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r GROUPE DE RECHERCHE APPLIQUÉE EN MACRO-ÉCOLOGIE (GRAME) Les incitatifs économiques, compléments essentiels à la future Régie de l'énergie Mémoire présenté à la Commission de l'économie et du travail dans le cadre des audiences publiques sur le projet de loi 50 (Loi sur la Régie de l'énergie) Par Me Dominique Neuman Jean-François Lefebvre Jean-René Habel Le 3 décembre 1996 Groupe de recherche appliquée en macroécologie C.P. 716, Succursale C, Montréal, Québec H2L 4L5 Téléphone: (514) 598-5585 • Télécopieur: (514) 598-0959 Site Internet: http://www.Mlink.NET/-grame/index.html • Courrier électronique : [email protected]

Les incitatifs économiques, compléments …dans le cadre des audiences publiques sur le projet de loi 50 (Loi sur la Régie de l'énergie) Par Me Dominique Neuman Jean-François

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Page 1: Les incitatifs économiques, compléments …dans le cadre des audiences publiques sur le projet de loi 50 (Loi sur la Régie de l'énergie) Par Me Dominique Neuman Jean-François

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GROUPE DE RECHERCHE APPLIQUÉE EN MACRO-ÉCOLOGIE (GRAME)

Les incitatifs économiques, compléments essentiels à la future Régie de l'énergie

Mémoire présenté à la Commission de l'économie et du travail dans le cadre des audiences publiques sur le projet de loi 50

(Loi sur la Régie de l'énergie)

Par Me Dominique Neuman

Jean-François Lefebvre Jean-René Habel

Le 3 décembre 1996

Groupe de recherche appliquée en macroécologie C.P. 716, Succursale C, Montréal, Québec H2L 4L5

Téléphone: (514) 598-5585 • Télécopieur: (514) 598-0959 Site Internet: http://www.Mlink.NET/-grame/index.html • Courrier électronique : [email protected]

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Mandat général du GRAME

Le Groupe de recherche appliquée en macroécologie est un organisme de recherche indépendant fondé en 1989. Le GRAME rassemble des professionnels, chercheurs et experts-conseil préoccupés par les enjeux économiques et environnementaux du développement durable, en tenant compte des enjeux macroécologiques. Le GRAME a pour objectif de développer des outils d'ana lyse et de gestion propres au développement durable.

Notre équipe, à l'image de notre approche, est multidisciplinaire. Elle regroupe des économistes, des biologistes et autres spécialistes en sciences de l'environnement, ainsi que des urbanistes, des géographes, des ingénieurs, des informaticiens et des juristes.

Le GRAME a réalisé de nombreux mémoires et études ainsi que plusieurs autres publications sur des sujets aussi variés que l'utilisation des instruments économiques en gestion de l'environnement, le développement des marchés pour les énergies renouvelables, les indicateurs du développement durable, la cogénéra tion, l'intégration de l'environnement dans les indicateurs économiques, la planification intégrée des ressources, la gestion des déchets, les déchets toxiques et nucléaires, les changements climatiques, les transports et l'aménagement du territoire, etc.

Les experts du groupe ont ainsi déposé, en mars 1996, les résultats d'un important projet de recherche portant sur l'évaluation monétaire des externalités environnementales des filières de production d'électricité. Ce projet impliquait la réalisation d'une analyse coûts-bénéfices reposant sur la conception d'un modèle comptable informatique - le modèle de gestion des ressources par actualisation et monétisation des externalités. Cet outil, malléable et interactif, permet de modéliser l'ensemble des coûts, internes et externes, de chaque filière.

Trois chercheurs associés au GRAME, MM. Jean-François Lefebvre, Yves Guérard et Jean-Pierre Drapeau, ont aussi publié, au printemps 1995, un livre intitulé «L'AUTRE ÉCOLOGIE, économie, transports et urbanisme, une perspective macroécologique» . Cet ouvrage de 370 pages est une coédition entre les éditions Multimondes et le GRAME.

Les auteurs

M. Jean-François Lefebvre est économiste spécialisé en environnement. Il assume la présidence du GRAME. Me Dominique Neuman est avocat, consultant en analyse des politiques gouvernementales, et oeuvre dans les domaines de l'aménagement du territoire et des politiques énergétique. Il est vice- président à la recherche du GRAME. M. Jean-René Habel est assistant à la recherche pour le GRAME.

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L'internalisation des coûts externes, un fondement de la politique énergétique

Le concept de développement durable a été introduit de façon vigoureuse dans la nouvelle politique énergétique, ainsi que dans le projet de loi créant la Régie de l'énergie. Cette préoccupation se manifeste de façon concrète:

«La Régie de l'énergie sera en effet appelée à intégrer dans son analyse les effets économiques, sociaux et environnementaux lors de l 'analyse des tarifs de gaz naturel et d 'électricité, au moment de l'examen des plans de ressources des entreprises réglementées et dans le cadre des pouvoirs qui lui sont attribués lors de la mise en oeuvre des projets, ainsi qu'au moment de l 'extension ou de la modification des réseaux de distribution. La Régie de l 'énergie prendra en compte les «externalités» économiques, sociales et environnementales, là où ses conclusions sont décisionnelles. »

Il est fort pertinent que l'on prenne en compte les coûts environnementaux et sociaux afin de décider si un projet énergétique sera autorisé ou non. À cet égard, il est probable que le modèle de gestion des ressources par actualisation et monétisation des externalités développé par le CRAME puisse s'avérer un outil précieux pour les futurs régisseurs.

Mais comptabiliser les coûts sodaux et environnementaux ne constitue qu'une première étape. Il faut les internaliser dans les prix, ceux-ci étant, pour l'ensemble des producteurs et des consommateurs, le premier critère de décision. Selon le Rapport de la Table de consultation du Débat public sur l'énergie (1996):

«une politique énergétique fondée sur le développement durable implique normalement que les prix des produits incluent l'ensemble des coûts économiques, environnementaux et sociaux.»

À cet égard, il faut tenir compte de plusieurs considérations:

• La Régie de l'énergie, à l'instar des autres organismes similaires, n'est pas dotée d'un pouvoir de taxation.

• Si on demande à Gaz Métropolitain d'accroître ses tarifs afin que le prix du gaz sur le marché reflète ses coûts environnementaux (ce qui rétablirait une plus juste concurrence avec l'hydroélectricité), nous nous retrouverons avec une application du principe pollueur-payé.

• Il y aura un accroissement des coûts pour les consommateurs, sans que l'on puisse compenser les possibles iniquités qui pourraient avoir été causées par ces hausses de tarifs.

• Les frais exigés à un autre producteur pour pouvoir utiliser les réseaux de distribution devraient croître en proportion des émissions de dioxyde de carbone de ce producteur. C'est probablement l'un des seuls pouvoirs qu'a la Régie qui puisse permettre d'internaliser certains coûts environnementaux sans faire de cadeau au pollueur.

• L'instauration d'un système de droits d'émissions échangeables s'impose comme une priorité incontournable. Il faut poursuivre intensivement la réflexion afin d'en définir les modalités d'application.

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Il faudra réaliser des études approfondies et lancer un débat sérieux sur les perspectives offertes par une réforme écologique de la fiscalité québécoise. En effet, la nécessité d'adopter des incitatifs économiques pour orienter l'économie vers la voie du développement durable semble maintenant incontournable. Cela implique l'adoption de taxes sur les nuisances environnementales qui devra, pour être applicable, reposer sur une stratégie intégrée de réforme écologique de la fiscalité. Les écotaxes ne pourront effectivement être significatives que si elles sont, en grande partie, compensée par une baisse des taxes traditionnelles qui, rappelons-le, nuisent à la consommation et à l'emploi.

Une réforme écologique du système fiscal pourrait ainsi contribuer à la création d'emplois, tout en réduisant les coûts sociaux supportés par l'État, en favorisant le maintien des programmes sociaux. Une étude allemande prévoit que l' écofiscalité permettrait de créer dans ce pays de 750 000 à 1,5 millions de nouveaux emplois, l'équivalent de 3 à 6 pour cent del' emploi de ce pays. L'économiste britannique Paul Ekins recommande quel' Angleterre adopte une taxe sur le carbone qui remplacerait une partie des taxes traditionnelles, même unilatéralement et même si le problème des changements climatiques venait à être invalidé 1, strictement à cause des gains en terme de croissance économique et de création d'emplois. Le gouvernement britannique vient d'adopter une baisse d'impôts compensée par l'instauration d'une écotaxe sur les déchets.

Dès 1920, l'économiste Pigou recommandait une tarification de l'usage des routes afin d'en faire payer les coûts aux utilisateurs. Un demi-siècle plus tard, en 1972, le principe pollueur-payeur a été officiellement adopté par les pays de l'OCDE en tant que fondement économique des politiques environnementales. Plus récemment, les ministres de !'Environnement de l'OCDE

«ont jugé que les instruments économiques peuvent créer une forte incitation à l'innovation technologique et à la modification des comportements, et qu'ils offrent de bonnes chances d'atteindre les objectifs d'environnement de façon efficace par rapport aux coûts.2,>

Dans les pays d'Europe du Nord, les écotaxes représentent maintenant entre 5 et 10 pour cent des recettes fiscales des États. Plus que tout autre État en Amérique du Nord, le Québec, se doit de poser dès maintenant les premiers jalons d'une telle réforme.

Finalement, l'obligation pour la Régie de l'énergie de respecter les engagements pris par le gouvernement en matière de respect des objectifs de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques doit être considérée comme incontournable:

«une politique énergétique fondée sur le développement durable devrait normalement conduire le Québec à dépasser les engagements internationaux auxquels il a souscrit, dans le cadre de la convention sur les changements climatiques et de la Convention sur la biodiversité.»3

1 Mentionnons qu' il existe présentement un important consensus dans la communauté scientifique internationale concernant le problème des changements climatiques. 2 OCDE, Gérer l'environnement: le rôle des instruments économiques, 1994. 3 Ministère des Ressources naturelles (1996) Pour un Québec efficace - Rapport de la Table de consultation du Débat public sur l'énergie.