie de l'énergie

(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration555

appartiendra au tribunal competent de juger de la valeur juridiquedes pretentions opposees des contractants

1.3.2 Les reclamations pour des travaux imprevusParfois , des circonstances imp revues au moment de la conclu-

sion du contrat viennent en modifier I 'economie sinon en rendreexecution beaucoup plus onereuse sans qu elle soit devenue impos-

sible. Des. bouleversements economiques telles que des augmenta-tions tres considerables et subites du cout de la main- oeuvre , desmateriaux ou les deux, des decouvertes de donnees ou de faitsimprevus non reveles dans les documents d 'appel d 'offres, desinformations erronees dans les plans et devis , des conditions clima-tiques exceptionnelles peuvent augmenter considerablement Ie coutd 'execution et meme aboutir a la faillite du cocontractant et fina-lement a l'inexecution du contrat.

Dans la plupart des cas ou il s agit de contrat it forfait suivantplans et devis , l'article 1690 C. c. doit s appliquer. En effet, celui-cidispose que:

n. (l'entrepreneur ou l'architecte) ne peut demander aucune augmentationde prix , ni sous Ie pretexte de changement dans les plans et devis ni souscelui d'augmentation de la main- oeuvre ou des materiaux , a moins queces changements ou augmentations ne soient autorises par ecrit, et Ie prixarrete avec Ie proprietaire, ou a moins que la convention sur 1es deuxpoints , ne soit etablie par Ie serment decisoire du proprietaire

Ainsi, si l'administration n a pas autorise l'augmentation duprix du contrat, Ie cocontractant ne peut etre indemnise . Cetteposition fut toujours maintenue par les tribunaux.

En 1942 , dans un arret desormais celebre , la Cour supremeavait a determiner Ie bien-fonde d'une reclamation d'un entrepre-neur pour une indemnite additionnelle basee sur Ie fait que celui-ciavait ete oblige pour executer l'ouvrage prevu au contrat , de fairedu travail supplementaire et d'encourir des depenses additionnellesparce que les conditions du sol s etaient averees beaucoup plus dif-

45. Ibid. Houle et Oauphenais Construction Inc. c. Procureur general du Que-bec E. 80-835 (C.

);

Nord Construction (1962) Uee c. Vi//e de St-Remi(1983) C.A. 220.

46. Boissonneault et Bisson Inc. c. Commission scolaire Rouyn-Noranda82-978; Cartier Building Inc. c. E. Seguin Fils Ltee E. 85-637 (C.Construction Maxum c. Cour federale , T -2792- , Ie 23 juin 1983; Voiraussi P. LEMIEUX op. cit. note 4 , 356 a 367.

47. Paradis c. The King, (1942) R.C. S. 10.

Page 17: Droit - Régie de l'énergie

556 Les recents developpements en matierede contrats de /'administration (1986) 16 R.D. U.

ficile qu 'elles avaient ete prevues et decrites dans les plans et devisfournis par la Couronne a l'epoque de la soumission. Le juge Tas-chereau ecrivait alors:

As I have already pointed out , it is true that the borings indicate the soilas being 'sand, gravel , few stones , loose clay, stiff and sticky clay, toughclay ' but the tenderers were requested to visit the place and make their ownestimates of the facilities and difficulties attending the execution of theworks , including all contingencies whatever. It is also said in the specifica-tions, that if the suppliant did find any obstructions not shown on theplans , it is its obligation to remove them at its own cost. And in order tofacilitate its task, additional information was made available as to theconditions of the soil , but one of the officers of the suppliant refused thisinformation stating that he had a perfect knowledge of the soil at that par-ticular place. Then , come clause 56 of the contract in which it is stated thatthe information given in the plans and the boring sheet is not 'guaranteedor warranted by or on behalf of His Majesty ' and a further stipulation thatthe contractor will make no claim against His Majesty 'for loss or damagesustained or on account of unforeseen difficulties of any kind'

The suppliant tendered to furnish and drive these piles in a soil the natureof which it agreed to investigate , and which the appellant did not guaranteebut merely indicated with the reserves above mentioned as being of ' sandgravel , few stones , loose clay, stiff ans sticky clay, tough clay . The risk wasupon the suppliant and having assumed it , it must necessarily bear all theconsequences , financial and others , if it misjudged the works to be perfor-med and miscalculated the cost of the entreprise. Expenses incurred forunforeseen difficulties must be considered as being included in the amountof the tender, and the respondent has the legal obligation to execute thecontract for the price agreed upon , ... The Court is bond by the terms ofthe contract, which is the law of the parties "48

entrepreneur, lorsqu il contracte avec l'administration, doitevaluer avec Ie plus grand soin Ie cout des travaux car c est sur luique reposent toutes les depenses additionnelles Ne pouvant

48. Id. 16; voir au meme effet: At/as Construction Co. Ltd. c. City of Montreal(1954) R. S. 350; Eastern Construction Ltd. City of Montreal (1936) 74

S. 196; National Oock and Oredgany Corp. Uee c. The King, (1929)E. 40; J.E. Brazeau Ltee c. Vi//e de Pierrefonds (1970) C. S. 282; Ber-

nier c. Procureur general du Quebec (1975) C. S. 1201; A. Cardinal Cons-truction Inc. c. Oo//ard-Oes- Ormeaux (Vi/e de), E. 83-449 (C.S. Montreal).

49. II est important de signaler que par I'article 14h du Reglement sur lescontrats de construction du gouvernement O. 1981 , c. A- , r. 7 , la res-ponsabilite du cocontractant de se renseigner a ete etabli. On retrouveaussi dans les cahiers de charges des clauses par lesquelles " I'entrepre-neur assume tous les risques d'erreurs dans les documents remis auxsoumissionnaires et reconnait avoir pris connaissance des lieux et des dif-ficultes particulieres de I'entreprise: voir par exemple article 2061 , Cahier

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration557

retirer unilateralement du contrat50, il devra en assumer tous lesrisques51 a moins d' un cas de force majeure52 . II est important depreciser que Ie cocontractant ne pourrait recourir a l'enrichissementsans cause pour obtenir compensation pour les depenses non pre-vues. Dans un tel cas , c est la convention elle-meme qui s oppose a

un tel recours. En effet , I 'expression sans cause signifie absence dejustification juridique. Les cous supplementaires pour des travauxmeme utiles et necessaires sont justifies par Ie contrat

Par contre , Ie contrat prevoit souvent des clauses d'indemnisa-tion pour des travaux dont Ie cout depasse les previsions. Parexemple , l'article 12(1) de la formule federale des marches deconstruction54 dispose que:

Nul paiement ne sera fait par Sa Majeste a l'entrepreneur en sus du paie-ment expressement promis par Ie contrat, en raison de quelque depensesupplementaire engagee ou que1que perte ou dommage subi par l'entrepre-neur pour quelque raison que ce soit , y compris un malentendu de la part deentrepreneur quant a tout fait , que ce malentendu soit ou non attribuable

directement ou indirectement a Sa Majeste (oo.) a moins que, de l'avis del'ingenieur , la depense supplementaire, la perte ou Ie dommage ne soitdirectement attribuabIe

des charges et devis generaux , Ministere des transports; voir H. Cardinal

Construction Inc. c. Vile de Dollard-des-Ormeaux E. 83-443 (C.

);

Car-man Construction Ltd. c. Canadian Pacific Railway Co. (1982) 1 R.C.958.

50. The Corporation of the Town of Fort Frances c. Boise Cascade Canada etal. (1983) 1 R. S. 171; Procureur general du Quebec c. Armand Sicotte etFils Ltee Cour superieure Quebec, no 200-05-004399-775 , 14 janvier1983 , Ie juge Rene Letarte.

51. Cite de Lachine c. Rivermont Construction Co. E. 84-649 (C.A.); VermontConstruction Inc. c. Beatson (1977) 1 R. 758.

52. Theberge Ltee c. La Reine (1970) R. E. 648; Entreprises Netco Inc.

c.s.R. de /'Outaouais E. 83-634 (C.

53. Joe s Co. Ltd. c. The King, (1951) R. E. 246; Paradis c. The King, (1942)S. 10; Dufresne Construction Co. Ud. c. The King, (1935) R. E. 77.

54. Formule federale des marches de construction, conditions generalesOttawa , Imprimeur de la Reine , Catalogue no 3614 (1963); voir aussi aumeme effet , I'article 9. 10 du Cahier des charges et devis du Ministere destransports qui prevoit une procedure de reclamation au cas de travauximprevus ou de conditions manifestement difterentes: "Si I'entrepreneurcroit qu il est lese d' une fac;on quelconque par rapport aux termes de soncontrat , il doit transmettre directement au ministre une lettre recommandeeavec copie au maitre d' oeuvre dans laquelle il expose et motive son inten-tion de reclamer. Cette lettre doit etre transmise dans un delai maximumde 15 jours a compter du debut des difficultes qui , selon lui , justifie sareclamation.

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558 Les recents developpements en matierede contrats de /'administration (1986) 16 R.

a) a un ecart considerable entre les renseignements sur les conditions du sola I'emplacement des travaux, ou une hypothese raisonnable fondee sur les-dits renseignements , consignes dans les plans et devis (...) communiques al'entrepreneur par Sa Majeste pour servir a l'etablissement de sa soumissionet les conditions reelles du sol constatees par l'entrepreneur a l' emplacementdes travaux dans l'execution des travaux , oub) auquel cas , si 1 'entrepreneur a donne a 1 'ingenieur avis par ecrit de sareclamation , avant l'expiration de trente jours depuis la constatation desconditions du sol donnant lieu a la reclamation... Sa Majeste paiera a I'en-trepreneur a I 'egard de la depense supplementaire engagee ou la perte oudommage subi en raison de cet ecart..

Ce genre de clause donne ainsi a l'entrepreneur Ie droit a unereclamation pour des travaux imprevus lorsqu un ecart substantielexiste entre les renseignements fournis dans les plans et devis et lesconditions reelles rencontrees. On permet alors une renegociationdu contrat en excluant l'annulation pour cause d'erreur. L'un deces buts est " eviter l'interruption des travaux et de favoriser leurparachevement"55. Selon la jurisprudence56, Ie cocontractant del'administration doit arreter les travaux et demander l'annulationpour cause d 'erreur lorsque des travaux importants doivent etreeffectues dus a des difficultes majeures et imprevues. Mais aucuneremuneration supplementaire n est recevable s il a complete les tra-vaux sans conclure une nouvelle entente . L'application de cesprincipes au contrat d'entreprise soit l'interruption des travauxcomporte des dangers considerables tel que perdre Ie benefice de sacaution , de se voir poursuivre par ses sous-traitants et me me s 'exposer a la faiIIite58

55. Corpex (1977) Inc. c. Sa Majeste La Reine du chef du Canada (1982) 2S. 643; voir Ie commentaire de Mme Therese ROUSSEAU-HOULE

dans (1983) R. du B. 1123; Sa Majeste La Reine aux droits du Canada

Construction JRL Ltee Cour federale , no A-426-81 , Ie 3 mars 1983.56. Eastern Construction Ltd. c. City of Montreal (1936) 74 C. S. 196; JE. Bra-

. zeau Ltee c. Vi/e de Pierrefonds (1970) C. S. 282; Sera Inc. c. Hydro-Semence Inc. (1976) C.S. 331.

57. United Shoe Machinery Company of Canada c. Brunet (1909) AC. 330;

Cie JA. Gosselin Ltee c. JG. Peloquin et a/. (1957) R.C.S. 15; ces juge-. ments appliquent Ie principe suivant " Iequel , I'erreur et la fraude , n etantcause que d' une nullite relative , ne peuvent plus etre invoquees par la vic-time qui , les ayant decouvertes , a continue a executer Ie contrat" Corpex(1977) Inc. c. Sa Majeste du chef du Canada (1982) 2 R.C.S. 643; Parcontre , si I'administration refuse d'effectuer les paiements prevus au con-trat , ce defaut pourrait degager /'entrepreneur de son obligation de conti-nuer: Hurst c. Downard (1921) O. R. 35.

58. Corpex (1977) Inc. c. Sa Majeste du chef du Canada (1982) 2 R.C.S. 643.

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de tadministration 559

Ainsi , l'administration et l'entrepreneur trouvent des avantagesmutuels a ce type de clauses. L'entrepreneur se trouve presqu as-sure d 'etre paye pour les couts excedentaires et l'administration saitque la continuation des travaux est pratiquement assuree malgredes conditions manifestement differentes survenues lors execution du contrat. Cette expression "conditions manifestement

differentes" ou "ecart considerable" n a presque pas ete analyseepar nos tribunaux. Le juge Lajoie dans Procureur general duQuebec c. Labrador Excavating Limited"59 sans definir l' expres-sion precitee , emit l'opinion suivante:

on voit des lors qu il s agit ici de decider si , en fait , la Cour superieure abien ou mal juge que 1es travaux prevus au contrat furent modifies , durentetre executes 'dans des conditions manifestement differentes de celles indi-quees dans les documents de soumissions.. , plus onereuse et si tel est Iecas , si la compensation additionnelle adjugee est Ie fruit d' une erreur mani-feste dans l'appreciation de la preuve ou d'une erreur de droit

appreciation de ce qui constitue des conditions manifeste-ment differentes pour justifier une reclamation de Ia part de l'en-trepreneur est une question de faits Ce p:tobleme de preuve est

autant plus complexe que l'entrepreneur assure to us les risquesd 'erreur prevus dans les documents contractuels.

Par contre , ce regime d'indemnisation est soumis a une proce-dure rigide. Aussi bien au niveau federal que quebecois , un avisdonne par l'entrepreneur dans un delai fixe constitue une conditionessentielle a I'exercice d'une reclamation6I . En l'absence de celui-citoute demande doit etre rejetee que la "reclamation soit fondee surune hypothese raisonnable fondee sur les renseignements qu on luiavait fournis ou sur la faute des ingenieurs-conseils "62 . Cet avis apour effet de remettre les parties dans la situation ou elles se trou-vaient au moment de la conclusion du contrat. Sans cet avis , Ie

59. Supra note 44.

60. Procureur general du Quebec c. Armand Sicotte et fils Cour superieureno 200-05-004399-775 , 14 janvier 1983 , p. 67; Dans Robert McAlpine

Caribou Construction Inc. A. Quebec , no 200-09-000439- , Ie 21 octo-bre 1983 , p. 16 , Ie juge Turgeon mentionna qu en presence d' une soumis-sion dOment acceptee , il est possible de considerer la signature du contratcomme une simple formalite et de croire que celui-ci sera base sur cettesoumission.

61. Corp ex (1977) Inc. c. Majeste du chef du Canada (1982) 2 R. S. 643645.

62. Id. , 26.

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560Les recents developpements en matiere

de contrats de /'ddministration(1986) 16 R.

droit a etre indemnise prevu par les cahiers de charges ne peutprendre naissance. Son absence constitue une fin de non-recevoir

entrepreneur ne peut , comme l ecrivait Ie juge Beetz "une fois lestravaux termines reclamer dans un proces des avantages sembla-bles a ceux que lui garantit l'article 12 des conditions generales s

a pas lui-meme observe cet article en donnant l' avis qu il prevoit.Autrement , il priverait Ie proprietaire des avantages que lui garan-tit l'article 12"64

Les tribunaux ont souvent procede par analogie avec l'avisimpose dans d' autres lois telles que Ia Loi des cites et villes 65 ou IeCode municipa1 Interpretant l'article 525 de la Charte de la Citede Quebec , Ie juge Rinfret dans l' arret Cite de Quebec c. AlphonseBarbeau ecrivait 67

En effet , l'avis qui est exige ne constitue pas une simple mesure de proce-dure. II fait partie de la formation me me du droit d'action contre la Cite...II ne s agit pas, en effet, d'une simple formalite sans importance, dont Ierec1amant peut etre dispense ou que l' on peut remplacer par une autre for-malite quelconque que Ie Tribunal jugera suffisante pour y tenir lieu.

63. La Societe d'entreprises generales Ltee c. P. gen. du Quebec Cour supe-rieure , no 200-05-002779-754 , 1 er octobre 1981; Morin Inc. et al. c. P. gen.du Quebec, Cour superieure , no 200-05-002397-789 , 12 juillet 1982; Pro-cureur general du Quebec c. Armand Sicotte et Fils Ltee Cour superieureQuebec, no 200-05-004399-775 , 14 janvier 1983 , Ie juge Letarte. Cesarrets ont analyse I' avis prevu dans I'article 9. 10 du Cahier des charges duMinistere des transports qui se lit: "Si I'entrepreneur croit qu il est lese

une fac;on quelconque par rapport aux termes de son contrat, il doittransmettre directement au ministre une lettre recommandee , avec copieau maitre d'oeuvre dans un delai maximum de 15 jours a compter dudebut des diffcultes qui , selon lui , justifie sa reclamation. (n.) Si I'avis d' in-dention ou la reclamation n est pas produit dans les delais prescrits dansIe present article ou si I'entrepreneur n accorde pas au maitre d' oeuvre lafacilite de tenir un compte rigoureux des moyens mis en oeuvre pourexecution des travaux en litige , I'entrepreneur convient par les presentes

un tel comportement est considere comme son desistement de toutdroit qu il aurait pu avoir

64. Corpex (1977) Inc. c. Sa Majeste La Reine du chef du Canada (1982) 2

S. 643, 25.

65. L.R.Q. , c. C- 19.

66. L.R.Q. c. 27.

67. (1934) R.C.S. 622 , 624; voir au meme effet: Methot c. Commission desTransports de Montreal (1972) R. S. 387; Vi//e de Mont- Royal c. DameLeibowith (1970) C. A. 322; Samson c. Cote de Quebec (1971) C.S. 713;dans Procureur general du Quebec c. Armand Sicotte et Fils Ltee Coursuperieure Quebec, no 200-05-004399-775 , 14 janvier 1983, Ie juge Letarteanalyse toute cette jurisprudence.

Page 22: Droit - Régie de l'énergie

(1986). 16 R. D. U. Les recents developpements en matierede contrats de I'administration 561

Cette exigence de la loi, par exemple , ne peut etre mise de cote saus pre-texte d'absence de prejudice... mais si, ... l'avis est un element de la forma-tion du droit d'action, c est au poursuivant qu il incombe d' invoquer dansson action la reception de cet avis par la Cite. II doit necessairement l'alle-guer et la prouver. S'il est dispense de l'envoi de l'avis , c est egalement a lui

il importe d' alleguer et de prouver la force majeure ou l'existence d' au-tres raisons analogues qui Ie font tomber dans l'exception

Ainsi , Ie seul temperament au defaut d 'avis est la force majeureou des raisons jugees satisfaisantes par Ie juge68 . De plus, Ie jugeLetarte , dans Procureur general du

Quebec c. Armand Sicotte etal.

69 reconnut que si " impossibilite d'agir est susceptible d'etreappreciee par Ie Tribunal, a plus forte raison doit-il en etre ainsi

une dispense ou d'une renonciation en provenance du procureurgeneraL.. "70 . Ainsi , de longs pourparlers entre les parties relatifs ades difficultes rencontrees , soit par echange de correspondance outout autre moyen , pourraient parfois dispenser l'entrepreneur decette formalite d'avis ecrit. II est, en effet , possible de conclure parune situation de faits a une renonciation tacite de cette exigencepar I 'administration.

LE PROBLEME PARTICULIER DE L'ADJUDICATIONPUBLIQUE

Le choix du cocontractant peut etre libre. L'administrationadresse alors a la personne de son choix sans etre obligee de

recourir a un particulier plutot qu a un autre. C'est ce quappelle Ie contrat de gre a gre7I . Meme si cette expression ne s ap-plique qu a l'hypothese du choix du cocontractant, la liberte en cedomaine entralne une importante consequence quant a la determi-nation des clauses du contrat. U ne certaine liberte de discussionexiste alors. Plus frequemment, par contre , l'administration ne peutchoisir librement et discretionnairement la personne de son cocon-tractant. Des textes legislatifs et reglementaires l'obligent de Iier Ie

68. Ibid.

69. Supra note 50.

70. Id. , 17.71. R. DUSSAULT et Louis BORGEAT op. cit. note 4 , 668 ss; P. LEMIEUX op.

cit. note 4 , 136 ss; il est important de mentionner que parfois meme dansles contrats de gre a gre existent une procedure obligatoire telle que Ieconcours: voir a cet effet , Ie Reglement concernant les contrats de ser-vices du gouvernement R.R.Q. 1981 , c. A.6 , r. 8.

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. 562Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration(1986) 16 R.

contrat avec Ie particulier qui lui est designe par une procedureimposee. Le contrat est alors conclu par adjudication publique.

Le processus obligatoireSi Ie pouvoir discretionnaire quant au choix du cocontractant

doit etre la regie , il existe de nos jours pour un tres grand nombrede contrats une procedure obligatoire. La competence de l'adminis-tration est alors liee. En l'absence de textes, celle-ci est toujours

libre de son choix. De meme, lorsqu un texte legislatif ou regle-mentaire , pour. une categorie de contrat72 prescrit l' adjudicationpar voie d 'appels d 'offres , ces memes reglements ou lois autorisentpar exception, Ie contrat de gre a gre pour certaines situationsenumerees. Une etude attentive de loi s impose donc. En effet , dansIe silence des textes, Ie contrat ne doit pas necessairement etreconclu apres adjudication73 De plus, les dispositions statutairesrestreignant Ie principe general de la liberte contractuelle doiventetre interpretees de fayon restrictive.

Mais , si un texte prescrit l'adjudication, cela signifie que sonnon-respect entralne la nullite du contrat. Toute cette procedureconstitue une formalite essentielle a la conclusion du contrat. Ainsiune adjudication entachee d' un vice de forme est consideree commeentrain ant l' annulation74. Bien sur, Ie vice doit etre substantiel.

est, en effet , tout Ie probleme des simples illegalites et de ultraVlres.

72. Voir par exemple , Ie Reglement sur les contrats de construction du gou-vernement R.R.Q. 1981 , c. A- , r. 7.

73. Dans Trans Ad Ltd. c. G. TG.UM. (1976) C.S. 1687, Ie juge ecrivait: "appert de la loi que pour Ie genre de contrat intervenu , I' autorite adminis-trative n avait pas a demander de soumissions. " aurait fallu que celaapparaisse clairement dans la loi"

7 4. Corporation municipale de la Cite de St-Romuald O'Etchemin c. A.F.(1974) C. A. 411; Ruel c. Cite de Lauzon Cour d' appel Quebec , no 8906, Ie

23 juin 1973; il est interessant de lire I'arret Breton c. Corporation de laparoisse de St-Gedeon (1956) B.A. 442: Ie juge ecrivait: "that one extre-mely important formality was omitted , namely that there was no public callfor tenders issued as required by the above cited article, but that there wasnothing surreptitions or clandestine about the matter, seeing that three ten-ders were obtained , that in the notice calling the meeting which waspublished at the church door it was stated that the purpose of the meetingwas to arrive at a decision in regard to the winter roads , that two previousmeetings of the council had been hed for that purpose within two monthsand that , furthermore , plaintiff brought no evidence to show that there wasany fraud and collusion in the negociation of the contract..

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(1986) 16 R.Les recents deve!oppements en matiere

de contrats de /'administration563

Aussi , il est bien clair que " appel d'offres n est pas lui-memeune pollicitation dont l'acceptation par l'un des soumissionnairesdonnera naissance au contrat. II s agit , comme son nom l'indiqued 'une invitation faite par Ie ministre a des entrepreneurs et a dessous-traitants de lui faire une offre "75 . En somme , la portee juridi-que d'une demande de soumission n est pas autre chose qu uneinvitation a presenter des offres en vue de l'execution des travauxprojetes.

Le mecanisme des soumissionsLes differentes administrations centralisees ou decentralisees

tenues de proceder par adjudication publique sont soumises a desregles dont les formes de detail sont plus ou moins compliquees.Toute cette procedure est dominee par les trois idees essentiellessuivantes: la publicite , la concurrence et l'egalite.

La publicite est la garantie que tout se deroulera correctement.ouverture des soumissions se fait donc publiquement en presence

des interesses. A ce moment- , la conformite de celles-ci seraverifiee.

En principe , il faut appeler Ie plus grand nombre possible deconcurrents. Par cet appel a la concurrence , les chances de trouverla personne la plus apte et Ie prix le plus bas sont ainsi augmen-tees. Sur Ie plan pratique , cette concurrence ne se trouve pas illimi-tee. Des conditions particulieres peuvent etre exigees telles qu uneplace d'affaires au Quebec , des garanties de solvabilite, une cer-taine experience. De plus, les conditions doivent etre les memespour tous et tous doivent etre mis sur un pied d 'egalite. II ne doitexister aucun motif de preference. Aucune negociation ne doitavoir lieu avec un concurrent en particulier; ce qui fait dire au jugeBernier dans la Corporation municipa1e de 1a Cite de St-Romua1dd 'Etchemin c. F. Construction Inc.

La loi , en imposant aux corporations municipales la procedure d 'appeld 'offres, a ecarte , si ce n 'est pas cette procedure d 'appel d 'offres, toute

75. Ascenseurs Alpin Otis Cie Uee c. Procureur general du Quebec (1971)S. 243; voir aussi Ben Lance Sons Uee c. La Reine Cour federale

T -4057 - , Ie 30 juin 1977; Janin Construction Ltee c. Le College d'ensei-gnement general et professionnel de Valleyfield Cour superieure Beauhar-nois , no 760-05-000393-80, Ie 15 octobre 1980; F. Vigneron ConstructionGenerale Inc. c. La Corporation de /'H6pital des Monts Cour superieureRimouski , no 34-289 , Ie 4 aoOt 1969.

76. Supra note 74: voir aussi Community Enterprises Limited c. La Corporationde la Ville d'Acton Vale (1970) C.A. 411.

Page 25: Droit - Régie de l'énergie

564Les recents developpements en matiere

de contrats de l'administration(1986) 16 R.

faculte de pollcitation et de negociation des modalites essentielles du contratentreprise entre la corporation municipale et l' un ou plusieurs des soumis-

sionnaires; ces modalites sont etablies d'une part par l'appel d'offres et lesdocuments qui en font partie et d'autre part , par la soumission acceptee

Cette procedure d'adjudication publique demeure donc , commeIe precis a Ie juge Moisan 77

Le meileur moyen de proteger l'interet de la collectivite, en eliminant

d 'une part , tout danger d 'entrave , de restriction et de favoritisme , et en fai-sant jouer d'autre part, les forces economiques de l'offre et de la demandeIe jeu de la libre concurrence et la liberte de commerce

La confection des documents d' appel d'offresMeme en presence d 'un processus obligato ire et l' exigence de

choix du plus bas soumissionnaire, l'administration possede unlarge pouvoir discretionnaire. En effet , elle prepare elle-meme dansIe detail Ie contenu de l'appel d 'offres. Elle peut alors eviter parune preparation minutieuse des cahiers de charges , des devis, des

instructions aux soumissionnaires d 'avoir la desagreable surprise dechoisir un cocontractant n offrant pas Ie produit voulu Dans

arret Equipements Diesel Abitibi Inc. c. Corporation municipa1e

de 1a Ville de Val d ' Ie juge Bergeron conc1uait que:

(...

) Ie Conseil a le libre exercice de ses moyens administratifs et qu il peutchoisir un appareil d'une marque particuliere en autant qu il fasse appelpar avis public, a tous ceux qui pourraient l'offrir "79 .

Par contre , une fois la preparation des documents de soumis-sion termines et Ie processus d'adjudication publique debute , l'ad-ministration perd alors toute liberte et devra se conformer en toutpoint a ce processus obligatoire qui peut conduire au choix du plusbas soumissionnaire. L'autorite publique se devra, pour se prote-ger, etre tres minutieuse dans l'elaboration des instructions auxsoumissionnaires . Bien que la loi n exige rarement des restric-

77. Achille Houde c. Cite de Sept- lies et al. Cour superieure Mingan , no 650-05-000138- , Ie 10 decembre 1979.

78. Richard BEAULIEU Les soumissions municipales conference prononcee

devant I'Union des municipalites regionales et de comte et des municipali-tes locales du Quebec Inc. , Congres de 1983 , pp. 18- 19.

79. J.E. 81-595.80. Voir a titre d' exemple: Beaver Underground Structures et al. c. Spino

Construction Compagnie Limitee A. Quebec , no 200-09-000116-845 , Ie

30 mars 1984: Le devis prevoyant la possibilite de proposer des alterna-tives , Ie soumissionnaire peut modifier la formule de bordereau de soumis-sion.

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(1986). 16 R. D. U. Les recents developpements en matierede contrats de /'administration

565

tions, des contraintes dans les demandes de soumissions outre evi-demment les specifications necessaires a la nature du contrat, l'of-frant dans la confection des appels d'offres , verra quand meme sonpouvoir discretionnaire limite, par la regie de la concurrence et deegalite des participants. Une discretion n etant jamais illimitee

celle-ci a comme parametre l'integrite du processus d'adjudicationest- dire Ie respect des trois conditions essentielles: la publicite

la concurrence et l'egalite81

Le precontrat et )'affaire Ron EngineeringLe soumissionnaire s 'engage lors du depot de sa soumission a

maintenir son offre pendant une certaine periode. Si , a l'expirationde ce delai, l'autorite publique n a pas conclu la convention et noti-fie son acceptation operant conclusion du contrat , celui-ci pourrase retirer et son offre deviendra nulle , de nul effet. Si par contre , Ie

soumissionnaire se trouve choisi par I 'administration, il pourraquand meme se retirer mais une penalite lui sera alors exigee. Eneffet , dans la plupart des cas , un cautionnement de soumission estimpose82 . L'administration se trouvera alors indemnisee si l' entre-preneur qui se voit attribuer Ie contrat refuse de contracter. Celle-ci conserve ces garanties et ne les retourne au soumissionnaire quesi son offre est rejetee ou bien si Ie contrat est valablement conclu

II peut arriver que I 'entrepreneur refuse de signer Ie contratlorsqu il se rend compte d'une erreur grave dans l'offre proposee.Ne pouvant conclure d'entente avec l'administration dfi a uneerreur soit sur la nature ou la substance me me du contrat , consta-tee apres 1 ' ouverture des soumissions, Ie soumissionnaire pourra-se retirer sans perdre Ie montant donne en garantie?

En 1981 , la Cour supreme dans R. c. Ron Engineering84 eut a

repondre a cette question.

81. Voir a ce sujet: Achile Houde c. Cite de Sept- lies et al. Cour superieufeMingan , no 650-05-000138-79 Ie 10 decembre 1979; Pierre Desgagnes etal. c. Cite de Jo/iette et al. Cour supefieure Joliette , no 705-05-000674-807 , Ie 16 septembre 1981 .

82. Voir a titre d' exemple Ie Reglement sur les contrats de construction dugouvernement R.R.O. 1981 , c. A- , r. 7 , a. 14(a); au federal: Reglement surles marches de I'Etat R.C. , vol. VII , c. 701 , 4715 et modifications , a. 39et ss.

83. Reglement sur les contrats de construction du gouvernement R.R.O. 1981c. a. 14(j; Voir aussi Baynes and Horie c. Board of School Trustees ofVancouver (1927) 2 D.L.R. 698.

84. (1981) 1 R. S. 111.

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566Les recents developpements en matiere

de contrats de l'administration(1986) 16 R.

entrepreneur avait presente une soumission a laquelle etaitjoint un cheque de 150 000$ it titre de garantie. Par erreur, Iecontracteur avait omis d'inclure dans Ie prix global, Ie cout du tra-vail de ses equipes et ses frais generaux qui se chiffraient a750 000$. Apres l'ouverture des soumissions et avant l'acceptationde son offre par Ie sollicitant, I 'entrepreneur envoyait un tele-gramme pour signaler I 'erreur et demander la permission de retirerson offre. Le proprietaire expedia quand meme au contracteur uncontrat d 'entreprise pour signature. Ce dernier refusa de signer Iedocument alleguant qu il avait donne avis de son erreur a la pro-prietaire , avant l'acceptation de la soumission. De ce fait, il soute-nait que l'offre n etait pas susceptible en droit d'acceptation. Laproprietaire pretendait quant a el1e, son droit de retenir Ie depoten vertu des termes et conditions generales de l'appel d 'offresincluses dans Ie document Renseignements a l'usage des soumis-sionnaires On y retrouve les clauses suivantes:

Clause 13: "Sauf exception prevue aux presentes, Ie soumissionnaire con-vient que si sa soumission esi retiree... ou si, pour une raisonque1conque la Commission ne re oit pas dans Jes sept jours ... Ie

contrat signe par Je soumissionnaire

...

, la Commission pourraconserver Ie depot de soumission...

Le soumissionnaire convient que si la Commission ou quicon-que agissant pour e1le , l'exige dans les 90 jours suivant la date

d 'ouverture des soumissions , il signera en triplicata et fera par-venir a la Commission , Ie contrat dans les sept jours une tellerequisition "

Clause 14:

La Cour supreme elaborera la theorie de l'existence de deuxcontrats et determinera l'irrevocabilite de l'offre:

11 ressort manifestement de l'examen des conditions auxquelles la soumis-sion a He faite que sa presentation a donne lieu a un contrat entre l' entrepre-neur et la propriHaire , en vertu duque1le soumissionnaire ne pouvait retirerla soumission pendant les soixante jours suivant la date d'ouverture des

soumissions. Plus loin dans les presents motifs

, j '

appellerai ce premiercontrat Ie contrat A pour Ie distingueF du contrat d 'entreprise lui-meme quiresulte de l'acceptation de la soumission et que j'appellerai Ie contrat B.Parmi les autres conditions de ce contrat unilateral qui decoule de la pre-sentation d'une soumission en reponse a l'appel d'offres aux conditionssusmentionnees, se trouve Ie droit de recouvrer Ie depot de soumissionsoixante jours apres l'ouverture des soumissions si la proprietaire n a pas

accepte la soumission. Ce contrat prend naissance automatiquement par lapresentation d 'une soumission "85

85. Id., 119.

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(1986) 16R. Les recents developpements en matierede contrats de I'administration

567

De plus:La soumission presentee par l' intimee a donne naissance au contrat A.

Celui-ci est parfois appele en droit contrat unilateral , c est- dire un contratqui resulte d'un acte fait en reponse a une offre (...) Quand une entreprisede construction repond a un appel d'offres , comme l'intimee l'a fait en l'es-pece, elle Ie fait en present ant une soumission ou une enchere comme onl'appelle parfois. L'aspect important de l' enchere, en droit , est qu elle de-vient immediatement irrevocable si elle est presentee conformement auxconditions generales de l'appel d'offres et si ces conditions Ie prevoient. (...La condition principale du contrat A est l'irrevocabilite de l'offre, et lacondition qui en decoule est l' obligation pour les deux parties de former unautre contrat (Ie contrat B) des l'acceptation de la soumission "86

Ainsi, Ie soumissionnaire avait droit de recuperer Ie depotsous certaines conditions, dont aucune n ont ete remplies; par ail-leurs, en vertu de d 'autres dispositions, Ie sollicitant pouvait con-fisquer ce depot , et ces conditions se sont realisees. Independam-ment, si Ie contrat B ne peut etre forme , et ne l'a jamais ete, Ie

contrat ne de la presentation de la soumission est irrevocable87Comme Ie juge Estey Ie soulignait:

La question en litige (...) ne releve pas des regles de l'erreur, mais de l'ap-plication des dispositions relatives a la confiscation stipulee aux pieces desoumissions. Les consequences possibles d' une erreur sur Ie caractere execu-toire ou l'interpretation d'un contrat posterieur, constituent une toute autrequestion et ce n est pas celle qui nous est soumise

Le probleme serait different en presence d'une erreur appa-rente a la lecture de la soumission. Celle-ci ne pourrait alors etreacceptee88 et Ie contrat A, par Ie fait meme , ne pourrait se former.Mais il en va autrement comme nous I 'avons vu precedemment deI 'erreur cachee , non apparente. Cette theorie appliquee par la Coursupreme , renversant la jurisprudence anterieure89 fut beaucoup cri-

86. Id. 1 22 et 1 23.

87. Id. , 121.88. McMaster University c. Wi/char Construction Ltee (1971) 22 D.L.R. (3d) 3:

Le soumissionnaire avait oublie d' inclure la premiere page dans son cahierde sou mission; cet arret fut repris par Ie juge Estey dans Ron Engineering,(1981) 1 R. S. 111; G.L. Construction c. A Ita (1984) C.L.A. 204.

89. Par exemple , au me me moment ou la Cour d'appel de 1'0ntario se pronon-Qait sur I'affaire Ron Engineering, cett me me Cour rendait une decisionau meme effet dans Toronto c. Pool Construction Ltd. et al. (1979) 10

R. 157 (La Cour supreme rejeta la permission d' en appeler): Danscette affaire , Poole Construction se rend compte immediatement apresI'ouverture des soumissions d' une erreur substantielle. Elle en avise dansI'heure qui suit Ie sollicitant et demande la permission de retirer son offre.

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568Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration(1986) 16 R.

tiquee par la doctrine90 En effet, les auteurs mettent en doute

existence veritable d' un contrat unilateral au moment du depot dela soumission. II ne peut alors y avoir de consideration au contratdu fait que Ie sollicitant ne s engage a aucune obligation en retourde l'engagement du soumissionnaire a deposer son offre. Pour professeur R. S. N ozick:

A unileral offer is normally d scribed as an offer of a promise in exchangefor an act. The contract is formed when the requested act is performed inresponse to the offer, there being no obligation on the offerer to performthe act"

II importe de mentionner que la notion de contrat unilateralou de precontrat avancee par Ie juge Estey n 'est qu une interpreta-tion restrictive de dispositions contenues dans les documents con-tractuels. Par contre , cet arret a, sur Ie plan pratique , une porteeconsiderable vu Ia presence de textes similaires a ceux etudies dans

arret Ron Engineering dans la majorite des contrats passes par lesadministrations federale , provinciale et meIie decentralisees. Pourcette raison, avant d'appliquer cette theorie de l'irrevocabilite ducontrat A une analyse des dispositions contractuelles devra etrefaite dans chaque situation.

Dans Calgary c. Northernrend ant compte d'une erreur de

Construction 9 I , un contracteur se

181 000$ dans une offre , quelques

Malgre cela , Ie comite executif vote I'octroi du contrat a Poole Construc-tion. Poole refuse de signer Ie contrat. La ville negocie avec Ie deuxiemeplus bas soumissionnaire et poursuit Poole et sa caution en dommages-interets pour la difference de prix. Dans Ie formulaire de la soumission , ony lit a la clause (6d) I'irrevocabilite de I'offre jusqu a la signature du contratpar Ie soumissionnaire choisi a la clause (6e), que I' octroi du contrat parIe comite executif ou Ie. conseil , equivaut a I'acceptation de I'offre sansautre avis au soumissionnaire, eta la clause (7) que toutesoumission doitetre accompagnee d' un cautionnement. On retrouve e.galement , au para-graphe 17 du cahier d' informations generales aux soumissionnaires , que laCorporation se reserve Ie droit de rejeter une ou toutes les soumissions ou

accepter quelque soumission et qu il est dans son interet d'accepter. Ony precise egalement que I'offre ne pouvait etre valide au-deJa de 60 jours.La Cour d' appel applique alors les principesenonces dans Belle Ri.ver

WJ.G. Kaufman (1978) 20 O.R. (2d) 447 a I'effetque I'erreurcommise parPoole vaut pour la caution et que Ie proprietaire ne pouvait accepter desoumissions qu il savait erronees et dont I'erreur affectaitune clause fon-damentale du contrat.

90. Voir notamment R.S. NOZICK , (1982) 60 du B. Can. 345; John SWAN(1981) 15 G. Law Rev. 447; Joost BLOOM , (1981- 82) 6 Canadian Busi-ness Law Journal 80.

91. (1982) 23 Atla L.R. 338.

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration569

heures apres l'ouverture des soumissions, en avise immediatementla proprietaire; la mauvaise foi n est pas en cause. Toutefois, laville accepte la soumission et envoie Ie contrat pour qu il soit signe.Le contracteur refuse de signer Ie contrat a moins que l' on corrigeerreur. La ville attribue Ie contrat au deuxieme plus bas soumis-

sionnaire et reclame au contracteur des dommages-interets pour ladifference de prix. De l' aveu meme du juge Waite, cette affaire a

plusieurs faits similaires avec l' affaire Ron Engineering92- Le. contracteur a fait une erreur cleric ale en transcrivant

officiellement sa soumission;- L'erreur n etait pas apparente a la face me me du dossier;- L'erreur a ete rapportee rapidement ala proprietaire;- C'etait une erreur honnete , faite involontairement et denuee

de toute mauvaise foi;- La soumission etait irrevocable pour un certain temps.

Mais , ajoute- , il y a deux points importants qui distinguentIe present cas de Ron Engineering:

En I 'espece , la Ville de Calgary avait accepte la soumission.Ce qui a pour effet de soustraire Ie contracteur des obligationsengendrees sous Ie contrat "A" pour Ie placer sous les obligationsdu contrat "B" situation qui n a pas ete consideree dans RonEnginnering.

Meme si la Ville avait choisi de poursuivre en vertu despenalites prevues sous Ie contrat " A" comme cela s est fait dansRon Engineering, cette derniere n aurait pas pu. Dans Ron Engi-neering, les clauses 13 et 14 du cahier intitule "Renseignementsgeneraux aux soumissionnaires" permettaient a la proprietaire deretenir Ie depot si Ie contracteur ne signait pas Ie contrat dans les 7jours apres que la Ville l'eut soumis au contracteur. La clauseequivalente en l'espece (clause no. 8) autorisait la Ville a retenir Iedepot a titre de dommages-interets liquides si la soumission etaitretiree avant que Ie Conseil de ville puisse la prendre en considera-tion ou avant la recommandation d 'acceptation par les commis-saires. En l'espece , Ie contracteur n avait pas retire sa soumission acette epoque.

Dans cette affaire , Ie juge Waite en arrive a la conclusion quela solution est en fonction de l'erreur dans Ie droit des contrats en

92. (1981) 1 R.C.S. 111.

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570Les recents developpements en matiere

de contrats de I'administration(1986) 16 R.

s 'appuyant sur Belle river arret discute malS non rejete par laCour supreme dans Ron Engineering.

Precisons, de plus, qu a quelques reprises, I' arret Ron Engi-neering fut suivi au Quebec94

La modification du contratComme nous l'avons vu precedemment, les cahiers de charges

prevoient ce pouvoir de modification unilaterale de l'Administra-tion95 . De plus , meme en I 'absence de clauses inscrites au contratcelui-ci peut generalement etre modifie par un nouvel accord devolontes des parties. La modification unilaterale ne pose pas, enregJe generale , de probleme en droit prive mais il en va autrementdans les contrats de l'Administration. En effet , dans la plupart descas , une procedure doit etre strictement suivie sinon ils sont enta-ches d'illegalites.

Sans perdre de vue cette necessite d'adapter les contrats a desfaits imprevus , la jurisprudence a pose Ie principe suivant: lesmodifications doivent s effectuer dans les limites du pouvoir con-tractuel de l'agent administratif97 et lorsqu un contrat est assujetti

93. (1978) 20 O.R. (2d) 447.94. La Commission Scola ire Montcalm c. Prevost et Freres Construction

83-220 (C.

);

Corporation de /'H6pital du St- Sacrement c. Beaurivage etMethot Cour superieure , no 200-05-000596- , Ie 1 er mars 1982; R. Des-jardins Auto Ltee c. Vi/e de Blainvi/e E. 88-832: pour eviter les conse-quences dramatiques de cette theorie du contrat unilateral , Ie juge tentede nuancer avec I'arret Ron Engineering.

95. Par exemple , I'article G-30 des conditions generales de la formule normali-see des marches de construction stipule que I'ingenieur peut (...30. 1 exiger des travaux ou des materiaux en sus de ceux qui ont ete

prevus dans les plans et devis; et30. 1 .2 supprimer ou modifier les dimensions, Ie caractere, la quantite , la

qualite, la description , la situation ou la position de la totalite -auune partie des travaux ou materiaux prevus dans les plans et

devis ou exiges en conformite de I'alinea CG 20. , a condition queces travaux ou materiaux supplementaires ou que ces suppressionsou modifications soient , selon la loi , compatibles avec I'intention ducontrat; voir aussi R. DUSSAULT et L. BORGEAT op. cit. note 4742 et ss.

96. R. c. Starrs (1889) 17 R.C.S. 118;

97. R. c. Henderson (1897-98) 28 R. S. 425; National Dackar and DredgingCorp. Ltd. c. H, (1929) R. E. 40; Olivier c. Corporation du viI/age de Wat-tonville (1943) R. S. 118; Corporation municipale de la Cite de St-Romualdd'Etchemin c. S.A.F Construction (1974) C.A. 411.

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration571

it un processus obligatoire, toute modification doit egalementI 'etre98 .

II demeure cependant possible de modifier Ie contrat sansreprendre toutes les formalites exigees lors de la formation celui-ci , a la condition que cette modification demeure accessoire99A ce sujet, Ie juge Beetz dans l' affaire Adricon

100 precisait:

n faut considerer les circonstances particulieres de chaque affaire tels caractere accessoire de la modification par rapport a l'ensemble du contratla presente on l'absence de contrepartie et surtout l' intention des parties , caril ne leur est evidemment pas permis de contourner la loi en alterant parexemple la nature forfaitaire du contrat"

II est bien important de donner une interpretation restrictivedu caractere accessoire en regard ant dans chaque cas Ie pourquoiet la necessite d'une telle modification lOI . Prenons l'exemple deI ' adjudication publique imposee par la loi. U ne concurrence a eteorganisee par l'Administration entre plusieurs industriels , entrepre-neurs commen;ants; celle-ci s est elaboree sur des criteres nette-ment definis concernant la nature des travaux , Ies modalites d 'exe-cution, les delais... Ce sont sur ces donnees que les soumissionnairesont etabli leur offre de prix. II serait certainement injuste pour lesentrepreneurs evinces que l'Administration modifie par la suiteavec Ie candidat choisi, les bases de la conclusion du contrat. Ensomme , en presence d'une modification substantielle, une obliga-tion d'appliquer les formalites essentielles a la formation initiale contrat se trouve alors exigee sous peine de nullite de celIe-ci. Dememe , parfois des regles legislatives ou reglementaires vi sent Ie casspecifique de la modification de certains contrats notamment lesreglements quebecois concernant les contrats de construction ou deservices 102

98. R. c. The Toronto Terminals Railway Co. (1-978) R. E. 563.

99. Adricon c. Vi//e d' East Angus (1978) 1 R. S. 1107.

100. Id. , 1118.101. Nord Construction (1962) Ltee c. Vi//e St-Remi (1983) C. A. 220; Quebec

Labrador Construction Inc. c. Municipa/ite de Riviere St-Jean-MagpieOuebec , no 200-09-000167- 830, Ie 10 juin 1985; Vi//e de Montreal c. Pro-cureur general du Quebec S. Montreal , no 500-05-018888-782 , Ie 1 er

mai 1984; Barre et al. c. Vi/e de Ga tinea u (1981) C.S. 474.102. Reglement sur les contrats de construction du gouvernement O. 1981

C. A- , r. 7 , a. 6; Reglement concernant les contrats de services du gou-vernement O. 1981 , c. A- , r. 8 et modifications , a. 21.

Page 33: Droit - Régie de l'énergie

572 Les recents developpements en matierede contrats de /'administration (1986) 16 R.

La determination de I 'eventuel cocontractantEn l'absence de dispositions legislatives et reglementaires, l'Ad-

ministration choisit librement et discretionnairement son cocon-tractant. Si aucun texte n impose l'obligation de choisir Ie plus bassoumissionnaire , nous nous retrouvons sur Ie terrain du droit prive

est- dire Ie consensualisme. Par contre , ce libre choix est devenude nos jours de plus en plus rare. Presque tous les reglements oulois creant un processus obligatoire d 'adjudication publique edic-tent que Ie contrat doit etre accorde au plus bas soumissionnaireconformelO . Ces textes s interpretent restrictivement avec commetoile de fond la liberte contractuellel04

Le plus bas soumissionnaire conformeA la lecture des texteslO5 sur les soumissions par voie d' appel

offres, deux idees maltresses ressortent: l'obligation de choisiroffre la plus basse et la possibilite de l'ecarter en obtenant la

permission d 'une autorite superieure.

1.1 absence de discretionLorsque Ie choix du plus bas soumissionnaire conforme est

impose par la legislation ou la reglementation, l'autorite publiquese voit retirer toute discretion dans Ie choix de son contractant.Celle-ci n a pas seulement l'obligation de contracter avec Ie plusbas soumissionnaire mais plutot d 'octroyer Ie contrat au plus bassoumissionnaire conformelO6. La conformite de la soumission estson respect des exigences contenues notamment dans les lois , regle-ments , cahiers de charges , instructions aux soumissionnaires , devis.En somme , pour examiner la conformite nous sommes en pre-sence d'une analyse objective et non discretionnairelo7. C'est un

103. Voir par exemple I'article 23 du Reglement sur les contrats de constructiondu gouvernement R.R.Q. 1981 , c. A- , r. 7: "Le contrat doit etre accordeau plus bas soumissionnaire conforme a moins que Ie lieutenant-gou-verneur en conseil ou Ie Conseil du Tresor n en decide autrement pourdes raisons d' interet public

1 04. Ecuyer c. Cite de Carignan E. 84-799 (C.105. Supra note 23.

106. R. DUSSAULT et L. BORGEAT op. cit. note 4 , 664 et ss; P. LEMIEUX op.cit. note 4 , 177 et ss.

107. La Cie de Pavage d'Asphalte Beaver Ltee c. Procureur general du Quebecet al. S. Montreal , no 500-05-011903-844 , Ie 7 novembre 1984 , p. 5: Le

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de l'administration573

examen de compatibilite entre deux textes oit les documentsappel d'offres et la soumission presentee108 . L Administration peut

ecarter une soumission non conforme mais non une considereecomme non avantageuse , soit par exemple parce que les qualitesreelles , techniques ou financieres du soumissionnaire sont mises endoute. L'appreciation revient a l'autorite de tutelle et non it l auto-rite administrative contractante. En effet, l'objection que l'autoritepublique se voit contrainte de traiter avec des entrepreneurs ou desfournisseurs inexperimentes et insolvables s estompe vu qu il est

possible d 'ecarter la plus basse soumission avec la permission d 'uneautorite superieure.

De plus meme lorsque l'Administration est liee par la loi etdoit choisir l'offre la plus basse, l'adjudication ne peut aboutir a luiimposer un cocontractant indesirable. Une demande de soumissionne saurait lier I'autorite envers Ie plus bas soumissionnaire si uneclause de reserve , comme Ie soulignait la Cour d 'appel, est incluseit la demande par laquelle , elle ne s 'engage "ni it accepter la plusbasse ni aucune soumission " 109 Meme en l'absence d'une telleclause, l'Administration n est jamais obligee de contracter et restetoujours libre de refuser tous les soumissionnairesllO . C'est seule-ment si elle contracte , qu elle se voit dans l'obligation de choisir plus bas soumissionnaire.

juge Vaillancourt ecrivait: "Je crois qu il faut que cela en soit ainsi , dans Iedomaine des soumissions en general et dans celui des sou missions publi-ques surtout. Les regles doivent etre precises et pour qu elles soient equi-tables , etre appliquees sans discrimination. Je ne suis pas d'accord avecIe procureur de la requerante a I'effet que les fonctionnaires charges

examiner les sou missions doivent avoir, dans Ie cas qui no us occupeune discretion. Cette discretion leur a ete enlevee a bon escient car c estla Ie gage d' une justice equitable

108. II est important de mentionner que Ie contrat qui sera conclu suite a I'appeloffres devra etre conforme aux modalites de la soumission qui a ete

acceptee: voir a cet effet: G.E.G.E.P de Trois-Rivif!Jres c. Procureur generaldu Quebec Cour superieure Trois- Rivieres , no 400-05-000263-769, Ie 4

juin 1979 , p. 6; Corporation municipale de la Cite St-Romuald d'Etcheminc. 5.A.F Construction (1974) C.A. 411.

109. Community Enterprises Ltd. c. La Corporation de la Ville d'Acton Vale(1970) C. A. 747; voir aussi Camille Fontaine Fils Inc. c. Ville de St-Hyacinthe (1981) 11 M. R. 51; Ecuyer c. Cite de Carignan E. 84-799; Oesfosses c. Corporation municipale de la paroisse de Ste-Clothilde

E. 85-388.110. Valiquette c. Municipa/ite La Peche E. 82-1200 (C.S. Hull).

Page 35: Droit - Régie de l'énergie

574 Les recents developpements en matierede contrats de /'administration (1986) 16 R.

1.2 Le concept de conformiteLe terme conforme juxtapose aux mots plus bas soumission-

naire souleve sur Ie plan pratique d enormes difficultes. C'est toutIe probleme des irregularites substantielles susceptibles d'entralnerIe rejet des soumissions irregulieresIII . A la lecture des regle-mentsIl2 , il apparait toute une serie de conditions pour qu unesoumission soit acceptee par l' Administration. De plus, les cahiersdes charges, les instructions aux soumissionnaires precisent cer-taines exigences de conformite. Celles-ci peuvent parfois varier

un document a l'autre et sont meme susceptibles de se contredire.A ce sujet , Ie professeur Therese Rousseau-Houle ecrivait:

Quant aux contradictions susceptibles d 'etre decouvertes entre, par exem-pIe , l'avis et les instructions aux soumissionnaires, ou encore entre la for-mule de soumission et les cahiers de charges , il semble que les instructionsaux soumissionnaires doivent avoir priorite puisqu elles edictent des disposi-tions plus particulieres , et que la formule de soumission prive les cahiers decharges parce que la fonnule est un document qui est presente pour l' adjudi-cation "113

Malgre cette difficulte de cerner exactement ce concept deconformite, iI est toutefois possible de degager dans la jurispru-dence a defaut de regles bien etablies, certains criteres qui guidentmaitres d'oeuvre et juges dans leur evaluation de la conformiteune soumission 114

1 Les irregularites affectant la conformiteDes irregularites ou omissions dans une soumission seront

considerees comme les rendant non conformes et par consequentnon accept abies pour l' Administration , si celles-ci touchent la subs-tance meme de l'appel. d 'offres. Autrement dit, si Ie defaut portesur un element essentiel ou sur une disposition obligatoire desdivers documents de la soumission , il entralnera Ie rejet de celle-ci.Agir autrement serait aller a l'encontre de l'esprit du systeme des

111. Therese ROUSSEAU- HOULE Les contrats de construction en droit publicet prive Montreal , Wilson et Laf.leur / Sorej, 1982 , p. 109.

112. Voir par exemple Le Reglement sur les contrats de construction du Que-bec R.O: 1981 , c. A- , r. 1.

113. Op- cit. note 1 , 99- 100; voir aussi T.G. c. Inc. c. Vi//e de Plessisvi//e;

Arthabaska , no 415-05-000180-901 , 24 fevrier 1984.114. Rene DUSSAULT et Louis BORGEA T op. cit. note 4 , 659: " Pour etre lega-

lement admissible , une sou mission n a pas a etre en tout point conformeaux conditions et exigences stipulees par I'administration

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de l'administration575

soumissions en brisant I 'egalite entre les concurrents. Les condi-tions doivent etre les memes pour tous les soumissionnaires et tousdoivent etre mis sur un pied d'egalite. C'est la consequence de laconcurrence. II serait absurde d'exiger de faire des appels d'offressi l'autorite pub Ii que contractante pouvait par la suite accepter ason gre une soumission qui ne repond pas a des exigences expressesou qui en modifie certaines autres. Par contre , celle-ci peut vala-blement choisir une soumission nettement irreguliere s il a pris laprecaution d'obtenir la permission d'une autorite de tutelleI15

Par contre , en presence d'une formalite essentielle , aucune dis-cretion n 'est laissee aux fonctionnaires charges d 'examiner les sou-missionsI16. Dans ce domaine, les regles sont precises et pour

elles soient equitables , elles doivent etre appliquees avec rigueur.Aucune discretion ne peut alors exister. II en va autrement pourune irregularite jugee non substantielleI17. Soulignons en outre

une fois que I'autorite publique accepte une soumission conte-nant une simple irregularite sous condition de regularisation et queIe soumissionnaire a effectivement remedie aux defauts, elle nepeut par la suite revenir en arriere et refuser d 'accorder Ie contraten invoquant la non-conformite 118

Quels sont les elements consideres comme essentiels?

Garanties et cautionnementirregularite quant au cautionnement ou a la garantie appa-

rait etre une des exigences de la conformite. Tout d'abord, il sem-ble acquis que l'absence totale de cautionnement ou de cheque cer-

115. J.H. Dupuis c. Ubald Blouin et Fils (1972) C.S. 605: Dans cette affaire maitre d' oeuvre avait obtenu un arrete ministeriel afin de permettre a I'in-time plus bas soumissionnaire , de fournir I'attestation de garantie qu

avait pas presentee avant I'ouverture des offres.116. Cie de pavage d'asphalte Beaver Ltee c. Procureur general du Quebec

S. Montreal , no 500-05-011903-844 , 7 novembre 1984.117. Germain Lepine c. Vile de Quebec A. Quebec , no 200-09-000343-787

Ie 25 avril 1983; Richard Piche Inc. c. Ville de Ste- Foy, S. Quebec , no200-05-000124-805 , Ie 6 fevrier 1980; Entreprises Jarbec Inc. c. Corpora-tion municipale du Canton de Stoke E. 84-726 (C.

);

Construction Napo-leon Brochu Inc. c. La Cite de Sept- lies S. Mingan , no 650-05-000319-

, Ie 23 octobre 1978; Jos Pelletier Ltee c. G.E.G. E.P. de /'Outaouais473 (C.

118. Cie Miron Uee c. Ville de Lemoyne (1979) C.S. 787.

Page 37: Droit - Régie de l'énergie

576 Les recents developpements en matierede contrats de /'administration (1986) 16 R.

tifie rend la soumission non conforme et automatiquement reJtableI19

La regie n est toutefois plus aussi claire lorsque la garantiejointe it la soumission ne respecte pas en son iiltegralite toutes lesconditions exigees. Dans Diversified Engineering Equipment

G. of 120, Ie premier appel d'offres demandait que les sou-

missions soient accompagnees d 'un cautionnement pour au moins! 0% de la valeur de la soumission ainsi que d 'une lettre de la cau-tion. Or, bien que conforme en tout autre point, la soumission dudemandeur avait ete ecartee au motif de sa non-conformite, carcelui-ci avait presente un cheque certifie au montant de 10% de lavaleur de sa soumission plutot qu un cautionnement. Le maitre

oeuvre preferant s 'en tenir strictement aux exigences des docu-ments remis aux soumissionnaires , rejeta la soumission et decidade proceder a un nouvel appel d'offres. Le juge considera qu

agissait d'une discretion du maitre d'oeuvre dans laquelle il nedevait pas intervenir.

Dans Germain Lepine c. Ville de QUebeCI2I la Cour d 'appelavait a traiter une situation similaire quant a la discretion de I 'au-torite publique d'admettre ou de refuser une soumission contenantcertaines irregularites dans Ie defaut de cautionnement. Elle con-firma la discretion du contractant soit pour corriger une simpleirregularite , soit pour rejeter la soumission. L'appelant avait fournitel qu exige un engagement ecrit d' une compagnie d'assurance auto-risee it se porter caution judiciaire. Quant au soumissionnaire choi-

, il avait accompagne sa soumission d 'un cheque certifie et d 'unelettre de la Banque provinciale dans laquelle celle-ci s 'engage acautionner si l'offre est acceptee. Selon Ie juge, la ville pouvaitaccepter cette soumission vu que l' exigence quant au cautionne-ment a donner d'un assureur en etait une qui pouvait etre modifieepar la ville.

119. Voir Paquin c. Prescott (1983) C. S. 1053; Lorenzo Lavoie c. Comm. d'ecolepour la mun. de paroisse Ste-Jeanne- Arc (1962) R. L. 82; Fontaine(Camile) et Fils c. Ste-Hya cin the (1979) 11 M. L.R. 51; Richard Piche Inc.c. Corp. mun. de Ste- Foy, S. Quebec , no 200-05-000124-805 , Ie 6 fevrier1980.

120. (1980) 76 AP.R. 513.121. C.A Quebec , no 200-09-000343-787 , 25/04/1983.

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de l'administration577

Erreurs de calculDans Municipality of Metropolitan Toronto v. Poole Construc-

tion. I22 Ie prix global soumis etait de plus de 500 000$ inferieur ace qu il aurait dft etre n eut ete de l'erreur. La Cour decida que IemaItre d'oeuvre ne pouvait pas accepter une soumission en sachant

elle contenait une erreur qui affectait un terme fondamental ducontrat et ce me me s il s agissait d'une erreur unilaterale et nonevidente.

Par ailleurs , si l'appel d'offres stipule que Ie prix total soumisdoit etre la somme du prix stipule (stipulated price) et de montantssupplementaires (extended amount), Ie maitre d' oeuvre pourra reje-ter toute soumission qui ne se conforme pas a cette c1ause123

Deposees en retardLe retard dans la livraison de la soumission semble entralner

Ie rejet automatique de celle-ci I24 . Par ailleurs, les employes dumaitre d'oeuvre n ont pas I 'autorite pour accorder une extension detemps pour Ie depot de la soumission. C'est ce qui a ete decidedans J. Diamond Associates v. City of HalifaxI25 Le deman-deur voulait obtenir une injonction afin de forcer la Cite d'Halifaxa recevoir et considerer sa soumission sous pretexte qu un employede la Cite d 'Halifax lui aurait accorde une extension de tempspour acheminer sa soumission. Or, la Cour jugea que l'employe

avait pas accorde cette extension et que de toute fa , il n avaitpas l'autorite pour Ie faire et ainsi lier la Cite. II aurait fallu , pource faire, une ratification du Conseil municipal.

Derogations aux exigences expresses des documentsremis aux soumissionnaires

Le defaut de fournir certaines pieces justificatives constitueune omission sur un element essentiel qui justifie Ie rejet d 'unesoumission. Dans Lepage c. Ste-Brigitte-des-Sau1tsI26 la municipa-lite a rejete la soumission du demandeur car il avait omis de depo-

122. (1979) 10 M. R. 157 (S.C. Ont.).

123. PCL Construction c. The Queen in right of Alberta (1984) 5 C. R. 204.

124. Richard Piche Inc. c. Corp. mun. de Ste- Foy, S. Quebec, no 200-05-000124-805 , Ie 6 fevrier 1 980.

125. (1979) 3 N. R. (2d) 510.126. J.E. 83- 109.

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578 Les recents developpements en matierede contrats de /'administration (1986) 16 R.

ser des pieces justificatives quant a une souffleuse a neige et il nementionnait rien d'une machine a epandre Ie sable et Ie sel. Cecifut considere comme un defaut de preuve a l'effet qu il possedaiteffectivement l'equipement requis a la demande de soumissionspour faire les travaux qui y etaient decrits. L'injonction que deman-dait Ie soumissionnaire pour faire declarer valide sa soumission et

obtenir Ie contrat fut rejetee. De meme , Ie defaut de respecter lesspecifications et devis en mecanique a aussi ete considere commerendant une soumission non conformeI27

Par ailleurs , lorsqu un article des instructions aux soumission-naires prevoit expressement que certaines clauses ne pourront pasfaire l'objet d'une correction , l'omission de repondre adequatementa ces clauses entralnera Ie rejet automatique de la soumission.Dans Cie de pavage d'aspha1te Beaver Ltee c.

128 un desarticles stipules non corrigeable mentionnait que Ie ministere n ac-cepterait aucune soumission qui ne serait pas signee aux endroitsprevus a cet effet par une personne autorisee. Or, la requeranteavait pas signe , tel qu exige , la premiere page de sa soumission.

Selon Ie juge, ce defaut ne peut pas etre as simile a une simpleerreur de style. "II y a de ces formalites qui sont essentielles et quiconstituent des elements essentiels de la formation d' un contrat"I29Le soumissionnaire est, en effet, toujours libre de soumissionnerdonc lorsqu ille fait , il doit "lire avec precaution les documents desoumission et se conformer aux instructions qui lui sont don-nees " 130

Defaut de se conformer au Code du 131

Lorsque les parties sont soumises au systeme des soumissionsdeposees , e1les doivent respecter fidelement les dispositions du Codedu B.

En adherant a cet organisme , I 'appelante et les intimees se sont engagees ase conformer aux regles du Code relatives aux soumissions et a la passationdes contrats envisages. Les engagements reciproques pris librement par Iedonneur d'ordre et les soumissionnaires forment a mon avis un contrat col-

127. Jos Pelletier Ltee c. CEGEP DE /'Outaouais, (1983) C.S. 185.1 28. Supra note 11

129. Id. , 3.

130. Ibid.

131. B. : Bureau des soumissions deposees du Quebec.

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration579

lectif qui, loin d'etre contraire a l'ordre public, favorise l'honnetete et Iemaintien d'une saine concurrence dans Ie domaine de la construction"132

Le defaut de se conformer au Code du B. Q. constitueradonc une infraction contractuelle. C'est pourquoi la bonne foil'absence de fraude et de manoeuvres discriminatoires ne pOlJrrontpas etre une defense valable pour pallier a ce defaut.

Dans Henri Paquette Inc. 133, Ie sous-traitant avait omis de

deposer son cautionnement au B. Q. en meme temps que sasoumission A-pres un appel telephonique de I 'entrepreneur-generalavisant de ce fait, il fournit Ie cautionnement en Ie remettant

directement a la ville plutot qu au B. Q. II fut juge que defaut d 'accompagner la soumission du cautionnement etait fatalet Ie sous-traitant ne pouvait pas la rendre conforme en agissantcomme il l' a fait. De meme , dans Ebenisterie Beaubois Lte

M. Meunier Inc. 134, la soumission du sous-traitantMeunier etait

au depart , conforme. Toutefois , apres l'ouverture des soumissionscelui-ci a accorde un avantage ayant pour effet d 'en changer Ie prixveritable contrevenant aux dispositions du Code du B. Q. etrendant ainsi sa soumission non conforme. Par consequent, l'entre-preneur-general ne pouvait retenir cette soumission. "Les defen-deresses (entrepreneur-general et sous-traitant choisi), en ne respec-tant pas leurs obligations decoulant du Code du B. , l'une enaccordant et l'autre en acceptant un sous-contrat qui aurait dil etreconfie a la demanderesse, sont responsables des dommages subispar cette derniere "135 .

II ne faudrait cependant pas croire que Ie plus bas soumis-sionnaire conforme , ecarte au profit d' un autre dont la soumissionetait non conforme, ait automatiquement droit a des dommages-interets. Dans l' arret Herve Houde Ltee c. Laurent Gagnon Inc. 136

la defenderesse dont la soumission fut acceptee, avait oublie d'inclure l'addenda MC- tel qu exige par les prescriptions du

Q. Celle-ci a d'ailleurs ete condamnee a une amende pour nepas s etre conformee aux regles du Code et pour avoir soumis uneoffre illegale. Mais , souligne Ie juge , une telle sanction ne signifie

132. BenoIt Kersen Ltd. c. Magis Construction Ltd. (1979) C.A. 301 303.133. Henri Paquette Inc. c. Trois-Rivieres E. 83-263 , p. 16.134. L' article 1.2 du Code du B.S.D.O. dispose qu un soumissionnaire ne peut

contracter autrement qu aux prix et conditions d'une soumission qu il adeposee au B.S.D.

135. Id. ; Voir aussi Leon Electric c. Les Entreprises Claude Laprise Inc. et al.S. MtI , no 500-05-010817 -771 , 11/12/1981.

136. C. , no 200-05-000936-745 , 09/12/77.

Page 41: Droit - Régie de l'énergie

580Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration(1986) 16 R.

nullement que la demanderesse doit obligatoirement avoir gain decause contre la defenderesse Pour reussir son action, la demande-resse devait et doit necessairement etablir que c est elle qui auraitobtenu Ie contrat de la Corporation de Phopital concerne et qu elleen a ete privee par la presence de la defenderesse avec sa soumis-sion nettement irreguliere"137 . En effet, souligne Ie juge , me me si demanderesse devenait la plus basse soumissionnaire advenant Ieretrait de la soumission non-conforme , la Corporation de l'hopital

etait nullement obligee de lui accorder Ie contrat et d'ailleurs elleetait expressement reservee un tel droit dans son appel d'offres.

Par consequent, Ie recours de la demanderesse de meme que lesdommages qu elle reclame reposent, selon Ie juge, sur un fait alea-toire et hypothetique , ce qui a entraine Ie rejet de Paction.

La situation etait assez semblable dans Somec Inc. c. Corpo-ration Immobiliere Dallaire et Fc. Inc. et al.

138, la soumission

choisie etait non conforme car Ie soumissionnaire avait faussementet deliberement indique la co-defenderesse comme adjudicataire dusous-contrat. La demanderesse conclut qu etant la plus basse soumis-sionnaire , le contrat aurait dft lui etre adjuge. Pour satisfaire a I ' exigencede preuve exprimee dans Herve Houde Inc.

139 , la demanderesse aetabli au moyen de statistiques que , malgre l'article I-I du Codeselon Ie que I Ie Code ne peut etre interprete comme assurant auplus bas soumissionnaire l'adjudication du contrat concerne, elle

etait raisonnablement en droit de s attendre a ce que Ie contrat luisoit accorde. En effet, ce genre de contrat a ete accorde au plusbas soumissionnaire dans une proportion de plus de 80% de 1979 a1983. Le juge accepte cette pretention et reconnait qu il y a un liende droit entre les fautes de Dallaire Inc. et la perte reclamee parSomec. Des dommages-interets pour compenser sa perte de profitsfurent donc accordes.

On peut donc voir comme Ie soulignait Ie juge dans

Normand (Quebec) Ltee c. Jos Pelletier Ltee que:La jurisprudence n 'est pas unanime quant a savoir si un sous-entrepreneur

qui n a pas ete choisi en contravention aux regles du Code de Ia B.peut intenter une action en dommages-interets pour Ia perte de profit parce

il n a pas eu Ie contrat"140

137. Id. 10.

138. c. , no 200-02-002597-823, Ie 13 janvier 1983; cet arret fait une revuede la jurisprudence sur ce sujet.

139. Supra, note 136.

140. J.E. 83- 1072 , pp. 4 et 5.

Page 42: Droit - Régie de l'énergie

(1986). 16 R. Les recents developpements en matierede contrats de /'administration 581

Ainsi

, "

meme si Ie defendeur etait assujetti aux regles de la, Ie demandeur doit etablir qu il avait une probabilite

quasi-certaine d'obtenir Ie contrat et qu il avait subi un prejudicereel , soit une perte de profit"141

Les irregularites sur des elements accessoiresou secondaires

Lorsque Ie defaut contenu dans la soumission ne porte plussur un element essentiel et n affecte pas la substance meme decelle- , l'autorite publique disposera d' une grande discretion soitpermettre la correction du defaut ou encore de rejet de la soumis-sion; la Cour n interviendra pas en l'absence de mauvaise foi de sapart I42 . Les irregularites mineures , surtout celles qui peuvent etrefacilement et rapidement reparees , ne doivent pas entralner la nul-lite de l'adjudication du contratI43, si e1les ne sont pas de nature aporter atteinte aux objectifs fondamentaux inscrits dans les lois oules reglements. Au sujet de ces objectifs, il s agit de "proteger lescontribuables en oblige ant la Ville a choisir Ie meilleur marchepossible , entre plusieurs offrants de prestations de meme qualitetout en assurant entre les soumissionnaires Ie plein jeu de laconcurrence loyale"I44 . D'ailleurs, Ie juge Bernier dans cette deci-sion se base sur un autre A. Auclair Ltee c. Cite de Giffard etAlex Poulin Excavation Inc. 145 emit l'opinion suivante:

(...

) Ie tribunal est d' avis qu en vertu du texte legislatif qui regit ici les par-ties soit l'article 610 de la Loi des cites et viJJes une ville ne serait pas tenuede rejeter, pour les fins de l'adjudication du contrat , une soumission subs-tantiellement conforme dont les irregularites ne porteraient que sur despoints accessoires et secondaires facilement remediables , en I 'absence demauvaise foi de la part du soumissionnaire. Rien dans l'article precite nerequiert qu une soumission , pour qu elle soit legalement admissible , soit entout point conforme aux conditions et exigences de fond et de forme que laville a incluses dans Ie document d'appel d'offres et les documents qui enfont partie. L'exiger serait ajouter au texte de la loi une co dition qui ne strouve pas; ce serait, de la part du tribunal , usurper Ie role du legislateur..

1 41. Id. , 5.142. Desfosses c. Ste-Clothilde-de-Horton E. 85- 388; Richard Piche Inc.

Ste- Foy, S. Quebec , no 200-05-000124-805 , Ie 6 tevrier 1980 , p. 8.143. Richard Piche Inc. c. Vi//e de Ste- Foy, S. Quebec , no 200-05-000124-

805 , Ie 6 fevrier 1980.144. Id. , 7.145. C. , no 16-902 , Ie 17 decembre 1973 , cite dans Richard Piche Inc.

id.,

Page 43: Droit - Régie de l'énergie

582Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration(1986) 16 R.

On peut relever, a partir de la jurisprudence, plusieurs ele-ments qui constituent des irregularites mineures ou accessoires:

Apposition du sceau de la compagnieLe defaut d 'apposer Ie sceau de la compagnie sur une formule

de cautionnement ne rend pas la soumission non conforme. DansJ. Peddles ten Ltd. v. Liddell Construction Ltd.

146, on a jugeil s agissait d'une simple erreur dans la preparation du docu-

ment qui aurait pu etre corrigee immediatement. II y a donc eubris de contrat de la part du defendeur puisque celui-ci a refused 'accepter la correction et de contracter avec Ie demandeur. Desdommages-interets furent accordes.

Mention d'un nomomission de mentionner Ie nom d'une personne avec laquelle

Ie maitre d'oeuvre peut communiquer a ete consideree dans Le-page c. Ste-Brigitte-des-Saults I47 comme n invalidant pas la sou-

mission. Au lieu de cette mention , Ie soumissionnaire avait inscritIe nom de la compagnie et deux numeros de telephone. En l'es-pece, il s agissait de personnes qui habitaient Ste-Brigitte et quietaient connues de la defenderesse. L'erreur n a donc pas eu d'inci-dence.

- N umero de telephoneerreur dans Ie numero de telephone dans Lepage c. Ste-

Brigitte-des-Saults I48 dans la soumission du demandeur n etaitaccessoire. Elle n a pu produire aucune confusion dans l'esprit

de la defenderesse et n a d'ailleurs pas servi de critere au rejet decette soumission.

Absence de certains documentsDans Remillardc. St-Hubert on ajuge que Ie defaut de fournir

. la "liste des appareils" exigee dans les documents de soumission ne

146. (1981) 128 D.L.R. (3d) 360.

147. J. E. 83- 109.148. J.E. 83- 109.149. J.E. 82-839.

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(1986)16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration583

portait que sur un point accessoire et secondaire. La ville pouvaitautoriser la mise-en-cause a corriger sa soumission et lui octroyerIe contrat conditionnellement a cette correction, puisque la soumis-sion etait deja "substantiellement conforme aux dispositions ducahier des charges et aux autres exigences de la ville

Dans Transport Dechex c. St-HubertI50 la mise-en-cause , dontla soumission a ete choisie, n a pas inclus dans celle-ci la liste desequipements , son permis de la Commission des transports du Que-bec ainsi qu une attestation ou preuve de conformite a la loi et auxreglements de la C. T. Le Conseil municipal lui a permis fournir les documents requis apres l'ouverture des soumissions.Selon Ie juge , ces omissions n auraient pas dil affecter la validite dela soumission et chacune des exigences auxquelles la mise-en-causene s est pas conformee pouvait etre corrigee.

Resolution du Conseil d 'administrationLe fait que la resolution du Conseil d 'administration accom-

pagnant la soumission ne soit pas conforme aux exigences, caretant pas assez specifique et datant de plus d'un mois est , selon

Spino Construction Cie Ltee c. Beauce Underground Structures etC. U. I5I , un simple vice de forme ou un defaut mineur auquellemaitre d'oeuvre peut passer outre.

Omission de remplir une formaliteDans Richard Piche Inc. c. Corp. mun. de Ste-Foy151

soumissionnaire choisi, avait omis d'inscrire un crochet d 'accepta-tion (ou de refus) des clauses de garantie dans les colonnes "oui"ou "non" prevues a cet effet. La municipalite a permis la correc-tion de ce defaut. Selon Ie juge, il est clair que cette irregularite

est pas de celles qui vicient fondamentalement une soumission. IIest bien evident que , par so.n omission , la Ci Forano n avait paspour but de concurrencer deloyalement les autres soumissionnairespuisque, ayant tot constate son omission, elle s est empressee d'remedier. L'omission n avait pas pour objet de tromper l'intimeepuisque Ie prix propose par la compagnie Forano n a en rien etemodifie ni par l'erreur qui avait ete commise, ni par la correction

150. J.E. 82-855.151. C. , no 200-05-000205-844 , Ie 8 juin 1984.152. C.S. Quebec , no 200-05-000124-805 , Ie 6 fevrier 1980.

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de contrats de /'administration(1986) 16 R.

qui a ete subsequemment apportee I53 . Le juge conclut donc que

erreur sitot reparee ne pouvait plus donner lieu a l'annulation ducontrat.

- N constituent pas des irregularitesCertains elements ont ete juges ne pas constituer une irregula-

rite et donc ne pas affecter la conformite de la. soumission. DansTGC Inc. c. Corp. Mun. de Plessisvi11e 154 la soumission de

requerante a ete consideree non conf Hme par la vi lIe car elle necomprenait pas 3 documents exiges par Ie cahier des charges. Orune note de l'ingenieur de vilIe , au bas de la liste des documents afournir, ne rendait ces documents obligatoires qu au moment ouverture des soumissions. Par consequent, la soumission fut

jugee conforme.Par ailleurs , Ie fait de ne pas remplir la formule type recom-

mandee, pour Ie cautionnement mais plutot une autre formulerepondant a l'ensemble des exigences des documents fournis par maitre d'oeuvre a ete juge comme n affectant aucunement la con-formite de la soumission . De meme , Ie fait de ne pas detenir unpermis selon la Loi sur la qualification professionnelle des entre-preneurs en construction

156 n affecte pas la conformite de la sou-mission I57 a moins que les documents accompagnant l'appel d'of-

fres ne l'exige formellement.Aussi

, "

il est fort douteux que l'indication , dans l'appel d'of-

fres , du territoire ou doit etre situe Ie principal etablissement dessous-traitants , constitue de la part du Ministere des travaux publicsengagement formel de ne pas .contracter avec des sous-entre-

preneurs etrangers qui lui auraient fait parvenir des soumissions"158

On a ainsi reconnu que l'administration pouvait accorder contrat a un soumissionnaire n ayant pas son etablissement princi-

153. Id.,

154. C.S. Arthabaska no 415-05-000180-801 , Ie 24 tevrier 1984.

155. Adelard Jacques Ltee c. Comm. scola ire regionale de /'Estrie et al. , (1973)

S. 565.

156. L.R.O. , c. 0-157. En effet la Loi sur la qualification professionnel/e

ne fut pas qualifiee par lajurisprudence d'ordre public; voir Girard c. Veronneau, (1980) C.A. 534;

Claude Mivil/e Inc. c. Construction Dufco (1978) Inc. E. 82- 453; Boralie

Construction Uee c. Merleau E. 83-1143; voir commentaires de Mme

ROUSSEAU- HOULE , (1981) 41 R. du B. 134.

158. Ascenseurs Alpin Otis Cie Uee c. O. et al. (1971) C.S. 243.

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(1986) 16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration585

pal au Quebec malgre une clause expresse dans l'appel d' offresselon laquelle "seuls sont admis a soumissionner les entrepreneursgeneraux et les sous-traitants qui ont leur etablissement principalau Quebec "I59 . En somme , une renonciation a certaines conditionsde l'appel d'offres est parfois possiblel6o . La limite est l'integrite etefficacite du systeme des soumissions.

Le rejef des sou missions et un nouvel appel d'offres

Une administration meme si la loi ou Ie reglement l'oblige aproceder par voie d 'appel d 'offres pour contracter possede tou-jours la discretion de se retirer a tout moment de ce processuscontractuelI61 Vu cette liberte de ne pas finaliser d'accord, uneautorite publique peut-elle rejeter en bloc les soumissions presen-tees et ordonner un nouvel appel d 'offres?

La reponse a cette question se trouve dans l'etude du pouvoirdiscretionnaire que detient l'administration publique et dans larecherche de la finalite des soumissions publiques. L'exercice dupouvoir discretionnaire n est jamais sans limites. II est encadre parune norme habilitante en dehors de laquelle les actes deviennentillegaux. U ne compatibilite entre l'acte administratif et la normesuperieure soit Ia loi ou Ie reglement doit toujours exister. Ainsi , ladecision doit etre prise par une auto rite competente , portee surobjet prevu par la loi mais en plus , elle doit correspondre a la

finalite voulue par Ie legislateur. Violer cette regie, rend l'acteadministratif injuste et oppressif si l'administre voit ses droits af-fectes . L'exercice consiste donc a rechercher l' intention manifesteou expresse du legislateur l63 . Elle doit etre deduite , comme Ie sou-ligne Ie professeur Pierre-Andre Cote 164

, "

du texte considere dansson environnement approprie"

1 59. Ibid.

160. Oiversified Engineering Equipment Ltd. c. A.G. of N.s. (1980) 76 A. P. R.

. 513: La Compagn e a laquelle Ie contrat a ete octroye n a pas utiliseequipement requis dans I'appel d' offres mais un equipement different et

de qualite interieure. On a juge que c etait Ie droit du ministere de renon-cer a une condition de I'appel d' offres et que ceci ne donnait aucunecause d'action au soumission rejetee.

161. Voir 2. 1 L' absence de discretion.162. Intertrade Industries Ltd. c. Cite de Cote St- Luc, (1965) C.S. 369.

163. Canadian Wheat Board c. Manitoba Pool Elevators et al. 6 W. R. (N.

36.164. Pierre-Andre COTE Interpretation des lois Montreal , Les Editions Yvon

Blais Inc. , 1982 , p. 247.

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586Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration(1986) 16 R.

Les textes legislatifs ou reglementaires relatifsplus bas soumissionnaire sont de redaction similaire.

article 573 de la Loi des cites et villesI65 dispose que:

Le conseil ne peut , sans I'autorisation prealable du ministre des AffairesmunicipaIes , accorder Ie contrat a une personne autre que celIe qui a fait Iasoumission la plus basse...

au choix duPar exemple

En presence d'un tel article, l'autorite pub Ii que n a que troisoptions soit qu elle accepte de contracter avec Ie plus bas soumis-sionnaire conforme , soit qu elle demande une autorisation a uneautorite superieure, soit qu elle refuse de contracter.

Lorsque l'administration se refuse a contracter et revient parla suite avec un appel d'offres , elle ne peut Ie faire que dans descirconstances particulieres.

En effet , Ie legislateur impose que certains contrat soient con-clus par adjudication publique. Nous sommes en presence d'acte-condition unilateral. L'adjudication publique est un acte juri-dique unilateral qui conditionne la regularite de l'exercice de lacompetence de l'administration habilitee pour conclure Ie contrat.Ce procede a pour but d 'assurer a la fois les conditions financieresles plus favorables aux deniers publics et Ie choix d 'un cocon-tractant exclusif de toute collusion aussi bien que de toute negli-gence, inconsciente ou coupable, de la part des fonctionnairespublics l66 . Dans cet appel a la concurrence , les conditions doiventetre les memes pour tous les concurrents et tous doivent etre missur un pied d 'egalite. II ne doit exister aucun motif de preferenceautre que celui des avantages consentis a l'AdministrationI67

exercice du pouvoir discretionnaire de rejeter en bloc toutesles soumissions et de recommencer un nouveau processus doit s ef-fectuer en conformite avec ce pourquoi des soumissions publiques.

Dans l' arret Bedard c. Corporation municipa1e de Labelle 168 , Ie

juge Landry a rendu une decision particulierement significative de latendance jurisprudentielle a limiter ce type de pouvoir discretionnaire.La municipalite fit un appel de soumissions pour l'entretien de seschemins pendant l'hiver 1982-83. Apres avoir refuse la seule soumis-

165. L.R. , c. C-19.

166. F. P. BENOIT Le droit administratif franr;ais Paris , Dalloz , 1968, no 1078608.

167. Gaston JEZE Les principes generaux du droit administratifs Paris, MarcelGirard , 1934 , p. 91.

168. J.E. 82-997.

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de contrats de l'administration587

sion re , elle formula un second appel de soumissions prevoyant aulieu du depot equivalent a 10% du montant global du contrat annuelexige dans la demande anterieure, un montant forfaitaire de 5 000$.Le conseil refusa a nouveau les deux soumissions re ues et resolutde faire un nouveau cahier de charges afin de proceder a un nouvelappel d'offres. Un troisieme appel d'offres identique aux precedentsfut lance sauf quant au depot qu on se fixait a 10% du montant ducontrat. A I 'analyse de ces demandes successives de soumissions , Ie

juge precisait:

u. Ces dispositions (systeme de soumissions publiques) ont ete adoptees en vued 'assurer ces derniers (les soumissionnaires) de beneficier d 'une saine concur-rence u. A quoi servirait tout ce mecanisme si immediatement apres on devaitproceder a un second appel d 'offres contenant les memes exigences. Celui quiaurait decide de ne pas soumettre dans Ie deIai imparti se verrait par Ie secondappel Ie meme delai etendu. II aurait l' avantage de connaitre les premieresoffres "169

Relativement a cette discretion en pareille matiere , Ie juge Lesageprecisait:

Le procureur de l'intimee nous a soumis qu il s 'agit la d 'une discretion que peutexercer l'intimee et qui n est pas sujette au controle judiciaire. Le tribunal est aucontraire d'avis qu une municipalite n a aucune discretion pour ignorer lessoumissions faites regulierement et faire un nouvel appel d'offres pour lesmemes travaux. Ce serait dejouer les dispositions de l'artic1e 625 C. M. quiinterdisent les negociations privees "170

Dans Beauchesne c. Ville de BecancourI71 Ie juge Chouinarddissident, fit valoir qu a son avis:

Les soumissions sont preparees en secret , ouvertes officiellement en vue d ' assu-rer par ce processus des prix plus avantageux en general conformement auxprincipes d'une saine administration pour l' interet public. Vne fois les appelsd 'offres connus, Ie processus ne peut etre repris sans motifs serieux puisque Ieprincipe meme qui est sousjacent a la disposition d' ordre public est fausse"l72

Cette jurisprudence nous amene a nous questionner sur la naturedu motif valable pour qu il soit une justification aux yeux destribunaux.

169. Id. , 7.

170. Entreprise du Bon Conseil c. Corp.200-05-003242-828, pp. 6 et 7.

171. J. E. 84-631 , Cour d'appel.172. Id. , des motifs du juge Chouinard.

mun. de Cap-Sante S. Quebec , no

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588Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration(1986) 16 R.

Dans l' affaire Lepage c. Corporation municipa1e de 1a Visitation

de 1a Bienheureuse Vierge MarieI73, Ie juge Gonthier considerait quedes soumissions trop elevees etaient une justification raisonnable. Lemotif allegue en l' occurence , soit Ie prix trop eIeve des soumissionscorrespond a l'intention du legislateur d' adjuger les contrats au prix Ieplus bas. La municipalite pouvait , ayant ecarte les premieres soumis-sions , faire un nouvel appel d 'offres.

En somme , ce qui doit guider.le juge dans son pouvoir de controlea l'egard de ce type de decision , c est l'element suivant: la deuxiemedemande de soumissions est-elle susceptible de mettre en cause l'inte-grite et I 'efficacite du systeme de soumission et une saine gestion desfonds publics. Si oui , l'autorite publique s est placee dans une situa-tion d'abus de pouvoir. Vu qu il n appartient pas aux tribunaux decontroler Ie merite des decisions administratives , mais l' exercice abusifdu pouvoir discretionnaire , Ie controle du juge s en trouve limite. Leprobleme doit etre aborde sous l'angle de l'abus de pouvoir et non de

ordre public. Dans Beauchesnec. Ville de Becancour 174, les appelantsalleguerent que la Ville avait viole les dispositions imperatives et

ordre public des articles 610 et ss L. V. (maintenant 573 L.

en refusant d 'octroyer Ie contrat au plus bas soumissionnaire et enrejetant toutes les soumissions pour en demander de nouvelles.

Ce qui est d' ordre public dans des dispositions tel que l'article 573, ce n est pas d'adjuger un contrat mais bien de prendre Ie plus

bas soumissionnaire lorsque la ville decide de contracter. La questionde I 'ordre public ne se pose pas. N ous sommes en presence de decisionsqui peuvent etre annulables pour abus de pouvoir. Cet exercice abusifde la discretion se retrouve dans ce genre de decision lorsque l'adminis-tration est soit de mauvaise foi ou qu elle poursuit un but impropre enaffect ant l' integrite et l'efficacite du systelne d' adjudication publique.II en ira de meme si Ie but poursuivi bien que fort louable et exerce debonne foi est contraire a l'interet general que Ie legislateur a entendupromouvoIr .

173. J.E. 83-29 (C. S. Richelieu); voir aussi Camille Fortin c. Ville de St-Hyacinthe11 M. L.R. 51; Cie d'Assurance du Quebec c. Ville de Charlesbourg,

83-568 (C.S. Quebec). Le juge considere qu une seule soumission jugee

trop elevee par Ie Conseil est une justification raisonnable pour retourneren appel d' offres.

174. J. E. 84-631 (Cour d' appel); voir aussi Bertrand c. Corporation municipale

du Canton de Gase E. 83-9 (C.

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, , '

(1986) -16 R.Les recents developpements en matiere

de contrats de /'administration589

CONCLUSION

N ous voyons , ala lumiere du developpement qui precede , que Iecontrat en tant qu instrument de I 'action des administrations modernestant etatique que des unites decentralisees et des entreprises publiquesse generalise et appartient de plus en plus a un regime juridiquespecifique. On peut meme affirmer que sous la fa ade contractuelleapparalt l'acte unilateral. Sauf quelques cas d' exception, comme cer-tains marches de gre a gre :r Ie contrat formellement civil devient de plusen plus administratif. En effet, pour des necessites purement pratiquestelles que la protection des deniers publics , l'efficacite , l'absence defavoritisme , Ie legislateur d'une part et d'autre part , l'administrationelle-meme ont cree une structure complexe entourant l'acte contractuel.