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DU MÊME AUTEUR - Numilog

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DU MÊME AUTEUR

TRADITIONS. — Avec une préface du duc DE LA FORCE, de l'Académie Française (Paris, Éditions des Armes de France). Ouvrage couronné par l'Académie Française.

RÉVOLUTION. — (Paris, Les Éditions Inter Nationales). Ouvrage couronné par l'Académie des Sciences Morales et Politiques.

LES JACOBINS FLAMANDS. — (Le Club de Bergues), avec une préface de M. Jacques BAINVILLE de l'Académie Française.

LES SOLDATS DE L'AN II A HONDSCHOOTE. VOLEURS DE GLOIRE. — Les corsaires dunkerquois (Paris,

Les Éditions Inter Nationales). Ouvrage couronné par l'Aca- démie de Marine.

GHYVELDE - BRAY-DUNES A TRAVERS LES AGES. — Avec une préface de M. Ernest CHAMPEAUX, Professeur à la Faculté de Droit de Strasbourg.

UN HISTORIEN DU NORD : LE DOCTEUR LOUIS LEMAIRE (1877-1941). — Avec une lettre-préface de M. Jacques CHASTENET, Membre de l'Institut.

DUNKERQUE ET SES CHANTIERS DE CONSTRUCTIONS NAVALES, DE L'ORIGINE A NOS JOURS. — En colla- boration avec le Commandant DENOIX et MM. Jean LATY et Lucien LEFOL. Présentation de M. Albert SÉBILLE, peintre du département de la Marine, avec 12 hors-texte en couleurs de celui-ci (Draeger frères, Paris).

JEAN-BAPTISTE LAISNEY ET LES SIENS PENDANT LA TERREUR (1762-1794). — Avec une lettre-préface de S. É. le Cardinal LIÉNART, Évêque de Lille.

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LA POÉSIE AU FIL DES JOURS. — Ernest CHAMPEAUX (1841-1889), avec une préface de M. FUNK-BRENTANO, de l'Institut.

UN GRAND MOINE FRANÇAIS : LE R. P. FRÉDÉRIC JANSSOONE, O. F. M., APOTRE DE LA TERRE SAINTE ET DU CANADA. — Avec une introduction de S. Exc. le Comte Wladimir D'ORMESSON, Ambassadeur de France près le Saint-Siège (Paris, Les Éditions Inter Nationales). Ouvrage couronné par l'Académie Française.

CENT ANS D'ENSEIGNEMENT LIBRE. — En collaboration avec M. le Chanoine LESTIENNE, M. l'Abbé Jean TACK, MM. Étienne DE CLEBSATTEL et Marcel PROVOOST.

JEAN BART, CORSAIRE, CHEF D'ESCADRE ET DUNKER- QUOIS (1650-1702). — Ouvrage publié par la Ville de Dunkerque à l'occasion du 3 centenaire de la naissance: de Jean Bart.

UN GÉNIE OUBLIÉ DE LA RENAISSANCE : WENCESLAS COBERGHER (1557-1634). — (Paris, Les Éditions Inter Nationales). Ouvrage édité par les Villes de Bergues et de Furnes et le Comité Flamand de France.

DÉFENSE ET ILLUSTRATION DES CAPRES ET DE LA CAPRERIE. — (Réhabilitation morale et juridique des corsaires). Communication faite à l'Institut de France (séance du 9 avril 1951 à l'Académie des Sciences Morales et Politiques).

SOUVENIRS FRANÇAIS D'UN GRAND OCCIDENTAL OUBLIÉ : WENCESLAS COBERGHER. — Communica- tion faite à l'Institut de France (séance du 21 janvier 1952 de l'Académie des Sciences Morales et Politiques).

UNE IDÉE SOCIALE DE LOUIS XIV : LA CONCESSION DES MARINS DE FORT-MARDYCK (1670-1953). — Communication faite à l'Institut de France (séance du 4 mai 1953 de l'Académie des Sciences Morales et Poli- tiques).

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DUNKERQUE VIOLENCE

DE LA FLANDRE

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LÉON MOREEL

DUNKERQUE VIOLENCE

DE LA FLANDRE

J. DEMEYÈRE Dépositaire

Place du Palais de Justice DUNKERQUE

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ARMOIRIES DE JEAN BART

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DU VENT, DU SABLE ET DE L'EAU

Au cœur de Dunkerque, face à l'église Saint-Éloi où dort Jean Bart, s'élève un haut beffroi « orgueil de la cité et de la Flandre » aux dires des vieilles chro- niques. Sa lourde masse grise clame l'effort des Dunker- quois oubliés qui couronnèrent de gothique flamboyant un soubassement encore roman. De sa plate-forme l'œil embrasse la région, l'esprit comprend son histoire.

A l'infini s'étend la mer. La mer avec ses lourdes masses d'eau qui pèsent sur le sol, qui s'y infiltrent et le submergent, qui se déchaînent parfois en coléreux paquets, et broient. La mer avec les richesses de ses flancs, ses aventures, ses bancs dangereux, et ses che- mins qui conduisent vers d'autres hommes et d'autres cieux. La mer qui permet d'échapper à son ennemi mais d'où, à l'improviste, celui-ci surgit.

Ses flots, souvent plus gris que bleus, meurent sur le sable des plages, mouvant, stérile et doré. Derrière elles s'étale, à l'infini aussi, la plaine ; la plaine avec avec ses champs bien découpés, ses canaux, ses maisons terrées, ses usines et, au loin, ses frontières indécises. Rien ne la sépare de la mer que repousse son patient effort, mais qui la domine, comme les domine toutes deux le ciel.

Un ciel tout chargé de nuées marines, l'un des plus beaux du monde aux dires de Denys Cochin, car nulle montagne ne l'escalade, ne l'échancre et ne le limite.

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Mais un ciel roi, plein de violence, avec ses traîtres coups de vent qui engloutissent les vaisseaux d'humeur vagabonde, avec ses tempêtes rageuses qui abattent les toits, déplacent les dunes, et comblent les ports.

L'histoire de la cité qui a dressé éperdument au- dessus d'elle, dans un geste de foi, un tel beffroi, c'est celle de la violence d'une race obligée pour vivre de surveiller, de haut et de loin, une mer et un ciel tour à tour alliés ou ennemis, tout comme une terre incer- taine.

Pour trouver en Flandre une mer paisible il faut remonter au début du quaternaire. L'Angleterre était alors liée au continent par l'isthme de Calais. L'océan se brisait sur ce barrage à l'abri duquel la « mer flan- drienne », presque intérieure, battait les falaises de Watten à Bergues en passant par Pitgam. A leurs pieds elle engraissa d'une couche de vase sableuse l'argile originaire. Elle forma ainsi, face au « Houtland », ou pays au bois simplement argileux, le « Noortland » sablonneux.

Brusquement, à la fin de l'époque paléolithique, l'isthme de Calais s'effondra. La mer devint agitée à l'ouest du golfe de l'Aa où étaient les Morins, et à l'est de celui-ci où s'étaient installés les Ménapiens, ces gardiens d'oies recherchées des gourmets romains.

César dont les légions surveillaient le pays du haut de Cassel, et devaient y établir un jour trois voies, traversa la région pour aller conquérir l'Angleterre. Les ingénieurs romains y construisirent probablement des ouvrages d'art pour résister à la violence de l'océan. Faulconnier, le premier historien de Dunkerque, en donna même d'hypothétiques reproductions. Lorsque

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l'Empire s'effrita, après la mort d'Aurélien, les lieute- nants de Posthume ne surent pas résister aux Frisons qui apparurent sur les côtes. Pour la première fois, en Flandre, la faiblesse de l'État amena l'invasion. Fina- lement, l'aventurier « archipirate » Carausius, qui s'était proclamé Empereur, régna sur le « littus Saxonicum ». Pendant ces troubles la lutte contre l'océan fut négligée. Par suite vraisemblablement d'un affaissement du sol, à chaque tempête d'équinoxe la mer battit à nouveau la falaise qui s'étend de Watten à Bergues. Pour la première fois aussi en Flandre le mot « révolution » put se traduire par « inondation », puisque seules quelques rares hauteurs, à Bray-Dunes ou à Ghyvelde, restèrent émergées. Le maximum de l'inondation fut atteint au IV siècle. Ceci explique que pas un nom de lieu anté- rieur à. cette époque ne nous soit parvenu. Seuls subsis- tèrent les villages, d'origine saxonne ou frisonne, qui se trouvaient à l'abri des crêtes, et dont les noms se ter- minent encore soit en « Hem » soit en « Ham ».

Bientôt, après 358, les Francs Saliens colonisèrent la vallée de la Lys. Au milieu du V siècle, ils établirent des postes militaires dans des lieux dont les fins de noms en « Zeele » rappellent les « Sali ». Aux dires de l'Abbé Delanghe, les noms de famille et le flamand qu'on y parle encore seraient exactement leur langue, la langue primitive des Francs. Ils se convertirent ensuite au christianisme. La race et la foi qui devaient faire la Flandre étaient dorénavant à pied d'œuvre. La reconquête de la plaine maritime, où Dunkerque planterait un jour son haut beffroi, allait commencer.

Ce fut une lutte violente et gigantesque, qui dura cinq siècles. Comme l'écrivit un jour Lamartine, l'homme

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fabriqua de la terre ferme. Pour y parvenir, l'on cons- titua des associations de propriétaires : les « waete- ringues ». Elles se donnèrent des chefs au nom poétique : les « Comtes des Eaux » ou « Waetergrafs ». Les riches abbayes de Bergues et de Saint-Omer fournirent de la main-d'œuvre et des capitaux. Au X siècle, la mer était repoussée à peu près là où les Romains l'avaient connue. Seuls subsistaient, dans l'arrière-pays, les grands lacs des Moëres et de Cappellebrouck.

Mais la reconquête était l'œuvre de néophytes chrétiens, stimulés et aidés par des moines. A chaque étendue de terre libérée correspondirent dès lors non seulement un village, mais un culte et une église. La plaine maritime se couvrit d'agglomérations dont les noms se terminèrent en « kerque », « Cappelle » ou « Saint ». Il semble que se soit ainsi élevé, de la terre arrachée à la mer, un hymne de reconnaissance vers un ciel enfin favorable.

Tout ceci explique le nom même de Dunkerque « l'église des Dunes », mais nous oblige par contre à renoncer aux légendes qui soutenaient que saint Martin, mort en 397, ou saint Éloi, mort en 655, auraient évan- gélisé une ville, alors que son territoire était sous les flots. Une fois de plus des primitifs, aux âmes proches du merveilleux, confondirent un saint et son église.

C'est ainsi que nos ancêtres, les fils des Francs, qui n'avaient pas reçu de terres de leurs pères, se créèrent une patrie faite de sable et d'eau. Ils lui don- nèrent un nom qui était une affirmation de foi et aussi une prière. Et ils l'aimèrent d'un amour d'autant plus violent qu'ils n'en étaient pas les héritiers mais les fabricants.

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LES COMTES (800-1384)

L'historien, qui connaît l'état d'âme des Flamands primitifs, constate sans étonnement que les premiers textes qui parlent de notre ville sont des documents religieux. Dans le plus ancien, une charte du 27 mai 1067, le Comte de Flandre Baudoin V confère à l'abbaye de Saint-Winoc, de Bergues, le droit de percevoir la dîme à Dunkerque. Le second est une charte octroyée en 1126 à la même abbaye, par laquelle Jean, Evêque des Morins, concède l'autel de Dunkerque.

Ces documents prouvent qu'à ces dates une cité existait déjà. Vers l'an 800 en effet une agglomération de pêcheurs, proche d'un havre, étirée comme l'actuel village de Bray-Dunes, avait dû se construire autour d'une église dédiée à saint Pierre, à l'abri d'une haute dune. La rue Clemenceau, avec sa côte de plus de sept mètres, en aurait constitué le sommet.

D'après le premier historien de Dunkerque, Faulconnier, elle fut entourée de murailles en 964 par le Comte de Flandre Baudoin III, qui serait mort à Bergues au retour d'une inspection de ces travaux. Elle était peuplée de marins jaloux de leur indépen- dance. La célèbre chanson des « Kerles » rappelle les luttes qui les opposèrent à la noblesse dès 1136. Les géants ou Reuzes qu'ils promènent encore aux jours de

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liesse évoqueraient même, non pas les hommes de grande taille rencontrés par César en Ménapie, mais les guerriers orgueilleux vaincus par les révoltes du peuple avant d'en être la risée.

Leur courageuse violence arracha au Comte de Flandre la liberté de leur cité et d'importants privilèges. En 1183 Philippe d'Alsace s'était fiancé à Mahaut, fille du Roi du Portugal, qui, fière de son origine, s'arro- geait le titre de Reine. Des Normands s'en emparèrent alors qu'elle faisait voile vers la Flandre. Philippe, furieux, équipa une flotte à Dunkerque, dont les marins se lancèrent en Mer du Nord à la poursuite des pirates. Tous furent pris, amenés dans notre port et exécutés. Pour prix de cette victoire, la « nouvelle ville » reçut sa première charte ou « Keure ». Elle put alors cons- tituer une « bourgeoisie » qui donna naissance, par la suite, à un patriarcat. Elle obtint du Comte des « exemp- tions de droits et de Tonlieux ». Elle organisa une « charité du Saint Esprit » qui devint un jour une « Table des Pauvres ». En 1273, la Comtesse Marguerite de Constantinople lui légua par testament « pour Dieu et en ausmone » une rente de cinq sols, destinés à « acater » des vêtements pour les pauvres gens. La ville, enfin, eut son sceau dès 1226. Ses rudes pêcheurs n'y firent pas graver d'élégants motifs armoriés. Un beau poisson de saint Pierre, tel qu'ils le tenaient dans leurs larges paumes lorsqu'ils l'avaient pêché, y symbolisa leur industrie.

Dès que l'on s'organise en Flandre, l'on dessèche. Ne soyons donc pas étonnés d'apprendre qu'au même moment le grand marais de Cappellebrouck, de près de 800 hectares, fut asséché. Là où croissaient des joncs

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s'éleva l'intéressante église romane qui subsiste de nos jours. En 1200, par contre, de violentes tempêtes de sable submergèrent les ports de Zuydcoote et de Mardyck.

Quelques années auparavant, en 1188, Philippe d'Alsace, rêvant de ceindre la couronne de Jérusalem, avait désiré prendre la croix. Les Dunkerquois recon- naissants l'y aidèrent puissamment en armant 17 vais- seaux. Ceux-ci quittèrent la Flandre en 1189, pour conduire le Comte à Saint-Jean-d'Acre où il mourut de la peste.

Son décès marqua pour la ville le début d'une série de tribulations au cours desquelles de puissants princes se la disputèrent dans le sang ou à prix d'or. Séparée du Comté à titre provisoire, elle échut tout d'abord en « douaire » à la Reine Mahaut. Celle-ci fut battue près de Furnes, en 1201, par les « Kerles » qui s'étaient révoltés. Pour leur échapper, elle se réfugia à Dunker- que... avant de se sauver jusqu'à Lille. Le Comte de Hainaut, Seigneur Suzerain, étant mort en 1195, ce fut sa fille la Comtesse Jeanne, mariée à un neveu de la Reine Mahaut, Ferrand de Portugal, qui hérita de la Flandre. Lorsque la Reine douairière mourut à son tour, noyée dans les proches Moëres, Dunkerque revint à la Comtesse dont le mari, Ferrand, reste célèbre pour sa défaite de Bouvines.

Ce fut donc comme Comtesse de Flandre que Jeanne, le 29 juillet 1218, « dimanche de l'octave de la fête de sainte Marie-Magdeleine », confirma les privilèges accordés précédemment « aux Magistrats, Bourgeois et habitants » de notre ville par « son prédécesseur, Philippe, d'heureuse mémoire ». Elle ne gouverna pas longtemps la cité. En 1220, mue par un sentiment de reconnais-

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sance, elle la détacha du Comté pour l'« ériger en sei- gneurie foncière » au profit d'un chevalier, Laurent de Portugal, qui s'était courageusement battu à Bouvines avec son mari. La communauté de Dunkerque n'en demeura pas moins par la suite fidèle à la bonne Comtesse. Elle offrit sa caution lorsqu'il fallut, en exécution du traité de Melun, le 20 décembre 1226, obtenir de Louis VIII la liberté du Comte Ferrand. Pour y parvenir, les habitants durent jurer devant les envoyés de saint Louis de ne donner « ni conseils ni « secours au Comte et à sa femme, s'ils contrevenaient « aux engagements qu'ils avaient pris ».

Laurent de Portugal, désirant prendre l'habit à l'abbaye de Loos, obtint, le 3 octobre 1233, l'autori- sation de céder sa seigneurie à l'Évêque de Cambrai, Godefroy de Condé. Celui-ci ne la posséda que cinq ans. Les Dunkerquois n'en ont pas moins gardé le souvenir de ce prince généreux. Ce fut lui qui fit édifier leur premier Hôtel de Ville ou « Stadthuys », approfondir et élargir leur port, et surtout construire deux jetées des- tinées à en faciliter l'accès. La pêche se développa grâce à sa protection. Ses produits, dont la qualité était vérifiée par le Magistrat, se vendirent bientôt jusqu'à Bapaume où se trouvait un péage seigneurial. Ses comptes indiquent que le millier de harengs y payait un denier alors que le millier de maquereaux en payait quatre ! Par contre, les bancs de sable qui marquent, sous les flots, l'emplacement d'anciens rivages empê- chaient les lourds vaisseaux de la Hanse Flamande de Londres de s'aventurer chez nous.

Lors du décès de Godefroy de Condé, la Seigneurie échut à Jean puis à Baudouin d'Avesnes. Ce dernier la

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céda finalement, en 1268, au nouveau Comte de Flandre: Guy de Dampierre, moyennant une rente de 105 livres 5 sous 2 deniers, à verser à sa veuve Félicité de Concy. Dunkerque rentrait ainsi dans le Comté Flamand.

Ce ne fut pas pour y trouver la paix. Guy de Dampierre, ayant de graves embarras financiers, demanda tout d'abord à la ville d'emprunter pour lui 240 livres parisis au Pannetier du Roi de France. Il augmenta ensuite les impôts, mécontentant les bour- geois qui les supportaient. Ceux-ci créèrent un parti des amis du Lys de France, les « Léliaerts », qui s'oppo- sèrent aux « Klauwaerts ». Philippe le Bel eut bientôt l'occasion d'utiliser le zèle de ces amis. Guy de Dampierre ayant résolu de marier sa fille au Roi d'Angleterre sans son autorisation suzeraine, commit une atteinte au droit féodal. Philippe fit prononcer par ses légistes la confis- cation du Comté. Ses armées s'en vinrent donc à la rencontre des troupes flamandes de Guillaume de Juliers et les battirent à Bulscamp le 13 août 1297. Dunkerque se soumit au Roi qui promit par lettres du 7 septembre datées d'Ingelmunster, de respecter ses coutumes.

Le Gouverneur français de Chatillon soutint trop les « Léliaerts ». Le peuple brugeois se souleva contre lui et assassina les Français « au saut du lit ». Philippe le Bel revint en Flandre et marcha sur Courtrai. Les Flamands l'attendirent derrière un marais où ses cheva- liers s'embourbèrent. Ils les y massacrèrent et purent suspendre 700 éperons d'or en ex-votos aux voûtes de Notre-Dame. La victoire française de Mons-en-Pévèle rétablit la situation. Le Roi imposa aux Flamands le lourd traité d'Athis-sur-Orge. Guy de Dampierre était

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mort et son fils, Robert de Béthune, prisonnier, ne pouvait que s'incliner devant ses exigences.

Aux termes de ce traité, la Flandre devait verser la somme considérable de 600.000 livres. Pour se les procurer le Comte établit un cadastre resté célèbre sous le nom de « Transport de Flandre ». Il nous renseigne sur l'importance respective des villes de l'époque. C'est ainsi que Bergues y fut taxée pour 8 sous et 9 deniers alors que notre cité n'était frappée que de 4 sous et 9 deniers. Elle devait être à peu près aussi importante que Bourbourg, imposée à 4 sous, et plus aisée que Gravelines qui ne payait que 9 deniers.

Robert de Béthune fut à l'origine d'un nouveau partage de la Flandre, qui eut à Dunkerque de lointaines répercussions. Ce Comte avait deux fils : Louis de Nevers et Robert de Cassel. Le second étant très popu- laire, son père craignit qu'un conflit ne surgisse entre eux après son décès. Il partagea lui-même ses domaines et légua la Flandre à l'aîné. En compensation il donna au second un certain nombre de Seigneuries, dont Dunkerque. La prisée en fut faite « La nuit Notre-Dame en septembre 1318 » et la donation signée le 2 juin 1320. Or si les descendants de Louis de Nevers allaient être les ducs de Bourgogne et les Rois d'Espagne, la suc- cession de Robert de Cassel, qui comprit Dunkerque, échut par les Comtes de Bar et la maison de Luxem- bourg, à Antoine de Bourbon, père de Henri IV. Notre ville allait devenir, sous la domination espagnole, un bien propre des Rois de France !

Robert de Cassel construisit à Dunkerque un « burg » féodal. Il agrandit l'hôpital Saint-Julien qui s'y était créé, et réorganisa l'administration municipale et

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les services de guet de la ville. Il dota même celle-ci d'une réserve « para militaire », en fondant la Ghilde de Saint-Sébastien. Mais au point de vue politique il entraîna les Dunkerquois dans un certain nombre d'aventures. Les « Kerles » de West Flandre s'étant soulevés il leur abandonna Dunkerque sans combat. Ils y brûlèrent son château et de nombreuses maisons. Son peu d'énergie le fit soupçonner par le Comte de Flandre de complicité avec les mutins. Il se rallia alors ouvertement à eux pour se réconcilier finalement avec son suzerain, le 11 juin 1327, sous l'égide de Charles le Bel. Il devint ensuite dans la région un agent français très actif.

Or, à ce moment, les Flamands ne voulaient pas reconnaître le roi de France, Philippe de Valois, qu'ils surnommaient le « Roi Trouvé ». Celui-ci les défit complètement devant Cassel le 23 août 1328, cependant que son amiral Pierre Miège s'emparait de Dunkerque. La ville dut alors traiter avec le Roi et avec le Comte. Celui-ci fut impitoyable. Il exigea une contribution extraordinaire de 8.000 livres et supprima les libertés locales. Il fit vendre « 49 maisons de bourgeois, pour forfait au Roi ». Ce ne fut que le 3 septembre 1329 qu'il consentit à « rendre ses lois » à la cité. Deux ans plus tard, il mourut à Warneton. Dans son testament il n'en légua pas moins « à l'église de Dunkerque 20 livres tournois » et à chacun des deux hôpitaux de Saint- Julien et de Saint-Jean « cent sols » pour « Dieu et en « aumone pour acheter rente perpétuelle pour les povres « des dits hopitals ».

Sa fille Yolande lui succéda comme dame de Dunkerque. Après avoir été fiancée au Comte Louis de

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Mâle, elle avait épousé en 1339, malgré son jeune âge, Henri IV Comte de Bar. La vie de la « bonne dame de Dunkerque » fut un véritable roman. Tour à tour en révolte contre son Suzerain, inculpée du crime de fausse monnaie, accusée d'un assassinat de chanoines, excom- muniée, incarcérée à Vincennes, reprise après une éva- sion, réhabilitée finalement, elle entraîna les Dunker- quois, par suite de la violence de ses passions, dans un certain nombre d'aventures.

Elle commença par leur réclamer de lourds impôts pour entretenir son Hôtel. Elle les pria ensuite de garantir ses dettes et, notamment, le remboursement d'une somme de 600 livres empruntée en 1364 à un Lombard de Bruges dénommé Chiabodano. Elle exigea enfin 11.000 florins pour payer la rançon de son mari. Quelques-uns d'entre eux, insurgés devant ses préten- tions, malmenèrent son bailli, Wuillaume Lein. Elle en profita pour solliciter de nouveaux prêts !

Elle se prononça ensuite, imprudemment, pour le pape d'Avignon contre celui de Rome. Or, tout au moins en ce temps, les Anglais soutenaient l'église romaine. Ils organisèrent contre elle une véritable croisade. L'archevêque de Norwich débarqua à Calais le 23 avril 1383. Ses troupes se dirigèrent vers Dunkerque « ville mal défendue mais riche et opulente ». Elles la mirent au pillage avant de se retirer devant un soulèvement de paysans. Ceux-ci, dispersés à Petite-Synthe, se réfu- gièrent dans la ville que les Anglais reprirent et pillèrent de nouveau tandis que Yolande s'échappait en aban- donnant « jusqu'à son corset et ses cottes ».

Une fois de plus le Roi de France intervint. Lorsque Charles VI arriva devant Bergues les Anglais tentèrent

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d'inonder le pays pour retarder son avance, en abattant les digues de Dunkerque. Ils n'y parvinrent pas et le Roi entra dans la ville, abandonnée par les Anglais après un troisième pillage. Jaloux d'une telle aubaine les Français les imitèrent. Lorsqu'il fallut y remettre de l'ordre, l'on s'aperçut que la soldatesque avait emporté jusqu'à la balance du poids public ! La restauration se fit sous l'égide du Roi de France, qui continua à occuper les côtes, et y prépara même en 1396 une invasion de l'Angleterre.

Pour se faire une idée exacte des difficultés de la cité, en ce bon vieux temps, il faut ajouter aux péri- péties de la vie de Yolande celles de son cousin et Suzerain, le Comte de Flandre Louis de Mâle, se débat- tant, parfois à contretemps, dans les prémisses de la guerre de cent ans.

Il avait succédé à Louis de Nevers, tombé à Crécy, et voulait opter pour la France. Il n'en signa pas moins à Dunkerque un acte promettant de se fiancer à la fille du Roi d'Angleterre, Isabelle. Il se sauva ensuite pour ne pas tenir sa promesse. L'Anglais, furieux, assiégea Calais et installa à Dunkerque ses bases de ravitail- lement. Lorsque, finalement, le Comte de Flandre dut signer la paix à Dunkerque, le 13 décembre 1348, devant les Comtes de Lancastre et de Suffolk, il s'engagea à ne plus jamais porter les armes contre l'Angleterre.

L'alliance britannique qu'il accepta, si elle enri- chissait les ports, ruinait les industries. Le Comte dut de ce fait ordonner aux villes de réprimer les insultes distribuées aux Anglais par la population. Finalement, les Gantois conduits par d'Artevelde se soulevèrent en 1379. Dunkerque fit cause commune avec eux. Louis de

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Mâle appela à nouveau à son secours son suzerain Charles VI. A son arrivée, les Dunkerquois se soumirent sans attendre la victoire de Roosebecke. Ils apprirent malgré tout avec peine, en juin 1304, le décès de leur vieux Comte.

En dépit de ces tribulations, notre ville s'était considérablement enrichie. Le château, où la dame de Bar faisait de fréquents séjours, avait été recons- truit. Elle y entretenait un capitaine, un receveur, des sergents à masse, un gardien. Des baillis, dont les archives de la Chambre des Comptes de Lille permettent d'établir la nomenclature, rendaient la Justice en son nom. Par suite des progrès de la navigation, les relations de l'ancien havre d'échouage, devenu un véritable port, s'étendaient à l'Angleterre, à l'Espagne et au Danemark. Non loin des jetées de Godefroy de Condé l'on avait construit des « Vierbœtes », ou tours à feu, où l'on brûlait des joncs la nuit. Leurs clartés indiquaient les côtes aux marins. L'on importait alors en ville de la cervoise de Hollande et de la bière de Brême. Yolande, plus délicate, faisait venir du Bordelais des vins destinés à sa table. Tous ces produits payaient des droits et accises grâce auxquels les « petits et humbles sujets » de la dame de Bar, « les bonnes gens de la Ville de Dunkerque » amendaient « leur port et havène ». Ils étaient fiers du résultat obtenu à en croire un placet du 27 juillet 1378 qui nous est parvenu : « Oncque, y disaient-ils, ne fust vu tant de bonnes nefs et marchan- dises ». Mais s'ils pensaient à utiliser leurs ressources pour améliorer leur havène, ils n'oubliaient pas leur foi. Ce même placet indique qu'ils venaient de reconstruire leur église. Ce n'était pas sans effort, et il est émouvant

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d'entendre dans ce lointain passé l'écho du mal qu'ils se donnaient « en veillant et laborant nuit et jour ».

Le 12 décembre 1395, la « redoutée et illustre dame » Yolande mourut à son tour. Pour effacer des mémoires certains scandales, elle légua à l'église 20 livres pour « faire anniversaire chaque an ». Elle donna de plus dix livres à nos deux hôpitaux.

Les Dunkerquois, en apprenant la mort de leur Comtesse, eurent peut-être tendance à se réjouir. Ils eurent tort. La fille du Comte de Flandre Louis de Mâle avait épousé Philippe le Hardi. Leur ville allait devenir bourguignonne. Et ses tribulations sous la domination du « Grand Duc d'Occident » ne le céderaient en rien à celles où l'avaient entraînée ses vieux Comtes flamands.

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Imprimerie Pierre LANDAIS Maurice LANDAIS, Successeur Dunkerque - Malo-les-Bains (Nord)

Novembre 1933

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