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Du repérage des premières manifestations des troubles autistiques par les parents à la première prise en charge

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SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUESéance du lundi 27 novembre 2000

Du repérage des premières manifestationsdes troubles autistiques par les parentsà la première prise en charge

A. Lazartigues1*, É. Lemonnier1, F. Le Roy1, K. Moalic1, A. Baghdadli2, J. Fermanian3,C. Aussilloux21 CHU de Brest, hôpital de Bohars, 29820 Bohars, France ; 2 CHU de Montpellier, 39, avenue Charles-Flahault,34295 Montpellier cedex 1, France ; 3 CHU Necker, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France

Résumé – Actuellement le diagnostic d’autisme est posé vers la troisième année, pourtant lorsque l’on interroge lesparents sur les premières manifestations, ils se sont inquiétés beaucoup plus tôt. Les médecins pédiatres etgénéralistes qui ont vu ces enfants après que les parents ont repéré des troubles ont tendance à les rassurer, en raisondu fait qu’ils manquent d’éléments leur permettant de renforcer leur questionnement diagnostique (l’arbre décisionnelmanque de branches). L’objectif de ce travail est de préciser l’âge de repérage des premiers troubles par les parents,de la première consultation spécialisée, du début de la prise charge et d’analyser les variables qui influencent les âges.© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

autisme / premières consultations / premières prises en charge / signes précoces

Summary – From the first signs of autism to the initial acceptance of care. Currently the diagnostis of autismtakes place towards the 3rd year, however, when parents are questioned concerning the first signs, they had becomeconcerned very much earlier. Paediatricians and general practitioners, who saw these children after the parents hadobserved problems, tended to reassure them, due to the fact that they lacked the necessary elements enabling them togive greater depth to their diagnostic questioning (decision tree lacked branches). The objective of this work is to specifyage of the observation of the first signs by parents, age at initial paedopsychiatric consultation, age at the initialacceptance of care and the analyse factor wich influence those ages. © 2001 Éditions scientifiques et médicalesElsevier SAS

autism / early signs / initial acceptance of care / initial paedopsychiatric consultation

Le diagnostic précoce des troubles autistiques est unenécessité pour que ces enfants puissent bénéficier deprises en charge dès le plus jeune âge, dans la mesure oùun consensus existe pour souligner les bénéfices desprises en charge précoce pour ce type de pathologie [18,19]. Mais ce diagnostic est difficile avant trois ans et lessignes précocissimes que Kanner avait décrits dans sa

première publication ne sont pas rapportés constam-ment par les parents [13].

Les difficultés et les limites d’un diagnostic précocedes troubles autistiques sont nombreuses [7, 14, 22].

Le diagnostic de troubles autistique est posé le plussouvent au cours de la troisième, voire de la quatrièmeannée ; pourtant les parents, lorsqu’on les interrogerétrospectivement, rapportent bien souvent des anoma-lies plus précoces. Le tableau I rappelle quatre étudespubliées ces dernières années dans lesquelles l’âge despremiers troubles rapportés par les parents va de 13 mois*Correspondance et tirés à part.

Ann Méd Psychol 2001 ; 159 : 403-10© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS0003448701000658/SSU

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à 20 mois pour les trois premières. La quatrième indiquela période des premiers troubles : 38 % au cours de lapremière année, 41 % au cours de la deuxième année et21 % au-delà. Dès lors la question du temps écouléentre les premières inquiétudes des parents et le dia-gnostic doit nous interroger.

Le retard de ce repérage par rapport à l’âge réeld’apparition des troubles, mis en évidence par les étudessur les films et vidéos familiaux, peut être dû à unemauvaise connaissance du développement normal parles parents, à une difficulté à formuler rapidement ce« quelque chose qui n’allait pas avec leur nourrisson ».

Les délais à orienter vers une consultation spécialiséemis par les professionnels qui ont rencontré l’enfant aucours de cette période (généralistes, pédiatres, puéricul-trices, médecins de PMI) peuvent tenir à la nature desperturbations précoces. Ces anomalies neurologiquesfines [21], ces perturbations des précurseurs de la théoriede l’esprit [5, 6] sont peu prises en compte dans lasémiologie classique, et la prédictivité des signes pré-coces dans l’autisme est encore mal précisée en dehorsde la triade (absence pointage proto-déclaratif, absencede jeu de faire-semblant, absence de suivi du regard) deBaron-Cohen [7]. Il n’est pas surprenant que les pro-fessionnels ne saisissent pas la portée de tels signes quisont souvent rapportés par les parents à leur médecinqui les rassure, banalisant les troubles, conseillantd’attendre. Il faut ajouter que les généralistes et lespédiatres rencontrent rarement de tels signes car laprévalence de l’autisme est comprise entre 5 et 10 pour10 000 [9, 11, 12] alors que celle des troubles interactifsest beaucoup plus élevée. Enfin, il existe un retardmental chez 75 % des autistes dont la présence rend lediagnostic précoce plus complexe [15].

Le but de ce travail est de préciser l’âge de repérage despremiers signes par les parents, l’âge de la premièreconsultation spécialisée, de la première prise en charge,et d’étudier les facteurs influençant ces trois variablesd’« âge ».

MATÉRIEL ET MÉTHODE

Échantillon

Une étude prospective sur les facteurs d’évolution dansl’autisme a débuté en 1997 dans quatre régions fran-çaises. La méthodologie et les caractéristiques détailléesde l’échantillon ont été donnés ailleurs [2], elles serontseulement présentées succinctement ici. Les critèresd’inclusion d’un enfant ont été les suivants : être âgé demoins de sept ans lors de l’évaluation initiale, présenterdes troubles envahissants du développement selon lescritères de la CIM-10, version recherche, évalués pardeux cliniciens à partir du dossier et de rencontres avecl’enfant, être suivi par une équipe de secteur de psychia-trie de l’enfant et de l’adolescent, avoir recueilli leconsentement éclairé des parents. Trois cent soixante-quatre enfants ont été ainsi inclus entre 1997 et 1998.Dans cet article, nous ne présentons que les résultatsd’une première analyse des données recueillies lors del’inclusion pour les 251 premiers enfants inclus.

La distribution diagnostique de ces 251 patients estdonnée dans le tableau I pour la CIM-10 et pour laclassification des troubles mentaux de l’enfant et del’adolescent [16] utilisée habituellement par les clini-ciens français. Il s’agit d’autisme typique (F84.0) dansde 86 % des cas, d’autisme atypique dans 10,8 % descas.

Recueil de données

Tous les enfants ont été évalués à l’inclusion (ADI-R,CARS, Vineland, bilans spécifiques psychologiques,psychomoteurs, orthophoniques), puis un recueil desmodalités de prise en charge a été mis en place pour ladurée de l’étude (trois ans). Un bilan analogue au bilaninitial clôturera la sortie de chaque enfant de l’étude,trois ans après l’inclusion.

Tableau I. Âge auquel les parents ont rétrospectivement rapporté des troubles chez leurs enfants autistes.

Étude Fombonne 95 [10] De Giacomo etFombonne 98 [8]

Short et Shoppler 88 [20] Dilalla et Rogers 90 [18]

Nombre d’enfants 49 enfants autistesavec retard mental

82 enfants autistes 889 enfants autistes 1 512 enfants autistes

Âge rapportédes premiers troubles

13 mois 19 mois 20 mois - 38 % dans la 1re année

- 41 % dans la 2e année- 21 % au-delà

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L’intensité des troubles autistiques est donnée par laCARS, à partir d’une vidéo d’interaction avec uneéducatrice, par une cotation par deux cotateurs habi-tués à ce type de travail. L’échelle d’adaptation socialede Vineland est remplie par un professionnel à partird’un entretien avec les parents. L’évaluation du langageest faite à partir de l’item 19 de l’ADI [15], une appré-ciation globale de la sévérité des troubles et des res-sources familiales est donnée par les équipes à partir dedeux échelles créées à cet effet [3]. L’ADI-R a com-mencé à être passée par un clinicien spécialement formé(AB).

Des bilans psychologiques ont été passés pour laplupart des enfants (Brunet-Lézine, KABC, WISC-R,etc.). Les résultats de ces différents tests ont été regroupésen deux catégories (absence de retard mental : QI > = 70et présence de retard mental : QI < 70). Le bilan ortho-phonique s’est appuyé sur le Chevrié-Muller, et pourcertains enfants sur la grille de Wetherby [24-26].

Les pathologies médicales associées, la compositionde la famille, les caractéristiques des premières consul-tations puis des premières prises en charge, les moda-lités de la scolarité, les modes de garde ont été recueillisainsi que la classe sociale et le lieu de résidence.

Analyses statistiques

Dans le cadre de cette étude, et à partir du moment où lesrésultats des évaluations de sortie de l’étude seront dis-ponibles, des relations seront recherchées entre l’évolu-tion de l’enfant au cours de ces trois années d’étude (parcomparaison entre l’évaluation de sortie et celle de l’inclu-sion), les modalités des différents types de prises encharge (nature, fréquence et durée), et les facteurs indi-viduels (date et mode d’apparition des premiers troubles,intensité, configuration symptomatique, association ounon de pathologies somatiques) et l’existence de facteursenvironnementaux (caractéristiques de la famille et dugroupe social, ressources communautaires).

Dans le cadre de cet article, le test de Student a étéutilisé, avec un seuil de significativité égal ou inférieurà 0,05. Le test de Mann-Whitney a été utilisé quandl’hypothèse des variances égales était rejetée. Une régres-sion linéaire multiple a été utilisée pour évaluer lesfacteurs associés à l’âge de repérage des premiers trou-bles par les parents, à l’âge de la première consultationspécialisée et à l’âge de la première prise en charge quiont été nos variables dépendantes. Le logiciel SPSS a étéutilisé (version 10).

RÉSULTATS

Les principales caractéristiques de l’échantillon sontdonnées par le tableau II. L’âge moyen lors de l’évalua-tion est de 60,65 mois (DS = 14,99, voir figure 1).

Le sex-ratio est de quatre garçons pour une fille enaccord avec les résultats habituels, la moyenne de l’inten-sité des troubles mesurée à la CARS est de 36,13(DS = 6,91), avec des résultats à la Vineland situés entre16,61 mois (DS = 11,08) à la socialisation et 28,94mois (DS = 11,91) dans le domaine moteur. L’enfant

Figure 1. Distribution des âges lors de l’évaluation.

Tableau II. Répartition des diagnostics dans la CIM-10 et la CFTMEA.

CIM-10 % CFTMEA %

F84.0 Autisme typique 86 % 1.00 Autisme de Kanner 45,9 %F84.1 Autisme atypique 10,8 % 1.01 Autres formes d’autisme 32,6 %F84.5 syndrome d’Asperger 0,8 % 1.02 Psychoses déficitaires 14,2 %Autres TED 2,7 % 1.03 Dysharmonies psychotiques 7,2 %

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autiste est unique dans 16,4 % des cas, et dans les 210fratries restantes de deux enfants ou plus, il est l’aînédans 1,5 % des cas (trois cas). Le niveau de langage estbas : 55 % des enfants n’ont pas cinq mots et seul22,3 % ont un langage fonctionnel. Les résultats de laVineland, de la CARS et des tests psychologiques mon-trent la sévérité des tableaux de ces enfants, en lien avecle mode de sélection : aucun des enfants qui ont eu untest de Brunet-Lézine n’a un QD égal ou supérieur à 70(sur 64 enfants, moyenne = 32,24, DS = 13,49, mini-mum = 9, maximum = 69), et seuls 11 enfants ont unquotient d’adaptation (âge développemental à l’échellede Vineland vie quotidienne/âge chronologique) x 100]supérieur à 70 (tableau III).

Les fréquences des pathologies somatiques associéessont données dans le tableau IV. Les repères développe-mentaux sont donnés par le tableau V.

L’âge moyen de repérage par les parents des premierssignes est de 17,24 mois (DS : 11,02, figure 2). Lerepérage se fait pour 38 % des enfants avant le premieranniversaire et pour 57,7 % des enfants avant ledeuxième anniversaire. 4,4 % des enfants ont leurspremières manifestations repérées par les parents après36 mois.

Lors de la première consultation spécialisée, l’âge desenfants est de 32,63 mois (DS : 12,28, figure 3). Cetteconsultation se fait dans un centre médico-psychologique pour 61,8 % des enfants, dans un

Tableau III. Caractéristiques de l’échantillon.

N %

Sexe masculin 203 80,9Sexe féminin 48 19,1Vineland communication QI > = 70 5 2Vineland communication QI < 70 245 98Vineland socialisation QI > = 70 8 3,2Vineland socialisation QI < 70 242 96,8Vineland vie quotidienne QI > = 70 14 5,6Vineland vie quotidienne QI < 70 236 94,4Vineland moteur QI > = 70 30 17,1Vineland moteur QI < 70 145 82,9Cars < 30 44 26,230 = < Cars < 36 36 21,4Cars > = 36 88 52,4Langage fonctionnel spontané 56 22,3Pas de phrases de 3 mots, au moins 5 mots 57 22,7Moins de 5 mots 138 55,0Pathologie somatique présente 168 66,9Pathologie somatique absente 83 33,1Niveau social élevé 110 46,6Niveau social moyen et inférieur 131 54,4Enfant unique 41 16,4Deux enfants ou plus 210 83,6Aîné 3 1,2Cadet 207 82,4

Tableau IV. Pathologies somatiques associées.

N %

Présence antécédents somatiques 168 66,9Antécédents somatiques présents avant 18 mois 149 59,4Souffrance néonatale 50 19,9Antécédents d’épilepsie 50 12,0Pathologie SNC en dehors de l’épilepsie 48 19,1Surdité – hypoacousie 38 15,1Ancien prématuré 18 7,2

Tableau V. Nombre et pourcentages d’enfants ayant des acquisi-tions développementales à un âge normal.

Repères développementaux N %

Position assise à un âge normal (< 8 mois) : oui 131 56,5-Non 101 43,5-Total 232 100

Marche à l’âge normal (<18 mois) : oui 171 68,7-Non 78 31,3-Total 249 100

Premiers mots isolés à l’âge normal (< 2 mois) oui 65 26,1-Non 184 73,9-Total 249 100

Âge des premières phrases (< 33 mois) oui 9 3,6-Non 242 96,4-Total 251 100

Figure 2. Distribution des âges lors du repérage par les parents despremiers signes.

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CAMSP pour 14,7 %, un cabinet libéral pour 7,4 %,dans un CMPP pour 3,6 % et dans une autre structuredans 12,4 % des cas.

L’âge de la première prise en charge est de 36,19 mois(DS : 13,34, figure 4). Les différents types de prises encharge et les lieux de prises en charge sont donnés dansle tableau VI. Les premières prises en charge se font enservice de pédopsychiatrie dans 68,7 % des cas, enCAMSP dans 11,3 % des cas, en CMPP dans 6,8 % descas et dans un cabinet libéral pour 4 % des enfants. Ellessont essentiellement ambulatoires (58,8 %), en hôpitalde jour (26 %), en SESSAD (7,2 %).

Le délai entre l’âge de repérage des premiers troubleset l’âge de la première consultation est de 15,29 mois(DS : 12,47), et celui situé entre l’âge de la premièreconsultation et celui de la première prise en charge estde 4,56 mois (DS : 7,26).

Comparaisons de moyennes

Les influences sur l’âge de repérage des premiers signes,l’âge de la première consultation et l’âge de la premièreprise en charge d’une quinzaine de facteurs ont étéétudiés : sexe, niveau de langage lors de l’évaluation, cas,âge de l’acquisition de la position assise, âge de la marche,âge des premiers mots, des premières phrases, cadet oubenjamin, catégorie socioprofessionnelle du père, pré-sence d’antécédents de pathologie somatique, existenced’une souffrance néonatale, antécédents d’épilepsie,pathologie du système nerveux central en dehors de

l’épilepsie, présence d’antécédents de pathologie soma-tique avant 18 mois, antécédents d’une prématurité.

L’âge de repérage des premiers signes par les parents estsignificativement plus bas pour les enfants présentantun retard de développement moteur (14,29 mois contre19,26 mois quand la position assise est acquise aprèshuit mois, p = 0,001 ; 12,44 mois contre 19,25 moisquand la marche est acquise après 18 mois, p < 0,001),des antécédents d’affections somatiques (16,10 moiscontre 19,59 mois), une épilepsie (13,24 mois contre

Figure 4. Distribution des âges lors de la première prise en charge.Figure 3. Distribution des âges lors de la première consultationspécialisée.

Tableau VI. Types et modalités de prise en charge.

Première prise en charge : structures A N %

Service de psychiatrie (1) 172 68,7Structure sanitaire autre (2) 4 1,6Structure médico-éducative (3) 7 2,8CMPP (4) 17 6 ,8CAMSP (5) 28 11,3Cabinet libéral (6) 10 4,0Autre (7) 11 4,4Non précisé (9) 1 0,4Total 250 100

Première prise en charge : modalités A N %

Ambulatoire (1) 147 58,8Soins ou hospitalisation à domicile ou SESSAD (2) 18 7,2Hospitalisation de jour ou externat médico-éducatif (3) 65 26,0Autres accueil et soins à temps partiel (4) 12 4,8Hospitalisation plein temps ou internat médico-éducatif (5)

2 0,8

Autre (7) 6 2,4Total 250 100

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17,83 mois), une pathologie du SNC en dehors del’épilepsie (13,84 mois contre 18,08 mois) et un niveaude langage bas lors de l’évaluation (16,06 mois contre21,59 mois, p = 0,002).

L’âge de la première consultation est significativementplus bas lorsqu’il y a un retard de développement moteur(30,05 mois contre 34,44 mois quand la position assiseest acquise après huit mois, p = 0,007 ; 29,68 moiscontre 33,96 mois quand la marche est acquise après 18mois, p = 0,025) ou de langage (31,30 mois contre36,63 mois quand l’âge d’acquisition des premiers motsest supérieur à 18 mois, p = 0,003), quand il y a eu unesouffrance néonatale (28,98 mois contre 33,41 mois) etlorsque, lors de l’évaluation, le niveau de langage est bas(31,11 mois contre 38,00 mois, p < 0,001), la CARSest supérieure à 36 (31,54 mois contre 36,57 mois,p = 0,009).

L’âge de la première prise en charge est égalementdiminué quand il existe un retard du développementmoteur (32,67 mois contre 37,85 mois quand la marcheest acquise après 18 mois, p = 0,010), et un retardd’apparition des premiers mots (35,01 mois contre39,44 mois quand les premiers mots apparaissent après18 mois, p = 0,022), une souffrance néonatale (31,96mois contre 37,29 mois). On constate le même phéno-mène lorsque le niveau de langage est bas lors de l’éva-luation (35,04 mois contre 40,07 mois, p = 0,013).

Seule parmi les variables que nous venons de voir,l’existence d’antécédents somatiques exerce uneinfluence sur le délai entre l’âge de repérage des premierssignes et l’âge de la première consultation spécialisée (délaide 16,39 mois quand il existe des antécédents somati-ques contre 12,86 mois quand ils sont absents). Aucunedes variables n’a d’influence sur le délai entre l’âge de lapremière consultation et l’âge de première prise en charge.

DISCUSSION

L’âge de ces enfants lors de l’évaluation à l’entrée dansl’étude est de 60,65 mois (DS : 14,99), plus jeune quecelui de l’étude de De Giacomo et Fombonne [8] quiétait de 72 mois, ce qui réduit un peu les distorsions demémoire des parents sur l’âge de repérage des premierstroubles. Le recueil des données a été fait selon unquestionnaire standardisé, permettant de limiter égale-ment la dispersion des résultats.

Le sex-ratio garçon/fille est de quatre sur un dans legroupe avec retard mental, et de dix sur un si on prendle sous-groupe sans retard mental. Le niveau sociopro-fessionnel du père est moyen-supérieur pour 46,6 %

des enfants, et les enfants autistes sont enfant uniquedans 16,3 % des familles (n = 41), aîné d’une fratriedans 1,2 % (n = 3) et cadet ou benjamin dans 82,5 %des cas (n = 207).

Le niveau élevé de l’intensité des troubles telle qu’elleest appréciée par la CARS, par les bilans psychologiquesou par les résultats de l’échelle de Vineland est proba-blement une conséquence de la modalité de construc-tion de cet échantillon : les équipes sollicitées desintersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile ont choiside ne retenir que des cas d’autisme avéré, comme nousavons pu le constater sur le terrain en Bretagne où lestableaux d’autisme moins sévère ou plus atypique ontété écartés le plus souvent.

L’âge de repérage des premiers signes par les parentsse situent dans les chiffres habituellement publiés(19 mois pour De Giacomo et Fombonne [8], 20 moispour Short et Schopler [20] et il est plus précoce pourdes tableaux plus sévères, quand il y a un retardmental [10], un retard de développement et/ou unepathologie somatique associée. Si les premiers signessont repérés par les parents chez 38 % des enfants aucours de la première année, 62 % d’entre eux rappor-tent leur apparition après le premier anniversaire ;peut-on en déduire que les troubles autistiques débu-tent après le premier anniversaire chez deux autistes surtrois ? Cela n’est pas assuré, comme le montre l’étudedes vidéos et films familiaux qui révèlent la présenced’anomalies fines et non repérées par les parents bienavant que ces derniers en aient pris conscience [1, 4, 17,23]. Le fait que les parents aient une expérience préa-lable d’élevage d’un enfant aîné (quand l’enfant autisteest le cadet ou le benjamin) n’a pas d’influence sur cetâge de repérage ; à la différence de la tendance observéepar De Giacomo et Fombonne, la catégorie socio-économique du père n’a pas plus d’effet [8].

Nous pouvons remarquer que le délai entre les pre-mières inquiétudes parentales et la première consulta-tion spécialisée est de 15 mois, ce qui est important, etbien différent des cinq mois constatés par De Giacomoet Fombonne [8]. Mais, pour cette dernière étude, étaitmesuré le délai entre les premières inquiétudes et lapremière rencontre avec un professionnel, travailleursocial ou médecin non spécialisé, ce qui n’a pas étémesuré dans notre étude. L’expérience clinique nousmontre que les parents ont consulté leur généraliste ouleur pédiatre à la suite des troubles qu’ils percevaientchez leur enfant. L’existence d’une souffrance néona-tale, d’un retard de développement, d’une intensité plusgrande lors de l’évaluation ont conduit ces praticiens à

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orienter l’enfant plus précocement vers une consulta-tion spécialisée. Néanmoins, les délais d’orientation versla consultation spécialisée, en la présence ou en l’absencede ces éléments, paraissent encore très élevés. On observeen outre que lorsque l’enfant présente des antécédentssomatiques, le délai s’allonge. Cela peut sans doutes’expliquer par le fait qu’en présence de pathologiessomatiques, les pédiatres et les médecins généralistesn’évoquent pas le diagnostic d’autisme, les symptômesévocateurs étant dès lors mis sur le compte des patho-logies somatiques associées. Une réflexion sur les actionsà prendre en France pour un repérage plus précoceparaît toujours nécessaire et devrait conduire à desformations plus adaptées des professionnels sur les pre-miers signes de l’autisme, aussi bien pour les formationsinitiales que pour les formations continues. L’âge de17 mois de repérage des premiers signes par les parentsrenforce l’idée que le dépistage doit se faire aux alen-tours de 18 mois, tout dépistage à la fin de la premièreannée ne pouvant porter qu’au mieux sur 40 % desenfants (ceux chez qui les premiers signes apparaissentau cours de la première année).

On constate que la première consultation spécialiséeest essentiellement l’affaire des secteurs de psychiatrieinfanto-juvénile (61,8 %), des Camsp (14,7 %) et desCmpp (3,6 %), au total 80,1 %, le secteur libéral étantpeu sollicité (7,4 %).

Le délai entre la première consultation spécialisée et lapremière prise en charge nous paraît assez court (4,58mois), ce qui tend à montrer que les enfants présentantdes troubles autistiques sont rapidement pris en charge,probablement après le temps nécessaire à un bilan.

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18 Rogers SJ, Dilalla DL. Age of symptom onset in young childrenwith pervasive developmental disorders. J Am Acad ChildAdolesc Psychiatry 1990 ; 29 : 863-72.

19 Rogers S. Early intervention in autism. J Autism DevelopDisorders 1996 ; 26 : 243-6.

20 Short AB, Schopler E. Factors relating to age of onset in autism.J Autism Development Disorders 1988 ; 18 : 207-16.

21 Teitelbaum P, Teitelbaum O, Nye J, Fryman J, Maurer RG.Movement analysis in infancy may be useful for early diagnosisof autism. Proc. Natl Acad Sci USA 1998 ; 95 : 13982-7.

22 Volkmar F, Stier D, Cohen D. Age of recognition of perva-sive developmental disorders. Am J Psychiatry 1985 ; 142 :1450-2.

23 Werner E, Dawson G, Osterling J, Dinno N. Brief report :Recognition of autisme spectrum disorder before one year ofage : A retrospective study based on home videotapes. J AutismDevelopmental Disorders 2000 ; 30 : 157-62.

24 Wetherby AM, Prutting CA. Profiles of communicative andcognitive-social abilities in autistic children. Journal of speechand hearing research 1984 ; 27 : 364-77.

25 Wetherby AM. Ontogeny of communicative functions inautism. Journal of autism and developmental disorders 1986 ;16.

26 Wetherby AM, Cain DH, Yonclas DG, Walker VG. Analysisof intentional communication of normal children from theprelinguistic to the multiword stage. Journal of speech andhearing research 1988 ; 31 : 240-52.

Séance du lundi 27 novembre 2000 409

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Page 8: Du repérage des premières manifestations des troubles autistiques par les parents à la première prise en charge

DISCUSSION

C. Koupernik – Ce serait peu que de dire ma consternation à vousécouter. Si j’ai bien compris, les parents que vous avez été amené àvoir commencent à s’inquiéter quand l’enfant a à peu près deux ans.On les rassure et, malheureusement, des gens compétents font enfinle diagnostic quand l’enfant a atteint l’âge de cinq ans. J’étais allé ily a plus de 50 ans étudier le développement de l’enfant à Yale chezle Pr Gesell, en y voyant beaucoup d’enfants autistiques et en lesdiagnostiquant dès l’âge de 18 mois/deux ans. Vous m’avez sembléignorer dans votre présentation tout ce qui dans une cliniqueauthentique (et par là différente d’une addition d’items) fait la

spécificité de l’autiste et, notamment, l’évitement du regard, latendance aux stéréotypies, l’immutabilité. Je pense qu’il faut revenirà ce type de clinique.

Pr Misès – Les éléments apportés par cette recherche sont trèsintéressants, mais je regrette que n’aient pas été rappelés les autrescritères permettant de poser le diagnostic d’autisme et même des’intéresser avant 18 mois au « bébé à risque autistique » ou mêmeencore aux « évitements relationnels précoces » bien décrits.

Il y a effectivement un paradoxe à considérer dans ces conditionsles retards affectifs succédant à la pratique usuelle en Franceaujourd’hui – à la méconnaissance des premiers symptômes, à laformulation du diagnostic et enfin à la mise en œuvre d’interven-tions qui doivent être pourtant très précoces.

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