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1 THESE En vue de l’obtention du DOCTORAT DE L’UNIVERSITE DE TOULOUSE Délivré par l’Université Toulouse III - Paul Sabatier Discipline : didactique des disciplines scientifiques et technologiques Présentée et soutenue par Frédéric HEUSER Le 7 janvier 2009 DU SAVOIR ENSEIGNE ET EVALUE A LA REFERENCE DE L’ENSEIGNANT D’EPS : ETUDE DIDACTIQUE CLINIQUE EN KARATE Membres du jury : Daniel BOUTHIER Professeur en STAPS à l’IUFM d’Aquitaine, rapporteur Ghislain CARLIER Professeur à l’Université de Louvain, rapporteur Joël LEBEAUME Professeur des Universités à l’ENS de Cachan, rapporteur Chantal AMADE-ESCOT Professeur en Sciences de l’Education à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, examinatrice Pascal GIRODET Chargé de mission pour la recherche à la Fédération Française de Karaté et Disciplines Associées, examinateur Marie-France CARNUS Maître de Conférences en Sciences de l’Education à l’IUFM Midi-Pyrénées, co-directrice André TERRISSE Professeur Emérite en Sciences de l’Education à l’IUFM Midi-Pyrénées, directeur Ecole Doctorale C.L.E.S.C.O (Comportement, Langage, Education, Socialisation, Cognition), Université Toulouse Le Mirail. Laboratoire de Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques Centre de Recherche sur l’Education, la formation et l’Insertion de Toulouse. DiDiST-CREFI-T (EA 799)

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THESE

En vue de l’obtention du

DOCTORAT DE L’UNIVERSITE DE TOULOUSE Délivré par l’Université Toulouse III - Paul Sabatier

Discipline : didactique des disciplines scientifiques et technologiques

Présentée et soutenue par

Frédéric HEUSER

Le 7 janvier 2009

DU SAVOIR ENSEIGNE ET EVALUE A LA

REFERENCE DE L’ENSEIGNANT D’EPS : ETUDE DIDACTIQUE CLINIQUE EN KARATE

Membres du jury :

Daniel BOUTHIER

Professeur en STAPS à l’IUFM d’Aquitaine, rapporteur Ghislain CARLIER

Professeur à l’Université de Louvain, rapporteur Joël LEBEAUME

Professeur des Universités à l’ENS de Cachan, rapporteur Chantal AMADE-ESCOT

Professeur en Sciences de l’Education à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, examinatrice

Pascal GIRODET Chargé de mission pour la recherche à la Fédération Française de Karaté et Disciplines

Associées, examinateur Marie-France CARNUS

Maître de Conférences en Sciences de l’Education à l’IUFM Midi-Pyrénées, co-directrice

André TERRISSE Professeur Emérite en Sciences de l’Education à l’IUFM Midi-Pyrénées, directeur

Ecole Doctorale C.L.E.S.C.O (Comportement, Langage, Education, Socialisation,

Cognition), Université Toulouse Le Mirail. Laboratoire de Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques Centre de Recherche sur l’Education, la formation et l’Insertion de Toulouse.

DiDiST-CREFI-T (EA 799)

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier, pour tout ce chemin parcouru :

- Monsieur André Terrisse, Professeur Emérite, pour son accompagnement précieux et

suivi au cours de ce travail et sa grande disponibilité.

- Madame Marie-France Carnus, maître de conférence à l’IUFM Midi-Pyrénées pour

son aide efficace en tant que co-directrice de thèse, et ses conseils avertis.

- Les enseignants d’EPS qui ont collaboré à mes travaux, ont accepté d’être filmés,

observés dans le cadre des leçons d’EPS consacrées à l’enseignement du karaté, et ont

donné de leur temps pour les différents entretiens.

- Tous les enseignants d’EPS qui ont pris la peine de répondre et de renvoyer le

questionnaire préliminaire.

- Toute l’équipe du LEMME et notamment mes collègues de l’AP3E qui m’ont aidé et

soutenu, et tout particulièrement Denis Loizon, qui a commencé le karaté pendant ma

thèse et avec qui j’ai pu échanger et discuter à la fois de recherche et de karaté, ce qui

est rare. De plus, j’ai eu l’honneur et l’immense plaisir de faire mes premiers pas en

colloque chez lui à l’IUFM de Dijon, où j’ai ainsi réalisé ma première communication.

- Les nombreux chercheurs que j’ai pu rencontrer au cours de séminaires et autres

colloques, qui m’ont écouté et ont consacré de leur temps pour m’aider dans mon

travail.

- Mon « senseî » Jean-Luc Clerget, qui m’a enseigné le karaté et donné envie de

poursuivre dans « la voie », pour qu’elle devienne ma voie.

- Evelyne Lerude et son époux Christian, qui a pris le temps et la peine de lire ma thèse

et de m’aider dans les dernières corrections.

- Claude Larnac, professeur de mathématiques à la retraite, qui est entré dans ma vie en

janvier 2007 et est là depuis, tout simplement. J’admire son engagement dans la

défense du site du Pont du Gard, qu’il raconte dans son ouvrage : « le Pont du Gard

l’a échappé belle ! » (Larnac, 1994).

- Serge Guignard, mon ami de toujours ; mes amis et mes collègues qui se sont révélés

de bons critiques, des merveilleux soutiens. Qu’ils soient assurés de mon affection.

- Ma famille, mon épouse Stéphanie et mes deux filles Kimberley et Beverly, qui m’ont

accompagné au jour le jour dans l’avancée de mon travail et motivé à continuer les

jours de peine et/ou de relâchement. Sans elles, tout n’est que « kara », vide.

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Cette thèse est dédiée à ma mère, Nicole. Elle suivait mes

travaux avec fierté et attendait la soutenance de ma thèse :

décédée le 23 janvier 2007, j’aime à croire qu’elle en voit

l’aboutissement aujourd’hui…

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Maître Kun, (l’acteur Jet Li), expert en kung fu, dit à son

fils, après l’avoir surpris en train de se battre avec

d’autres garnements :

- « Ecoute, nos techniques de combat sont sacrées, nous

devons les protéger, ne pas les divulguer… ».

« La légende du dragon rouge », de Wong Jing, 2003.

J’aime beaucoup cette citation issue d’un film avec Jet Li. Elle résume combien ce

travail me tient à cœur, car je pense que les arts martiaux fonctionnent encore sur ce mode de

transmission. Le savoir reste caché et n’est donné qu’à quelques élèves qui méritent par leur

travail, leur abnégation et leur dévouement au Maître de le recevoir. En tant qu’enseignant et

chercheur, je ne peux que chercher à lutter contre cette forme d’esprit qui est à l’opposé des

conceptions modernes de l’enseignement. Aucun savoir ne mérite d’être protégé, un savoir ne

sert justement que s’il est transmis ; sa logique propre est d’être enseigné et appris, sans quoi

il ne sert à rien.

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Du savoir enseigné et évalué au savoir de référence de l’enseignant d’EPS : étude

didactique clinique en karaté

SOMMAIRE

INTRODUCTION…………………………………………………………………………...9 PREMIERE PARTIE : CADRE CONCEPTUEL ET CONNAISSANCE DE L’ACTIVITE DE REFERENCE : LE KARATE……………………………………35 DEUXIEME PARTIE : ETUDES PRELIMINAIRES ET OPTIONS METHODOLOGIQUES…………………………………………………………………..105 TROISIEME PARTIE : RESULTATS DE L’ETUDE DIDACTIQUE CLINIQUE…………………………….. 165 CONCLUSION………...……………………………………………………………….......229 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………253

GLOSSAIRE DES TERMES JAPONAIS

ET DES ABREVIATIONS………………………………………………………………...271

INDEX DES TABLEAUX ET SCHEMAS……………………………………………….279

ANNEXES…………………………………………………………………………………. 283

TABLE DES MATIERES……………………………………………………………........489

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INTRODUCTION

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1. Origine de la recherche

La recherche qui va être présentée ici, comme de nombreux travaux de thèse de

doctorat qui sont le fruit d’une longue réflexion peu à peu organisée, prend sa source au

confluent d’une rencontre, d’une insatisfaction et d’une question.

1.1. La première rencontre avec la recherche : le mémoire professionnel de validation du

CAPEPS : «intention stratégique et structure d’opposition en boxe française : de la

construction à l’enchaînement des rôles » (Heuser, 1997)

La rencontre, tout d’abord, fut celle avec la formation de l’IUFM Midi-Pyrénées de

Toulouse lors de mon année de stage en situation, en 1996, et ce après l’obtention du

CAPEPS (cf. glossaire). C’est en effet à cette occasion que le Professeur André Terrisse

dirigea le mémoire professionnel que je désirais faire en sports de combat. Celui-ci, intitulé

«intention stratégique et structure d’opposition en boxe française : de la construction à

l’enchaînement des rôles » met en oeuvre un protocole d’expérimentation centré sur une

classe de seconde, où j’ai tenté de trouver quelques pistes démontrant que l’aptitude au

combat dépend d’une structure fortement liée à la conception que le pratiquant a de l’activité.

Dans ma problématique théorique, en partant de la définition du « savoir combattre »

(Terrisse, 1995), je me suis demandé si, dans un rapport d’opposition, la propension au

combat, variable inter-individuelle, ne pouvait pas dépendre d’une structure cognitive

déterminée. Pour répondre à cette interrogation, j’ai envisagé la question du schème du duel

dans l’activité cognitive du combattant. Pour autant, je n’en étais pas encore à la question de

la référence, qui est à mon sens plus large dans la mesure où elle intègre la conception, mais

aussi bien d’autres influences comme l’expérience et l’expertise, ce que nous développerons

plus tard. Pour revenir à mon travail de DEA, mon hypothèse était alors que les élèves

confrontés à un cycle de combat intégreraient d’autant mieux la structure d’opposition que

l’enseignement serait centré sur le pôle stratégique. En conclusion de ce travail à portée

professionnelle nous avons mis en évidence que lorsqu’il agit dans un affrontement inter-

individuel de type combat, l’élève est amené à distinguer son rôle et reconnaître celui de

l’adversaire. La mise à l’épreuve du cycle de boxe française a démontré qu’avec quelques

compétences minimales en combat, l’élève va apprendre à réaliser et comprendre

l’opposition. L’intention stratégique est alors une notion à double entrée :

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- l’une est celle du professeur qui fonde son enseignement sur elle.

- L’autre est celle des élèves qui fondent leur capacité en combat à changer de rôles

en jouant sur les variables de l’opposition.

Ce mémoire professionnel est venu clôturer une année riche car très formatrice. J’ai

validé mon CAPEPS, et là où nombre de mes camarades étaient heureux d’être libérés de ce

travail fastidieux de formation, pour ma part, j’étais heureux de démarrer une carrière mais

aussi quelque peu frustré de ne pas pouvoir tout de suite m’investir dans la recherche. En

effet, il me semblait important d’enseigner, d’abord parce que c’est ce que j’avais envie de

faire en tout premier lieu, mais aussi d’acquérir de l’expérience et d’être confronté aux réalités

de l’enseignement de l’EPS en milieu scolaire. Bien que marié, mon épouse ayant à cette

époque son emploi sur Toulouse, je n’ai pu obtenir que l’Académie d’Orléans Tours et j’ai été

muté en tant que titulaire académique au collège de Bonneval, dans l’Eure-et-Loir, à la rentrée

1996-1997. Là aussi, il y a eu intention stratégique, de partir seul, afin de capitaliser des

points de rapprochement de conjoints, que j’ai acquis au bout de trois ans. En effet, à la

rentrée 2000-2001, j’étais en poste à Toulouse et j’ai aussitôt recontacté le Professeur André

Terrisse afin de m’inscrire en DEA et envisager un troisième cycle universitaire. J’avais en

effet très envie de poursuivre ce travail commencé avec lui, car beaucoup de questions sur

l’enseignement du combat en EPS me paraissaient sans réponses, et notamment les effets d’un

enseignement stratégique sur les élèves, que je désirais analyser en prenant comme APSA (cf.

glossaire) support le karaté que je commençais à enseigner en EPS au collège où j’avais été

nommé.

1.2. L’insatisfaction née de la sensation de n’avoir pas fini mon travail de recherche : le

mémoire de DEA « analyse de l’écart entre savoir transmis et savoir appris : le cas de

l’enseignement du karaté en EPS » (Heuser, 2001)

Une insatisfaction est née à la suite de ce travail dans la mesure où j’avais l’impression

d’avoir seulement commencé à explorer un thème source de nombreuses interrogations. De

plus, mon expérimentation était effectuée en boxe française pour des raisons de faisabilité

liées à l’établissement dans lequel j’intervenais et je souhaitais vivement continuer ce travail

dans notre domaine de prédilection, le karaté, ne faisant pas encore l’objet de recherches en

didactique des sports de combat. Ainsi, je m’interrogeais sur ce qu’est le savoir combattre en

karaté, sur les formes de sa manifestation et sur la question de son enseignement en EPS. Mon

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travail de DEA a de ce fait pris comme point de départ un article paru en 1995 dans la revue

professionnelle des enseignants d’Education Physique et Sportive (EPS), sous la plume de A.

Terrisse et coll. intitulé : « le savoir combattre : essai d’élucidation » (Terrisse et coll.,

1995). Ce compte-rendu de recherche met en évidence que le « savoir combattre » se

manifeste dans « l’intention stratégique » du combattant que l’on peut définir comme sa

capacité à changer de rôle (passer du rôle d’attaquant à celui de défenseur et inversement)

dans l’épreuve du combat. Les auteurs montrent en outre, que même si les élèves sont

confrontés à de réelles difficultés dans l’apprentissage d’un sport de combat, ce savoir est

enseignable et peut même servir comme approche transversale et novatrice dans un domaine

de l’EPS encore rarement représenté dans la programmation des cycles. Légitimement, c’est

donc en tant que professeur d’EPS, mais aussi de karaté que j’ai voulu me pencher sur ce

thème intéressant de l’appropriation du savoir combattre par des élèves, dans ma spécialité le

karaté et ce, dans le cadre spécifique de l’enseignement de l’EPS. Par rapport à mon premier

travail de mémoire professionnel déjà centré sur ce thème, mon désir fut de l’approfondir en

adoptant notamment une démarche plus scientifique qu’elle ne pouvait l’être dans mon

mémoire professionnel et en me centrant sur le rapport au savoir. Ce mémoire de DEA, est

intitulé « analyse de l’écart entre savoir transmis et savoir appris : le cas de l’enseignement

du karaté en EPS » et a été soutenu en 2001 à l’Université de Toulouse-Le Mirail, en

Sciences de l’Education. Je me propose d’en résumer le contenu afin de bien cerner la place

de la recherche actuelle ainsi que les étapes importantes qui l’ont jalonnée.

1.2.1. Problématique et objet de la recherche de DEA

En EPS, l’apprentissage ne se décrète pas et apprendre à combattre, particulièrement,

soulève d’innombrables difficultés, tant les déterminants affectifs et/ou psychosociaux

peuvent être prégnants : la peur de se blesser ou de blesser l’autre, de perdre la face, la non-

violence prônée par notre société et imposée comme loi au sein de l’école constituent des

obstacles à l’apprentissage que la recherche peut tenter d’élucider. Pour autant, combattre

s’enseigne au même titre que toute autre compétence spécifiquement motrice. Ce savoir est

enseignable et peut même servir d’approche transversale dans le groupement des activités de

combat encore rarement représenté dans la programmation des cycles en EPS. A partir de là,

la problématique postulait que l’on peut en trouver des traces chez les élèves. La réflexion

était alors axée sur la question de recherche suivante : que devient ce savoir entre le moment

où il est enseigné et celui où il est utilisé dans l’épreuve de combat par l’élève ?

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L’objet de recherche est de rendre compte du rapport qui peut exister entre le savoir

qui a été enseigné aux élèves confrontés à l’activité karaté en EPS et celui qu’ils ont

réellement appris et dont ils peuvent témoigner en combat. Il concerne ainsi les conditions de

transmission des savoirs par l’enseignant, mais aussi de leur appropriation par l’apprenant, ce

dont rend compte le concept de la transposition didactique, introduit initialement par M.

Verret (Verret, 1975) et développé par Y. Chevallard (Chevallard, 1985). Pour G. Brousseau,

la recherche en didactique « n’a pas pour but immédiat de favoriser un acte d’enseignement,

mais au contraire d’en connaître les conditions » (Brousseau, 1978). C’est pourquoi la

question des traces est importante, car celles-ci vont nous renseigner sur ce qu’il reste du

savoir enseigné. Ce thème de recherche m’a conduit à effectuer une analyse des travaux

récents en sports de combat ne se limitant pas au karaté. Des résumés des communications

présentées aux Journées de Réflexion et de Recherche sur les Sports de Combat et les Arts

Martiaux (JORRESCAM) de 1996, 1998 et 2000, il ressort plusieurs types de travaux

(Terrisse, 1996) dont ceux qui nous intéressent : « la transmission du savoir » qui englobe la

transposition didactique, l’élaboration des contenus d’enseignement et « l’utilisation du

savoir » dont les auteurs étudient les problèmes liés aux conditions de leur acquisition. Dans

l’ouvrage dirigé par A. Terrisse, on retrouve une partie importante qui concerne la didactique

et la pédagogie des sports de combat et des arts martiaux (Terrisse, 2000). J. P. Sauvegrain y

propose une étude clinique (le terme est utilisé ici dans une acception non médicale mais

renvoie à une démarche qui articule des options théoriques et méthodologiques spécifiques

détaillées dans le premier chapitre de la première partie) à partir d’un cas d’élève en lutte sur

l’intérêt de l’apprentissage de la défense plutôt que l’attaque. L’auteur précise ainsi que « le

rôle de défenseur, conçu comme une attitude dynamique de recherche du renversement du

rapport de force, est à la portée d’un élève débutant » (Sauvegrain, 2000). De plus, J.P.

Sauvegrain, M.F. Carnus et A. Terrisse justifient « l’intérêt et l’utilisation de la méthodologie

d’ingénierie didactique dans l’analyse des décisions d’élèves en situation d’opposition, en

Education Physique et Sportive » (Sauvegrain, Carnus, Terrisse, 2002). L’objet de recherche

est l’étude des décisions d’élèves en EPS et la méthodologie employée offre un cadre

permettant de rendre compte du savoir utilisé dans l’épreuve du combat de lutte.

L’observation effectuée montre que ce savoir est propre à chaque élève, d’où la nécessité de

recourir à l’étude clinique au sein de la méthodologie d’ingénierie didactique.

Enfin, dans sa thèse, D. Loizon (2004) analyse les pratiques d’enseignement en judo et

s’interroge notamment sur les savoirs réellement transmis par les enseignants en club et en

EPS.

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Il s’avère que la recherche en didactique des sports de combat reste inégalement traitée

en fonction de l’activité concernée. Elle est en effet bien avancée dans les sports de combat de

préhension de type judo ou lutte, en bonne voie dans ceux de percussion comme la boxe, mais

totalement naissante en karaté par exemple, ce qui est sans doute dû au fait que cette pratique

est très peu représentée en EPS, car peu de professeurs de la discipline sont spécialistes de

l’activité pour pouvoir l’enseigner.

1.2.2. Cadre conceptuel du DEA

C’est l’une des expressions de la transposition didactique que développe J.L.

Martinand s’intéressant au passage du savoir enseigné au savoir appris, qui éclaire notre

recherche (Martinand, 1989). En effet, l’EPS utilise largement cette notion définie comme

« le passage du savoir savant au savoir enseigné » (Chevallard, 1985), mais en l’adaptant à sa

spécificité : elle ne possède pas de savoir savant mais des savoirs d’experts et s’appuie sur des

pratiques sociales et culturelles. Martinand introduit la notion de « pratique sociale de

référence » (Martinand, ibid.) qui permet d’élargir la notion de transposition didactique

utilisée en sciences. On peut ainsi dire qu’en EPS, ce processus permettra de passer des

pratiques sociales de référence à l’enseignement de ces pratiques par la définition des

contenus et des objets d’enseignement. Dans cette optique, «l’idée qu’introduit la

transposition didactique est que le passage d’un lieu de production sociale et culturelle du

savoir à l’institution scolaire le transforme […] et va suivre plusieurs étapes» (Terrisse,

2000) :

- « du savoir de référence au savoir à enseigner » (choix de l’enseignant en fonction

notamment de sa conception de l’activité).

- « Du savoir à enseigner au savoir enseigné » (mise en œuvre du savoir à travers les

contenus d’enseignement).

- « Du savoir enseigné au savoir appris ». C’est à ce niveau que se situe le point d’ancrage

de notre travail, puisque ce passage constitue l’objet d’étude de ce DEA.

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1.2.3. Méthodologie de la recherche de DEA

1.2.3.1. Cadre méthodologique général : appréhender l’effet contingent des

apprentissages par une méthodologie d’ingénierie didactique

Nous nous appuyons sur une méthodologie d’ingénierie didactique qui a émergé

initialement en didactique des mathématiques. « Il s’agissait d’étiqueter par ce terme, une

forme de travail didactique, celle comparable au travail de l’ingénieur qui pour réaliser un

projet précis, s’appuie sur les connaissances scientifiques de son domaine » (Artigue, 1990).

Cette méthodologie a permis la sélection de certaines variables et un cadre d’observation

adéquat à l’enseignement de l’EPS. Le recueil des données s’appuie ainsi sur quatre phases

(tableau 1) qui relèvent d’un fonctionnement structuré dans la mesure où elles incluent une

stratégie évolutive de recueil et de traitement des données qui n’envisagent pas le passage

linéaire d’une phase à l’autre :

- les analyses préalables : elles consistent en l’analyse du karaté à plusieurs niveaux où sont

développées les différentes caractéristiques de cette activité : historique, sportive,

artistique et éducative, qui en donnent une connaissance approfondie au regard de notre

problématique.

- L’analyse a priori : elle permet, en partant du savoir de référence en karaté de concevoir

un cycle d’enseignement. A ce niveau, s’effectue un travail de transposition didactique

pour passer du savoir de référence au savoir à enseigner. Cela permettra de définir le

karaté en tant que pratique scolaire, ainsi que des prévisions de transformations motrices

(comportements attendus), issues des savoirs stratégiques retenus.

- La mise à l’épreuve est celle du cycle construit précédemment, donc de la mise en oeuvre

du savoir à enseigner. Afin d’en rendre compte, les séances ont été enregistrées, au

nombre de six de deux heures chacune, au moyen de l’outil vidéo. Cette phase est décrite

dans la partie consacrée au cadre méthodologique de la recherche.

- L’analyse a posteriori : cette dernière phase sert à identifier le savoir utilisé par l’élève

confronté à l’épreuve d’opposition. L’étude de cas permet d’appréhender la complexité et

de rendre compte de la position singulière de chacun des élèves au regard du savoir

enseigné.

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Analyses préalables Analyse a priori Mise à l’épreuve Analyse a posteriori - Analyse de l’activité de référence : caractéristiques historique, sportive, artistique et éducative.

Pourquoi le karaté ?

- Revue bibliographique de l’enseignement du karaté. - Option de traitement didactique de l’activité.

- Traitement de l’activité : conception du cycle. Transformations attendues des élèves. - Phase de négociation avec l’enseignant associé - Entretiens préliminaires élèves. - Planification. Projet.

- Déroulement du cycle : Six séances de deux heures. Observation, enregistrement et bilan de toutes les séances. Evaluation du cycle et du savoir appris : - Trois situations-test, dont l’incertitude va croissante (assauts). - Une épreuve de combat libre.

Vérification de la présence du savoir visé chez les élèves par l’étude de cas. Indicateurs utilisés : - Analyse des résultats obtenus par chaque élève dans les situations-tests et dans l’épreuve du combat -Analyse des verbatims issus des entretiens élèves de fin de cycle.

Savoir de référence (SR)

Savoir à enseigner (SAE)

Savoir enseigné (SE)

Savoir appris (SA)

Objet de la recherche : l’appréciation de

l’écart entre SE et SA Tableau 1 : les quatre phases de la méthodologie d’ingénierie didactique dans mon mémoire

de DEA

Af in de décrire la méthodologie utilisée, nous allons détailler ces phases, mais nous

commencerons directement par l’analyse a priori car la phase des analyses préalables détaille

surtout la connaissance de l’activité et de son enseignement, ce que nous faisons de manière

bien plus exhaustive en première partie de la présente thèse.

1.2.3.2. Analyse a priori : la phase de négociation

Professeur d’EPS agrégé, l’enseignant volontaire pour collaborer à notre travail

enseigne depuis onze ans. Il est en poste dans le lycée professionnel où est menée

l’expérimentation depuis une année. Pratiquant le karaté depuis une dizaine d’années, la

perspective d’avoir à travailler en karaté avec ses élèves l’a immédiatement séduit, d’autant

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qu’il avait déjà conduit des cycles de karaté en EPS. Afin de ne pas perturber son rôle futur, ni

altérer l’ensemble du protocole de recherche, le projet lui a été présenté comme une «option

didactique de l’enseignement du karaté, que je voulais tester en milieu scolaire » (dixit). Il

paraissait primordial de préserver son impartialité pour la suite et notamment pendant la mise

à l’épreuve du cycle. Ayant des conceptions proches, chercheur et enseignant associé sont

tombés d’accord sur l’option du cycle envisagée, à savoir proche du karaté en tant qu’activité

culturellement reconnue (art martial). La négociation est sans aucun doute une des phases la

plus délicate du travail du chercheur compte tenu de ses enjeux. Il s’agit alors d’anticiper la

distance entre les options du chercheur et celles de l’enseignant ce qui nécessite de prendre

certaines précautions sans pour autant détourner les objectifs de la recherche. La négociation a

surtout permis de déterminer dans un premier temps avec quelle classe nous allions travailler,

une classe de Terminale BEP PRO MOD (métiers de la mode : couture, confection) constitué

d’un petit effectif de neuf filles motivées par l’activité, puis préciser la trame du cycle et les

savoirs à enseigner. Seule la séance d’évaluation a été rediscutée, pour les besoins de la

recherche, puisque le collaborateur envisageait uniquement d’évaluer ce qu’il avait enseigné,

c’est-à-dire rester sur des formes d’assauts conventionnels, alors qu’il fallait absolument une

partie de l’évaluation sur des assauts libres, afin d’apprécier le savoir dont les élèves

pouvaient témoigner en combat, ce qu’il a d’ailleurs accepté : «cela me va, mais on est peut-

être pas obligé de faire rentrer cette partie dans la note du cycle, ce serait les mettre en

échec… » (Extrait de verbatim).

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1.2.3.3. Analyse du savoir enseigné dans la mise à l’épreuve

Le tableau suivant (tableau 2) propose un récapitulatif des séances, avec le détail pour

chacune des objectifs et des savoirs enseignés.

Séances Objectifs Savoir enseigné

1

Découverte pratique et historique de

l’activité

Aborder les bases du karaté

Terminologie. Historique. Code moral

Positions. Distances. Rôles.

2

Apprentissage du kata

Sensibilisation à la notion de « kime »

Travail de distance en assaut imposé

Enchaînements défense-contre

attaque. Respiration. Equilibre

Décalage / blocage / contre-attaque

3

Perfectionnement technique

Renforcement du travail de distance en

assauts imposés sur deux pas

Suite de l’étude du kata

Ajuster sa distance sur un adversaire

en déplacement

4

Travail kata solo et bunkaï (application

par 2)

Varier les armes utilisées (poing ou

pied) en assauts sur deux pas

Adapter sa distance en attaque et en

défense

Adaptation de la distance suivant

l’arme utilisée (poing ou pied)

5

Travail kata solo et bunkaï

Travail de distance et de rythme en

assauts sur trois pas.

Idem séance 4

S’adapter au rythme imposé par

l’attaquant. Rester à distance.

6

Evaluation finale

-----

Tableau 2 : tableau synthétique du savoir enseigné par l’enseignant collaborateur D

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1.2.3.4. L’analyse a posteriori : analyse de l’écart entre le savoir enseigné et le savoir

appris à partir d’une option clinique

A. Terrisse a développé la « nécessité de la clinique en didactique des activités

physiques et sportives » et présenté « l’éventail des réponses du sujet confronté à l’épreuve »

(Terrisse, 2000). L’éventail des réponses (tableau 3) permet d’identifier ce rapport, au « cas

par cas » (ibid.) : continuité et rupture renvoient au savoir que manifeste le sujet tandis

qu’adéquation et inadéquation se réfèrent au sujet confronté à l’épreuve (du combat). Dans

cette optique, un sujet élève « CA » manifeste un savoir en continuité avec le savoir

enseigné : ce qui est appris par l’élève lui a été enseigné. Il réussit dans l’épreuve, est en

adéquation à celle-ci. De la même manière, si le savoir que manifeste le sujet n’est pas en

continuité avec le savoir enseigné, on peut dire que ce qui a été appris n’a pas été enseigné.

Autrement dit, le sujet est en rupture avec le savoir enseigné et en « RI », il échoue en

combat, d’où son inadéquation avec l’épreuve.

Savoir enseigné

Epreuve

CONTINUITE

(C)

RUPTURE

(R)

ADEQUATION

(A)

CA

SA↔SE

Réussite dans l’épreuve

RA

SA ≠ SE

Réussite dans l’épreuve

INADEQUATION

(I)

CI

SA↔ SE

Echec dans l’épreuve

RI

SA ≠ SE

Echec dans l’épreuve

Tableau 3 : « l’éventail des réponses » d’après Terrisse (2000)

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L’axe CA / RI est celui de la loi générale car on considère comme logique qu’un sujet

qui manifeste un savoir en continuité avec le savoir enseigné apprenne et réussisse dans

l’épreuve. C’est la loi sur laquelle est fondé l’enseignement, auquel s’attend un enseignant

(que l’élève apprenne ce qu’il enseigne). De même, si le savoir que manifeste le sujet est en

rupture avec le savoir enseigné, le sujet n’a pas appris (ou autre chose que ce qu’on lui a

enseigné) et échoue dans l’épreuve spécifique du combat qui nécessite en effet de la part de

l’élève une adaptation aux stratégies mises en place par l’adversaire. L’utilisation « stricte »

du savoir enseigné n’est donc pas forcément un gage de gain du combat.

L’axe CI / RA, par contre, est celui de la « contingence », car il interroge la validité du

savoir au regard de l’épreuve. En effet, un sujet « CI » manifeste un savoir en continuité avec

le savoir enseigné (ce qui a été enseigné est appris) mais il échoue dans l’épreuve. Un sujet

« RA » est en rupture avec le savoir enseigné (il n’a pas appris ce qu’on voulait lui enseigner)

mais réussit dans l’épreuve donc est en adéquation avec celle-ci.

Ce dispositif (tableau 3) semble pertinent pour notre étude de cas parce qu’il interroge

à plusieurs niveaux :

- Au niveau de l’élève : de sa capacité à apprendre et utiliser un savoir enseigné. C’est là

tout l’enjeu de la recherche en éducation : rendre compte de l’utilisation du savoir

enseigné par l’élève. En effet, l’élève confronté à l’épreuve, qu’il réussisse ou qu’il

échoue, peut ou non être en phase avec le savoir enseigné. Le résultat qui se manifeste

dans l’épreuve est donc un indicateur du savoir utilisé par l’élève.

- Au niveau du savoir lui-même, à résoudre la situation et répondre aux exigences de

l’épreuve.

L’étude clinique a permis dans ce travail de recherche d’appréhender les

comportements et les discours des élèves. Nous nous proposons de présenter maintenant le

mode de recueil des données.

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1.2.3.5. Modalités de recueil des données

La mise à l’épreuve du savoir à enseigner se compose de trois situations-test et d’une

épreuve dont le principe organisateur est l’augmentation progressive de l’incertitude. On

s’attache alors à l’analyse des facteurs imprévisibles en combat, liés à la présence de

l’adversaire. Les sports de combat sont des sports dits « duels » dans le sens où il est

impossible de pratiquer tout seul. Comme le soulignent Y. Kerlirzin « chaque combat se

singularise par l’aménagement de cette dualité en organisant sa logique de l’affrontement »

(Kerlirzin et Fouquet, 1996). Dans cette optique, les variables de l’action conditionnant

l’affrontement par percussion en karaté sont :

- la distance : elle est constamment changeante, puisque dépendante à la fois des

déplacements de l’attaquant et de ceux du défenseur.

- La cible visée : les zones de touches autorisées sont infinies puisque non restreintes en

karaté du fait du principe de contrôle des touches.

- L’arme utilisée : l’attaquant a à sa disposition une multitude de techniques d’attaques

possibles, que ce soit avec les pieds ou avec les poings.

- Le rythme imposé dans l’enchaînement éventuel des attaques.

Nous considérons que ces facteurs vont constituer des variables sur lesquelles

l’enseignant va pouvoir agir pour simplifier ou complexifier la situation d’assaut. Nous avons

procédé à la manipulation de celles-ci de la manière suivante :

- situation d’incertitude de niveau 1 : assaut sur un pas, arme et cible connues.

- Situation d’incertitude de niveau 2 : assaut sur un pas, arme seule connue.

- Situation d’incertitude de niveau 3 : assaut sur un pas, arme et cibles inconnues.

Dans ces trois situations dont la complexité va croissante, seul le défenseur marque

des points, attribués de la manière suivante :

- un point lorsqu’il est touché par l’attaquant.

- Deux points lorsque le défenseur esquive, mais n’est pas en mesure de contre-attaquer (pas à

distance ou blocage inefficace).

- Trois points lorsque le défenseur se décale, bloque et contre-attaque. C’est le comportement

attendu dans la mesure où il y a là, utilisation d’un savoir stratégique puisque le défenseur

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renverse le rapport de force en devenant attaquant, selon la définition préalable (Terrisse et

Coll., 1995).

Chaque assaut (A1, A2, A3) est constitué d’une attaque. Au niveau 1 d’incertitude,

l’élève subit successivement trois assauts, un à chaque niveau (haut, milieu et bas). Au niveau

2 d’incertitude, comme l’arme est connue à l’avance du défenseur, l’attaquant a trois

alternatives de cibles. Au niveau 3 d’incertitude, l’arme utilisée par l’attaquant ainsi que la

cible visée sont inconnues du défenseur, ce qui rend la situation complexe. A tous les niveaux,

l’attaquant joue donc un rôle, ce qui implique que le score obtenu par le défenseur (de un à

trois points) ne tient pas compte de l’incertitude au niveau de l’adversité.

1.2.4. Résultats des élèves à l’épreuve : le combat libre

Les résultats que les élèves ont obtenus dans les situations tests, dans l’épreuve de

combat libre et les entretiens de fin de cycle vont être maintenant présentés. Le tableau 4

propose un récapitulatif des résultats obtenus par les quatre élèves retenues pour leur assiduité

dans le cycle.

Situations

ELEVE

INCERTITUDE

NIVEAU 1

INCERTITUDE

NIVEAU 2

INCERTITUDE

NIVEAU 3

SCORE

PERSONNEL

Assauts A1 A2 A3 A1 A2 A3 A1 A2 A3 (A1 + A2 + A3)

X 3

EVE 1 2 3 3 3 3 3 3 3 24

MARIELLE 2 3 2 2 2 2 3 3 2 21

INGRID 2 1 3 1 2 2 3 1 3 18

FANNY 2 1 2 3 1 1 3 3 2 18

Tableau 4 : résultats individuels aux situations test

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L’épreuve est le combat libre. L’arme, la cible ainsi que la distance et le rythme sont

aléatoires pour chacun des combattants. L’incertitude est ici maximale puisqu’elle prend en

compte à la fois les dimensions spatiales (distance et cible), événementielles (arme) et

temporelles (rythme). Par contre, ce n’est pas la compétition puisque le combat n’est pas

codifié comme tel : il ne se déroule pas sur une aire donnée, n’est pas limité dans le temps et

les techniques de touches employées ne sont pas limitées, pourvu qu’elles soient contrôlées

par l’attaquant. Afin de situer chaque élève dans un niveau (tableau 5), nous nous sommes

inspirés du travail réalisé en boxe française par J.M. Montussac (1993) :

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Niveau d’opposition

Type d’opposition

Tendance observable

1

« MARIELLE »

Opposition subie

Fuite

Opposant défensif

dominé

DEFENSIVE

Déplacement arrière

Garde fermée

Peu de coups donnés

2

« FANNY »

Opposition acceptée

Attentisme passif

Opposant défensif

Logique de protection

3

« INGRID »

Opposition provoquée

Attentisme actif

Opposant défensif - offensif

OFFENSIVE

Déplacement surtout avant

garde basse, ouverte

4

« EVE »

Opposition d’opportunité

Provocation

Opposant offensif

Donne beaucoup de coups

Absence de véritable stratégie

5

Opposition interactive

Combinaison-réaction

Opposant offensif-défensif

NEUTRE

Garde haute, éloignée

Déplacements variés

6

Opposition exploitée

Opposant offensif

dominant

Alterne, tourne.

Met en place des stratégies de

touche.

Tableau 5 : niveaux d’opposition atteints par chaque élève à l’épreuve de combat libre

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Si l’on envisage ces résultats dans leur globalité, soit au niveau du groupe-test, on peut

en conclure que :

- Les résultats sont très divers d’une élève à l’autre (les scores vont de cinq pour Fanny en

incertitude niveau 1 à neuf pour Eve en situation d’incertitude niveau 3).

- Les meilleurs résultats sont toujours obtenus dans l’assaut à incertitude de niveau 3, soit la

situation la plus complexe. Aucune élève ne descend en dessous de sept (Ingrid 3+3+1).

- Toutes les élèves augmentent leur score entre la situation d’incertitude niveau 1 et celle de

niveau 3.

- Deux élèves progressent de trois points (Eve et Fanny).

- Deux élèves progressent d’un point (Marielle et Ingrid).

A part Eve, toutes les autres sont en difficulté dans la situation intermédiaire

(incertitude de niveau 2), où leurs scores sont inférieurs aux deux autres situations. Sachant

qu’on peut considérer qu’il y a utilisation d’un savoir stratégique à trois points (seul cas où

l’on peut observer une contre-attaque, donc un changement de rôle), sur neuf assauts pour

chacune :

- une élève la manifeste sept fois sur neuf (Eve).

- Les autres la manifestent trois fois.

Il s’avère donc que trois élèves sur quatre ne changent de rôles que dans le tiers des

assauts qu’elles ont à gérer. Une seule parvient à le faire de manière quasi-systématique, Eve.

C’est aussi elle qui fait état du meilleur niveau en combat libre, puisqu’elle est la seule à

atteindre le niveau 4 (cf. tableau 5). C’est pourquoi son cas sera détaillé, et, puisqu’il

appartient à la « loi générale », on en prendra un autre (Ingrid) qui lui se situe dans la

« contingence ».

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1.2.5. Résultats de l’étude sur deux cas d’élèves : Eve et Ingrid

1.2.5.1. Description des résultats d’Eve (CA)

Situations

Elève

INCERTITUDE

NIVEAU 1

INCERTITUDE

NIVEAU 2

INCERTITUDE

NIVEAU 3

NIVEAU

D’OPPOSITION

Assauts A1 A2 A3 A1 A2 A3 A1 A2 A3

EVE 1 2 3 3 3 3 3 3 3 4

Tableau 6 : tableau récapitulatif des résultats d’Eve

Dans les différentes situations proposées (tableau 6), Eve manifeste une importante

progression dans les assauts libres (incertitude totale) par rapport aux assauts conventionnels

(incertitude croissante). En combat libre, elle est la seule à atteindre un niveau 4 et peut être

classée dans un «type d’opposition d’opportunité » à tendance offensive (cf. tableau 5). Ces

résultats montrent qu’Eve est plus performante dans les situations avec incertitude que dans

les situations sans incertitude : elle réussit mieux dans ces dernières, atteignant 100 % de

réussite. On peut en déduire qu’Eve réussit beaucoup mieux en combat qu’en application de

techniques.

1.2.5.2. Interprétation des résultats d’Eve

Le savoir enseigné était axé sur des savoirs stratégico-techniques, dans la mesure où

les élèves ont eu à apprendre des techniques d’attaques pieds-poings, des blocages et des

déplacements mais aussi leurs applications dans des situations d’assauts à deux. Dans cette

optique, on peut résumer le profil d’Eve comme une élève qui a plus particulièrement bien

intégré le versant stratégique : elle change de rôle 7 fois sur 9. Il s’agit maintenant de savoir

d’où vient le savoir qu’elle manifeste. Si l’on se réfère à son entretien après cycle, elle dit

elle-même «avoir eu du mal à se souvenir du kata et faire les mouvements dans le vide ». Par

contre, le travail à deux l’amusait beaucoup et «dans le combat cela venait tout seul, je le

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faisais sans réfléchir». Il semblerait ainsi que les savoirs qu’Eve mobilise dans l’épreuve sont

appris puisqu’elle dit : « j’essayais de faire ce qu’on m’avait appris, un blocage, une

attaque…Et être à distance ». Considérant que le savoir appris est conforme au savoir

enseigné (continuité), ses résultats attestent qu’Eve est en adéquation par rapport à l’épreuve.

Dans l’éventail des réponses détaillé précédemment, Eve peut donc être placée de la manière

suivante :

Savoir enseigné

Epreuve

CONTINUITE

RUPTURE

ADEQUATION

CA : EVE

RA

INADEQUATION

CI

RI

Tableau 7 : résultat de l’étude du cas Eve dans l’éventail des réponses

Au regard de ses résultats, et ses entretiens le confirment, le savoir que manifeste Eve

est directement issu du savoir enseigné, autrement dit en continuité avec ce dernier. Sa

réussite dans l’épreuve marque son adéquation, ce qui fait dire en conclusion de l’étude de ce

cas que savoir enseigné et savoir appris ont un rapport de continuité.

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1.2.5.3. Description des résultats d’Ingrid (RA)

Situations

ELEVE

INCERTITUDE

NIVEAU 1

INCERTITUDE

NIVEAU 2

INCERTITUDE

NIVEAU 3

NIVEAU

D’OPPOSITION

Assauts A1 A2 A3 A1 A2 A3 A1 A2 A3

INGRID 2 1 3 1 2 2 3 1 3 3

Tableau 8 : tableau récapitulatif des résultats d’Ingrid

Ingrid n’obtient que rarement trois points dans les situations tests et son total de points

dans les situations avec incertitude (niveau 2 + 3 = 12) est très inférieur à celui d’Eve (18).

Elle manifeste un changement de rôle trois fois sur neuf, soit dans un tiers des cas seulement.

Dans l’épreuve, par contre, Ingrid atteint un niveau 3 en combat libre (tableau 5), qui

correspond à une tendance offensive, et un type d’opposition « provoquée », un « attentisme

actif ». Ingrid peut donc être définie comme « opposant défensif-offensif ».

1.2.5.4. Interprétation des résultats d’Ingrid

Les résultats d’Ingrid montrent qu’elle se rapproche du profil d’Eve, bien que cette

dernière soit plus efficace en combat. Ses résultats en combat libre témoignent de son

adéquation à l’épreuve, par contre ses résultats dans le test ne sont pas performants. Elle ne

change pas systématiquement de rôle, ne manifestant pas par là un savoir stratégique.

L’examen vidéo de sa production lors du test est très intéressant : Ingrid, à plusieurs reprises,

s’arrête après avoir paré l’attaque, car elle utilise un blocage qui n’a pas été enseigné au cours

du cycle. Elle a l’impression qu’elle ne fait pas, ou pas correctement, ce qu’on lui demande.

Elle dira d’ailleurs : « j’avais l’impression de mal faire, c’est venu comme ça, j’ai pas

réfléchi, je crois ». Cela explique la différence entre sa performance au test et celle dans

l’épreuve. On ne peut pas de ce fait dire qu’Ingrid utilise un savoir appris au cours du cycle.

Si elle l’utilise en combat, elle n’en a pas conscience et fonctionne sur un registre de

ressources « adaptatives » : Ingrid est comme nous l’a confirmé son professeur un « profil

type instinctif ». En tout état de cause, l’examen de ce cas met bien en évidence un rapport

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particulier entre le savoir enseigné et le savoir appris : Ingrid a appris, mais adapte ce savoir

au contexte auquel elle est confrontée.

Comme nous l’avons fait pour le cas d’Eve, nous allons maintenant pouvoir placer

Ingrid dans le tableau de l’éventail des réponses :

Savoir enseigné

Epreuve

CONTINUITE

RUPTURE

ADEQUATION

CA

RA : INGRID

INADEQUATION

CI

RI

Tableau 9 : résultat de l’étude de cas d’Ingrid dans l’éventail de réponses

Contrairement au cas d’Eve, les résultats d’Ingrid sont dans la « contingence » car le

savoir qu’utilise Ingrid est en rupture avec le savoir enseigné. En effet, en situation d’assaut,

elle a été capable « d’inventer » un blocage, qui n’a pas donc pas été enseigné mais qui

répond à l’exigence de la situation (ne pas être touché par l’attaque adverse). Elle réussit dans

l’épreuve, ce qui marque son adéquation à celle-ci. On peut dire qu’Ingrid est dans un

apprentissage « par » l’épreuve dans la mesure où il semble qu’elle apprenne de l’épreuve

elle-même. Elle procède donc à une adaptation du savoir à utiliser dans l’épreuve par rapport

au savoir enseigné. En conclusion de l’étude de ce cas, il s’avère que le rapport entre le savoir

enseigné et le savoir appris est discontinu pour Eve car le savoir appris n’a pas été enseigné.

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30

1.2.6. Conclusion du DEA

Au terme de ce travail, il est apparu qu’il n’y a pas qu’un seul écart entre le savoir

enseigné et le savoir appris, mais plusieurs, autant que de cas d’élèves, ce qui justifie le

recours à l’étude clinique, et valorise le singulier. Le rapport entre le savoir enseigné et le

savoir appris n’est pas linéaire. Le chercheur peut assister à l’émergence d’un rapport plus

complexe qu’il ne l’était envisagé de prime abord : le savoir utilisé dans l’épreuve présente

plusieurs facettes. Il peut en effet découler d’un acte d’enseignement mais être aussi appris au

cours même de l’épreuve, par l’épreuve ou encore être issu d’un savoir déjà-là exploité au

cours de l’épreuve par l’élève. Autrement dit, si le savoir utilisé est synonyme de savoir

appris, ce dernier n’a pas toujours été enseigné. En effet, le critère pour vérifier qu’un savoir

est appris est de vérifier son émergence dans une situation différente de celles proposées dans

l’apprentissage. Dans notre cas, pour apprécier dans quelle mesure le savoir enseigné a été

appris, nous nous sommes attachés à rendre compte de la capacité de l’élève à utiliser le

savoir enseigné lors de l’épreuve de combat et non pas en assaut, c’est-à-dire en situation

d’apprentissage. C’est donc la nature même de l’épreuve qui rend inefficace le savoir

enseigné, dans le sens où il ne suffit plus à répondre à la contingence de l’épreuve. C’est cette

dernière qui suscite l’émergence du savoir utilisé.

A partir de notre étude locale et contextualisée, trois formes de rapports entre savoirs

enseigné et appris peuvent ainsi être mis en évidence :

1) l’élève utilise le savoir enseigné. Dans ce cas, savoir enseigné (SE), savoir utilisé (SU) et

savoir appris (SA) se confondent. Le rapport entre savoir enseigné et savoir appris se définit

alors en termes d’inclusion (cf. tableau 10).

2) L’élève utilise un savoir qui a été en partie enseigné. C’est le cas quand par exemple Eve

utilise en priorité des aspects stratégiques en combat, en termes d’adaptation à l’adversaire, au

détriment d’autres aspects plus techniques (reproduction de formes, d’enchaînements

inadaptés au contexte). Dans ce cas, savoir enseigné et savoir appris sont en relation et le

savoir utilisé est là un indicateur précieux de celle-ci.

3) En dernier lieu, l’élève utilise un savoir qui n’a pas été enseigné. Dans ce cas là, dans

l’épreuve d’opposition, il « invente » une solution d’attaque ou de défense, qui lui permet de

concrétiser son projet stratégique. Il y a séparation entre le savoir enseigné et savoir appris.

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1 2 3

FORMES

D’UTILISATION

DU SAVOIR PAR

L’ELEVE

SE

SA

SU

SE SU SA

SE SA

SU

RAPPORT

Inclusion Intersection Exclusion

Tableau 10 : tableau de synthèse des rapports entre savoir enseigné et savoir appris

Au final, plusieurs formes de rapports ont donc pu être identifiées (cf. tableau 10 ), ce

qui fait d’ailleurs la richesse de l’enseignement et de l’apprentissage et le fait qu’il ne peut se

répéter à l’identique, même si le contexte paraît similaire… Il apparaît que le savoir utilisé par

l’élève introduit une nouvelle problématique dans la mesure où il permet d’établir la nature du

rapport qu’il y a entre le savoir enseigné et le savoir appris. C’est par son intermédiaire que

les traces du savoir que manifeste le sujet émergent. Dans cette optique, on peut faire

l’hypothèse que ce concept, celui de savoir utile, va servir la recherche en didactique par son

intérêt dans toute étude qui voudra rendre compte des relations entre savoir enseigné et savoir

appris. Conscient des vides (kara…En japonais) que nous laissions, des points à approfondir,

des questions restées en suspens (comme celle que nous développons dans le prochain

chapitre, centrée sur les savoirs à enseigner en karaté en EPS), le prolongement de cette

recherche de DEA a abouti l’année suivante par une inscription en thèse. Nous avons dans le

prolongement de notre recherche de DEA déplacé la question du savoir utile et utilisé par

l’élève à celui utilisé par l’enseignant. En partant de ce nouvel axe de recherche, notre

connaissance du karaté nous a dirigé vers la pluralité des références dans les arts martiaux, et

de là, à la notion de référence pour l’enseignant. Mais avant d’en arriver là, nous avons

souhaité fixer notre réflexion et nos travaux de professeur d’EPS et de formateur en écrivant

deux articles dans la Revue EPS. En effet, il nous semblait primordial, avant d’étudier les

références d’autres enseignants, de proposer la nôtre.

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32

1.3. Une question didactique insistante : « quels savoirs en karaté à l’école ?»

La question est éminemment didactique, car elle se pose en termes de savoirs dans

l’enseignement du karaté en EP.S. Un premier élément de réponse a pu voir le jour par

l’entremise de la Revue EPS, revue professionnelle écrite par des enseignants d’EPS

essentiellement. Un article dont je suis le co-auteur avec D. Chaminade a été publié dans le

numéro 300 de celle-ci (Heuser, Chaminade, 2003). David fut l’enseignant associé dans notre

recherche de DEA, dont nous avons observé l’enseignement d’un cycle de karaté en EPS en

lycée. C’est à partir de ce travail en commun que nous avons clarifié notre option didactique

du karaté en EPS sous la forme d’un objectif transversal de « gestion du risque en sports de

combat, par le moyen de l’organisation de l’incertitude dans l’opposition » (Heuser,

Chaminade, 2003, 2006). Mon expertise professionnelle, en tant que professeur de karaté et

formateur à l’Ecole des Cadres fait état d’un constat d’observation que l’enseignement du

karaté a très peu évolué au cours de son histoire; un peu comme si le respect des anciens

Maîtres et de leurs traditions interdisaient aux enseignants de cet art martial de faire évoluer

leurs pratiques pédagogiques et didactiques. Le savoir combattre, en tant que savoir

stratégique tel que le définit G. Vergnaud comme « étant impliqué dans la maîtrise de

situations complexes » (Vergnaud, 1994) que nous assimilerons à toutes les situations où

l’élève se retrouve en situation d’opposition, n’est pas, dans la tradition de l’enseignement des

arts martiaux, un savoir enseignable de prime abord, sans que l’élève (le disciple ?) ait

parcouru un certain « chemin », autrement dit, sa voie, son « do » japonais. Cela va à

l’encontre d’une conception moderne occidentale de l’enseignement, où une option didactique

pourrait faire acquérir des savoirs opérationnels. Nous noterons d’ailleurs que ce problème

n’est pas spécifique au karaté puisqu’on le retrouve par exemple en judo, comme l’expose très

clairement D. Loizon dans sa thèse sur « l’étude de la variabilité didactique dans

l’enseignement du judo » (Loizon, 2004). Cette recherche en didactique a pour objet de mettre

en évidence les différents savoirs qu’enseignent les professeurs de judo en club et en EPS.

L’analyse des variables didactiques a été utilisée dans ce cas comme outil d’analyse et a

permis de montrer que les savoirs techniques et stratégiques étaient au cœur des situations

d’apprentissage et qu’ils étaient indissociables. La transmission d’autres savoirs dans les

communications didactiques est également mise en évidence : réglementaire et sécuritaire,

ainsi que culturel et éthique (Margnes, 2002). Le but de la pratique du karaté est certes avant

tout le combat ce qui n’exclut pas que l’on apprenne aussi d’autres savoirs qui serviront dans

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la gestion du combat proprement dit (contrôle de soi, respect de l’adversaire par exemple).

C’est pourquoi j’ai orienté mon précédent travail de recherche de DEA sur le rapport entre

savoir enseigné et savoir appris par l’élève confronté à un cycle de karaté, où il s’avère que

dans ce qu’il apprend, tout n’a pas été enseigné. Le rapport entre le savoir enseigné et le

savoir appris n’est donc pas linéaire et cette étude fait émerger la notion de savoir utilisé par

l’élève. En effet, celui-ci peut utiliser tout ou partie du savoir enseigné, mais aussi utiliser un

savoir qui n’a pas été enseigné. Le savoir utilisé par l’élève introduit donc une nouvelle

problématique dans le rapport au savoir dans la mesure où il permet d’inférer la nature du

rapport qu’il y a entre le savoir enseigné et le savoir appris : c’est par son intermédiaire

qu’émergent les traces du savoir que manifeste le sujet. Comme nous l’avons déjà démontré,

le savoir appris peut émerger du savoir enseigné, ou du sujet dans l’épreuve elle-même.

1.4. Emergence et précision de la problématique de thèse

Cette nouvelle perspective m’a permis de revenir sur les trois temps de la transposition

didactique développés par Chevallard et de transférer la question du savoir utilisé par l’élève

au savoir utilisé par l’enseignant en classe (Chevallard, 1985). Néanmoins, ce passage du

sujet élève au sujet enseignant s’est vite révélé dépasser la notion de savoir car l’enseignant

enseigne des savoirs issus de champs divers : son expertise de pratiquant, son expérience

d’enseignant, sa conception de l’activité à enseigner, son histoire personnelle. Très vite, c’est

la notion de référence qui s’est imposée pour organiser ces différentes influences. D’ailleurs,

on peut se demander si les références vont être les mêmes suivant que l’on se situe dans la

phase préactive (la planification), la phase interactive (l’épreuve d’enseignement avec les

élèves) et la phase post active (après la séance quand l’enseignant en fait le bilan) du fait de la

spécificité de chacun de ces temps qui ne fonctionnent pas de manière linéaire.

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2. Présentation de la thèse

Dans le but d’analyser notre problématique de recherche et de développer notre thèse

sur la référence enseignante, une première grande partie sera consacrée au cadre conceptuel

auquel cette étude se réfère et à la connaissance de l’activité. Dans celle-ci, nous

examinerons :

- le cadre conceptuel de cette recherche en didactique, comprenant notamment les

travaux de l’Equipe Didactique Clinique (EDiC, ex. AP3E), qui ont ouvert la voie à ce

type de questionnement.

- La connaissance de l’activité karaté, au travers de l’analyse de ses différentes

références, historique, culturelle, didactique et scolaire. Cette dernière faisant un état

des lieux des travaux sur l’enseignement du karaté en EPS.

La seconde partie de la thèse sera consacrée au cadre méthodologique comprenant tout

d’abord des analyses préalables avec une enquête préliminaire et une pré-étude de cas, puis la

méthodologie de recueil et de traitement des données des études de cas.

La troisième partie présentera les résultats des études de cas, dont la première est

traitée de manière longitudinale, les deux autres étant des études de cas croisées.

Enfin, une conclusion générale viendra clôturer notre travail et envisagera des

perspectives à celui-ci selon trois axes : la recherche, la formation des enseignants et

l’enseignement du karaté.

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PREMIERE PARTIE

CADRE CONCEPTUEL ET

CONNAISSANCE DE

L’ACTIVITE KARATE

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Introduction

Dans cette première partie, nous allons nous attacher à développer les options

conceptuelles de la thèse. Afin de bien les situer dans un champ de recherche, nous

proposerons en premier lieu de présenter les travaux de l’équipe dans laquelle nous situons

nos travaux de recherche en didactique clinique de l’EPS. Nous examinerons ensuite

successivement les différents concepts de la didactique, et notamment la transposition

didactique comme outil de recherche ainsi que le concept de savoir et les différentes notions

de rapport aux savoirs. Enfin, nous nous attacherons au concept de référence, ce qui nous

permettra après l’avoir défini, d’annoncer nos questions de recherche et la problématique de

celle-ci. De plus, comme nous serons ensuite amenés à traiter de la pluralité des références en

karaté, la transition sera plus logique.

Dans un deuxième temps, nous allons ainsi proposer l’analyse la plus exhaustive

possible de l’activité karaté, selon les références possibles que le professeur d’EPS peut

utiliser dans le cadre de l’enseignement du karaté en EPS. Ces références peuvent être de trois

ordres, non exclusifs les uns des autres :

- historique (l’enseignement du karaté comme à son origine, le « te » qui représentait

une pratique de combat unique ainsi que son évolution hors de ses terres d’origines).

- Sportive avec le développement du karaté en compétition.

- Didactique avec une réflexion sur l’enseignement du karaté en club.

- Scolaire afin d’étudier comment cette activité est enseignée ou peut l’être à l’école.

Nous préciserons que la référence institutionnelle (les textes officiels) sera abordée

dans cette dernière partie.

Nous allons dans cette optique établir un état des lieux sur cet ensemble de références

qui font office de « savoir de référence » (Chevallard, 1991). Les ouvrages et leur auteurs qui

peuvent servir eux-mêmes de référence seront évoqués au fur et à mesure des prochains

chapitres.

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1. Options conceptuelles spécifiques utilisées en didactique

clinique de l’EPS

1.1. La didactique clinique de l’EPS : présentation des travaux de l’équipe de recherche

AP3E (Analyse des Pratiques d’Enseignement et leurs Effets sur les Elèves) du DiDiST

(Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques), équipe du CREFI-T

(Centre de Recherche Education Formation Insertion – Toulouse) EA 799, (ex :

LEMME, Laboratoire d’Etudes des Méthodes Modernes d’Enseignement)

En EPS, discipline scolaire, les contenus sont transposés des pratiques sociales de

référence ayant chacune leur propre logique, leurs évolutions et leurs enjeux de formation. Par

ailleurs, l’environnement didactique de l’EPS comporte des particularités (lieux et espaces

mouvants et spacieux, découpage temporel spécifique et contraignant, pratiques extra

scolaires des élèves, etc.) qui pèsent sur le fonctionnement didactique. Du savoir enseigné au

savoir appris, les écarts constatés (Heuser, 2001) témoignent aussi de la distance qui existe

entre les pratiques sociales et les pratiques scolaires. « C’est cette complexité qui est

appréhendée par les recherches menées par l’équipe de recherche d’ « Analyse des Pratiques

d’Enseignement et de leurs Effets sur les Elèves » (AP3E). Elle met en avant les limites des

cadres et théories didactiques classiques pour rendre compte de certains phénomènes relatifs à

la transmission- appropriation de savoirs. Nous entrons alors dans un domaine d’investigation

plus intime prenant en compte la singularité des sujets dans leurs rapports aux savoirs et dans

des questionnements sur leurs interrelations. « C’est ce parti pris, cette volonté de redonner

aux sujets enseignants et apprenants une place centrale dans la relation didactique qui

caractérise la dimension clinique des travaux didactiques de l’AP3E ». (Carnus, in Terrisse, à

paraître en 2009).

Une des premières thèses qui au LEMME (Laboratoire d’Etudes des Méthodes

Modernes d’Enseignement), laboratoire de didactique de l’Université Paul Sabatier dans

lequel ces recherches ont été menées, initie et renforce cette orientation est celle de Marie

France Carnus. Dans sa thèse, intitulée « Analyse didactique du processus décisionnel de

l’enseignant d’EPS en gymnastique. Une étude de cas croisés » (Carnus, 2001), elle met en

évidence que, d’une part, les contenus d’enseignement en gymnastique sportive à propos de

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l’enseignement de l’ATR (Appui Tendu Renversé) fluctuent en permanence, du fait de la

dynamique de la classe, et que, d’autre part, certains enseignants modifient les contenus

d’enseignement « à leur insu ». Ce n’est peut être pas une découverte en soi, car les

professeurs d’EPS connaissent ces processus, mais ils n’avaient pas un statut de produit de

recherche, notamment en didactique de l’EPS. Dans le prolongement de ces travaux, M.F.

Carnus cherche à décrire et à comprendre les écarts entre les contenus à enseigner et les

contenus réellement enseignés au travers du passage de l’intention à la décision. Son projet est

d’apporter une autre compréhension de l’activité décisionnelle de l’enseignant, en tant que

sujet singulier, assujetti et divisé dans et par son inconscient, théorie du sujet que nous allons

pouvoir utiliser pour nos études de cas.

La seconde thèse soutenue dans ce groupe est celle de Jean-Paul Sauvegrain, qui

s’intéresse au savoir appris par les élèves dans un cycle de lutte : « Analyse didactique de la

décision de l’élève : étude de cas sur l’utilisation du savoir dans un cycle de lutte en EPS ».

(Sauvegrain, 2001). A l’autre extrémité de la chaîne transpositive, J.-P. Sauvegrain interroge

l’écart entre le savoir enseigné et le « savoir combattre » réellement mobilisé par les élèves

dans l’épreuve du combat en cours d’EPS. En suivant les savoirs transmis par l’enseignant, la

recherche s’intéresse à des cas d’élèves singuliers et repère les différentes « façons de faire »

permettant au « lutteur apprenti » de résoudre le problème rencontré en combat, ce qui permet

de rendre compte des savoirs appris. L’intérêt de ce travail pour notre thèse n’est pas évident

car J.P. Sauvegrain n’est pas focalisé sur l’analyse des pratiques enseignantes. Pour autant, il

interroge comme nous le faisons les écarts aux savoirs, même si ce n’est pas au même niveau

dans la chaîne transpositive.

La troisième thèse est celle d’Eric Margnes. Elle porte sur l’analyse du savoir transmis

en judo par deux formateurs d’UFRSTAPS (cf. glossaire) : « L’intention didactique dans

l’enseignement du judo, des choix culturels d’ordre éthique et technique. Etude de cas de

situations didactiques – leurs mises en scène pour des débutants dans la formation initiale en

STAPS– » (Margnes, 2002). L’intérêt de ce travail réside dans sa tentative réussie de

constituer une grille d’analyse de cette activité, différenciant deux conceptions du judo et

deux modes de traitement de cette activité. Eric Margnes rend ainsi compte, à partir

d’entretiens et d’observations directes de séances, des intentions didactiques qui apparaissent

influencées par ces deux conceptions possibles de l’activité judo (le judo traditionnel et le

judo sportif) ainsi que par deux conceptions de son enseignement à des débutants (l’approche

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formelle et l’approche fonctionnelle). Son travail nous a notamment donné une typologie des

savoirs fonctionnellement bien adaptée en karaté, bien que constituée en judo.

La quatrième thèse est celle de Denis Loizon. Elle porte sur l’analyse des variables

manipulées par des enseignants de judo, en club et en EPS : « Analyse des pratiques

d'enseignement du judo : identification du savoir transmis à travers les variables didactiques

utilisées par les enseignants en club et en EPS », (Loizon, 2004). La conclusion de ce travail

montre que, comme dans la thèse d’Eric Margnes, des savoirs de nature très différente sont

transmis dans ces séances, ce qu’il est aussi possible d’observer en karaté relativement à la

pluralité des savoirs enseignés. Elle fait apparaître, surtout, que, pour ces enseignants, la

compréhension de l’enseignement du judo passe par des « filtres », qui sont pour le chercheur

autant de moyens d’analyse des déterminants de sa pratique professionnelle. La plupart de ces

filtres, conceptuels, intentionnels et décisionnels sont en rapport avec la pratique antérieure de

l’enseignant en tant que judoka. Nous retrouvons cette problématique dans nos études de cas,

qui montrent aussi le poids de cette pratique antérieure du karaté par les enseignants d’EPS.

La thèse d’Isabelle Jourdan ne porte pas sur l’analyse des pratiques, mais sur l’étude

longitudinale du rapport au savoir des étudiants de première année d’IUFM, qui deviennent

professeurs stagiaires, puis « primo-entrants » dans leur premier poste : « L’évolution du

rapport au savoir comme « révélateur » de la logique de professionnalisation : six études de

cas en formation initiale en EPS à l’IUFM Midi-Pyrénées » (Jourdan, 2005). L’utilisation de

la notion de rapport au savoir sert ici à rendre compte de leur logique de professionnalisation.

C’est bien une étude clinique, « au cas par cas », qui observe un parcours singulier de chacun

des sujets analysés. Sans vouloir réduire cette analyse à ce résultat, l’étude montre bien

combien chacun a une logique qui lui est propre, qui peut se caractériser et se retrouver chez

d’autres professeurs débutants. Cette logique propre, singulière, de chaque cas est un point

que nous retrouvons aussi dans notre travail actuel.

D’autres travaux développent cet axe de didactique clinique. Ainsi sont développées

par Pablo Buznic des études sur les enseignants débutants en comparant, chez le même

professeur stagiaire, deux enseignements contrastés : celui d’une APSA dont elle est

spécialiste, la danse et celui d’une APSA qu’elle n’a jamais pratiquée, la lutte. Fidèle à

l’orientation clinique, une étude de cas d’une enseignante débutante observée dans deux

activités différentes : la lutte (qu’elle ne connaît pas) et la danse (dont elle est spécialiste) rend

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compte de la part spécifique de « l’expérience personnelle de pratiquant du professeur

d’EPS » (Buznic, 2005) et son influence sur la gestion du contrat didactique. Cette notion

d’expérience personnelle de pratiquant est dans notre étude une influence qui fait à un

moment donné partie de la référence que nous cherchons à identifier.

Dans les mêmes travaux portant sur les enseignants débutants, qui correspondent à

l’orientation du GRIDIFE (ERTe 46 : 2002-2006), E. Brossais et A Terrisse analysent un

jeune professeur d’EPS, spécialiste de judo, qui enseigne dans un collège de ZEP en banlieue

toulousaine. Ce travail met en évidence combien, comme dans le cas précédent, la pratique

antérieure en tant que judoka pèse lourdement sur l’enseignement de sa « spécialité ». Les

auteurs montrent en quoi le rapport personnel au judo d’un enseignant débutant d’EPS ainsi

que les rapports institutionnels influencent son enseignement – notamment les savoirs

enseignés. Marqués par le double assujettissement à l'institution scolaire en tant qu’enseignant

en ZEP et à l'institution fédérale sportive en tant que pratiquant, les auteurs s’interrogent sur

le poids respectif de chacune de ces institutions dans son enseignement dont ils cherchent les

traces dans sa pratique professionnelle. Pour notre travail, c’est le rapport expérience-

expertise qui nous intéresse car on le retrouvera dans les études de cas que nous avons

menées. Ce rapport influence inévitablement l’enseignement du karaté que va produire

l’enseignant et va de ce fait être une source d’influence sur la référence enseignante.

D’autres travaux sont en cours, comme celui que mène André Touboul, enseignant

d’EPS à l’UFRSTAPS de Toulouse, pour rendre compte du poids de l’expérience

professionnelle ou de l’expertise dans une APSA, qui semblent être les deux déterminants

essentiels, dans cette orientation de recherche, pour tenter de comprendre et d’expliquer les

pratiques d’enseignements de professeurs d’EPS, notamment en sport de combat.

Après cette présentation des différents travaux de l’équipe de recherche dans la quelle

nous travaillons, il nous semble important à ce stade de préciser les différentes modalités de la

recherche clinique afin de préciser notre orientation pour lui donner sa cohérence. La question

est en effet de savoir quelle terminologie exacte utiliser, entre recherche clinique, démarche,

courant, ou encore posture.

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1.2. La recherche clinique

« La recherche clinique est une activité médicale visant à améliorer la connaissance

soit d'une maladie soit d'une thérapeutique. La recherche clinique concerne l'être humain. En

pharmacologie par exemple, elle est dominée par les études du médicament administré à

l'homme, dans le cadre des essais cliniques » (Allain, Milon, Van Den Driessche, 1985). D’un

point de vue purement scientifique, on ne peut donc pas dire que nous faisons une recherche

clinique si on entend par là une recherche menée sur l'être humain dans le domaine de la

santé. Pour autant, A. Terrisse utilise le terme quand il écrit : « la recherche clinique sert à

interroger le rapport singulier qu’entretient le sujet à l’activité qu’il pratique pour en rendre

compte, l’identifier, la caractériser » (Terrisse, 1998). Ce rapport « ne pourra être élaboré qu’à

partir d’une prise en compte du cas par cas, ce qui caractérise la clinique du singulier, celle de

la position subjective de chacun » (ibid.). Il est vrai que la récente appropriation du terme de

clinique dans des champs qu’elle n’avait pas à l’origine investi va obliger les chercheurs à un

effort de précision des termes utilisés, effort que nous commençons à effectuer dans ces lignes

afin, justement, d’apporter notre contribution à ce débat scientifique.

Qu'en est-il de la « démarche clinique », cette notion relativement récente en formation

et éducation ? A l'origine, la clinique est relative au médecin qui, au chevet du patient,

observe les manifestations de sa maladie et les réactions de celui-ci en même temps qu'il

l'interroge et l'écoute. Par la suite, elle a été transposée à l'examen des individus non malades

puis des groupes (psychologie sociale clinique) très souvent dans un but de formation.

Sigmund Freud a employé pour la première fois le terme de « psychologie clinique » dans sa

lettre à W. Fliess en janvier 1899. En 1949, D. Lagache (cité par Daniel Anzieu dans le

Dictionnaire de psychologie), évoque une « méthode clinique » (Lagache, 1949) reposant sur

trois postulats :

- un postulat dynamique : le psychisme humain est constitué de conflits intra et

intersubjectifs;

- un postulat interactionniste : la conduite qui est la réaction de la personne à la situation dans

laquelle elle se trouve (état d'esprit interne, milieu psychique et social externe) ;

- un postulat historique : la personnalité en évolution depuis sa naissance avec une alternance

de moments de crise et de périodes de stabilité ; la conduite d'une personne à un moment

donné étant le produit de son passé et de ses projets.

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Michel Foucault, quant à lui, publie en 1972 une étude historique de la clinique sous le

titre « Naissance de la clinique », mais pour ce qui est de la « démarche clinique » dans le

milieu de l'éducation, il faut attendre le début des années 1990 pour la voir apparaître dans les

écrits (Imbert, 1992 ; Cifali, 1994 ; Perrenoud, 1994 ; Revault d’Allonnes et al., 1999). Plus

récemment encore apparaît un autre concept, celui de « clinique de l'activité », dans le

domaine de l'ergonomie et de la psychologie du travail (Clot, Prot, Wherte et al., 2001). Il

apparaît donc, dans le champ des Sciences Humaines, ce que nous pourrions nommer un

« courant clinique » en ce sens où :

- d'une part, des recherches, des analyses de pratiques, des formations, etc. sont menées,

non pas « au chevet du patient » mais auprès d'acteurs engagés dans et intéressés par

l'objet d'étude, grâce à « cette posture particulière qui permet à un professionnel de

construire des connaissances à partir de situations particulières dans lesquelles il est

impliqué » (Cifali, 1999),

- d'autre part que ces approches sont souvent guidées par « le souci de l'action, de la

compréhension et de la transformation des situations de travail » (Clot, 2001).

- Enfin que la pratique des chercheurs, des formateurs, n'est plus un simple exercice

d'application de connaissances acquises. De fait, « le sens clinique exige de n'être pas

centré sur soi » (Cifali, ibid.), de ne plus être dans (l'illusion de) la maîtrise, d'accepter

l'incertitude.

Quelle définition, alors, donner de l’approche clinique ? Pour J. Ardoino « Est donc

proprement clinique aujourd'hui, ce qui veut appréhender le sujet (individuel et/ou collectif) à

travers un système de relations (constitué en dispositif, c'est-à-dire au sein duquel le praticien,

où le chercheur, comme leurs partenaires, se reconnaissent effectivement impliqués), qu'il

s'agisse de viser l'évolution, le développement, la transformation d'un tel sujet ou la

production de connaissances, en soi, comme pour lui ou pour nous, « s'agissant » plutôt d'une

sagacité d'accompagnement dans une durée, d'intimité partagée » (Ardoino, 1989). C’est ce

parti pris, cette volonté de redonner aux sujets enseignants et apprenants une place centrale

dans la relation didactique qui caractérise l’option clinique des travaux didactiques de l’AP3E.

L’approche clinique en didactique a pour conséquence directe de « sortir de l’ombre »

(Carnus, in Terrisse, à paraître) l’activité des protagonistes du système didactique,

l’enseignant et les élèves dans leur singularité, en tant que sujets « entièrement engagés »

(ibid.) dans l’acte d’enseignement apprentissage, avec ce qu’ils savent et ce qu’ils sont.

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Du point de vue de la démarche, M. Cifali et P. Perrenoud la définissaient ainsi dans

un fascicule qui était destiné aux étudiants de l'Université de Genève s'orientant vers les

métiers de l'enseignement : « La démarche clinique est une façon de prendre du recul vis-à-vis

d'une pratique : elle se fonde sur l'observation, qu'il y ait problème ou non ; elle permet

d'élaborer des hypothèses ou des stratégies d'action par la réflexion individuelle ou collective,

la mobilisation d'apports théoriques multiples, des regards complémentaires, des

interrogations nouvelles. Elle sollicite des personnes-ressources qui mettent en commun leurs

points de vue pour faire évoluer la pratique ainsi analysée. C'est un moyen de faire face à la

complexité du métier d'enseignant en évitant le double écueil d'une pratique peu réfléchie ou

d'une théorie déconnectée des réalités vécues. […] Elle peut, dans certains domaines,

s'inspirer d'une démarche expérimentale, dans d'autres s'apparenter à une recherche-action,

dans d'autres encore emprunter certains outils ou paradigmes à la supervision ou à la relation

analytique » (Cifali, Perrenoud, 2001). Par ailleurs, Cifali énonce que « ceux qui oeuvrent

dans ce contexte, avancent qu’il y est question de situations où les acteurs sont impliqués ; où

s’élabore, avec les interlocuteurs en présence, une compréhension de ce qui se passe, une co-

construction d’un sens qui provoque parfois du changement ; où s’instaure une articulation

théorie pratique particulière, un lien entre connaissance et action » (Cifali, 1999). Et elle

souligne que la démarche clinique « n'appartient donc pas à une seule discipline ni n'est un

terrain spécifique ; c'est une approche qui vise un changement, se tient dans la singularité, n'a

pas peur du risque et de la complexité, et co-produit un sens de ce qui se passe » (ibid.). Dans

les faits donc, la démarche clinique se traduit en modalités diverses dont l'analyse de

pratiques, mais toutes ont, selon Perrenoud « un dénominateur commun : elles mettent

l'accent sur les fonctionnements en situation » (Perrenoud, 1994) et il y est toujours question

d'apprendre dans et sur la situation, l'action, l'acte pédagogique et ce en prise directe avec des

praticiens concernés. Ainsi, « la démarche clinique vise plutôt, à partir de l’expérience, à

alimenter la construction de savoirs nouveaux ou l’intégration et la mobilisation réflexives de

savoirs acquis » (Perrenoud, 2001). Il est alors évident qu'une telle démarche dans le cadre de

la formation demande de courir des risques, d’une part pour les personnes en formation, par le

fait d'être invitées à s'exposer et d'être conduites à se remettre en question et d’autre part pour

les formateurs, qui ne sont plus dans la « maîtrise », mais dans l'accompagnement, la

médiation, la guidance, le partage et parfois le doute. Elle suppose donc un changement de

posture des formateurs ainsi que des personnes « en formation » et présente l'avantage de

s’harmoniser avec un acte éducatif (un acte formatif) qui aidera ces dernières, les « se

formant », à ne plus être dans une attente de transmission de savoirs normés, pré-établis et

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relativement figés, mais à construire leurs propres savoirs, à se construire dans la réflexivité et

le conflit (cognitif, sociocognitif), à développer leur identité professionnelle. Adopter une

démarche clinique en recherche nécessite donc de respecter un ensemble de règles

déontologiques, permettant de se plier à une éthique professionnelle.

La prise en compte a priori du point de vue du sujet comme l’a qualifiée M.F.Carnus

(Carnus, 2003) est en rupture avec l’idée d’un sujet générique, épistémique. Cette nécessité

entraîne de fait une seconde graduation dans la dimension clinique dans la recherche en

didactique : celui de la convergence entre des options conceptuelles et des options

méthodologiques. Postuler pour la singularité du sujet enseignant et le mettre au cœur de ses

analyses didactiques amène le chercheur à se questionner autour d’une théorie du sujet en

didactique. Nous entrons là dans « une démarche clinique» (Carnus, in Terrisse, à paraître)

dans la recherche en didactique.

La dernière question est celle de la posture : à quelles conditions a-t-on le droit de dire

que l’on adopte une posture clinique ? La posture renvoie selon le dictionnaire à une attitude,

celle-ci pouvant être perçue différemment par autrui dans un contexte particulier. L’attitude

est en effet subjective car elle renvoie à « la boîte noire » du sujet (Klein, 2001), autant que le

comportement est objectif car observable directement mais difficilement explicable en dehors

du sujet ! Il nous semble alors que la posture renvoie au caractère que nous nous donnons

dans une communauté humaine particulière. Ainsi, si nous nous adressons à des collègues

dans un but formatif, nous adoptons une posture de formateur, tandis que si nous

communiquons nos travaux à la communauté scientifique, nous sommes dans une posture de

chercheur. Comme le souligne C. Blanchard Laville, « la posture à trouver pour qu’un

professionnel assume progressivement de pouvoir tenir sa place ne s’enseigne pas. D’une

part, elle ne s’apprend pas non plus en une fois au cours des années de formation, mais elle

continue à se construire en travaillant dans son après-coup l’expérience de l’exercice

professionnel en situation réelle » (Blanchard-Laville, 2001). Il s’avère donc comme nous le

dit Terrisse que « si les concepts de la didactique constituent un ensemble cohérent permettant

de rendre compte de la circulation des savoirs (transposition didactique, Chevallard, 1985),

des interactions en classe » (contrat didactique, Brousseau, 1988), la notion très controversée

de clinique pose plus clairement la part personnelle qu’introduit le sujet, enseignant, dans le

processus d’enseignement. Notre groupe de recherche, l’AP3E, a trouvé pertinent d’associer

les deux termes pour rendre compte de « l’intérêt d’une didactique clinique de l’EPS »

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(Terrisse, ibid.). Cette « démarche » ouvre la porte à un troisième niveau qui engage le

chercheur – lui aussi sujet – dans la construction d’une posture clinique « qui consiste à

intégrer explicitement a priori et a posteriori la subjectivité du chercheur à différentes étapes

de la recherche comme par exemple ses choix d’objets de recherche, ses options conceptuelles

et méthodologiques, ses hypothèses interprétatives. Prendre en compte la posture du

chercheur amène alors à évoquer les dimensions éthique et déontologique de la recherche sur

les pratiques enseignantes. « La posture du chercheur se construit et c’est aussi en quelque

sorte une façon d’objectiver la subjectivité du chercheur – subjectivité constitutive des objets,

théories, démarches, matériel et résultats de sa recherche, subjectivité empreinte d’une

histoire et d’une trajectoire singulière » (Carnus, ibid.). Dans cette optique, « d’objectivation

de la subjectivité du chercheur » (ibid.), nous proposerons dans la conclusion de la thèse de

tenter d’expliciter « l’après-coup du chercheur » et nous citerons J.-P. Sartre, qui nous dit que

« pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l’autre. L’autre est

indispensable à mon existence, aussi bien d’ailleurs qu’à la connaissance que j’ai de moi.

Dans ces conditions, la découverte de mon intimité me découvre en même temps l’autre,

comme une liberté posée en face de moi et qui ne veut ou ne peut que contre moi. Ainsi

découvrons-nous tout de suite un monde, que nous appellerons l’inter-subjectivité, et c’est

dans ce monde que l’homme décide ce qu’il est et ce que sont les autres » (Sartre, 1962).

A ce stade de notre recherche, il est temps de faire état de notre position de chercheur

en didactique clinique :

- tout d’abord, notre travail va mettre en exergue la singularité du sujet enseignant et de sa

référence. Ce facteur en tant qu’influence externe et interne s’avère intervenir de manière

significative dans le processus de division du sujet enseignant. C’est ce qui nous amène à

notre deuxième question de « la place symbolique de l’enseignant ». L’emprunt par

Chevallard de la formule de Lacan, le « sujet supposé savoir » nous paraît s’appliquer dans la

mesure où l’enseignant se réfère en définitive à ce que l’institution attend de lui. Son statut

d’enseignant l’incite à rechercher une certaine conformité scolaire dans son enseignement, ce

qui peut expliquer les raisons de son option didactique en contradiction avec sa pratique

personnelle du karaté.

- Ensuite, notre travail pourrait illustrer ce que nous nommerons « le mot interdit », qui peut

se rapprocher de ce que Terrisse nomme « l’impossible à supporter » (ibid.). Le combat qui

comme nous allons le montrer dans le chapitre consacré à la connaissance de l’activité karaté

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représente « l’impossible à faire » dans le contexte scolaire, et nous verrons si c’est un « mot

interdit » dans les entretiens que nous mènerons.

1.3. La didactique : historique et définitions

J.P. Astolfi et M. Develay situent l’apparition de l'adjectif « didactique » vers 1554

(Astolfi et Develay, 1989). En 1649 parait l'ouvrage « Didactica Magna » de Comenius. Le

substantif « Didactique » apparaît vers 1955 (Dictionnaire Le Robert) et l’époque présuppose

que la didactique trouve son origine dans la mouvance de la psychologie génétique. A

l'origine, elle n'est pas vraiment différenciée de la pédagogie. Elle s'en démarque par une

volonté de rationalisation : les auteurs opposent l'approche « scientifique » de la Didactique à

l'approche « doctrinaire » de la Pédagogie. Actuellement, le substantif didactique correspond

à une prise en charge des contenus et s'intéresse à l'appropriation de savoirs précis ainsi que

de développement des compétences. Dans cette optique, nous renverrons à un article paru

dans « Education permanente » où est proposée une approche des compétences à travers

l'activité dans les situations de travail. Ainsi, pour analyser les compétences et leur

développement, en formation comme au travail, « la didactique professionnelle propose des

concepts et des méthodes qui s'appuient sur une conception riche des situations de travail, où

les acteurs réalisent des tâches en utilisant des instruments variés et en coopérant avec

d'autres, dans un cadre déterminé par l'organisation du travail […] et engage un premier

dialogue avec les spécialistes du travail et de la formation pour en susciter d'autres ».

(Bouthier et al., 1995). Il apparaît que le concept de didactique est pluriel, et peut être

envisagé dans plusieurs champs, d’où l’intérêt de bien cibler le domaine dans lequel nous

nous en servons.

En ce qui concerne l'aspect historique, L. Cornu et A. Vergnioux évoquent également

Comenius et son « Didactica Magna », puis précisent : « On sera sans doute surpris de trouver

en 1729 la formule suivante, il est vrai sous la plume de Marsais, qui proposait une nouvelle

méthode d'apprendre le latin : « le grand point de la didactique, c'est-à-dire de la science

d'enseigner, c'est de connaître les connaissances qui doivent précéder, celles qui doivent

suivre, et la manière dont on doit graver dans l'esprit les unes et les autres » (Cornu,

Vergnioux, 1992). La didactique s'interroge donc sur l'ordre et la manière d'un enseignement.

Y. Chevallard écrit en 1991 : « mais voici : la didactique des mathématiques ne sort pas du

néant ; elle est l'effet d'un retard d'histoire. De ce retard et de cette filiation, l'idéologie qui

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anime ses acteurs porte témoignage : c'est, au fond, celle des lumières, et de notre Révolution,

celle-là même qui fit courir la plume de Condorcet » (Chevallard, 1991). Quant à G.

Brousseau, il évoque dans sa thèse (Brousseau, 1986) le paradoxe du comédien en se référant

à Diderot. On ne peut s'empêcher d'être troublé par cette convergence des références

historiques. Curieusement J.J. Rousseau, qui a pourtant été l'auteur d'un célèbre traité sur

« l'éducation », n'est pas évoqué. Nous avons pensé qu'un regard de ce côté pourrait être

intéressant pour tenter de répondre à la question : Rousseau était-il didacticien ? Nous nous

sommes penchés sur son livre « l'Émile » (Rousseau, 1762) comme l’a fait Brousseau

lorsqu’il a « inventé» le contrat didactique en s’inspirant du contrat social de Rousseau

(Terrisse et Léziart, 1997). Non seulement J.J. Rousseau s'est intéressé, tant en pratique que

théoriquement, aux problèmes éducatifs, mais de plus, force est de constater que certains des

thèmes à l'aspect novateur, d'inspiration constructiviste, que l'on rencontre chez les

didacticiens, sont en fait déjà présents dans « l'Émile ». En effet, des remarques comme les

suivantes ne sont pas sans évoquer des prises de positions modernes. En ce qui concerne par

exemple l’importance de la construction personnelle des savoirs : « notre manie enseignante

et pédantesque est toujours d'apprendre aux enfants ce qu'ils apprendraient beaucoup mieux

d'eux-mêmes et d'oublier ce que nous aurions pu seuls leur enseigner ». Enfin sur

l’importance du temps didactique : « oserais-je exposer ici la plus grande et la plus

importante, la plus utile règle de toute l'éducation ? Ce n'est pas de gagner du temps c'est d’en

perdre ». Ces deux exemples montrent bien en tous cas l’aspect novateur de la réflexion de

Rousseau en matière d’éducation car les chercheurs actuels continuent bien à travailler sur ces

questions. Selon S. Joshua et J-J. Dupin : « la didactique des mathématiques, la première,

celles des autres sciences ensuite, sont historiquement nées de la décision de ne point s'en

laisser compter en la matière » [en matière d'enseignement]. Elles se sont fondées par un

choix radical qui devait les distinguer progressivement des autres approches concernant

l'enseignement scientifique : la volonté et l'affirmation de la possibilité d'un abord raisonné,

systématique, scientifique et spécifique des phénomènes d'enseignement dans ces domaines,

visant à délimiter théoriquement et pratiquement les domaines du possible de ceux de

l'inaccessible. Si on devait risquer une définition, on pourrait dire que la didactique d'une

discipline est la science qui étudie, pour un domaine particulier, les phénomènes

d'enseignement, les conditions de la transmission de la « culture » propre à une institution et

les conditions de l'acquisition de connaissances par un apprenant. Le point d'entrée dans cette

problématique, c'est « la réflexion sur les savoirs » (Joshua et Dupin, 1993). Ce dernier point

de vue va nous intéresser au plus haut point car notre objet de recherche est justement centré

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sur le rapport aux savoirs en karaté, et notamment celui de l’enseignant. De plus, le karaté en

tant que « méthode scientifique du combat à mains nues » comme est défini l’art martial est

en soi une didactique du combat, avec une progression vers la maîtrise des différents

domaines de l’entraînement qui seront détaillées plus après, dans le chapitre consacré à la

connaissance de l’activité.

Nous ne saurions clore ce chapitre sans apporter notre positionnement, car des

nombreuses définitions données, on peut retenir que la didactique est donc l’étude scientifique

des processus de transmission et d’acquisition des savoirs dans une discipline. Cette optique

nous amène à la didactique des disciplines définie par Brousseau comme « l’enseignement

d’un savoir constitué ou en voie de constitution à des fins d’appropriation par les élèves »

(Brousseau, 1998). Elle s’intéresse à ce titre aux problèmes spécifiques liés à l’enseignement

d’une discipline déterminée. Selon A. Terrisse, les recherches en didactique des disciplines

scientifiques et technologiques ont en commun « un ensemble de concepts et de méthodes,

une proximité qui les délimite en tant que champ scientifique […]. Ce qui les différencie, ce

sont les objets sur lesquels portent ces recherches qui sont souvent des disciplines scolaires ou

universitaires […] avec des contenus d’enseignement spécifiques et un rapport particulier au

savoir de référence » (Terrisse, 2002). Nous reviendrons à notre question de recherche qui

envisage la problématique du savoir enseigné en karaté et du savoir à enseigner en EPS et

emprunterons une dernière définition à G. Vergnaud pour qui la didactique « décrit et analyse

les difficultés rencontrées et propose des moyens pour aider professeurs et élèves à les

surmonter et notamment faire du savoir enseigné un savoir fonctionnel et opératoire »

(Vergnaud, 1990). Il va justement s’agir de montrer que le savoir en karaté enseigné en club

n’est pas « fonctionnel » pour l’école mais pour autant qu’il existe et que les enseignants ne

peuvent faire l’économie d’un traitement didactique pour le proposer transformé dans le cadre

de l’EPS.

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1.4. Les concepts de la didactique mobilisés dans cette recherche

Le triangle didactique ou système didactique est une formalisation du domaine des

réflexions concernant la didactique. Il me permettra de décrire la mise en relation de trois

éléments : l’élève, l’enseignant et les savoirs. Ces trois éléments constituent les trois pôles

d’un triangle que l’on appelle le triangle didactique.

INSTITUTION SCOLAIRE

Schéma 1 : le triangle didactique d’après Astolfi et Develay (1989)

La mise en relation de ces trois pôles (cf. schéma 1) est appelée « le système

didactique » par Astolfi et Develay oeuvrant dans le domaine de la didactique des disciplines.

Pour Colomb, le système didactique, « formé par trois éléments : l’enseignant, les élèves, le

savoir et la relation ternaire qui les lie », constitue l’objet d’étude de la didactique (Colomb,

1986). Dans ce sens, le « système didactique » apparaît plus comme un secteur d’investigation

et de production. Cela nous renvoie à la définition de l’ingénierie didactique : « production de

situations d’apprentissage reproductibles, développées par la recherche dans le cadre d’une

théorie explicite, et dont les effets ont été contrôlés » (ibid.). Il s’agit donc ici de la partie

SAVOIR ELEVE

ENSEIGNANT

RAPPORT AUX

SAVOIRS

ENSEIGNEMENT

APPRENTISSAGE

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purement technologique de la didactique. Nous avions dans notre travail de DEA utilisé une

méthodologie d’ingénierie didactique, ce qui n’est pas le cas de notre présent travail, qui vise

plus la description que la prescription du fait didactique. C’est dans cette perspective de

production didactique que le triangle didactique essaie de préciser l'objet de la didactique et sa

singularité. Cette représentation a essentiellement pour but de s'opposer à des schémas

linéaires du type professeur-élève. Dans son livre « le triangle pédagogique », Jean Houssaye

écrit que toute situation pédagogique s’articule autour de trois pôles : le savoir, le professeur,

les élèves et qu’en général les modèles pédagogiques sont centrés sur une relation entre deux

de ces termes (Houssaye, 1988). Ainsi, dans la relation prioritaire enseignant-savoir, c’est

l’acte d’enseigner qui est essentiel. Elle renvoie à la transposition didactique. La relation

enseignant-élèves, elle, renvoie plus à l’aspect relationnel et elle peut être étudiée par le biais

du contrat didactique. Enfin, dans la relation savoir-élèves, c’est l’acte d’apprendre qui va

nous intéresser et permettra de s’attacher au concept de rapport au savoir. Le triangle

didactique est de ce fait une tentative faite pour appréhender et modéliser une situation

complexe. Bien sûr, une telle modélisation n'est pas à l'abri des critiques. On pourra se

reporter à celles de Cornu et Vergnioux (op.cit.). En effet, il y a toujours un tiers exclu. Dans

le premier cas, c’est l’élève, dans le second, c’est le savoir et dans le troisième, c’est le

professeur. C’est la raison pour laquelle il nous paraît pertinent d’étudier les trois liaisons de

la triangulation, car cette option va permettre d’appréhender le phénomène dans sa globalité

bien qu’il est vrai que l’élève et l’apprentissage ne sont pas au centre de notre problématique,

comme c’était le cas dans notre recherche de DEA (Heuser, 2001). Nous analyserons donc

dans les prochains chapitres les concepts de transposition didactique, de savoirs et de rapport

aux savoirs.

1.5. La transposition didactique comme outil d’analyse de la transformation du savoir

Les savoirs sont dépendants des pratiques sociales qui les sous-tendent, les APSA.

Autrement dit, ils sont extraits de l'étude didactique de ces pratiques choisies comme support

d'enseignement. Ils sont organisés autour de la notion de compétences, définies comme étant

des « savoirs en action où le corps est engagé » (BO n° 6 du 12 août 2000). L'acquisition de

celles-ci permet d'atteindre les objectifs de l'EPS. Comme nous l’avons déjà évoqué, mais il

est important de le rappeler là, en EPS, les contenus d’enseignement ne sont pas issus de

savoirs savants ou scientifiques, mais sont élaborés à partir de savoirs d’experts. Ainsi, deux

concepts didactiques nous permettent d’éclairer maintenant la question des savoirs en EPS : le

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concept de transposition didactique et la notion de pratiques sociales de référence. La question

posée est : comment utiliser une référence culturelle pour revendiquer l’utilité des savoirs

enseignés et s’en détacher à la fois pour affirmer une spécificité scolaire ? Ou autrement dit :

comment faire le lien entre les pratiques sociales de référence que constituent les APSA et les

savoirs enseignés qui identifient l’EPS ?

Le concept de transposition didactique va nous permettre de répondre à ces questions

et d'identifier les savoirs à enseigner en EPS : « la transposition didactique est la création

permanente qui fait passer d’un objet de savoir à un objet à enseigner et enfin à un objet

enseigné » (Chevallard, 1985). Le point de départ est que « tout savoir enseigné s'autorise, ou

cherche à s'autoriser d'un savoir savant correspondant » (Chevallard, 1989). La notion de

transposition didactique est issue de la didactique des sciences et notamment des

mathématiques avec Y. Chevallard. L’auteur montre en effet, en s'appuyant sur l'exemple de

la notion de distance en mathématiques, que « la désignation d’un élément du savoir savant

comme objet d’enseignement modifie fortement sa nature… » (ibid.). L’EPS a utilisé cette

notion, mais en l’adaptant à sa spécificité : elle ne possède pas de savoir savant mais s’appuie

sur des pratiques sociales et culturelles. De ce fait, le mécanisme de transposition est une

transformation « que fait subir aux pratiques sociales d’APS la volonté de les enseigner »

(Marsenach, 1991). En d’autres termes, il s’agira pour les professeurs d’EPS de traiter une

APSA pour en faire un contenu d’enseignement. Puisque « l’EPS ne se confond pas avec les

APSA qu’elle propose et organise » (Instructions Officielles des Collèges, 1985), la définition

des connaissances scolaires passe par le processus de transposition. En effet, l’EPS s’appuie

sur un ensemble de pratiques qu’elle propose et organise pour son enseignement. Dans cette

perspective, la transposition didactique peut être envisagée comme le passage d’une

« pratique sociale de référence », intégratrice de savoir et porteuse de culture, au contenu

d’enseignement. J.L. Martinand introduit la notion de « pratique sociale de référence »

(Martinand, 1989) qui permet d’élargir la notion de transposition didactique utilisée en

sciences. L’auteur la définit comme « une activité sociale pouvant servir de référence à des

activités scolaires, et à partir de laquelle on examine au sein d’une discipline donnée les

problèmes à résoudre, les méthodes et les attitudes, les savoirs correspondants » (ibid.). On

peut ainsi dire qu’en EPS, ce processus permettra de passer des pratiques sociales de référence

à l’enseignement de ces pratiques par la définition des contenus et des objets d’enseignement.

« Le domaine des APSA qui servent de support à l’EPS, élargit le champ de référence du

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savoir scolaire et autorise à intégrer la notion de pratiques sociales de références, dues à J.L.

Martinand » (Terrisse, 1998). On peut donc dire que le concept de transposition didactique

constitue « un outil de travail du chercheur » (Chevallard, 1992). Terrisse avance que « l’idée

qu’introduit la transposition didactique est que le passage d’un lieu de production sociale et

culturelle du savoir à l’institution scolaire le transforme […] elle peut devenir un outil

d’analyse des différents modes de traitement didactique produits ou utilisés, révélateurs de cet

écart » (ibid.). Toujours selon l’auteur, la circulation du savoir va suivre quatre étapes :

- « du savoir de référence au savoir à enseigner » (choix de l’enseignant en fonction

notamment de sa conception de l’activité).

- « Du savoir à enseigner au savoir enseigné » (mise en œuvre du savoir à travers les

contenus d’enseignement).

- « Du savoir enseigné au savoir appris » (contrat didactique entre enseignant et élèves).

- « Du savoir appris au savoir qui lui a servi de référence », retour en boucle qui pose la

question « du sens que donnent les apprenants aux apprentissages dans leur propre

système de valeur » (Terrisse, 1998).

Le concept de transposition est au cœur de notre problématique dans la mesure où

nous le considérerons de manière synthétique comme « l’ensemble des transformations que

fait subir à un champ culturel la volonté de l’enseigner dans un cadre scolaire ».

(Chevallard, 1985). Dans cette optique, l’objet de la didactique va être de produire des

contenus et des stratégies d’enseignement les plus efficaces possibles. A partir des travaux

du sociologue Verret, Chevallard définit donc dans ce processus de transposition deux

étapes :

- du savoir savant au savoir à enseigner. Cette étape concerne la « noosphère » c'est-à-

dire les experts disciplinaires, ce que Brousseau nomme « le travail du

mathématicien » (Brousseau, 1986).

- Du savoir à enseigner au savoir enseigné ou transposition didactique interne. « Le

travail du professeur » (Brousseau, ibid.).

La première étape consiste en une « décontextualisation » du savoir, la seconde en une

recontextualisation dans une classe donnée. Il y a ainsi une réécriture, une reconstruction par

l’enseignant qui tient compte à la fois des avancées des savoirs, des demandes du public

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scolaire et des exigences de l'institution scolaire. Ainsi, « la transposition didactique désigne

le passage du savoir savant au savoir enseigné. C'est à la confrontation de ces deux termes, à

la distance qui les sépare qu'on peut le mieux saisir la spécificité du traitement didactique du

savoir » (Chevallard, 1985). Il s'agit donc d'une adaptation du savoir afin de le rendre

accessible aux élèves mais aussi, afin de le « mettre en forme », conforme, aux valeurs de

l'institution scolaire. Le point de départ en est le savoir savant, et cette définition de

Chevallard met en avant la distance qui sépare les objets de savoir enseignés aux objets de

savoir savant d'une part, mais aussi de la culture, et la nécessité pour le système

d'enseignement de réguler cette distance. Ceci est important car il existe un « vieillissement »

du savoir et parfois même une mort quand il devient caduc par la découverte d'un nouveau

savoir. La régulation et le renouvellement régulier des savoirs enseignés sont nécessaires et

représentent bien une particularité du système d'enseignement.

Pour les sociologues, les responsables institutionnels sélectionnent des savoirs qui

forment le « curriculum formel » (Perrenoud, 1994). Ces savoirs sont issus de la culture :

sélection et structuration culturelle agissent comme des filtres. Les savoirs scolaires obéissent

à une formalisation institutionnelle (et politique) et parce qu'ils ont été créés par et pour

l'école, n'appartiennent qu'à l'école (Forquin, 1989). Mais ce passage des savoirs savants aux

objets d'enseignement devra être fait en sorte qu'il n'y ait pas perte de sens afin que les élèves

soient confrontés à des savoirs réellement significatifs. Ceux-ci sont, certes, liés aux

particularités de chacune des APS mais sélectionnés pour cerner ce qui permet des ruptures

avec « la motricité commune » (Marsenach, 1991). Ils ont une représentativité culturelle et

sont reconnus utiles aux yeux du législateur. Il faut faire le choix de ce qui peut être

« didactisable » et ainsi mettre à jour l'identité de la discipline et ses enjeux de formation.

La deuxième étape est celle de la recontextualisation. Elle permet à l’enseignant de

replacer le savoir à enseigner dans une classe particulière et redonne au savoir enseigné un

sens scolaire. « Les contenus d'enseignement sont les conditions que l'élève doit intégrer pour

transformer ses actions » (Marsenach, ibid.). Ils sont indissociables des contenus enseignés,

c’est-à-dire de leur traduction auprès des élèves sous forme de situations d'apprentissage,

d'ensemble de taches, d'exercices, permettant la mise en activité des élèves. Ils sont structurés,

hiérarchisés, adaptés, différenciés en fonction du niveau d'apprentissage des élèves. Mais les

contenus d'enseignement ne sont pas uniquement des conditions. Ils définissent des savoirs.

Pour Hébrard, les contenus d'enseignement sont constitués « de l'ensemble des savoirs et

savoir-faire sollicités et à acquérir pour agir et réagir face à l'environnement à partir du

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moment où ceux-ci sont perçus par l'élève et le professeur » (Hébrard, 1986). Pour Pineau, ils

« regroupent l'ensemble des connaissances essentielles dans chacune des pratiques abordées,

c’est-à-dire les principes opérationnels et les contenus méthodologiques permettant le

réinvestissement et la structuration des connaissances et des savoirs » (Pineau, 1992).

Ce qu’il faut donc retenir de ces deux étapes de la transposition didactique est que

d’une part, « le savoir tel qu’il est enseigné est nécessairement autre que le savoir initialement

désigné comme devant être enseigné » (Chevallard, 1992) ce qui renvoie à la notion de

transposition didactique interne et d’autre part que ce travail de l’enseignant est dépendant

« d’assujettissements », et que la distance entre savoir savant et savoir à enseigner est

évolutive (transposition didactique externe). Ces savoirs transmis, issus de la transposition

didactique, sont donc jugés dignes d'être enseignés, appris, évalués. Perrenoud insiste sur « les

limites de la transposition didactique : tout ce qu'on enseigne dans une école ou une université

ne renvoie pas nécessairement à des savoirs ou à des pratiques homologues hors institutions

d'enseignement. L'école a une capacité de création de savoirs et de pratiques. Les découpages

du réel qui fondent les frontières d'une discipline sont des « construits sociaux, épistémiques

et pragmatiques. Ils sont changeants, partiellement arbitraires, enjeux de conflits, expression

de rapport de force » (Perrenoud, 1996). En effet, une trop grande décontextualisation conduit

à une perte de sens pour les élèves et à un émiettement des pratiques de référence. Cela nous

renvoie à la question de la distance entre pratique de référence et pratique scolaire. Le sens est

à prendre dans sa double signification : interpréter et prendre une direction. La définition de

ces savoirs de référence, ainsi que leur transmission, est essentielle à la formation initiale des

enseignants qui perpétuent à leur tour l'identité de la discipline. La maîtrise du traitement

didactique semble être à nos yeux une exigence fondamentale dans la formation initiale :

choix et organisation des contenus d'enseignement, adaptation des contenus, contextualisation

des interventions, compréhension des élèves dans leur rapport aux pratiques pour mieux

enseigner. Elle fait partie des compétences didactiques professionnelles à maîtriser en tout

premier lieu par l’enseignant.

La notion de rapport au savoir va nous permettre d'aborder cette dynamique du sujet

en formation. L'EPS introduit, nous l'avons vu, une autre problématique qui est celle de

l'implication de sa propre mise en jeu corporelle et celle de l'autre. Cette notion place alors le

sujet et son corps comme un tout singulier, rapport à soi, rapport aux autres, rapport à son

environnement, ce qui permet en quelque sorte de relier les différentes dimensions de

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l’homme : l'homme social, affectif, psychologique, et de considérer comme complémentaires

les différentes approches didactique, psychologique et psycho-sociale.

1.6. Les trois études du rapport aux savoirs

Nous allons maintenant nous intéresser à la troisième face du triangle didactique avec

la question du rapport au savoir, que nous allons envisager sous l’angle pluriel dans la mesure

où l’enseignant établit pour enseigner de nombreux rapports avec des savoirs divers que nous

nous proposons de détailler dans ce chapitre. En effet, ce terme ne revêt pas le même sens

quand il est utilisé par des sociologues comme B. Charlot en Sciences de l’Education, par des

cliniciens comme C Blanchard-Laville (autour de J. Beillerot) ou par des didacticiens des

mathématiques (Y. Chevallard). Il est de ce fait impérieux pour le chercheur d’adopter une

grande vigilance épistémologique et de se positionner dans un champ au regard des questions

de recherches.

Dans notre étude, nous nous intéressons exclusivement à l’enseignant mais ce que dit

Charlot, dans le cadre d’une sociologie de l’éducation, à propos de l’élève peut s’appliquer à

notre travail « apprendre fait sens en référence à l’histoire du sujet, à ses attentes, à sa

conception de la vie, à ses rapports aux autres, à l’image qu’il a de lui-même et à celle qu’il

veut donner aux autres » (Charlot, 1997). Il suffit alors de remplacer le terme « apprendre »

par celui d’enseigner pour que cette phrase prenne tout son sens avec l’enseignant. Dans cette

optique, le professeur inscrit son enseignement dans son histoire personnelle, celle de son

apprentissage de l’activité et de son expérience d’enseignant. Les travaux de Charlot

envisagent le rapport au savoir au niveau psychosociologique : « Analyser le rapport au

savoir, c’est étudier le sujet confronté à l’obligation d’apprendre dans un monde qu’il partage

avec d’autres : le rapport au savoir est rapport au monde, rapport à soi, rapport aux autres »

(ibid.). Cette dimension sociale du rapport au savoir renvoie aussi au rapport à l’institution.

C’est ce que développe Chevallard, dans son approche globale du phénomène, plus

didactique et anthropologique : « un individu concret ne peut entrer en rapport avec un savoir

qu’en entrant en relation avec une ou des institutions » (Chevallard, 1989). Notre étude va

essentiellement s’exercer dans l’institution scolaire, bien que l’institution sportive ne soit pas

à sous-estimer car elle va faire partie des influences à prendre en compte chez les enseignants

collaborateurs qui sont aussi professeurs de karaté en club et qui sont marqués par cette

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culture. En effet, la référence que nous cherchons fait partie d’une culture acquise notamment

au sein d’une institution particulière, l’institution fédérale, représentée par le club, qui est

souvent l’endroit de la première rencontre avec le karaté. Pour Chevallard, la société reconnaît

l’existence d’objets culturels, dans notre cas : le karaté, comme « pratique sociale de

référence » (Martinand, 1986), visible dans l’institution sportive. Il parle alors de rapports

institutionnels qui « constituent le système essentiel des conditions et des contraintes sous

lesquelles se forme et évolue le rapport personnel à l’objet de savoir des acteurs de

l’institution » (Chevallard, op.cit.). Ainsi, le rapport personnel se transforme au sein de

l’institution. Le rapport à l’activité karaté évolue dans l’institution sportive du fait de la

progression de l’expertise du sujet dans cette activité, mais aussi dans l’institution scolaire du

fait de la progression de l’expérience de l’enseignant. De ce fait, nous pensons que la

transformation de ce rapport personnel au savoir, influencé par l’évolution des rapports

institutionnels, participe à la construction de la référence enseignante. En tant que chercheur

de cette référence, nous pouvons parfois l’observer dans l’épreuve proprement dite

d’enseignement, au travers des situations d’enseignement mises en place par le professeur et

des consignes qu’il donne aux élèves, mais quand il est difficile de l’y repérer, nous devons

recourir à des entretiens.

Dans une approche clinique d’inspiration psychanalytique, Beillerot, Blanchard-

Laville et Mosconi nous présentent une autre approche du concept de rapport au savoir :

« toute étude qui prendra le rapport au savoir comme notion centrale ne pourra s’affranchir du

soubassement psychanalytique; non que cela interdise d’autres approches, mais c’est à partir

de la théorisation de la relation d’objet, du désir et du désir de savoir, puis de l’inscription

sociale de ceux-ci dans des rapports (qui lient le psychologique au social) qu’il sera possible

de prendre le risque de faire travailler et évoluer la notion » (Beillerot, 1996). Dans cette

approche, le désir de savoir est au centre du rapport au savoir. A partir de plusieurs études de

cas, les auteurs arrivent à la conclusion que le rapport au savoir se constitue très tôt dans

l’espace familial : « à travers la famille, l’enfant constitue son rapport au savoir dans le plus

intime de ses psyché, mais aussi dans le contexte du groupe familial et de la culture familiale,

avec son inscription sociale, par laquelle l’individu apprend une manière particulière de se

rapporter aux différents savoirs dans la société » (ibid.). Nous n’insisterons pas davantage sur

cette orientation, en effet, la didactique clinique ne doit pas se confondre avec la psychanalyse

dans le sens où les entretiens que nous menons avec les enseignants ont pour vocation de faire

exprimer les raisons de telle action et/ou de tel dire de l’enseignant. L’enseignant est ainsi

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invité parfois à se confier d’un point de vue plus personnel et intime, sans que cela ne

débouche sur une psychanalyse, ce qui est une question de posture du chercheur. Par contre,

cette dimension du rapport au savoir est à envisager car elle peut nous aider à comprendre les

raisons évoquées par les enseignants, et plus particulièrement nous permettre de chercher dans

l’histoire du sujet sa référence, souvent enfouie !

Les multiples définitions du rapport au savoir mettent en exergue la dimension

historique du sujet dans le sens où chacun a un rapport personnel au savoir, conscient et

inconscient, qui influence sa façon d’apprendre (du point de vue de l’élève), ou d’enseigner

(du point de vue de l’enseignant). Avant de nous rapprocher du sujet enseignant, du point de

vue de la didactique clinique, nous allons aborder le concept de savoir dans le domaine des

Sciences de l’Education tout d’abord, puis en EPS, enfin en karaté.

1.6.1. Les savoirs

Lalande (1991) définit le savoir simplement comme « ce que l’on sait ». Beillerot

ajoute que « le verbe savoir s’emploie pour des pratiques… » (Beillerot, 1996). Le savoir

renvoie donc à la pratique et fait intervenir l’expérience. Il se distingue par ce fait de la

connaissance. L’EPS a longtemps distingué les savoirs, les savoir-être et les savoir-faire. Par

analogie, on pourrait assimiler les connaissances aux savoirs, les compétences générales des

récents programmes d’EPS pour les collèges (1996) aux savoir-être et les compétences

spécifiques aux savoir-faire. Mais on peut se demander qu’est-ce que savoir faire ? Dans cette

optique d’analyse des pratiques, Reboul nous donne quelques éléments de réponse en

avançant que « le savoir-faire utilise les savoirs dans la mesure où ils servent l’action. Savoir

faire, c’est pouvoir refaire, agir intelligemment, structurer ses actions » (Reboul, 1980). Cette

notion de structuration nous paraît primordiale quand on étudie la notion de savoir.

L’accélération de son développement, ainsi que la prise en compte du sujet ont contribué à

remettre en cause une conception figée de la formation et un modèle de culture

essentiellement encyclopédique. Dans cette perspective, la capacité à assimiler de nouvelles

connaissances devient aussi importante, sinon plus, que le savoir lui-même. Il s’agit alors

d’apprendre aux élèves à développer des démarches intellectuelles autonomes, leur permettant

de trouver eux-mêmes des informations pour répondre aux questions qu’ils se posent.

Autrement dit, il faut leur donner l’occasion d’être « le propre architecte de leur savoir »

(Cauzinille-Marmèche, 1985). Cette approche de la définition et de l’utilisation du savoir

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nous intéresse particulièrement car le concept de structuration qui en est la base induit le fait

que le savoir va être une structuration personnelle. Dans une classe, il y aura de ce fait autant

de savoirs construits que d’élèves présents. Dans cet ordre d’idée, Malglaive annonce que « ce

n’est pas un savoir mais des savoirs qui régissent l’action » (Malglaive, 1990) : les savoirs

théoriques énoncent ce qui est, tandis que les savoirs procéduraux énoncent ce qu’il faut faire.

Les savoirs pratiques s’élaborent à partir de ce qui marche (en général, mais pas toujours) et

enfin les savoir-faire permettent la réalisation des savoirs procéduraux. On pourra noter que

toutes ces formes de savoirs, quelles que soient leurs terminologies n’existent que dans, par et

pour l’action. C’est le thème que développent A. Terrisse et J.P. Sauvegrain qui

reconnaissent, à partir du savoir lutter, trois types de savoirs :

- le savoir « sur » l’activité : « le déjà-là » du sujet, qui correspond à son vécu dans

l’activité, à sa conception de celle-ci.

- Le savoir « par » l’activité, qui est appris dans l’épreuve.

- Le savoir « pour » l’activité qui englobe les contenus, le savoir transmis par l’enseignant

(Terrisse et Sauvegrain, 1998).

Le premier est qualifié par les auteurs comme « nécessaire », le second « contingent »

et le troisième, « possible ». Cette typologie des savoirs est d’autant plus intéressante qu’elle

prend en compte l’histoire du sujet comme élément constitutif du savoir, et débouche vers une

notion plus large qui est celle du rapport au savoir, déjà étudiée dans ce chapitre. Nous devons

maintenant envisager les différents savoirs particuliers en karaté.

1.6.2. Les savoirs en karaté

Gauthier nous rappelle que les « pratiques artistiques ou sportives exigent des

techniques et des savoirs particuliers qui ont été formalisés, enseignés et appris » (Gauthier,

1997). Quels sont ces savoirs particuliers en karaté ? Comme nous l’avons déjà évoqué,

Terrisse envisage la question de la centration sur les savoirs dans le cadre de recherches en

sports de combat selon la typologie déjà évoquée, de savoir sur l’activité, pour l’activité et par

l’activité (Terrisse, 1999). S’agissant des savoirs à enseigner en karaté, nous nous

intéresserons plus particulièrement aux savoirs pour l’activité dont la définition donne déjà

quelques éléments : « élaborés et mis en œuvre par les entraîneurs, les enseignants, sous la

forme de contenus, de conseils, de stratégies, de techniques » (ibid.). En karaté donc, ces

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savoirs se traduisent par des contenus d’enseignement, que l’on peut classer avec Margnes de

telle manière détaillée dans les paragraphes suivants (Margnes, 2002).

1.6.2.1. Les savoirs techniques (et souvent esthétiques en karaté)

Ils regroupent toutes les techniques d’attaques de mains et de pieds, les techniques de

blocages, les déplacements, les positions. Au-delà de la simple explicitation des techniques en

karaté, il va nous falloir définir ce que l’on envisage par technique, afin notamment de

pouvoir repérer ce qui sera de cet ordre quand nous observerons les enseignants dans

l’épreuve. Pour définir la notion de technique, nous commencerons par faire référence à

Pociello: « acte le plus efficace à sa fonction et le plus efficace dans ses résultats » (Clément

et al., 1994). Cette définition nous semble bien se rapporter à la technique en karaté qui

envisage toujours un aspect d’efficacité (de la touche, du blocage). Par contre, elle occulte un

autre aspect fondamental de la technique en karaté qui est l’esthétique. En effet, une technique

en karaté doit être la fois efficace et esthétique. Nous dirons même que son esthétique est un

facteur d’efficacité. On entend alors par esthétique ce qui va correspondre à un modèle

attendu. Par exemple, une technique de blocage main ouverte appelée shuto uke doit être

réalisée en suivant des étapes bien définies : tout d’abord l’armé de la main qui va bloquer,

paume contre la joue, l’autre main tendue devant soi, bras légèrement fléchi. Ensuite le

déclenchement du blocage proprement dit avec extension du bras armé vers l’avant, la main

effectuant à la fin du mouvement une légère rotation de manière à présenter son bord externe.

Simultanément l’autre main, qui était tendue devant pendant l’armé, revient vers l’arrière et

vient se placer paume vers le haut au niveau du plexus. Dans son ensemble, ce blocage

respecte ces étapes, quel que soit le style de karaté pratiqué. Malgré tout, d’un point de vue

technique, on note des différences d’un style à l’autre. Par exemple en shito ryu, la main qui

fait le shuto (qui veut dire sabre en japonais) est ouverte, sans être raide, les doigts peuvent

être légèrement fléchis. De même le poignet est bien fléchi, l’angle bras main presque à 90 °.

Dans le style shotokan, cette technique est différente dans la mesure où la main doit être

parfaitement ouverte et les doigts serrés. La main est dans l’alignement du bras, il n’y a donc

pas d’angle entre les deux. Pour autant, il n’est pas question de savoir qui a raison et qui a

tort. Le débat n’est pas là. Il s’agit de deux manières de faire le blocage shuto uke. Dans cette

optique, la notion de « repères » induite par Vigarello nous semble s’appliquer là pour tenter

de définir une technique : « les techniques corporelles sont des manières de faire, des

procédés visant l’efficacité, un ensemble de repères stables permettant répétition et affinement

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de l’action » (Vigarello, 1988). Dans notre exemple, les repères sont présents dans ces deux

écoles : l’armé, la trajectoire du blocage, la rotation du poignet à la fin. Les différences que

l’on peut noter d’une école à l’autre vont provenir de l’histoire, de la transmission. Les

Maîtres japonais, qui ont créé leur propre école, ont déformé, volontairement ou pas, ces

techniques, du fait de la transmission, ou de la marque qu’ils voulaient laisser au karaté qu’ils

enseignaient. Cette notion de transmission des techniques est aussi abordée par Vigarello :

« la technique corporelle correspond aux moyens physiques transmissibles jugés les plus

adéquats pour atteindre un but dans une situation donnée » (ibid.). On peut alors

effectivement penser que ce peut être la transmission même d’élèves à élèves qui transforme

les techniques, un peu comme est déformée une rumeur à force d’être divulguée de personne

en personne. Il peut aussi y avoir un côté volontaire à la déformation d’une technique du fait

même de l’enseignant qui la modifie selon ses propres critères d’efficacité, afin de

correspondre à sa conception de l’activité. Face à cette pluralité des définitions des savoirs

techniques, nous pouvons dire en somme que la technique n’existe que par l’effort de

transmission des savoirs-faire (Trilles et Cadère, 1996). Les définitions modernes de la

technique l’appréhendent non en tant que pratique mais en tant que discours. Ainsi, pour lui

donner une sorte de stabilité conceptuelle, c’est en tant que théorie qu’il faut entendre la

notion de technique. Arnaud la définit comme une « formulation épurée, savante et

décontextualisée du savoir-faire destiné à structurer les apprentissages » (Arnaud, 1985). On

peut alors constater la difficulté pour les enseignants d’EPS de sélectionner les savoirs à

enseigner. Les techniques, d’une part, représentent ce qui spécifie le karaté dans le monde des

arts martiaux d’origines asiatiques, et d’autre part, sont ce qu’ils connaissent le mieux, du fait

du mode de transmission traditionnel du karaté.

Néanmoins, à partir de la typologie des savoirs que nous avons décrite, les savoirs en

karaté ne sont pas seulement techniques, mais aussi stratégiques et nous nous proposons

maintenant de définir ces derniers.

1.6.2.2. Les savoirs stratégiques

La définition que nous donne le dictionnaire du terme stratégie est : « l’art de faire

évoluer une armée sur un théâtre d’opérations jusqu’au moment où elle entre en contact avec

l’ennemi » (Le Robert, 1990). Dans cette acception, la stratégie représente ce qui va concerner

la conduite de la guerre, avant la bataille. Dans le domaine des sports de combat, la stratégie

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va donc s’appliquer à ce que prévoit de faire le combattant avant le combat, dans la mesure où

il a pu étudier son adversaire. Par exemple, le combattant va mettre en place une stratégie

défensive avant le combat dans le but de fatiguer un adversaire entreprenant en attaque et le

surprendre en fin de combat en appliquant une stratégie offensive pour marquer le point dans

les dernières secondes. Ceci est essentiellement le fait du sport de haut niveau, quand les

mêmes champions ont l’habitude de se retrouver lors des grandes compétitions nationales et

internationales. En EPS, nous ne saurions définir la stratégie sans parler du « savoir

combattre », tant ces deux notions sont liées. En effet, l’aspect stratégique fait partie

intégrante du savoir combattre, comme le développe Terrisse dans nombre de ses travaux

(Terrisse, 1995, 1998). George apporte une définition plus spécifique de la stratégie :

« ensemble de principes directeurs susceptibles de diriger l’élaboration d’une procédure, en

raison de la présence stable de règles de décision et d’action permettant de rendre compte des

choix effectués » (Georges, 1983). D’après cette définition, on peut dire que la stratégie

désigne les orientations possibles du combat déterminées avant et/ou au cours de celui-ci. La

stratégie est susceptible d’être adaptée en cours d’action dès que la situation s’impose. Dans

ce cas, on se rapproche de la définition martiale de la tactique « art de combiner tous les

moyens militaires au combat ; exécution locale, adaptée aux circonstances, des plans de la

stratégie » (Le Robert, 1990). C’est ce que confirme Barlow quand il distingue ces deux

notions : « une stratégie est un plan d’action organisé dans un but déterminé, un projet pour

l’avenir, alors que la tactique est la mise en œuvre de ce plan, l’adaptation de celui-ci aux

contingences de la situation » (Barlow, 1999). La tactique est la gestion immédiate de

l’action, elle comporte donc une nécessaire phase d’improvisation. Pour autant, on pourra

considérer dans le domaine des sports de combat que la notion de stratégie inclus celle de

tactique. Le « savoir combattre » défini par Terrisse (1995) est un savoir de type procédural

qui renvoie à la suite des actions et des opérations effectuées par le sujet pour atteindre son

but, opérationnalisé par des règles, organisatrices de l’action. Partant de ces définitions, Brule

donne un éclaircissement de la notion « d’intention stratégique » en ces termes : « toute mise

en place et réalisation conscientes ou non d’actions de perceptions, de décisions, bref d’un

ensemble d’opérations qui rendent pertinente et intelligente toute la gestuelle du combattant »

(Brule, 1994). Ces intentions sont fondées en karaté, dans, par exemple, le déclenchement

d’une contre-attaque, qui impose au combattant d’avoir identifié l’attaque de son adversaire,

avoir esquivé, bloqué cette attaque et s’être mis à distance correcte pour pouvoir déclencher la

contre-attaque. C’est à ce niveau qu’il y a d’ailleurs savoir stratégique d’après Terrisse

puisqu’il y a changement de rôle, le défenseur passant au rôle d’attaquant. L’intention

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stratégique sera fondée en karaté dans la mise en œuvre des changements de rôles. D’autres

formes plus complexes de ce savoir stratégique appartiennent à des registres très personnels

comme le système d’attaque et de défense. Le système d’attaque s’exprime par exemple dans

une technique préférentielle (la spéciale du combattant), résultat d’une longue construction

« qui a permis au judoka d’envisager différentes solutions face aux problèmes (actions ou

réactions posés par l’adversaire) » (Loizon, 2000). Ce savoir très personnel, expression d’une

compétence particulière en judo, peut être appliqué en karaté et assimilée à deux cas de

figures définis par Vergnaud à propos de la compétence d’un sujet : « soit par le fait qu’il est

capable de faire face à une certaine classe de situations […], soit par le fait qu’il dispose d’un

répertoire de procédures ou de méthodes alternatives qui lui permettent de s’adapter de

manière plus fine aux différents cas de figure qui peuvent se présenter » (Vergnaud, 1994).

Au-delà de ce savoir qui se veut stratégique, c’est tout l’enseignement proposé qui va revêtir

cette fonction, conception que développe Tardif quand il dit : « l’enseignant doit non

seulement intervenir dans le contenu lui-même, mais encore dans le développement des

stratégies cognitives qui vont permettre à l’élève d’interagir d’une façon significative avec ce

contenu » (Tardif, 1992). Knoll nous rappelle d’ailleurs que « cet enseignement stratégique

est une conception pédagogique très exigeante. L’enseignant doit très bien maîtriser le

contenu disciplinaire dont il a la responsabilité » (Knoll, 1987). Nous verrons donc avec les

enseignants que nous irons observer si c’est une option didactique qu’ils retiennent.

1.6.2.3. Les savoirs éthiques

Ils concernent les valeurs véhiculées par le karaté. Ces valeurs sont historiquement

issues du code du Bushido, qui est « la voie du guerrier ». Au sens littéral, traduit du japonais

le « Bu » est la protection, « shi » signifie l’homme, le chevalier et « do » est la voie. Le code

du Bushido est un code d’honneur pour préserver la vie du guerrier. Les valeurs au centre de

ce code, que tout guerrier doit respecter sont :

- l’honneur (meiyo) : c’est la qualité essentielle. Nul ne peut se prétendre Budoka (Guerrier au

sens noble du terme) s’il n’a pas une conduite honorable. Du sens de l’honneur découlent

toutes les autres vertus. Il exige le respect du code moral et la poursuite d’un idéal, de manière

à toujours avoir un comportement digne et respectable. Il conditionne notre attitude et notre

manière d’être vis-à-vis des autres comme par exemple le respect de la parole donnée à autrui.

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- La fidélité (chujitsu) : il n’y a pas d’honneur sans fidélité et loyauté à l’égard de certains

idéaux et de ceux qui les partagent. La fidélité symbolise la nécessité incontournable de tenir

ses promesses et remplir ses engagements. La fidélité à son Maître est un aspect important

pour le pratiquant de karaté.

- La sincérité (seijitsu) : la fidélité nécessite la sincérité dans les paroles et dans les actes. Le

mensonge et l’équivoque engendrent la suspicion qui est la source de toutes les désunions. En

karaté do, le salut est l’expression de cette sincérité, c’est le signe de celui qui ne déguise ni

ses sentiments, ni ses pensées, de celui qui se sait authentique.

- Le courage (yuuki) : la force d’âme qui fait braver le danger et la souffrance s’appelle le

courage. Ce courage qui nous pousse à faire respecter, en toutes circonstances, ce qui nous

paraît juste, et qui nous permet, malgré nos peurs et nos craintes, d’affronter toutes les

épreuves. La bravoure, l’ardeur et surtout la volonté sont les supports de ce courage.

- La bienveillance (shinsetsu) : la bienveillance que l’on peut aussi apparenter à la bonté est la

marque de ce courage qui dénotent une haute humanité. Elle nous pousse à l’entraide, à être

attentifs à notre prochain et à notre environnement, à être respectueux de la vie.

- La modestie et l’humilité (ken) : la bonté et la bienveillance ne peuvent s’exprimer

sincèrement sans modération dans l’appréciation de soi-même. Savoir être humble, exempt

d’orgueil et de vanité, sans faux-semblant est le seul garant de la modestie.

- La droiture (tadashi) : c’est suivre la ligne du devoir et ne jamais s’en écarter. Loyauté,

honnêteté et sincérité sont les piliers de cette droiture. Elle nous permet de prendre sans

aucune faiblesse une décision juste et raisonnable.

- Le respect (sonchoo) : la droiture engendre le respect à l’égard des autres et de la part des

autres. La politesse est l’expression de ce respect dû à autrui quelles que soient ses qualités,

ses faiblesses ou sa position sociale. Savoir traiter les personnes et les choses avec déférence

et respecter le sacré est le premier devoir d’un Budoka car cela permet d’éviter de nombreuses

querelles et conflits.

- Le contrôle de soi (seigyo) : cela doit être la qualité essentielle de toute ceinture noire. Il

représente la possibilité de maîtriser nos sentiments, nos pulsions et de contrôler notre instinct.

C’est l’un des principaux objectifs de la pratique du karaté do, car il conditionne toute notre

efficacité. Le code d’honneur et de la morale traditionnelle enseignée dans le karaté do est

basé sur l'acquisition de cette maîtrise. Nous verrons dans les études de cas que l’enseignant

Alain base une grande partie de son enseignement sur la gestion et le contrôle des émotions.

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1.6.2.4. Les savoirs réglementaires

Ils peuvent d’abord concerner le respect du règlement de l’établissement. Si le cours

d’EPS se fait dans un dojo, les règles spécifiques de ce lieu vont certainement s’appliquer.

Ainsi, on doit toujours saluer en entrant dans l’endroit où l’on s’entraîne. C’est un signe

d’humilité et de respect de ce lieu et la frontière avec le savoir éthique est certes proche. Une

autre règle est le silence. C’est, en effet, traditionnellement dans le silence que le Maître fait

passer sa connaissance. Dans le dojo, on ne doit pas poser de questions lorsque le Maître

explique une technique. Cela s’explique par le fait qu’en karaté on apprend au pratiquant qu’il

faut sentir avant de comprendre. Il y a une tradition de l’apprentissage en karaté qui veut que

l’élève recherche les sensations, trouve en lui ce que lui enseigne le Maître, qui apprécie cette

recherche de ses élèves à leurs actes. Cet aspect peut paraître accessoire à décrire dans ce

travail mais en fait, nous verrons plus loin en troisième partie de la thèse qu’un des cas

(Giovanni) l’intègre particulièrement à son enseignement du karaté en EPS. Cela permet alors

de donner quelques codes de déchiffrage du karaté pour le lecteur néophyte dans cette

activité.

Ensuite, un autre règlement concerne la tenue vestimentaire. En EPS, à moins d’avoir

des kimonos à disposition, l’enseignant exigera la tenue de sport « traditionnelle ». Il faut

savoir qu’en karaté, cette tenue est le « karaté gi », gi voulant dire « vêtement » en japonais.

Le kimono est un terme qui est donc inexact à employer puisqu’il concerne la tenue que l’on

se met le soir au japon quand on rentre chez soi. C’est une tenue d’intérieur, pourrait-on dire.

Le langage commun a pourtant préféré ce terme. Au dojo, tous les élèves et le professeur sont

en karaté gi blanc. La tenue et sa couleur deviennent un symbole : tout le monde est sur le

même pied d’égalité, tant sur le plan social que sur le plan de la pensée. Le blanc est le

symbole de la pureté et de l’esprit. Comme le souligne Didier : « seul le karatedo vit au sein

du groupe et non l’individualité de chacun » (Didier, 1988). Giovanni, l’une de nos études de

cas, évoquera cette spécificité de l’activité quant à la tenue vestimentaire, le karaté gi.

Une troisième règle qui s’applique au dojo et que l’enseignant d’EPS pourra ou non

emprunter dans son cours est le salut. Il convient de distinguer au moins deux modes. L'un est

un salut de respect ou de politesse, dans lequel on incline aussi la tête. L'autre est un salut

envers le partenaire ou l'adversaire auquel on doit le respect, sans toutefois manquer de

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vigilance. En ce cas, on ne doit pas le quitter des yeux pendant le geste du salut. Surtout dans

le cas du combat, on peut recevoir une attaque au moment où l’on baisse le regard, puisque,

selon la coutume du Budo, il s'agit d'une faute. Cependant, ceux qui comprennent que le salut

avant le combat est la seule forme et saluent de cette manière dans le dojo, comme à

l'extérieur, feront avec les meilleures intentions un geste offensif, désagréable pour l'autre et

de ce fait irrespectueux. Puisque le karaté est un art martial qui vient du Japon, et que les

pratiquants n’en sont que les héritiers ou les dépositaires, il convient de connaître les deux

formes de salut afin de les appliquer selon la situation. De tout temps, le salut a fait partie

d'une tradition guerrière. Que se soit pour prouver son obéissance à un chef, pour respecter

son ennemi ou se faire reconnaître comme membre d'un clan par ce code, le salut a pris

différentes formes à travers les âges et les civilisations. A la fin des guerres claniques ou

tribales la signification du salut a évolué. Au Japon cette révolution est arrivée tardivement

avec l'ère Meiji (1868), l'ouverture sur le monde occidental et l'interdiction du port du sabre.

Les « Bu-jutsu » sont devenus « Budo » et l'art de guerre est devenu un art d'élévation

personnelle. Le salut est devenu l'expression de notion de respect vis-à-vis des lieux, des

enseignants et des partenaires. Il symbolise également les valeurs traditionnelles qu'une école

veut perpétuer. Il nous semble important de le détailler ici car on s’apercevra au cours des

études de cas que tous les enseignants l’ont intégré à leur enseignement. Il s’agit aussi d’un

savoir technique propre dans sa mise en œuvre que Didier nous décrit : « c’est par le genou

gauche que l’on commence à se mettre en position. Le genou droit vient se placer ensuite à

côté de ce dernier à une distance de deux poings fermés. Le corps ne doit pas être avachi sur

les jambes. Le ventre est fort. Les cuisses sont en tension de manière à pouvoir se relever

rapidement. Les fesses ne reposent pas sur les talons. Il doit toujours y avoir un espace. Ceci

est le témoignage d’une bonne attitude en suspension par la force du ventre et des cuisses. La

colonne vertébrale est bien droite. La tête n’est ni inclinée en avant, ni en arrière, ni penchée

sur le côté. Elle est donc droite avec le menton légèrement baissé afin d’obtenir un regard

parallèle au sol. Le regard est devant sans fixer un endroit précis. Cependant tout doit être

perçu dans le champ de vision maximum. Dans cette position, la concentration des forces est

répartie dans tout le corps. La position prend alors une rectitude parfaite qui exprime une

soumission volontaire à la pratique du karaté do. Pour saluer, il faut d’abord poser la main

gauche au sol et ensuite la droite. Les deux mains décrivent alors le triangle formé par les

deux mains. Les deux mains décrivent alors le triangle des forces. Lorsqu’on incline la tête, la

nef vient au centre du triangle formé par les deux mains. En relevant le buste, c’est d’abord la

main droite qui se repositionne sur la cuisse droite et ensuite la main gauche sur la cuisse

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gauche. Les mains sont positionnées à plat sur les cuisses. Les doigts sont collés parfaitement

les uns contre les autres de manière à ne former qu’un » (Didier, 1988). Cette coutume des

mains vient des samouraïs qui se saluaient ainsi. En posant la main gauche au sol, il la posait

sur le sabre posé devant eux avant le salut. La main droite venait ensuite sur la lame. Au

moment du relevé de buste, la main droite se dégageait en premier de la lame et ils pouvaient

s’emparer du sabre par son manche avec la main gauche, le combat pouvant commencer. Le

salut est ainsi réalisé le plus souvent trois fois. La première au signal « shomen ni reï » qui

veut dire littéralement : salut aux forces supérieures, en fait au Maître fondateur de l’école de

karaté pratiquée. La deuxième au signal « senseî ni reï » qui signifie « salut au professeur ».

La dernière est réalisé au troisième signal : « otagani reï » qui signifie « salut entre vous, entre

les élèves ». Ce dernier salut n’est pas accompagné du professeur, alors qu’il fait les deux

premiers avec ses élèves.

1.6.2.5. Les savoirs sécuritaires

Ils concernent tous les savoirs qui vont permettre une pratique en toute sécurité, dans

le respect de l’intégrité physique du pratiquant. En karaté par exemple, il s’agit de savoirs

relatifs à la touche, et l’enseignant pourra interdire à ses élèves la cible visage. En EPS, cette

préoccupation est constante et l’enseignant devra ainsi faire le choix de conduire son cours ou

pas dans une salle qui n’est pas équipée de tapis, ce qui est possible dans la mesure où, au

niveau débutant, il n’y a pas de chutes volontaires en karaté. De même l’enseignant devra

faire le choix de l’utilisation ou pas de protections, comme des gants, des plastrons, voire des

casques. Il est vrai que la technique du contrôle des touches est difficile à apprendre sur un

cycle d’une dizaine d’heures. Ces savoirs sont sécuritaires et réglementaires, dans la mesure

où le respect des règles de l’activité influe sur la sécurité des pratiquants.

1.6.2.6. Les autres savoirs en karaté

Nous rajouterons une autre forme de savoirs que l’on appellera en utilisant la

terminologie des programmes de lycée (2000) « les savoirs sur soi » comme, par exemple,

tout ce qui est de l’ordre en karaté des aspects énergétiques avec le contrôle de la respiration,

mais aussi du travail de l’équilibre, des appuis, ou autrement dit de tous ces aspects qui

touchent à la proprioception. En karaté, un aspect important de ces savoirs concerne par

exemple le travail de décontration-contraction : décontraction dans la course du geste (du bras

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qui donne le coup de poing), contraction juste au moment de l’impact et décontraction à

nouveau pour permettre le retour du bras en « shikite » poing à la ceinture, armé.

Au terme de ce chapitre sur les savoirs en karaté, nous pourrons plus facilement

détecter quels types de savoirs vont être privilégiés par les enseignants que nous observerons

et avoir ainsi accès aux traces de la référence de l’enseignant, à partir des savoirs enseignés et

évalués qui peuvent donc être :

- techniques.

- Stratégiques.

- Ethiques.

- Réglementaires.

- Sécuritaires.

- Autres, car d’autres formes de savoirs peuvent émerger dans l’enseignement observé,

comme par exemple les savoirs sur soi, que l’on retrouve dans les programmes de lycées

(ibid.).

1.7. Référence, savoir de référence et pratique sociale de référence

La référence « désigne l’action ou le moyen de se référer, de se situer par rapport à

quelque chose » nous dit le dictionnaire historique de la langue française (Le Robert, 1990).

L’EPS est une discipline à support pratique et non pas à support théorique comme les

mathématiques. Elle dispense des pratiques corporelles par le biais d'activités physiques et

sportives. A partir de quoi se construisent les savoirs à enseigner ? La didactique des

mathématiques part des savoirs savants, ceux des chercheurs, des théoriciens. L'utilisation de

ce concept en EPS n'est pas sans poser problème, car d'une part il n'existe pas à proprement

parler de « pratique savante » et d'autre part, elle doit se démarquer du sport de haut niveau

qui équivaudrait à un enseignement technique de type fédéral ; les APSA ne sont pas objets

d'enseignement mais supports d'enseignement et nous avons vu que « L'EPS ne se confond

pas avec les APS » mais fonde son enseignement sur ces pratiques socioculturelles. En EPS,

nous voyons que cette référence aux savoirs savants ne suffit pas et que nous avons besoin

pour étudier les pratiques d’enseignement d'une approche plus dynamique référencée aux

pratiques sociales. C'est à partir des travaux de Martinand que nous allons poursuivre cette

réflexion. Comme le précise l’auteur, « l'idée de pratique de référence n'est pas venue en

critique de celle de transposition didactique, ni même en complément à elle, mais comme

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besoin pour répondre à une problématique spécifique » (Martinand, 2001). La notion de

pratique de référence est une entrée qui permet d'analyser, de proposer, pour ensuite faire des

choix d'activités qui deviennent, nous l'avons vu, des choix pédagogiques importants sur les

contenus d'enseignement. Ils sont le révélateur de la culture et des valeurs transmises et

constituent ainsi l'identité de la discipline enseignée. L'historique de l'EPS nous montre

combien cette référence a changé au cours du siècle : entraînement militaire, entretien

hygiénique, compétition sportive, loisir. Chaque fois, cela inscrit l'EPS dans une conception

particulière, très représentative du contexte social et politique de l'époque considérée mais

aussi des options éducatives : « la particularité de l'enseignement actuel de l'EPS est d'utiliser

les APS comme pratiques de référence, dominées surtout par le sport de compétition,

« phénomène social » (Instructions Officielles, 1985). Il n'existe pas de pratique neutre.

L'enseignement de l'EPS se trouve « à la croisée des options éducatives, des pouvoirs

politiques et des pressions sportives » (Terrisse, 2001). Ce qui lui fait dire que « la référence

est un enjeu fondamental de cette discipline, une des clés de son identité » (ibid.). Pour

Joshua, il existe trois types de références pour les savoirs scolaires :

- les savoirs « savants » (reconnus comme tels par la société, ils disent le vrai), par exemple

les mathématiques.

- Les savoirs « experts » (petite communauté dont aucun ne peut dire le vrai) par exemple,

les savoirs professionnels (comment enseigner).

- Les savoirs « personnalisés » (quelques individus) par exemple, le saut en hauteur que

l’athlète Fosbury a initié d’une autre manière en passant le fil non en ciseaux mais en

s’engageant tête la première et par le dos (Joshua, 2002).

Les objets de savoirs sont sélectionnés et construits en fonction de préoccupations

politiques, culturelles et sociales d'une époque donnée. Nous ne reprendrons pas ici

l'historique fait par Terrisse et auquel nous renvoyons (Terrisse, 2001), et notons qu'en EPS,

les objets de savoir font référence en général à des pratiques sociales étendues. L’ajout du

« A » au sigle APS en est un exemple. Nous pouvons également mentionner dans les

nouveaux textes officiels pour les lycées (Programmes des lycées, 2000), l’apparition d’un

second groupe d'activités dites « complémentaires » où nous trouvons des activités telles que

le tir à l'arc, la boxe française, la gymnastique aérobic, les activités de cirque, les techniques

de relaxation, donc des pratiques qui sont le fait d'un groupe plus restreint, plus

« confidentielles » pour reprendre le terme de Joshua. Ainsi, l’introduction de nouvelles

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activités marque la volonté des acteurs institutionnels d’élargir le noyau dur des activités

traditionnelles (athlétisme, gymnastique, natation, sports collectifs).

Les APSA sont ainsi à la fois pratiques sociales de référence et des activités

d'enseignement et d'apprentissage. Elles constituent « une culture commune » à s'approprier.

(BO n° 6 du 12 août 1999). Alors quelle distance entre les pratiques sociales de référence

auxquelles les enseignants se réfèrent et la pratique scolaire de ces APSA ? Quels sont les

contenus « adaptés », transposés, pour viser par exemple « le développement des capacités

nécessaires aux conduites motrices » en collège ? (BO n° 29 du 18 juillet 1996). Programmes

d'EPS au collège). La transposition didactique, comme outil de recherche, pose la question

dans ces choix des savoirs à enseigner, de l'articulation avec des objets culturels afin de

favoriser le développement de la personne. Quelle cohérence doit trouver l’enseignant pour

dépasser la juxtaposition d'APSA et intégrer aux savoirs spécifiques issus des APSA des

savoirs plus transversaux, interdisciplinaires ? En effet, en EPS, la référence est multiple :

- référence à la pratique sportive et aux savoirs techniques attenants (cf. schéma 2).

- Référence aux savoirs scientifiques gravitant autour de cette pratique.

- Référence à l'enseignement et aux savoirs professionnels mis en jeu.

Pratique sportive

Savoirs

de référence

Savoirs scientifiques Savoirs professionnels

Schéma 2 : les savoirs de référence (Terrisse, 2001)

- Les savoirs professionnels renvoient à la didactique et à la pédagogie, considérées comme

les deux dimensions fondamentales et constitutives des compétences professionnelles des

enseignants. Le traitement didactique et les choix opérés par les professeurs (pratiques

sociales de références et contenus enseignés) vont être pour nous des indicateurs importants

pour mettre au jour leur rapport au savoir et plus précisément leur rapport à l’APSA.

- Les savoirs scientifiques (ou encore savoirs disciplinaires) que nous pouvons définir comme

étant les théories de l'apprentissage, les théories du développement (psychologie, sociologie,

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anatomie, physiologie…), c'est-à-dire les différentes théories qui rendent compte du

pratiquant dans son rapport à l’APSA. Nous pouvons également y ajouter les savoirs relatifs à

la santé, à l'hygiène de vie, à l'entretien de sa vie physique, référence inscrite dans les textes

officiels. Ils permettent d'analyser la pratique et ainsi de faire des choix techniques mais aussi

axiologiques. « Les savoirs de référence permettraient alors de déconstruire l'image selon

laquelle les didacticiens seraient victimes d'une centration sur le quoi et le comment au

détriment du pourquoi (enjeux, sens, finalités des activités pédagogiques) » (Amade-Escot,

1995). C’est aussi ce qui fait dire à Raisky que les références sont à la fois sources, fins et

moyens pour les processus didactiques et qu’elles procèdent de « choix arbitraires » (Raisky,

2001).

Au terme de ce chapitre sur la référence, nous pouvons donc dire qu’il y a une identité

scolaire des savoirs de référence, ils ont été choisis, sélectionnés et transformés, et

représentent la culture scolaire et l'éducation physique scolaire, ce qui permet de « les

instituer en savoir conforme, académiquement ratifié et homologué, donc digne d'être

enseigné et appris ». (Bourdieu, 1984). La spécificité des savoirs de l'EPS est qu'ils sont « in-

corporés » (Barbier, 1996) et de ce fait difficilement objectivables. Le traitement didactique,

dans ses choix, ses aménagements, ses classements, est réducteur : « Le pari de la didactique

est que ce cadre, bien que restrictif, comme pour toute modélisation, définit des objets qui ne

perdant pas tout sens en rapport avec les situations éducatives réelles, et qu'il peut en

conséquence sous-tendre des expérimentations d'une certaine portée » (Marsenach, 1991). Il

nous semble, à l'instar de Marsenach, que la définition des contenus d'enseignement (les

savoirs à enseigner) est sous une double responsabilité, celle des didacticiens, et celle des

enseignants « parce qu'ils accumulent, au fil de leur expérience professionnelle, des savoirs

pratiques. Ces savoirs nés dans l'action, liés à ce qui apparaît dans l'action, sont

irremplaçables » (ibid.). En définitive, la référence est triple : à l'objet culturel (les APSA) ; à

l'objet didactique (traité didactiquement et qui indirectement est aussi une référence à

l'enseignant dans ses choix) ; au sujet apprenant. Il y a une perte de sens si la pratique est trop

décontextualisée, autrement dit si la logique de l'élève et la logique de l'objet culturel ne se

croisent pas, comme on pourra le constater dans l’étude de cas Giovanni qui enseigne aux

élèves un aspect du karaté qui n’est pas en phase avec les attentes d’élèves de 4e en EPS.

Enfin, les savoirs enseignés confèrent une identité propre à l’EPS pour qu’elle ne soit ni du

sport ni du loisir. Cette didactisation permet d'intégrer des activités de « loisir » comme le

cirque, le cerf-volant, le surf ou l’ultimate frisbee.

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En tant que chercheur, nous nous positionnons donc dans une conception interactive

et dynamique de la didactique mettant en relation un objet de savoir et un sujet. La définition

de ces savoirs de référence ainsi que leur transmission, est essentielle à la formation initiale

des enseignants qui, par leurs choix successifs, perpétuent à leur tour la construction de

l'identité scolaire de la discipline. La maîtrise du traitement didactique est à nos yeux une

compétence professionnelle fondamentale : choix et organisation des contenus

d'enseignement, adaptation des contenus, contextualisation des interventions, compréhension

des élèves dans leur rapport aux pratiques pour mieux enseigner. Elle va être un indicateur

précieux pour analyser les pratiques déclarées des étudiants et des professeurs stagiaires. Le

choix et la définition des contenus d'enseignement ne suffisent pas à eux seuls à provoquer

l'apprentissage des élèves (une sorte de « magie des contenus »). Le « quoi enseigner » est lié

au « comment enseigner », dimension didactique et dimension pédagogique se combinent

simultanément. Ces deux dimensions ne sont pas séparables « car les contenus structurent les

relations et les relations se soutiennent des contenus. Il n'y a pas de transmission sans objet »

(Terrisse, 1998). C’est ce qui fait dire à Caillot que « la question de la référence se pose en

fait pour chaque pôle (du triangle didactique, sujet, élève, savoir). Au lieu de parler d’une

seule référence, nous devons penser à des références multiples qui doivent concerner

l’ensemble du triangle » (Caillot, 2001). Le cheminement d'accès au savoir du sujet renvoie

au rapport du sujet au savoir c’est-à-dire à la manière dont il crée des liens avec ce qu'il sait et

la manière dont il en retire du sens. « Il n’est de savoir que dans un rapport au savoir »

(Charlot, 1997).

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2. Problématisation de la recherche : la question de la

référence comme outil d’analyse des pratiques

enseignantes

Dans cette réflexion autour de la recherche de la référence de l’enseignant à partir du

savoir enseigné en EPS émerge une problématique à notre travail : la première question

autour de l’enseignement du karaté fait état d’un paradoxe. L’histoire et l’évolution de

l’activité vont montrer que le karaté est singulièrement pluriel. De même, les professeurs de

karaté et les professeurs d’EPS semblent avoir des conceptions très diverses de l’activité à

enseigner. Pour autant, la méthode traditionnelle représente le seul mode de transmission de

l’activité, en club en tous cas. Ce paradoxe invite alors à poser plusieurs questions de

recherche : quels choix les enseignants d’EPS, spécialistes en didactique des APSA et de

l’EPS, vont-ils effectuer pour l’enseignement du karaté en EPS ? Autrement dit, comment les

professeurs vont-ils gérer cette pluralité du karaté ? Vont-ils la reproduire dans leur

enseignement ? Vont-ils reproduire la méthode traditionnelle très techno-centrée et qui repose

sur une procédure d’enseignement du modèle du maître qui a la connaissance ou vont-ils au

contraire faire des choix didactiques et prendre de la distance par rapport à celle-ci, quitte à

dénaturer la pratique de référence ? Dans cette optique, la question de recherche qui nous

guide sera :

En quoi et comment une pratique d’enseignement du karaté en

EPS renvoie-t-elle à une référence, et laquelle ?

Nous faisons l’hypothèse à ce stade de notre travail que la référence enseignante va se

révéler dans l’analyse des écarts entre ce que l’enseignant prévoit d’enseigner et ce qu’il

enseigne réellement, peut-être également entre ce qu’il enseigne et ce qu’il évalue. Compte

tenu des contingences liées à l’enseignement d’une part mais aussi du poids des traditions

véhiculées par les arts martiaux d’autre part, entre tradition et modernité, l’enseignant risque

de se retrouver lui-même à faire un grand écart entre concessions et renoncements. Cette thèse

se propose donc d’examiner la question de la référence enseignante, par la recherche de

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traces, aux différents moments de la chaîne transpositive, grâce à l’analyse des écarts entre

SAE, SRE, SAEV et SREV (cf. glossaire). Cette hypothèse tient alors aussi compte du fait

que la référence peut évoluer au cours de ces différents temps. Nous serons alors amenés à

envisager que si le karaté est pluriel, la référence enseignante l’est aussi. Autrement dit, à ce

stade, nous nous demandons si, entre un karaté pluriel et un sujet forcément singulier, nous

devons envisager la Référence ou parler de références au pluriel ?

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3. La connaissance de l’activité karaté : les références au

savoir

3.1. Référence historique : la pratique de combat karaté

Brosser l’historique du karaté est une tâche ardue, car les racines de cet art martial

remontent loin dans le temps, à plusieurs centaines d’années avant l’ère chrétienne. Comme le

souligne H. Courtine: « le phénomène du développement des arts martiaux japonais en

Europe, et singulièrement en France, n’est pas explicable sans un retour aux sources, dans le

Japon tumultueux des temps féodaux, dans le monde des samouraïs, et sans référence à

l’esprit du Bushido, leur code d’honneur » (Courtine, 1980). La difficulté réside dans le fait

que les maîtres d’autrefois ne divulguaient pas facilement leurs connaissances. Rares étaient

les privilégiés avec lesquels ils partageaient les techniques et la sagesse acquises durant des

années de travail. En effet, les activités de nombreuses écoles étaient tenues secrètes, car

l’existence même de ces écoles était souvent cachée aux autorités, en raison du conflit sino-

japonais, et de l’occupation de l’île d’Okinawa par les chinois. C’est donc cette tradition du

secret qui rend exceptionnellement difficile l’étude des origines des arts martiaux. Quelques

indices sont néanmoins disponibles et nous sont fournis par deux petites œuvres d’art

babyloniennes qui remontent de 3000 à 2000 av. J.C. Leur description nous est donnée par H.

Reid et M. Croucher : « La première représente deux hommes qui se battent. L’un d’eux tient

la main dans la position de blocage caractéristique des arts martiaux modernes. L’autre

statuette représente deux lutteurs qui se tiennent par la ceinture, prise rare, inconnue en

occident, mais très souvent utilisée dans le sumo, une forme de lutte japonaise » (Reid et

Croucher, 1987). A l’origine, le karaté est indiscutablement une forme de combat basée sur

l’agression de l’autre. L’art du coup est d’ailleurs la plus ancienne manière de se battre. Cette

technique de combat à mains nues a été introduite en Inde lors de l’invasion d’Alexandre le

Grand. Elle s’est développée dans le reste de l’Asie grâce notamment aux moines bouddhistes

qui pouvaient concilier l’interdiction religieuse d’utiliser des armes et la défense de leur

personne. Passée en Chine, cette pratique a été considérée comme pouvant « propager une

dépense favorable à la méditation » (Morvan-Denègre, 1976). L’étude de l’histoire du karaté

permet de mieux comprendre le karaté moderne et d’appréhender son évolution.

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3.1.1. Un isolationnisme à toute épreuve

Du fait notamment de sa position isolée au bout du monde, le Japon a une histoire

unique au monde : c’est un des seuls pays au monde à s’être volontairement refermé sur lui-

même durant trois cents ans et où, pendant sept cents ans, une caste guerrière (les samouraïs)

contrôlait tout. Ainsi, selon F. Saîko et H. Plée, trois grandes périodes marquent l’histoire du

développement du karaté et plus généralement des arts martiaux (Saîko et Plée, 1998) :

- de 700 à 1570, les arts martiaux sont guerriers. Le pays est sous contrôle des

samouraïs, littéralement « celui qui sert », en fait une caste privilégiée de

mercenaires.

- De 1600 à 1867, année du début de l’ère Meiji, on assiste à la naissance des

disciplines martiales sophistiquées. Du fait de la pacification du Japon, les arts

martiaux de guerre sont divisés en disciplines martiales conventionnelles. Les plus

exportables de ces « bujutsu » (art d’utiliser les techniques de guerre) sont alors

prêts à se transformer en « Budo » (enseignement de la voie par la guerre).

- En 1870, les bujutsu donnent naissance au Budo. Les bujutsu représentent les arts

martiaux utilitaires. Ils étaient alors enseignés par les Rônins (ex-samouraïs à la

recherche d’un seigneur) qui pour survivre ouvrirent des dojos et sophistiquèrent

l’enseignement du Budo, s’éloignant peu à peu de l’art martial de combat réel

(kakutô bugeî).

3.1.2. Des origines nécessairement diffuses

La répétition et le mouvement de certains gestes de combat ont trouvé leur origine

dans la contemplation des cycles naturels de l’univers : le déplacement des animaux, la

respiration humaine, les marées ou le système solaire. Appelé « Kempo » par les premiers

chinois, l’art du combat à mains nues s’est aussi nommé Kung Fu ou Tae Kwon Do en Corée.

Entre le Japon et l’île de Taï-Wan se trouve l’archipel des îles Ryukyu. Sorte d’avant poste

naturel de l’influence culturelle et commerciale chinoise, la plus grande de ces îles, Okinawa,

a donc été le lieu de rencontre des cultures chinoises et japonaises. Il est donc vraisemblable

que « le Kempo ait été importé en ces lieux par les émigrés chinois » (Random, 1977). Les

habitants d’Okinawa, ayant eu à subir de longues périodes de domination japonaise (l’île fut

successivement envahie par des militaires chinois puis japonais), pratiquaient déjà l’art du

combat à mains nues. En mélangeant l’apport de connaissances chinoises, ils réussirent sans

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doute à améliorer leurs propres techniques de combat pour faire naître le « Okinawa-te».

Littéralement, Okinawa signifie « la corde jetée dans l’eau », description imagée de cette île

étroite et sinueuse. Okinawa, berceau du karaté moderne, est la plus grande île et la capitale

de l’archipel des Ryukyu ; elle sépare la mer de Chine orientale et l’océan Pacifique, à mi-

chemin entre la Chine et le Japon.

Ce bref historique situe dans son contexte la grande tradition du « te » d’Okinawa,

l’art martial de la main qui consiste à utiliser avec une efficacité remarquable toutes les armes

naturelles que possède le corps humain. Malheureusement, les archives royales d’Okinawa

ont brûlé pendant la seconde guerre mondiale, disparaissant sans laisser de trace, comme

presque tout le patrimoine culturel du pays. Les recherches des maîtres de karaté d’Okinawa

qui désiraient mieux connaître leur propre art martial ont été considérablement gênées. Fort

heureusement, leurs prédécesseurs avaient pu étudier divers documents anciens. Ces raisons

expliquent le peu de documents originaux et historiques sur le karaté, mis à part quelques

ouvrages de Gichin Funakoshi : « Karaté-do, ma voie, ma vie » ou encore « Karaté-do

Nyumon » sont les deux seuls ouvrages de référence en karaté shotokan. Par ailleurs, il existe

une riche tradition orale dont une partie mineure est aujourd’hui consignée par écrit. Il nous

reste alors l’art lui-même, qui nous en dit long sur ses origines.

3.1.3. Un fondateur inspiré : la création du karaté moderne

Au début du XXème siècle, un habitant d’Okinawa, Gichin Funakoshi, étudia toutes les

formes de combat à mains nues en usage, fit une synthèse et créa le Shotokan karaté do.

Funakoshi, vers les années 1920-1921, fit une démonstration au Japon qui obtint un très vif

succès, et le karaté se développa jusqu’à la fin de la guerre. Mais les Américains, introduits au

Japon à ce moment-là, interdirent les arts martiaux, les pratiquants étant considérés comme

résistants à l’occupation ennemie. Ce n’est qu’en 1947 que le karaté put reprendre de manière

non clandestine et se développer par là même à travers le monde. Le karaté tel que nous le

connaissons à l’heure actuelle est essentiellement le produit d’une synthèse qui eut lieu au

XVIII ème siècle entre l’art du « te », originaire d’Okinawa, les arts chinois de la boxe et

d’autres styles du sud de la Chine. On peut penser que le « te » est vieux d’au moins mille

ans. A cette époque, en effet, la population d’Okinawa avait peu de ressources et les armes

étaient rares. Or le pays était troublé et la nécessité d’apprendre à se défendre donna sans

doute l’élan nécessaire à l’apparition d’un art martial indigène. Plus tard, aux XVème et XVIème

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siècles, lorsque les marchands d’Okinawa commencèrent à beaucoup voyager, ils connurent

un grand nombre des techniques de combat de l’Asie du sud qui n’ont pu manquer de faire

évoluer leur propre art martial. En tout état de cause, le style propre à Okinawa est cependant

tout à fait unique car nourri de son histoire tumultueuse, et les influences étrangères ont

toujours été adaptées pour les rendre conformes aux principes du combat tel qu’il est pratiqué

à Okinawa.

3.1.4. L’évolution des arts d’Okinawa : l’apparition de différents styles de karaté

Cette partie de l’histoire du karaté est autant primordiale qu’elle est intéressante, car

elle permet de bien comprendre comment sont nés les différents styles de karaté pratiqués

actuellement : Shotokan, Wado-ryu, Shito-ryu, Ueshi-ryu etc. Chacune de ces écoles se

différencie des autres par des différences techniques et d’approche de l’activité. Ainsi,

certaines insistent sur le versant compétitif, d’autres sur la technique et les kata ou bien sur le

renforcement du corps. De plus, certaines écoles, comme le style shito ryu que nous détaillons

plus loin se présente comme une synthèse des différents arts du combat, elle-même liée à

l’histoire de la création et de l’évolution de ce style qui se veut une véritable méthode de self-

défense dans la mesure où quelques principes opérationnels, utiles, ont été dégagés dans un

but d’efficacité. Comme le soulignent H. Reid et M. Croucher (1987), on pense que deux

mouvements se dessinèrent à Okinawa lorsque le roi Sho Shin désarma les nobles et les

rassembla dans sa ville de Shuri. D’une part, les nobles apprirent et développèrent l’art du

combat à mains nues, le « te ». D’autre part, paysans et pêcheurs commencèrent à utiliser

comme armes les instruments de leur métier : fléaux, poignées de meule, faux, brides de

cheval et même rames se transformèrent en armes mortelles. Les deux traditions s’entouraient

du plus grand secret, et leur diffusion resta largement limitée à leurs classes sociales

d’origine. Le te était l’affaire des nobles de la cour, alors que les Ryukyu bujutsu (arts de

combat armé des Ryukyu) se développèrent dans le peuple. Encore aujourd’hui, plusieurs des

plus grands maîtres de karaté, par exemple Shotoku Kyan, descendent de familles royales et

nobles de la ville de Shuri. La première démonstration d’arts martiaux chinois dont l’histoire a

conservé la trace à Okinawa remonte à 1761. On connaît aussi l’histoire personnelle de

plusieurs maîtres du te de l’époque. Certains d’entre eux, comme Chatan Yara, se rendirent

dans la province du Fu-Kien, en Chine pour y étudier. Inversement, un grand maître chinois,

Kusanku, passa six ans à Okinawa. Puis, au XIXème siècle, l’art d’Okinawa commença à être

connu sous le nom de « T’ang-Te », soit « la main chinoise ». Même si l’art était pratiqué en

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secret, généralement en pleine nuit ou juste avant l’aube, trois styles distincts commencèrent à

apparaître : le shuri-te, l’art qui se développa à Shuri était pratiqué par les samouraïs de la

cour, alors que dans le port voisin de Naha et dans la petite ville de Tomari, le peuple

développa ses propres formes de te, le naha-te et le tomari-te. Les particularités propres à ces

styles résultent vraisemblablement du fait qu’ils ont été influencés par des traditions chinoises

différentes (ibid.). Certains indices portent à croire que le shuri-te serait issu de la boxe du

temple de Shaolin (art martial qui serait issu des exercices enseignés par Bodhidharma aux

moines du temple de Shaolin) alors que le naha-te (l’art pratiqué à Naha) a plutôt adopté les

techniques souples taoïstes. « Tao » est un terme chinois signifiant « la voie ». Le taoïsme est

fondé sur des écrits attribués à Lao Tseu, philosophe chinois qui vivait au IVème siècle av. J.C.

et qui prône le travail de la respiration et le contrôle du « ki », de l’énergie vitale. Quant au

tomari-te (art pratiqué à Tomari), il s’est manifestement inspiré des deux traditions. Il faut

cependant souligner que les villes de Shuri, de Naha et de Tomari ne se trouvent qu’à

quelques kilomètres de distance et que les différences relevées entre les styles sont minimes.

A la fin du XIXème siècle, les différents styles prirent encore une fois un autre nom.

Les arts de Shuri et de Tomari furent groupés sous une seule appellation : Shorin ryu, ce qui

veut dire littéralement « l’école du pin souple ». Le naha-té devint connu sous le nom de

Goju-ryu, « l’école dure et souple » dont le développement est l’œuvre du grand maître

Higaonna Kanryo. Le Shorin ryu se divise à son tour en plusieurs styles légèrement différents,

alors que le Goju-ryu est resté essentiellement uniforme sur le plan stylistique.

Traditionnellement, on dit que le style Shorin Ryu est plus léger et plus rapide que le Goju-

ryu, et que ses positions sont généralement plus hautes. On est donc, au XIXème siècle, en

présence de deux grands styles de Karaté, profondément semblables hormis quelques

différences d’ordre technique.

A l’heure actuelle, en revanche, on remarque l’impressionnante diversité des styles

pratiqués. Cette constatation s’explique fort aisément : en effet, à l’origine, Funakoshi

enseigna une seule méthode : le Shotokan. A sa mort, ses élèves rayonnèrent à travers le

Japon et, insensiblement, adaptèrent le karaté à leur morphologie. Les grands, dotés d’une

force physique supérieure pratiquèrent et enseignèrent un karaté statique, les petits et minces,

au contraire, développèrent le côté « vitesse d’exécution » et leur karaté se différencie par de

grands déplacements très rapides. De plus, certains s’attachèrent parallèlement à développer la

« compétition », d’autres la « self-défense » tandis que d’autres encore préféraient étudier et

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enseigner le karaté sous son aspect le plus traditionnel. Très vite, et pour cause, des

dissensions éclatèrent. Des pratiquants rompirent avec leurs condisciples et partirent créer leur

propre Ecole, cherchant à la différencier des autres par des différences techniques (positions,

enchaînements de mouvement…).

En d’autres termes, le karaté actuel est multiple dans la mesure où, suivant la

formation initiale de l’enseignant (le style pratiqué) et sa conception de l’activité, le

pratiquant va être orienté dans sa pratique vers un karaté à fort degré compétitif ou au

contraire traditionnel. En effet, comme le développe cette partie historique, le karaté est à

l’origine une pratique de combat et un art martial. L’art renvoie d’une part à un ensemble de

règles ou de méthodes pour effectuer quelque chose. Le terme « martial » d’autre part vient de

Mars, dieu de la guerre chez les romains. Selon le dictionnaire petit Robert (1990), c’est « tout

ce qui est relatif à la guerre ». Dans le même ouvrage, les arts martiaux sont définis comme

« les sports de combat traditionnels d’Extrême-Orient ». En quoi, alors, le karaté do est-il un

art martial ? Comme nous l’avons développé dans notre premier chapitre, les arts martiaux

n’ont pas vu le jour que pour permettre aux soldats de se défendre sur le champ de bataille. Ce

ne sont pas non plus des sports, car à l’état pur, ils sont libres de toute contrainte. Leur finalité

est l’efficacité maximale du combat et ils représentent à l’heure actuelle un ensemble de

disciplines sans règlement mais obéissant à une éthique précise, visant d’autres buts éducatifs

que le conflit ou la compétition : à savoir par exemple la discipline du corps et de l’esprit, le

respect d’autrui, l’adhésion à un code moral. C’est l’idée qu’expriment J. Crémieux et M.

Audiffren lorsqu’ils écrivent que « la pratique efficace est une notion centrale des pratiques

martiales. Elle guide constamment l’apprentissage et le perfectionnement des combattants.

[…] Il ressort de l’examen des principales orientations de la pratique martiale un projet global

de formation du combattant consistant à favoriser chez lui une triple adaptation ou harmonie,

à soi, aux autres et à l’environnement » (Cremieux et Audiffren, 1991). Ainsi, pour répondre à

notre question de départ, nous appuierons notre argumentation sur la définition du concept du

«Do» qui est à la base de l’évolution des Bu-jutsu, d’abord simples techniques martiales, en

Budo, voies de la perfection. Comme le souligne R. Habersetzer (2000), « il s’agit

simplement d’une voie empruntée par l’homme motivé et sincère, progressant dans la maîtrise

de son corps et de son esprit. Cette préoccupation centrale fait la différence entre un

pratiquant d’art martial et un pratiquant de sport de combat ». Pour autant, il ne faut pas

tomber dans le clivage trivial de deux mondes qui ne se croisent jamais. La plupart des styles

ou écoles de karaté considèrent les deux aspects comme indissociables dans le karaté, selon la

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théorie du ying et du yang où tout est dans tout et inversement. S’il y a clivage à un moment

donné, il ne peut venir que du sujet, et de notre avis, de la référence de l’enseignant. Pour

illustrer notre propos, nous prendrons un exemple de développement d’un style de karaté, le

style shito ryu, qui a justement su allier deux références du karaté. Au début du XIXème siècle,

Anko Itosu, né à Okinawa en 1832, étudie le shuri-te avec maître Matsumura. Il devient à son

tour expert de cette pratique aux techniques longues, vives et dures (style Shorin). Plus tard,

Kanryo Higaonna, né à Naha, capitale d’Okinawa étudie le Naha-te et devient aussi expert de

cette méthode qui se distingue de la précédente par des techniques plus courtes, plus souples

et plus rapides (style Shorei). Le jeune Kenwa Mabuni, né en 1893 à Okinawa, étudie les deux

styles avec ses deux Maîtres. A la mort de ceux-ci, souhaitant continuer leur œuvre, Kenwa

Mabuni s’installe à Osaka et fonde sa propre école « Shito ryu » qui est une synthèse logique

des styles Shorin et Shorei. Etymologiquement, « shi » est le nom de l’idéogramme japonais

qui signifie « ito » de Itosu et « to » signifie « higa » de Higaonna, par respect des principes

établis par les deux Maîtres, mais aussi pour leur rendre hommage. La création officielle du

Shito ryu date de 1938 (cf. interview de Kenei Mabuni, in Karaté info n° 6, juin 2002), et son

fondateur mourra en 1952. Son enseignement est alors relayé par ses fils : Kenzo à Okinawa

et surtout Kenei, actuel chef de file du Shito ryu. Il réside encore à Osaka mais n’hésite pas à

parcourir le monde (ibid.) à plus de 80 ans, avec le relais, notamment en France, de Maître

Hidetoshi Nakahashi dont le dojo est en Corse, près de Bastia. Maître Nakahashi, 9ème dan et

expert fédéral, explique les techniques du Shito ryu en ces termes : « les caractéristiques

techniques du Shito ryu empruntent à la fois du Shuri Té et du Naha Té. Le style est marqué

par la subtilité (perception des attaques) et la vitesse. Les techniques s’appuient sur la mobilité

du bassin, les déplacements du corps et la déviation des attaques. Le style est considéré

comme très esthétique tout en demeurant puissant » (Entretien dans Karaté Bushido, avril

2000). Jean-Luc Clerget, 7ème dan et élève du Maître ne le contredit pas lorsqu’il revient sur

ces débuts après plus de 30 ans de pratique : « j’ai été séduit par l’esthétique de ce style qui en

plus propose une grande variété de techniques » (ibid.). Si l’aspect esthétique semble être une

composante fondamentale du style, ce n’est pas au détriment de l’efficacité :

- les techniques sont en effet courtes, enroulées.

- Les déplacements en esquives sont systématiques pour sortir de la ligne d’attaque.

- Les positions sont variées afin de respecter une distance optimale par rapport à

l’adversaire, et ce en fonction de l’action envisagée.

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- Le principe « sen no sen », qui consiste en une « attaque dans l’attaque » par

anticipation de l’action adverse, est inclus dans l’enseignement de manière très

précoce.

Le shito ryu est donc caractéristique d’un travail qui allie la vitesse et l’esthétique

technique. Celles-ci se réalisent dans une très grande mobilité des hanches, dans les

déplacements courts et les blocages circulaires, avec les coudes près du corps. Le fondateur

du shito ryu, Kenwa Mabuni avait énoncé cinq principes fondamentaux, qui résument bien

l’essence de son style (Nakahashi, 2002) :

- le premier principe est « Ten I ». Il s’agit du travail de placement, de manière à se

retrouver dans l’angle mort de l’adversaire afin qu’il soit dans l’impossibilité de voir

venir la contre-attaque, et ne soit plus en mesure d’enchaîner.

- Le deuxième principe est « Rakka » : il consiste en l’action de casser une attaque au

seul moyen d’un blocage. Par exemple, un blocage gedan baraï sur une attaque mae

geri doit non seulement empêcher la jambe adverse d’atteindre son corps, mais aussi

blesser l’adversaire par le seul moyen du blocage afin qu’il soit au moins assez

déstabilisé pour ne plus pouvoir enchaîner les attaques.

- Le troisième principe est « Ryushi » : il provient de l’influence provenant de la boxe

chinoise, par le biais de l’enseignement de maître Higaonna. L’idée est basée sur la

notion de rythme, notamment pour s’adapter constamment à celui de l’adversaire et

utiliser sa force, comme en aïkido. Ici, la mobilité du bassin va être utilisée de manière

primordiale pour bloquer une série d’attaques.

- Le quatrième principe est « Kushin » : on va s’appuyer sur le travail des jambes, et

principalement la flexion-extension des genoux, tout en gardant une rectitude

vertébrale. L’efficacité des blocages est alors augmentée car relayée par la puissance

des jambes.

- Le dernier principe est « Hangeki » : c’est la contre-attaque. La défense est dans

l’attaque et réciproquement. On rejoint là le « sen no sen » que nous évoquions plus

avant : le blocage et la contre-attaque sont effectués dans le même mouvement.

Bien entendu, ces principes ont été détaillés à des fins d’explicitation mais se

retrouvent liés dans l’épreuve du combat. Ils constituent une forme de savoir « utile » pour le

combattant en ce sens qu’il a été conçu à des fins d’efficacité. De plus, quitte à développer un

style particulier de karaté dans le but d’une meilleure connaissance et compréhension de la

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pratique, autant que ce soit notre référence du karaté, car c’est dans l’école shito ryu que nous

avons débuté le karaté, et que nous n’avons plus quittée.

3.2. Référence sportive du karaté

3.2.1. Définition d’un sport de combat

Si l’on décompose, le terme « sport » vient de l’ancien français « desport » qui signifie

jouer et le combat désigne selon le dictionnaire petit Robert « l’action de plusieurs

adversaires armés […] qui se battent ». Si l’on en reste à cette acception, un sport de combat

désignerait alors des phases de bataille sous forme jouées. Mais il faut noter que la fonction de

ce jeu n’est ni d’exercer, ni de développer. Comme le souligne B. During « le sport est

marqué par les caractéristiques de la société dont il est issu, et où se sont nettement séparés

travail et jeu » (During, 1984). C’est aussi ce qu’exprime Parlebas : « le sport est à notre

société actuelle ce que les jeux de Rabelais furent à la société de la Renaissance » (Parlebas,

1981). La finalité des sports de combat se situe dans un face-à-face codifié, permettant de

s’affronter sans danger, avec un règlement précis pour désigner un vainqueur. En effet, c’est

encore Parlebas (ibid.) qui distingue les pratiques sportives des autres pratiques sociales.

Selon l’auteur, trois critères semblent caractériser une activité sportive : elle nécessite

l’activité motrice du sujet, elle se réalise dans un cadre compétitif réglementé et elle est

institutionnalisée. Ainsi, pour qu’une activité sociale soit qualifiée de sportive, il faut donc

qu’elle remplisse ces trois conditions. Dans notre société moderne, plusieurs activités de

combat respectent ces trois critères : la boxe, la lutte, le judo et bien sur le karaté. Au

contraire, l’aïkido ou le tai chi chuan ne se pratiquent pas en compétition et la définition

« sport de combat » ne convient pas pour ces arts martiaux.

3.2.2. Définition du karaté en tant que sport de combat

Le karaté est un sport de combat basé sur la percussion, qui se pratique habillé d’un

karaté gi. Pour préserver l’intégrité physique des combattants, toute action doit être contrôlée

et se dérouler à l’intérieur d’une surface de combat carrée, d’une dizaine de mètres de côté,

recouverte d’un tatami. En compétition dite « kumite » soit combat, l’aspect offensif doit

l’emporter sur des stratégies exagérément défensives et fermées. Comme le prévoit la

réglementation de la FFKAMA (1998) « le combat est dirigé par une équipe arbitrale

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composée de quatre arbitres : l’arbitre principal ou central, deux juges de coin et l’arbitrator,

assis à la table officielle responsable du comptage ». Il existe aussi en karaté une compétition

kata (reproduction de formes gestuelles imposées, enchaînées qui représentent un combat

imaginaire contre plusieurs adversaires), individuelle et en équipe. « Les compétiteurs

exécutent un kata de la liste officielle au 1er et 2e tour et, s’ils le veulent au 3e tour, un kata

libre d’une école reconnue » (ibid.).

Enfin, on trouve aussi une dernière forme de compétition dite « karaté jutsu » qui se

déroule en trois titres distincts (masculin, féminin et mixte) concernant une seule catégorie

d’âge : juniors/seniors. « Elle consiste en l’exécution par couple de deux épreuves : une

expression technique d’une minute, créative (exclusivement à mains nues) et réaliste, suivie

d’une logique démonstration de combat à deux, de deux minutes. Une note technique est

attribuée selon les critères suivants : sensation générale, regard, kime (décision, impact,

puissance), stabilité, bonne attitude, contrôle de la respiration, technique et rythmes

pertinents, originalité et réalisme de la démonstration technique, appréciation et distance des

attaques, opportunité des contres, détermination, précision, variété des techniques et contrôle

pour l’application combat » (ibid.).

3.2.3. Définition du karaté en compétition

Le karaté enseigné en salle est une méthode de combat qui utilise d’une manière

scientifique et rationnelle les armes naturelles du corps : pieds, poings, coudes par exemple, le

but étant l’efficacité, ce qui signifie la mise hors de combat définitive de l’adversaire dans un

minimum de temps. Dans cette optique martiale, presque guerrière et qui nous ramène aux

origines du karaté que nous avons déjà développées, la compétition n’a été rendue possible

(après la fin de la seconde guerre mondiale) qu’en s’entourant de précautions afin d’éviter les

accidents. C’est ainsi que les attaques dangereuses (tranchant du revers de la main, coups de

coude) sont interdites. La compétition de karaté n’offre ainsi au public néophyte qu’une partie

du karaté, la seule face émergée de l’iceberg. Les compétitions officielles sont organisées par

la fédération, la ligue ou le comité départemental et inscrites au calendrier sportif de la

structure considérée. Il y a trois sortes de compétitions :

- la compétition de karaté kata, dans laquelle le compétiteur doit présenter un ou plusieurs

kata, ainsi que son application (bunkaï).

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- La compétition kumite, dans laquelle le compétiteur fait un ou plusieurs combats

réglementés.

- La compétition karaté jutsu, qui consiste en l’exécution par couple de deux épreuves : une

expression technique d’une minute, créative (exclusivement à mains nues) et réaliste,

suivie d’une logique démonstration de combat à deux de deux minutes.

3.3. Référence didactique : l’alliance du sportif et du martial

3.3.1. Réflexion épistémologique relative aux arts martiaux et aux sports de combat

A ce stade de l’analyse, en plein débat entre sport de combat et art martial dont le

karaté fait l’objet, qui constitue l’un des fils directeurs de notre recherche et qui va guider la

problématique didactique de l’enseignant, il convient d’effectuer une mise au point dans la

distinction entre sports de combat et arts martiaux, abordée par Y. Kerlirzin et G. Fouquet.

Selon eux, « si les arts martiaux font référence à toutes les situations de combat dans

lesquelles le combattant doit protéger sa vie, alors la définition des sports de combat ne peut

s'y appliquer » (Kerlirzin et Fouquet, 1996). En effet, les sports de combat définissent par leur

règlement sportif des actions autorisées et des actions interdites alors que les arts martiaux

préparent à des situations où tous les coups sont permis. Pour J.P. Clément, une activité

initialement « art martial » peut devenir « sport de combat » si elle entre dans un processus de

catégorisation de poids, comme c’est le cas du karaté, mais aussi du judo (Clément, 1984). On

ajoutera que l’euphémisation des armes utilisées par les combattants karatékas apparaît

comme un indicateur de cette mutation : tous les coups ne sont pas permis dans les

compétitions, où les coups de coude, de genoux, du tranchant de la main sont strictement

interdits, de même que ceux portés à l’endroit sensible de l’anatomie masculine ou tout

simplement au visage, sans contrôle de la touche.

Tout ce que nous venons de développer montre que c’est bien la finalité de la pratique

qui distingue les arts martiaux des sports de combat. « La pratique d’un art martial doit

préparer le combattant à préserver sa vie quelles que soient les circonstances, alors que la

pratique d’un sport de combat doit préparer le combattant à tirer le meilleur parti du règlement

pour gagner la compétition » (Cremieux et Audiffren, 1991).

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3.3.2. Définition du karaté do

Si le karaté est un sport de combat, le karaté do ne peut être défini que comme un art

martial ou encore un « art de combat » pour reprendre la terminologie originale de Crémieux

et Audiffren « plus large dans son acception que celui d’art martial et donc plus approprié

pour désigner les traditions guerrières de tous les peuples et groupes sociaux de la terre »

(op.cit). Etymologiquement, « karaté do » veut dire « la voie (do) de la main (te) vide

(kara) ». Il faut interpréter ceci de deux façons :

- main vide de toute arme, car le karaté est une méthode de combat à mains nues.

- Main vide de toute mauvaise intention, car cette méthode ne doit être utilisée que pour se

défendre, et non pour agresser.

C’est aussi ce qu’exprime, autrement, F. Morvan-Denègre, quand il dit « l’homme, face à

un environnement hostile, n’a qu’un moyen pour se battre, son propre corps, qu’il va devoir

éduquer pour en faire un instrument à utiliser en cas de danger extrême » (Morvan-Denègre,

1976). On notera que le dictionnaire nous donne spontanément une définition correspondante

à notre approche actuelle du karaté : « art martial japonais fondé sur l’éducation de la volonté

et la maîtrise physique ». En fait, le karaté d’Okinawa n’est pas seulement le fruit de deux

grandes traditions martiales, celles de la Chine et du Japon, mais aussi la manifestation de

l’esprit profond du peuple d’Okinawa : le stoïcisme paisible d’une nation dont l’île fut

perpétuellement occupée par de plus grandes puissances trouve son expression dans la théorie

et la pratique du karaté do. Dans cette optique, la notion de non-résistance et de non-intention

est ici centrale et renvoie à la naissance même des arts martiaux. Cette notion de main vide

(de toute arme et de toute mauvaise intention) permet de saisir l’identité culturelle de cette

pratique sociale de combat. La discipline d’un entraînement constant amène le karatéka à un

certain état de calme et de sagesse et la pratique des katas le rapproche de l’objectif ultime de

tous les arts martiaux : l’élévation de l’esprit et du caractère de celui qui pratique l’art. C’est

aussi la pensée de F. Didier, quand il écrit : « le karaté do est une des voies de pensée qui

amène l’homme à la recherche et à la réflexion. La pratique au-delà des limites, au-delà de la

souffrance fait prendre conscience à l’homme de la véritable voie qu’est la vie » (Didier,

1988).

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3.3.3. Les différents domaines du karaté do

La pratique du karaté présente plusieurs aspects qui sont en interdépendance totale les

uns des autres. Comme le soulignent G. Chemama et H. Herbin « c’est par le respect

rigoureux d’une recherche totale dans tous les domaines du karaté que le pratiquant pourra

estimer se situer dans la quête d’une certaine voie » (Chemama et Herbin, 1999). Nous

proposons dans ce chapitre de les détailler et de les expliquer afin de pouvoir montrer ensuite

comment leur combinaison permet un apprentissage réaliste, sans danger et efficace du karaté.

3.3.3.1. Le kihon : travail individuel imposé

Traditionnellement, le kihon s’exécute seul. Etymologiquement, « ki » désigne

l’énergie interne et « hon » de base. On emploie ce terme « pour désigner les formes

d’entraînement aux techniques de base d’un art martial avec une utilisation optimale de

l’énergie interne. Au sens général : répétition des techniques de base, entraînement

fondamental, en général dans le vide » (Habersetzer, 2000). Les adversaires sont donc

imaginés ou supposés. Cette forme de travail permet au pratiquant de découvrir et de

perfectionner les différentes techniques propres au karaté : les techniques de mains, de

jambes, les blocages…C’est essentiellement un travail de répétition. De ce fait, on peut le

comparer aux gammes et divers accords que répète un musicien.

3.3.3.2. Le kata : archives du karaté do

Le karaté possède un arsenal complet de techniques extrêmement efficaces de défense

et de contre-attaque, mais il dépasse largement le stade de l’autodéfense lorsque ces

techniques sont combinées en longs enchaînements de mouvements, les « katas ». Ces

séquences sont des suites de positions, d’esquives, de coups et de parades liés ensemble par

des actions plus complexes, pivotements, mouvements simultanés d’attaque et de défense,

projections et feintes. Etymologiquement, « kata » signifie forme, moule ou encore canevas. Il

« désigne dans les arts martiaux traditionnels une séquence de techniques dont le déroulement

reproduit un schéma de combat contre un ou plusieurs adversaires attaquant sous des angles

différents. L’élément central de la tradition dans les arts martiaux japonais, liant directement

ce qui est pratiqué aujourd’hui à ce qui le fut autrefois, techniquement et spirituellement, est

le kata ». (Habersetzer, 2000). Chaque kata a un nom particulier. Il en existe treize dans le

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style Goju-ryu et dix-huit dans le style Shorin ryu, et plus de soixante en Shito-ryu. Les katas

s’exécutent comme une chorégraphie. Chaque détail est enseigné au karatéka et les

enchaînements durent quelques minutes tout au plus. Une grande importance est accordée à la

perfection de l’exécution des moindres détails. La précision, l’équilibre, l’économie des

moyens et l’harmonie de la respiration, du corps et de l’esprit sont les objectifs de celui qui

exécute un kata. Ainsi l’exécutant ne fait face qu’à lui-même et le combat délivré est surtout

un combat contre soi-même. Comme le souligne Maître Nakahashi, « les kata sont la base du

karaté. Leur étude est le droit chemin dans le karaté pour améliorer son niveau » (Nakahashi,

1985). L’étude purement technique du kata n’est cependant pas suffisante. C’est un peu

comme si l’on connaissait un texte par cœur sans connaître le sens de ce texte. De la même

façon, il est nécessaire de connaître l’application du kata en situation de combat codifié, à

deux.

Le « bunkaï » est ainsi un travail d’interprétation d’une technique de combat associée

à l’expérimentation de son application pratique. Le « bunkaï kumite », aussi appelé « kata

kumite » est « l’exercice d’application de tout ou partie de mouvement extrait du kata, avec

partenaire. L’échange technique représente une phase de combat (kumite) mais les partenaires

respectent le canevas posé par le kata et cherchent donc à progresser ensemble dans la

compréhension de la forme. Le bunkaï kumite rejoint ainsi la famille des assauts

conventionnels, aux techniques et rôles pré-arrangés » (Habersetzer, 2000). Kata et kata-

kumite sont donc deux aspects indissociables de l’apprentissage et de l’enseignement du

karaté. Se pose alors le problème du combat libre (kumite), un autre des aspects du karaté,

situation à incertitude maximale. On peut se demander comment l’apprenant va faire la liaison

entre ce qu’il apprend dans le travail précédent et le combat libre… Une réponse est peut-être

dans l’alternative que nous proposons plus loin et qui est détaillée dans le document des

annexes à la thèse (cf. annexe 3). Dans cette acception de l’activité karaté, et sachant que nous

allons devoir la traiter d’un point de vue didactique dans le prochain chapitre, il nous

paraissait important de clarifier notre conception du karaté : la transposition didactique que

nous proposerons par la suite en est la résultante.

3.3.3.3. Les assauts conventionnels

Dans les yakusoku (conventionnels) kumite (assauts), on convient à l’avance du type

et du nombre d’attaque. Suivant la forme d’assaut travaillée, le défenseur a plus ou moins

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connaissance de ces facteurs. Ce sont des formes codifiées permettant une approche

rigoureuse et progressive du combat. G. Chemema et H. Herbin parlent « d’approche

technique » (Chemama et Herbin, 1999). Nous ne pourrons être que partiellement d’accord

avec cette définition car si l’on met effectivement en pratique un certain nombre de

techniques travaillées dans les contextes du kihon et du kata, la première finalité des assauts

conventionnels n’est pas technique mais stratégique et affective :

- stratégique, parce que le pratiquant va devoir adapter sa conduite à celle de son adversaire

et organiser sa défense.

- Affective, parce que « la présence réelle de l’adversaire introduit des éléments

émotionnels créant une implication personnelle plus importante » ; peur d’être blessé, de

perdre, dureté des contacts… » (ibid.). En cela, nous sommes entièrement d’accord avec

les auteurs. Ces derniers soulignent aussi que « ces formes vont se singulariser, chacune,

par une augmentation progressive du degré d’incertitude existant et permettant de

s’approcher graduellement et rationnellement de l’assaut totalement libre » (ibid.),

autrement dit le combat. Les incertitudes sur lesquelles on va pouvoir intervenir sont au

nombre de trois :

- l’arme (technique d’attaque utilisée).

- La cible (le niveau visé).

- Le rythme (dans le cas où il y a un enchaînement de plusieurs attaques, comme par

exemple en sambon Kumite).

Sont classés dans ces formes d’entraînement au combat : le kihon ippon kumite, ippon

kumite, sambon kumite et gohon kumite. Dans le kihon ippon kumite, tori et uke sont en

« yoï », en position d’attente. La situation est sans incertitude car uke a connaissance de

l’arme et de la cible. L’incertitude temporelle est minime car si tori déclenche son attaque

quand il le veut après l’avoir annoncée, il n’y a pas de notion de rythme, l’attaque étant

unique, et sur un pas. Dans la forme ippon kumite, les deux combattants sont en garde, et ils

peuvent se déplacer pour ajuster leur distance ou pour que tori crée une opportunité d’attaque.

Une incertitude spatiale vient donc d’emblée s’ajouter ici. On peut de plus faire varier cette

forme d’assaut et la complexifier en ajoutant une incertitude à uke : tori n’annonce par

exemple que la cible et il a tout le choix de l’attaque qu’il va porter. Nous parlerons dans ce

cas d’assaut non imposé, dans la mesure où soit l’arme soit la cible est laissée libre à

l’attaquant. Dans le sambon et le gohon kumite enfin, uke doit faire face, cette fois, à un

enchaînement de plusieurs attaques. Dans le cas du sambon kumite, tori enchaîne trois

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attaques et dans le cas du gohon kumite, il en enchaîne cinq. Tori n’étant plus limité à une

seule action, la notion de rythme va être ici prépondérante et donc constituer une incertitude

sur laquelle on va pouvoir jouer, en plus de celle de l’arme ou de la cible. Nous reviendrons

plus loin dans la perspective éducative à cette progression par la manipulation de l’incertitude

en assauts car elle représente à notre avis une option didactique intéressante à mettre en œuvre

pour l’enseignement du karaté en EPS.

3.3.3.4. Les assauts libres

Les assauts libres comprendront dans notre acception, et à partir de tout ce que nous

avons développé plus avant, toutes les formes d’assauts décrites dans lesquelles l’incertitude

est totale, c’est-à-dire que uke ne connaît ni l’arme que va utiliser tori, ni la cible visée.

Eventuellement, pour les assauts sur plusieurs pas, il ne connaîtra pas non plus le rythme que

va imposer tori dans l’enchaînement de ses attaques. Le combat libre ne pourra être compris

dans ces assauts libres car la différence fondamentale entre l’assaut et le combat réside encore

dans une incertitude : en effet, dans l’assaut il y a une notion de restriction du nombre

d’attaques alors que le combat est à ce niveau beaucoup plus incertain, les combattants n’étant

pas limités dans leurs enchaînements. Les différentes formes d’entraînement au combat que

nous avons décrites ne peuvent néanmoins pas être prises séparément, pour la simple raison

que l’entraînement en karaté ne le conçoit pas. Les différents domaines de la pratique sont liés

entre eux : le passage d’une forme à l’autre doit se faire dès les premiers instants de la

pratique afin que le pratiquant donne du sens à ce qu’il fait et règle les problèmes inhérents à

la pratique au fur et à mesure que ceux-ci se présentent à lui. Il est alors nécessaire d’étudier

maintenant ces liens inhérents aux différents domaines d’entraînement du karaté.

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3.3.4. Les relations entre les différents domaines d’entraînement du karaté

Le schéma suivant (schéma 3) propose de modéliser les interactions entre les

différents domaines de l’entraînement du karaté. Comme nous l’avons étudié, chaque

domaine permet d’acquérir un type de savoir, technique pour le kihon, esthétique pour le kata,

stratégique pour les assauts. Cette analyse des relations entre les différents domaines du karaté

va permettre aussi de mieux comprendre les liaisons qui peuvent s’établir entre les deux

références principales du karaté, sportive et martiale.

KIHON

Liaison pragmatique Liaison technique

(Efficacité) Karaté do (Reproduction de formes)

ASSAUTS KATA

Liaison heuristique

(Sens)

Schéma 3 : interactions des différents domaines de la pratique

3.3.4.1. Liaison kihon et kata

Le premier pont que nous allons détailler (cf. schéma 3) est peut-être celui qui paraît le

plus évident mais c’est aussi celui qui est le plus difficile à faire pour le pratiquant. En effet,

le kata impose tout, tandis que le kihon laisse libre cours à l’imagination. Il y a donc un

double écueil à éviter qui est celui de la pertinence et de la cohérence. Les enchaînements du

kihon doivent être cohérents dans la mesure où il est difficile de concevoir un enchaînement

dans ce domaine qui ne vise pas un objectif précis, comme la liaison attaque pieds-poings. Les

enchaînements du kihon doivent aussi être pertinents et envisager la présence imaginaire de

l’adversaire. Cela renvoie à la pertinence interne du kihon, et plus généralement du travail

dans le vide hors contexte. Des études ont en effet montré, notamment en volley ball,

l’inutilité du travail du smash sans adversaires pour réceptionner et contrer. Ainsi, lorsqu’on

prenait deux groupes tests qui pour l’un avait un entraînement à forte décontextualisation et

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pour l’autre un entraînement au smash avec présence systématique d’adversaires soit au

contre soit en réception, on s’apercevait que c’était finalement le deuxième groupe qui se

révélait le plus efficace dans cette partie du jeu (Recopé, 1996). On peut donc poser la

question de l’utilité du kihon en karaté, activité de combat où la non prise en compte de

l’adversaire va à l’encontre de la logique interne de l’activité. Sans vouloir polémiquer,

puisque ce n’est pas l’objet de cette étude, nous répondrons tout de même à cette question car

elle renvoie directement au sujet de notre partie. D’abord, il ne faut pas oublier que

traditionnellement, le karaté attache une importance à la perfection des techniques, garantes

de l’efficacité et en étroite relation à l’étude quasi-scientifique qui en est faite, notamment

d’un point de vue bio-mécanique et énergétique. Ensuite, c’est le lien que nous voulons établir

qui va donner un élément de réponse, en ce sens que le kihon va permettre d’isoler des parties

du kata pour les travailler de manière approfondie. Le kata est en effet constitué de multiples

enchaînements, différents d’un kata à l’autre. Il est intéressant à un moment donné de

l’entraînement, que se soit en apprentissage ou en perfectionnement, de séparer ces

enchaînements et de les travailler en kihon. C’est la raison pour laquelle nous avons défini le

lien qui unit le kihon et le kata de technique : le passage de l’un à l’autre se fait dans cette

optique de perfectionnement de la maîtrise de l’exécution.

3.3.4.2. Liaison kihon et assauts conventionnels (cf. schéma 3)

A l’inverse du point précédent, ce pont est celui que le pratiquant a peut-être le moins

de difficultés à envisager. En effet, la tradition de l’entraînement en karaté privilégie une

étude analytique des mouvements, qui sera donc faite en kihon, puis l’applique dans un travail

à deux. On passe donc d’un travail analytique à un travail d’application ou d’une situation très

fermée à une situation plus ouverte. Nous qualifions ce lien de pragmatique car il s’agit en fait

d’une véritable mise à l’épreuve des techniques apprises en kihon. Le pratiquant peut donc

vérifier si les techniques apprises hors contexte fonctionnent en contexte, soit en présence

d’un adversaire.

3.3.4.3. Liaison kata et assauts conventionnels (cf. schéma 3)

Le lien que nous voulons établir ici est un peu particulier par rapport aux autres dans la

mesure où il trouve sa justification dans une forme de travail qui fait partie intégrante du kata

et qui est le bunkaï. Comme nous l’avons déjà souligné, le bunkaï est l’application à deux

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d’une partie ou de tout le kata. En fait, si l’on part des différents enchaînements que l’on

trouve dans un kata et qu’on les isole pour les travailler un par un mais à deux, on retombe

dans un travail d’assauts conventionnels. La différence pour le pratiquant se situe au niveau

du sens qu’il va pouvoir donner à ce qu’il fait car dans le cas du bunkaï, il met à l’épreuve les

enchaînements du kata dans un but de compréhension. La notion de recherche est aussi

inhérente à cette forme de travail car il n’existe pas une application d’un enchaînement extrait

du kata, mais plusieurs. En effet, certains blocages peuvent servir à parer un coup, mais aussi

à se dégager d’une saisie ou encore attaquer dans l’attaque en cassant le membre dont se sert

l’attaquant. Nous qualifions ce lien d’heuristique car il met le pratiquant en position de

recherche de sens et d’explication. On est donc au-delà de la simple application des

techniques.

3.3.4.4. Implications dans la recherche

Il apparaît que les différents aspects de l’entraînement en karaté concourent à la

préparation physique et psychologique du combattant en vue de l’épreuve du combat libre. Si

cette logique est le plus souvent respectée en club, le travail reste néanmoins centré sur une

dominante technique et décontextualisée (exemple du travail en kihon). Cette longue partie

que nous venons d’expliciter sur les différents domaines d’entraînement du karaté permettra

au lecteur néophyte de comprendre le fonctionnement et le poids de la méthode traditionnelle

dont nous parlerons plus tard avec les enseignants que nous allons observer en cours. En effet,

il s’avère qu’un entraînement type commence par du kihon puis les pratiquants appliquent à

deux, dans le meilleur des cas. Ensuite peut suivre soit une phase de travail spécifique en

combat soit un travail spécifique en kata. Dans l’optique d’un enseignement du karaté en EPS,

cette conception de l’enseignement sera nécessairement modifiée dans la mesure où un travail

essentiellement technique ne peut être envisagé du fait même de l’insuffisance du nombre

d’heures de pratique dans un cycle d’EPS. Une dizaine d’heures ne sont en effet pas

suffisantes pour aborder la complexité et l’exigence technique de l’activité.

A ce stade de notre recherche, il nous semble utile de détailler quelques aspects de

l’enseignement du karaté en EPS, fruit de notre réflexion et de notre expérience, puisque nous

avons conduits des cycles à tous les niveaux de classe de l’enseignement secondaire, sans

compter notre participation à la formation continue des enseignants d’EPS. Nous sommes en

effet quelque peu contraints de livrer notre propre travail, dans la mesure où l’on va se rendre

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compte que les travaux existants sont très peu nombreux. Le karaté n’est que très peu

représenté en tant qu’activité inscrite dans les programmations d’EPS, et pour cause, puisqu’il

y a peu d’enseignants d’EPS spécialistes.

3.3.5. Présentation de travaux scientifiques et professionnels sur le karaté en rapport

avec la thèse

Ces travaux ne sont pas nombreux si on compare leur nombre à d’autres activités plus

largement pratiquées et/ou diffusées en EPS. Nous en avons trouvé peu dans le milieu

professionnel de l’EPS, mais par contre beaucoup plus dans des disciplines scientifiques

comme la physiologie ou la psychologie par exemple, où des karatékas étaient étudiés. Ceux

que nous allons présenter dans cette thèse sont ceux qui nous semblent pouvoir trouver une

utilité dans leur présentation. Par exemple, l’une de ces études scientifiques (Walker, 1975)

vise à expliquer l’intérêt de la rotation du poing à l’impact pour l’efficacité. Elle fait partie des

recherches que nous avons sélectionnées car il s’avère qu’effectivement, c’est un aspect qui a

été enseigné par les professeurs en EPS. Alain donne comme critère de réussite à ses élèves,

pour qu’une touche soit comptabilisée en combat, le retour du bras à la hanche et la rotation

du poignet. Afin de trouver quelques exemples de travaux scientifiques sur le karaté en EPS,

nous avons tout d’abord repris les actes des colloques JORRESCAM (JOurnées de Réflexion

et de REcherche sur les Sports de Combat et les Arts Martiaux), mais les travaux centrés sur

le karaté sont peu nombreux et quand ils ne concernent pas une activité de combat en

particulier (judo, boxe etc.), ils englobent les sports de combat. Par exemple, D. Bouthier

présente, dans sa « contribution des recherches didactiques en sport de combat » (Bouthier,

2000), une analyse des travaux récents en sports de combat, « réalisée à partir de l’étude des

concepts centraux de la didactique utilisées dans les résumés des communications et posters

présentés aux JORRESCAM de 1996. L’auteur montre alors qu’il est « possible de parler

d’une réelle présence et consistance de recherches didactiques » dans ce domaine.

3.3.5.1. Une étude sur le karaté en bio-mécanique

Nous avons ainsi trouvé dans les actes du colloque JORRESCAM de Poitiers (1996)

une communication de M. Audiffren, E. Baron et J. Cremieux, intitulé « le contrôle de la

frappe en boxe et en karaté » (Audiffren, Baron et Cremieux, 1996). Ce compte rendu

d’expérience tente de différencier la programmation de deux modalités d’exécution d’un coup

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de poing direct : la frappe puissante destinée à mettre l’adversaire hors de combat et la touche

contrôlée nécessitant un freinage volontaire important en fin de mouvement. Ces différentes

modalités d’exécution des frappes se retrouvent dans les sports de combat de percussion et en

karaté par exemple, les coups doivent être contrôlés pour ne pas blesser l’adversaire. A

l’inverse, en combat de boxe française ou anglaise, les coups sont portés avec puissance. On

retrouvera ces deux modalités bien qu’adaptées pour le milieu scolaire, chez deux des

enseignants que nous avons observés : Michel est en effet plus sur le registre de l’efficacité,

de la recherche de puissance dans les coups portés, et il utilise des protections de type gants

de boxe quand il fera combattre ses élèves, tandis qu’Alain est lui uniquement sur une touche

contrôlée, quelque soit la cible visée. Il n’utilise aucune protection pour ses élèves, comme

dans le karaté « originel », la pratique de combat.

3.3.5.2. Une étude sur le karaté en sociologie des pratiques

Dans un autre domaine de recherche, plus sociologique, P. Trabal et M. Augustini

traitent aux Vèmes JORRESCAM de Toulouse de « l’évolution de l’image du karaté sous

l’effet de sa pratique ». (Trabal et Augustini, 1998). Le but de cette étude est de déterminer à

partir de données statistiques issues de la Fédération Française de Karaté si le sexe ou l’age

fait varier l’image que les pratiquants ont du karaté. Comme nous avons nous-même recours

dans les études préliminaires à une enquête qui nous permet notamment d’avoir accès aux

références des enseignants d’EPS pratiquants ou pas de karaté, il est intéressant de savoir

grâce à cette étude que la dimension philosophique est la plus importante pour les pratiquants.

Puis viennent les définitions fondées sur le combat et le sport. Il sera alors intéressant de voir

si nous constatons les mêmes résultats chez nos enseignants interrogés, notamment ceux

pratiquants de karaté.

3.3.5.3. Une étude sur le karaté en histoire

H. Bittmann a fait une communication aux premier congrès mondial de combat arts

martiaux, intitulée : « the way of the empty hand-karatedo » (Bittmann, 2000) que l’on

traduira ainsi « la voie de la main vide-karatedo ». Cette étude vise à étudier le développement

historique du karaté, notamment en examinant l’évolution de ses différents noms au fur et à

mesure de son histoire. Nous examinerons en effet quant à nous dans une partie sur la

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référence historique du karaté qu’effectivement l’activité a évolué et que ses appellations ont

changé en fonction de ses influences culturelles.

3.3.5.4. Une étude sur le karaté en ethno-sociologie

Aux dernières JORRESCAM qui ont eu lieu à Tarbes, Bruce Neuffer présente une

« enquête auprès des karatékas essonniens : comparaison entre discours et pratique »,

(Neuffer, 2006). Le but de cette recherche est de comprendre le sens que les karatékas

assignent à leur discipline en comparant discours et pratique de terrain. L’étude vise à

approcher les différentes populations qui composent le paysage du karaté au sein de la Ligue

de l’Essonne. Il s’agit de mettre en relief l’existence d’éventuelles nouvelles cultures du

pratiquant à partir des éléments sur lesquels reposent les séquences d’entraînement et les

formes d’acquisition des techniques de combat. Ce travail nous permet de nous interroger sur

le sens que les pratiquants donnent à la pratique. Neuffer organise en effet le discours des

pratiquants (le philosophe, le sportif, le combattant, l’esthète et le convivial) et les résultats de

son étude montrent paradoxalement que les cours données sont identiques quel que soit ce

discours et ce « monde d’appartenance ». Bien que nous n’intervenions pas dans la même

institution, et que nous ayons pour notre part une méthode ascendante (nous partons de ce que

les enseignants enseignent et disent enseigner pour remonter à leur référence) les résultats de

cette étude sont intéressants car ils remettent en cause l’antinomie théorie-pratique : quelle

que soit la théorie annoncée, les cours sont identiques, sur le plan moteur. Cela nous interroge

aussi sur le poids de la méthode traditionnelle, que nous avons déjà évoqué, qui peut expliquer

l’impossibilité pour les enseignants de faire autre chose, même s’ils disent le contraire !

3.3.5.5. Une étude sur le karaté en physique

L’étude de Walker, réalisée en 1975 est un exemple de recherche en physique. Cet

auteur étudie deux points essentiels de l’atemi : l’énergie de déformation nécessaire pour

casser la cible et la force d’impact appliquée sur cette cible. Il explique ainsi entre autre la

chute de la vitesse à mi-déplacement et l’importance de la rotation du poing pendant la

technique. Sur ce dernier point, Walker explique que, selon les écoles, cette rotation a lieu

plus ou moins tôt durant la technique (Walker, 1975). En fait, il nous semble évident que le

travail est beaucoup facilité lorsque les os de l’avant-bras sont parallèles (poussée maximum).

Après la rotation, les os et les muscles se croisent, ce qui a pour conséquence de rigidifier

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l’avant-bras. Cette rotation n’amène pas un surcroît d’énergie mais, pendant la première partie

du geste, permet une rapidité plus importante et à la fin une solidification du bras. La rotation

la plus tardive semble ainsi la plus favorable. Cette étude est très intéressante car elle rend un

peu de crédibilité à beaucoup de croyances et de légendes qui circulent dans le monde du

karaté, dès que l’on parle de casse notamment. De plus, en expliquant d’un point de vue

scientifique pourquoi le coup de poing en karaté est plus efficace, elle donne du sens aux

techniques que l’on fait apprendre, ce qui peut être intéressant en milieu scolaire, où il faut

expliquer les processus aux élèves afin qu’ils ne s’attachent pas qu’aux résultats d’une

technique.

Nous allons maintenant nous attacher aux travaux qui concernent la didactique du

karaté et qui sont parus dans la revue EPS, revue professionnelle de la discipline.

3.3.5.6. Les travaux en didactique du karaté dans les revues professionnelles

Parmi ceux qui ont écrit sur la didactique du karaté, G. Ravier propose une « approche

pédagogique en collège » (Ravier, 1998) du karaté pour des enseignants non spécialistes. Son

option est certes très intéressante mais suppose tout de même une formation de base de

l’enseignant en karaté, au moins pour pouvoir corriger les erreurs des élèves et les guider de la

meilleure manière possible dans leurs apprentissages. De plus, ce même auteur propose, en

1999, de donner des repères pour intégrer dans l’enseignement les dimensions de contrôle et

de maîtrise de soi : « construire des situations en maîtrisant les risques » (Ravier, 1999). Cela

nous semble aussi un objectif très formateur pour l’élève mais qui nécessite le regard averti

d’un spécialiste.

Ensuite, nous avons une optique plus théorique du « karaté à l’école » avec J.F.

Thirion où l’auteur développe notamment trois niveaux « d’agir » en karaté (Thirion, 1990) :

l’état « d’agir avec » où se produit une fusion avec l’environnement. Puis l’état « d’agir

contre » où la relation dominant-dominé est favorisée. Enfin, l’état « laisser agir », synthèse

des deux précédents, où le pratiquant est à la fois « dans son centre » et ouvert sur l’extérieur,

état qui peut s’assimiler à la notion de non intention que nous avons déjà développée.

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Enfin, J. Defaud propose deux approches originales de l’apprentissage des principales

techniques de karaté « porter une attaque » et « savoir défendre » (Defaud, 1996 et 1997) et

détaille des situations pédagogiques simples et ludiques pour l’atteinte de ces deux

compétences essentielles en karaté.

Si l’on étudie la bibliographie du karaté, une grande majorité des ouvrages, français ou

étrangers, proposent des contenus techniques. En effet, les auteurs en restent souvent à décrire

les techniques d’attaque, de défense, ou se centrent sur des enchaînements de combat

(Nakayama, 1999 ; Sauvin, Gruss et Didier, 1993 ; Paschy, 1987 ; Satoru et Juille, 1977). Il

faudra attendre l’ouvrage de G. Chemama et H. Herbin, alors cadres au département

formation de la FFKAMA, pour qu’un ouvrage de didactique soit réalisé, avec « enseigner le

karaté » (Chemama et Herbin, 2000). En effet, dans cet ouvrage qui servira ensuite de

référence dans les formations de cadres fédéraux, les auteurs envisagent qu’être un bon

technicien ne suffit pas et qu’il faut savoir élaborer une progression rationnelle et l’adapter en

fonction des élèves et de leurs difficultés. Enfin, l’ouvrage écrit par N. Pallas et P. Llaves a

comme titre « dis, senseï, on joue ? » (Pallas et Llaves, 2002) qui résume à lui tout seul

l’option ludo-éducative prise dans ce livre. Il est en effet composé de plus de 60 jeux éducatifs

pour le karaté, classés en jeux « spécial techniques de bases », jeux « spécial combat », jeux

« spécial katas », destinés de ce fait au jeune public.

On peut donc s’apercevoir que les travaux existants sur lesquels se baser sont peu

nombreux, et ceux traitant de didactique du karaté en EPS sont tous empruntés d’ailleurs dans

la « Revue EPS », qui est une publication professionnelle. En tant qu’enseignant d’EPS,

pratiquant de karaté de longue date, nous avons écrit deux articles pour la Revue EPS, parus

en 2003 et 2007 en collaboration avec David Chaminade, professeur Agrégé d’EPS.

L’analyse que nous proposons en annexe 37 reprend pour une grande part le contenu de ces

deux articles, en prenant la précaution de dire qu’il n’a pas valeur de vérité, mais qu’elle est

l’une des références les plus abouties que nous avons construite pour l’enseignement du

karaté à l’école.

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3.4. Référence scolaire de l’APSA karaté

Après avoir identifié les différentes références en karaté, issus des analyses historique,

sportive et didactique de l’activité, nous proposons maintenant de montrer comment

l’enseignant peut construire son cycle à partir d’une situation mère (l’assaut imposé) qui va

servir pour la lecture des contenus transmis par nos enseignants collaborateurs. Il ne s’agit

pas, répétons-le, de donner quelque valeur prescriptive à ce qui va être développé plus loin,

sinon nous proposerions une méthodologie d’ingénierie didactique, mais de détailler une

entrée particulière, qui renvoie notamment à notre propre référence du karaté, ce qui nous

semble pertinent dans une démarche clinique. Le cycle proposé laisse de côté le travail du

kata car il impose à l’enseignant d’être spécialiste de l’activité, or nous voulons justement

permettre aux néophytes d’y accéder. La question didactique au centre de ce travail est de

concevoir des contenus d’enseignement tels que l’élève soit préparé à affronter l’imprévisible

de la situation de combat, à partir du moment où le karaté n’est plus considéré comme une

reproduction de formes (les katas) mais comme un sport d’opposition caractérisé par « la

contingence de l’épreuve » (Terrisse, 1996). Après une analyse des différents savoirs que les

programmes préconisent d’enseigner en EPS, nous inviterons le lecteur à consulter le

document des annexes à la thèse où est détaillée notre référence du karaté en EPS, centré

justement sur un savoir peu développé par les programmes qui privilégient les aspects

offensifs : le savoir « se défendre » (cf. annexe 37).

3.4.1. Analyse des textes officiels relatifs au combat en EPS

3.4.1.1. Programmes du cycle d’adaptation : classe de 6e

Avant d’envisager tout traitement didactique de l’activité, l’enseignant doit procéder

à l’analyse des textes que l’on peut qualifier de référence institutionnelle. Même si les

enseignants que nous avons observés n’ont pas fait d’enseignement en classe de sixième, mais

en quatrième, troisième et en classe de BEP de lycée professionnel, nous ne pouvons pas

présenter que ces textes, en occultant les autres, car il nous semble important que l’on puisse

avoir la logique d’ensemble du législateur. Ainsi, en EPS, les activités sont regroupées dans

des familles d’activités ou groupements qui rassemblent des APSA qui présentent des

similitudes importantes, des logiques semblables. Aussi le karaté pourrait appartenir au

groupement des « activités physiques de combat » dans les différents textes

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d’accompagnement des programmes, avec la lutte et la boxe française. Nous sommes en

présence d’un vide institutionnel en ce qui concerne le karaté en EPS au regard des textes

officiels puisque l’activité n’est pas évoquée dans les programmes. Certes, ce fait n’est pas

l’apanage du karaté, il y a bien d’autres APSA qui ne sont pas représentées textuellement dans

les programmes. La seule solution est de se référer aux compétences propres au groupement

des activités physiques de combat qui figurent en introduction du dossier d’accompagnement

des programmes du collège, édité par le Ministère de l’Education Nationale (MEN, 1997). Ce

vide institutionnel peut en outre être considéré comme un espace de liberté puisqu’il n’est pas

dit non plus qu’il ne faut pas enseigner les activités qui ne sont pas au programme. En fait, les

compétences propres au groupement et les compétences générales peuvent être transposées

aux autres activités du groupement, non évoquées. Ces principaux savoirs à enseigner sont

ainsi énoncés : « la programmation des activités physiques de combat en milieu scolaire a

pour objet de permettre à l’élève :

- de développer des techniques spécifiques.

- De renforcer la confiance en soi et la volonté de vaincre dans le respect de l’éthique du

combat.

- De maîtriser les facteurs émotionnels.

- De construire des projets d’action et de les adapter aux variations du rapport de force »

(ibid.).

Nous retrouvons dans cette introduction des compétences suffisamment propres au

groupe et générales pour être appliquées au karaté. Trois types de savoirs se dégagent, le

savoir technique, le savoir éthique et le savoir stratégique, notamment à travers l’élaboration

de projets d’actions qui peuvent être compris comme des stratégies à construire avant le

combat. Une définition du « savoir combattre », même si elle peut être considérée comme très

large est même proposée pour la classe de 6e : « c’est en toute sécurité, accepter la

confrontation physique et développer une attitude offensive et contrôlée ». Pour le niveau de

classe auquel cela s’adresse cet objectif est tout à fait justifié par ailleurs, même si l’on peut

regretter une volonté affirmée par le législateur de développer une « attitude offensive », au

lieu de rentrer dans l’activité selon le principe fondateur des arts martiaux, de privilégier une

attitude défensive, qui n’est certes pas celui des sports de combat comme la Boxe Française

Savate prise en exemple dans les textes et qui est effectivement plus proche d’un point de vue

culturel des valeurs véhiculées par l’Ecole de la République, que le karaté, en tant qu’art

martial.

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Enfin, dans la dernière partie consacrée à l’ouverture vers les compétences

générales, on lit : « les situations vécues par l’élève le poussent à exprimer sa volonté de

vaincre tout en lui imposant des rituels et des règles partagées par ceux qui, comme lui,

poursuivent le même objectif. […] L’apprentissage du combat s’inscrit et contribue de la sorte

à la connaissance qu’acquiert l’élève de 6e des principes de la citoyenneté ». Cet extrait, qui

clôt le programme de 6e, présente différents savoirs comme le savoir éthique avec certaines

valeurs mises en avant comme « la volonté de vaincre », le savoir réglementaire (les règles de

l’activité) et le savoir culturel avec la connaissance et l’utilisation des rituels. L’enseignant

d’EPS doit aussi transmettre un savoir « citoyen » évoqué comme « les principes de la

citoyenneté ». Ce savoir particulier qui fait référence aux notions de droit et de devoir se

retrouve pour partie dans les règles de l’affrontement qui définissent ce que le karateka a le

droit de faire et ce qui lui est interdit, mais il renvoie aussi aux rituels que l’on peut assimiler

à des devoirs quand on vient pratiquer l’activité karaté : le respect du lieu d’entraînement avec

le salut à l’entrée du dojo, le respect du professeur avec le salut en début et en fin de cours, le

respect du partenaire ou de l’adversaire avec le salut avant et après le combat.

Nous avons donc constaté la présence de différents savoirs dès le programme de 6e.

Savoir technique et stratégique sont ici au service de la découverte d’une activité physique : le

karaté. Mais le professeur d’EPS doit aussi transmettre d’autres savoirs comme le savoir

éthique, le savoir réglementaire, le savoir culturel et le savoir citoyen qui renvoient plus à la

découverte de l’art martial.

3.4.1.2. Programme du cycle central : classes de 5e et 4e

L’objectif de ce second niveau qui s’adresse aux classes de 5e et 4e (la 4e étant le

niveau de classe observé Giovanni) doit permettre à l’élève de « construire l’offensive »

(MEN, 1997). Tout doit contribuer « à un enrichissement des possibilités techniques et

tactiques en situation de combat ». L’enseignant doit donc enseigner les moyens techniques

pour que l’élève puisse « varier ses attaques » et « enchaîner ses attaques selon la réaction de

l’adversaire ». Ce sont deux compétences propres sont à développer « afin de poursuivre

l’offensive ». Si le savoir technique et le savoir stratégique s’organisent et s’enrichissent au

service de l’offensive, on regrettera que ces textes soient orientés vers le sport de combat, et

non vers l’art martial qui lui s’organise au service de la défense. Quoi qu’il en soit, ils

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101

demandent à l’élève de trouver une réponse tactique dans le combat. Le véritable savoir

stratégique, celui qui correspond à la planification de l’action, apparaît avec la construction de

projets d’action : « l’adaptation de projets d’action fondés sur l’identification et l’analyse des

points forts et des points faibles de l’adversaire ». Le programme de ce cycle insiste sur la

transmission de savoirs techniques et stratégiques, mais on n’observe plus de référence aux

autres savoirs, ce qui laisse sous-entendre que ceux-ci sont déjà bien intégrés par les élèves et

qu’ils ne sont plus à transmettre à ce niveau de classe, ce qui pratiquement est une démarche

un peu rapide de la part du législateur.

3.4.1.3. Programme du cycle d’orientation : classe de 3e

Il est possible d’identifier certains savoirs dans l’introduction à ces programmes

portant sur la discipline EPS en classe de troisième (observé avec l’étude de cas Alain). En

effet, l’EPS doit développer chez l’élève en 3e « une éducation à la maîtrise de soi et à la

civilité ». Elle doit également contribuer à « l’éducation à la citoyenneté ». Elle doit aussi

permettre à l’élève « d’acquérir le goût de la pratique sportive, le sens de l’effort et le plaisir

d’agir ». Autant de valeurs que le professeur d’EPS doit transmettre à ses élèves, mais nous

sommes là sur des compétences très générales qui pourraient être développées dans toutes les

activités, comme aussi « le savoir s’échauffer » qui est présent. Plus spécifiquement, le

professeur doit transmettre un savoir éthique : « à travers les activités physiques de combat, le

professeur doit valoriser une éthique qui met l’accent sur le respect des lieux et des

personnes ». Ceci s’inscrit effectivement dans une culture du combat « qui privilégie la

maîtrise de soi et fait obstacle aux comportements impulsifs et à la violence ». La notion de

projet d’action qui renvoie au savoir stratégique est très explicite et se complète par

l’apparition du : « projet tactique élaboré à partir de l’observation et de la connaissance

qu’acquiert l’élève de ses possibilités offensives et défensives et de celles de ses

adversaires ». De plus, la transmission du savoir stratégique se poursuit avec l’enseignement

« des actions combinées ». Une autre forme de savoir apparaît également quand on lit que

l’élève doit être capable « d’éprouver sa connaissance de l’activité dans la tenue de différents

rôles sociaux (combattant, arbitre, juge) ». Il est fait référence ici au savoir combattre, mais

aussi aux savoirs réglementaires. Le professeur doit enseigner les règles de l’activité, mais il

doit aussi donner à l’élève les moyens de pouvoir arbitrer ou juger un combat.

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102

3.4.1.4. Programmes de lycées : classe observée avec l’enseignant Michel (première

année de BEP maintenance cyclo-moto, lycée professionnel)

Les programmes de lycées (MEN, 2001) distinguent chacune des activités lutte et

judo. Au niveau des activités de combat de percussion l’activité mentionnée qui se rapproche

le plus du karaté sera la boxe française, qui utilise les poings et les pieds. Pour autant, judo et

karaté étant tous deux des arts martiaux, nous sommes tentés de nous référer à cette activité,

au moins en ce qui concerne les compétences propres au groupe et les compétences générales.

Ainsi, il est clairement spécifié que les valeurs éducatives du judo doivent faire l’objet d’une

transmission dans le cadre du lycée : « le respect de l’adversaire et le contrôle de soi

favorisent l’expression de la volonté de vaincre dans un cadre délimité par une règle partagée

et renforcent l’importance accordée aux valeurs de l’effort, de courage et de discipline ».

Cette référence éthique et réglementaire s’applique de la même manière au karaté, les deux

activités étant globalement identiques dans les valeurs morales à transmettre. On notera

particulièrement dans ces programmes qu’en complémentarité de la dimension compétitive, le

professeur peut choisir d’enseigner « l’aspect utilitaire », lié à la self défense. En judo, le

professeur enseignera alors de techniques de ju jitsu et en karaté de karaté jutsu. Ce savoir

pourra alors, à l’instar du « savoir combattre », se définir comme « le savoir se défendre ». En

classe de première et de terminale, on notera que les évolutions se poursuivent dans la suite du

programme de seconde avec un enrichissement technique par l’acquisition de nouvelles

formes de corps et un approfondissement du savoir stratégique pour viser une efficacité

supérieure. Pour les élèves qui auraient suivi plusieurs cycles de judo (ou de karaté), le

professeur doit aider l’élève à « construire un système d’attaque individualisé ». On peut par

exemple l’assimiler à l’attaque « spéciale » que le combattant maîtrise le mieux en terme de

placement, vitesse et précision et qu’il va tenter d’utiliser lors du combat.

3.4.1.5. Bilan des savoirs à enseigner en combat dans les programmes d’EPS

Les différents programmes de l’EPS, tant au collège qu’au lycée, invitent fortement le

professeur à enseigner (selon la taxonomie des savoirs en judo développée par Margnes,

2002) :

- des savoirs techniques avec l’apprentissage de formes de corps et de règles d’actions

de plus en plus complexes.

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103

- Des savoirs stratégiques sous forme de projets d’action, de projets tactiques et de

principes d’action stratégiques.

- Des savoirs sécuritaires comme par exemple en karaté le « savoir contrôler » afin de ne

pas blesser son partenaire (travail en touches et non en frappes).

- Des savoirs réglementaires avec la connaissance des règles spécifiques du karaté,

notamment en compétition kumite, soit combat.

- Des savoirs éthiques avec l’enseignement de valeurs comme l’effort, le courage, le

respect, la confiance en soi, l’humilité, ainsi que les rituels, comme le salut par

exemple.

En définitive, l’éclectisme de la référence scolaire en karaté laisse beaucoup de

possibilités aux enseignants dans leurs choix de savoirs à enseigner et il sera intéressant

d’étudier par la suite si ceux que nous étudions vont investir ces « vides » institutionnels ou

vont au contraire tout faire pour se rapprocher du peu que leur donnent les textes officiels en

EPS.

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DEUXIEME PARTIE

ETUDES PRELIMINAIRES

ET

OPTIONS

METHODOLOGIQUES

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Introduction : rappel de la première partie et des questions de

recherche

Notre première partie a notamment visé à montrer que nous sommes en présence d’un

karaté pluriel. Les références, elles aussi, vont être multiples et empreintes d’une part de

l’expertise de pratiquant, d’autre part de l’expérience d’enseignant et enfin de ses conceptions

de l’activité à enseigner. Ces trois influences, qui vont orienter la référence enseignante, sont

déjà de nature différente : il faut en effet différencier ce qui est de l’ordre de la conception de

l’activité karaté et ce qui est de l’ordre de la conception de l’enseignement du karaté. Notre

objet de recherche se centre alors sur la recherche de traces de la référence de l’enseignant,

que nous allons extraire par l’analyse des écarts entre le savoir à enseigner (SAE), le savoir

réellement enseigné (SRE) ; le savoir à évaluer (SAEV) ; le savoir réellement évalué (SREV).

Cette quête des rapports en terme d’écarts entre SAE et SRE, entre SAEV et SREV, entre

enfin SRE et SREV nous amène à notre question de recherche suivante : en quoi une

pratique enseignante renvoie-t-elle à une référence, et laquelle ? Dans cette optique, nous

posons comme hypothèse que l’analyse des écarts entre les différents savoirs va nous

permettre d’identifier différents aspects de la référence enseignante. Ce travail se situe dans le

champ de la didactique clinique, qui articule des options théoriques spécifiques : la

transposition didactique, la question des savoirs, le rapport aux savoirs, le concept de

référence et une théorie du sujet. Parallèlement, nous avons fait état de la première question

de recherche qui énonce un paradoxe. L’histoire et l’évolution de l’activité ont montré que le

karaté est singulièrement pluriel. Pour autant, la méthode traditionnelle représente le seul

mode de transmission de l’activité, en club en tous cas. Ce paradoxe nous a alors invité à

poser plusieurs questions de recherche : quels choix les enseignants d’EPS, spécialistes en

didactique des APSA, vont effectuer pour l’enseignement du karaté en EPS ? Autrement dit,

comment les professeurs vont-ils gérer cette pluralité du karaté ? Vont-ils la reproduire dans

leur enseignement ? Vont-ils reproduire la méthode traditionnelle très techno-centrée et qui

repose sur une procédure d’enseignement du modèle du maître qui a la connaissance ou vont-

ils au contraire faire des choix didactiques différents et prendre de la distance par rapport à

celle-ci, quitte à dénaturer la pratique de référence ? A quelles références cet enseignement du

karaté va-t-il renvoyer dans chaque cas ?

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Nous proposons maintenant de présenter le cadre méthodologique de notre recherche, qui

va permettre de donner des réponses à ces questions grâce aux résultats que nous allons

produire à partir du recueil et du traitement des données récoltées et traitées.

1. L’enquête préliminaire

1.1. Présentation et objet du questionnaire préliminaire

Afin d’analyser préalablement les références de la profession, d’étudier l’enseignement

usuel du karaté en milieu scolaire, de situer les « profils didactiques » des enseignants

collaborateurs, nous avons recours à un questionnaire d’enquête préliminaire. Ce

questionnaire (cf. annexe 1) a été envoyé par courrier électronique à tous les enseignants

d’EPS de l’Académie de Toulouse. Son objectif est double :

- pouvoir faire un état des lieux des références qui émergent des réponses aux questions

que nous leur posons. Nous aurons ainsi une première approche des déjà-là

conceptuel, expérientiel et intentionnel des enseignants pratiquants de karaté, du déjà-

là conceptuel des enseignants non pratiquants (qui n’ont par définition ni expérience ni

intention d’enseigner cette activité en EPS, mais qui en ont quand même une

conception sans la connaître en tant que pratiquant).

- Identifier des enseignants d’EPS pratiquants de karaté, qui pourront le cas échéant

participer à notre recherche en incluant à leur programmation d’activité en EPS un

cycle karaté que nous pourrions observer.

1.2. Analyse descriptive du questionnaire

Nous allons maintenant détailler les dix questions qui composent le questionnaire,

pour faire émerger les renseignements que nous souhaitons pouvoir exploiter par la suite :

1. « Etes-vous ou avez-vous été pratiquant de karaté do ? »

- La première question vise à savoir si l’enseignant est pratiquant ou pas de karaté. Lors

du dépouillement, cela permet de distinguer d’emblée deux catégories, l’une de non

pratiquants de karaté, l’autre de pratiquants.

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2. « Si OUI, combien d’années de pratique et quel grade avez-vous atteint ? »

- La deuxième question vise à connaître l’expertise éventuelle de l’enseignant en karaté,

car on lui demande notamment quel grade il a atteint.

3. « Avez-vous déjà programmé un cycle karaté en EPS et si oui avec quel(s) niveau(x) de classe(s) ? »

- La troisième question permet de savoir si l’enseignant pratiquant a déjà enseigné

l’activité karaté en EPS.

4. « Si vous êtes ou avez été pratiquant, pouvez-vous expliquer pourquoi vous n’avez jamais enseigné le karaté en EPS ? »

- La quatrième question cherche à interroger l’enseignant pratiquant sur les raisons qui

font qu’il n’a jamais enseigné le karaté en EPS, et ce, malgré sa compétence.

5. « Si vous n’êtes pas pratiquant, pouvez-vous expliquer ce qui vous a motivé à enseigner le karaté et comment vous vous y êtes pris ? »

- Pour la cinquième question, nous avons envisagé le cas contraire au précédent, celui

où l’enseignant est non pratiquant de karaté, mais a tout de même enseigné l’activité

en EPS, par le biais notamment d’une formation continue dans l’activité pour laquelle

nous avions d’ailleurs été missionné par la cellule du Rectorat de Toulouse en 2004-

2005. Nous savons que cela se fait, aussi, dans l’Académie de Limoges.

6. « Si vous enseignez le karaté en milieu scolaire, quelles sont vos références ? »

- La sixième question renvoie à la référence que peut énoncer l’enseignant pratiquant ;

en fonction de sa pratique personnelle, son expertise, son expérience en compétition et

du style de karaté pratiqué. La référence peut être sportive, historique, didactique, ou

encore scolaire, comme nous l’avons catégorisé dans la première partie de la thèse.

Néanmoins, nous n’aurons là qu’une tendance de la référence de l’enseignant, et

encore, celle qu’il consent à annoncer.

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7. « Pouvez-vous décrire sommairement : - l’entrée dans l’activité (entrée par le travail des katas, par le combat, entrée technique ?) : - la situation de référence : - l’évaluation mise en place : »

- La septième question cherche alors à faire émerger l’entrée dans l’activité que pourrait

opérer l’enseignant pratiquant, la situation de référence et l’évaluation mise en place.

8. « Pour vous, qu’est-ce que le karaté ? »

- La huitième est une question qui s’adresse à tous les enseignants, sur leur conception

de l’activité. Comme ce questionnaire a été envoyé par mailing à tous les enseignants

d’EPS de l’Académie de Toulouse, nous avions précisé cela dans le mail même, de

manière à ce qu’ils prennent la peine de répondre aux questions 8 et 9, même s’ils

étaient néophytes en karaté.

9. « Quels sont (ou seraient) selon vous les contenus à privilégier pour enseigner cette activité en milieu scolaire ? »

- La neuvième question engage l’enseignant à réfléchir sur les savoirs à privilégier pour

l’enseignement de l’activité karaté en milieu scolaire, et ce donc, même s’il n’est pas

pratiquant.

10. « Si vous enseignez déjà le karaté dans votre établissement ou si vous avez le projet de le faire, pouvez-vous me laisser des coordonnées où vous joindre ( mail, téléphone…) car je serai intéressé par un travail de collaboration avec vous (entretien, observation de séances par exemple) ».

- Enfin, la dixième et dernière question invite l’enseignant à laisser ses coordonnées s’il

le souhaite dans le but d’être contacté par le chercheur en vue d’une collaboration

ultérieure.

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Une fois les réponses recueillies, deux catégories sont apparues à la lecture des

réponses à la première question : les enseignants d’EPS non pratiquants de karaté (qui

répondent « non » à cette question) et ceux pratiquants (qui répondent « oui »).

1.3. Résultats de l’analyse de l’enquête préliminaire

Nous avons récupéré 112 réponses aux questionnaires dont 103 sont exploitables en ce

sens que les enseignants, même néophytes dans l’activité, ont fait l’effort d’essayer de

délivrer leur conception de l’activité et d’apporter des réponses quand on les interroge

notamment sur la définition de l’activité (question numéro 8) et sur les savoirs qui seraient à

privilégier en EPS (question numéro 9). En tout état de cause, nous avons 103 réponses de

non pratiquants et 9 de pratiquants. Nous nous proposons alors d’analyser ces questionnaires

en deux groupes, le premier que nous appellerons « non pratiquants » et le second

« pratiquants ». Le groupe « non pratiquants » va en effet nous permettre d’analyser les

références d’un panel important d’enseignants d’EPS sur l’activité karaté. Le groupe

« pratiquants » va nous permettre de répertorier des informations de deux ordres :

- d’une part de les situer les uns par rapport aux autres en ne tenant compte que de leurs

réponses à l’enquête préliminaire, en terme de référence du karaté et des savoirs à

enseigner.

- D’autre part de trouver des enseignants d’EPS pratiquants de karaté volontaires pour

collaborer à notre recherche en acceptant d’être observés et interviewés au cours d’un

cycle de karaté en EPS.

1.3.1. Traitement des données recueillies dans les questionnaires enseignants : non

pratiquants de karaté

Les enseignants (103) qui ont répondu « non » à la première question, parce qu’ils ne

sont pas pratiquants de karaté, ne répondent pas à la deuxième question sur leur expérience de

l’activité, répondent encore « non » à la troisième question puisqu’aucun n’a programmé de

cycle karaté en EPS et ne répondent pas aux questions quatre à sept, ni à la dixième et

dernière qui ne concernent en effet que les pratiquants. Cette catégorie de non pratiquants ne

répond donc qu’aux questions 8 et 9, concernant leur conception de l’activité et les savoirs à

privilégier selon eux en EPS. Nous avons alors procédé à une analyse quantitative en

répertoriant toutes les réponses données à ces deux questions, en comptant pour chaque

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111

occurrence le nombre de fois qu’il était cité. Successivement, les tableaux 11 et 13 présentent

une synthèse des réponses proposées par les 103 enseignants non pratiquants. Suivra ensuite

une analyse des mêmes réponses des enseignants pratiquants de karaté (9). Pour une meilleure

lisibilité, nous avons choisi de classer ces occurrences en reprenant la taxonomie des

références qui nous sert dans la partie « connaissance de l’activité », à savoir les références

historiques, sportives, didactiques, et scolaires. Ainsi, les occurrences que nous avons

repérées dans les réponses des enseignants ont été classées dans les différentes rubriques

« références » (cf. tableau 11). Par exemple, le terme art martial, que l’enseignant peut utiliser

pour répondre à la demande de définition de l’activité renvoie comme nous l’avons vu dans la

première partie à la référence historique du karaté. De la même manière, si l’enseignant parle

du karaté comme d’un sport de combat ou comme d’une boxe, cela renvoie à une référence

sportive ou autrement dit compétitive de l’activité. Là où la classification devient plus

difficile à faire, c’est pour la référence scolaire et didactique. Nous avons défini la référence

didactique comme le karaté tel qu’il est enseigné en club, il peut autant revêtir les aspects

sportifs que martiaux, mais les termes doivent avoir une connotation pédagogique, didactique,

soit alors relative à l’enseignement de l’activité en club, au développement des différentes

ressources du sujet. C’est ainsi que l’on trouvera dans cette référence didactique des termes

comme « utilisation des pieds et des poings », « vitesse », « souplesse », « maîtrise de soi ».

Enfin, les termes que l’on classe dans la référence scolaire renvoient à une définition du

karaté en tant « qu’activité », en relation avec les APSA. Par exemple, le karaté définit en tant

qu’ « activité duelle d’opposition » rentre dans cette référence scolaire.

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112

1.3.1.1. Recueil et traitement des réponses relatives à la question 8 du questionnaire

préliminaire : « pour vous, qu’est-ce que le karaté ? »

Le tableau suivant, (tableau 11) répertorie les références énoncées par les enseignants

d’EPS non pratiquants de karaté à la question 8 du questionnaire préliminaire. Nous avons

repris la classification des références telle que nous l’avons développée dans la première

partie de la thèse, à savoir :

- les références historiques qui regroupent les termes renvoyant aux aspects martiaux de

l’activité, c’est-à-dire à l’histoire du karaté en tant qu’art martial, art de combat à

mains nues dans une optique défensive et guerrière.

- Les références sportives qui renvoient à l’évolution moderne du karaté en compétition,

au karaté en tant que sport de combat de contact.

- Les références didactiques où l’on envisage le karaté tel qu’il est enseigné en club et

l’on inclut tous les termes qui renvoient à ses aspects éthiques, techniques,

stratégiques et physiques.

- Les références scolaires, enfin, qui envisagent l’enseignement du karaté à l’école, par

exemple la définition du karaté en tant qu’APSA propre au champ scolaire de l’EPS.

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113

REPONSES ENONCEES DE LA CONCEPTION DU KARATE (x fois) Référence historique

(34 réponses) Référence sportive

(85 réponses) Référence didactique

(122 réponses) Référence scolaire

(23 réponses) Art martial (16) Sport de combat (42) Maîtrise de soi (23) Activité de combat (16) Duel (7) Sport de percussion (16) Utilisation des pieds et

des poings (18) Activité de production de formes / esthétique (7)

Art de vivre / philosophie (3)

Sport de combat de contact (9)

Opposition avec contrôle (12)

Art de combat (2) Sport de combat sans contact (7)

Respect de l’adversaire (8)

Mettre hors d’état de nuire (2)

Opposition de 2 adversaires (3)

Souplesse (8)

Self défense (2) Spectacle (3) Vitesse (6) Kung Fu / Bruce Lee (2)

Sport d’attaque (2) Connaissance de soi / de son corps (5)

Boxe française sans gants (1)

Force (4)

Casse (1) Maîtrise de ses émotions (3)

Violence (1) Combat imaginaire (3) Principe attaque défense

(3)

Prise d’information rapide (3)

Précision (3) Combat et kata (2) Cibles et armes (2) Technique et tactique

(2)

Techniques précises (2) Simulation des coups

(2)

Multiplicité des coups (2)

Respect des valeurs/de l’éthique (2)

Réflexes (2) Vivacité (2) Gestion des énergies (1) Forte implication

physique (1)

Discipline (1) Rigueur (1) Anticipation (1)

Tableau 11 : compilation des réponses énoncées par les enseignants d’EPS non pratiquants à la

question 8 du questionnaire préliminaire

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D’un point de vue quantitatif, il apparaît nettement une forte disproportion du tableau

quant au taux de remplissage des colonnes. Il est intéressant de noter que les colonnes les plus

représentées sont celles de la référence didactique (27 lignes d’occurrences, 122 réponses),

puis celle de la référence sportive (10 lignes d’occurrences, 85 réponses). D’une certaine

manière, on peut trouver cela logique car ce sont des enseignants d’EPS qui ont renseigné ce

questionnaire, mais il ne faut pas omettre que nous nous attachons là aux réponses des non

pratiquants de karaté. Malgré cela, ils produisent des références sur l’activité qui se révèlent

justes et variées. Plus précisément, la lecture de ce tableau montre que :

- le terme qui revient le plus souvent est « sport de combat » avec 42 citations sur 264

au total (cf. tableau 11). Si l’on retient les items où le terme sport est cité, on obtient

76 citations, tandis que l’on a seulement 23 citations comportant le terme « activité »

et 18 « art ». On peut donc dire qu’une plus forte proportion des réponses définit le

karaté comme un sport compétitif plutôt que comme un art martial, ce qui est assez

paradoxal dans la mesure où les compétitions ne sont pas très médiatisées. Nous

noterons 23 répétitions de l’occurrence « maîtrise de soi » et 12 répétitions d’

« opposition avec contrôle » qui sont effectivement des compétences spécifiques au

karaté, compte tenu de sa dangerosité, comme nous l’avons déjà souligné dans la

partie traitant de la connaissance de l’activité.

- Dans la colonne « référence didactique », l’ occurrence la plus citée (18 fois) après la

maîtrise de soi concerne « l’utilisation des pieds et des poings ». C’est en effet une

autre des particularités du karaté que de permettre d’envisager la percussion pieds et

poings, ce qui est tout de même réducteur puisqu’en fait toutes les armes naturelles du

corps sont utilisées, ce qui constitue la spécificité du karaté par rapport à la boxe

française par exemple, où les armes sont beaucoup plus restreintes. On notera dans

cette colonne que les occurrences les plus citées ne concernent pas les savoirs

stratégiques. Le « principe attaque défense », cité 3 fois, ou « la prise d’information

rapide » arrivent bien après des savoirs sécuritaires (« opposition avec contrôle » cité

12 fois et « respect de l’adversaire » cité 8 fois). Ceci est très intéressant car même si

les enseignants ne sont pas pratiquants et n’ont pas non plus d’expérience

d’enseignement du karaté, ils sont sensibles aux savoirs sécuritaires. On peut aussi

penser qu’ils ont pu être initiés dans d’autres activités de combat, comme la boxe par

exemple et ont de ce fait déjà réfléchi à ces considérations sécuritaires. Ils peuvent

avoir peur que l’activité karaté en EPS soit accidentogène. Le premier savoir

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115

stratégique, « principe attaque défense » n’est cité que 3 fois, ce qui laisse à penser

que l’activité n’est pas considérée en premier lieu comme une activité de combat.

- Les réponses relatives à la « référence sportive » des enseignants sélectionnés révèlent

une conception juste du karaté en tant que « sport de combat », cité 42 fois. 16

enseignants précisent aussi que c’est un « sport de percussion », contrairement au judo

par exemple qui est un sport de combat de préhension. Ensuite, 9 réponses évoquent le

« contact » dans ce sport, 7 précisent que c’est un « sport de combat sans contact », ce

qui est dans l’ensemble vrai dans les deux cas puisque le karaté est effectivement

pratiqué en contrôle des touches, qui est partielle au corps et totale au visage pour des

raisons évidentes de respect de l’intégrité physique et de sécurité.

- Les réponses relatives à la référence historique de l’activité mettent en exergue

l’aspect « martial » du karaté cité 16 fois, ainsi que son côté artistique, avec l’item

« art de combat » cité 2 fois. Le karaté est donc bien considéré pour une part des

enseignants comme un art. On peut être quelque peu surpris par ce dernier résultat car

le karaté, comme beaucoup d’arts martiaux, peut en effet être considéré comme un

sport complet qui s’adresse à la personnalité entière de l’individu, et développe les

ressources physiques, psychologiques, énergétiques, et affectives. Cette référence

historique du karaté n’est alors que très peu développée par les enseignants. Cela peut

s’expliquer par le fait qu’ils se projettent dans l’optique de son enseignement en EPS,

un cycle d’une dizaine d’heure ne laissant effectivement pas assez de temps de

pratique pour développer toutes ces ressources.

- Enfin, les réponses concernant les références scolaires ne sont que très peu

développées avec l’ occurrence « activité de combat », citée 16 fois. Le terme

« activité de production de formes » est citée 7 fois, ce qui est certes un aspect du

karaté avec le travail du kata, sans en représenter toute la dimension.

La lecture de ce tableau récapitulatif (cf. tableau 11) nous informe donc que les 103

enseignants d’EPS non pratiquants de karaté qui ont répondu ont des références certes très

diverses de l’activité mais que celles-ci se révèlent exactes dans la mesure où aucune

occurrence n’est étrangère à l’activité. Même le terme « violence » que l’on a retrouvé deux

fois peut se justifier car les combats en compétition sont parfois violents tant l’implication

physique des combattants est forte et les accidents présents, à un haut niveau de pratique. De

plus, des aspects très spectaculaires de l’activité comme la casse (d’objets divers tels que

planches de bois, parpaings, blocs de glace) sont cités, une fois seulement, ce qui paraît aussi

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logique car on imagine bien que les enseignants n’associent pas seulement le karaté scolaire à

un travail de casse en vue de durcir le corps, mais ont déjà vu des démonstrations de cette

pratique largement médiatisée car spectaculaire. Malgré tout, on s’aperçoit tout de même que

les références des enseignants sont partielles dans la mesure où des aspects importants de

l’activité sont très peu cités alors qu’ils représentent l’une des spécificités de celle-ci . Nous

pensons notamment à « kata » qui n’est cité que 2 fois alors que c’est un des domaines

d’entraînement les plus importants dans la pratique du karaté. Le terme « précision » (cité

seulement 3 fois) est aussi un aspect pourtant particulier au karaté car le combattant est amené

à viser les « points vitaux » de l’adversaire. De même, « rigueur » et « discipline » ne sont

nommés qu’une fois chacun, ainsi que l’aspect self défense qui n’est pratiquement pas cité

alors que c’est un des buts premiers de motivation du pratiquant qui entre pour la première

fois dans un dojo selon les statistiques de la FFKDA.

Le tableau suivant (cf. tableau 12) propose de résumer les références les plus nommées

par les enseignants non pratiquants de karaté. Comme le panel d’enseignant est de 103,

l’établissement du pourcentage est immédiat en prenant le nombre d’ occurrences citées. En

effet, par exemple, l’item art martial est cité par 16 enseignants sur 103 ce qui fait un

pourcentage de moins de 16,5 %. Nous avons jugé plus simple d’arrondir le chiffre au nombre

d’ occurrences trouvées.

Références

du karaté les

plus nommées

Sport de

combat

Maîtrise

de soi

Utilisation

pieds-

poings

Art

martial

Activité de

combat

Sport de

percussion

Opposition

avec

contrôle

Nombre de

citations

42

23

18

16

16

12

Tableau 12 : tableau synoptique du déjà-là conceptuel des enseignants non pratiquants de

karaté

On voit ainsi que se dégagent deux références très distinctes du karaté, que nous avons

détaillées dans le chapitre sur la connaissance de l’activité (première partie de la thèse). En

effet, pour 42 % des enseignants, le karaté est un sport de combat. Il est un art martial pour 16

d’entre eux. Cette référence est cohérente dans la mesure où les aspects sportifs du karaté sont

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117

mis en avant à l’heure actuelle, avec notamment le développement de « sous-activités » qui en

émanent comme le body karaté ou encore le karaté contact. Pour autant, cette référence n’est

pas pertinente d’un point de vue théorique car nous avons bien étudié en première partie que

le karaté reste pour les pratiquants avant tout un art martial, qu’ils pratiquent d’ailleurs de

manière très traditionnelle et en la dénaturant le moins possible, pour la plupart.

Nous allons maintenant étudier les réponses des enseignants d’EPS non pratiquants à

la neuvième question du questionnaire, qui les interrogeait sur les savoirs à privilégier dans

une optique de programmation d’un cycle karaté en EPS.

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1.3.1.2. Recueil et traitement des données relatives à la question 9 du questionnaire

préliminaire : « quels sont (ou seraient) selon vous les contenus à privilégier pour

enseigner cette activité en milieu scolaire ? »

REPONSES ENONCEES DE LA CONCEPTION DE L’ENSEIGNEMENT DU KARATE

(x fois)

Référence historique

(6 réponses)

Référence sportive

(60 réponses)

Référence didactique

(126 réponses)

Référence scolaire

(33 réponses)

Combat et katas (4) Respect de l’adversaire (22) Maîtrise de soi (34) Sécurité (23)

Rituels (2) Respect des règles (20) Contrôle des coups (16) Duo et duel (5)

Valeurs / Ethique (8) Techniques (12) Programmes (2)

Arbitrage (5) Principe attaque défense (7) Connaissances sur l’action (2)

Contact (5) Techniques pieds/poings (5) Citoyenneté (1)

Maîtrise de ses émotions (4)

Prise d’information (4)

Déplacements (4)

Distance de frappe (4)

Equilibre/déséquilibre (4)

Rôles (3)

Tactique de gestion du combat

(3)

Vitesse d’exécution (3)

Principe action/réaction (2)

Précision du geste (2)

Souplesse (2)

Parades (2)

Esquive (2)

Concentration (2)

Développement physique et

psychologique (2)

Toucher sans être touché (1)

Rapport de force (1)

Confiance en soi (1)

Accepter le combat (1)

Prise de risque (1)

Enchaînement d’actions (1)

Coordination (1)

Renforcement musculaire (1)

Anticipation de l’attaque adverse

(1)

Tableau 13 : compilation des réponses énoncées par les enseignants d’EPS non pratiquants, à la

question 9 du questionnaire préliminaire

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119

D’un point de vue purement qualitatif, les réponses des enseignants non pratiquants à

cette question révèlent les mêmes tendances que pour la question 8, à savoir que la référence

la plus renseignée est celle relative à la didactique, puis à la référence sportive. Par contre,

contrairement à la question 8, la référence scolaire est plus renseignée quantitativement que la

référence historique. Ce résultat s’explique par le fait que la question incite à répondre en

utilisant une référence scolaire, puisqu’on interroge en effet les enseignants sur les savoirs à

enseigner à l’école.

Une analyse qualitative de la lecture de ce tableau récapitulatif (cf. tableau 13) des

réponses évoquées par les enseignants d’EPS non pratiquants de l’activité karaté fait état des

références affichées par ce panel, certes en karaté, mais plus largement dans les sports de

combat de percussion. En effet, on note l’utilisation d’un vocabulaire très adapté (duo, duel,

distance de frappe, maîtrise, respect, par exemple) au sport évoqué. Aucun enseignant

n’évoque par exemple l’apprentissage des chutes, qui font pourtant partie du karaté puisqu’en

combat, l’amené au sol de l’adversaire est une finalité recherchée par le combattant. Il est vrai

pour autant que ce n’est pas l’aspect le plus important à enseigner d’emblée aux élèves, mais

cela prouve bien la justesse des connaissances des enseignants dans une activité qu’ils ne

connaissent pratiquement pas. On peut penser qu’ils opèrent pour certains un transfert avec la

savate boxe française. L’occurrence la plus citée par les enseignants est « la maîtrise de soi »

(34 fois). Ce n’est pas un savoir technique ou stratégique qui est la préoccupation de la

majorité des enseignants mais bien un savoir être. D’ailleurs, on s’aperçoit que vient en

deuxième position l’ occurrence « sécurité » avec 23 citations, qui relève aussi d’un objectif

général de l’EPS, comme le « respect de l’adversaire » et des « règles » qui viennent à la

suite. On peut donc en déduire que pour une majorité d’enseignants non pratiquants, le karaté

en EPS peut être l’occasion de privilégier l’acquisition par les élèves de ces compétences

générales, en tant que savoir-être.

Avec seize occurrences, le « contrôle des coups » semble un savoir important à faire

acquérir, mais cela se rapproche aussi de la maîtrise de soi, bien que l’on puisse penser que les

enseignants envisagent là un aspect plus technique, à savoir différencier d’un point de vue de

l’investissement moteur pendant le combat, ce qui est de l’ordre de la touche (contrôle) et ce

qui est de l’ordre de la frappe (percussion sans contrôle). L’apprentissage de « techniques »

est évoqué douze fois, ce qui est proportionnellement important. Il est exact aussi que le

karaté est très associé à la technique parfaite, ce qui a pu influencer les enseignants. Quoi

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120

qu’il en soit, on remarque que cet aspect de l’enseignement est important, au détriment

d’aspects plus tactiques et stratégiques, comme par exemple le principe attaque défense (cité

sept fois), la prise d’information, la distance (cités chacun seulement quatre fois) ou encore le

rapport de force (cité une fois). En somme, il semble que les enseignants non pratiquants de

karaté mettraient l’accent, s’ils avaient à enseigner le karaté en EPS, sur des savoirs éthiques,

réglementaires et techniques, compte tenu qu’ils sont évoqués de manière prédominante. Cela

révèle en outre quelques aspects de la référence dominante (didactique) chez ce panel

d’enseignants (cf. tableau 13). Nous verrons par la suite que cette centration des savoirs n’est

pas forcément celle des enseignants spécialistes.

Nous proposons dans le tableau suivant (tableau 14) un tableau synoptique du déjà-là

intentionnel des enseignants non pratiquants de karaté. Il affiche en pourcentage, les savoirs

qui seraient enseignés par eux.

SAE

Maîtrise

de soi

Sécurité Respect de

l’adversaire

Respect

des règles

Contrôle

des coups

Techniques

Nombre de

citations

34

23

22

20

16

12

Tableau 14 : tableau synoptique du déjà-là intentionnel des enseignants non pratiquants de

karaté

Ainsi, par exemple, on peut lire que 34 % des enseignants enseigneraient en karaté en

EPS la maîtrise de soi, 23 % la sécurité, ou encore 12 % des techniques. Au terme de cette

analyse des références évoquées par un panel d’enseignants d’EPS non pratiquants de karaté,

nous retiendrons que les références didactiques, pédagogiques et sportives de ces enseignants

sont globalement très justes dans le cadre scolaire pour enseigner un art martial. De plus, la

hiérarchie des savoirs est respectée puisque ceux qui sont le plus cités correspondent bien à

ceux qui sont enseignés en karaté, à savoir la maîtrise de soi, les techniques et les principes

d’attaque et de défense par exemple. La référence scolaire par contre reste vague et générale

avec l’évocation de la sécurité, de connaissances sur l’action, des programmes, ou encore de

la citoyenneté, ce qui est cohérent dans la mesure où l’analyse des réponses porte sur des non

spécialistes de l’activité.

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121

1.3.2. Traitement des données recueillies dans les questionnaires enseignants :

pratiquants de karaté

Neuf enseignants d’EPS ont répondu « oui » à la question 1 : « êtes-vous ou avez-vous

été pratiquant de karaté do ? ». Parmi ces enseignants, avec qui nous avons tenté de prendre

contact, l’un d’entre eux est à la retraite désormais, un autre ne donne pas ses coordonnées

pour le joindre, un autre est nouveau pratiquant de karaté avec quelques mois de pratique

seulement, un autre encore a bien trois ans de pratique et a atteint le grade de ceinture marron,

mais cela fait cinq ans, précise-t-il, qu’il a arrêté le karaté. Nous avons aussi recensé un

stagiaire IUFM avec les incertitudes de mutation que cela suppose l’année suivante, et le

dernier pratique depuis vingt ans et est ceinture noire 2ème dan mais exprime ses réticences à

programmer un cycle karaté, ce qu’il n’a d’ailleurs jamais fait en EPS. Les trois derniers

enseignants sont des pratiquants experts et des enseignants d’EPS chevronnés. Ainsi, nous

avons quatre enseignants ayant la compétence et la disponibilité pour enseigner le karaté en

EPS. Il s’agit de :

- Nicolas, enseignant stagiaire IUFM. En poste en collège. Nicolas est enseignant

débutant.

- Michel, enseignant en lycée.

- Giovanni, enseignant en collège.

- Alain, enseignant en collège.

Michel, Giovanni et Alain sont des enseignants d’EPS expérimentés. Nous allons tout

d’abord effectuer la même analyse que pour les enseignants non pratiquants, à savoir faire un

tableau récapitulatif des références qu’ils énoncent dans leurs réponses aux questions 8 et 9 du

questionnaire préliminaire. Comme les enseignants pratiquants ne sont que neuf au total, nous

avons préféré pour une question de lisibilité et d’exploitation de ces données, présenter les

références énoncées par chaque enseignant. Les quatre enseignants qui participent à la

recherche sont nommés, les cinq autres sont appelés X1, X2, X3, X4 et X5. Le tableau suivant

(tableau 15) propose le classement des réponses des neuf enseignants pratiquants de karaté à

la question 8 du questionnaire préliminaire : « pour vous, qu’est-ce que le karaté ? ». Nous

avons sélectionné les extraits les plus pertinents pour illustrer les références énoncées.

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122

Enseignant Référence

historique

Référence

sportive

Référence

didactique

Référence

scolaire

Nicolas

« Art martial

relativement

complet »

« Diversité des

formes de

pratiques

proposées »

« Développement

d’une certaine

éthique »

Michel

« Art martial de

défense »

« Pratique sportive

de compétition »

« Pratique

d’hygiène mentale

et corporelle »

Giovanni

« Recherche de

rapport à l’autre

dans l’existence »

« Activité de type

percussion

réglementé par le

code fédéral »

« Activité à double

détente »

« Activité

d’expression et de

développement

personnel »

Alain

« Self défense »

« Processus

d’influence »

maître-élève.

« Boxe pieds-

poings »

« Outil d’éducation

sur le plan de la

gestion des

émotions ».

« Méthode

d’éducation

motrice et

comportementale »

X1

« Art martial »

« Ecole

d’épanouissement

et de maîtrise de

soi »

X2 « Art martial » « Sport de combat

de percussion »

X3

« Art martial, art

de vivre, lien

corps-esprit »

X4 « Art martial de

combat »

X5 NE REPOND PAS A CETTE PARTIE DU QUESTIONNAIRE

Tableau 15 : extraits significatifs des réponses énoncées par les enseignants d’EPS pratiquants de

karaté par thèmes, à la question 8 du questionnaire préliminaire

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123

L’analyse de ce tableau synoptique (cf. tableau 15) d’extraits significatifs des réponses

énoncées par les enseignants d’EPS quant à leur définition du karaté fait apparaître une

pluralité des références car nous pouvons constater que le tableau est largement renseigné.

Trois enseignants (Nicolas, Michel et Alain) définissent l’activité en renseignant 3 des 4

références du karaté (historique, sportive, didactique et scolaire). Deux d’entre eux

renseignent deux références (X1 et X2). Seul Giovanni renseigne toutes les références. X3 et

X4 ne se contenteront que d’une référence pour définir le karaté, tandis que X5 ne répond pas

à la question posée dans le questionnaire (cf. annexe 38). Il est intéressant de noter aussi que

le karaté est défini 6 fois sur 9 en tant qu’art martial. Compte tenu du faible effectif que nous

avons, neuf enseignants pratiquants de karaté contre 103 pour les non pratiquants, il est

impossible à ce niveau de faire une analyse quantitative comparative. La référence sportive

n’est en revanche cité que 4 fois contre 5 références didactiques, ce qui est d’une certaine

manière un résultat cohérent de la part d’enseignants d’EPS pratiquants de karaté. En effet, la

référence la moins citée est la référence didactique, que nous assimilons au karaté tel qu’il est

enseigné en club. De ce fait, les enseignants se mettent en rupture par rapport à cette

référence, privilégiant la référence à l’art martial, historique.

Nous allons maintenant procéder à la même analyse pour la question 9 du

questionnaire préliminaire: « Quels sont (ou seraient) selon vous les contenus à privilégier

pour enseigner cette activité en milieu scolaire ? », afin de mettre l’accent sur la référence

énoncée par les enseignants pratiquants en ce qui concerne le SAE. Comme la question leur

impose de réfléchir aux savoirs qu’ils enseigneraient ou qu’ils ont déjà enseigné en milieu

scolaire, nous ne détaillerons que la référence scolaire dans le tableau suivant (tableau 16).

Ainsi, pour le renseigner, nous avons pris l’intégralité des réponses des enseignants.

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124

Enseignant Référence scolaire

Nicolas

« Respect des rituels, de l’adversaire (éthique) ; maîtrise de quelques

techniques pieds/poings et de leur terminologie ; apprentissage du premier

kata ; ippon kumite, apprentissage de quelques blocages ; logique

d’esquive »

Michel

« Technique grâce à des formes variées de travail (kata, kihon, kumite) et

la gestion du couple risque-sécurité grâce aux rapports de distance »

Giovanni

« l’incertitude liée à l’affrontement ; distance de garde, d’affrontement,

sociale ; contraction-décontraction musculaire, le kime ; contrôle

musculaire et non articulaire ; tori-uke, dominant dominé ; partenaire

adversaire, avec-contre ; prise et reprise d’initiative, confusion ; aspects

mécanique, énergétique, informationnel ; respect de l’autre »

Alain

« La gestion du couple action-réaction à travers une opposition sécurisée

est un support d’enseignement qui permet une intégration progressive des

critères de réalisation des techniques »

X1

NE REPOND PAS A LA QUESTION (cf. annexe 38)

X2 « Le code moral, rituel de salut etc. ; des techniques de défense ;

l’alternance et la coordination du travail aux poings et aux pieds »

X3

« Kata, technique, combat, selon le type d’élèves »

X4 « L’aspect sportif, 2/3 ; l’aspect self défense, 1/3 »

X5 NE REPOND PAS A CETTE PARTIE DU QUESTIONNAIRE

Tableau 16 : intégralité des réponses énoncées par les enseignants d’EPS pratiquants de

karaté par thèmes, à la question 9 du questionnaire préliminaire

L’analyse du tableau 16 montre que sur les neuf enseignants, sept répondent à la

question posée sur les savoirs à enseigner en milieu scolaire. Sur ces sept réponses, deux

enseignants commencent par énoncer des savoirs éthiques « le code moral, le rituel du

salut » ; « respect du rituel, de l’adversaire ». Deux autres enseignants envisagent clairement

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125

des savoirs sportifs avec « l’aspect sportif » et « la gestion du couple action-réaction à

travers une opposition sécurisée ». L’un de ses deux enseignants envisage aussi d’inclure

« l’aspect self défense » à son enseignement et un autre parle dans le même ordre d’idée de

« techniques de défense ». Nous avons ensuite deux enseignants qui énoncent des contenus

généraux : Giovanni, et X3, qui précise par contre « selon le type d’élève », ce qui

immédiatement renvoie à l’EPS et au traitement didactique qui prend en compte le profil de la

classe et les caractéristiques des élèves. Un enseignant, Michel, annonce d’emblée des

contenus « techniques ». On peut alors s’apercevoir qu’aucune grande tendance de SAE

n’émerge de cette analyse : les neuf enseignants sont très partagés quant au SAE, certains

envisageant des savoirs techniques, d’autres des savoirs éthiques, ou d’autres encore des

savoirs stratégiques. Cela peut peut-être s’expliquer par le fait que certains d’entre eux n’ont

pas encore enseigné le karaté en EPS et en sont encore au stade de la réflexion quant au SAE,

qui reste large au sens où il n’est pas encore spécifié par les enseignants à ce stade de

l’enquête préliminaire.

1.3.3. Comparaison entre les deux groupes : non pratiquants et pratiquants de karaté

Il ne s’agit pas de faire une comparaison quantitative puisque les deux groupes sont

disparates. En effet, le groupe de non pratiquants est onze fois plus important que le groupe

des pratiquants. Par contre, à ce stade de notre étude, il est intéressant de procéder à une

comparaison des deux groupes en termes de hiérarchie des références, pour apprécier si celle-

ci différencie. A la question 8, nous avions constaté dans le groupe des enseignants non

pratiquants que l’ occurrence la plus citée était « sport de combat » (cf. tableau 11), soit une

référence sportive majoritaire de l’activité. Nous avions ensuite l’ occurrence « maîtrise de

soi », qui renvoyait à une référence plutôt didactique de l’activité. Les références historique et

scolaire étaient à égalité de citation avec respectivement l’ occurrence « art martial » et

« l’activité de combat ». Pour les pratiquants, huit enseignants sur neuf renseignent la

référence historique avec cinq réponses qui concernent « l’art martial ». Puis cinq évoquent la

référence scolaire avec des définitions plus pertinentes, ce qui est logique venant des

pratiquants de karaté, comme par exemple Alain, qui définit l’activité comme un « outil

d’éducation sur le plan de la gestion des émotions ». On constate une différence à ce niveau

entre les deux groupes, les enseignants non pratiquants ayant des références sportive et

didactique, les enseignants pratiquants, des références historique et scolaire. Cette dichotomie

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126

peut s’expliquer par le fait que les enseignants non pratiquants ont deux sources d’influence

dans leurs références :

- le karaté sportif, véhiculé par les médias, la télévision retransmettant en effet les grands

événements du karaté, d’autant que la France est une nation élite en ce domaine.

- Une bonne connaissance des activités de combat en général, par le biais de leur

formation initiale ou continue. Les enseignants pratiquants ont par contre une connaissance

plus approfondie du karaté en tant qu’art martial et ont pu mener une réflexion didactique

quant à son enseignement en EPS, d’où la prédominance des références historique et scolaire

(cf. tableau 15).

A la question 9, qui concerne les savoirs à enseigner en EPS, rappelons que les non

pratiquants ont répondu en premier lieu « la maîtrise de soi » ce qui renvoie plutôt à une

référence didactique, puis « la sécurité » qui est une référence spécifiquement scolaire tant cet

aspect représente effectivement la préoccupation première de l’enseignant d’EPS. Enfin la

référence sportive vient en dernier avec « le respect des règles et de l’adversaire ». Il n’y a que

peu d’écart entre les non pratiquants et les pratiquants du point de vue des savoirs à enseigner,

car pour ces derniers la référence scolaire prédomine, avec des termes plus spécifiques

comme « l’incertitude liée à l’affrontement » pour Giovanni ou encore des « formes variées

de travail » pour Michel. On peut alors s’apercevoir que sur les deux questions étudiées, les

écarts de référence entre les enseignants d’EPS pratiquants et les non pratiquants sont

minimes. Ces écarts se situent en fait surtout au niveau de la richesse de la référence scolaire

évoquée chez les enseignants pratiquants et d’une définition plus commune du karaté pour les

non pratiquants. Si l’on en reste à la comparaison de la référence la plus citée, il est normal de

trouver la référence sportive chez les non pratiquants, car c’est souvent l’image du karaté qui

est véhiculée par les médias, puis la référence didactique, car de nombreux enseignants ont

tout de même une bonne connaissance des activités de combat enseignées à l’école et peuvent

généraliser leurs connaissances au karaté. Considérant la spécificité du traitement des données

du groupe des pratiquants de karaté, où seule la référence scolaire a été envisagée, nous ne

pourrons aller plus loin dans l’analyse comparative.

Compte tenu de l’avancée de notre travail au moment du dépouillement des

questionnaires, nous avons choisi de ne pas risquer de perdre la possibilité d’observer

l’enseignant stagiaire (Nicolas) susceptible en effet de partir loin de l’Académie de Toulouse

pour sa première mutation. Afin de réaliser cette pré-étude de cas pour élaborer et tester nos

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127

outils méthodologiques, nous lui avons demandé s’il pouvait collaborer à notre recherche en

programmant un cycle de karaté au dernier trimestre de son année de stage, ce qu’il a accepté

avec enthousiasme. Sur les huit enseignants restant dans notre vivier disponible d’enseignants

collaborateurs pratiquants de karaté, Michel, Giovanni et Alain ont donné leur accord pour

collaborer à notre recherche. Nous avons alors quatre enseignants pour notre étude didactique

clinique, Nicolas constituera la pré-étude de cas. Pour les trois études de cas proprement dites,

la seule priorité que nous avons donnée est la disponibilité des enseignants quant à la

programmation d’un cycle de karaté en EPS. Le premier enseignant que nous pouvons

observer est Michel. Il constituera la première étude de cas, longitudinale. Nous

programmerons les deux autres observations, sachant que pour Alain, nous devrons nous

déplacer à Limoges trois fois, une fois pour le recueil des données de la première séance, une

autre fois pour le recueil de la séance d’évaluation, enfin une dernière fois pour l’entretien

d’après-coup. Nous allons maintenant établir un profil de ces quatre enseignants, en termes

d’expérience de l’enseignement du karaté et d’expertise dans l’activité, afin de les comparer.

2. La pré-étude de cas

2.1. Comparaison en termes d’expérience, d’expertise et de référence du savoir à

enseigner (SAE) des quatre enseignants collaborateurs

Nous allons nous attacher aux réponses données par Nicolas, Michel, Giovanni et

Alain dans le questionnaire préliminaire pour faire émerger leurs écarts en termes d’expertise

en karaté, d’expérience d’enseignant et de références concernant le SAE. Cette partie est

comparative, car il ne s’agit pas ici de procéder à l’étude de cas, mais simplement de situer les

quatre enseignants retenus les uns par rapport aux autres, ce qui constitue déjà une première

phase de la pré-étude de cas. Pour ce faire, nous nous proposons de reprendre la taxonomie du

déjà-là de Carnus (2002) en « déjà-là conceptuel » qui va renvoyer à la conception qu’à

l’enseignant de l’activité et la manière dont il la définit. Nous avons ensuite le déjà-là

« expérientiel », qui correspond à l’expérience de l’enseignant, en tant que karatéka et en tant

qu’enseignant. Enfin, nous détaillerons son « déjà-là intentionnel », à savoir ce qu’il compte

enseigner du karaté en EPS. Ce terme est bien approprié à ce stade de notre recherche car il ne

s’agit que d’un questionnaire et les enseignants n’ont pas encore forcément conduit un cycle

de karaté au moment de l’enquête préliminaire. On en est donc bien au niveau des intentions

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128

au niveau du « savoir à enseigner ». Avant d’envisager l’interprétation de leurs réponses au

questionnaire, nous allons établir trois tableaux récapitulatifs de leurs réponses, l’un relatif à

leur déjà-là expérientiel (tableau 17), un autre relatif à leur déjà-là conceptuel (tableau 18 ) et

enfin le dernier relatif à leur déjà-là intentionnel (tableau 19 ). Nous avons repris pour cela les

réponses des quatre enseignants Nicolas, Michel, Giovanni et Alain et nous citons les extraits

significatifs de leurs réponses au questionnaire préliminaire dans les tableaux 17 à 20 qui

suivent.

2.1.1. Analyse comparative du déjà-là expérientiel des quatre enseignants

collaborateurs

Pour faire émerger le déjà-là expérientiel, nous avons analysé les réponses à la

question 2 : « si oui, combien d’année de pratique et quel grade avez-vous atteint ? » qui

nous renseigne sur l’expertise de l’enseignant en karaté, ainsi qu’à la question 6 : « si vous

enseignez le karaté en milieu scolaire, quelles sont vos références ? » où l’enseignant dévoile

souvent beaucoup son expérience.

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Thème des

questions

Enseignants DEJA-LA EXPERIENTIEL

Michel 4 ans de pratique du karaté. Ceinture marron

Giovanni 37 ans de pratique du karaté. CN 2°dan.

Alain 21 ans de pratique du karaté. CN 2° dan.

Q2.

Expertise de

pratiquant

Nicolas 9 ans de pratique du karaté. CN 2° dan

Michel

Sa « pratique et son expérience dans la transposition

didactique »

Giovanni

Son « expérience de professeur d’EPS et de professeur de

karaté » « Brevet d’Etat deuxième degré ».

« Dix ans de compétition au niveau régional ».

« Je m’appuie sur des recherches personnelles

expérimentées dans mon club. Je me suis énormément

appuyé sur la réflexion pédagogique développée en judo et

plus particulièrement durant mon cursus en STAPS. J’irais

jusqu’à dire que c’est l’un de mes professeurs STAPS […]

qui m’a mis la puce à l’oreille, le jour où il nous a présenté

une trame originale d’enseignement du judo au sol. Une

trame comportementale et non techniciste, ce qui était en

soi une nouveauté qui se détachait de la progression

d’enseignement officielle en judo ».

Q6.

Expérience

d’enseignant

Alain

Nicolas

NE REPOND PAS A LA QUESTION, car il écrit à la

question 4 qu’ « il n’a pas eu les moyens de s’investir sur

un cycle […]. En tant que PLC2, nous avons tendance à

suivre le projet EPS établi ».

Tableau 17 : déjà-là expérientiel des quatre enseignants collaborateurs

En terme d’expertise du karaté, les enseignants ont des niveaux de pratique divers

mais pas très éloignés en ce qui concerne leurs grades. En effet, Michel est le moins gradé des

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quatre (ceinture marron, que l’on obtient au bout de trois ans de pratique assidue environ).

Alain et Giovanni sont tous deux ceintures noires (CN) 2° dan mais Giovanni pratique le

karaté depuis 37 ans, Alain depuis 21 ans. Nicolas est déjà 2° dan, avec seulement neuf ans de

pratique.

Au niveau de l’expérience d’enseignant d’EPS, Michel met en avant ses compétences

didactiques, Alain ses recherches au niveau pédagogique, qu’il expérimente en club à partir de

cours de judo qu’il a suivi durant ses études. Giovanni parle de sa double casquette,

d’enseignant en club et d’enseignant d’EPS. Enfin, Nicolas n’a pas pu répondre à la question

car il n’a pas eu l’occasion dans sa jeune carrière débutante d’enseigner le karaté en EPS.

Nous avons un enseignant, Michel, qui insiste donc sur sa compétence d’enseignant d’EPS

tandis que les deux autres, Alain et Giovanni, utilisent une double référence, à l’enseignant de

club et à l’enseignant d’EPS. Nous pouvons rajouter qu’Alain accorde une place importante à

cet enseignant formateur qui lui a fait découvrir une « trame originale du judo au sol », à

laquelle il dit s’inspirer.

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2.1.2. Analyse comparative du déjà-là conceptuel des quatre enseignants collaborateurs

Pour faire émerger le déjà-là conceptuel, nous avons retenu les réponses des

enseignants à la question 8 : « pour vous, qu’est-ce que-le karaté ? ». L’intégralité de la

réponse de chaque enseignant est donnée.

Thème des

questions

Enseignants DEJA-LA CONCEPTUEL

Michel

« Art martial de défense dont la finalité est la victoire sur son

agresseur. Pratique sportive de compétition ou d’hygiène mentale et

corporelle »

Giovanni

« Activité physique à double détente :

- Une activité de type percussion (combat), réglementée par le

code fédéral, où deux combattants s’affrontent dans un cadre

(espace/temps) avec des techniques définies par les

règlements fédéraux (compétition combat et/ou kata) ».

- Une activité d’expression et de développement personnel à

des fins de bien-être et d’esthétique (katas) ; une recherche de

rapport à l’autre dans l’existence ».

Alain

« Dans le champ scolaire, une boxe pieds-poings mettant en évidence

les principes d’actions propres au karaté et parallèlement un outil

d’éducation sur le plan de la gestion des ses émotions. Sinon, selon les

âges et le niveau sur le plan fédéral, une méthode d’éducation motrice

et comportementale pouvant servir de self défense et pour d’autres un

processus d’influence : en karaté, le prof n’est pas prof, il est senseî

avec tout ce que cela représente. C’est-à-dire sa capacité

d’interprétation des valeurs dites martiales ».

Q8.

Définition du

karaté

Nicolas

« Art martial relativement complet, comprenant des techniques

pieds/poings, projections, arm locks, etc. Cette discipline permet le

développement d’une certaine éthique et par la diversité des formes de

pratiques proposées (kata, combat traditionnel, karaté jutsu, karaté

contact, karaté artistique, karaté style aérobic) permet d’intéresser un

large public ».

Tableau 18 : déjà-là conceptuel des quatre enseignants collaborateurs

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132

Nicolas et Michel définissent l’activité karaté comme un « art martial », Giovanni

comme « une activité à double détente » et Alain comme une « boxe pieds-poings » dans le

champ scolaire. On a trois définitions bien distinctes du karaté, qui renvoient à une référence

historique pour Nicolas et Michel, à la référence scolaire pour Alain, et aux références

sportive et scolaire pour Giovanni. Dans le cas de ce dernier, la deuxième partie de sa

définition est inclassable dans notre taxonomie des références car il envisage là un aspect du

karaté qui renvoie au rapport à soi et à l’autre, ce qui sera à préciser par la suite, lors de son

étude de cas notamment. On s’apercevra dans cet ordre d’idée que les quatre enseignants

incluent dans leur définition un aspect éthique, comportemental : Michel parle « d’hygiène

mentale et corporelle », Giovanni de « développement personnel à des fins de bien-être »,

Alain « d’éducation motrice et comportementale » et enfin Nicolas de « développement d’une

certaine éthique ». Il sera alors intéressant de voir comment les enseignants transforment ces

préoccupations en SAE.

2.1.3. Analyse comparative du déjà là intentionnel des quatre enseignants

collaborateurs

De la même manière que précédemment, nous extrayons le déjà-là intentionnel général

de l’analyse des réponses des enseignants à la question 9 : « Quels sont selon vous les

contenus à privilégier pour enseigner cette activité en milieu scolaire ? » Les réponses à cette

question sont intégralement retranscrites dans le tableau suivant (tableau 19). Ce déjà-là

intentionnel général correspond aux intentions de l’enseignant au niveau du SAE. Le tableau

20 par contre répertorie les réponses des enseignants au niveau d’intentions plus spécifiées

concernant l’entrée dans l’activité, la situation de référence (que nous appellerons « situation

mère » afin d’éviter tout quiproquo avec le terme de référence qui est l’objet de notre

recherche) et l’évaluation, puisque c’était ce qui leur était demandé de décrire à la question 7.

Au niveau du SAE, Michel donne une orientation technique « grâce à des formes

variées de travail » (cf. tableau 19) et sécuritaire, par la « gestion du couple risque-sécurité ».

Giovanni énonce de nombreuses intentions, allant de l’incertitude liée à l’affrontement […]

prise et reprise d’initiative » qui sont des savoirs stratégiques à la notion de « contrôle

musculaire » qui est un savoir intéroceptif, ou encore le « respect de l’autre » qui renvoie à un

savoir éthique. Son SAE est très diversifié. Alain souhaite orienter son enseignement sur « la

gestion du couple action-réaction à travers une opposition sécurisée » afin de permettre « une

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133

intégration progressive des critères de réalisation des techniques ». Son SAE est technique et

stratégique. La notion d’ « opposition sécurisée » laisse penser qu’il intègre des savoirs

sécuritaires à son enseignement. Enfin, Nicolas envisage un SAE varié, un peu comme celui

de Giovanni, avec « l’apprentissage du premier kata » ce qui renvoie à des savoirs techniques

et aussi « le respect des rituels, de l’adversaire » qui sont des savoirs éthiques.

En résumé, le SAE des quatre enseignants, au jour de l’enquête préliminaire est :

- technique et sécuritaire pour Michel.

- Stratégique et éthique pour Giovanni.

- Stratégique et technique pour Alain.

- Technique et éthique pour Nicolas.

Trois enseignants sur les quatre intègrent au niveau du SAE des savoirs techniques,

deux sur quatre des savoirs stratégiques et des savoirs éthiques. Nous noterons que Michel et

Alain intègrent aussi des savoirs sécuritaires dès le SAE.

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134

Thème des

questions

Enseignants DEJA-LA INTENTIONNEL GENERAL

Michel

« Technique grâce à des formes variées de travail (kata, kihon, kumite)

et la gestion du couple risque-sécurité grâce aux rapports de distance ».

Giovanni

« L’incertitude liée à l’affrontement ; la notion de distance de garde,

d’affrontement, sociale ; contraction, décontraction musculaire, le

kime ; la notion de contrôle musculaire et non articulaire ; la notion de

tori / uke - dominant / dominé ; la notion de partenaire/adversaire –

avec/contre ; prise d’initiative – reprise d’initiative – confusion ; aspect

mécanique, énergétique, informationnel ; notion de respect de l’autre ».

Alain

« Au niveau collège, l’approche technique proposée à travers les outils

de la méthode traditionnelles (kihon, kata et assauts traditionnels) ne

sont pas concevables. J’ai tenté une entrée dans l’activité par les assauts

conventionnels avec pour objectif : la gestion tactique du couple

« attaque-défense » dans le respect des critères de réalisation des

techniques employées (aller vers le jyu ippon kumite). Cela n’a duré

que 3 séances, l’impérative obligation d’intégrer les critères de

réalisation technique comme le prône la méthode traditionnelle a très

rapidement été un frein au développement de l’activité. Période d’étude

des gestes et donc de concentration, trop longue s’opposant au besoin

que les élèves manifestaient : se dépenser. Au final, la gestion du

couple action-réaction à travers une opposition sécurisée est un support

d’enseignement qui permet une intégration progressive des critères de

réalisation des techniques. En d’autres termes, cela oblige à définir la

technique […] comme une action répondant à la gestion simultanée de

plusieurs principes (d’action) ».

Q9.

SAE

Nicolas

« Respect des rituels, de l’adversaire (éthique) ; maîtrise de quelques

techniques pieds/poings et de leur terminologie ; apprentissage du

premier kata ; ippon kumite, apprentissage de quelques blocages,

logique d’esquive ».

Tableau 19 : déjà-là intentionnel général des quatre enseignants collaborateurs

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Au niveau du déjà-là intentionnel spécifique, qui entend que les enseignants spécifient

dans leurs réponses à la question 7 du questionnaire préliminaire, l’entrée dans l’activité,

la situation mère, et enfin l’évaluation prévue, Michel distingue d’emblée deux entrées

suivant les caractéristiques de la classe. Ainsi, dans le cas d’une classe « difficile » (cf.

tableau 20), Michel prévoit une entrée stratégique, par le combat (« kumite »), tandis que dans

le cas d’une classe « scolaire », il envisage plutôt une entrée technique (« kihon, kata ») sans

omettre la dimension stratégique (« combat ») mais il définit cette dernière entrée de

« traditionnelle », car il reprend en effet les trois domaines de l’entraînement en karaté que

nous avons développés en fin de première partie de la thèse sur la connaissance de l’activité.

Sa situation mère est « un bunkaï » ou autrement dit une situation de travail en duo

d’application d’une partie d’un kata. Cette situation met en jeu des savoirs techniques. Enfin,

en ce qui concerne l’évaluation, Michel l’envisage dans la même optique que son entrée

« traditionnelle », centrée sur les trois domaines de l’entraînement en karaté. Les savoirs

évalués seraient alors techniques et stratégiques.

Giovanni envisage une entrée « par l’affrontement défini », soit en duo et duel, et ce

qu’il souhaite définir est sans doute les armes et les cibles autorisées. Sa situation mère est

une situation de ippon kumite, où l’attaquant délivre une attaque, le défenseur se protège et

contre-attaque. L’évaluation « formative » que Giovanni décrit est dans la continuité de cette

situation qu’il va utiliser tout au long du cycle, la complexifier en jouant sur les variables de

l’opposition, pour l’évaluer au degré complexité (niveau) atteint par les élèves.

Alain compte rentrer dans l’activité karaté en EPS par le « combat aménagé » ce qui

renvoie à des savoirs stratégiques. Notons que Giovanni parle lui « d’affrontement défini », ce

qui peut représenter la même entrée pour ces deux enseignants. Comme dans le cas de

Giovanni, Alain utilise une situation mère pour entrer dans l’activité, qui est précisément la

situation de combat aménagé qu’il précise. En ce qui concerne l’évaluation, Alain n’évoque

que son organisation, « par poules », ce qui laisse penser qu’il compte évaluer ses élèves dans

la même situation de combat aménagé.

Nicolas, enfin, compte entrer dans l’activité par des savoirs techniques « le kata et

l’application simple de ce kata ». Sa situation mère reste aussi technique avec « des séries de

kihon à exécuter », ce qui correspond, rappelons-le, à des techniques d’attaque et de défense

que les élèves réalisent « dans le vide », sans partenaire. Nicolas compte évaluer son

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136

enseignement sur le kata et son application par deux en duo, ce qui correspond à une

évaluation techno-centrée.

Thème des

questions

Enseignants DEJA-LA INTENTIONNEL SPECIFIQUE

Michel

- « Si classe difficile entrée par le kumite et le bunkaï ; si classe

scolaire entrée traditionnelle, kihon, kata, combat ».

- La situation de référence est « un bunkaï ».

- L’évaluation est « tri partite : respect de la tradition avec un kata, du

kihon sur les techniques vues et du combat libre ou dirigé en fonction

du niveau de classe ».

Giovanni

- « Entrée dans l’activité par l’affrontement défini. Travail de

situations à deux, tori/uke puis mise en situation réelle. Le kata en fin

de séance pour détendre ».

- « La situation de référence est une situation d’affrontement, savoir

se protéger avant de contre-attaquer ».

- Evaluation : « formative, la capacité à ne pas reculer, à se protéger

et saisir les opportunités de la situation ».

Alain

- Entrée « par l’opposition (combat aménagé) ».

- La situation de référence : « par deux face à face, atteindre en un

temps donné (1 minute temps plein) plus de cibles que l’adversaire

dans le respect des critères de réalisation des techniques employées ».

- Evaluation : « par poules de 5 minimum avec arbitrage. Perf :

nombre de victoires/nombre de combats. Maîtrise : nombre de points

marqués/nombre de combats ».

Q7.

Spécification

de l’entrée

dans l’activité,

la « situation

de référence »

et l’évaluation

Nicolas

- « Entrée par le kata et l’application simple de ce kata type bunkaï en

ippon kumite. C’est seulement ensuite que j’aborderai le pôle

combat ».

- « Ma situation de référence serait certainement une ou des séries de

kions à exécuter ».

- L’évaluation : « réalisation du kata à 2/3 puis application en ippon

kumite ».

Tableau 20 : déjà-là intentionnel spécifique des quatre enseignants collaborateurs

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Au regard des analyses des différents déjà-là, expérientiel, conceptuel et intentionnel

des quatre enseignants, et avant de présenter la pré-étude de cas Nicolas, nous allons proposer

une synthèse du déjà-là de Michel, Giovanni et Alain.

2.1.4. Analyse singulière des trois enseignants Michel, Giovanni et Alain

Michel est enseignant d’EPS depuis quinze ans. Il a quatre ans de pratique de karaté et

a atteint le grade de ceinture marron (cf. tableau 17). Il enseigne le karaté en EPS dans son

établissement, à des élèves de BEP. Michel fait état d’une référence large du karaté car il

envisage les aspects les plus antinomiques de l’activité, à savoir un aspect martial et l’autre

sportif. Dans l’analyse du karaté qui a été faite en première partie, nous avons vu que ces

références ne sont pas forcément contradictoires mais complémentaires. Pour lui, les savoirs à

enseigner sont techniques avant tout. Les formes de travail variées qu’il évoque renvoient à

une référence très traditionnelle de l’entraînement. En effet, comme nous l’avons déjà évoqué,

un entraînement type en karaté se compose d’une partie de travail dans le vide (kihon), puis

de travail à deux en combats aménagés (kumite) et enfin de kata en fin de séance. Michel

ajoute néanmoins « la gestion du couple risque-sécurité grâce aux rapports de distance » car il

envisage là le travail des kumite en assauts aménagés, ce qui s’éloigne radicalement d’un

enseignement techno-centré mais apporte une dimension stratégique à son projet

d’enseignement. On peut dire que Michel envisage un enseignement technico-tactique qui

traduit sa référence scolaire du karaté. Ceci n’est pourtant pas en accord avec sa définition de

l’activité qui prend en compte d’emblée la dimension d’autodéfense du karaté (« art martial

de défense dont la finalité est la victoire sur son agresseur »). Il sera intéressant d’observer

quels savoirs il enseigne réellement car ceux qu’il évoque sont nombreux. Si l’on devait

résumer le profil de Michel, celui-ci révèle une référence historique de l’activité comme

méthode d’auto défense et un attachement aux valeurs et à un entraînement traditionnels qui

vont dans le sens de cette référence. D’une certaine manière, Michel fait état d’un attachement

certain aux traditions et aux valeurs et il sera intéressant de voir si son enseignement du karaté

en EPS respecte ou pas cette référence historique.

Alain est enseignant d’EPS depuis quinze ans aussi. Par contre, il pratique le karaté

depuis 21 ans et a atteint le grade de deuxième dan. Des trois enseignants, c’est celui qui a le

plus d’expérience dans l’enseignement du karaté en EPS puisqu’il a déjà conduit plusieurs

cycles en EPS et a participé à la formation continue des professeurs d’EPS en tant que

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formateur dans cette activité. Il délivre son option didactique pour le karaté en EPS : « au

final, la gestion du couple action-réaction à travers une opposition sécurisée est un support

d’enseignement qui permet une intégration progressive des critères de réalisation des

techniques. En d’autres termes, cela oblige à définir la technique […] comme une action

répondant à la gestion simultanée de plusieurs principes (d’action) ». Alain opte donc pour

une entrée dans l’activité par l’opposition sécurisée, ou autrement dit, « le combat aménagé »,

comme il l’écrit en réponse à la question 7 sur l’entrée dans l’activité. Les analyses

préliminaires du cas Alain montrent que l’on peut présupposer une référence sportive d’Alain,

ce que l’étude de cas croisée confirmera ou pas.

Giovanni est celui qui a le plus d’expérience de la pratique et de l’enseignement du

karaté en club. Il pratique en effet le karaté depuis 37 ans et a atteint le grade de CN 2°dan.

Par contre, même s’il est plus âgé que Michel et Alain, il n’enseigne l’EPS que depuis une

quinzaine d’années car il a commencé sa carrière dans l’enseignement technique et est arrivé

à l’EPS par la voie des concours internes. Quand il lui est demandé des informations sur son

expérience, celle ci est très liée à son statut de professeur de karaté : « expérience de

professeur d’EPS et de professeur de karaté », « Brevet d’Etat deuxième degré » (cf. tableau

17). Quand on lui demande de définir le karaté, il écrit : « une recherche du rapport à l’autre

dans l’existence » (cf. tableau 18) . Pour Giovanni, le karaté dépasse le tatami et le dojo : c’est

une philosophie de vie. Il envisage deux aspects du karaté, le combat d’abord mais sous sa

forme compétitive en référence aux règlements fédéraux. Il sera intéressant de voir si son

enseignement du karaté en EPS tient compte de ces deux aspects. Pour autant, lorsqu’il lui est

demandé quelle sera son entrée dans l’activité Giovanni n’envisage plus qu’un aspect du

karaté : « Entrée dans l’activité par l’affrontement défini. Travail de situations à deux, tori/uke

puis mise en situation réelle » (cf. tableau 18). Giovanni envisage un enseignement centré sur

l’apprentissage de l’opposition, par « l’affrontement défini », centré sur des aspects défensifs.

Les aspects martiaux de l’activité sont de ce fait très présents dans ce que prévoit Giovanni,

mais en même temps, son entrée et son évaluation centrées sur l’affrontement défini laissent

présager une réflexion didactique. Giovanni fait donc état de références à la fois historiques,

didactiques et scolaires et il sera intéressant d’analyser dans son enseignement observé en

classe si l’une d’elle se détache nettement.

Au terme de cette analyse à la fois comparative et singulière des enseignants

collaborateurs au questionnaire préliminaire et en fonction de leurs réponses aux différentes

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questions, nous avons pu à ce stade établir un profil du déjà-là de chaque enseignant. Ce profil

n’est valable qu’au jour de l’enquête préliminaire et la référence enseignante est susceptible

de changer avec le temps, en fonction des expériences vécues par eux, de leur expertise qui

augmente car chacun continue à pratiquer et à enseigner. Nous verrons par la suite, dans

l’épreuve d’observation de l’enseignement si leurs intentions se confirment, ou si au contraire

ils mettent en œuvre des remaniements, des changements, voire des ruptures. Il sera alors

intéressant d’en interroger les raisons dans les entretiens que nous ferons. Pour l’instant, nous

allons « figer » un profil du déjà-là de chaque enseignant, en rapport à la référence du karaté à

enseigner en EPS (cf. tableau 21 ).

NOM Le déjà-là

Michel La gestion du couple risque-sécurité

Giovanni L’affrontement codifié

Alain Le combat aménagé

Nicolas A définir dans la pré-étude de cas qui suit.

Une hypothèse : le combat sportif ?

Tableau 21 : synthèse du déjà-là des quatre enseignants

2.2. La pré-étude de cas : Nicolas

2.2.1. Présentation et objet de la pré-étude de cas

Nous allons maintenant présenter la pré-étude de cas Nicolas qui sert à la mise à

l’ épreuve des outils méthodologiques. De plus, pour les études de cas, il vaut mieux aussi

rapprocher les trois enseignants expérimentés qui sont Michel, Alain et Giovanni. En guise de

rappel, il s’agit d’un enseignant stagiaire de deuxième année IUFM, en poste dans un collège

de Beaumont de Lomagne, avec une classe de quatrième débutante dans l’activité karaté.

L’enseignant associé est pratiquant de karaté, ceinture noire deuxième dan, compétiteur de

très bon niveau en combat (Coupe de France fédérale et championnat de France

Universitaire).

Comme nous l’avons déjà souligné dans le chapitre consacré à nos options

conceptuelles, la clinique vient du grec « klinikos » qui concerne ce qui se fait au chevet du

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malade. Dans cette acception, la recherche clinique va alors analyser ce qui est accidentel ou

contingent. Dans cette pré-étude clinique et didactique, nous allons montrer que l’enseignant

(Nicolas) est en contradiction dans son rapport SAE/SRE. Pour ce faire, nous avons déjà

étudié une partie de la référence énoncée de Nicolas sur l’activité par l’étude de ses réponses

au questionnaire préliminaire et à sa définition de l’activité, comme nous l’avons fait pour

Michel, Giovanni et Alain. Nous analyserons dans son étude de cas, au travers du traitement

didactique qu’il a fourni et de l’entretien préalable, les savoirs qu’il avait le projet d’enseigner

lors de la première séance. Enfin, l’étude des verbatim, qui sont la retranscription in extenso

des communications orales, extraits de l’enregistrement de la leçon et des entretiens ante et

post séance, nous permettra de mettre en évidence les écarts entre le SAE et le SRE. Cette

pré-étude de cas, même si elle ne se réalise que sur une séance, va nous permettre dans un

premier temps de mettre à l’épreuve nos outils méthodologiques, notamment ceux du recueil

des données, à savoir le matériel vidéo et audio que nous détaillons plus loin, mais aussi la

conduite des entretiens ante et post séance. Dans un second temps, cette pré-étude de cas va

apporter ses premiers résultats et nous pourrons alors mieux orienter le recueil et le traitement

des données des études de cas proprement dit : Michel, Giovanni et Alain.

2.2.2. Méthodologie employée

2.2.2.1. Enregistrement des séances

Nous avons choisi de cibler le recueil des données de cette phase préalable sur la

première séance du cycle car c’est lors de celle-ci que l’enseignant met en jeu les savoirs sur

lesquels il va centrer son enseignement. Autrement dit, elle donne les intentions de

l’enseignant pour le cycle entier même si le professeur est obligé de procéder à de nombreuses

remédiations en fonction de la progression des élèves notamment. En outre, son choix

d’entrée dans l’activité s’explicite souvent lors de cette séance et est révélateur de la référence

utilisée par l’enseignant, et pas seulement de celle qu’il évoque soit dans le questionnaire soit

par la suite lors de ses entretiens. En effet, si l’enseignant fait le choix d’une première séance

à dominante technique, avec beaucoup de reproduction de formes, on peut penser que celle-ci

gardera une place importante dans la suite du cycle, et notamment dans l’évaluation, ce que

d’ailleurs le projet de classe fourni par l’enseignant pourra confirmer ou non. Cette leçon est

intégralement enregistrée au moyen de l’outil vidéo. Le micro intégré à la caméra est

suffisamment performant pour que soit ensuite possible la retranscription des verbatim (les

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141

communications de l’enseignant), sans recours supplémentaire d’un micro-cravate.

Néanmoins, pour des raisons de sécurité, nous avons doublé les média utilisés par un

dictaphone numérique qui enregistre toutes les communications de l’enseignant en vue de

l’étude clinique de celles-ci. Comme ce sont en priorité celles-ci qui nous intéressent, il nous

semble judicieux de prévoir deux médias pour y accéder, en cas de défaillance technique du

matériel. De plus, l’image vidéo permet à un moment donné de rendre plus explicite un

discours de l’enseignant, en le contextualisant. Par exemple, lorsque l’enseignant explique

une situation, il est intéressant de savoir s’il utilise la démonstration, s’il montre aux élèves ce

qu’ils vont devoir réaliser (phénomène d’ostension). Enfin, puisque notre problématique est

centrée sur la détection des traces des écarts entre les savoirs prévus et réalisés, la vidéo

permettra de garder justement une trace, en tant que preuve d’un écart, à laquelle nous

pourrons par exemple confronter l’enseignant au cours d’un entretien.

2.2.2.2. L’entretien ante séance (EAS)

Un EAS est effectué avec l’enseignant associé et enregistré. Il s’agit lors de cet

entretien de le faire s’exprimer sur son déjà-là en karaté, son option didactique, ses objectifs

de cycle, les savoirs qu’il compte mettre en jeu dans la première séance et la cohérence entre

les deux. Le chercheur se centre autrement dit sur les intentions de l’enseignant. Nous avons

de ce fait opté pour un entretien semi dirigé où nous demandons à l’enseignant de se

présenter, de détailler son expérience en karaté, pour enchaîner par une question sur ses

intentions pour la première séance.

2.2.2.3. L’entretien post séance (EPS)

Un entretien post séance, dès la fin de la leçon, permettra de repérer les écarts

éventuels entre le savoir à enseigner (SAE) et le savoir réellement enseigné (SRE). A ce

niveau, nous nous centrons sur les actions effectives de l’enseignant et les décisions qu’il a

prises. Cela reste un entretien semi dirigé car nous commençons par demander un bilan de

séance à l’enseignant pour ensuite l’amener sur des moments caractéristiques de celle-ci où

nous avons détecté des incohérences entre le dire et le faire. L’enseignant fournit le traitement

didactique qu’il a choisi, sa trame du cycle ainsi que la première séance, modélisée à sa

convenance par écrit. Ce média sert notamment comme trace du SAE, support au niveau de

l’entretien préalable et de l’entretien d’après-coup.

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2.2.3. Résultats de la pré-étude de cas

2.2.3.1. Les traces du SAE

Dans l’entretien préalable à la séance qu’il a mené, Nicolas nous parle de sa pratique

du karaté et notamment de sa réussite en compétition combat : « 3ème en Coupe de France

karaté contact en 2004, une fois 5ème en Coupe de France seniors en 2005 » (Extrait de

verbatim, cf. annexe 2). On peut comprendre en effet cette référence sportive du karaté du fait

aussi de son jeune age, « né en 83, 22 ans », (ibid.) et qu’il pratique cette forme dure de la

compétition qu’est le karaté contact renforce l’idée que Nicolas, en tant que pratiquant, est à

la recherche de l’efficacité sportive. Dans cette optique, nous constatons dans ses réponses au

questionnaire préliminaire, pour ce qui concerne l’entrée dans l’activité, Nicolas prévoit « une

entrée par le kata et l’application simple de ce kata de type bunkaï en ippon kumite » (cf.

annexe 1). De plus, lorsqu’on lui demande de décrire la situation mère, on pourrait s’attendre

à ce qu’il évoque un assaut aménagé alors qu’il répond : « une situation de référence serait

certainement des séries de kihon à exécuter » (ibid.). Autrement dit, sa situation mère serait

un travail dans le vide où les élèves répètent un enchaînement dans le vide, un peu comme

dans le shadow boxing (boxe dans le vide). Nicolas est dans une logique d’enseignement

technique, que l’on retrouve aussi dans les contenus qu’il énonce, à privilégier pour enseigner

l’activité en milieu scolaire : « maîtrise de quelques techniques pieds/poings et de leur

terminologie, apprentissage du premier kata » (ibid.). Pour autant, la définition qu’il donne de

l’activité que Nicolas donne dans la partie des planifications consacrées au traitement

didactique, est : « l’acquisition d’outils pour le combat » (cf. annexe 6). Dans la trame de

cycle qu’il fournit, les objectifs principaux sont : « apprendre heian nidan et connaître les

applications (bunkaï du kata) » (ibid.), ce qui, pour cette deuxième partie, représente

effectivement moins un travail purement technique mais plus de recherche de sens et

d’efficacité. En effet, le bunkaï permet par un travail en duo de trouver des explications

réalistes à certains enchaînements du kata. On notera néanmoins que Nicolas ne conçoit pas le

bunkaï selon cette acception puisque pour lui, quand on lui demande si cela le gêne de

considérer le bunkaï comme du combat, il répond : « c’est une étape mais on y est quand

même pas encore. C’est trop défini » (cf. annexe 4). Dans le document fourni par Nicolas où

il détaille les premières situations auxquelles vont être confrontés les élèves, soit « kihon

technique de base et kata heian nidan » (cf. annexe 7), la consigne écrite par lui est : « seul et

en ligne, je reproduis ce que me montre le prof sur des allers-retours » (ibid.). La démarche

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d’enseignement est clairement référée à l’imitation et à la répétition de techniques. La

recherche de sens des techniques apprises par les élèves est apparemment absente de cette

première phase.

En résumé, il semble s’avérer que la référence première de Nicolas est bien le combat

et l’efficacité en karaté mais qu’il n’envisage pas de l’utiliser dans les savoirs qu’il veut

enseigner. Il envisage nettement un enseignement traditionnel, où les savoirs éthiques et

techniques ont la plus grande place. Il y a donc rupture chez Nicolas entre sa référence du

karaté et sa référence de l’enseignement du karaté.

2.2.3.2. Les traces du SRE dans l’épreuve

On trouve en annexe 3 le détail de la séance que Nicolas a conduit, sous forme de

verbatim de l’enseignant. Conformément à ses intentions, exprimées dans l’entretien

préalable : « leur permettre d’acquérir quelques techniques de base du karaté, leur apprendre

quel est le principal rituel, le salut en l’occurrence, puis également leur faire découvrir aussi

bien le travail seul qu’avec partenaire » (cf. annexe 2), Nicolas débute sa séance en

exprimant ses objectifs de cycle aux élèves : « je vais vous apprendre pas mal de petits trucs,

les rituels, comment on salue, quelques techniques, on travaillera kihon, à deux » (cf. annexe

3).

Le tableau suivant (cf. tableau 22) permet d’avoir une vue synoptique de la

planification de la leçon fournie par Nicolas, ce qui va en outre nous permettre de comparer

SAE et SRE.

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Séance 1 cycle Karaté, classe de 4°, thèmes : kihon et kihon ippon kumite

Situations But Temps

effectif

SAE

Prise en main 5’’ Salut

Echauffement

10’’

Course, étirements, mobilisation

articulaire.

1

Apprentissage du oï tsuki

(coup de poing) sur

position basse zen kutsu

7’’

Avancer en zen kutsu et oï tsuki.

2

Apprentissage des niveaux

(cibles)

5’’

Oï tsuki jodan, chudan, gedan.

3

Apprentissage d’un

blocage

7’’

Blocage tensui uke (marteau)

4

Enchaîner blocage, contre-

attaque

5’’

Bloquer tensui uke, avancer en zen kutsu et

frapper oï tsuki

5

Apprentissage d’une

position de base avec un

blocage

7’’

Position shiko dachi sur place, blocage

shuto baraï, sur le côté

6

Travail d’application à

deux (duo)

8’’

ATT : oï tsuki chudan

DEF : Bloque tensuï, contre-attaque tsuki

7

Travail d’une autre

application du blocage

5’’

ATT : saisie au poignet

DEF : se dégage en faisant le blocage

tensuï

8

Apprentissage d’un coup

de pied

10’’

ATT : mae geri

DEF : bloque en shuto baraï sur la position

shiko dachi et contre-attaque shuto uchi

(au cou).

9

Retour au calme

5’’

Bilan de séance. Perspectives pour les

autres cours. Salut.

Tableau 22 : planification de la première leçon de Nicolas

Nicolas commence effectivement la séance par le rituel du salut (cf. tableau 22) :

« dans un premier temps on salut le créateur du karaté […], ensuite on va saluer ensemble, le

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professeur salue les élèves et les élèves saluent le professeur, on dit senseî ni reï… » (cf.

annexe 3.), ce qui prouve son intention réelle de transmettre des savoirs éthiques aux élèves.

Après l’échauffement, la séance démarre par l’apprentissage d’une position où les élèves

doivent reproduire ce que fait le professeur (cf. tableau 22, situation 1) : « On se remet en

ligne […]. Cette position avec la jambe avant fléchie et la jambe arrière tendue s’appelle zen

kutsu dachi » (cf. annexe 3). Nicolas enchaîne ensuite avec l’apprentissage d’une technique de

poing (situation 1) : « ce qu’on va faire, on va apprendre un premier coup de poing. Ce

premier coup de poing s’appelle oï tsuki […]. Tous face à moi en garde » (ibid.). Nicolas

continue par l’apprentissage des différentes cibles (situation 2) que l’on peut attaquer en

sports de combat de percussion : « ici vous avez les différents niveaux. En karaté, on peut

attaquer à trois niveaux différents » (ibid.). Il s’avère que même dans cet apprentissage là, il

s’agit pour l’élève de viser une cible imaginaire puisque les élèves sont toujours en ligne et

travaillent les coups de poing dans le vide : « Allez, on est au visage, itch ! Vise la tête,

regarde si je me mets en face de toi… » (Ibid.). Il propose ensuite un enchaînement (situation

4), mais sans préciser dans un premier temps à quoi servent ces techniques, ni l’enchaînement

des deux. Il se contente de décrire la nouvelle technique en la démontrant (situation 3) : « on

va se mettre en position et on va enchaîner deux techniques […]. La technique qu’on va faire

s’appelle tensuï […]. La technique elle fait d’accord un soleil. Pourquoi c’est facile parce

que quand vous effacez le tableau vous faites comment ? (Ibid.). Puis vient l’apprentissage

d’une autre position de combat (situation 5) : « on va se mettre pour cette technique dans la

même position qu’on a fait tout à l’heure à l’échauffement, on écarte un peu les jambes. C’est

une position difficile qui s’appelle shiko dachi » (ibid.), à laquelle Nicolas inclue un travail de

blocage main ouverte : « et ici, regardez, on va faire des techniques cette fois-çi mains

ouvertes […]. Pour ouvrir la main, les doigts sont serrés et les pouces rentrés pour (ne) pas

se les accrocher » (ibid.). Encore une fois, il s’agit toujours d’un travail que les élèves

effectuent dans le vide puisque Nicolas précise même « c’est difficile pourquoi ? Parce qu’au

lieu d’avancer en marchant comme on le fait d’habitude il va falloir s’imaginer que la

personne est en face là… » (ibid.). C’est après plusieurs répétitions de ce travail que Nicolas

arrêtera là cette première partie de la séance, à la situation 5 sur 9 au total. Jusque là, la leçon

de Nicolas est très traditionnelle, quasiment analytique avec des répétitions de geste

techniques, des positions, des attaques et des blocages. Cette longue première partie statique

dure 46 minutes, pour passer à une phase plus dynamique et interactive (23 minutes) où il

commencera par faire travailler les élèves par deux afin de mettre en application les

techniques vues précédemment sur un assaut aménagé.

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2.2.3.3. Conclusion : le rapport SAE / SRE

Nicolas souligne dès le début de son bilan de séance le peu d’écart entre intentions et

réalisations : « j’ai réalisé la majorité des choses que j’avais envie de faire » (cf. annexe 4,

EPS). Il est aussi conscient de son entrée dans l’activité : « j’ai abordé d’un point de vue

technique, traditionnel, même si j’ai sauté les étapes statiques où l’on décompose chaque

technique » (ibid.). Il justifie d’ailleurs cette entrée par rapport au profil de la classe, dont les

caractéristiques (problèmes d’attention, de concentration, de perturbations par certains)

conviennent plus à l’entrée, aux contenus et à la démarche d’enseignement choisie : « je suis

resté donc assez traditionnel et je pense que cela peut convenir à cette classe, même si une

entrée plus sportive m’intéresserait […]. J’ai réalisé qu’avec cette classe ce n’était pas ce qui

allait être le mieux parce-qu’ils sont assez perturbateurs pour certains » (ibid.). Nicolas

aborde là le difficile enjeu de l’adaptation des savoirs à enseigner aux caractéristiques de la

classe et au problème que l’enseignant a sans cesse à gérer dans l’institution scolaire : la

gestion de l’hétérogénéité des élèves. Lorsqu’on lui demande par la suite ce qu’il entend par

une entrée sportive, il a beaucoup de mal à dire seulement le terme combat, comme si c’était

une bourde ou quelque chose d’interdit : « moi, je serai directement sur une entrée…euh…par

le…par le…disons le randori souple…le randori…le combat quoi […]. C’est toujours délicat

de dire en judo, en boxe ou autre, premier cours on va attaquer du combat… » (Ibid.). En

d’autres termes, Nicolas est divisé entre :

- sa formation d’enseignant, car n’oublions pas qu’il est au moment de

l’ expérimentation professeur stagiaire en formation, donc au fait des « méthodes

modernes » d’enseignement (mettre les élèves au centre du processus d’apprentissage,

donner du sens au situations, varier les procédures d’enseignement pour tenir compte

de l’hétérogénéité des élèves face aux apprentissages etc.).

- Sa référence personnelle, orientée vers les aspects sportifs et compétitifs de l’activité.

- L’option scolaire d’enseignement du karaté qu’il a développé lors de cette première

séance. En effet, un peu plus loin dans son entretien final, Nicolas dira : « c’est fou

parce que moi mon domaine c’est le côté sportif du karaté. C’est quelque chose que je

maîtrise cent fois plus que ce que j’ai fait aujourd’hui en cours […]. Le côté sportif,

c’est préférable…je le sais je l’ai compris mais je ne le sentais pas avec cette classe

[…]. Cela peut être bien sur une entrée par le combat avec des consignes et des

critères bien particuliers […]. Et puis je ne serai pas forcément rentré sur de

l’opposition. Ca peut être des situations sur cibles pour préparer au combat » (ibid.).

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On peut noter dans les propos de Nicolas cette division entre sa référence personnelle,

sportive de l’activité, ce qu’il maîtrise le mieux comme il le dit lui-même et sa référence

scolaire naissante du karaté qui se trouve largement influencée par la classe et la peur de ne

pas pouvoir tout contrôler. Dans le même ordre d’idée, il s’avère lorsqu’on lui demande, en

interrogeant ses propres références sportives au combat, quels « outils pour le combat » (cf.

annexe 4) il a donné aux élèves, Nicolas répond, embarrassé : « à partir du moment où je leur

fais faire un tsuki sur place, c’est un outil pour le combat. Là on est à cent lieux du combat

mais…Bon. Je sais pas si c’est un passage obligé parce que finalement c’est ce qu’on dit mais

j’en suis pas sûr. Pas sûr qu’avoir appris gedan baraï bien comme il faut dans le contexte

combat ça sert finalement à rien » (cf. annexe 4). Nicolas se rend compte à ce moment là que

l’apprentissage technique a ses limites. Il ne devrait d’après lui n’avoir qu’une place très

limitée en EPS, au contraire de ce qu’il a fait lors de la séance qu’il a conduite. Cela renforce

la question de l’écart qu’il peut y avoir entre la référence personnelle de l’enseignant et la

référence institutionnelle.

2.2.4. Conclusion de la pré-étude de cas Nicolas : perspectives envisagées

Au terme de cette pré-étude de cas, plusieurs questions sur la problématique de la

référence émergent :

- le savoir que le professeur enseigne est-il forcément en relation à sa propre référence?

- L’écart entre SAE et SRE, ou l’absence d’écart, révèle-t-il LA référence de l’enseignant ou

la référence attendue de l’institution ?

- Les traces de la référence, qui émergent par l’analyse des écarts, sont-elles toute la référence

ou des parties de celle-ci, voire des parties de différentes références ?

- L’enseignant ne peut-il pas avoir plusieurs références, qui agissent comme autant

d’influences sur son enseignement, qui devient, du coup « composite » ? (Martinand, 1992).

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Pour résumer ces questions sur la référence enseignante, l’une d’elles nous paraît

revêtir une importance particulière au regard de notre problématique sur les écarts :

L’analyse de la référence enseignante ne doit-elle pas prendre en compte et différencier ce qui

est de l’ordre de la référence à l’activité elle-même et ce qui est de l’ordre de la référence à

l’enseignement de celle-ci ?

En effet, la pré-étude de cas Nicolas a bien montré que la référence du pratiquant n’est

pas celle de l’enseignant, ce qui sera à prendre en compte lors des études de cas qui vont

suivre, celles de Michel, puis Alain et Giovanni.

D’un point de vue méthodologique, les résultats de la pré-étude de cas Nicolas nous

permettent de clarifier notre instrumentation pour les études de cas à venir, à savoir :

- un recueil des données sur deux séances, la première et la dernière du cycle afin

d’avoir ces données à deux moments clés de l’épreuve d’enseignement, l’entrée dans

l’activité et l’évaluation, qui est de surcroît un moment institutionnel important.

- Des entretiens mieux préparés et mieux menés, bien que l’expérience des entretiens

soit pour beaucoup dans cette progression.

- La nécessité d’un, voire plusieurs entretiens d’après-coup, de manière à fonder nos

interprétations en donnant la parole à l’enseignant, afin qu’il lui soit possible de

justifier ses dires et ses actes. Cet entretien permettra au chercheur d’accéder aux

significations accordées par le sujet à ses actes, aux raisons qu’il veut bien en donner.

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3. Reformulation des questions de recherche et de la

problématique

Ces analyses préalables nous ont permis de recadrer nos questions de recherche car

elles ont montré l’écart qui peut exister entre le rapport personnel qu’entretient l’enseignant

avec sa référence, ce qu’il désire enseigner et ce qu’il enseigne vraiment dans sa volonté de

répondre à la demande institutionnelle. En effet, le cas de Nicolas montre que même si sa

référence première en karaté est le combat en tant que pratiquant, puisqu’il en a à la fois

l’expérience et l’expertise, il ne parvient pas à fonder son enseignement sur cette référence et

s’en éloigne même du tout au tout, puisqu’il enseigne en fait de la technique. Bien sûr, on ne

peut préjuger de la suite de son cycle, même si son projet de classe fait état d’une continuation

du travail débuté dans sa première séance. C’est pour cette raison d’ailleurs que nous opterons

dans le recueil des données proprement dit des prochaines études de cas pour une observation

de la première et de la dernière séance, de manière à avoir des données à la fois sur le début

du cycle, mais aussi sur son issue. En effet, en accédant à la séance d’évaluation, sachant que

l’enseignant doit évaluer ce qu’il a enseigné, nous aurons de précieuses indications sur ce qui

a été réellement réalisé au cours du cycle. La pré-étude de cas Nicolas fait émerger des

questions inattendues : quelle est la nature du rapport entre le savoir auquel l’enseignant se

réfère et ce qu’il enseigne réellement du karaté en EPS ? Les enseignants vont-ils effectuer un

traitement didactique de l’activité karaté différent de leur propre référence de cette APSA, au

risque de la dénaturer ? Cela peut être en effet un obstacle majeur compte tenu du poids des

traditions véhiculées par le karaté...

A partir des analyses préalables, il s’avère que dans le SAE, nous pouvons faire

l’hypothèse que la référence est multiple : comme il y a des rapports au savoir, personnel,

institutionnel, social, il semble y avoir des références, multiples, à définir pour chaque cas.

Notre travail repose fondamentalement sur l’idée que l’enseignant se réfère toujours à quelque

chose qui donne du sens à son enseignement. La référence est définie par Quillet (1985) :

« action de se rapporter à une chose, à un texte, à une autorité ». En effet, « aucune recherche

ne peut éviter, à un certain moment, la question de la référence, dans la mesure où le savoir

transmis par l’enseignant se réfère le plus souvent à un déjà-là » (Terrisse 2001). Pour autant,

référence et déjà-là ne sont pas synonymes. Le déjà-là construit en partie la référence. Nous

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postulons que la référence de l’enseignant instaure un rapport à chaque étape de la

transposition didactique et du traitement didactique opéré par l’enseignant, auquel il ne peut

échapper.

Notre objet de recherche porte comme nous l’avons déjà écrit en fin de première partie

sur la recherche de traces de la référence de l’enseignant, concept qui nous permet d’analyser

l’activité professionnelle des enseignants d’EPS que nous allons extraire par l’analyse des

écarts entre le savoir à enseigner et le savoir à évaluer (SAE et SAEV), le savoir réellement

enseigné et le savoir réellement évalué (SRE et SREV). Cette quête des rapports entre SAE,

SRE, SAEV et SREV nous amène à poser la question de recherche suivante : en quoi une

pratique enseignante renvoie-t-elle à une référence, et laquelle ? Dans cette optique, les

questions de recherche sont de deux ordres :

- s’il l’on fait émerger des écarts importants aux différentes étapes de la chaîne transpositive,

ne sont-ce pas des références qui vont se révéler et y en aura-t-il une dominante dans

l’enseignement ?

- S’il n’y a pas d’écarts significatifs entre les différents savoirs enseignés et évalués, la

référence de l’enseignant est elle pour autant moins multiple, plus stable, moins dynamique ?

Nous faisons donc l’hypothèse que, dans ce travail de recherche qui va nous amener à

observer des pratiques d’enseignement, c’est la référence qui peut organiser, voire révéler la

pratique d’enseignement elle-même. Autrement dit, peut-on faire l’hypothèse que les

remaniements de la référence sont une dynamique majeure de l’enseignement de l’EPS ?

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4. Méthodologie de recueil des données : L’observation des

pratiques d’enseignement du karaté en EPS, à partir de la pré-

étude du cas Nicolas

Au cours de cette phase de notre recherche, nous nous sommes intéressés aux

pratiques « ordinaires » d’enseignement en EPS. Ces pratiques « ordinaires » revêtent une

dimension souvent extraordinaire dans la mesure où, d’une part, l’observation par le

chercheur introduit un biais dans l’aspect routinier de la séance et, d’autre part, l’activité

karaté est très peu enseignée en EPS. L’enseignement du karaté en milieu scolaire est toujours

le fait d’un enseignant « expert » car il est au moins ceinture noire, voire souvent professeur

de karaté en club. S’intéresser aux rapports aux savoirs d’un enseignant, c’est s’intéresser aux

différentes relations qu’il établit avec le savoir qu’il enseigne ou qu’il veut enseigner. En

effet, comme nous l’avons déjà étudié dans le cadre conceptuel, les intentions de l’enseignant

questionnent aussi bien les rapports personnels aux savoirs, (la prise en compte de la

dimension du sujet ou pour reprendre des auteurs comme Beillerot, Blanchard-Laville et

Mosconi en 1996 ; Charlot, 1997), que les rapports institutionnels à l’école (Chevallard,

1989). Cela justifie notre choix méthodologique de recueil des données : les enseignants

sélectionnés sont observés à la première séance du cycle (pour accéder ainsi à l’entrée

personnelle de l’enseignant dans l’activité et à ses intentions), et à la dernière, car la séance

d’évaluation représente un moment institutionnel fort du cycle où l’on peut penser que

l’enseignant fait des choix justifiés dans les savoirs évalués. Il existe alors un assujettissement

de l’enseignant à l’institution scolaire par le biais de l’évaluation, car il est obligé de noter ses

élèves et de rendre compte de ses notes, voire de les justifier auprès des différents acteurs

(famille, hiérarchie, élèves même parfois !).

Nous avons procédé à une analyse du discours des professeurs. Autrement dit, les

communications de chaque enseignant, au cas par cas, sont analysées, au cours des trois temps

de la méthodologie de la didactique clinique : le déjà là (planifications, entretien ante séance),

l’épreuve (l’acte d’enseignement et d’évaluation, entretiens post séance) et l’après-coup

(entretiens d’après-coup). Afin de rendre compte de la dimension temporelle si essentielle

dans ce processus d’analyse, Terrisse, Carnus et Sauvegrain ont synthétisé les trois temps du

recueil des données en didactique clinique sous la forme du tableau suivant (tableau 23) :

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Temporalité Déjà-là Epreuve Après-coup

Enseignant Planification Mise en oeuvre Remaniement

Tableau 23 : les trois temps du recueil des données (Terrisse, Carnus, Sauvegrain, 2002)

Ces trois temps ont un aspect linéaire pour l’enseignant au niveau temporel car le

premier est celui de la planification de l’enseignement à dispenser où l’enseignant précise la

nature du savoir à transmettre en termes de compétences à acquérir. Ce temps renvoie à ces

propres conceptions, à la logique qu’il attribue à l’activité et à la connaissance des élèves qui

composent la classe. Le deuxième temps, celui de la mise en œuvre (cf. tableau 23),

correspond à la phase d’enseignement proprement dite, où l’enseignant va devoir adapter ce

qu’il a prévu de faire aux réactions in vivo des élèves, à leur vitesse réelle d’apprentissage,

elle-même dépendante de leur motivation, leur intérêt, leur attention ou autrement dit de leur

adhésion à l’enseignement dispensé. Le troisième et dernier temps est celui des

« remaniements après-coup, puisqu’il tente, par la demande du chercheur à travers les

entretiens a posteriori et d’après-coup, de donner une logique à son enseignement et un sens à

ce qui s’est passé » (Terrisse, in Loizon, 2005). Ces trois temps facilitent la mise en évidence

de la référence, car à chaque étape, mais surtout dans l’après-coup, l’enseignant a pu prendre

de la distance et procède à une reconstruction des événements. Pour le chercheur, la

méthodologie de recueil et de traitement des données va suivre la temporalité que nous avons

décrite pour l’enseignant sans s’y confondre. Le premier temps lui permet en effet d’accéder

au déjà-là de l’enseignant, à son expérience d’enseignant, à son expertise de pratiquant dans

l’activité qui sert de référence au cycle enseigné, éventuellement à son histoire personnelle,

dans le cas où l’enseignant accepte de se livrer et à sa conception de l’activité à enseigner.

C’est le temps où le chercheur tente d’accéder au savoir à enseigner, par des entretiens ante

séance et l’analyse des planifications écrites fournies par l’enseignant. Le deuxième temps de

la méthodologie correspond à la confrontation du sujet enseignant à l’épreuve même de

transmission du savoir. Le chercheur procède à un recueil des données obtenu à l’aide des

outils vidéo et/ou audio, ceci afin d’avoir accès à la fois à ce que fait et ce que dit l’enseignant

pendant la leçon et aussi un temps post séance où l’enseignant est invité à un entretien afin

d’avoir ses analyses « à chaud » de l’enseignement produit. Le troisième et dernier temps est

celui pour le chercheur de l’interprétation des données ou comme le dit Terrisse « de la

recherche de la cause qui constitue le résultat du travail de recherche » (Terrisse, 2005). Dans

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cette quête de compréhension de l’activité de l’enseignant, la notion d’après-coup va être

capitale « puisqu’elle est un moyen incontournable d’analyse des choix de l’enseignant par

lui-même » (ibid.). L’entretien d’après-coup est réalisé longtemps après la séance observée,

de telle sorte que le chercheur ait eu le temps de traiter les données et de les interpréter, afin

de mettre en place son questionnement. En nous inspirant du précédent tableau, nous

l’agrémenterons afin de prendre en compte l’activité du chercheur, de la manière suivante :

Temporalité Déjà-là Epreuve Après-coup

Enseignant Planification Mise à l’épreuve Remaniement

Chercheur

Recueil des données

▼ ▼

SAE-SAEV SRE-SREV

Traitement des

données

Interprétations

Tableau 24 : la différence entre les trois temps de l’enseignant et les temps de la

méthodologie du chercheur

Pour notre recherche, la clinique en didactique va nous permettre de trouver à

chaque étape de l’enseignement des traces des savoirs (SAE, SRE, SAEV, SREV) et de

pointer ensuite les écarts. Afin d’identifier les savoirs qui font l’objet d’un enseignement,

nous avons utilisé des enregistrements audio et vidéo de six leçons d’EPS. Nous avons ainsi

observé trois professeurs d’EPS en situation d’enseignement « ordinaire ». Ces enseignants

étaient en lycée pour l’un (classe de BEP) ou en collège (classes de quatrième et de troisième)

pour les deux autres. Notre corpus est donc composé pour une grande partie du verbatim de

ces six leçons d’EPS (deux par professeur d’EPS).

Nous avons aussi utilisé une autre technique de recueil des données : l’entretien semi

dirigé (De Ketele, Roegiers, 1996). Celui-ci sera réalisé en début de chaque séance (entretien

ante séance - EAS), puis à la fin de celles-ci (entretien post séance - EPS). Ces entretiens semi

dirigés ante séance et post séance nous ont permis de recueillir les intentions didactiques des

professeurs d’une part, leurs interprétations de l’enseignement dispensé au cours de chaque

séance d’autre part. Un autre entretien sera également réalisé plusieurs mois après la fin du

cycle, (cf. tableau 25) : l’entretien d’après-coup (EAC). Nous avons questionné les

enseignants dans l’après-coup, car comme le souligne A. Terrisse : « à la manière des

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154

cliniciens, nous postulons que seul le sujet peut rendre compte de ses actes » (Terrisse, 2005).

Ce concept d’après-coup fréquemment employé par Freud, permet d’accéder aux

significations accordées par le sujet à ses actes : « Freud a remarqué que le sujet remanie

après-coup les événements passés et que c’est ce remaniement qui leur confère un sens et

même une efficacité » (Laplanche, Pontalis, 2002). Ce concept a également été repris par

Chevallard dans sa théorie anthropologique du didactique : « Il semble bien que l’importation

dans l’analyse didactique du concept d’après-coup, appliqué alors à des réorganisations

cognitives, soit très éclairante » (Chevallard, 1991). Notre corpus est donc constitué pour une

autre grande partie de ces différents entretiens. Avec pour chaque enseignant un entretien ante

séance et un post séance, puis un entretien d’après-coup, il y en a cinq par enseignant, soit

quinze au total. Ils sont volontairement semi dirigés de manière à laisser un maximum de

liberté d’expression aux enseignants, tout en guidant leur discours sur le thème de la

recherche. Par exemple, l’entretien post séance peut commencer en donnant à l’enseignant

l’opportunité de faire un bilan de sa leçon, au niveau didactique. Au niveau méthodologique,

les entretiens ante séance ont pour but de fournir des informations sur le déjà-là, sur le choix

des savoirs à enseigner et à évaluer, et les effets attendus par les enseignants en termes

d’acquisition de savoirs par les élèves. C’est pourquoi nous interrogeons en premier lieu

l’enseignant sur son expérience du karaté (pratique et enseignement), dans l’EAS1. Puis nous

posons une question sur ses intentions lors de la séance et plus généralement du cycle. Enfin,

nous revenons éventuellement sur un aspect du projet de cycle fourni par l’enseignant afin

qu’il explicite le plus précisément possible ses intentions didactiques. Par exemple, nous

avons demandé à Nicolas dans l’EAS1 pourquoi il avait choisi de rentrer dans l’activité par le

kihon et kihon ippon kumite, comme il l’annonce dans sa planification. L’enseignant

répondra : « le kihon pour moi, c’est le travail de base, la répétition des gammes techniques

indispensables avant je pense de passer au travail à deux. Le kihon ippon kumite, c’est une

première étape avant de faire du combat ».

Au niveau des entretiens post séance, la première question demande à l’enseignant de

faire un bilan de sa séance. Puis nous l’interrogeons sur l’écart entre le projet de séance fourni

et ses réalisations effectives. Enfin, les questions suivantes vont concerner l’entrée dans

l’activité, et des précisions sur certaines situations proposées, afin d’amener l’enseignant à ce

qu’il exprime sa référence, voire à ce que le chercheur puisse en faire émerger plusieurs.

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Dans les entretiens d’après-coup, nous revenons avec l’enseignant sur les écarts

repérés. Le plus souvent, nous le faisons en mettant en contradiction un extrait de verbatim

avec une réalisation effective au cours d’une des séances ce qui permet au chercheur de mettre

en évidence un écart et les raisons qu’en donne l’enseignant. Il peut aussi arriver que nous

utilisions un extrait vidéo, afin que l’enseignant se replace bien dans le contexte, ce qui

fonctionne alors comme un rappel stimulé. Dans certains cas, la vidéo peut aussi apporter la

preuve d’un écart, entre ce qu’a fait effectivement l’enseignant et ce qu’il dit faire ou avoir eu

l’intention de faire. Mais dans cette démarche, il ne s’agit pas de mettre l’enseignant mal à

l’aise en pointant un dysfonctionnement mais simplement lui donner l’occasion d’expliquer

les raisons de la remédiation effectuée. C’est en effet l’intérêt premier de l’après-coup pour le

chercheur : expliquer, accéder à l’implicite en donnant la parole à l’enseignant pour qu’il

délivre son analyse et les raisons de son choix. Après l’analyse longitudinale du cas Michel,

nous avons pu organiser différemment les questions de l’entretien d’après-coup des autres

études de cas. Ainsi, pour concevoir ceux de Giovanni et d’Alain, nous avons notamment jugé

opportun de commencer l’entretien par des questions plus personnelles sur la pratique du

karaté pour orienter peu à peu l’entretien vers l’enseignement de l’activité en EPS. Cette

méthode, du personnel au professionnel, pourrait-on dire, permet à notre sens d’ouvrir cet

entretien sur le sujet, de lui permettre de se livrer en donnant la parole non pas au professeur

qu’il est mais au sujet singulier, pratiquant de karaté. De plus, cela permet sans doute

d’instaurer un rapport d’écoute et de confiance entre l’enseignant et le chercheur et de donner

à l’entretien l’orientation clinique voulue, en mettant en valeur la singularité du sujet et les

raisons personnelles de ses choix.

Pour reprendre la terminologie de J.M. Van der Maren, ces différentes modalités de

recueil des données « invoquées » (planifications), « suscitées » (entretiens) et « provoquées »

(enregistrements vidéo et questionnaires), (Van der Maren, 1996), seront croisées dans la

phase d’interprétation sous forme de « triangulation des données » (Huberman et Miles, 1991;

Pourtois et Desmet, 1988), ceci afin de contrôler a minima la subjectivité du chercheur. Le

tableau suivant (tableau 25) propose une vue synoptique du protocole chronologique du

recueil de données.

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156

Recueil Enseignant

Première séance Entretiens ante et

post

Séance d’évaluation Entretiens ante et

post

Entretiens d’après-coup

EAC1 EAC2

Pré étude de cas : Nicolas

22-06-2005 Non prévus au protocole

Michel 13-12-2005 13-02-2006 06-11-2006 Alain 01-03-2006 17-05-2006 27-12-2007

24-01-2008 Giovanni 07-03-2006 06-06-2006 20-12-2007

17-01-2008

Tableau 25 : protocole chronologique du recueil des données

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157

5. Méthodologie de traitement des données : l’analyse des

pratiques d’enseignement du karaté en EPS

5.1. Présentation des différentes phases du traitement des données

Le traitement des données s’effectue en quatre temps chronologiques :

- Le premier temps consiste en une lecture sélective des réponses de l’enseignant à

l’EAS1 et à l’EASEV et des documents relatifs aux planifications (cycle, séance).

Cette phase permet de rendre compte des SAE et SAEV, comme par exemple l’entrée

dans l’activité et les savoirs que l’enseignant a l’intention d’enseigner en premier lieu.

- Au cours du deuxième temps, l’analyse des verbatim des deux séances enregistrées et

des EPS1 et EPSEV permettent de rendre compte des SRE et SREV.

- Le troisième temps est consacré au pointage des écarts entre SAE, SRE, SAEV et

SREV. C’est au cours de cette phase que seront sélectionnés des extraits de verbatim

significatifs de ces écarts afin de préparer l’EAC. Des conjectures sur la référence

enseignante seront avancées par le chercheur.

- Le quatrième et dernier temps permet de confronter les énoncés interprétatifs aux

conjectures de la précédente phase, par l’analyse des EAC. Il sera alors possible, lors

de cette ultime phase, de caractériser la référence enseignante.

Le tableau suivant (tableau 26) se propose de récapituler ces quatre temps de notre

méthodologie de traitement des données.

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LES QUATRE PHASES DU TRAITEMENT DES DONNEES TEMPS 1

Repérage SAE et

SAEV

TEMPS 2

Repérage SRE et SREV

TEMPS 3

Pointage des écarts

TEMPS 4

Hypothèses interprétatives sur la

référence enseignante

EAS1 et EASEV

Planifications cycle et séances

Analyse des séances : extraction et mise en

évidence des différents savoirs

enseignés et évalués

Analyse des EPS1 et EPSEV

Préparation des

entretiens d’après-coup

Analyse des entretiens

d’après-coup

Tableau 26 : les quatre phases du traitement des données

Les résultats issus du traitement des données seront présentés selon les trois étapes de

la méthodologie propre à la didactique clinique (cf. tableau 27). Ainsi, nous présenterons dans

un premier temps les intentions de l’enseignant au travers de l’analyse de ses planifications et

des EAS1 et EASEV. Puis nous ferons une description de la séance réalisée par l’enseignant,

qui sera analysée au travers de ses verbatim, in situ et post séance au cours de l’entretien a

posteriori. Enfin, nous décrirons les résultats émanant de l’entretien d’après-coup.

Temps Déjà-là Epreuve Après-coup

Enseignant Planification Mise à l’épreuve Remaniement

Chercheur :

présentation des

résultats

Présentation de la

séance prévue au

regard des

planifications et de

l’entretien ante

séance

Description et

analyse de la séance

réalisée grâce à la

vidéo et à l’entretien

post séance

Analyse après-coup

grâce aux entretiens

du même nom

Tableau 27 : méthodologie de présentation des résultats par le chercheur

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159

5.2. Techniques d’analyse des données

L’approche qualitative caractérise notre approche clinique en vue de viser une

meilleure compréhension des écarts entre SAE, SRE, SAEV et SREV pour chacun des trois

enseignants observés. Elle consistera à travailler sur des données qualitatives (mots et images)

auxquelles nous attribuerons des significations par induction pour construire du sens. Elle

nous permettra alors de passer de la description à la compréhension en induisant certaines

significations à partir de l’analyse des données sélectionnées. Pour inférer la référence

enseignante, nous essaierons de comprendre, à partir des données recueillies, la logique de

l’enseignant. La compréhension de ces phénomènes passera par l’identification des origines

possibles des écarts, liées à son expertise de pratiquant, son expérience d’enseignant, son

histoire de sujet, toujours singulière.

Nous n’utilisons que très peu l’approche quantitative, ce qui justifie d’en parler. Cette

approche consiste à travailler sur des données numériques à partir de transformations de

certaines données qualitatives auxquelles sont attribuées directement la valeur des nombres.

Cela concerne la fréquence d’apparition de termes, comme par exemple dans notre

questionnaire préliminaire. Ce traitement quantitatif est pour nous à visée vérificative, et

alimente notre discours descriptif en apportant une validité à celui-ci et notamment au versant

interprétatif. Elle peut paraître dérisoire dans notre travail mais nous la jugeons utile à la

compréhension globale du phénomène étudié. Elle ne prend en fait de sens que conjuguée à

l’étude qualitative.

5.2.1. L’étude de documents fournis par l’enseignant : les planifications

L’enseignant fournit au chercheur lors de la première séance ses planifications du

cycle. Celles-ci consistent dans un projet de cycle, avec l’analyse de l’activité et de la classe,

les compétences et transformations attendues, les thèmes de chaque séance et enfin le détail

de la première leçon en termes de situations didactiques. Suivant les habitudes de travail de

chaque enseignant, la présentation et le détail du projet peuvent être très différents. L’analyse

des données issues des planifications se fait essentiellement par une lecture attentive avec

surlignage des mots clefs comme par exemple position, blocage, geste, qui renvoient à des

savoirs techniques, au regard de la catégorie des savoirs en sport de combat de Margnes

(2002). Il s’agit en effet d’accéder à ce que prévoit de faire l’enseignant pendant le cycle

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160

d’une part, pendant la séance d’autre part. Dans un second temps, nous analysons s’il y a

adéquation entre le projet de cycle et ce qui est prévu au cours de la première séance, ainsi

qu’au cours de la séance d’évaluation. Cette phase d’analyse des planifications va donc nous

renseigner sur le SAE et le SAEV, autrement dit sur ce que l’enseignant prévoit d’enseigner et

d’évaluer. Les verbatim que nous prélevons des planifications étant écrites, elles seront mises

entre guillemets, sans italique, qui est réservé à des extraits oraux.

5.2.2. Les entretiens ante séance (EAS)

L’EAS commence toujours par plusieurs questions relatives à l’expertise de

l’enseignant en karaté, à savoir son parcours, son style ou école d’appartenance, le nombre

d’années de pratique et si celle-ci a été compétitive ou pas. Ensuite, nous demandons à

l’enseignant de s’exprimer sur ses intentions lors de la séance, en question ouverte, afin que

l’enseignant développe ce qu’il a prévu de faire pendant la séance. Une fois les réponses

retranscrites, nous effectuons un codage du discours de l’enseignant, selon les mêmes

catégories d’analyse que précédemment. En effet, comme l’enseignant s’exprime sur son

expertise et son expérience, il émerge des traces de sa référence, que l’on peut repérer

notamment grâce aux termes utilisés dans les planifications et à l’analyse du discours lors de

l’EAS. Par exemple, l’enseignant peut évoquer dans ses intentions de centrer son cycle sur les

assauts ou au contraire sur l’apprentissage des techniques propres au karaté. On pourra alors

se reporter à la typologie des références que nous avons développée dans la première partie de

la thèse (référence historique, sportive, didactique et scolaire) afin de déterminer de quelle

référence cette intention de l’enseignant se réclame. Le mode d’analyse de cet EAS s’effectue

dans le même temps que le traitement de la séance auquel il se rattache. En effet, dès que nous

émettons une interprétation de ce qu’a dit l’enseignant pendant son cours, nous consultons le

verbatim de l’entretien ante séance pour voir si nous ne trouvons pas matière à infirmer ou

confirmer cette interprétation. Dans le cas où nous constatons un écart entre ce qu’a pu dire

l’enseignant dans l’EAS et ce qu’il a enseigné, nous le notons afin de pouvoir l’interroger sur

cette contradiction lors de l’EAC, et permettre à l’enseignant d’exprimer ses propres raisons à

cet écart.

Notons que les verbatim des entretiens apparaissent dans le texte entre guillemets et en

italique, comme il se doit de le faire pour relater un extrait de discours oral.

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161

5.2.3. Les séances

Afin d’appréhender l’épreuve d’enseignement dans toute sa dimension complexe,

nous avons opté pour l’usage de la vidéo, qui permet de recueillir des informations de deux

natures : images et paroles. Le filmage est assuré par une caméra tantôt fixe, tantôt mobile,

focalisée sur l’enseignant qui est aussi équipé d’un dictaphone numérique afin d’enregistrer

l’ensemble de ses communications de manière optimale. Nous proposons dans le tableau

suivant (cf. tableau 28) de présenter de manière synoptique le codage des différents savoirs

qui sont enseignés. Une fois la retranscription réalisée d’une séance par exemple, nous la

relisons et procédons au codage des mots, des phrases utilisées par l’enseignant. Ce codage

sera utile afin de repérer le plus facilement possible dans la retranscription en annexe les

différents savoirs enseignés et faire émerger les écarts par la suite. Dans un souci de lisibilité,

nous utiliserons un code de style pour faire émerger ces différents savoirs, qui seront ensuite

classés comme le montre le tableau suivant (tableau 28). Le code de différenciation des

différents savoirs a déjà été explicité dans la première partie, au chapitre connaissance de

l’activité. Pour rappel, nous avons choisi de reprendre la typologie de Margnes (2002) en

judo, qui distingue les savoirs techniques, stratégiques, éthiques, réglementaires et

sécuritaires, puis autres pour ceux que l’on ne pourrait pas classer dans ces catégories. Par

exemple, en karaté, le salut en début de cours renvoie à un savoir éthique. Une situation

d’apprentissage où les élèves apprennent avec l’enseignant un blocage ou une attaque renvoie

plutôt à un savoir technique. S’il met les élèves par deux dans une situation de duel où il leur

faut chacun toucher l’autre, il enseigne alors des savoirs stratégiques. Enfin, en fonction des

cibles qu’il autorise dans cette même situation, nous pouvons avoir aussi des savoirs

sécuritaires.

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162

Verbatim

Nature des savoirs

SEANCE 1 ET EVALUATION

Technique Repérage dans le texte en italique

Exemple : techniques de percussions, blocages

Stratégico tactique Repérage dans le texte en gras

Exemple : rôles, rapport d’opposition

Ethique Repérage dans le texte en souligné

Exemple : rituels de salut, solidarité, respect du partenaire

adversaire

Réglementaire et

sécuritaire

Repérage dans le texte en italique souligné

Exemple : règles, touches et cibles autorisées

Autres Repérage dans le texte normal

Tableau 28 : mode de codage dans les annexes des différents savoirs enseignés et évalués

5.2.4. Les entretiens post séance (EPS)

Au début de l’EPS, nous demandons d’abord à l’enseignant de faire un bilan de

séance, où il va donc s’exprimer sur ce qu’il a réalisé ou pas, ses impressions concernant

l’apprentissage des élèves, le climat de la classe, s’il a modifié sa prévision. En somme, il lui

est demandé d’évaluer les écarts entre ce qu’il avait prévu et ce qu’il a réellement enseigné.

Pour le guider dans cette démarche, nous revenons avec lui sur l’enquête préliminaire où il a

pu décrire son entrée dans l’activité et nous établissons avec lui si celle-ci est en continuité ou

pas avec ce qu’il a fait lors de la séance. Ensuite, en fonction de ce que l’enseignant a

effectivement enseigné, nous l’interrogeons sur une tendance forte de son cours, comme par

exemple le travail à deux ou au contraire le travail dans le vide en répétition de techniques. Le

but est ici de cerner avec le plus de précision possible le SRE, du point de vue de l’enseignant

même, de ce qu’il en dit et non pas de l’observation que nous en avons fait. Sur la fin de

l’entretien, nous demandons à l’enseignant de donner sa conception de l’activité, notamment à

des fins comparatives au SRE. Si au demeurant la conception qu’il annonce s’avère en

désaccord avec le SRE, nous demandons à l’enseignant de l’expliquer, notamment au regard

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163

de l’écologie de l’établissement, des caractéristiques propres des élèves. Enfin, nous

l’interrogeons sur l’évaluation qu’il compte mettre en place, pour identifier en fin de cycle

une évolution éventuelle et s’en servir pour une discussion. L’analyse du corpus s’effectue

après retranscription totale par une lecture attentive et par un codage des mots clefs, comme

cela est effectué dans l’analyse de la séance proprement dite. L’EPS est utilisé pendant la

phase d’interprétation du chercheur selon le même mode de traitement que l’EAS.

5.2.5. Les entretiens d’après-coup (EAC)

L’EAC va nous permettre de fonder nos interprétations en donnant la parole à

l’enseignant, afin qu’il lui soit possible de justifier ses dires et ses actes. La recherche

d’indices des raisons qui permettent d’expliquer les écarts est au centre de cet entretien. Son

mode de traitement se différencie quelque peu des entretiens ante et post séance dans la

mesure où l’EAC est construit après les interprétations que le chercheur a faites

précédemment. En ce sens, l’EAC est construit a posteriori. Il a alors un statut à part et peut

d’ailleurs être programmé plusieurs fois afin d’éclaircir avec l’enseignant des dires dont le

chercheur souhaite avoir des précisions. Le traitement des données issues de ces entretiens

suit les trois temps de la méthodologie de la didactique clinique, à savoir le déjà-là, l’épreuve

et l’après-coup. Autrement dit, nous revenons successivement avec l’enseignant sur le SAE, le

SRE et l’après-coup. En effet, lors de la troisième phase de notre traitement des données, nous

avons pu repérer des écarts entre le dire et le faire, entre intentions déclarées et réalisations.

Nous relevons des extraits de verbatim significatifs que l’on va soumettre à l’enseignant afin

qu’il s’exprime à ce propos. Si besoin était, nous pouvons avoir à ce niveau recours à la vidéo,

dans le cas où l’enseignant en ait besoin car l’entretien d’après-coup intervient souvent

plusieurs mois après la fin du cycle concerné. Nous avons en effet le film des deux séances de

l’enseignant sur un DVD et il est très facile de retrouver le passage du film qu’il veut revoir,

ou que nous voulons lui montrer. De la même manière, comme ses communications ont été

enregistrées au moyen d’un dictaphone numérique, elles sont enregistrées sur le même disque

et facilement retrouvables, comme support à une discussion, voire comme preuve si

l’enseignant remettait en cause ce qu’il a pu dire à un moment, soit aux élèves, soit au cours

d’un entretien.

Cette présentation méthodologique terminée, nous allons maintenant exposer les

résultats des trois études de cas de notre recherche.

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TROISIEME PARTIE

RESULTATS DE L’ETUDE

DIDACTIQUE CLINIQUE

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1. Rappel méthodologique

La logique de présentation de chaque cas sera identique et suivra les trois temps de la

recherche didactique clinique, à savoir le déjà-là, l’épreuve et l’après-coup (tableau 29).

Temporalité Déjà-là Epreuve Après-coup

Enseignement Planification Mise à l’épreuve Remaniement

Données

convoquées par le

chercheur

Planifications cycle

et séance

Entretien ante

séance

Retranscription des

verbatim des séance

et entretiens post

séance

Entretiens d’après-

coup

Tableau 29 : les trois temps de la méthodologie en didactique clinique

Dans le premier temps du déjà-là, seront analysés les planifications (PF), les

entretiens ante séance 1 et ante séance d’évaluation (EAS1 et EASEV). Dans le deuxième

temps qui est celui de l’épreuve, les communications de l’enseignant lors des première et

dernière séances seront étudiées, ainsi que les entretiens post séance (EPS1 et EPSEV). Enfin,

le troisième et dernier temps s’attachera à l’analyse des entretiens d’après-coup (EAC).

L’analyse de chaque temps va apporter un éclairage spécifique : ainsi, l’analyse du déjà-là

devrait nous renseigner sur le savoir à enseigner. L’analyse de l’épreuve devrait nous

informer à la fois sur le savoir enseigné et ce qu’en dit l’enseignant immédiatement après.

Enfin, l’après-coup vise à mettre en lumière les remaniements qui sont opérés par l’enseignant

une fois le cycle passé et surtout confronter les interprétations du chercheur aux raisons

exprimées par l’enseignant lui-même. Ainsi, l’après-coup permet d’accéder aux causes des

interprétations faites par le chercheur, en incitant l’enseignant à « réélaborer » (Terrisse,

2007) les savoirs prévus et mis en jeu dans son enseignement. Autrement dit, dans l’après-

coup, le chercheur tente d’accéder aux raisons de l’enseignant, plus ou moins explicitées par

lui, sur ce qu’il a fait, dit et dit avoir fait.

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167

2. Etude de cas : Michel

2.1. Présentation de l’enseignant collaborateur

Les enseignants qui participent à cette recherche ont déjà été décrits dans les analyses

préliminaires en début de seconde partie de la thèse. A partir de leurs réponses à l’enquête

préliminaire, nous avions en effet proposé un état des lieux de leur déjà-là, expérientiel,

conceptuel et intentionnel. A des fins de rappel, Michel, âgé de 40 ans, est enseignant d’EPS

depuis quinze ans. Il a quatre ans de pratique de karaté et a atteint le grade de ceinture marron.

Il enseigne le karaté en EPS dans son établissement à des élèves de BEP 1ère année

maintenance cyclo-moto. Sa pratique du karaté est quelque peu irrégulière, avec des périodes

d’inactivité (il a commencé à 23 ans), et il reprend cette année dans un club du style

kyokushinkaï, réputé très dur, dans le sens où les coups sont portés de manière réaliste à

l’entraînement et où les compétitions de combat vont au KO d’un des adversaires. Agrégé

d’EPS, Michel est un enseignant qui réfléchit beaucoup sur sa pratique, afin de progresser

dans celle-ci. Il n’hésite pas ainsi à s’investir dans de nombreux projets dans son

établissement comme par exemple dans des classes européennes où il enseigne en espagnol.

2.2. Première phase de l’étude de cas : le déjà-là de Michel

2.2.1. Etude des planifications

Le projet de cycle fourni par Michel est joint en annexe 8 (cf. document : annexes de

la thèse). On pourra d’ores-et-déjà noter que le titre précise bien qu’il s’agit d’un « cycle

karaté kyokushinkaï ». Il est donc connoté puisque référé à cette école, ce style dont la

particularité est un enseignement presque exclusivement orienté vers le combat. Michel

procède dans ce projet à une analyse de l’activité, en définissant celle-ci : « art martial de

percussion dérivé du goju ryu » qui est une école de karaté traditionnelle comme nous l’avons

déjà défini en fin de première partie de la thèse. Il résume ensuite les règles principales qu’il

faut retenir pour lui des combats et la notion de contrôle des coups. Une autre partie du projet

s’attache à la description de la classe, où Michel propose son analyse des élèves par les

ressources disponibles : « ressources énergétiques, cognitives, affectives et motivation ». Ces

deux études débouchent sur une proposition de contenus d’enseignement, en terme de

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168

compétences attendues, à savoir « acquérir les principes de l’affrontement en préservant son

intégrité physique… ». Michel intègre alors dans son projet la préoccupation sécuritaire. Il

donne ensuite des éléments sur sa démarche, ainsi que du traitement didactique, comme par

exemple le « processus d’apprentissage, centré sur la compréhension de l’activité et des

distances de travail ». Les transformations attendues sont déclinées en rapport aux

programmes d’EPS du lycée, en « techniques et tactiques, connaissance de soi et savoirs faire

sociaux ». Enfin, Michel détaille le contenu de la première séance avec « présentation de

l’activité, travail technique sur tsuki et geri puis sur blocages en situation de résolution de

problème ; petits assauts ». On notera que les autres séances ne sont pas prévues à l’avance et

remplies par l’enseignant au fur et à mesure de l’avancée du cycle, en fonction notamment de

la progression des élèves. Comme nous l’a confié Michel lors d’une discussion non

enregistrée (en fin d’EPS1, le dictaphone ayant été éteint, Michel revient sur cet aspect de son

travail sans que le chercheur s’attende à cette précision) cela correspond à son « mode de

fonctionnement » dans la mesure où de son point de vue, cette adaptation d’une séance sur

l’autre est le propre de l’enseignement. Il ne peut en effet prévoir les contenus de la deuxième

séance sans avoir fait le bilan de la première, notamment en ce qui concerne le ressenti des

élèves, leurs progrès, leur motivation et de ce fait les remédiations qu’il va devoir effectuer. Il

nous dira fonctionner ainsi d’une année sur l’autre, en ne gardant jamais de traces de ses cours

car chaque classe est unique et le cours de karaté de la classe X en 2007 ne peut pas être refait

à la classe Y en 2008. Michel considère l’enseignement comme une adaptation continue,

d’une séance à une autre, d’un cycle à un autre, d’une année sur l’autre et il ne refait donc

jamais deux fois la même chose, même à deux niveaux de classe identiques.

2.2.2. Etude de l’entretien ante séance 1 (EAS1)

La première question qui a été posée à Michel concerne son parcours personnel en

karaté. Il a commencé le karaté lorsqu’il était adulte : « j’avais 23 ans » (cf. annexe 9, EAS1).

Par contre ses débuts étaient intensifs puisque comme il le dit « j’ai pratiqué quasiment

quatre à cinq fois par semaine pendant cinq ans ». Il a eu ensuite une période d’interruption

« dû à une blessure » puis « a repris cette année en changeant de style de karaté ». Michel est

actuellement ceinture marron de karaté mais n’a quasiment pas d’expérience en compétition

(« une compétition, une Coupe de France »). Nous lui demandons ensuite quelles sont ses

intentions dans le cycle karaté qu’il va faire, à quoi il répond que ce qu’il veut développer

« c’est d’abord une approche culturelle de l’activité ». Ceci, à notre sens, correspond à une

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entrée traditionnelle qui inclura une forte exigence technique et des savoirs éthiques comme le

salut, le respect de l’adversaire par exemple. Dans un deuxième temps, il aborde l’aspect

technico-tactique et la première transformation qu’il veut voir apparaître chez ses élèves :

« passer d’un travail de poings unique à un enchaînement pieds poings ». Dans un troisième

temps, Michel compte aborder l’aspect technique et enfin le combat et l’arbitrage. On ne sait

pas, à ce moment, si la chronologie de son exposé rend compte de l’importance qu’il accorde,

soit aux aspects techniques, soit aux aspects stratégiques ou si cela ne rend compte que de

l’organisation de sa réflexion. On peut cependant en déduire une certaine hiérarchie des

savoirs dans l’esprit de Michel puisqu’il commence en disant « ce que je veux développer

c’est d’abord l’approche culturelle […], ensuite l’aspect technico-tactique. Dans un troisième

temps l’aspect technique, enfin le combat et l’arbitrage ». Nous pourrons étudier par la suite

si cette hiérarchie est ou non respectée dans ce qu’il enseigne réellement, ce qui pourra alors

faire émerger un écart entre SAE et SRE.

2.2.3. Les traces du SAE

Au niveau du SAE, les contenus à privilégier pour Michel sont : « techniques grâce à

des formes variées de travail (kata, kihon, kumite) et la gestion du couple risque sécurité » (cf.

annexe 7). De même, le contenu des séances est : « basé essentiellement sur un apport

technique au départ avec glissement progressif vers l’assaut et le combat ». Il s’avère que

Michel accorde donc une place non négligeable aux apports purement techniques mais en

début d’apprentissage. Après quoi, il dit pouvoir passer à un enseignement plus stratégique et

tactique, une fois que les bases techniques sont intégrées par les élèves. Ce souci de Michel

est clairement identifiable dans son projet de cycle où il fait état des transformations

attendues : « techniques et tactiques ; passer d’une défense passive à une défense active (garde

et mobilité). Passer d’une attaque simple et sporadique à une attaque construite et enchaînée

(niveau et arme). Passer d’attaques hors distance à des attaques qui touchent », qui sont

d’ailleurs extraites des programmes d’EPS du lycée (2001). Il est évident que les programmes,

dont l’analyse se trouve en fin de première partie de la thèse, et dans la mesure où très peu de

choses y sont spécifiées, sauf pour la boxe et la lutte dans les documents d’accompagnement,

induisent un type de traitement didactique, une approche transversale des sports de combat.

Comme les enseignants collaborateurs sont spécialistes de l’activité karaté, on peut faire

l’hypothèse qu’ils ont des difficultés à rentrer par les programmes. Les propos de Michel dans

l’EAS1 confirment cette option puisqu’on peut lire : « on va commencer à aborder la

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terminologie sur tsuki, sur geri après on verra un petit peu les blocages. Ensuite, il y a

l’aspect je dirais technico-tactique, travailler sur l’enchaînement pieds-poings, c’est la

première transformation que je souhaite voir chez les élèves : passer d’un travail de poings

unique à un enchaînement pieds-poings ». Ces propos pourraient aussi bien s’appliquer à de la

boxe française ou toute autre activité de combat de percussion.

Au terme de cette analyse du SAE de Michel, on peut dire que l’enseignant se

positionne clairement dans une optique d’articulation duo/duel, qui est d’ailleurs prônée par

les programmes dans les activités de combat en lycée (ibid.) auxquels Michel fait référence

dans son projet. Le SAE de Michel se révèle dans une dominante que l’on peut qualifier de

technico-tactique, terme souvent utilisé dans les activités de combat pour définir une approche

duale, à la fois technique et stratégique pour reprendre les termes que nous utilisons pour

classer les savoirs selon Margnes (2002).

2.2.4. Etude de l’entretien ante séance d’évaluation (EASEV)

Cet entretien s’est réalisé de manière brève car Michel était apparemment très

concentré sur ce qu’il avait à faire et semblait surtout un peu « stressé » quant à la gestion

horaire de sa séance. Ce stress, bien évidemment, pouvait aussi provenir de la présence en

cours du chercheur, avec tout le dispositif de recueil mis en place, comme la caméra vidéo et

le dictaphone porté par l’enseignant durant toute la séance. La question qui lui a été posée

concernait donc ses intentions, au niveau de l’évaluation des élèves, ce à quoi il répond que

« l’objectif est d’évaluer les transformations opérées pendant le cycle. Les élèves sont évalués

en combat, dans l’épreuve du combat. Il y a juste les coups de pieds qui sont modérés, pour

des questions de sécurité, et qu’ils s’investissent dans les combats sans peur. De plus, la cible

visage est interdite, pour les mêmes raisons. A part ça, on est en combat, c’est libre ». Nous

lui avons ensuite demandé de nous expliciter un peu la fiche de co-évaluation dont il nous a

donné un exemplaire avant le début du cours mais, comme il allait la détailler avec les élèves,

il a voulu gagner ce temps et nous faire profiter de l’explication en même temps qu’eux. On

peut néanmoins détailler la fiche que l’on trouve en annexe 8 car les critères présents peuvent

nous donner des indications précieuses sur le SAEV de Michel. Ainsi, Michel distingue

l’évaluation en défense (deux critères) et celle en attaque (trois critères) :

- les deux critères en défense concernent « la mobilité, se dégage latéralement » et « la

garde, se protège ».

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- Les trois critères en attaque sont : « attaque toutes les lignes », enchaîne les coups » et

« précision des coups ».

Si les critères sont présents, les indicateurs ne le sont pas, ce qui n’est pas si étonnant

du fait que nous avons à faire à un enseignant expert et expérimenté. On peut en effet

supposer comme l’a montré une étude de B. David qu’il a les indicateurs, au sens où il les

sait, car il a construit cette compétence (David, 2000). Les critères de garde et d’enchaînement

sont plutôt des critères techniques. Par contre, le critère de défense, qui envisage un décalage

dans lequel l’élève sort de la ligne d’attaque pour rester à distance de son adversaire et contre-

attaquer plus facilement, relève d’un savoir stratégique. De la même manière, les critères

d’évaluation de l’attaque qui envisagent celle de toutes les lignes, autrement dit de cibles

diverses, ainsi que la précision des coups font aussi plutôt référence à des savoirs stratégiques.

On peut ainsi dire que la co-évaluation mise en place par Michel est pour trois critères sur

cinq stratégique, ce qui constitue déjà un écart avec le début du cycle, beaucoup plus centré

sur l’enseignement de savoirs techniques.

2.2.5. Les traces du SAEV

Dans l’enquête préliminaire, Michel envisage une évaluation « tripartite : respect de la

tradition avec un kata, du kihon sur les techniques vues et du combat libre ou dirigé en

fonction du niveau de classe » (cf. annexe 7). En début de cycle, sa position a évolué puisqu’il

dira dans l’EPS1 qu’il « va les évaluer dans une situation à incertitude modérée avec deux

aspects : un aspect d’efficacité des touches et la capacité à se replacer dans cette situation

d’assaut » (cf. annexe 11). Cet écart, d’une évaluation centrée sur les trois domaines

traditionnels de l’entraînement en karaté à une évaluation uniquement centrée sur le combat,

peut s’expliquer d’une part par le temps qui est passé, entre l’enquête et le cycle qui a été

observé, environ une année ; d’autre part, comme nous l’avons déjà évoqué, par le fait que

dans ce laps de temps, Michel a changé d’école de karaté et a commencé le kyokushinkaï,

style qui est réputé très dur et très orienté vers le combat. Juste avant la séance d’évaluation,

sa position a encore évolué puisqu’il prévoit « l’évaluation en combat libre ». Il a fourni la

fiche d’évaluation dont les élèves vont se servir, sans la détailler : il dira juste que les élèves

sont évalués en combat, en co-arbitrage et co-évaluation avec en défense des critères de «

mobilité, de garde et de décalage » ; en attaque : « les cibles, l’enchaînement et la précision

des coups » (cf. annexe 8). On assiste donc à ce niveau à une évolution de la référence de

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Michel par rapport au savoir à évaluer, dans la mesure où il passe d’un projet d’évaluation très

proche du karaté traditionnel avec une évaluation technique et stratégique à une évaluation

beaucoup plus centrée sur des aspects stratégiques dans sa réalisation effective en fin de cycle.

On peut penser que les raisons de cette évolution sont liées au changement de référence de

Michel, qui entre temps a modifié sa pratique personnelle, son expérience de pratiquant, ce

que nous pourrons lui demander au cours de l’EAC. Nous pouvons à ce stade de notre

recherche proposer un tableau récapitulatif du déjà-là de Michel (cf. tableau 30) qui permet de

mettre en lumière à la fois les continuités, mais aussi les ruptures qui sont pour nous autant

d’écarts qui se révèlent au sein même des intentions de l’enseignant, au niveau des SAE et

SAEV.

SAVOIRS SAE SAEV

Ce que dit Michel

« approche culturelle »

D’une intention d’évaluation

« tripartite : respect de la

tradition avec un kata, du

kihon sur les techniques vues

et du combat libre » à une

évaluation sur « une situation

à incertitude modérée »

Ce qu’en traduit le

chercheur en termes de

références

Référence historique

Changement de référence :

d’une référence historique à

une référence scolaire

Tableau 30 : synthèse du déjà-là de Michel

2.3. Deuxième phase de l’étude de cas : analyse de l’épreuve

2.3.1. Etude de la séance 1 : le savoir réellement enseigné (SRE)

En ce début de cycle, Michel a choisi de s’installer avec ses élèves dans une salle de

classe, durant quelques minutes, afin de leur présenter le cycle dans les meilleures conditions

possibles. Comme on peut le lire au début de l’annexe où sont retranscrits tous les verbatim de

l’enseignant durant la première séance (cf. annexe 10), il commence par présenter l’école

kyokushinkaï, au niveau notamment de ses spécificités à l’égard des touches et du contrôle de

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la distance : « les zones de frappes vont des pieds à la tête ; deuxième chose, c’est la notion de

distance par rapport à son adversaire […] il y a la possibilité d’aller au sol…pour terminer

par un étranglement ou une clé de bras ». Puis il enchaînera : « cette première séance et les

deux trois qui suivent, on va faire essentiellement un travail technique ». On s’aperçoit qu’un

tiers du cycle sera consacré à ce travail technique, puisque le cycle se compose dans le projet

de neuf séances. Comme il le souligne à la fin de son exposé, « plus on va avancer, plus on va

travailler des enchaînements de combat ». On ne sait pas néanmoins à ce stade si Michel

envisage ce travail d’un point de vue stratégique, à deux en duo/duel ou s’il parle de répétition

d’enchaînements, dans le vide de manière décontextualisée. On peut déjà noter un écart dans

le discours de Michel entre ce qu’il nous a dit lors de l’EAS1 et ce qu’il présente aux élèves :

en effet, pour nous, la technique n’était pas première dans son discours alors qu’il la présente

en tout premier lieu à ses élèves, peut-être d’ailleurs pour se sécuriser, ainsi que les élèves.

Notons que cette question pourra être abordée avec Michel dans l’après-coup, car l’approche

technique peut en effet rendre les situations plus statiques, moins incertaines que l’approche

stratégique, ce qui permet d’éviter plus facilement des débordements d’élèves et donc de

sécuriser les situations proposées.

Après un échauffement très dynamique, en extérieur d’abord puis dans le gymnase

pour terminer par une mobilisation articulaire rapide, Michel va demander à ses élèves de

s’aligner pour procéder au rituel du salut, qu’il va en même temps expliciter. Ce sont là des

savoirs éthiques que Michel intègre à son enseignement, comme il l’avait prévu dans ce qu’il

appelait la « référence culturelle ». On notera qu’il le fait entre l’échauffement et la séance

proprement dite, alors qu’en club, le salut se fait dès la prise en main du groupe, avant même

l’échauffement. Michel procède ainsi pour des questions pratiques : en effet, comme il a dû

commencer sa séance dehors, le gymnase étant indisponible, il a préféré attendre d’être dans

le lieu d’entraînement, un peu comme au dojo, afin notamment de profiter d’un espace plus

proche avec ses élèves. Il fera d’ailleurs cette allusion « quand on est au dojo, il y a la photo

du maître, le shomen… » ce qui laisse à penser qu’il veut transmettre à ses élèves que durant

le cycle karaté, le gymnase devient un peu le dojo, le lieu d’entraînement à respecter, ce qui

est encore un savoir éthique.

La première situation que Michel met en place est une situation de travail « dans le

vide » (kihon), autrement dit morphocinétique : « Vous imaginez qu’il y a quelqu’un devant

vous ». Il s’agit pour les élèves de réaliser un coup de poing de face, sans partenaire. Michel

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insiste au niveau des consignes sur le travail simultané des deux bras : « le poing gauche est

devant, le poing droit est armé au niveau des côtes. Vous tirez sur les ficelles comme ça », et

sur les appuis, « je veux que vous preniez des repères au niveau de la plante des pieds […]

vous êtes plantés, solides ». Après quelques répétitions, Michel reviendra sur ce dernier point,

les appuis : « concentration première sur les appuis […] c’est de l’énergie, on la restitue »

(cf. annexe 10). Très rapidement, Michel va mettre ses élèves par deux afin qu’ils réalisent le

même exercice, mais en travaillant la cible et la distance. Comme il le dira : « chacun trouve

sa distance […] vous vous déplacez sur des appuis qui sont près du sol ». Dans cette

situation, l’ancrage au sol avant la frappe semble être pour Michel un contenu essentiel à faire

acquérir aux élèves.

Il va ensuite proposer aux élèves une situation S2 où ils vont apprendre un coup de

pied circulaire. Encore une fois, il insiste d’emblée au niveau des consignes sur les appuis :

« la clé (elle) est ici dans le pied d’appui ». De même, il commence par faire travailler ce

coup de pied dans le vide, les élèves étant alignés devant leur professeur, puis il met ses

élèves en binôme afin qu’ils travaillent sur cible : « c’est se concentrer sur la cible […] un

travail de cible, c’est tout […]. Ne pensez qu’à ça, la cible ». Cette situation nous semble

caractériser le mode opératoire de Michel. En effet, il met en place une situation

d’apprentissage sur une technique particulière, qui est là le coup de pied circulaire, mais en

fait détourne la concentration des élèves du geste pour aller vers la sensation, les appuis ou

dans ce cas, la cible. Cette situation n’est donc pas une situation techno-centrée, mais revêt

une dimension stratégique, informationnelle et proprioceptive puisque Michel incite ses

élèves à travailler sur le résultat de l’action et le processus (repérage, prise d’informations), la

cible et non plus sur la procédure, la réalisation du geste. Ces deux premières situations

montrent bien à quel point Michel essaye de faire construire aux élèves un certain nombre de

repères intéroceptifs.

Michel termine sa séance sur une situation de résolution de problème (S3), un groupe

travaillant sur la recherche d’un blocage sur coup de pied haut, l’autre sur coup de pied bas. Il

va laisser ses élèves travailler quelques minutes là-dessus puis va les regrouper afin

d’organiser un moment de concertation afin de détailler les solutions trouvées par les uns et

les autres. On peut dire que ce qui est enseigné là par Michel relève de savoirs

« méthodologiques », que nous mettrons alors dans les savoirs « autres » de la catégorisation

de Margnes (2002), dans la mesure où il met ses élèves dans une forme de travail en

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autonomie avec un problème à résoudre, ce qui constitue une situation de dévolution au sens

de Brousseau (1998). Néanmoins, dans la phase de remédiation où il revient avec les élèves

sur les solutions trouvées par eux, Michel ira plus loin que les solutions simples de blocage ou

d’esquives proposés par les élèves : « vous n’avez pas besoin d’utiliser les bras. C’est vrai

qu’on le prend (le coup) mais j’accompagne donc j’absorbe et je peux partir ». Michel est en

fait en train de montrer que sur un coup de pied circulaire reçu en ligne basse, au niveau des

jambes, il est possible d’encaisser le coup par une flexion rotation intérieure du genou.

Comme le dit Michel, on prend le coup de pied mais il est absorbé, comme amorti. Il n’hésite

donc pas à intégrer des contenus complexes à son enseignement (l’absorption d’un coup), qui

vont au-delà de la simple esquive avec blocage. Michel a pris appui sur les réponses des

élèves pour faire émerger ces savoirs qu’il compte programmer dans son enseignement par la

suite du cycle d’enseignement.

2.3.2. Discussion sur le SRE

L’enseignant respecte ce qu’il a annoncé dans son projet de cycle, à savoir qu’il entre

dans l’activité par la technique pour glisser progressivement vers des savoirs stratégiques;

c’est d’ailleurs l’annonce de présentation qu’il fait aux élèves dont voici un extrait : « cette

première séance, et les deux trois qui suivent, on va faire essentiellement un travail technique

pour que vous soyez capables d’acquérir une posture de garde et des coups techniques. Plus

on va avancer, plus on va travailler des enchaînements de combat ». Cette démarche est

somme toute classique dans les activités de combat ou même duelles. Il s’agit en effet d’isoler

les problèmes hors du contexte de l’opposition pour peu à peu réinvestir ce champ (de

l’opposition). L’enseignant fait donc travailler ses élèves en solo et en duo et glisse au fur et à

mesure des acquisitions techniques du duo vers le duel, donc du technique vers le stratégique.

Dès le début de la première séance, Michel met en place un travail qu’il qualifie ainsi :

« même position de départ. Bien, il se met en garde. Moi je me mets ici et je vais faire

partir…Vous partez d’ici, vous armez. Concentration première chose sur les appuis. Les

sensations des appuis sont importantes, abdos fessiers contractés. C’est de l’énergie, on la

restitue. Là on verrouille et c’est lourd » (cf. annexe 10). Pour autant, cette situation semble

mettre en jeu plus que des savoirs techniques. Michel n’est pas dans la technique pure dans la

mesure où il ne s’agit pas de répéter un mouvement de manière décontextualisée. C’est là

toute la différence entre technique (finalisée par un but) et technicisme (technique étudiée en

tant que telle, pour le geste) : Michel apporte la technique comme quelque chose que les

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élèves vont pouvoir utiliser comme des solutions dans le contexte de l’opposition. Pour

revenir à la dernière situation évoquée, les élèves sont en effet par deux, dans un contexte de

travail en duo. Il y a une cible à viser, et des consignes sur les appuis, les sensations sont

données par l’enseignant. Même si les élèves ne sont pas en déplacement, ils doivent ajuster

leur distance par rapport au partenaire afin de délivrer le coup le plus efficace possible. A ce

propos, Michel donnera d’ailleurs la consigne suivante : « regardez là, c’est lui qui reçoit le

coup. C’est donc pas à lui d’avancer, s’il reçoit le coup. Ca, c’est ma distance. Chacun trouve

sa distance ; Hugo n’a pas la même distance que moi. Quand je demande cette position, si

c’est pas une chaîne, des pieds jusque là, ça ne marche pas ! ». La situation mise en place fait

donc appel à un travail sur la distance et sur les sensations, qui sera définie par Michel dans

l’après-coup de « proprioceptive ». Michel donnera dans l’entretien post séance sa définition

de la technique, qui est en accord avec le travail qu’il a fait réaliser aux élèves : « Je suis

rentré par la technique pour travailler justement sur la sensation, sur l’assise, pour

dédramatiser un peu le combat, pour les recentrer sur les sensations. Donc moi la technique

je l’entends pas : je prends position, je prends mes appuis pour ensuite donner un coup. C’est

une étape. Il n’y a pas d’incertitude, on travaille sur les sensations, ce n’est qu’un travail

technique. La technique, elle, renvoie à un positionnement c’est-à-dire qu’il faut être

équilibré, en appui pour frapper ». Cette définition de la technique telle que l’entend Michel

est très intéressante car elle rend compte d’une dimension importante des arts martiaux qui

veut que l’esthétique et l’efficacité soient intimement liés. En effet, la technique la plus

simple en karaté, comme donner un coup de poing est souvent la plus complexe car elle met

en jeu un ensemble de coordinations et de gestes qui doivent être parfaitement maîtrisés pour

réaliser la technique de manière efficace, nous dirons même efficiente c’est-à-dire avec le

maximum d’économie d’énergie. Ainsi, lorsque l’on donne un coup de poing, même sans

déplacement, il ne faut pas considérer le seul bras qui frappe. D’abord, les deux bras

travaillent puisqu’il y en a un qui frappe et un qui effectue un « tirage », coude vers l’arrière

au dessus de la hanche, afin aussi de préparer une autre attaque ou une défense. Ensuite, ce

mouvement s’effectue avec une rotation de la hanche qui vient donner l’impulsion nécessaire

au coup proprement dit. Enfin, on notera que tout le mouvement doit se faire de manière

relâchée, sans contraction musculaire sauf à l’impact proprement dit. Michel semble alors

bien intégrer cet aspect complexe de la technique en karaté en faisant le choix de cibler ses

consignes de réalisation sur le versant proprioceptif des techniques qu’il veut faire apprendre

à ses élèves. Michel semble développer une référence bio informationnelle de l’enseignement

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du karaté en EPS qui ne fait pas partie de celles que nous avons détaillées en première partie.

Cette référence est de ce fait très personnelle et inattendue.

De plus, pour lui, le seul fait de mettre les élèves par deux en situation de coopération

ne suffit pas à dire que l’on est sur un apprentissage de type stratégique : « C’est pour cela

que l’impact qu’on va développer est important. Si on travaille toujours à vide, ils ne sentent

rien. On ne sent rien à vide, on ne sent à vide que finalement quand on a connu des sensations

d’équilibre, d’impact, là oui ça sert » (cf. EPS1, annexe 11). Dans ce cas, le duo va servir

l’objectif de l’enseignant pour que ses élèves travaillent sur les sensations d’impact, et cela

reste un objectif kinesthésique, proprioceptif. On notera néanmoins que Michel n’hésite pas

au milieu de la première séance à intégrer à son enseignement des savoirs réellement

stratégiques : « quand je suis en garde, la jambe arrière c’est la droite. Ca, c’est un code de

combat » (cf. S1, annexe 10). En effet, dès que l’on aborde la gestion du combat proprement

dit en terme d’informations prises par le combattant et/ou d’alternance des rôles (passer du

rôle d’attaquant à défenseur et inversement), on aborde le versant stratégique de

l’enseignement même si cela reste quelque peu implicite chez Michel pour le moment. Il

faudrait de plus donner aux élèves les moyens de décoder les postures de l’adversaire, ce qui

est alors de l’ordre de l’enseignement d’un autre type de savoir, extéroceptif comme l’est le

décodage d’informations visuelles. Ainsi, on peut repérer dans le discours de Michel une part

non négligeable d’enseignement stratégique, comme par exemple encore : « la même chose

mais regardez la différence. Une main ici, une main là, je l’amène là, j’amortie, j’absorbe son

énergie. Je ne vais surtout pas contre parce que si je vais contre, aïe ! Cette notion

d’absorption (elle) va être primordiale. Pour mawashi, vous avez uchi uke, contre, contre, on

a vu les limites. Vous avez soto uke, je le fais passer à l’intérieur, c’est plus intéressant parce

que je rentre ici…ici » (ibid.). Dans cette démonstration, Michel tente de faire comprendre

aux élèves l’intérêt d’absorber l’attaque adverse de manière à pouvoir mieux enchaîner sur la

contre-attaque. Son enseignement renvoie là à des aspects stratégiques dans la mesure où il

donne aux élèves des solutions pour changer de rôle dans des conditions optimales de distance

par rapport à l’adversaire. Il n’est plus là sur un travail technique mais semble basculer sur des

principes stratégiques complexes (l’absorption de l’attaque adverse et l’adaptation d’un

blocage au type d’attaque délivrée) dans la mesure où les élèves n’en sont effectivement

qu’au tout début de l’apprentissage. De plus, on notera là un écart entre SAE et SRE dans la

mesure où le « glissement progressif » que Michel évoquait se fait plus rapidement que prévu.

A ce propos, il évoque dans l’EPS1 ce passage : « la bascule va se faire très rapidement. On

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va commencer à travailler sur des enchaînements rapides avec peu d’incertitude certes et des

enchaînements de combat, pieds et poings, sur des cibles et sur l’arme. Cela va arriver très

vite, d’abord comme situation de travail et ensuite avec plus d’incertitude, on va travailler en

situation d’assaut, avec contrôle bien sur mais où l’incertitude est totale » (cf. EPS1, annexe

11). Michel paraît très lucide quant à l’évolution du cycle, qu’il a déjà envisagée.

L’enseignement de Michel lors de cette première séance est aussi emprunt de savoirs

éthiques : « qui dit art martial dit respect. Quand on est à deux en petite opposition, on

commence et on finit par un salut. Ca, on va le respecter. Troisième, le salut. Quand on est

dans un dojo, il y a la photo du Maître, le shomen. Normalement c’est shomen ni reï. Ici il n’y

en a pas donc c’est senseî ni reï. On s’incline. Dernière chose : keritsu. On se lève ». Il garde

cet aspect spécifique et traditionnel de l’art martial qui inclut le respect du partenaire, du lieu

d’entraînement et du professeur. Ceci avait déjà été remarqué par Margnes (2002) qui avait

étudié la multiplicité des savoirs enseignés en combat, travaux auxquels nous nous sommes

déjà référés, notamment pour classifier les savoirs en jeu.

Enfin, la sécurité est pour lui importante, de manière à ce que les élèves puissent

adhérer à l’activité : « ce qui est intéressant pour nous, ce n’est pas de se mettre K.O.

Comprenez bien que ce soit mon rôle aussi bien que votre intérêt à vous, c’est que tout le

monde pratique en toute sécurité » (cf. S1, annexe 10). Pour autant, ce que dit là Michel n’est

pas courant, notamment le « ce n’est pas de se mettre K.O ». Redoute-t-il que les élèves

débordent au point de se bagarrer ? Ou dit-il cela uniquement pour bien poser les règles et

quelque part marquer les esprits de ses élèves en insistant sur le fait que ce n’est pas leur

intérêt ? Michel intègre progressivement à son enseignement des savoirs sécuritaires de

manière aussi à développer l’autonomie de ses élèves en les responsabilisant sur les règles à

respecter, par exemple les zones cibles autorisées en combat : « nous pratiquerons des

touches essentiellement, pas des frappes. Nos zones cibles seront épaules, pas de coups au

visage. C’est un sport qui se travaille à mains nues, mais quand on fera des combats, nous

utiliserons quand même des gants de boxe, pour des raisons de sécurité » (ibid.). Nous

rappellerons que ce qu’entend Michel par touches renvoie à un aspect de contrôle moteur afin

de faire en sorte de retenir son coup dans le but de ne pas faire mal à son partenaire.

Lorsqu’on parle de frappes en combat, c’est que ce contrôle n’est plus existant et que les

combattants ne retiennent plus les coups. Dans cette acception, pour Michel, la maîtrise

technique est un facteur essentiel de sécurité, comme il l’évoque dans l’EPS1 : « au karaté si

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la technique n’est pas un minimum assise ou acquise par les élèves, on touche à des

problèmes de sécurité. Dans le combat, avec la gestion affective de l’activité, des techniques

qui ne sont pas suffisamment maîtrisées peuvent amener des blessures inutiles, que l’on peut

éviter en travaillant comme on le fait sur des sensations, sur des placements, sur des cibles.

Cela permet de limiter les risques d’accident ». Michel reviendra d’ailleurs sur cet aspect lors

de l’EPSEV, ce qui prouve bien l’importance de cette préoccupation pour lui : « Je me refuse

à faire du combat sur des aspects techniques qui ne sont pas maîtrisés parce qu’en combat, il

faut que les élèves puissent travailler en confiance et s’ils commencent à se faire mal parce

que les techniques ne sont pas suffisamment maîtrisées, on arrive à annihiler tout le bénéfice

et l’intérêt du combat. Ils (ne) vont pas s’engager, ils vont rester en retrait. Je veux asseoir le

cycle sur quelque chose qui soit à peu près propre donc avec une certaine maîtrise technique

qui leur permettra de fonctionner à peu près en sécurité. Après, j’ai travaillé sur une

limitation de l’espace de frappe, pour éviter tout ce qui est blessure, que les élèves puissent

travailler en confiance » (cf. EPSEV, annexe 14). Il semble que Michel ait ce souci de

sécurité, légitime car c’est l’une des préoccupations permanentes du professeur d’EPS mais

que l’on peut peut-être expliquer de surcroît par le fait de son choix de l’école de référence

kyokushinkaï, réputée pour son efficacité, et même sa dureté. L’enseignant a peut-être voulu

se prémunir au maximum de possibles problèmes liés à l’intégrité physique de ses élèves,

comme il peut en vivre en club et qu’il ne compte pas voir émerger dans son cours d’EPS. Le

SRE de Michel durant cette première séance est plutôt à dominante technique dans une

optique sécuritaire mais il commence à diffuser des savoirs stratégiques, que les élèves ne

mettront pas à l’épreuve lors de la première séance. L’articulation entre les savoirs techniques

et les savoirs stratégiques se fera comme Michel l’a dit « rapidement mais progressivement »

(cf. EPS1, annexe 11). Michel se révèle lucide et intègre une préoccupation sécuritaire à son

enseignement. Si l’on compare Nicolas et Michel, nous pouvons déjà dire que le sens que

donnent les enseignants à l’activité en EPS n’est pas de même nature et que ce qui est

enseigné par Michel semble être avant tout son propre rapport au savoir. Le SRE de Michel

durant cette première séance est à dominante technique et sécuritaire, tandis que celui de

Nicolas était plus techniciste. En effet, Michel ne conçoit pas la technique comme une fin

(d’apprentissage d’un seul geste) mais comme un moyen (de contrôle du geste dans une

optique proprioceptive et sécuritaire). Il est en effet sur la recherche de constructions de

perceptions, de sensations dans un but technique et stratégique. Nous observons alors une

référence proprioceptive dominante chez Michel au niveau de son SRE.

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2.3.3. Etude de la dernière séance du cycle : le savoir réellement évalué (SREV)

Michel évalue ses élèves dans l’épreuve du combat libre. Le SREV se révèle de ce fait

à dominante stratégique, même si cela n’exclut pas d’évaluer la maîtrise de l’exécution

technique de l’élève au cours de l’épreuve de combat. La bascule progressive du technique

vers le stratégique envisagée par Michel à l’issue de la première séance semble avoir été faite.

Néanmoins, avant de l’étudier plus en détail, il apparaît tout de suite un écart entre SAEV et

SREV car lors de l’EPS1 Michel dit : « je vais les évaluer dans une situation d’assaut à

incertitude modérée. Je définirai uniquement des cibles et des armes que nous avons

travaillées en cours ». L’épreuve du combat libre n’est pas une situation d’assaut modérée où

les attaques seraient déterminées à l’avance et peu ou pas enchaînées. Il y a donc à ce niveau

une contradiction, même si Michel dit bien avoir réalisé ce travail d’assauts à thèmes dans

l’EPS1 : « j’ai utilisé les variables informationnelles, d’incertitude. Les assauts à thèmes,

automatiquement, envisageaient des techniques que l’on avait vues avant…ou comme je l’ai

dit, que les poings, que les jambes ». Quand il revient sur la prestation de ses élèves au cours

de l’évaluation, Michel est d’ailleurs positif dans ses retours : « Je ne pensais pas qu’on

arriverait rapidement à avoir des combats relativement propres, avec des stratégies de

tourner, d’occuper l’espace ». A la question de savoir si Michel était satisfait des acquisitions

des élèves, il répondra : « j’ai trouvé ça assez intéressant […] on est arrivé à des sorties dans

le dos, des décalages, des impacts. Pour moi, les écarts les plus sensibles se situeraient au

niveau des appuis, au niveau de la précision où là on n’est pas tout à fait rentré dans les

objectifs. Par contre, les stratégies de défense, de déplacements, d’adaptation des coups ou de

l’arme à la distance, là je pense qu’il n’y a pas d’écart. C’est très positif » (cf. EPSEV,

annexe 14). On peut penser que compte tenu de la progression qu’il dit correcte de sa classe, il

a choisi d’évaluer ses élèves dans l’épreuve plus complexe de combat. Nous avons d’ailleurs

interrogé Michel sur la manière dont s’est réalisé le passage entre l’entrée dans le cycle,

technique et sa fin, centrée sur le combat. A cette question, Michel évoque le contenu de son

évaluation : « même si les critères d’évaluation sont techniques, ce qui est important, en

combat, c’est d’y voir clair. C’est-à-dire que ça (ne) sert à rien d’aller dans le combat avec

des coups qui ne sont pas maîtrisés, qui ne sont pas portés à distance ». La fiche d’évaluation

comporte effectivement des critères techniques : (par exemple : « garde, se protège ») et des

critères stratégiques (comme « se décale latéralement »). Michel semble dire là que ce qui est

évaluable est technique, mais ce qui est important dans le combat (« y voir clair ») ne l’est

pas, évaluable. L’aspect stratégique de l’épreuve est avéré, puisque chaque élève est évalué

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en attaque et en défense (cf. annexe 8) et de surcroît va rencontrer des adversaires différents et

de niveau sensiblement équivalent : « au niveau du combat, on va travailler au moins sur

trois assauts avec des partenaires de compétence et d’implication similaires dans l’activité »

(cf. EPS1, annexe 11). On notera aussi que les élèves pratiquent la co-évaluation, et l’essentiel

de la communication de Michel au début de la séance vise à expliciter la fiche que les élèves

vont avoir à utiliser : « il est en place où il (ne) l’est pas, il enchaîne ou il (n’) enchaîne pas.

Faut que ce soit placé, assis, en appui des pieds à l’impact. Pensez à tout ce qu’on a travaillé.

Notamment les appuis, aux enchaînements qu’on a travaillés » et le co-arbitrage, qui semble

alors avoir été un fil conducteur du cycle puisque l’on avait noté cette préoccupation de

Michel dès la première séance : « l’arbitre, il s’occupe de gérer le combat. Il faut que ce soit

une agressivité qui soit saine. Il (ne) faut pas que ça se crispe et que ça ait l’intention de faire

mal. Vous avez l’ordre des combats qui est marqué, vous alternez le rôle de celui qui marque

à la chaise et de celui qui arbitre ». L’arbitrage, de surcroît, ne participe pas seulement au bon

fonctionnement des combats dans la responsabilisation des élèves et l’atteinte d’objectifs

d’autonomie du projet de cycle : « être capable de comptabiliser des touches et d’arbitrer des

assauts », mais est évalué, l’enseignant attribuant une partie de la note finale à ce savoir

réglementaire (cf. fiche d’évaluation de l’arbitrage en annexe 8). De ce fait, le SREV de

Michel est essentiellement stratégique, un peu réglementaire et comme dans le SRE, la

technique est évaluée mais comme moyen de garantir la sécurité et de développement de

compétences plus stratégiques.

En terme de référence, on peut d’ores-et-déjà constater que Michel passe d’une

référence à l’autre. La référence historique est présente avec l’enseignement de valeurs

propres aux arts martiaux (le salut, le respect de l’adversaire). La référence sportive l’est aussi

puisque Michel évalue ses élèves en combat, la performance comptant pour partie dans cette

évaluation. La référence scolaire est la plus présente chez Michel avec un enseignement

original du karaté centré sur des principes bio-informationnels. L’étude du cas Michel fait

émerger une multi référence tout au long du processus d’enseignement.

2.4. Troisième phase de l’étude de cas : l’analyse de l’entretien d’après-coup (EAC)

Pour mener cet entretien, nous rappellerons juste notre volonté de respecter les trois

temps de notre méthodologie en didactique clinique, à savoir revenir avec Michel sur le SAE,

puis sur le SRE et enfin l’après-coup, comme tentative d’objectivation, en insistant sur les

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écarts que nous avons relevé au cours du processus d’enseignement qu’il a mené. Le fil

conducteur de l’entretien suit le temps didactique, du savoir à enseigner et à évaluer au savoir

enseigné et évalué. Nous avons commencé par interroger Michel sur son projet de cycle, dont

les objectifs annoncés, par exemple « passer d’une attaque simple et sporadique à une

attaque construite et enchaînée » nous paraissait trop calquée sur des objectifs énoncés par les

programmes d’EPS du lycée. A cela, l’enseignant nous a répondu qu’il donnait souvent des

objectifs institutionnels qu’il visait en deux ans, et qu’au cours des cycles il « travaillait sur

des sous-objectifs ». Très vite, nous sommes passés au SRE, et nous avons en tout premier

lieu demandé à Michel de commenter une communication extraite du début de la première

séance afin de mettre en tension une consigne de réalisation donnée aux élèves (« c’est de

l’énergie, là on verrouille et c’est lourd ») et ce qu’il disait dans l’EPS1, à savoir qu’il rentrait

dans le cycle par la technique « pour travailler justement sur la sensation, sur l’assise, pour

dédramatiser un peu le combat » (cf. EPS1, annexe 11). Michel va répondre à cela que c’est

justement « une voie qui permet de rentrer différemment sur des activités très techniques ».

Autrement dit, on peut penser que pour lui, une activité comme le karaté, très exigeante au

niveau technique, va nécessiter des aménagements au niveau didactique afin de ne pas

occulter cet aspect de l’activité. Michel nous donnera un exemple de sa pensée quand il dit :

« l’entrée notamment au niveau de l’équilibre se fait en ce qui me concerne par de la

proprioception, centrage sur les sensations » (ibid.). A ce niveau, Michel se positionne sur

une référence bio-informationnelle de l’enseignement du karaté en EPS. Michel conçoit alors

qu’un apprentissage technique peut certes prendre appui sur les gestes proprement dit mais

aussi en incitant l’élève à porter son attention sur d’autres facteurs, à savoir ici un

fonctionnement interne, ce qu’il confirmera quand il avance : « ce travail sur les sensations

permet finalement de dédramatiser, de recentrer l’élève sur un fonctionnement interne et pas

sur quelque chose d’extéroceptif qui pourrait le bloquer » (cf. EAC, annexe 15).

Dans la discussion qui a suivi quant à la place de la technique dans l’enseignement de

Michel, nous lui avons alors demandé si en fait il ne visait pas des savoirs purement

sécuritaires, vu l’importance que l’enseignant y accordait dans son cycle. Il répondra que l’on

ne doit pas considérer que sa démarche vise un objectif sécuritaire. Pour lui, ce n’est qu’ « un

moyen pour faciliter l’accès aux apprentissages » (cf. EAC, annexe15). La sécurité reste pour

lui « une préoccupation » mais n’est pas un objectif en soi. Il dira que c’est « une démarche

d’enseignement » que l’on assimile effectivement à quelque chose de transversal dans l’année,

à tous les cycles dans toutes les activités enseignées. A la suite à cela, nous avons voulu

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interroger Michel sur l’influence de la pratique récente du style de karaté kyokushinkaï qui

nous semble déterminante dans le choix du savoir enseigné. Michel précise d’emblée que « la

démarche dans laquelle il s’inscrit pour rentrer dans l’activité n’est absolument pas celle que

l’on retrouve dans un club ». Il repose alors la question de l’influence, mais en termes de

niveau. Michel est conscient que sa pratique influence son enseignement et il insiste sur le fait

que ce n’est pas une influence aveugle, qu’il a effectué un travail de traitement didactique. A

ce propos, il dit : « lorsque je fais quelque chose, je le digère, j’en tire les grandes lignes et je

le transforme en contenus d’enseignement ». Cette remarque insiste sur le rapport réflexif de

Michel au savoir ; cet enseignant interagit sans cesse avec sa classe, s’adapte, mais a besoin

d’un temps de réflexion « après-coup » pour apprécier la pertinence de ses remédiations en

cours. Il a besoin de ce retour réflexif sur son action pour que son enseignement soit plus

efficace. Michel est ce que l’on pourrait appeler un « praticien réflexif » (Schön, 1994).

La dernière partie de l’entretien concerne le savoir évalué. Comme précédemment,

nous avons confronté Michel à un écart, entre l’évaluation prévue en début de cycle

(technique et stratégique) et celle réalisée (uniquement stratégique). Michel s’en explique de

manière simple en disant qu’il n’hésite pas à s’adapter, notamment dans ce cas à la

progression des élèves : « j’ai donc fait évoluer mon évaluation en même temps que la

progression des élèves ». Ensuite, au vu de la bascule progressive opérée par Michel lors du

cycle de technique à stratégique, nous avons voulu savoir comment il considérait le fait

d’entrer dans un cycle de karaté par des savoirs techniques, pour en ressortir par du

stratégique ou exclusivement du combat. Une fois de plus, il rattache cela à la démarche qu’il

« utilise quelle que soit l’activité ». Il explique alors qu’en terme de pourcentage, il y a en

début de cycle un rapport technique/stratégique de 70/30, ce rapport s’inversant

progressivement tout au long du cycle : « en fonction des acquisitions, on renverse le

processus pour arriver à 30 % de technique en fin de cycle ». Au cours de la discussion,

Michel reviendra encore sur cette place qu’il accorde à la technique, d’abord d’un point de

vue sécuritaire : « la technique reste un moyen sûr de préserver l’intégrité physique des

élèves », ensuite comme outil ou « passage obligé qui ne sert qu’à viser des aspects plus

stratégiques ». Pour autant, on peut dire que nous avons là accès à la stratégie didactique de

Michel : pour lui, le savoir sécuritaire est confondu, inclus dans le savoir technique, comme

une forme de « sécurité active ».

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2.5. Synthèse de l’étude de cas : les références de Michel

Etapes de la

TD

SAE

SRE SAEV SREV

Traces

« Apport

technique au départ » (…)

« avec glissement

progressif vers l’assaut et le

combat »

« Concentration première chose, sur les appuis »

« Dans une situation

d’assaut à incertitude modérée»

« L’important, c’est d’y voir

clair »

Savoirs

Techniques et stratégiques

Proprioceptifs

Techniques et sécuritaires

Extéroceptifs

Références

dominantes

Didactique

Scolaire

Scolaire

Sportive

Tableau 31 : l’évolution des références dans l’étude de cas Michel

L’analyse clinique du cas Michel montre que tout au long du processus de

l’enseignement à l’ évaluation (cf. tableau 31), les savoirs sont multiples et variés. Les aspects

techniques de son enseignement lui permettent en effet de rentrer dans l’activité en toute

sécurité et lui donnent un fil conducteur qu’il n’abandonne jamais totalement, même à

l’évaluation. Par contre, l’aspect stratégique est occulté lors de la première séance, il ne fait en

effet que prévoir un travail plus stratégique dans la suite du cycle. Cela peut s’expliquer par

l’intention de Michel de « sécuriser » les savoirs en jeu en début d’apprentissage et de mettre

les élèves en confiance par rapport à ceux-ci pour la suite du cycle. Michel choisit d’évaluer

les élèves dans une épreuve purement stratégique (le combat) mais garde tout de même un

caractère technique à l’évaluation dans les critères qui sont donnés à évaluer par les élèves. En

somme, Michel dit que pour lui la technique est plus un moyen qu’une fin, mais pour autant

ce qu’il fait est tout autre, puisqu’il évalue effectivement des aspects techniques. Une

contradiction apparaît entre ce que dit faire l’enseignant et ce qu’il fait réellement. On observe

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aussi une rupture entre le savoir enseigné et le savoir évalué. Comment rentrer comme le fait

Michel par la technique et en sortir par le combat ? Cette question a été posée à Michel dans

l’EAC et il répondra qu’il ne rentre pas par le combat pour des questions de sécurité

uniquement. Ce n’est pas « sa démarche d’apprentissage » (cf. EAC, annexe 15). Cette

« démarche » est originale car elle se démarque des réponses habituelles qui justifient une

entrée par la technique, du fait de l’exigence de l’activité à ce niveau, ou tout simplement

pour reproduire un enseignement traditionnel. Le tableau 31 montre que la rupture la plus

sensible dans l’enseignement de Michel se situe entre le savoir enseigné et le savoir évalué.

Pour autant, on ne peut pas dire que Michel n’a pas enseigné ce qu’il évalue. En effet, son

enseignement articule de manière cohérente duo et duel, technique et stratégique,

proprioceptif et sécuritaire et son évaluation tient compte de ces différents aspects. Ce qui

résume le mieux la référence de Michel est l’importance d’ « y voir clair » en combat car cela

résume le rapport personnel de Michel à l’activité. La lucidité dont fait preuve Michel dans

son enseignement est un savoir qu’il semble vouloir transmettre à ses élèves par le biais du

karaté en EPS. L’étude clinique apporte donc à ce niveau un éclairage intéressant sur toute la

démarche et la logique de l’enseignant. Nous avions dans les analyses préalables (et au seul

vu des résultats de l’enquête préliminaire) associé le profil de l’enseignant à « la gestion du

couple risque-sécurité ». Après l’étude clinique qui a été faite, nous dirons que ce profil

représente bien le cas Michel. Ceci est peut-être le fait de la nouvelle forme de karaté qu’il

pratique au moment de l’expérimentation, le kyokushinkaï. Cette école est en effet centrée sur

l’efficacité en combat, préoccupation que l’on retrouve chez Michel dans l’EPS1 : «L’intérêt

de cette activité kyok, c’est que là on touche à l’efficacité, ce qui va faire que l’activité va être

crédible ». Ainsi, l’étude didactique clinique a permis un éclairage particulier, à multiples

niveaux, des diverses influences qui ont pesées sur l’enseignement réalisé. Dans le cas de

Michel, l’influence la plus sensible est sa pratique, qui fait partie de son déjà-là expérientiel,

autrement dit son expérience de pratiquant.

Au terme de cette étude de cas, nous allons pouvoir conclure en tentant de définir la

référence de Michel qui s’avère au regard des analyses précédentes :

- technique, avec une composante sécuritaire pour garantir le respect de l’intégrité

physique de ses élèves et une autre composante proprioceptive pour focaliser les

élèves sur leurs sensations.

- Pour autant, Michel se réfère aussi à des aspects stratégiques puisqu’il a la volonté

d’articuler duo et duel progressivement tout au long du cycle, y compris à l’évaluation.

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Le combat est considéré comme l’essence même du karaté ou de tout autre art martial.

Le karaté est en effet un art de guerre, de préparation au combat, dans une optique

d’auto-défense.

- C’est alors un aspect culturel du karaté que Michel intègre à son enseignement,

exactement comme les savoirs éthiques (le salut, le respect du partenaire) qui sont

distillés tout au long du cycle, sans être évalués pour autant. La référence de Michel

est de ce fait influencée de références historiques que Michel lui-même reprend sous le

terme de « culturelles » : « c’est un passage qui est plutôt culturel, qui est le kihon et

je garde ici dans mon enseignement cet aspect traditionnel » (cf. EPS1, annexe 11).

De ce fait, nous dirons que la référence de Michel est scolaire : son enseignement du

karaté en EPS est un moyen pour lui de diffuser à ses élèves un savoir émergent des pratiques,

un savoir sur soi, culturel car actuel et très présent à la fois au niveau social et au niveau

institutionnel. Si l’on revient sur la référence scolaire du karaté que nous avons développée en

première partie de la thèse, on remarque la convergence de certains aspects de l’enseignement

de Michel avec celui que nous avons étayé, comme la gestion du couple risque-sécurité, ainsi

que la manipulation des variables didactiques de la situation d’opposition. Pour autant, Michel

a des références d’un autre type que celles habituellement utilisées (techniques, stratégiques)

car c’est un enseignant chevronné qui a su s’interroger sur la manière la plus appropriée selon

lui d’enseigner l’activité karaté en EPS en gardant sa logique interne, tout en s’éloignant des

aspects trop traditionnels de l’enseignement de cette pratique de combat. Les écarts qui ont pu

être mis au jour dans l’étude de cas Michel sont autant de marques des remaniements que

l’enseignant fait subir à sa référence. L’étude de cas Michel met l’accent sur les remaniements

de la référence qui sont opérés par l’enseignant tout au long de son enseignement. La

référence apparaît multiple dans la mesure où elle est composée de plusieurs influences qui à

un moment donné et dans un contexte particulier sont plus ou moins activées par l’enseignant.

Michel illustre bien ce propos dans la mesure où il semble activer des composantes différentes

de sa référence suivant ce qu’il veut enseigner. Nous pouvons dire à ce stade de notre

recherche que la référence semble se construire à l’instant, et se reconstruit continuellement

durant le processus d’enseignement en fonction du sens que l’enseignant veut donner aux

savoirs qu’il enseigne tout en conservant sa logique propre.

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3. Perspectives de travail

A ce stade de l’avancée de notre recherche, les études du cas Nicolas (pré-étude de

cas) et Michel (première étude de cas) montrent toutes deux des écarts plus ou moins

importants entre les différents savoirs en jeu dans la chaîne transpositive. Les écarts, en tant

qu’outils, permettent de rendre compte de l’évolution des références au cours du processus de

transposition didactique. Dans les deux cas Nicolas et Michel, il émerge un écart

particulièrement significatif entre ceux-ci et la référence de l’enseignant, source de

remaniements. Ceci nous permet de dégager provisoirement deux conséquences : - les remaniements du sujet, entre ce qu’il sait et ce qu’il sait faire (les déjà-là), ce qu’il veut

faire (le SAE) et ce qu’il fait réellement, (le SRE). En effet, SAE, SRE, SAEV et SREV ne

peuvent pas être envisagés dans la linéarité dans la mesure où l’enseignant semble utiliser des

références parfois différentes en fonction du moment de son enseignement et de son intention.

- Des références à chercher ailleurs, notamment dans l’expérience et l’expertise de

l’enseignant. Le statut d’enseignant débutant de Nicolas, qui a servi de pré-étude de cas

interroge à la fois sur sa capacité professionnelle à manipuler les variables didactiques de

l’activité (Loizon, 2004) et son manque de recul et d’expérience pour effectuer un travail de

traitement didactique personnel. Il se peut en effet que ce soit moins la contingence de la

classe que son inexpérience professionnelle qui se révèle comme un frein pour adapter le

karaté qu’il veut enseigner à ces élèves très peu concentrés sur leur travail en classe. La

caractéristique propre à Nicolas, d’enseignant débutant, semble donc à prendre en

considération. On serait tenté de croire a priori, et parce qu’il le dit que sa référence n’est que

le combat, car c’est un aspect du karaté qu’il pratique en compétition. En fait, sa référence

scolaire s’avère technique et traditionnelle tout au long de son enseignement. En d’autres

termes, Nicolas a renoncé à enseigner ce qu’il connaît le mieux. La référence de l’enseignant

n’est donc pas toujours celle du pratiquant, thèse déjà développée par Chevallard mais qui

s’exprime ici en terme de renoncement (Chevallard, 1985). La pré-étude de cas Nicolas nous

a surtout servi à fonder la particularité de notre méthodologie, qui envisage une transposition

ascendante alors qu’elle est souvent envisagée de manière descendante. Dans cette thèse, nous

partons des savoirs enseignés pour remonter à la référence de l’enseignant. De plus, comme la

pré-étude de cas Nicolas a montré le poids de l’expérience du pratiquant, et en l’occurrence le

biais de son inexpérience d’enseignant d’EPS, nous avons opté dans les études de cas

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suivantes pour des enseignants et experts en karaté et expérimentés dans l’enseignement de

l’EPS.

L’étude de cas Michel a quant à elle fait émerger la dynamique de la nature de la

référence utilisée par l’enseignant : elle se révèle bien dans les écarts mais parce qu’elle est

constamment remaniée par l’enseignant au cours des différentes phases de son enseignement.

En définitive, il s’avère que c’est moins la référence que la fonction de cette référence qui

change dans ces remaniements, passant par exemple d’une fonction technique à stratégique ou

encore sécuritaire suivant les éléments déclarés par l’enseignant. Il semble alors que l’écart

lui-même devienne un outil d’analyse de tout premier ordre au chercheur car il lui révèle la

« véritable » référence utilisée par l’enseignant dans la conduite de son enseignement. Cela

nous amène à affiner notre définition de la référence qui est empreinte de l’expertise de

pratiquant, aussi de l’expérience d’enseignant et surtout se trouve activée en fonction des

contingences auxquelles se trouve confronté le professeur dans l’épreuve d’enseignement. Ce

facteur, en tant qu’influence, s’avère intervenir de manière significative dans la structure de

division constitutive du sujet enseignant, entre ce qu’il sait faire (son expertise) et ce qu’il

peut faire en EPS (son expérience), d’où l’intérêt de l’approche clinique en didactique.

La référence, qui semble organiser une grande part de la pratique enseignante,

interroge le rapport au savoir de l’enseignant, en questionnant son rapport personnel aux

savoirs qu’il dit avoir comme référence. A ce stade des premières conclusions, il est possible

d’extraire un cadre d’analyse de la référence enseignante, dont les indicateurs sont les

suivants :

- les écarts aux savoirs, du SAE au SREV.

- Les aspects fonctionnels de la référence : est ici envisagée la référence enseignante en

tant qu’action dans un contexte scolaire, avec des caractéristiques propres : technique,

stratégique, éthique, sécuritaire, informationnelle. Ces aspects de la référence vont

ainsi renvoyer à son utilité, sa nature, son rôle dans l’enseignement produit. Ce sont en

somme les effets de la référence qui sont supposés et constatés par le chercheur,

déclarés par l’enseignant.

- Les aspects structurels de la référence : ils vont envisager la manière dont la référence

est construite par l’enseignant et envisagée dans ses parties, notamment fonctionnelles.

Dans cette optique, suivant la nature de l’organisation de la référence dans les

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éléments de structure qui la composent, on pourra pondérer l’importance du culturel,

du personnel ou encore de scolaire dans sa composition.

Afin d’illustrer notre propos, nous allons tout d’abord mettre à l’épreuve ce cadre

d’analyse à l’étude de Michel. L’étude de son cas est en effet particulièrement intéressante

dans la mesure où elle met en lumière que Michel enseigne avant tout des savoirs centrés sur

les sensations. Ce type de savoir n’est même pas enseigné, ou très peu, en club, où

l’enseignement du karaté reste très traditionnel et basé sur des savoirs techniques, alors que le

« travail interne » est la base des arts martiaux, mais son enseignement est souvent oublié. A

moins que ce soit un travail implicite, comme l’a conduit Michel, à savoir un travail technique

qui vise des savoirs stratégiques et sécuritaires. Michel base son cycle sur un enseignement

qu’il dit lui-même « proprioceptif ». Il est donc sur un registre d’enseignement du combat en

EPS fort original car la nature du savoir qu’il enseigne n’est pas celle habituellement

enseignée, technique ou stratégique, ni en club, ni en EPS. Ce type de savoir est pour autant

très actuel à l’école, puisque les programmes de lycée (2000) mettent en avant ces « savoirs

sur soi ». On peut alors faire l’hypothèse que le savoir que développe Michel, sa transposition

en tant que traduction personnelle au niveau scolaire subit inévitablement un effet de

l’institution. L’étude du cas Michel fait donc émerger un autre type de référence en combat,

qui peut être définie comme une centration sur le sujet. A ce stade, on peut se demander d’où

vient ce savoir émergent ? Encore une fois, c’est chez Michel lui-même que nous trouverons

la réponse à cette question car il dit au cours de l’EAC « quand je fais quelque chose, je le

digère… ». Cette métaphore de la digestion qu’utilise Michel nous semble particulièrement

significative de son cas : Michel crée sa propre référence, qui subit deux influences, son

expérience d’enseignant et son expertise personnelle de karatéka. Ce qu’envisage Michel en

début de cycle ne peut pas se retrouver sous la même forme à la fin car il s’adapte, « digère »

comme il dit ce qu’il fait à chaque séance pour modifier les suivantes. Dans cette optique, la

référence de Michel peut être qualifiée de dominante scolaire, car elle correspond à

l’adaptation de l’enseignant à un contexte particulier et changeant. Elle est surtout très

personnelle, marquée par le rapport au savoir personnel de l’enseignant : son expertise de

karatéka.

L’étude de cas Michel nous a aussi montrée que le statut de la référence change avec

les trois temps de la didactique clinique. En effet, il s’avère qu’au temps du déjà-là, la

référence est souvent invoquée par l’enseignant dans ses planifications, voire évoquée dans

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l’EAS1. Elle est mobilisée au cours de l’épreuve d’enseignement, et convoquée, voire re-

convoquée au cours de l’après-coup, quand l’enseignant revient sur ce qu’il a fait et justifie

ses choix (cf. tableau 32).

Temps de la

didactique clinique

Déjà-là

Epreuve Après-coup

Chaîne

transpositive

SAE-SAEV

SRE-SREV AC

Statut de la

référence

Invoquée Mobilisée Re-convoquée

Tableau 32 : statut de la référence aux trois temps de la didactique clinique

L’étude de cas nous a déjà montré quelle référence principale Michel invoquait,

mobilisait ou encore convoquait, mais nous pouvons le préciser à des fins de rappel dans le

tableau suivant, à partir de l’analyse précédente (cf. tableau 33) en incluant les aspects

structurels de la référence, en rapport avec son statut :

Chaîne

transpositive

SAE SAEV SRE SREV AC

Statut de la

référence

Invoquée

Mobilisée Re-convoquée

Structure de la

référence

Culturelle

Scolaire

Personnelle

Tableau 33 : évolution des aspects structurels dominants de la référence de Michel dans la

chaîne transpositive

Nous pouvons à partir de là procéder à l’analyse des différents écarts évoqués

antérieurement. On constate avant tout la dynamique de la référence, notamment au cours de

l’épreuve. Cela est intéressant à noter dans la mesure où l’on peut faire l’hypothèse que c’est

l’épreuve même de l’enseignement qui contraint l’enseignant à s’adapter et à mobiliser une

référence qu’il n’avait pas nécessairement prévu de mobiliser a priori mais qu’il a peut-être

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incorporée à son insu (ce qui pourra être éventuellement précisé dans l’après-coup). On

constate que celle-ci n’est pas occultée dans l’après-coup mais re-convoquée, re-appropriée

par lui. Le savoir « proprioceptif » de Michel est à considérer comme émergent dans la

mesure où il n’était pas envisagé dans le SAE. Par contre, il ne sert comme Michel nous l’a

déjà dit qu’à « l’atteinte des compétences plus stratégiques » car il n’est pas directement

évalué, mais peut être le fondement de ce qu’il souhaite enseigner implicitement. C’est à ce

niveau que nous pouvons en tant que chercheur inférer une fonction bio-informationnelle à

cette référence de Michel, et une structure scolaire, en analysant son poids dans

l’enseignement produit par l’enseignant, au regard de son expertise de pratiquant et son

expérience d’enseignant.

A ce stade de notre interprétation, et pour mettre à l’épreuve ces énoncés interprétatifs

nous proposons alors l’étude de deux autres cas enseignants (Giovanni et Alain), en utilisant

ce cadre dans une analyse de cas croisée. Nous allons ainsi nous attacher pour chacun, à

chaque étape de la chaîne transpositive, à repérer les écarts et à en déduire les différences de

fonction et de structure de la référence invoquée et mobilisée par ces deux enseignants.

L’entretien d’après-coup nous servira alors à revenir avec chacun d’eux sur ces écarts pour

extraire les raisons de ces modifications et faire émerger la référence re-convoquée alors. Le

plan que nous allons suivre pour l’étude de cas croisée, à partir des verbatim des deux

enseignants Giovanni et Alain retranscrits en annexes est le suivant :

- une première phase sera consacrée à une analyse comparative des déjà-là des deux

enseignants.

- Les deuxième et troisième phases viseront respectivement à comparer les SAE et

SAEV de Giovanni et Alain, puis leurs SRE et SREV.

- La quatrième phase sera consacrée à l’analyse comparative des après-coups des deux

enseignants.

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4. Etude de cas croisée : Giovanni et Alain

4.1. Présentation des deux enseignants : le déjà-là

Giovanni a un parcours que l’on peut définir d’atypique. En effet, sa carrière

professionnelle ne commence pas dans l’Education Physique mais comme apprenti forgeron.

Autodidacte et volontaire, il a réalisé point par point ce qu’il a désiré. En une dizaine

d’années, il passe d’apprenti forgeron à professeur de structure métallique dans un collège de

Montauban. En une dizaine d’années, il obtient le second degré du Brevet d’Etat de karaté. Il

sera pendant deux ans responsable de l’Ecole Régionale des Cadres de la Ligue Midi-

Pyrénées de karaté et forme des professeurs de karaté. Au terme de vingt ans d’ascension

sociale à coups de cours du soir, il devient professeur d’EPS en passant le concours interne et

intègre le karaté dans son programme d’EPS au collège de Sens, dans l’Académie de Dijon.

Comme il le dit, il ne l’a plus enseigné depuis en EPS car « partout où je suis passé il n’y

avait pas de sports de combat organisés » (cf. EAS1, annexe 18). Il enseigne actuellement

dans un collège de Toulouse, où il vient d’être muté sur sa demande, après une dizaine

d’années en lycée professionnel. En conclusion, nous dirons que l’expérience et l’expertise de

Giovanni sont très marquées par le karaté qu’il considère comme une école de la vie. En effet,

le karaté semble avoir guidé nombre de ses choix professionnels.

Alain est enseignant d’EPS depuis une quinzaine d’années. Il enseigne actuellement

dans un collège de Limoges. Son expérience du karaté est multiple. C’est en effet par cette

activité qu’il est rentré dans les arts martiaux, « à l’âge de onze ans » (cf. EAS1, annexe 28).

Puis il a pratiqué le taekwondo mais c’est vraiment à son entrée dans la vie étudiante, en

STAPS qu’il va être influencé par la démarche de l’un des enseignants en judo. Il écrit à ce

propos dans le questionnaire préliminaire (cf. annexe 26) : « je me suis énormément appuyé

sur la réflexion pédagogique développée en judo et plus particulièrement durant mon cursus

en STAPS ». Cela va le faire réfléchir sur sa propre pratique du karaté, qu’il va poursuivre

durant le début de sa carrière d’enseignant sur Paris de manière éclectique, en karaté, et même

en kobudo qui est basé sur l’apprentissage du maniement des armes traditionnelles (bâton,

fléau, nunchaku, par exemple). Alain est actuellement professeur de karaté dans le club où il a

commencé à pratiquer le karaté et est directeur de l’Ecole Régionale des Cadres de la Ligue

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du Limousin. Il est ceinture noire deuxième dan. En conclusion, nous pouvons dire que

l’expertise d’Alain est marquée de plusieurs influences : il a l’expérience, corporelle et

professionnelle, de plusieurs arts martiaux, non limitée au karaté, facteur que l’on retrouve

dans son expérience d’enseignant d’EPS puisqu’il les enseigne ou les a enseignés en milieu

scolaire.

Si l’on compare ces deux enseignants, quant à leur déjà-là expérientiel et conceptuel

on constate un contraste très important. En effet, autant Giovanni a comme influence unique

le karaté art martial, et même comme il le dit : « le karaté originel » (cf. EAS1, annexe 18),

autant Alain, qui a pratiqué plusieurs sports de combat, revendique une approche plus

généraliste et sportive. Il dit à sa classe lors de la première séance : « je vais vous la présenter

sous sa forme dynamique, la forme combat » (cf. S1, annexe 28). Nous avons donc affaire là à

la confrontation de deux conceptions de l’enseignement du karaté en EPS, dans la mesure où

nous avons une méthode traditionnelle annoncée d’un côté avec Giovanni et de l’autre une

méthode sportive et moderne (plus actuelle) prévue par Alain.

4.2. Analyse comparative du SAE et du SAEV de Giovanni et d’Alain

4.2.1. Le SAE et le SAEV de Giovanni

La planification de la première séance fournie par Giovanni (cf. annexe 17) présente

deux parties : une présentation de l’activité par l’enseignant et le moment rituel du salut, puis

une « approche technique et pratique ». Dans cette dernière, on trouve l’apprentissage de

« postures, techniques de défense et d’attaque fondamentales ». Nous avons aussi étudié la

planification de sa deuxième séance. Celle-ci se démarque de la première dans la mesure où

elle se divise en trois parties avec une première consacrée à l’étude de « déplacements » que

l’on peut supposer sur la même procédure que lors de la première séance, soit les élèves

devant le professeur qui leur montre ce qu’il doivent réaliser et les fait répéter. Dans une

deuxième partie, il prévoit une application de ce premier travail avec un « travail face à face »

dont l’objectif est un travail de perception : « percevoir la direction du déplacement de

l’adversaire pour y associer la direction de ses propres déplacements ». La troisième et

dernière partie de cette séance est consacrée à la « notion de tori/uke, travail de ippon

kumite » qui se veut plus stratégique dans la mesure où il y a une adaptation nécessaire à

l’adversaire en terme de défense, de distance et de contre-attaque, qui implique donc un

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changement de rôle du défenseur à celui d’attaquant. L’analyse de l’EAS1 réalisé avec

Giovanni fait émerger ses intentions d’enseignement centrées autour de trois types de savoirs :

- stratégique : Giovanni parle de « confrontation ». Dans son optique, il compte

renforcer le travail du défenseur : « la priorité est mise sur le blocage. Ne pas prendre

le coup avant de penser à le rendre, c’est fondamental pour moi ».

- Technique : « la mise en yoï, le salut debout, rentrer par les postures […], ensuite

travailler sur une technique de défense […], une technique d’attaque oï tsuki et un

coup de poing ». Giovanni souligne dans cet entretien que pour lui « c’est important

de rentrer dans l’activité par le kihon et on garde le kata pour la fin de la séance ».

En d’autres termes, il se positionne pour une entrée technique, à base de répétitions de

gestes dans le vide (le kihon et le kata), ce qui semble correspondre à une référence

historique du karaté.

- Ethique : au cours de l’entretien Giovanni va souligner l’importance de l’aspect

martial avec « le salut, le respect » et sa volonté de montrer à ses élèves le « karaté

originel ». Mais il va aussi apporter une nuance à ces propos quant à la difficulté

d’enseigner cet aspect des choses dans un établissement scolaire public : « il y a tout le

rituel, le salut, le respect du professeur que l’on ne peut pas trop appliquer dans un

établissement scolaire par rapport à une mentalité qui est différente qu’en club ».

Dans le même ordre d’idée, il précisera ce qu’il entend par « karaté originel » : « le

karaté, c’est pour se défendre pas pour attaquer. Tous les katas commencent par un

blocage ». Cette conception du karaté est d’ailleurs complètement en accord avec

l’enseignement que prévoit Giovanni, centré sur le travail du défenseur et ne fait que

renforcer la présomption d’une référence historique de l’enseignant au karaté pour

l’enseigner en EPS.

La planification de l’évaluation terminale se présente en deux parties : l’une détaille

« l’organisation », l’autre « le protocole ». La situation sur laquelle les élèves sont évalués est

celle abordée par Giovanni dès la deuxième séance : le ippon kumite. Il s’agit d’un assaut dit

« conventionnel » dans la mesure où les rôles de tori et uke sont déterminés au départ, ainsi

que l’attaque. Giovanni demande à uke une certaine forme de travail : « uke bloque la

technique sans changer de garde, tout en recherchant la bonne distance, avec l’avant bras

gauche main ouverte. Riposte immédiate avec le poing droit niveau moyen en poussant le

kiaï » (cf. annexe 17). L’évaluation devrait porter sur une situation qui a été travaillée et

répétée en cours, une réponse personnelle de l’élève en terme de défense et de contre-attaque

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étant a priori limitée. En effet, Giovanni détermine par avance tout ce que l’élève doit

réaliser, en attaque comme en défense. L’aspect stratégique de la situation est très limité en

termes d’adaptation de distance et de changement de rôle du défenseur. Giovanni confirmera

cela dans l’EASEV (cf. annexe 21) : « Ils ont déjà travaillé ce cadre, avec différents

partenaires ». La fiche de co-évaluation fournie par Giovanni montre que cinq critères sont

évalués : « attaque, cible, distance, efficacité, concentration et respect du protocole » (cf.

annexe 17). Si l’on se réfère aux programmes du collège, on peut dire que Giovanni évalue

pour 3/5ème les compétences spécifiques (attaque, cible et distance), des savoirs techniques et

pour 2/5eme les compétences générales (concentration et respect du protocole), des savoirs

éthiques et réglementaires. Les critères d’évaluation sont donc en majorité techniques.

Giovanni dira dans l’EASEV : « ce que je vais évaluer, d’une part le respect du protocole

[…], deuxième point c’est les attaques, si elles sont données à bonne distance et à bon niveau

[…]. Ensuite il y a la défense, est-elle bien exécutée ? La riposte : est-elle immédiate,

efficace ? » On notera d’ores-et-déjà un écart qui se situe au niveau même du SAEV, avec ce

que Giovanni prévoyait d’évaluer avant le début du cycle. En effet, dans l’EAS1, il disait

« bien la voir en ippon kumite […]. Ensuite sur le kata et enfin sur un petit combat souple

voir comment l’élève gère le rapport de force ». A l’évidence, il a dû adapter ses exigences

d’évaluation, et nous aurons l’occasion d’en connaître la raison lors de l’EAC, même si on se

doute que le kata n’est pas quelque chose qu’il a eu le temps d’enseigner et qu’il n’a de ce fait

pas pu évaluer au final. Au terme de cette analyse des SAE et SAEV de Giovanni, on peut

dire que ceux-ci ont une dominante technique et éthique.

4.2.2. Le SAE et le SAEV d’Alain

La planification fournie par Alain est un document d’une vingtaine de pages intitulé

« enseigner le karaté au collège, construire un cycle d’enseignement » qu’il a élaboré à alors

qu’il avait été sollicité au niveau du Plan Académique de Formation. Cette action de

formation a été réalisée en Janvier 2006 auprès d’enseignants d’EPS souvent néophytes en

karaté mais désireux de se former dans cette APSA. L’intégralité du document a été mise en

annexe (cf. annexe 27). Dans ce document, qui constitue le projet de cycle d’Alain (son déjà-

là intentionnel), on peut trouver les textes relatifs à l’enseignement des activités de combat en

collège, la trame d’enseignement avec notamment les contenus d’enseignement, l’évaluation,

la première et la dernière séance détaillées ainsi que les différentes fiches qui vont y être

utilisées, à la fois pour la co-évaluation et l’arbitrage. On y trouve aussi la « situation de

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référence » qui est une situation construite par l’enseignant qui exprime le problème essentiel

posé par l’activité, au regard des ressources actuelles des élèves. Même si le terme « situation

de référence » est utilisé par l’enseignant, nous tenons à rappeler que nous la nommons

« situation mère » pour la qualifier et éviter tout quiproquo. Ainsi, au niveau du SAE, nous

noterons que la trame d’enseignement d’Alain prévoit une progression qui va de

« l’acceptation de l’affrontement » à la « gestion tactique de l’opposition », en passant par

l’acquisition de deux savoirs stratégiques qui sont « aller toucher » et « ne pas être touché ».

A la question sur le savoir à enseigner lors de l’EAS1, Alain confirme son projet de cycle

écrit : « je vais procéder à une évaluation diagnostique des élèves, centrée sur l’acceptation

de l’opposition. Pour finir sera mise en place la situation de référence, sur laquelle les élèves

sont évalués » (cf. annexe 28). Cette situation mère est détaillée dans le projet de cycle (cf.

annexe 27) : « par deux, face à face : une épingle sur le thorax. Objectif : toucher (ou

attraper), avant d’être touché ou sans être touché, les cibles suivantes : aux poings : l’épingle

et/ou le dessus de la tête ; avec le dessus des pieds : les épaules et/ou les flancs ». Cette

situation peut-être qualifiée de très stratégique dans la mesure où les élèves sont impliqués

dans un véritable combat où les rôles d’attaquant et de défenseur vont sans cesse alterner et où

les incertitudes sont nombreuses en terme de cibles à atteindre et d’alternatives d’attaques et

de défense. Dans cette optique, Alain consacre un chapitre de son projet à la finalité du cycle,

intitulé « la gestion tactique de l’opposition », dans laquelle il écrit : « il s’agit maintenant de

mettre en évidence auprès des élèves une gestion réfléchie du combat ». Pour ce faire, Alain

détaille trois compétences à acquérir sous la forme d’exercices :

- « évaluer le rendement de ses attaques ».

- « Adapter la nature des attaques au score ».

- « Analyser le profil adverse afin de mettre en œuvre un projet adapté ».

On a là des exemples de savoirs stratégiques, que l’on peut assimiler aux compétences

propres au groupe des activités de combat, en référence à la typologie des compétences à

acquérir au programme d’EPS du collège. Ainsi nous définirons le SAE d’Alain comme

stratégique dans la mesure où ce qu’il a l’intention d’enseigner est orienté vers la gestion du

combat. La dernière partie du projet de cycle d’Alain est consacrée à l’évaluation prévue. On

notera qu’au cours de la dernière séance d’enseignement, Alain en définit le thème : « mise en

évidence des aspects tactiques de l’opposition (suite)-arbitrage ». Dans les contenus, Alain

développe une « approche du contre », ou encore la « prise en compte par l’attaquant de

réponses tactiques (sorties) devant un défenseur qui recule beaucoup ». Ce travail est encore

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orienté vers le combat, les savoirs enseignés sont stratégiques. De même, l’enseignant joint

une première fiche qui établit « l’ordre de passage des combats » et un tableau récapitulatif

des « points marqués, victoires, nuls et défaites ». Une deuxième fiche est consacrée à

l’arbitrage des combats. Lors de l’EASEV (cf. annexe 31), Alain dira à propos de ses

intentions en matière d’évaluation juste avant celle-ci : « on va mettre les élèves en situation

d’opposition et au regard du protocole d’évaluation, on va confirmer l’acquisition des

principes d’action liés à l’opposition ». Cet entretien servant aussi de premier bilan du

déroulement du cycle, Alain nous dira qu’il n’a pas pu aller jusqu’à la dernière séance prévue,

sur la gestion tactique de l’opposition : « cette relation tactique n’a pas pu faire l’objet d’un

approfondissement ». Comme sa situation mère est une situation d’opposition avec des

incertitudes de cibles, il la reprend comme situation d’évaluation, car pour lui : « l’objectif de

mise en opposition dans le respect des critères de réalisation techniques du karaté est atteint.

Uniquement sur la base des techniques de poings ». Les cibles restent incertaines mais les

armes le sont très peu dans la mesure où Alain n’a pas pu aborder les techniques de pieds, ce

qu’il dit regretter : « cela aurait dû optimiser complètement mon cycle en rajoutant les coups

de pieds ».

Au terme de cette analyse, il apparaît que le SAE, autant que le SAEV d’Alain sont à

dominantes stratégiques. Son projet, de l’enseignement à l’évaluation, suit une démarche

logique de progression très rigoureuse avec une situation mère que l’enseignant exploite en la

complexifiant tout au long du cycle.

4.2.3. Discussion sur les écarts : hypothèses sur la nature de la référence de chaque

enseignant

Les SAE et SAEV de Giovanni et d’Alain sont très différents. Le SAE et le SAEV de

Giovanni se révèlent très techniques tandis que ceux d’Alain sont stratégiques. On peut par

ailleurs constater une logique respectée tout au long du cycle, car tous deux évaluent ce qu’ils

ont enseigné. D’une certaine manière, on se rend compte à ce niveau de l’importance du choix

de l’entrée dans l’activité, qui détermine tous les savoirs à enseigner, ainsi que les savoirs à

évaluer. Si l’on reprend la terminologie que nous avons appliquée pour le cas Michel, les

aspects fonctionnels de la référence au niveau des SAE et SAEV sont pour Giovanni

technique et éthique, et si l’on veut reprendre un terme qui lui est cher, on dira qu’elle est

« originelle » par rapport à une certaine conception du karaté qu’il veut transmettre à ses

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élèves. Les aspects fonctionnels de la référence d’Alain sont à ce niveau stratégiques et si l’on

veut aussi la qualifier en reprenant un terme utilisé par l’enseignant, on ira le chercher au

début de la première séance, lorsqu’Alain présente l’activité à ses élèves. Il dit ainsi : « je vais

vous la présenter sous sa forme dynamique, la forme combat » (cf. S1, annexe 29). Nous

avons étudié en première partie que l’on peut opposer une référence historique de l’activité à

une référence sportive, évolution moderne de l’activité en compétition. L’aspect structurel

dominant de la référence d’Alain au niveau des SAE et SAEV est culturelle, en comparaison à

celle, historique, de Giovanni.

4.3. Analyse comparative du SRE et du SREV de Giovanni et d’Alain

4.3.1. Le SRE et le SREV de Giovanni

Lorsqu’on analyse le verbatim de la première séance de Giovanni, retranscrite en

annexe 19, on peut observer que l’enseignant commence cette leçon par un long monologue

de plus de dix minutes sur la présentation historique du karaté : « le karaté trouve ses origines

[…] dans la Chine ancestrale », ainsi que ses spécificités par rapport aux autres arts

martiaux : « la particularité du karaté, c’est qu’il faut être capable de détruire l’ennemi sur

un coup. Le karaté, c’est un coup unique ». Mais il est intéressant de noter que dans ce

discours, Giovanni n’hésite pas à apporter un contenu quasi philosophique : « le karaté va au-

delà de la simple pratique d’une activité sportive. C’est aussi un travail sur soi, trouver son

propre chemin mais aussi sa propre rencontre parce que vous allez aussi vous rencontrer

vous-même. C’est la pire des rencontres de se rencontrer soi-même ». Giovanni parle-t-il en

connaissance de cause, de lui ? Rien ne nous le dit, mais nous réservons cette question pour

les EAC. Compte tenu de la place importante de ce discours dans sa séance, on peut

présupposer qu’il leur délivre un message, sa référence personnelle du karaté, une rencontre

avec soi même. Cela renvoie à une question que nous avons déjà abordée et que l’on retrouve

dans ce cas, à savoir la transmission par l’enseignant de son propre rapport au savoir, thèse

déjà développée par C. Blanchard-Laville (2001). Suite à ce discours, Giovanni va faire

réaliser le salut. Le terme qu’il utilise est édifiant : « on se met en place pour apprendre le

rituel ». Il donne ainsi une connotation philosophique, presque « cultuelle » à l’acte puisqu’il

en fait un rite qui est défini par le dictionnaire comme « l’ensemble des cérémonies du culte

en usage dans une communauté religieuse » (dictionnaire Le Robert, 1990). Il va faire réaliser

le salut traditionnel complet aux élèves, pas un simple salut debout, avec passage à genoux :

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« c’est comme cela dans tous les arts martiaux, il y a le salut à genoux ». Puis il fait réaliser le

salut au professeur, « senseî ni reï » et le salut entre les élèves eux-mêmes : « otagani reï ».

On peut d’ores-et-déjà noter un écart entre SAE et SRE puisque Giovanni disait dans l’EAS1 :

« il y a tout le rituel, le salut, le respect du professeur que l’on ne peut pas trop appliquer

dans un établissement scolaire » (cf. annexe 18). Le temps n’étant pas extensible, il n’en reste

que peu pour le reste de la séance, qui dure une heure en tout. Les élèves étudieront la

technique pour fermer le poing : « la première chose que l’on va apprendre, c’est comment on

ferme le poing ». Giovanni fera ensuite découvrir aux élèves une position de base qui est la

position yoï : « yoï cela veut dire en garde, prêt […] donc c’est la position prêt ! ». A chaque

fois, Giovanni va utiliser une procédure d’enseignement propre aux arts martiaux, la

démonstration et la répétition, avec le maître qui exécute et les élèves qui reproduisent. Il

continuera ainsi avec l’apprentissage d’un premier blocage : « je démontre, un on le met à

l’épaule, l’autre coude serré, on déplie. Je le montre ici, voilà comme cela et là on a fait un

blocage. Alors, on va le faire une ou deux fois ». La séance se terminera par l’étude de trois

positions de base et d’un coup de pied, toujours sur la même procédure : « alors maintenant

ce que l’on va avoir c’est à partir de cette position là, le coup de pied de face. Je montre, de

profil, pour que vous voyiez bien ». Le SRE de Giovanni est fidèle à ce qu’il avait annoncé

dans le SAE, soit la transmission d’un savoir technique. L’aspect éthique est présent aussi, au

vu du discours de présentation du cycle aux élèves et le rituel du salut en début de séance.

Comme il le dit lui-même dans l’EPS1 : « je l’ai abordé sous l’aspect martial. Le côté

sportif, je l’ai complètement laissé. J’ai préféré développer le côté défensif et protecteur » (cf.

annexe 20). Quand on interroge Giovanni sur ce choix d’entrée dans l’activité il dit : « dans la

première séance entrer dans la confrontation […] je pense que ce n’est pas possible ou alors

cela tourne en bagarre de rue. Il faut connaître un minimum de techniques de karaté pour les

mettre en application ensuite ». Giovanni justifie aussi cette entrée technique traditionnelle

par la volonté de garder la spécificité défensive du karaté : « je suis rentré par

l’apprentissage de techniques de défense et non pas par des techniques d’attaque ». D’une

certaine manière, Giovanni semble associer le combat à l’attaque, à des notions d’agressivité,

de performance d’attaquant. On sent bien que c’est alors une conception dont il se méfie et

qu’il a du mal à envisager car quand on lui demande comment il va faire évoluer ses séances,

il ne parle même pas des assauts conventionnels, mais de duo : « techniques à deux, en miroir,

l’un avance, l’autre recule en effectuant la même technique ». Giovanni reste donc très

prudent dans la progression qu’il envisage et semble réticent à inclure des changements de

rôles et de l’incertitude (armes, cibles, distance). L’orientation technique du traitement

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didactique de Giovanni est donnée dès la première séance, mais on s’est aperçu que l’aspect

éthique est important aussi. Est ce à son insu que cela se produit ? L’enseignant veut-il utiliser

les vertus éducatives du karaté pour l’aider avec cette classe qui montre en cours des

difficultés de concentration et d’attention ? Nous ne pouvons à ce stade répondre à cette

question, mais ces hypothèses seront à confronter au point de vue de l’enseignant dans les

EAC.

La séance d’évaluation démarre par un salut debout, rapide. Il semble que Giovanni ait

abandonné le salut assis complet, sans doute pour des questions de gain de temps : « c’est vrai

qu’ une heure cela va très vite […] les élèves ne sont pas habitués à ce genre de pratique et

de façon de faire… ». (cf. EPS1, annexe 20). C’est un exemple d’assujettissement

institutionnel auquel l’enseignant d’EPS est confronté. La retranscription que l’on trouve en

annexe concerne essentiellement l’explication aux élèves par l’enseignant du protocole

d’évaluation. En effet, durant l’évaluation proprement dite, Giovanni va se contenter de

superviser son bon déroulement. Il interviendra de manière sporadique dans les groupes afin

de répondre à des questions d’élèves, les aider, même si parfois il ne peut s’empêcher de

procéder à l’évaluation de l’élève lui-même : « là, la distance elle y est pas, tu vois, il est trop

loin », ce qui est un mode d’intervention fréquent chez les enseignants, qui ne peuvent tout de

même pas tout dévoluer à l’élève et se contraindre à ne pas intervenir dans la co-évaluation. A

la fin de la séance, Giovanni va regrouper ses élèves et tenter de faire un bilan de la séance et

du cycle mais il n’a pas l’attention nécessaire de sa classe pour y procéder. Il va donc finir ce

cycle comme il l’a commencé, en insistant sur quelque chose qui semble lui être cher :

l’écoute de ses élèves et le climat de la classe : « vous avez pu constater qu’il est très difficile

de travailler dans du bruit, dans du vacarme […]. Si chacun avait fait du silence, on aurait pu

travailler plus facilement et plus rapidement ». Ce bilan de Giovanni est négatif car il avait

en effet commencé sa première séance du cycle en disant : « première des choses, je vous

demanderai du silence, et d’essayer de travailler un peu plus avec la réflexion ». Travailler en

silence était alors un objectif comportemental, une compétence générale à atteindre dans ce

cycle, qui n’a pas été atteint d’après l’enseignant. A ce propos, Giovanni s’exprime dans

l’EPSEV (cf. annexe 23) : « cela a été un cycle difficile. Ce n’est pas la classe la plus facile

que j’ai ». Pour autant, il nuance quelque peu ce propos car plus loin il dira : « j’ai quand

même pu remarquer des élèves pendant l’évaluation qui avaient un réel souci de bien faire ».

D’un point de vue des savoirs, que peut-on dire de ce qu’a évalué Giovanni ? La situation

qu’il met en place pour l’évaluation pose problème en soi. En effet, c’est une situation

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d’assaut, à deux. Cela ne suffit pas à en faire une situation qui développe des savoirs

stratégiques. En effet, nous avons vu que pour y parvenir, il faut qu’au moins une condition

soit présente : le changement de rôle. L’avancée de ce travail et l’étude du cas présent nous

amène à repenser le problème car cette seule condition semble insuffisante pour qualifier la

situation de stratégique. En effet, il nous semble qu’il faut au moins une incertitude afin que

l’élève ait à s’adapter à l’adversaire. Dans la situation mise en place par Giovanni, tout est

déterminé par avance : l’arme (coup de pied circulaire), la cible (le buste) et la distance

(attaquant et défenseur sont immobiles au départ). De ce fait, le SREV est technique car les

élèves n’ont aucune alternative. Pour autant la stratégie n’est pas absente de la situation

comme le souligne Giovanni : « la distance pour faire un blocage n’est pas la même que pour

la contre attaque et cette anticipation là ne fait pas partie des choses que l’on peut

transmettre. C’est la contribution de l’élève, une stratégie que l’élève a construite ».

D’ailleurs, le changement de rôle fait partie des critères d’évaluation : « je préférai mettre

l’accent sur le travail du défenseur en contre-attaque ». Le critère « riposte » fait partie des

critères évalués en défense et est même doublement évalué puisqu’il y a deux fois trois

indicateurs sur la fiche de co-évaluation où Giovanni a marqué à l’intention des élèves : « le

critère riposte est doublement évalué ». Si la stratégie n’est donc pas absente, on ne peut pour

autant pas parler de savoir stratégique car il est évident que les élèves mettent en place toutes

sortes de stratégies pendant l’assaut auquel ils sont confrontés durant l’évaluation. Par

exemple, on a pu s’apercevoir qu’une majorité d’élèves est totalement hors de distance en

défense et en contre-attaque. Cela peut s’expliquer en défense, car l’élève a le souci de ne

surtout pas se faire toucher et esquive plus que de raison. On peut alors penser que comme il

est déjà très loin de son adversaire sur la défense, il n’a pas les moyens de revenir à bonne

distance pour effectuer la contre-attaque. Giovanni, quant à lui, l’analyse autrement et dit dans

l’EPSEV : « je dirai que c’est surtout la peur de toucher. C’est un problème de confiance en

soi dans le rapport à l’autre ». Pour lui, il s’agit donc d’une forme de stratégie d’évitement,

ne pas se rapprocher trop près du partenaire, non pas pour se protéger mais pour ne pas

risquer de le toucher et lui faire mal. En définitive, nous pourrons aborder avec Giovanni ce

problème dans l’entretien d’après-coup : l’aspect stratégique de l’enseignement ne peut-il

prendre que la forme de la riposte ? Autrement dit, est-elle suffisante pour qualifier l’assaut de

stratégique ?

Au terme de cette analyse du SRE et SREV de Giovanni, il s’avère que ces savoirs ont

une dominante technique. Comme le souligne l’enseignant lui-même : « dans les autres APS,

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on cherche moins la perfection peut-être… ». Il remet d’ailleurs en cause cette entrée dans

l’EPSEV : « je renouvellerai l’expérience mais peut-être en optant pour une entrée plus large

[…] et petit à petit je rendrai ses spécificités au karaté » (cf. annexe 23). Giovanni est très

conscient des limites de cette entrée technique qui ne semble pas avoir correspondu au profil

de la classe : « dès la première séance, je les mettrai par deux, sans trop me préoccuper des

techniques purement spécifiques du karaté ». On peut alors s’étonner de cette remise en

question, qui n’est pas sans rappeler celle émise par Nicolas qui au terme de sa séance

envisageait de pouvoir enseigner d’autres savoirs. Cela confirme l’évolution de la référence

enseignante au fil des expériences vécues, au fil même de l’épreuve d’enseignement. Mais

dans le cas de Giovanni, on n’est pas en présence d’un enseignant novice, comme avec

Nicolas. C’est un enseignant d’EPS qui a maintenant de l’expérience et qui a en outre déjà

enseigné le karaté en EPS. La pré-étude de cas Nicolas avait montré qu’un des facteurs ayant

fait que l’enseignant n’avait pas pu s’empêcher d’enseigner des savoirs techniques était lié à

son manque d’expérience. Giovanni a l’expérience mais lui non plus semble ne pas avoir pu

s’en empêcher. Ce phénomène d’assujettissement semble peser davantage pour Giovanni du

fait du karaté traditionnel comme école de la vie, et du fait scolaire et institutionnel pour

Nicolas. Autrement dit, il s’agit dans le cas Nicolas d’un assujettissement contextuel tandis

que pour Giovanni, nous dirions qu’il s’agit plus d’un assujettissement personnel à l’activité

même : « est-ce à mon insu le fait que je sois spécialiste de cette activité qui m’amène à

vouloir l’enseigner en milieu scolaire autrement que les autres APS ? […] Là, on a du mal à

déroger à la règle… ». Giovanni dira plus loin dans le même entretien que « le karaté reste

une activité entre le sportif et le culturel » et il semble bien que pour ce cycle, la référence

culturelle l’a influencé, au détriment de la contrainte scolaire.

4.3.2. Le SRE et le SREV d’Alain

Dans sa présentation du cycle aux élèves, Alain choisit, au contraire de Giovanni, de

ne pas parler d’emblée des spécificités du karaté, mais étend son discours aux arts martiaux en

général, en présentant notamment les différents Maîtres japonais dont les effigies ornent les

murs du dojo dans lequel la classe va avoir son cours : « à votre gauche vous avez Maître

Ueshiba qui est le fondateur de l’aïkido. Au milieu vous avez maître Kano, fondateur du

judo… » (cf. EAS1, annexe 28). Il revient par contre lui aussi sur les origines des arts

martiaux, mais pas au niveau historique, au niveau conceptuel : « vous imaginez à l’origine

une discipline où il y avait tout cela ? ». L’enseignant va en outre exprimer de manière très

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explicite aux élèves sa conception de l’activité à enseigner en EPS : « je vais vous la proposer

sous sa forme dynamique, la forme combat. Parce que le karaté, c’est du combat » (cf. S1,

annexe 29). Mais de quelle référence au combat parle-t-il exactement ? Si l’on s’en tient à ce

qu’il va enseigner, il envisage là le combat tel qu’il est pratiqué en compétition. Or, cette

forme là est très réglementée comme nous l’avons détaillée dans la première partie de la

thèse, sur la connaissance de l’activité. Elle est en tous cas totalement en opposition avec une

conception martiale du karaté qui envisage le combat comme un acte ultime, de défense, où

alors tous les coups sont permis pour répondre à une agression. La référence d’Alain, sportive,

est de ce fait à l’opposé de celle de Giovanni, historique. C’est toute la problématique des arts

martiaux, d’avoir été introduits dans des pays où ils ne sont pas nés, et y ont subi des

transformations, pour notamment s’y intégrer. Il commence alors sa séance par le salut mais

c’est la première fois que l’on va entendre cette définition : « le salut est une technique ».

Pour Giovanni, par exemple, c’était un rituel. Par contre, il va revenir avec les élèves sur la

fonction du salut : « vous savez à quoi elle sert cette technique ? Oui, la notion de respect

[…]. Le salut quelque part, c’est le don de soi, la sincérité ». Dans l’acception d’Alain, le

salut est alors une technique qui vise des principes de vie, comportementaux, de relation à

autrui : « donc le salut, respect mais dans un premier temps de quoi ? Du partenaire (…) il y

a aussi autre chose. L’endroit où vous êtes. Ici, vous êtes dans un endroit qui véhicule des

valeurs. Dans les arts martiaux, il y a aussi le respect de tout ce qui vous environne ». On

notera enfin qu’Alain évoque quelque chose pour laquelle il attache de l’importance,

notamment lors de la première séance : la maîtrise de ses émotions par l’élève. Il dit ainsi :

« juste après le salut, je vais vous faire faire des jeux, histoire de comprendre ce que cela

veut dire que (de) maîtriser ses émotions ». Plus loin, il donnera la raison de ce travail à

effectuer : « de façon à ce que lorsqu’on sera en situation d’opposition, ne pas laisser ses

émotions prendre le pas, vous dominer ». Lorsqu’ Alain va faire réaliser aux élèves le salut,

on s’aperçoit qu’il dépasse la simple technique et qu’il explique toujours sa fonction. Ainsi

quand les élèves doivent se mettre à genou, il détaille : « le salut quand vous le remettez à ses

origines, il y avait des samouraïs. Et pour lui il faut être capable de sortir le sabre très

rapidement […]. Et le sabre a la particularité de se porter à gauche et donc on descend

genou gauche pour dégager le sabre… ». Il y a donc chez Alain un réel souci d’explicitation

afin que ses élèves n’exécutent pas le salut parce qu’on le leur demande, sans raison, mais y

donnent du sens et comprennent sa signification et son fondement. Il dira d’ailleurs dans

l’EPS1 (cf. annexe 30), « j’ai pris le temps aussi d’installer des choses au niveau des valeurs,

le salut, le respect car cela fait partie de l’activité ». Il prend là en considération un aspect

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culturel du karaté, dont l’utilité est pour lui que « cela permet à l’élève de se projeter dans

l’activité ». L’échauffement que va faire réaliser Alain est effectivement composé de jeux de

déplacements au sol pour la plupart, qui vont inciter le contact entre les élèves. Il va d’ailleurs

se servir de leurs réactions diverses pour commencer un travail au niveau des compétences

générales et notamment, comme il nous le disait déjà lors de sa présentation de début de

séance, de la maîtrise des émotions : « vous avez entendu les émotions ? […] ; ça va être

pareil quand vous allez être en train de combattre, vous ferez autre chose, vous ne serez pas

en train de combattre mais de jouer… ». Alain va utiliser ce moment pour intégrer la notion

de concentration : « il va falloir dominer cette émotion pour apprendre des choses. Se

concentrer ». Alain donne ainsi aux élèves la raison véritable de cet objectif de maîtrise des

émotions, car elle est pour lui la condition sine qua non à l’entrée dans l’activité par les

élèves. Il reviendra immédiatement dans l’EPS1 sur cet aspect de l’apprentissage en combat :

« le plus important pour eux à ce stade c’est la gestion des émotions, afin de ne pas entrer

dans des réponses violentes, ou trop agressives » (cf. annexe 30). De la même manière, Alain

va mettre en place un jeu de touche avec plusieurs zones sur le tapis dont une où il faut aller

quand on a été touché. Cette situation de jeu permet à l’enseignant de mettre en place la

notion de changement de rôles : « c’est tout de suite que cela se joue, votre problème c’est

qu’il vous faut un délai pour passer d’un rôle à l’autre ». Dans la situation suivante, où les

élèves sont par deux, ils commencent par tenter chacun de se toucher les chevilles. Peu à peu,

Alain va changer les consignes, en intégrant d’autres cibles : « changez de cible, maintenant

on cherche à toucher le dos […]. On change encore de cible ! Maintenant les épaules […].

On change les cibles, maintenant c’est le dessus de la tête ». Alain manipule une des variables

de la situation d’opposition, la cible, car pour lui « le respect des critères de réalisation est un

des principes qui permet de réaliser l’action, par exemple attaquer une cible. Cela va être

intégré par l’élèves en terme de gestion grâce à plusieurs autres principes, vitesse, distance,

précision et équilibre » (cf. EPS1, annexe 30). Il profitera de cette dernière étape où il faut

toucher le dessus de la tête pour intégrer des savoirs sécuritaires : « on fait attention à

l’intégrité de son partenaire […]. Si je fais attention à toi, j’attends que tu fasses de même en

retour, que tu fasses attention et que tu me respectes […]. On touche, on ne frappe pas le

dessus de la tête ». Il fait ainsi rentrer dans son enseignement un code de relations entre les

combattants.

Après un bilan sur les réalisations des élèves et aussi pour les laisser récupérer, Alain

va faire une transition vers sa situation mère. Il ne va donner comme consigne que cela, sans

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démonstration : « c’est une nouvelle cible, il s’agit d’attraper l’épingle avant ou sans vous

faire attraper la vôtre ». Les élèves ont donc dans cette situation le but à atteindre, mais pas

de consignes de réalisation. A eux de trouver les solutions, ce qui fait de cette situation une

situation problème sur laquelle Alain va construire progressivement les contenus comme par

exemple, esquiver : « cela veut dire quoi esquiver ? Eviter l’autre, en bougeant… ». Il

reviendra sur l’intérêt de sa situation dans l’EPS1 (cf. annexe 30) : « dans ma situation,

lorsque je mets deux nouvelles cibles, la tête et le dos, cela met l’élève devant un problème et

il commence à se poser des questions. C’est là que la notion de prise en compte de

l’adversaire va se déclencher ». Et l’on rajoutera qu’il en profite aussi pour développer des

savoirs réglementaires : « pour que la situation puisse vivre, interdit de mettre la main sur la

cible, ça va même être intégré dans le règlement ». Cette procédure d’enseignement est

symptomatique du fonctionnement d’Alain. On constate ici une véritable réticence à proposer

aux élèves des solutions toutes faites, des techniques à répéter et il nous en parlera dans

l’EPS1 : « en karaté, on aboutit trop à des techniques en tant que geste finalisé alors que ce

n’est pas cela une technique, c’est l’action qui m’amène à…Toutes les situations que je vais

proposer dans une progression d’enseignement vont installer progressivement ces principes

d’action » (cf. annexe 30). D’ailleurs, Alain dira explicitement quand on l’interrogera sur son

entrée dans l’activité : « elle n’est pas technique ». Progressivement, au fur et à mesure des

réponses qu’apportent les élèves à sa situation, Alain va leur donner les critères de réalisation,

ce qu’il n’avait pas fait jusqu’à maintenant : « la situation vous impose la meilleure position

[…] être droit. Ce sera un critère de réalisation technique, avoir le corps droit ». Il en

donnera un autre aux élèves, lié à l’équilibre de l’attaquant au moment de la touche de son

adversaire : « maintenant je vous en impose un deuxième : au moment où vous saisissez

l’épingle, vous devez avoir les deux pieds au sol ». La situation mère d’Alain lui permet donc

de mettre en place les différents savoirs qu’il veut développer chez ses élèves. Comme il le dit

à ses élèves en fin de séance : « trois cibles, des improbabilités, des incertitudes, vous

comprenez ce que cela veut dire ? On ne sait pas ce qui va se produire. Quand on ne sait pas

ce qui va se produire, la dimension sportive prend toute son importance ». Pour Alain, le

karaté c’est le combat, et le combat n’est que stratégie, dont il livre là sa définition : «

progressivement vous allez comprendre que combattre c’est pas être capable de donner des

coups de poing et des coups de pieds, c’est être capable de donner les bonnes réponses. Lire

l’autre, pour savoir comment il réagit ». Le karaté ne peut alors se concevoir pour lui que par

le combat, au sens sportif du terme, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on trouve très

rapidement des savoirs réglementaires et sécuritaires, développés plus avant, comme moyen

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d’arriver à la stratégie. Il y a dans ce « lire l’autre, pour savoir comment il réagit » un réel

message de l’enseignant à l’adresse de ses élèves car il leur délivre là sa vraie référence du

karaté. Savoir en karaté, c’est parvenir à lire l’autre, décoder. On est alors sur la définition de

savoirs extéroceptifs. L’enseignement d’Alain est très peu sur un registre technique,

fondamentalement orienté vers des savoirs stratégiques car il le dit : « le combat, c’est tout

simplement un principe d’action-réaction. Ce que je fais c’est pour faire réagir mon

adversaire et c’est cette réaction que j’exploite ». L’enseignant ira même en fin d’EPS1

jusqu’à définir son enseignement comme « comportementaliste ». Il n’hésite pas à se mettre à

distance des pratiques actuelles du karaté en EPS : « ce qui se fait actuellement à l’école en

karaté est un exercice renouvelé de la méthode traditionnelle […]. Je reste fondamentalement

attaché à l’idée que l’on peut faire du karaté complètement autrement ».

Nous allons maintenant nous attacher au SREV d’Alain, la séance d’évaluation étant

retranscrite en annexe 32. Alain commence cette séance en rappelant aux élèves le protocole

d’évaluation, qu’ils connaissent déjà puisqu’ils ont fait comme une répétition la semaine

précédente : « la semaine dernière nous avons fait une simulation […]. On va voir s’il y a

besoin de quelques ajustements… » (cf. annexe 32). Ensuite, Alain va revenir sur

l’importance de l’arbitrage : « je rappelle les trois principes pour l’arbitrage […], pour

attraper l’épingle il faut un, être droit, deux, être en équilibre et trois, mouvement rectiligne

du ramené du bras ». Après un échauffement rapide conduit par lui, Alain va faire démarrer

l’évaluation proprement dite. Dans ses interventions ponctuelles auprès des différents

groupes, les régulations concernent en tout premier lieu des savoirs réglementaires, par

exemple : « tu la pénalises parce qu’elle parle. C’est pas une sanction, c’est une règle ». Il

intervient donc beaucoup au niveau des arbitres, afin de les obliger à prendre une décision, ce

qu’ils ont parfois des difficultés à faire : « alors ? Tu accordes ou tu n’accordes pas ? […]

Soyez présents, jugez ! Observez ce qui se passe. C’est ce qu’on vous demande ». En

deuxième lieu, les régulations vont porter sur les critères de réalisation technique : « vous

trouvez que cela ressemble à une action avec jambes écartées, corps droit, ramené ? ».

Pourtant, Alain nous confiera lors de l’EPSEV (cf. annexe 33) ne pas l’avoir ressenti ainsi. En

effet, quand nous lui avons demandé sur quelles régulations il pensait avoir le plus insisté, il

dira : « bien sur cela m’est arrivé de devoir arbitrer ou juger à la place des élèves mais là où

il faut insister c’est le rappel des consignes, incessant ». Les variables stratégiques de la

situation d’opposition ne seront citées que lors d’une intervention, en tout début de séance :

« les épaules ne sont pas des cibles », ce qui, somme toute est assez normal compte tenu du

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fait qu’Alain nous dira dans l’EPSEV : « on a pas eu le temps de développer le pôle défensif

[…] et deux, la gestion tactique de l’opposition ». Alain utilise une situation

fondamentalement stratégique, mais n’évalue pas directement des savoirs stratégiques. Il s’en

expliquera dans l’EPSEV : « je pars moi du principe que s’il a marqué un point, l’élève a mis

en jeu les principes de l’action. La maîtrise est pour moi implicitement contenue dans la

performance, en tous cas en combat ». Cet écart entre ce qu’a enseigné Alain et ce qu’il a

évalué a été abordé au cours de l’EPSEV. L’enseignant confirme n’avoir pas évalué tout ce

qu’il a enseigné : « j’ai enseigné des principes d’action, que je n’ai pas évalué ». Il dit aussi

évaluer des savoirs qu’il n’a pas enseignés ou qu’il n’a pas eu conscience d’enseigner. En

effet, les programmes d’EPS insistent sur le fait que l’enseignant ne doit évaluer que ce qu’il

enseigne aux élèves. Ainsi, Alain dit : « quand l’élève marque deux points en faisant un

technique de poing, je ne l’ai pas enseigné ». Il y a donc des aspects de l’enseignement que

l’élève s’approprie seul, comme nous le disait déjà Giovanni. C’est cet écart, entre savoir

enseigné et savoir appris, que nous avons déjà étudié en DEA (Heuser, 2001) et développé en

introduction de la thèse. Alain rajoute à ce propos : « ils font appel à des représentations

qu’ils ont de l’activité. Mais je ne leur ai pas enseigné la performance en soi… ». De la même

manière, nous avions montré (ibid.) que des savoirs sont appris au cours même de l’épreuve,

alors qu’ils ne sont pas explicitement enseignés par le professeur. Nous avons interrogé Alain

à ce propos et il nous dira : « il y a un phénomène d’appropriation par l’élève des exigences

de l’épreuve, qui peut tout changer. Il peut se passer des choses à ce moment précis, qu’il ne

s’est pas passé avant ». Il confirme ainsi que l’on peut assister à une forme de création du

savoir par l’élève au moment même de l’épreuve, par les contraintes de l’épreuve.

4.4. Analyse comparative de l’après-coup des deux enseignants

4.4.1. Analyse de l’entretien d’après-coup (EAC) de Giovanni

On peut se reporter à la partie méthodologique de la thèse, qui explicite la

méthodologie employée pour concevoir et mener les entretiens d’après-coup. A des fins de

rappel, les questions posées à l’enseignant ont été extraites de l’interprétation de son cas, sous

la forme de « conjectures » (Sauvegrain, 2001) ce qui permet en outre d’objectiver celles-ci et

surtout de donner la parole à l’enseignant sur les raisons de ses choix. La logique de nos

entretiens d’après-coup va du personnel au professionnel, si l’on peut dire, en ce sens que

nous interrogeons en premier lieu l’enseignant sur sa pratique du karaté au niveau personnel

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pour aller vers son enseignement de l’activité, d’une manière générale d’abord puis d’une

manière plus ciblée sur ce qu’il transmet en EPS. Ce chapitre est consacré à l’analyse de ces

entretiens. Ainsi, lorsque l’on a demandé à Giovanni ce que lui a apporté le karaté au niveau

personnel, il s’est immédiatement livré et nous a confié sans retenue des raisons très

personnelles. Il démarre sur son cas : plus jeune, ses camarades se moquaient de lui car il était

en surpoids : « j’était petit et gros et on m’appelait le gros F. » (cf. EAC1, annexe 24).

Giovanni nous dira aussi que ce n’était pas la seule raison à son envie de pratiquer le karaté.

S’il faisait l’objet de railleries dans le contexte scolaire, il n’était pas non plus épanoui dans

son contexte familial. Issu d’une fratrie de six, tous pratiquants de sports collectifs, Giovanni

n’a pas eu l’occasion de partager cela avec ses frères puisqu’on lui a fait comprendre qu’ « il

n’était pas fait pour cela, vu sa corpulence » (ibid.). Il semble en tous cas que c’est l’absence

de communication avec son père qui faisait souffrir le jeune Giovanni, qui dit à propos de ses

relations avec celui-ci : « présent en chair et en os, mais absent par l’esprit ». La pratique du

karaté a été pour Giovanni comme il le dit une manière de « reconstruction symbolique du

père ». Cela s’explique d’abord par le fait que dans les arts martiaux, la place du Maître est

importante au sens japonais du terme, le senseî qui veut dire « celui qui est devant », et qui

nous guide d’une certaine manière. Cela s’explique aussi par le fait que l’on peut soi-même

devenir senseî et combler ce manque du père, en tant que guide en le devenant soi-même.

D’une certaine manière, dans l’enseignement qu’il dispense, Giovanni veut se mettre à la

place du père dans sa position symbolique. C’est ce qu’il exprime à sa façon lorsqu’il répond

à notre seconde question où on lui demande quelle influence cela a-t-il eu sur son

enseignement du karaté : « lorsqu’on est apprenant, on est un petit peu sous la coupelle du

maître. Et lorsque l’on devient soi-même professeur […] on reproduit la façon dont on a soi-

même vécu l’activité ». Ce que veut transmettre Giovanni, c’est sa propre position, de guide,

de Maître, d’éducateur. Il le dit : « je reproduis cette notion de Maître, cet aspect un peu

paternel ». Plus loin dans l’entretien, il en donnera d’ailleurs la raison : « les jeunes

d’aujourd’hui, il leur manque la castration orale. C’est la frustration de savoir se taire et

écouter ». En effet, lorsque l’on demande à Giovanni quel savoir il faut selon lui enseigner en

priorité en karaté en EPS, il dit : « savoir se taire. Cela veut dire qu’on est dans le contrôle et

qu’on est à l’écoute ». C’est aussi comme cela que Giovanni définit le karaté. Pour lui, « le

karaté, c’est la notion de respect, envers celui qui transmet ». Il met un préalable à la

pratique, qui pour lui va différencier l’enseignement en club de celui du karaté en EPS, c’est

la notion de manque. En effet, pour Giovanni, le karaté en EPS est « quelque chose que l’on

impose, que l’on propose aux élèves, ils ne sont pas dans une demande et ça change tout ». Or

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pour que le karaté soit profitable à l’élève, Giovanni pense qu’il faut que « l’élève soit dans

une quête de quelque chose », sous- entendu comme lui l’a été…lui-même !

Au terme de cette analyse après-coup du cas Giovanni, nous ne pouvons qu’être

surpris de la tournure prise par l’entretien et à laquelle il était difficile de s’attendre, mais c’est

là aussi toute la dimension clinique de notre travail. En effet, Giovanni parle de lui, se livre

d’une manière intime, dont le chercheur, novice, n’a pas l’habitude et n’est sans doute pas

préparé, dans la mesure où les enseignants ont en général beaucoup de difficultés à livrer leurs

états d’âmes et leurs difficultés d’enseigner. Giovanni, par exemple, parle :

- de sa souffrance, quand il était enfant, due à son obésité, impossible à supporter.

- De son père, présent à la maison mais absent dans le sens où il ne communiquait pas

avec ce fils.

- De ce que recherche Giovanni, le Maître, la place qu’il a et ce qu’il représente. Ce

qu’il enseigne en somme, c’est une position, cette position symbolique du Maître dans

l’imaginaire de ses élèves. Avant d’enseigner le karaté, Giovanni transmet l’éthique du

karaté. Comme il le souligne dans l’EAC, le karaté c’est d’abord pour lui une attitude,

« savoir se taire et être à l’écoute » (du maître justement mais aussi de soi), et ensuite

seulement « savoir se tenir debout, se déplacer ».

Par contre, nous subissons un biais à ces confidences de Giovanni : il ne répond pas

toujours aux questions posées, et réoriente le discours sur lui-même. Nous aurons donc

l’occasion de le réinterroger dans un second entretien d’après-coup. Giovanni enseigne ce

qu’il lui a permis de devenir, ce qui pose un problème au sein d’une institution scolaire car les

élèves ne sont pas à l’école pour cela. Il y a un écart entre les attentes des élèves et le projet de

l’enseignant, déconnecté du travail scolaire proprement dit. C’est justement parce qu’il se met

à la place du Maître qu’il n’enseigne pas comme Michel par exemple. Autant ce dernier est

sur la transmission de savoirs scolaires, autant Giovanni est sur la transmission de ce qu’il est,

d’une position qu’il a, en tant que sujet. C’est la raison pour laquelle nous dirons que la

référence dominante de Giovanni, c’est lui, tout simplement : sa référence, c’est lui-même, sa

propre expérience de karatéka. De ce fait, nous dirons que sa référence est expérientielle. Si

l’on devait donner un titre à la référence de Giovanni du karaté en EPS, ce serait pour

reprendre ses dires : « je l’ai reproduit comme moi je l’avais appris ». Giovanni illustre bien

alors ce que disait Jean Jaurès : « on enseigne ce que l’on est ». Pour autant, il reste un sujet

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210

singulier : si tous les professeurs n’enseignent pas ce qu’ils sont, tous, sans doute, enseignent

avec ce qu’ils sont.

4.4.2. Analyse de l’entretien d’après-coup (EAC) d’Alain

L’EAC d’Alain (cf. annexe 34) commence comme pour Giovanni par des questions

qui interrogent la pratique personnelle de l’enseignant. Pour Alain, le karaté lui a apporté

« une reconnaissance » et il insiste sur l’aspect individuel de l’activité, dont « les progrès ne

dépendent pas d’un groupe ». Alain reviendra plus loin dans l’entretien sur cet aspect

important de l’activité karaté qui est la centration sur soi quand il explique l’objectif

pédagogique du salut : « prendre les commandes de son propre corps ». Cette prise de

commande va d’ailleurs au-delà du corps mais envisage la dimension affective. En effet, nous

avions remarqué qu’Alain accordait beaucoup d’importance à la maîtrise des émotions par les

élèves en début de cycle et nous l’avons interrogé dans l’après-coup à ce sujet. Il confirmera

que « dans un environnement tel que l’opposition, l’acceptation de l’affrontement n’est pas

acquise, elle nécessite un réel apprentissage ». Pour Alain, cela semble donc être un préalable

à la pratique du combat de « ne pas se laisser submerger par la crainte du coup, de l’autre,

par la représentation que l’on s’en fait ». A la question du savoir ce qu’Alain veut enseigner

en priorité, nous remarquerons que la réponse est la même que celle de Giovanni :

« l’écoute ». Pour les deux enseignants, le savoir énoncé comme celui à enseigner en priorité

n’est pas un savoir spécifique à l’activité. Le karaté revêt là sa « dimension éducative » qui

« n’est plus implicite mais devient un enjeu de formation ». Alain estime aussi comme l’un de

ses principaux objectifs d’enseignement du karaté en EPS « l’autodétermination de choix

tactiques ». Là encore, on n’est pas sur l’annonce de savoirs spécifiques au karaté, mais plutôt

propres au groupe des activités de combat. Alain souhaite développer « la dimension

cognitive du combat » car sa définition du combat en karaté intègre en premier lieu « la

lecture de l’adversaire ». Dans cette optique, et à ce stade de l’analyse, la référence du karaté

en EPS pour Alain est un savoir sur soi : « l’acquisition technique n’est pas l’enjeu de

formation du débutant ». Ce savoir ne faisant pas partie de notre catégorisation, il nous faudra

le placer dans la catégorie des savoirs « autres » qui peuvent être enseignés ou rajouter une

catégorie « savoirs sur soi » à la catégorisation de Margnes (2002), tant ils sont effectivement

sensibles en karaté, et plus généralement dans les activités de combat.

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211

L’analyse d’autres traces de la référence d’Alain montre que cette référence n’est pas

unique. Tout d’abord, Alain présente le karaté aux élèves en leur disant qu’il va leur proposer

sous sa forme « dynamique, la forme combat ». Nous l’avons interrogé à ce sujet dans l’après-

coup et il oppose cette conception à la forme « statique » qui pour lui « fait référence à la

méthode traditionnelle ». Pour l’enseignant, cette méthode ne peut pas être reproduite en EPS

car « elle est techniciste et n’est pas pédocentriste ». L’enseignant fera d’ailleurs référence

aux programmes du collège, pour justifier son choix didactique : « à ce sujet les programmes

sont explicites, le combat est central ». Et pour l’enseignant, cet aspect dynamique de

l’activité est primordial. En effet, quand il évoque la méthode traditionnelle, avec la situation

pédagogique du kihon, qui est, rappelons le, basée sur des répétitions d’enchaînements « dans

le vide », sans présence d’un partenaire, Alain précise que dans ce cas, « l’activité est

globalement arrêtée dans le sens où les temps de pause à proprement parlé sont plus longs

que les temps d’activité ». Nous sommes alors tentés de dire que la référence d’Alain est

sportive. C’est pourquoi nous l’avons interrogé sur cette dimension de son enseignement : « la

voie sportive », dit-il, « représente ma stratégie d’entrée dans l’activité ». Il l’oppose à la

méthode traditionnelle qui pour lui « limite les réponses tactiques des élèves parce que

contraignante sur le plan technique et nécessitant plus de temps qu’un simple cycle EPS ».

Nous avons alors posé une question à Alain, que nous avons déjà abordée, notamment dans la

pré-étude de cas Nicolas : comment rentrer dans l’activité par le combat, sans exposer les

élèves à des blessures ou des accès d’agressivité non contrôlée ? Alain nous livre sa réponse

et sa manière de procéder : « la lecture de l’adversaire s’inscrit dans une démarche tactique

et donc consciente du combat à travers la notion d’action-réaction ». Néanmoins, sa

démarche s’appuie sur le préalable de la maîtrise des émotions : « l’acception de

l’affrontement nécessite un réel apprentissage afin de préserver soi-même et préserver ses

partenaires ». Alain utilise à cette fin, comme nous l’avons déjà souligné, des jeux

d’opposition. De plus, pour parvenir à cet objectif de maîtrise de ses propres émotions, Alain

propose une « opposition duelle sécurisée », basée sur une « progressivité de la pression

événementielle s’organisant autour de cibles non conventionnelles telles que des épingles et

les épaules ». En effet, les cibles conventionnelles en karaté sont les cibles basses, les jambes,

ou les cibles corps comme le ventre, la poitrine et enfin les cibles hautes, le visage, la tête, le

cou par exemple. Pour Alain, l’enjeu pour l’élève est « d’atteindre une cible avant ou sans

que l’adversaire ne réalise cet objectif ». Ainsi, dans cette forme d’opposition sécurisée,

l’élève peut respecter les principes d’action répondant à la nature de l’activité karaté. Par

exemple, dans l’enseignement d’Alain, l’un de ces principes est d’avoir « le corps droit ».

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212

Alain dit qu’il considère ce principe comme « faisant partie des fondamentaux techniques »,

dans la mesure où cela renvoie à la logique interne de l’activité, qui est différente en boxe par

exemple. Comme le souligne Alain : « je tiens aussi à différencier l’activité karaté de

l’activité boxe […] autorisant des esquives du torse ». Ces esquives effectivement, impliquent

des flexions latérales du tronc, ce qui ne se fait pas en karaté. Le karaté utilise plutôt le

déplacement du corps entier lors des esquives et des décalages, ce que confirme Alain : « sur

le plan tactique, elle (la solution : avoir le corps droit) met en évidence une gestion spécifique

de la distance, obligeant l’élève à gérer ce paramètre par des déplacements en fente avant et

pas chassés ». Nous remarquons que c’est un sujet qui avait été aussi abordé par Giovanni,

qui voulait « faire émerger sa spécificité d’art martial qui n’a rien à voir avec les boxes » (cf.

annexe 18, EAS1). Les deux enseignants mettent en évidence des références scolaires

communes pour l’enseignement du karaté.

Alain développe aussi sa définition de la technique en karaté, qui ne doit pas être

considérée comme « le seul respect des critères de réalisation gestuelle », mais comme « la

gestion simultanée d’un ensemble de principes d’action tels que la vitesse, la distance, la

précision… ». Dans cette acception, Alain ne considère pas la technique comme un moyen

d’action mais bien comme le résultat d’une combinaison d’actions. En effet, une technique de

poing par exemple ne peut être envisagée que dans le contexte de l’opposition, où cette

technique doit avoir un effet. Si l’élève veut parvenir à toucher son adversaire, il va devoir

combiner plusieurs principes tels qu’identifier une cible, se déplacer et déclencher son attaque

au moment opportun et avec une certaine vélocité. La technique en karaté se déploie alors sur

plusieurs fronts : la perception, la programmation motrice du déplacement et du geste à

effectuer, et enfin sur le contrôle du mouvement en cours d’exécution, notamment en fonction

de la réaction adverse. C’est d’ailleurs à ce dernier niveau que la « gestion tactique de

l’opposition » intervient, mais comme nous l’a dit Alain, il n’a pas eu le temps de l’aborder

comme il l’escomptait : « je pensais aborder la phase de gestion tactique à travers quatre

principes […] : les attaques directes, les enchaînements d’attaque, les feintes et pour terminer

les confusions ». Par contre, cette conception est très présente dans l’évaluation qu’Alain a

conduite où il évalue le résultat de l’action (les touches) mais pas les principes d’action

(comment l’élève s’y prend pour toucher, que met-il en œuvre ?). En fait, il est très prêt des

conceptions de l’enseignement du judo, telles que développées en club et en EPS, comme l’a

montré Loizon (2005).

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213

Au terme de cette analyse de l’après-coup d’Alain, nous allons tenter de qualifier sa

référence. Alain se réfère majoritairement pour son enseignement du karaté en EPS à une

forme actuelle, culturelle du karaté, le combat tel qu’il est pratiqué en compétition, en

touches, dont l’efficacité n’est pas évaluée et qui pour être valides doivent être effectuées dans

le respect de certains critères : la technique doit être ramenée pour un coup de poing, réalisée

en équilibre, le dos droit, à bonne distance de son adversaire et enfin contrôlée en terme

d’impact afin de ne pas risquer de blesser l’autre. Cette optique sportive, qui véhicule des

valeurs modernes de performance et de dépassement de soi, s’oppose à la conception de l’art

martial de Giovanni, tel qu’il était pratiqué à son origine et dans son pays de naissance. La

référence d’Alain a donc une dominante culturelle.

4.5. Conclusion de l’étude de cas croisée des deux enseignants

Au terme de cette analyse, il apparaît que Giovanni et Alain ont deux références très

différentes du karaté à enseigner en EPS : autant elle est stratégique et sportive chez Alain,

autant elle est technique et traditionnelle chez Giovanni. L’étude didactique clinique menée

sur ces deux cas fait émerger un déterminant didactique plus sensible qui est le poids des

assujettissements. En effet, on peut trouver chez Giovanni un assujettissement à l’histoire

même du sujet, qui ne peut s’empêcher d’enseigner comme il le fait, ce qu’il est, alors que

rien dans son projet ne l’annonçait. Le cas d’Alain est totalement différent dans la mesure où

il semble en apparence beaucoup plus détaché de la référence historique du karaté. Il se réfère

lui au modèle sportif, mais en assume le choix et le justifie d’un point de vue officiel, en se

référant aux programmes. Giovanni, au contraire, terminera le cycle en l’envisageant tout

autrement que de la manière dont il l’a mené. Il n’a pas voulu, ou pu prendre de distance par

rapport à cette méthode traditionnelle qui fait partie de sa culture personnelle pour enseigner

le karaté en EPS. Mais d’une certaine manière, on pourrait dire la même chose d’Alain, qui lui

non plus n’a pas voulu prendre la même distance par rapport à une référence sportive de

l’activité qui peut venir en concurrence avec une référence plus scolaire, du point de vue de

l’Education Physique et Sportive qui ne prend pas en compte que la performance. Pour

illustrer ce propos, nous prendrons un exemple dans l’EPSEV (cf. annexe 33). Alain dit

concernant l’évaluation du cycle : « ce sont des affrontements par poule, avec un règlement

qui est le règlement fédéral en toile de fond… ». Son évaluation peut être assimilée à une

compétition et le fait qu’il prononce le terme fédéral renvoie à la référence de l’enseignant,

« en toile de fond » aussi, pour reprendre l’un de ses termes. Il semble alors que le poids de

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214

l’institution est plus fort dans l’évaluation, qui est aussi en soi un moment institutionnel

particulier de l’enseignement.

Cette étude de cas croisée nous permet de qualifier la référence des deux enseignants

dans ses aspects fonctionnels et l’on peut dire que cette fonction est éthique pour Giovanni,

stratégique pour Alain. De même, comme nous l’avions fait pour Michel nous pouvons à ce

stade inférer les aspects structurels de la référence de chaque enseignant. La structure

dominante de la référence de Giovanni se révèle expérientielle dans la mesure où il entend

enseigner « le karaté originel » (cf. EAS1, annexe 18) au sens du karaté qui permet à

l’individu de se transformer comme il s’est lui-même transformé grâce au karaté. Giovanni dit

à ce propos dans l’EAC que « la formation, c’est une déformation d’abord ».

La structure dominante de la référence d’Alain est culturelle (cf. tableau 33) car il

enseigne et évalue le karaté comme une performance. Le tableau suivant (cf. tableau 34) se

propose de donner l’aspect structurel dominant de la référence pour chaque enseignant, en

intégrant celui de Michel, ce qui va permettre, à ce stade de l’analyse, de l’intégrer à l’étude

de cas croisée maintenant que nous avons analysé les données de Giovanni et d’ Alain.

ENSEIGNANT ASPECT STRUCTUREL DOMINANT

DE LA REFERENCE

MICHEL Scolaire

GIOVANNI Expérientiel

ALAIN Culturel

Tableau 34 : aspects structurels dominants de la référence de chaque enseignant

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215

5. Analyse comparative des références de chaque

enseignant

A ce stade de notre recherche, nous avons procédé à une étude de cas longitudinale,

Michel et à une étude de cas croisée, Giovanni et Alain. Nous allons pouvoir nous attacher à

croiser les données recueillies pour ces trois études de cas et faire ainsi une analyse à

plusieurs niveaux, déjà détaillée dans les perspectives de travail :

- une analyse des aspects fonctionnels des références de l’enseignement du karaté en EPS

de chaque enseignant, à chaque étape de la chaîne transpositive qui permettra notamment

d’apprécier, s’il y a lieu, les remaniements de la référence au cours des SAE, SRE, SAEV et

SREV.

- Une analyse comparative des aspects structurels de ces mêmes références des

enseignants.

- Une analyse dynamique ascendante de l’utilisation des références par les enseignants

observés, en croisant toutes les données organisées selon les trois temps de la didactique

clinique, mais en repartant de l’après-coup, puis de l’épreuve, pour remonter au déjà-là.

5.1. Analyse fonctionnelle des références de chaque enseignant pour l’enseignement du

karaté en EPS

Savoirs

Cas

SAE SRE SAEV SREV

Michel Technico

tactique

Proprioceptive Stratégique Stratégique

Giovanni Stratégique Ethique Technique Technique

Alain Stratégique Stratégique Sportive Sportive

Tableau 35 : évolution des aspects fonctionnels des références de chaque enseignant à chaque

stade la chaîne transpositive

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216

Le tableau permet une lecture à double entrée:

- un sens horizontal, qui permet de voir l’évolution de la référence de chaque enseignant

au cours de tout son processus d’enseignement.

- Un sens vertical qui permet une comparaison à chaque temps, entre les trois

enseignants. A ce stade de notre recherche, c’est celle-ci qui va retenir notre attention.

Ainsi, on peut noter en premier lieu de forts contrastes entre chaque cas, quant à la

singularité de leur propre référence. Nos trois enseignants sont très différents en termes de

fonction de la référence du karaté à enseigner en EPS. Si l’on ne prend que par exemple le

savoir réellement enseigné, la fonction de la référence de Michel, en terme de savoirs est à

dominante proprioceptive. Celle de Giovanni est à dominante éthique tandis que celle d’Alain

est à dominante stratégique. On remarque qu’il y a à tous les niveaux de la chaîne

transpositive des différences entre les enseignants. De la même manière, au niveau du savoir à

évaluer, la fonction de la référence de chaque enseignant est différente : stratégique pour

Michel, sportive pour Alain et technique pour Giovanni. On se rend bien compte de ce fait de

la pluralité du karaté enseigné et évalué en EPS dans ces analyses de cas. Comme nous

l’avons déjà montré, le karaté est pluriel et cet aspect se retrouve dans son enseignement à

l’école. Par contre, les logiques de chaque enseignant sont très personnelles et les références

activées de manière complexe, en fonction d’assujettissements internes (comme l’histoire

personnelle du sujet) et externes (le poids de l’institution, les contingences contextuelles).

Cela confirme l’intérêt d’une approche clinique en didactique. Dans nos trois études de cas,

des remaniements sont présents, même s’ils sont parfois plus sensibles chez l’un ou chez

l’autre. Par exemple, le cas Michel est représentatif de remaniements effectués tout au long de

l’enseignement, tandis que dans le cas d’Alain, ces remaniements sont quasiment inexistants.

La fonction de sa référence est stratégique car c’est un aspect majeur de son enseignement,

dont le caractère devient sportif du fait des choix dans les procédures d’évaluation. Comme

chez Michel, les remaniements de la référence sont visibles chez Giovanni et Alain : le

tableau 35 met bien en évidence le caractère évolutif des aspects fonctionnels de la référence à

chaque stade de la chaîne transpositive.

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217

5.2. Analyse structurelle des références de chaque enseignant

Comme nous l’avions fait à la fin de l’étude de cas Michel, nous allons montrer dans

le tableau suivant quels aspects structurels de la référence se dégagent aux trois temps de la

didactique clinique. Le tableau 36 permet une vue synoptique des trois cas.

Trois temps de la

didactique

clinique

Déjà-là

Epreuve

Après-coup

Statut de la

référence

Invoquée

Mobilisée

Re-convoquée

Michel

Culturel

Personnel

Scolaire

Giovanni

Culturel

Expérientiel

Personnel

Alain

Scolaire

Culturel

Expérientiel

Tableau 36 : évolution des aspects structurels dominants de la référence des trois enseignants

aux trois temps de la didactique clinique

Les références des trois enseignants ont à chaque temps un aspect structurel

différent. De plus, les aspects structurels tels que nous les avons définis, en tant que scolaire,

personnel et expérientiel, ne s’activent pas au même temps de la didactique clinique pour les

trois enseignants. Si l’on prend par exemple le temps de l’épreuve, l’aspect structurel

dominant est expérientiel chez Giovanni, car nous avons observé qu’il enseignait ce que le

karaté lui avait appris. L’aspect structurel dominant pour Alain est culturel car le sport est

élément de la culture actuelle centré sur la performance individuelle et c’est bien cet aspect là

du karaté qu’il veut enseigner aux élèves. Enfin, l’aspect structurel dominant est personnel

pour Michel, car nous avons vu que ce qu’il enseigne du karaté en EPS est emprunt de

multiples références, et de ce fait est une création très personnelle. Cela s’explique par la

singularité de chaque cas, dans le sens où les remaniements de la référence sont propres à

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218

chaque enseignant, en fonction de son histoire personnelle, intime, de pratiquant et

d’enseignant.

5.3. Analyse dynamique des références de chaque enseignant

ENSEIGNANT

ASPECTS

FONCTIONNELS

DOMINANTS DE LA

REFERENCE

ASPECTS

STRUCTURELS

DOMINANTS DE LA

REFERENCE

MICHEL

Proprioceptif

Scolaire

GIOVANNI

Technique et éthique

Expérientiel

ALAIN

Stratégique

Culturel

Tableau 37 : comparaison des aspects structurels et fonctionnels dominants de la référence de

chaque enseignant

L’étude du tableau 37 montre qu’à chaque tendance structurelle de référence

correspond une fonction particulière. Ainsi, dans l’enseignement du karaté en EPS, la

référence enseignante va orienter l’enseignement de l’activité. La référence culturelle d’Alain

oriente celui-ci vers un enseignement sportif du karaté en EPS. La référence de Giovanni à sa

propre expérience l’oriente vers un enseignement traditionnel et enfin la référence de Michel,

scolaire, provoque la création d’un nouveau type de savoir à enseigner du karaté en EPS,

proprioceptif, que nous n’avions pas envisagé dans nos études préliminaires. L’étude clinique

menée montre l’articulation entre les aspects structurels et fonctionnels de la référence

enseignante. Au-delà de ces aspects, l’option de la clinique est de redonner la parole aux

enseignants, en suivant les trois temps de la didactique clinique, le déjà-là, l’épreuve et

l’après-coup. C’est ce que nous nous proposons de faire en organisant des extraits de verbatim

qui illustrent une tendance forte de la référence de l’enseignant aux différents temps de la

clinique (cf. tableau 38). Dans l’épreuve, nous avons séparé deux extraits, l’un se rapportant à

la séance d’enseignement, l’autre à la séance d’évaluation.

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219

Temps

Enseignant

Déjà-là Epreuve

Enseignement Evaluation

Après-coup

Michel

Interprétation

de la référence

par le

chercheur

«Approche

culturelle »

Référence

historique

« Recentrer sur

les sensations »

Référence

scolaire

« Ce qui est

important, en

combat, c’est

d’y voir clair »

Référence

sportive

« Lorsque je fais

quelque chose,

je le digère »

Référence

personnelle

Giovanni

Interprétation

de la référence

par le

chercheur

« Approche

technique et

pratique »

Référence

didactique

« Trouver son

propre chemin

mais aussi sa

propre

rencontre »

Référence

personnelle

« Le karaté,

c’est un coup

unique »

Référence

historique

« Je l’ai

reproduit

comme moi je

l’avais appris »

Référence

personnelle

Alain

Interprétation

de la référence

par le

chercheur

« L’acceptation

de

l’affrontement »

Référence

personnelle

« Le karaté,

c’est du

combat »

Référence

sportive

« Confirmer

l’acquisition des

principes

d’action liés à

l’opposition »

Référence

scolaire

« Ne pas se

laisser

submerger par

la crainte du

coup, de

l’autre »

Référence

personnelle

Tableau 38 : synthèse de la référence de chaque enseignant aux trois temps de la didactique

clinique.

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220

Nous nous intéresserons d’abord à une lecture horizontale du tableau, qui permet

d’apprécier les remaniements éventuels de la référence chez un enseignant donné. Dans cette

optique, pour Michel, nous retiendrons les termes de « sensations », « y voir clair » et

« digère ». Ces termes renvoient à une intériorisation des phénomènes qui va au-delà de la

réflexion. La référence de Michel a quelque chose d’interne dans la mesure où son

enseignement du karaté doit passer par la réflexion, la sensation et la « digestion » de ce qu’il

fait. Elle est en tous cas très personnelle dans la mesure où elle est construite et reconstruite

par l’enseignant tout au long de la chaîne transpositive. On pourrait ainsi dire que sa référence

de l’activité est confondue avec sa référence pour l’enseignement du karaté en EPS.

Giovanni est sur une dominante toute autre de sa référence. Les termes utilisés comme

« sa propre rencontre », « comme moi je l’avais appris », témoignent d’une autre

intériorisation des phénomènes. Giovanni enseigne le karaté comme il l’a appris, pour que les

élèves se rencontrent eux-mêmes, comme lui l’a fait au contact de l’activité. D’une certaine

manière, cette référence à lui-même et à son histoire rend compte d’une difficile prise de

distance par rapport au karaté à enseigner en EPS. Il ne prend pas en compte la spécificité du

contexte scolaire. Giovanni ne peut concevoir le karaté autrement que ce pourquoi il a été

inventé, c’est-à-dire se défendre avec un maximum d’efficacité, c’est pourquoi il parle

d’ « approche pratique » et de « coup unique » qui est effectivement la logique même du

combat en karaté. Dans le cas de Giovanni, on pourrait dire aussi que référence du karaté et

référence de l’enseignement du karaté en EPS s’excluent car sa référence personnelle ne peut

être enseignée en EPS. Giovanni l’a construite pour lui, de lui et de son histoire. Cette

singularité rend son karaté « inenseignable ».

Nous retiendrons des termes utilisés par Alain ceux de « combat », « opposition » qui

renvoient pour lui à la définition du karaté mais qui ne peuvent être enseignés que si l’élève a

été préparé à « l’acceptation de l’affrontement », et ait pu dépasser « la crainte du coup, de

l’autre ». La référence d’Alain est de ce fait autant le combat lui-même que la gestion de ses

aspects émotifs. Comme Michel, la référence d’Alain à l’activité est en continuité avec sa

référence de l’enseignement car c’est une référence construite pour son métier d’enseignant.

La lecture verticale du tableau permet de comparer les références enseignantes aux

différents temps de la clinique. Ainsi, au niveau du déjà-là, on a une référence « culturelle »

chez Michel, une « technique et pratique » chez Giovanni et une liée à « l’acceptation de

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221

l’affrontement » chez Alain (cf. tableau 38). Ces trois références que l’on peut assimiler à

théorique pour Michel, pratique pour Giovanni et émotionnelle pour Alain montrent bien le

contraste et la singularité de chaque professeur, ne serait-ce que dans ses intentions

d’enseignement. Au niveau de l’enseignement du karaté en EPS d’ailleurs, trois termes

contrastés apparaissent encore : celui de « sensations » pour Michel qui renvoie à sa référence

proprioceptive de l’enseignement du karaté en EPS, de « sa propre rencontre » pour

Giovanni, et dans ce cas il se réfère pour enseigner le karaté à son parcours et son histoire. Le

« combat » pour Alain réfère à sa conception du karaté en EPS, emprunt des différents sports

de combat qu’il a pratiqué et dont il garde le fil conducteur, l’affrontement, tout en gardant

« les principes d’actions » propres à l’activité karaté sur lesquels il va s’appuyer pour évaluer

ses élèves. L’évaluation, d’ailleurs, constitue certes la fin du cycle mais reflète la référence

des enseignants quant aux fins du karaté. Pour Giovanni, cela se traduit par « le coup unique »

que l’on retrouve en effet dans son évaluation où les élèves doivent apporter une réponse à

une attaque déterminée à l’avance. Pour Michel, en karaté, il faut « y voir clair » ce qui peut

se traduire par rester maître de ses réactions pour pouvoir réagir de la bonne manière et au bon

moment en combat. Une fois de plus, l’analyse de la situation est pour lui un aspect important

de l’activité. Dans l’après-coup, Michel comme nous l’avons déjà expliqué « digère »,

Giovanni « a reproduit comme lui l’avait appris » et Alain insiste sur les aspects émotionnels

que l’on doit gérer en combat, « ne pas se laisser submerger par la crainte du coup, de

l’autre ». C’est dans ces derniers aspects évoqués par les enseignants que transparaît le plus

leur histoire, leur singularité et de ce fait leur référence dominante. Nous proposerons alors un

titre à chaque référence enseignante que le tableau suivant détaille (cf. tableau 39), à la

manière d’une vignette clinique de la référence de chaque enseignant.

Enseignant Titre proposé de sa référence

Michel Les remaniements de la référence

Giovanni La référence à soi

Alain Les émotions à gérer lors du combat

Tableau 39 : vignette clinique de la référence de chaque enseignant

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6. Le second après-coup

Au fur et à mesure que notre recherche avance, nous nous apercevons qu’il y a des étapes

auxquelles nous n’avions pas pensé initialement et qui s’imposent à nous. C’est le cas de ce

moment de la clinique, qui vient « après l’après-coup », comme une clé de lecture de ce qui

précède. L’analyse croisée des cas Giovanni et Alain laisse en effet des questions sans

réponses, ou des aspects à préciser. Surtout, nous avons été étonnés, en comparant ces deux

premiers entretiens d’après-coup qui avaient été réalisés à des intervalles de périodes très

courte, une dizaine de jours, de leurs différences dans le fond. En effet, autant Giovanni s’est

totalement livré au niveau de son histoire personnelle, et de telle manière même que l’on ne

s’y attendait pas, autant Alain, lui, répondait aux questions en restant sur les pôles didactiques

et pédagogiques, sans trop donner d’informations sur des raisons plus personnelles à ses

choix. Cette constatation a suffit à nous persuader qu’il fallait que nous fassions un second

entretien d’après-coup avec ces deux enseignants, en essayant de réorienter Giovanni sur les

questions que nous lui avions posées et auxquelles, en définitive, il n’avait pas répondu,

préférant parler de son itinéraire ; en tentant au contraire d’orienter Alain sur des aspects plus

personnels de sa pratique. C’est pourquoi nous avons réalisé un deuxième entretien d’après-

coup pour chacun de ces deux enseignants, dont on retrouve la retranscription en annexe 34

pour l’EAC2 d’Alain et en annexe 35 pour l’EAC2 de Giovanni. Nous nous proposons dans

cette partie d’en faire l’analyse.

6.1. Analyse du second entretien d’ après-coup d’Alain

Compte tenu de ce que Giovanni nous avait confié lors de l’EAC1, nous avons voulu

savoir si Alain accepterait de répondre à ce qui l’avait motivé à pratiquer le karaté. Il a

répondu franchement à la question, sans gène, mais avec un sourire complice qui semblait

montrer qu’il avait clairement saisi quel sens allait être donné à cet entretien, retranscrit en

annexe 35. Il répond ainsi : « parce que je craignais beaucoup les autres. Petit, je devais

avoir 8-9 ans, je m’étais fait casser les dents et le nez suite à un coup de tête que m’avait

volontairement donné un « grand » à défaut de l’avoir donné à celui avec lequel il était en

train de se bagarrer. Bref, je pense avoir traîné longtemps cette injustice et cette crainte du

coup. J’ai certainement trouvé dans la pratique des arts martiaux et des sports de combat un

moyen de me rassurer, histoire de ne jamais revivre cette expérience douloureuse qui m’a

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tout de même valu une opération chirurgicale » (cf. annexe 35). De ce qu’il dit, nous

retiendrons particulièrement que le déclencheur de sa pratique du karaté est bien une

« expérience douloureuse », une « injustice » et la « crainte du coup » qu’il avait reçu de

manière abusive. On comprend d’ailleurs que le choc a dû être traumatisant vu son âge et

surtout les blessures infligées : des dents et le nez cassés. On peut de ce fait dire qu’Alain est

venu au karaté dans le but certes de « se rassurer » comme il le dit, d’apprendre à se défendre

afin de ne plus rester impuissant face à une situation d’agression. Avec Giovanni, cela fait

donc deux traumatismes qui sont à l’origine de la pratique par le sujet du karaté. Sans vouloir

généraliser, on peut se demander quelle proportion de pratiquants de karaté, ou d’arts

martiaux en général, font cette démarche envers ces activités parce qu’ils sont à l’origine

traumatisés par quelque chose, un attribut physique, mental (manque de confiance en soi), ou

une agression. Peut-être une piste de nouvelle recherche à exploiter… Nous avons en tout cas

senti lors de l’entretien que nous tenions là peut-être LA référence d’Alain, car cette

expérience traumatisante dans l’enfance devait l’avoir marqué au point qu’il y cherche des

réponses au-delà de la pratique, mais l’intègre aussi dans son enseignement du karaté. Dans

une question à propos de la maîtrise des émotions qui a pu à un moment donné poser

problème dans sa pratique puisque c’est visiblement un aspect de sa personnalité qu’il

souhaitait renforcer par la pratique d’une activité de combat, Alain nous dit à propos de ses

études en STAPS : « parallèlement à mes études, où un enseignant, G.B.X. développait un

modèle d’enseignement du judo tout à fait novateur, option que j’avais prise puisque la plus

proche avec mes affinités ». C’est là qu’il nous livre sa référence : « je me suis

personnellement reconnu dans le modèle qu’il proposait et qui débutait par « l’acceptation du

contact ». Il venait de verbaliser ce que je rencontrais moi-même dans ma pratique en

compétition et dans mon club avec mes propres élèves dès que je dépassais le stade des

assauts conventionnels ». Au regard de ces déclarations, nous savons déjà qu’une de ses

références d’enseignant est à l’origine un formateur qui l’a particulièrement marqué pendant

ses études et qui a influencé ses conceptions de l’activité à enseigner. Il confirmera cela quand

nous lui demandons directement quelle est sa référence, surtout pour évaluer s’il en a

conscience par ailleurs, et Alain dira : « G.B.X., responsable de l’option judo dans les années

80-90 à l’UFR de Clermont Ferrand puis de Montpellier par la suite ». Alain a parfaitement

conscience de l’influence qu’a pu avoir cet enseignant sur lui. Dans une autre question sur les

savoirs enseignés, Alain ira plus loin dans sa réflexion et il nous confie une chose importante,

qu’à partir de cette rencontre avec le professeur d’EPS responsable de l’option judo en

faculté, il ne se réfère plus à son expertise de pratiquant mais à son expérience d’enseignant :

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« concrètement, mes contenus se sont très rapidement orientés vers une conception didactisée

de l’enseignement. Dans le sens où le modèle traditionnel ne me convenait pas pour les

enfants, ni pour la préparation à la compétition. En somme, ce n’est plus vraiment ma

pratique qui s’est mis à orienter mes contenus mais ma logique d’enseignant alors même que

j’étais en train de faire mes études en STAPS, j’ai utilisé mon club comme laboratoire

d’expérimentation de tout ce que mes profs de fac m’enseignaient ». En somme, Alain est

peut-être en train de nous dire que pour construire sa référence, et l’opérationnaliser en EPS,

l’enseignant est contraint de prendre de la distance par rapport à sa pratique pour mieux se

centrer sur ce qu’il a à enseigner. Nous retrouvons cette problématique chez le chercheur qui

peut avoir des difficultés à prendre de la distance par rapport à son statut d’enseignant, qui le

fait par défaut réfléchir en praticien, ce qui fait qu’il peut y avoir dans ses analyses des effets,

formateur, enseignant, pratiquant et bien sûr chercheur !

Nous allons revenir à la question qui demande à Alain de donner sa référence car en

plus de donner le nom du professeur déjà évoqué, Alain rajoute : « Et d’une façon plus large :

le judo, la boxe française et un peu l’escrime. Bref, tout sauf vraiment du karaté. Ce qui n’est

pas plus mal, car c’est un bon moyen de ne pas rester piégé par le seul modèle auquel tout le

monde semble vouloir adhérer : le modèle traditionnel, à savoir : kihon, kata et assauts

conventionnels ». Lors de l’entretien, nous n’avons pas mesuré l’importance de ce qu’Alain

disait là car ce que nous retenons de cette phrase est bien : « tout sauf le karaté ». En effet,

Alain est revenu de manière précise sur son itinéraire de pratiquant, et notamment sur le fait

qu’il avait commencé par le judo passant ensuite au karaté puis au taekwondo, jusqu’à ce

qu’il obtienne la ceinture noire : « je pratique d’abord le judo deux ans si mes souvenirs sont

exacts. J’ai alors autour de 11-12-13 ans. Puis un épisode rapide en karaté shotokan, un an

et demi, le club du moment arrêtant alors ses activités, vient le taekwondo durant trois ans,

un club s’ouvrant six mois après la fermeture du club de Karaté. En 1984, je passe ma

ceinture noire de Taekwondo ». Alain reviendra au karaté deux ans après, lors de ses études,

comme il l’explique : « puis en 1986, j’intègre la fac de Clermont-Ferrand et sur place, je ne

trouve aucun club de taekwondo, je fais donc de la boxe française durant deux ans, mais en

parallèle je commence à faire des compétitions de karaté dans le Limousin puisque nous

étions licenciés FFKTAMA, j’en profite alors pour m’inscrire aussi dans un club de karaté

sur Clermont-Ferrand ». Il explique ensuite pourquoi il s’est inscrit en karaté : « afin de

progresser certes, en combat, mais aussi pour assimiler les formes techniques nécessaires

pour passer le plus rapidement possible mon 1er dan. Chose que je fais deux ans après m’être

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inscrit dans ce club Clermontois, 1er dan en 1988. C’est à ce moment, 1988, que je décide

d’arrêter d’enseigner le taekwondo et me mets à enseigner le karaté shito ryu au sein de mon

club à Bellac. Voilà comment j’en suis venu à pratiquer le karaté : parce que j’ai d’abord été

enseignant ». En détaillant son itinéraire ainsi, Alain nous apprend plusieurs choses : d’abord

que suite à son épisode traumatisant dans son enfance où il se fait casser le nez et les dents, il

n’est pas venu directement au karaté mais a commencé par le judo. Ensuite que son parcours

de combattant est pour le moins éclectique avec pas moins de cinq activités de combat

pratiquées : le judo, le taekwondo, le karaté, la boxe française et un peu l’escrime. On notera

tout de même qu’il a presque trois ceintures noires à son actif, une en karaté, une en

taekwondo et la partie technique en judo. On ne peut pas parler pour Alain d’itinérance en vue

d’une pratique de découverte mais bien de recherche personnelle de progression et de

spécialisation, et ce dans des sports et de percussion (karaté, boxe) et de préhension (judo).

On comprend de ce fait maintenant mieux ce « tout sauf le karaté » qui définit la référence

d’Alain, par lui-même. On peut tout de même être un peu étonné de cette phrase car si l’on

étudie les temps de pratique, c’est tout de même l’activité qu’il a à ce jour le plus pratiqué et

enseigné. De plus, comme Alain le souligne plus loin dans l’entretien il « exerce un

enseignement dont les modèles sont certes un peu traditionnel, sportif en ce qui concerne le

karaté, mais aussi issus d’autres sports de combat ». Le « tout sauf le karaté » est donc

quelque peu nuancé ici car il intègre bien l’activité aux modèles dont il parle et qu’il a

pratiqués, mais on pourrait dire qu’il a une référence « transversale » de l’enseignement du

karaté en EPS.

Enfin, compte tenu du caractère sportif que nous avons trouvé à la référence d’Alain,

nous avons voulu savoir quelle influence avait eu la pratique du karaté en compétition

combat. Alain répondra : « j’ai d’abord pratiqué longtemps sous un forme très traditionnelle

avant même de faire de la compétition. J’étais déjà 1er dan de taekwondo le jour où je suis

monté sur un tapis de compétition. Je faisais les compétitions combat karaté puisqu’il n’y en

avait pas en taekwondo en limousin à l’époque. Puis je suis devenu prof EPS, muté à Paris en

1992 et depuis, je n’ai plus refait de compétition ». Alain n’a pas fait de compétition à haut

niveau, et ce n’est pas ce qui l’a motivé dans sa pratique puisqu’il était comme il le dit déjà

gradé en taekwondo quand il s’est mis à la compétition. Cela a été une opportunité à un

moment donné de sa pratique. Alain explique d’ailleurs dans son parcours que c’est plus la

structure et la politique du club de Clermont qui lui a permis de venir à la compétition : « le

club de karaté dans lequel j’étais à Clermont me permettait à la fois de préparer de façon très

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traditionnelle mon 1er dan[…] tout en m’offrant la possibilité de progresser en compétition

parce que c’est le seul club de karaté sur Clermont-Ferrand où j’ai rencontré des opposants

de taille qui eux mêmes faisaient de la compétition au delà du niveau régional en combat et

en kata. C’est à ce moment là que je me suis aussi mis à faire de la compétition kata, quelques

unes ». La compétition a été aussi peut-être le moyen pour Alain de tester son efficacité en

karaté, lui qui n’en était pas un « pur produit » à l’origine…

On peut de ce fait dire que la référence d’Alain pour l’enseignement du karaté en EPS

n’est pas le combat en compétition. Comme il le dit et c’est ce que nous retiendrons aussi de

l’analyse du second après-coup de son cas : « voilà comment j’en suis venu à pratiquer le

karaté : parce que j’ai d’abord été enseignant » (de taekwondo). Il confirme ce que nous

disions plus avant, que ce qui marque l’étude de cas Alain, c’est la nécessaire prise de

distance du sujet enseignant par rapport au sujet pratiquant. Pour conclure, nous laisserons la

parole à Alain, qui dit bien : « ce choix d’entrée dans l’activité n’est pas en rapport immédiat

avec ma propre pratique. Elle n’est pas dépendante d’une préférence ou affinité d’une

approche sportive ou traditionnelle. Elle est avant tout EPS ». La logique qui guide la

référence d’Alain est scolaire.

6.2. Analyse du second entretien d’ après-coup de Giovanni

Nous avons commencé par une question incitant Giovanni à tenter de définir ce qu’est

pour lui le karaté en EPS. Comme à son habitude, il utilisera une métaphore explicite pour

qualifier sa conception. « Le karaté sert à dompter la bête » (cf. annexe 25). Giovanni

reviendra aussi sur l’utilité thérapeutique du karaté à son encontre : il est certain que pour moi

le karaté a été une thérapie dans mon histoire personnelle et il est fort possible qu’à mon insu

peut-être, j’attends en présentant cette activité, une transformation de l’individu. Donc je suis

dans ce registre, mais peut-être faudrait-il changer de registre ou l’adapter… ». Pour

Giovanni, le karaté en EPS est une manière de transformer l’élève, tant au niveau physique

que psychologique. Les aspects éducatifs du karaté sont de ce fait mis en avant par Giovanni.

Nous sommes ensuite revenus avec lui sur un objectif de cycle qu’il avait annoncé dans le

premier EAC : « savoir se tenir debout » (cf. annexe 24). Il nous confirmera qu’encore là il

envisage plus qu’une compétence purement motrice : « La verticalité est symbole de vie, de

force, en opposition à l’horizontalité, qui est symbole de mort. C’est le cerveau qui commande

le corps et pas le corps qui s’en va n’importe quand n’importe comment. C’est le cerveau

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ordinateur qui pilote le corps. Je ferais donc un cycle à base de situations de blocages qui

imposent de garder cette verticalité, cet équilibre ou dans des situations d’attaque, ne pas se

jeter sur l’autre n’importe comment, toujours être maître de soi, le corps bien droit ». En

effet, d’une certaine manière, pour Giovanni, se tenir debout, qui renvoie comme il le dit à la

verticalité, est plus que le contrôle de cette posture du corps. Etre debout pour lui, c’est être

vivant et contrôler son corps avec son esprit, ce qui représente en outre une des valeurs

véhiculée par la pratique des arts martiaux. Le premier entretien d’après-coup avait confirmé

notre interprétation selon laquelle Giovanni enseigne avant tout ce qu’il est et plus exactement

la manière dont le karaté l’a transformé et construit en tant qu’individu. Nous sommes

revenus avec lui sur ce point dans cet entretien : « on enseigne ce que l’on est parce que ce

que l’on est c’est la façon dont on s’est construit, bon. Je suis persuadé que l’on ne peut

transmettre que ce que l’on est parce que ce que l’on est c’est la façon dont on a été façonné,

forgé au sens littéral du terme. C’est ce qui nous a permis d’être et de devenir ». On notera

que tous les aspects de la vie de Giovanni semblent avoir une importance dans la construction

de sa personne, et pas d’ailleurs que le karaté. Il revient en effet souvent sur son expérience de

forgeron, puisque c’est ce métier qu’il a appris en premier, qu’il a exercé. Il aime faire le

parallèle entre la construction de sa vie, de sa personne et la forge d’une pièce, quand on la

façonne peu à peu pour lui faire obtenir la forme voulue. C’est de cette manière aussi qu’il

s’est formé, « forgé » comme il dit, et il envisage là autant son corps que son esprit. Par

contre, il garde un esprit critique par rapport à son propre parcours, et envisage une question

fondamentale : « peut-on dépasser l’isomorphisme pourquoi pas ? ». Il y répond lui-même en

disant : « certes mais il faut à ce moment là se décentrer énormément de soi et sûrement

transmettre autre chose de l’activité que ce qu’on a vécu et là on rentre dans la didactique

qui prend en compte les besoins des élèves, des autres, et qui ne correspondent pas à ses

propres besoins. C’est alors une attitude qui nécessite une grosse réflexion didactique et une

prise de distance assez importante ». Son analyse est intéressante mais questionne car il

semble dire qu’il ne peut y avoir de didactique que si l’on envisage une totale distanciation

par rapport à son vécu. Giovanni semble en effet dire d’une certaine manière que le professeur

enseigne parfois « pour ses propres besoins » qui ne correspondent effectivement pas à ceux

des élèves. On comprend alors mieux sa dernière citation quand il dit : « je le dirais comme

cela : on franchit une porte pour entrer dans le karaté mais il faut pouvoir en sortir pour y

revenir sans vouloir y rester ». Cette métaphore explicite de Giovanni pourrait d’ailleurs

s’appliquer autant à sa famille et ses parents qu’au karaté dans la mesure où l’individu doit un

jour voler de ses propres ailes, quitter ses parents, ceux qui lui ont tout appris, sans pour

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autant les abandonner, mais s’émanciper à l’extérieur, faire sa propre vie et pouvoir y revenir

en son sein « mais sans vouloir y rester ».

Un peu plus loin, il parlera du rapport au père, au Maître en ces termes que l’on peut

rattacher aussi à ce qu’il a dit précédemment : « quand le karatéka acquiert le grade de

ceinture noire, il y a une émancipation qui se fait et à ce moment là il peut exister par lui-

même et il a sa propre réflexion, qu’il avait déjà mais qu’il peut exprimer ». Le rapport au

savoir de Giovanni en karaté est un rapport à lui-même et lorsque nous lui avons demandé

quelle était sa référence, nous ne pensions pas qu’il allait encore le confirmer de manière aussi

franche : « si j’ai une référence elle sera typiquement f…lienne » (il emploie son nom de

famille auquel il ajoute ce suffixe) […], « parce que c’est par rapport à mon vécu. Si je

n’avais pas eu ce vécu, je serais mal à l’aise de proposer un cycle de karaté parce que je

pense qu’il faut avoir un vécu dans cette activité pour la proposer ». Giovanni ne peut

enseigner cette activité autrement qu’en référence à lui-même car c’est par le karaté qu’il s’est

construit en tant qu’homme et en tant qu’enseignant. Il fera aussi particulièrement référence à

son professeur, qui à un moment donné a dû jouer ce rôle du père « absent » selon ses propres

dires dans l’EAC (cf. annexe 24). D’ailleurs, on notera que Giovanni envisage des références

à une autre activité de combat de percussion : « dans mes références plus didactiques, je me

réfère aux pratiques de percussion en général et notamment la boxe française parce que l’on

trouve des ouvrages intéressants de ce point de vue qui ont été fait ». Même s’il n’y a

effectivement pas beaucoup d’écrits sur le karaté en EPS, on se demande si ce n’est pas pour

Giovanni une manière de contourner le problème de l’enseignement du karaté en EPS. En se

référant d’un point de vue didactique à la boxe française, cela évite à Giovanni de faire un

travail de traitement didactique qu’il ne peut pas faire pour les raisons que nous avons

développées. Par contre, il n’a pas pu « tricher » avec le cycle qu’il a proposé aux élèves et

qui a servi pour notre expérimentation car nous lui avions commandé un cycle spécifique de

karaté et il n’a pas pu y inclure de référence à la boxe ou à toute autre activité de combat. Pour

conclure, il est à la fois intéressant et troublant de noter l’absence des élèves dans le discours

de Giovanni, tout au long des EAC. Cela interroge sur leur place dans son enseignement, et

cela laisse à penser que Giovanni enseigne avant tout pour lui, et après pour ses élèves…

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CONCLUSION

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Au terme de ce travail de recherche, nous conclurons en présentant dans un premier

temps un constat du savoir produit par notre thèse. Dans un deuxième temps, nous discuterons

ce savoir produit, en envisageant notamment les limites de notre travail et les remaniements

du chercheur lui-même. Dans un troisième temps, nous proposerons quelques pistes de travail

qui pourraient être développées dans « l’après thèse », qui se déploieront sur deux axes : celui

de l’enseignement du karaté en EPS et celui de la formation des enseignants. Enfin, en guise

de bilan final, un quatrième et dernier chapitre sera consacré à « l’après-coup du chercheur »

car il nous semble important et inédit peut-être d’appliquer à nous-même ce que nous avons

exigé des enseignants collaborateurs. Nous essaierons alors d’écrire quelle a été l’évolution de

notre réflexion, de notre travail, pourquoi nous avons choisi cet objet de recherche, voire

pourquoi nous avons voulu faire du karaté et de la recherche, tout simplement…

1. Le savoir produit par la thèse

Notre travail repose sur l’idée que l’enseignant se réfère toujours à quelque chose qui

donne du sens à son enseignement. En effet, « aucune recherche ne peut éviter, à un certain

moment, la question de la référence, dans la mesure où le savoir transmis par l’enseignant se

réfère le plus souvent à un déjà-là » (Terrisse, 2001). Nous avons avancé la thèse suivante : la

référence instaure un rapport de nature intime entre l’enseignant et l’activité qu’il enseigne à

chaque étape de la chaîne transpositive, rapport auquel il ne peut échapper.

Le choix de l’activité karaté n’est pas innocent : tout d’abord il va sans dire que notre

expertise et notre expérience dans l’activité a été le premier facteur de choix. Pratiquant

depuis plus de vingt ans, professeur diplômé d’Etat et ceinture noire 3ème dan, nous avons

notamment participé au développement du karaté en UNSS et avons enseigné de nombreux

cycles à tous les niveaux de classe du collège et du lycée. Cette expertise nous a donc permis

de procéder à une analyse plus fine de ce que peuvent faire des collègues dans ce domaine.

Ensuite, le second facteur de choix vient de la nature même de l’activité. Le karaté est d’abord

une activité bipartite : à la fois sport de combat avec une dimension sportive et moderne mais

encore art martial avec sa dimension traditionnelle, d’art de la guerre, de méthode de combat

et de formation de l’individu. Elle est en outre très éducative du fait des valeurs de maîtrise de

soi, de respect et d’abnégation qu’elle véhicule, aspect qui nous semble important dans le

cadre de l’enseignement de cette activité en EPS, dans la mesure où les valeurs de l’école et

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les valeurs du karaté vont coïncider. C’est ensuite une activité composée de styles différents

(Shotokan, Shito ryu, Goju ryu, Kyokushinkai) qui sont parfois antinomiques. Il s’avère en

effet que ces écoles, bien qu’elles fassent toute partie de la famille karaté do, n’ont ni les

mêmes fondements techniques, ni les mêmes approches stratégiques. En somme, les modes de

transmission du savoir sont variables d’une école à l’autre dans la mesure où l’entraînement

en club est plus orienté sur certains aspects que sur d’autres (qui le travail des katas ou des

fondamentaux du combat dans une option de préparation à la compétition, qui un

entraînement centré sur les trois domaines, kihon, kata et kumite dans une option plus

traditionnelle). Le troisième facteur de choix tient au statut de l’activité. Le karaté a un statut

« à part » : c’est avant tout une activité de spécialistes qui est peu enseignée et peu représentée

dans le cadre des formations continues des enseignants d’EPS. Il en découle une question

capitale : à quel savoir l’enseignant se réfère-t-il lorsqu’il est confronté à l’enseignement

d’une activité ne faisant ni l’objet de programmes, ni d’une didactisation avancée ? Nous

sommes donc en présence d’un karaté pluriel. Cette pluralité va générer des expériences

différentes chez les pratiquants et orienter les conceptions de l’enseignement à dispenser. De

ce fait, les résultats de notre recherche montrent que les références sont multiples, empreintes

certes de l’expérience de pratiquant et d’enseignant et des conceptions de l’activité à

enseigner, mais surtout de son histoire.

Du point de vue conceptuel, notre travail a examiné le processus de transmission des

savoirs à partir du modèle de la ternarité qui est une formalisation du domaine des réflexions

concernant la didactique. Trois éléments sont mis en relation : l’élève, l’enseignant et les

savoirs. Ces trois éléments constituent les trois pôles d’un triangle que l’on appelle le triangle

didactique. La mise en relation de ces trois pôles est appelée « système didactique » par

Colomb, qui est « formé par trois éléments : l’enseignant, les élèves, le savoir et la relation

ternaire qui les lie » (1986). Même si ce n’est pas sa spécificité, l’un des enjeux de la

didactique est de s’intéresser plus précisément à ces mises en relations dans le but d’une

meilleure compréhension du fonctionnement didactique de l’enseignant. Notre problématique

nous a amené à nous concentrer sur les influences qui s’établissent entre deux pôles du

triangle : l’enseignant et le savoir qu’il transmet (transposition didactique). En effet, importée

dans le champ spécifique de la didactique clinique, ce temps du processus de transposition est

revisité par la prise en compte de la dimension du sujet ou pour reprendre des auteurs comme

Beillerot, Blanchard-Laville et Mosconi en 1996 « le sujet singulier dans sa dynamique

psychique et sociale ». L’approche clinique en didactique s’appuie sur une théorie du sujet

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didactique qui comme l’a formalisé M.F. Carnus peut être « singulier, assujetti ou divisé »

(Carnus, 2004). Si nous nous sommes tant intéressé à lui, le sujet enseignant, c’est parce

qu’enseignant nous-même, la didactique clinique nous permettait de répondre à des questions

personnelles en allant chercher les réponses chez des pairs. Ces questions personnelles, à un

moment donné, deviennent alors scientifiques quand elles produisent des résultats qui ont été

obtenus à l’aide d’une méthode. Dans cette acception, nous avons mis au cœur de notre

problématique le concept de la transposition didactique, initié par Verret (1975) et développé

par Chevallard, comme « l’ensemble des transformations que fait subir à un champ culturel la

volonté de l’enseigner dans un cadre scolaire ». (Chevallard, 1985). Ce processus permet la

construction de la pratique sociale de référence karaté afin de pouvoir l’enseigner à l’école, en

EPS, selon les trois étapes décrites par Terrisse :

- « du savoir de référence au savoir à enseigner » (choix de l’enseignant en fonction

notamment de sa conception de l’activité).

- « Du savoir à enseigner au savoir enseigné » (mise en œuvre du savoir à travers les

contenus d’enseignement).

- « Du savoir enseigné au savoir appris » (contrat didactique entre enseignant et élèves).

(Terrisse, 1998)

Nous nous sommes ainsi surtout attachés aux deux premier temps, à savoir les

passages du savoir de référence au savoir à enseigner, puis du savoir à enseigner au savoir

enseigné, qui sont sous la responsabilité directe de l’enseignant. En effet, dans l’épreuve,

l’enseignement subit les contingences de la classe, des réactions des élèves et l’enseignant est

souvent obligé de s’adapter pour des raisons que l’on dira « externes » à son fonctionnement.

Ainsi, cela justifie que dans le cadre de notre problématique de recherche, la troisième et

dernière étape a été reconstruite, car notre étude part du savoir enseigné, non pour remonter au

savoir appris comme nous l’avons déjà réalisé dans une autre étude (Heuser, 2005), mais pour

remonter au savoir qui a servi de référence à l’enseignant, retour en boucle qui pose la

question des influences qui sous-tendent aussi bien les intentions que les décisions de

l’enseignant, et surtout mettent en évidence ses choix de traitement didactique. Si les

influences à tous ces niveaux vont être nombreuses, c’est aussi parce que les références le

sont : C. Raisky envisage bien que « dans un système didactique, les références sont

multiples » (Raisky, 1993). Elles peuvent être en effet externes (tout ce qui est extérieur à

l’école), ou internes (tout ce qui est du fait de l’école). Nous rajouterons qu’elles sont toujours

personnelles, dans la mesure où les enseignants se construisent des références qui leur sont

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propres, car chaque sujet est singulier et ses références sont le fruit de son histoire

personnelle. C’est aussi ce qui fait dire à Caillot que « la question de la référence se pose en

fait pour chaque pôle (du triangle didactique : sujet, élève, savoir). Au lieu de parler d’une

seule référence, nous devons penser à des références multiples qui doivent concerner

l’ensemble du triangle » (Caillot, 2001). La question de la référence est donc centrale pour le

chercheur et les références multiples dans la mesure où tout enseignant a des savoirs d’experts

(référence culturelle), des savoirs d’expérience (référence personnelle et sociale) qu’il doit

prendre en compte dans un contexte institutionnel, et il est vrai que dans le cas du karaté, il y

a un certain vide institutionnel, puisqu’il n’y a aucune référence au karaté dans les

programmes d’EPS et que l’enseignant est contraint de s’inspirer soit de la boxe française,

soit de la lutte. Ce travail préalable sur le cadre d’analyse conceptuel nous a permis de fonder

notre objet de recherche, centré sur la détection des traces de la référence enseignante,

extraites par l’analyse des écarts entre le savoir à enseigner (SAE), le savoir réellement

enseigné (SRE) ; le savoir à évaluer (SAEV) ; le savoir réellement évalué (SREV).

Cette quête des rapports en terme d’écarts entre SAE, SRE, SAEV et SREV nous a amené à

la question de recherche suivante : en quoi une pratique enseignante renvoie à une référence,

et laquelle ? Dans cette optique, nous avons posé comme hypothèse que la référence

enseignante oriente l’enseignant dans les différentes phases de la chaîne transpositive et que

l’analyse des écarts permet de révéler les aspects structurels de la référence (institutionnel,

personnel et socio-culturel) et ses aspects fonctionnels (invoquée avant l’épreuve

d’enseignement, convoquée dans l’épreuve, re-convoquée dans l’après-coup).

Du point de vue méthodologique, l’étude se fait au cas par cas. Comme le souligne A.

Terrisse (2001) : « la clinique sert à interroger le rapport singulier qu’entretient le sujet à

l’activité qu’il pratique pour en rendre compte, l’identifier, la caractériser ». Ce rapport « ne

pourra être élaboré qu’à partir d’une prise en compte du cas par cas, ce qui caractérise la

clinique du singulier, celle de la position subjective de chacun » (ibid.). Dans sa méthode, elle

s’attache aux pratiques ordinaires, non prescriptives et intègre l’apport de preuves, qui

renvoient aux traces des références à son enseignement que l’on a cherché dans toutes les

communications de l’enseignant, singulières et personnelles (écrites dans les préparations de

leçons et orales au cours même de celles-ci ainsi que des entretiens). En ce qui concerne la

méthodologie de recueil des données, nous avons procédé à l’analyse du discours du

professeur. Autrement dit, les communications de l’enseignant ont été analysées au cours des

trois temps de la clinique : le déjà là (planifications, entretiens ante séance), l’épreuve (l’acte

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d’enseignement et d’évaluation, les entretiens post séance) et l’après-coup (les entretiens

d’après-coup). L’enregistrement audio et vidéo des enseignants d’EPS porte sur la première et

la dernière séance du cycle. Nous avions ainsi accès à l’entrée dans l’activité, aux savoirs en

jeu dans le cycle et aux savoirs évalués. Comme l’étude de cas porte essentiellement sur le

verbatim, notre corpus est constitué à partir de l’outil audio, retranscrit soit à partir du

dictaphone porté par l’enseignant, soit à partir du son enregistré avec l’image vidéo. En effet,

la vidéo nous a surtout servi à contextualiser le discours de l’enseignant, pour savoir par

exemple s’il s’adresse à un moment de la leçon à un élève ou à un groupe d’élèves. A chaque

étape, nous avons réalisé un entretien ante séance, un post séance et enfin un ou plusieurs

entretiens d’après-coup. L’après-coup, en didactique clinique, n’est pas seulement le troisième

temps du processus de recueil des données. Il est le moyen par lequel se reconstruit la

situation d’enseignement, dont les traces sont conservées, mais qui exige de l’enseignant une

véritable reconstruction de sa position, un « remaniement », comme l’indique Chevallard, se

référant à Laplanche et Pontalis (Chevallard, 1985). On fait ainsi l’hypothèse que c’est le

dispositif de mise à distance dans le temps d’une part et celui de répétition d’autre part, qui

crée les conditions de cette reconstruction, à des fins de compréhension de l’activité de

l’enseignant, voire d’explication. Nous avons sollicité l’enseignant après avoir revu les

enregistrements audio et vidéo pour « orienter » leur questionnement. Dans les trois cas, les

entretiens d’après-coup ont été réalisés plusieurs mois après l’observation. Ce laps de temps

permet en effet à l’enseignant de revenir sur cet événement avec un autre point de vue, en y

ayant réfléchi, à tel point que le chercheur n’a même plus à poser la question à l’origine de

l’entretien, comme dans le travail effectué auprès des sportifs de haut niveau ou des

entraîneurs (Terrisse, 1997). Ce qui est recherché, ce sont les raisons de l’acte didactique.

Nous sommes bien ici dans des recherches cliniques, centrées sur le sujet enseignant, qui

servent « à analyser des situations didactiques enregistrées et décryptées, dans la singularité

complexe de chacune et dans la variété possible des registres interprétatifs », soit de découvrir

le sens de l’acte (Astolfi, 1997). La technique de recueil des données est l’entretien semi

dirigé. Celui-ci est réalisé en début de chaque séance (entretien ante séance), puis à la fin de

celles-ci (entretien post séance). Ces entretiens semi dirigés ante séance et post séance nous

ont permis de recueillir les intentions didactiques des professeurs d’une part, leurs

interprétations de l’enseignement dispensé au cours de chaque séance d’autre part. Nous

avons aussi questionné dans l’après-coup, car comme le souligne A. Terrisse (ibid.) : « à la

manière des cliniciens, nous postulons que seul le sujet peut rendre compte de ses actes ». Les

entretiens sont tous semi dirigés afin de laisser une part importante d’expression libre et non

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contrainte à l’enseignant. Ainsi, au niveau méthodologique, les entretiens ante séance ont

pour but de fournir des informations sur le déjà-là, sur le choix des savoirs à enseigner et à

évaluer et les effets attendus par les enseignants en termes d’acquisition de savoirs par les

élèves. C’est pourquoi nous interrogeons en premier lieu l’enseignant sur son expérience du

karaté (pratique et enseignement), dans l’entretien ante séance 1. Puis nous lui posons une

question sur ses intentions lors de la séance et plus généralement du cycle. Enfin, nous

revenons sur un aspect du projet de cycle fourni par l’enseignant afin de le détailler et de le

clarifier. Au niveau des entretiens post séance, la première question demande à l’enseignant

de faire un bilan de sa séance. Puis nous l’interrogeons sur l’écart entre le projet de séance

fourni et ses réalisations effectives. Enfin, les questions suivantes vont concerner l’entrée dans

l’activité, et des précisions sur certaines situations proposées. Dans les entretiens d’après-

coup, nous revenons avec l’enseignant sur les écarts repérés. Le plus souvent, nous le faisons

en mettant en contradiction un extrait de verbatim avec une réalisation effective au cours

d’une des séances. Nous avons déjà montré que l’enseignant délivre une partie du savoir « à

son insu ». On ne peut alors qu’intégrer le fait (bien connu par ailleurs) que l’enseignant a un

inconscient et qu’il s’en sert ! L’enseignant est ainsi souvent divisé entre :

- ce qu’il prévoit d’enseigner (son intention) et sa réalisation en classe, du fait de la

contingence que constitue, fondamentalement, la transmission d’un savoir.

- Ce qu’il dit (et peut) avoir enseigné et ce qu’il a enseigné.

- Ce qu’il avait l’intention d’enseigner et ce qu’il ne peut s’empêcher de faire. Mais cet aspect

est souvent peu développé par les enseignants qui, quoi de plus normal, vont justifier leur

choix. En fait, si l’on compare les entretiens d’après-coup de Michel, Alain et Giovanni, c’est

ce dernier qui a le mieux répondu à nos attentes en nous livrant contre toute attente son

histoire, toutes les clefs de compréhension de ses actes et surtout de sa référence.

En ce qui concerne la méthodologie de traitement des données, elle comporte quatre

temps, au cas par cas : le premier temps a consisté en une lecture sélective des réponses de

l’enseignant à l’entretien ante séance et aux planifications (cycle, séance). Cette phase a

donné des éléments sur le SAE et le SAEV. Au cours du deuxième temps, nous avons analysé

le SRE et le SREV, au travers des verbatim des deux séances enregistrées et des entretiens

post séance. Le troisième temps est consacré au pointage des écarts entre SAE, SRE, SAEV et

SREV. C’est au cours de cette phase qu’ont été sélectionnés des extraits de verbatim

significatifs de ces écarts afin de préparer l’entretien d’après-coup. Le quatrième et dernier

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temps a permis de confirmer les hypothèses concernant la référence de l’enseignant, en

confrontant celles-ci aux réponses de l’enseignant dans l’entretien d’après-coup alors réalisé.

Au début de ma recherche, j’avais tendance à réduire la didactique clinique au cas par

cas. C’était une erreur de chercheur débutant et mon travail m’a permis d’avancer aussi dans

cette dimension, les travaux de notre équipe AP3E (maintenant EDiC) que j’ai déjà détaillé

avançant aussi dans leur réflexion. Pour autant, notre recherche n’utilise pas tous les outils

théoriques et méthodologiques de la didactique clinique. Ainsi, nous avons une option

d’analyse transpositive, centrée sur le sujet enseignant, dont nous cherchons la référence.

L’outil méthodologique principal que nous avons utilisé est l’entretien, déclinés en suivant les

trois temps de la clinique : le déjà-là (avant), l’épreuve (pendant) et l’après-coup (après).

Notre recherche met alors en évidence :

- la singularité de l’enseignant, qui a son histoire ou plutôt ses histoires, d’élève,

d’enseignant, de pratiquant, personnelles et qui vont agir comme autant d’influences sur

les aspects structurels et fonctionnels de sa référence. Autrement dit, la référence ne peut

plus être considérée comme un concept figé mais comme quelque chose de construit

progressivement par le sujet, mouvant et dynamique. En effet, nous avons bien vu qu’il y

a une tendance à cette référence d’un point de vue structurel (socio-culturelle, personnelle

ou institutionnelle) mais en fonction du moment (l’avant, pendant ou après l’épreuve

d’enseignement) ces aspects se modifient et une nouvelle tendance peut apparaître. Ceci

était particulièrement vrai pour Michel, dont les remaniements de la référence pouvaient

se constater au trois temps décrits.

- La liaison entre référence et transposition didactique, du fait même de ces remaniements

en fonction du moment de la chaîne transpositive, suivant que l’on envisage le SAE, le

SRE, le SAEV ou encore le SREV.

- Des outils d’analyse spécifiques qui pourront servir en formation des enseignants mais

aussi à la recherche en didactique clinique, comme l’utilisation des écarts dans la

recherche des traces de la référence enseignante et la référence elle-même, révélatrice de

la singularité de l’enseignant dont l’histoire donne les clefs de compréhension de cette

référence.

- Le « mot interdit » qui renvoie à ce qu’il est impossible de faire pour l’enseignant et est

impossible ou très difficile à dire dans ses communications, en cours ou lors des

entretiens. L’exemple le plus frappant fut notre pré-étude de cas, Nicolas qui lors de

l’entretien post séance 1 : « moi, je serai directement sur une entrée…euh…par le…par

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le… disons le randori souple… le randori… le combat quoi » (cf. annexe 6). Le combat

que Nicolas a bien des difficultés à seulement évoquer lors de l’entretien, représente alors

« l’impossible à faire » dans le contexte scolaire, en EPS.

Une première phase de résultats, issus de l’étude de cas longitudinale de Michel, fait

état de la dynamique de la référence utilisée par l’enseignant : elle se révèle bien dans les

écarts mais parce qu’elle est constamment remaniée par l’enseignant au cours des différentes

phases de son enseignement. En définitive, il s’avère que c’est moins la référence que sa

fonction qui change dans ces remaniements. Dans le cas de Michel, la fonction de sa référence

est en effet à dominante stratégique mais elle change, passant d’une fonction sécuritaire à

informationnelle et proprioceptive. Il semble alors que l’écart lui-même devient un outil

d’analyse de tout premier ordre au chercheur car il lui révèle la fonction de la référence chez

l’enseignant : si l’on se réfère aux trois temps de la clinique, on a dans le cas Michel une

fonction de la référence évoquée dans le déjà-là (référence technico tactique), une autre

mobilisée dans l’épreuve (référence proprioceptive) et enfin une re-convoquée dans l’après-

coup (référence stratégique). Cette conclusion questionne aussi son rapport personnel aux

savoirs qu’il dit avoir comme référence. En définitive, la référence s’avère avoir une part non

négligeable dans l’organisation de la pratique enseignante. De ce fait, elle permet non

seulement de prendre en compte les savoirs en jeu mais surtout d’en rendre compte et

d’aborder le problème de certaines difficultés d’enseigner en révélant le rapport aux savoirs

de l’enseignant.

Une seconde phase de résultats, issue de l’étude de cas croisée de Giovanni et d’Alain

vient confirmer l’aspect dynamique de la référence enseignante. Les principaux résultats font

apparaître en premier lieu de forts contrastes entre chaque cas, quant à la singularité de leur

propre référence. Nos trois enseignants sont très différents en termes de fonction de la

référence du karaté à enseigner en EPS. Si l’on ne prend que par exemple le savoir réellement

enseigné, la fonction de la référence de Michel est proprioceptive, celle de Giovanni éthique

tandis que celle d’Alain est stratégique. De la même manière, au niveau du savoir évalué, la

fonction de la référence de chaque enseignant est différente : stratégique pour Michel,

technique pour Giovanni et sportive chez Alain. On se rend bien compte de ce fait de la

pluralité du karaté enseigné et évalué en EPS. Comme nous l’avons déjà montré, le karaté est

pluriel et cet aspect se retrouve dans son enseignement à l’école, car chaque enseignant est

singulier et va imprimer son histoire personnelle au traitement didactique opéré par lui. Dans

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nos trois études de cas, des remaniements sont présents, même s’ils sont parfois plus sensibles

chez l’un ou chez l’autre. Par exemple, le cas Michel est représentatif de remaniements

effectués tout au long de l’enseignement, tandis que dans le cas d’Alain, ces remaniements

sont quasiment inexistants. On peut alors se demander quelle est la raison de cette différence ?

La réponse est à chercher chez les sujets eux-mêmes. Chez Alain, la fonction de sa référence

est stratégique car c’est un aspect majeur de son enseignement, dont le caractère devient

sportif du fait des choix dans les procédures d’évaluation. On peut supposer que les

remaniements de Michel sont le fait de sa conception de l’enseignement, l’adaptation

didactique, et de son expérience de pratiquant : le kyokushinkaï est en effet un style de karaté

que Michel débute au moment de l’expérimentation et qu’il utilise en EPS pour la première

fois. Comme chez Michel, les remaniements de la référence sont visibles chez Giovanni et

Alain. En effet, nous avons montré que les aspects fonctionnels de la référence évoluent avec

les trois temps de la clinique : la référence mobilisée par Giovanni a une structure à

dominante expérientielle, mais il ne reviendra pas sur cet aspect dans l’après-coup, au cours

duquel l’enseignant active une structure à dominante personnelle. De la même façon, pour

Alain, la référence mobilisée a une structure à dominante culturelle et lorsqu’il la re-convoque

dans l’après-coup, la dominante de la référence change, devient expérientielle car l’enseignant

le justifie ainsi. Notre thèse montre ainsi la singularité de chaque cas, dans le sens où

l’évolution des aspects structurels et fonctionnels de la référence est propre à chaque

enseignant et liée à son histoire intime.

En troisième lieu, nous avons montré qu’à chaque aspect structurel de la référence

correspond un aspect fonctionnel particulier. Ainsi, dans l’enseignement du karaté en EPS, la

référence enseignante va orienter l’enseignement de l’activité. La référence culturelle d’Alain

oriente celui-ci vers un enseignement sportif du karaté en EPS. La référence de Giovanni à sa

propre expérience l’oriente vers un enseignement traditionnel et enfin la référence de Michel,

scolaire, provoque la création d’un nouveau type de savoir à enseigner du karaté en EPS,

proprioceptif. L’étude didactique clinique menée montre l’articulation entre les aspects

fonctionnels et structurels de la référence enseignante. Cette référence, reconstruite à partir

des entretiens d’après-coup, dynamique car en perpétuelle évolution au cours du processus

d’enseignement, plurielle car diverse d’un enseignant à l’autre, nous a permis de mettre en

évidence de manière encore plus précise le rôle joué par l’expérience et l’expertise dans la

mise en œuvre de l’enseignement du karaté en EPS. Comme nous avons pu le mettre en

évidence, nous confirmons ce que Loizon écrit à propos de l’enseignement du judo : les

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enseignants étudiés « inscrivent leur enseignement dans leur histoire personnelle, celle de leur

apprentissage » du karaté (Loizon, 2004).

Enfin, il va être maintenant possible de donner une autre définition de la référence, au

regard des conclusions qui émanent de nos quatre études de cas. Dans cette optique, nous

avancerons que la référence enseignante se définit comme une influence dominante, une

partie de l’histoire du sujet, un événement, une personne, une expérience ou une pratique qui

est activé par le professeur au cours de l’épreuve d’enseignement et qui va guider les savoirs à

enseigner aux élèves. Cette référence est dynamique, dans le sens où elle évolue, est

constamment remaniée par l’enseignant aux différents stades de la chaîne transpositive.

Nous définirons alors la référence comme le rapport personnel de l’enseignant à

l’activité.

Dans notre étude, pour remonter jusqu’à la référence de l’enseignant à partir de ce

qu’il enseigne, la prise en compte du sujet et de son histoire personnelle deviennent des

éléments incontournables. Pourtant, compte tenu de nombre restreint de cas étudiés, nous ne

tenterons pas une généralisation comme nous l’invite Chartier : « on ne peut pas tirer d’un cas

particulier des conclusions générales. En revanche, j’ai délimité à l’occasion de ce travail un

nouvel objet d’étude, une méthodologie pour l’étudier et quelques perspectives de formation »

(Chartier, 1998). Ce sont ces perspectives que nous développerons alors dans le prochain

chapitre de notre conclusion.

2. Discussion sur les limites et les prolongements de

notre recherche : les remaniements du chercheur

Pour notre étude, nous avons utilisé un outil conceptuel particulier : la référence, que

nous avons associée aux deux savoirs les plus enseignés en karaté : le savoir technique et le

savoir stratégique. Le rapport entre ces deux savoirs, et les relations qu’ils entretiennent avec

la référence de l’enseignant étaient au centre de notre questionnement initial. La pré-étude de

cas, effectuée avec Nicolas, nous a permis de comprendre que la relation référence/savoir

enseigné est bien plus complexe qu’on ne le pense a priori. En effet, l’étude de cas Nicolas a

montré que le savoir enseigné peut être en rupture par rapport au savoir à enseigner. Dans ce

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cas, l’enseignant n’enseigne pas en EPS le karaté auquel il se réfère dans sa pratique. Ceci a

été expliqué par le fait que Nicolas, enseignant débutant, a peut-être comme référence

première ce que l’institution attend de lui. Il se réfère ainsi à une certaine conformité scolaire

car même s’il voudrait enseigner le combat, c’est ce qui lui semble impossible à faire…et

même à dire. L’étude de cas Michel a quant à elle fait émerger les remaniements de la

référence au cours des trois temps de la clinique, même si l’on peut parler de continuité entre

le savoir enseigné et la référence enseignante. Les deux études de cas suivantes, et surtout le

cas Giovanni a montré le décalage entre la référence mobilisée dans l’épreuve (expérientielle)

et celle re-convoquée dans l’après-coup (personnelle). A la recherche des causes de cet écart,

nous avons procédé à d’autres entretiens d’après-coup avec les deux enseignants qui nous ont

permis de comprendre ce qui pouvait justifier les remaniements constatés. La question de la

référence commence alors à se déplacer par l’utilisation du pluriel, des références, ou des

remaniements de la référence à partir de son expérience personnelle. C’est en effet à partir de

l’entretien d’après-coup de Giovanni que notre objet de recherche est venu à la rencontre du

sujet enseignant et que notre thèse a trouvé son issue, sa conclusion et sa portée. En effet, la

didactique clinique prenait enfin tout son sens dans l’après-coup de Giovanni, qui parlait du

sujet enseignant avec toute sa singularité et surtout toutes ses souffrances, en nous livrant les

sources enfouies des raisons de ses décisions didactiques, ce qui nous a permis de comprendre

la composante privée des remaniements de la référence enseignante. En effet, avant l’entretien

d’après-coup de Giovanni, les conclusions de notre thèse portaient essentiellement sur les

remaniements de la référence dont les facteurs explicatifs étaient liés à son expérience

d’enseignant et son expertise de pratiquant. L’entretien de Giovanni n’avait pas été conçu

pour obtenir les effets qu’il a induits. C’est l’enseignant lui-même qui l’a orienté ainsi, nous

livrant plus que son expérience et son expertise, sa capacité d’analyse de sa propre pratique. Il

a donné les clés d’explicitation des raisons que nous ne pensions qu’effleurer, sur lesquelles

nous ne pouvions qu’émettre des conjectures. Il a livré les raisons intimes de ses choix

didactiques en faisant référence à son histoire personnelle, ses souffrances, son enfance. Face

aux savoirs à enseigner, les enseignants effectuent des choix intimement liés à leur histoire

personnelle. Giovanni n’en est d’ailleurs pas la seule preuve, même si c’est celle qui est la

plus évidente. Pour Alain, c’est sa rencontre avec un formateur lors de sa formation initiale à

l’Université, en judo qui l’a amené à réfléchir sur le savoir qu’il souhaitait enseigner en

karaté. De plus, grâce à l’après-coup de Giovanni, nous avons su quoi chercher pour le second

après-coup d’Alain : les fameuses raisons enfouies, celles qui sont plus personnelles et

intimes au sujet, et qui touchent peut-être moins au professionnel enseignant. Michel, quant à

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lui, est marqué par une culture du contact, du corps à corps, de l’efficacité qu’il a trouvé dans

le style de karaté qu’il pratique, ce qui oriente spécifiquement ses décisions didactiques

(travail des appuis, des sensations d’impacts).

Au-delà de ce qui sépare les enseignants que nous avons étudiés, trois grands points

communs les rapprochent. Le premier concerne la dimension éthique de l’activité qui

s’exprime à travers la pratique du salut traditionnel au début et à la fin du cours, salut au

professeur et entre les élèves en signe de respect et de remerciement. Le deuxième point

commun concerne la dimension sécuritaire. Même si les trois enseignants l’envisagent de

manière différente, celle-ci est première et prégnante dans leur enseignement. En guise de

rappel, Michel utilise des protections et le contrôle des touches dans les combats, Giovanni lui

ne fera pratiquer que des assauts sur un pas où l’incertitude est minime (l’arme, la cible, la

distance et le rythme sont déterminés par avance) et Alain utilise des épingles avec foulards

en guise de cibles par exemple pour rentrer dans l’activité par le combat. Le troisième et

dernier point commun tient aux fins envisagées : le combat. Pour les trois enseignants en

effet, le karaté se définit par le combat et ils ont tous les trois cette intention de l’enseigner en

parvenant à la fin du cycle à une forme de combat, quitte à ce que ce ne soit qu’une

introduction. En effet, les trois enseignants amènent leurs élèves au combat par un travail

particulier : Michel par un travail sur les sensations proprioceptives, Giovanni par un

apprentissage de l’assaut en développant l’aspect défensif et Alain par le combat aménagé. On

se rend bien compte que notre objet de recherche, centré sur la détection de la référence en

partant du savoir enseigné s’est, d’une certaine manière, déplacé vers le sujet et son histoire

personnelle de karateka qui expliqueraient l’activation de telle ou telle référence. La recherche

en didactique clinique prend donc là toute sa dimension et toute sa signification. Pour autant,

à tant se rapprocher du sujet, à l’écoute de son discours qui parfois revêt des dimensions qui

dépassent le domaine restreint de l’enseignement, se rapproche du personnel, de l’intime,

voire de l’inconscient, nous serions tentés d’apprendre à utiliser des concepts issus de la

psychologie, voire de la psychanalyse pour aller plus loin dans l’investigation des motifs et

des rapports singuliers qu’entretiennent les professeurs avec leur propre pratique du karaté.

C’est pourtant une option que nous ne souhaitons pas retenir car elle remet en cause la

spécificité de notre démarche en didactique clinique. En effet, nous ne sommes ni

psychologues (même si notre formation d’enseignant d’EPS nous a quelque peu formé dans

ce domaine) ni psychanalystes. Nous utilisons l’outil clinique dans le domaine didactique car

nous en sommes un professionnel. Notre connaissance du fait didactique, de l’activité, et des

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différents modes de fonctionnement des enseignants nous permet une analyse particulière qui

n’est pas celle du psychologue ni du psychanalyste. Et cette spécificité est renforcée quand on

prend en considération le fait que nous ne faisons pas cette étude à des fins thérapeutiques,

pour soigner un mal enseignant, mais pour analyser son mode de fonctionnement didactique

et d’accéder aux raisons de ses choix. De plus, les conclusions que nous tirons ne servent sans

doute pas l’enseignant que nous avons étudié, mais uniquement notre objet de recherche, afin

d’en tirer des conclusions qui serviront à l’avancée de la recherche en sciences de l’éducation,

mais aussi à la formation des enseignants. En somme, le fait d’avoir utilisé une démarche

clinique dans notre travail de recherche nous a permis d’explorer de plus près le monde du

didactique, dans un souci de compréhension et d’explication des phénomènes. Comme le

souligne Bru « il faudrait aussi s’intéresser à la connaissance des processus psychologiques à

l’œuvre chez l’enseignant car sans cela, sous certaines formes, l’obstacle réductionniste

demeure » (Bru, 1991). Le cas Giovanni montre en effet qu’on ne peut pas faire abstraction de

l’histoire du sujet, mais nous avons pour notre part choisi un autre mode d’analyse pour

accéder à ce que nous cherchons dans l’étude de cas que l’étude psychologique au sens stricto

sensu. La didactique clinique représente en ce sens un autre filtre d’analyse, une alternative

d’accès au fait didactique. Dans ce sens, nous préférerons parler « d’épistémologie des

professeurs » définie par Brousseau : « la notion d’épistémologie des professeurs fait l’objet

d’études qui s’intéressent aux cognitions de l’enseignant, ses croyances, ses convictions, ses

théories personnelles professées ou agies » (Brousseau, 1997).

Pour notre travail, nous avons aussi mis en œuvre différentes méthodologies qui sont

notamment les questionnaires et les entretiens. Les résultats que nous en avons tirés

proviennent essentiellement d’une étude qualitative, bien qu’il y ait du quantitatif dans l’étude

des questionnaires. A aucun moment nous n’avons procédé à une étude quantitative en

effectuant par exemple des statistiques d’items relevés dans les entretiens afin de pouvoir

quantifier l’aspect technique ou stratégique des savoirs enseignés. Ceci constitue une limite à

notre étude. Nous aimerions dire à ce stade du bilan que cela pourra toujours se faire dans les

prolongements de notre recherche, que nous n’envisageons pas encore tous. Mais il est vrai

que nous ne l’avons pas fait pour une raison toute particulière : celle de marquer l’aspect

clinique de notre démarche. En effet, nous estimons que notre choix méthodologique en

didactique clinique doit faire le choix du qualitatif en tout premier lieu. Si l’on considère la

singularité du sujet, l’étude quantitative ne peut qu’apporter quelques réponses aux questions

que le chercheur se pose, elle ne permet pas de d’accéder aux raisons. Comme nous le disions,

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une étude quantitative des savoirs enseignés par les trois professeurs pourrait alors constituer

un premier axe de prolongement à notre recherche, ne serait-ce que pour voir si nos résultats

issus de l’analyse qualitative coïncident avec ceux que nous trouverions par une analyse

quantitative. De plus, afin de proposer une généralisation plus importante de nos résultats, il

faudrait poursuivre la mise en évidence des références enseignantes auprès d’un nombre plus

important de professeurs d’EPS. Cela ne pourra alors se faire qu’en allant les trouver dans

d’autres académies que celle de Toulouse.

Un autre axe de prolongement de notre recherche pourrait aussi explorer la dernière

étape de la chaîne transpositive : le savoir appris par l’élève. Paradoxalement, c’est par là que

nous avons commencé nos premiers pas dans la recherche, en DEA, par « l’analyse de l’écart

entre savoir transmis et savoir appris : le cas de l’enseignement du karaté en EPS » (Heuser,

2001). Il faut croire que cela devient un principe pour nous de prendre les problèmes à

l’envers, de partir du bout de la chaîne pour en remonter chaque maillon…Quoi qu’il en soit,

nous avons encore là des pistes que nous pouvons maintenant explorer dans la mesure où nous

avons suffisamment de données pour étudier par exemple le rapport entre le savoir réellement

appris et le savoir qui est enseigné, en fonction de la référence activée par le professeur.

Enfin, le dernier prolongement que nous envisageons serait d’accéder au « savoir

caché », que nous ne trouverons qu’en allant observer et interroger les plus grands Maîtres

japonais encore vivants de karaté. Il y a en effet autour de leur savoir un aspect mystique, des

savoirs qui ne s’enseignent pas au plus grand nombre, mais à quelques privilégiés, des élèves

fidèles à leur Maître et qui reçoivent leur enseignement depuis longtemps et ont atteint une

certaine compétence grâce à leur enseignement. De quel ordre sont ces savoirs ? D’où par

exemple ces vieux Maîtres tirent-ils leur force d’impact, leur ancrage au sol, leur énergie dans

l’action du combat ? Comment parviennent-ils à leur âge surtout à être aussi vifs, rapides, à

avoir réussi à bloquer une attaque avant même qu’elle ait atteint son but, voire presque dès

son déclenchement ? Ces techniques là s’enseignent-elles par ailleurs ou se développent-elles

avec la pratique et le travail ? Pourquoi faut-il être initié pour les recevoir ? Accepteront-ils

d’ailleurs de les livrer ? Tant que nous n’avons pas essayé d’accéder à ceux qui ont peut-être

ces réponses, nous ne pouvons que poser ces questions, qui méritent pourtant une recherche

approfondie en didactique clinique car ces Maîtres japonais, avant d’être des experts sont des

professeurs expérimentés. Les études de cas que nous pourrions envisager permettraient non

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pas d’expliquer ces savoirs d’un point de vue scientifique mais de les aborder, de les

approcher du point de vue du sujet : karateka expert, professeur expérimenté.

3. Perspectives pour l’enseignement du karaté et la

formation des enseignants

Afin de problématiser ce chapitre, nous partirons de la question posée par Altet : « que

poursuit-on à travers ces nouveaux savoirs produits par la recherche si ce n’est un changement

des pratiques ? » (Altet, 1994). Par changement des pratiques, nous entendons changement

des pratiques de formation des professeurs de karaté en club d’abord, car ce sont eux qui

seront le plus concernés d’un point de vue quantitatif. En effet, la formation des enseignants

d’EPS en karaté est minime, sporadique, du fait du déficit de représentation de l’activité dans

les programmes d’EPS, notamment. Par contre, certaines perspectives peuvent alimenter le

débat de l’enseignement des activités de combat en général. Quoi qu’il en soit, c’est avant tout

par la formation des enseignants que l’on parviendra à changer l’enseignement du karaté.

D’ailleurs, il va falloir répondre à la question de savoir pourquoi il faut le changer ? En EPS,

il faut construire cet enseignement et les enseignants que nous avons étudiés nous ont déjà

donné des exemples pratiques d’enseignement du karaté en EPS avec un cycle construit par

rapport à un niveau de classe particulier. La richesse des trois cas présentés vient de leur

diversité dans le traitement didactique. Cette diversité peut alors être un point de départ à une

réflexion sur la formation des professeurs de karaté dans le milieu fédéral. L’évolution de la

formation de ces enseignants est en effet primordiale pour que l’enseignement du karaté lui-

même évolue. La méthode traditionnelle, si elle peut être appliquée sans problème avec les

adultes trouve en effet ses limites avec le public enfant. Or ce sont les enfants pratiquants

d’aujourd’hui qui seront les futurs professeurs de demain. L’une des conclusions de notre

thèse étant que l’on enseigne ce que l’on a soi-même vécu, il nous apparaît de ce fait

important de faire vivre autre chose que la méthode traditionnelle aux jeunes pratiquants de

karaté, puisque l’on pense comme Alain d’ailleurs qu’elle n’est pas forcément la méthode la

plus adaptée pour les enfants. Nous avons donné un exemple de traitement didactique de

l’activité, reflet de notre expérience d’enseignant d’EPS et de karaté en club, que l’on

retrouve partiellement dans la première partie de la thèse au chapitre « perspective éducative

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du karaté » et intégralement en annexe 37. Les trois enseignants étudiés nous donnent trois

autres exemples. En définitive, notre thèse produit quatre conceptions de l’activité à enseigner

en EPS, qui peuvent être reprises et appliquées en club avec les plus jeunes publics

notamment. Cette recherche contribue ainsi dans une certaine mesure au renouvellement de la

réflexion sur l’enseignement des activités de combat à des fins de formation initiale des

enseignants d’EPS et comme nous venons de le montrer à partir du cadre fonctionnel et

structurel des références que nous avons construit (invoquées, mobilisées et re-convoquées).

Nous pensons que celui-ci constitue un outil d’analyse pertinent dans le domaine de la

formation comme dans celui de la recherche en didactique dans la mesure où le fait d’avoir

mis en évidence plusieurs références enseignantes ainsi que leur aspect dynamique et évolutif

nous invite à prendre en compte de manière plus sensible encore l’histoire des sujets.

L’originalité de notre démarche ascendante se révèle à ce niveau, car en partant de ce que

qu’enseigne le sujet, nous pouvons grâce aux différents entretiens remonter la piste de ses

références et comprendre les déterminants personnels et intimes qui influencent l’action

didactique.

Du savoir à enseigner et à évaluer au savoir réellement enseigné et réellement évalué,

les écarts constatés, en termes de remaniements, témoignent d’une complexité que seules les

contraintes externes au système enseignant ne peuvent expliquer ou permettre de comprendre.

C’est cette complexité qui est approchée quand on parvient à avoir accès aux références de

l’enseignant et l’on entre alors dans un domaine d’investigation plus intime prenant en compte

la singularité des sujets dans leurs rapports aux savoirs et dans des questionnements sur leurs

interrelations. C’est « ce parti pris, cette volonté de redonner aux sujets enseignant une place

centrale dans la relation didactique » (Carnus, 2004) qui caractérise la dimension clinique que

nous avons souhaité donner à notre travail.

4. Bilan final : l’après-coup du chercheur

J’ai commencé le karaté en 1985, il y a donc 24 ans cette année. Pourquoi ? Je me suis

souvent posé cette question. Et je ne me suis jamais menti. Je ne pense pas que l’on vienne à

pratiquer le karaté par hasard, comme le football ou le tennis. Cela en fait aussi un facteur de

particularité par rapport aux autres pratiques physiques. Alain a pratiqué le karaté parce qu’il

craignait les coups des autres, Giovanni pour s’affirmer à la fois dans le contexte familial

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comme différent et hors de celui-ci pour se défendre de l’exclusion qu’il vivait du fait même

de cette différence. Giovanni a aussi parlé d’un père absent, pas au sens physique du terme,

mais absent pour lui, du point de vue de la communication et de la reconnaissance. De ce

point de vue, je me rapprocherai de Giovanni, sauf que dans mon cas, mon père était

physiquement absent depuis l’âge de onze ans. Il est décédé en 1980. A partir de cette date,

j’ai dû grandir plus vite que les autres. Ma mère était Conseillère Principale d’Education, son

travail et moi sommes devenus ses raisons de vivre, mais en même temps, elle, avait

beaucoup de difficultés à faire face à la disparition de mon père. Dépressive, elle enchaînait

les hauts et les bas, les périodes de travail intense et les arrêts de travail, les périodes à la

maison à mes côtés et les séjours à l’hôpital, et dans les moments les plus durs pour elle, je

devais faire face pour deux. Je la soutenais et la protégeais du mieux que je pouvais. Pendant

cette période, je n’avais pas encore le karaté dans ma vie puisque j’ai commencé à l’age de 17

ans. Par contre, je pense que ma venue au karaté a été aussi comme pour Alain un moyen de

me rassurer. Je n’ai jamais eu grande confiance en moi, même si par ailleurs je réussissais

nombre de choses que je faisais. Ma mère, de ce point de vue, était exemplaire : elle m’a

toujours elle fait confiance, rendu autonome (parfois pas de son plein gré…), m’encourageant

et me disant que j’allais réussir, et à persévérer quand j’échouais le cas échéant. Le karaté

était pour moi un moyen de me protéger, mais aussi je pense de la protéger, comme je l’avais

fait, naturellement, dirais-je, jusque là. De plus, à cette époque, j’envisageais une carrière dans

la police, je me suis donc dit que cette formation en combat me serait fort utile pour mon

métier dans un avenir proche. C’était aussi alors un moyen de me projeter dans cet avenir, on

en a besoin à cet age d’incertitude et d’apprentissage de la vie.

Au-delà des raisons qui m’ont poussées à pratiquer le karaté, je pense aussi qu’il faut

se demander dans le même temps ce qui m’a fait y rester. Après y avoir longuement réfléchi,

je me suis aperçu que depuis la mort de mon père, j’avais toujours eu dans mes connaissances

une personne qui se substituait symboliquement à lui. Ces hommes étaient souvent des

sportifs, car le sport a toujours été mon loisir préféré, de tous temps. Quand j’ai commencé le

karaté donc, avec Jean-Luc, je pense qu’il a exercé cette place symbolique du père, il était

mon Maître de karaté, il me l’apprenait et je m’entraînais au moins trois fois par semaine, il

m’en inculquait les valeurs, les règles comme l’aurait fait un père à son fils. Il est certain aussi

que cet homme m’a rassuré car j’ai pu facilement m’identifier à lui, dans la mesure où je me

retrouvais en lui. Cette place symbolique du Maître a été développée par Giovanni et je crois

sincèrement qu’il a raison sur son importance. D’ailleurs, le code du Bushido met en exergue

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le principe de fidélité à son Maître notamment, et tout karatéka sincère y est particulièrement

attaché. Je suis pour ma part toujours en contact avec Jean-Luc, mon senseî, maintenant 7ème

dan shito ryu et nous nous retrouvons au moins une fois par an car je l’invite à Toulouse, pour

assurer l’animation d’un stage que j’organise par le biais du club de karaté dont j’ai en charge

la direction technique.

Si j’ai par ailleurs choisi cet objet de recherche et pas un autre, ce n’est pas neutre. Son

itinéraire suit le mien. Après mon travail de DEA centré sur le savoir appris par l’élève, j’ai

souhaité me recentrer sur l’enseignant. Ceci n’est pas anodin. Etant enseignant d’EPS moi-

même, professeur de karaté, formateur à l’Ecole des Cadres de la Ligue Midi-Pyrénées de

karaté, ma recherche me permettait de prendre la distance nécessaire pour analyser les

questions que je voulais poser aux enseignants et que je me posais déjà moi-même. On peut

en effet se poser certaines questions, y trouver des réponses et tout l’enjeu scientifique est

alors de chercher si d’autres sont arrivés aux mêmes réponses, ou ce qu’ils apportent de

différent dans leur démarche. L’une des questions principales que je me posais en

commençant ma thèse était celle de l’enseignement du karaté. Comment l’enseigner en

club d’abord ? Est-on contraint de passer par la méthode traditionnelle ? Puis-je comme je le

fais prendre des distances par rapport à elle et est-ce bénéfique au pratiquant ? Qu’enseigner

du karaté en EPS ? Plus tard, quand j’ai été sollicité par l’IUFM de Toulouse pour participer à

une formation sur les sports de combat dans le cadre de la formation continue des enseignants

d’EPS, j’ai été amené à me demander quels contenus apporter à ces enseignants ? Dois-je

traiter l’activité sur le thème des boxes, de la percussion en général ou bien puis-je proposer à

ces collègues une option karaté spécifique ? Bien entendu, j’avais déjà des réponses à

certaines de ces questions. Pour l’enseignement du karaté par exemple, le fait de devoir

effectuer un travail de traitement didactique pour l’enseigner en EPS m’a fait réfléchir sur

l’enseignement de l’activité en club. En fait, ce n’est pas un traitement que j’ai effectué mais

plusieurs, car il est évident qu’en fonction de la classe à laquelle je m’adressais (le niveau, le

profil) je ne pouvais pas proposer un menu équivalent. J’ai donc construit plusieurs trames de

cycles, une centrée sur l’apprentissage d’un kata de base, l’autre centré sur les assauts

conventionnels (cf. articles Revue EPS N° 300 et 316), un dernier centré sur le combat avec

protections. Au début de ma thèse, jusqu’à ce que je commence à aller observer des

professeurs d’EPS enseigner le karaté, je pensais d’une certaine manière que mon travail

pouvait lui faire référence, dans la mesure où il n’y a aucun autre exemple connu de travail de

traitement didactique complet du karaté en EPS. Je dois avouer que ma thèse était aussi pour

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moi l’occasion d’une option militante, en faveur de mon option d’enseignement du karaté,

formalisée en EPS. La rencontre avec mes enseignants collaborateurs, les discussions que

nous avons eu, les limites qu’ils ont parfois soulevé et bien sur le simple fait de voir se faire

autre chose que ce que moi je pouvais proposer, avec des résultats satisfaisants en terme

d’apprentissage et de découverte de l’activité par les élèves m’a beaucoup aidé à prendre de la

distance par rapport à mon travail et mes conceptions de l’enseignement de cette activité. Ce

que je peux retenir de cette expérience à ce stade de mon travail, c’est qu’en tout état de cause

la clinique est une option qui répond à des questions de nature privée. Ces questions

personnelles deviennent scientifiques de par la rigueur de la méthodologie employée et les

résultats obtenus.

Au terme de ce travail, je suis amené à me demander quel enseignant collaborateur a

la référence la plus proche de la mienne. La question est complexe car elle va bien au-delà du

lien du chercheur à ses objets, ce que nous avons détaillé jusqu’à maintenant. Elle envisage le

lien du chercheur à ses cas étudiés. En effet, je suis leur paradoxe : chercheur et toujours

enseignant d’EPS. Les difficultés qu’ils rencontrent dans leur classe, je les connais, les vis

aussi quotidiennement. Les questions qu’ils se posent, je me les pose aussi. Ces questions ont

été d’ailleurs posées par d’autres enseignants chercheurs, comme G. Carlier : « comment, tout

en tenant compte des besoins fondamentaux des élèves, éveiller des motivations à apprendre

pour des contenus vraiment spécifiques à l'éducation physique scolaire ? Comment, dans les

groupes-classes hétérogènes, choisir, organiser et animer les activités pour que chaque élève

soit reconnu « bon » quelque part et ait envie de continuer à pratiquer après et en dehors des

cours d'éducation physique ? Comment aborder l'inévitable confrontation des générations et

des attentes, les questions d'indiscipline, les évitements, les refus ? Comment accéder à une

gestion positive de la classe, en assurant des contrats et des ententes, afin de pouvoir vivre une

relation éducative enrichissante tant pour les élèves que pour l'enseignant lui-même ?

Comment, en construisant sa pédagogie, construire son métier d'enseignement ? » (Carlier,

1998). Les auteurs apportent leur réponse, personnelle. J’ai la mienne, et les enseignants

collaborateurs ont la leur. Nous pouvons les mettre en commun et les partager, mais le

chercheur n’apporte pas des réponses toutes faites à des problèmes toujours singuliers.

Michel est sans doute l’enseignant dont la référence du karaté en EPS se rapproche le

plus de la mienne. Son option de travail sur les sensations est un travail que je n’avais pas

envisagé et qui m’intéresse beaucoup. Elle est en effet inédite et j’ai beaucoup de respect pour

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ce travail qu’il a fait avec ses élèves de lycée professionnel car je pense effectivement que

c’était un traitement particulièrement adapté au profil des élèves. Je me sens aussi très proche

de la référence d’Alain, mais dans sa démarche. Par rapport à la mienne, il a osé faire le grand

écart entre son enseignement et la méthode traditionnelle, ce que je ne fais pas car je n’aime

pas réduire le karaté au combat libre. C’est alors dans cette optique que ma référence rejoint

celle de Giovanni aussi. Giovanni ne fait pas que pratiquer le karaté, il le vit quotidiennement.

Le karaté fait partie de sa vie dans le sens où il guide ses choix. Je pense que pour Giovanni

comme pour moi, le karaté est une sorte de religion. Au lieu d’aller à l’église nous allons au

dojo, au lieu de lire la Bible nous nous référons au code du Bushido et au lieu de prier un

Dieu, nous avons un Maître qui guide notre vie de karateka, notre vie tout court, tant elles

sont liées. Nous sommes là au cœur du rapport au savoir de l’enseignant. J’ai en effet toujours

considéré que le karaté avait guidé mes choix. Même les périodes de la vie où je ne pouvais

pas m’entraîner régulièrement, j’avais atteint un niveau suffisant pour m’entraîner seul et je le

faisais. La période la plus sensible à ce niveau a été celle où j’étais enseignant d’EPS

débutant, en poste un an dans l’Eure-et-Loir, un an en Creuse et un an en Corrèze. Mon

épouse avait son emploi sur Toulouse ce qui m’obligeait stratégiquement à partir la semaine

de mon domicile toulousain afin de pouvoir capitaliser des points de rapprochement de

conjoint. Lorsque je suis revenu sur Toulouse au bout de trois ans, j’avais presque l’intention

de commencer un autre art martial, attiré par le kendo, d’autant qu’il n’y avait pas de club de

style shito ryu sur la région. Mon épouse m’a conseillé, comme j’étais ceinture noire

« technique » de la terminer. J’ai suivi son conseil et me suis inscrit dans un club de karaté

non loin de mon domicile, de style Shotokan. Le professeur a accepté que je continue à garder

les spécificités de mon style, mes katas notamment, et m’a préparé aux dernières épreuves de

la ceinture noire. Je l’ai obtenue en 2000, ai passé dans la foulée mon diplôme d’Instructeur

Fédéral, et ai obtenu en 2001 mon équivalence au Brevet d’Etat premier degré. En poste fixe

au collège Emile Zola de Toulouse, j’ai eu l’idée de créer un club de karaté, et nous avons fait

une convention entre le collège et le club pour pouvoir utiliser le gymnase. C’est ainsi que j’ai

commencé à enseigner le karaté en club, à mes élèves du collège et aussi à mes collègues.

Parallèlement, j’ai commencé à construire des cycles d’enseignement et a intégrer le karaté au

projet pédagogique EPS. Comme je l’enseignais aussi à l’ Association Sportive du collège,

j’ai pu participer à son développement au niveau de l’Union Nationale du Sport Scolaire

(UNSS). J’obtenais parallèlement mon DEA en 2001 et m’inscrivait en thèse en 2002. En

2004, j’ai été sollicité pour intervenir dans un cycle de formation continue des enseignants

d’EPS. Cela m’a demandé beaucoup de travail pour donner des outils à des néophytes afin

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qu’ils puissent refaire un cycle karaté en EPS sans vraiment l’avoir pratiquée. En tous cas,

c’est à l’occasion de ce stage que l’un des participants m’a informé d’un poste à profil combat

au département des APS de la faculté des Sciences Sociales de Toulouse, car l’échéance de

remise des dossiers de candidature était proche et le directeur du DAPS n’avait pas beaucoup

de candidats spécialistes pour reprendre la section sports de combat. J’ai constitué mon

dossier avant les vacances de Noël, fin janvier 2005 je recevais une lettre qui m’informait que

j’avais été retenu. Je suis rentré au DAPS en septembre 2005 et j’y suis depuis, y enseigne

principalement le karaté et la self défense aux étudiants de la faculté. Je continue bien sur à

pratiquer, au dojo ou en stage et prépare actuellement mon 4ème dan. Cet itinéraire que j’ai

tenté de brosser ici non pour raconter ma vie mais plus pour donner quelques clefs de

compréhension de la thèse à la fin de celle-ci, montre bien en tous cas que le karaté n’a jamais

quitté ma vie et que c’est même grâce à sa pratique continue que je suis là où je suis d’un

point de vue professionnel, et je pense aussi, personnel. Le chercheur que je suis n’échappe

donc pas aux conclusions que j’ai tirées de mon travail, il est lui aussi sujet, à savoir que l’on

trouve certes des traces de la référence de l’enseignant dans son enseignement mais que l’on

ne peut pas faire abstraction de son histoire, de sa singularité pour espérer en capter toutes les

dimensions. Les dernières lignes de ma thèse seront donc consacrées à ma référence. Quelle

est ma référence ? En karaté, ma référence c’est mon professeur, mon « senseî » Jean Luc

Clerget. Quand je pratique et que je me trouve confronté à une difficulté, je me demande

comment lui aurait fait, immédiatement. Je me retrouve en lui et je crois que je ne pouvais pas

trouver un enseignement plus proche de ce que j’attendais du karaté. Je l’enseigne donc un

peu comme lui me l’a enseigné. En tant que chercheur, ma référence est toute autre, bien

qu’elle soit liée à celle de karateka. Le karaté développe en effet ce goût pour la recherche

constante de progression et d’une certaine perfection. Cet attrait pour les études, la formation

et la recherche s’est pour ma part développée durant mon cycle universitaire en STAPS. J’ai

rencontré à Clermont- Ferrand des enseignants extraordinaires, qui m’ont donné envie de

poursuivre dans cette voie aussi. Je pense notamment à Michel Recopé, Nathalie Gal, et

surtout Jacques Fiard, Maître de conférences à l’IUFM Auvergne, dont chaque cours était un

véritable puits de savoirs dans lequel l’esprit ne pouvait que s’élever. J’en ressortais grandi à

chaque fois et si je pouvais avoir le moindre doute quant à ce que je voulais faire de mon

avenir professionnel, la rencontre de cet enseignant a suffi à renforcer ma vocation. D’une

certaine manière, je pouvais m’identifier à lui et je me disais que si je pouvais au moins

prendre autant de plaisir à enseigner que Jacques, ce serait un merveilleux métier, même si je

ne devenais pas aussi compétent que lui. C’est donc encore un homme que je citerai pour

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définir ma référence de chercheur. Pourtant, je me souviendrai toute mon existence de ce jour,

en 1993, où je lui ai annoncé aux détours d’un couloir de l’UFRSTAPS de Clermont-Ferrand,

que je comptais m’inscrire en Maîtrise et passer le CAPEPS en même temps. Je m’attendais à

ce qu’il me félicite, m’encourage, trouvant cette initiative courageuse. Je m’attendais à ce

qu’il m’exprime sa fierté de me voir continuer dans cette voie de la recherche. Au lieu de cela,

il m’a littéralement réprimandé, me disant que c’était une erreur notoire de « courir deux

lièvres à la fois » et que je devais choisir cette année là entre la préparation au concours et

mes premiers pas dans la recherche. J’en suis resté coi, sidéré, abasourdi. J’ai réfléchi bien sur

à l’époque à ce qu’il m’avait dit mais je n’ai pu réfréner ma soif de savoir et j’ai procédé

comme je l’entendais. Bien entendu, l’avenir a montré que Mr Fiard avait raison puisque j’ai

échoué à ma première présentation au CAPEPS, n’étant même pas admissible et ai obtenu ma

maîtrise en octobre 1994 (puis le CAPEPS en 1996). Je regrette d’ailleurs de ne pas avoir

repensé plus tôt à cet épisode car j’ai tendance à ne pas tenir compte des leçons du passé. En

effet, je me suis retrouvé un peu dans la même situation ces dernières années où j’ai voulu

comme le dit Jacques Fiard courir deux lièvres à la fois, en menant de front mon travail de

thèse et la préparation à l’agrégation interne d’EPS. Au final, je suis bi-admissible mais n’ai

jamais réussi à être admis et ce travail de thèse m’as pris six ans. Je pense qu’effectivement,

me consacrer pleinement à l’un puis à l’autre de ces deux projets aurait été sans aucun doute

plus sage et plus productif. « Ils m'ont appris à penser ! » reconnaît Michel Serres (In Carlier,

Renard et Paquay, 2000) à propos de ses professeurs d'éducation physique, ce qui est

effectivement un paradoxe, une évidence pour nous enseignants d’EPS, mais aussi une belle

reconnaissance ! Quoiqu’il en soit, je pense avoir compris ce dont je suis en train de parler il y

a deux ans de cela, puisque je ne me suis plus inscrit à l’agrégation pour me consacrer

uniquement à la fin de ma thèse. Ce projet aboutit aujourd’hui, j’en suis heureux, d’autant que

je pense avoir fait en définitive le bon choix, en atteste cette thèse qui, je l’espère, ne sera pas

appréciée que de moi.

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BIBLIOGRAPHIE

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quels enjeux de savoirs ? Ouvrage dirigé par André Terrisse et Marie-France Carnus. Soumis

aux éditions De Boeck Université (Bruxelles).

THIRION, J.-F. (1990). Le karaté à l’école, enjeux-ouvertures-limites. Revue EPS n°225,

septembre/octobre. (pp. 37-39). Paris : Revue EPS.

TRABAL, P. et AUGUSTINI, M. (1998). L’évolution de l’image du karaté sous l’effet de sa

pratique. In actes des Ve JORRESCAM, 27 et 28 mars 1998 à Toulouse.

TRILLES, F. et CADERE, F. (1996). Proposition d’outils pour comprendre et pour

appendre le judo. (pp. 58-59). In Actes des IVèmes JORRESCAM de Poitiers. 28 et 29 mars

1996.

VAN DER MAREN, J.-M. (1996). Méthodes de recherches pour l’éducation. De Boeck

Université.

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269

VERGNAUD, G. (1990). La théorie des champs conceptuels. Recherches en didactique des

mathématiques. N° 23. (pp. 133-170). Grenoble : la Pensée Sauvage.

VERGNAUD, G. (1994). Apprentissage et didactique, où en est-on ? Paris : Hachette

Education.

VERRET, M. (1975). Le temps des études. Thèse présentée devant l’Université de Paris V.

Lille : Librairie Honoré Champion.

VIGARELLO, G. (1988). Une histoire culturelle du sport, Techniques d’hier... et

d’aujourd’hui. Paris : Robert Laffont S.A. et revue EPS.

WALKER, J.-D. (1975). Amer. J. Phys. 43 (10). 845-849.

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271

GLOSSAIRE DES TERMES

JAPONAIS ET DES

ABREVIATIONS

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1. Traduction des termes japonais en français

AGE : lever, remonter.

AIKIDO : art martial japonais créé par le Maître Ueshiba. Les techniques utilisées sont

essentiellement des clés de poignet qui obligent l’adversaire à abandonner. Il n’existe pas de

compétition en aïkido.

ATEMI : il s’agit des coups frappés, coups de poings et coups de pieds qui constituent la

base du karaté.

BARAÏ : balayer. Se dit des blocages qui utilisent de grandes amplitudes de mouvement.

BUSHIDO : code d’honneur très rigoureux auquel se sont soumis les samouraïs sous

l’influence bouddhiste à la fin du XVIIe siècle.

CHUDAN : cible niveau moyen (abdomen, plexus).

DACHI : position.

DAN : niveau, degré, grade pour une ceinture noire.

DOJO : nom donné à la salle d’entraînement pour les Arts Martiaux.

EMPI (ou Hiji) : coude.

GEDAN : niveau bas (jambes).

GERI : attaque de la jambe (coup de pied).

GYAKU : contraire, opposé.

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HADJIME : signifie « commencez le combat ».

HAITO : tranchant intérieur de la main (côté pouce).

HARA : ventre. Centre de gravité et des énergies du corps que l’on projette dans le

déplacement en karaté notamment.

HIZA : genou

IPPON : Un, unique.

IPPON KUMITE : assaut conventionnel sur un pas, avec plus ou moins de variables

incertaines.

JODAN : cible niveau haut (visage).

JU JITSU : art martial qui a servi de base à l’élaboration du judo, du karaté et l’aïkido; il

regroupe un ensemble de techniques d’attaque et de défense plus ou moins codifiées.

JU KUMITE : combat souple.

JYU IPPON KUMITE : assaut libre sur un pas

JYU KUMITE : combat libre.

KARATE DO : voie de la main vide.

KANTSETSU GERI : coup de pied cassant, de haut en bas, pratiqué au niveau du genoux.

KATA : littéralement, kata signifie « moule », « forme » ou encore « canevas ». Le kata

désigne « dans les arts martiaux traditionnels une séquence de techniques dont le déroulement

reproduit un schéma de combat contre un ou plusieurs adversaires attaquant sous des angles

différents » (Habersetzer, 2000). Autrement dit, le kata est un combat imaginaire contre

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plusieurs adversaires. Une autre conception du kata peut être avancée, car à un certain niveau,

le kata doit être vécu comme un combat et être le plus réaliste possible. On peut de ce fait

plutôt envisager le kata comme un combat réel, contre des adversaires qui sont eux

imaginaires…

KENDO : art martial japonais qui ressemble à l’escrime ; il est pratiqué en armure et le

combattant utilise un shinai (sabre en bambou).

KIHON IPPON KUMITE : assaut technique sur un pas sans variables incertaines

KIME : décisif. Se dit d’une technique réalisée avec force, puissance et détermination.

KUMITE : combat.

KYU : classe, grade avant le dan.

MAE GERI : coup de pied de face.

MAWASHI GERI : coup de pied circulaire.

NIHON IPPON KUMITE : assaut technique sur deux pas, sans variables incertaines.

OI TSUKI : coup de poing de base du karaté, se caractérisant par l’action des deux bras, un

bras qui frappe, un qui revient à la ceinture, avec rotation des deux poignets à la fin du

mouvement.

RANDORI : c’est un combat libre réalisé pendant le cours de judo; les deux adversaires n’ont

aucune consigne préalable et les points marqués ne comptent pas.

REI : salut.

RYU : méthode, école, style.

SAMBON KUMITE : assaut sur trois pas, avec variables plus ou moins incertaines.

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275

SEMPAÏ : élève.

SEN-NO-SEN : principe d’attaque que l’on traduit par « l’attaque dans l’attaque »,

extrêmement difficile à réaliser car il faut lancer l’attaque au moment où l’adversaire va tenter

la sienne.

SENSEÎ : professeur, Maître.

SHUTO : tranchant extérieur de la main.

SOKUTO : tranchant du pied.

SOTO : extérieur.

TATAMIS : tapis en paille de riz sur lequel on s’entraîne et qui recouvre le sol du dojo.

UCHI : intérieur. Distingue aussi une technique d’attaque pour la différencier du blocage.

Exemple : haito uke, blocage avec le tranchant intérieur de la main et haito uchi, attaque du

tranchant intérieur de la main.

TORI : désigne celui des deux combattants qui a l’initiative de l’attaque, c’est l’attaquant.

UDE : avant-bras.

UKE : désigne celui des deux combattants qui subit l’action, c’est le défenseur.

URA : opposé, dos.

USHIRO : derrière.

YAME : signifie « fin du combat ». « Arrêtez ».

YOKO : côté

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276

2. Abréviations

APSA : Activités Physiques Sportives et Artistiques.

CAPEPS : Certificat d’Aptitude au Professorat d’Éducation Physique et Sportive.

DiDiST : Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques.

EAS1 : Entretien Ante Séance 1

EASEV : Entretien Ante Séance d’Evaluation

EDiC : Equipe Didactique Clinique

EPS1 : Entretien Post Séance 1

EPSEV : Entretien Post Séance d’Evaluation

EAC : Entretien d’Après-coup

EPS : Education Physique et Sportive.

FFKDA : Fédération Française de Karaté et Disciplines Assimilées ; cette fédération

regroupe en plus du karaté, d’autres arts martiaux comme le Yosekan Budo ou le Nihon Taï

Jitsu.

FFKTAMA : ancien sigle de la FFKDA, quand le taekwondo était encore discipline

affinitaire : Fédération Française de Karaté, Taekwondo et Arts Martiaux Affinitaires.

IUFM : Institut Universitaire de Formation des Maîtres.

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277

LEMME : Laboratoire d’Étude des Méthodes Modernes d’Enseignement, EA 3042,

Université Paul Sabatier de Toulouse.

MEN : Ministère de l’Education Nationale.

SAE : Savoir à enseigner

SAEV : Savoir à évaluer

SRE : Savoir réellement enseigné

SREV : Savoir réellement évalué

STAPS : cursus de formation à l’Université suivi par les étudiants en Sciences et Techniques

des Activités Physiques et Sportives.

SUAPS : Service Universitaire des Activités Physiques et Sportives, où les étudiants peuvent

s’inscrire pour pratiquer le sport de leur choix dans les limites de l’offre proposée par le

service.

UEREPS : Unité d’Enseignement et de Recherche en Éducation Physique et Sportive ; ancien

nom des écoles de formation universitaires pour les professeurs EPS, aujourd’hui remplacé

par « Faculté des Sciences et du Sport » ou UFR STAPS.

UFRSTAPS : Unité de Formation et de Recherche en Activités Physiques et Sportives.

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INDEX DES TABLEAUX

ET SCHEMAS

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DANS L’INTRODUCTION

Tableau 1 : les quatre phases de la méthodologie d’ingénierie didactique dans mon mémoire

de DEA. (Page 15).

Tableau 2 : tableau synthétique du savoir enseigné par l’enseignant collaborateur D.

(Page 18).

Tableau 3 : « l’éventail des réponses » d’après Terrisse (2000). (Page 19).

Tableau 4 : résultats individuels aux situations test. (Page 22).

Tableau 5 : niveaux d’opposition atteints par chaque élève à l’épreuve de combat libre.

(Page 24).

Tableau 6 : tableau récapitulatif des résultats d’Eve. (Page 26).

Tableau 7 : résultat de l’étude du cas Eve dans l’éventail des réponses. (Page 27).

Tableau 8 : tableau récapitulatif des résultats d’Ingrid. (Page 28).

Tableau 9 : résultat de l’étude de cas d’Ingrid dans l’éventail de réponses. (Page 29).

Tableau 10 : tableau de synthèse des rapports entre savoir enseigné et savoir appris.

(Page 30).

EN PREMIERE PARTIE

Schéma 1 : le triangle didactique d’après Astolfi et Develay (1989). (Page 49).

Schéma 2 : les savoirs de référence (Terrisse, 2001). (Page 69).

Schéma 3 : interactions des différents domaines de la pratique. (Page 90).

EN DEUXIEME PARTIE

Tableau 11 : compilation des réponses énoncées par les enseignants d’EPS non pratiquants

par thèmes, à la question 8 du questionnaire préliminaire. (Page 113).

Tableau 12 : tableau synoptique du déjà-là conceptuel des enseignants non pratiquants de

karaté. (Page 116).

Tableau 13 : compilation des réponses énoncées par les enseignants d’EPS non pratiquants

par thèmes, à la question 9 du questionnaire préliminaire. (Page 118).

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Tableau 14 : tableau synoptique du déjà-là intentionnel des enseignants non pratiquants de

karaté. (Page 120).

Tableau 15 : extraits significatifs des réponses énoncées par les enseignants d’EPS

pratiquants de karaté par thèmes, à la question 8 du questionnaire préliminaire. (Page 122).

Tableau 16 : intégralité des réponses énoncées par les enseignants d’EPS pratiquants de

karaté par thèmes, à la question 9 du questionnaire préliminaire. (Page 124).

Tableau 17 : déjà-là expérientiel des quatre enseignants. (Page 129).

Tableau 18 : déjà-là conceptuel des quatre enseignants. (Page 131).

Tableau 19 : déjà-là intentionnel général des quatre enseignants. (Page 134).

Tableau 20 : déjà-là intentionnel spécifique des quatre enseignants. (Page 136).

Tableau 21 : synthèse du déjà-là des quatre enseignants. (Page 139).

Tableau 22 : planification de la première leçon de Nicolas. (Page 144).

Tableau 23 : les trois temps du recueil des données (Terrisse, Carnus, Sauvegrain, 2002).

(Page 152).

Tableau 24 : la différence entre les trois temps de l’enseignant et les temps de la

méthodologie du chercheur. (Page 153).

Tableau 25 : protocole chronologique du recueil des données. (Page 156).

Tableau 26 : les quatre phases du traitement des données. (Page 158).

Tableau 27 : méthodologie de présentation des résultats par le chercheur. (Page 158).

Tableau 28 : mode de codage dans les annexes des différents savoirs enseignés et évalués.

(Page 162).

EN TROISIEME PARTIE

Tableau 29 : les trois temps de la méthodologie en didactique clinique. (Page 166).

Tableau 30 : synthèse du déjà-là de Michel. (Page 172).

Tableau 31 : l’évolution des références dans l’étude de cas Michel. (Page 184).

Tableau 32 : statut de la référence aux trois temps de la didactique clinique. (Page 190).

Tableau 33 : évolution des aspects structurels dominants de la référence de Michel dans la

chaîne transpositive. (Page 190).

Tableau 34 : aspects structurels dominants de la référence de chaque enseignant. (Page 214).

Tableau 35 : évolution des aspects fonctionnels des références de chaque enseignant à chaque

stade la chaîne transpositive. (Page 215).

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Tableau 36 : évolution des aspects structurels dominants de la référence des trois enseignants

aux trois temps de la didactique clinique. (Page 217).

Tableau 37 : comparaison des aspects structurels et fonctionnels dominants de la référence de

chaque enseignant. (Page 218).

Tableau 38 : synthèse de la référence de chaque enseignant aux trois temps de la didactique

clinique. (Page 219).

Tableau 39 : vignette clinique de la référence de chaque enseignant. (Page 221).

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ANNEXES

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ANNEXE 1

Dans le cadre de mes recherches au sein du LEMME (Laboratoire d’Etudes en Méthodes Modernes d’Enseignement) de l’Université Paul Sabatier Toulouse III, je réalise une étude préalable dont je me servirai pour ma thèse sur les représentations des enseignants d’EPS à propos de l’activité de combat karaté. Ce questionnaire est anonyme et je vous remercie par avance infiniment de l’attention que vous porterez à ma sollicitation. Si par ailleurs vous désirez de plus amples informations, n’hésitez pas à me contacter.

Contact : Frédéric HEUSER / [email protected] / 06.12.90.62.63 *Vous êtes : un homme � une femme � *Depuis combien d’années enseignez-vous ? 1. Etes-vous ou avez-vous été pratiquant de karaté do ? OUI � NON � 2. Si OUI, combien d’années de pratique et quel grade avez-vous atteint ? 3. Avez-vous déjà programmé un cycle karaté en EPS et si oui avec quel(s) niveau(x) de classe(s) ? 4. Si vous êtes ou avez été pratiquant, pouvez-vous expliquer pourquoi vous n’avez jamais enseigné le karaté en EPS ?

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5. Si vous n’êtes pas pratiquant, pouvez-vous expliquer ce qui vous a motivé à enseigner le karaté et comment vous vous y êtes pris ? 6. Si vous enseignez le karaté en milieu scolaire, quelles sont vos références ? 7. Pouvez-vous décrire sommairement : - l’entrée dans l’activité (entrée par le travail des katas, par le combat, entrée technique ?) : - la situation de référence : - l’évaluation mise en place :

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8. Pour vous, qu’est-ce que le karaté ? 9. Quels sont (ou seraient) selon vous les contenus à privilégier pour enseigner cette activité en milieu scolaire ? 10. Si vous enseignez déjà le karaté dans votre établissement ou si vous avez le projet de le faire, pouvez-vous me laisser des coordonnées où vous joindre ( mail, téléphone…) car je serai intéressé par un travail de collaboration avec vous (entretien, observation de séances par exemple).

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ANNEXE 2

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ANNEXE 3

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ANNEXE 4

Chercheur © : pour débuter cet entretien, j’aimerais te demander Nicolas quel est ton vécu en

karaté ?

Nicolas (N) : Je suis né en 1983, j’ai donc 22 ans et pour ne pas dire de bêtises, ma licence en

1996/97, cela fait neuf ans de pratique du karaté. J’ai eu mon premier dan en décembre 2001

et mon deuxième dan là dernièrement en juin 2005.

C : Je crois savoir que tu as fait un peu de compétition…

N : Oui, j’ai commencé à Paris 2 ou 3 ans après avoir commencé en 1997, en minimes.

Au niveau des titres, je suis vice champion départemental en kata 2005 et 2004. 3ème aux

France universitaire par équipe cette année en 2005. J’ai été deux fois 3ème en Coupe de

France sud, 2003 et 2004. 3ème en Coupe de France de karaté contact en 2004 et 5ème en Coupe

de France seniors 2005.

C : Tu as donc fait du karaté contact ?

N : Oui, ça ressemble à du full, avec protections, au K.O. Pour voir un peu l’efficacité en

combat. La plupart arrivent du full, de la boxe thaï ou de la savate.

C : Très bien, nous allons maintenant cibler un peu plus ton intervention à venir, et à ce

propos, ma première question vise à savoir quelles sont tes intentions pour cette première

séance ?

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299

N : Mes objectifs seraient de leur présenter un peu ce qu’est l’activité karaté pour travailler

sur les représentations qu’ils ont ou leur donner une autre représentation que celle qu’ils ont.

Ensuite, ce serait leur permettre d’acquérir quelques techniques de bases du karaté, leur

apprendre le principal rituel du salut, puis également leur faire découvrir aussi bien le travail

seul qu’avec partenaire.

C : Dans ce que tu as prévu de faire dans ta séance, il va y avoir du kihon et du kihon ippon

kumite. Pourquoi as-tu choisi de commencer un cycle par ces formes là de travail ?

N : Pour moi, c’est, j’ai envie de dire, une entrée classique entre guillemets dans l’activité

karaté. Je leur présenterai rapidement le kihon pour les mettre de suite en action à deux.

C : Pourquoi as-tu choisi de rentrer dans l’activité comme cela ? A quoi renvoient ces deux

domaines de l’entraînement en karaté ?

N : Le kihon pour moi c’est le travail de base, la répétition des gammes techniques

indispensables avant je pense de passer au travail à deux. Le kihon ippon kumite c’est une

première étape avant de faire du combat.

C : Nicolas, je te remercie et nous allons maintenant pouvoir passer à la séance proprement

dite, et commencer par aller nous installer.

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300

ANNEXE 5

Nicolas (N) : Donc on va faire cours de karaté. Aujourd’hui je vais vous apprendre pas mal de

petits trucs, les rituels, comment on salut, tout ça, en karaté, quelques techniques OK, on

travaillera kihon, à deux…

Pour l’instant on va faire le salut puis ensuite on va s’échauffer. Pour le salut on va s’aligner,

les filles mettez-vous au niveau des autres. Voilà ! Donc, le commandement, on va se mettre à

genoux, on dit seïsa. Dans un premier temps on salue donc le créateur du karaté.

Maître Funakochi c’est lui, d’accord ? Le commandement pour le saluer c’est shomen ni reï,

on pose une main puis l’autre et on descend. C’est moi qui le dis ça. Allez !

Shomen ni reï ! OK !

Ensuite on reste assis, regardez est-ce que je suis comme ça moi ? Asseyez vous correctement.

Ensuite on va saluer ensemble. Le professeur salue les élèves et les élèves saluent le

professeur : on dit senseï ni reï. On se salue tous ensemble. Ensuite vous allez vous saluer

entre élèves. On dira otagani reï. Allez-y ! Et là vous vous saluez tous ensemble, avant de

commencer le cours.

Après on se relève et on se salue à nouveau. OK ! On va démarrer l’échauffement, on trottine

autour du tapis. On y va doucement… Allez ! On monte les genoux…pas chassés… face au

mur. On re-trottine normal…on s’arrête, on marche dans toute la salle. On se met en arc de

cercle. La tête de haut en bas de droite à gauche. Les épaules…voilà…petites rotations…vers

l’arrière.

Allez ! Simplement pour voir si le précédent cycle a servi à quelque chose, on met deux bras

en haut. Alternez ! Dans l’autre sens…

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301

Allez ! On fixe les pieds au sol, on va chercher à droite et à gauche…sans forcer.

Allez ! On va écarter légèrement les jambes, on fléchit le genou avant, le pied arrière, la

jambe est tendue, voilà…on descend.

Allez ! Dans l’autre sens. Même chose, on fléchit le genou avant et la jambe arrière tendue.

OK ! On passe ici plat du pied au sol et en arrière le bassin le plus près possible du sol. Ca fait

mal hein ? Allez ! On fait l’autre côté…on se relève.

Les pieds écartés un tout petit peu plus large que la largeur des hanches. Là ! J’ouvre les

genoux. Maintenant on écarte avec les coudes. On se relève, on écarte légèrement les jambes

et on passe sur un côté. On revient de l’autre côté. On revient. On va poser les mains au sol, si

on peut. Garde les jambes tendues. On passe sur la jambe droite, sur la jambe gauche. Allez !

On se relève. On passe extérieur intérieur sur chaque tranchant de pieds. Pointes de pieds

OK…

Ici les coudes…L’autre.

Allez ! Poignets !

Allez ! On se remet en ligne. Tenez…deux lignes. Voilà…Allez Allez ! Dépêchez vous !

Alors ? Bon, restez comme ça mais écartez-vous. On se remet dans la position qu’on a faite

tout à l’heure. Cette position avec la jambe avant fléchie et la jambe arrière tendue s’appelle

zen kutsu dachi. Mais par contre regardez…Pour mon zen kutsu dachi si je le fais avec un

pied et l’autre derrière sur la même ligne ça va être difficile de tenir donc j’écarte un petit peu,

je prends la largeur de mon bassin, j’écarte et je recule le pied. Mes deux pieds ne sont pas sur

la même ligne.

Ce qu’on va faire, on va apprendre un premier coup de poing. Ce premier coup de

poing s’appelle oï tsuki. C’est pareil ne le retenez pas. Tous face à moi en garde !

Mets-toi en garde, voilà ! On est tous jambe gauche devant et ensuite regardez on va avancer

et taper avec le bras…même jambe, voilà comme ça. La paume de la main vers le bas. Tout

le monde a compris. Je donne les commandements les filles ! Itch ! Après on reste en position.

C’est bien, le même coup de poing. Itch ! Allez, on se retourne, mettez vous dans l’autre sens.

Tous en position de garde là. On va avancer maintenant. Je vais vous donner un temps, je

vous dirai itch et vous allez faire un…et regardez moi ! Je tire là pourquoi ? Il est armé prêt à

repartir. Donc au commandement on va faire un…deux.

Itch ! C’est ça. Regarde Mathilde. On recommence. Ne reculez pas à chaque fois. On va faire

toute la longueur.

Itch ! Un…deux.

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302

Et on se retourne. Je vous décompose bien le mouvement pour que vous le voyiez. C’est pas

mal, tout le monde a compris qu’il faut avancer la jambe et frapper avec le même poing mais

il y a encore des techniques qui sont comme ça, comme ça, comme ça… Je tends mon bras à

hauteur d’épaule et bien droit OK ? Et pensez…regardez, quand je ramène le poing est en bas

là. Est-ce que c’est clair pour tout le monde ?

Allez ! Position de garde pour tout le monde. Itch ! Un…deux. Itch ! Un…deux. OK ! Ca

marche ça c’est bien.

Maintenant ce qu’on va faire, je vais vous apprendre deux ou trois petits trucs.

Regardez là. Ici vous avez les différents niveaux. En karaté on peut attaquer à trois niveaux

différents. Niveau jodan, niveau de la tête, shudan c’est le corps et ensuite on peut attaquer en

bas, gedan OK ? Donc à ce moment là on va chercher en dessous de la ceinture. Donc on va

se mettre en position, on va faire des attaques maintenant jodan, OK ? On y va !

On se met en garde et on va attaquer maintenant niveau… ? Jodan donc visage. Itch ! Allez !

On est au visage. Itch ! Vise la tête, regarde. Si je me mets en face de toi…

En position ! Allez, on en enchaîne deux pour le dernier. Itch !

Maintenant on va attaquer un niveau qu’on n’a pas attaqué, c'est-à-dire ? En bas

voilà ! Gedan. On va avancer…en bas. Itch ! Itch ! Itch ! Regarde quand même devant. Itch !

Un…deux. Ca marche. On se retourne. Regardez Je vous montre une autre technique. Non,

pas de coup de pied aujourd’hui. Alors…peut-être on verra.

On va se mettre en position et on va enchaîner deux techniques à la fois. Regardez bien ! La

technique qu’on va faire elle s’appelle tentsui. Facile à retenir…parce que regardez bien la

technique elle fait d’accord un soleil. Pourquoi c’est facile parce que quand vous effacer un

tableau vous faites comment ? Comme ça on essuie le tableau. Regarde… On garde le poing

là, on se met en garde et ici un grand cercle avec le même bras que la jambe avant. On y va,

un grand cercle voilà ! Il est armé, prêt à repartir. Au commandement on va faire un…deux….

Et regardez, mon bras il vient derrière là…Ton bras il va rejoindre l’autre derrière, un grand

cercle ici…voilà !

On se met en position. On va essayer de faire tentsui et ensuite après le tentsui on avance oï

tsuki.

Allez ! Itch ! Un, deux ! Bras avant et l’autre, doucement…Pas dans ce sens. L’autre. Itch !

Oui, c’est bien, ça ! Itch ! Itch ! On fait demi tour. Allez, on y va ! Itch ! Oui, c’est ça, d’abord

un tentsui et deux oï tsuki…Itch ! Un…deux…Itch !

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303

Regardez, ici c’est comme si c’était un coup de marteau, un grand coup sur la tête.

Itch ! Finit d’abord le premier et après oï tsuki. On fait demi tour, on se met en place.

Alors on va apprendre une nouvelle technique. Ici on va se mettre pour cette technique

dans la même position qu’on a fait tout à l’heure à l’échauffement, on écarte un peu les

jambes. C’est une position difficile qui s’appelle shiko dachi. C’est la position de quoi ? A

quoi ça ressemble ? Oui…en fait c’est la position du cavalier…du motard pourquoi pas !? On

ouvre les pieds vers l’extérieur et ici regardez on va faire des techniques cette fois-çi mains

ouvertes. Jusque là on a fait poings fermés, là on va faire mains ouvertes. Pour ouvrir là…

regardez les doigts sont serrés et les pouces rentrés pour pas se les accrocher d’accord ?

On se met en shiko dachi là et ici on vient là, un bras armé prêt à partir et un bras ici

d’accord niveau, quel niveau ? Gedan oui…Et là regardez on va faire deux à chaque fois.

Un…deux. C’est difficile pourquoi ? Parce qu’ au lieu d’avancer en marchant comme on le

fait d’habitude il va falloir être de profil, s’imaginer que la personne est en face là et pour aller

là-bas je vais pas faire ça hein ? Regardez ! Lucas ! Je regroupe au milieu et je passe de

l’autre côté. Donc j’ai toujours un bras au plexus et l’autre qui passe devant. Oui, c’est ça…

Allez on se met en position, on va essayer ça ! On revient. On démarre. On décompose bien à

chaque fois la position.

On y va, itch ! Dans l’autre sens Itch ! Vers le bas, vers le bas. Ca doit commencer à chauffer

les jambes si vous le faites bien. Itch ! Itch ! Itch ! Décontractez un peu. Décontractez bien.

On se remet en position ! Ici on va en enchaîner deux. On va faire un…deux. Allez ! Itch !

C’est ça ! Non, non, reste comme ça. Itch ! Un…deux pas trop vite là. Itch ! Un…deux on fait

demi tour. Le dernier retour…Je vais l’afficher cette technique qu’on est en train de faire, elle

s’appelle shuto baraï. Vous l’avez là. On se remet en place. Allez ! On y va… On en enchaîne

deux. Itch ! Un…Deux. Regardez ici ! Juste une précision, je vous vois pour la plupart vous

laissez glisser la main vers l’avant. C’est un…comme si on voulait enlever quelque chose.

Itch ! Itch ! On fait demi tour. Bon, on peut faire une pause, trente secondes hein ?

Allez les filles, on vous attend ! Vous pouvez vous asseoir deux secondes. Alors,

regardez ici. Une question qui a été posée tout à l’heure : pourquoi est-ce qu’on fait ça ? Les

techniques elles ont un sens, on les fait pour quelque chose, elles veulent dire quelque chose.

Qu’est-ce qu’elles peuvent dire ? Le tentsui et le oï tsuki c’est quoi ? Le tentsui c’est quoi ?

Très bonne réponse, c’est pour enlever le coup de poing !

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304

Adrien est en position. Il va m’attaquer oï tsuki shudan. Shudan on se souvient c’est le corps.

Voilà parfait ! Regardez, il ne vient pas me toucher d’accord ? Très important, il s’arrête

avant, dix centimètres…Donc ici regardez il m’a attaqué, qu’est-ce que je vais faire ? La

technique là qu’on a vue tout à l’heure, tentsui. J’enlève son attaque…le coup de marteau…et

ensuite moi je vais avancer. Vas-y recule, je vais avancer oï tsuki d’accord…

On est par deux, il m’attaque, j’enlève son attaque et je rentre pour contrer. Est-ce que c’est

compris pour tout le monde ? Oh ? Oh ? C’est compris ? On y va on se met par deux, il y aura

un groupe de trois. On y va ! Action ! Action ! Vite, vite, vite ! On se met par deux il y en a

un qui attaque, l’autre qui défend.

Ici l’attaque voilà…

Tu vas bien chercher en haut. Tu retombes dessus, c’est ça. Oui, tu recules là, oui.

Allez ! Montre moi. Un…et deux. Voilà !

Avance. Quand tu attaques, avance d’un pas !

Vas-y. Vas-y sur moi. Blocage et moi je rentre.

Essayez de l’autre côté. On a travaillé à droite, essayez de l’autre. Il faut savoir le faire de

l’autre…

Stop ! Vous revenez là. Revenez là ! Lucas, viens voir. Sur la même chose, tentsui, vous allez

voir, ça peut servir à plein de choses. Tu me sers le poignet. Une main voilà. Pour me

dégager, une technique, juste ça. Un adversaire qui saisit le poignet. On refait la technique

tentsui et on attaque, d’accord ? Ca marche… On se met par deux et on refait ça rapidement ?

Saisie poignet, on se dégage.

Viens vers toi. Va pas chercher là. Reste devant. Allez !

Un…deux, OK !

Les filles derrière, c’est pas parce que je vous regarde pas….On y va là un…deux. C’est ça.

Adrien, Lucas…Je vous regarde. Avance, voilà !

OK ! Viens voir là. Ca commence à se disperser. C’est le dernier qu’on fait.

Vous vous asseyez ! On va le faire avec un coup de pied. Ce qu’il y a, c’est que le

coup de pied on ne l’a pas fait tout à l’heure donc là je le montre. Vous essayez de le

reproduire. C’est un coup de pied simple. Ca s’appelle mae geri. C’est un coup de pied qui

part devant. Effectivement c’est un coup de pied pour pousser. Comme ça. En boxe française

ça s’appelle Monsieur Lucas ? C’est un chassé ou quelque chose comme ça oui… Allez on y

va on va attaquer mae geri. On vise le ventre. Nicolas attaque mae geri, je défends quoi ?

Vise-moi, voilà ! Je vais défendre le shuto qu’on a vu tout à l’heure. Shuto baraï d’accord ?

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L’attaque arrive en bas, je défends, je bloque, c’est un peu dur, je vous l’avais dit, vous verrez

à deux.

Vas-y pose le pied. J’ai défendu un…Le deuxième qu’est-ce que ça peut être ? Le premier on

l’a vu c’est un blocage. Le deuxième ça peut être donc une…une attaque oui. Au genou, aux

parties pour les garçons. Je bloque et je contre. Attaque ici, ici ou ici à la tête, c’est possible

aussi. On y va ? Rapidement, c’est le dernier exercice.

Vas-y fait moi le coup de pied. Un blocage, le deuxième j’avance et je te balaye. On y va ?

Balayage, tu peux essayer si tu as compris ce que je faisais.

Un…et deux. Voilà. Tu bloques et là…là.

Faut essayer de l’enchaîner maintenant.

Là-bas, on travaille ! Faut que quand j’arrive ce soit impec’ !

La main là, oui, c’est bien, c’est un début. Tu arrives de ce côté, soit le ventre, soit là, ce que

tu veux.

C’est mieux.

Non, mae geri c’est droit. Droit. Vas-y et là…là tu vois non. Là ou là.

Lucas, travaille. Michel, Travaille.

On attaque mae geri, vas-y…tout droit. Blocage, avance, c’est la même chose.

Quand vous le faites, répétez-vous ce qu’on a fait tout à l’heure. C’est la même chose.

Allez ! On en fait quelques uns et on arrête.

Un, et tu avances, deux. Il va te le refaire.

Allez ça va ! OK ! Stop ! Vous venez voir deux secondes, vite, vite !

Une question là avant de s’en aller. Qu’est-ce qu’il faut faire ? OK ! Le salut. En position, en

ligne. Debout, debout.

Donc seïsa. A genou. On salue en premier le fondateur du karaté. Shomen ni rei ! On salue.

Ensuite c’est ça, le professeur. Sensei ni rei ! Et vous vous saluez entre vous pour le travail

que vous avez fait. Otagani rei ! On se relève. Keritsu ! Et on se salue une dernière fois. Je

vous remercie.

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306

ANNEXE 6

C : Nicolas, pour commencer, j’aimerais que tu fasses ton bilan, à l’issue de cette séance,

maintenant qu’elle est réalisée.

N : Au niveau de la transmission des consignes, je pense que cela a été plutôt clair, j’ai pris

pas mal de temps pour expliquer les mouvements. Concernant la réalisation de ce que je

demandais, ça a été un peu différent : j’ai essayé de ne pas trop leur demander des techniques

parfaites. Je voulais qu’ils comprennent une forme globale plus que de détails, c’est pour cela

que j’ai laissé de côté pas mal de trucs. Ensuite, au niveau de l’engagement des élèves, je l’ai

trouvé moyen au sens où j’ai senti de l’intérêt de leur part mais finalement peu de pratique.

C’est un peu la caricature de cette classe, ils ne s’intéressent pas toujours, là je les ai sentis

intéressés mais ils ont peu de répétitions si on n’est pas derrière eux pour leur demander.

Concernant mon attitude peut-être ne les ai-je pas assez laissé chercher seul. J’avais tendance

à intervenir dès que je voyais un truc. J’aurais dû prendre un peu plus de recul sur la séance.

J’ai réalisé la majorité des choses que j’avais prévues. Les trois kihon ont été fait. Pour ce qui

est du kihon ippon kumite, j’ai réalisé les deux premiers comme je l’avais programmé, mis à

part une chose : j’avais préparé dans mes consignes « annoncer la technique », que j’ai oublié

au début. Je m’en suis aperçu au cours de la leçon mais comme ils n’étaient pas engagés à

fond, il n’y avait pas énormément de risques. J’ai pas préféré leur demander.

Ensuite, il y a eu un changement au niveau de l’attaque. La troisième attaque, ça m’a fait

plaisir dans le sens où c’est eux qui ont sollicité un coup de pied. C’est un peu caractéristique

de ce que j’avais mis dans les représentations des élèves. Le karaté, t’as bien vu avec la petite

Mathilde, « c’est des coups de pieds volants quoi », c’est pas non plus ce que je leur ai donné

mais on est rentrés par une attaque mae geri à la place d’une attaque oï tsuki gedan.

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307

C : Si on entre un peu dans le fond de ta séance, sur ta première situation, tu montres une

position qui est zen kutsu dachi et tu pars sur l’apprentissage de oï tsuki. Je voudrais te

demander pourquoi ce choix et ne pas isoler la technique de coup de poing oï tsuki en la

faisant travailler sur place par exemple ?

N : Moi, mon but c’était apprendre deux positions zen kutsu et le shiko que j’avais déjà un

peu intégré dans l’échauffement ainsi que les techniques de poings donc je voulais

effectivement qu’ils apprennent à se déplacer en zen kutsu même si ne n’ai pas été très

explicite sur la manière de se déplacer. Je voulais qu’ils soient déjà en déplacement et pas le

faire sur place. Je ne voulais pas que ce soit une séance trop rébarbative.

C : Trop statique aussi ?

N : Oui.

C : Ensuite dans la situation 5, il y une élève, celle justement qui fait des coups de pied sautés,

Mathilde je crois, qui te demande, alors qu’on était sur l’apprentissage de tentsui en kihon :

« Monsieur, ça sert à quoi ça ? » en montrant le geste du blocage qu’elle est en train de

travailler dans le vide, « c’est pour faire ça ? ».

Tu lui réponds : « oui, oui, c’est ça, mais on verra après à quoi ça sert ».

J’aimerais savoir, Nicolas, si la réflexion de Mathilde ne t’a pas interrogé ?

N : Interrogé non, au contraire. J’étais content qu’elle pose la question parce que finalement

c’est que le fil conducteur que j’ai prévu pour ma séance est cohérent. En faisant quelque

chose, elle se pose une question à laquelle il est prévu de répondre par la suite. Je lui ai dit

« après » parce qu’on n’avait pas fini tous les kihon qui allaient nous servir par la suite pour

les kihon ippon kumite, donc je ne voulais pas couper là.

C : D’accord, c’est une démarche qui se justifie. L’apprentissage dans le vide suscite une

question, l’élève te la pose, et tu dis donner la réponse après. Mais qui donnera la réponse ?

Le professeur ou l’élève ?

N : Je leur ai fait donner la réponse dans le sens où la question que Mathilde s’était posée

individuellement, je l’ai reposée collectivement et c’est à ce moment Lucas qui a répondu :

« c’est un blocage ».

Je reviens sur ce que tu m’as dit tout à l’heure et peut-être que quand Mathilde me pose la

question, ç’aurait été l’occasion de m’en servir pour dévier de ma planification…

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308

C : Dévier vers quoi ?

N : A priori je serai arrivé directement sur comment faire le blocage et enchaîner sur d’autres.

C : Passons. Peux-tu essayer d’énoncer quelle est ta référence ? En d’autres termes à partir de

quelle référence, sportive, martiale, technique, historique, as-tu construit ton cycle ?

N : Je me situe plus sur une référence technique et martiale. J’ai essayé effectivement de

rester sur des rituels, des commandements un peu martiaux, en permettant des choses qui ne

sont pas permises dans un dojo : discuter, rigoler sans m’enfermer complètement dans ce que

l’on pourrait appeler une activité martiale. Ensuite, j’ai abordé d’un point de vue technique,

traditionnel, même si j’ai sauté les étapes statiques où l’on décompose chaque technique. En

faisant cela, je ne pense pas que je sorte du rail traditionnel d’enseignement du karaté. Je suis

donc resté assez traditionnel et je pense que cela peut convenir à cette classe même si une

entrée plus sportive m’intéresserait.

C : Qu’appelles-tu exactement une entrée plus sportive ?

N : Je serais directement su une entrée…euh…disons…par le…par le… disons le randori

souple.

C : Le randori ?

N : Le randori oui, le combat quoi !

C : Ah ! Le combat. Non, mais il ne faut pas avoir peur de le dire …

N : C’est toujours délicat de dire en judo, en boxe, karaté ou autre, voilà premier cours on va

attaquer du combat. C’est pour cela que j’ai dit randori souple.

C : Maintenant, j’aimerais te demander Nicolas, pourquoi ne l’as-tu pas faite, cette entrée par

le combat, puisque tu dis toi-même qu’elle t’aurait intéressée ?

N : Parce que j’ai réalisé qu’avec cette classe ce n’était pas ce qui allait être le mieux comme

ils sont assez perturbateurs pour certains. J’y entrerai avec des classes plus lycée…ou

troisièmes qui aiment bouger. Mais pourquoi je ne l’ai pas fait…parce que…je ne sais pas…

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C : Si on oppose une référence technique traditionnelle à une référence sportive avec une

entrée par le combat, tu n’as donc pas pris cette référence, pourquoi ? Cette classe de

quatrième est trop scolaire pour cela ou pas assez selon toi ?

N : Parce qu’elle est trop dissipée pour contrôler le cours de A à Z. Mais le côté sportif est

préférable puisque qu’ils soient…Je le sais, je l’ai compris mais je ne le sentais pas avec cette

classe.

C : C’est donc plus par rapport à toi que par rapport à la classe que tu ne l’as pas fais ? Tu

rentres pour la première fois dans l’activité karaté en EPS …

N : C’est fou parce que moi mon domaine, c’est le côté sportif du karaté. C’est quelque chose

que je maîtrise cent fois plus que ce que j’ai fait aujourd’hui en cours.

C : Est-ce que la référence au combat qui semble te faire un peu peur aujourd’hui implique

forcement une entrée par le combat libre ?

N : Non, non. Cela peut être bien sur une entrée par le combat avec des consignes et des

critères bien particuliers : limitation technique, limitation…de ce qu’on veut. Et puis je ne

serais pas forcément rentré sur de l’opposition. Ça peut être des situations sur cibles pour

préparer au combat.

C : Dans le traitement didactique que tu as fourni, ta définition du karaté est selon toi je cite

« l’acquisition d’outils pour le combat ». Est-ce que tu as aujourd’hui donné aux élèves des

outils pour le combat ?

N : Bien sur. A partir du moment où je leur fais faire un tsuki sur place, c’est un outil pour le

combat. Là, on est pourtant à cent lieux du combat…Bon, je ne sais pas si c’est un passage

obligé parce que finalement c’est ce qu’on dit mais j’en suis pas sûr. Pas sur qu’avoir appris

gedan baraï bien comme il faut, dans le contexte combat ça sert finalement à rien et ça (en

montrant un petit blocage main ouverte) c’est pas mal aussi.

C : Reprenons s’il te plaît l’évaluation que tu as prévue. Je vois dans le projet de cycle que tu

prévois une partie sur le kata et une partie sur le bunkaï. Bien, à quoi exactement se rapporte

l’évaluation du kata et celle de l’application, du bunkaï ?

N : Le but en kata c’est de les mettre à plusieurs, par trois et de leur mettre une note collective

sur la synchronisation par exemple, pour citer un des critères. En collège là, je serais sur…la

maîtrise et le bunkaï…je ne sais pas si je serais sur de la performance, en fait…

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C : Pourquoi ne serait-on pas sur de la performance ? Si le kata est notre référence technique,

on évalue la maîtrise de l’exécution de techniques, le bunkaï, qui se veut un assaut aménagé

avec un attaquant et un défenseur, c’est toujours crois-tu de la technique ?

N : Dans le travail à deux, je vais regarder autre chose, le respect de la distance, par exemple,

et on est donc bien sur des critères techniques.

C : Cela te gêne de considérer le bunkaï comme du combat ?

N : C’est une étape mais on y est pas quand même, pas encore. C’est trop défini comme

combat.

C : Puis-je alors te proposer un autre terme ? En bunkaï, ne serait-on pas sur de l’assaut

aménagé ?

N : Oui. Mais c’est vrai que dans ma tête c’est difficile de référer le bunkaï à de la

performance. Il faudrait que j’y réfléchisse…

C : Nicolas, avant de terminer, il me faut ton accord pour l'utilisation de ton prénom : m'

autorises-tu à l’utiliser dans ma thèse lorsque je parle de toi? En effet, je ne souhaite pas vous

mettre des pseudos ( Norbert pour toi, par exemple) ou des initiales, NJ, car je suis sur une

étude de cas, dont la singularité du sujet est centrale. De ce fait, ton prénom fait à mon avis

partie de ton histoire, qui parfois transparaît dans l'étude de cas.

A : sans problème pour l’utilisation de mon prénom.

C : Bien. Nous allons clore là cet entretien et je te remercie Nicolas de ta participation.

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ANNEXE 7

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ANNEXE 8

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ANNEXE 9

C : J’aimerais Michel que tu donnes tout d’abord un aperçu de ton parcours en karaté ?

M : j’ai commencé assez tard quand j’avais 23 ans à peu près. Ensuite j’ai pratiqué très

régulièrement à Paris dans une salle qui était à côté de mon domicile. J’y ai pratiqué

quasiment quatre à cinq fois par semaine pendant cinq ans. Là, je suis arrivé très rapidement à

la ceinture marron. Ensuite, j’ai dû arrêté pour cause de responsabilités parentales, dirons-

nous, qui ne me permettaient plus de m’entraîner. J’ai repris trois ans plus tard et ai de

nouveau arrêté à la suite d’une blessure, pendant quatre ans. J’ai repris cette année en

changeant de style de karaté puisque je venais de l’école shotokan et je suis passé au

kyokushinkaï (kyok.). Je suis président du club et je m’entraîne deux fois par semaine.

C : Tu es donc passé par plusieurs styles de karaté ?

M : Tout à fait.

C : Lesquels exactement ?

M : Shotokan Ryu puis kyokushinkaï avec un intervalle en boxe française.

C : Tout cela fait combien d’années effectives de pratique ?

M : Cela doit faire du cinq à six ans de pratique effective.

C : quel est ton grade actuel ?

M : Je suis ceinture marron.

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C : As-tu fait de la compétition ?

M : Alors…j’ai fait une compétition, une Coupe de France à Pierre de Coubertin où je n’étais

pas psychologiquement prêt pour supporter, on va dire, l’organisation d’une compétition de

karaté. Il faut en effet se préparer à ces longs temps d’attente, entre l’inscription, la pesée, le

début des combats qui peuvent arriver quatre heures après. Je n’étais pas préparé à cela, je ne

l’avais pas anticipé comme cela et donc en fait cela n’a pas été très concluant.

C : Par rapport au cycle que tu commences, quelles sont tes intentions ?

M : Alors, parles-tu de ma philosophie d’enseignant ou de ce que je vais développer pendant

le cycle ?

C : Précisément de ce que tu comptes développer pendant le cycle.

M : Bien. Ce que je veux développer, c’est d’abord une approche culturelle de l’activité mais

aussi de faire découvrir ce style d’une part, avec la terminologie, on en parlera plus tard

notamment de l’école de Francombat, qui est propre au kyok. On va commencer à aborder la

terminologie sur tsuki, sur geri après on verra un petit peu les blocages. Ca c’est l’aspect

culturel, on va s’en tenir là. Ensuite, il y a l’aspect je dirais technico-tactique où dans ce

domaine je n’ai pas d’intentions très élevées. Comme je le fais chaque fois que j’aborde un

sport de combat, travailler sur l’enchaînement pieds-poings, c’est la première transformation

que je souhaite voir chez les élèves : passer d’un travail de poings unique à un enchaînement

pieds-poings. Autrement dit, pas de techniques de frappes uniques, je rentre, je donne un

coup, je ressors mais rester dans la distance de l’adversaire pour pouvoir enchaîner deux ou

trois techniques. Il faut que les élèves comprennent qu’à chaque distance se rapporte un coup,

une technique.

Dans un troisième temps, il y aura la volonté de rentrer dans l’aspect technique. On va se

limiter à deux ou trois coups de poings et deux coups au niveau des jambes. Au niveau des

cibles on va se limiter aux jambes et jusqu’aux épaules. C’est donc ce que je vise au niveau

des aspects technico-tactiques.

Ensuite, on va aborder un combat, je dirais de façon à gérer ses émotions, apprendre à gérer

ses émotions en combat pour pouvoir s’engager lucidement dans l’activité. Cela va être un des

gros points sur lesquels il va falloir travailler. La confiance, le relationnel, on va commencer

par là aujourd’hui…

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Enfin, j’aimerais qu’ils arrivent à s’investir à fond dans tout ce qui est arbitrage, qu’ils soient

capables de contrôler un combat entre deux camarades, de gérer l’agressivité, l’espace et

pourquoi pas de comptabiliser et de donner un jugement.

C : Bien, je te remercie Michel.

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ANNEXE 10

M : On va préciser ce qu’est maintenant la forme de karaté kyokushinkaï, kyok, que l’on va

pratiquer. C’est une forme de combat qui est différente de celle que vous avez l’habitude de

voir et notamment du karaté sportif que vous pouvez voir à la télévision, où dans les combats

les zones de frappe se situent entre la ceinture et la tête avec interdiction de mettre son

adversaire K.O. Au kyok, la différence, qui n’est pas des moindres, c’est que les zones de

frappe vont des pieds à la tête, les combats vont jusqu’au K.O., je rappelle en compétition

d’accord ? En plus, il y a la possibilité d’aller au sol, au sol pourquoi faire ? pour terminer

sur un étranglement ou une clé de bras. Si au bout de trente secondes au sol, le combat ne se

concrétise pas et bien on se remet debout. Voilà donc ce que sont les règles principales du

kyok, au niveau sportif. Ce qui est intéressant pour nous, ce n’est pas de se mettre K.O.

Comprenez bien, que ce soit mon rôle aussi bien que votre intérêt à vous, c’est que tout le

monde pratique en toute sécurité. Il est hors de question qu’à chaque cours, il y en ait un qui

revienne avec un nez de clown, une jambe complètement…première chose.

Ce qui est bien dans cette activité, c’est le zones de frappe de la tête aux pieds. Ca c’est

intéressant. Première chose.

Deuxième chose : c’est la notion de distance. La distance par rapport à son adversaire. Au

kyok on va toujours pouvoir trouver une solution, contrairement au karaté shotokan, au

karaté sportif, à la Boxe Française où pour que la touche soit comptabilisée il faut être à

distance. Ici, on va pouvoir comptabiliser des points sur des frappes qui touchent au tibia.

Nous pratiquerons des touches essentiellement, pas des frappes. Nos zones cibles seront

épaules, pas de coups au visage. C’est un sport qui se travaille à mains nues, mais quand on

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fera des combats, nous utiliserons quand même des gants de boxe, pour des raisons de

sécurité.

Donc, cette première séance, et les deux trois qui suivent, on va faire essentiellement un

travail technique pour que vous soyez capables d’acquérir une posture de garde et des coups

techniques. Basique, vous verrez tout à l’heure. Plus on va avancer, plus on va travailler des

enchaînements de combat, avec toujours un arbitrage. Vous serez par poules, par niveaux. Par

exemple, Arnaud avec ceux qui sont bien dedans. Ceux qui sont un peu plus en retrait vont

travailler ensemble aussi.

La philosophie, en ce qui me concerne, ce n’est pas vous l’avez compris que vous vous

mettiez sur la tête. Ca n’a aucun intérêt. On va aborder cette activité dans le même esprit et il

n’y a pas de raison compte tenu de votre disponibilité que l’on arrive pas au même résultat

qu’en rugby, au précédent cycle.

Qui dit art martial dit respect. Quand on est à deux en petite opposition, on commence et on

finit par un salut. Ca on va le respecter.

On abordera d’où vient le kyok. Qui l’a créé, c’est assez compliqué. Cela descend directement

du Shotokan. Mais le Shotokan, on va faire vite, c’est une uniformisation de maître

Funakoshi, qui l’a créé. En fait Funakoshi a formé ses élèves, qui sont à leur tour devenus

maîtres et chacun en fonction de ses aspirations a créé son école. C’est donc très compliqué

parce que les gens voulaient que leur nom reste, pour la postérité. C’est pour cela qu’on

trouve des différences, entre les écoles, les positions sont différentes. Entre le Shotokan et le

kyok, il y a un monde d’écart.

Bien, c’est compris ? Il n’y a plus de questions ? On va se changer et on se retrouve vite dans

le gymnase pour commencer.

(Michel commence sa séance en extérieur par des courses diverses, mobilisation du train

inférieur avec des changements de rythmes progressifs, des exercices de coordination et

échauffement des membres supérieurs. Il rentre dans le gymnase quand celui-ci se libère et

poursuit par un échauffement articulaire et musculaire plus spécifique. C’est à ce moment que

nous reprenons l’enregistrement).

D : OK. Les coudes et on change. Les épaules ici vous vous rappelez ? Changez ! Ici, rotation

d’épaules. Flexion ici… Rotation.

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On termine par les cervicales. La main ici. Rotation. Les muscles du cou sont importants

parce qu’ils vont limiter les grands mouvements de la tête et donc du cerveau. Une bonne

musculation du cou permet de protéger le cerveau.

Allez ! Alors…On va se regrouper par là. Tout le monde sur la ligne bleue face à moi.

Non, debout, debout. Première phase on se met en position, on va croiser les bras devant.

Voilà. Ensuite la position c’est le seïsa. Seïsa on se met à genou. Jambe gauche et jambe

droite. On se pose sur ses talons.

Deuxième commandement c’est le mokuso. Mokuso : on ferme les yeux et on pense à sa

respiration. Mokuso ! On respire par le ventre.

Mokuso yame !

Troisième, le salut. Quand on est dans un dojo il y a la photo du Maître, le shomen.

Normalement, c’est shomen ni reï. Ici il n’y en a pas donc c’est senseî ni reï. On s’incline.

Dernière chose : keritsu. On se lève.

Un problème ? Bien, on va commencer ; Vous allez vous mettre sur deux lignes. Donc un sur

deux. Voilà, Romain. Rémi, tu avances. Ceux qui sont derrière, vous vous alignez sur celui

qui est devant.

Première position, on avance la jambe gauche, les pieds sont légèrement vers

l’intérieur et les genoux légèrement fléchis. Je veux que vous preniez des repères au niveau de

votre plante de pied ; Vous n’êtes ni en avant ni sur les talons. Vous êtes plantés, solides,

abdos fessiers contractés. Main gauche devant vous visez le centre. Vous imaginez qu’il y a

quelqu’un devant vous. Le poing gauche est devant, le poing droit est armé au niveau des

côtes. Le coup de poing c’est un…vous tirez sur les ficelles comme ça. Bras semi tendu. Ne

laissez pas partir le bras sinon vous allez vous faire mal au coude. Donc, c’est semi tendu. On

essaie de sentir cette assise, on est solides. Solides au sol.

Pensez à ce qu’on a dit pour les jambes, on est solides. Je vois que tout le monde a à peu près

compris. On va le faire un peu plus vite. Pensez à la respiration.

Faites face-à-face. On se met en place. Vous allez vous occuper de viser le plexus. Je

ne veux plus de bras qui partent sur le côté. On arme le bras droit. Allez !

Maintenant on recommence ; demi-tour. Bien. Venez là !

Même position de départ. Bien, il se met en garde. Moi, je me mets ici et je vais faire

partir…Vous partez d’ici, vous armez. Concentration, première chose, sur les appuis. Les

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sensations, ses appuis, sont importants, abdos fessiers contactés. C’est de l’énergie, on la

restitue. Là, on verrouille et c’est lourd. On en fait dix. Que le bras gauche pour les gauchers

et le droit pour les droitiers. Et soyez précis. Pas un coup là, un coup là…

Allez ! Passez par deux, mettez vous avec qui vous voulez, ça n’a pas d’importance.

Inévitablement, il faut se mettre à distance donc il faut se rapprocher ou s’éloigner. Prêts ? On

se concentre sur les appuis. Allez !

Mains ouvertes quand on revient, mains ouvertes.

On change, en place !

Venez ici ! Allez !

On ne peut pas arriver à ce concentrer, surtout sur ce que je vous demande, si on a des

oooh ! des aaaah !...Faites moins de bruits ; Concentrez vous ! Regardez là, c’est lui qui

reçoit le coup. C’est donc pas à lui d’avancer, s’il reçoit le coup. Ca, c’est ma distance.

Chacun trouve sa distance ; Hugo n’a pas la même distance que moi. Quand je demande cette

position, si c’est pas une chaîne, des pieds jusque là, ça ne marche pas ! Vous allez passer par

deux dans tout le gymnase ; Grégory, c’est lui qui va attaquer, moi je me déplace. Vous vous

déplacez sur des appuis qui sont près du sol, première chose.

Deuxième chose vous allez commencer pour celui qui se déplace à avoir une garde haute.

Bien. Je me déplace. Dès que je m’arrête c’est le signal : Grégory doit venir porter son coup

comme on l’a fait tout à l’heure. Bien, je me déplace, si je recule, il faut qu’il avance. Si

j’avance, il doit reculer…Là, est-ce qu’il est à distance ? Il est trop loin. Je veux qu’il reste

son poing, ça je veux pas. Je me déplace. Vous avez vu ? Trop loin.

Pensez avant de frapper à cet ancrage au sol. Vous avez compris ? Pendant une minute c’est

le même qui attaque. Deux par deux ; prenez de la place dans tout le gymnase, c’est parti.

Changez de rôle. Le déplacement c’est près du sol. C’est un travail technique, sur les

sensations, alors doucement ! Là, je veux de la qualité, alors stable sur les appuis, équilibré

avant de frapper.

Maté ! On salue son partenaire et on vient se remettre au centre.

Bon, vous vous souvenez de ce qu’on a travaillé au rugby ? Qu’est-ce qu’on a dit sur

la ceinture abdominale ? C’est vrai dans tous les sports. Que vous fassiez du basket, de la

gym, si vous êtes mou de la ceinture abdominale, déjà l’effort ne se transmet pas et surtout

vous êtes toujours en retard. Si quand vous êtes là le corps n’est pas prêt, le temps que vous

repartiez ici, c’est fini. Vous avez pris du retard, d’accord ?

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Bien. Hugo, tu viens ? On va voir les coups de pieds. Le premier, c’est pas compliqué,

mawashi geri. Mawashi, c’est circulaire. C’est un coup de pied que l’on peut donner au

niveau des jambes, ici au niveau du foie ou encore qui se porte à la tête. La clé elle est ici

dans le pied d’appui. Si ça bouge pas au niveau du pied, vous allez vous faire mal, et ce ne

sera pas efficace. C’est pareil pour là- haut, c’est le principe de la rotation comme au rugby,

si je veux faire une passe à gauche sans rotation du bassin c’est pas possible. Si vous essayez

de faire un coup de pied circulaire bassin bloqué, ça passe pas !

Deuxième chose, le genou. Le genou, on arme. Si vous voulez viser le niveau le plus haut, on

monte le genou au plus haut. Et je veux que vous retrouviez votre assise, c’est la même.

Ca existe aussi, même principe jambe avant. Quand je suis en garde, la jambe arrière c’est

la droite. Ca c’est un code de combat. C’est un code. En boxe le code est le même mais

généralement pour un droitier, il est fort du bras droit donc il va attaquer au départ

bras gauche pour terminer avec son bras fort, donc le droit, d’accord ?

Allez ! Maintenant on va se relever. Dans le vide, la position de départ est la même, je veux

que vous me retrouviez votre assise ici. Je lève, je tourne, je remets derrière. Pensez à

l’équilibre, là…je ramène. Est-ce qu’il y a des questions ? Assise et rotation, première chose,

en place, face à moi en quinconce, position de garde !

On sent les appuis forts au sol. La cible est où Arnaud ? Alors si Jérôme est ta cible, tu n’es

pas de profil, tu es de face. Prêts ? On lève le genou, on pivote, on ramène. Ne cherchez pas à

viser haut. Hauteur du bassin, c’est suffisant.

Bien. Chut ! Alors maintenant on se met face à face et on va viser la cuisse ; la cuisse avant

de son partenaire. Ceux qui sont face à moi c’est vous qui donnez le coup. Elle est où la

cuisse, Julien ? Contrôle ! Lève bien le genou ! Changez de rôle !

Il ne faut pas laisser retomber la jambe…on touche !

Bien ! Alors, vous avez à peu près tous bien compris la rotation. On va maintenant travailler

en enchaînements simples. La jambe arrière touche, un elle se pose sur le côté, deux voilà,

jambe avant. La consigne importante c’est la pose du pied après le premier coup de pied. Ici,

je me décale, je m’ouvre le côté. Ensuite, c’est se concentrer sur la cible. Et la cible, elle n’est

pas là. C’est pas là, c’est là ! Cherchez simplement un, là, deux…là ! Un travail de cible c’est

tout. Ne cherchez pas à travailler en puissance. Si vous cherchez à travailler fort, vous vous

crispez. Un, vous ne serez pas précis et deux vous allez prendre le coude au niveau du genou.

Vous allez comprendre très rapidement que même avec les chaussures, ça fait mal…Donc je

rappelle : en premier je décale, deux je vise et je me replace. Rôle de celui qui prend le coup :

si jamais il voit ma garde baissée, une tape, bam ! Vous alertez…Est-ce que vous avez

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compris ? Viser, décaler, viser. Ne pensez qu’à ça, la cible. Pensez cible, qualité, pas

puissance. Deux par deux, allez ! dix chacun à son rythme, mais je vais vous regarder. Pensez

à la garde ; Allez, allez !

Soit bien dans l’axe…non.

C’est bon ? On se repartit dans le gymnase, par deux. Allez !

Mon partenaire se déplace, il me fait déplacer, tourner, et il se fixe. Même consigne que tout à

l’heure, pas de précipitation, un, deux, je pense cible. Deux fois une minute ! Hadji me !

Fais le bouger allez !

Maté !

Hadji me ! Les appuis, les appuis !

La cible, un …deux…Allez ! Mobile !

Maté ! On salue ; Bien ! On se regroupe, on s’assoit.

Je vais vous demander deux choses. Bien, le groupe de ce côté vous allez rechercher

quelque chose sur un coup de pied circulaire au niveau des cuisses. Le groupe qui est ici vous

allez chercher un blocage sur un coup de pied à hauteur du visage OK ? Chut ! Vous allez

vous débrouiller avec ça. Par contre, sur ce que vous venez de faire, il y en a, vraiment, on le

sent qui recherchent la cible. C’est quand même aussi à l’autre qui se fait toucher de sentir si

ça touche ; au niveau de la hanche, c’est de l’os, au niveau du ventre c’est du muscle. Ca se

sont des sensations proprioceptives. Chaque fois que vous rentrez sur un adversaire, c’est pas

pour vous dire, ça y est, t’as vu ? J’ai touché. L’épaule qu’est-ce que c’est ? La cible, elle est

importante. En vous focalisant sur la cible et bien vous ne vous focalisez pas sur le résultat et

ça c’est important, c’est intéressant. Je touche ma cible donc je suis performant. Bien. Alors

regardez ! Vous allez vous mettre par deux ou trois.

Moi, je vais trouver des solutions pour éviter ce coup qui vient à la cuisse, ce mawashi ; pour

ce groupe.

L’autre groupe, le coup de pied haut, au corps ou au visage. Il faut trouver des moyens de

l’éviter. Ne pas être touché. Allez ! Trois minutes.

C’est pas loin, pas loin, y’a de ça !

Regroupez vous ! On s’assoit. Chut, il reste cinq minutes. Qui pense alors avoir trouvé

quelque chose d’intéressant là ?

Il se sert de la force centrifuge, oui, première chose et puis deuxième il se retrouve derrière

moi. Ca, ça peut marcher.

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On peut voir autre chose, où vous n’avez pas besoin d’utiliser les bras. C’est vrai qu’on le

prend mais j’accompagne donc j’absorbe et je peux repartir. Ca, c’est intéressant. Ce qu’à fait

Hugo est aussi très intéressant. Je me retrouve de dos, il peut saisir, amener au sol…très

intéressant, mais il faut avoir un peu l’habitude. Il faut être sur de soi.

Nous on va choisir l’autre, on a dit, là, regardez le genou je rentre, je place et j’ai ma garde.

Ici je passe derrière. Vous avez autre chose ? Aujourd’hui, on les voit, on pourra pas les tester.

Bien, OK ! C’est bien. Est-ce que vous pensez que c’est intéressant ?

Oui, si le coup est fort, c’est dangereux. Regardez, si lui est fort, os…os, ça risque de casser.

La même chose mais regardez la différence. Une main ici, une main là, je l’amène là,

j’amortie, j’absorbe son énergie. Je ne vais surtout pas contre parce que si je vais contre,

aïe ! Cette notion d’absorption elle va être primordiale.

Pour mawashi, vous avez uchi uke, contre, contre, on a vu les limites. Vous avez soto

uke, je le fais passer à l’intérieur, c’est plus intéressant parce que je rentre ici…ici. Mais

on va se contenter de travailler sur l’absorption. Bien, chut !

On se met en ligne, on va saluer. Pendant le mokuso, on repense à ce qu’on a fait, les

appuis…rotation.

Seïsa ! Pourquoi gauche, droite ? Ca vient des samouraï, ils doivent pouvoir dégainer leur

arme n’importe quand. Le sabre est à gauche, ils dégainent avec la main droite. Ici donc on

décale d’abord pied gauche d’accord ? Ca c’est l’origine.

On se refait la séance, sur ses sensations, ses appuis.

Mokuso yame !

Senseï ni reï !

Keritsu ! Ouss !

La semaine prochaine à l’échauffement on reverra tout cela. Toujours les appuis. Bonne fin de

journée !

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ANNEXE 11

C : Michel, peux-tu tout d’abord me faire un bilan de séance ?

M : Le bilan je vais le situer à deux niveaux. Un premier niveau sur je dirais l’ambiance de

travail où on a nettement vu entre le début et la fin du cours une différence au niveau de

l’écoute, au niveau de la centration sur les consignes, que nous n’avions pas au départ. Entre

l’excitation du combat, le simulacre du salut…Le salut a été très silencieux à la fin,

contrairement au début, la centration sur le mokuso. Donc là, on la réutilisera, je suis content

de l’évolution. Cependant, je trouve que c’est encore trop bruyant donc il va falloir qu’on

régule ce travail au niveau du bruit. On remarque quand même que le bagage, le vécu, le déjà-

là, on arrive rapidement sur les coups simples comme les coups de pieds, circulaires, les

coups de poings. On arrive à avoir à peu près quelque chose qui ressemble sur la forme à des

coups d’activité de combat. C’est quelque chose qu’on va pouvoir affiner et je vais me centrer

sur un travail de sensations, de cibles, donc un travail qui est essentiellement qualitatif, de

retour sur soi. Pour centrer les élèves non pas sur : je vais prendre des coups, je vais perdre

etc. mais je vais me concentrer sur la tâche. Réellement donc de ce point de vue là ils sont

assez réceptifs, même si cela a été difficile au départ.

On a commencé à introduire aujourd’hui les notions d’appuis, d’ancrage au sol, de retour sur

ses sensations, travail sur la main ouverte pour ressentir les choses donc je pense que cela va

porter ses fruits. Ca j’en suis sur. Surtout avec cette classe.

D’un point de vue des contenus, je n’ai pas fait tout ce qui était prévu. Notamment on

devait faire à la fin du combat, des assauts à incertitude limitée, j’ai pas pu le faire. Par

contre, on a pu suivre le déroulement, le travail en kihon, le travail à deux, la situation de

référence avec des solutions hâtives certes, mais des solutions qui ont émergées avec une

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participation active des élèves. Donc, pour moi, c’est le sous objectif qui va être important à

maîtriser dans les prochaines séances.

C : Je reprends tes réponses à l’enquête préliminaire que j’avais fait passer. Je demandais à un

moment de décrire l’entrée dans l’activité. Tu me réponds « si classe difficile entrée par le

kumite et le bunkaï ; si classe scolaire entrée traditionnelle par le kihon, kata, combat. Ma

question est la suivante : dans quelle catégorie se situe cette classe et as-tu respecté ce que tu

as annoncé là ?

M : C’est une classe qui est scolaire mais trop bruyante. Qui malgré le bruit est capable de

restituer l’information ce qui est assez paradoxal mais ils ont quand même un bon potentiel.

Dans le cycle précédent, on a eu un résultat très positif. C’est une classe qui est fatigante dans

l’ensemble tout de même.

Quant à l’approche que j’évoquais, c’était en référence au karaté shotokan or là je suis rentré

différemment. Je suis rentré par la technique pour travailler justement sur la sensation, sur

l’assise, pour dédramatiser un peu le combat, pour les recentrer sur les sensations. Ce qui a

été complètement différent mais c’est lié un petit peu, je dirais, à l’école de karaté qu’on

pratique là. Je ne désespère pas et là c’est un problème de compétence pour moi, je ne connais

pas les katas traditionnels du kyok. Je ne les connais pas et là je fais une digression qui peut

t’intéresser ou pas, c’est qu’on est sensé au niveau du BEP de faire trois activités de familles

différentes. Or, nous traditionnellement, ici vu les installations on fait souvent deux familles à

connotation fortement collective et une à performance chronométrée. Or là on va se retrouver

coincés donc je pense que je vais faire rentrer progressivement le kyok par l’intermédiaire des

katas collectifs dans la catégorie « mener une chorégraphie collective ». C’est pour cela qu’il

faudra que je m’y penche mais c’est un problème de formation.

C : résumons : on est d’accord, tu me dis que tu te situes toi sur une entrée technique.

M : Je suis sur une entrée technique tout à fait.

C : Justement, à un moment donné c’était ta deuxième situation où un élève se déplace et dès

qu’il s’arrête le deuxième frappe en restant à distance, en travaillant sur les appuis. Tu dis lors

d’un regroupement : « on fait un travail technique, sur les sensations, on travaille sur la

qualité, qualité des appuis au sol, respect de la distance ». Comment expliques-tu qu’un

travail à deux sur la distance renvoie à un travail technique ?

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M : Alors, la technique elle renvoie à un positionnement c’est-à-dire qu’il faut être équilibré,

en appui pour frapper. L’intérêt de cette situation c’est qu’elle est progressive vers le combat.

Si on avait fait : je frappe par exemple, sans ce temps d’arrêt, on aurait pas retrouvé ces

sensations, leur permettre de se positionner, de retrouver ses appuis. Donc moi la technique, je

l’entends pas : je prends position, je prends mes appuis pour ensuite donner un coup. C’est

une étape. Il n’y a pas d’incertitude, on travaille sur les sensations, ce n’est qu’un travail

technique.

C : Comme les élèves sont en déplacement, c’est avant tout, ne crois-tu pas, un travail de mise

à distance ?

M : Je ne l’ai pas utilisé de cette façon moi. Je suis d’accord qu’il fallait garder cette distance.

On l’a précisé dans les consignes, on a dit ça sert à rien d’aller trop loin. J’ai régulé par contre

sur les consignes de départ : c’était bien retrouver ses appuis, pour frapper.

C : Dans une autre situation, tu démontres mawashi geri, le coup de pied circulaire , avec un

élève, en différenciant un peu les cibles puis tu fais travailler les élèves dans le vide, avant de

les faire travailler par deux. Pour toi, est-ce un passage incontournable, ce mode

d’apprentissage dans le vide, décontextualisé puis après en duo ?

M : Absolument pas, c’est un passage qui est plutôt culturel, qui est le kihon et je garde ici

dans mon enseignement cet aspect traditionnel. C’est une forme de travail qui est aussi

nécessaire parce qu’être capable de donner un coup de pied dans le vide et de se rééquilibrer

derrière, c’est plus difficile que de se rééquilibrer après avoir touché. Mais c’est évident qu’ils

auraient pu commencer par du travail à deux.

C : Permets moi de rebondir de suite sur ce que tu dis car effectivement d’un point de vue

extérieur, le travail du mawashi dans le vide était affligeant alors que dès que tu les as mis par

deux cela ressemblait à quelque chose, en tous cas à un mawashi…

M : Affligeant oui, je suis d’accord. C’est pour cela que l’impact qu’on va développer est

important. Si on travaille toujours à vide, ils ne sentent rien. On ne sent rien à vide, on

ne sent à vide que finalement quand on a connu des sensations d’équilibre, d’impact, là

oui ça sert. Là, je travaille sur du kihon, mais c’est culturel.

C : Peux-tu maintenant me donner ta conception de l’activité karaté ?

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M : Ma conception du karaté. Bien, pour moi, c’est une activité de combat de percussion.

C’est un art martial où sont sensées être travaillées des notions d’esprit, d’équilibre, de

respiration. C’est aussi au niveau scolaire un moyen de pouvoir réguler le comportement des

élèves, de pouvoir leur proposer des activités où ils vont pouvoir décharger une certaine

agressivité, de prendre confiance en eux. En lycée professionnel, c’est un moyen pour

atteindre des objectifs d’éducation, comme au niveau de l’école d’ailleurs. C’est une activité

que j’aime pratiquer et enseigner même si c’est une forme de karaté tout à fait nouvelle pour

moi. L’intérêt de cette activité kyok c’est qu’elle est beaucoup moins rébarbative que

l’activité shotokan, que ce soit au niveau des positions, de la distance. L’approche est plus

facile pour faire adhérer les élèves. En shotokan, ça peut paraître des simagrées avec la

position zen kutsu basse, alors que là on touche à l’efficacité, ce qui va faire que l’activité

va être crédible et qu’elle va motiver les élèves.

C : tu parles beaucoup Michel d’efficacité en combat et néanmoins tu optes pour une entrée

technique. A quel moment et comment vas-tu faire le lien entre la technique et ces aspects

plus stratégiques que tu évoques ?

M : Je suis rentré par la technique car c’est pour moi une petite évaluation diagnostique des

élèves. Cela me permet, sur des coups de pieds et de poings naturels, parce que je les ai

moins codifiés que ce qu’il est nécessaire au karaté, de voir à peu près quels étaient les

acquis des élèves. Ca c’est un choix déterminant. Deuxièmement, au karaté si la technique

n’est pas un minimum assise ou acquise par les élèves, on touche à des problèmes de sécurité.

Dans le combat, avec la gestion affective de l’activité, des techniques qui ne sont pas

suffisamment maîtrisées peuvent amener des blessures inutiles, que l’on peut éviter en

travaillant comme on le fait sur des sensations, sur des placements, sur des cibles. Cela

permet de limiter les risques d’accident.

La bascule va se faire très rapidement. On va commencer à travailler sur des

enchaînements rapides avec peu d’incertitude certes et des enchaînements de combat,

pieds et poings, sur des cibles et sur l’arme. Cela va arriver très vite, d’abord comme

situation de travail et ensuite avec plus d’incertitude, on va travailler en situation

d’assaut, avec contrôle bien sur mais où l’incertitude est totale. La bascule se fera au

moment où je le jugerai, en fonction du niveau des élèves, de leur progression et de leur

gestion de l’affectif, qu’il ne faut pas oublier dans ce genre d’activité.

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C : peux-tu Michel d’ores et déjà nous donner quelques indications sur l’évaluation que tu

comptes mettre en place ?

M : Je vais les évaluer dans une situation d’assaut à incertitude modérée. Je définirai

uniquement des cibles et des armes que nous avons travaillées en cours. Il est hors de

question qu’Hugo ait le droit de faire des coups de pieds retournés puisque les autres ne les

auront pas vus. On va donc travailler sur un assaut à incertitude modérée avec deux

aspects. Le premier aspect est un aspect d’efficacité des touches. Donc, toucher. Le

deuxième aspect est la capacité à replacer dans cette situation d’assaut ses

enchaînements.

C : Dans cette optique, tu évalues qui ? L’attaquant ou le défenseur ?

M : Je vais essentiellement évaluer l’attaquant. Mais le deuxième aspect va me renseigner sur

l’efficacité en défense du combattant. S’il y a de gros écarts entre ce qu’il a touché et ce qu’il

a été touché, cela me donnera une idée sur son efficacité au niveau de la défense.

C : Chaque élève sera évalué sur combien d’assaut ?

M : Alors, au niveau du combat, on va travailler sur deux séances, pour avoir le temps et

au moins trois assauts avec des partenaires de compétence et d’implication similaires

dans l’activité.

C : Michel, je te remercie.

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ANNEXE 12

Chercheur © : Michel, juste avant que tu ne démarres ton évaluation, j’aimerais savoir quelles

sont tes intentions ?

Michel (M) : Et bien, l’objectif est d’évaluer les transformations opérées pendant le cycle. Les

élèves sont évalués en combat, dans l’épreuve du combat. Il y a juste les coups de pieds qui

sont modérés, pour des questions de sécurité, et qu’ils s’investissent dans les combats sans

peur. De plus, la cible visage est interdite, pour les mêmes raisons. A part ça, on est en

combat, c’est libre.

C : Tu m’as donné un exemplaire de la fiche d’évaluation, peux-tu s’il te plaît l’expliciter ?

M : Alors, en fait c’est une fiche de co-évaluation. Je vais l’expliquer aux élèves tout à l’heure

juste avant de les lancer, donc il est peut-être plus judicieux d’attendre cette explication, en

direct aux élèves…

C : Très bien. Mais, dis-moi juste, l’évaluation ne comporte que de la co-évaluation où

interviens-tu dans la note à un moment donné ?

M : Non, bien sur, je vais moi les observer pendant les combats et je pourrai ainsi corréler

mes appréciations à leur évaluation.

C : Bien. Je te laisse démarrer ta séance. Je te remercie Michel.

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ANNEXE 13

M : Hé ! c’est relax, c’est relax, c’est souple, voilà…T’excite pas déjà d’entrée hein ? Voilà,

mobile, pense à décaler, comme on a dit la semaine dernière pour ceux qui étaient là.

Non, t’es pas tout seul, vous êtes douze ! Regarde, il y a romain qui est tout seul. Voilà !

Allez ! Allez ! Encore une minute !

Pour info, tout ce travail de blocage qui est certes intéressant, c’est interdit. Ca, t’as pas le

droit mais ce blocage ici là tu peux.

Time !

Venez par là ! On va repréciser les consignes d’évaluation. Bien. Rapprochez vous. Je

répète. Tout est marqué sur le document. Il y a une poule qui va sur ce quart de terrain, c’est

la poule Kevin B. Julien D. Damien et Erwan. Sur ce terrain là. Ensuite tout ce qui est Hugo,

Kevin, Jérôme et Julien vous êtes là-bas. Et le dernier groupe, il est ici. Pour les combats,

vous vous occupez…c’est vrai il y a combattant 1, combattant 2 donc vous savez quand

même lire combattant 1 combattant 2, d’accord ? Vous ne vous trompez pas de colonne quand

vous faites les combats. Vous avez à peu près entre chaque combat une minute pour faire le

compte. Vous mettez la décision V1, V2, V3 ou V4, d’accord ? Et une fois que vous avez mis

cette décision, vous me remplissez en face des deux combattants, vous mettez des croix, des

traits qui s’imposent…s’il y a lieu de mettre des traits. S’il n’y a pas lieu, je rappelle que c’est

la majorité. C’est une impression. Vous n’allez pas compter le nombre de fois où il est en

garde. C’est une impression. Il l’a ou il l’a pas. Il est en place où il l’est pas, il enchaîne ou il

enchaîne pas. C’est pas parce qu’il enchaîne deux fois qu’il enchaîne, on est d’accord hein ?

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Bien. Et enfin je rappelle, dernière chose, les coups comptés. Les coups que vous allez

comptabiliser sur ce document ce sont des coups où il y a de l’impulsion. Il peut y avoir

quatre à trois à la fin. Il peut même y avoir rois à deux. Comme il peut y avoir quinze à onze,

si ça a touché. Je vous demande juste une appréciation objective. Mais attendez si vous voyez

des choses comme ça, ça marche pas. Faut que ce soit placé, assis, en appui des pieds à

l’impact. Est-ce que tout le monde a compris ?

L’arbitre, il s’occupe de gérer le combat des combattants. Vous vous rappelez gérer le

combat ce que c’est ? C’est quoi ? Et deuxième chose à gérer ? Voilà… Il faut que ce soit une

agressivité qui soit saine. Il faut pas que ça se crispe et que ça ait l’intention de faire mal.

Alors vous gérez tout cela tranquilles !

Ce qu’on a vu sur l’ensemble de la fin du cycle c’est quand même assez correct, d’accord ?

Pensez à tout ce qu’on a travaillé. Notamment les appuis, aux enchaînements qu’on a

travaillés.

Donc c’est moi qui donne le top départ du combat, salut en début de chaque combat, salut à la

fin. Est-ce que c’est clair pour tout le monde ? Voilà. Vous avez l’ordre des combats qui est

marqué, vous alternez le rôle de celui qui marque à la chaise et de celui qui arbitre.

Donc, Hugo, Julien, Kevin et Jérôme vous vous retrouvez là-bas ! Erwan, Kevin, tous les

quatre vous êtes ici et les quatre derniers vous êtes ici.

Alors tu te mets en place, t’as tout ici t’as vu ? Tu ne sais pas encore qui arbitre alors ? Lis la

feuille !

En place ! Premiers combattants en place ! Mets toi plutôt de l’autre côté, ce sera

mieux…La garde, l’enchaînement et la précision. A chaque fois que tu vois… tu notes.

On y est ? Prêts ? On salue son adversaire. Hadjime ! C’est parti !

C’est pas bon, c’est le genou.

Redressez vous un peu là…

Allez Rémi ! La distance. Regarde ta garde. Oui, t’y es ! Continue.

Ne subit pas, Julien. Le côté, attaque le côté !

Damien passe de l’autre côté, tu gères Jérôme ! Il reste vingt secondes.

Qu’est-ce que tu fais là ? Cinq secondes.

Mate ! On salue. Et oui mais lui il n’arrête pas de travailler sur toi…

Qu’est- ce qu’il y a Rémi ? Lève toi et circule. Va marcher un petit peu. Mettez vous en place.

Oui, pendant qu’il récupère je vais t’aider. Je vais arbitrer là, avec toi, d’accord ?

Non, toi tu vas arbitrer, moi je vais compter.

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Allez ! En place ! Est-ce que tu m’as rempli ça Kevin ? Non, tu m’as pas rempli ça…

En place ! on salue son adversaire. Hadjime !

Un ; un partout ; deux. Allez Erwan ! Décale toi, on l’a déjà vu ça…Oui, deux à trois. Allez !

Allez ! Erwan, pousse et donne. Trois, trois. Erwan qu’est-ce que tu fais ? Voilà ! Sur le côté

Erwan ! Dix secondes. Ah ! Quatre à trois ! Mate ! Mate !

Oui. Où ça ? Quoi ? Pardon ? Où est-ce qu’il saigne ? Ah ! C’est un hématome, c’est pas du

sang qui coule…

Alors, oui, Kevin, Kevin…

Oui, Erwan, la semaine dernière chaque fois t’arrivait à décaler et là, t’étais là, tu

tournais…Remets ça en tête un peu.

Bien. En place ! Qui c’est là, Béranger contre… ?

En place ! On a salué. Hadjime !

Bien. Il a touché là Christian, t’as marqué ?

Tournez…tournez autour, décale, oui, bien ça ! Bien donné celui-là oui.

Et qu’est-ce qui se passe encore ?

Allez Kevin allez ! Erwan surveille ! Ligne basse. Il reste quinze secondes.

Décale quand il avance, tourne voilà !

Mate ! On salue…

Alors ? Qu’est-ce que ça donne, hein ? T’as compté ? Non. T’as visé ou t’as pas visé, ne me

dit pas que…Faites attention à ça. Oui, ça arrive…

T’as mal à la tête ? Fais voir ; Non, ça va, c’est pas marqué. Allez ! Il doit rester deux

combats…

Rémi contre Erwan. Allez ! A l’arbitrage Kevin. Prêts ? Hadjime !

Voilà, bien, ça !

Tourne autour. Tu subis, va le bloquer, bloque le maintenant, voilà !

Bien tourné là ! Les appuis, on repasse, là, bonne distance, bien ça ! Lève bien le mae geri.

Allez ! Avance maintenant quand il a…avance, bien sorti ça Christian.

Cinq secondes ! Mate !

Pas mal…vu le niveau de pratique c’est normal. Au niveau de la distance ? Au niveau de la

mobilité ? Après faut pas oublier qu’ils ont, y’en a qui ont quatre cours…C’est pas mal quand

même.

Ca va là ? Oui, vous allez boire. Ne restez pas sur place, ne vous asseyez pas, vous allez boire

deux trois gorgées. Trente secondes !

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Regarde bien parce que lui il travaille bien avec les jambes. Allez ! Il vous reste deux

combats. En place ! On salue. Hadjime !

Julien, pas aligné, toujours le triangle. On ne se jette pas. Enchaînez ! Voilà ! On ressort avec

les jambes. Bien ça !

Recadre les là-bas hein ? Fais gaffe !

La garde là, vous avez pas la garde là. Il vous reste vingt secondes allez !

Ta garde Erwan ! Elle est partie…

Qu’est-ce que t’as fait Christian ? T’inquiète, désolé, mate ! Allez ! Va marcher, va boire un

coup. Hugo, pour quelqu’un qui contrôle, qu’est-ce que t’as fait ?

Il en reste un, le dernier. Ca va ?

Pas encore, j’ai pas dit encore, on attend Julien et…Voilà !

Allez ! Le dernier combat qui c’est ?

C’est parti les garçons ? Allez ! C’est le dernier et après on débriefe !

Prêts ? On salue…Hadjime !

Remonte bien ton genou Hugo. Mate ! Julien, sur les directs, t’as le genou trop bas, monte le

genou. Et oui, mais la tenue ça sert à quelque chose, le jean…

Tes appuis Kevin, retrouve tes appuis. Oui, bien le dos.

Sort de là, bien esquivé, allez !

Vingt secondes ! Mate ! On salue. On fait le bilan à quatre. Vous faites le bilan la dessus pour

voir si tout le monde est d’accord.

Allez ! Venez par ici. Venez vous asseoir ici là. Erwan, dépêche, t’es tout le temps à

contre temps pour aller boire !

Alors c’est bon ? Vos conclusions dans l’ordre, on va dire vos premiers sentiments à la fin de

ce cycle ? Kevin vas-y !

Qui pense avoir pu mettre en application des choses qui ont été vues pendant le cycle ? Levez

la main. Faut être honnête, d’abord avec vous-même, OK ?

Donc vous pensez qu’après un cycle comme ça vous avez un peu avancé. Vous pensez avoir

progressé à quel niveau ?

Alors, il y en a qui me disent être plus en appui. Là il y a quelque chose qui est net, c’est vrai

qu’il y a quelques combats où ça a été assez brouillon par contre il y en a d’autres où les

choses même si les appuis ne sont pas là, il y a beaucoup moins de travail en ligne, beaucoup

plus de travail sur les côtés. Je regrette qu’on ait pas pu voir trop, quand on arrive au

corps-à-corps, le contrôle des bras, mais bon, ça demande une certaine maîtrise…Quand

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on est au contact, il fallait empêcher l’autre de décaler. On a vu le décalage mais il faut

essayer d’aller chercher l’autre. Voilà, donc progrès certain sur les coups de poings qui

commençaient à toucher la cible, qui devenaient lourds. On entendait l’impact. Ca veut dire

que s’ il y avait impact, il y a appui et précision.

Qu’est-ce qui vous manque là à votre avis ?

La précision, y’a pas autre chose encore ?

Oui, la rapidité…mais par rapport aux enchaînements ?

Il y a encore trop de coups uniques donnés, alors que chaque fois qu’il y a un coup qui

est donné, c’est pour préparer ceux qui suivent. Faut avoir cette idée de suivre…

Toujours idée de continuité. Un coup prépare les autres. Un blocage prépare une contre

attaque.

Maintenant si je vous disais individuellement, que chacun retienne quelque chose de positif de

ce cycle ? Donc je vous demande là de vous interroger, de trouver quelque chose dans ce

cycle, une sensation, une impression, un enchaînement, un impact, je sais pas, quelque chose

qui est positif dans tout ce que vous avez fait et qui vous donne envie de recommencer. De

faire une activité de combat pourquoi pas.

Vous avez trouvé quelque chose ? Qui n’a pas trouvé ?

Aucun motif de satisfaction ? Bon…

Donc si on se retrouve l’année prochaine, vous savez qu’on a la notation du BEP avec deux

activités qui sont notées. Alors, on a fait rugby, avec pour certains des résultats très

convenables. Après on a fait combat, karaté et là encore il y en a pas mal qui ont tiré leur

épingle du jeu et ensuite on va faire athlétisme. Est-ce que par exemple le combat pourrait

constituer un choix ? Entre le combat et le rugby vous prendrez quoi ?

Oui, mais on ne peut pas parce que c’est la même famille, faut choisir…

Alors on pourra refaire du combat l’année prochaine, ça c’est pour le BEP je vous dis bien en

plus si vous êtes avec moi. Après, c’est bien aussi en terminale que vous connaissiez autre

chose. Voilà ! Bon, allez ! On se lève. On va terminer par un salut général. On se met sur la

ligne jaune. En position yoï ! sans trop vous serrer. On va se relâcher, fermer les yeux et se

concentrer sur cette image positive, cette sensation que vous avez eue. On respire deux ou

trois fois… Ouvrez les yeux…On se salue, Ouss ! Merci messieurs !

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ANNEXE 14

Chercheur © : Michel, peux-tu nous rappeler comment le cycle s’est déroulé ?

Michel (M) : Rapidement, on a fait trois séances où on a essayé de dégrossir tout ce qui était

technique, la notion de distance, l’espace de touche ; la précision. Ensuite deux groupes se

sont dégagés : un groupe on a travaillé sur les appuis, sur les sensations ; avec d’autres, on a

travaillé sur une recherche de solutions en fonction de la distance. Donc voilà ceux-là ils ont

rattrapé un petit peu.

C : A la fin de la première séance, je crois me rappeler que l’on était à peu près d’accord sur

le fait que tu avais une entrée technique dans l’activité…

M : exact oui.

C : Si on regarde l’évaluation, elle est complètement centrée sur un travail en combat. Ma

question est la suivante : comment s’est fait le passage entre l’entrée technique et la fin du

cycle centrée sur un aspect purement stratégique, le combat ?

M : Alors, même si les critères d’évaluation sont techniques, ce qui est important, en

combat, c’est d’y voir clair. C’est-à-dire que ça sert à rien d’aller dans le combat avec des

coups qui ne sont pas maîtrisés, qui ne sont pas portés à distance. Toutes les actions dans

lesquelles je travaille, on commence par 70 % de technique, 30 % de stratégie, combat,

match… Rapidement il y a un groupe qui se détache vers un travail tourné vers le

combat et un autre groupe qui fait du renforcement technique ou du renforcement sur les

sensations. Je me refuse à faire du combat sur des aspects techniques qui ne sont pas

maîtrisés parce qu’en combat il faut que les élèves puissent travailler en confiance et s’ils

commencent à se faire mal parce que les techniques ne sont pas suffisamment maîtrisées, on

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arrive à annihiler tout le bénéfice et l’intérêt du combat. Ils vont pas s’engager, ils vont rester

en retrait. Je veux asseoir le cycle sur quelque chose qui soit à peu près propre donc avec une

certaine maîtrise technique qui leur permettra de fonctionner à peu près en sécurité.

C : Au vu de tes premières impressions, es-tu content des acquisitions des élèves ?

M : Quand même assez. J’aurais bien aimé accéder au film entre les combats de première

séance et certains combats que j’ai trouvé relativement propres, pour deux groupes, sur les

deux diagonales. Et j’ai trouvé ça assez intéressant même si les appuis ne sont pas stabilisés

comme il y a encore beaucoup de déplacements, mais on est arrivé à des sorties dans le dos,

des décalages, des impacts. On a l’impression qu’ils ont finalement une qualité…on peut leur

en demander, c’est surprenant. Pour des gamins qui ont fait quatre, cinq séances en moyenne,

on est loin de la bagarre. Sur les objectifs d’appuis, d’impact, j’ai grosso modo atteint mes

objectifs.

C : Tu nous avais dit aussi que c’était ton premier cycle de kyok. Peux-tu énoncer les écarts

entre tes intentions avant le cycle et ce que tu es réellement parvenu à faire ?

M : Je ne pensais pas qu’on arriverait rapidement à avoir des combats relativement

propres, avec des stratégies de tourner, d’occuper l’espace, donc là vraiment, super !

Après, je pensais pouvoir davantage travailler sur des situations de recherche de sensations,

mais il faut que les élèves soient disponibles. Je regrette de ne pas pouvoir l’avoir

suffisamment fait. Après, je suis agréablement surpris. En fait, ils gèrent les premières séances

et après quelques-unes on sent que ça s’envole…

Au niveau des écarts, précisément…pour moi les écarts les plus sensibles se situeraient au

niveau des appuis, au niveau de la précision où là on n’est pas tout à fait rentré dans les

objectifs. Par contre les stratégies de défense, de déplacements, d’adaptation des coups ou de

l’arme à la distance, là je pense qu’il n’y a pas d’écart. C’est très positif.

C : Tu as dis travailler d’abord sur de l’assaut à thèmes et finir par de l’assaut libre. Peux-tu

détailler s’il te plaît ?

M : Si on prend mon thème de séance, je le décline sur une recherche de blocage, une

recherche de solutions, pour terminer par des assauts à thèmes qui correspondent à ce

qu’on a travaillé juste avant.

C : peux-tu donner un exemple d’assaut à thème ? Etait-ce que les poings ou que les jambes

par exemple ?

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M : J’en ai fait pour le travail de distance avec un qui n’avait droit qu’aux jambes et en

fonction du gabarit, ils avaient des consignes pour intégrer la distance de l’autre. Un

deuxième assaut à thème, c’était par exemple avec un attaquant et un défenseur : le

défenseur ne fait que bloquer, ne fait que pousser, remettre à distance et l’autre doit

pouvoir s’adapter et attaquer en fonction de la distance imposée par le défenseur.

C : Quelles ont les variables que tu as manipulées ?

M : J’ai utilisé les variables informationnelles, d’incertitude. Après, j’ai travaillé sur une

limitation de l’espace de frappe, pour éviter tout ce qui est blessure, que les élèves puissent

travailler en confiance. C’est essentiellement les trois variables que j’ai manipulées.

C : Tu n’as donc pas manipulé les variables cibles et armes ?

M : Les assauts à thèmes, automatiquement, envisageaient des techniques que l’on avait

vues avant…ou comme je l’ai dit, que les poings, que les jambes. Ca a été vraiment très

ciblé là-dessus. D’ailleurs, tu remarqueras qu’en combat la variété des coups de pieds

était limitée, mae geri, mawashi gedan et chudan.

C : Michel, je te remercie.

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ANNEXE 15

C : J’aimerais tout d’abord Michel revenir sur le savoir à enseigner, autrement dit ce que tu as

dit vouloir faire. Ton projet de cycle fait état de « transformations attendues : techniques et

tactiques. Passer d’une défense passive à une défense active. Passer d’une attaque simple et

sporadique à une attaque construite et enchaînée. Passer d’attaques hors distance à des

attaques qui touchent ». Bien, peux-tu me dire Michel si ce sont tes objectifs ou si ce sont plus

des objectifs institutionnels, que tu as repris.

M : En tant que professeur d’EPS, je dois cadrer avec l’aspect institutionnel mais cela ne me

gène pas à partir du moment où j’ai une classe d’entrants, de me donner des sous objectifs par

rapport aux textes qui me permettront d’atteindre l’objectif institutionnel final qui en général

cadre à peu près avec l’objectif que je me fixe avec les élèves. Je répondrai donc en deux

temps : classe d’entrants, je peux travailler sur des sous objectifs mais dans la visée

d’atteindre en deux ans l’objectif institutionnel.

C : Nous allons maintenant nous attacher au savoir enseigné, autrement dit ce que tu as

réellement fait, mais aussi à ce que tu dis avoir réalisé, et je te renverrai là aux entretiens post

séance. J’aimerais que tu me commentes cette intervention de ta part, extraite du début de la

première séance où tu as mis en place un travail que tu qualifieras en post séance de

technique : « Vous partez d’ici vous armez. Concentration première chose sur les appuis, les

sensations […]. C’est de l’énergie, on la restitue, là on verrouille et c’est lourd ».

En référence à ces propos, tu diras dans l’entretien post séance : « Je suis rentré par la

technique pour travailler justement sur la sensation, sur l’assise, pour dédramatiser un peu le

combat. Donc moi la technique je l’entends pas je prends position, je prends mes appuis pour

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ensuite donner un coup. C’est une étape, il n’y a pas d’incertitude. On travaille sur les

sensations, ce n’est qu’un travail technique ». Ma question Michel est la suivante un travail

sur les sensations comme tu le dis n’est-il qu’un travail technique ?

M : C’est une voie qui permet de rentrer différemment, justement, sur des activités très

techniques, comme le karaté. L’objectif final, c’est l’acquisition d’une technique ou d’une

compétence. C’était là poser les bases sur lesquelles j’allais pouvoir asseoir un travail

technique. L’entrée notamment au niveau de l’équilibre se fait en ce qui me concerne par de la

proprioception, centrage sur les sensations. Deuxième objectif, c’est l’efficacité. Ce travail sur

les sensations permet finalement de dédramatiser, de recentrer l’élève sur un fonctionnement

interne et pas sur quelque chose d’extéroceptif qui pourrait le bloquer.

C : Dans cet apprentissage, si je comprends bien, tu vises à la fois des objectifs techniques

mais aussi informationnels ou kinesthésiques pourra-t-on dire…

M : Proprioceptifs.

C : proprioceptifs, d’accord. Ne vises-tu pas des objectifs affectifs et sécuritaires aussi,

puisque tu parles de dédramatiser le combat par exemple ?

M : Sur les deux premiers je suis d’accord. Par contre, ce n’est pas un objectif sécuritaire. Je

dirai que c’est un moyen pour faciliter l’accès aux apprentissages. Pour que l’élève puisse se

livrer pleinement sans appréhension dans le travail à deux. On va le recentrer sur ses

sensations pour qu’il passe sur un mode opératoire, un mode d’apprentissage, je dirais, qui lui

permettra un : de gagner du temps, deux : d’accéder plus facilement aux acquisitions.

C : Pourtant Michel, dans l’entretien post séance 1, tu parles beaucoup de sécurité. Je te donne

comme preuve deux exemples : « au karaté, si la technique n’est pas un minimum acquise, on

touche à des problèmes de sécurité ». Ou encore : « dans le combat, des techniques qui ne

sont pas suffisamment maîtrisées peuvent amener des blessures inutiles, que l’on peut éviter

en travaillant comme on le fait sur des placements, sur des cibles. Cela permet de limiter les

risques d’accident ». J’ai eu l’impression, mais c’est peut-être une interprétation de ma part,

que c’était un objectif prioritaire pour toi.

M : Je ne le perçoit pas comme un objectif prioritaire au sens institutionnel, mais c’est vrai

que c’est une préoccupation pour moi. Toute personne qui entraîne ou qui enseigne doit le

faire en respectant la sécurité de tout à chacun. La deuxième chose, c’est que si les gamins se

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blessent, ils vont être réticents et s’ils sont réticents, cela va avoir des répercussions sur leur

motivation.

C : Justement Michel, ce que je trouve original dans ta démarche c’est que tu pars d’une

situation que tu appelles technique, d’une situation à but proprioceptif, avec en amont une

intention toute autre, qui n’est pas technique, de détailler un geste mais sécuritaire. Ne crois-tu

pas faire un pont là entre la proprioception et la sécurité ? Ou autrement dit, la proprioception

à des fins sécuritaires ?

M : Alors là je suis tout à fait d’accord. Mais si tu veux, c’est une démarche d’enseignement ;

si l’élève n’est pas suffisamment en sécurité, il y aura blocage dans l’apprentissage. Il va être

réticent, il va être renfermé. Donc mise en sécurité active, mise en sécurité passive pour

pouvoir franchir des caps et des étapes.

C : Penses-tu Michel avoir été influencé dans ton traitement didactique par ta pratique récente

du kyokushinkaï ?

M : Influencé oui, certainement mais à quel niveau ? C’est sur que si je ne l’avais pas pratiqué

je ne l’aurais pas proposé aux élèves. Par contre moi lorsque je fais quelque chose, je le

digère, j’en tire les grandes lignes et je le transforme en contenus d’enseignement. La

démarche dans laquelle je m’inscris pour rentrer dans l’activité n’est absolument pas celle que

l’on retrouve dans un club en kyok. Ensuite, c’est vrai que le kyok correspond tout à fait à ce

que je recherchais pour faire le lien, pour trouver une correspondance entre le sport de contact

et les représentations des élèves du karaté, en terme de travail dans le vide, de répétition de

mouvement etc. D’autant que le kyok n’est pas aussi exigent que d’autres styles au niveau des

positions, de la gestuelle, de la technique en général, et cela me semblait approprié au niveau

scolaire.

C : J’en viens maintenant à l’évaluation. Lors de l’entretien post séance 1, je t’avais demandé

si tu avais déjà une idée de l’évaluation que tu allais mettre en place. Tu m’avais dit : « je

vais les évaluer dans une situation à incertitude modérée. A la fin du cycle, on retrouve les

élèves dans une situation qui n’est pas à incertitude modérée puisque c’est du combat libre.

J’ ai donc moi constaté un écart à ce niveau. Peux-tu l’expliquer ?

M : Oui, c’est tout bête, j’ai vu que les élèves étaient rentrés correctement dans l’activité et

comme on avait bien avancé dans le cycle, j’ai choisi d’aller un peu plus loin dans

l’évaluation. Pour moi, il y avait eu une bonne évolution, un très bon investissement dans

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l’activité, une progression certaine. J’ai donc fait évoluer mon évaluation en même temps que

la progression des élèves.

C : Comment Michel rentrer par la technique comme tu l’as fait et sortir du cycle par du

combat ? Pourquoi ne pas rentrer directement par le combat ?

M : Je dirais que c’est encore une démarche, et que j’utilise quelque soit l’activité. Je pars du

principe que pour apprendre à lire il faut avoir acquis l’alphabet. En rentrant par la technique,

il y a renversement progressif technique et tactique. Au début du cycle on est à 70% de

technique. En fonction des acquisitions, on renverse le processus pour arriver à 30 % de

technique en fin de cycle. J’estime que pour les activités de combat où il y a un enjeu

sécuritaire, la technique reste un moyen sur de préserver l’intégrité physique des élèves. On

évite ainsi les mauvais coups, les énervements. En somme, on court circuite certains

comportements déviants qui bloquent les apprentissages. On ne peut pas sur du court terme

rentrer directement sur du combat. Il faut que les élèves s’apprivoisent petit à petit pour

ensuite pouvoir se libérer sur un combat un peu organisé, plus sécuritaire. On a appris à

donner des coups, mais aussi à se protéger et cela ne peut s’apprendre qu’avec un minimum

de technique à la base.

C : Par rapport aux différents temps de ton enseignement, ton SAE est d’après moi technique

et tactique, au sens où tu opères envisage une articulation duo-duel.

M : Tout à fait…

C : Le SRE, en tous cas sur la première séance que j’ai observée est à dominante technique.

M : Oui.

C : Et comme tu nous l’as dit, pour les autres séances il y a un glissement progressif vers des

aspects plus stratégiques.

M : c’est cela oui.

C : Enfin, le SREV n’est que stratégique.

M : tout à fait.

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C : Donc en fait on peut remarquer que suivant le moment dans lequel tu te situes, la

référence, pour peu qu’on la qualifie de technique, de stratégique ou encore bi partite, n’est

pas la même, elle change ou elle évolue je ne sais pas…Qu’en penses-tu ?

M : Cela correspond finalement à ce que je pense faire dans la mesure où la technique est

pour moi un passage obligé qui ne sert qu’à viser des aspects plus stratégiques. En fait,

j’utilise la technique comme un outil, pas comme une finalité.

C : Une dernière question Michel, lors de l’entretien post évaluation, tu as dit « en combat

l’important c’est d’y voir clair ». Peux-tu s’il te plait développer un peu ta pensée. J’aimerais

savoir ce que tu entends toi par « y voir clair » ?

M : Et bien, c’est rester suffisamment lucide pendant le combat pour anticiper, repérer tôt les

intentions de l’adversaire, s’adapter au niveau stratégique, en terme d’arme, de déplacement

et de distance. On revient à l’aspect affectif, la gestion affective de l’opposition. Mais là on

touche un objectif à long terme car je ne crois pas que l’on puisse en un cycle de karaté en

EPS atteindre cet objectif. On l’a touché du doigt à l’évaluation car les armes et les cibles

étaient restreintes et les élèves ont pu justement s’investir dans le combat sans appréhension.

C : Michel, je te remercie.

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ANNEXE 16

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ANNEXE 17

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ANNEXE 18

Chercheur © : J’aimerai savoir tout d’abord Giovanni quand tu as commencé le karaté ?

Giovanni (G) : J’ai commencé en 1967, ça va faire 40 ans quoi

C : Tu l’enseignes en club depuis combien de temps ?

G : Je l’enseigne depuis 82 j’ai eu mon BE en 1984

C : Tu as atteint quel grade ?

G : 2eme Dan

C : Depuis combien de temps programmes-tu des cycles karaté en EPS ?

G : Dans ma carrière d’enseignant d’EPS j’ai du faire deux cycles karaté, le dernier cycle que

j’ai fait cela remonte à huit ou neuf ans quand j’étais dans l’Académie de Dijon. Je suis

descendu dans l’Académie de Toulouse en 1997 et depuis 1997 partout où je suis passé il n’y

avait pas de sport de combat organisé.

C : Avant de commencer ce cycle, quelles sont tes intentions ?

G : Mon objectif principal c’est de présenter l’activité, la situer dans les arts martiaux afin de

faire immerger sa spécificité d’art martial qui n’a rien à voir avec les boxes. Deuxième point :

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l’entrée dans l’activité par ce que je considère moi comme l’essentiel : la confrontation. Puis

l’aspect martial, le salut, le respect, entre autres. Leur montrer le karaté originel. Pour cette

première séance après un échauffement classique, on va voir une position fondamentale : la

mise en yoï, le salut debout, rentrée par les postures zen kutsu kokutsu et fudo dachi. Ensuite

travailler sur une technique de défense, un blocage de type ura uke. Une technique d’attaque

Oï tsuki et un coup de pied le mae géri. Si cela se passe bien, peut être deux techniques de

défense avec gedan baraï. On finira la séance par une confrontation dans le style ippon

kumite ou du combat libre. Le but, c’est qu’ils mettent en application les techniques. Les

techniques on les apprend dans le vide mais après se pose le problème de les sentir dans le

réel.

C : Dans le questionnaire que j’avais fait passer, tu évoques le travail en attaque et en défense

et en fin de séance le travail du kata sous toutes ses formes. Le prévois tu au cours de cette

première séance ?

G : Au cours du cycle on abordera le kata mais pas à la première séance. Le kata sera heïan

shodan.

C : Envisages tu Giovanni un pont entre le travail à deux et le travail du kata ?

G : Bien sur, c’est le bunkaï. On fera une application par petits groupes de quatre ou cinq.

Mais c’est important de rentrer dans l’activité par le kihon et on garde le kata pour la fin de

la séance.

C : Tu m’a l’air Giovanni d’avoir beaucoup réfléchi à ce que tu allais faire mais as-tu

envisagé un travail didactique particulier ?

G : C’est certain qu’on ne peut pas faire ici ce que l’on ferait en club mais j’ai tous les ans des

débutants qui arrivent au club et j’ai donc l’habitude et l’expérience. Le karaté reste une

activité marginale au collège et c’est vrai que si j’avais à l’enseigner de manière plus

systématique, je ferai un travail particulier de manière à ne pas reproduire les mêmes choses

avec toutes les classes. Même si on est spécialiste de l’activité on garde quelques réserves à la

transmettre, à la partager quand on n’est pas sur que les élèves y sont prêts.

C : Veux tu dire qu’en effectuant un travail didactique sur l’activité, tu as peur de la

dénaturer ?

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G : Oui j’ai peur de la dénaturer, oui parce que l’art martial c’est quelque chose qui se

transmet par le mimétisme, le modèle, le maître qui est devant l’élève qui reproduit. C’est un

travail de très longue haleine. De plus, il y a tout le rituel, le salut, le respect du professeur que

l’on ne peut pas trop appliquer dans un établissement scolaire par rapport à une mentalité qui

est différente qu’en club. Or sortir de ce rapport là c’est déjà dénaturer un peu l’activité

karaté. On n’a pas non plus les kimonos, la symbolique de la ceinture et on risque de se

rapprocher des boxes ou du karaté contact qui n’a rien à voir avec l’art martial.

C : Quand tu évoques la situation de référence tu écris : « savoir se protéger avant de contre-

attaquer ». Va-t-on retrouver cette compétence que tu évoques lors de la première séance ?

G : On la retrouvera tout le temps dès que l’on va travailler à deux sur le premier blocage. La

priorité est mise sur le blocage. Ne pas prendre le coup avant de penser à le rendre c’est

fondamental pour moi. Le karaté c’est pour se défendre par pour attaquer. Tous les katas

commencent par un blocage.

C : As-tu réfléchi à l’évaluation ?

G : Je la vois bien en ippon kumite pour évaluer la distance, l’engagement dans une

situation où il y a très peu d’incertitude puisque tout est défini à l’avance. Ensuite sur le

kata, évaluer la mémorisation motrice et enfin le combat sur un petit combat souple voir

comment l’élève gère le rapport de force, s’il prends l’initiative ou s’il se laisse dominer,

c’est cela qui m’intéresse.

C : Giovanni, je te remercie et te laisse démarrer cette première séance de ton cycle.

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ANNEXE 19

(Giovanni commence par faire l’appel des élèves. Cela dure quatre minutes, suite à quoi il

présente le cycle à la classe. Nous démarrerons là la retranscriptions des verbatim de

l’enseignant).

G : première des choses, je vous demanderai du silence, et d’essayer de travailler un peu plus

avec la réflexion. A partir d’aujourd’hui, on va commencer un cycle karaté, tous les mardis, et

il y aura en tout sept séances d’une heure. Pour ce faire, je vous présente un collègue

enseignant d’Education Physique, il prépare un doctorat sur le karaté et comme il s’avère que

je suis un praticien de karaté depuis un certain temps, il m’a proposé de m’observer, voir ce

que je fais en karaté, il m’a choisi comme étude de cas pour sa recherche, voir comment je

vais vous proposer le karaté, vous le faire faire. Voilà, fermons la parenthèse. Le karaté vous

ne le connaissez pas, en avez une idée ou une représentation, une imagerie mentale construite

par les médias, les revues, mais vous ne savez pas trop ce qu’est l’activité. Moi, je vous la

présente, je pense que je la connais puisque cela fait une quarantaine d’années que je pratique.

Alors, le karaté c’est un art martial. Mars était le dieu de la guerre. Parce qu’à son origine, le

karaté était destiné à faire la guerre, était destiné à détruire des adversaires, des ennemis. A

l’origine, c’est donc pour détruire les autres, mais en fait pour se défendre. Le karaté trouve

ses origines au VIème siècle avant Jésus Christ, dans la Chine ancestrale, dans une petite île du

sud du japon qui s’appelait Okinawa. Cette île, tantôt elle était envahie par les chinois, tantôt

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elle était aux japonais. Cela veut dire que les chinois et les japonais se disputaient l’île. Les

premières traces de coups de poing et de coups de pieds ont été repérés dans ce berceau là et à

l’époque ils appelaient cela le shaolin kempo, drôle de nom oui. Et ensuite, les techniques ont

un peu évolué et les gens ont forcé un peu sur ces gestes mains ouvertes et comme cela se

faisait sur l’île d’Okinawa, ils l’ont appelé l’Okinawa te, « te » voulant dire : main. C’est là

que l’on se battait les mains ouvertes et que les premiers experts sont nés. Bien plus tard, dans

les années 1920, il y a un grand pionnier qui a débarqué au Japon, à Kyoto et qui a fait les

premières démonstrations de l’Okinawa te. Ce pionnier, ce fondateur, il s’appelle Funakoshi.

Si vous avez la chance de rentrer un jour dans un dojo, vous verrez qu’il y a toujours un

portrait du maître. Et suivant les activités le portrait change, par exemple pour le judo c’est

Jigoro Kano. Quand il est arrivé, il y avait d’ailleurs déjà le judo, l’aïkido, mais avec

l’Okinawa te, il a séduit tout le monde. Seulement avec le nom d’Okinawa te, il s’est dit que

c’était pas terrible et qu’il fallait un nom à consonance un peu plus japonaise. Il s’est alors dit

que le te, la main il allait le garder et comme elles étaient vides, en japonais, vide c’est

« kara ». Donc les mains vides, sans armes et vides aussi de toute mauvaise intention. Pour

que cela colle avec les arts martiaux existants, il a rajouté le do, la voie ; karaté do : la voie de

la main vide. Mais la voie, c’est le chemin, trouver son chemin. Donc vous voyez que le

karaté va au-delà de la simple pratique d’une activité sportive. C’est aussi un travail sur soi,

trouver son propre chemin mais aussi sa propre rencontre par ce que vous allez aussi vous

rencontrez avec vous-même. C’est la pire des rencontres de se rencontrer soi-même. C’est le

plus dur. Ensuite, l’important de ce que je voulais vous dire, c’est les trois types d’activité de

combat : les percussions, boxe française, par exemple, le karaté dedans oui. La préhension, où

l’on retrouve oui le judo très bien, le fait d’attraper, les luttes et les instrumentalisés où l’on

mettra le kendo, l’escrime très bien. Donc vous voyez que dans la famille des sports de

combat et des arts martiaux, le karaté fait partie des percussions ce qui veut dire une

spécificité de coups de pieds et de poings. Et le karaté a son identité propre d’art martial, où la

seule règle est morale : on cherche à se défendre, à se protéger. Ensuite la particularité du

karaté c’est qu’il faut être capable de détruire l’ennemi sur un coup. Le boxeur il va taper

quatre ou cinq fois, le karatéka c’est un coup unique. Terminé. Cela veut dire qu’il faut mettre

toutes les énergies sur un coup et être efficace sur un coup. Aujourd’hui néanmoins comme on

est dans un monde de paix, on a aussi d’autres moyens que les poings et les pieds pour se

battre à la guerre, on a la compétition qui est arrivée et ça a changé beaucoup de choses parce

qu’on ne peut pas travailler main ouverte en compétition, c’est beaucoup trop dangereux alors

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on ferme les poings, mais ce n’est pas le karaté originel qui se pratique main ouverte comme

je vous l’ai expliqué.

Alors maintenant on se met en place pour commencer. On se met en place pour apprendre le

rituel. Tout le monde face à moi sur une ligne, s’il vous plaît. Le salut est un moment

solennel, c’est une façon de se dire bonjour et aujourd’hui les gens ne savent plus se dire

bonjour. On se met dans cette position, talons joints, pieds légèrement écartés. Celui qui est

devant c’est le senseî, là c’est moi. Pour saluer, les garçons mettent les mains ainsi et les filles

comme cela. Pour saluer on fait une légère inclinaison du buste. Alors je dis « reï », on salue

et on dit « ouss », qui veut dire merci. Alors ça c’est le salut debout. Mais c’est comme cela

dans tous les arts martiaux il y a aussi le salut à genoux. Celui qui est devant, le senseî dit

« seisa », à genoux, genou droit, genou gauche, on déplie les pieds derrière. Toutes les

énergies du corps sont regroupées là, au niveau du ventre. On essaie de fermer les yeux,

« mokuso » vous ne pensez à rien. « Mokuso yame », vous ouvrez les yeux. Premier salut,

c’est « shomen ni rei », c’est tout ce qu’il y a de plus grand, le ciel, le soleil, le vent, toutes les

forces surnaturelles, on rend hommage à tout ce qui dépasse l’humain. Main gauche, main

droite, « reî », on ramène main droite, main gauche. Le deuxième salut, c’est « senseî ni rei »,

on se salut mutuellement ; troisième salut « otagani rei », c’est le salut entre vous, moi je

salue pas. Maintenant vous attendez, je me relève, vous ne bougez pas, « keritsu », levez-

vous ! Ouss !

Pour s’échauffer, vite fait, vous restez sur une ou deux lignes, jambes gauche devant,

un…deux.. . on change de côté.

(Giovanni poursuit l’échauffement, basé sur des déplacements, il le réalise avec les élèves,

montrant ce qu’il faut faire, les élèves reproduisant. Il replace ensuite les élèves sur trois

rangées après avoir calmé l’ensemble de la classe. Il place ses élèves en ligne devant lui, en

quinconce comme on est placé en club et commence la séance proprement dite).

La première chose que l’on va apprendre, c’est comment on ferme le poing. J’ouvre, je roule

et je verrouille avec le pouce ici. Là j’ai le poing fermé. Quand vous aurez appris à fermer le

poing, vous aurez appris beaucoup de chose, car ce n’est pas évident. Ici, on a les jambes

légèrement écartées, cette position s’appelle « hachiji dachi » cela veut dire largeur bassin.

Quand je veux saluer, je rapproche le pied droit. Rei ! Là, on salue debout. La première

position que l’on voit parce que dans le karaté, vous avez le moment de confrontation qu’on

appelle les kumite, se rencontrer avec les mains et vous avez un autre aspect les katas qui est

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un enchaînement de mouvements que l’on fait dans le vide. On mime un combat imaginaire,

comme une danseuse qui fait son ballet. Et tout se fait dans une position bien spécifique

qu’on appelle position yoï. Yoï cela veut dire : en garde prêt. Tenez vous prêts. Pour se

mettre en yoï, je vous le montre, je monte les bras, pied gauche, pied droit et je déplie, j’ai

mes poings ici. Je suis en position yoï, je suis prêt à tout. D’ici si j’ai un coup de poing qui

vient au visage je suis prêt à le bloquer. C’est la position prêt ! Allez, on le fait une fois.

Voilà, très bien.

Premier mouvement que l’on apprend, c’est un blocage, une technique de défense, un

balayage de haut en bas qui va servir à sortir un coup de pied. Je démontre : un, on le met à

l’épaule, l’autre coude serré, on déplie. Je le montre ici, voilà comme cela et là on a fait un

blocage. Alors, on va le faire une ou deux fois. En position, on va le faire en reculant le pied

droit. Allez ! On le fait en reculant, un ! Et je reviens.

Maintenant les positions, trois fondamentaux en karaté, vous avez la position avancée

vers l’avant, zen, zen kutsu dachi, ça c’est zen kutsu, jambe arrière tendue, la jambe avant

fléchie, le genou me cache les orteils. J’ai tout le poids du corps sur la jambe avant. Vous

avez une deuxième position fondamentale qui s’appelle kokutsu dachi, position de retrait.

C’est l’inverse, poids du corps sur la jambe arrière, j’ai ma jambe avant libérée pour me

servir à frapper avec la jambe avant. Ensuite, vous avez la position intermédiaire, la plus

classique en combat qui s’appelle fudo dachi. Fudo, milieu, zen kutsu vers l’avant, kokutsu

vers l’arrière. D’accord ? Alors, maintenant ce que l’on va voir, c’est à partir de cette

position là, le coup de pied de face. Je montre, de profil pour que vous voyiez bien. Je pars de

fudo dachi, je porte mon coup de pied vers l’avant et je ramène derrière. On va essayer de

faire ça. Allez ! On salue, Reï ! Yoi… Hidari ça veut dire à gauche, un ! Vers l’avant. On le

fait pas en avançant, on le fait sur place pour l’instant. Allez, un ! Et je ramène derrière.

Deux !...Dix. Alors maintenant on va travailler de l’autre côté. Jambe gauche, un !

Deux…c’est trop raide…dix. Yame ! Vous revenez ici, pied droit, gauche. Bon, vue l’heure on

va devoir arrêter là on continue mardi prochain.

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ANNEXE 20

C : Giovanni, peux-tu s’il te plait faire un bilan de séance ?

G : C’est vrai qu’une heure cela va très vite. Bon, c’est vrai aussi que j’ai pris une vingtaine

de minutes pour entrer dans l’activité, un peu l’expliquer. Bon, en plus, les élèves ne sont pas

habitués à ce genre de pratique et de façon de faire, cela reste assez dirigé comme activité.

C’est vrai, il n’y a pas eu de réticence verbale mais ils ont accusé le coup quand même.

Ensuite, l’activité amène les élèves à se questionner. C’est une activité qui leur fait sûrement

peur et le refus vient sans doute de cette peur, d’être à l’écoute de son propre corps, de soi et

cette activité par le fait de la manière dont elle est transmise amène l’individu à réfléchir sur

lui. J’ai pas eu le temps de faire toute ma séance, tout ce que j’avais prévu mais bon, je pense

que dans les premières séances il faut se limiter à une posture et une technique, la travailler

isolée, puis avec un partenaire et cela prend beaucoup de temps…à faire. J’en suis là, voilà.

C : Giovanni, comment qualifies-tu ton entrée dans l’activité ?

G : Je l’ai abordé sous l’aspect martial. Le côté sportif je l’ai complètement laissé, j’ai

préféré développer le côté défensif et protecteur.

C : Dans le questionnaire préliminaire que tu as rempli, je demande justement de décrire très

sommairement l’entrée dans l’activité. Et donc avant de commencer ce cycle, on peut lire :

« entrer dans l’activité par l’affrontement défini ; travail de situation à deux ; mise en

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situation réelle. Peux-tu nous dire pourquoi un tel écart entre ce que tu avais prévu avant le

cycle et ce que tu as fait aujourd’hui ?

G : Je pense qu’il faut faire une nuance entre le dire et le faire. On sait très bien que ce que

l’on prévoit par écrit, on ne peut pas le tenir. A un certain niveau, on adapte au fil du temps,

de la séance même…Dans le discours c’est vrai que l’on retrouve plus un karaté pour la

confrontation et il est vrai aussi que dans la première séance entrer dans la confrontation dix

minutes après le début de l’activité, je pense que ce n’est pas possible ou alors cela tourne en

bagarre de rue. Il faut connaître un minimum de techniques de karaté pour les mettre en

application ensuite. Si c’est pour lancer des coups de poings et coups de pieds issus d’autres

sports de combats, même si au niveau de la gestuelle cela se ressemble, là mon but essentiel

c’était la présentation de l’activité de défense donc je suis rentré par l’apprentissage de

techniques de défense et non pas par des techniques d’attaque.

C : Cette séance présume-t-elle de la suite du cycle, où va-t-il y a voir une rupture à un

moment donné ? Si oui, laquelle, quand et pourquoi ?

G : Pour la suite, je pense que je ferai directement exécuter les techniques à deux, en miroir,

l’un avance l’autre recule en effectuant la même technique. Je pense qu’il faut la présence de

l’autre, qui fait que la motricité est différente. L’incertitude n’est pas que symbolique. Mon

cycle évoluera comme cela.

C : Quelle différence fais-tu entre le karaté que l’on enseigne en club et le karaté que toi tu

enseigne ici au collège, dans le cadre scolaire ?

G : D’abord il y a une différence de contexte. Le karaté en club, la plupart du temps est

enseigné dans des dojos, dans des espaces qui sont donc adaptés : il y a des tapis, il y a des

portraits de maîtres, il ne se fait que cette activité là, il y a un ressenti qui est différent. Si on

le fait dans des gymnases, cela appartient à tous les élèves, à l’école donc le lieu n’est pas

personnalisé. Ensuite il y a l’aspect vestimentaire : en club il y a le kimono, les ceintures de

couleurs, les grades, il y a une hiérarchie et on retrouve un peu la hiérarchie familiale avec un

chef de groupe… Autre point, en club les élèves sont demandeurs. Ici au collège, il y en a

certains à qui cela peut faire plaisir de faire du karaté mais il y en a d’autres qui le vivent

comme une contrainte et donc il peut y avoir des distances, des différences.

C : Giovanni, je te remercie.

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ANNEXE 21

C : Giovanni, ce cycle karaté étant sur le point de se terminer, peux-tu dire ce que tu as

enseigné ?

G : Ce que je pense avoir transmis, c’est savoir se taire c’est-à-dire écouter ce qu’on nous

demande. S’organiser en groupe, se mettre en place pour le salut. Ce sont des choses

auxquelles j’attache de l’importance et que je pense avoir transmises. Là, on leur demande

d’être à l’écoute de leur corps, et cela demande le silence. Au niveau technique, déjà savoir

fermer un poing, savoir ce qu’est une garde à droite, une garde à gauche et différencier les

techniques pieds des techniques poings ; séparer le bas du haut du corps, pour moi c’est

quelque chose d’important. Ensuite dans la confrontation, dans le rapport à l’autre,

maîtriser que l’on peut le toucher mais on ne va pas le toucher. C’est la notion de contrôle.

Voilà les trois ou quatre valeurs que j’ai essayé de transmettre.

C : Tu développes donc des savoirs éthiques. Ensuite, tu as parlé de dissociation, on est là

plutôt sur le registre des sensations. Mais ton cycle n’a-t-il été emprunt que de cela ? Y-a-t il

par exemple des avoirs stratégiques qui ont été transmis ?

G : Stratégiques, oui, dans le placement par rapport à l’autre, être à la bonne distance.

S’adapter à la situation de l’autre, par exemple s’il est en garde à droite, me mettre aussi

en garde droite. Les techniques ont été un peu limitées. Cela a été un coup de pied direct et

un coup de pied circulaire. Techniques de poings oï tsuki et gyaku tsuki et les blocages haichu

uke et soto uke, voilà.

C : On en vient maintenant à la séance d’évaluation qui va avoir lieu, quelles sont tes

intentions en matière de savoir à évaluer ?

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G : L’évaluation va porter sur un domaine très simple, un ippon kumite. Alors la

situation se fait en garde de combat à gauche, tout est préréglé au départ, l’incertitude

est donc faible. On part sur une attaque mawashi geri droite, blocage haichu uke et

riposte gyaku tsuki, point. Ce que je vais évaluer, d’une part le respect du protocole, il est

écrit ce protocole et distribué aux élèves, ils vont donc en avoir connaissance. On leur

demande de faire cela, ils respectent le protocole, ce qui est demandé. Deuxième point, c’est

les attaques, si elles sont données à bonne distance et au bon niveau. Ca, c’est pour tori,

l’attaquant. Ensuite il y a la défense : est-elle bien exécutée, efficace, à bonne

distance ? La riposte : est-elle immédiate, efficace ? elle peut être immédiate et pas

efficace car pas à la bonne distance, trop loin par exemple.

C : Si je comprends bien, il n’y a pas d’incertitude dans la situation car tout est déterminé,

l’arme, la distance, la cible est annoncée. Est-ce une situation qui a déjà été travaillée en

cours ?

G : Ils ont déjà travaillé ce cadre, avec différents partenaires. Là comme c’est l’évaluation, ils

sont par quatre avec deux filles et deux garçons, les filles évaluent les garçons et inversement.

C : Tu as donc prévu un co-évaluation, mais comment t’en sers-tu ? Prévois-tu d’évaluer toi-

même les élèves ou ne vas-tu te servir que de ce que tu vas récolter des élèves eux-mêmes ?

G : Non, non, je prévois d’utiliser ce qu’ils vont évaluer. Il en ressortira une note et moi

ensuite je mets une note de participation.

C : Giovanni, je te remercie.

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ANNEXE 22

G : La séance a démarré, vous vous mettez sur une ligne s’il vous plaît. Pieds joints, bras le

long du corps. On salue. Reï ! Bien. Vous allez vous mettre par groupes de quatre, deux filles,

deux garçons. Les garçons, vous vous mettez avec le partenaire avec qui vous allez travailler

et les filles pareil, avec la partenaire. Je donne une fiche pour quatre, sur laquelle vous avez le

protocole.

(Giovanni organise les groupes, fait se munir les élèves de crayons et recadre un peu la classe

qui est très agitée dans son ensemble).

Vous vous asseyez, il faut que l’on se dépêche ! Vous vous mettez en rond s’il vous

plaît, vite ! Alors, pour commencer vous vous échauffez. Un groupe, deux garçons, deux

filles. Les deux garçons, vous venez là. Pendant que deux travaillent, les deux autres vont

évaluer. Qui est tori, qui est uke ? Tu te mets en face pour le voir. Toi tu vas noter par

exemple tori et toi uke. Dans la grille tori, tu as la technique…et là uke. Vous avez une fiche

par élève, vous notez quand il a le rôle de tori et quand il a le rôle de uke.

Vous avez bien lu le truc ? Coup de pied circulaire, blocage, contre-attaque. Saluez ! En yoï !

Quand je dis hadji me vous vous mettez en garde à gauche. Hadji me, allez-y ! Tu coches à

chaque fois, la distance, elle était bonne ? Tu coches. Maintenant on inverse les rôles. Vous

avez pu cocher ? Vous avez compris la mécanique ? Allez ! Mettez vous en place !

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(A partir de là, Giovanni navigue dans les différents groupes pour vérifier que les élèves se

mettent au travail, comprennent les consignes et surtout remplissent bien les fiches. Il met

donc les élèves en activité de co évaluation s’ils traînent, aide les élèves à bien déterminer les

rôles (attaquant, défenseur, évalué, évaluateur), répond à leurs questions et contrôle le

déroulement. Il intervient dans la co évaluation en donnant son appréciation comme ici où il

dira : « là, la distance elle n’y est pas, tu vois, il est trop loin », où encore là : « ton attaque

elle est pas haute, alors tu mets non respect du protocole », par exemple).

Allez ! Vous rendez les fiches ! Venez là s’il vous plaît ! Vous vous asseyez tous, face à moi.

Faites du silence et cela ira très vite. Vous avez pu constater comme moi qu’il est très difficile

de travailler dans du bruit, dans du vacarme ; si cela ne vous dérange pas moi cela me dérange

énormément. Si chacun avait fait du silence, on aurait pu travailler plus facilement et plus

rapidement. Deuxième point, je ne sais pas comment vous a paru cette fiche, est-ce qu’elle

vous a paru difficile à remplir ? Non, pas tant que cela. Est-ce qu’elle vous a paru

insuffisante ? Sûrement, oui, elle aurait pu être meilleure la fiche. Bon, vous vous levez, vous

y allez. Au revoir.

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ANNEXE 23

C : Giovanni, entre le début du cycle où l’on a pu assister à une entrée dans l’activité très

technique avec beaucoup de travail dans le vide, et l’évaluation telle que tu viens de la faire,

tournant autour d’une situation d’assaut conventionnel, donc très stratégique il y a une

évolution. Comment ce passage s’est-il fait ? Et quand ?

G : Cela s’est fait vers…disons, aux trois quart du cycle. Au début, les élèves avaient un peu

de mal à comprendre ces gestuelles, qui ne sont pas, disons, naturelles, on est sur des

comportements appris. Et à un moment donné quand ils ont réussi un peu à faire ces

techniques là, les expérimenter sur autrui et donc le travail à deux s’est imposé, ne

serait-ce que pour eux concrétiser un peu ces gestes. Moi aussi, j’ai tout fait pour faciliter

ce travail là.

C : A chaud, juste après ta séance, vois-tu un écart entre ce que tu comptais évaluer et ce que

tu as réellement évalué ?

G : Dans la conception, j’ai pensé qu’il y avait un temps d’évaluation beaucoup plus long

alors que là, dans la réalisation pure, je me suis rendu compte que cela allait très vite mais pas

seulement moi, les élèves aussi, j’ai vu qu’ils étaient un peu dépassés par la rapidité de

l’assaut. Cela nécessite d’observer, de mémoriser et d’évaluer après coup. Et cela, certains on

réussi, d’autres ont un peu patiné. Bon, il y avait cinq critères pour tori, cinq critères pour

uke…j’aurais peut-être dû limiter à trois critères.

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C : De la même manière, quel écart notes-tu entre ce que tu a enseigné et ce que tu viens

d’évaluer ?

G : C’est sur qu’il y a un décalage. Ce que j’ai évalué, ce n’est qu’en partie ce que je leur ai

transmis. Je suis convaincu qu’il y a une grande partie de ce qu’apprennent les élèves qui n’a

pas été enseigné. Je dis bien en partie. Le coup de poing, le blocage cela a été appris mais la

distance par exemple…les élèves s’adaptent à la situation.

C : Dans l’entretien ante, juste avant la séance, tu m’as dit que le savoir évalué était

stratégique. En quoi les savoirs évalués prennent-ils en compte des savoirs stratégiques ?

Peux-tu en donner un exemple ?

G : Le fait de se mettre à bonne distance pour faire un bon blocage et anticiper sur la

contre attaque, voilà. La distance pour faire un blocage n’est pas la même que pour la

contre attaque et cette anticipation là ne fait pas partie des choses que l’on peut

transmettre. C’est la contribution de l’élève, une stratégie que l’élève a construit. Pas

forcément que l’enseignant lui dispense.

C : Si l’on reprend la fiche de co évaluation, quels indicateurs a l’élève pour apprécier si la

distance est « conforme, limitée ou autre » ?

G : Au cours du cycle on a vu que la distance conforme c’est celle où l’on ne touche pas mais

où l’on est en mesure de toucher.

C : En observant les élèves à l’évaluation, j’ai remarqué que majoritairement, la distance de

uke est inadaptée. N’est-ce pas pourtant un problème purement technique ?

G : Le problème est technique, je suis d’accord, mais je dirai surtout que c’est la peur de

toucher. C’est plus un problème de confiance en soi dans le rapport à l’autre.

C : En bas de la fiche d’évaluation, tu notes : « cinq critères sont évalués » ; peux-tu me les

redonner parce que je n’en trouve pas cinq, en fait.

G : Oui, comme l’incertitude était préréglée cela me fait quatre. J’ai fait une boulette parce

que l’incertitude fait partie intégrante de la situation sans qu’elle soit évaluée.

C : Pourquoi l’efficacité en attaque n’est-elle pas prise en compte ? Je vois que la forme est

prise en compte mais si on prend l’élève là Roxane, qui sur l’attaque mawashi touche son

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adversaire, il n’est pas prévu que cela soit bonifié dans la mesure où son attaque est efficace

puisqu’elle touche ?

G : Ca c’est sûrement une déformation du karaté où l’on privilégie la défense sur l’attaque.

D’ailleurs en compétition la majorité des points sont marqués en contre attaque pas en attaque

directe. Alors c’est vrai que je n’ai pas valorisé l’attaque, était-ce volontaire ou involontaire ?

mais je préférais mettre l’accent sur le travail du défenseur en contre-attaque. C’est vrai

qu’un critère d’évaluation en attaque pouvait être intéressant aussi ne serait-ce que pour

l’élève, la capacité à attaquer. Malgré tout, la défense reste la meilleure attaque.

C : Pour terminer, j’aimerais que tu fasses un rapide bilan de ton cycle.

G : Cela a été un cycle difficile. Ce n’est pas la classe la plus facile que j’ai. De plus, la façon

dont je l’ai fait, disons technique et rigoureuse, les élèves n’aiment pas trop. Ils préfèrent

rentrer dans l’activité par le jeu. Au niveau de la progression, c’est vrai qu’entre le point de

départ et le point d’arrivée, il y a une évolution dans le comportement moteur et aussi dans le

comportement en général. J’ai quand même pu remarquer des élèves pendant l’évaluation qui

avaient un réel souci de bien faire. Certains ont donc adhéré à cela. Je renouvellerai

l’expérience mais peut-être en optant pour une entrée plus large. Est-ce aussi à mon insu le

fait que je sois spécialiste de cette activité qui m’amène à vouloir l’enseigner en milieu

scolaire autrement que les autres APS ? C’est une interrogation, à réfléchir…Dans les autres

APS, on cherche moins la perfection peut-être. Là, on a du mal à déroger à la règle…

C : Et si on déroge à ces règles de recherche d’une certaine perfection technique comme tu le

disais, penses-tu que l’on dénature forcément l’activité ?

G : Je ne le dirai pas comme cela. Je dirai peut-être que l’on y change de sens. Y-a-t-il un

karaté pur et un karaté sportif ? Cela fait partie des choses que l’on dit dans le milieu quand

on parle d’un club : « là on fait du vrai karaté ». Cela implique qu’ailleurs on pratique un

autre karaté. Pour répondre, c’est sur qu’il y a un karaté traditionnel, issu de l’héritage

japonais et l’on peut parler aussi d’un karaté « francilien », plus axé sur la compétition, avec

des structures plus aménagées…

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C : Excuse moi Giovanni de te couper mais qu’entends-tu par karaté francilien ? Fais-tu

référence à un karaté pratiqué dans la Ligue Ile de France, siège de la Fédération Française et

où l’on doit effectivement être plus au cœur des problématiques de cette structure ?

G : Je veux parler d’un karaté français. Il est vrai que la France a été référente du karaté sur le

plan mondial car le Président a longtemps géré les structures européennes et mondiales. Donc

le karaté s’est francisé, en compétition, où la compétence des français est très reconnue. On

est donc entrecoupé entre disons…le budo, tout ce que peut véhiculer de symbolique et de

culturel l’activité, autre que la simple pratique physique. Le karaté reste une activité entre le

sportif et le culturel.

C : Tu sembles remettre en cause ton entrée dans l’activité par rapport à cette classe, donc si

c’était à refaire, que ferais-tu ?

G : Dès la première séance je les mettrais par deux, sans trop me préoccuper des

techniques purement spécifiques du karaté. Donc, chercher à faire des tsuki et des gedan

baraï, niet ! On entre tout de suite dans l’action et petit à petit je rendrais ses spécificités au

karaté. Je l’introduirais petit à petit. Moi, j’étais trop attaché aux spécificités d’entrée, donc je

ferais une approche plus globale, comme un cycle percussions, pieds-poings, pour arriver

ensuite au karaté pur.

C : Giovanni, je te remercie.

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ANNEXE 24

Chercheur © : Qu’est-ce que t’a apporté la pratique du karaté au niveau personnel ?

Giovanni (G) : J’ai commencé le karaté, j’avais 14 ou 15 ans et c’était une période pour moi

difficile sur le plan personnel, je dirais tout simplement… je souffrais d’obésité. J’étais petit

et gros et on m’appelait « le gros F. », voilà. J’ai souscrit à cette pratique là, peut-être pour

m’amener un sentiment de sécurité. Où je pourrais m’exprimer plus librement, où l’on

m’acceptait d’une façon plus traditionnelle et plus simple. Parce que ma famille est partie vers

les sports co, je suis issu d’une fratrie de six, et moi on m’a fait comprendre que je n’étais pas

fait pour cela vu ma corpulence. Pour moi, le karaté a été un champ…où l’on m’a regardé. Et

puis dans mon historicité personnelle cela a été sûrement la reconstruction symbolique du

père. Alors pas d’un père absent, présent en chair et en os mais absent par l’esprit. La

reconnaissance du ventre, du Maître, du père, cela a été un peu ça pour moi. J’étais loin

comme certains copains dans les année 69, année de ma première licence, de pratiquer pour

apprendre des techniques et aller dans les bals pour faire un peu de bagarre. Moi, j’étais très

loin de cela. Cela a été un sas de sécurité et surtout de construction personnelle. Dans une

fratrie de six, où j’étais méprisé, cela a été un champ de différenciation aussi. Voilà ce que je

peux dire, presque 40 ans après, 40 ans même puisque je vais avoir 54 ans le 23 février.

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C : Quelle influence cela a-t-il sur ton enseignement du karaté ?

G : Sûrement, sûrement oui. En karaté lorsque l’on est apprenant, on est un petit peu sous la

coupelle du professeur, du Maître. Et lorsque l’on construit sa propre conception de l’activité

et que l’on devient soi-même professeur, on se sépare de nos pairs et les relations se

compliquent un petit peu. On a acquis une expérience et moi dans ma représentation, il y a ce

côté héroïque du Maître, on devient fort physiquement et on a l’impression d’avoir une

certaine force mentale. Ce statut de senseî, celui qui est devant, ne nous déplait pas au départ

et souvent on reproduit la façon dont on a soi-même vécu la chose. Je l’ai donc reproduis

comme moi je l’avais appris. Et maintenant que je l’ai intégré dans le champ de l’éducation

physique et sportive, je me suis éloigné du karaté originel.

C : Tu dis, Giovanni, que tu reproduis ce que l’on t’a transmis. Mais que reproduis-tu

exactement ?

G : Et bien, je reproduis cette notion du Maître, cet aspect un peu paternel. Je ne dirais pas

que c’est une forme de soumission, mais l’élève doit suivre un peu ce que fait le Maître, mais

avec cette notion de confiance. On n’apprend pas en karaté comme on apprend en foot, il faut

rentrer dans un moule quoi… La formation c’est une déformation, d’abord. Moi, mon

professeur a été formé par des japonais et son niveau culturel et intellectuel lui a permis de

réfléchir un peu sur tous les aspects du karaté. J’ai reproduis ce schéma, pas longtemps mais

je l’ai reproduis à un moment donné. On est dans l’isomorphisme mais comment peut-on en

sortir, comment ? Pour apprendre, on est bien obligé de commencer par quelque chose.

C : Quand tu enseignes le karaté en EPS, quel savoir faut-il selon toi enseigner en priorité ?

G : Je ne serai pas sur un pôle technique, mais sur un pôle…savoir se taire. Pour moi, c’est

quelque chose de très important. Savoir se taire, cela veut dire qu’on est dans le contrôle et

qu’on est à l’écoute. On essaie de répondre à la demande. Chose qu’aujourd’hui les jeunes ne

savent plus faire. Ils entendent mais ils ne savent plus écouter. S’il n’y a pas de plaisir

immédiat, il va y avoir forcement un blocage. Le karaté, s’il y a rejet, cela renvoie à une

autorité, à une discipline. Le karaté, aussi pour moi, c’est la notion de respect, envers celui qui

transmet. Ensuite, techniquement, ce qui me paraît le plus important, c’est savoir tenir debout.

C’est fondamental. Se déplacer, le reste c’est de la gestuelle pieds-poings qui vient après, qui

va s’appuyer dessus. La posture, c’est comme pour une maison, les fondations. Si j’ai un

corps stabilisé au sol, après je peux donner les techniques, faire des blocages etc.

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C : Giovanni, peux-tu tout d’abord définir ce qu’est pour toi le karaté en EPS ?

G : Si je définis ce qu’est le karaté en éducation physique et sportive, je réponds qu’est-ce que

peut apporter le karaté à l’EPS ? Pour que cette activité soit profitable aux élèves il faut la

présenter autrement, avec moins de contraintes, un peu comme une activité de percussions. La

notion de ceinture et de kimono fait un peu obstacle en EPS. Par contre, dans la pratique, le

fait de contrôler ses techniques amène un contrôle sur soi. Contrôle de sa respiration, de ses

émotions. Mais c’est une démarche volontaire de l’élève. S’il n’y a pas adhésion, cela ne

marche pas trop. Il faut je pense que l’élève soit dans une quête de quelque chose. Voilà, je ne

peux pas enseigner le karaté dans un établissement scolaire, dans un cycle EPS comme je

l’enseigne en club, je suis obligé de l’adapter. C’est quelque chose que l’on impose, que l’on

propose aux élèves, ils ne sont pas dans une demande, et ça change tout.

C : Mais à part le fait qu’il n’y ait pas de grades et pas de kimono en EPS, qu’est ce qui

diffère d’autres ?

G : Ce qui diffère d’autre, d’abord c’est que ceux qui sont en club sont dans une demande.

Ensuite, ce qui diffère c’est aussi l’organisation des groupes. Le karaté traditionnel, on se met

en ligne, il y a une gestion de l’espace qui est différente, c’est une transmission qui est je

dirais, frontale. Il y a le senseî qui est devant et les autres en face. En EPS, les élèves sont

tellement habitués dans l’apprentissage des autres activités à ne pas être dans cette

transmission frontale, comment faire alors pour faire autrement ? Au dojo, le senseî, quand il

montre un mouvement, il le montre toujours à la même place. Il y a un espace pour

l’enseignant et un espace pour l’apprenant. Dans un gymnase, on peut montrer un mouvement

en tournant, en se déplaçant et ça passe mieux au niveau des élèves. Moi, je le perçois comme

cela, maintenant…

C : Lors de ta présentation du cycle aux élèves tu leur dis, je te cite : « C’est un travail sur soi,

trouver son propre chemin mais aussi sa propre rencontre parce que vous allez vous

rencontrer vous-même. C’est la pire des rencontres de se rencontrer soi-même ». Pourquoi

dire cela aux élèves à ce moment là ? Que veux tu leur dire là ? Est-ce un message ?

G : Oui, c’est moi qui déteint là…C’est inévitable. Bon, là j’avais la casquette du prof de club,

parce que je suis persuadé que c’est une rencontre avec soi-même, même si on ne l’a pas que

là. On l’a dans d’autres activités mais dans les arts martiaux, on ne peut pas tricher avec soi-

même. C’est aussi pour cela que le silence leur fait peur, parce que faire silence, c’est être à

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l’écoute de soi et c’est affolant, angoissant pour certains. Plus je fais du bruit, plus je m’oublie

et moins je pense à moi, plus je fuis, voilà. Les jeunes d’aujourd’hui il leur manque quelque

chose dans leur éducation, c’est la castration orale. C’est la frustration de savoir se taire et

écouter. Par le verbe, par le corps, il faut que cela bouge tout le temps, ils sont hyperactifs,

c’est un mal que nous avons aujourd’hui avec la jeunesse. Ils n’ont pas été castrés oralement

et cette frustration pour moi fait partie de l’éducation. Et je ne pense pas que cela puisse

former des êtres traumatisés.

C : Giovanni, tu as parlé tout à l’heure de savoirs comme savoir se taire, mais aussi de savoir

tenir debout, se déplacer, ce sont des savoirs que tu cherches à transmettre et à faire

approprier aux élèves. J’ai donc cru percevoir moi que le savoir enseigné au cours du cycle

est technique et éthique. Es-tu d’accord avec cette analyse tout d’abord et si oui pourquoi

avoir insisté notamment sur ce versant du karaté ?

G : Oui, je suis tout à fait d’accord. Je pense que c’est ce que j’ai retenu d’essentiel qui m’a

permis de devenir. C’est à travers cela que j’ai pu transformer mon corps et mon esprit. Alors

on peut poser la question, est-ce que parce que cela m’a transcendé que cela va transcender

autrui ? Quand on transmet quelque chose, on s’appuie sur ce que l’on connaît et que l’on

maîtrise. On a pu le vérifier.

C : J’en viens maintenant au savoir à évaluer. Tes intentions avant de débuter le cycle, écrites

dans ta réponse au questionnaire préliminaire sont : « ippon kumite, kata et combat souple ».

Visiblement, au regard de ce que tu as évalué, le ippon kumite uniquement a été évalué. Peux-

tu expliciter cet écart entre SAEV et SREV ?

G : Oui, je n’ai pas été à un moment donné assez modeste avec mes exigences. Déjà

apprendre un kata sur un cycle, c’est déjà bien, alors de là à faire en plus du combat, le ippon

kumite…et tout évaluer…Et puis il y a peut-être aussi la difficulté de faire un choix sélectif,

de se dire, j’en reste à cela et je reste modeste dans mon exigence. Le peu que je vais évaluer,

je vais l’évaluer bien. Si j’ai choisi le ippon kumite c’est parce que c’est important. On reste

dans la logique, tout se passe sur un coup. Attaque, défense contre attaque, on privilégie cet

aspect de la défense. L’origine du karaté.

C : Au niveau de ce que tu cherches à évaluer, tu as écrit à l’intention des élèves que « le

critère riposte est doublement évalué ». Peux-tu préciser ce que tu veux dire par là ?

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G : Oui, je m’en souviens. Doublement évalué parce que dans ma logique du karaté, on

privilégie la défense. Si l’activité a été conçue pour se défendre et pas pour attaquer encore

faut-il savoir se protéger, c’est-à-dire bloquer une attaque et après contre-attaquer. On est dans

un mécanisme de défense, pas dans un mécanisme d’attaque. La reprise d’initiative, c’est

quelque chose d’important. On voit souvent en compétition que les points marqués le sont en

contre, pas sur des attaques directes, pas sur des prises d’initiative. Marquer directement cela

arrive, mais c’est plus rare. La riposte fait partie de la défense.

C : Lorsque je regarde ta situation d’évaluation en ippon kumite, j’ai l’impression - mais ce

n’est qu’un point de vue - que tout est déterminé par avance, l’arme, la cible, la distance.

Peux-tu m’éclairer sur ce choix ?

G : Avec des néophytes dans l’activité, mon objectif était de ne pas laisser d’incertitudes. J’ai

sûrement pensé qu’ils étaient à un stade où l’incertitude était risquée. C’est le premier palier,

arme, cible et distance définies.

C : Comme tout est défini, et qu’il n’y a pas d’adaptation à faire, de la part de l’élève, penses-

tu que c’est une évaluation technique ?

G : Si déjà l’élève est à bonne distance pour bloquer et qu’il contre attaque dans une distance

convenable, pour moi, il est dedans. Ce qui est important, c’est d’être à bonne distance, le

geste technique du blocage n’a pas d’importance en soi. La technique ce n’est qu’une

représentation, une trace. Si on est dans la technique, on est dans la subjectivité.

C : Giovanni, nous sommes arrivés au terme de cet entretien, y a t il quelque chose que tu

aimerais rajouter, ou préciser ?

G : Le tour a été un petit peu fait…La difficulté d’introduire une activité comme celle-là a été

évoquée. Si, ce que je dirais comme cela c’est mettre en place plus de cycles comme celui là

permettrait d’arriver à une projet de cycle plus intéressant, beaucoup plus construit. Il n’y a

pas encore eu de travaux didactiques sur le karaté donc on fait appel à son expérience

personnelle.

C : Giovanni, je te remercie.

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ANNEXE 25

C : Giovanni, lors de notre dernier entretien tu as plutôt développé ce que peut apporter le

karaté en EPS. Peux-tu maintenant définir précisément ce qu’est pour toi le karaté en EPS ?

G : Le karaté, la représentation que j’en ai, le karaté je le dis…la métaphore…le karaté sert à

dompter la bête. Il est certain que pour moi la karaté a été une thérapie dans mon histoire

personnelle et il est fort possible qu’à mon insu peut-être, j’attends en présentant cette

activité, une transformation de l’individu. Donc je suis dans ce registre, mais peut-être

faudrait-il changer de registre ou l’adapter…

C : Tu parles là de transformations, mais tu parles desquelles exactement, des transformations

motrices ou plus ?

G : J’attends plus que des transformations techniques et motrices. Pour moi, j’entends

transformations comportementales, de l’attitude.

C : Tu dis aussi à propos de ce qu’il faut enseigner en priorité du karaté en EPS :

« techniquement, ce qui me paraît le plus important, c’est savoir se tenir debout, c’est

fondamental. Se déplacer […] La posture, c’est comme pour une maison les fondations ».

Demain, Giovanni, tu as un cycle karaté à conduire en EPS, sur ce thème de cycle, comment

t’y prends tu pour enseigner cela ?

G : La première chose que je mettrai en avant c’est déjà être à l’écoute de soi. Quand on est à

l’écoute de soi, se recentrer sur ses sensations, au sens large, de son corps, de son souffle,

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alors on peut être à l’écoute de l’autre, du professeur, des consignes qu’il donne. Et se tenir

debout c’est une posture. Sentir son corps, c’est-à-dire l’enracinement, comment je me

déplace, suis-je en équilibre ? Se sentir dans cette verticalité quoi ! La verticalité est symbole

de vie, de force, en opposition à l’horizontalité, qui est symbole de mort. C’est le cerveau qui

commande le corps et pas le corps qui s’en va n’importe quand, n’importe comment. C’est le

cerveau ordinateur qui pilote le corps. Je ferais donc un cycle à base de situations de blocages

qui imposent de garder cette verticalité, cet équilibre ou dans des situations d’attaque, ne pas

se jeter sur l’autre n’importe comment, toujours être maître de soi, le corps bien droit. On peut

le faire aussi sur des situations de kihon.

C : Tu as dit aussi à propos de ton enseignement du karaté en EPS : « je l’ai donc reproduis

comme moi je l’avais appris (en parlant du karaté). Je reproduis cette notion du Maître ».

Giovanni, penses-tu que l’on enseigne ce que l’on est, plus particulièrement en karaté, et

pourquoi ?

G : On enseigne ce que l’on est parce que ce que l’on est c’est la façon dont on s’est construit,

bon. Je suis persuadé que l’on ne peut transmettre que ce que l’on est parce que ce que l’on

est c’est la façon dont on a été façonné, forgé au sens littéral du terme. C’est ce qui nous a

permis d’être et de devenir. Alors peut-on dépasser l’isomorphisme pourquoi pas ? Certes,

mais il faut à ce moment là se décentrer énormément de soi et sûrement transmettre autre

chose de l’activité que ce qu’on a vécu et là on rentre dans la didactique qui prend en compte

les besoins des élèves, des autres, et qui ne correspondent pas à ses propres besoins. C’est

alors une attitude qui nécessite une grosse réflexion didactique et une prise de distance assez

importante. Je le dirais comme cela : on franchit une porte pour entrer dans le karaté mais il

faut pouvoir en sortir pour y revenir sans vouloir y rester.

C : Giovanni, lors de notre dernier entretien, tu as dit : « la reconnaissance du ventre, du

Maître, du père, cela a été un peu cela pour moi ». Peux-tu s’il te plaît développer la raison

pour laquelle tu as pratiqué le karaté, liée comme tu sembles le dire à tes relations

paternelles ?

G : je suis rentré dans l’activité karaté dans les année 67-68 et cela a été pour moi une façon

d’être reconnu par un ancien. Dans mon histoire familiale, on jouait au foot, mon père étant

un bon joueur, il avait joué en deuxième division. Je suis le seul qui ne suis pas allé au foot et

si je suis allé au karaté c’est que j’avais une quête personnelle de transformation. Il faut dire

qu’à cet age je n’étais pas très bien dans mon corps, à l’époque je faisais 92 kg. Donc pour

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moi, c’était souscrire à quelque chose qui allait me transformer et cela m’a permis de

construire un sas de sécurité. C’était pour moi quelque chose de salutaire et de sécuritaire

surtout qui m’a permis de me réaliser et de forger des mécanismes de défense.

C : Dans le même ordre d’idée, qu’entends-tu par : « on est sous la coupelle du Maître ».

G : Tant que l’on est apprenant on est un petit peu disons… dans ce rapport…disons… maître

esclave, Hegel a beaucoup parlé de ce rapport. Aujourd’hui on dirait maîtrise- servitude.

Quand on est apprenant on est toujours dans ce rapport là de celui qui sait et celui qui ne sait

pas. Quand le karatéka acquiert le grade de ceinture noire, il y a une émancipation qui se fait

et à ce moment là il peut exister par lui-même et il a sa propre réflexion, qu’il avait déjà mais

qu’il peut exprimer. Il devient un pair.

C : Giovanni, nous arrivons au terme de cet entretien, j’aurais alors une dernière question :

quelle est ta référence pour l’enseignement du karaté en EPS ?

G : Alors si j’ai une référence elle sera typiquement f…lienne (il emploie son nom de famille

auquel il ajoute ce suffixe). Dans la pratique même, il y a très peu d’ouvrages si ce n’est

quelques revues dans le monde de l’éducation physique qui ont traité du karaté mais

disons…la référence technique, j’ai été formaté par la référence « Kase » qui a été pionnier de

la JKA, Japan Karaté Association, et de part sa corpulence, c’est la force qui s’oppose. Donc

ma référence technique elle est là. Bien sur il y a aussi Roland Habersetzer, avec qui je n’ai

pas appris le karaté mais dont j’ai du lire tous les livres, l’un des premier ceinture noire en

France. De part ma formation, je dirais aussi que j’ai eu un très bon professeur, il s’appelle

Paul Muchin. A cette époque là c’est quelqu’un qui a eu la même trajectoire que moi mais lui

dans le bois, moi dans la forge, et il a eu une façon de transmettre le karaté qui m’a

énormément plu. Après dans mes références plus didactiques, je me réfère aux pratiques de

percussions en général et notamment la boxe française parce que l’on trouve des ouvrages

intéressants de ce point de vue qui ont été fait. Il y a tout de même pas mal de collègues

professeur d’EPS qui sont Brevet d’Etat premier ou deuxième degré et c’est donc une activité

qui a été didactisée, qui permet de travailler le combat dans un sens un peu moins martial que

l’envisage le karaté.

C : Mais tu as tout de même dis en premier que ta référence était f…lienne ?

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G : Oui, parce que c’est par rapport à mon vécu. Si je n’avais pas eu ce vécu, je serais mal à

l’aise de proposer un cycle de karaté parce que je pense qu’il faut avoir un vécu dans cette

activité pour la proposer.

C : Avant de conclure, il me faut ton accord pour l'utilisation de ton prénom : m' autorises-tu

à l’utiliser dans ma thèse lorsque je parle de toi? En effet, je ne souhaite pas vous mettre des

pseudos ( Denis pour Michel, par exemple) ou des initiales (HF par exemple) car je suis sur

une étude de cas, dont la singularité du sujet est centrale. De ce fait, ton prénom fait à mon

avis partie de ton histoire, qui parfois transparaît dans l'étude de cas.

G : Alors, sachant que les thèses sont publiques, et que j’ai un prénom qui est peu

commun…Comme dans le milieu du karaté, il n’y a personne qui s’appelle comme moi, déjà,

tout le monde va me retrouver, va m’identifier. Alors si c’est dévoiler des choses intimes de

ma vie privée, c’est vrai que c’est toujours dérangeant. Je t’ai tout de même dévoilé des

choses qui me sont intimes alors…là j’ai un moment de silence…à la limite pour rester dans

la singularité dont tu parlais, il n’y a qu’à mettre mon deuxième prénom, c’est Giovanni, c’est

toujours moi, mais je ne serai pas identifié.

C : Très bien. Ce sera fait, tu peux compter sur moi. Je te remercie en tous cas pour cet ultime

entretien et tous les autres aussi. De t’avoir livré comme tu l’as fait et de toute ta contribution

à cette recherche.

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ANNEXE 26

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ANNEXE 27

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Plan académique de formation – Limoges le 26 & 27 janvier 2006

Enseigner le Karaté au collège « Construire un cycle d’enseignement »

Collège B. de Ventadour – 87000 Limoges

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Combat – Les Textes _________________

Activités physiques de combat en 6ème

• projeter en contrôlant la chute de l'adversaire, • au sol, amener l'adversaire sur le dos et le maintenir en choisissant les placements et déplacements

favorables, • utiliser les déplacements de l'adversaire, pour des attaques directes sur tirades ou poussées de

l'adversaire, • accepter l'affrontement, maîtriser ses émotions.

Commentaire : en classe de sixième, une attention particulière peut être accordée aux sports de combat de préhension. Dans ce cas, dans un souci de sécurité, l'expérience de l'affrontement debout ne peut être envisageable avant que l'élève ne sache à la fois chuter et faire chuter sans risques.

Activités physiques de combat cycle central

- Varier la forme et les opportunités des attaques directes.

- Enchaîner les attaques selon les réactions de l'adversaire (esquives simples) : enchaînement dans la même direction que l'attaque initiale ou dans une direction complémentaire de l'attaque initiale.

- Se préparer au combat : identifier les points forts et les points faibles de l'adversaire, connaître et appliquer les règles essentielles d'arbitrage.

- Se donner un projet tactique et l’expérimenter durant le combat.

Commentaire : La pratique des sports de combat doit permettre à l’élève d’exprimer sa volonté de vaincre un adversaire dans le respect de l’éthique d’affrontement en contrôlant ses actions et ses émotions. Par conséquent, l’enseignant veille à ce que la recherche d’efficacité soit menée de pair avec la maîtrise (motrice, affective) des moyens utilisés.

Activités physiques de combat en 3ème

À travers les activités physiques de combat, le professeur doit valoriser une éthique qui met l’accent sur le respect des lieux et des personnes.

Elles développent une culture qui privilégie la maîtrise de soi et fait obstacle aux comportements impulsifs et à la violence.

Dans une confrontation physique, en même temps qu’il exprime sa volonté de vaincre, l’élève, par ses comportements, observe des usages et des règles partagés par tous. L’expérience du combat contribue ainsi à l’éducation à la citoyenneté. L’estime mutuelle qu'engendre le défi physique, l’acceptation du résultat de la confrontation, le développement des capacités d’analyse et d’adaptation font que les activités de combat aident à la construction de la personnalité individuelle et sociale de l’élève.

Durant la scolarité en collège, la pratique des activités physiques de combat doit permettre d’acquérir les compétences nécessaires à la mise en œuvre de conduites offensives construites et contrôlées. À l’issue de son apprentissage, l’élève doit être capable :

- de s’exprimer dans un combat sans risque (cf. remarque),

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392

- de connaître, appliquer et exploiter les éléments techniques indispensables à la réalisation d’actions organisées dans un projet tactique,

- d’éprouver sa connaissance de l’activité dans la tenue de différents rôles sociaux (combattant, arbitre, juge, commissaire…).

Durant la scolarité en collège, la programmation des activités de ce groupe peut aller dans le sens soit de l’approfondissement d’une activité, soit de la diversité des pratiques. Dans ce dernier cas, l’enseignant peut tenir compte du fait que l’intensité des attaques et de l'affrontement augmente avec l’éloignement des combattants. De ce point de vue, les formes de combat dites de préhension (judo, luttes…) peuvent être considérées comme une introduction aux formes dites de percussion (divers types de boxe, française ou autre). Il en est de même des formes de combat sans arme par rapport aux formes de combat avec arme (pour celles-ci, on utilisera des protections adaptées) ,

L ’’’’activitéééé programméééée en troisièèèème a dééééjàààà fait l ’’’’objet d’’’’une duréééée de pratique au collèèèège au moins éééégale àààà 20 heures effectives.

L’enseignement vise essentiellement :

- la maîtrise de connaissances diversifiées grâce auxquelles l'élève adapte ses actions aux comportements et aux réactions de ses a d v e r s a i r e s ,

- la mise en œuvre et l’adaptation d’un projet tactique élaboré à partir de l’observation et de la connaissance qu’acquiert l’élève de ses possibilités offensives et défensives et de celles de ses adversaires, - une gestion des ressources que l’élève mobilise en fonction de la nature de l’opposition et de la durée du combat ou de l’assaut.

Les compétences acquises dans la variété et dans l’enchaînement des formes d’attaque permettent à l’élève de construire son offensive et de trouver des solutions au problème que lui pose son adversaire. L’approfondissement des connaissances propres au combat passe pour l’élève par l’identification des points forts et des points faibles de son adversaire et une meilleure définition de son projet d’action.

L ’’’’activitéééé programméééée en troisièèèème est nouvelle ou a fait l’objet d’’’’un temps de pratique

rééééduit inf éééérieur àààà 20 heures effectives.

Lorsque les élèves effectuent en classe de troisième leur première expérience dans les activités physiques de combat, l'accent doit être mis sur :

- l’acceptation de la confrontation et l’absence de risques dans le sens défini précédemment, c’est-à-dire combattre sans se faire mal et sans faire mal.

- l'acquisition de connaissances techniques par le développement des compétences spécifiques telles qu'elles ont été définies dans les programmes de 6ème, 5ème et 4ème. Celles-ci doivent permettre à l'élève de développer, dans un premier temps en situation d'opposition modérée et dans des situations plus intenses au fur et à mesure des progrès accomplis, les éléments d'une conduite offensive construite et réfléchie. L’élève s’initie progressivement aux aspects tactiques qui font la richesse des activités de combat en développant sa connaissance des attaques directes et des actions combinées.

En raison de leur évolution psychologique et des transformations morphologiques qu’ils subissent, les élèves de troisième débutant ce type d’activités peuvent manifester des comportements de nature à freiner leurs apprentissages (réticence accrue aux contacts physiques, peur de tomber accentuée…). L’enseignant veillera donc à utiliser les procédés pédagogiques les mieux adaptés pour pallier les problèmes affectifs et moteurs, en particulier les activités comme la canne, l’escrime... dans lesquelles l’affrontement se fait par l'intermédiaire d’un engin.

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REMARQUE : S’exprimer dans un « combat sans risque » appelle un commentaire. La notion de combat est centrale et définit la logique de ce groupement d’activités physiques. Cependant, pour éviter à la fois que l’élève ne se fasse mal ou fasse mal en combattant, il est indispensable que les modalités et l’intensité des situations d’affrontement qui lui sont proposées soient déterminées en fonction de ses connaissances techniques et de sa capacité à maîtriser ses réactions émotionnelles. L’éventail des formes d’apprentissage que peut utiliser l’enseignant, allant de la situation d’opposition simple et formelle à l’affrontement libre, permet, quelle que soit la spécialité étudiée, une gradation dans l’engagement physique et, par conséquent, une adaptation au niveau des pratiquants. L’acquisition des compétences visées s’effectue dans le double respect de la sécurité des élèves et de la nature spécifique de ce groupement d’activités.

Projet pédagogique - Activité physiques de COMBAT

* **Exemple***

� Compétences

- S’exprimer dans un combat sans risque - Connaître, appliquer et exploiter les éléments techniques indispensables

à la réalisation d’actions organisées dans un projet tactique, - - Eprouver sa connaissance de l’activité dans la tenue de différents

rôles sociaux (combattant, arbitre, juge, commissaire…).

� Contenus

1- Informationnel : Percevoir ou provoquer les réactions adverse afin de les exploiter. Intégrer les règles d’arbitrage afin d’optimiser sa tactique.

2- Biomécanique : Gérer les critères de réalisation des techniques en terme de vitesse-distance et précision.

3- Affectif : Accepter d’affrontement dans le respect des règles de sécurité. Accepter de combattre avec tous. Maîtriser des émotions.

� Evaluation Page 16…

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LA TRAME D’ENSEIGNEMENT

les jeux de contact et d’opposition

NE PAS ETRE TOUCHE Protéger la cible visée

ALLER TOUCHER Atteindre une cible aux poings ou aux pieds

ACCEPTER L’AFFRONTEMENT

GESTION TACTIQUE DE L’OPPOSITION

- Les attaques directes - Les enchaînements

- Les feintes - Les confusions (désinformations)

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395

Situation de référence

LES CONTENUS D’ENSEIGNEMENT ________________________

� JEUX D’OPPOSITION / COOPERATION Objectifs : « Evaluer la capacité des élèves à accepter sans violence, l’affrontement dans le respect des règles et des partenaires »

« Gérer les émotions que suscitent le contact et l’affrontement ».

PPoouusssseerr

«« PPaasssseerr llaa rr iivviièèrr ee »» PPoouusssseerr ll ’’ aauuttrree ppoouurr

ppaasssseerr llaa rriivviièèrree ((ll iiggnnee))

«« LL eess bbééll iieerr ss »» ffaaccee àà ffaaccee,, ttoorrssee ccoonnttrree ttoorrssee,, ppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree

ddeerrrriièèrree llaa ll iiggnnee,, mmaaiinnss ddaannss llee ddooss

«« LL ee cchhaassssee--nneeiiggee »» PPoouusssseerr llee ppaarrtteennaaii rree aassssiiss jjuussqquu’’ àà llaa ssoorrttiiee

«« LL ee ggeennddaarr mmee eett llee vvoolleeuurr »»

llee ggeennddaarrmmee cceeiinnttuurree llee vvoolleeuurr eett llee ppoouussssee eenn

pprriissoonn

«« llee rr oouulleeaauu ccoommpprr eesssseeuurr »»

PPoouusssseerr llee ppaarrtteennaaii rree qquuii eesstt àà ppllaatt vveennttrree eett

rroouullee

«« lleess ccooqqss »» aaccccrroouuppiiss ffaaccee àà ffaaccee

ppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree ppoouurr llee ddééssééqquuii ll iibbrreerr

((vvaarriiaannttee :: ff iinnii rr ccuullbbuuttooss))

«« llaa bbrr oouueett ttee »» ppoouusssseerr llee ppaarrtteennaaii rree aauu nniivveeaauu ddeess ccuuiisssseess cceeccii aaff iinn dd’’ éévvii tteerr llaa ccoouurrbbuurree

ddoorrssaallee

«« llee ccuullbbuuttooss »» lleess 22 ppaarrtteennaaii rreess ssoonntt ffaaccee àà ffaaccee jjaammbbeess ééccaarrttééeess ppoossééeess eenn

qquuiinnccoonnccee aavveecc cceell lleess ddee ll ’’ aauuttrree.. PPoouusssseerr aavveecc

lleess bbrraass ppoouurr llee ddééssééqquuii ll iibbrreerr

«« CCaahhiinn--ccaahhaa »» ééppaauullee ccoonnttrree ééppaauullee,, ppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree vveerrss llaa

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«« DDoo--ddoo »» ssee tteennaanntt aaccccrroocchhééss aauuxx ccoouuddeess,, lleess ppaarrtteennaaii rreess ddooss àà ddooss ssee ppoouusssseenntt vveerrss llaa ssoorrttiiee.. ((NNee ppaass

ss’’ eeff ffaacceerr ssuurr llaa ppoouussssééee dduu ppaarrtteennaaii rree))

«« llee ssooll ii ttaaii rr ee »» ppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree ppoouurr eennttrreerr ddaannss llee cceerrccllee

«« llee cceerr cceeaauu »» rreeppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree ppoouurr

eessssaayyeerr dd’’ eennttrreerr llee pprreemmiieerr ddaannss llee cceerrcceeaauu

((33 -- 44 jjoouueeuurrss))

«« CClloocchhee ppiieedd »» ppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree ddeerrrriièèrree

ssaa ll iiggnnee oouu lluuii ffaaii rree ppoosseerr llee ppiieedd aauu ssooll ((cchhaannggeerr ddee ppiieedd))

TTeenniirr -- tt ii rr eerr

«« lleess ff rr èèrr eess eennnneemmiiss »» lleess ppaarr tteennaaii rreess ssee

ttiieennnneenntt àà llaa nnuuqquuee eett ddooiivveenntt eessssaayyeerr ddee ttii rreerr

ll ’’ aauuttrree vveerrss llaa ssoorrttiiee

«« llaa ggrr uuee »» lleess ppaarrtteennaaii rreess ssee

ttiieennnneenntt mmaaiinnss ddaannss llaa mmaaiinn ccrroocchheettééeess,, eennttrraaîînneerr ll ’’ aauuttrree ddeerrrriièèrree ssaa ll iiggnnee

Par 2 face à face : Une épingle (ou foulard) sur le thorax. Objectif : Toucher (ou attraper) avant d’être touché ou sans être touché les cibles suivantes :

• Aux poings : L’épingle et/ou le dessus de la tête • Avec le dessus des pieds : les épaules et/ou les flancs

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396

«« llaa ccoorr ddee »» lleess ddeeuuxx ppaarrtteennaaii rreess

ttiieennnneenntt uunnee ccoorrddee ((oouu cceeiinnttuurree)) ddaannss cchhaaqquuee mmaaiinn eett cchhaaccuunn ttii rree

ll ’’ aauuttrree ddaannss ssoonn tteerrrrii ttooii rree

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«« llaa ppooiiggnneett ddee mmaaiinn »» lleess ppaarrtteennaaii rreess ssee sseerrrreenntt llaa mmaaiinn eett

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«« llee ggeennddaarr mmee eett llee vvoolleeuurr »» ((vvaarr iiaannttee))

llee ggeennddaarrmmee cceeiinnttuurree llee vvoolleeuurr eett ttii rree ppoouurr

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vveerrss ssaa ll iiggnnee

«« llee tt rr aacctteeuurr »» ddeeuuxx ppaarrtteennaaii rreess ddoonntt ll ’’ uunn ss’’ aaccccrroocchhee àà llaa cceeiinnttuurree ddee ll ’’ aauuttrree..

CCeelluuii qquuii eesstt tteennuu àà llaa cceeiinnttuurree ttii rree vveerrss uunnee

ll iiggnnee,, ll ’’ aauuttrree rrééssiissttee eenn llee rreetteennaanntt

«« cchhaassssee aauu bbaall lloonn »» ttii rreerr llee bbaall lloonn qquuii eesstt

bbllooqquuéé ssoouuss llee ppaarrtteennaaii rree àà 44 ppaatttteess

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SSee ddééppllaacceerr «« llee ggééaanntt eett llee nnaaiinn »» ddeeuuxx ppaarrtteennaaii rreess ffaaccee àà ffaaccee ddoonntt uunn àà ggeennoouuxx.. CCeelluuii qquuii eesstt ddeebboouutt ddooii tt ppaasssseerr ddeerrrr iièèrree

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«« ll ’’ aatt tt rr aappee cchheevvii ll llee »» lleess ddeeuuxx jjoouueeuurrss ssoonntt ffaaccee àà ffaaccee ddeebboouutt,, llee

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ttiieennnneenntt aavveecc uunnee mmaaiinn uunnee mmêêmmee cceeiinnttuurree,, ii ll

ss’’ aaggii tt ddee ttoouucchheerr ll ’’ ééppaauullee ddee ll ’’ aauuttrree aavveecc

llaa mmaaiinn ll iibbrree

«« ppiinnccee ddee ccrr aabbee »» LLeess ddeeuuxx jjoouueeuurrss ssoonntt ffaaccee àà ffaaccee àà ggeennoouuxx,, ii ll ffaauutt tteenntteerr ddee ssaaiissii rr àà uunnee oouu ddeeuuxx mmaaiinnss llaa cchheevvii ll llee ddee ll ’’ aauuttrree,, aauuttaanntt ddee ffooiiss qquuee

ppoossssiibbllee eenn uunn tteemmppss ddoonnnnéé

AAll llééggeerr «« ll ’’ aasscceennsseeuurr »»

UUnn ddeess ddeeuuxx jjoouueeuurrss aaggeennoouuii ll lléé ssaaiissii tt lleess

ddeeuuxx jjaammbbeess ddee ll ’’ aauuttrree aauu ssiiggnnaall ,, ii ll ddooii tt

ssoouulleevveerr dduu ssooll cceelluuii qquuii eesstt ddeebboouutt eett qquuii ,, rrééssiissttee ssaannss bboouuggeerr

«« llaa ggrr uuee »» UUnn ddeess jjoouueeuurr eesstt ddeebboouutt,, ll ’’ aauuttrree àà 44

ppaatttteess,, llee 11eerr fflléécchhii tt ssuurr sseess jjaammbbeess eett ddooii tt

ddééccooll lleerr ll ’’ aauuttrree dduu ssooll ((vvaarriiaannttee :: eett llee

rreettoouurrnneerr))

«« lleess ppoommppiieerr ss »» UUnn ddeess jjoouueeuurrss ssee ffaaii tt

ppoorrtteerr eenn ppoossii ttiioonn aall lloonnggéé,, ll ’’ aauuttrree

ll ’’ eennttoouurree aavveecc sseess bbrraass eenn ppoorrtteeuurr eett llee ddééppoossee

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TTaasssseerr «« aatt ttaaqquuee dduu lloouupp »»

UUnn ddeess jjoouueeuurrss ss’’ aaccccrroocchhee àà uunnee ppaarrttee

dduu ccoorrppss ddee ll ’’ aauuttrree jjoouueeuurr qquuii eessssaayyee ddee ssee

ddééggaaggeerr llee pplluuss vvii ttee ppoossssiibbllee ((vvaarriiaannttee :: 22 aauu

ssooll ,, uunn ggeennoouu ll ’’ aauuttrree ddeebboouutt))

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«« llaa ppaarr aassii ttee »» UUnn ddeess jjoouueeuurrss eesstt àà 44 ppaatttteess,, ll ’’ aauuttrree ppèèssee àà ppllaatt vveennttrree lleess mmaaiinnttss

ddaannss llee ddooss.. LLee jjoouueeuurr àà 44 ppaatttteess ddooii tt aavvaanncceerr ,,

ttoouurrnneerr ,, ppoouurr ssee ddéébbaarrrraasssseerr ddee ccee

ppaarraassii ttee ((vvaarriiaannttee :: «« llaa ssaannggssuuee »»,, eell llee

ss’’ aaccccrroocchhee,, oonn ddooii tt llaa ddééccrroocchheerr))

«« ccoouucchheerr llee ggrr iizzzzll ii »» uunn jjoouueeuurr eesstt àà ggeennoouuxx,, ll ’’ aauuttrree ddeebboouutt lluuii ttiieenntt llaa cceeiinnttuurree aavveecc uunnee

mmaaiinn eett llee ppooiiggnneett aavveecc ll ’’ aauuttrree mmaaiinn.. AA ppaarrttii rr

ddee cceettttee ssaaiissiiee,, llee jjoouueeuurr qquuii eesstt ddeebboouutt ddooii tt

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«« llaa lluutt ttee cchhiinnooiissee »» LLeess 22 ppaarrtteennaaii rreess oonntt lleess

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ttiieennnneenntt,, ii llss ddooiivveenntt aavveecc llaa ppooiinnttee dduu ppiieedd

ttoouucchheerr aauuttaanntt qquuee ppoossssiibbllee lleess ppiieeddss ddee

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«« lluutt ttee dd’’ II ssttaammbbuull »» FFaaccee àà ffaaccee,, eessssaayyeerr ddee ddééccooll lleerr llee ppaarrtteennaaii rree dduu ssooll eett mmaarrcchheerr 22 ppaass

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«« lluutt ttee aamméérr iiccaaiinnee »» AA ccaall ii ffoouurrcchhoonn ssuurr llee ppaarrtteennaaii rree àà 44 ppaatttteess llee rreettoouurrnneerr ppuuiiss cchhaannggeerr

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«« lluutt ttee ccoonnggoollaaiissee »» LLeess ddeeuuxx jjoouueeuurrss ssee

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«« lluutt ttee ssuummoo »» AAmméénnaaggeerr uunn cceerrccllee ((33 mm ddiiaammèèttrree)).. LLee bbuutt eesstt ddee ffaaii rree ssoorrttii rr ll ’’ aauuttrree dduu

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«« lleess oouurr ss ddaannss llaa ttaanniièèrr ee »»

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«« lleess vviirr uuss »» AA ll ’’ iinnttéérriieeuurr dd’’ uunn cceerrccllee,, ppoouusssseerr ((eett

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«« sseeuull mmaaîîtt rr ee àà bboorr dd »» PPoouusssseerr lleess aauuttrreess eenn ddeehhoorrss dduu cceerrccllee ppoouurr

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«« llaa cchheennii ll llee »» LLeess ddeeuuxx ééqquuiippeess ssee

ttiieennnneenntt ppaarr lleess hhaanncchheess lleess uunnss ddeerrrriièèrreess lleess aauuttrreess.. LLeess 22 11eerr ssee

ttiieennnneenntt ppaarr llaa mmaaiinn,, oonn ttii rree ll ’’ ééqquuiippee aaddvveerrssee

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LLeess ssttaattuueess ssoonntt ddeebboouutt iimmmmoobbii lleess,, lleess

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llee pplluuss ddoouucceemmeenntt ppoossssiibbllee

«« lleess ccoolloonnnneess ddee mmaarr bbrr ee »»

LLeess ccoolloonnnneess ssoonntt bbiieennss aall iiggnnééeess ssuurr llee ccôôttéé dduu ttaappiiss.. LLeess ddéémméénnaaggeeuurrss

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ll ’’ aaiiggllee àà ggeennoouuxx lleess iimmmmoobbii ll iissee ssuurr llee ddooss ::

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((vvaarriiaannttee uunn mmaaiinn aauu ssooll ,, uunn ggeennoouu,, ssuurr llee

ddooss))

«« llaa mmaannggoouussttee eett llee sseerr ppeenntt »»

LLee jjoouueeuurr aall lloonnggééee ssuurr llee ssooll ddooii tt aatttteeiinnddrree ll ’’ ooppppoosséé dduu ttaappiiss..

LL’’ aauuttrree jjoouueeuurr ddooii tt ll ’’ eenn eemmppêêcchheerr ((nnee ppaass tteennii rr ppaarr llaa ttêêttee,, nnii ppaarr lleess

ppiieeddss == ddaannggeerr))

Plus spécifiquement…

11.. Touche cheville – 1c1 : Toucher la cheville de l’autre sans se faire toucher la sienne. 22.. Touche épaule – 1c1 : Toucher les épaules de l’autre sans se faire toucher les siennes. 33.. Touche dos – 1c1 : Toucher le dos de l’autre sans se faire toucher le sien. 44.. Touche tête – 1c1 : Toucher le dessus de la tête de l’autre sans se faire toucher la sienne. 55.. Touche cheville, épaule, dos, tête : Toutes cibles admises. 66.. Attrape poignet – 1c1 : Attraper les poignets de l’autre sans se faire attraper les siens. 77.. Soulever l’autre – 1c1 : Soulever l’autre sans se faire soulever (sans faire tomber). 88.. Le béret – 1c1 : Attraper un objet posé au sol sans se faire toucher.

� LES TECHNIQUES DE POINGS (Les Tsuki) Préambule : 2 techniques sont abordées :

Poing et jambe devant du même coté (Oï Tsuki ou Kisami Tsuki)

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La compétence : « Atteindre une cible avec les poings » répond à un objectif : « Etre capable de gérer simultanément 4 principes d’action :

• La vitesse • La distance • La précision • Le respect des critères de réalisation technique

Les critères de réalisation des techniques de poings dans le cadre de l’EPS au collège sont :

• Aller / Retour du bras dans un mouvement rectiligne (Le poing vient se placer sur la hanche en fin d’action > Voir figure ci-dessus)

• Buste droit • Les 2 pieds au sol

Exercices C1 – Gestion « vitesse – précision » - Travail de la trajectoire rectiligne du bras Par 2 face à face : Uke tient bras tendu, un morceau de ceinture devant Tori qui se place en garde à distance de bras tendu de la cible.

V1 / Idem mais Tori boxe le morceau de ceinture du poing arrière avant que Uke ne retire la cible. V2 / Même principe mais Tori et Uke sont de face (et non en garde). Tori a les coude fléchis devant lui (poings sur le thorax) et attrape ou boxe de n’importe quel poing sans bouger l’autre. V3 / Même chose que V2 mais Uke tient 1 morceau de ceinture dans chaque main qu’il présente bras tendus devant Tori. Tori tente toujours d’attraper ou de boxer les cibles MAIS en ne visant qu’une cible à la fois – Uke ne doit retirer que la cible visée (Travail difficile) C2 – Gestion « vitesse - précision – distance » - Travail de la trajectoire rectiligne du bras et du déplacement

V1 : Poing de devant – fente avant (coté déplacement) V2 : Poing de derrière – fente avant (Forme Gyaku Tsuki) V3 : Enchaîner poing avant dans le vide avant d’atteindre la cible avec le poing arrière. V4 : Placer le pied arrière dans un cerceau afin d’optimiser les effets du déplacement en fente avant. V5 : Placer seulement le pied avant dans un cerceau (pied arrière à l’extérieur – Fig 1). Le déplacement consiste alors à sortir le pied avant devant le cerceau en fente avant alors que le pied arrière reste toujours derrière (le cerceau est alors entre les pieds – Fig 2) puis retour du pieds avant dans le cerceau après avoir atteint la cible.

Par 3 face à face, 1 élève tient 1 ou 2 morceaux de ceinture entre les 2 partenaires, placés en garde à plus ou moins 1 mètre des cibles. Au signal de A, les 2 adversaires doivent attraper le premier, le ou leur morceau de ceinture sur la forme… (voir variantes ci-dessous)

Poing et jambe avant opposés (Gyaku Tsuki)

But : Uke retire la cible avant que Tori ne l’attrape du poing arrière (vitesse et réflexe > Forme Gyaku Tsuki). Les pieds restent sur place (se rapprocher si impossible)

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Fig 1 Fig 2 V6 : Idem V5 en position d’origine (figure 1, ci-dessus) mais se déplacer au signal en pas chassé pour atteindre sa cible du poing arrière (Le pied arrière entre dans le cerceau en 1er puis le pied avant sort devant le cerceau pour la saisie) C3 – Gestion « distance - vitesse » Travail de la trajectoire du bras et du déplacement

V1 : Idem en terme d’objectif mais une ceinture posée sur le sol (ou un trait) devient la limite à ne pouvoir franchir qu’avec 1 pied (fig 3).

fig 3 V2 : Idem en terme d’objectif (attraper l’épingle adverse) mais un des 2 partenaires doit garder le pied ARRIERE dans un cerceau – L’adversaire gravite librement. V3 : Idem en terme d’objectif (attraper l’épingle adverse) mais un des 2 partenaires doit garder le pied AVANT dans le cerceau – L’adversaire gravite librement. -> La pression est plus important pour celui qui est dans le cerceau (induction du contre et des blocages) C4 – Critères de réalisation technique - « Induire le geste technique »

Par 3, A tient cette fois-ci un cerceau entre 2 partenaires. Chacun porte une cible (épingle sur le buste) : Attraper l’épingle adverse en ne travaillant qu’à travers le cerceau.

Par 2 face à face, chacun tient le bout d’une ceinture (fig de gauche) et réalise des techniques de poings en respectant la symétrie du mouvement : 1 poing frappe / l’autre se place sur la hanche à l’envers

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� LES TECHNIQUES DE PIED (Mawashi Géri) Préambule : 1 technique est abordée sous 2 formes :

1. Avec le pied arrière 2. Avec le pied avant (en pas chassé)

La compétence : « Atteindre une cible avec les pieds » répond à un objectif : « Etre capable de gérer simultanément 5 principes d’action » :

• L’équilibre • La vitesse / La distance / La précision • Le respect des critères de réalisation (ci-dessus)

Les critères de réalisation des techniques de pieds dans le cadre de l’EPS au collège sont :

• Aller - Retour du pied dans un mouvement de flexion-extension du genou (figure ci-dessus) • Retour en position de garde (pas de déséquilibre après le coup de pied) • Action circulaire : Corps de profil au moment de la flexion-extension du genou – C’est le dessus du

pied qui atteint la cible.

Les facteurs limitant étant la souplesse et le contrôle (risque d’impact), les cibles en milieu scolaire sont : � Les épaules (et non la tête) � Les flancs

Exercices C1 – Gestion « Distance - précision – équilibre – respect des CRT » Mawashi géri Par 2 face à face : Uke mains dans le dos, droit sur ces genoux fait face IMMOBILE à Tori – Objectif : Tori debout quant à lui, doit aller toucher avec le dessus du pied, la nuque de Uke. (Rien d’autre n’est donné comme consigne) Rq : La tête n’est pas une cible, cependant cet exercice oblige Tori à prendre toutes les précautions nécessaires en réalisant le geste lentement. Les variantes qui suivent ont pour objectif de favoriser l’acquisition des critères de réalisation de cette 1er situation. V1 : La jambe doit être tendue au moment de la touche (Calcul de la distance)

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V2 : Le corps doit être de profil au moment de la touche (Gestion de l’équilibre) V3 : Aller toucher par une flexion extension du genou (Coordination) V4 : Les bras ne doivent servir à tenir l’équilibre (rester en garde : Une bras devant, un bras derrière) V5 : Uke toujours debout sur ces genoux, écarte ses bras sur le coté (Obligeant une action circulaire du coup de pied) V6 : Tori place à la distance qu’il juge correcte, un cerceau dans lequel il met le pied AVANT afin de donner un coup de pied ARRIERE – L’objectif est le calcul de cette distance en vu de maintenir les critères énoncés précédemment (La jambe doit être tendue au contact). V7 : Idem V6 mais en plaçant dans le cerceau le pied ARRIERE afin de réaliser le coup de pied avec celui de devant -> Réalisation préalable d’un pas chassé dans le cerceau (Le pied arrière entre dans le cerceau avant que le pied avant se lève) V8 : Idem de V1 à V7 avec Uke debout sur ses pieds et comme nouvelle cible les EPAULES.

C2 – Gestion « Vitesse - précision » Mawashi géri

V1 : Idem avec la pied arrière V2 : Idem mais avec un cerceau placé au sol imposant une distance obligeant une extension maximale du genou (Le passage de profil devient alors un élément qui permet d’augmenter la distance à « récupérer » entre la position de départ et la cible). C3 – Gestion « Equilibre - CRT » - Mawashi géri

Par 3 face à face, 1 élève (A) tient 1 morceau de ceinture dans chaque main, entre 2 partenaires placés en garde à plus ou moins 1 mètre des cibles. Au signal de A, les 2 adversaires doivent toucher avec le dessus du pied AVANT (Pas chassé), leur morceau de ceinture respectif dans le respect des CRT de mawashi géri.

Seul avec un cerceau tenu dans la main arrière : forme Gyaku

Réaliser le coup de pied dans le cerceau à partir du pied arrière sans le faire bouger et en le tenant le plus haut possible.

V1 : Par 2, face à face, chacun tient le bout d’une même ceinture de la main avant ou arrière et réalise le coup de pied au dessus de la ceinture – Celle-ci doit rester tendue.

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� LES TECHNIQUES DE BLOCAGES Jodan Age Uke – Uchi ou Soto Uke – Gédan Baraï

Préambule : 4 techniques sont abordées :

La compétence : « Bloquer une attaque » répond à un objectif : « Etre capable d’identifier le niveau (la hauteur) de l’attaque et la nature de cette attaque (pieds ou poings) » L’étude des critères de réalisation de ces 4 techniques, nous amène à identifier leurs intentions :

1. Pour les attaques visage (hautes), la technique la plus appropriée a pour objectif de dévier la trajectoire de l’attaque vers le HAUT (Jodan Age Uke)

2. Pour les attaques médianes et basses, les techniques les plus appropriées ont pour objectif de dévier les trajectoires des attaques sur le coté (Uchi Uke, Soto Uke et Gédan Baraï)

Dans le cadre de l’activité en EPS, ce sont ces intentions qui sont retenus plutôt que le strict respect des critères de réalisation.

Exercices Préambule : La qualité des blocages ne vaut qu’au regard de la qualité des attaques. En conséquence, le travail des attaques précède. C1 : Jodan Age Uke (Blocage Haut)

V1 : Les 2 partenaires sont debout V2 : Les 2 partenaires sont debout, Uke garde le pied arrière dans un cerceau V3 : Idem V2 mais Uke garde le pied avant dans un cerceau (prégnance du blocage) V4 : Idem, Uke, dos collé contre un mur V5 : Libre, debout et sans statut.

Par 2 face à face, un foulard attaché sur le ventre. Uke un genou au sol, doit empêcher Tori (debout) de lui toucher le dessus de la tête avec les mains (forme Kisami ou Gyaku Tsuki). Uke met la pression, en tentant aussi d’attraper le foulard de Tori (Debout).

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C2 : Gédan Baraï (Blocage bas)

C3 : Uchi et/ou Soto Uke (Blocage médian)

V1 : Les 2 partenaires sont debout V2 : Les 2 partenaires sont debout, Uke garde le pied arrière dans un cerceau V3 : Idem V2 mais Uke garde le pied avant dans un cerceau (Augmente les effets du blocage) V4 : Idem, Uke, dos collé contre un mur V5 : Libre, debout et sans statut = Situation de référence.

Variante : Combiner toutes les attaques afin d’augmenter la compétence défensive

� LES ENCHAINEMENTS D’ATTAQUES

Les enchaînements sont des combinaisons COMPATIBLES d’éléments techniques. Au regard des 2 techniques de poings et de la seule technique de pied abordée dans ce cycle, les enchaînements mettant en jeu la combinaison de 2 techniques sont restreints.

• Poing / poing • Pied / poing

L’intérêt des enchaînements est tactique (Chapitre suivant).

D’une façon générale, les exercices suivants combinent entre eux les exercices précédents

Idem « Jodan Age Uke » MAIS le but est de mettre en évidence le blocage que Tori doit mettre en œuvre devant la pression de Uke (à genou)

Par 2 face à face, une épingle attachée sur la manche. Objectif : Attraper l’épingle adverse sans se faire attraper la sienne

Par 2 face à face, une épingle attachée sur le ventre. Uke, un genou au sol, doit empêcher Tori (debout) de lui toucher les épaules ou les flancs avec le dessus des pieds (Mawashi Géri). Uke met la pression à Tori (debout) en tentant aussi de lui attraper son foulard.

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C1 - Les enchaînements Pied / poing

C2 - Les enchaînements Poing / poing

Au signal de A (au centre) -> 1 morceau de ceinture dans chaque main. • Enchaîner poing de devant en fente avant / pied de devant • Enchaîner poing de devant en fente avant / pied de derrière • Variantes : Avec cerceaux pour imposer les déplacements

En augmentant le nombre de cibles à atteindre :

• Les épaules (ou les flanc) en mawashi géri • Le dessus de la tête avec les mains

2 cibles possibles : • Le dessus de la tête avec les mains • L’épingle de Uke (au sol)

En augmentant le nombre de cibles à atteindre : • Le dessus de la tête avec les mains • L’épingle sur la manche (ou dans le dos)

D’une façon générale, en introduisant à chaque cours, les acquisitions dans la situation de référence :

Par 2 face à face : Toutes cibles possibles

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� Finalité du cycle

Si les contenus précédents ont permis de construire les éléments d’opposition à travers leurs principes

d’action (vitesse – distance – précision – respect des critères de réalisation technique et équilibre pour les coups de pieds), il s’agit maintenant de mettre en évidence auprès des élèves une gestion « réfléchie » du combat.

Les composantes tactiques du combat (Trame globale qui s’affine avec le règlement d’arbitrage)

� L’attaque directe <=> Parce que l’adverse ne réagit pas ou peu (reste sur place et ne cherche pas à bloquer)

� Les enchaînements <=> Parce que l’adversaire recule avec ou sans blocage � Les feintes <=> Parce que l’adversaire a tendance à bloquer (défense active) � Les confusions <=> Parce que l’adversaire cherche à contrer (Attitude défensive optimale)

Ceci implique que les combattant s’appuient sur une « lecture » préalable de l’adversaire afin d’activer un projet tactique adéquate.

Mise en situation à partir de la situation de référence

C1 – « Evaluation le rendement de ses attaques » Par 5, 1 arbitre, 2 combattants, 2 observateurs : travail sur fiche – Noter le nombre d’attaque réalisées à comparer au nombre d’attaques marquées. (Rendement)

C2 – « Adapter la nature des attaques aux scores » Par 3, 1 arbitre, les élèves combattent pendant 30 secondes avec un score de type 0 -.1 (Changer les rôles après 30 secondes ou en fonction d’un résultat atteint) V1 - Score de départ 0-2 V2 – Score de départ 7-7 – Premier arrivé à 10 pts V3 – Au score et aux pénalités (voir fiche de séance N°10 en Annexe) Cette consigne et ces variantes permettent d’intégrer progressivement les règles d’arbitrage. C3 – « Analyser le profil adverse afin de mettre en œuvre un projet adapté » Par 5, 1 arbitre, 2 combattants, 2 observateurs qui coachent en direct un partenaire qui combat. Objectif : Renseigner celui-ci sur les tendances réactives observées et conseiller le profil tactique à adopter.

LA GESTION TACTIQUE DE L’OPPOSITION

- Les attaques directes - Les enchaînements

- Les feintes - Les confusions (désinformations)

Toutes cibles possibles ou presque

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L’évaluation

� Les points Pour être VALABLE : A) Une technique de poing devra être réalisée au moment de la saisie ou du toucher :

• Les 2 pieds au sol • Le buste droit • Par flexion extension du bras (pas de mouvement circulaire de type « chiper ») • Retour du poing sur la hanche

� Si l’épingle sur le thorax est attrapée ou le dessus de la tête est touché dans ces conditions, alors l’élève marque 1 point (C’est à dire : IPPON)

« Signe de l’arbitre du coté de celui qui marque »

B) Une technique de pied devra être réalisée, au moment du touché :

• Sans tomber (retour en équilibre sur les 2 pieds) • Avec le dessus du pied, sans percussion (toucher) • Par flexion extension du genou - corps de profil (pas de mouvement jambe tendue)

� Si le flanc est touché dans ces conditions alors l’élève marquera 2 points (NIHON)

� Si l’épaule est touché dans ces conditions alors l’élève marquera 3 points (SAMBON)

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C) Possibilités supplémentaires avec les poings

� Si l’épingle sur le thorax est attrapée ou le dessus de la tête est touché dans le respect des conditions prévue APRES un « Balayage » (déséquilibre de l’adversaire), OU si le dos est touché au poing, alors l’élève marque 2 points (NIHON)

� Les pénalités

2 cas de figure :

Les sorties de l’aire de combat TOUTE SORTIE EST INTERDITE - La surface est d’environ 8 à 10 mètres carrés.

• A la première sortie (pied ou corps touchant l’extérieur de la surface de combat) : Simple avertissement (L’arbitre le signale au compétiteur, c’est tout).

• A la 2ème sortie, l’arbitre donne 1 point à l’adverse (IPPON > Voir signe de l’arbitre ci-dessus) • A la 3ème sortie, l’arbitre donne 2 points à l’adversaire (NIHON ) • A la 4ème sortie, l’arbitre ne donne pas SAMBON mais la victoire à l’adversaire. Le combat est terminé.

Rq : Il est possible de s’appuyer sur cet aspect du règlement lorsque l’adversaire à tendance à trop reculer face aux attaques (Gestion tactique liée au règlement) -> Le faire sortir sans le pousser (sinon pas de pénalité).

Les percussions non contrôlées et/ou actions interdites Les percussions sont INTERDITES, seule la TOUCHE est autorisée (Contrôle). Plusieurs cas de figure se présentent :

• La cible est une cible autorisée mais percutée sans contrôle (Epaule, flanc, thorax et dessus de la tête) + A chaque fois que l’élève protégera manifestement son épingle en mettant une main dessus.

� 1ère fois : simple avertissement � 2ème fois > IPPON à l’adversaire � 3ème fois > NIHON à l’adversaire � 4ème fois > Victoire de l’adversaire

• . Additif renforçant le respect des consignes de sécurité : Frappes répétés dans les bras (La garde),

les jambes, le visage ou ailleurs : � Pas d’avertissement - 1ère fois > NIHON direct à l’adversaire � 2ème fois > Victoire de l’adversaire (Peut être donnée directement si l’attitude est

agressive ou l’adversaire monte les pieds au visage).

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� Rôle de l’arbitre, des juges et de l’arbitrator

A) Disposition des combattants

A chaque fois que l’arbitre, aidé de ses juges et de l’arbitrator (qui note le score et les pénalités sur une feuille) observent à la majorité, un point ou une pénalité, celui-ci arrête le combat en disant YAME (Yamé).

• Les combattants cessent immédiatement le combat et regagne leur place ainsi que l’arbitre (voir figure ci-dessus = En triangle)

• SEUL l’arbitre PARLE et attribue les points. Les juges donnent leur avis sur la nature des

points, par signes (Voir ci-dessous). Ils sont assis (les signes sont les mêmes que celui de l’arbitre. Ils indiquent la valeur des points du coté du combattant qui marque ou qui doit être pénalisé – Les drapeaux ne sont pas nécessaires).

« Les signes des juges »

Ippon Nihon Sambon L’arbitre DOIT attribuer les points selon l’avis général (juges et arbitrator). A défaut d’avis, il peut attribuer seul, les points.

• Lorsque l’arbitre relance ou lance le combat, il dit ADJIME (Adjimé) et s’écarte des

combattants pour avoir un champ de vision optimal. • Pour indiquer que les points sont des pénalités, l’ arbitre le précise avant d’attribuer le ou les

points.

Surface de combat (6x6 mètres)

C1 C2

Arbitrator (Note les scores) Juge 1

(Assis sur 1 chaise)

Possibilité d’un 2ème juge, si poule > à 5

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� Les protocoles d’évaluation

• Combat par poule de 5 à 7 maximum. (voir fiche) • Les poules sont constituée en fonction de la taille • Durée des combats : 1 minute 30 à 2 minutes maxi , temps plein (le chronomètre démarrage au

« Adjimé » et s’arrête au « Yamé ») • L’élève qui atteint le premier 10 points avant la fin du temps réglementaire, gagne (fin de combat).

Sinon, c’est celui qui a le plus de points qui l’emporte (1 victoire = 2 pts - Perdu = 1 point si l’élève a marqué au moins 1 pt, sinon 0 pt)

• L’élève qui gagne par disqualification (pénalités) reçoit 10 points • Ne pas oublier de marquer le score de chaque combat sur les fiches de poules (Maîtrise).

BAREME : Tableau de poule ci-joint.

Bibliographie Infokarate.com : Enseignement, formation et pédagogie (http://www.infokarate.com) DVD « La voie pédagogique » Volume 1 – Progression d’enseignement des techniques de percussion avec les poings chez les enfants débutants - 44 jeux et éducatifs DVD « La voie pédagogique » Volume 2 – Progression d’enseignement des techniques de blocages, des coups de pieds et aide à l’apprentissage des 1ers Kata - 70 situations d’enseignement. Règlement d’arbitrage : Fédération Française de Karaté et Discipline Associées (FFKDA) – ffkama.fr

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Cycle : Karaté Séance : 1 Thème : Le salut – Accepter l’affrontement et mise en place de la situation de référence

Le salut et sa signification Jeux d’opposition – Varier la gamme des jeux allant de l’opposition au sol à des oppositions debout.

REGULATION Faire prendre conscience des réponses émotives qu’impliquent l’affrontement et mettre en évidence la notion de « maîtrise de ses émotions »

Situation Organisation : Par 2, face à face, une épingle accrochée sur le ventre :

1- « Attraper l’épingle adverse sans se faire attraper ou avant de se faire attraper la sienne ».

2- « Toucher le dessus de la tête adverse…»

REGULATION

• L’affrontement ne consiste pas uniquement à attraper des épingles ou à simplement toucher le dessus de la tête adverse mais à concevoir l’épingle ou le dessus de la tête comme des cibles que l’on doit atteindre en prenant en compte des critères de réalisation propre au Karaté.

• Les attentes sur le plan de l’évaluation

Salut

Prise en main Echauffement « S’opposer en toute sécurité et sans agressivité » Mise place de la situation de référence Mise en évidence des enjeux du cycle Retour au calme

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Cycle : Karaté Séance : 10 (Dernière) Thème : Mise en évidence des aspects tactiques de l’opposition (suite) – Arbitrage

Salut Jeux d’opposition

Situation Organisation : Par 3 sur une surface rectangulaire de 6 m de long (3 tapis en longueur -ceintures au sol) : 2 combattants – 1 arbitre (Rappel du règlement).

� Consigne 1 C1 et C2 choisissent au départ de l’opposition leur statut respectif (Attaquant ou défenseur). « Sachant que le défenseur ne peut ni avancer, ni attaquer en avançant (CAD prendre l’initiative), Quelle tactique l’attaquant d’une part et le défenseur d’autre part, peuvent mettre en œuvre pour marquer, sachant aussi que la sortie est interdite et vaut le cas échéant, un 1 point à l’attaquant ?»

REGULATION

• Changer de statut lorsque le défenseur marque • Changer de partenaire (cf/ 3 partenaires) • Changer de groupe

Faire un bilan par questionnement des réponses émises. Mettre en évidence que les sorties (voir règlement) sont des réponses tactiques à prendre en compte par l’attaquant devant un adversaire qui recule beaucoup en défense. Mettre en évidence la notion de « contre » pour le défenseur.

� Consigne 2 Organisation matérielle idem (par groupe de 3 – Bande de 6 m) mais cette fois-ci 1 des 2 combattants qui prendra le rôle d’AKA, tire au sort avant de commencer, une fiche spécifiant les conditions de départ des combats (Cette fiche indique le score en cours et les pénalités cumulées)

REGULATION

Faire un bilan par questionnement des réponses émises. Explorer les diverse propositions tactiques induites.

Prise en main Echauffement

Arbitrage +

Adapter sa tactique en fonction de son statut (Approche du

contre…).

Arbitrage +

Construire ses projets tactiques en fonction de

l’évolution du score Retour au calme

C1 C2 Arbitre

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Fiche élève séance 10

Aka – 1 pt Aho – 3 pts (2 sorties)

Premier arrivé à 5 points

Aka – 8 pts Aho – 8 pts (1 sortie)

Premier arrivé à 10 points

Aka – 7 pts (1 sortie) Aho – 7 pts (1 sortie)

Premier arrivé à 10 points

Aka – 7 pts (2 sorties) Aho – 8 pts (1 sortie)

Premier arrivé à 10 points

Aka – 8 pts (3 sorties) Aho – 3 pts

Premier arrivé à 10 points

Aka – 7 pts Aho – 7 pts

Premier arrivé à 10 points

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ANNEXE 28

Chercheur © : Alain, peux-tu tout d’abord nous donner ton expérience de pratiquant en

karaté ?

Alain (A) : J’ ai commencé dans un tout petit club, je devais avoir onze ans, cela devait être

du shotokan si mes souvenirs sont bons. Ensuite, il a fallu que j’attende 1980, s’est ouvert

chez moi un club de taekwondo. C’est important pour moi parce que je passe la ceinture noire

de taekwondo en 1984, pas dans le cadre de la fédération indépendante de taekwondo. C’est là

que va commencer ma carrière d’enseignant car en 1984, j’ai repris le club. Je continuai à

pratiquer mais déjà être formateur, c’est formateur ! Je rentre en 1986 en STAPS à Clermont-

Ferrand et là je m’intéresse plus aux sports de combat en général. Je m’oriente dans mon

cursus universitaire vers le judo essentiellement, vers la boxe française aussi que je vais

pratiquer pendant deux ans. Mais comme j’avais toujours ma licence de taekwondo qui était à

l’époque sous tutelle de la FFKAMA, la fédération française de karaté, je participais aux

compétitions régionales dans le Limousin, en karaté. Et puis cela m’a amené à m’inscrire dans

un club de karaté à Clermont, moi qui sortait de mon petit club familial, là il devait y avoir au

moins trois cents inscrits, en shotokan. Premier entraînement on a dû voir tous les katas de

base, mais bon, j’avais aussi des katas en taekwondo alors cela ne m’a pas posé de problème

d’assimilation. Mais là où il s’est produit quelque chose pour moi, c’est qu’à la fin du cours,

c’était combat. Et bien sur, le débutant qui arrivait…toutes les ceintures noires ont voulu se le

prendre. Je me suis vite rendu compte que cela ne m’apportait rien d’y rester. Mais bon, j’ai

fini par trouver, de derrière les fagots, une petite structure, et je me suis entraîné. En

comparaison du stade Clermontois, on a fait aussi du combat, et là j’en ai pris plein la tête.

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Alors là cela m’a interrogé, j’ai pris ma licence dans ce club et j’y suis resté jusqu’à la fin de

mon cursus STAPS, je suis parti de Clermont en 1991 après avoir passé mon 1er dan en 1988,

et j’ai évolué en compétition, au niveau régional. Je suis parti sur Paris et là je n’ai plus passé

de grades. J’ai été voir autre chose, par exemple, à Paris j’étais à côté de Shinen, en kobudo,

j’en ai fait un peu, dans une cave, c’était marrant, un grand Maître comme lui, s’entraîner

dans une cave, un garage…J’y suis resté un an, cela ne m’a pas plu. Trop traditionnel, trop

répétitif, alors je suis allé faire juste à côté de chez moi aussi de l’aïkido. Puis j’ai été muté et

quand je suis revenu ici chez moi j’ai repris le club, que je n’avais jamais abandonné, en shito

ryu. Et je continue depuis. Au niveau personnel, j’ai trouvé avec le club de Brive un référent

technique et je dois dire que le prof est vraiment très compétent, au-delà de son 6eme dan, c’est

quelqu’un qui a une démarche intéressante et une pédagogie. En plus, il a beaucoup orienté

son karaté avec le Chi Kong et cette approche proprioceptive est novatrice et à mon avis très

intéressante.

C : Alain, juste avant que tu ne commences cette première séance de ton cycle karaté, j’ai

juste à te demander quelles sont tes intentions, notamment en matière de savoir à enseigner ?

A : Tout d’abord je vais présenter l’art martial, dans l’environnement combat on va dire.

Ensuite, je vais procéder à une évaluation diagnostique des élèves, centrée sur l’acceptation de

l’opposition. Pour finir sera mise en place la situation de référence, à partir de laquelle

on travaille et sur laquelle les élèves sont évalués.

C : Tout cela me semble bien cadré et l’on sent que tu sais où tu vas, ce n’est donc pas un

galop d’essai, tu as déjà mené des cycles de karaté en EPS ?

A : Oui plusieurs, et je suis même intervenu en formation continue des enseignants d’EPS,

cette formation faisant intervenir une de mes classes, qui avait suivi un cycle de karaté et sur

laquelle je me suis basé pour aider les collègues à identifier concrètement des comportements

typique et matérialiser les situations, ce qui peut-être difficile pour des personnes qui n’ont

jamais pratiqué.

C : Peux-tu Alain faire un profil de la classe ?

A : Classe de troisième, profil, que j’ai annoncé au conseil de classe du deuxième trimestre :

« la croisière s’amuse ». Bonne ambiance, ils s’entendent très bien entre eux. Peu de rigueur

de travail. Certains éléments qui pourraient être des repères, mais c’est ponctuel. C’est une

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classe que j’ai eu, au moins pour la moitié l’année dernière en quatrième, et c’était pareil. Les

résultats scolaires sont médiocres.

C : Alain, je te laisse récupérer ta classe et te remercie.

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ANNEXE 29

A : Bien, on se met en place s’il vous plaît. Bon, alors on vient de changer d’activité

d’accord ? On passe de la natation au combat. Le dojo, pour la plupart d’entre vous, vous le

connaissez puisque ceux qui m’ont déjà eu par le passé ont eu l’occasion de faire du combat,

levez la main ! Facilement les deux tiers de la classe. Vous vous rappelez à peu près ce que

l’on avait fait ? Vous avez des souvenirs ? Combat, c’était quoi ?

Alors, vous avez déjà entendu parler du fait qu’ici on commençait à faire du karaté. On en a

fait avec une classe de quatrième, une de troisième. Il ne restait que vous et on va entamer ce

cycle un peu comme d’habitude, je vais avoir besoin de vous évaluer…mais pas sur le plan

technique en karaté, vous êtes sensés ne rien connaître de l’activité. Qui a déjà fait du karaté ?

Personne. Alors un art martial différent ? Type : viet vo dao? Personne. Alors, le karaté

qu’est- ce que c’est en tant que tel ? Si vous regardez bien, vous avez contre les murs des

photos de personnages, trois essentiellement. A votre gauche, vous avez Maître Ueshiba qui

est le fondateur de l’aïkido. Au milieu, vous avez Maître Kano, fondateur du judo et ici pour

terminer Maître Funakoshi, fondateur du karaté. Sur le plan historique karaté, judo aïkido,

dans les années 1880 ils n’ont rien inventé en soi. Ils ont extrait d’une même discipline trois

façons de combattre. Cette discipline, unique, s’appelait à l’origine le jutsu. C’est l’art de

combat des samouraïs. Alors chacun a été prendre une part du jutsu. Maître Ueshiba a pris

tout ce qui était taï sabaki c’est-à-dire toutes les esquives et a fondé l’aïkido. Maître Kano lui

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a pris tout ce qui était projections et a créé le judo. Après maître Funakoshi a pris tout ce qui

était percussions. Vous imaginez à l’origine une discipline où il y avait tout cela ? Par contre,

quand on fait du karaté, on peut retrouver tout cela. On le retrouve à partir d’une pratique un

peu plus large. Il ne s’agit pas uniquement de se dire, c’est bon j’ai fait deux cours, je suis

revenu aux origines des arts martiaux, je pratique comme on pratiquait avant. On va voir une

infime partie du karaté, cela va quand même s’approcher du karaté mais pour l’approfondir,

c’est pas en EPS que vous allez pouvoir le faire. On est au seuil de l’activité, on est sur une

forme d’activité, qui est originale dans le sens où elle ne se pratique pas partout. Je vais vous

la proposer sous sa forme dynamique, la forme combat. Parce que le karaté c’est du

combat, mais les entrées sont différentes. On peut faire de la technique mais la technique ne

va pas nous intéresser principalement. D’accord ? Bien, on va revenir à la réalité, vous vous

rappelez par quoi on commence ? Le salut. Allez !

Vous vous alignez par rapport à la ligne rouge. Le salut est une technique. Vous savez à quoi

elle sert cette technique ? Alors, oui, la notion de respect. Evidemment, on est dans une autre

culture. On va pas chercher à s’approprier la culture japonaise, on reste européen mais on va

essayer d’en comprendre un peu la signification. Le salut quelque part, c’est le don de soi, la

sincérité. Dans les arts martiaux, vous avez intérêt à comprendre cela dans le sens où quand

vous allez prendre quelques petits coups, ce qui va arriver, vous n’allez pas avoir un retour

agressif vis-à-vis de votre partenaire. Il va falloir essayer de comprendre pourquoi vous avez

pris ce coup, que quelque part on arrête pas un coup de poing avec son nez, il y a des

techniques avant. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il ne va pas falloir s’en prendre à l’autre.

Le deuxième problème, c’est qu’il va y avoir du mouvement. Les affrontements génèrent chez

certains des émotions qui peuvent s’extérioriser sous la forme de gestes violents. Juste après

le salut je vais commencer par vous faire faire de jeux, histoire de comprendre ce que cela

veut dire que maîtriser ses émotions…de façon à ce que, lorsqu’on sera en situation

d’opposition, ne pas laisser ses émotions prendre le pas, vous dominer et créer chez vous des

réponses négatives. Donc le salut, respect mais dans un premier temps respect de quoi ? Du

partenaire oui. Adversaire, partenaire. Duo, duel, on verra cela. Il y a aussi autre chose.

Quelque chose que vous avez du mal à respecter quand vous êtes au collège par exemple.

L’endroit où vous êtes. Ici, vous êtes dans un lieu qui véhicule des valeurs. Dans les arts

martiaux, il y a aussi le respect de tout ce qui vous environne. C’est à l’ordre du jour

l’environnement. Commencer à respecter ce sur quoi vous marchez, ici c’est un tapis pour

ensuite respecter la nature mais ça c’est un autre grand débat.

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Allez ! Salut, technique de départ, les talons sont joints, pieds ouverts, mains le long

du corps. Cette position a un nom en France c’est quoi ? Oui, à l’armée, art martial, mars le

dieu de la Guerre. L’art du combat, c’est une méthode militaire à la base, faite pour faire la

guerre. Donc, discipline. On apprend dans un premier temps à discipliner son corps, on oublie

les autres, on se concentre sur soi, sur ce que l’on va faire. On se domine, regardez droit

devant vous. Vous allez ordonner à votre corps de travailler avec précision. Maintenant la

descente pour le salut, tout se passe à gauche, je descends le genou gauche puis je pose le

droit. Allez-y ! J’aligne les orteils et je m’assoie sur les talons. Ici, les pieds sont bien alignés.

Maintenant on va saluer en posant encore la main gauche en premier. On va former un

triangle avec la main droite. Et je descend le visage. Main droite, main gauche, et pour

remonter je ne suis pas une grand-mère, je mets ma jambe droite en premier et je repousse

dessus, équilibre, droit. Ici, je reste dans cette position, j’évite de parler, de m’occuper d’autre

chose, de mon collier que vous devriez avoir déjà posé. Les montres, les bagues, les haches,

les fusils d’assaut ! Tout doit être posé. D’accord ? Très bien, pourquoi genou gauche,

pourquoi genou droit ? A cause des sabres, oui. Le salut quand vous le remettez à ses origines,

il y avait des samouraïs. Et pour lui il faut être capable de sortir le sabre très rapidement. Or,

un sabre c’est une lame de 90 centimètres et une lame de cette taille, on ne la sort pas comme

un couteau de cuisine. Et le sabre a la particularité de se porter à gauche et donc on descend

genou gauche pour dégager le sabre, et on peut dégainer si besoin. De la même manière, on

pose main gauche en premier parce que la sabre est posé devant soi avec le manche à main

gauche et c’est toujours mieux d’attraper le sabre par le manche que par la lame !

Allez ! Action ! Echauffement ! On va considérer comme zone de départ le tapis

rouge. Vous allez vous déplacer à quatre pattes, sans que les genoux touchent par

terre…même chose en marche arrière. Même travail en rampant, alors faites attention à vos

genoux et à vos coudes. Alors ce qui m’intéresse dans les jeux ou les parcours, ce n’est pas

seulement vous échauffer, mais déjà vous enseigner quelque chose. Déjà, c’est intéressant

d’écouter le bruit de fond. Vous êtes simplement en train de ramper et le simple fait de ramper

crée des émotions chez certains. Je vous entends ramper mais je vous entends aussi piailler. Et

si vous piaillez, c’est qu’il y a quelque chose qui vous domine, ça doit chatouiller je ne sais

pas, ça doit brûler aussi oui peut-être. Mais finalement cela prend le pas sur ce que vous devez

faire, même si c’est une démarche inconsciente. Alors il va falloir tout à l’heure quand on va

aborder des exercices un peu plus dynamiques faire un effort…Ca va être quoi la réponse ?

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Non, ne me touche pas… Vous n’allez même plus rentrer dans l’activité, vous allez vous

plaindre. Allez ! c’est parti, canards, les mains derrière la tête.

Tout le monde devant, assis, personne debout. Regardez bien, la situation elle est simple.

Vous avez les tapis rouges qui délimitent la zone que vous ne devez surtout pas toucher, ni

franchir. L’objectif, pousser les autres. Si la moindre partie de votre corps touche la zone

interdite, vous êtes éliminés de la zone de combat. Consigne de sécurité : vous n’avez pas le

droit de toucher quelqu’un qui ne vous a pas identifié, vous n’avez pas le droit par exemple

de toucher quelqu’un sur le dos. Si vous arrivez sur quelqu’un par derrière, vous devez donc

d’abord rentrer en contact avec lui en passant devant. Quand je siffle ceux qui étaient dehors

re-rentrent, d’accord ?

Allez, venez là ! Vous avez entendu les émotions ? Le bruit de fond ? C’est comme si moi

prof de français, je vous faisais faire une dictée en chantant la marseillaise ! Ca va être pareil

quand vous allez être en train de combattre, vous ferez autre chose, vous ne serez pas en train

de combattre mais de jouer ou de faire autre chose. On parle de concentration là. Il va falloir

dominer cette émotion pour commencer à apprendre des choses. Se concentrer. Même si on

doit jouer, dans le jeu il y a une part d’apprentissage.

Celle-là elle est un peu spéciale en terme d’organisation, écoutez bien ! On délimite la

surface de jeu avec les tapis rouges. Alors là si on se fait toucher on passe dans l’autre zone

là-bas. Et à partir du moment où il y en a deux dans la zone là-bas, on peut se toucher et celui

qui a touché peut revenir etc. Quand vous êtes touché, vous allez là-bas, quand là-bas vous

êtes touché, vous y restez. Compris ? C’est parti !

Venez là ! C’est cela qui m’intéresse…Vous arrivez là-bas, vous êtes encore sous le coup

d’avoir été touchés, les autres qui y sont ils vous voient arriver et comme vous n’êtes pas dans

l’activité…il y en a un qui y est, en combat c’est votre adversaire. Si lui il est déjà dans le

combat et que vous, vous n’y êtes pas encore, à mon avis vous allez perdre. C’est tout de

suite que cela se joue, votre problème c’est qu’il vous faut un délai pour passer d’un rôle

à un autre. C’est la différence entre l’élève qui est en récréation et l’élève qui veut apprendre

quelque chose.

Encore une autre situation, vous allez voir, Romain, je le salue, il devient là mon

partenaire d’opposition. L’idée ici est de toucher les chevilles de l’autre, mais on est en

opposition, ce que cherche l’un à le faire, l’autre le cherche aussi. Allez, debout ! Par

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deux, et vous démarrez. Les chaussettes c’est pas ce qu’il y a de mieux, pieds nus c’est le

mieux.

Changez la cible, maintenant on cherche à toucher le dos, le dos et sans tomber. Allez !

On change encore de cible ! Maintenant les épaules, sans tomber. Allez !

On change les cibles, vous écoutez bien car elle nécessitent de faire un peu attention : c’est le

dessus de la tête. Alors là, ne commencez pas à frapper, on touche. On fait attention à

l’intégrité de son partenaire. C’est un message que je lui envoie : si je fais attention à toi,

j’attends que toi tu fasses de même en retour, que tu fasses attention et que tu me respectes.

Voilà pourquoi on est deux à saluer. Il n’y en a pas qu’un qui s’incline, on est deux ! Cela doit

prendre une signification parce que cela va monter en rythme. On fait attention à son

adversaire, on touche, on ne frappe pas le dessus de la tête, c’est parti ! Allez !

Allez, venez là ! Devant moi s’il vous plaît…Alors, un petit bilan vite fait déjà. Même

si on est dans une activité de percussions, percuter, ce n’est pas un terme que je vais utiliser,

je vais utiliser quoi ? Toucher. Et il y en a un autre que je vais utiliser, c’est…attraper. Alors

on va utiliser un outil bien utile mais faites-y attention, elles sont fragiles aussi, les épingles.

Avec l’épingle, l’intérêt c’est que je vais pouvoir varier les coups. Ce que je suis en train de

mettre en place, c’est tout simplement une situation de référence. En tant que professeur, je

vais la faire évoluer, c’est sur elle que je vais poser tous mes exercices derrière. De façon à

l’améliorer, à l’optimiser. Mais attraper des épingles, c’est attraper des épingles, est-ce que

c’est cela le karaté, attraper des épingles ? Ben sur que non ! C’est comme le volley ball, ce

n’est pas que se faire des passes. Vous allez la tester cette situation elle est toute bête vous

allez voir. On va beaucoup la travailler. Alors, vous êtes face-à-face, vous vous saluez. Ici, je

ne vais donner aucune consignes. C’est une nouvelle cible, il s’agit d’attraper l’épingle

avant ou sans vous faire attraper la vôtre. Bon, mais est-il vraiment besoin d’une

démonstration pour cela ? On y va ! vous prenez chacun une épingle et vous vous positionnez

de manière à pouvoir travailler sans gêner les autres. Vous avez vos épingles, vous allez vous

placer. Hop ! C’est bon, tout le monde en a. Allez, on y va !

Vous allez changer de partenaire, allez ! Filles, garçons, ça marche, c’est pas interdit.

Venez là ! Alors, qu’est-ce que vous êtes obligés de faire ? On y va : esquiver, cela

veut dire quoi esquiver ? Eviter l’autre…en bougeant. On bouge comment, particulièrement ?

A l’opposé du geste. S’il avance…vous reculez, s’il va à gauche, vous allez à droite, ok. Vous

êtes polarisés par la cible et quand l’autre essaye de l’attraper qu’est-ce que vous faites ? Pour

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beaucoup vous mettez la main dessus, comme ça. Vous éliminez le problème. Pour que la

situation puisse vivre, interdit de mettre la main sur la cible, ça va même être intégré dans le

règlement. Vous arbitrerez et quiconque le fera sera pénalisé. On va commencer à intégrer la

notion de règlement. Deuxième chose qu’est-ce-que je vois aussi comme réponse ? Il y en a

une qui se voit très nettement. On se retourne tout simplement. Et le simple fait de vous

retourner cela veut dire quoi ? Vous fuyez. Mais c’est pareil, si j’autorise la cible dos, vous ne

pouvez plus. Allez ! Je vais vous mettre trois cibles. Prendre l’épingle, toucher le dessus

de la tête, ou toucher le dos. Donc là maintenant il y a une incertitude et les mains sur les

épingles, c’est plus forcement la bonne réponse. Se retourner non plus. Allez !

Changez d’adversaire ! Et oui, il ne faut plus y aller franco maintenant, il faut réfléchir,

être le premier à toucher.

Venez voir ! Asseyez vous ! Alors après, il va falloir transformer cela en points. Vous

allez être évalués sur des formes de combat, par poules. Le karaté va commencer à prendre

sa signification. Vous verrez qu’atteindre une cible cela ne se fait pas n’importe comment.

D’autant qu’il n’y aura pas que les poings, les coups de pieds, on verra, cela se négocie.

Donner un coup de pied, on ne peut pas faire n’importe quoi. Comme pour attraper une

épingle, cela ne peut pas se faire n’importe comment. Comment vous attrapez une épingle ?

vous la chipez, vous l’arrachez. Vous les attrapez pour les attraper en fait mais ce ne sont

pas des cibles. L’idée c’est que ce ne sont pas des cibles que l’on peut enlever mais des

cibles que l’on peut toucher. Il va falloir modifier quelque chose là-dessus. Je suis en train

de vous donner le menu sans vous le faire lire, pour l’instant. Une dernière chose par rapport à

ce que vous venez de faire. Je vous ai donné trois cibles. Et au début, vous faisiez quoi ? Sous

quelle forme vous la preniez ? Comme cela ? Non, la situation vous impose la meilleure

position et c’est laquelle ? Etre droit. Ce sera un critère de réalisation des techniques : avoir

le corps droit. Les cibles ne seront comptées que lorsque vous aurez le corps droit, un

premier critère. Maintenant je vous en impose un deuxième : au moment où vous saisissez

l’épingle, vous devez avoir les deux pieds au sol. Allez ! On termine là-dessus, on essaye.

Mettez-vous en place.

Allez, venez là ! Déjà moi, vu de l’extérieur, il y a eu énormément de changement

entre le début de cours et la fin du cours. Je vois que les filles et les garçons commencent à se

mélanger et vous y trouverez tous votre compte parce qu’ il n’y a pas d’aptitudes particulières

qui vont dominer. Vous êtes tous capables d’être assez rapides. J’ai commencé, très

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honnêtement, à voir des élèves commencer à réfléchir. Vous avez beaucoup joué au début et

puis là, vous êtes rentrés dans la situation d’opposition. Je vous ai vus devenir calculateurs.

Trois cibles, des improbabilités, des incertitudes, vous comprenez ce que cela veut dire ?

On ne sait pas ce qui va se produire. Quand on ne sait pas ce qui va se produire, la

dimension sportive prend toute son importance. On s’engage et cela devient intéressant.

Vous commencez à calculer. S’il baisse la tête, je touche…progressivement, vous allez

comprendre que combattre c’est pas être capable de donner des coups de poing et des

coups de pieds, c’est être capable de donner les bonnes réponses. Lire l’autre, pour

savoir comment il réagit. En fait, le combat, c’est tout simplement un principe d’action-

réaction. Ce que je fais c’est pour faire réagir mon adversaire et c’est cette réaction que

j’exploite. Pour faire cela, il faut comprendre que, quand je regarde l’épingle, je vois

Romain derrière. Dernière question que j’aimerais vous poser : vous le voyez comment le

cycle ? Ca vous intéresse ? Vous trouvez cela banal ? Oui, vous êtes surs, on continue ? Après

vous verrez, on va mettre des cibles différentes, vous allez arbitrer et maintenant, vous pouvez

aller vous habiller, d’accord ? Mais on n’oublie pas, en ligne pour le salut ! On descend jambe

gauche, droite. On regarde droit devant. Main gauche, main droite, on s’incline. Main droite ,

main gauche, bien droit. Pour se relever, jambe gauche, accrochez bien les orteils pour garder

l’équilibre. Allez ! On se dépêche, on va être en retard…Et vous saluez le tapis en sortant.

Merci.

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ANNEXE 30

C : Alain, quelles étaient tes intentions pour cette première séance ?

A : J’avais deux objectifs essentiellement. Le premier, évaluation des capacités d’opposition.

Le plus important pour eux à ce stade c’est la gestion des émotions, afin de ne pas rentrer dans

des réponses violentes, ou trop agressives. Deuxième objectif : l’installation de la situation

de référence : deux par deux, face à face, atteindre une cible, sans se faire atteindre soi-

même.

C : Peux-tu s’il te plaît faire un bilan de cette première séance ?

A : Sur le plan des objectifs oui, je suis relativement satisfait. De toute façon, il y a dans cette

classe une majorité d’élèves pou lesquels quelque soient les objectifs, cela marchera toujours.

Mais sur le plan de la gestion des émotions, je pense que les élèves ont compris. Mon premier

indicateur, c’est le bruit. Demander aux élèves de se taire n’est pas pour moi quelque chose

d’autoritaire, non, c’est pour eux le moyen de gérer ce bruit et prouve que la gestion des

émotions est efficace à un moment donné. Quand on est arrivés à la situation de référence, il

n’y avait plus ces piaillements comme je dis et si on avait commencé par là, cela serait parti

dans tous les sens et ils n’auraient pas pu rentrer dans l’activité. J’ai pris le temps aussi

d’installer des choses au niveau des valeurs, le salut, le respect car cela fait partie de l’activité

et même si ce n’était pas encore du karaté à proprement parlé, cela leur permet de se projeter

dans l’activité.

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C : Dans le questionnaire préliminaire que tu as renseigné, tu décris justement la situation de

référence, mais dans le document que tu m’as donné comme projet de cycle, il me semble que

la situation diffère quelque peu car les foulards sont tenus, pas portés à l’aide d’épingles sur le

corps. Peux-tu m’éclairer un peu, est-ce une situation pédagogique ou une autre situation de

référence ?

A : Pour que les élèves intègrent les critères de réalisation techniques propres au karaté, il y

a tout un tas de situations problèmes qui font prendre conscience à l’élève quels sont ces

principes d’actions. Chacune renvoie à un principe d’action, qui permet d’acquérir une

technique. Le respect des critères de réalisation est un des principes qui permet de réaliser

l’action : par exemple attaquer une cible. Cela va être intégré par l’élève en terme de gestion

grâce à plusieurs autres principes, vitesse, distance, précision et équilibre. Pour moi la

notion de technique, c’est passer d’un état initial à l’état suivant. En karaté, on aboutit trop à

des techniques en tant que geste finalisé alors que c’est pas cela une technique, c’est l’action

qui m’amène à…Toutes les situations que je vais proposer dans une progression

d’enseignement vont installer au fur et à mesure ces principes d’action.

C : Quelle évaluation prévois-tu Alain ?

A : A partir de la situation de référence, on fait des groupes, par taille essentiellement.

Tout au long du cycle le protocole d’évaluation est travaillé. Par exemple, au niveau des

cibles, on interdit la tête. On prendra en compte une technique si et seulement si son

exécution respecte l’ensemble des principes d’action de cette technique. La grille est déjà

constituée avec le nombre de victoires, le nombre de points marqués pendant le combat

sachant qu’il faut que cette fiche soit suffisamment simple pour que les élèves la

comprennent.

C : Tu évoques beaucoup la notion de technique. Or, en classe, tu as parlé aux élèves d’autre

chose, je t’ai entendu dire, « calculateur », par exemple. On n’est pas sur les mêmes registres

on va dire. Comment qualifies-tu toi ton entrée dans l’activité ?

A : Je préfère dire comment elle n’est pas plutôt que comment elle est. Elle n’est pas

technique. Quand on parle karaté, on entend immédiatement méthode traditionnelle derrière

qui est caractérisée notamment par les assauts conventionnels. Ce qui se fait actuellement à

l’école en karaté est un exercice renouvelé de la méthode traditionnelle. Mon entrée dans

l’activité, si on la qualifie, est comportementaliste. Se décentrer de la cible pour voir

l’ensemble de l’adversaire. Je reste fondamentalement attaché à l’idée que l’on peut faire faire

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du karaté complètement autrement : les exercices de gestion de l’opposition sont nettement

plus efficaces que les assauts conventionnels. Il faut amener les élèves à comprendre, à

intégrer. Dans ma situation, lorsque je mets deux nouvelles cibles, la tête et le dos, cela met

l’élève devant un problème et il commence à se poser des questions. C’est là que la notion de

prise en compte de l’adversaire va se déclencher.

C : Alain je te remercie.

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ANNEXE 31

C : Quelles sont, Alain, tes intentions pour cette évaluation de ton cycle karaté ?

A : L’évaluation de tout ce qui a été mis en jeu durant le cycle, au regard des objectifs. A

savoir que l’on va mettre les élèves en situation d’opposition et au regard du protocole

d’évaluation, on va confirmer l’acquisition des principes d’action liés à l’opposition. Il y a des

exigences minimales pour l’évaluation terminale.

C : Comment qualifierais-tu l’apprentissage de tes élèves pendant ce cycle ?

A : Et bien, par exemple je suis très sensible à l’écoute des élèves. Si, par exemple, j’estime

que la classe n’est pas en suffisamment à l’écoute pour recevoir des consignes du type

apprentissage des coups de pieds par exemple, je ne vais pas sur les coups de pieds. Donc, ça

je l’ai carrément enlevé du projet ; cela aurait dû optimiser complètement mon cycle en

rajoutant les coups de pieds puisque j’optimisai la relation tactique. Mais cette relation

tactique n’a pas pu faire l’objet d’un approfondissement…j’aurais du rentrer maintenant,

à ce stade, dans cette phase de développement. Les impondérables du calendrier font que je

n’ai que sept cours et je n’avais pas le temps de développer le cycle en entier. L’objectif de

mise en opposition dans le respect des critères de réalisation techniques du karaté est

atteint. Uniquement sur la base des techniques de poings et ça, c’est déjà bien. L’activité

karaté a été abordée dans sa nature.

C : Alain, je te remercie et te laisse à tes élèves et à ta séance.

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ANNEXE 32

A : Très bien, alors quelques petites précisions. La semaine dernière nous avons fait une

simulation. Vous avez donc découvert les feuilles de poule, les feuilles de match. On va voir

s’il y a besoin de quelques ajustements sur la constitution des poules, par contre, écoutez bien

la précision que je vous donne par rapport à ce que vous avez fait la dernière fois. Si on avait

intégré les techniques de pieds, le potentiel de points marqués aurait été plus important. Les

pieds qui arrivaient dans les épaules, cela aurait été trois points, au corps deux points et les

techniques de poings elles-mêmes, sachant qu’elles ne valent que un point, je vais augmenter

leur valeur. Donc, vous devez marquer sur les feuilles si le combat se solde par une victoire,

une défaite ou un nul, sachant que si vous êtes à égalité vous faites trente secondes de

prolongations et le premier qui marque gagne, le combat s’arrête. Si, autre cas, des pénalités

se cumulent, elles donnent un point, donc le combat s’arrête. Le point peut être marqué par

pénalité ou par action. Si au bout de trente secondes il n’y a rien, c’est un match nul. Dans

tous les cas vous devez marquer la quantité de points marqués par les deux combattants, entre

parenthèses. Et n’oubliez pas quelque chose de fondamental, les techniques de poing valent

deux points. C’est plus un point, c’est deux points. Compris ? Arrivé à dix points, le combat

s’arrête donc cinq techniques suffiraient. N’oubliez pas non plus que le protocole d’évaluation

prévoit que vous pouvez avoir la moyenne et perdre vos combats, du moment que vous

marquez un certain nombre de points. D’accord ? Et je rappelle les trois principes pour

l’arbitrage, vous êtes très sévères là-dessus, pour attraper l’épingle, il faut un, être droit,

deux, être en équilibre et trois, mouvement rectiligne de ramené du bras, extension flexion du

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bras, non chipé. Si, en tant qu’arbitre, il y a quelque chose qui manque, vous ne donnez pas le

point. Des questions, c’est maintenant. Non ? Bien, on va s’aligner pour voir si les poules

correspondent bien, s’il n’y a pas des nouveaux aujourd’hui et le salut.

(Après le salut, Alain conduit un échauffement routinier qu’il a décliné à chaque séance,

constitué de courses, de déplacements divers sur le tapis, au sol. Une fois cet échauffement

terminé, il organise ses poules en vérifiant qu’elles sont équilibrées. Pour cela il demande aux

élèves de la poule s’il y avait la semaine dernière des écarts significatifs. Au fur et à mesure

de la constitution des groupes, il les distribue sur le tapis. Nous retranscrirons maintenant les

interventions successives de l’enseignant auprès des élèves, au fur et à mesure de ses

déambulations d’un groupe à un autre).

A : Les épaules ne sont pas des cibles.

Tant que vous n’entendez pas yame, le combat continue.

Les techniques de poings sont devenues des nihon, deux points. Les ippon, on les garde pour

les sorties, les pénalités.

Elle a raison de ne pas compter les touches à la tête, elles ne sont pas décisives, vous touchez

pour toucher mais on ne sent pas qu’il y a quelque chose derrière.

Elle le sait pourquoi elle est pas comptée, oui, elle ramène pas.

Tu es arbitre, tu dois être impartial, ne me regarde pas pour prendre une décision.

C’est pour cela qu’il y a des codes, cela vous évite de parler. Fais le geste, au moins le juge

sait que tu l’as vu, même s’il n’y a rien.

Evitez de faire des choses qui ne marchent pas, les épaules cela ne vaut absolument rien.

C’est pas le ramené le problème, t’es pas droite.

Tu la pénalise parce qu’elle parle. C’est pas une sanction, c’est une règle.

C’est une action simultanée, on regarde qui a attrapé en premier et sinon, comment elle a

attrapé. Pieds au sol, équilibre, correct.

Tu as une tendance à te retrouver beaucoup trop près de ton adversaire, fais attention à cela.

C’est tes jambes qui doivent travailler.

Stop ! Tu les pénalises tous les deux, un point, ippon. La raison ? Manque total de respect

envers le matériel et le partenaire.

Alors ? Tu accordes, tu accordes pas ? Vous êtes dans votre salon en train de regarder la

télévision. Soyez présents, jugez ! Observez ce qui se passe. C’est ce qu’on vous demande.

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Vous trouvez que cela ressemble à une action avec jambes écartées, corps droit, ramené.

Vous trouvez que cela ressemble à cela ?

Il n’y a rien, depuis le début il y a zéro à zéro et l’arbitre n’arbitre même pas, alors je vais

vous arbitrer parce que…

C’est le problème de ta capacité à écouter. On a clairement dit que les techniques de pieds

étaient interdites. Tu lèves un pied, vous la pénalisez.

Fais attention au contact !

Quitte à prendre une mauvaise décision, je préfère que tu ne la prennes pas.

Il faudrait peut-être accélérer parce que dans cinq minutes c’est terminé…C’est pas normal

que votre poule soit aussi lente.

Regarde, c’est tout marqué. Lis !

Il vous faut trois combats chacun. Vous arrêtez après cela, vous calculez vos points.

L’évaluation est terminée, on arrête tout. On se dépêche sinon on va être en retard au collège.

Je veux uniquement les feuilles. Allez vous changer ! Il faut que l’on soit parti dans cinq

minutes.

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ANNEXE 33

C : Peux-tu faire, s’il te plaît, un bilan de cette évaluation ?

A : La mise en place de l’évaluation, on va dire correct. Comme elle découle aussi de tout le

cycle que l’on a fait , ils savaient bien ce qu’ils avaient à faire. Ensuite, sur le plan réel de ce

qui a été évalué, sur les cinq groupes, il y en a deux pour qui les connaissances acquises

pendant le cycle ont été réinvesties immédiatement. Il y a un groupe de filles pour qui c’était

viable. Il n’y a que le groupe du milieu, le groupe filles pour qui cela a posé des problèmes.

Rien de bien surprenant.

C : Peux-tu préciser comment sont évalués les élèves en terme de maîtrise ou des

compétences générales par exemple ?

A : On différencie très nettement la performance qui elle est le résultat des matchs, des

combats. Ce sont des affrontements par poule, avec un règlement qui est le règlement

fédéral en toile de fond sauf qu’à la fin il n’y a pas de classement mais une note en

fonction des victoires, défaites et nuls. Pour la maîtrise, alors j’ai fait moitié moitié, elle

est plus relative à ce qui s’est passé dans le combat, la capacité à mettre en œuvre dans le

combat les principes d’action propres à l’activité karaté, travaillés tout au long du cycle.

C : Pourquoi n’y-a-t-il pas dans la maîtrise de l’exécution de critères qualitatifs, des

indicateurs ? Parce que si l’on regarde le nombre de points marqués sur le nombre de combat

ce n’est qu’un critère quantitatif…

A : La question que tu poses soulève une deuxième démarche, qui va arriver après.

L’interrogation que tu amènes n’est pas nouvelle. Elle a eu lieu le jour de mon inspection, tout

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simplement. En fait, le projet pédagogique EPS ne fonctionne pas autour de la notion

d’habileté motrice. On demande aux élèves de se repérer au travers de critères, du moins bien

au mieux réalisé. Je pars moi du principe que s’il a marqué un point, l’élève a mis en jeu les

principes de l’action. La maîtrise est pour moi implicitement contenue dans la performance,

en tous cas en combat.

C : Si l’on reprend le questionnaire préliminaire, sur l’évaluation prévue, il n’y a pas d’écarts

puisque tu as fait exactement ce que tu as écrit là. Par contre, de ton point de vue, notes-tu un

écart entre le savoir à enseigné, ce que tu avais prévu de faire, et le savoir enseigné, ce que tu

as réellement fait ?

A : oui, par rapport au projet, je suis à la moitié du cycle. J’ai diminué les exigences qui

devaient au départ intégrer les techniques de pieds et je les ai enlevées parce que je n’ai pas eu

le temps de les enseigner. D’autant plus qu’il manquait quelque chose de fondamental, que

l’on voyait très bien quand les élèves combattaient, on a pas eu le temps de développer le pôle

défensif, j’ai vu très peu de blocages par exemple. Et deux, la gestion tactique de l’opposition.

Les élèves se sont affrontés sur leur capacité à mettre en œuvre quelques principes que l’on

avait eu le temps de travailler, les techniques de poings, mais il manque derrière toute la

gestion tactique, attaque directe, feinte, enchaînement, conclusion, qui, quelque part, est

l’aboutissement prévu du cycle. C’est lié au facteur temps, aux impondérables de l’EPS, parce

que j’ai eu le temps de le faire avec une autre classe. La classe était aussi un peu moins

propice aux apprentissages que l’autre classe de troisième que j’ai eu au premier trimestre, et

cela m’amène à revoir mon projet, peut-être en le divisant en deux temps. Je développerai ce

cycle en quatrième, et je continuerai par le pôle tactique en troisième, et je suis dans les

textes.

C : Notes-tu un écart entre ce que tu as enseigné et ce que tu as évalué ?

A : Oui, il y a obligatoirement un écart. Etant donné que je les ai évalué en terme de

performance, je n’ai pas pu évalué tout ce que j’ai enseigné. La performance n’en est que le

reflet. Comme je le disais tout à l’heure, j’ai enseigné des principes d’action, que je n’ai pas

évalués. Si on veut aller au bout des choses, on peut dire que je n’ai pas évalué ce que j’ai

enseigné. Quand l’élève marque deux points en faisant une technique de poing, je ne l’ai pas

enseigné. Ils font là appel à des représentations qu’ils ont de l’activité. Mais je ne leur ai pas

enseigné la performance en soi, seulement les principes pour être les plus performants

possibles.

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C : Comment enseigner Alain la gestion tactique de l’opposition ?

A : Essentiellement au niveau comportemental. On travaille la capacité à prendre en

compte son adversaire, ses réactions. Par exemple, si j’ai un super gyaku tsuki, il peut

être bon mais il faut que je le place en tenant compte de mon adversaire, ses

déplacements, son placement. L’axe central, c’est de jouer sur l’axe action réaction.

Créer des actions pour générer des réactions et en profiter pour placer une technique.

Créer des ouvertures.

C : Sur quelle régulations penses-tu le plus devoir insister ?

A : Sur le rappel des consignes. Bien sur, cela m’est arrivé de devoir arbitrer ou juger à la

place des élèves mais là où il faut insister, c’est le rappel des consignes, incessant.

C : Pensais-tu devoir autant le faire ?

A : Oui. Sans nul doute. Avec cette classe là, j’ai déjà eu l’expérience. En volley ball je me

suis fait piéger une fois avec eux. Les critères étaient simples, mais j’ai dû reprendre

l’évaluation toute entière. Donc là je suis resté présent.

C : En opposition, as-tu remarqué des comportements typiques d’élèves et comment les

interprètes-tu ?

A : j’ai remarqué un cas, très typique. Un élève qui n’acceptait pas l’opposition. Il est venu

me voir la semaine dernière en me disant « Monsieur, ils sont trop forts ». Il avait du mal à

s’exprimer à l’intérieur de ce groupe. Il mettait le corps en retrait, la tête en retrait. C’est un

comportement typique, mais qui n’est pas acquis. C’est difficile d’évaluer cela. Car on part du

principe que l’élève rentre dans l’opposition. Or c’est loin d’être évident.

C : Tu n’es pas sans savoir, Alain, qu’il y a des apprentissages qui se font dans l’évaluation, à

l’évaluation même. C’est ce que l’on appelle, apprendre dans l’épreuve. Quel statut attribues-

tu à cet apprentissage ?

A : Je ne suis pas certain que l’élève soit dupe. A ce moment là, il a un rapport à l’activité. Il

y a un phénomène d’appropriation par l’élève des exigences de l’épreuve, qui peut tout

changer. Il peut se passer des choses à ce moment précis, qu’il ne s’est pas passé avant.

C : Alain, je te remercie.

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ANNEXE 34

C : Qu’est-ce que t’a apporté la pratique du karaté au niveau personnel ?

A : je pense que le karaté m’a apporté…disons une reconnaissance, un statut dans un groupe,

la seule activité dont le résultat de mes actions, de mes progrès ne dépendaient pas d’un

groupe, en opposition aux sports collectifs.

C : penses-tu que ton expérience de pratiquant a une influence sur ton enseignement et

laquelle ?

A : Oui, mon parcours et les contraintes qu’il m’a imposé pour progresser définissent

certaines valeurs qui imprègnent ma logique d’enseignant : la rigueur par exemple, le

dépassement de soi en sont les racines.

C : Quand tu enseignes le karaté en EPS, quel savoir faut-il selon toi enseigner en priorité ?

A : Le savoir immédiat qui me semble incontournable dans mon enseignement en EPS est

d’abord comportemental : l’écoute.

C : Alain, peux-tu tout d’abord définir ce qu’est pour toi le karaté en EPS ?

A : Le karaté en EPS est une activité physique ET (il insiste) sportive au service du

développement de l’élève dans sa dimension affective, intellectuelle et motrice. En EPS sa

dimension éducative n’est plus implicite mais devient un enjeu de formation.

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C : En quoi cette définition diffère-t-elle du karaté enseigné en club ?

A : Le réponse est simple. La différence entre l’enseignement du karaté en EPS et

l’enseignement du karaté en club est la didactique. La pratique en club suit une logique que

lui impose sa méthode : la méthode traditionnelle. Elle est techniciste et n’est pas

pédocentriste. En EPS, c’est l’inverse. A ce sujet les programmes sont très explicites : le

combat est central. Le combat pris dans toute sa dimension affective, événementielle et

intellectuelle. En EPS, l’acquisition technique n’est pas l’enjeu de formation du débutant,

mais le support à l’expression personnelle en combat.

C : Tu dis dans l’EPS1 : « combattre c’est être capable de donner les bonnes réponses. Lire

l’autre, pour savoir comment il réagit ». Que veux-tu dire par là ?

A : Ceci fait référence à la dimension intellectuelle ou cognitive du combat. Elle ne fait pas

appel à des compétences techniques dans un premier temps mais à l’autodétermination de

choix tactiques. Ceci est l’un de mes principaux objectifs d’enseignement du karaté en EPS

dans le sens ou la lecture de l’adversaire s’inscrit dans une démarche tactique et donc

consciente du combat à travers la notion d’action-réaction.

C : Si je comprends bien, c’est ta définition du combat, voire du karaté ?

A : Oui, c’est cela.

C : Lorsque tu présentes l’activité et le cycle à ta classe, tu leur dis : « je vais vous la proposer

sous sa forme dynamique, la forme combat ». Apparemment la forme dynamique équivaut

pour toi au combat, que représente alors une forme « statique » ?

A : La forme statique fait référence à la méthode traditionnelle et à ce qu’elle impose en terme

d’apprentissage technique. Le kihon en est le meilleur exemple. « Statique » parce que si l’on

considère le temps nécessaire à l’assimilation des critères de réalisation gestuelle des

techniques chez un débutant, l’activité est alors globalement « arrêtée » dans le sens où les

temps de « pause » à proprement parlé sont plus long que les temps « d’activité ».

C : Tu commences ta leçon par l’apprentissage du salut. Tu diras aux élèves : « le salut est

une technique ». Peux-tu détailler cette définition originale du salut ?

A : La valeur pédagogique du protocole, c’est-à-dire du salut dans les arts martiaux représente

dans mon enseignement un point de départ du cours dans le sens où il décontextualise le cadre

dans lequel l’élève va pénétrer. Historiquement, le salut est effectivement une technique qui

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impose un minimum de concentration sachant que cette technique est très simple et qu’elle ne

fait appel à aucune aptitude particulière pour être réalisée. C’est ma façon à moi d’éveiller en

début de cours leur vigilance. C’est le début d’un échauffement non pas physique mais

intellectuel. Une centration sur soi afin de prendre les commandes de son propre corps et non

pas être ou rester sous l’influence d’émotions venant du vestiaire ou de la cour de récréation :

ce sont des ados, il ne faut pas l’oublier.

C : Le rituel du salut relève-t-il donc pour toi plus du savoir technique que du savoir éthique,

culturel ?

A : Le terme éthique me pose un problème, je dirais par défaut, technique. Je pense

cependant avoir répondu dans la question précédente. La référence historique au salut me sert

uniquement à justifier les critères de réalisation du geste. Ce sont ces critères de réalisation,

simples de surcroît que je demande avant tout à l’élève de respecter en faisant référence à l’art

de dégainer le sabre par exemple. Mais mon objectif n’est pas l’acquisition pure et dure de ces

critères parce que d’une part, je ne les évaluerai pas et d’autre part, même s’ils ont un

caractère technique, je m’en sers pour mettre les élèves en situation d’éveil face aux

apprentissages que je vise dans le cours qui va débuter. On doit le considérer comme une mise

en éveil psychologique.

C : Si l’on poursuit la chronologie de ta séance, tu dis aux élèves : « je vais vous faire des jeux

histoire de comprendre ce que cela veut dire maîtriser ses émotions ». J’ai cru percevoir que

tu attachais beaucoup d’importance à cette dimension en début d’apprentissage en karaté mais

de quelles émotions s’agit-il ?

A : Rester maître de ses actions et ne pas se laisser submerger par la crainte du coup, la

crainte de l’autre, par la représentation que l’on s’en fait. Faire en sorte que le seuil de

vigilance ne soit pas dépassé par des émotions générées par la peur. Parce que dans un

environnement tel que l’opposition, l’acception de l’affrontement par exemple n’est pas

acquis, il nécessite donc un réel apprentissage afin de se préserver soi-même et préserver ses

partenaires.

C : Et comment parvenir à leur maîtrise, concrètement ?

A : Par l’expérience d’une opposition duelle sécurisée. Par une progressivité de la pression

événementielle s’organisant autour de cibles non conventionnelles telles que des épingles et

les épaules. Bref, éviter tout contact au visage (la face) devient la règle de sécurité

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incontournable pour commencer. En somme en dédramatisant ce que le karaté suggère en

terme de sport de combat ou d’art martial.

C : Dans ta séance, d’une manière générale, tu insistes beaucoup sur l’acquisition par les

élèves des principes d’action. A quoi ces principes renvoient ils dans ton enseignement du

karaté en EPS ?

A : Parce que la notion de technique dans un contexte d’opposition ne se limite pas au seul

respect de ces critères de réalisation gestuelle. Parce que l’enjeu est d’atteindre une cible

avant ou sans que l’adversaire ne réalise cet objectif. Ces principes d’actions permettent

l’expression d’un geste répondant à la fois à la nature de l’activité karaté et aux enjeux

tactiques de l’opposition : à savoir le gestion simultanée de la vitesse, de la distance et de la

précision.

C : Dans la situation que tu mets en place, avec plusieurs cibles à atteindre sur le corps de

l’adversaire, tu te sers des réponses des élèves pour leur donner les critères de réalisation au

fur et à mesure. Tu dis : « la situation vous impose la meilleure position, être droit. Ce sera

un critère de réalisation technique : avoir le corps droit ». Peux-tu préciser Alain en quoi

cette situation impose à l’élève d’avoir le corps droit ?

A : Cette solution « avoir le corps droit » a de multiples conséquences sur le plan tactique : je

la considère comme faisant partie de ce que je nomme « les fondamentaux techniques ». C’est

à dire qu’elle est en rapport avec la nature même de l’activité karaté dans le sens où elle fait

référence à ce que l’enseignement du karaté traditionnel aborde sur le plan de ses techniques

de base. Sur le plan tactique, elle met en évidence une gestion spécifique de la distance,

obligeant l’élève à gérer ce paramètre par des déplacements en fente avant et pas chassés.

J’insiste d’emblée sur la mise en évidence de ce paramètre : corps droit égal gestion

nécessaire de la distance dans le sens où je tiens aussi à différencier l’activité karaté de

l’activité boxe éducative en EPS ou BF, autorisant dans ces deux cas des esquives du torse à

défaut de déployer un ensemble de techniques de blocages codifiés comme en karaté.

C : En fin de séance, tu dis aux élèves à propos des incertitudes liées notamment aux cibles

dans la situation que tu proposes : « quand on ne sait pas ce qui va se produire, la dimension

sportive prend toute son importance ». Dans ton enseignement du karaté en EPS, quelle place

accordes-tu à cette dimension sportive ?

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A : La voie sportive, terme que nous associons plus traditionnellement parlant à la pratique du

karaté, représente ma stratégie d’entrée dans l’activité. Elle est compatible avec les

programme en EPS et me permet sur le plan pédagogique de laisser les élèves s’exprimer plus

librement sur le plan de leurs aptitudes physiques, affectives et intellectuelles. J’oppose à cela,

le modèle techniciste de la méthode traditionnelle d’enseignement du karaté qui limite les

réponses tactiques des élèves parce que contraignante sur le plan technique et nécessitant plus

de temps qu’un simple cycle EPS.

C : J’ai été attentif, Alain, à la logique de ta démarche du début à la fin de ton cycle. Pour

autant, as-tu effectué des remédiations au cours même de ton enseignement et si oui,

lesquelles ?

A : Je n’ai pas souvenir de remédiations à proprement parlé dans le sens où je n’ai tout

simplement pas eu le temps d’aller jusqu’au bout de mes objectifs. Je n’ai, par exemple, pas

eu le temps d’aborder correctement les coups de pieds car j’ai préféré passer plus de temps, au

regard du profil de la classe, à sécuriser l’opposition uniquement à partir des techniques de

poings. C’est un choix de ma part. Il y aurait eu remédiations si le but avait été d’atteindre

coûte-que-coûte tous les objectifs du cycle. La conséquence fut une évaluation ne prenant en

compte que ce qui a été enseigné : c’est à dire une opposition uniquement à partir de

techniques de poing et défenses associées.

C : Venons-en maintenant à l’évaluation. Les critères évalués sont techniques : « corps

droit, ramené du bras, équilibre sur deux appuis à la touche ». Si l’on part du principe que tu

évalues ce que tu as enseigné, comme tu viens de le dire, penses-tu avoir enseigné ces

techniques ?

A : Non, les critères évalués ne sont pas des techniques mais des critères de réalisation

gestuelle qui composent un ensemble de techniques, ils sont sur le plan de l’évaluation, des

repères observables qui ont pour objectif de différencier une simple touche, d’un point

marqué type Ippon. Le but au final n’est pas seulement de toucher une cible identifiée comme

telle, mais de la toucher en respectant un ensemble de critères de réalisation gestuelle en

rapport à la nature de l’activité karaté.

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C : Comment définirais-tu la technique en karaté ?

A : Une technique en karaté est la gestion simultanée d’un ensemble de principes d’action que

sont : la vitesse, la distance, la précision et le respect des critères de réalisation gestuelle.

L’équilibre devient un principe d’action supplémentaire dans le cas des techniques de coups

de pieds.

C : Tu as déjà évoqué dans l’EPSEV les raisons qui ont fait que tu n’avais pas pu aborder

comme prévu avec cette classe la gestion tactique de l’opposition. Peux-tu néanmoins te

souvenir comment tu l’envisageais ?

A : Je pensais aborder la phase de gestion tactique à travers quatre principes et en attaque

seulement du fait du temps limité du cycle : les attaques directes, les enchaînements

d’attaques, les feintes et pour terminer les confusions. Le but était de mettre en évidence à

travers la lecture des adversaires, la configuration tactique la plus appropriée. Je m’explique :

Si l’adversaire à tendance à ne pas réagir, ou très tardivement, une attaque directe est

compatible. Si l’adversaire à tendance à reculer, voire fuir, les enchaînements d’attaques

peuvent répondre à cette réaction. Par contre, si l’adversaire à tendance à ne pas bouger et

bloquer les attaques directes, soit les feintes ou les confusions peuvent être une réponse

appropriée à ce profil. Ces quatre compétences étaient visées.

C : Comment cela se traduit-il en terme de savoirs à enseigner ?

A : Construire des projets tactiques au regard du profil adverse. Premièrement : être capable

d’identifier le profil ou la tendance du profil adverse. C’est que je nomme la lecture de

l’adversaire. Deuxièmement : mettre en œuvre le projet tactique adéquat en attaque. Par

exemple, en ce qui concerne les attaques directes, les savoirs enseignés auraient dus se

traduire par une recherche de synchronisation de son propre rythme pliométrique sur celui de

l’adversaire afin de diminuer le temps de réaction de celui-ci. Dans le cas des enchaînements,

une combinaison avec les techniques de pieds aurait été une approche de départ.

Objectif : être capable de récupérer la distance avec une technique de pied enchaînée derrière

une technique de poing. Dans le cas des feintes et des confusions, le projet tactique aurait du

mettre en évidence une aptitude à désinformer. Objectif : obliger l’adversaire à bloquer une

attaque ayant valeur de diversion.

C : Alain, c’est la fin de cet entretien, as-tu quelque chose à rajouter ou souhaites-tu revenir

sur un point particulier ?

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A : Non, pas particulièrement. J’espère seulement avoir répondu à tes questions et sinon je

suis toujours à ta disposition…

C : Alain, je te remercie pour ta précieuse collaboration.

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ANNEXE 35

C : Ma première question Alain sera la suivante : pour quelles raisons as-tu commencé à

pratiquer le karaté ?

A : Parce que je craignais beaucoup les autres. Petit, je devais avoir 8-9 ans, je m’étais fait

casser les dents et le nez suite à un coup de tête que m’avait volontairement donné un

« grand » à défaut de l’avoir donné à celui avec lequel il était en train de se molester. Bref, je

pense avoir traîné longtemps cette injustice et cette crainte du coup. J’ai certainement trouvé

dans la pratique des arts martiaux et des sports de combat un moyen de me rassurer, histoire

de ne jamais revivre cette expérience douloureuse qui m’a tout de même valu une opération

chirurgicale.

C : La pratique compétitive a-t-elle été à un moment donné très présente dans ta vie de

karatéka et pourquoi ?

A : Au début non. J’ai pratiqué durant plusieurs années judo, taekwondo, boxe française et

escrime, à l’armée 1988-1989, avant de pratiquer plus spécifiquement du Karaté - 1er dan de

karaté en 1988, début en 1986, j’étais déjà 1er dan de taekwondo depuis 1984, j’avais alors 19

ans. Puis par la suite, 1er dan de judo, la partie technique seulement, je n’ai pas validé tous

mes points combat, l’année de l’obtention de mon CAPEPS en 1991.

Pour résumer, j’ai d’abord pratiqué longtemps sous un forme très traditionnelle avant même

de faire de la compétition. J’étais déjà 1er dan de taekwondo le jour où je suis monté sur un

tapis de compétition. Je faisais les compétitions combat karaté puisqu’il n’y en avait pas en

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taekwondo en limousin à l’époque. Puis je suis devenu prof EPS, muté à Paris en 1992 et

depuis, je n’ai plus refait de compétition.

C : Tu as dit Alain : « la voie sportive représente ma stratégie d’entrée dans l’activité. Elle

est compatible avec les programmes EPS ». Est-ce en rapport avec ta propre pratique ?

A : Les textes ou programmes sont très clairs en la matière : « Le combat est central » et cela

dans toute sa dimension (affective, événementielle, cognitive, etc.). L’approche des rôles

sociaux est mis en avant : les textes parlent d’arbitrage. La notion de projets tactiques est

définie comme compétence à développer. Bref, en faisant fonctionner la dialectique :

acquisition des paramètres techniques relatifs à l’activité et temps imparti à un cycle EPS, 10

à 12h, le tout en rapport à l’énoncé des programmes, seule une approche sportive mettant en

jeu des fondamentaux techniques comme support de réalisation apparaît comme l’entrée la

plus pertinente dans l’activité en EPS en 4ème.

Ma réponse est donc : non, ce choix d’entrée dans l’activité n’est pas en rapport immédiat

avec ma propre pratique. Elle n’est pas dépendante d’une préférence ou affinité d’une

approche sportive ou traditionnelle. Elle est avant tout EPS.

C : Peux-tu développer comment toi tu as appris le karaté ?

A : Ma pratique du karaté est relativement récente sur le plan de l’histoire qui me lie aux arts

martiaux et sports de combat. Comme je l’ai déjà dit, je pratique d’abord le judo deux ans si

mes souvenirs sont exacts. J’ai alors autour de 11-12-13 ans. Puis un épisode rapide en karaté

shotokan, un an et demi, le club du moment arrêtant alors ses activités, vient le taekwondo

durant trois ans, un club s’ouvrant six mois après la fermeture du club de Karaté. En 1984, je

passe ma ceinture noire de taekwondo en Allemagne, j’étais prof d’allemand devant une

commission fédérale faite d’experts. Durant toute cette période, l’enseignement que je reçois

est purement traditionnel : kihon pour le karaté et principe assimilé pour le taekwondo, kata

et pomsee, assauts conventionnels, jusqu’à la casse de planches, obligatoire parce qu’incluse

dans le programme des grades de couleur jusqu’à la noire en Taekwondo. Bref, jusque là pas

une compétition même pas en judo, rien.

En fait, il faut comprendre que la raison qui m’a amené à pratiquer le karaté est assez

singulière. Suite à l’obtention de mon 1er dan de taekwondo, mon prof arrête le club en 1984.

Celui-ci se retrouve sans enseignant malgré la volonté affichée des quelques 20 licenciés du

moment de continuer. A l’époque, il faut savoir que dans ce club, pour exister légalement, on

était sous tutelle d’un club de karaté de Limoges. Nous étions donc licenciés FFKTAMA,

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karaté, taekwondo et arts martiaux affinitaires. C’est alors qu’en 1984, à l’âge de 19 ans, déjà

président de ce club depuis 1983, je décide de reprendre le flambeau et d’enseigner après

plusieurs tentatives pour trouver un prof de taekwondo sur Limoges. Mon club étant à Bellac,

soit à 40 km de Limoges. Puis en 1986, j’intègre la fac de Clermont-Ferrand et sur place, je ne

trouve aucun club de taekwondo. Je fais donc de la boxe française durant deux ans, mais en

parallèle je commence à faire des compétitions de karaté dans le Limousin puisque nous

étions licenciés FFKTAMA, j’en profite alors pour m’inscrire aussi dans un club de karaté sur

Clermont-Ferrand.

Bref, en tant que jeune enseignant, je ne trouve aucun avenir pour mon club à travers la

pratique du taekwondo. Mon grade était certes homologué mais en Allemagne et il n’existait

que deux clubs de taekwondo en Limousin : le mien compris et pas un club à Clermont-

Ferrand afin de progresser personnellement. C’est donc par souci d’homologation, histoire de

se détacher de la tutelle du club de karaté de Limoges et de compatibilité avec ma pratique

compétitive et celle de mes élèves du moment que je décide de m’inscrire dans un club de

karaté à Clermont Ferrand. Afin de progresser certes, en combat, mais aussi pour assimiler les

formes techniques nécessaires pour passer le plus rapidement possible mon 1er dan. Chose que

je fais deux ans après m’être inscrit dans ce club Clermontois, 1er dan en 1988.

C’est à ce moment, 1988, que je décide d’arrêter d’enseigner le taekwondo et me mets à

enseigner le karaté shito ryu au sein de mon club à Bellac.

Voilà comment j’en suis venu à pratiquer le karaté : parce que j’ai d’abord été enseignant.

Bref, pour répondre à ta question, le club de karaté dans lequel j’étais à Clermont me

permettait à la fois de préparer de façon très traditionnelle mon 1er dan (et même mon 2ème

dan, 3 ans après en 1991) tout en m’offrant la possibilité de progresser en compétition parce

que c’est le seul club de karaté sur Clermont-Ferrand où j’ai rencontré des opposants de taille

qui eux-mêmes faisaient de la compétition au delà du niveau régional en combat et en kata.

C’est à ce moment là que je me suis aussi mis à faire de la compétition kata, quelques unes.

Pour en arriver là, il faut savoir que j’y étais tous les soirs de la semaine et que le week-end je

revenais à Bellac pour enseigner dans mon club. Et ce même pendant mon année de service

militaire. Pour terminer, il est intéressant de noter que le club Clermontois dont je parle

comptait un champion de France combat, un champion d’Afrique, un membre de l’équipe de

France Kata (équipe B, je crois) que tu dois connaître : Frédéric Mizzi. Le professeur était

Daniel Queneau. A l’époque où j’ai commencé le karaté, j’ai parallèlement découvert à

travers nombre de stage des Maîtres comme Nakahashi et aussi Shinen puisque vers début

1990, Daniel Queneau entreprit d’orienter sa pratique vers le kobudo (Ecole Shorin ryu).

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C : Alain, lors de notre dernier entretien, tu dis à propos de la maîtrise des émotions : « ne pas

se laisser submerger par la crainte du coup, de l’autre, par la représentation que l’on s’en

fait ». Cette position a-t-elle posé un problème dans ta pratique personnelle ? Comment ?

A : Effectivement, parallèlement à mes études, où un enseignant, G. B. X., développait un

modèle d’enseignement du judo tout à fait novateur, option que j’avais prise puisque la plus

proche avec mes affinités. Je me suis personnellement reconnu dans le modèle qu’il proposait

et qui débutait par « l’acceptation du contact ». Il venait de verbaliser ce que je rencontrais

moi-même dans ma pratique en compétition et dans mon club avec mes propres élèves dès

que je dépassais le stade des assauts conventionnels. Il est évident que mon expérience décrite

plus haut, fracture du nez dans l’enfance, a particulièrement contribué à me rendre plus

sensible à l’étude de cette démarche que j’ai très rapidement mis en avant dans mon propre

club afin d’en comprendre tout les enjeux sur le plan éducatif surtout le jour où je me suis mis

à enseigner le karaté aux enfants, en 1989.

C : Et qu’est ce que ça a comme effet dans les savoirs que tu as enseignés ?

A : J’ai en partie répondu ci-dessus. Mais concrètement, mes contenus se sont très rapidement

orientés vers une conception didactisée de l’enseignement. Dans le sens où le modèle

traditionnel ne me convenait pas pour les enfants, ni pour la préparation à la compétition. En

somme, ce n’est plus vraiment ma pratique qui s’est mis à orienter mes contenus mais ma

logique d’enseignant alors même que j’étais en train de faire mes études en STAPS, j’ai

utilisé mon club comme laboratoire d’expérimentation de tout ce que mes profs de fac

m’enseignaient. Depuis, je n’ai de cesse que de réfléchir à cette dialectique : didactique et

enseignement d’un karaté dont la logique est double : discours du maître / discours du

champion (Traditionnel / sport).

C : Pourquoi as-tu été sensible à ce problème dans la mise en œuvre de ton enseignement du

karaté en EPS ?

A : Parce que le modèle d’enseignement du judo en EPS de G. B.-X. que j’ai utilisé comme

point de départ de ma réflexion sur l’enseignement du karaté enfants et débutants dans mon

propre club au commencement, était lui aussi compatible avec les enjeux de l’EPS puisque

celui de G. B.-X. l’était lui même. En le croisant avec plusieurs autres modèles

d’enseignement provenant d’autres sports de combat que j’avais de surcroît pratiqué, la boxe

française notamment et l’escrime. J’en suis arrivé au modèle que j’emploie actuellement en

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EPS. En somme, tout en restant dans la nature de l’activité karaté, ses fondamentaux

techniques, j’exerce un enseignement dont les modèles sont certes un peu traditionnel, sportif

en ce qui concerne le karaté, mais aussi issus d’autres sports de combat.

C : Alain, nous arrivons au terme de cet entretien, j’aurais alors une dernière question : quelle

est ta référence pour l’enseignement du karaté en EPS ?

A : G. B.-X., responsable de l’option judo dans les années 80-90 à l’UFR de Clermont

Ferrand puis Montpellier par la suite. Et d’une façon plus large : le judo, la boxe française et

un peu l’escrime avec le système des priorités, au sabre. Bref, tout sauf vraiment du karaté. Ce

qui n’est pas plus mal, car c’est un bon moyen de ne pas rester piégé par le seul modèle

auquel tout le monde semble vouloir adhérer : le modèle traditionnel, à savoir : kihon, kata et

assauts conventionnels.

C : Alors que je suis en train de finaliser mon document de thèse, il me faut ton accord pour

l'utilisation de ton prénom : m' autorises-tu à l’utiliser dans ma thèse lorsque je parle de toi?

En effet, je ne souhaite pas vous mettre des pseudos ( Denis pour Michel, par exemple) ou des

initiales (NJ pour Nicolas par exemple) car je suis sur une étude de cas, dont la singularité du

sujet est centrale. De ce fait, ton prénom fait à mon avis partie de ton histoire, qui parfois

transparaît dans l'étude de cas.

A : Pas de problème pour utiliser mon prénom !

C : Alain, je te remercie infiniment pour cet entretien, et tous les autres que tu m’as accordés.

Ton aide a été très précieuse dans mon travail de recherche et je ne manquerai pas de te tenir

au courant de son évolution.

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ANNEXE 36 : GRILLES DE NIVEAUX

D’HABILETE

1. Niveaux d’habiletés en kihon et kata Niveaux Domaines

N1

N2

N3

KIHON +

KATA ↓

DEMONSTRATION

Gestuelle

Précipitée. Raccourcie,

sans intention. Pas d’armé. Pas de protection, ni de

verrouillage des techniques. Manque de coordination et de kime. Aucun travail de hanche.

Positions

Hautes. Peu différenciées.

Stabilité très relative

Déplacements

Aléatoires. Directions non respectées. Equilibre

instable. Pas de protection. Lenteur

Démonstrations

KIHON : A des difficultés

à enchaîner. Pas de « kime ».

KATA : « Récite » en cherchant de l’aide.

Gestuelle

En évolution. Arme et se

protège (prépare). Commence à coordonner plusieurs actions. Début de kime et de travail de hanche. Verrouillage.

Positions

Différenciées mais encore à corriger dans la forme.

Début de stabilité

Déplacements

Equilibre relatif. Se

protège. Plus rapides.

Démonstrations

Intériorise l’enchaînement et le reproduit plusieurs

fois sans se tromper. Intériorisation de

l’ensemble.

Gestuelle

Correcte dans un

répertoire appris. Bonne coordination du travail

tronc/jambes. Travail en

contraction/décontrac- tion. Verrouillage des

techniques. Travail des hanches prépondérant.

Positions

Correctes. Différenciées.

Stables

Déplacements

Equilibre assuré. Directions respectées.

Rapide. Vif.

Démonstrations

Vit l’enchaînement

comme un moment de combat.

Vit le kata. Combat.

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2. Niveaux d’habiletés en bunkaï Niveaux Domaines

N 1

N 2

N 3

BUNKAI

APPLICATION COMPREHENSION

Est capable d’appliquer à

deux un enchaînement (blocage, contre-attaque),

extrait du kata, sans se tromper.

Est capable d’appliquer à deux une partie précise du kata, en respectant l’ordre

des techniques, sans se tromper.

Est capable d’appliquer tout ou partie du kata, à plusieurs en respectant

l’ordre des techniques sans se tromper.

Voire : est capable de

trouver plusieurs applications à un enchaînement.

BUNKAI – KUMITE

EXPLICATION INTERPRETATION

TORI :

A des difficultés à se repérer dans le kata : hésite sur l’arme à utiliser et la cible à viser.

UKE :

Transfert du kata au combat en voie de

réalisation.

L’explication est juste mais ne correspond pas à une phase de combat (non

respect de la distance, manque de vivacité...

Connaît l’attaque à délivrer à toutes les étapes du kata mais à des difficultés à : • être à bonne distance, • être stable, • être déterminé (kime). Transfert du kata au combat partiellement réalisé. Non respect d’un ou plusieurs critères : • distance, • kime, • équilibre, • positions.

S’adapte pour être à bonne distance de son adversaire et délivre une attaque où l’arme/cible sont respectées. Transfert du kata au combat. réalisé. Décalage/Blocage/ contre-attaque : • à distance, • avec kime, • en équilibre • en respectant les

positions du kata.

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3. Niveaux d’habiletés en assauts conventionnels, non-imposés ou libres sur un pas Niveaux Domaines

N 1

N2

N3

KIHON IPPON KUMITE

(JIYU) IPPON KUMITE

ASSAUTS DE BASE SUR UN PAS , CONVENTION-

NELS, NON-

IMPOSES OU

LIBRES

TORI :

Vitesse d’exécution faible. Manque de détermination

Distance de frappe non-intégrée : n’est pas en mesure de toucher son adversaire (souvent trop

loin).

Stabilité à la frappe très relative.

UKE : Décalage : - Fuit, en se mettant hors distance pour toute action suivie. - Recule dans l’urgence en utilisant de manière prioritaire un déplacement vers l’arrière.

Blocage :

- Inefficace. Se fait toucher.

- Déclenchement en général trop tardif et sans protection (blocage d’urgence).

Contre-attaque :

- On peut retrouver les mêmes critères observables que «Tori » avec en plus, de manière spécifique :

- une absence ou une inefficacité du contre car il n’y a pas de réajustement de la distance par rapport à l’adversaire après la phase décalage/blocage.

Augmente sa vitesse d’exécution.

La distance est globalement respectée mais l’attaque manque

de précision.

Stable et équilibré tant qu’on ne demande pas trop d’augmenter la

vitesse d’exécution. - Esquive souvent trop tôt, dès le déclenchement du déplacement adverse. - Commence à utiliser des esquives de côté, intérieures ou extérieures à l’attaque adverse, afin de sortir de la ligne offensive. Commence à être efficace ;permet d’enchaîner une contre-attaque dans de bonnes conditions. - Contre-attaque «retardée » et imprécise : a des difficultés à réajuster correctement sa distance par rapport à l’adversaire.

Vitesse d’exécution importante et détermination visible dès la préparation.

Distance respectée : est précis dans son attaque. Stabilité assurée à la frappe. - Attends le dernier moment pour se décaler, afin de «lire » au mieux l’attaque adverse. - Utilise de manière prioritaire un déplacement de coté, voire en avançant , rentrant dans l’attaque (sen no sen). Blocage efficace qui déséquilibre l’adversaire (blocage-attaque). Voire : sen no sen blocage/contre quasi simultanés.

- A distance : réajustée. Contre efficace, précis.

- Peut enchaîner.

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4. Niveaux d’habiletés en assauts conventionnels, non-imposés ou libres sur plusieurs pas

Niveaux Domaines

N1

N2

N3

(JYU) SANBON KUMITE

(JYU) GOHON KUMITE

ASSAUTS DE BASE SUR PLUSIEURS PAS, CONVENTIONNELS, NON-IMPOSES OU

LIBRES

TORI :

• N’adapte pas son

attaque en fonction de sa distance à l’adversaire.

• Est hors distance dès la 2ème attaque.

UKE : • Parvient uniquement à

se décaler sur la première attaque. Subit les autres, se retrouvant trop près ou trop loin, sans possibilité de bloquer.

• Pas de contre-attaque en fin d’enchaînement ou contre inefficace (problème de distance)

• Absence de variété des techniques de blocages utilisées.

• Est incapable de s’adapter au rythme imposé par l’adversaire.

• Commence à adapter son attaque et réajuster sa distance en fonction des déplacements adverses.

• Manque encore de précision dans l’enchaînement des attaques.

• Parvient à se décaler

et bloquer deux ou trois des attaques adverses, en arrivant à se protéger de celles-ci sans varier les techniques.

• Peut enchaîner une contre-attaque, plus ou moins efficace en fonction de sa distance.

• Commence à s’adapter au rythme imposé par l’adversaire, pourvu que celui-ci n’aille pas trop vite (repart souvent trop tôt ou trop tard).

• Parvient à garder

stabilité, Kime et précision , tout en réajustant sa distance par rapport aux déplacements adverses.

• Est capable de varier le rythme.

• Parvient à se protéger

de toutes les attaques adverses en restant stable, précis, puissant, à distance.

• Varie les blocages en fonction des attaques portées.

• Contre offensif efficace à la fin de l’enchaînement adverse.

• S’adapte correctement au rythme imposé par l’adversaire, parfois au détriment de l’efficacité des blocages.

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5. Précision des rôles et identification d’indicateurs comportementaux des sous-rôles en combat libre (jiyu kumite)

Niveaux Rôle

N1

N2

N3

N4

OPPOSANT DE TYPE DEFENSIF

Fuite : « Je me déplace pour éviter d’être touché » • Recule

systématiquement pour se mettre hors distance, sans reprendre cette dernière.

• Esquive sans

chercher à toucher.

Blocage : « Je verrouille les chemins d’accès à ma garde » • Subi en se

protégeant. • Ferme sa garde

et y reçoit les attaques adverses sans déplacements

Accepte l’attaque : « Je surveille les attaques adverses et je les utilise. J’enchaîne immédiatement » • Se protège en

cherchant à contre-attaquer.

• Esquive et

cherche à toucher.

Attend l’attaque : « Je laisse croire à l’adversaire que je fais une faute pour l’obliger à l’attaquer ».

• Se déplace stratégique-ment pour préparer une riposte.

• Feinte pour

attaquer et renverser le rapport de force.

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Niveaux Rôle

N1

N2

N3

N4

OPPOSANT DE TYPE OFFENSIF

Attaque directe : "Attaque prédéterminée par un savoir-faire particulier maîtrisé ». • Porte des

attaques simples, sans enchaînement et souvent sur un «appel » de l’adversaire (ouverture de la garde).

• Se déplace

exclusive-ment dans l’axe antéro-postérieur.

Attaque d’opportunité : «Sur déséquilibre provoqué et exploité : quand l’adversaire réagit, je lance mon attaque ». • Se déplace pour

mieux toucher. • Porte des

attaques combinées pour créer des ouvertures.

Attaque réaction : « Je feinte et j’attaque sur la réaction. Je bloque et j’enchaîne sur l’attaque de mon adversaire ».

• Feinte pour toucher.

• Bloque puis

contre-attaque.

Attaque dans l’attaque : « Je perçois l’attaque dès son déclenchement et je l’utilise ou bien mon attaque arrive avant celle de l’autre ».

• Anticipe l’attaque adverse en «rentrant » dedans et la neutralise.

• Touche avant

d’être touché.

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451

6. Niveaux d’opposition en combat libre

Niveau

Type d’opposition

Tendance observable

1

Opposition subie

Fuite Opposant défensif

dominé

DEFENSIVE

Déplacement arrière Garde fermée

Peu de coups donnés 2

Opposition acceptée

Attentisme passif Opposant défensif

Logique de protection

3

Opposition provoquée

Attentisme actif Opposant défensif - offensif

OFFENSIVE

Déplacement surtout avant garde basse, ouverte

4

Opposition d’opportunité

Provocation Opposant offensif

Donne beaucoup de coups

Absence de véritable stratégie

5

Opposition interactive Combinaison-réaction

Opposant offensif-défensif

NEUTRE

Garde haute, éloignée Déplacements variés

6

Opposition exploitée

Opposant offensif dominant

Alterne, tourne.

Met en place des stratégies de touche.

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7. Proposition de fiches d’évaluation des compétences en karaté Niveaux

Domaines N 1 N 2 N 3

KATA

Parvient à terminer le kata sans aide, en le

«récitant » sans rythme, avec quelques

erreurs de déplacements et/ou de

mouvements.

Réalise le kata sans hésitation, avec

rythme mais l’ensemble manque de détermination et/ou de

vitesse d’exécution et/ou de stabilité.

Donne l’impression de vivre le kata

comme un combat. Au moins deux des

critères (vitesse d’exécution, kime,

stabilité) sont respectés.

BUNKAI

En attaque : hésite souvent sur l’arme à

utiliser et/ou la cible à viser.

En défense : connaît l’application mais a des difficultés à la

mettre en pratique à deux (problème dans

la maîtrise de l’exécution des

techniques).

Connaît l’attaque à délivrer mais a des difficultés à être à bonne distance.

Connaît l’application à toutes les étapes du

kata mais a des difficultés dans la mise à distance par

rapport à l’adversaire, d’où un enchaînement

«saccadé ».

Ajuste sa distance en

fonction de l’attaque à délivrer.

Réalise l’application d’une partie du kata sans hésitation, en étant globalement à bonne distance de

l’adversaire, d’où un enchaînement

«fluide ».

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Niveaux

Domaines

N 1

N 2

N 3

IPPON KUMITE

Attaquant :

« présente » une attaque à

l’adversaire ; pas d’intention de

toucher. Est hors distance et imprécis.

Défenseur : Recule-fuit.

Déplacement et blocage d’urgence.

Se fait toucher. Contre-attaque impossible ou

inefficace.

« Délivre » une attaque correcte, précise dans le niveau, à distance mais qui manque de vitesse et de détermination (« kime »).

Esquive un peu tôt ou

un peu tard : problème de «timing ».

Bloque, mais après avoir été touché.

Contre attaque mais ne réajuste pas ou mal

sa distance par rapport à l’adversaire.

« Libère » une attaque précise, à distance, avec l’intention de toucher.

Esquive-blocage efficace car à bonne

distance et correctement réalisé. Réajuste sa distance

pour la contre-attaque : efficace et

précise.

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454

JIYU KUMITE

OPPOSANT

Recule systématiquement pour se mettre hors distance sans reprendre celle-ci.

Esquive sans chercher

à toucher .

OPPOSANT

Porte des attaques simples, sans enchaînement.

Se déplace presque exclusivement dans

l’axe antéro-postérieur.

DE TYPE Subi en se protégeant.

Ferme sa garde et reçoit les attaques

adverses sans déplacements.

DE TYPE Se déplace pour mieux toucher.

Porte des attaques combinées pour créer

des ouvertures.

DEFENSIF Se protège en cherchant à contre-attaquer.

Esquive et cherche à toucher.

OFFENSIF Feinte pour toucher.

Bloque puis contre-attaque.

Voire : anticipe en

rentrant dans l’attaque adverse et la neutralise.

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ANNEXE 37

Proposition d’un exemple de

traitement didactique :

la référence du karaté du

chercheur

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1. Enjeux de formation

Ces enjeux renvoient aux compétences spécifiques et générales qui sont visées par

l’enseignant. Ils sont sélectionnées par lui en fonction des analyses macroscopiques

(programmes, projet d’établissement et EPS) et microscopiques (caractéristiques de la classe

et des élèves). Comme le développement suivant ne s’adresse pas à une classe en particulier,

nous resterons sur une proposition générale et quelque peu exhaustive.

- Intérêt moteur du karaté :

• Investissement énergétique, musculaire important.

• Développement des sensations kinesthésiques et proprioceptives.

• Intégration de compétences réinvestissables dans la vie quotidienne : self-défense…

- Intérêt cognitif :

• Connaissance culturelle du karaté en tant que sport, art et activité de combat.

• Maîtrise des situations duelles se traduisant par un projet stratégique.

• Travail de mémorisation gestuelle.

• Traitement de l’information (par rapport à l’incertitude imposée).

- Intérêt socio-affectif :

• Contrôle de l’agressivité.

• Respect de l’autre.

• Développement des conduites de coopération : sécurité-solidarité-responsabilité.

• Accepter l’engagement dans l’affrontement.

• Renverser le rapport de force.

En conclusion, on peut dire que le karaté s’inscrit dans la poursuite des grands objectifs de

l’EPS :

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457

• Il participe au développement des capacités motrices (notamment au niveau de la

coordination, de la mémoire sensori-motrice).

• Il participe au développement des ressources des élèves (bio-mécaniques, bio-

énergétiques, bio-informationnelles, et affectives).

• Il développe le corps dans sa totalité, implique la relation aux autres (respect des

différences, collaboration dans les tâches) et favorise l’affirmation de la personnalité de

l’élève par la création de ses propres moyens de défense.

• Il permet à l’élève de mieux percevoir les différents aspects de la culture (sportive,

artistique…).

• Il constitue, par la pluralité des fonctions qui y sont rattachées (entretien physique, sport

de compétition, relaxation, art martial) une activité physique susceptible d’être continuée

aux différents âges de la vie.

2. Stratégies d’apprentissage

Le choix de l’entrée dans l’activité sera déterminé par le profil de la classe. La

modélisation ci-dessous permettra de mieux appréhender cet aspect fondamental de l’acte

pédagogique.

- Dans le cas d’une classe « scolaire » : les entrées dans l’activité peuvent être

nombreuses : par le kata, les assauts conventionnels, voire le combat puisque les

élèves ne posent pas de problèmes de discipline.

- Dans le cas d’une classe « en rupture » : L’entrée par le kata va peut-être se révéler

trop exigeante en terme de concentration demandée et de mémorisation. L’entrée

par le combat sera au contraire trop difficile à contenir pour l’enseignant, les

élèves pouvant se laisser trop vite déborder par leurs émotions. Dans cette optique,

une entrée par les assauts conventionnels peut être une alternative intéressante

dans la mesure où elle permet d’inclure des règles de fonctionnement strictes, tout

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458

en gardant l’aspect combatif de l’activité, certes centré sur le travail de la défense.

Nous donnons quelques exemples d’objectifs de cycles dans le chapitre suivant.

3. Objectifs de cycle

Thème : réagir à une attaque adverse pour renverser le rapport de force.

• Connaissances et savoirs à enseigner :

- Savoir choisir et adapter ses actions en utilisant des indices simples (cible visée-attaque

portée-distance).

- Savoir mettre en œuvre le blocage adapté à l’attaque en utilisant le répertoire technique

du kata.

- Savoir enchaîner décalage-blocage-contre-attaque.

• Acquisitions attendues des élèves :

- Réagir vite en fonction de l’attaque délivrée.

- Réagir bien en esquivant et en bloquant l’attaque.

- Réagir contre en délivrant une contre-attaque à distance de l’adversaire et en équilibre.

4. Définition de la pratique sociale de référence karaté et incidences pédagogiques

Le karaté peut être défini comme une activité physique de combat privilégiant la

percussion dans le travail pieds-poings, avec possibilités de préhension, dans laquelle il s’agit

de dominer un adversaire réel ou virtuel en lui portant un coup sur une surface corporelle

correspondant à un point vital dans la mesure où l’initiative de l’attaque provient de cet

adversaire. Cette acception martiale met l’accent sur le fait incontournable que le karaté est

bien utilisé à des fins uniquement défensives, jamais agressives.

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459

- La première incidence pédagogique à cela tient dans la définition des rôles : le

défenseur sera celui qui n’a pas l’initiative de l’attaque.

- La deuxième incidence va définir notre situation de référence : l’assaut imposé. Dans

cette situation, le défenseur répond à une agression en se protégeant et en contre-

attaquant afin de ne plus laisser à l’attaquant d’alternatives.

- La troisième incidence va porter sur l’évaluation, qui n’envisage que celle du

défenseur, puisque d’un point de vue de l’éthique véhiculé par les arts martiaux, on

évitera de valoriser l’attaquant. De plus, il est nécessaire d’un point de vue sécuritaire

que l’élève contrôle son investissement physique lors de l’assaut, ce qui n’est pas

compatible avec la recherche d’une performance en terme de marquage de points, s’il

parvient à toucher le défenseur.

5. La situation de référence : l’assaut sur un pas

L’assaut imposé différencie les rôles de défenseur et d’attaquant. Ce dernier a l’initiative

de l’attaque, dont au départ de l’apprentissage toutes les variables contingentes seront

spécifiées. Le déroulement de cet assaut est donc très codifié : l’attaquant avance d’un pas en

déployant une attaque unique dont le rythme, la cible, l’arme et la distance sont connues du

défenseur, qui a comme tache de la neutraliser et de contre-attaquer aussitôt. Afin de pouvoir

évaluer du respect de la distance par le défenseur, il est nécessaire que l’attaquant reste sur

place une fois son attaque délivrée. L’assaut prend fin et les deux protagonistes peuvent

revenir à leur place face à face à distance de garde quand le défenseur a terminé sa contre-

attaque. Même si les rôles sont différenciés au départ de l’assaut, on s’aperçoit qu’à son terme

le défenseur change de rôle puisqu’il passe de celui de défenseur à celui d’attaquant. C’est

dans ce changement de rôle et de renversement du rapport de force que se manifeste

« l’intention stratégique » du combattant (Terrisse et coll., 1995).

Nous proposerons donc à partir de notre situation de référence, de construire les contenus en

manipulant les variables de l’opposition, ce qui complexifie la situation d’opposition et

permet à l’élève de construire des savoirs stratégiques mais aussi technico-tactiques,

autrement dit un véritable savoir combattre.

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460

6. Les variables de la situation d’opposition

L’acte d’enseignement nécessite l’aménagement d’un milieu, afin qu’il soit propice à

l’apprentissage des élèves. Margolinas (1993) décrit ce milieu comme un ensemble de

contraintes qui doivent garantir le fonctionnement pertinent de l’activité de l’élève. Comme le

souligne D. Loizon (2004), « ces différentes contraintes s’expriment pour une grande part à

travers les variables didactiques. Nous les définirons comme « celles qui influent sur

l’apprentissage et dont l’enseignant peut choisir les valeurs (Brousseau, 1998). En combat, ces

variables sont les paramètres qui conditionnent l’affrontement. Désormais définies, les

différentes variables vont pouvoir être détaillées.

6.1. L’adversaire

La première variable à prendre en considération et la plus importante est

l’adversaire. Changer d’adversaire dans les situations d’opposition est un élément essentiel de

progrès. En effet, à travailler toujours avec le même partenaire, on s’habitue à lui, à ses

enchaînements, ses réponses, au point de perdre de vue le sens de l’activité qui est de

s’opposer et de réagir face à l’incertitude qu’il constitue. L’adaptation psychologique du

combattant à un « contexte différent » selon l’opposant est une composante essentielle de

l’activité et permet au demeurant à l’enseignant d’atteindre des objectifs en terme de

compétences générales de solidarité et de citoyenneté. Cette variable étant inhérente aux

activités physiques d’opposition individuelle, nous l’inclurons « par défaut » dans les

situations proposées veillant à ce que les élèves changent régulièrement de partenaire de

travail. L’enseignant instaure donc un rapport d’opposition changeant que l’élève va devoir

gérer aux niveaux stratégique, tactique et technique. En d’autres termes, si l’adversaire est

plus fort, l’adaptation se fait dans l’urgence, au cours même de l’épreuve, soit au niveau

tactique. Si l’adversaire est au contraire plus faible, on a tendance à imposer sa stratégie (par

définition pré-établie). Enfin si l’adversaire est estimé du même niveau, la différence va se

faire au niveau technique. Le tableau suivant se propose de synthétiser ce rapport :

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Rapport d’opposition

FAVORABLE

EQUIVALENT

DEFAVORABLE

Adaptation

TACTIQUE

TECHNIQUE

STRATEGIQUE

Tableau 1 : adaptation du combattant en fonction de son estimation du rapport d’opposition

Il s’avère donc que pour l’enseignant, les variables permettent d’aménager la situation

d’opposition pour déséquilibrer le rapport de force à des fins d’apprentissage. Grâce à leur

manipulation, « l’enseignant peut construire des situations plus ou moins saturées en

incertitude afin de faire apprendre aux élèves autre chose qu’un savoir technique formel et

décontextualisé » (Loizon, 2004).

6.2. Les variables CARDinales

Les autres variables à prendre en compte et que l’enseignant va pouvoir manipuler à

son gré sont :

- la Cible, dont on précise le niveau (haut, médian, bas), ce qui va constituer trois

alternatives.

- l’Arme, qui peut être le poing ou le pied, mais les alternatives sont nombreuses car les

techniques afférentes sont variées. Leur nombre va dépendre du choix que

l’enseignant a fait en terme d’acquisitions techniques. Au cours d’un cycle d’une

dizaine d’heures, il convient de retenir le coup de poing direct (oï tsuki) le revers

circulaire (uraken), le coups de pied circulaire (mawashi geri). On arrive donc aussi à

un total de trois alternatives.

- Le Rythme. A partir de notre situation de référence, dans un assaut sur un pas, le

rythme concerne le déclenchement de l’attaque qui peut être signalé de manière sonore

par l’attaquant. Dans un assaut sur plusieurs pas, le rythme va concerner la régularité

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462

de l’enchaînement de l’attaquant qui est au début imposé pour ensuite laissé à

l’initiative de l’attaquant.

- La Distance : c’est sans aucun doute la variable la plus contingente et celle dont la

manipulation va le plus mettre le défenseur en difficulté. Au départ de l’assaut,

l’attaquant prend sa distance par rapport au défenseur de manière à pouvoir le toucher

en avançant d’un pas, mais les deux combattants sont immobiles avant le

déclenchement de l’assaut. Par la suite, il est nécessaire de travailler en mobilité.

L’attaquant fera donc un travail de recherche de distance de manière à déclencher son

attaque au moment le plus opportun pour toucher et surprendre son adversaire.

Les variables contingentes étant définies, nous pourrons les scinder en deux catégories. La

première va inclure les variables techniques (cible et arme) et la seconde les variables

stratégiques (rythme et distance).

Ces quatre variables (Cible-Arme-Rythme-Distance), CARDinales au sens où elles sont

fondamentales dans la situation d’opposition, représentent le point d’ancrage de notre

traitement didactique : la manipulation de ces variables par l’enseignant va dans cette optique

lui permettre d’aménager la dualité par effet de complexification ou de simplification de la

situation en organisant la logique de l’affrontement.

Pour ce faire, dans une logique d’apprentissage, la graduation de la contingence de l’assaut

doit se faire de manière progressive. Plus l’enseignant va mettre de variables incertaines dans

le situation d’assaut, plus celle-ci sera contingente. Le tableau suivant (tableau 2) envisage la

graduation de la contingence de l’épreuve suivant la ou les variables manipulées. En effet,

suivant celles qui sont incertaines dans la situation, l’épreuve se révèle plus ou moins difficile.

Il y a donc une graduation intrinsèque de la situation d’opposition, qui est dépendante des

variables manipulées ou des combinaisons de variables incertaines.

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Niveau de contingence de

l’épreuve

1 2 3 4

1 variable incertaine

R C A D

2 variables incertaines

RC - RA CA - CD AD RD

3 variables incertaines

CAR CRD ARD CAD

4 variables incertaines

ASSAUTS LIBRES

Tableau 2 : graduation de la contingence de l’épreuve suivant le nombre de variables manipulées Ainsi, si l’enseignant rend incertaine l’une des quatre variables précitées, on peut dire que

l’on est à un niveau 1 de contingence de l’épreuve d’opposition. Dans les assauts sans

incertitude ou au niveau 1 de celle-ci, on parlera d’assaut imposé.

Dans les cas de deux ou trois variables incertaines, soit dans les niveaux 2 et 3 d’incertitude,

les assauts seront semi imposés. La contingence de la situation d’opposition devient

importante. Enfin, le dernier niveau de contingence (niveau 4) correspondra à un assaut libre

dans la mesure où toutes les variables sont incertaines (cf. graphique 1)

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464

Graphique 1 : Graduation de la contingence de l’épreuve en fonction du nombre de variables

manipulées.

Il se dégage alors trois niveaux de cycles :

- le cycle N1 : l’enseignant fera travailler les élèves sur des assauts imposés et semi

imposés soit jusqu’au niveau 2 de contingence.

- Le cycle N2 qui envisagera les assauts semi imposés et libres, soit jusqu’au niveau 4

de contingence.

- Le cycle N3 où seront abordés les assauts semi imposés et libres sur plusieurs pas

(enchaînement d’attaques).

1 2 3 4

4 3 2 1

Assauts

imposés

Semi imposés

libres

Contingence de l’épreuve

Nombre de variables incertaines

Degré d’incertitude

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465

7. Organisation d’un cycle et de l’évaluation

7.1. Programme et notation

Les programmes d’EPS envisagent le groupement « activités physiques de

combat ». Les programmes du cycle central restent cependant très généraux et ne traitent

l’activité qu’au niveau transversal. L’accompagnement des programmes du cycle central,

censé détailler en termes de contenus les compétences à acquérir pour chaque niveau

n’envisagent pour autant que les activités de combat de préhension (lutte et judo). Seules

quelques allusions au karaté et à la boxe française peuvent être repérées en introduction. Ce

n’est donc manifestement pas dans ces programmes que l’enseignant va pouvoir trouver des

pistes de compétences à atteindre. Nous nous proposons donc de donner une option didactique

afin de pouvoir programmer l’activité karaté dans un établissement du second degré.

Un cycle d’apprentissage doit permettre à la fois d’enrichir le vocabulaire moteur spécifique

de l’élève et d’envisager les aspects stratégiques de l’activité. Il nous paraît intéressant

d’inverser progressivement le rapport technique/stratégie sans occulter un des deux pôles. Les

situations proposées doivent être variées et c’est lors de la définition des critères de réalisation

et de réussite que l’on peut se focaliser sur l’un ou l’autre aspect. Le travail purement

technique que constitue le kihon peut paraître rébarbatif aux élèves et n’a pas sa place en EPS.

Nous sommes en effet partisans d’une entrée dans l’activité par le travail à deux, on pourrait

dire par le combat mais préciserons par l’assaut (Ippon, nihon et sanbon kumite), qui peuvent

à tout moment être des supports au perfectionnement technique, sans que celui-ci devienne un

objectif situationnel.

Comme nous l’évoquions plus avant, la construction stratégique nécessite une gestion aiguë

de l’incertitude par l’enseignant. La construction de la distance de garde, la préparation de la

distance d’attaque ou l’exploitation de la mauvaise gestion spatiale de l’adversaire sont des

priorités en début de cycle. Elles laisseront ensuite la place à la construction et à la libération

d’espaces de frappes pour plus tard s’orienter vers la gestion des déplacements et des feintes

permettant à l’élève d’exploiter ses qualités et de masquer ses faiblesses, autrement dit de

gérer le rapport d’opposition.

Partant donc de la situation de référence que nous avons détaillé plus avant, l’objectif général

du cycle sera : réagir à une attaque pour renverser le rapport de force.

Le tableau suivant (tableau 3) propose de synthétiser les compétences attendues en terme

spécifiques et propres au groupe.

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COMPETENCES C1 C2 C3

Spécifiques Esquiver en sortant de la ligne d’attaque

Bloquer de manière adaptée à l’attaque

adverse en utilisant le répertoire technique

du karaté

Contre-attaquer et contrôler sa touche, dans un état de strict

équilibre.

Propres au groupe Réagir vite en fonction de l’attaque

délivrée

Réagir « avec » : esquiver et bloquer l’attaque adverse

Réagir « contre » : contre-attaquer à

distance de l’adversaire

Tableau 3 : synthèse des compétences attendues en fin de cycle En vue de l’évaluation terminale du cycle de niveau 1, nous proposerons maintenant cette

grille d’évaluation (cf. tableau 4), avec les indicateurs permettant de noter chaque élève au

plus juste de sa prestation.

La performance du défenseur sera évaluée en fonction de sa capacité à changer de rôle. Les

points sont attribués en fonction de celle-ci. Si l’enseignant le souhaite, il peut aussi dans le

même temps évaluer la performance de l’attaquant en lui attribuant le reliquat de points qui

n’a pas pu être donné au défenseur.

Comportement observable

Se fait toucher

Esquive en reculant et se

met hors distance. N’est

plus en mesure

d’enchaîner une contre-

attaque

Esquive à distance et

contre-attaque de manière efficace.

Esquive en

se décalant et contre-attaque.

Se décale en

tournant et en

avançant, peut

enchaîner les contre-attaques

Points

Défenseur

0

1

2

3

4

Points attaquant (éventuellement)

4

3

2

1

0

Tableau 4 : Répartition des points pour l’évaluation de la performance de l’assaut

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7.2. Programmation des séances SEANCES DUREE THEMES DE TRAVAIL

1

2 H

Présentation de l’activité, du cycle, des modalités d’évaluation, et de la sécurité La garde, mise à distance, différenciation des rôles, des cibles et des armes.

2 2H Apprentissage d’un coup de poing circulaire (uraken). Assauts sur un pas sans incertitude

3 2H Apprentissage du coup de pied circulaire (mawashi geri). Enchaînements pieds poings. Assauts sur deux et trois pas sans

incertitude 4 2H Assauts sur un pas avec augmentation progressive de l’ incertitude

(cf. tableau 2). 5 2H Travail de révision. Préparation de l’évaluation : mise en place des

groupes de niveaux. 6 2H Evaluation terminale

Tableau 5 : planification du cycle karaté 7.3. Contenus des séances

La situation de référence étant déjà détaillée, c’est à partir de celle-ci que

l’enseignant va pouvoir organiser les contenus tout au long du cycle. Il va ainsi pouvoir

choisir son entrée dans l’activité et la trame de leçon qui est proposée (cf. tableau 6) n’est

qu’un exemple possible avec comme objectif principal de donner un bagage technique

minimum à l’élève, notamment en ce qui concerne la garde, les rôles, la distance et le travail

du coup de poing de face et de blocages possibles. Afin de ne pas scléroser le travail des

élèves, les deuxièmes et troisièmes séances pourront aborder l’apprentissage d’armes

circulaires (pieds et poings) afin d’aborder l’enchaînement pieds poings et de ce fait les

assauts sur plusieurs pas.

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EXEMPLE DE PREMIERE SEANCE SIT BUT TPS ESPACE

SECURITE

CONSIGNES DE REALISATION

CRITERES DE REUSSITE

1 Echauffement

20’

Elèves répartis dans le gymnase Sécu : enlever montres et bracelets

Revue des articulations et groupes musculaires, de bas en haut

Augmentation du rythme cardiaque Sudation Sensation de dénouage musculaire

2 A : se déplacer, en garde D : Etre capable de rester à distance de garde de A

10’

Occupation optimale de l’espace par les doublettes

A se déplace, en garde et D cherche à rester à distance. (jeu du miroir)

Pas de variation de distance entre A et D. Respect des rôles : A commande le déplacement D : change de garde, en fonction de celle de A.

3 A : toucher D D : ne pas être touché par A

10’

Idem + Sécu : respect de la consigne de cible : entre épaules et hanches (tronc).

A : être mobile pour créer des ouvertures Enchaîner – Feinter D : Esquiver, bloquer

Contrôle de la touche Reprise de distance après un enchaînement

4 Apprentissage du coup de poing (CP) de base

10’

Elèves X 2. Partent tous du même côté du gymnase.

A et D sont face-à-face, la même jambe avancée, les mains crochetées au niveau des hanches. A avance et simultanément D recule. Tous les deux déclenchent le CP en même temps. (cf. photo)

Poser le pied-frapper Simultanéité des actions dans le coup de poing Distance : dos droit, bras tendus

5 Idem

10’

Idem

A et D n’ont plus les mains crochetées. Poings fermés, un au-dessus de la hanche, l’autre poing niveau plexus adverse bras tendu. (cf. photo)

Poser-frapper Précision du coup : plexus Distance de touche (contrôle)

6 Idem sur cibles différentes

10’

Idem

Idem S5 mais l’élève doit réaliser une série de CP niveau haut

Idem S5 + précision coup en fonction de la cible visée et contrôle

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(cible menton), puis une niveau bas (cible ventre).

strict de la touche

7 Apprentissage des blocages

15’

Idem 1. A avance CP niveau haut en séries, D recule et bloque de bas en haut 2. A avance CP niveau milieu (cible plexus), D recule et bloque sur le coté 3. A avance CP cible basse, D recule et bloque de haut en bas

Ne pas être touché « Verrouiller » le bras qui bloque par une rotation du poignet en fin de blocage. (Cf. photo)

8 Application dans un assaut sur trois pas

10’

Idem

A part en garde et avance sur un pas en donnant CP cible haute, puis enchaîne sur un deuxième pas CP cible milieu et termine par CP cible basse. D recule d’un pas sur chaque attaque, délivre le blocage adapté et termine après le dernier blocage par une contre-attaque CP cible libre

Respect des CR précédents + respect de la distance à la contre-attaque

Tableau 6 : planification de la séance 1 du cycle karaté Le reste du cycle de niveau 1 va consister à amener chaque élève à progresser dans l’assaut

sur un ou plusieurs pas, et ainsi à gérer le maximum d’incertitude dans celle-ci. Suivant le

niveau du groupe et le déroulement du cycle, l’enseignant va pouvoir intégrer ou non de

l’incertitude dans l’assaut sur un pas.

Dans cette optique, on peut penser que l’élève est acteur de ses apprentissages car c’est en

grande partie lui qui gère sa progression d’un niveau à l’autre, avec des indicateurs de passage

de l’un à l’autres simples et fiables (cf. tableau 7). Tous les autres tableaux (grilles de

comportements et niveaux d’habiletés peuvent être consultées en annexe 37, et nous ne

garderons que celui-ci afin de donner un exemple d’outil d’évaluation pouvant être utilisé en

EPS car notre méthodologie de recueil des données se fait justement au cours de la première

séance et au cours de la séance d’évaluation.

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Niveaux Rôles

N 1

N2

N3

ATTAQUANT DEFENSEUR

Vitesse d’exécution faible. Manque de détermination

Distance de frappe non-intégrée : n’est pas en mesure de toucher son adversaire (souvent trop loin). Stabilité à la frappe très relative. Décalage : - Fuit, en se mettant hors distance pour toute action suivie. - Recule dans l’urgence en utilisant de manière prioritaire un déplacement vers l’arrière.

Blocage :

- Inefficace. Se fait toucher.

- Déclenchement en général trop tardif et sans protection (blocage d’urgence).

Contre-attaque :

- On peut retrouver les mêmes critères observables que «Tori » avec en plus, de manière spécifique : une absence ou une inefficacité du contre car il n’y a pas de réajustement de la distance par rapport à l’adversaire après la phase décalage/blocage.

Augmente sa vitesse d’exécution.

La distance est globalement respectée mais l’attaque manque de précision.

Stable et équilibré tant qu’on ne demande pas trop d’augmenter la vitesse d’exécution. - Esquive souvent trop tôt, dès le déclenchement du déplacement adverse. - Commence à utiliser des esquives de côté, intérieures ou extérieures à l’attaque adverse, afin de sortir de la ligne offensive. Commence à être efficace ; permet d’enchaîner une contre-attaque dans de bonnes conditions. - Contre-attaque «retardée » et imprécise : a des difficultés à réajuster correctement sa distance par rapport à l’adversaire.

Vitesse d’exécution importante et détermination visible dès la préparation.

Distance respectée : est précis dans son attaque. Stabilité assurée à la frappe. - Attends le dernier moment pour se décaler, afin de «lire » au mieux l’attaque adverse. - Utilise de manière prioritaire un déplacement de coté, voire en avançant, rentrant dans l’attaque (sen no sen). Blocage efficace qui déséquilibre l’adversaire (blocage-attaque). Voire : sen no sen blocage/contre quasi simultanés.

- A distance : réajustée. Contre efficace, précis.

- Peut enchaîner.

Tableau 7 : Niveaux de compétences en assauts imposés, non imposés ou libres sur un pas

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Dans un cycle de niveau 2, l’enseignant pourra se centrer sur la graduation de l’incertitude

dans la situation de référence, le but étant que les élèves puissent gérer un assaut libre en fin

de cycle (jyu ippon kumite : assaut sur un pas arme et cible inconnues du défenseur).

Un cycle de niveau 3 pourra envisager la même graduation de l’incertitude mais sur des

assauts plus complexes, à savoir sur plusieurs pas (sanbon kumite, cf. tableau 8)

Niveaux Rôles

N1

N2

N3

ATTAQUANT

DEFENSEUR

• N’adapte pas son

attaque en fonction de sa distance à l’adversaire.

• Est hors distance dès

la 2ème attaque. • Parvient uniquement à

se décaler sur la première attaque. Subit les autres, se retrouvant trop près ou trop loin, sans possibilité de bloquer.

• Pas de contre-attaque

en fin d’enchaînement ou contre inefficace (problème de distance)

• Est incapable de

s’adapter au rythme imposé par l’adversaire.

• Commence à adapter

son attaque et réajuster sa distance en fonction des déplacements adverses.

• Manque encore de précision dans l’enchaînement des attaques.

• Parvient à se décaler

et bloquer deux ou trois des attaques adverses, en arrivant à se protéger de celles-ci sans varier les techniques.

• Peut enchaîner une

contre-attaque, plus ou moins efficace en fonction de sa distance.

• Commence à

s’adapter au rythme imposé par l’adversaire, pourvu que celui-ci n’aille pas trop vite (repart souvent trop tôt ou trop tard).

• Parvient à garder

stabilité, kime et précision , tout en réajustant sa distance par rapport aux déplacements adverses.

• Est capable de varier

le rythme. • Parvient à se protéger

de toutes les attaques adverses en restant stable, précis, puissant, à distance.

• Contre offensif

efficace à la fin de l’enchaînement adverse.

• S’adapte correctement

au rythme imposé par l’adversaire, parfois au détriment de l’efficacité des blocages.

Tableau 8 : Niveaux de compétences en assauts sur plusieurs pas

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ANNEXE 38

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TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE………………………………………………………………………………….7

INTRODUCTION…………………………………………………………………………....9

1. Origine de la recherche …………………………………………………………………..10

1.1. La première rencontre avec la recherche : le mémoire professionnel de validation

du CAPEPS : «intention stratégique et structure d’opposition en boxe française : de la

construction à l’enchaînement des rôles » (Heuser, 1997)……………………………........10

1.2. L’insatisfaction née de la sensation de n’avoir pas fini mon travail de recherche :

le mémoire de DEA « analyse de l’écart entre savoir transmis et savoir appris : le cas de

l’enseignement du karaté en EPS » (Heuser, 2001). ………………………………………11

1.2.1. Problématique et objet de la recherche de DEA………...…………………..12

1.2.2. Cadre conceptuel…………………………………...…………………………..14

1.2.3. Méthodologie de la recherche………...……………………………………….15

1.2.3.1. Cadre méthodologique général : appréhender l’effet contingent des

apprentissages par une méthodologie d’ingénierie didactique……...……………..15

1.2.3.2. Analyse a priori : la phase de négociation …..……………………....16

1.2.3.3. Analyse du savoir enseigné dans la mise à l’épreuve…………..…...18

1.2.3.4. L’analyse à posteriori : analyse de l’écart entre le savoir enseigné et

le savoir appris à partir d’une option clinique………….…………………………………19

1.2.3.5. Modalités de recueil des données…………………...…………….….21

1.2.4. Résultats des élèves à l’épreuve : le combat libre…………………………22

1.2.5. Résultats de l’étude sur deux cas d’élèves : Eve et Ingrid…………...……….26

1.2.5.1. Description des résultats d’Eve (CA)……………...………………...26

1.2.5.2. Interprétation des résultats d’Eve……………...……………………26

1.2.5.3. Description des résultats d’Ingrid (RA)……………………...……...28

1.2.5.4. Interprétation des résultats d’Ingrid………...………………………28

1.2.6. Conclusion du DEA……………………………………...……………………...30

1.3. Une question didactique insistante : « quels savoirs en karaté à l’école ?»……...32

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1.4. Emergence et précision de la problématique de thèse…………………...………..33

2. Présentation de la thèse…………………………………………………………………..34

PREMIERE PARTIE : CADRE CONCEPTUEL ET CONNAISSANCE

DE L’ACTIVITE DE REFERENCE : LE KARATE……………………………………35

Introduction …………………………………………………………………………………36

1. Options conceptuelles spécifiques utilisées en didactique clinique de l’EPS. ………...37

1.1. La didactique clinique de l’EPS : présentation des travaux de l’équipe de

recherche AP3E (Analyse des Pratiques d’Enseignement et leurs Effets sur les Elèves)

du DiDiST (Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques), équipe du

CREFI-T (Centre de Recherche Education Formation Insertion – Toulouse) EA 799,

(ex : LEMME, Laboratoire d’Etudes des Méthodes Modernes d’Enseignement). …....37

1.2. La recherche clinique……………………………………………...………….…….41

1.3. La didactique : historique et définitions…………………………..………….……46

1.4. Les concepts de la didactique mobilisés dans cette recherche……..………….….49

1.5. La transposition didactique comme outil d’analyse de la transformation du savoir…………………………………………………………………………………………50

1.6. Les trois études du rapport aux savoirs……………..………………………….….55

1.6.1. Les savoirs……………………………………………………………………..57

1.6.2. Les savoirs en karaté………………………………………………………….58

1.6.2.1. Les savoirs techniques (et souvent esthétiques en karaté)………..59

1.6.2.2. Les savoirs stratégiques ……………………………………………60

1.6.2.3. Les savoirs éthiques…………………………………………….…..62

1.6.2.4. Les savoirs réglementaires……………………….………………...64

1.6.2.5. Les savoirs sécuritaires…………………………………………….66

1.6.2.6. Les autres savoirs en karaté…………………………………….….66

1.7. Référence, savoir de référence et pratique sociale de référence…………...……67

2. Problématisation de la recherche : la question de la référence comme outil d’analyse

des pratiques enseignantes……………………………………………………………...72

3. La connaissance de l’activité karaté : les références au savoir………………………...74

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3.1. Référence historique : la pratique de combat karaté…………………………….74

3.1.1. Un isolationnisme à toute épreuve………………………………….……....75

3.1.2. Des origines nécessairement diffuses……………………………………….75

3.1.3. Un fondateur inspiré : la création du karaté moderne……………………76

3.1.4. L’évolution des arts d’Okinawa : l’apparition de différents styles de

karaté………………………………………………………………………………………..77

3.2. Référence sportive du karaté…………………...………………………………….82

3.2.1. Définition d’un sport de combat…………………………………………….82

3.2.2. Définition du karaté en tant que sport de combat…………………………82

3.2.3. Définition du karaté en compétition………………………………………...83

3.3. Référence didactique : l’alliance du sportif et du martial…………...…………...84

3.3.1. Réflexion épistémologique relative aux arts martiaux et aux sports de

combat.....................................................................................................................................84

3.3.2. Définition du karaté do………………………………………………………85

3.3.3. Les différents domaines du karaté do……………………………………….86

3.3.3.1. Le kihon : travail individuel imposé………………………………86

3.3.3.2. Le kata : archives du karaté do……………………………………86

3.3.3.3. Les assauts conventionnels…………………………………………87

3.3.3.4. Les assauts libres……………………………………………………89

3.3.4. Les relations entre les différents domaines d’entraînement du karaté……90

3.3.4.1. Liaison kihon et kata………………………………………………..90

3.3.4.2. Liaison kihon et assauts conventionnels (cf. schéma 3)……….…..91

3.3.4.3. Liaison kata et assauts conventionnels (cf. schéma 3)……….……91

3.3.4.4. Implications dans la recherche………………………………….….92

3.3.5. Présentation de travaux scientifiques et professionnels sur le karaté en

rapport avec la thèse……………………………………………………………………..….93

3.3.5.1. Une étude sur le karaté en bio-mécanique……………..……..…...93

3.3.5.2. Une étude sur le karaté en sociologie des pratiques………..…......94

3.3.5.3. Une étude sur le karaté en histoire…………………………....…...94

3.3.5.4. Une étude sur le karaté en ethno-sociologie……………..…..…….95

3.3.5.5. Une étude sur le karaté en physique……………………..…..…….95

3.3.5.6. Les travaux en didactique du karaté dans les revues

professionnelles............................................................................................................96

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492

3.4. Référence scolaire de l’APSA karaté……………………………………..………98

3.4.1. Analyse des textes officiels relatifs au combat en EPS…………………..98

3.4.1.1. Programmes du cycle d’adaptation : classe de 6e ……………….98

3.4.1.2. Programme du cycle central : classes de 5e et 4e………………..100

3.4.1.3. Programme du cycle d’orientation : classe de 3e……………….101

3.4.1.4. Programmes de lycées : classe observée avec l’enseignant Michel

(première année de BEP, lycée professionnel). ………………………………………….102

3.4.1.5. Bilan des savoirs à enseigner en combat dans les programmes

d’EPS………………………………………………………………………………………..102

DEUXIEME PARTIE : ETUDES PRELIMINAIRES ET OPTIONS

METHODOLOGIQUES…………………………………………………………………..105

Introduction : rappel de la première partie et des questions de recherche…………….106

1. L’enquête préliminaire………………………………..…………………………...107

1.1. Présentation et objet du questionnaire préliminaire……………...……..107

1.2. Analyse descriptive du questionnaire………………………………………...107

1.3. Résultats de l’analyse de l’enquête préliminaire…………………………….110

1.3.1. Traitement des données recueillies dans les questionnaires

enseignants : non pratiquants de karaté………….………………………………110

1.3.1.1. Recueil et traitement des réponses relatives à la question 8

du questionnaire préliminaire : « pour vous, qu’est-ce que le

karaté ? »…....................................................................................................112

1.3.1.2. Recueil et traitement des données relatives à la question 9

du questionnaire préliminaire : « Quels sont (ou seraient) selon vous les

contenus à privilégier pour enseigner cette activité en milieu

scolaire ? »……………………………………………………………….….118

1.3.2. Traitement des données recueillies dans les questionnaires

enseignants : pratiquants de karaté……………………………………….………121

1.3.3. Comparaison entre les deux groupes : non pratiquants et

pratiquants de karaté………………………………………………..……………..125

2. La pré-étude de cas…………………………………………..…………………….127

2.1. Comparaison en termes d’expérience, d’expertise et de référence du savoir à

enseigner (SAE) des quatre enseignants collaborateurs…………………………127

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493

2.1.1. Analyse comparative du déjà-là expérientiel des quatre enseignants

collaborateurs………………………………………………………………………………128

2.1.2. Analyse comparative du déjà-là conceptuel des quatre enseignants

collaborateurs………………………………………………………………………131

2.1.3. Analyse comparative du déjà là intentionnel des quatre enseignants

collaborateurs………………………………………………………………………………132

2.1.4. Analyse singulière des trois enseignants Michel, Giovanni et Alain……...137

2.2. La pré-étude de cas : Nicolas…………………………………...…...…………….139

2.2.1. Présentation et objet de la pré-étude de cas………………………….…….139

2.2.2. Méthodologie employée………………………………………………….…..140

2.2.2.1. Enregistrement des séances…………………………………….…140

2.2.2.2. L’entretien ante séance (EAS)…………………………………….141

2.2.2.3. L’entretien post séance (EPS)……………………………………..141

2.2.3. Résultats de la pré-étude de cas…………………………………………….142

2.2.3.1. Les traces du SAE…………………………………………….……142

2.2.3.2. Les traces du SRE dans l’épreuve………………………….……..143

2.2.3.3. Conclusion : le rapport SAE / SRE…………………………….…146

2.2.4. Conclusion de la pré-étude de cas Nicolas : perspectives envisagées….....147

3. Reformulation des questions de recherche et de la problématique………….…149

4. Méthodologie de recueil des données : L’observation des pratiques

d’enseignement du karaté en EPS, à partir de la pré étude du cas

Nicolas………………………………………………………………………. ……..151

5. Méthodologie de traitement des données : l’analyse des pratiques d’enseignement

du karaté en EPS…………………………………………………………….……..157

5.1. Présentation des différentes phases du traitement des données……………157

5.2. Techniques d’analyse des données…………………………………………...159

5.2.1. L’étude de documents fournis par l’enseignant : les planifications…....159

5.2.2. Les entretiens ante séance (EAS)……………………………….………...160

5.2.3. Les séances…………………………………………………………….…...161

5.2.4. Les entretiens post séance (EPS)………………………….………………162

5.2.5. Les entretiens d’après-coup (EAC)………………………...…….………163

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494

TROISIEME PARTIE :

RESULTATS DE L’ETUDE DIDACTIQUE CLINIQUE…………………………….. 165

1. Rappel méthodologique……………………………………………..…………………..166

2. Etude de cas : Michel………………………………………………………………..…..167

2.1. Présentation de l’enseignant collaborateur……………...…………………….167

2.2. Première phase de l’étude de cas : le déjà-là de Michel………………..……..167

2.2.1. Etude des planifications……………………..…………………………167

2.2.2. Etude de l’entretien ante séance 1 (EAS1)………………………… …168

2.2.3. Les traces du SAE..…………………………………………….………..169

2.2.4. Etude de l’entretien ante séance d’évaluation (EASEV)……………...170

2.2.5. Les traces du SAEV……………………………………..……………..171

2.3. Deuxième phase de l’étude de cas : analyse de l’épreuve……………...…….172

2.3.1. Etude de la séance 1 : le savoir réellement enseigné (SRE)…….......172

2.3.2. Discussion sur le SRE………………………………...……………….175

2.3.3. Etude de la dernière séance du cycle : le savoir réellement évalué

(SREV)...................................................................................................................................180

2.4. Troisième phase de l’étude de cas : l’analyse de l’entretien d’après-coup

(EAC)……………………………………………………………………………181

2.5. Synthèse de l’étude de cas : les références de Michel………………………..184

3. Perspectives de travail……………………………………………………………….187

4. Etude de cas croisée : Giovanni et Alain……………………………………………192

4.1. Présentation des deux enseignants : le déjà-là…………………………..…….192

4.2. Analyse comparative du SAE et du SAEV de Giovanni et

d’Alain………………………………………………………………………….…193

4.2.1. Le SAE et le SAEV de Giovanni…………………...…………….….193

4.2.2. Le SAE et le SAEV d’Alain……………………………...…………..195

4.2.3. Discussion sur les écarts : hypothèses sur la nature de la référence de

chaque enseignant………………………………………………........197

4.3. Analyse comparative du SRE et du SREV de Giovanni et d’Alain……….....198

4.3.1. Le SRE et le SREV de Giovanni………………………………...…..198

4.3.2. Le SRE et le SREV d’Alain……………………………………...…..202

4.4. Analyse comparative de l’après-coup des deux enseignants……………….....207

4.4.1. Analyse de l’entretien d’après-coup (EAC) de Giovanni……….....207

4.4.2. Analyse de l’entretien d’après-coup (EAC) d’Alain…………….....210

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495

4.5. Conclusion de l’étude de cas croisée des deux enseignants……………….......213

5. Analyse comparative des références de chaque enseignant…………….………….…215

5.1. Analyse fonctionnelle des références de chaque enseignant pour l’enseignement

du karaté en EPS……………………………………………………………...…………...215

5.2. Analyse structurelle des références de chaque enseignant………………..........217

5.3. Analyse dynamique des références de chaque enseignant………………...........218

6. Le second après-coup……………………………………………………….…….…….222

6.1. Analyse du second entretien d’ après-coup d’Alain…………………….....…...222

6.2. Analyse du second entretien d’après-coup de Giovanni......................................226

CONCLUSION………...………………………………………………………………......229

1. Le savoir produit par la thèse………………………………………………..…...230

2. Discussion sur les limites et les prolongements de notre recherche : les

remaniements du chercheur………………………………………………...…….239

3. Perspectives pour l’enseignement du karaté et la formation des enseignants....244

4. Bilan final : l’après-coup du chercheur……………………..……………………245

BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………253

GLOSSAIRE DES TERMES JAPONAIS ET DES

ABREVIATIONS…………………………………………………...……………………...271

1. Traduction des termes japonais en français………………………………….…..272

2. Abréviations………………………………………………………………………...276

INDEX DES TABLEAUX ET SCHEMAS……………………………………………….279

TABLE DES MATIERES……………………………………………………………........489

TABLE DES MATIERES DES ANNEXES ……………………………………………..497

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TABLE DES MATIERES DES ANNEXES

Annexe 1. Enquête : questionnaire enseignant d’EPS………………………...………….....284

Annexe 2. Pré-étude de cas : Nicolas. Renseignement du questionnaire préliminaire….…..287

Annexe 3. Pré-étude de cas : Nicolas. Planification fournies par l’enseignant………......….291

Annexe 4. Pré-étude de cas : Nicolas. Verbatim de l’entretien ante séance 1………....… ...298

Annexe 5. Pré-étude de cas : Nicolas. Verbatim séance 1……………………….…..…… ..300

Annexe 6. Pré-étude de cas : Nicolas. Verbatim de l’entretien post séance 1…….…......….306

Annexe 7. Cas 1 : Michel. Renseignement du questionnaire préliminaire……….…........…311

Annexe 8. Cas 1 : Michel. Planifications fournies par l’enseignant……………...……...….315

Annexe 9. Cas 1 : Michel. Verbatim de l’entretien ante séance 1……………..……………321

Annexe 10. Cas 1 : Michel. Verbatim de la séance 1…………………………..………… ..324

Annexe 11. Cas 1 : Michel. Verbatim de l’entretien post séance 1……………..…………..331

Annexe 12. Cas 1 : Michel Verbatim de l’entretien ante séance d’évaluation………...……336

Annexe 13. Cas 1 : Michel. Verbatim de la séance d’évaluation………………..………….337

Annexe 14. Cas 1 : Michel. Verbatim de l’entretien post séance d’évaluation finale…..…..342

Annexe 15. Cas 1 : Michel. Verbatim de l’entretien d’après-coup………………...……….345

Annexe 16. Cas 2 : Giovanni. Renseignement du questionnaire préliminaire………...…….349

Annexe 17. Cas 2 : Giovanni. Planifications fournies par l’enseignant……………...……...354

Annexe 18. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de l’entretien ante séance 1……………...………..359

Annexe 19. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de la séance 1…………………………...………...362

Annexe 20. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de l’entretien post séance 1……………..………...366

Annexe 21. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de l’entretien ante séance d’évaluation……..…….368

Annexe 22. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de la séance d’évaluation………………..………..370

Annexe 23. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de l’entretien post séance d’évaluation……..…….372

Annexe 24. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de l’entretien d’après-coup……………..………...376

Annexe 25. Cas 2 : Giovanni. Verbatim du second entretien d’après-coup…………..…….381

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Annexe 26. Cas 3 : Alain. Renseignement du questionnaire préliminaire…………..……..385

Annexe 27. Cas 3 : Alain. Planifications fournies par l’enseignant………………..………389

Annexe 28. Cas 3 : Alain. Verbatim de l’entretien ante séance 1………………..………...413

Annexe 29. Cas 3 : Alain. Verbatim de la séance 1…………………………..……………416

Annexe 30. Cas 3 : Alain. Verbatim de l’entretien post séance 1……………..……...……423

Annexe 31. Cas 3 : Alain. Verbatim de l’entretien ante séance d’évaluation……….……..426

Annexe 32. Cas 3 : Alain. Verbatim de la séance d’évaluation……………………………427

Annexe 33. Cas 3 : Alain. Verbatim de l’entretien post séance d’évaluation……….……..430

Annexe 34. Cas 3 : Alain. Verbatim du premier entretien d’après-coup………………......433

Annexe 35. Cas 3 : Alain. Verbatim du second entretien d’après-coup…………………...440

Annexe 36 : grilles de niveaux d’habileté…………………………………..………….…..445

Annexe 37 : proposition d’un exemple de traitement didactique, la référence du karaté du

chercheur…………………………………………………………………….……………..455

Annexe 38. Enseignants pratiquants anonymes : renseignement du questionnaire

préliminaire………………………………………………………………………..……….472

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Résumé : cette thèse se propose d’étudier en quoi une pratique enseignante en EPS renvoie à

une référence et quelle est sa fonction. L’objet de recherche est centré sur la recherche des

traces de la référence de l’enseignant, qui sera extraite de l’analyse des écarts entre le savoir

à enseigner, le savoir réellement enseigné, le savoir à évaluer et le savoir réellement évalué.

La méthodologie découle d’une étude didactique clinique, au cas par cas. L’analyse des

verbatim de trois enseignants sur la première et la dernière séance d’un cycle de karaté en

EPS, ainsi que des entretiens ante séance, post séance et d’après coup constituent le corpus

qui va servir à extraire les traces du savoir enseigné et évalué dans le but d’inférer et de

présenter la référence enseignante. Les résultats montrent la dynamique constante de cette

référence enseignante, qui s’avère être remaniée et diverse dans sa fonction (stratégique,

technique, éthique, sécuritaire et proprioceptive), construite par l’enseignant dans sa

structure (personnelle, culturelle et expérientielle) au cours du processus d’enseignement.

Mots clés : référence, transposition didactique, didactique clinique, rapport aux savoirs,

enseignement de l’EPS, karaté.

Summary: this thesis proposes to study in what a teaching practice in physical education

returns to a reference and to determine function of it. The object of research is centered then

on the research of the traces of the knowledge of reference of the teacher, whom we will

extract by the analysis from the differences between the knowledge to be taught, really taught

knowledge, knowledge to be evaluated and really evaluated knowledge. Methodology is

centered on a clinical didactic study, on a case-by-case basis. The analysis of the verbatim of

three teacher on the first and the last meeting of a cycle of karate in EPS, as well as talks

handle meeting, post and according to blow constitute the corpus which will use to extract the

traces from the knowledge taught and evaluated with an aim to infer and present the

knowledge of reference of the teacher. The results show a constant rehandling of the teaching

reference whose functional aspects and structural aspects change during the teaching process.

Keywords: reference, didactic transposition, clinical didactic, report with the knowledge,

teaching in physical education, karate.