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Du même auteur - exultet.net · 2. À la recherche de l’homme intégral : paradoxe de la vocation humaine et tentation individualiste Notre conviction de départ est la suivante

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Dumêmeauteur:Suivresaconscience,PréfacedeMgrAndréLéonard,Ed.del’Emmanuel,

2005,253.Épuisé.Laparole,dondeVie.LecturespirituelledelaBibleàl’écoledelalectio

divina, Préface de Bernard Ducruet, EDB, 2006, 271. Traduit en polonais(Espe,2008).L’épreuvespirituelle.Unchemindecroissance,PTSI-33,EDB,2006,91.

Épuisé.Disponibleenlivrenumérique.Traduitentchèque(Paulinky,2007).Convertis-toi !Uncheminde liberté,PTS I-37,EDB,2007,103.Traduit

enpolonais(Mic,2008).Liberté et substitution. Thèse de doctorat, 2 tomes, Institut Regina

Apostolorum,IFPress(Rome),2007,850.LibresenChrist.Lalibertéchrétienneselonl’anthropologiedeHansUrs

vonBalthasar,PréfacedeJacquesServais,coll.Theologia,EDB,2008,360.Laconfiancefaitdesmiracles,selonThérèsedeLisieux,3eédition,PTSI-

42, EDB, 2009, 115. Traduit en polonais (Salwator, 2011) et en portugais(AveMaria,2012).Mieux vivre ensembledansunmonde en crise.Précis d’éthique sociale,

PréfacedeMgrRobertLeGall,EDB,2009,250.Renaître à la vraie liberté avec le cardinal Pierre de Bérulle, Ed. du

Carmel,2012,120.

EANEpub:978-2-840-24865-1ÉditionsdesBéatitudes

SociétédesŒuvresCommunautaires,octobre2014Conceptiondelacouverture:mc-design–martincasteresIllustrationdecouverture:©LiberDivinorumOperum,

HildegardedeBingen,13esiècle.

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2.Àlarecherchedel’hommeintégral:paradoxedelavocationhumaineettentationindividualisteNotreconvictiondedépart est la suivante : l’êtrehumainest

fondamentalementparadoxal.Ilestlibreetpourtantdonnéàlui-même.Sa liberté est undon.L’hommene s’est pasdonné lui-mêmelavie.Ilestaussimarquéparlafinitudedepartenpart– ce que le squelette de la cinquantaine rappelle chaquematin.Pourtant et en même temps, l’être humain est soucieux del’infini, non pas nécessairement de son portefeuille, mais dusensde son existence, en tous les cas certainementdudevenirultimedesoncorpsetdespersonnesaimées.Queserademain?L’hommeveut « toujoursplus», « il se sent illimitédans sesdésirs » (GS 10). Cette aspiration est captée par laconsommation environnante et les annonceurs qui gavent lequotidien de biens matériels de seconde utilité. Or, cetteaspirationestappeléeàtrouversonlieuderéalisationvéritable,non pas dans des objets futiles, mais dans une dynamiquepersonnalisantequiouvrel’hommesurl’infini,toutenl’aidantàbienresterlespiedssurterre.Cettedynamiqueestaussicapablede créer autour de soi une vie sociale harmonieuse, lacommunion. L’homme se trouve lui-même en s’ouvrant auxautres. Mieux encore, en se donnant à eux. Dieu en estcertainement l’horizon proche et l’Église l’espacecommunautaireleplusfavorable:l’homme,«crééàl’imagedeDieu»,estenlui-mêmefaitpourgénérerdesrelationsd’amour.Attentionàtoutréflexeinsulaire:l’hommen’estpasuneîle,

cequel’atomisationdescomportements–avecInternetdanslapoche – peut laisser induire. Prenons en esprit le bateau pournous relier au continent de la vie sociale. La personnalité dechacunsedéploiedansl’affirmationdedroitsetdedevoirsquitrouvent leur sens dans un espace croissant de relations de

qualité. C’est la vie de la cité. Si nous avons des droits –pensonsenpremierlieuaudroitàlalibertédeconscienceetàla libertéd’expression–, c’estparcequenousavonsaussidesdevoirs, ceux de considérer les autres comme profondémentégaux en dignité face à la vie, qu’ils soient nos voisins dechambreousansdomicilefixe.Celanousengageàunepremièreconclusion : il faut d’abord accepter le droit fondamental dechacunàexister,carendéfinitive«unégaleun»:chaqueêtrehumain est unique. Les riches ne valent pas plus que lespauvres!Nous avons besoin aussi les uns des autres pour nous

construire, en nous enrichissant de ce que chacun apporte despécifique, ceci afin de bâtir ensemble une maison commune.L’égalitésouhaitéen’estpasiciindifférenciée.Ellenes’obtientpasensecomparant,maisens’accueillantdifférent.Eneffet,lacomparaisondébouchesouventsurleconstatdel’inégalitéetlaluttecontrelesdifférences,avecenlignedemireleurnégation,voire l’instauration d’un processus d’égalisation quiuniformise16. Par contre, un simple regard bienveillant peutsauverunevie,commeentémoignel’histoiredecethommequis’estsuicidéfauted’avoirrencontréunsourireentresonbureauet la Seine, fait pas si divers que cela17 !Un être de relationnouscolle tantà lapeauquenotrecapacitéd’aimeretd’êtreaimécherchesanscesselelieuoùsereposerenpaix.Cequiestvrai à l’horizontale des relations sociales l’est tout autant à laverticaledusensultimedelavie.Chacunnecherche-t-ilpasunpetitcoindeparadis?Ladimension relationnelledenotrecœurprofondestcomme

portée par ce que l’on pourrait appeler une vocation, ce qued’autrescomprennentcommel’existenced’unsensultimedelavie, en tous les cas d’un désir très profond de sens que les

religieux appellent le « désir de voir Dieu ». Certainsphilosophes indiquent que la transcendance de notre êtres’ouvreàl’au-delàdufini,cherchel’infiniqu’iln’arrivepasàtrouver dans la finitude, ni dans la singularité des biensmatériels, ni même dans la relation aux personnes. En fait,l’infinihabitel’horizondenotrecœur.Créésàl’imagedeDieu,nous sommes faits pour vivre ouverts à l’illimité, bien sûr enayantlespiedsenracinésdansleréeld’ici-bas,maislatêteetlecœurauciel!Ledéveloppementpersonnel,ditintégral,engageune certaine vision de l’homme.Aumarché des techniques dedéveloppementpersonnelprésidentenfaitdesrivalitéssurfonddeflouanthropologique.Lalisièreentreledéveloppementdelapersonneetsaguérisonn’estpastoujoursclaire18.

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ouvert à la communion. L’avantage de cette perspective est le respectinconditionnel du sujet individuel : il rend possible l’individuation. Ledésavantageestlerisquedel’isolementsocial:ilgénèrel’individualisme.Il fautattendre levingtièmesiècleenOccidentpourquelacommunion

participe à la genèse du moi. Scheler (émotion), Buber (Je/tu), Mounier(personnalismecommunautaire),Ulrich(Je-tu-nous),Siewerth(conscienced’amour) comprennent la personne comme relation, mais aussi commecroissance individuelle (Nédoncelle parle de « personnification »).Néanmoins, pour ces auteurs, la communion des personnes se construitsansréférencedirecteàDieu,ensoirelationnel.L’enjeu théologiqueduconceptdepersonneest depenser sousquelles

conditions l’homme est par vocation ce queDieu est par nature. L’enjeuphilosophique se demande comment relier l’individualité de la personne,commeconsciencede soi, avec sonaccomplissement communautaireparl’accueil de l’autre et la sortie de soi dans le don. Comment finalementdépasser la définition de Locke, racine la plus profonde del’individualisme occidental, tout en intégrant la nécessité del’individualité ? Nous essaierons dans cet ouvrage de répondre à cettequestion.

Le processus d’individuation est amplifié tout au long duvingtième siècle par la généralisation de l’accès au savoir,puisqu’aujourd’hui,mêmesionpeutdiscuterde laprofondeurdu niveau des connaissances assimilées, près de 80 % d’uneclassed’âgeatteintenFranceleniveaudubaccalauréatet40%le premier cycle universitaire. L’accès au savoir disponible estparallèlement facilité par la diffusion d’internet, ce médiaproposant une somme de connaissances accessibles multipliéepardeuxtouslesdeuxans.Leclivagesocialentrelesindividusest alors de moins en moins légitimé par le niveau deconnaissancessurlequell’autoritéaétélongtempsfondée.Dèslors,larégulationdel’autoritéestplusgénéralementcontestée.Pourqu’ellesoitacceptée,illuifautretrouversonsensinitial:faire grandir les individus pour qu’ils atteignent leur plein

épanouissemententantquepersonnes.La conséquence d’un tel processus d’individuation est

néanmoins l’atomisation des comportements avec lesphénomènesquiluisontconnexes:fragmentationdesfamilles,fragilité du lien intergénérationnel, recherche continue de lasatisfaction des besoins. Un déplacement de quête de senss’opère, moins régulé par le groupe que par l’intégrationindividuelle,cequin’estpassansprovoquerunedéconstructionrapide des valeurs traditionnelles. Ce phénomène cache unequête de reconstruction individuelle de sens, c’est-à-direpassantpar lapersonneetnonparune transmission (imposée)avanttoutculturelle.Le désavantage d’une telle situation est que plus rien ne

semble donné pour acquis, ce qui n’est pas sans générer unagnosticisme diffus : la vérité existe peut-être, mais c’est àchacun de la trouver. La valeur suprême semble être alors latolérance, au risque de devenir idéologique : il n’est pastolérabledenepastouttolérer!Cette évolution présente toutefois un avantage : l’accès aux

valeurs passe par l’individu et ne lui est pas imposé del’extérieur (moralisme).Cemouvementvalorise la personne enengageantsaliberté.Ilestmoinsliéausavoirqu’àl’intégrationindividuelle ; il requiert du temps, beaucoup parfois, ce quidemande sans cesse de la pédagogie et de l’adaptation àchaquepersonnalité.Onretrouvelàaussilesoucidel’Églisedenejamaisséparerlatransmissiondelavéritédel’adhésiondelaliberté26.Une conséquence, mais aussi une cause de cette évolution

sociologique, globalement individualiste, est celle de lacondition des femmes.Derrière la quête d’égalité ou de paritéhomme-femmesur fondde réactionsàdesmodèlespatriarcaux

anciens,sesontdéveloppéestoutaulongduvingtièmesiècledemultiples demandes : liberté d’expression (droit de vote),autonomie financière (égalité des salaires, travail des femmes),égalité sociale, éducation (partage de l’autorité parentale),possession de son corps, refus du harcèlement sexuel. Cesdemandes légitimes ont supposé desmodifications législativesimportantes (droit de la famille, droit commercial, droit de lasanté). Elles supposent aussi une modification descomportements individuels et collectifs, ainsi qu’unetransformationprofondedel’éducationdesgarçonsetdesfilles.Laplacede la femmedans la société et dans l’Église sembleêtre en pleine reconfiguration, ce qui n’est pas sans poser laquestion de l’importance de la reconnaissance des valeursproprement féminines, et comment leur diffusion peut enrichirtoute la vie sociale, voire redéfinir la placedumasculin.Danscesperspectives,maisaussiàl’encontredetoutexcèsféministeetd’unégalitarismeindifférenciédetype«théoriedugenre»,lepapeFrançoisinvitelesthéologiensàapprofondirunethéologiedelafemme.Le processus d’individuation se développe de manière

continue, alorsqu’unphénomènedemondialisation, engermedepuis plusieurs siècles, explose au cours des vingt dernièresannées,cequipeutsembleraussiparadoxal.Letransportaérienfavorise les échanges commerciaux et le tourisme de masse ;l’accélération des flux de l’information, grâce à la téléphonie,aux réseaux sociaux et à internet, développe une consciencemondiale:lesmembresd’unesociétésontdorénavantouvertsàce que vivent et consomment tous les autres. Les réactionsrapides de solidarité à quelques catastrophes récentestémoignent d’une certaine empathie universelle : tsunamiasiatique,crisehaïtienne,crisenucléaireauJapon.Parailleurs,les phénomènes de migration ne sont plus liés seulement aux

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elle-même, peut couper des relations et confiner àl’indépendanceetparricochetàl’isolement.L’autonomie sera aussimatérielle par la capacité à s’assumer

seul financièrement, voire également affective, en acceptant lasolitudesanspeurnicompensation fusionnelle.Pourtant,c’estl’aptitudeàentrerendialogueavecautruiquiauthentifieralasatisfaction de ce besoin, notamment par l’acceptation de ladifférencedespointsdevue.Lacapacitéd’écouteenestlesignepositifjusqu’àprendrepoursoil’affirmationsuivanteutiliséeenpolitique : « Nous sommes d’accord sur notre désaccord,maintenant coopérons », comme le soulignait Michel Rocard,alors premier ministre, à son homologue néo-zélandais DavidLange, après l’attentat perpétré par les services derenseignements français dans la baie d’Auckland contre lebateaudeGreenpeace,leRainbowWarrior(1985).Lesentimentd’autonomie ouvre droit à l’étape décisive de la maturationhumaine,celledel’engagement–critèreutilisépourmarquerlafindel’adolescence(TonyAnatrella)–capacitédeselieràunepersonne, un groupe, un projet, pour mettre en pratique desvaleurs. Ainsi en est-il de l’amour durable dans le mariagelorsquelesépouxsepromettentfidélité.La créativité vient couronner ces deux derniers besoins

supérieurs.Enfait,lacréativitéconfirmedanslapratiquenotreunicité.Noussommesuniquesetceladoitsevoir ! Iln’yenapas deux comme nous, ce que l’exercice de la liberté dévoileparfoiscrûment!Àchacund’inventersonstyle,c’est-à-diresamanièreuniqued’être aumonde : trouver sonartdeparler, deréfléchir, de prendre des initiatives, même de marcher ou des’habiller. Chaque saint a aussi son style ! Un Philippe Néri(toujours blagueur) n’est pas un Ignace de Loyola (toujourssérieux),mêmes’ilsserencontraient(certespaslongtemps)sur

laplaceNavoneàRome.Lacréativités’exprimebiensûrdansdes activités précises, qu’elles soient artistiques, littéraires,sportives,politiques,intellectuellesousimplementparledondesoi. La créativité met en acte ce qui n’était que capacité,puissance.Ellepeut s’ouvrir,comme le souligneMaslow,àunbesoindeplénitude.L’acte(créatif)transformelesujetquileproduit.Ilexprimeun

talentquiasouventprisdutempsàêtreforgé.C’estdoncparlapatience et non pas nécessairement par l’inné que finit pars’exprimerlacréativité,caronnedevientpasécrivaindujouraulendemain, ni finaliste à Roland Garros par pur génie. Lacréativitéseliantautravailestlesignequelaviejaillittoujoursparnotrecoopération,jamaissansnotreêtrelepluspersonnel.Àson apogée, la créativité se dévoile dans l’amour gratuit,critèredelaprésenceduDieucréateur.Certainsparlerontde« besoin d’éternité ». Pour se déployer, la créativité a doncbesoin de temps, d’intériorité, d’amour et d’une liberté biencomprise.

Questions:⇒ Quels sont mes besoins fondamentaux ? Sont-ils biensatisfaits?Selonquelpourcentage?⇒Quels sontmes besoins non satisfaits ?Quelle décisionest-cequejeprendspourlessatisfaire?Est-cequejeperçoisderrière ces besoins, particulièrement celui de la créativité,unbesoindeplénitude?⇒Est-cequej’arriveànommerlesbesoinsdemesproches?

Schéma4.Satisfactionprogressivedesbesoinsindividuels

L’accomplissement de soi (5-6) est conditionné par lasatisfactiondesautresbesoins(1-4).

3.StructurersalibertéàpartirdesesdésirsprofondsUne autre manière de considérer la construction de notre

humanité personnelle, à partir du « moi-je », est de lier lacroissance de notre individualité à celle de notre liberté :s’humaniserenposantdesacteslibres,parcequeprofondémenthumains. Il est possible de déterminer, là aussi, un certainnombredecritèrescumulatifspourcaractérisercetactevraimenthumain. Interprétons de manière existentielle la pensée deThomasd’Aquin30.

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femme,desenfants,despetits-enfants…–Ilyaladetteàl’égarddelasociété.Nousbénéficionsde

conditions de vie liées au travail des générations précédentes.Pensons simplement aux infrastructures comme les routes, lesponts,leshôpitaux,lesécoles.Lerespectdel’État,despouvoirspublics, est la contrepartie de leur souci institué du biencommun,mêmesi,personnen’estnaïf,rienn’estparfait!Danscetteperspective,payersesimpôtsdevraitpresqueêtreuntempsd’action de grâce ! Il nous faut peut-être remercier notrepercepteur ! En contribuant au financement des biens publics,chaque citoyen redonne en partie ce qu’il a reçu. Il construitainsilaviecommuneentrecitoyensenrépartissantlachargesurceuxquiontleplusreçu.–Enfin, il y a la dette à l’égard deDieu, origine et fin de

toutechose.LaparticularitédecedonestqueDieudonnelavieà chaque instant en nous donnant l’existence. Beaucoupl’oublient. Certes, il nous a donné la vie en créant notre âmepersonnelle,maisilcontinueànousladonnerdansleprésentdenosviespar ledondel’êtreetdelagrâce.L’honneurquel’ondoit àDieun’estdoncpasaccessoire,maisestpartieprenantedenotreidentité.C’estpourquoilavertudereligion–rendreàDieu le culte qui lui est dû – est première et doncincontournablepourserespectersoi-même.Cestrois«dettes»viennentrappelerquenotrelibertédevivre

en ce monde nous a été donnée. De là, naît une culpabilitépositive.Nousavonsledevoirderépondreàcedoninitial.Nousexistons comme donnés à nous-mêmes et non pas comme unepuremonadeisolée.Cedonnouscolle luiaussià lapeau.Ilaainsi une forme dite ontologique. De ce fait, notre vie estconviée à prendre une orientation, en fait à donner une justeréponseàtoutcequenousavonsreçugratuitement.Danscette

perspective,laloivientnousrappelerquenousnesommespasune île. Elle rappelle la limite qui convient à notrecomportement, pour qu’il puisse s’ajuster à l’existence desautres.Les limites,quechacun rencontre,déterminent l’espaced’unvivreensemblequin’estpassanslienavecleslogantombéendésuétude:«Dieu,famille,patrie».Cette triple dette nous enjoint à un triple don : honorer ces

troisfiguresdanslaviesociale.Ellesexprimenttroissymboles.Le père et la mère de sang sont le symbole de l’originehistorique ; l’État symbolise la pérennité sociale ; et l’Égliseceluide l’ouverture àDieu. Ils représentent chacununeparoled’autorité:lacapacitéd’interdire,àsavoirdireuneparolepourdistinguer deux réalités (séparer lamère de l’enfant pour faireémergersaliberté,sanctionnerlaviolencepourprotégerlapaixcivile, rappeler Dieu comme seule fin ultime en pointant toutnarcissisme), pour mieux unir ensuite la valeur à la viepersonnelleetdoncconstruirelapersonnedanssonintégralité.Par exemple, l’interdit de voler permet à chacun de vivre enpaix.L’expériencedelaloipeutêtreplusoumoinsbienvécue.Un

rapport tropbrutal à la loi peut ainsi créerun lien à l’autoritépaternelle sous le mode de la peur. Un ritualisme, unperfectionnisme, voire un légalisme naissent souvent d’un telrapport.Tropdeloistuentlaloietconduisentàlatentationdesa transgression. En fait, on oublie souvent que la loi estcomposée de deux dimensions. En son aspect matériel, elleprescrit un ordre comme « Tu ne tueras pas ». C’est ladimension la plus communément comprise. Elle indique ainsiunelimitestricte.Ensonaspectformel,c’est-à-direensavisée,elleveutprotégerunbien:permettreàlaviedechacundesedévelopper.Parexemple,l’invitationpressante(commandement)

faiteàl’enfantdeparticiperauxtâchesménagèresdelamaisonl’éveille à la solidarité (bien). Elle développe chez l’enfant ladimension sociale de sa personne. La loi a donc un rôleconstructeur.Attentionaussiàceque la loinefassepasnaîtreunemauvaiseculpabilité.

10.Tousendettésjusqu’aucou:heureusesdettedevieetangoissedeculpabilitéLaculpabilitéestuneréalitéquiseformeensoiindépendammentdetout

contextereligieux.Ellecorrespondsimplementàunrefusderépondreauxdifférents dons reçus. L’incapacité à répondre aux dons peut s’enracinerdans un sentiment d’indignité.La culpabilité peut se déplacer dans desconduites religieuses et même être une motivation de cette formed’engagement. La dette à l’égard deDieu détermine le devoir d’honorerDieu, conviction qui a beaucoup disparu de la société contemporaineoccidentale, mais qui n’est pas sans influencer la psychologie dupratiquant : « De quelque manière, la dette fondamentale est insolvablepour celui qui reconnaît la Seigneurie de Dieu, car il Lui demeureredevable de son existence. Sur la base de cette conscience peut sedévelopper le sentiment de ne jamais répondre adéquatement au devoird’honorerDieu.Laconscienced’êtreinéluctablementendéfauttransformealors le sens de la dette en une angoisse de culpabilité généralisée. Il endérive la fameuse peur de Dieu qui a dominé l’existence religieuse àcertaines époques de l’Occident chrétien et qui envahit des croyants àcertainesphasesdeleurvie[…].AinsilapeurdeDieu,issued’uneconsciencegénéraled’êtreendéfaut,

se projette depréférencedans la culpabilité pour des fautes identifiables.L’observateur s’y trompe et croit que la peur deDieu s’expliquepar unepeurexagéréede“commettre lepéché”.Defait, lapeurdupéché, induitepar une instruction religieuse obsédée par le mal, peut transformerl’attitude religieuse en un état “de crainte et de tremblement” devant unDieu perçu comme un juge sévère. Mais en dessous de ce phénomènevisible,ilyaunprocessuspsychologiqueplusfondamental,quiéchappeàl’observateur extérieur et que seul permet de percevoir l’écoute attentived’hommes religieux : la transformation de la dette éprouvée comme

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Schéma9.Représentationpersonnalistedel’êtrehumain:toujoursouvert

8.Latraverséepositivedel’angoisse«Quifait l’angefinitparfaire labête.»Ferions-nousl’ange

par peur de nos angoisses ? La croissance de la personnalitén’est pas sans avoir à traverser des étapes qui sont autant depassages engageants, « étroits » selon l’étymologie du terme« angoisse ». Mieux se connaître pour mieux aimer l’autrenécessiteunecertainecompréhensiondel’angoisse.Demanièrequasi instinctive, l’être humain refuse l’angoisse, lui donnantune acception d’emblée pathologique. Et pourtant, l’angoisseaccompagne le quotidien. Il y a l’angoisse des examens,l’angoisse nocturne, l’angoisse de s’être trompé, de ne pasréussir, l’angoisse de ne pas être aimé, l’angoisse d’aimer. Laliste serait longue. L’angoisse est positivement à la croisée decettetensionentrel’êtrefinietl’aspirationàl’infini,commeleserait une porte étroite permettant de sortir des rempartsprotégeant une cité. On distinguera quatre types d’angoisses,que l’on peut classer deux par deux38. De fait, il y a desangoissesnégativesetdesangoissespositives.–L’angoissepathologique est la première angoisse négative.

Lapsychologiecliniquedistinguelanévrosequidéformeleréel

(onparleradenévrosed’angoisse)et lapsychosequicoupeduréel,commelaschizophréniequiconduitaudédoublementdelapersonnalité. Liée à des troubles psychiques, l’angoissepathologique demande des soins appropriés qui sont soitmédicamenteux (neuroleptiques, anxiolytiques, anti-dépresseurs), soit thérapeutiques par un accompagnementpsychologique qui n’évitera pas une anamnèse de lastructurationpsychique:c’estlapsychogenèse.Elleincluraàsamanièreunemeilleureconnaissancedesespropresforcesetdeses faiblesses,mais aussi celles des tiers, particulièrement desparents. Elle précisera aussi comment a été plus ou moinsintégré le désir personnel et comment ont été intériorisées lesimages paternelles et maternelles. Une thérapie bien menéerenforcera le « moi-je » et favorisera la capacité à déciderlibrement, selon ses propres désirs, au regard d’un héritagefamilialetculturel.«Plus angoissé, tumeurs. »Les angoissespathologiques les

plus classiques sont les névroses d’angoisses, les névrosesphobiquesetlesnévrosesobsessionnelles.Considérons rapidement au plan clinique la névrose

d’angoisse, qui est un peu la névrose de base, parce qu’elleconstitueleplussouventuneracinecommuneàlastructurationdelapersonnaliténévrotique.

13.Cliniquedelanévrosed’angoisse39

L’angoisse est considérée comme maladive lorsqu’elle entraîne desconséquencescliniquementconstatablesdanslestroissecteurssuivants:la vie psychique du patient (tristesse, tension, dégoût de vivre) ;somatique (manifestations psychofonctionnelles durables, troubles dusommeil et de l’alimentation) ; sociale et relationnelle (modification ducaractère, instabilité).Cliniquement, la névrose d’angoisse se caractérisepar l’association d’un fond permanent d’anxiété (sentiment d’infériorité,visionpéjorativedel’existence,inquiétude,attented’undanger),descrisesparoxystiques(conscienceparfoisaltérée,sentimentdemortimmédiateoud’irréalité, craintededevenir fou, ruminationsdévalorisantes, péjorationsde l’existence, attente d’une catastrophe), l’ensemble survenant sur unehistoireparticulière:lesfrustrationsdel’existencesontmalsupportéesàcause des échecs, maladies, séparations, deuils vécus. On peutcliniquementprésenterlanévrosed’angoissedelamanièresuivante:–Crised’angoisse typique.Durée :unedemi-heureàuneheure.Début

brutal, nocturne. Sensation de danger imminent (mort, folie). Angoisselibre, flottante, pseudo-phobie. Signes neuro-végétatifsd’accompagnement.Signespsychomoteurs:agitationanxieuse,sidération,raptus anxieux. Fin brutale.Conscience du caractère artificiel de la crise.Formes cliniques : stupeur, agitation, impulsion suicidaire, confuso-onirique,perplexitéanxieuse(désarroi–incomplétude).– Équivalents somatiques : difficultés respiratoires, cardio-vasculaires,

digestives,urinaires,sudorales.– Équivalents psychiques : crise phobique, obsédante,

dépersonnalisation, déréalisation. Constitution anxieuse permanente :irritabilité,asthénie,troublesdusommeil.Attenteanxieuse.Hyperémotivitéetsignesneuro-végétatifs.– Éléments de la prophylaxie. Renforcer le « moi » par adaptation au

réel,réalisationspragmatiques,capacitéàsupporterlesfrustrations.

– L’angoisse du pécheur est la seconde angoisse négative.Prenonsunexemple.Unhommemariéseréveille le lendemaind’unadultèreetsedit:«Çayest,jefaispartie,pourtoujours,du club de ceux qui ont trompé leur femme. » Chateaubriand

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Schéma12.Moinssedéfendrepouravancer

11.Réveillerlavoixéthiquedelaconscience«Tun’asqu’àsuivretaconscience.»Facileàdire!Comment

faire l’unité entre toutes ces dimensions évoquées, tant leurscomplexités et leurs richesses risquentmoins dans un premiertemps d’unifier la personne que de l’écarteler ? Quel lieu ennous-même va faire la synthèse de ces besoins, mécanismes,angoisses, désirs ? La conscience joue ce rôle, non seulementdanslediscernementdecequiestbonàgarder,maisaussidansla décision à prendre pour construire notre être.Onne sauraitdiminuersonimportance.Ellen’estpasseulementlaconsciencepsychologiquequi,dansuneluciditécroissante,arriveànommerles émotions les plus fines, mais bien plutôt une conscienceproprement éthique qui sait qu’en faisant le bien, elleconstruira sa personnalité. La conscience morale ouvre àl’altérité:êtresoi-mêmecommeunêtreavecetpourlesautres.Cetteconscienceest insubstituable,Dieu lui-mêmenepouvantmelaviolerpourydéployersespropresidées46.C’estpourquoiDieunes’imposejamaisàunepersonne,maisluiproposesanscessesonamour.La conscience morale est cette voix intérieure qui se fait

l’écho de notre être profond, mais aussi de ce qui latranscende.Elleestàl’écoutedelanaturedel’hommeencequilacommandede l’intérieur, à savoir lescinq inclinationsde laloinaturellequesontl’aspirationauvrai,aubonheur,àl’union

sexuelleetàl’éducation,àladéfensedel’existence,àlavieensociété. Cette écoute attentive de l’essence humaine n’est passanss’accompagnerdupouvoird’émettreunjugementsurcequiestbonmaintenantetsurcequiestmauvais.Centranttoujourssonévaluationd’abordsurlamatièredel’acte(parexempleunvol), elle jugera avec équité en prenant en compte autant lesintentions de la personne (j’ai volé pour survivre) que lescirconstancesquiencadrentl’acte(étatréeldepauvreté).Cettecapacitédejugerpersonnellementnesauraitseréduireà

la seule vérité (risque de légalisme), ni aux seules intentions(risque de subjectivisme), ni au seul contexte (risque dedéterminisme social). Le lieu régulateur de la valeur de l’actereste la vérité (voler est toujours mauvais) qui, seule, peutéclairerunebonnedécisionàprendre.«Laconsciencevajouerce rôle unique de faire le lien entre la vérité, le bien et laliberté.»(Splendeurde laVérité,84)Seul l’engagementde laliberté de conscience permet que ce qui est vrai devienne bonpoursoi.End’autrestermes,unacteestbonquandilestproduitparunevraieliberté,s’ilnecontreditpaslanatureprofondedelapersonneetlesdroitsquiendécoulent.Lavériténes’imposejamais, elle se propose à la liberté sous la forme d’un bienpersonneloud’unbiencommun.Considérantcequenousvenonsdesouligner,troisapproches,

pourtantlargementvécuesdansnotresociété,sontàproscrirecarellesneproposentpasunevisionintégraledel’homme.–Toutd’abord, leconséquentialisme lie lavaleurde l’acteà

l’évaluationdesconséquencesdecetacte.Ainsienest-ild’unepersonnequiavortepourdesraisonsfinancières,parceque lesconséquencesdesonacteseraientavantageusespourl’équilibreditdelafamille.Cettepersonnenepeutvoirsonjugementreconnucommebon,

car l’acte qu’elle pose est intrinsèquement pervers : tuer esttoujours un mal non seulement pour l’enfant tué, mais aussipour soi. Parler aujourd’hui des syndromes post-abortifs et deleurduréen’estplusuntabou.– Ensuite, l’option fondamentale souligne l’importance de

garder une ligne directrice à sa vie, même si certains écartspeuventêtrepermis.Ainsienest-ildecethommed’affairesquiaffirmeraitaimer tendrementsa femmeetvouloirvivre toutesavieavecelle,maisqui,durantsesvoyagesàl’étranger,sepermetdesinfidélités.Ilestclairqu’un telcomportementest irrecevableparcequ’il

détruit l’amour conjugal et déshonore la personne qui lecommet. L’infidèle divise non seulement son être en deux(amours), mais il galvaude le sens de l’amour par un doublemensonge : aux deux femmes, l’épouse et la femme decompagnie. En un mot, la personne adultère se détruit elle-même,maisaussiplusqu’elle-même.–Enfin,laconscienceditecréativequin’estpasàconfondre

avec la conscience morale. L’adjectif « créative » signifiesimplementquelaconscience,aulieuderecevoirsesvaleursdela nature profonde de l’être humain, se crée elle-même sespropresvaleurs.Ainsienest-ildufaitde tuerunmalade«parcompassion»,àsademande,pourqu’ilnesouffreplus.Contrecette pratique, les soins palliatifs sont là pour accompagnerdignement, sans acharnement thérapeutique, les personnes quivontmourir.La valeur créée de toute pièce, « l’euthanasie

compassionnelle»,estàproscrirepuisqu’ellesituel’autonomiedumaladeavantlepremierbiendelapersonnequiestceluidevivre. Ce dévoiement de la vie n’est pas sans faire frémir uneclassed’âgeàquionfaitporterlaculpabilitédevivre,parceque

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réalise par une confrontation parfois angoissée au principe ditde réalité. La structuration de la liberté dans toutes sesdimensions n’est pas sans engager la personne à poser enconscience des actes responsables qui la construisent.L’équilibrepsychiqueindividuelestaussiàceprix.Néanmoins,l’accomplissement de la personnalité ne s’arrête pas en si bonchemin.Les commencements ne sont pas les aboutissements !Traverséeparsonidentitéparadoxaleoùledésirhumainveuten fait toujoursplus, lapersonnalitéhumainesedéploiedanslarelation.L’hommen’estpasuneîle.Ilestplutôtuneville!Ilest fait pour sortir de son individualisme primaire afin des’enrichirde la richesse inestimablede toutautrepersonne.Le« moi-je » qui est mien, personnel, n’est certes à personned’autre, car posé sur les bases du désir et de la liberté. Enprofondeur, il est un «moi-je » stable.Mais loin d’être fermésurlui-même,ilestouvert.Àl’instard’unegrainedetournesol,ilabesoindetempspourpuiserdanslaterreettrouverdanslesoleilqu’ilsuivratoutaulongdelajournéelesensdesavraievocation:fleuriravecd’autres.

«Lesdouxposséderontlaterre[c’est-à-direlaleur,eux-mêmes]

etjouirontd’uneabondantepaix.»(Ps36)

24Voir sur ce thèmemon article dans l’ouvrage collectif de la chaire JeanRODHAIN de Toulouse sous la direction de Marie-Christine MONNOYER,Serviteursdelapersonne,Ed.del’Atelier,2013,p.21-24.25Cf.Jean-YvesLACOSTE,«Personne»,DictionnaireCritiquedeThéologie,PUF,2007,p.1078-1082.26SaintJEAN-PAULII,Splendeurdelavérité,1993,84-89.27 Amedeo CENCINI, Éduquer, former, accompagner. Une pédagogie pouraiderlapersonneàréalisersavocation,EDB,2007,p.83-84.28BlaisePASCALaffirmedansdesproposteintésdejansénismequele«moiesthaïssable». Il renvoieà la fermeturedumoi sur lui-même,par amour-

propreetvanité.Pascaldénonceunesubjectivitéautocentrée,orgueilleuseetinauthentique.Nousvoulonssimplementsoutenirdansceschémaquelemoiindividuel, la subjectivité manifestée dans l’affirmation du moi-je, estincontournablepourconstruireunepersonneuniqueempreintederespectetd’estime de soi. Une personne qui ne sait pas dire « je » est mortepsychiquement.Pourvivredignement,ellen’apasàs’écraser,niàserenier.Ellen’apasnonplusàseprendrepourlecentredetout.C’estdifférentquedese«haïr».Pouraccomplirsondéveloppementpersonnel, le« je»,quiestincontournable,seraappeléàs’ouvrirenamontversDieuetenavalverslesautres,dansledondesoi.29 C’est ce qu’a bien montré le philosophe personnaliste Karol WOJTYLA,Personneetacte,Bernadins,2011.Voirl’ouvragedeAudeSURAMY,Lavoiede l’amour. Une interprétation de Personne et acte de Karol Wojtyla,lecteurdeThomasd’Aquin,PréfacedeLivioMélina,Cantagalli,2014.30Thomasd’AQUIN,SommeThéologique,IaIIae,q.6-21.31 Cf. Franco IMODA & Luigi M. RULLA & Joyce RIDICK, Structurepsychologiqueetvocation,UniversitéGrégorienne,Rome,1993.32Cf.AntoineVERGOTE,Detteetdésir,Seuil,1978.33Seulaumonde,unfilmréaliséparRobertZEMECKIS(2000).34BENOÎTXVI,ExhortationapostoliqueLaParoleduMaître(2011),10.35AntoineVERGOTE,Religion, foi et incroyance, Ed. PierreMardaga, 1987,p.87-88.36 Jean-François CATALAN, Expérience spirituelle et psychologie, coll.Christus,77,DescléedeBrouwer-Bellarmin,1991,p.12-21.37FerdinandULRICH,GegenwartderFreiheit,JohannesVerlag,1974.38Cf.HansUrsvonBALTHASAR,Lechrétienetl’angoisse,DDB,1994.39Cf.MichelHANUS,Psychiatrie de l’étudiant,Maloine, 1990, p. 202-206.Outre la description clinique (psychologique) sont présentés l’évolution del’affection,lediagnostic,lesfacteursétio-pathogéniquesetletraitement.40MèreTERESA,Viens,soismalumière.Lesécritsintimesde«lasaintedeCalcutta»,Lethielleux,2008.41Cf.BenitoGOYA,Vitaspiritualetrapsicologiaegrazia,EDB,2001.42AlfredADLER,Lesensdelavie,Payot,1955.43 Cf.Anna FREUD, Lemoi et lesmécanismes de défense, Bibliothèque depsychanalyse,PUF,2001.

44Cf.AntoineVERGOTE,Lapsychanalyseàl’épreuvedelasublimation,coll.Passages,Cerf,1997.45Cf.BenitoGOYA,Vitaspiritualetrapsicologiaegrazia,p.192.46Cf.TanguyMariePOULIQUEN,Suivresaconscience,Emmanuel,2005.47Cf.AmedeoCENCINI,Éduquer,former,accompagner,p.37-54.48 Le domaine de la coopération directe tend à s’élargir en droit pénalfrançais. Le tribunal correctionnel de Montpellier, le 2 janvier 2014, acondamnéàsixmoisdeprisonfermequelqu’unayantdonnélesclésdesavoitureàunepersonneivrequi,quelquesinstantsplustard,atuésurlarouteunejeunefille.49 Nous nous référons directement pour ce résumé synthétique au tableauque faitPinckaers lui-mêmede la libertédequalité.ServaisPINCKAERS,Lessourcesdelamoralechrétienne,ÉditionsuniversitairesdeFribourgSuisse-Cerf, 1993, p. 382-383. Voir aussi Tanguy Marie POULIQUEN, Suivre saconscience,p.100-115.50HenriBERGSON,L’Énergiespirituelle,ÉditionsduCentenaire,1919,p.832.Lajoienes’opposepasnécessairementauplaisir.DansLesLois,Platonfaitl’éloge du plaisir,mais il considère néanmoins comme faible et critiquablel’homme qui laisse le « tyran Éros » s’introniser dans son âme pour engouverner, quotidiennement, tous les mouvements. Cf. Jean-ClaudeGUILLEBAUD,Latyrannieduplaisir,Seuil,1998.51ServaisPINCKAERS,Lessourcesdelamoralechrétienne,p.412.52 Nous n’insisterons pas sur les transcendantaux qui sont avant tout desnotions métaphysiques, à première vue abstraites. Comme le dit AndréLéonardàlasuitedeThomasd’Aquin,ilssont«despropriétésuniversellesdel’êtrecommetel[…],ilsexprimentdiversaspectsdudéploiementobjectifde la richesse de l’être […], ils sont conçus comme des englobants àl’intérieurdesquelssedéploientlesdeuxdomainesdel’étantetdel’esprit».AndréLÉONARD,Métaphysique, Ed. du Sic, 1985, p. 15-17. Pascal Ide, enprésentantlaphilosophiedeHansUrsvonBALTHASAR,affirmeque«l’Un,leBon, le Vrai, le Beau, c’est ce que nous appelons les attributstranscendantaux de l’Être parce qu’ils dépassent les limites des essences etsontcoextensifsàl’Être».PascalIDE,Êtreetmystère,Cultureetvérité,1995,p.61.53ServaisPINCKAERS,Laviedansl’Esprit,coll.Amateca,Cerf,1996,p.39.54 Nous portons l’attention sur le fait que les vertus n’éliminent pas les

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Questions:⇒Ai-je vraiment fini de vivre en dépendance et en contre-dépendance ? Quels sont les domaines où ce n’est pas lecas?Quesignifiepourmoivivreeninterdépendance?⇒ Est-ce que je fais le bien pour moi ou pour viser lacommunionavecautrui?⇒ Si je suis un homme, les femmes que j’aime sont-ellespourmoi comme des sœurs ? Ou des frères si je suis unefemme?

Schéma16.Lalentematurationrelationnelleverslacommunion

3.Vivreheureusementsondeuil:lessainesrupturesderelationLetuilagedecesétapesdecroissanceimpliqued’accepterde

changer.Passerd’uneétapeàl’autreétablitunchangementquipeutprendre la formed’undeuil.Ledeuiln’estpas à réserverauxphasesbrutalesdel’existence,commeledépartd’unprochecher.Ledeuilestplutôtunprocessuspermanentquinousaideà « perlaborer » notre existence, c’est-à-dire à intégrer de

manièredeplusenplusconscientelaviequiveutgrandir,touten repérant les résistances qui se manifestent. Il nous fautconsentir à la nouveauté. Assurément, certains moments del’existencesontparticulièrementendeuillés,maisnousvoulonssurtout ici souligner le processus permanent de changementauquel nous convoque la vie. Le deuil se déploie en plusieursmomentsspécifiques62.–Ledéni.Toutchangementimpliqueuneformedemortàsoi-

même. Changer ses habitudes est difficile, voire parfoisimpossible.D’où la tentation bien normale de refuser dans unpremiertempsderegarderlaréalitéenface.Celapeutconcernereffectivementledépartdequelqu’unqu’onaime(ilvarevenir),un licenciement (il doit y avoir une erreur), l’échec d’un tiers(cela n’aurait pas dû t’arriver). Le déni signifie le refus des’ouvrir à une nouveauté qui dérange, parfois violemment. Lafuiteenavant–notammentdans le travail–estcaractéristiquedecetétatdurefusdechanger.– Le marchandage. C’est la suite logique du mécanisme

précédent.Lapersonnesouffranteessaied’acheter la réalitéencontournant le sens qu’elle a. À une femme qui décidebrutalementdequitterlefoyerconjugal,sonmariprometmontsetmerveilles.Quedepromessesformuléesàl’égarddeDieusurles lignes de front pendant les guerres, quand la mort rôde !MartinLuther,confrontéàlafoudrequitombaitàsadroiteetàsa gauche, dit au Seigneur qu’il lui offrirait sa vie s’il sortaitvivantdecetteépreuve.Difficiledevoirlàunactelibre!–Ladépression.Ledécalageentrel’imagedesoi-mêmeetle

nouveaupersonnagequiémergeestdifficileàaccepter. Iln’estpas sans provoquer la tristesse de quitter ce que l’on connaît,pour partir dans une aventure dont on ne sait pas vraiment oùellevanousmener.Renonceraupassépourdevenirunêtreen

exode – et non en exil – conduit à plier sa tente, laisser desaffaires et partir tel un homo viator. Prendre sa vie en main,quitterlecoconfamilialavecsessécurités,risquerunerelationaffective,changerdetravailsontautantdemomentsdélicatsoùilfautprendresursoietaccepterdechangermalgrésafragilité.Cetétatestsouventliéàuneformed’angoissefaceàl’inconnu,quel’onsoitjeuneounon.

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23.L’amouràl’écoledelatendresse:(res)sentirl’autreConsidérons quelques extraits du livre pastoral sur l’amour de Karol

Wojtyla,futurJean-PaulII,dansAmouretresponsabilité :«Latendresseestunélément importantde l’amour, caronnepeutnier cettevéritéquel’amourestdansune largemesure fondésur lessentiments,cettematièreque l’affectivité naturelle doit fournir continuellement afin que l’aspectobjectifdel’amoursoitorganiquementuniàsonaspectsubjectif[…].Latendresse est l’art de “sentir” l’homme tout entier, toute sa personne,tous lesmouvementsde sonâme, fussent-ils lespluscachés,enpensanttoujoursàsonbienvéritable.C’estcettetendresse-làquelafemmeattendde l’homme. Sa vie affective est en général plus riche que celle del’homme,et,parconséquent,sonbesoindetendresseplusgrand[…].La tendresse gagnera en qualité si elle s’accompagne de fermeté et

d’intransigeance. Une tendresse trop facile et surtout la sensiblerien’inspirent pas la confiance, tout au contraire, elles éveillent le soupçonque l’homme cherche, dans ces tendres manifestations, un moyen desatisfaire sapropreaffectivité et sondésirde jouissance. Il estdoncclairque la tendresse n’a de raison d’être que dans l’amour. […] Il convientd’attirer l’attention sur le fait que dans tout amour entre l’homme et lafemme,même celui que l’on veut véritable et honnête, l’aspect subjectifdevance l’aspect objectif. Les divers éléments de sa structurepsychologique germent plus tôt que son essence morale, qui mûritlentementetparétapes.[….]Latendressenaîtdoncdelacompréhensiondel’étatd’âmed’autruiettendàluicommuniquercombienonestprochede lui[…].L’affectivitépeut jouerdansceprocessusun rôled’auxiliaireimportant. Il faut, en effet, non seulement connaître “froidement” lapersonne,maisaussilasentir[…],lavaleurdelapersonnegagnantl’espritgrâceàlaréflexion66.»

–Latendressefortifielarecherchedel’unité,cequesous-tendledésird’être épousé.Lemariage exprimecettequêted’unité,dans l’engagement fidèle, pour toute la vie, signe à la fois del’aidepermanenteapportéeauconjointetde l’amourprivilégiéqu’ilreprésente.

–La fidélité est, en son sens étymologique, une invitation àavoirfoienl’autreetdoncàluifaireconfiance.SeulleregardpleindeconfiancedeDieuànotreégardpeutêtrelamesuredecette dynamique de confiance, dont Thérèse de Lisieux ditqu’elle«faitdesmiracles».– C’est pourquoi le mariage est également exclusif de toute

relationamoureuseavecuntiers.Larelationconjugaleestfaitepour construireun amourunique.Elle nepeut tolérer d’autresrelations affectives extraconjugales, ce qui dénaturerait le sensdumariage.Car la célébrationdesnocesveut incarner ledésirde communion inscrit dans le cœur de chacun, désir quis’exprimeparledongratuitetentierdesoi-mêmeàl’autre.Si l’on veut parler de sainteté dans le domaine de la vie

conjugale,c’estpeut-êtreenprécisantcommentlasexualitéestau service d’une communion de plus en plus grande entre lesépoux,refletdel’amourgratuitdeDieupoureux.Laconjugalitéconduitàunemiseenprésencedel’autreenPrésencedeDieu.Le sexe est au service de la qualité relationnelle. Cette idéerapidement évoquée veut servir de base à une réflexion sur leclimatpréparatoireàl’unionsexuelle:entrerdansuneliturgiedes corps. L’harmonie sexuelle met en valeur différentesconditionsdeconfiance,decomplicité,de tendresse,deplaisirpartagé, de détente qui soulignent l’importance de se sentirengagé vis-à-vis de l’autre. Elles ont leurs rites et leurssymboles.Arriveràcettequalitérelationnelledansledondesoncorps à l’autre implique du temps, du dialogue, de savoirattendre, de se parler, de s’écouter et finalement de connaîtredavantagelesdifférentsbesoinsdel’hommeetdelafemme.Lesexuel, par son intensité, ne se substitue pas à la constructionlente des personnes grâce à un « je-tu » fondé sur la justeréciprocitédesdons,toujoursenvisagépourrenforcerlaqualité

deprésenceàl’autre.La maturation de l’amitié (par la réciprocité du lien) est

comme le fondementd’undonde soi deplus enplus completparcequesincère.Commentaffirmersonamoursanslesbasesdel’amitiéoùl’échangedessentimentsetdesservicesmutuelsastructuré le lienaffectifpour le rendreeffectif !Revenonsànotreidéededépart.L’accomplissementdelapersonnesetrouveplusdanslerelationnelquedanslesexuel.C’estpourquoiilestnécessaire de bâtir lentement ce relationnel pour que l’unionsexuellesoitlerefletdel’aspirationducœurdel’hommeetdelafemmeàfaire«un»,sansqu’«union»signifie«confusion»partagée,maisvéritable«unité».Ilrevientauxépouxdetrouverconcrètement,ensemble,commentlacommuniondeleurscorpsrefléteracelledeleurssentimentsprofonds.

Questions:⇒Quelleestmaconceptionducorps?Est-ilpourmoiunesimple étendue de matière ? Quel lien est-ce que je peuxétablirentremoncorps,mapersonneetledondemoi-mêmeàl’autre?Ya-t-ilunesituationoùj’aivécucelien?⇒ Que signifie pourmoi donner de la tendresse ?A-t-elleseulement un aspect sentimental ou aussi objectif et doncmoral ?Comment est-ce que je comprends que l’amour estplusrelationnelquesexuel?Larencontredescorpsest-ellevécuecommeuneliturgie?

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puissance.Néanmoins,cettetendanceàêtresouvent«avec»lesautrespeutlarendre,pourl’homme,collanteetpossessive,voireintrusive.Si lafemmepeutavoiruneconscienceplusclairedusensduconcretetdespriorités,c’estquelavitalitédesoncorpsl’empêche de voler trop haut, en raison notamment de sonrythmebiologiqueclairementmarqué.Elleest,decefait,portéeà s’adapter à l’imprévu.Mais elle peut tirer de cette situationune tendance à être suiveuse, passive, ayant des difficultés àaffronter les problèmes, ou de vouloir construire sa petitemaison pour y rester bien en sécurité. Sa capacité innée àprendre soin de la vie (allaiter, protéger, nourrir, panser lesblessures, soutenir les faibles oumême se sacrifier, comme lesignifielejugementdeSalomon),peutdevenirobsessionnelaupointdesedonnerjusqu’àannihilersapropredignité.La capacité de la femme à vivre plus aisément en relation à

l’intérieur des structures, la rendplus souple, jusqu’à accepterdavantage de transgresser les règles quand elles ne respectentpas les valeurs. Elle est portée à apprécier le climat deconfiance et d’empathie, ainsi que l’engagement dessentiments. Toutes ces attitudes nourrissent son ouverturespirituelle,maissoulèventparfoisaussisadifficultéàrespecterl’objectivitédesdécisionsprises.Elleauneconsciencedulienentre douleur et amour qui n’est pas sans l’amener plusfacilementàlarésignationetàlavictimisation,voireausacrificeextérieur surcompensé par un besoin d’attention qui lamet aucentredesregards.L’homme, quant à lui, est porté à s’aimer lui-même par

l’affirmation de soi, en faisant valoir ses potentialités,dynamique qui peut le rendre égoïste, narcissique, avec unetendance à sous-évaluer, voire à instrumentaliser l’autre. Sonbesoin d’aventure et de liberté le porte vers l’inconnu, à

combattre lesobstaclesetàaffronter lesdéfis.Cela leconduitverslacompétition,jusqu’àtransgresserleslimitespourarriveràsesfins.Cedynamismevitallepousseverslanouveauté,aveclegoûtde toutmettreenquestion.Cetengouementeststimuléparlaprésencefémininequilemetenmouvement,mêmesicelapeutl’inquiéter.Ilpeutêtrefragileàtenirsesengagementsetsesatisfait de liens peu engagés. Il entreprend des projets plusfacilementendehorsdelacommunionrelationnelle.Sa capacité à créer des règles pour orienter les

comportements et à les évaluerdemanière cohérente favorisel’organisation de rapports selon une morale. Cela le rendcapablededépasserlesattachementsindividuelsetdejugeravecune certaine impartialité. Cette normativité le porte aussi aubureaucratismeetàl’impersonnalitéd’uncomportementobjectifet froid qui peut aussi pénaliser les faibles. Sa tendance àvouloir être quelque part un héros et à vivre pour une causetotale le pousse à un rapport dialectique de domination pouroffrir aux autres, en retour, protection et services. Cetteimpétuosité, souvent inconsciente, favorise sa hardiesse, soninsouciance,cequipeutluifairesous-évaluerlesdangers.Quece soit l’hommeou la femme, leurs traits spécifiques se

déploientharmonieusementdanslarecherchedubiendel’autreetdeleurbienencommun.

Questions:⇒Est-cequejecroisquel’hommeetlafemmepeuventêtreprofondément unis grâce à leurs différences ? Pour moi,l’hommeaccompli,est-cel’homme«et»lafemme?⇒Qu’est-cequim’attire,maisaussimedérangeleplusdansunhommeetdansunefemme?Ladifférencesexuéeest-ellesourcederichesse?Sinon,ai-jepeurdelarelation?

Schéma21.Lerespectentrel’hommeetlafemmecommereconnaissanced’uneégalitédifférenciée72

8.Enrouteverslacommunion:pasdevraidéveloppementpersonnelsanspromotiondubiencommunNotreconvictionestque ledéveloppementde l’hommenese

réalise pas dans l’individualisme, mais plutôt dans unpersonnalisme communautaire qui fait relier la quête du bienpersonnelavecceluide lacommunautéàconstruire.Redisons-le, la personnalité ne saurait se développer comme une île,mais plutôt comme une ville ! Mais pas n’importe quelleagglomération !Onparlera plutôt d’esprit de village, là où lespersonnespeuventse rencontreret travailleràunmêmeprojet.C’est en construisant le bien des autres que chacun peut setrouver lui-même.Considérons lesprincipesquirégulent lavie

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à lanon-réalisationde laprophétie : lasolutionestdeconvierpar exemple la presse pour expliquer qu’une révélation adéplacé la catastrophe à une autre date. Cela a l’avantage defaire augmenter les prix des terrains supposés être protégés del’événement!Cetexposésurlesstéréotypes,puisédansl’analysequ’enfait

PatriceGeorget,estbasésurleprésupposédel’importancedeladéconstructionculturelle,idéecentraleàlathéoriedugenre,quiéliminedesa réflexion toutedonnéeconcernant lanature, toutensoulignantlepoidsdel’Histoireetdoncdesculturesdanslesreprésentationssociales.Ainsi,ilestsupposéqu’entrel’hommeet la femme, il n’y a pas de différence de nature, maisuniquementdesdifférences culturelles.Lanotionde culture yestcentrale(culture=produitdesrelationssociales),àl’opposédecelledenature(nature=différencesexuéeentrel’hommeetlafemmeappartenantàleuridentitédonnéedèslaconception).Lestéréotypeestdoncunproduitculturelàdéconstruire,cequin’est pas faux non plus. Les rôles sociaux sont appelés àévoluer.Néanmoins,nousréaffirmonsnotreobjection.N’ya-t-ilpasdanscettemanièredevoir, sielleest forcée,une formedeprésupposé agnostique, en fait très néo-kantien, qui refuseraitd’identifier la vérité des personnes à ce qu’elles sont(naturellement), mais voudrait plutôt les regarder seulement àpartir de leurs comportements et donc de leur histoire(culturelle). La position chrétienne invite à bien distinguer cequiestdel’ordredelanaturedecequirenvoieàlaculture.

Questions:⇒M’arrive-t-ild’avoirdespréjugéssurlespersonnes?Quienparticulier?Quelestmonstéréotypedebase?⇒Ladifférence sexuée est-ellepourmoiunedifférencedenature ou simplement de culture ? Est-elle portée par unelogiqued’oppositionoud’unité?⇒ Comment est-ce que je cherche à faire grandir lapersonne ?Est-ce que je souligne facilement ses qualités ?Est-ce que j’encourage les personnes en disant du bien surelles?Sinon,pourquoi?

Schéma23.Nepasconfondredéconstructionculturelleetdéconstructionidentitaire

10.Laréconciliationavecsesparents:abcdepsychologiesystémique« Tu honoreras ton père et tamère. » L’enjeu du quatrième

commandementbibliqueestaussianthropologique:honorersesparents,c’estserespectersoi-même.Pours’ouvrirauxautres,il est important d’abord de se réconcilier avec eux en lesacceptant comme tels. L’idée centrale de notre réflexion estpuisée dans la psychologie systémique79, qui souligne que lamaladiementaled’unenfantpeutêtre,danscertainscas,moinsd’ordrepsychiqueque liéeà l’absencedecommunicationdanslafamille(ÉcoleditePaloAltodès1952).Cetteperspectivevise

ici à comprendre comment l’enfant, mais aussi l’adulte, seconstruitenremettantprogressivementsesparents(ainsiquesesfrèresetsœurs)àleurplace:enlesremerciantdetoutcequ’ilsont (beaucoup) donné, mais aussi en acceptant leurs limites,voire leurs échecs, notamment dans l’éducation.Une personnemature, car prête à s’engager dans une relation engageantecomme le mariage ou la vie consacrée, doit être au clair parrapport à la relation primaire avec son père et avec sa mère.«Pour aller quelque part, il faut avoir les deux pieds quelquepart », souligneun accompagnateur chevronné.Quelquepart ?Oui,etd’abordchevilléàsonhistoire familiale !L’enjeun’estpasanodin:unerelationdifficileaveclesparentspeutrendrelarelationavecleconjointdifficile.L’accompagnement psychologique, vécu sous la forme d’une

relecturedevie,peutsedéroulerenseptétapessignificatives.1.Quiestmonpère,quellessontsesforcesetseslimites?2.Quiestmamère,quellessontsesforcesetseslimites?3.Lepèreenmoi : comment ai-je introjecté l’imagedemon

pèreetcommentinterfère-t-elledansmavie?4. Lamère enmoi : comment ai-je introjecté l’image dema

mèreetcommentinterfère-t-elledansmavie?5. Quel est mon désir le plus profond avec son ancrage

corporeletsexuel?Vérifierenquoicedésirestlemienetnonceluidesattentesdemesparentssurmoi.6.Quelestmonsensdelafête?Ceciafindevoircommentla

personneaccepteounond’êtreheureusepourelle-même.7.Est-cequejesaismedonner?Ledondesoiauxautrespeut

évaluer la capacité à me lier à des personnes nouvelles, sanstoujoursregarderenarrièreverslesliensd’originefamiliale.De ces sept repères – qui vont de la projection du désir des

parents sur soi à l’appropriation de son propre désir pour se

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Questions:⇒M’arrive-t-ilfaceàuneblessurededouterdel’amour?Enquoi suis-je complaisant dans ce doute ? Pourquoi ai-jelaissé la peur m’envahir ? Je prends une situationdouloureuse et je me demande : en quoi ai-je choisi dem’endurcir?⇒M’arrive-t-ildem’isolerdesautres?Danscecas,est-ceque je réagis par séduction ou domination ? Je prends undomaineoùjesuisindépendantetjemedemandepourquoi.

Schéma26.Lecombatspirituelcommedéfenseducœurprofond

13.Lebonchoixdelaconfiance,sourcedesensetdelibertéspirituelleLaseconde réactionpossible faceà lablessured’amourest

celle de la confiance. L’impression immédiate de l’échec peutêtre transformée en tremplin de vie. Il n’y a pas d’angélismedanscetteposition,etencoremoinsdenaïveté,maisplutôtunréalisme relationnel et spirituel. L’appel de la nouveauté et del’aventure, de la correspondance à sa vocation profonde faitepour l’amour, peut accompagner la réaction à la blessure. Ladéconstruction d’une relation laisse ouvert l’espace d’une

reconstruction sur des bases nouvelles, souvent plus larges etplus ajustées. Loin d’être négative, la blessure, souventnarcissique,estl’occasiondes’ouvriràplusquesoi-mêmedansun don gratuit. Qu’est-ce qui peut stimuler une telle réactionpositive ?N’est-ce pas la recherche d’un amour toujours plusauthentique ? Nous retrouvons là notre être paradoxal. Cetteouverture confiante à la vie victorieuse prend sa vraie mesuresousleregarddeDieu,dontlamiséricordeélargitsanscesselacapacité d’aimer. Loin de provoquer la double spiraled’endurcissement et d’isolement, la réaction confiante à lablessureest lesignede lamaturitécroissanteà l’égarddudonde la vie. Lamesure de l’amour n’est pas la blessure,mais lavisite de Dieu dans cette blessure pour l’ouvrir à la soifd’infini85.Endéfinitive,toutdevientoccasiondefairefeudetoutbois,à

savoir révéler davantage l’identité spirituelle de l’être humain,mêmeaucœurdesblessures.Lechoixdelaréactionconfianteàlablessurerenforcelafoidanslavieetluiconfèreunsensplusaffiné.Celan’enlèvepaslasouffrance,maiscelle-ci,aulieudese refermer avec amertume sur elle-même, s’ouvre à l’autre,même si c’est dans la douleur. La personne blessée apprend àaimer l’autrepour lui-même.Ainsienest-ild’une jeune filleàqui son petit ami annonce brutalement leur rupture. Elle peut,soitsedurcirets’isolerensedisantqu’ellen’estpasaimable,soit, une fois la douleur et l’incompréhension passées, gardersoncœurouvertendécidantsimplementdecontinueràl’aimerd’amitié en le laissant partir tout en gardant confiance qu’unamour meilleur l’attend ailleurs. Cela n’est possible que si lapersonne s’ouvre à une ressource d’amour plus grande qui setrouved’abordenDieu.Lavulnérabilitérévéléeàsoi-mêmeestalors appréhendée comme une ouverture positive à ce qui me

dépasse,perspectivequiconduitàsepercevoirsoi-mêmecommeun être transcendant, capable d’aimer l’autre pour lui-même,puisque j’apprends à me reconnaître aimé pour moi-même demanièreunique.Laprisedeconsciencequ’aucunévénementnepeutfairedisparaîtreladignitédesonêtreconfèreunsentimentd’espéranceaucœurmêmedesplusgrandesadversités.La réactionde confiance faceà la blessurepeut générer un

deuxièmecerclevertueux : ledondesoiquiestamour. L’êtrespirituel est appelé au secours par la situation douloureuse.Redisons-le : aimer l’autre pour lui-même conduit àl’acceptation de ses limites et de celles d’autrui, constat quin’estpassansapprendreàseregardercommelimité,maisaussicomme une merveille, c’est-à-dire comme un être unique surlequelaucunpouvoirnepeutêtreexercé.Lesensdelarelationsecomprendalors sous le registrede lagratuité.Aimeret êtreaimé ne peut avoir que la qualité du désintéressement. Aimer,c’est aimer gratuitement jusqu’à laisser l’autre libre de partir,s’illeveutvraiment.Notrejeunefillepeutcontinueràaimersonami en le laissant partir : elle l’aime différemment et toujourspluspourlui-même!Cettemanièredevoiraidelesjeunesetlesadultesàaccepterquel’autreestlibreetqueseulunamouroùl’autreestlibrelerendravraimentlibre…et,parfois,derevenir.Mentionnonslabellehistoiredecettefemmedisantàsonmariquilatrompaitavecunemèrecélibataireaccueillieàlamaisondansunechambredebonne:«Jet’aime, jenedirai jamaisdemal de toi aux enfants, tu peux revenir quand tu auras arrêtécette histoire. » Deux ans après, il est revenu, s’est mis àgenoux, a demandé pardon à sa femme et l’amour entre eux acontinué de grandir ! Bel exemple de fidélité où l’un porte lafaiblessedel’autre.C’estenconsidérant seulement lebutàatteindreque le sens

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appartenant à l’âme humaine, tandis queVictor Frankl (1905-1997), notre auteurde référence, définit l’être spirituel commeresponsabledusensqu’iltrouveenDieu.Successivement,pourlepremier,lepsychiquesedéfaitdelareligion;pourlesecond,ilestsacraliséparlereligieux;pourletroisième,lepsychismesedéploiegrâceàlaréalitédeDieu.Cettedernièreperspectiveretiendraparticulièrementnotreattention(2).LeChristestlechemindel’unificationdel’homme(3),parce

qu’il est lui-même l’icône de l’homme parfaitement réconcilié(4). Comme le souligne l’encyclique Splendeur de la Vérité(1993),leChristest la«synthèsevivanteetpersonnelledelaliberté parfaite » (n° 84). Dès lors, il est légitime de pouvoirdire,à lasuitenotammentdePierredeBérulle,chefdefiledel’École française de spiritualité, qu’il nous faut appartenir auChristpouraccomplirnotreêtre(5).C’estenintégrantlalibertécrééeàsaPersonnequel’êtrehumaindevientvraiment libreetques’opèreunadmirableéchangeentrelanatureetlagrâce(6).L’appartenance au Christ n’est pas une régression fusionnelle,maisdéploieunesereinedépendancespirituelle(7).LeChristseprésenteplutôtcommeletuteurspiritueldenotreexistence.Lagrâce qu’il communique est nécessaire : elle restructure l’êtrehumain en le sanctifiant (8). Restauré par le Christ, il nousrevient,pourdemeurerdansunerelationtransformante,devivreplusenunitéqu’enunionavecLui (9),de redonneràDieu savraie place : la première (10). La vie humaine, loin d’êtred’abord centrée sur une guérison, est appréhendée comme uneexpériencedesalutquidonnepleinementsensàl’existenceetàtout développement personnel (11). Dans le Christ, sansconfusion ni séparation, sont réconciliés les liens entre lepsychismeetlespirituel.

1.Repérerlasuspicionculturelleenvironnante:Freud,oula

religionentreillusionetdélirecollectifDeux ans après L’Avenir d’une illusion (1927), Sigmund

Freud publie Malaise dans la civilisation (1929). Ces deuxouvragesécritsautermedesavie(1935)traitentdurapportdel’hommeetde la religiondansuneperspective suspicieuse. Ilsconstituent comme l’arrière-plan littéraire sur lequel s’estconstruite la psychologie occidentale. Au début du vingtièmesiècle, la vision du monde de Freud est matérialiste,rationalisteetportéeparunregardpessimistesurl’homme.Unsoupçoncolleàsonidentité:ilestconditionné.Pourlepèredela psychanalyse, l’être humain cherche son bonheurmaximumdemanière individualiste, à traversune jouissance sauvage.Leconditionnement est sexuel.La civilisation, et particulièrementla religion, cadrent cet élan, conduisant à un nécessairecompromisfrustrant.Ilenrésulteunetensionentrel’individuetla culture, avecdans le rôle de l’accusé la loi religieuse, boucémissairedetoutesleslois,quisontperçuescommeautoritaires.La loi religieuseempêcherait l’hommede trouverdans l’amoursexuellasatisfactiondesespulsions,cequilerendraitnévrosé.L’Avenir d’une illusion est explicite quant à sa visée : la

religion génère une dynamique illusoire. Deux questionstraversent la première partie de l’ouvrage. En quoi réside lavaleur d’une idée religieuse ? Quelle est la significationpsychologique des idées religieuses ? Freud pense qu’unecroyance exprime une détresse humaine, parce que, d’unemanière générale, « la vie est difficile à supporter » et que lacivilisation«imposeundegrédeprivation»etde«souffrance»important.Lesidéesreligieusesquesontl’âme,lebien,lemal,lavieaprèslamort,sontdehautevaleurcivilisatrice:ellesontpourbutd’aideràsupporter l’existence.Néanmoins,ellessontillusoires.L’illusion,pourlui,estaufondementdelareligion,

carelletendàvouloirréaliserparsesidéeslesdésirslesplusprofonds, mais aussi les plus anciens de l’humanité : Dieudonnerait satisfaction à nos désirs. Pour Freud, ces valeursidéalesnesontpaslerésultatdel’expériencehumaineoud’unelibre réflexion, mais d’une croyance affective portée par lesangoissesdelavie.LathèsedeFreudestclaire:lareligionestuneillusionconsolatriceàlaquellel’hommeangoissés’agrippepourtrouverprotectiondansunpèretout-puissantet,decefait,protecteur. Le complexe paternel imprègne le rapport à lareligion,lepèreomniprésentfavorisantl’infantilisation.La seconde partie de l’ouvrage dégage les conséquences

psychologiques d’un tel rapport. La religion favorise unenévroseobsessionnelle.Seulelasciencepermet,pourFreud,desurmontercettedétressepuérileetdeseréapproprier l’humain,mêmesi c’estpourconstater l’absencede réelles solutions.Lerésultat positif pour lui est que l’homme est lucide sur sonincapacité à satisfaire ses désirs. De cette façon, Freudprolonge la philosophie de Feuerbach pour qui, dans sonouvrage L’Essence du christianisme (1841), Dieu estsimplement l’intérieur de l’homme projeté à l’extérieur.L’homme s’aliène en cherchant au dehors de lui-même sonproprefondement.Seul l’hommeestbonetsage.L’hommen’apasàs’appauvrirencroyants’enrichirdeDieu.LelivreMalaisedanslacivilisationenfoncelecloudeuxans

plus tard ! Le constat que la vie est trop lourde à porterdétermine la solution : il faut se protéger. Pourtant, l’essencehumaineparled’elle-même.Touthommeveutlebonheur,aimeret être aimé,maisune stratégiededéfense est requisepournepastropsouffrir.Sichaqueêtrehumainesthabitéparl’Éros,ill’est tout autant par une agressivité qui mélange pulsionsérotiques et pulsions de mort (Thanatos). Le rôle de la

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pleinerévélationdulienindissolubleentrelalibertéetlavérité,demêmequesarésurrectiondesmortsestlasuprêmeexaltationdelaféconditéetdelaforcesalvifiqued’unelibertévécuedanslavérité.»(VS84-87)

Ce texte sans détour met directement l’homme face àl’accomplissement de son vrai désir. Sa liberté se réaliseparfaitement lorsqu’elle s’unit à la vérité de Dieu révélée enJésusChrist.Ainsi libéréede toute formed’endurcissement etde repliement sur soi, la liberté humaine est sauvée de sonindividualismepourêtreélevéeparpuregrâceàlaviemêmedeDieu.L’hommedevientaussilibreparl’adorationdelavérité,cequi

signifie que sa liberté n’a pas de sens complet en elle-même.Unevraie liberténepeutpasêtredéliéedelarelationdirecteavec la Vérité, qui est le Christ (Jn 14, 6). Par la prière del’adoration,l’homme,seuldevantDieu,setourneverslelieudesonoriginecréatriceetdesafintransformatrice.L’adorationduChrist,etdelavéritéqu’Ilestlui-même,sontlesracineslesplusprofondesde la liberté.Cette liberté s’accomplitdans l’amour,c’est-à-diredanslefaitdesedonnerentièrement.LeChristestle témoinparfaitdecette liberté-là.Iladonnésaviepourtousles hommes, c’est pourquoi l’adoration du Christ crucifié estcomme la matrice de la liberté authentique. L’homme, pourdevenir vraiment libre, est appelé à participer à la liberté duChrist, ce qui n’est possible que par une prière personnellerenouveléeetuneparticipationàlaviesacramentelledel’Église.EnaccueillantledonduChristetenentrantenamitiéaveclui,il peut développer son être de manière complète, ce quil’empêcheradeserepliersurlui-même.L’ouvertureauChristestlegaged’unelibertéparfaite.Enluiseul,sedéveloppeunêtrevraimentlibre.

34.PariersurlarésiliencespirituelleLe terme de « résilience », qui a son origine dans la technologie des

métaux, vise la propriété que les corps physiques ont de reprendre leurformeinitialeaprèsunchoc.Ilyalàunetranspositionmétaphoriqueàlapsychologie, qui indique la capacité des personnes ayant vécu destraumatismes importants de repartir de l’avant et de résister à touteformededésintégrationpsychique. Sa logique se réfère à la psychologiecomportementale croisée avec une vision positive de la liberté qu’ilconvienticidepréciser.Laréactionquiconduitàsurmontersesproblèmesrévèlealorsdescapacitéscachées.Lesfacteursprincipauxd’unerésiliencesont certainement l’état d’esprit, qui s’appuie sur les qualités enfouies, etsurletutoratderésilienceparl’établissementd’unerelationdequalité.Le premier élément souligne l’importance d’aborder les problèmes des

personnes d’une manière nouvelle, positive, avec un mode deraisonnementqui « renverse l’état d’esprit habituel desprofessionnels ensantémentale ».À l’habitude de repérer ce qui ne va pas, les faiblesses,troubles,blessures,seraitajoutéeunepédagogiederepéragedesqualités,compétences, ressources pour les amplifier afin de permettre un réelprocessusderéparation.Cetteapprochesoulignelaforceinhérentequ’alalibertéhumainederefusertoutfatalismeetdeconsentiràsonêtreprofond(vocation).LelieuspiritueldelalibertéautorisecettepossibilitédechoisirlaVie,à l’écoutede l’Espritde libertéetde laParoledeDieu :«Sivousdemeurezdansmaparole,[…]vousconnaîtrezlavéritéetlavéritévousrendralibres.»(Jn8,31-32)Ledeuxièmeélément,letutorat,indiqueunerelationd’accompagnementdequalité,quelapsychologieappelle«tutoratderésilience».ElleouvreunchemindereconstructionquelarelationavecDieu(foichrétienne)etlacommunionentreleshommes(Église)permetdedévelopperjusqu’aubout93.

LesdifférentstextesprésentésdelaTraditionetduMagistèrepermettentdefonderlapossibilitéd’unerésiliencechristiqueetun développement personnel intégral sur une anthropologieéminemmentchristologique.L’hommeestlui-mêmes’ilselaisseengendrerpar leChrist.LuiseulestnonseulementleChemin,

maisaussilaVie.Commeplénitudedel’homme,illuimanifestelasublimitédesavocation.Enfait,Jésusestlasynthèsevivantede la liberté humaine. Cette quadruple affirmation insiste surl’impossibilitépour l’hommedes’accomplirseulementpar lui-même.Ditd’uneautremanière,l’hommesanslagrâce–quiestleChristcommuniqué–nepeutpassedéployercomplètement.Etpourtant,notreépoquechercheàpuiserenl’hommelui-mêmeles forces de son achèvement. Si la pensée nietzschéennecritique légitimement une métaphysique de l’existence qui seréfugierait dans l’abstrait (les essences humaines sans contactaveclavie),iln’endemeurepasmoinsvraiquel’hommen’apasà devenir un surhomme pour être libre. C’est en se reliant àl’infini, que lui ouvre l’humanité déifiée du Christ, et non entransgressantseslimiteshumaines,qu’ilsedécouvrelui-même.L’homme est créé à l’image de Dieu. Ce n’est pas la force

(autosuffisance)quicaractérisesonidentitéenprofondeur,maisplutôtlasimplicitéd’unêtrequisetrouveenDieu,parfaitementunifiéenlui.Cettesimplicitéducœurluifaitaussireconnaîtresavulnérabilité.Pouratteindre ce que son être veut vraiment,l’infini, il dépend radicalement de Dieu. Lui seul peuttransformerl’imageenressemblance:«Sanssubirlui-mêmedechangement,ilassumelacréaturepourlachanger.»(Augustin)L’hommesecomprendalorscommepauvresansLui.Pourévitertoute néantisation destructrice de son existence, qui voudraitque Dieu élimine tout ce qu’il y a d’humain pour se révéler(hérésiedujansénisme),ildoitplutôttransformersafaiblesseentremplin,etcelaentrouvantsavocationdansleChrist.Ainsi,ildevient un pauvre de cœur, un mendiant d’Amour. Il ne seradonc pas possible dans cette perspective de (re)constructionintégrale de la personnalité humaine de séparer la foi, ni del’anthropologie,niégalementdel’exercicedelaliberté,àsavoirdel’éthique.

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Dieu.LeSeigneurpeutvenirvisitersacréature,car la libertéhumainenesesuffitpasàelle-même,suffisancequepeutparfoislaisserentrevoirunecertaine compréhension individualiste du postmodernisme où l’hommedoits’affirmeràpartirdesesseulesressources.Le«moi-je»del’hommea plutôt besoin d’un centre authentique, spirituel. C’est là que le planpsychologique s’enracine dans sa véritable terre : le Christ prend lapremièreplace,sansabsorberle«moi»psychique.Il luidonnesavraiedimension, celle d’être non pas isolé, mais enfant de Dieu. Il nourrit lapersonne. Il l’élargit de l’intérieur. Il y adans cette affirmation touteuneévolutionàbiencomprendreauplanpédagogique.Ellepermetdesortirdetroisimpasses.– La première est le « perfectionnisme ». L’idéal, poursuivi par

ascétisme et légalisme, conduit à refouler tous les sentiments particuliers,émotions,désirsintimes,etainsiàappauvrirlaviepsychique,aunomdel’effortetdelacentralitédelaloi.– Le second modèle, dit « anglo-américain », est celui de la

«réalisationdesoi». Il subordonne laviechrétienneà la réalisationdu«moi»,desesdonsettalents.Iltendàatteindresonbonheur«parsoi».–Latroisièmeimpasseestlemodèledit«d’acceptationdesoi».Iltend

àéliminertoutetension,toutsensdudramedelavie,pourn’aspirerqu’às’accepter soi-même comme on est, sans chercher à évoluer. C’est uneformede narcissisme spirituel.Certes, s’accepter soi-mêmeest importantdansunepremièreétape,maisdanscemodèle, l’acceptationdesoiest lebutfinaletunique.Ilyalàuneformedefatalismesous-jacentetdoncdedémission.Dansces trois fauxmodèles, le«moipsychique»estaucentre.Dans

les trois cas, l’impasse consiste en ce que le « moi » va essayer decompensersafaiblessequ’iln’acceptepas97.

Certes,nouspouvonsconsidérercedonnédelalibertécommeune finalité en soi. Le risque néanmoins est, dans cetteperspective,decomprendrelagrâcecommeunesimpleaidequiviendraitsoutenirlanatureenluidonnantunequaliténouvelle.Cette manière de voir indique une limite de taille. L’Église

considère en effet le pélagianisme commeune hérésie, c’est-à-dire un non-sens. PourPélage, le don deDieu par excellencen’estpaslagrâceproprementdite,maislalibertécréée,celle-ciayant en elle-même une cohérence suffisante pour se tournerversDieu.Pélageconçoitlagrâcesimplementcommeuneaide,commeleseraitunecannepourunepersonneâgée.Partirdelaseule individualité (première partie) pour atteindre sa finconfirme cette limite qui atteste de la primauté de la nature àl’égard de la grâce. Nous nous inscrivons dans une autreperspective. Nous voulons éviter cette ambiguïté moderne quimetl’hommesurlemêmeplanqueDieu.EntreDieuetnous,larelationestplutôtasymétrique.Nous comprenons l’humanisme intégral selon un autre

mouvement,cettefois-ciàtroistemps:grâce–nature–grâce.Expliquons cette triade : cet humanisme intègre la faiblessehumaineenmettantaupremierplanlagrâceduChrist;ilinviteàcoopéreràcettegrâceavecnotre libertéhumaine limitéeetàtrouver dans la présence du Christ notre vraie transformation.CommelepréciseleconciledeTrente:toutejustificationestenmême temps une sanctification. La grâce est à la fois«nécessaire»àlavraieliberté(saintAugustin),ellel’ouvredel’intérieur,etelleaussiestcausedesonaccomplissementlepluspersonnel (saint Thomas).Ainsi, elle permet à l’homme d’agir«dans»lagrâce.

Questions:⇒Est-cequejeconsidèremesfaiblessescommeunobstacleàma rencontre avecDieu ?Est-ceque, pourme trouver, jem’appuieseulementsurmesressourceshumaines?Enquoimafaiblessepeut-elleêtreunechance?⇒Suis-jeperfectionniste?Enquoijemetsmasécuritédansl’ascèseoulaloi?⇒ Suis-je tentéde chercher àme réaliser d’abord ?Suis-jefataliste en acceptant toutes mes limites sans vouloirchanger?Quesignifiepourmoiaccueillirlagrâce?

Schéma33.Unadmirableéchangesouscondition:mettreDieuàlapremièreplace

7.Lalibertévraimentlibre:nécessitédelagrâceouconsentiràunedépendancespirituelleLagrâce,quiestlaprésencedeDieu,sonamourcommuniqué

dans le Christ, a donc la première place. On parlera mêmed’une « nécessité » de la grâce pour mieux comprendre quel’hommenepeutpasparlui-mêmes’approcherdeDieu–c’estde l’idéologie de chercher l’infini sans puiser à la source del’infini.Celaconduitàl’adorationdel’idole.Ainsicomprise,la

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Il estpossiblededirequ’il existe en touthommeunepierred’attente du Christ. Fini, l’homme veut vraiment l’infini. Cedésir ne peut pas être comblé naturellement. Seule la grâcesurnaturelle vient le combler. Mais la grâce ne s’achète pas.L’hommen’a pas de prise sur elle.La grâce est grâce, c’est-à-dire qu’elle est gratuite. C’est pourquoi la personne humainedoit établir son être dans l’accueil de la grâce en prenant uneposture intérieure qui la rend conforme à la grâce elle-même.Cela n’est possible que par la prière, qui rend disponible lecœuràlaprésencedeDieu.Iln’estpossiblederecevoirdeDieuquesionn’exigeriendelui.Dieu,quin’estqu’amour,sedonnesous son mode d’être qui est grâce, gratuité, don gratuit,invitationàl’amour.Ilnes’imposepas,ilestlàauborddenotreesprit.

40.Setenir«aubord»desonespritAucreusetde sonesprit, l’hommese tient« aubord»pouraccueillir

humblementledongratuitdelagrâce:«Auseuildelumièreverslequelil marchait dans la nuit, l’homme découvre que toutes les raisons de lefranchiroudenepaslefranchirsetrouventsuspendues.C’estsurceseuilqu’alieularencontreoùilprendcorpsdèsl’origine.LeRéel,ditLacan,estun “bord”. Nous y étions et nous ne le savions pas. Ce que nouscherchionsàposséderaunomde la loi s’étaitdonnéànousdès ledébutdansl’acted’unecréationd’amour.Laportedelareconnaissances’ouvrequandlaconnaissanceabdiquesonpouvoirderéduirel’autreàunobjetetvoit en lui le signe de l’Altérité du sujet. Elle se situe au point aveugle,impossible à représenter, où l’œil de la pensée est articulé à l’esprit ducorps[…].PatricedelaTourduPinvalepromouvoiraurangdemétaphoredela

Vierge,oùs’opère,dans l’esprit, la jonctionduVerbeetde lachair.Demême qu’il est impossible de se représenter la Vierge, de même il estimpossible de se représenter ce point où la parole se fait chair quandl’humanités’ouvreàl’esprit.DansLaViergeàl’arbre,ilécritdemanièrepoétique : “Il est une cellule humaine,Où l’Esprit fitœuvre de chair,LaLumièredeconsistance,L’Avenir,devieàjamais,Etdepuistoutl’hommepeut croître, En s’évidant par le milieu, Il est un signe dans sa chair,Indiscernable aux yeux de la chair, Qui monte encore vers sanaissance”103.»Ensetenantaubord,àlajointuredesonesprit,l’hommenaît à lui-même, regardant par la fenêtre de son âme ouverte, la venuepleinedegrâcedesonDieu.

Si la grâce est grâce, elle se donne sous son mode propre,c’est-à-dire gratuitement. Ce qui se donne gratuitement, sereçoit aussi gratuitement. La vie sociale est, dès lors, l’écolepratiquedecettedynamiquevitale.Elleestcirculationdedonsgratuitsetnond’exigences imposéesauxpersonnes.Lesloganidoinepourraitêtrelesuivant:«Nerienexigerdel’autre.»Luiaussi est créé à l’image de Dieu et donc créé pour recevoirgratuitement la grâce et le don de nous-mêmes. Si j’exige de

l’autre, c’est que ma relation à lui n’est pas de l’ordre del’amouretnecorrespondpasà l’identitéprofondede l’hommefaitpouraimerenvérité.Onguéritdetoutevolontéd’exercerunpouvoir sur l’autre en s’aimant d’abord soi-même, c’est-à-direenreconnaissantcombiennoussommesdonnésànous-mêmes,gratuitement. D’ailleurs, dans l’instant présent, maintenant,nous existons par pur don gratuit d’être. L’être, comme forced’exister,surgitennouspourdonnerconsistanceaufaitd’êtreunsujet,là,libre,respirant.Ledonde lavieestdoncundoncomplètementgratuit,c’est

pourquoi ilestvitalde toujourshonorer lasourcedecettevie,Dieu et ses parents. En fait, celui qui exige impose à l’autred’être un clone de lui-même. Il aliène sa liberté. La relationd’unitéimpliquedenepaschercheràrecevoirdel’autreetànepas envier avec amertume sa richesse. Finalement, on esttoujours soi-même sous le regard de quelqu’un, etparticulièrement de Dieu qui se donne gratuitement, sans seservir chez nous, mais en nous servant. S’il s’agit d’être encommunionaveclesautres,c’estpourêtresurtoutencommuneunité avec eux, disons en « comm-unité », laissantl’irréductibilitéd’autruinoussurprendresanscesse.Ledésirnatureldelagrâcemetenvaleurqu’ilyaenl’homme

undynamismerelationneltrèsprofond.L’hommeestun«je-tu-nous»,comme le souligneFerdinandUlrich.Si son« je»estincompressible, libre en s’autopossèdant et ens’autodéterminant, il ne se réalise pourtant qu’en construisantdesrelationsdequalitéavecun«tu».Cesrelationsétablissentun espace commun qui rassemble.Ce « nous », qui relie un« tu»àun« je » libre sans fusionni confusion, est l’espaced’accomplissementde lapersonne. Il estun«entre eux»quis’enrichitdeladifférenced’autruisansjamaisvouloirfusionner

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43.ItinéraireunifiantdedéveloppementpersonnelchrétienToutestdans l’importancedu«et».Notre responsabilitéconsisteàne

pas séparer les besoins de la nature de l’ouverture à la grâce, afind’inscrire la personne toujours dans une dynamique d’intégration etd’unification.–Satisfaction des besoins immédiats « et » adhésion aux valeurs de la

viechrétienne(selonl’étatdevie).–Satisfactiondesbesoinspsychologiques,physiologiques,sociaux«et»

identitédansleChrist.–Connaissancedesoi«et»connaissancedelafoi.–Justeestimedesoi«et»consciencedenotredignitéchrétiennedefils

deDieu.–Sentimentsdesécuritéetdeliberté«et»confiancedansleChrist.–Regardpositifsur lasolitude«et» joiede la fraternitéchrétienneen

Église.–Satisfactiondesbesoinssupérieurs«et»idéaldesainteté.– Goût de l’identité humaine (unité intérieure) « et » goût de l’action

bénéfique de la grâce donnée par l’Esprit Saint (paix, confiance,acceptationdelavie).–Respectdesoi«et»charité

Notre histoire personnelle peut devenir dans ce « et » unehistoiredesaluthumanisante.L’hommeestappeléàchangerenconsentantdeplusenplusàsonêtreprofondetenconformantsonhistoireàl’œuvredelagrâce.Commelorsdelacroissancebiologique, l’enfant change tout en restant lemême. EnDieu,cettecroissanceestunebonnenouvelle:elleconstruitl’hommeintégralement.Reprenonsauxdeuxsaintsthéologienscequ’ilsontdemeilleurpourledéveloppementcompletdel’homme.– Avec Augustin, nous soulignons l’importance de la grâce

pourquel’hommetrouvesavraieplace:ilnepeutpasparticiperà la vie deDieu s’il neLe laisse pas s’engager en lui.La viehumaine consistera à vivre dans l’engagement divin : à faire

l’expérience du salut offert par le Christ. Cet engagementinvitera l’homme à poser des choix et à situer clairement saliberté«pourDieu»parcequevécued’abord«en»Lui.–AvecThomasd’Aquin,nous reprenons l’idéede la sérénité

quihabitelesprofondeursdel’homme.Ilestbondevivre,toutsimplement.L’existentielestportépardel’ontologique,c’est-à-dire par une réalité stable, vivante, dynamique qui confirme lapersonnecommeunique.L’hommeestbonenlui-mêmeetcettebontécherchesonaccomplissementqu’ellenetrouvequ’aveclagrâce. En elle, il se sait aimé et sait que sa vie a une valeurfiliale;c’estpourquoiildoitcontinueràlavaloriserenfaisantlebienpourlesautresquisontsesfrères.L’hommepeuts’aimerlui-même, s’autoposséder, s’autodéterminer, mais finalementpourservirDieu,toutensemettantensaprésenceetsurtoutenselaissanttransformerparsagrâce.Dépendanceetautonomievontsereinementensemble.Mais que signifie alors se convertir ? Changer signifiera

«rendregrâce»pourledondelaviequinousaétéréellementdonné,àchacunpersonnellement.Ilnousrevientdetransformerce don initial en une vie pleine, intégralement unifiée, qui sedéploiesouslaformed’unaccomplissementsansfin.Lavieseraainsi une « action dans la grâce », là où la libertémue par lagrâce acceptera de découvrir toujours une nouvelle dimensiond’elle-même.Laréponselibredel’hommeàcesdonss’opérerapar le don personnel de sa vie, le don de soi, cela sous desformes très variées, mais sachant toujours que la personnes’accomplitelle-mêmedansle«donsincèreougratuit»d’elle-même(planéthique)(GS24).Nousconcluronsnotre itinérairesur ce thème, véritable cerise confite sur le gâteau dudéveloppementpersonnel.

Questions:⇒ Suis-je augustinien ? Est-ce que je comprends ledéveloppementintégralcommelefaitderecevoirlesalutduChrist ? Est-ce que je me reconnais pécheur ? Est-ce quej’accepted’êtrechangéparDieu?Parexemple?⇒ Suis-je thomasien ? Suis-je habité par la sérénité desprofondeurs?Est-cequejereconnaisquemonseuldésirestdevoirDieu,d’êtreuniàLui?Maprièreest-elleattentiveàdemanderàl’EspritSaintdevenirmesanctifierparsesdons?

Schéma38.Sanségoïsme,relierlagrâceàmaliberté«et»malibertéàl’actiondelagrâce

«SileSeigneurnebâtitlamaison,c’estenvainqu’ilstravaillent,

ceuxquilabâtissent.»(Ps126)

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hommes,croyantounondansleChrist.Maispourceluiquiagitpar la foi, la libertéest inséréedans le«pournotresalut»duChrist.Legermedecettecommunionuniverselle,quiunifietoutlegenrehumain,seréalisedanslemystèredel’Église.–Lacommunionfinaliseledon.L’hommetrouvesaperfection

dans le bien commun, ce qui renvoie à un autre passage deGaudiumetSpes:«Dieu,quiveillepaternellementsurtous,avouluque tous les hommes constituent une seule famille et setraitentmutuellementcommedesfrères.» (24.1)Toutvéritablepersonnalisme est communautaire.Ainsi, demêmeque le biencommun est le but du bien de la personne, le lieu de saperfection, de même la communion est le but du don. Ledestinatairedudonn’estpasseulementun« tu», ilestaussiun « nous ». Ce sont concrètement la construction desconditions sociales et une fraternité partagée pour bien vivreensemble. JosephRatzinger soulignaitque lacommunionestàl’imagedesasourcetrinitaire(l’hommecrééàl’imagedeDieu)et de l’Église (ecclésiologie de communion). La théologie,l’anthropologie, l’éthique et, finalement au sens large, lasociologie, sont inséparables. Ils instaurent une circulationconcrète du don. Le développement de la personne ne peut secomprendre ultimement sans prendre en compte la gratuité dudon.

45. L’homme fait pour le don gratuit : réalisme prophétique ouutopie?Dans l’encyclique sociale deBenoîtXVI,La charité dans la véritéde

2009,lepapesoulignel’importancedudongratuittantpourl’hommequepourlasociététoutentière,sansoublierlemondeéconomique:«L’amourdans la vérité place l’homme devant l’étonnante expérience du don. Lagratuitéestprésentedanssavie sousdemultiples formesqui souventnesont pas reconnues en raison d’une vision de l’existence purementproductivisteetutilitariste.L’êtrehumainestfaitpourledon;c’estledonqui exprime et réalise sa dimension de transcendance […]. De même,notrevéritépropre, celledenotre consciencepersonnelle, nous est avanttout“donnée”[…].Parcequ’elleestundonquetousreçoivent,lacharitédans la vérité est une force qui constitue la communauté, unifie leshommesdetellemanièrequ’iln’yaitplusdebarrièresnidelimites[…].Enaffrontant cettequestiondécisive,nousdevonspréciser,d’unepart,

quelalogiquedudonn’exclutpaslajusticeetqu’ellenesejuxtaposepasàelle dans un second temps ni de l’extérieur et, d’autre part, que si ledéveloppementéconomique, socialetpolitiqueveutêtreauthentiquementhumain, il doit prendre en considération le principe de gratuité commeexpressiondefraternité[…].Danslesrelationsmarchandes,leprincipedegratuitéetlalogiquedudon,commeexpressiondelafraternité,peuventet doivent trouver leur place à l’intérieur de l’activité économiquenormale116.»LepapeBenoîtXVIétendainsi l’affirmationdeGaudiumetSpes24.3

que«l’hommesetrouvedansledonsincèredelui-même»àlanécessitéde sedonnergratuitementdans toute activité sociale et économiquepourgénérerunevraiefraternitéhumaine.

Le grand penseur de la culture européenne, qu’est saintAugustin, ne dirait pas l’inverse. Il a synthétisé cette tripledimension transcendante, anthropologique et éthique, en troisplans, au demeurant inséparables : « ab exterioribus adinteriora,abinterioribusadsuperiora»,cequisignifie:«Desréalités extérieures aux réalités intérieures, des réalités

intérieures aux réalités supérieures. » Donnons à cet ordrechronologique de la conversion son ordre théologal : « Desréalités supérieures (la grâce) aux réalités intérieures (laliberté),desréalitésintérieuresauxréalitésextérieures(ledondesoiaumonde).»Appliquonscettedynamiquefondamentaleàlaviehumaine:–Cesréalitéssupérieures,cesontl’ouvertureàl’Esprit,àla

transcendance,àlalibertéinfinie,àlagrâce,entouslescasàla profondeur mystérieuse de notre être et à la miséricordedivine. Dans la vie pratique, ce sont les temps de silence quel’onprendrapour rejoindresoncœurprofond,sesvraisdésirs,ses aspirations à première vue cachées. Ce sont également lesmomentsdesolitudepours’accueillirsoi-même,sousleregardbienveillantdeDieu.Autantd’occasionsfavorablespourvérifiersi l’on est vraiment ouvert aux points de vue des autres, àl’écoutedelaSainteÉcriturecommeParolerévélée.L’ouvertureàcesréalitéssupérieuresseconcrétiseradansdesrelecturesdevie, notamment par un dialogue confiant avec unaccompagnateurspirituel.– Ces réalités intérieures, ce sont notre cœur profond, la

qualité de notre être, de nos paroles, de nos sentiments, lediscernement de notre conscience, le respect de nous-mêmes,l’accueil de nos désirs intimes, la liberté personnelle, maisaussi l’estime de soi qui déterminera l’estime des autres. Laqualitéduregardsurlesautresnaîtdelaqualitéduregardposésursoi-même.Oui,moiaussi,j’ailedroitdevivre.Alors,pasdefausse culpabilité ! Choisissons la vie en repérant dans notrejardin intimelesbellesfleursquesontnosaspirations lesplusprofondes.Ensuite, toutenprenantconseil,décidons,agissonsenconscience,librement.L’action,quiestdondesoi,seraalorslefruitdecettetraverséecomplètedetoutelapersonnehumaine.

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aider le genre humain à découvrir la solution des problèmesmajeursdenotretemps.–Le Christ, homme nouveau, révélateur du mystère de

l’homme(GaudiumetSpes22)En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que

dans le mystère du Verbe incarné. Adam, en effet, le premierhomme, était la figure de celui qui devait venir, le ChristSeigneur.NouvelAdam,leChrist,danslarévélationmêmedumystèreduPèreetdesonamour,manifestepleinementl’hommeàlui-mêmeetluidécouvrelasublimitédesavocation.Iln’estdoncpassurprenantquelesvéritésci-dessustrouventenluileursourceetatteignentenluileurpointculminant.« Image du Dieu invisible » (Col 1, 15), il est l’Homme

parfait qui a restauré dans la descendance d’Adam laressemblancedivine, altéréedès lepremierpéché.Parcequ’enlui, lanaturehumaine a été assumée,nonabsorbée, par le faitmême,cettenatureaétéélevéeennousaussiàunedignitésanségale.Car,parsonIncarnation,leFilsdeDieus’estenquelquesorteuni lui-mêmeà touthomme. Il a travaillé avecdesmainsd’homme,ilapenséavecuneintelligenced’homme,ilaagiavecunevolontéd’homme,ilaaiméavecuncœurd’homme.NédelaVierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en toutsemblableànous,hormislepéché.Agneau innocent, par son sang librement répandu, il nous a

méritélavie;et,enlui,Dieunousaréconciliésaveclui-mêmeetentrenous,nousarrachantàl’esclavagedudiableetdupéché.Ensortequechacundenouspeutdireavecl’Apôtre:leFilsdeDieu«m’a aimé et il s’est livré lui-même pourmoi » (Ga 2,20).Ensouffrantpournous,ilnenousapassimplementdonnél’exemple,afinquenousmarchionssursespas,maisilaouvertune route nouvelle : si nous la suivons, la vie et la mort

deviennentsaintesetacquièrentunsensnouveau.Devenu conforme à l’image du Fils, premier-né d’une

multitude de frères, le chrétien reçoit « les prémices del’Esprit» (Rm8,23)qui lerendentcapabled’accomplir la loinouvelledel’amour.ParcetEsprit,«gagedel’héritage»(Ep1, 14), c’est tout l’homme qui est intérieurement renouvelé,dansl’attentede«larédemptionducorps»(Rm8,23):«Sil’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les mortsdemeureenvous,celuiquiaressuscitéJésusChristd’entrelesmortsdonneraaussilavieàvoscorpsmortels,parsonEspritquihabiteenvous.»(Rm8,11)Certes,pourunchrétien,c’estune nécessité et un devoir de combattre le mal au prix denombreuses tribulations et de subir la mort. Mais, associé aumystère pascal, devenant conforme au Christ dans la mort,fortifiéparl’espérance,ilvaau-devantdelarésurrection.EtcelanevautpasseulementpourceuxquicroientauChrist,

maisbienpourtousleshommesdebonnevolonté,danslecœurdesquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque leChristestmortpourtousetquelavocationdernièredel’hommeest réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir quel’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, lapossibilitéd’êtreassociéaumystèrepascal.Telleest laqualité et lagrandeurdumystèrede l’homme,ce

mystère que la Révélation chrétienne fait briller aux yeux descroyants. C’est donc par le Christ et dans le Christ ques’éclairel’énigmedeladouleuretdelamortqui,horsdesonÉvangile,nousécrase.LeChristestressuscité;parsamort,ilavainculamortetilnousaabondammentdonnélaviepourque,devenus fils dans le Fils, nous clamions dans l’Esprit :Abba,Père!– Caractère communautaire et éthique de la vocation

humainedansleplandeDieu(GaudiumetSpes24)Dieu,quiveillepaternellementsurtous,avouluquetousles

hommes constituent une seule famille et se traitentmutuellement commedes frères.Tous, en effet, ont été créés àl’imagedeDieu,«quiafaithabitersurtoutelafacedelaterretoutlegenrehumainissud’unprincipeunique»(Ac17,26),ettous sont appelés à une seule et même fin, qui est Dieu lui-même.Àcausedecela,l’amourdeDieuetduprochainestlepremier

et le plus grand commandement. L’Écriture, pour sa part,enseigne que l’amour de Dieu est inséparable de l’amour duprochain : « Tout autre commandement se résume en cetteparole: tuaimeras leprochaincommetoi-même…Lacharitéestdonclaloidanssaplénitude.» (Rm13,9-10;cf.1Jn4,20) Il est bien évident que cela est d’une extrême importancepourdeshommesdeplusenplusdépendantslesunsdesautresetdansunmondesanscesseplusunifié.Allons plus loin : quand leSeigneur Jésus prie lePère pour

que«toussoientun…commenousnoussommesun» (Jn17,21-22), il ouvredes perspectives inaccessibles à la raison et ilnoussuggèrequ’ilyaunecertaineressemblanceentrel’uniondespersonnesdivinesetcelledesfilsdeDieudanslavéritéetdans l’amour. Cette ressemblance montre bien que l’homme,seulecréaturesur terrequeDieuavouluepourelle-même,nepeutpleinementse trouverquepar ledondésintéresséde lui-même.

120Lesitaliquesdansletextesontdenous-même.

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139MauriceBLONDEL,L’Êtreetlesêtres,p.95.140MauriceBLONDEL,L’Action,t.II,p.483-484,Excursus22.141Ibid.,p.483.142 Texte disponible dans son intégralité sur : studium.ndv.pagesperso-orange.fr/articles/art-pdc06.htm

ANNEXE7

DEL’INTÉGRATIONDEL’HOMMEDANSLETOUT,SELONHANSURSVONBALTHASAR

«La foi seule porte en elle une espérance enrichissante – etnon pas un vain attachement au futur – parce que, au-delà detous les degrés temporels intermédiaires, elle saisit ce qui lacombleouplutôtelleestsaisiepar lui.Ellechercheàsaisir lebutquil’adéjàsaisi(Ph3,12-13).Entouslesfragments,lafoisaisit absolument le tout, parce qu’elle est déjà saisie par leToutorganique,et incorporéeàLui.C’estpourquoi la foin’apasdemotifpourfuirhorsdutemps,aveclesdiversidéalismes,vers un “instant éternel”, puisque dans le temps elle tient leTout,étantdonnéque leTout la tientdans le temps.Maisellen’apasplusderaisondefuir,horsd’unprésentinassouvi,versun avenir plus riche, car avec le présent sous-estimé, elleperdrait aussi l’éternité qui y habite. Elle se comble de cetteéternité, mais ce n’est pas autrement qu’en accomplissant samission dans le temps actuel : ce n’est que dans l’hodie[aujourd’hui]quetempsetéternitécoïncident.Maislamissionsedérouleavecletempsetsesévénements;lamissionsignifieetrequiertunavenir.Unetellemissionaccomplienefaitqu’unaveclaPrière:“QuevotreRègnearrive,quevotreVolontésoitfaite sur la terre comme au ciel.” Avec la mission accomplie,l’éternité vient dans le temps sur le chemin de l’avenir ; c’estpourquoiletemps,luiaussi,vaàlarencontredel’éternité,danslequelletempsaccomplisetrouvecommeressuscité.Enpriant,en obéissant, nous hâtons la venue du Christ. “Le salut est

maintenantplusprèsdenousqu’autempsoùnousavonscru.Lanuitestavancée.Lejouresttoutproche.”(Rm13,11-12)Seullechrétienadanslafoiuneespéranceconcrète,quisait

comment on peut, au-delà du temps vide, parvenir jusqu’auCorpstangibleduMaîtrebien-aimé.“Nemeretienspasainsi”,ditleSeigneur,“carjenesuispasencoremontéverslePère.”Maismaintenantilestmonté,etilpeutetilveutêtretouchéparlamaintâtonnantedel’espéranceàtraverstoutcequisansluiestinconsistant.“Oubliantlecheminparcouru,jevaisdroitdel’avant,tendu

de toutmonêtre,et jecoursvers lebut.” (Ph3,13-14)Cettetension vers l’avant ne peut être remplacée par aucun essai desaisir immédiatement ce qui est en haut.Ceci nous ramène audébut,àAugustin.Ladistensiodutemps[letempsquidisperse]nepeutêtresurmontéeparl’extensiosecundumintentionem(cf.Conf.XI,39;Ph3)[cettetensionverslebut].Cetteenjambéedu croyant à travers les espaces du temps, jusque vers leRessuscité,voilàlevéritableprogrèsdumonde.Luiseulmetenmouvement authentique vers Dieu la création tout entière. Ilinsuffleàtouteslesvanitésd’agirterrestre[lesautosuffisances]une âme éternelle. En tant que foi, elle [cette tension versl’avant] n’anticipe pas la vision (2 Co 5, 7) ; en tantqu’espérance, elle ne veut pas déjà prendre la possession, carelle ne serait pas “l’attente avec constance” (Rm 8, 24-25).C’est làqu’est lacertitude [cetteattenteestconfiante],car“siDieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n’a pasépargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous,commentavecLui,nenousaccordera-t-ilpas toute faveur?”(Rm8,32)»Hans Urs von Balthasar, De l’intégration (Das Ganze im

Fragment).Aspectsd’une théologiede l’histoire,DDB,1970,

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7.Connaîtresavisiondelapersonne:ferméeououverte?

8.Latraverséepositivedel’angoisse

9.Lescrisescommeautantd’occasionsdechanger:le

changement,c’estmaintenant!

10.Bienreconnaîtresesmécanismesdedéfenses:«pastouche!

»

11.Réveillerlavoixéthiquedelaconscience

12.Relierlesinclinationsnaturellesaudynamismedesvertus:

l’enjeudelaqualitédelaliberté

II–Partagerledondelavie:s’ouvriràlarelationendéployantdesliensdequalité

1.Êtrepositivementsoustension

2.Lacroissancepersonnelleparl’interdépendancedesliens:le

paradis,cesontlesautres!

3.Vivreheureusementsondeuil:lessainesrupturesderelation

4.L’amourdurableentrel’hommeetlafemme

5.Promouvoiruneesthétiqueamoureuse:lecorpsdechairfait

pourlabeauté

6.Lachasteté,ajustementpudiquedesoiàl’autre

7.Leshommesetlesfemmesviennentdusoleil

8.Enrouteverslacommunion:pasdevraidéveloppement

personnelsanspromotiondubiencommun

9.Enfiniraveclespréjugésstéréotypés

10.Laréconciliationavecsesparents:abcdepsychologie

systémique

11.Blessé,maispascoulé:laréactionfaceàlablessure

relationnelle

12.Lemauvaischoixdudoute,facteurd’endurcissementet

d’isolement

13.Lebonchoixdelaconfiance,sourcedesensetdeliberté

spirituelle

III–Senourriràlasourcedudondelavie:faireconfianceàsonêtrespirituelenaccomplissantsalibertédansleChrist

1.Repérerlasuspicionculturelleenvironnante:Freud,oula

religionentreillusionetdélirecollectif

2.Les«anti-Freud»:JungetFrankl,oulesoupçonrenversépar

l’attentedeDieu

3.LeChrist,cheminaccessibledel’hommeparfaitementunifié

4.LeChrist,icônedel’hommeréconciliédesestensions

5.Choisird’appartenirauChrist,pouraccomplirsonêtreprofond

6.L’admirableéchangeentrelanature,lapersonneetlagrâce

7.Lalibertévraimentlibre:nécessitédelagrâceouconsentirà

unedépendancespirituelle

8.Lerôlesanctifiantdelagrâce:aprèslegrandnettoyage,la

visite

9.Favoriserl’unitéavecDieuplutôtquel’union(con)fusionnelle

10.«Dieu,premierservi»:accepterd’êtreinsuffisant

11.Vivresonexistencecommeunehistoiredesalut:entre

engagementetsérénité

Conclusion–Vouloiragirenredonnantlavie:setrouversoi-mêmeensedonnantsincèrementauxautres

1.Lelieududondesoiousedonneràpartirdesonêtrespirituel

2.L’accomplissementensortantdesoiparledondésintéressé

Annexe1–Schémarécapitulatif:lesquatreétapesdelaconstruction

intégraledelapersonne

Annexe2–Itinérairedebasedudéveloppementpersonnelchrétien:«et»bien,dites,don!

Annexe3–ConcileVaticanII,ConstitutionPastoraleGaudiumetSpes(1965):leChrist,réponsedelavocationpersonnelleet

communautairedel’homme

Annexe4–Lalectiodivina:L’écouteperformativedelaParoledeDieu

Annexe5–Aimez-vouslaVie?Testdespréférences:«laviequiestenvous»

Annexe6–Levrai«développementdelapersonne»selonMaurice

Blondel:entreachèvement,dépassementetdondesoi.Réponsede

PierredeCointetàl’enquêteduConseilPontificalpourlaCulture,«

Pourunhumanismechrétienàl’aubedunouveaumillénaire»

Annexe7–Del’intégrationdel’hommedansleTout,selonHansUrsvonBalthasar

Annexe8–LedécaloguedelasérénitédupapesaintJeanXXIIIAnnexe9–Setrouversoi-mêmeensortantdesoi,selonlediscoursprogrammedupapeFrançois

Annexe10–ListedesencartsAnnexe11–ListedesschémasBibliographieTabledesmatières