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pierre
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7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Du mal parler
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Des caves de ltre
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Chemin de croix
mes genoux sonnent mes oreilles comme des roches artificiellesboules sur le chemin de croix d'une ville pleine de publicits
comme autant de calvaires
je ramasse les pierres
en laissant, mon tour,
des fragments de moi pour que quelqu'un
suive s'il le veut bien
les traces de la foudre lors d'une nuit de sabbat
devant ce ballet de sorcire les lments modernes
s'agglutinent je me retournerais
si quelqu'un daignait rpondre mes appels
comme on console - sans attachement, du fond du coeur
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Le hasard
Le hasard a fait se rencontrer
nos deux peaux un soir d'hiverafin qu'elles se frictionnent
l'une contre l'autre
sous la lucarne
et ainsi se rchauffent
le hasard a fait de l'impratif d'un geste
un signe autour duquel
des hommes se runissent
sous la votepour prier et ainsi
devenir immortels
le hasard a conjugu des fleuves
avec des poissons, et des algues,
et d'autres btes et d'autres vgtaux
et des ports et des bateaux
des guerres des conqutes des changes
des passagers clandestins des rfugis
des hommes riches des hommes de pouvoir
des trangers et des frres
des ennemis irrconciliables, parfois
le hasard a tabli des droits et des devoirs
envers le temps qui passe
envers le temps qui file
comme une comteentre nos jeunes mains
le hasard a nou un collier de perles
au cou de la posie
chaque perle brille d'un feu diffrent
d'un feu dchirant
dont tu ne peux compter toutes les couleurs alors abandonne
toi l'tre de lumire
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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le hasard a fait glisser
la logique sur le sable de la pense
c'tait un grand chariot voiles
filant la vitesse du vent
sautant les dunes et les creux
du dsert
le hasard a rpar la roue
du paon en plein vol
dans le jardin baign de soleil
dans le jardin d'Eden
le hasard a dcor la basilique de nos coeurs
de mille ornements tous plus finsles uns que les autres
filaments orangs d'lectricit
dont lombre serpente sur le monde
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Abstraits (2011)
1
Une cage froisse. Il y avait des ppiements, l, deux heures.Eclair bleu pour faire craquer la chaleur. Trains bloqus. Partout.
Chansons de chiffres, ombres de nombres.
Je suis prt les couter, mais, trop hauts, trop hauts.
Quand tomberont-ils ? Fera-t-il encore jour ? Y aura-t-il
Encore des clairs ?
Quand les mares reprendront de vieilles bouteillesJetes par des marins en colre
Ivres damour
Tu auras des jambes
Faites pour courir.
Tu lustreras donc tes habits une dernire fois et n'oublieras pas
De saluer ce TOUT qui nous a fait
Avant de ten aller. Partout.
2
C'est entre des pis dont on parle sans les avoir jamais cueillis
Et un polo vert qui parle tout seul.
C'est entre chien et chat.
Entre la moustache et la mousse raser.
Ca ressemble la cendre dont on recouvre les abribus
Ou une fentre qu'on nteint plus.
Des couloirs avec plein de piliers dcors dil y a cent ans.
Une page lue pour soi, ou peut-tre pour quelqu'un d'autre,
Un menteur doubl par son totem, cach dans les herbes.
C'est entre a et a,
Durable,
Fcond,
Vivant de mort.
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Notre orgueil est inaltrable
Chaque jour un nouveau visage se lve
Vers le mme miroir dpoli
Dans lune des chambres du souvenir
Leau du ciel inonde soudain la maison vide
Et noie jusquau dernier cho de nos disputes
Mme baptme pour qui parle et qui ment
Rien ne restera des rires fusant
Parmi les herbes du jardin gonfl de pluie
Si seulement ma question savait brler se taire
Aussi
Je rejoindrais mon preDans lune des chambres de loubli
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Autoportrait 1
Parfois je ne sais plus qui je suis
Si les lumires rouges mclatent la tte
Ou si cest au-dessus la lumire blanche du non qui me fait une fausse aurole
La croix moderne ou bien le pistolet laser sur la tempe
Je nai mme pas de nom bien dfini
Parfois cest un pseudonyme parfois un autre pseudonyme
Parfois je ne sais plus qui je suis
Jai beau lancer mes trousses
Tous les inspecteurs psychiques de la Terre
Je ne peux serrer entre mes mains que des traces
Comme des tranes de cigarette
Comme les barreaux de mon lit contre le mur
Parfois quand je ne tiens plus en place parfois quand je dors
Parfois je ne sais plus qui je suis
Un parfait salaud ou un homme bon
Un brch ou un mormon
Un enfant ou un tyran
A abattre enfin
Parfois je ne sais plus qui je suis
Ni do je viens
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Autoportrait 2
Certains m'appellent Pierre, eux je dis
que non, que je suis un nuage,
mais aucun ne veut me croire.
(Ont-ils seulement vu l'intrieur de mes ctes ?)
D'autres me parlent de certaines choses, obscures,
lointaines et incomprhensibles.
Rares sont ceux
avec qui je peux rire dans le silence
ou le bruit.
Oui : il faut admirer ce que tu peux encore admirer
ici bas. Pour moi,
je me contente de quelques paysages,
et je me tais, et je dis beaucoup
deux ou trois tres surprenants.
A part a, je n'ai pas d'ge,
je n'ai pas d'ge et je veux boire
jusqu' faire de mon corps le ciel
de mon nuage.
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Pome de la codine
A Denis Hamel
Quil est doux de sabandonner ainsi, en fermant les yeux
Quelle est bonne, cette chaleur sous le crne
Quand le cur est prt lcher
Et quil faut le retenir
Quels dlices infantiles de rtention
Mls aux ravages de cette paresse artificielle
Je nai plus besoin douvrir une fentre sur de nouvelles ides
Ou de nouvelles complexits de la pense
Quel luxe honteux pour les autresQuel vaste appauvrissement de moi-mme !
L, le jeu se ralentit, et la lampe claire comme une bougie
Un repos cach des yeux du reste du monde
Je ne souffre plus dattendre en vain un signe de fer
Tatou sur mon front
Mon front se projette en arrire, lintrieur du crne
Mes yeux se plissent pour rien
Jai peut-tre lair chinoisJattends de pied ferme la venue du sommeil
Je lui jouerai un bon tour
Dont il se solera
Ha, si tous les jours pouvaient passer ainsi
Entre des paysages chaotiques et des tableaux damis
Et des pomes de femmes murmurs
La force seule de les couter
Bien, tabli, comme un prince qui a gar sa vertu
Et son vice dans un mme mouvement salutaire
Loin de la beaut et de son autre nom, la laideur
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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La chambre
la chambre est remplie de fumes
seuil de temple sis devant le vitrail des villesdessinant lumires rouges et jaunes et bleues et vertes en poumons palpitants
le rveil sonne toutes les cinq minutes pendant deux heures
et chaque fois
un tre humain sursaute dans un coin
diffrent
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Life is a strange, strange ship
Peu avant de fermer les yeux
Les alles sur la mer
Le vent dans les cocotiers
Une brise trange soufflant d'est en ouest
Les enfants peignent les mains
Des adultes qu'ils seront avec des cicatrices
Et sortent de la chane des mensonges
Peu avant de fermer les yeux
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Ronde de nuit
Quelques pas sur la neige fondent
Une petite ronde de nuitTout ce que peut laisser
En suspens le soleil aprs la pluie
Quelques notes variant autour d'un rythme
Concentrique comme les cercles du cur
Le rythme dune toile de peinture
Qui touche la moelle de la couleur
Un passage interdit emprunt
Quand mme l'improviste parce que la nuit
Seule ouvre grand les portes du jour
Et seule saisit l'or du temps
Un visage qui disparat
Lentement dans la chambre de la mmoire
Et des yeux qui se ferment
Lentement devant la douce lumire
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Aile
On ne voit rien ici
C'est tout noirIl y a quelque chose qui passe ct de moi
Trop vite pour savoir quoi
Je ne vois rien
Je suis seul
Une gueule immense
D'ombre m'avale/
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Uranus
j'ai got au baiser glac du vide
enferm dans mon corps
ftus repli
je suais
je suais
je ne suais pas comme un soleil
je suais comme Uranus
cauchemar norme happant lui
chaque nuit l'me
du gentil
je ne bougeais plus
inond par l'angoisse immonde
dlaiss de partout
j'tais un souffle qui se retire
une flamme qui vacille
j'tais mon corps
mon corps mort ddoubl
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Une toile approuva
suivant le signe sur le toit
que je t'avais montr -
nord, point, toile - nord, point, toile :
"moi aussi, je disparatrai."
Qu'il en soit ainsi
pour d'autres matires
moins videntes devant la mort -
un arbre bien fusel, citadin
ta main pleine de veines au-dessus
d'une feuille - moins vidente, la marque de la poussire
sur elle sur son visage - et pourtant
"moi aussi, je disparaitrai."
Suivant les lignes qu'elle trace dans le ciel
une toile approuva.
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Fleurs de sang
je ne serai plus une bte traque
la lumire blanche de l'univers me blessed'une autre manire dsormais
comme un jour qui entaille la nuit
et un doigt y pntre et la plaie
donne de secrtes fleurs de sang
dont le parfum subtil est celui de l'amour
je les ramasse en bouquets et les offre
une fille de feu
une autre fille douce comme la passion
affame, violente et belle
j'offre tout aux filles aimer, aux femmes
aux louves et aux petits lutins de banlieue
mes amis terribles, mes amis impardonnables
aux tonitruants et aux silencieux
dans l'hpital, dans le parc de l'hpital, sur un banc
je parle ou je me tais et j'ouvre la plaie pour toi
et nous buvons de concert ses plus secrtes fleurs
mes amis, mes autres ennemismes amours et sous le carreau d'un toit
l'infatigable tmoignage nouveau de dieu
vers vos coupes je verse cette coupe vierge
de tout poison - devant vous je ne serai plus
une bte traque tre aveugle de ses caves
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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lamour-monstre
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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C'est un amour si fragile
qu'il hrisse le pelage
de tous les fous de l'asile
en un manteau de nuage
que je revts la nuit venue
C'est une large avenue
borde d'arbres fantastiques
o mon corps ploie, libre et nu
sous le poids de vents magiques
que j'appelais dj enfant
C'est le grain du temps, du temps
noir drisoire et sans fin
du temps jamais naissant
dans la gueule sans veninque j'ouvre pour manger la nuit
C'est une saine lubie
capable d'ouvrir soudain
tous les coffres pleins de rubis
qu'enferme rageur demain
que renferme mon poing rageur
sans s'en douter, sans apprts et sans peur
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Le rubis de champagne dcante sur la seconde bougie
Allume il y a cent ans un soir damour
Et les lvres du dernier amoureux
Incantent un dernier nom
Un son coule dans nos gorges
Comme le rubis de champagne
Qui divise la nuit
Zbrures rouge sang clairs de veines vertes
Halo bleu lait du ciel
Le fou rebondissant finit maintenant
Comme un rubis de champagne
En sallongeant avec une boucle blonde
Sur le parquet qui grince
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Je veux tre, avec toi, soie dchire
tauromachie sans public
plus sacre que les rves mmes
peau nuclaire de sueur toile
je veux gratter mon frein en manque
contre tes ongles acrs
et passer en contrebande
une cascade de salive dans ta chatte du Sud
je veux baiser en m'inspirant de nos ombres
je veux me sentir rincarn
je te veux
je veux que ce jeu soit sans fin
je veux que la nuit jouisse par lcho rpt de nos plaisirs et de nos spasmes
dans un clair qui gronde quil a faim
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Elle baigne nue dans la nuit
Les yeux ouverts
Sous mon corps
Glisse ses doigts entre les miens
Presse mes mainsEncore et encore
Baise mes lvres
Mord
Griffe
Laboure ma peau et soupire
Avec moi esclave du dsir
Plus grand et plus fort
Un amour fbrile boit nos sueurs mles
Un amour un rve une chose cre
Semble-t-il pour nous dfaire
Et nous replonger ensemble dans la mer
Unique et mouvant corps
Thtre o prend fin toute mise mort
Elle et moi baignons nus dans la nuit
Emus nous reposons pour quelques heures de la vie
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Sans rien voir venir, sur ton paule
Jai dpos les armes
***
Je ne tobligerai jamais rien parce que je taime
Et quici rien ne pse
Lamour comme un levier a press toutes mes haines contre mon cur
- Maintenant elles ont ouvert en grand ses portes
Et il souffle sur tous les souffles qui menglobent
***
Quand je ne croyais plus en rien
Jai senti un fleuve en crue dborder
De partout dans ma tte
Tes yeux mont rallum et ta voix
Mapprend tous les secrets que je cherchais sur cette terreSans le savoir
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Elle a un parfum quaucune autre na, mais que je narrive pas retenir. A chaque fois jai
limpression de le sentir pour la premire fois. Il me va droit au cur, il me le fait battre larrt - il me parfume le cur -. Cest le meilleur parfum de la terre et du ciel. Il ne peut pas
tre captur parce quil court sur tous ses gestes et sendort dans ses cheveux. Quand je passe
prs delle sans faire exprs elle embaume lair, et a enrichit toute la vie dun pauvre salon
ou dun pauvre couloir. Alors il ne faut pas ouvrir les fentres et esprer que a dure un peu.
Lamour dont je parle nest pas juste un nom invent. Cest un nom qui existe et qui se cre
en secret. Quand je lui ai tenu la main, une nuit bnite, je lui ai donn tout mon tre, et elle a
su. Je tremblais comme une feuille. Toute mon angoisse sest verse dans sa paume, dans ses
doigts. Et au comble de cette angoisse, il y avait un sentiment bien plus ancien et bien plus
fort qui a clt, grce ce partage total de ce que je suis. Et ce sentiment tait plus neuf
quun nouveau-n. Il remplissait si parfaitement le nom de lamour. Cest au dernier sous-sol
que lhomme se dlivre jamais.
Mais le matin est venu et sa place tait vide.
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Sa
Sa joie de vivre me manque
Je me fous de leur don potique
Je suis frapp par un angle de lumire dans ma chambre
Si je pouvais lembrasser
Avec tout mon amour
La vie la musique de sa peau naissent
Et steignent quand se ferment
Mes doigts sur eux-mmes
Toi qui cherche des vers splendides ici
Et qui repart du
Parce que tu ne peux baiser ma bouche
Buvant son silence
Tu ne me connais plus
Jai chang
La mort dune toile prolonge son souffle en moi
Je ne suis pas venu sur Terre en paix
Mes yeux pris chaque instant le disent
Sans voquer la colre ni la haine
Cest de la passion ardente qui natteint plus sa cible
Ma main pleine dencre se fout deux
De leurs dons de leurs avoirs pleins
Dorgueils obscurs
Mes ratures se mlangent avec mes jeux dhomme
Immature
Jai, devant moi, une seule cicatrice creuse en haut de mon front
Par la langue dun vent pur
Je me fous de leurs chansons
De leurs pomes de leurs pitaphes
Mes oreilles tonnent du sang
Qui menvahit
Quand je pense elle
Dans le noir
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Ma tte cogne contre des briques
Pendant que le singe au sang de silence
Bout dans sa cage
Pour si peu
Pour la peur et pour la honte
A cause des regards
Que lui renvoie le miroir
Encore et encore
Et qui le nourrissent
Jai piti de lui
Quand je me rveille en sueur dans la nuit
Si javais un dieu prier je le prierai
Mes lvres remuent toutes seules
Dans une salle de muse vide
Je ne veux pas perdre le contrle
Je ne veux pas
Mes lvres rptent le pome
Appris par cur Donne-moi tes mains
Pour linquitude
Mes lvres laissent parfois sortir des vers
Un court pome le sang qui coure dans mes veines
Donne-moi tes mains
Pour que je sois sauv
Un mdicament en labsence de drogue
Pour ne pas perdre le contrle
Je rpte le pas de la cadence du matre
Ma bouche refuse le repos de labandon
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Mon silence est encombrant - mon silence, c'est toutes mes chanes. Je crains, en
permanence, que tu ne te lasses de visiter ce forat dont les paroles portent l'accent d'une
condamnation sans appel - de quoi ? De la vie, du frottement maladroit entre les tres, de la
misre de nos communications humaines - de l'enveloppe physique et spirituelle qui nous
dborde - un dessin d'enfant aux contours tranchants, avec son inaptitude singulire face
l'art du relief, de la profondeur, des proportions.
Et pourtant, je n'abandonne pas la partie. Je dessine.
Je suis un enfant sauvage - toutes formes arrtes, tout ordre, me blesse. Que ton regard
revienne sur mes plaies, et doucement se pose sur elles, comme un baume, voil, ceci est mon
dsir, ceci est la seule loi qui me guide.
Ton regard a fui - mais voil qu'il revient, et qu'il tente de s'attacher moi - toute la pauvre
gloire misrable du monde, cette gloire qui s'amasse aux portes de notre perception, est
risible ct de a.
J'cris et - tu vois - comme j'agite mes chanes.
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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J'ai la voix coupe, mes mots sont secs, je voudrais crire un chant d'amour
1
C'est quoi ton parfum
Le parfum de ta peau
Une sorte de printemps vierge
De printemps unique rien qu' toi
Qui coupe l'herbe sous les pieds de la mort
Une fleur frache qui tembaume Je t'aime
Et je suis fou
Dun amour monstre
Fou de ne pas savoir oublier
Dans la veille comme dans le rve
Ton enchantement
Le secret que tes yeux et tes lvres murmurent trop bas
Celui que tous raturent ds quils sont trop proches
Je suis moi rien d'autre ne compte
Je suis moi sans savoir qui je suis
Je suis moi personne ne peut me saisir
Mme pas moi
Surtout pas toi
2
la vitre se spare d'un visage
superflu
les lacs lunaires
l'ont projet
de l'autre ct
du monde
et maintenant elle
elle se penche et m'embrasse
3
mes poils se lvent
est-ce que tu les vois
oui tu les vois comment en douter
leur leve est ton oeuvre disent-ilsmoi je m'en fous de toi
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
30/55
car ce qui importe c'est la leve
le frisson vrai
le travail de la peau
un ge o meurt ce que tu aimes
et o se relve
l'esprit libre
4
rat de cinq millimtres
l'orgueil de mes lvres
punis-moi
punis-moi un jour
pour un baiser de toi
tout est lutte
prdation
et je refuse le salut du ciel
et je bois tes yeux
c'est l'ocan
l'ocan cristallin qui parle ma place
mes mots je te les donne donc
qu'ils viennent fendre l'image du paradis
qu'ils viennent te couronner
pour la terre le monde l'univers humaindans lequel je suis circonscris
pour la seule vie que je connaisse
gouverne-moi
5
Puisses-tu me prter nouveau la force
La mme force qui mavait relev dans langoisseL o je sombre petits feux nouveau
Et chasser nouveau la nuit qui retombe
Sur le pays solitaire de mon cur
Tes couleurs ton parfum ta joie
Je nai pas besoin dautre chose
Puisses-tu gayer ce sang qui samenuise
Avant que je ne tombe de mon corps
Comme un fruit sec
Qui scrase au pied de larbre
Dans le jardin dautomne
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
31/55
LAmour-Monstre opre dans la nuit des hommes
A grands coups de marteaux
En secret
Voil
Pour la posie
Moderne
Ses violentes parades soffrent
Perdues sans cesse
A nos yeux blesss
Fatigus par la fuite constante de la lumire
Et o reposer
Ce regard - plainte amre
Si ce n'est
Sur les ruines
Du royaume de l'espoir
Sachez que vous n'aurez
Rien plus
Rien
De lisible en moi
Ailleurs que sur
Les traits de mon visage
En certains momentsQui sont
Comme
Des glissements de terrain
Maldiction tentatrice
Vaudou automatique
Je parais sec
Quand vous
Partez en sanglots
Lents et monotones
Sur fond de musique ou de tiroir
Mon bruit personnel c'est la mitraillette
Qui fait se coucher
Une une
Dans le lit de l'Amour-Monstre prpar
Par mes soins minutieux
Vos ides
EtVos chants
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
32/55
Je te reverrai un jour
Et tout sera nouveau simple
Passager
Je suis un passagerQui regarde travers sa fentre
Et voit chaque geste qui blesse
Chaque parole qui obstrue ltre
Je suis un tranger
De partout chass
Par sa propre faiblesse
Qui peut mieux me connatre
Que toi
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
33/55
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
34/55
du mal parler
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
35/55
1
Lui
A la base
Dpeupl
Epaules rentres
Infiniment las
Mandant Dieu
Brute paisse de la chaleur des nuits sans lune
2
Sur l'une des crtes du silence
EtouffColl d'algues aux noms idiots
Agenouill toute fiert tue ses pieds
Il mche et il mche remche
Les mots oublis
Comme si quelqu'un
Parmi la peur de mourir
Allait se rconcilier avec son enfance
Briser les lois qui retiennent son corps
Comme si quelqu'un allait entendreL'Impossible nom
Enfin
3
tu as quoi rpondre
hein
dis moi
quoi rpondre assez fort pour que j'entende
langue de bois de souffrances de cocons vitrifis
vitrifis cristaux du soleil qui descend pour craser nos sales gueules
jamais me taire moi
illusions jusqu'au bout jusqu'aux astres jusqu'aux bras d'eau dune fille
laisser couler les sentiments
laisser couler plonger tout ce qui est unique
la petite chose ridicule qui vibre parce que moi l
ici et maintenant avec une bouche
du mal parler
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
36/55
4
Sons scis stridents
Lourdes basses rythme
Rsonnant dans le vent tellurique
Partout la voiture partout un pur dsir
Moteur-mot-tumeur
Sur lautoroute avec lui
A la poursuite dune ombre
Cachs par la nuit - double
Les traits dsunis brillant le macadam dvorant
La machine du corps
Bien trs bien tout sonique et parfait tat optimal
Dans la vitesse les mots gris brillant
GiflantEt dvorant
Dvorant
Lesprit du Doute
5
dj loin les premires larmes
les premires merdes les premires blessuresle sang sch dans un plaisir trouble
les premires chaleurs les premiers pas
perdus dans la jungle poisseuse du dsir
le sperme au bout des doigts
la longue trane brlante sur la peau du ventre
o un second cur bat
loin dj toutes les humeurs
jusqu' la premire gorge de fiel bue au verre d'un ami mort
qui cure et plonge comme on se noie
dans le fleuve noir
il doit y avoir des perles au fond
sinon quelle serait la raison
si loin la premire perle
si peu claire si minuscule
emporte par un tourbillon trop violent
trop brusques sont les premiers gestes les premires approches
trop peu sres se brisant comme rien
comme la premire dent les premiers jeux de l'amour
peu importe l'ge tout ge de la vie goter le premier espoir
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
37/55
et le trouver amer
et dj si loin pourtant le premier crachat
une ternit de bave humaine une ternit
porte de voix
mais le son coup par l'eau
si loin
si loin dj le premier cri
6
le systme essaye de nous craser pour lui chapper il faut frapper l o a fait mal personne
nest responsable tout le monde est un agent les mise en demeure de sexpliquer fleurissent
dans la bouche des enfants petits patrons un matre dans ta tte tordonne de pendre tes rves
tu le crains beaucoup tu as peur quil te lance sa craie blanche la gueule mais tu ne sais pas
pourquoi tu as cette peur qui te grignote peu peu lintrieur et assche tes penses je ne parle
pas de leau des fontaines je parle dune eau sale vivifiante une eau au sein de laquelle
repose la perle de la virginit garde par de vulves matrones aux cheveux dalgues au regard
ptrifiant timagines-tu rester des sicles et des sicles statufi dans leau pour la perle dis-tu
et tu te souviens soudain que ctait le titre dune dicte perle et tu nas jamais compris non
plus les dictes a ou la pure la cantine cest du pareil au mme machines pnibles lentes
se huiler il y a quelque chose qui coince en toi qui te fait grincer la pense depuis tout petit
personne nest responsable tout le monde est un agent les mise en demeure de sexpliquer
fleurissent dans la bouche des enfants
7
De la haine froide battante
Contre l'averse de plaisirs de promesses
Du soleil cuit retourn sur le dos des esclaves
L'alchimie de la rvolte
Opre dans lil du pote hagardPar del les images
Leur cration le verbe
Conjugue nous
Pour les sicles et les sicles
Drive de nous en nous
Passant parle en silence dans ma bouche
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
38/55
8
Non je ne dors pas encore
J'ai trop de vie qui coule dans mes veines
Je suis plus veill que jamais
C'est le cur de la nuit et mon cur cogne fort
Essaye un peu de me comprendre pour une fois
Je ne te parle pas de lui de lui ou d'elle
Mais de moi comme je me dois d'exister
Sans me trahir
Sans trahir cette source si petite et si vive
Que c'en est miraculeux
En moi pour toute la vie toujours risquant
De trop gonfler sans prvenir de dborder
Je ne te parle pas par mtaphore je suis sincreIl y a cette source en moi qui me traverse
Qui demande tre entendue et que je ne tairai pas
Elle a travers tant d'homme dj
Elle en traversera tant d'autres
Mais ce n'est pas la mme source c'est ma source
Et tu voudrais que je la taise tu voudrais qu'elle se tarisse
Ca jamais plutt crever
Parfaitement
Claquer comme la lumire claque d'avoir trop brillCa viendra bien aprs ne t'inquite pas j'ai le temps de ma jeunesse
Fertile ma source fait pousser des jeux dans le silence
Attrape-moi si tu peux j'allge nos discours
Que notre course s'lve toujours plus
Tu ne veux pas me comprendre un peu
Je suis cach et cach pour qu'on me retrouve
Je suis cach juste derrire mon double
Dans ses trajets quotidiens
Tout je dois tout dire je dois ouvrir ma source
Et tu crois que je suis seul avoir la clef
Ma source a deux serrures j'aimerais que tu le sentes je bous
Dans ces moments-l rempli de cette rvolte de cette attirance effrne pour le magntisme
sacr
J'aimerais pouvoir tout partager avec elle
Ma source a besoin d'un ocan pas d'un cur solitaire
Qu'elle reoive mes paroles
Et mes gestes d'amour
Et tout mon corps j'ai trop de vie qui coule dans mes veines
Nous nous tirerons jusqu' remplir toute la pice toute la ville toute la terreUn ocan je te dis vois-le tu le vois
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Je ne suis plus un enfant
Mais je ne deviendrai pas un de ces hommes
Dont la petite source s'est tarie faute d'enfance
Qu'elle vienne je sais que nous existons
J'ai trop de vie qui coule dans mes veines
Je ne m'asscherai pas je l'attends
Peux-tu comprendre le combat qui se livre en moi
La guerre sainte ou quel qu'en soit le nom
Mes cernes et mon inconsquence
N'ont aucune importance
Je suis plus veill que jamais
C'est le cur de la nuit et mon cur cogne fort
Tu vois un peu ce que je suis : ne l'oublie pas.
9
C'est enfin rduit si peu
que je commence - me changer
- pas de masque
mais l'orbite creusant
un jour plus ple
plus intenseau seuil d'aucun souvenir
plus dbarrass - plus
abandonn - mais
dlivr peut-tre -
s'il faut un mot ici
si un mot s'adapte
comme une cl
dans la serrure de ma nouvelle cellule
je n'ai pas - rid - vraimentpas - creus - un peu - pas
tant que a encore et pourtant
voil - je me - mets changer
d'un coup - moi -
commencer, enfin, tant
seul - c'est sr - pas de
surprises, non. Riant moins
fort qu'avant - moins que juste
moins souvent - mais franchement
a oui, plus aucune gne - et mes
larmes plus besoin de les prostituer
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mme sur un trottoir ami - ou alors
une fois, de temps en temps, rarement, pour crier,
rarement. Mais - plus doucement -
mais - plus franchement - toucher l'autre
dlivr peut-tre, presque
sur le chemin pour rentrer et
tre ailleurs que chez moi - partout
dehors - gotant un pouce de nuit
tremp dans une bouche de terre obscure -
changeant je le sens comme
change le bruit de la fin
qui n'en finit pas de finir - de
se taire je veux dire. Oui j'ai plong
mon corps et ma tte dans l'eau de la fontaine
Saint Michel une minute en paix - tout l'heure -
les voix en bouillies le ciel les yeux lavs
pour me sentir vivre - que je
commence - me changer - un
peu pour voir sans quoi autant
laisser sa faim patre, rouler, oui, s'enfoncer
dans la tideur infernale de son trou dabsence
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(9 Paraboles)
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Paysage
Dans une rue de la grande ville (une avenue, un boulevard) une femme l'tage crie aprs unhomme ivre sur le trottoir. L'homme, sonn, n'a plus de mots pour lui rpondre. Il tente de
reprendre ses esprits en fixant un point non dfini de lespace. Ce point tangue, le regard de
l'homme tangue, tout tangue beaucoup trop. Les paris sont ouverts : vomira-t-il ? Les plus
sages ferment les yeux, et passent leur chemin. De toute faon il n'y a plus beaucoup de
monde marchant par ici cette heure avance de la nuit. "Ivrogne, salop, petite merde !
Relve-toi !" La femme crie. Coll contre une autre fentre, un autre tage, un couple baise
dans le noir. L'homme crie. La bote crnienne de l'ivrogne crie aussi. La femme accroche au
cou de l'homme halte. Elle lui murmure l'oreille : "J'arrive voir l'enfant que tu tais". Au
fond de la mmoire de l'homme, l'enfant crie de joie. Dans la chambre d' ct, un adolescent
se rend compte qu'il a peur de mourir. Il se demande : "est-ce que a passera ?" Des voix,
voyageant en dehors de l'espace et du temps, essayent de le sortir de son isolement. Mais il ne
les entend pas. Pas vraiment. Ces voix sont des sons touffs, grinant, vibrant, bourdonnant,
tonnant : des airs de musique, des formes dessines, des pomes de facture brute.
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Machine au cur
Le plus grand inventeur de tous les temps a invent une machine canaliser lnergie de tous
les hommes. Son fonctionnement est trs simple : il suffit quun homme sen approche assez
prs (vingt, peut-tre trente mtres), et sans que rien nindique quun quelconque courant
dmotion soit pass entre eux, lhomme ressent le besoin irrvocable de porter la machine sur
ses paules bien que ses paules, elles, ne lui aient rien demand. Ca le dmange comme
une puce. Il veut la porter. Rien faire : la prendre dans ses mains, de toute son me. La
machine se rencontre parfois cache derrire un immeuble, sur un terrain vague, parfois en
plein centre ville devant une enseigne lumineuse. Lhomme devine dabord la machine, avant
que de pouvoir lembrasser du regard, des pieds la tte ; car la machine sait tre feutre,
discrte pire quun agent secret. A quoi ressemble-t-elle, exactement ? Un peu de ci, un peu
de a, vous et moi, avec des matires inconnues de nos sciences, avec de lextraterrestre aux
entournures. Elle met des radiations palpitantes qui vous happent et sapent toute volont.
Nous nous attirons pire que lamour. Personne noublie jamais le lieu de sa rencontre il est
toujours prsent, l, dans le coin le plus flexible du crne. On repart en ayant pay de sa
monnaie humaine, on est encore un homme, mais un homme diffrent. Ca remonte loin, ces
radiations, plus loin que la mort ou que la naissance, plus loin que larrt de bus du lyce
ou que la porte du club de posie. On ne peut se renseigner son sujet, on ne trouvera aucune
information, ni dans les livres, ni dans les paroles des amis. On est dsempar et stupfi par
sa puissance. Seul et sans cls. Nous sommes les sujets de la machine, et non le contraire. Et
nous nous replongeons dans la puissance de son souvenir lorsque, certains jours maudits, le
vide tente dtouffer le thtre dombres et de lumires de notre vie.
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A scanner darkly
Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manire obscure, les formes de nos
vies. L'clat des yeux de la jeune fille s'teint pniblement dans le dsir de l'amateur qui
semble infini. Oui, nous nous renvoyons les expressions de notre puissance, parfois c'est la
guerre, parfois cest la paix. Ces tats s'appellent sans cesse. Que souhaitons-nous ? La
cessation de ce jeu de reflets d'obsds ? Ou bien l'apparition d'une autre figure, d'une tierce
figure, d'une figure que personne dautre n'aurait appele jusquici ? Il ferait bon voir que
quelqu'un crie Dieu ! ici. Nous nous moquons bien de Dieu. Cette tierce figure est figure
humaine, chacun le sait au fond de soi. Un souffle n de la copulation d'toiles radieuses, une
figure humaine du cosmos, qui se glisse entre deux miroirs.
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Dans mon premier rve, j'embarque avec un professeur de biologie mrite bord d'une
navette deux places propulsion. Nous survolons une fort d'immenses orchides en tchant
de garder le cap, parmi les vols d'oiseaux tranges. O allons-nous ? C'est une bonne
question, laquelle il est impossible de rpondre. Nous ne nous dirigeons vers aucun but
prcis. Nous voulons simplement parvenir la dernire limite de la fort, l o la carte
rejoint peu prs le territoire. Le professeur se tourne vers moi - je ne peux voir son visage,
car il porte un masque de chouette. Je ne saisis rien de ce qu'il veut me dire : il hulule comme
un forcen. Mais je finis par comprendre, aprs m'tre concentr intensment sur le bec du
masque, acr comme la raison, qu'il tente de convier la lune nous guider mieux que ne le
fait ce ciel gris et jaune qui nous enferme. Et la lune se lve ! C'est une lune d'un rose
insoutenable, ce qui me donne le sentiment soudain que tout ceci -le vol, la fort, le masque
de chouette- fait partie d'une comdie grotesque dont je suis l'un des acteurs, malgr moi.
Aprs tout, rien ne me surprend plus que l'absurde, ainsi le rve continue. Nous nous
enfonons dsormais dans la nuit tropicale d'une Terre change en immense jungle - l'air est
si lourd qu'il craque, des clairs silencieux font un peu de publicit pour les esprits
lmentaires l-haut - rien que nous n'ayons l'habitude de voir et de craindre. C'est d'ailleurs
la seule chose que nous craignons, ces clairs. Comme pour confirmer la ncessit de cette
crainte, l'un d'entre eux frappe notre navette de plein fouet, et nous tombons pic vers les
cimes des orchides alentour. Avant l'impact, je ferme les yeux. J'ai cru voir une clairire un
instant - tait-ce une fille qui se tenait l, en son centre, en train de raccommoder un cur de
papier ? Cela fait du bien, cela soulage un instant. Quand mes yeux se ferment 100%, toute
ma douleur a disparu, remplace par l'empreinte d'un baiser sur ma bouche. D'un baiser sur
ma bouche. D'un baiser sur ma bouche, me rpte le professeur, qui ne hulule plus, mais
s'exprime maintenant dans un parfait franais magntique, comme un pote sur le point denatre. Sur ma bouche. Ma bou-che... Comme un... Baiser... Donn enfin... sur ma bouche.
Lorsque je me rveille, je peux observer le reflet de la fille invisible encore une minute entire
sur l'cran noir de ma tl. Elle tresse un coeur en papier avec des fils qui sortent tout droit
de ses yeux - de plus en plus minces, blancs et ors, et bleus, les yeux - comme des larmes qui
coulent sans interruption, et sans bruit, ou bien comme la joie sourde qui abonde, cette joie
sacre qui est sans patrie, sans parti, sans victime, sans bourreau.
Quand mme ce reflet s'efface, quelque chose de bien trop tranger s'effrite en moi, brle et
part en fume -des restes, je respire mal - c'est le ventre sans doute qui ne digre pas le
papier : tout vient toujours du ventre.
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Jaune
Ca devait bien arriver un jour. J'ai l'impression qu'un jaune d'oeuf crev s'coule par la poche
de mon oeil gauche. Par un minuscule point de peau. Quand je sortirai dans la rue, l'air froid
figera l'coulement, sans doute. Le point se rsorbera ?
Parfois c'est une accumulation de sperme qui gonfle sous mes yeux, comme du pus. Je vois le
geste de percer le monticule, c'est un geste qui me soulage, je vois le petit canal pais. Un
type qui rentre chez lui m'arrte et me dit Voici, voici donc la nature de tes pleurs. Je ne me
rappelle plus trop s'il tait bon, s'il disparat ensuite ou s'il me suit sans se montrer. Il me
semble le connatre.
Et que dire de cette femme prte lcher les traces que je laisse ? Une folle, une moins que
rien, ma soeur. C'est pour rien que la lumire se brise et se divise entre les tres, les animaux,
les plantes, les pantalons, les pantalons surtout. Comme si la nuit finissait toujours par
vaincre ? Un homme c'est un fil d'pingle ou un fil de fer, un homme a se tord, ce n'est pas
trs solide. Quelques aphorismes pars comme des poux. Une nudit intransigeante, c'est son
seul bagage. Vois, voil, ce sont donc a tes seules paroles ?
La fatigue est ronde comme un oeuf elle a cass son couvercle la bave et le jaune le jaune et la
bave sont dans la pense, voil pour passeport le tour de mes ides : j'apprends, crivant ce
texte, que l'angoisse peut se peindre en jaune.
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La foudre sabbatique
La foudre sabbatique s'est abattue sur le grenier de la maison de mes voisins.
Et jamais sur le mien.
Demain, c'est loin, sans doute, pour certains; mais pour d'autres, demain n'existe mme pas.
Pour eux le baume et la peste, venus des chants du double empire.
Pour eux le vent, qui chasse la poussire sur l'paule du saint en prire
Et le soleil dans les cheveux du simple.
Demain sans toi, encore un jour. Une nuit d'attente et de promesses
- Comment mon cur pourrait-il tre en repos ?
Et l'autre, ct de moi,
Pourquoi est-il si paisible ?
La dtente de la foudre semble griller
Une tte voisine, qui me regarde d'un il dsesprment froid, sur le pas de sa porte.
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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La suite des vnements
Que me disent tous ces commerces sur la lgende du feu ? Encore, s'ils brlaient, obtiendrait-
on un dbut de rponse.
Et la plomberie, en regard de la vie de l'eau ? Je veux recevoir la pluie sur mon visage. J'ai
l'me archaque passagre, mais enfin, je l'ai quand mme.
Et propos de possession, le cannibalisme de l'amour. O en est-on ? Personne me mettre
sous la dent ? C'est vrai, j'aime aussi les promenades fivreuses sur les quais de Seine, et les
cafs parisiens - tant que la petite monnaie bourre ma poche, que le billet froiss ressort de la
machine.
Distribuer ainsi les fruits de la terre ! Tout bien compt, le feu et l'eau ne nous attendent pas
pour danser ensemble. Il y a toujours moyen de se rassurer.
Entre un incendie et une averse - tempte dans un verre d'eau et feu de Bengale. Mille
manires de se brler et de se noyer. Une certaine part de libert, un certain libre-arbitre, que
nos mains aveugles s'chinent conserver, malgr la rigueur de l'hiver et la rigueur de l't - il
fera encore plus chaud, et plus froid, aprs.
La suite des vnements ne me contredira pas, ou peine.
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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En prison
Ici cest comme une prison. Il y a tes cellules qui bougent avec toi. Promenades sous le soleil,
dans le parc. Horaires du djeuner. Horaires du dner. Les images fabriques par une
intelligence prte tout pour se prserver. Les forfanteries jamais graves dans la roche,
pour une rue trop silencieuse, trop commune. Tu te retournes ; les amis agitent leurs bras sans
allonge. Embarquement prochain destination dune autre terre de rves, ce sont les mmes
rves, dforms. Un peu de confort sur le passage des animaux fabuleux qui peuplent la fort
de lentre-deux. Entrechats magntiques comme la Justice. Lpe sabat et explosent mille
ptales de tabac. Les humbles tes cts ramassent les dbris, et vous fumez ensemble, en
attendant lnonc du prochain verdict. Ceux qui ne partiront pas te saluent dj. Ils savent
que, o que tu ailles, tu contempleras son visage. Dans la nuit ou en plein jour, son visage. Il
faut cette a moins cette violence l pour passer et vivre. Au fond du puits, leau raisonne. Nat
nouveau son image. Tu te penches pour lembrasser et le reflet ne se ride mme pas. Les
bats des autres prisonniers parviennent avec peine tes oreilles. Ce que tu ressens cest le
fin mot de lhistoire la seule faim cellulaire entre les heures et les gros nuages
assemblages de mots pour gurir ou bien nourrir tes maux peaux, peaux, tant de peaux
corches jusqu la chair
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Lautre pays
Les miroirs que tu franchis sont ceux que tu brises et tu pntres alors le seuil dun nouveau
paysage, lune des nombreuses formes dun mme territoire, de ton territoire.
Lautre pays est un dsert o les mirages tabreuvent, tempoisonnent aussi parfois. Sil existe
des antidotes ces poisons-l, issus dautres mirages, il ne semble malheureusement pas
exister dantidote au dsert lui-mme. Il est n avec toi, et prendra fin quand prendront fin tes
pas, quand tu te seras couch au creux dune dune sans plus chercher chasser le sable qui te
recouvre, sans plus te dbattre lintrieur de ton sarcophage de sable, quand tu ne te
rveilleras plus, quand tu ne te lveras plus dun bond pour saluer lair qui gonfle les poumons
et la fivre qui te dsintgre.
Ne deviens pas sourd au chant des nomades dici : cest vers eux que tu marchais encore hier,
petit homme, camoufl derrire les voiles de ton esprit, pouss par les chos que murmure ton
cur en jachre.
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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Le premier jet potique
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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La premire illumination je la reus comme une rupture d'anonymat. La posie ? Je rpondais
Je viens d'un vagin, tiens, et cette ide vaine me sert tors ou raison de refuge.
Quand je me branle je ne deviens pas sourd : j'entends des sons que le Bouddha aurait pu
mditer sous un arbre : des oiseaux.
La mer par exemple, o se mlent parmi le sel et les vagues l'exil et la mort.
Mon chat dans la gorge, ce chat dans la gorge quand j'voque la mer, m'chappe malgr moi ;
c'est un exutoire, un antre secret. Et se mlant cette dpense dnergie il y a le vide en
germe, qui nourrit la naissance d'astres futurs.
La Fatigue n'est qu'un mot : la chute libre d'un mot bizarre, inutile, mais l quand mme.
Certains parleront de fantmes : Je parlerai moi d'une jeunesse jadis bcle, et chiante, qui me
prdisposa jeter toutes mes ides au vent.
Nous les asexus, entre deux cots, les idoles roules entre deux feuilles, un soir de passage
sur la R66, sommes des tres instables : seulement aptes s'vader, seuls, en marmonnant
"universel".
Elle m'avait parl : d'insomnie. Je la comprenais; musique, ou corps vibrant. Grain de beaut
pos sur un millimtre carr de peau, instant blues. Je suis, nous sommes, la poursuite de la
poussire : sans cesse en perte d'quilibre - des fils lumineux se dnouant.
Les souvenirs, pourtant, m'ancrent : je tombe dans un gouffre o chaque roche affleurant
m'accroche comme une batitude.
Ma parole est un bagage enregistr par Dieu: quand vous l'ouvrez, vous ne faites aucune
'dcouverte' : mon intuition n'est que l'un des nombreux sentiments du monde.
7/30/2019 Du Mal a Parler _recueil
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