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THESE
En vue de l’obtention du
DOCTORAT DE L’UNIVERSITE DE TOULOUSE Délivré par l’Université Toulouse III - Paul Sabatier
Discipline : didactique des disciplines scientifiques et technologiques
Présentée et soutenue par
Frédéric HEUSER
Le 7 janvier 2009
DU SAVOIR ENSEIGNE ET EVALUE A LA
REFERENCE DE L’ENSEIGNANT D’EPS : ETUDE DIDACTIQUE CLINIQUE EN KARATE
Membres du jury :
Daniel BOUTHIER
Professeur en STAPS à l’IUFM d’Aquitaine, rapporteur Ghislain CARLIER
Professeur à l’Université de Louvain, rapporteur Joël LEBEAUME
Professeur des Universités à l’ENS de Cachan, rapporteur Chantal AMADE-ESCOT
Professeur en Sciences de l’Education à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, examinatrice
Pascal GIRODET Chargé de mission pour la recherche à la Fédération Française de Karaté et Disciplines
Associées, examinateur Marie-France CARNUS
Maître de Conférences en Sciences de l’Education à l’IUFM Midi-Pyrénées, co-directrice
André TERRISSE Professeur Emérite en Sciences de l’Education à l’IUFM Midi-Pyrénées, directeur
Ecole Doctorale C.L.E.S.C.O (Comportement, Langage, Education, Socialisation,
Cognition), Université Toulouse Le Mirail. Laboratoire de Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques Centre de Recherche sur l’Education, la formation et l’Insertion de Toulouse.
DiDiST-CREFI-T (EA 799)
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier, pour tout ce chemin parcouru :
- Monsieur André Terrisse, Professeur Emérite, pour son accompagnement précieux et
suivi au cours de ce travail et sa grande disponibilité.
- Madame Marie-France Carnus, maître de conférence à l’IUFM Midi-Pyrénées pour
son aide efficace en tant que co-directrice de thèse, et ses conseils avertis.
- Les enseignants d’EPS qui ont collaboré à mes travaux, ont accepté d’être filmés,
observés dans le cadre des leçons d’EPS consacrées à l’enseignement du karaté, et ont
donné de leur temps pour les différents entretiens.
- Tous les enseignants d’EPS qui ont pris la peine de répondre et de renvoyer le
questionnaire préliminaire.
- Toute l’équipe du LEMME et notamment mes collègues de l’AP3E qui m’ont aidé et
soutenu, et tout particulièrement Denis Loizon, qui a commencé le karaté pendant ma
thèse et avec qui j’ai pu échanger et discuter à la fois de recherche et de karaté, ce qui
est rare. De plus, j’ai eu l’honneur et l’immense plaisir de faire mes premiers pas en
colloque chez lui à l’IUFM de Dijon, où j’ai ainsi réalisé ma première communication.
- Les nombreux chercheurs que j’ai pu rencontrer au cours de séminaires et autres
colloques, qui m’ont écouté et ont consacré de leur temps pour m’aider dans mon
travail.
- Mon « senseî » Jean-Luc Clerget, qui m’a enseigné le karaté et donné envie de
poursuivre dans « la voie », pour qu’elle devienne ma voie.
- Evelyne Lerude et son époux Christian, qui a pris le temps et la peine de lire ma thèse
et de m’aider dans les dernières corrections.
- Claude Larnac, professeur de mathématiques à la retraite, qui est entré dans ma vie en
janvier 2007 et est là depuis, tout simplement. J’admire son engagement dans la
défense du site du Pont du Gard, qu’il raconte dans son ouvrage : « le Pont du Gard
l’a échappé belle ! » (Larnac, 1994).
- Serge Guignard, mon ami de toujours ; mes amis et mes collègues qui se sont révélés
de bons critiques, des merveilleux soutiens. Qu’ils soient assurés de mon affection.
- Ma famille, mon épouse Stéphanie et mes deux filles Kimberley et Beverly, qui m’ont
accompagné au jour le jour dans l’avancée de mon travail et motivé à continuer les
jours de peine et/ou de relâchement. Sans elles, tout n’est que « kara », vide.
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Cette thèse est dédiée à ma mère, Nicole. Elle suivait mes
travaux avec fierté et attendait la soutenance de ma thèse :
décédée le 23 janvier 2007, j’aime à croire qu’elle en voit
l’aboutissement aujourd’hui…
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Maître Kun, (l’acteur Jet Li), expert en kung fu, dit à son
fils, après l’avoir surpris en train de se battre avec
d’autres garnements :
- « Ecoute, nos techniques de combat sont sacrées, nous
devons les protéger, ne pas les divulguer… ».
« La légende du dragon rouge », de Wong Jing, 2003.
J’aime beaucoup cette citation issue d’un film avec Jet Li. Elle résume combien ce
travail me tient à cœur, car je pense que les arts martiaux fonctionnent encore sur ce mode de
transmission. Le savoir reste caché et n’est donné qu’à quelques élèves qui méritent par leur
travail, leur abnégation et leur dévouement au Maître de le recevoir. En tant qu’enseignant et
chercheur, je ne peux que chercher à lutter contre cette forme d’esprit qui est à l’opposé des
conceptions modernes de l’enseignement. Aucun savoir ne mérite d’être protégé, un savoir ne
sert justement que s’il est transmis ; sa logique propre est d’être enseigné et appris, sans quoi
il ne sert à rien.
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Du savoir enseigné et évalué au savoir de référence de l’enseignant d’EPS : étude
didactique clinique en karaté
SOMMAIRE
INTRODUCTION…………………………………………………………………………...9 PREMIERE PARTIE : CADRE CONCEPTUEL ET CONNAISSANCE DE L’ACTIVITE DE REFERENCE : LE KARATE……………………………………35 DEUXIEME PARTIE : ETUDES PRELIMINAIRES ET OPTIONS METHODOLOGIQUES…………………………………………………………………..105 TROISIEME PARTIE : RESULTATS DE L’ETUDE DIDACTIQUE CLINIQUE…………………………….. 165 CONCLUSION………...……………………………………………………………….......229 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………253
GLOSSAIRE DES TERMES JAPONAIS
ET DES ABREVIATIONS………………………………………………………………...271
INDEX DES TABLEAUX ET SCHEMAS……………………………………………….279
ANNEXES…………………………………………………………………………………. 283
TABLE DES MATIERES……………………………………………………………........489
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INTRODUCTION
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1. Origine de la recherche
La recherche qui va être présentée ici, comme de nombreux travaux de thèse de
doctorat qui sont le fruit d’une longue réflexion peu à peu organisée, prend sa source au
confluent d’une rencontre, d’une insatisfaction et d’une question.
1.1. La première rencontre avec la recherche : le mémoire professionnel de validation du
CAPEPS : «intention stratégique et structure d’opposition en boxe française : de la
construction à l’enchaînement des rôles » (Heuser, 1997)
La rencontre, tout d’abord, fut celle avec la formation de l’IUFM Midi-Pyrénées de
Toulouse lors de mon année de stage en situation, en 1996, et ce après l’obtention du
CAPEPS (cf. glossaire). C’est en effet à cette occasion que le Professeur André Terrisse
dirigea le mémoire professionnel que je désirais faire en sports de combat. Celui-ci, intitulé
«intention stratégique et structure d’opposition en boxe française : de la construction à
l’enchaînement des rôles » met en oeuvre un protocole d’expérimentation centré sur une
classe de seconde, où j’ai tenté de trouver quelques pistes démontrant que l’aptitude au
combat dépend d’une structure fortement liée à la conception que le pratiquant a de l’activité.
Dans ma problématique théorique, en partant de la définition du « savoir combattre »
(Terrisse, 1995), je me suis demandé si, dans un rapport d’opposition, la propension au
combat, variable inter-individuelle, ne pouvait pas dépendre d’une structure cognitive
déterminée. Pour répondre à cette interrogation, j’ai envisagé la question du schème du duel
dans l’activité cognitive du combattant. Pour autant, je n’en étais pas encore à la question de
la référence, qui est à mon sens plus large dans la mesure où elle intègre la conception, mais
aussi bien d’autres influences comme l’expérience et l’expertise, ce que nous développerons
plus tard. Pour revenir à mon travail de DEA, mon hypothèse était alors que les élèves
confrontés à un cycle de combat intégreraient d’autant mieux la structure d’opposition que
l’enseignement serait centré sur le pôle stratégique. En conclusion de ce travail à portée
professionnelle nous avons mis en évidence que lorsqu’il agit dans un affrontement inter-
individuel de type combat, l’élève est amené à distinguer son rôle et reconnaître celui de
l’adversaire. La mise à l’épreuve du cycle de boxe française a démontré qu’avec quelques
compétences minimales en combat, l’élève va apprendre à réaliser et comprendre
l’opposition. L’intention stratégique est alors une notion à double entrée :
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- l’une est celle du professeur qui fonde son enseignement sur elle.
- L’autre est celle des élèves qui fondent leur capacité en combat à changer de rôles
en jouant sur les variables de l’opposition.
Ce mémoire professionnel est venu clôturer une année riche car très formatrice. J’ai
validé mon CAPEPS, et là où nombre de mes camarades étaient heureux d’être libérés de ce
travail fastidieux de formation, pour ma part, j’étais heureux de démarrer une carrière mais
aussi quelque peu frustré de ne pas pouvoir tout de suite m’investir dans la recherche. En
effet, il me semblait important d’enseigner, d’abord parce que c’est ce que j’avais envie de
faire en tout premier lieu, mais aussi d’acquérir de l’expérience et d’être confronté aux réalités
de l’enseignement de l’EPS en milieu scolaire. Bien que marié, mon épouse ayant à cette
époque son emploi sur Toulouse, je n’ai pu obtenir que l’Académie d’Orléans Tours et j’ai été
muté en tant que titulaire académique au collège de Bonneval, dans l’Eure-et-Loir, à la rentrée
1996-1997. Là aussi, il y a eu intention stratégique, de partir seul, afin de capitaliser des
points de rapprochement de conjoints, que j’ai acquis au bout de trois ans. En effet, à la
rentrée 2000-2001, j’étais en poste à Toulouse et j’ai aussitôt recontacté le Professeur André
Terrisse afin de m’inscrire en DEA et envisager un troisième cycle universitaire. J’avais en
effet très envie de poursuivre ce travail commencé avec lui, car beaucoup de questions sur
l’enseignement du combat en EPS me paraissaient sans réponses, et notamment les effets d’un
enseignement stratégique sur les élèves, que je désirais analyser en prenant comme APSA (cf.
glossaire) support le karaté que je commençais à enseigner en EPS au collège où j’avais été
nommé.
1.2. L’insatisfaction née de la sensation de n’avoir pas fini mon travail de recherche : le
mémoire de DEA « analyse de l’écart entre savoir transmis et savoir appris : le cas de
l’enseignement du karaté en EPS » (Heuser, 2001)
Une insatisfaction est née à la suite de ce travail dans la mesure où j’avais l’impression
d’avoir seulement commencé à explorer un thème source de nombreuses interrogations. De
plus, mon expérimentation était effectuée en boxe française pour des raisons de faisabilité
liées à l’établissement dans lequel j’intervenais et je souhaitais vivement continuer ce travail
dans notre domaine de prédilection, le karaté, ne faisant pas encore l’objet de recherches en
didactique des sports de combat. Ainsi, je m’interrogeais sur ce qu’est le savoir combattre en
karaté, sur les formes de sa manifestation et sur la question de son enseignement en EPS. Mon
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travail de DEA a de ce fait pris comme point de départ un article paru en 1995 dans la revue
professionnelle des enseignants d’Education Physique et Sportive (EPS), sous la plume de A.
Terrisse et coll. intitulé : « le savoir combattre : essai d’élucidation » (Terrisse et coll.,
1995). Ce compte-rendu de recherche met en évidence que le « savoir combattre » se
manifeste dans « l’intention stratégique » du combattant que l’on peut définir comme sa
capacité à changer de rôle (passer du rôle d’attaquant à celui de défenseur et inversement)
dans l’épreuve du combat. Les auteurs montrent en outre, que même si les élèves sont
confrontés à de réelles difficultés dans l’apprentissage d’un sport de combat, ce savoir est
enseignable et peut même servir comme approche transversale et novatrice dans un domaine
de l’EPS encore rarement représenté dans la programmation des cycles. Légitimement, c’est
donc en tant que professeur d’EPS, mais aussi de karaté que j’ai voulu me pencher sur ce
thème intéressant de l’appropriation du savoir combattre par des élèves, dans ma spécialité le
karaté et ce, dans le cadre spécifique de l’enseignement de l’EPS. Par rapport à mon premier
travail de mémoire professionnel déjà centré sur ce thème, mon désir fut de l’approfondir en
adoptant notamment une démarche plus scientifique qu’elle ne pouvait l’être dans mon
mémoire professionnel et en me centrant sur le rapport au savoir. Ce mémoire de DEA, est
intitulé « analyse de l’écart entre savoir transmis et savoir appris : le cas de l’enseignement
du karaté en EPS » et a été soutenu en 2001 à l’Université de Toulouse-Le Mirail, en
Sciences de l’Education. Je me propose d’en résumer le contenu afin de bien cerner la place
de la recherche actuelle ainsi que les étapes importantes qui l’ont jalonnée.
1.2.1. Problématique et objet de la recherche de DEA
En EPS, l’apprentissage ne se décrète pas et apprendre à combattre, particulièrement,
soulève d’innombrables difficultés, tant les déterminants affectifs et/ou psychosociaux
peuvent être prégnants : la peur de se blesser ou de blesser l’autre, de perdre la face, la non-
violence prônée par notre société et imposée comme loi au sein de l’école constituent des
obstacles à l’apprentissage que la recherche peut tenter d’élucider. Pour autant, combattre
s’enseigne au même titre que toute autre compétence spécifiquement motrice. Ce savoir est
enseignable et peut même servir d’approche transversale dans le groupement des activités de
combat encore rarement représenté dans la programmation des cycles en EPS. A partir de là,
la problématique postulait que l’on peut en trouver des traces chez les élèves. La réflexion
était alors axée sur la question de recherche suivante : que devient ce savoir entre le moment
où il est enseigné et celui où il est utilisé dans l’épreuve de combat par l’élève ?
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L’objet de recherche est de rendre compte du rapport qui peut exister entre le savoir
qui a été enseigné aux élèves confrontés à l’activité karaté en EPS et celui qu’ils ont
réellement appris et dont ils peuvent témoigner en combat. Il concerne ainsi les conditions de
transmission des savoirs par l’enseignant, mais aussi de leur appropriation par l’apprenant, ce
dont rend compte le concept de la transposition didactique, introduit initialement par M.
Verret (Verret, 1975) et développé par Y. Chevallard (Chevallard, 1985). Pour G. Brousseau,
la recherche en didactique « n’a pas pour but immédiat de favoriser un acte d’enseignement,
mais au contraire d’en connaître les conditions » (Brousseau, 1978). C’est pourquoi la
question des traces est importante, car celles-ci vont nous renseigner sur ce qu’il reste du
savoir enseigné. Ce thème de recherche m’a conduit à effectuer une analyse des travaux
récents en sports de combat ne se limitant pas au karaté. Des résumés des communications
présentées aux Journées de Réflexion et de Recherche sur les Sports de Combat et les Arts
Martiaux (JORRESCAM) de 1996, 1998 et 2000, il ressort plusieurs types de travaux
(Terrisse, 1996) dont ceux qui nous intéressent : « la transmission du savoir » qui englobe la
transposition didactique, l’élaboration des contenus d’enseignement et « l’utilisation du
savoir » dont les auteurs étudient les problèmes liés aux conditions de leur acquisition. Dans
l’ouvrage dirigé par A. Terrisse, on retrouve une partie importante qui concerne la didactique
et la pédagogie des sports de combat et des arts martiaux (Terrisse, 2000). J. P. Sauvegrain y
propose une étude clinique (le terme est utilisé ici dans une acception non médicale mais
renvoie à une démarche qui articule des options théoriques et méthodologiques spécifiques
détaillées dans le premier chapitre de la première partie) à partir d’un cas d’élève en lutte sur
l’intérêt de l’apprentissage de la défense plutôt que l’attaque. L’auteur précise ainsi que « le
rôle de défenseur, conçu comme une attitude dynamique de recherche du renversement du
rapport de force, est à la portée d’un élève débutant » (Sauvegrain, 2000). De plus, J.P.
Sauvegrain, M.F. Carnus et A. Terrisse justifient « l’intérêt et l’utilisation de la méthodologie
d’ingénierie didactique dans l’analyse des décisions d’élèves en situation d’opposition, en
Education Physique et Sportive » (Sauvegrain, Carnus, Terrisse, 2002). L’objet de recherche
est l’étude des décisions d’élèves en EPS et la méthodologie employée offre un cadre
permettant de rendre compte du savoir utilisé dans l’épreuve du combat de lutte.
L’observation effectuée montre que ce savoir est propre à chaque élève, d’où la nécessité de
recourir à l’étude clinique au sein de la méthodologie d’ingénierie didactique.
Enfin, dans sa thèse, D. Loizon (2004) analyse les pratiques d’enseignement en judo et
s’interroge notamment sur les savoirs réellement transmis par les enseignants en club et en
EPS.
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Il s’avère que la recherche en didactique des sports de combat reste inégalement traitée
en fonction de l’activité concernée. Elle est en effet bien avancée dans les sports de combat de
préhension de type judo ou lutte, en bonne voie dans ceux de percussion comme la boxe, mais
totalement naissante en karaté par exemple, ce qui est sans doute dû au fait que cette pratique
est très peu représentée en EPS, car peu de professeurs de la discipline sont spécialistes de
l’activité pour pouvoir l’enseigner.
1.2.2. Cadre conceptuel du DEA
C’est l’une des expressions de la transposition didactique que développe J.L.
Martinand s’intéressant au passage du savoir enseigné au savoir appris, qui éclaire notre
recherche (Martinand, 1989). En effet, l’EPS utilise largement cette notion définie comme
« le passage du savoir savant au savoir enseigné » (Chevallard, 1985), mais en l’adaptant à sa
spécificité : elle ne possède pas de savoir savant mais des savoirs d’experts et s’appuie sur des
pratiques sociales et culturelles. Martinand introduit la notion de « pratique sociale de
référence » (Martinand, ibid.) qui permet d’élargir la notion de transposition didactique
utilisée en sciences. On peut ainsi dire qu’en EPS, ce processus permettra de passer des
pratiques sociales de référence à l’enseignement de ces pratiques par la définition des
contenus et des objets d’enseignement. Dans cette optique, «l’idée qu’introduit la
transposition didactique est que le passage d’un lieu de production sociale et culturelle du
savoir à l’institution scolaire le transforme […] et va suivre plusieurs étapes» (Terrisse,
2000) :
- « du savoir de référence au savoir à enseigner » (choix de l’enseignant en fonction
notamment de sa conception de l’activité).
- « Du savoir à enseigner au savoir enseigné » (mise en œuvre du savoir à travers les
contenus d’enseignement).
- « Du savoir enseigné au savoir appris ». C’est à ce niveau que se situe le point d’ancrage
de notre travail, puisque ce passage constitue l’objet d’étude de ce DEA.
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1.2.3. Méthodologie de la recherche de DEA
1.2.3.1. Cadre méthodologique général : appréhender l’effet contingent des
apprentissages par une méthodologie d’ingénierie didactique
Nous nous appuyons sur une méthodologie d’ingénierie didactique qui a émergé
initialement en didactique des mathématiques. « Il s’agissait d’étiqueter par ce terme, une
forme de travail didactique, celle comparable au travail de l’ingénieur qui pour réaliser un
projet précis, s’appuie sur les connaissances scientifiques de son domaine » (Artigue, 1990).
Cette méthodologie a permis la sélection de certaines variables et un cadre d’observation
adéquat à l’enseignement de l’EPS. Le recueil des données s’appuie ainsi sur quatre phases
(tableau 1) qui relèvent d’un fonctionnement structuré dans la mesure où elles incluent une
stratégie évolutive de recueil et de traitement des données qui n’envisagent pas le passage
linéaire d’une phase à l’autre :
- les analyses préalables : elles consistent en l’analyse du karaté à plusieurs niveaux où sont
développées les différentes caractéristiques de cette activité : historique, sportive,
artistique et éducative, qui en donnent une connaissance approfondie au regard de notre
problématique.
- L’analyse a priori : elle permet, en partant du savoir de référence en karaté de concevoir
un cycle d’enseignement. A ce niveau, s’effectue un travail de transposition didactique
pour passer du savoir de référence au savoir à enseigner. Cela permettra de définir le
karaté en tant que pratique scolaire, ainsi que des prévisions de transformations motrices
(comportements attendus), issues des savoirs stratégiques retenus.
- La mise à l’épreuve est celle du cycle construit précédemment, donc de la mise en oeuvre
du savoir à enseigner. Afin d’en rendre compte, les séances ont été enregistrées, au
nombre de six de deux heures chacune, au moyen de l’outil vidéo. Cette phase est décrite
dans la partie consacrée au cadre méthodologique de la recherche.
- L’analyse a posteriori : cette dernière phase sert à identifier le savoir utilisé par l’élève
confronté à l’épreuve d’opposition. L’étude de cas permet d’appréhender la complexité et
de rendre compte de la position singulière de chacun des élèves au regard du savoir
enseigné.
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Analyses préalables Analyse a priori Mise à l’épreuve Analyse a posteriori - Analyse de l’activité de référence : caractéristiques historique, sportive, artistique et éducative.
Pourquoi le karaté ?
- Revue bibliographique de l’enseignement du karaté. - Option de traitement didactique de l’activité.
- Traitement de l’activité : conception du cycle. Transformations attendues des élèves. - Phase de négociation avec l’enseignant associé - Entretiens préliminaires élèves. - Planification. Projet.
- Déroulement du cycle : Six séances de deux heures. Observation, enregistrement et bilan de toutes les séances. Evaluation du cycle et du savoir appris : - Trois situations-test, dont l’incertitude va croissante (assauts). - Une épreuve de combat libre.
Vérification de la présence du savoir visé chez les élèves par l’étude de cas. Indicateurs utilisés : - Analyse des résultats obtenus par chaque élève dans les situations-tests et dans l’épreuve du combat -Analyse des verbatims issus des entretiens élèves de fin de cycle.
Savoir de référence (SR)
Savoir à enseigner (SAE)
Savoir enseigné (SE)
Savoir appris (SA)
Objet de la recherche : l’appréciation de
l’écart entre SE et SA Tableau 1 : les quatre phases de la méthodologie d’ingénierie didactique dans mon mémoire
de DEA
Af in de décrire la méthodologie utilisée, nous allons détailler ces phases, mais nous
commencerons directement par l’analyse a priori car la phase des analyses préalables détaille
surtout la connaissance de l’activité et de son enseignement, ce que nous faisons de manière
bien plus exhaustive en première partie de la présente thèse.
1.2.3.2. Analyse a priori : la phase de négociation
Professeur d’EPS agrégé, l’enseignant volontaire pour collaborer à notre travail
enseigne depuis onze ans. Il est en poste dans le lycée professionnel où est menée
l’expérimentation depuis une année. Pratiquant le karaté depuis une dizaine d’années, la
perspective d’avoir à travailler en karaté avec ses élèves l’a immédiatement séduit, d’autant
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qu’il avait déjà conduit des cycles de karaté en EPS. Afin de ne pas perturber son rôle futur, ni
altérer l’ensemble du protocole de recherche, le projet lui a été présenté comme une «option
didactique de l’enseignement du karaté, que je voulais tester en milieu scolaire » (dixit). Il
paraissait primordial de préserver son impartialité pour la suite et notamment pendant la mise
à l’épreuve du cycle. Ayant des conceptions proches, chercheur et enseignant associé sont
tombés d’accord sur l’option du cycle envisagée, à savoir proche du karaté en tant qu’activité
culturellement reconnue (art martial). La négociation est sans aucun doute une des phases la
plus délicate du travail du chercheur compte tenu de ses enjeux. Il s’agit alors d’anticiper la
distance entre les options du chercheur et celles de l’enseignant ce qui nécessite de prendre
certaines précautions sans pour autant détourner les objectifs de la recherche. La négociation a
surtout permis de déterminer dans un premier temps avec quelle classe nous allions travailler,
une classe de Terminale BEP PRO MOD (métiers de la mode : couture, confection) constitué
d’un petit effectif de neuf filles motivées par l’activité, puis préciser la trame du cycle et les
savoirs à enseigner. Seule la séance d’évaluation a été rediscutée, pour les besoins de la
recherche, puisque le collaborateur envisageait uniquement d’évaluer ce qu’il avait enseigné,
c’est-à-dire rester sur des formes d’assauts conventionnels, alors qu’il fallait absolument une
partie de l’évaluation sur des assauts libres, afin d’apprécier le savoir dont les élèves
pouvaient témoigner en combat, ce qu’il a d’ailleurs accepté : «cela me va, mais on est peut-
être pas obligé de faire rentrer cette partie dans la note du cycle, ce serait les mettre en
échec… » (Extrait de verbatim).
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1.2.3.3. Analyse du savoir enseigné dans la mise à l’épreuve
Le tableau suivant (tableau 2) propose un récapitulatif des séances, avec le détail pour
chacune des objectifs et des savoirs enseignés.
Séances Objectifs Savoir enseigné
1
Découverte pratique et historique de
l’activité
Aborder les bases du karaté
Terminologie. Historique. Code moral
Positions. Distances. Rôles.
2
Apprentissage du kata
Sensibilisation à la notion de « kime »
Travail de distance en assaut imposé
Enchaînements défense-contre
attaque. Respiration. Equilibre
Décalage / blocage / contre-attaque
3
Perfectionnement technique
Renforcement du travail de distance en
assauts imposés sur deux pas
Suite de l’étude du kata
Ajuster sa distance sur un adversaire
en déplacement
4
Travail kata solo et bunkaï (application
par 2)
Varier les armes utilisées (poing ou
pied) en assauts sur deux pas
Adapter sa distance en attaque et en
défense
Adaptation de la distance suivant
l’arme utilisée (poing ou pied)
5
Travail kata solo et bunkaï
Travail de distance et de rythme en
assauts sur trois pas.
Idem séance 4
S’adapter au rythme imposé par
l’attaquant. Rester à distance.
6
Evaluation finale
-----
Tableau 2 : tableau synthétique du savoir enseigné par l’enseignant collaborateur D
19
1.2.3.4. L’analyse a posteriori : analyse de l’écart entre le savoir enseigné et le savoir
appris à partir d’une option clinique
A. Terrisse a développé la « nécessité de la clinique en didactique des activités
physiques et sportives » et présenté « l’éventail des réponses du sujet confronté à l’épreuve »
(Terrisse, 2000). L’éventail des réponses (tableau 3) permet d’identifier ce rapport, au « cas
par cas » (ibid.) : continuité et rupture renvoient au savoir que manifeste le sujet tandis
qu’adéquation et inadéquation se réfèrent au sujet confronté à l’épreuve (du combat). Dans
cette optique, un sujet élève « CA » manifeste un savoir en continuité avec le savoir
enseigné : ce qui est appris par l’élève lui a été enseigné. Il réussit dans l’épreuve, est en
adéquation à celle-ci. De la même manière, si le savoir que manifeste le sujet n’est pas en
continuité avec le savoir enseigné, on peut dire que ce qui a été appris n’a pas été enseigné.
Autrement dit, le sujet est en rupture avec le savoir enseigné et en « RI », il échoue en
combat, d’où son inadéquation avec l’épreuve.
Savoir enseigné
Epreuve
CONTINUITE
(C)
RUPTURE
(R)
ADEQUATION
(A)
CA
SA↔SE
Réussite dans l’épreuve
RA
SA ≠ SE
Réussite dans l’épreuve
INADEQUATION
(I)
CI
SA↔ SE
Echec dans l’épreuve
RI
SA ≠ SE
Echec dans l’épreuve
Tableau 3 : « l’éventail des réponses » d’après Terrisse (2000)
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L’axe CA / RI est celui de la loi générale car on considère comme logique qu’un sujet
qui manifeste un savoir en continuité avec le savoir enseigné apprenne et réussisse dans
l’épreuve. C’est la loi sur laquelle est fondé l’enseignement, auquel s’attend un enseignant
(que l’élève apprenne ce qu’il enseigne). De même, si le savoir que manifeste le sujet est en
rupture avec le savoir enseigné, le sujet n’a pas appris (ou autre chose que ce qu’on lui a
enseigné) et échoue dans l’épreuve spécifique du combat qui nécessite en effet de la part de
l’élève une adaptation aux stratégies mises en place par l’adversaire. L’utilisation « stricte »
du savoir enseigné n’est donc pas forcément un gage de gain du combat.
L’axe CI / RA, par contre, est celui de la « contingence », car il interroge la validité du
savoir au regard de l’épreuve. En effet, un sujet « CI » manifeste un savoir en continuité avec
le savoir enseigné (ce qui a été enseigné est appris) mais il échoue dans l’épreuve. Un sujet
« RA » est en rupture avec le savoir enseigné (il n’a pas appris ce qu’on voulait lui enseigner)
mais réussit dans l’épreuve donc est en adéquation avec celle-ci.
Ce dispositif (tableau 3) semble pertinent pour notre étude de cas parce qu’il interroge
à plusieurs niveaux :
- Au niveau de l’élève : de sa capacité à apprendre et utiliser un savoir enseigné. C’est là
tout l’enjeu de la recherche en éducation : rendre compte de l’utilisation du savoir
enseigné par l’élève. En effet, l’élève confronté à l’épreuve, qu’il réussisse ou qu’il
échoue, peut ou non être en phase avec le savoir enseigné. Le résultat qui se manifeste
dans l’épreuve est donc un indicateur du savoir utilisé par l’élève.
- Au niveau du savoir lui-même, à résoudre la situation et répondre aux exigences de
l’épreuve.
L’étude clinique a permis dans ce travail de recherche d’appréhender les
comportements et les discours des élèves. Nous nous proposons de présenter maintenant le
mode de recueil des données.
21
1.2.3.5. Modalités de recueil des données
La mise à l’épreuve du savoir à enseigner se compose de trois situations-test et d’une
épreuve dont le principe organisateur est l’augmentation progressive de l’incertitude. On
s’attache alors à l’analyse des facteurs imprévisibles en combat, liés à la présence de
l’adversaire. Les sports de combat sont des sports dits « duels » dans le sens où il est
impossible de pratiquer tout seul. Comme le soulignent Y. Kerlirzin « chaque combat se
singularise par l’aménagement de cette dualité en organisant sa logique de l’affrontement »
(Kerlirzin et Fouquet, 1996). Dans cette optique, les variables de l’action conditionnant
l’affrontement par percussion en karaté sont :
- la distance : elle est constamment changeante, puisque dépendante à la fois des
déplacements de l’attaquant et de ceux du défenseur.
- La cible visée : les zones de touches autorisées sont infinies puisque non restreintes en
karaté du fait du principe de contrôle des touches.
- L’arme utilisée : l’attaquant a à sa disposition une multitude de techniques d’attaques
possibles, que ce soit avec les pieds ou avec les poings.
- Le rythme imposé dans l’enchaînement éventuel des attaques.
Nous considérons que ces facteurs vont constituer des variables sur lesquelles
l’enseignant va pouvoir agir pour simplifier ou complexifier la situation d’assaut. Nous avons
procédé à la manipulation de celles-ci de la manière suivante :
- situation d’incertitude de niveau 1 : assaut sur un pas, arme et cible connues.
- Situation d’incertitude de niveau 2 : assaut sur un pas, arme seule connue.
- Situation d’incertitude de niveau 3 : assaut sur un pas, arme et cibles inconnues.
Dans ces trois situations dont la complexité va croissante, seul le défenseur marque
des points, attribués de la manière suivante :
- un point lorsqu’il est touché par l’attaquant.
- Deux points lorsque le défenseur esquive, mais n’est pas en mesure de contre-attaquer (pas à
distance ou blocage inefficace).
- Trois points lorsque le défenseur se décale, bloque et contre-attaque. C’est le comportement
attendu dans la mesure où il y a là, utilisation d’un savoir stratégique puisque le défenseur
22
renverse le rapport de force en devenant attaquant, selon la définition préalable (Terrisse et
Coll., 1995).
Chaque assaut (A1, A2, A3) est constitué d’une attaque. Au niveau 1 d’incertitude,
l’élève subit successivement trois assauts, un à chaque niveau (haut, milieu et bas). Au niveau
2 d’incertitude, comme l’arme est connue à l’avance du défenseur, l’attaquant a trois
alternatives de cibles. Au niveau 3 d’incertitude, l’arme utilisée par l’attaquant ainsi que la
cible visée sont inconnues du défenseur, ce qui rend la situation complexe. A tous les niveaux,
l’attaquant joue donc un rôle, ce qui implique que le score obtenu par le défenseur (de un à
trois points) ne tient pas compte de l’incertitude au niveau de l’adversité.
1.2.4. Résultats des élèves à l’épreuve : le combat libre
Les résultats que les élèves ont obtenus dans les situations tests, dans l’épreuve de
combat libre et les entretiens de fin de cycle vont être maintenant présentés. Le tableau 4
propose un récapitulatif des résultats obtenus par les quatre élèves retenues pour leur assiduité
dans le cycle.
Situations
ELEVE
INCERTITUDE
NIVEAU 1
INCERTITUDE
NIVEAU 2
INCERTITUDE
NIVEAU 3
SCORE
PERSONNEL
Assauts A1 A2 A3 A1 A2 A3 A1 A2 A3 (A1 + A2 + A3)
X 3
EVE 1 2 3 3 3 3 3 3 3 24
MARIELLE 2 3 2 2 2 2 3 3 2 21
INGRID 2 1 3 1 2 2 3 1 3 18
FANNY 2 1 2 3 1 1 3 3 2 18
Tableau 4 : résultats individuels aux situations test
23
L’épreuve est le combat libre. L’arme, la cible ainsi que la distance et le rythme sont
aléatoires pour chacun des combattants. L’incertitude est ici maximale puisqu’elle prend en
compte à la fois les dimensions spatiales (distance et cible), événementielles (arme) et
temporelles (rythme). Par contre, ce n’est pas la compétition puisque le combat n’est pas
codifié comme tel : il ne se déroule pas sur une aire donnée, n’est pas limité dans le temps et
les techniques de touches employées ne sont pas limitées, pourvu qu’elles soient contrôlées
par l’attaquant. Afin de situer chaque élève dans un niveau (tableau 5), nous nous sommes
inspirés du travail réalisé en boxe française par J.M. Montussac (1993) :
24
Niveau d’opposition
Type d’opposition
Tendance observable
1
« MARIELLE »
Opposition subie
Fuite
Opposant défensif
dominé
DEFENSIVE
Déplacement arrière
Garde fermée
Peu de coups donnés
2
« FANNY »
Opposition acceptée
Attentisme passif
Opposant défensif
Logique de protection
3
« INGRID »
Opposition provoquée
Attentisme actif
Opposant défensif - offensif
OFFENSIVE
Déplacement surtout avant
garde basse, ouverte
4
« EVE »
Opposition d’opportunité
Provocation
Opposant offensif
Donne beaucoup de coups
Absence de véritable stratégie
5
Opposition interactive
Combinaison-réaction
Opposant offensif-défensif
NEUTRE
Garde haute, éloignée
Déplacements variés
6
Opposition exploitée
Opposant offensif
dominant
Alterne, tourne.
Met en place des stratégies de
touche.
Tableau 5 : niveaux d’opposition atteints par chaque élève à l’épreuve de combat libre
25
Si l’on envisage ces résultats dans leur globalité, soit au niveau du groupe-test, on peut
en conclure que :
- Les résultats sont très divers d’une élève à l’autre (les scores vont de cinq pour Fanny en
incertitude niveau 1 à neuf pour Eve en situation d’incertitude niveau 3).
- Les meilleurs résultats sont toujours obtenus dans l’assaut à incertitude de niveau 3, soit la
situation la plus complexe. Aucune élève ne descend en dessous de sept (Ingrid 3+3+1).
- Toutes les élèves augmentent leur score entre la situation d’incertitude niveau 1 et celle de
niveau 3.
- Deux élèves progressent de trois points (Eve et Fanny).
- Deux élèves progressent d’un point (Marielle et Ingrid).
A part Eve, toutes les autres sont en difficulté dans la situation intermédiaire
(incertitude de niveau 2), où leurs scores sont inférieurs aux deux autres situations. Sachant
qu’on peut considérer qu’il y a utilisation d’un savoir stratégique à trois points (seul cas où
l’on peut observer une contre-attaque, donc un changement de rôle), sur neuf assauts pour
chacune :
- une élève la manifeste sept fois sur neuf (Eve).
- Les autres la manifestent trois fois.
Il s’avère donc que trois élèves sur quatre ne changent de rôles que dans le tiers des
assauts qu’elles ont à gérer. Une seule parvient à le faire de manière quasi-systématique, Eve.
C’est aussi elle qui fait état du meilleur niveau en combat libre, puisqu’elle est la seule à
atteindre le niveau 4 (cf. tableau 5). C’est pourquoi son cas sera détaillé, et, puisqu’il
appartient à la « loi générale », on en prendra un autre (Ingrid) qui lui se situe dans la
« contingence ».
26
1.2.5. Résultats de l’étude sur deux cas d’élèves : Eve et Ingrid
1.2.5.1. Description des résultats d’Eve (CA)
Situations
Elève
INCERTITUDE
NIVEAU 1
INCERTITUDE
NIVEAU 2
INCERTITUDE
NIVEAU 3
NIVEAU
D’OPPOSITION
Assauts A1 A2 A3 A1 A2 A3 A1 A2 A3
EVE 1 2 3 3 3 3 3 3 3 4
Tableau 6 : tableau récapitulatif des résultats d’Eve
Dans les différentes situations proposées (tableau 6), Eve manifeste une importante
progression dans les assauts libres (incertitude totale) par rapport aux assauts conventionnels
(incertitude croissante). En combat libre, elle est la seule à atteindre un niveau 4 et peut être
classée dans un «type d’opposition d’opportunité » à tendance offensive (cf. tableau 5). Ces
résultats montrent qu’Eve est plus performante dans les situations avec incertitude que dans
les situations sans incertitude : elle réussit mieux dans ces dernières, atteignant 100 % de
réussite. On peut en déduire qu’Eve réussit beaucoup mieux en combat qu’en application de
techniques.
1.2.5.2. Interprétation des résultats d’Eve
Le savoir enseigné était axé sur des savoirs stratégico-techniques, dans la mesure où
les élèves ont eu à apprendre des techniques d’attaques pieds-poings, des blocages et des
déplacements mais aussi leurs applications dans des situations d’assauts à deux. Dans cette
optique, on peut résumer le profil d’Eve comme une élève qui a plus particulièrement bien
intégré le versant stratégique : elle change de rôle 7 fois sur 9. Il s’agit maintenant de savoir
d’où vient le savoir qu’elle manifeste. Si l’on se réfère à son entretien après cycle, elle dit
elle-même «avoir eu du mal à se souvenir du kata et faire les mouvements dans le vide ». Par
contre, le travail à deux l’amusait beaucoup et «dans le combat cela venait tout seul, je le
27
faisais sans réfléchir». Il semblerait ainsi que les savoirs qu’Eve mobilise dans l’épreuve sont
appris puisqu’elle dit : « j’essayais de faire ce qu’on m’avait appris, un blocage, une
attaque…Et être à distance ». Considérant que le savoir appris est conforme au savoir
enseigné (continuité), ses résultats attestent qu’Eve est en adéquation par rapport à l’épreuve.
Dans l’éventail des réponses détaillé précédemment, Eve peut donc être placée de la manière
suivante :
Savoir enseigné
Epreuve
CONTINUITE
RUPTURE
ADEQUATION
CA : EVE
RA
INADEQUATION
CI
RI
Tableau 7 : résultat de l’étude du cas Eve dans l’éventail des réponses
Au regard de ses résultats, et ses entretiens le confirment, le savoir que manifeste Eve
est directement issu du savoir enseigné, autrement dit en continuité avec ce dernier. Sa
réussite dans l’épreuve marque son adéquation, ce qui fait dire en conclusion de l’étude de ce
cas que savoir enseigné et savoir appris ont un rapport de continuité.
28
1.2.5.3. Description des résultats d’Ingrid (RA)
Situations
ELEVE
INCERTITUDE
NIVEAU 1
INCERTITUDE
NIVEAU 2
INCERTITUDE
NIVEAU 3
NIVEAU
D’OPPOSITION
Assauts A1 A2 A3 A1 A2 A3 A1 A2 A3
INGRID 2 1 3 1 2 2 3 1 3 3
Tableau 8 : tableau récapitulatif des résultats d’Ingrid
Ingrid n’obtient que rarement trois points dans les situations tests et son total de points
dans les situations avec incertitude (niveau 2 + 3 = 12) est très inférieur à celui d’Eve (18).
Elle manifeste un changement de rôle trois fois sur neuf, soit dans un tiers des cas seulement.
Dans l’épreuve, par contre, Ingrid atteint un niveau 3 en combat libre (tableau 5), qui
correspond à une tendance offensive, et un type d’opposition « provoquée », un « attentisme
actif ». Ingrid peut donc être définie comme « opposant défensif-offensif ».
1.2.5.4. Interprétation des résultats d’Ingrid
Les résultats d’Ingrid montrent qu’elle se rapproche du profil d’Eve, bien que cette
dernière soit plus efficace en combat. Ses résultats en combat libre témoignent de son
adéquation à l’épreuve, par contre ses résultats dans le test ne sont pas performants. Elle ne
change pas systématiquement de rôle, ne manifestant pas par là un savoir stratégique.
L’examen vidéo de sa production lors du test est très intéressant : Ingrid, à plusieurs reprises,
s’arrête après avoir paré l’attaque, car elle utilise un blocage qui n’a pas été enseigné au cours
du cycle. Elle a l’impression qu’elle ne fait pas, ou pas correctement, ce qu’on lui demande.
Elle dira d’ailleurs : « j’avais l’impression de mal faire, c’est venu comme ça, j’ai pas
réfléchi, je crois ». Cela explique la différence entre sa performance au test et celle dans
l’épreuve. On ne peut pas de ce fait dire qu’Ingrid utilise un savoir appris au cours du cycle.
Si elle l’utilise en combat, elle n’en a pas conscience et fonctionne sur un registre de
ressources « adaptatives » : Ingrid est comme nous l’a confirmé son professeur un « profil
type instinctif ». En tout état de cause, l’examen de ce cas met bien en évidence un rapport
29
particulier entre le savoir enseigné et le savoir appris : Ingrid a appris, mais adapte ce savoir
au contexte auquel elle est confrontée.
Comme nous l’avons fait pour le cas d’Eve, nous allons maintenant pouvoir placer
Ingrid dans le tableau de l’éventail des réponses :
Savoir enseigné
Epreuve
CONTINUITE
RUPTURE
ADEQUATION
CA
RA : INGRID
INADEQUATION
CI
RI
Tableau 9 : résultat de l’étude de cas d’Ingrid dans l’éventail de réponses
Contrairement au cas d’Eve, les résultats d’Ingrid sont dans la « contingence » car le
savoir qu’utilise Ingrid est en rupture avec le savoir enseigné. En effet, en situation d’assaut,
elle a été capable « d’inventer » un blocage, qui n’a pas donc pas été enseigné mais qui
répond à l’exigence de la situation (ne pas être touché par l’attaque adverse). Elle réussit dans
l’épreuve, ce qui marque son adéquation à celle-ci. On peut dire qu’Ingrid est dans un
apprentissage « par » l’épreuve dans la mesure où il semble qu’elle apprenne de l’épreuve
elle-même. Elle procède donc à une adaptation du savoir à utiliser dans l’épreuve par rapport
au savoir enseigné. En conclusion de l’étude de ce cas, il s’avère que le rapport entre le savoir
enseigné et le savoir appris est discontinu pour Eve car le savoir appris n’a pas été enseigné.
30
1.2.6. Conclusion du DEA
Au terme de ce travail, il est apparu qu’il n’y a pas qu’un seul écart entre le savoir
enseigné et le savoir appris, mais plusieurs, autant que de cas d’élèves, ce qui justifie le
recours à l’étude clinique, et valorise le singulier. Le rapport entre le savoir enseigné et le
savoir appris n’est pas linéaire. Le chercheur peut assister à l’émergence d’un rapport plus
complexe qu’il ne l’était envisagé de prime abord : le savoir utilisé dans l’épreuve présente
plusieurs facettes. Il peut en effet découler d’un acte d’enseignement mais être aussi appris au
cours même de l’épreuve, par l’épreuve ou encore être issu d’un savoir déjà-là exploité au
cours de l’épreuve par l’élève. Autrement dit, si le savoir utilisé est synonyme de savoir
appris, ce dernier n’a pas toujours été enseigné. En effet, le critère pour vérifier qu’un savoir
est appris est de vérifier son émergence dans une situation différente de celles proposées dans
l’apprentissage. Dans notre cas, pour apprécier dans quelle mesure le savoir enseigné a été
appris, nous nous sommes attachés à rendre compte de la capacité de l’élève à utiliser le
savoir enseigné lors de l’épreuve de combat et non pas en assaut, c’est-à-dire en situation
d’apprentissage. C’est donc la nature même de l’épreuve qui rend inefficace le savoir
enseigné, dans le sens où il ne suffit plus à répondre à la contingence de l’épreuve. C’est cette
dernière qui suscite l’émergence du savoir utilisé.
A partir de notre étude locale et contextualisée, trois formes de rapports entre savoirs
enseigné et appris peuvent ainsi être mis en évidence :
1) l’élève utilise le savoir enseigné. Dans ce cas, savoir enseigné (SE), savoir utilisé (SU) et
savoir appris (SA) se confondent. Le rapport entre savoir enseigné et savoir appris se définit
alors en termes d’inclusion (cf. tableau 10).
2) L’élève utilise un savoir qui a été en partie enseigné. C’est le cas quand par exemple Eve
utilise en priorité des aspects stratégiques en combat, en termes d’adaptation à l’adversaire, au
détriment d’autres aspects plus techniques (reproduction de formes, d’enchaînements
inadaptés au contexte). Dans ce cas, savoir enseigné et savoir appris sont en relation et le
savoir utilisé est là un indicateur précieux de celle-ci.
3) En dernier lieu, l’élève utilise un savoir qui n’a pas été enseigné. Dans ce cas là, dans
l’épreuve d’opposition, il « invente » une solution d’attaque ou de défense, qui lui permet de
concrétiser son projet stratégique. Il y a séparation entre le savoir enseigné et savoir appris.
31
1 2 3
FORMES
D’UTILISATION
DU SAVOIR PAR
L’ELEVE
SE
SA
SU
SE SU SA
SE SA
SU
RAPPORT
Inclusion Intersection Exclusion
Tableau 10 : tableau de synthèse des rapports entre savoir enseigné et savoir appris
Au final, plusieurs formes de rapports ont donc pu être identifiées (cf. tableau 10 ), ce
qui fait d’ailleurs la richesse de l’enseignement et de l’apprentissage et le fait qu’il ne peut se
répéter à l’identique, même si le contexte paraît similaire… Il apparaît que le savoir utilisé par
l’élève introduit une nouvelle problématique dans la mesure où il permet d’établir la nature du
rapport qu’il y a entre le savoir enseigné et le savoir appris. C’est par son intermédiaire que
les traces du savoir que manifeste le sujet émergent. Dans cette optique, on peut faire
l’hypothèse que ce concept, celui de savoir utile, va servir la recherche en didactique par son
intérêt dans toute étude qui voudra rendre compte des relations entre savoir enseigné et savoir
appris. Conscient des vides (kara…En japonais) que nous laissions, des points à approfondir,
des questions restées en suspens (comme celle que nous développons dans le prochain
chapitre, centrée sur les savoirs à enseigner en karaté en EPS), le prolongement de cette
recherche de DEA a abouti l’année suivante par une inscription en thèse. Nous avons dans le
prolongement de notre recherche de DEA déplacé la question du savoir utile et utilisé par
l’élève à celui utilisé par l’enseignant. En partant de ce nouvel axe de recherche, notre
connaissance du karaté nous a dirigé vers la pluralité des références dans les arts martiaux, et
de là, à la notion de référence pour l’enseignant. Mais avant d’en arriver là, nous avons
souhaité fixer notre réflexion et nos travaux de professeur d’EPS et de formateur en écrivant
deux articles dans la Revue EPS. En effet, il nous semblait primordial, avant d’étudier les
références d’autres enseignants, de proposer la nôtre.
32
1.3. Une question didactique insistante : « quels savoirs en karaté à l’école ?»
La question est éminemment didactique, car elle se pose en termes de savoirs dans
l’enseignement du karaté en EP.S. Un premier élément de réponse a pu voir le jour par
l’entremise de la Revue EPS, revue professionnelle écrite par des enseignants d’EPS
essentiellement. Un article dont je suis le co-auteur avec D. Chaminade a été publié dans le
numéro 300 de celle-ci (Heuser, Chaminade, 2003). David fut l’enseignant associé dans notre
recherche de DEA, dont nous avons observé l’enseignement d’un cycle de karaté en EPS en
lycée. C’est à partir de ce travail en commun que nous avons clarifié notre option didactique
du karaté en EPS sous la forme d’un objectif transversal de « gestion du risque en sports de
combat, par le moyen de l’organisation de l’incertitude dans l’opposition » (Heuser,
Chaminade, 2003, 2006). Mon expertise professionnelle, en tant que professeur de karaté et
formateur à l’Ecole des Cadres fait état d’un constat d’observation que l’enseignement du
karaté a très peu évolué au cours de son histoire; un peu comme si le respect des anciens
Maîtres et de leurs traditions interdisaient aux enseignants de cet art martial de faire évoluer
leurs pratiques pédagogiques et didactiques. Le savoir combattre, en tant que savoir
stratégique tel que le définit G. Vergnaud comme « étant impliqué dans la maîtrise de
situations complexes » (Vergnaud, 1994) que nous assimilerons à toutes les situations où
l’élève se retrouve en situation d’opposition, n’est pas, dans la tradition de l’enseignement des
arts martiaux, un savoir enseignable de prime abord, sans que l’élève (le disciple ?) ait
parcouru un certain « chemin », autrement dit, sa voie, son « do » japonais. Cela va à
l’encontre d’une conception moderne occidentale de l’enseignement, où une option didactique
pourrait faire acquérir des savoirs opérationnels. Nous noterons d’ailleurs que ce problème
n’est pas spécifique au karaté puisqu’on le retrouve par exemple en judo, comme l’expose très
clairement D. Loizon dans sa thèse sur « l’étude de la variabilité didactique dans
l’enseignement du judo » (Loizon, 2004). Cette recherche en didactique a pour objet de mettre
en évidence les différents savoirs qu’enseignent les professeurs de judo en club et en EPS.
L’analyse des variables didactiques a été utilisée dans ce cas comme outil d’analyse et a
permis de montrer que les savoirs techniques et stratégiques étaient au cœur des situations
d’apprentissage et qu’ils étaient indissociables. La transmission d’autres savoirs dans les
communications didactiques est également mise en évidence : réglementaire et sécuritaire,
ainsi que culturel et éthique (Margnes, 2002). Le but de la pratique du karaté est certes avant
tout le combat ce qui n’exclut pas que l’on apprenne aussi d’autres savoirs qui serviront dans
33
la gestion du combat proprement dit (contrôle de soi, respect de l’adversaire par exemple).
C’est pourquoi j’ai orienté mon précédent travail de recherche de DEA sur le rapport entre
savoir enseigné et savoir appris par l’élève confronté à un cycle de karaté, où il s’avère que
dans ce qu’il apprend, tout n’a pas été enseigné. Le rapport entre le savoir enseigné et le
savoir appris n’est donc pas linéaire et cette étude fait émerger la notion de savoir utilisé par
l’élève. En effet, celui-ci peut utiliser tout ou partie du savoir enseigné, mais aussi utiliser un
savoir qui n’a pas été enseigné. Le savoir utilisé par l’élève introduit donc une nouvelle
problématique dans le rapport au savoir dans la mesure où il permet d’inférer la nature du
rapport qu’il y a entre le savoir enseigné et le savoir appris : c’est par son intermédiaire
qu’émergent les traces du savoir que manifeste le sujet. Comme nous l’avons déjà démontré,
le savoir appris peut émerger du savoir enseigné, ou du sujet dans l’épreuve elle-même.
1.4. Emergence et précision de la problématique de thèse
Cette nouvelle perspective m’a permis de revenir sur les trois temps de la transposition
didactique développés par Chevallard et de transférer la question du savoir utilisé par l’élève
au savoir utilisé par l’enseignant en classe (Chevallard, 1985). Néanmoins, ce passage du
sujet élève au sujet enseignant s’est vite révélé dépasser la notion de savoir car l’enseignant
enseigne des savoirs issus de champs divers : son expertise de pratiquant, son expérience
d’enseignant, sa conception de l’activité à enseigner, son histoire personnelle. Très vite, c’est
la notion de référence qui s’est imposée pour organiser ces différentes influences. D’ailleurs,
on peut se demander si les références vont être les mêmes suivant que l’on se situe dans la
phase préactive (la planification), la phase interactive (l’épreuve d’enseignement avec les
élèves) et la phase post active (après la séance quand l’enseignant en fait le bilan) du fait de la
spécificité de chacun de ces temps qui ne fonctionnent pas de manière linéaire.
34
2. Présentation de la thèse
Dans le but d’analyser notre problématique de recherche et de développer notre thèse
sur la référence enseignante, une première grande partie sera consacrée au cadre conceptuel
auquel cette étude se réfère et à la connaissance de l’activité. Dans celle-ci, nous
examinerons :
- le cadre conceptuel de cette recherche en didactique, comprenant notamment les
travaux de l’Equipe Didactique Clinique (EDiC, ex. AP3E), qui ont ouvert la voie à ce
type de questionnement.
- La connaissance de l’activité karaté, au travers de l’analyse de ses différentes
références, historique, culturelle, didactique et scolaire. Cette dernière faisant un état
des lieux des travaux sur l’enseignement du karaté en EPS.
La seconde partie de la thèse sera consacrée au cadre méthodologique comprenant tout
d’abord des analyses préalables avec une enquête préliminaire et une pré-étude de cas, puis la
méthodologie de recueil et de traitement des données des études de cas.
La troisième partie présentera les résultats des études de cas, dont la première est
traitée de manière longitudinale, les deux autres étant des études de cas croisées.
Enfin, une conclusion générale viendra clôturer notre travail et envisagera des
perspectives à celui-ci selon trois axes : la recherche, la formation des enseignants et
l’enseignement du karaté.
35
PREMIERE PARTIE
CADRE CONCEPTUEL ET
CONNAISSANCE DE
L’ACTIVITE KARATE
36
Introduction
Dans cette première partie, nous allons nous attacher à développer les options
conceptuelles de la thèse. Afin de bien les situer dans un champ de recherche, nous
proposerons en premier lieu de présenter les travaux de l’équipe dans laquelle nous situons
nos travaux de recherche en didactique clinique de l’EPS. Nous examinerons ensuite
successivement les différents concepts de la didactique, et notamment la transposition
didactique comme outil de recherche ainsi que le concept de savoir et les différentes notions
de rapport aux savoirs. Enfin, nous nous attacherons au concept de référence, ce qui nous
permettra après l’avoir défini, d’annoncer nos questions de recherche et la problématique de
celle-ci. De plus, comme nous serons ensuite amenés à traiter de la pluralité des références en
karaté, la transition sera plus logique.
Dans un deuxième temps, nous allons ainsi proposer l’analyse la plus exhaustive
possible de l’activité karaté, selon les références possibles que le professeur d’EPS peut
utiliser dans le cadre de l’enseignement du karaté en EPS. Ces références peuvent être de trois
ordres, non exclusifs les uns des autres :
- historique (l’enseignement du karaté comme à son origine, le « te » qui représentait
une pratique de combat unique ainsi que son évolution hors de ses terres d’origines).
- Sportive avec le développement du karaté en compétition.
- Didactique avec une réflexion sur l’enseignement du karaté en club.
- Scolaire afin d’étudier comment cette activité est enseignée ou peut l’être à l’école.
Nous préciserons que la référence institutionnelle (les textes officiels) sera abordée
dans cette dernière partie.
Nous allons dans cette optique établir un état des lieux sur cet ensemble de références
qui font office de « savoir de référence » (Chevallard, 1991). Les ouvrages et leur auteurs qui
peuvent servir eux-mêmes de référence seront évoqués au fur et à mesure des prochains
chapitres.
37
1. Options conceptuelles spécifiques utilisées en didactique
clinique de l’EPS
1.1. La didactique clinique de l’EPS : présentation des travaux de l’équipe de recherche
AP3E (Analyse des Pratiques d’Enseignement et leurs Effets sur les Elèves) du DiDiST
(Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques), équipe du CREFI-T
(Centre de Recherche Education Formation Insertion – Toulouse) EA 799, (ex :
LEMME, Laboratoire d’Etudes des Méthodes Modernes d’Enseignement)
En EPS, discipline scolaire, les contenus sont transposés des pratiques sociales de
référence ayant chacune leur propre logique, leurs évolutions et leurs enjeux de formation. Par
ailleurs, l’environnement didactique de l’EPS comporte des particularités (lieux et espaces
mouvants et spacieux, découpage temporel spécifique et contraignant, pratiques extra
scolaires des élèves, etc.) qui pèsent sur le fonctionnement didactique. Du savoir enseigné au
savoir appris, les écarts constatés (Heuser, 2001) témoignent aussi de la distance qui existe
entre les pratiques sociales et les pratiques scolaires. « C’est cette complexité qui est
appréhendée par les recherches menées par l’équipe de recherche d’ « Analyse des Pratiques
d’Enseignement et de leurs Effets sur les Elèves » (AP3E). Elle met en avant les limites des
cadres et théories didactiques classiques pour rendre compte de certains phénomènes relatifs à
la transmission- appropriation de savoirs. Nous entrons alors dans un domaine d’investigation
plus intime prenant en compte la singularité des sujets dans leurs rapports aux savoirs et dans
des questionnements sur leurs interrelations. « C’est ce parti pris, cette volonté de redonner
aux sujets enseignants et apprenants une place centrale dans la relation didactique qui
caractérise la dimension clinique des travaux didactiques de l’AP3E ». (Carnus, in Terrisse, à
paraître en 2009).
Une des premières thèses qui au LEMME (Laboratoire d’Etudes des Méthodes
Modernes d’Enseignement), laboratoire de didactique de l’Université Paul Sabatier dans
lequel ces recherches ont été menées, initie et renforce cette orientation est celle de Marie
France Carnus. Dans sa thèse, intitulée « Analyse didactique du processus décisionnel de
l’enseignant d’EPS en gymnastique. Une étude de cas croisés » (Carnus, 2001), elle met en
évidence que, d’une part, les contenus d’enseignement en gymnastique sportive à propos de
38
l’enseignement de l’ATR (Appui Tendu Renversé) fluctuent en permanence, du fait de la
dynamique de la classe, et que, d’autre part, certains enseignants modifient les contenus
d’enseignement « à leur insu ». Ce n’est peut être pas une découverte en soi, car les
professeurs d’EPS connaissent ces processus, mais ils n’avaient pas un statut de produit de
recherche, notamment en didactique de l’EPS. Dans le prolongement de ces travaux, M.F.
Carnus cherche à décrire et à comprendre les écarts entre les contenus à enseigner et les
contenus réellement enseignés au travers du passage de l’intention à la décision. Son projet est
d’apporter une autre compréhension de l’activité décisionnelle de l’enseignant, en tant que
sujet singulier, assujetti et divisé dans et par son inconscient, théorie du sujet que nous allons
pouvoir utiliser pour nos études de cas.
La seconde thèse soutenue dans ce groupe est celle de Jean-Paul Sauvegrain, qui
s’intéresse au savoir appris par les élèves dans un cycle de lutte : « Analyse didactique de la
décision de l’élève : étude de cas sur l’utilisation du savoir dans un cycle de lutte en EPS ».
(Sauvegrain, 2001). A l’autre extrémité de la chaîne transpositive, J.-P. Sauvegrain interroge
l’écart entre le savoir enseigné et le « savoir combattre » réellement mobilisé par les élèves
dans l’épreuve du combat en cours d’EPS. En suivant les savoirs transmis par l’enseignant, la
recherche s’intéresse à des cas d’élèves singuliers et repère les différentes « façons de faire »
permettant au « lutteur apprenti » de résoudre le problème rencontré en combat, ce qui permet
de rendre compte des savoirs appris. L’intérêt de ce travail pour notre thèse n’est pas évident
car J.P. Sauvegrain n’est pas focalisé sur l’analyse des pratiques enseignantes. Pour autant, il
interroge comme nous le faisons les écarts aux savoirs, même si ce n’est pas au même niveau
dans la chaîne transpositive.
La troisième thèse est celle d’Eric Margnes. Elle porte sur l’analyse du savoir transmis
en judo par deux formateurs d’UFRSTAPS (cf. glossaire) : « L’intention didactique dans
l’enseignement du judo, des choix culturels d’ordre éthique et technique. Etude de cas de
situations didactiques – leurs mises en scène pour des débutants dans la formation initiale en
STAPS– » (Margnes, 2002). L’intérêt de ce travail réside dans sa tentative réussie de
constituer une grille d’analyse de cette activité, différenciant deux conceptions du judo et
deux modes de traitement de cette activité. Eric Margnes rend ainsi compte, à partir
d’entretiens et d’observations directes de séances, des intentions didactiques qui apparaissent
influencées par ces deux conceptions possibles de l’activité judo (le judo traditionnel et le
judo sportif) ainsi que par deux conceptions de son enseignement à des débutants (l’approche
39
formelle et l’approche fonctionnelle). Son travail nous a notamment donné une typologie des
savoirs fonctionnellement bien adaptée en karaté, bien que constituée en judo.
La quatrième thèse est celle de Denis Loizon. Elle porte sur l’analyse des variables
manipulées par des enseignants de judo, en club et en EPS : « Analyse des pratiques
d'enseignement du judo : identification du savoir transmis à travers les variables didactiques
utilisées par les enseignants en club et en EPS », (Loizon, 2004). La conclusion de ce travail
montre que, comme dans la thèse d’Eric Margnes, des savoirs de nature très différente sont
transmis dans ces séances, ce qu’il est aussi possible d’observer en karaté relativement à la
pluralité des savoirs enseignés. Elle fait apparaître, surtout, que, pour ces enseignants, la
compréhension de l’enseignement du judo passe par des « filtres », qui sont pour le chercheur
autant de moyens d’analyse des déterminants de sa pratique professionnelle. La plupart de ces
filtres, conceptuels, intentionnels et décisionnels sont en rapport avec la pratique antérieure de
l’enseignant en tant que judoka. Nous retrouvons cette problématique dans nos études de cas,
qui montrent aussi le poids de cette pratique antérieure du karaté par les enseignants d’EPS.
La thèse d’Isabelle Jourdan ne porte pas sur l’analyse des pratiques, mais sur l’étude
longitudinale du rapport au savoir des étudiants de première année d’IUFM, qui deviennent
professeurs stagiaires, puis « primo-entrants » dans leur premier poste : « L’évolution du
rapport au savoir comme « révélateur » de la logique de professionnalisation : six études de
cas en formation initiale en EPS à l’IUFM Midi-Pyrénées » (Jourdan, 2005). L’utilisation de
la notion de rapport au savoir sert ici à rendre compte de leur logique de professionnalisation.
C’est bien une étude clinique, « au cas par cas », qui observe un parcours singulier de chacun
des sujets analysés. Sans vouloir réduire cette analyse à ce résultat, l’étude montre bien
combien chacun a une logique qui lui est propre, qui peut se caractériser et se retrouver chez
d’autres professeurs débutants. Cette logique propre, singulière, de chaque cas est un point
que nous retrouvons aussi dans notre travail actuel.
D’autres travaux développent cet axe de didactique clinique. Ainsi sont développées
par Pablo Buznic des études sur les enseignants débutants en comparant, chez le même
professeur stagiaire, deux enseignements contrastés : celui d’une APSA dont elle est
spécialiste, la danse et celui d’une APSA qu’elle n’a jamais pratiquée, la lutte. Fidèle à
l’orientation clinique, une étude de cas d’une enseignante débutante observée dans deux
activités différentes : la lutte (qu’elle ne connaît pas) et la danse (dont elle est spécialiste) rend
40
compte de la part spécifique de « l’expérience personnelle de pratiquant du professeur
d’EPS » (Buznic, 2005) et son influence sur la gestion du contrat didactique. Cette notion
d’expérience personnelle de pratiquant est dans notre étude une influence qui fait à un
moment donné partie de la référence que nous cherchons à identifier.
Dans les mêmes travaux portant sur les enseignants débutants, qui correspondent à
l’orientation du GRIDIFE (ERTe 46 : 2002-2006), E. Brossais et A Terrisse analysent un
jeune professeur d’EPS, spécialiste de judo, qui enseigne dans un collège de ZEP en banlieue
toulousaine. Ce travail met en évidence combien, comme dans le cas précédent, la pratique
antérieure en tant que judoka pèse lourdement sur l’enseignement de sa « spécialité ». Les
auteurs montrent en quoi le rapport personnel au judo d’un enseignant débutant d’EPS ainsi
que les rapports institutionnels influencent son enseignement – notamment les savoirs
enseignés. Marqués par le double assujettissement à l'institution scolaire en tant qu’enseignant
en ZEP et à l'institution fédérale sportive en tant que pratiquant, les auteurs s’interrogent sur
le poids respectif de chacune de ces institutions dans son enseignement dont ils cherchent les
traces dans sa pratique professionnelle. Pour notre travail, c’est le rapport expérience-
expertise qui nous intéresse car on le retrouvera dans les études de cas que nous avons
menées. Ce rapport influence inévitablement l’enseignement du karaté que va produire
l’enseignant et va de ce fait être une source d’influence sur la référence enseignante.
D’autres travaux sont en cours, comme celui que mène André Touboul, enseignant
d’EPS à l’UFRSTAPS de Toulouse, pour rendre compte du poids de l’expérience
professionnelle ou de l’expertise dans une APSA, qui semblent être les deux déterminants
essentiels, dans cette orientation de recherche, pour tenter de comprendre et d’expliquer les
pratiques d’enseignements de professeurs d’EPS, notamment en sport de combat.
Après cette présentation des différents travaux de l’équipe de recherche dans la quelle
nous travaillons, il nous semble important à ce stade de préciser les différentes modalités de la
recherche clinique afin de préciser notre orientation pour lui donner sa cohérence. La question
est en effet de savoir quelle terminologie exacte utiliser, entre recherche clinique, démarche,
courant, ou encore posture.
41
1.2. La recherche clinique
« La recherche clinique est une activité médicale visant à améliorer la connaissance
soit d'une maladie soit d'une thérapeutique. La recherche clinique concerne l'être humain. En
pharmacologie par exemple, elle est dominée par les études du médicament administré à
l'homme, dans le cadre des essais cliniques » (Allain, Milon, Van Den Driessche, 1985). D’un
point de vue purement scientifique, on ne peut donc pas dire que nous faisons une recherche
clinique si on entend par là une recherche menée sur l'être humain dans le domaine de la
santé. Pour autant, A. Terrisse utilise le terme quand il écrit : « la recherche clinique sert à
interroger le rapport singulier qu’entretient le sujet à l’activité qu’il pratique pour en rendre
compte, l’identifier, la caractériser » (Terrisse, 1998). Ce rapport « ne pourra être élaboré qu’à
partir d’une prise en compte du cas par cas, ce qui caractérise la clinique du singulier, celle de
la position subjective de chacun » (ibid.). Il est vrai que la récente appropriation du terme de
clinique dans des champs qu’elle n’avait pas à l’origine investi va obliger les chercheurs à un
effort de précision des termes utilisés, effort que nous commençons à effectuer dans ces lignes
afin, justement, d’apporter notre contribution à ce débat scientifique.
Qu'en est-il de la « démarche clinique », cette notion relativement récente en formation
et éducation ? A l'origine, la clinique est relative au médecin qui, au chevet du patient,
observe les manifestations de sa maladie et les réactions de celui-ci en même temps qu'il
l'interroge et l'écoute. Par la suite, elle a été transposée à l'examen des individus non malades
puis des groupes (psychologie sociale clinique) très souvent dans un but de formation.
Sigmund Freud a employé pour la première fois le terme de « psychologie clinique » dans sa
lettre à W. Fliess en janvier 1899. En 1949, D. Lagache (cité par Daniel Anzieu dans le
Dictionnaire de psychologie), évoque une « méthode clinique » (Lagache, 1949) reposant sur
trois postulats :
- un postulat dynamique : le psychisme humain est constitué de conflits intra et
intersubjectifs;
- un postulat interactionniste : la conduite qui est la réaction de la personne à la situation dans
laquelle elle se trouve (état d'esprit interne, milieu psychique et social externe) ;
- un postulat historique : la personnalité en évolution depuis sa naissance avec une alternance
de moments de crise et de périodes de stabilité ; la conduite d'une personne à un moment
donné étant le produit de son passé et de ses projets.
42
Michel Foucault, quant à lui, publie en 1972 une étude historique de la clinique sous le
titre « Naissance de la clinique », mais pour ce qui est de la « démarche clinique » dans le
milieu de l'éducation, il faut attendre le début des années 1990 pour la voir apparaître dans les
écrits (Imbert, 1992 ; Cifali, 1994 ; Perrenoud, 1994 ; Revault d’Allonnes et al., 1999). Plus
récemment encore apparaît un autre concept, celui de « clinique de l'activité », dans le
domaine de l'ergonomie et de la psychologie du travail (Clot, Prot, Wherte et al., 2001). Il
apparaît donc, dans le champ des Sciences Humaines, ce que nous pourrions nommer un
« courant clinique » en ce sens où :
- d'une part, des recherches, des analyses de pratiques, des formations, etc. sont menées,
non pas « au chevet du patient » mais auprès d'acteurs engagés dans et intéressés par
l'objet d'étude, grâce à « cette posture particulière qui permet à un professionnel de
construire des connaissances à partir de situations particulières dans lesquelles il est
impliqué » (Cifali, 1999),
- d'autre part que ces approches sont souvent guidées par « le souci de l'action, de la
compréhension et de la transformation des situations de travail » (Clot, 2001).
- Enfin que la pratique des chercheurs, des formateurs, n'est plus un simple exercice
d'application de connaissances acquises. De fait, « le sens clinique exige de n'être pas
centré sur soi » (Cifali, ibid.), de ne plus être dans (l'illusion de) la maîtrise, d'accepter
l'incertitude.
Quelle définition, alors, donner de l’approche clinique ? Pour J. Ardoino « Est donc
proprement clinique aujourd'hui, ce qui veut appréhender le sujet (individuel et/ou collectif) à
travers un système de relations (constitué en dispositif, c'est-à-dire au sein duquel le praticien,
où le chercheur, comme leurs partenaires, se reconnaissent effectivement impliqués), qu'il
s'agisse de viser l'évolution, le développement, la transformation d'un tel sujet ou la
production de connaissances, en soi, comme pour lui ou pour nous, « s'agissant » plutôt d'une
sagacité d'accompagnement dans une durée, d'intimité partagée » (Ardoino, 1989). C’est ce
parti pris, cette volonté de redonner aux sujets enseignants et apprenants une place centrale
dans la relation didactique qui caractérise l’option clinique des travaux didactiques de l’AP3E.
L’approche clinique en didactique a pour conséquence directe de « sortir de l’ombre »
(Carnus, in Terrisse, à paraître) l’activité des protagonistes du système didactique,
l’enseignant et les élèves dans leur singularité, en tant que sujets « entièrement engagés »
(ibid.) dans l’acte d’enseignement apprentissage, avec ce qu’ils savent et ce qu’ils sont.
43
Du point de vue de la démarche, M. Cifali et P. Perrenoud la définissaient ainsi dans
un fascicule qui était destiné aux étudiants de l'Université de Genève s'orientant vers les
métiers de l'enseignement : « La démarche clinique est une façon de prendre du recul vis-à-vis
d'une pratique : elle se fonde sur l'observation, qu'il y ait problème ou non ; elle permet
d'élaborer des hypothèses ou des stratégies d'action par la réflexion individuelle ou collective,
la mobilisation d'apports théoriques multiples, des regards complémentaires, des
interrogations nouvelles. Elle sollicite des personnes-ressources qui mettent en commun leurs
points de vue pour faire évoluer la pratique ainsi analysée. C'est un moyen de faire face à la
complexité du métier d'enseignant en évitant le double écueil d'une pratique peu réfléchie ou
d'une théorie déconnectée des réalités vécues. […] Elle peut, dans certains domaines,
s'inspirer d'une démarche expérimentale, dans d'autres s'apparenter à une recherche-action,
dans d'autres encore emprunter certains outils ou paradigmes à la supervision ou à la relation
analytique » (Cifali, Perrenoud, 2001). Par ailleurs, Cifali énonce que « ceux qui oeuvrent
dans ce contexte, avancent qu’il y est question de situations où les acteurs sont impliqués ; où
s’élabore, avec les interlocuteurs en présence, une compréhension de ce qui se passe, une co-
construction d’un sens qui provoque parfois du changement ; où s’instaure une articulation
théorie pratique particulière, un lien entre connaissance et action » (Cifali, 1999). Et elle
souligne que la démarche clinique « n'appartient donc pas à une seule discipline ni n'est un
terrain spécifique ; c'est une approche qui vise un changement, se tient dans la singularité, n'a
pas peur du risque et de la complexité, et co-produit un sens de ce qui se passe » (ibid.). Dans
les faits donc, la démarche clinique se traduit en modalités diverses dont l'analyse de
pratiques, mais toutes ont, selon Perrenoud « un dénominateur commun : elles mettent
l'accent sur les fonctionnements en situation » (Perrenoud, 1994) et il y est toujours question
d'apprendre dans et sur la situation, l'action, l'acte pédagogique et ce en prise directe avec des
praticiens concernés. Ainsi, « la démarche clinique vise plutôt, à partir de l’expérience, à
alimenter la construction de savoirs nouveaux ou l’intégration et la mobilisation réflexives de
savoirs acquis » (Perrenoud, 2001). Il est alors évident qu'une telle démarche dans le cadre de
la formation demande de courir des risques, d’une part pour les personnes en formation, par le
fait d'être invitées à s'exposer et d'être conduites à se remettre en question et d’autre part pour
les formateurs, qui ne sont plus dans la « maîtrise », mais dans l'accompagnement, la
médiation, la guidance, le partage et parfois le doute. Elle suppose donc un changement de
posture des formateurs ainsi que des personnes « en formation » et présente l'avantage de
s’harmoniser avec un acte éducatif (un acte formatif) qui aidera ces dernières, les « se
formant », à ne plus être dans une attente de transmission de savoirs normés, pré-établis et
44
relativement figés, mais à construire leurs propres savoirs, à se construire dans la réflexivité et
le conflit (cognitif, sociocognitif), à développer leur identité professionnelle. Adopter une
démarche clinique en recherche nécessite donc de respecter un ensemble de règles
déontologiques, permettant de se plier à une éthique professionnelle.
La prise en compte a priori du point de vue du sujet comme l’a qualifiée M.F.Carnus
(Carnus, 2003) est en rupture avec l’idée d’un sujet générique, épistémique. Cette nécessité
entraîne de fait une seconde graduation dans la dimension clinique dans la recherche en
didactique : celui de la convergence entre des options conceptuelles et des options
méthodologiques. Postuler pour la singularité du sujet enseignant et le mettre au cœur de ses
analyses didactiques amène le chercheur à se questionner autour d’une théorie du sujet en
didactique. Nous entrons là dans « une démarche clinique» (Carnus, in Terrisse, à paraître)
dans la recherche en didactique.
La dernière question est celle de la posture : à quelles conditions a-t-on le droit de dire
que l’on adopte une posture clinique ? La posture renvoie selon le dictionnaire à une attitude,
celle-ci pouvant être perçue différemment par autrui dans un contexte particulier. L’attitude
est en effet subjective car elle renvoie à « la boîte noire » du sujet (Klein, 2001), autant que le
comportement est objectif car observable directement mais difficilement explicable en dehors
du sujet ! Il nous semble alors que la posture renvoie au caractère que nous nous donnons
dans une communauté humaine particulière. Ainsi, si nous nous adressons à des collègues
dans un but formatif, nous adoptons une posture de formateur, tandis que si nous
communiquons nos travaux à la communauté scientifique, nous sommes dans une posture de
chercheur. Comme le souligne C. Blanchard Laville, « la posture à trouver pour qu’un
professionnel assume progressivement de pouvoir tenir sa place ne s’enseigne pas. D’une
part, elle ne s’apprend pas non plus en une fois au cours des années de formation, mais elle
continue à se construire en travaillant dans son après-coup l’expérience de l’exercice
professionnel en situation réelle » (Blanchard-Laville, 2001). Il s’avère donc comme nous le
dit Terrisse que « si les concepts de la didactique constituent un ensemble cohérent permettant
de rendre compte de la circulation des savoirs (transposition didactique, Chevallard, 1985),
des interactions en classe » (contrat didactique, Brousseau, 1988), la notion très controversée
de clinique pose plus clairement la part personnelle qu’introduit le sujet, enseignant, dans le
processus d’enseignement. Notre groupe de recherche, l’AP3E, a trouvé pertinent d’associer
les deux termes pour rendre compte de « l’intérêt d’une didactique clinique de l’EPS »
45
(Terrisse, ibid.). Cette « démarche » ouvre la porte à un troisième niveau qui engage le
chercheur – lui aussi sujet – dans la construction d’une posture clinique « qui consiste à
intégrer explicitement a priori et a posteriori la subjectivité du chercheur à différentes étapes
de la recherche comme par exemple ses choix d’objets de recherche, ses options conceptuelles
et méthodologiques, ses hypothèses interprétatives. Prendre en compte la posture du
chercheur amène alors à évoquer les dimensions éthique et déontologique de la recherche sur
les pratiques enseignantes. « La posture du chercheur se construit et c’est aussi en quelque
sorte une façon d’objectiver la subjectivité du chercheur – subjectivité constitutive des objets,
théories, démarches, matériel et résultats de sa recherche, subjectivité empreinte d’une
histoire et d’une trajectoire singulière » (Carnus, ibid.). Dans cette optique, « d’objectivation
de la subjectivité du chercheur » (ibid.), nous proposerons dans la conclusion de la thèse de
tenter d’expliciter « l’après-coup du chercheur » et nous citerons J.-P. Sartre, qui nous dit que
« pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l’autre. L’autre est
indispensable à mon existence, aussi bien d’ailleurs qu’à la connaissance que j’ai de moi.
Dans ces conditions, la découverte de mon intimité me découvre en même temps l’autre,
comme une liberté posée en face de moi et qui ne veut ou ne peut que contre moi. Ainsi
découvrons-nous tout de suite un monde, que nous appellerons l’inter-subjectivité, et c’est
dans ce monde que l’homme décide ce qu’il est et ce que sont les autres » (Sartre, 1962).
A ce stade de notre recherche, il est temps de faire état de notre position de chercheur
en didactique clinique :
- tout d’abord, notre travail va mettre en exergue la singularité du sujet enseignant et de sa
référence. Ce facteur en tant qu’influence externe et interne s’avère intervenir de manière
significative dans le processus de division du sujet enseignant. C’est ce qui nous amène à
notre deuxième question de « la place symbolique de l’enseignant ». L’emprunt par
Chevallard de la formule de Lacan, le « sujet supposé savoir » nous paraît s’appliquer dans la
mesure où l’enseignant se réfère en définitive à ce que l’institution attend de lui. Son statut
d’enseignant l’incite à rechercher une certaine conformité scolaire dans son enseignement, ce
qui peut expliquer les raisons de son option didactique en contradiction avec sa pratique
personnelle du karaté.
- Ensuite, notre travail pourrait illustrer ce que nous nommerons « le mot interdit », qui peut
se rapprocher de ce que Terrisse nomme « l’impossible à supporter » (ibid.). Le combat qui
comme nous allons le montrer dans le chapitre consacré à la connaissance de l’activité karaté
46
représente « l’impossible à faire » dans le contexte scolaire, et nous verrons si c’est un « mot
interdit » dans les entretiens que nous mènerons.
1.3. La didactique : historique et définitions
J.P. Astolfi et M. Develay situent l’apparition de l'adjectif « didactique » vers 1554
(Astolfi et Develay, 1989). En 1649 parait l'ouvrage « Didactica Magna » de Comenius. Le
substantif « Didactique » apparaît vers 1955 (Dictionnaire Le Robert) et l’époque présuppose
que la didactique trouve son origine dans la mouvance de la psychologie génétique. A
l'origine, elle n'est pas vraiment différenciée de la pédagogie. Elle s'en démarque par une
volonté de rationalisation : les auteurs opposent l'approche « scientifique » de la Didactique à
l'approche « doctrinaire » de la Pédagogie. Actuellement, le substantif didactique correspond
à une prise en charge des contenus et s'intéresse à l'appropriation de savoirs précis ainsi que
de développement des compétences. Dans cette optique, nous renverrons à un article paru
dans « Education permanente » où est proposée une approche des compétences à travers
l'activité dans les situations de travail. Ainsi, pour analyser les compétences et leur
développement, en formation comme au travail, « la didactique professionnelle propose des
concepts et des méthodes qui s'appuient sur une conception riche des situations de travail, où
les acteurs réalisent des tâches en utilisant des instruments variés et en coopérant avec
d'autres, dans un cadre déterminé par l'organisation du travail […] et engage un premier
dialogue avec les spécialistes du travail et de la formation pour en susciter d'autres ».
(Bouthier et al., 1995). Il apparaît que le concept de didactique est pluriel, et peut être
envisagé dans plusieurs champs, d’où l’intérêt de bien cibler le domaine dans lequel nous
nous en servons.
En ce qui concerne l'aspect historique, L. Cornu et A. Vergnioux évoquent également
Comenius et son « Didactica Magna », puis précisent : « On sera sans doute surpris de trouver
en 1729 la formule suivante, il est vrai sous la plume de Marsais, qui proposait une nouvelle
méthode d'apprendre le latin : « le grand point de la didactique, c'est-à-dire de la science
d'enseigner, c'est de connaître les connaissances qui doivent précéder, celles qui doivent
suivre, et la manière dont on doit graver dans l'esprit les unes et les autres » (Cornu,
Vergnioux, 1992). La didactique s'interroge donc sur l'ordre et la manière d'un enseignement.
Y. Chevallard écrit en 1991 : « mais voici : la didactique des mathématiques ne sort pas du
néant ; elle est l'effet d'un retard d'histoire. De ce retard et de cette filiation, l'idéologie qui
47
anime ses acteurs porte témoignage : c'est, au fond, celle des lumières, et de notre Révolution,
celle-là même qui fit courir la plume de Condorcet » (Chevallard, 1991). Quant à G.
Brousseau, il évoque dans sa thèse (Brousseau, 1986) le paradoxe du comédien en se référant
à Diderot. On ne peut s'empêcher d'être troublé par cette convergence des références
historiques. Curieusement J.J. Rousseau, qui a pourtant été l'auteur d'un célèbre traité sur
« l'éducation », n'est pas évoqué. Nous avons pensé qu'un regard de ce côté pourrait être
intéressant pour tenter de répondre à la question : Rousseau était-il didacticien ? Nous nous
sommes penchés sur son livre « l'Émile » (Rousseau, 1762) comme l’a fait Brousseau
lorsqu’il a « inventé» le contrat didactique en s’inspirant du contrat social de Rousseau
(Terrisse et Léziart, 1997). Non seulement J.J. Rousseau s'est intéressé, tant en pratique que
théoriquement, aux problèmes éducatifs, mais de plus, force est de constater que certains des
thèmes à l'aspect novateur, d'inspiration constructiviste, que l'on rencontre chez les
didacticiens, sont en fait déjà présents dans « l'Émile ». En effet, des remarques comme les
suivantes ne sont pas sans évoquer des prises de positions modernes. En ce qui concerne par
exemple l’importance de la construction personnelle des savoirs : « notre manie enseignante
et pédantesque est toujours d'apprendre aux enfants ce qu'ils apprendraient beaucoup mieux
d'eux-mêmes et d'oublier ce que nous aurions pu seuls leur enseigner ». Enfin sur
l’importance du temps didactique : « oserais-je exposer ici la plus grande et la plus
importante, la plus utile règle de toute l'éducation ? Ce n'est pas de gagner du temps c'est d’en
perdre ». Ces deux exemples montrent bien en tous cas l’aspect novateur de la réflexion de
Rousseau en matière d’éducation car les chercheurs actuels continuent bien à travailler sur ces
questions. Selon S. Joshua et J-J. Dupin : « la didactique des mathématiques, la première,
celles des autres sciences ensuite, sont historiquement nées de la décision de ne point s'en
laisser compter en la matière » [en matière d'enseignement]. Elles se sont fondées par un
choix radical qui devait les distinguer progressivement des autres approches concernant
l'enseignement scientifique : la volonté et l'affirmation de la possibilité d'un abord raisonné,
systématique, scientifique et spécifique des phénomènes d'enseignement dans ces domaines,
visant à délimiter théoriquement et pratiquement les domaines du possible de ceux de
l'inaccessible. Si on devait risquer une définition, on pourrait dire que la didactique d'une
discipline est la science qui étudie, pour un domaine particulier, les phénomènes
d'enseignement, les conditions de la transmission de la « culture » propre à une institution et
les conditions de l'acquisition de connaissances par un apprenant. Le point d'entrée dans cette
problématique, c'est « la réflexion sur les savoirs » (Joshua et Dupin, 1993). Ce dernier point
de vue va nous intéresser au plus haut point car notre objet de recherche est justement centré
48
sur le rapport aux savoirs en karaté, et notamment celui de l’enseignant. De plus, le karaté en
tant que « méthode scientifique du combat à mains nues » comme est défini l’art martial est
en soi une didactique du combat, avec une progression vers la maîtrise des différents
domaines de l’entraînement qui seront détaillées plus après, dans le chapitre consacré à la
connaissance de l’activité.
Nous ne saurions clore ce chapitre sans apporter notre positionnement, car des
nombreuses définitions données, on peut retenir que la didactique est donc l’étude scientifique
des processus de transmission et d’acquisition des savoirs dans une discipline. Cette optique
nous amène à la didactique des disciplines définie par Brousseau comme « l’enseignement
d’un savoir constitué ou en voie de constitution à des fins d’appropriation par les élèves »
(Brousseau, 1998). Elle s’intéresse à ce titre aux problèmes spécifiques liés à l’enseignement
d’une discipline déterminée. Selon A. Terrisse, les recherches en didactique des disciplines
scientifiques et technologiques ont en commun « un ensemble de concepts et de méthodes,
une proximité qui les délimite en tant que champ scientifique […]. Ce qui les différencie, ce
sont les objets sur lesquels portent ces recherches qui sont souvent des disciplines scolaires ou
universitaires […] avec des contenus d’enseignement spécifiques et un rapport particulier au
savoir de référence » (Terrisse, 2002). Nous reviendrons à notre question de recherche qui
envisage la problématique du savoir enseigné en karaté et du savoir à enseigner en EPS et
emprunterons une dernière définition à G. Vergnaud pour qui la didactique « décrit et analyse
les difficultés rencontrées et propose des moyens pour aider professeurs et élèves à les
surmonter et notamment faire du savoir enseigné un savoir fonctionnel et opératoire »
(Vergnaud, 1990). Il va justement s’agir de montrer que le savoir en karaté enseigné en club
n’est pas « fonctionnel » pour l’école mais pour autant qu’il existe et que les enseignants ne
peuvent faire l’économie d’un traitement didactique pour le proposer transformé dans le cadre
de l’EPS.
49
1.4. Les concepts de la didactique mobilisés dans cette recherche
Le triangle didactique ou système didactique est une formalisation du domaine des
réflexions concernant la didactique. Il me permettra de décrire la mise en relation de trois
éléments : l’élève, l’enseignant et les savoirs. Ces trois éléments constituent les trois pôles
d’un triangle que l’on appelle le triangle didactique.
INSTITUTION SCOLAIRE
Schéma 1 : le triangle didactique d’après Astolfi et Develay (1989)
La mise en relation de ces trois pôles (cf. schéma 1) est appelée « le système
didactique » par Astolfi et Develay oeuvrant dans le domaine de la didactique des disciplines.
Pour Colomb, le système didactique, « formé par trois éléments : l’enseignant, les élèves, le
savoir et la relation ternaire qui les lie », constitue l’objet d’étude de la didactique (Colomb,
1986). Dans ce sens, le « système didactique » apparaît plus comme un secteur d’investigation
et de production. Cela nous renvoie à la définition de l’ingénierie didactique : « production de
situations d’apprentissage reproductibles, développées par la recherche dans le cadre d’une
théorie explicite, et dont les effets ont été contrôlés » (ibid.). Il s’agit donc ici de la partie
SAVOIR ELEVE
ENSEIGNANT
RAPPORT AUX
SAVOIRS
ENSEIGNEMENT
APPRENTISSAGE
50
purement technologique de la didactique. Nous avions dans notre travail de DEA utilisé une
méthodologie d’ingénierie didactique, ce qui n’est pas le cas de notre présent travail, qui vise
plus la description que la prescription du fait didactique. C’est dans cette perspective de
production didactique que le triangle didactique essaie de préciser l'objet de la didactique et sa
singularité. Cette représentation a essentiellement pour but de s'opposer à des schémas
linéaires du type professeur-élève. Dans son livre « le triangle pédagogique », Jean Houssaye
écrit que toute situation pédagogique s’articule autour de trois pôles : le savoir, le professeur,
les élèves et qu’en général les modèles pédagogiques sont centrés sur une relation entre deux
de ces termes (Houssaye, 1988). Ainsi, dans la relation prioritaire enseignant-savoir, c’est
l’acte d’enseigner qui est essentiel. Elle renvoie à la transposition didactique. La relation
enseignant-élèves, elle, renvoie plus à l’aspect relationnel et elle peut être étudiée par le biais
du contrat didactique. Enfin, dans la relation savoir-élèves, c’est l’acte d’apprendre qui va
nous intéresser et permettra de s’attacher au concept de rapport au savoir. Le triangle
didactique est de ce fait une tentative faite pour appréhender et modéliser une situation
complexe. Bien sûr, une telle modélisation n'est pas à l'abri des critiques. On pourra se
reporter à celles de Cornu et Vergnioux (op.cit.). En effet, il y a toujours un tiers exclu. Dans
le premier cas, c’est l’élève, dans le second, c’est le savoir et dans le troisième, c’est le
professeur. C’est la raison pour laquelle il nous paraît pertinent d’étudier les trois liaisons de
la triangulation, car cette option va permettre d’appréhender le phénomène dans sa globalité
bien qu’il est vrai que l’élève et l’apprentissage ne sont pas au centre de notre problématique,
comme c’était le cas dans notre recherche de DEA (Heuser, 2001). Nous analyserons donc
dans les prochains chapitres les concepts de transposition didactique, de savoirs et de rapport
aux savoirs.
1.5. La transposition didactique comme outil d’analyse de la transformation du savoir
Les savoirs sont dépendants des pratiques sociales qui les sous-tendent, les APSA.
Autrement dit, ils sont extraits de l'étude didactique de ces pratiques choisies comme support
d'enseignement. Ils sont organisés autour de la notion de compétences, définies comme étant
des « savoirs en action où le corps est engagé » (BO n° 6 du 12 août 2000). L'acquisition de
celles-ci permet d'atteindre les objectifs de l'EPS. Comme nous l’avons déjà évoqué, mais il
est important de le rappeler là, en EPS, les contenus d’enseignement ne sont pas issus de
savoirs savants ou scientifiques, mais sont élaborés à partir de savoirs d’experts. Ainsi, deux
concepts didactiques nous permettent d’éclairer maintenant la question des savoirs en EPS : le
51
concept de transposition didactique et la notion de pratiques sociales de référence. La question
posée est : comment utiliser une référence culturelle pour revendiquer l’utilité des savoirs
enseignés et s’en détacher à la fois pour affirmer une spécificité scolaire ? Ou autrement dit :
comment faire le lien entre les pratiques sociales de référence que constituent les APSA et les
savoirs enseignés qui identifient l’EPS ?
Le concept de transposition didactique va nous permettre de répondre à ces questions
et d'identifier les savoirs à enseigner en EPS : « la transposition didactique est la création
permanente qui fait passer d’un objet de savoir à un objet à enseigner et enfin à un objet
enseigné » (Chevallard, 1985). Le point de départ est que « tout savoir enseigné s'autorise, ou
cherche à s'autoriser d'un savoir savant correspondant » (Chevallard, 1989). La notion de
transposition didactique est issue de la didactique des sciences et notamment des
mathématiques avec Y. Chevallard. L’auteur montre en effet, en s'appuyant sur l'exemple de
la notion de distance en mathématiques, que « la désignation d’un élément du savoir savant
comme objet d’enseignement modifie fortement sa nature… » (ibid.). L’EPS a utilisé cette
notion, mais en l’adaptant à sa spécificité : elle ne possède pas de savoir savant mais s’appuie
sur des pratiques sociales et culturelles. De ce fait, le mécanisme de transposition est une
transformation « que fait subir aux pratiques sociales d’APS la volonté de les enseigner »
(Marsenach, 1991). En d’autres termes, il s’agira pour les professeurs d’EPS de traiter une
APSA pour en faire un contenu d’enseignement. Puisque « l’EPS ne se confond pas avec les
APSA qu’elle propose et organise » (Instructions Officielles des Collèges, 1985), la définition
des connaissances scolaires passe par le processus de transposition. En effet, l’EPS s’appuie
sur un ensemble de pratiques qu’elle propose et organise pour son enseignement. Dans cette
perspective, la transposition didactique peut être envisagée comme le passage d’une
« pratique sociale de référence », intégratrice de savoir et porteuse de culture, au contenu
d’enseignement. J.L. Martinand introduit la notion de « pratique sociale de référence »
(Martinand, 1989) qui permet d’élargir la notion de transposition didactique utilisée en
sciences. L’auteur la définit comme « une activité sociale pouvant servir de référence à des
activités scolaires, et à partir de laquelle on examine au sein d’une discipline donnée les
problèmes à résoudre, les méthodes et les attitudes, les savoirs correspondants » (ibid.). On
peut ainsi dire qu’en EPS, ce processus permettra de passer des pratiques sociales de référence
à l’enseignement de ces pratiques par la définition des contenus et des objets d’enseignement.
« Le domaine des APSA qui servent de support à l’EPS, élargit le champ de référence du
52
savoir scolaire et autorise à intégrer la notion de pratiques sociales de références, dues à J.L.
Martinand » (Terrisse, 1998). On peut donc dire que le concept de transposition didactique
constitue « un outil de travail du chercheur » (Chevallard, 1992). Terrisse avance que « l’idée
qu’introduit la transposition didactique est que le passage d’un lieu de production sociale et
culturelle du savoir à l’institution scolaire le transforme […] elle peut devenir un outil
d’analyse des différents modes de traitement didactique produits ou utilisés, révélateurs de cet
écart » (ibid.). Toujours selon l’auteur, la circulation du savoir va suivre quatre étapes :
- « du savoir de référence au savoir à enseigner » (choix de l’enseignant en fonction
notamment de sa conception de l’activité).
- « Du savoir à enseigner au savoir enseigné » (mise en œuvre du savoir à travers les
contenus d’enseignement).
- « Du savoir enseigné au savoir appris » (contrat didactique entre enseignant et élèves).
- « Du savoir appris au savoir qui lui a servi de référence », retour en boucle qui pose la
question « du sens que donnent les apprenants aux apprentissages dans leur propre
système de valeur » (Terrisse, 1998).
Le concept de transposition est au cœur de notre problématique dans la mesure où
nous le considérerons de manière synthétique comme « l’ensemble des transformations que
fait subir à un champ culturel la volonté de l’enseigner dans un cadre scolaire ».
(Chevallard, 1985). Dans cette optique, l’objet de la didactique va être de produire des
contenus et des stratégies d’enseignement les plus efficaces possibles. A partir des travaux
du sociologue Verret, Chevallard définit donc dans ce processus de transposition deux
étapes :
- du savoir savant au savoir à enseigner. Cette étape concerne la « noosphère » c'est-à-
dire les experts disciplinaires, ce que Brousseau nomme « le travail du
mathématicien » (Brousseau, 1986).
- Du savoir à enseigner au savoir enseigné ou transposition didactique interne. « Le
travail du professeur » (Brousseau, ibid.).
La première étape consiste en une « décontextualisation » du savoir, la seconde en une
recontextualisation dans une classe donnée. Il y a ainsi une réécriture, une reconstruction par
l’enseignant qui tient compte à la fois des avancées des savoirs, des demandes du public
53
scolaire et des exigences de l'institution scolaire. Ainsi, « la transposition didactique désigne
le passage du savoir savant au savoir enseigné. C'est à la confrontation de ces deux termes, à
la distance qui les sépare qu'on peut le mieux saisir la spécificité du traitement didactique du
savoir » (Chevallard, 1985). Il s'agit donc d'une adaptation du savoir afin de le rendre
accessible aux élèves mais aussi, afin de le « mettre en forme », conforme, aux valeurs de
l'institution scolaire. Le point de départ en est le savoir savant, et cette définition de
Chevallard met en avant la distance qui sépare les objets de savoir enseignés aux objets de
savoir savant d'une part, mais aussi de la culture, et la nécessité pour le système
d'enseignement de réguler cette distance. Ceci est important car il existe un « vieillissement »
du savoir et parfois même une mort quand il devient caduc par la découverte d'un nouveau
savoir. La régulation et le renouvellement régulier des savoirs enseignés sont nécessaires et
représentent bien une particularité du système d'enseignement.
Pour les sociologues, les responsables institutionnels sélectionnent des savoirs qui
forment le « curriculum formel » (Perrenoud, 1994). Ces savoirs sont issus de la culture :
sélection et structuration culturelle agissent comme des filtres. Les savoirs scolaires obéissent
à une formalisation institutionnelle (et politique) et parce qu'ils ont été créés par et pour
l'école, n'appartiennent qu'à l'école (Forquin, 1989). Mais ce passage des savoirs savants aux
objets d'enseignement devra être fait en sorte qu'il n'y ait pas perte de sens afin que les élèves
soient confrontés à des savoirs réellement significatifs. Ceux-ci sont, certes, liés aux
particularités de chacune des APS mais sélectionnés pour cerner ce qui permet des ruptures
avec « la motricité commune » (Marsenach, 1991). Ils ont une représentativité culturelle et
sont reconnus utiles aux yeux du législateur. Il faut faire le choix de ce qui peut être
« didactisable » et ainsi mettre à jour l'identité de la discipline et ses enjeux de formation.
La deuxième étape est celle de la recontextualisation. Elle permet à l’enseignant de
replacer le savoir à enseigner dans une classe particulière et redonne au savoir enseigné un
sens scolaire. « Les contenus d'enseignement sont les conditions que l'élève doit intégrer pour
transformer ses actions » (Marsenach, ibid.). Ils sont indissociables des contenus enseignés,
c’est-à-dire de leur traduction auprès des élèves sous forme de situations d'apprentissage,
d'ensemble de taches, d'exercices, permettant la mise en activité des élèves. Ils sont structurés,
hiérarchisés, adaptés, différenciés en fonction du niveau d'apprentissage des élèves. Mais les
contenus d'enseignement ne sont pas uniquement des conditions. Ils définissent des savoirs.
Pour Hébrard, les contenus d'enseignement sont constitués « de l'ensemble des savoirs et
savoir-faire sollicités et à acquérir pour agir et réagir face à l'environnement à partir du
54
moment où ceux-ci sont perçus par l'élève et le professeur » (Hébrard, 1986). Pour Pineau, ils
« regroupent l'ensemble des connaissances essentielles dans chacune des pratiques abordées,
c’est-à-dire les principes opérationnels et les contenus méthodologiques permettant le
réinvestissement et la structuration des connaissances et des savoirs » (Pineau, 1992).
Ce qu’il faut donc retenir de ces deux étapes de la transposition didactique est que
d’une part, « le savoir tel qu’il est enseigné est nécessairement autre que le savoir initialement
désigné comme devant être enseigné » (Chevallard, 1992) ce qui renvoie à la notion de
transposition didactique interne et d’autre part que ce travail de l’enseignant est dépendant
« d’assujettissements », et que la distance entre savoir savant et savoir à enseigner est
évolutive (transposition didactique externe). Ces savoirs transmis, issus de la transposition
didactique, sont donc jugés dignes d'être enseignés, appris, évalués. Perrenoud insiste sur « les
limites de la transposition didactique : tout ce qu'on enseigne dans une école ou une université
ne renvoie pas nécessairement à des savoirs ou à des pratiques homologues hors institutions
d'enseignement. L'école a une capacité de création de savoirs et de pratiques. Les découpages
du réel qui fondent les frontières d'une discipline sont des « construits sociaux, épistémiques
et pragmatiques. Ils sont changeants, partiellement arbitraires, enjeux de conflits, expression
de rapport de force » (Perrenoud, 1996). En effet, une trop grande décontextualisation conduit
à une perte de sens pour les élèves et à un émiettement des pratiques de référence. Cela nous
renvoie à la question de la distance entre pratique de référence et pratique scolaire. Le sens est
à prendre dans sa double signification : interpréter et prendre une direction. La définition de
ces savoirs de référence, ainsi que leur transmission, est essentielle à la formation initiale des
enseignants qui perpétuent à leur tour l'identité de la discipline. La maîtrise du traitement
didactique semble être à nos yeux une exigence fondamentale dans la formation initiale :
choix et organisation des contenus d'enseignement, adaptation des contenus, contextualisation
des interventions, compréhension des élèves dans leur rapport aux pratiques pour mieux
enseigner. Elle fait partie des compétences didactiques professionnelles à maîtriser en tout
premier lieu par l’enseignant.
La notion de rapport au savoir va nous permettre d'aborder cette dynamique du sujet
en formation. L'EPS introduit, nous l'avons vu, une autre problématique qui est celle de
l'implication de sa propre mise en jeu corporelle et celle de l'autre. Cette notion place alors le
sujet et son corps comme un tout singulier, rapport à soi, rapport aux autres, rapport à son
environnement, ce qui permet en quelque sorte de relier les différentes dimensions de
55
l’homme : l'homme social, affectif, psychologique, et de considérer comme complémentaires
les différentes approches didactique, psychologique et psycho-sociale.
1.6. Les trois études du rapport aux savoirs
Nous allons maintenant nous intéresser à la troisième face du triangle didactique avec
la question du rapport au savoir, que nous allons envisager sous l’angle pluriel dans la mesure
où l’enseignant établit pour enseigner de nombreux rapports avec des savoirs divers que nous
nous proposons de détailler dans ce chapitre. En effet, ce terme ne revêt pas le même sens
quand il est utilisé par des sociologues comme B. Charlot en Sciences de l’Education, par des
cliniciens comme C Blanchard-Laville (autour de J. Beillerot) ou par des didacticiens des
mathématiques (Y. Chevallard). Il est de ce fait impérieux pour le chercheur d’adopter une
grande vigilance épistémologique et de se positionner dans un champ au regard des questions
de recherches.
Dans notre étude, nous nous intéressons exclusivement à l’enseignant mais ce que dit
Charlot, dans le cadre d’une sociologie de l’éducation, à propos de l’élève peut s’appliquer à
notre travail « apprendre fait sens en référence à l’histoire du sujet, à ses attentes, à sa
conception de la vie, à ses rapports aux autres, à l’image qu’il a de lui-même et à celle qu’il
veut donner aux autres » (Charlot, 1997). Il suffit alors de remplacer le terme « apprendre »
par celui d’enseigner pour que cette phrase prenne tout son sens avec l’enseignant. Dans cette
optique, le professeur inscrit son enseignement dans son histoire personnelle, celle de son
apprentissage de l’activité et de son expérience d’enseignant. Les travaux de Charlot
envisagent le rapport au savoir au niveau psychosociologique : « Analyser le rapport au
savoir, c’est étudier le sujet confronté à l’obligation d’apprendre dans un monde qu’il partage
avec d’autres : le rapport au savoir est rapport au monde, rapport à soi, rapport aux autres »
(ibid.). Cette dimension sociale du rapport au savoir renvoie aussi au rapport à l’institution.
C’est ce que développe Chevallard, dans son approche globale du phénomène, plus
didactique et anthropologique : « un individu concret ne peut entrer en rapport avec un savoir
qu’en entrant en relation avec une ou des institutions » (Chevallard, 1989). Notre étude va
essentiellement s’exercer dans l’institution scolaire, bien que l’institution sportive ne soit pas
à sous-estimer car elle va faire partie des influences à prendre en compte chez les enseignants
collaborateurs qui sont aussi professeurs de karaté en club et qui sont marqués par cette
56
culture. En effet, la référence que nous cherchons fait partie d’une culture acquise notamment
au sein d’une institution particulière, l’institution fédérale, représentée par le club, qui est
souvent l’endroit de la première rencontre avec le karaté. Pour Chevallard, la société reconnaît
l’existence d’objets culturels, dans notre cas : le karaté, comme « pratique sociale de
référence » (Martinand, 1986), visible dans l’institution sportive. Il parle alors de rapports
institutionnels qui « constituent le système essentiel des conditions et des contraintes sous
lesquelles se forme et évolue le rapport personnel à l’objet de savoir des acteurs de
l’institution » (Chevallard, op.cit.). Ainsi, le rapport personnel se transforme au sein de
l’institution. Le rapport à l’activité karaté évolue dans l’institution sportive du fait de la
progression de l’expertise du sujet dans cette activité, mais aussi dans l’institution scolaire du
fait de la progression de l’expérience de l’enseignant. De ce fait, nous pensons que la
transformation de ce rapport personnel au savoir, influencé par l’évolution des rapports
institutionnels, participe à la construction de la référence enseignante. En tant que chercheur
de cette référence, nous pouvons parfois l’observer dans l’épreuve proprement dite
d’enseignement, au travers des situations d’enseignement mises en place par le professeur et
des consignes qu’il donne aux élèves, mais quand il est difficile de l’y repérer, nous devons
recourir à des entretiens.
Dans une approche clinique d’inspiration psychanalytique, Beillerot, Blanchard-
Laville et Mosconi nous présentent une autre approche du concept de rapport au savoir :
« toute étude qui prendra le rapport au savoir comme notion centrale ne pourra s’affranchir du
soubassement psychanalytique; non que cela interdise d’autres approches, mais c’est à partir
de la théorisation de la relation d’objet, du désir et du désir de savoir, puis de l’inscription
sociale de ceux-ci dans des rapports (qui lient le psychologique au social) qu’il sera possible
de prendre le risque de faire travailler et évoluer la notion » (Beillerot, 1996). Dans cette
approche, le désir de savoir est au centre du rapport au savoir. A partir de plusieurs études de
cas, les auteurs arrivent à la conclusion que le rapport au savoir se constitue très tôt dans
l’espace familial : « à travers la famille, l’enfant constitue son rapport au savoir dans le plus
intime de ses psyché, mais aussi dans le contexte du groupe familial et de la culture familiale,
avec son inscription sociale, par laquelle l’individu apprend une manière particulière de se
rapporter aux différents savoirs dans la société » (ibid.). Nous n’insisterons pas davantage sur
cette orientation, en effet, la didactique clinique ne doit pas se confondre avec la psychanalyse
dans le sens où les entretiens que nous menons avec les enseignants ont pour vocation de faire
exprimer les raisons de telle action et/ou de tel dire de l’enseignant. L’enseignant est ainsi
57
invité parfois à se confier d’un point de vue plus personnel et intime, sans que cela ne
débouche sur une psychanalyse, ce qui est une question de posture du chercheur. Par contre,
cette dimension du rapport au savoir est à envisager car elle peut nous aider à comprendre les
raisons évoquées par les enseignants, et plus particulièrement nous permettre de chercher dans
l’histoire du sujet sa référence, souvent enfouie !
Les multiples définitions du rapport au savoir mettent en exergue la dimension
historique du sujet dans le sens où chacun a un rapport personnel au savoir, conscient et
inconscient, qui influence sa façon d’apprendre (du point de vue de l’élève), ou d’enseigner
(du point de vue de l’enseignant). Avant de nous rapprocher du sujet enseignant, du point de
vue de la didactique clinique, nous allons aborder le concept de savoir dans le domaine des
Sciences de l’Education tout d’abord, puis en EPS, enfin en karaté.
1.6.1. Les savoirs
Lalande (1991) définit le savoir simplement comme « ce que l’on sait ». Beillerot
ajoute que « le verbe savoir s’emploie pour des pratiques… » (Beillerot, 1996). Le savoir
renvoie donc à la pratique et fait intervenir l’expérience. Il se distingue par ce fait de la
connaissance. L’EPS a longtemps distingué les savoirs, les savoir-être et les savoir-faire. Par
analogie, on pourrait assimiler les connaissances aux savoirs, les compétences générales des
récents programmes d’EPS pour les collèges (1996) aux savoir-être et les compétences
spécifiques aux savoir-faire. Mais on peut se demander qu’est-ce que savoir faire ? Dans cette
optique d’analyse des pratiques, Reboul nous donne quelques éléments de réponse en
avançant que « le savoir-faire utilise les savoirs dans la mesure où ils servent l’action. Savoir
faire, c’est pouvoir refaire, agir intelligemment, structurer ses actions » (Reboul, 1980). Cette
notion de structuration nous paraît primordiale quand on étudie la notion de savoir.
L’accélération de son développement, ainsi que la prise en compte du sujet ont contribué à
remettre en cause une conception figée de la formation et un modèle de culture
essentiellement encyclopédique. Dans cette perspective, la capacité à assimiler de nouvelles
connaissances devient aussi importante, sinon plus, que le savoir lui-même. Il s’agit alors
d’apprendre aux élèves à développer des démarches intellectuelles autonomes, leur permettant
de trouver eux-mêmes des informations pour répondre aux questions qu’ils se posent.
Autrement dit, il faut leur donner l’occasion d’être « le propre architecte de leur savoir »
(Cauzinille-Marmèche, 1985). Cette approche de la définition et de l’utilisation du savoir
58
nous intéresse particulièrement car le concept de structuration qui en est la base induit le fait
que le savoir va être une structuration personnelle. Dans une classe, il y aura de ce fait autant
de savoirs construits que d’élèves présents. Dans cet ordre d’idée, Malglaive annonce que « ce
n’est pas un savoir mais des savoirs qui régissent l’action » (Malglaive, 1990) : les savoirs
théoriques énoncent ce qui est, tandis que les savoirs procéduraux énoncent ce qu’il faut faire.
Les savoirs pratiques s’élaborent à partir de ce qui marche (en général, mais pas toujours) et
enfin les savoir-faire permettent la réalisation des savoirs procéduraux. On pourra noter que
toutes ces formes de savoirs, quelles que soient leurs terminologies n’existent que dans, par et
pour l’action. C’est le thème que développent A. Terrisse et J.P. Sauvegrain qui
reconnaissent, à partir du savoir lutter, trois types de savoirs :
- le savoir « sur » l’activité : « le déjà-là » du sujet, qui correspond à son vécu dans
l’activité, à sa conception de celle-ci.
- Le savoir « par » l’activité, qui est appris dans l’épreuve.
- Le savoir « pour » l’activité qui englobe les contenus, le savoir transmis par l’enseignant
(Terrisse et Sauvegrain, 1998).
Le premier est qualifié par les auteurs comme « nécessaire », le second « contingent »
et le troisième, « possible ». Cette typologie des savoirs est d’autant plus intéressante qu’elle
prend en compte l’histoire du sujet comme élément constitutif du savoir, et débouche vers une
notion plus large qui est celle du rapport au savoir, déjà étudiée dans ce chapitre. Nous devons
maintenant envisager les différents savoirs particuliers en karaté.
1.6.2. Les savoirs en karaté
Gauthier nous rappelle que les « pratiques artistiques ou sportives exigent des
techniques et des savoirs particuliers qui ont été formalisés, enseignés et appris » (Gauthier,
1997). Quels sont ces savoirs particuliers en karaté ? Comme nous l’avons déjà évoqué,
Terrisse envisage la question de la centration sur les savoirs dans le cadre de recherches en
sports de combat selon la typologie déjà évoquée, de savoir sur l’activité, pour l’activité et par
l’activité (Terrisse, 1999). S’agissant des savoirs à enseigner en karaté, nous nous
intéresserons plus particulièrement aux savoirs pour l’activité dont la définition donne déjà
quelques éléments : « élaborés et mis en œuvre par les entraîneurs, les enseignants, sous la
forme de contenus, de conseils, de stratégies, de techniques » (ibid.). En karaté donc, ces
59
savoirs se traduisent par des contenus d’enseignement, que l’on peut classer avec Margnes de
telle manière détaillée dans les paragraphes suivants (Margnes, 2002).
1.6.2.1. Les savoirs techniques (et souvent esthétiques en karaté)
Ils regroupent toutes les techniques d’attaques de mains et de pieds, les techniques de
blocages, les déplacements, les positions. Au-delà de la simple explicitation des techniques en
karaté, il va nous falloir définir ce que l’on envisage par technique, afin notamment de
pouvoir repérer ce qui sera de cet ordre quand nous observerons les enseignants dans
l’épreuve. Pour définir la notion de technique, nous commencerons par faire référence à
Pociello: « acte le plus efficace à sa fonction et le plus efficace dans ses résultats » (Clément
et al., 1994). Cette définition nous semble bien se rapporter à la technique en karaté qui
envisage toujours un aspect d’efficacité (de la touche, du blocage). Par contre, elle occulte un
autre aspect fondamental de la technique en karaté qui est l’esthétique. En effet, une technique
en karaté doit être la fois efficace et esthétique. Nous dirons même que son esthétique est un
facteur d’efficacité. On entend alors par esthétique ce qui va correspondre à un modèle
attendu. Par exemple, une technique de blocage main ouverte appelée shuto uke doit être
réalisée en suivant des étapes bien définies : tout d’abord l’armé de la main qui va bloquer,
paume contre la joue, l’autre main tendue devant soi, bras légèrement fléchi. Ensuite le
déclenchement du blocage proprement dit avec extension du bras armé vers l’avant, la main
effectuant à la fin du mouvement une légère rotation de manière à présenter son bord externe.
Simultanément l’autre main, qui était tendue devant pendant l’armé, revient vers l’arrière et
vient se placer paume vers le haut au niveau du plexus. Dans son ensemble, ce blocage
respecte ces étapes, quel que soit le style de karaté pratiqué. Malgré tout, d’un point de vue
technique, on note des différences d’un style à l’autre. Par exemple en shito ryu, la main qui
fait le shuto (qui veut dire sabre en japonais) est ouverte, sans être raide, les doigts peuvent
être légèrement fléchis. De même le poignet est bien fléchi, l’angle bras main presque à 90 °.
Dans le style shotokan, cette technique est différente dans la mesure où la main doit être
parfaitement ouverte et les doigts serrés. La main est dans l’alignement du bras, il n’y a donc
pas d’angle entre les deux. Pour autant, il n’est pas question de savoir qui a raison et qui a
tort. Le débat n’est pas là. Il s’agit de deux manières de faire le blocage shuto uke. Dans cette
optique, la notion de « repères » induite par Vigarello nous semble s’appliquer là pour tenter
de définir une technique : « les techniques corporelles sont des manières de faire, des
procédés visant l’efficacité, un ensemble de repères stables permettant répétition et affinement
60
de l’action » (Vigarello, 1988). Dans notre exemple, les repères sont présents dans ces deux
écoles : l’armé, la trajectoire du blocage, la rotation du poignet à la fin. Les différences que
l’on peut noter d’une école à l’autre vont provenir de l’histoire, de la transmission. Les
Maîtres japonais, qui ont créé leur propre école, ont déformé, volontairement ou pas, ces
techniques, du fait de la transmission, ou de la marque qu’ils voulaient laisser au karaté qu’ils
enseignaient. Cette notion de transmission des techniques est aussi abordée par Vigarello :
« la technique corporelle correspond aux moyens physiques transmissibles jugés les plus
adéquats pour atteindre un but dans une situation donnée » (ibid.). On peut alors
effectivement penser que ce peut être la transmission même d’élèves à élèves qui transforme
les techniques, un peu comme est déformée une rumeur à force d’être divulguée de personne
en personne. Il peut aussi y avoir un côté volontaire à la déformation d’une technique du fait
même de l’enseignant qui la modifie selon ses propres critères d’efficacité, afin de
correspondre à sa conception de l’activité. Face à cette pluralité des définitions des savoirs
techniques, nous pouvons dire en somme que la technique n’existe que par l’effort de
transmission des savoirs-faire (Trilles et Cadère, 1996). Les définitions modernes de la
technique l’appréhendent non en tant que pratique mais en tant que discours. Ainsi, pour lui
donner une sorte de stabilité conceptuelle, c’est en tant que théorie qu’il faut entendre la
notion de technique. Arnaud la définit comme une « formulation épurée, savante et
décontextualisée du savoir-faire destiné à structurer les apprentissages » (Arnaud, 1985). On
peut alors constater la difficulté pour les enseignants d’EPS de sélectionner les savoirs à
enseigner. Les techniques, d’une part, représentent ce qui spécifie le karaté dans le monde des
arts martiaux d’origines asiatiques, et d’autre part, sont ce qu’ils connaissent le mieux, du fait
du mode de transmission traditionnel du karaté.
Néanmoins, à partir de la typologie des savoirs que nous avons décrite, les savoirs en
karaté ne sont pas seulement techniques, mais aussi stratégiques et nous nous proposons
maintenant de définir ces derniers.
1.6.2.2. Les savoirs stratégiques
La définition que nous donne le dictionnaire du terme stratégie est : « l’art de faire
évoluer une armée sur un théâtre d’opérations jusqu’au moment où elle entre en contact avec
l’ennemi » (Le Robert, 1990). Dans cette acception, la stratégie représente ce qui va concerner
la conduite de la guerre, avant la bataille. Dans le domaine des sports de combat, la stratégie
61
va donc s’appliquer à ce que prévoit de faire le combattant avant le combat, dans la mesure où
il a pu étudier son adversaire. Par exemple, le combattant va mettre en place une stratégie
défensive avant le combat dans le but de fatiguer un adversaire entreprenant en attaque et le
surprendre en fin de combat en appliquant une stratégie offensive pour marquer le point dans
les dernières secondes. Ceci est essentiellement le fait du sport de haut niveau, quand les
mêmes champions ont l’habitude de se retrouver lors des grandes compétitions nationales et
internationales. En EPS, nous ne saurions définir la stratégie sans parler du « savoir
combattre », tant ces deux notions sont liées. En effet, l’aspect stratégique fait partie
intégrante du savoir combattre, comme le développe Terrisse dans nombre de ses travaux
(Terrisse, 1995, 1998). George apporte une définition plus spécifique de la stratégie :
« ensemble de principes directeurs susceptibles de diriger l’élaboration d’une procédure, en
raison de la présence stable de règles de décision et d’action permettant de rendre compte des
choix effectués » (Georges, 1983). D’après cette définition, on peut dire que la stratégie
désigne les orientations possibles du combat déterminées avant et/ou au cours de celui-ci. La
stratégie est susceptible d’être adaptée en cours d’action dès que la situation s’impose. Dans
ce cas, on se rapproche de la définition martiale de la tactique « art de combiner tous les
moyens militaires au combat ; exécution locale, adaptée aux circonstances, des plans de la
stratégie » (Le Robert, 1990). C’est ce que confirme Barlow quand il distingue ces deux
notions : « une stratégie est un plan d’action organisé dans un but déterminé, un projet pour
l’avenir, alors que la tactique est la mise en œuvre de ce plan, l’adaptation de celui-ci aux
contingences de la situation » (Barlow, 1999). La tactique est la gestion immédiate de
l’action, elle comporte donc une nécessaire phase d’improvisation. Pour autant, on pourra
considérer dans le domaine des sports de combat que la notion de stratégie inclus celle de
tactique. Le « savoir combattre » défini par Terrisse (1995) est un savoir de type procédural
qui renvoie à la suite des actions et des opérations effectuées par le sujet pour atteindre son
but, opérationnalisé par des règles, organisatrices de l’action. Partant de ces définitions, Brule
donne un éclaircissement de la notion « d’intention stratégique » en ces termes : « toute mise
en place et réalisation conscientes ou non d’actions de perceptions, de décisions, bref d’un
ensemble d’opérations qui rendent pertinente et intelligente toute la gestuelle du combattant »
(Brule, 1994). Ces intentions sont fondées en karaté, dans, par exemple, le déclenchement
d’une contre-attaque, qui impose au combattant d’avoir identifié l’attaque de son adversaire,
avoir esquivé, bloqué cette attaque et s’être mis à distance correcte pour pouvoir déclencher la
contre-attaque. C’est à ce niveau qu’il y a d’ailleurs savoir stratégique d’après Terrisse
puisqu’il y a changement de rôle, le défenseur passant au rôle d’attaquant. L’intention
62
stratégique sera fondée en karaté dans la mise en œuvre des changements de rôles. D’autres
formes plus complexes de ce savoir stratégique appartiennent à des registres très personnels
comme le système d’attaque et de défense. Le système d’attaque s’exprime par exemple dans
une technique préférentielle (la spéciale du combattant), résultat d’une longue construction
« qui a permis au judoka d’envisager différentes solutions face aux problèmes (actions ou
réactions posés par l’adversaire) » (Loizon, 2000). Ce savoir très personnel, expression d’une
compétence particulière en judo, peut être appliqué en karaté et assimilée à deux cas de
figures définis par Vergnaud à propos de la compétence d’un sujet : « soit par le fait qu’il est
capable de faire face à une certaine classe de situations […], soit par le fait qu’il dispose d’un
répertoire de procédures ou de méthodes alternatives qui lui permettent de s’adapter de
manière plus fine aux différents cas de figure qui peuvent se présenter » (Vergnaud, 1994).
Au-delà de ce savoir qui se veut stratégique, c’est tout l’enseignement proposé qui va revêtir
cette fonction, conception que développe Tardif quand il dit : « l’enseignant doit non
seulement intervenir dans le contenu lui-même, mais encore dans le développement des
stratégies cognitives qui vont permettre à l’élève d’interagir d’une façon significative avec ce
contenu » (Tardif, 1992). Knoll nous rappelle d’ailleurs que « cet enseignement stratégique
est une conception pédagogique très exigeante. L’enseignant doit très bien maîtriser le
contenu disciplinaire dont il a la responsabilité » (Knoll, 1987). Nous verrons donc avec les
enseignants que nous irons observer si c’est une option didactique qu’ils retiennent.
1.6.2.3. Les savoirs éthiques
Ils concernent les valeurs véhiculées par le karaté. Ces valeurs sont historiquement
issues du code du Bushido, qui est « la voie du guerrier ». Au sens littéral, traduit du japonais
le « Bu » est la protection, « shi » signifie l’homme, le chevalier et « do » est la voie. Le code
du Bushido est un code d’honneur pour préserver la vie du guerrier. Les valeurs au centre de
ce code, que tout guerrier doit respecter sont :
- l’honneur (meiyo) : c’est la qualité essentielle. Nul ne peut se prétendre Budoka (Guerrier au
sens noble du terme) s’il n’a pas une conduite honorable. Du sens de l’honneur découlent
toutes les autres vertus. Il exige le respect du code moral et la poursuite d’un idéal, de manière
à toujours avoir un comportement digne et respectable. Il conditionne notre attitude et notre
manière d’être vis-à-vis des autres comme par exemple le respect de la parole donnée à autrui.
63
- La fidélité (chujitsu) : il n’y a pas d’honneur sans fidélité et loyauté à l’égard de certains
idéaux et de ceux qui les partagent. La fidélité symbolise la nécessité incontournable de tenir
ses promesses et remplir ses engagements. La fidélité à son Maître est un aspect important
pour le pratiquant de karaté.
- La sincérité (seijitsu) : la fidélité nécessite la sincérité dans les paroles et dans les actes. Le
mensonge et l’équivoque engendrent la suspicion qui est la source de toutes les désunions. En
karaté do, le salut est l’expression de cette sincérité, c’est le signe de celui qui ne déguise ni
ses sentiments, ni ses pensées, de celui qui se sait authentique.
- Le courage (yuuki) : la force d’âme qui fait braver le danger et la souffrance s’appelle le
courage. Ce courage qui nous pousse à faire respecter, en toutes circonstances, ce qui nous
paraît juste, et qui nous permet, malgré nos peurs et nos craintes, d’affronter toutes les
épreuves. La bravoure, l’ardeur et surtout la volonté sont les supports de ce courage.
- La bienveillance (shinsetsu) : la bienveillance que l’on peut aussi apparenter à la bonté est la
marque de ce courage qui dénotent une haute humanité. Elle nous pousse à l’entraide, à être
attentifs à notre prochain et à notre environnement, à être respectueux de la vie.
- La modestie et l’humilité (ken) : la bonté et la bienveillance ne peuvent s’exprimer
sincèrement sans modération dans l’appréciation de soi-même. Savoir être humble, exempt
d’orgueil et de vanité, sans faux-semblant est le seul garant de la modestie.
- La droiture (tadashi) : c’est suivre la ligne du devoir et ne jamais s’en écarter. Loyauté,
honnêteté et sincérité sont les piliers de cette droiture. Elle nous permet de prendre sans
aucune faiblesse une décision juste et raisonnable.
- Le respect (sonchoo) : la droiture engendre le respect à l’égard des autres et de la part des
autres. La politesse est l’expression de ce respect dû à autrui quelles que soient ses qualités,
ses faiblesses ou sa position sociale. Savoir traiter les personnes et les choses avec déférence
et respecter le sacré est le premier devoir d’un Budoka car cela permet d’éviter de nombreuses
querelles et conflits.
- Le contrôle de soi (seigyo) : cela doit être la qualité essentielle de toute ceinture noire. Il
représente la possibilité de maîtriser nos sentiments, nos pulsions et de contrôler notre instinct.
C’est l’un des principaux objectifs de la pratique du karaté do, car il conditionne toute notre
efficacité. Le code d’honneur et de la morale traditionnelle enseignée dans le karaté do est
basé sur l'acquisition de cette maîtrise. Nous verrons dans les études de cas que l’enseignant
Alain base une grande partie de son enseignement sur la gestion et le contrôle des émotions.
64
1.6.2.4. Les savoirs réglementaires
Ils peuvent d’abord concerner le respect du règlement de l’établissement. Si le cours
d’EPS se fait dans un dojo, les règles spécifiques de ce lieu vont certainement s’appliquer.
Ainsi, on doit toujours saluer en entrant dans l’endroit où l’on s’entraîne. C’est un signe
d’humilité et de respect de ce lieu et la frontière avec le savoir éthique est certes proche. Une
autre règle est le silence. C’est, en effet, traditionnellement dans le silence que le Maître fait
passer sa connaissance. Dans le dojo, on ne doit pas poser de questions lorsque le Maître
explique une technique. Cela s’explique par le fait qu’en karaté on apprend au pratiquant qu’il
faut sentir avant de comprendre. Il y a une tradition de l’apprentissage en karaté qui veut que
l’élève recherche les sensations, trouve en lui ce que lui enseigne le Maître, qui apprécie cette
recherche de ses élèves à leurs actes. Cet aspect peut paraître accessoire à décrire dans ce
travail mais en fait, nous verrons plus loin en troisième partie de la thèse qu’un des cas
(Giovanni) l’intègre particulièrement à son enseignement du karaté en EPS. Cela permet alors
de donner quelques codes de déchiffrage du karaté pour le lecteur néophyte dans cette
activité.
Ensuite, un autre règlement concerne la tenue vestimentaire. En EPS, à moins d’avoir
des kimonos à disposition, l’enseignant exigera la tenue de sport « traditionnelle ». Il faut
savoir qu’en karaté, cette tenue est le « karaté gi », gi voulant dire « vêtement » en japonais.
Le kimono est un terme qui est donc inexact à employer puisqu’il concerne la tenue que l’on
se met le soir au japon quand on rentre chez soi. C’est une tenue d’intérieur, pourrait-on dire.
Le langage commun a pourtant préféré ce terme. Au dojo, tous les élèves et le professeur sont
en karaté gi blanc. La tenue et sa couleur deviennent un symbole : tout le monde est sur le
même pied d’égalité, tant sur le plan social que sur le plan de la pensée. Le blanc est le
symbole de la pureté et de l’esprit. Comme le souligne Didier : « seul le karatedo vit au sein
du groupe et non l’individualité de chacun » (Didier, 1988). Giovanni, l’une de nos études de
cas, évoquera cette spécificité de l’activité quant à la tenue vestimentaire, le karaté gi.
Une troisième règle qui s’applique au dojo et que l’enseignant d’EPS pourra ou non
emprunter dans son cours est le salut. Il convient de distinguer au moins deux modes. L'un est
un salut de respect ou de politesse, dans lequel on incline aussi la tête. L'autre est un salut
envers le partenaire ou l'adversaire auquel on doit le respect, sans toutefois manquer de
65
vigilance. En ce cas, on ne doit pas le quitter des yeux pendant le geste du salut. Surtout dans
le cas du combat, on peut recevoir une attaque au moment où l’on baisse le regard, puisque,
selon la coutume du Budo, il s'agit d'une faute. Cependant, ceux qui comprennent que le salut
avant le combat est la seule forme et saluent de cette manière dans le dojo, comme à
l'extérieur, feront avec les meilleures intentions un geste offensif, désagréable pour l'autre et
de ce fait irrespectueux. Puisque le karaté est un art martial qui vient du Japon, et que les
pratiquants n’en sont que les héritiers ou les dépositaires, il convient de connaître les deux
formes de salut afin de les appliquer selon la situation. De tout temps, le salut a fait partie
d'une tradition guerrière. Que se soit pour prouver son obéissance à un chef, pour respecter
son ennemi ou se faire reconnaître comme membre d'un clan par ce code, le salut a pris
différentes formes à travers les âges et les civilisations. A la fin des guerres claniques ou
tribales la signification du salut a évolué. Au Japon cette révolution est arrivée tardivement
avec l'ère Meiji (1868), l'ouverture sur le monde occidental et l'interdiction du port du sabre.
Les « Bu-jutsu » sont devenus « Budo » et l'art de guerre est devenu un art d'élévation
personnelle. Le salut est devenu l'expression de notion de respect vis-à-vis des lieux, des
enseignants et des partenaires. Il symbolise également les valeurs traditionnelles qu'une école
veut perpétuer. Il nous semble important de le détailler ici car on s’apercevra au cours des
études de cas que tous les enseignants l’ont intégré à leur enseignement. Il s’agit aussi d’un
savoir technique propre dans sa mise en œuvre que Didier nous décrit : « c’est par le genou
gauche que l’on commence à se mettre en position. Le genou droit vient se placer ensuite à
côté de ce dernier à une distance de deux poings fermés. Le corps ne doit pas être avachi sur
les jambes. Le ventre est fort. Les cuisses sont en tension de manière à pouvoir se relever
rapidement. Les fesses ne reposent pas sur les talons. Il doit toujours y avoir un espace. Ceci
est le témoignage d’une bonne attitude en suspension par la force du ventre et des cuisses. La
colonne vertébrale est bien droite. La tête n’est ni inclinée en avant, ni en arrière, ni penchée
sur le côté. Elle est donc droite avec le menton légèrement baissé afin d’obtenir un regard
parallèle au sol. Le regard est devant sans fixer un endroit précis. Cependant tout doit être
perçu dans le champ de vision maximum. Dans cette position, la concentration des forces est
répartie dans tout le corps. La position prend alors une rectitude parfaite qui exprime une
soumission volontaire à la pratique du karaté do. Pour saluer, il faut d’abord poser la main
gauche au sol et ensuite la droite. Les deux mains décrivent alors le triangle formé par les
deux mains. Les deux mains décrivent alors le triangle des forces. Lorsqu’on incline la tête, la
nef vient au centre du triangle formé par les deux mains. En relevant le buste, c’est d’abord la
main droite qui se repositionne sur la cuisse droite et ensuite la main gauche sur la cuisse
66
gauche. Les mains sont positionnées à plat sur les cuisses. Les doigts sont collés parfaitement
les uns contre les autres de manière à ne former qu’un » (Didier, 1988). Cette coutume des
mains vient des samouraïs qui se saluaient ainsi. En posant la main gauche au sol, il la posait
sur le sabre posé devant eux avant le salut. La main droite venait ensuite sur la lame. Au
moment du relevé de buste, la main droite se dégageait en premier de la lame et ils pouvaient
s’emparer du sabre par son manche avec la main gauche, le combat pouvant commencer. Le
salut est ainsi réalisé le plus souvent trois fois. La première au signal « shomen ni reï » qui
veut dire littéralement : salut aux forces supérieures, en fait au Maître fondateur de l’école de
karaté pratiquée. La deuxième au signal « senseî ni reï » qui signifie « salut au professeur ».
La dernière est réalisé au troisième signal : « otagani reï » qui signifie « salut entre vous, entre
les élèves ». Ce dernier salut n’est pas accompagné du professeur, alors qu’il fait les deux
premiers avec ses élèves.
1.6.2.5. Les savoirs sécuritaires
Ils concernent tous les savoirs qui vont permettre une pratique en toute sécurité, dans
le respect de l’intégrité physique du pratiquant. En karaté par exemple, il s’agit de savoirs
relatifs à la touche, et l’enseignant pourra interdire à ses élèves la cible visage. En EPS, cette
préoccupation est constante et l’enseignant devra ainsi faire le choix de conduire son cours ou
pas dans une salle qui n’est pas équipée de tapis, ce qui est possible dans la mesure où, au
niveau débutant, il n’y a pas de chutes volontaires en karaté. De même l’enseignant devra
faire le choix de l’utilisation ou pas de protections, comme des gants, des plastrons, voire des
casques. Il est vrai que la technique du contrôle des touches est difficile à apprendre sur un
cycle d’une dizaine d’heures. Ces savoirs sont sécuritaires et réglementaires, dans la mesure
où le respect des règles de l’activité influe sur la sécurité des pratiquants.
1.6.2.6. Les autres savoirs en karaté
Nous rajouterons une autre forme de savoirs que l’on appellera en utilisant la
terminologie des programmes de lycée (2000) « les savoirs sur soi » comme, par exemple,
tout ce qui est de l’ordre en karaté des aspects énergétiques avec le contrôle de la respiration,
mais aussi du travail de l’équilibre, des appuis, ou autrement dit de tous ces aspects qui
touchent à la proprioception. En karaté, un aspect important de ces savoirs concerne par
exemple le travail de décontration-contraction : décontraction dans la course du geste (du bras
67
qui donne le coup de poing), contraction juste au moment de l’impact et décontraction à
nouveau pour permettre le retour du bras en « shikite » poing à la ceinture, armé.
Au terme de ce chapitre sur les savoirs en karaté, nous pourrons plus facilement
détecter quels types de savoirs vont être privilégiés par les enseignants que nous observerons
et avoir ainsi accès aux traces de la référence de l’enseignant, à partir des savoirs enseignés et
évalués qui peuvent donc être :
- techniques.
- Stratégiques.
- Ethiques.
- Réglementaires.
- Sécuritaires.
- Autres, car d’autres formes de savoirs peuvent émerger dans l’enseignement observé,
comme par exemple les savoirs sur soi, que l’on retrouve dans les programmes de lycées
(ibid.).
1.7. Référence, savoir de référence et pratique sociale de référence
La référence « désigne l’action ou le moyen de se référer, de se situer par rapport à
quelque chose » nous dit le dictionnaire historique de la langue française (Le Robert, 1990).
L’EPS est une discipline à support pratique et non pas à support théorique comme les
mathématiques. Elle dispense des pratiques corporelles par le biais d'activités physiques et
sportives. A partir de quoi se construisent les savoirs à enseigner ? La didactique des
mathématiques part des savoirs savants, ceux des chercheurs, des théoriciens. L'utilisation de
ce concept en EPS n'est pas sans poser problème, car d'une part il n'existe pas à proprement
parler de « pratique savante » et d'autre part, elle doit se démarquer du sport de haut niveau
qui équivaudrait à un enseignement technique de type fédéral ; les APSA ne sont pas objets
d'enseignement mais supports d'enseignement et nous avons vu que « L'EPS ne se confond
pas avec les APS » mais fonde son enseignement sur ces pratiques socioculturelles. En EPS,
nous voyons que cette référence aux savoirs savants ne suffit pas et que nous avons besoin
pour étudier les pratiques d’enseignement d'une approche plus dynamique référencée aux
pratiques sociales. C'est à partir des travaux de Martinand que nous allons poursuivre cette
réflexion. Comme le précise l’auteur, « l'idée de pratique de référence n'est pas venue en
critique de celle de transposition didactique, ni même en complément à elle, mais comme
68
besoin pour répondre à une problématique spécifique » (Martinand, 2001). La notion de
pratique de référence est une entrée qui permet d'analyser, de proposer, pour ensuite faire des
choix d'activités qui deviennent, nous l'avons vu, des choix pédagogiques importants sur les
contenus d'enseignement. Ils sont le révélateur de la culture et des valeurs transmises et
constituent ainsi l'identité de la discipline enseignée. L'historique de l'EPS nous montre
combien cette référence a changé au cours du siècle : entraînement militaire, entretien
hygiénique, compétition sportive, loisir. Chaque fois, cela inscrit l'EPS dans une conception
particulière, très représentative du contexte social et politique de l'époque considérée mais
aussi des options éducatives : « la particularité de l'enseignement actuel de l'EPS est d'utiliser
les APS comme pratiques de référence, dominées surtout par le sport de compétition,
« phénomène social » (Instructions Officielles, 1985). Il n'existe pas de pratique neutre.
L'enseignement de l'EPS se trouve « à la croisée des options éducatives, des pouvoirs
politiques et des pressions sportives » (Terrisse, 2001). Ce qui lui fait dire que « la référence
est un enjeu fondamental de cette discipline, une des clés de son identité » (ibid.). Pour
Joshua, il existe trois types de références pour les savoirs scolaires :
- les savoirs « savants » (reconnus comme tels par la société, ils disent le vrai), par exemple
les mathématiques.
- Les savoirs « experts » (petite communauté dont aucun ne peut dire le vrai) par exemple,
les savoirs professionnels (comment enseigner).
- Les savoirs « personnalisés » (quelques individus) par exemple, le saut en hauteur que
l’athlète Fosbury a initié d’une autre manière en passant le fil non en ciseaux mais en
s’engageant tête la première et par le dos (Joshua, 2002).
Les objets de savoirs sont sélectionnés et construits en fonction de préoccupations
politiques, culturelles et sociales d'une époque donnée. Nous ne reprendrons pas ici
l'historique fait par Terrisse et auquel nous renvoyons (Terrisse, 2001), et notons qu'en EPS,
les objets de savoir font référence en général à des pratiques sociales étendues. L’ajout du
« A » au sigle APS en est un exemple. Nous pouvons également mentionner dans les
nouveaux textes officiels pour les lycées (Programmes des lycées, 2000), l’apparition d’un
second groupe d'activités dites « complémentaires » où nous trouvons des activités telles que
le tir à l'arc, la boxe française, la gymnastique aérobic, les activités de cirque, les techniques
de relaxation, donc des pratiques qui sont le fait d'un groupe plus restreint, plus
« confidentielles » pour reprendre le terme de Joshua. Ainsi, l’introduction de nouvelles
69
activités marque la volonté des acteurs institutionnels d’élargir le noyau dur des activités
traditionnelles (athlétisme, gymnastique, natation, sports collectifs).
Les APSA sont ainsi à la fois pratiques sociales de référence et des activités
d'enseignement et d'apprentissage. Elles constituent « une culture commune » à s'approprier.
(BO n° 6 du 12 août 1999). Alors quelle distance entre les pratiques sociales de référence
auxquelles les enseignants se réfèrent et la pratique scolaire de ces APSA ? Quels sont les
contenus « adaptés », transposés, pour viser par exemple « le développement des capacités
nécessaires aux conduites motrices » en collège ? (BO n° 29 du 18 juillet 1996). Programmes
d'EPS au collège). La transposition didactique, comme outil de recherche, pose la question
dans ces choix des savoirs à enseigner, de l'articulation avec des objets culturels afin de
favoriser le développement de la personne. Quelle cohérence doit trouver l’enseignant pour
dépasser la juxtaposition d'APSA et intégrer aux savoirs spécifiques issus des APSA des
savoirs plus transversaux, interdisciplinaires ? En effet, en EPS, la référence est multiple :
- référence à la pratique sportive et aux savoirs techniques attenants (cf. schéma 2).
- Référence aux savoirs scientifiques gravitant autour de cette pratique.
- Référence à l'enseignement et aux savoirs professionnels mis en jeu.
Pratique sportive
Savoirs
de référence
Savoirs scientifiques Savoirs professionnels
Schéma 2 : les savoirs de référence (Terrisse, 2001)
- Les savoirs professionnels renvoient à la didactique et à la pédagogie, considérées comme
les deux dimensions fondamentales et constitutives des compétences professionnelles des
enseignants. Le traitement didactique et les choix opérés par les professeurs (pratiques
sociales de références et contenus enseignés) vont être pour nous des indicateurs importants
pour mettre au jour leur rapport au savoir et plus précisément leur rapport à l’APSA.
- Les savoirs scientifiques (ou encore savoirs disciplinaires) que nous pouvons définir comme
étant les théories de l'apprentissage, les théories du développement (psychologie, sociologie,
70
anatomie, physiologie…), c'est-à-dire les différentes théories qui rendent compte du
pratiquant dans son rapport à l’APSA. Nous pouvons également y ajouter les savoirs relatifs à
la santé, à l'hygiène de vie, à l'entretien de sa vie physique, référence inscrite dans les textes
officiels. Ils permettent d'analyser la pratique et ainsi de faire des choix techniques mais aussi
axiologiques. « Les savoirs de référence permettraient alors de déconstruire l'image selon
laquelle les didacticiens seraient victimes d'une centration sur le quoi et le comment au
détriment du pourquoi (enjeux, sens, finalités des activités pédagogiques) » (Amade-Escot,
1995). C’est aussi ce qui fait dire à Raisky que les références sont à la fois sources, fins et
moyens pour les processus didactiques et qu’elles procèdent de « choix arbitraires » (Raisky,
2001).
Au terme de ce chapitre sur la référence, nous pouvons donc dire qu’il y a une identité
scolaire des savoirs de référence, ils ont été choisis, sélectionnés et transformés, et
représentent la culture scolaire et l'éducation physique scolaire, ce qui permet de « les
instituer en savoir conforme, académiquement ratifié et homologué, donc digne d'être
enseigné et appris ». (Bourdieu, 1984). La spécificité des savoirs de l'EPS est qu'ils sont « in-
corporés » (Barbier, 1996) et de ce fait difficilement objectivables. Le traitement didactique,
dans ses choix, ses aménagements, ses classements, est réducteur : « Le pari de la didactique
est que ce cadre, bien que restrictif, comme pour toute modélisation, définit des objets qui ne
perdant pas tout sens en rapport avec les situations éducatives réelles, et qu'il peut en
conséquence sous-tendre des expérimentations d'une certaine portée » (Marsenach, 1991). Il
nous semble, à l'instar de Marsenach, que la définition des contenus d'enseignement (les
savoirs à enseigner) est sous une double responsabilité, celle des didacticiens, et celle des
enseignants « parce qu'ils accumulent, au fil de leur expérience professionnelle, des savoirs
pratiques. Ces savoirs nés dans l'action, liés à ce qui apparaît dans l'action, sont
irremplaçables » (ibid.). En définitive, la référence est triple : à l'objet culturel (les APSA) ; à
l'objet didactique (traité didactiquement et qui indirectement est aussi une référence à
l'enseignant dans ses choix) ; au sujet apprenant. Il y a une perte de sens si la pratique est trop
décontextualisée, autrement dit si la logique de l'élève et la logique de l'objet culturel ne se
croisent pas, comme on pourra le constater dans l’étude de cas Giovanni qui enseigne aux
élèves un aspect du karaté qui n’est pas en phase avec les attentes d’élèves de 4e en EPS.
Enfin, les savoirs enseignés confèrent une identité propre à l’EPS pour qu’elle ne soit ni du
sport ni du loisir. Cette didactisation permet d'intégrer des activités de « loisir » comme le
cirque, le cerf-volant, le surf ou l’ultimate frisbee.
71
En tant que chercheur, nous nous positionnons donc dans une conception interactive
et dynamique de la didactique mettant en relation un objet de savoir et un sujet. La définition
de ces savoirs de référence ainsi que leur transmission, est essentielle à la formation initiale
des enseignants qui, par leurs choix successifs, perpétuent à leur tour la construction de
l'identité scolaire de la discipline. La maîtrise du traitement didactique est à nos yeux une
compétence professionnelle fondamentale : choix et organisation des contenus
d'enseignement, adaptation des contenus, contextualisation des interventions, compréhension
des élèves dans leur rapport aux pratiques pour mieux enseigner. Elle va être un indicateur
précieux pour analyser les pratiques déclarées des étudiants et des professeurs stagiaires. Le
choix et la définition des contenus d'enseignement ne suffisent pas à eux seuls à provoquer
l'apprentissage des élèves (une sorte de « magie des contenus »). Le « quoi enseigner » est lié
au « comment enseigner », dimension didactique et dimension pédagogique se combinent
simultanément. Ces deux dimensions ne sont pas séparables « car les contenus structurent les
relations et les relations se soutiennent des contenus. Il n'y a pas de transmission sans objet »
(Terrisse, 1998). C’est ce qui fait dire à Caillot que « la question de la référence se pose en
fait pour chaque pôle (du triangle didactique, sujet, élève, savoir). Au lieu de parler d’une
seule référence, nous devons penser à des références multiples qui doivent concerner
l’ensemble du triangle » (Caillot, 2001). Le cheminement d'accès au savoir du sujet renvoie
au rapport du sujet au savoir c’est-à-dire à la manière dont il crée des liens avec ce qu'il sait et
la manière dont il en retire du sens. « Il n’est de savoir que dans un rapport au savoir »
(Charlot, 1997).
72
2. Problématisation de la recherche : la question de la
référence comme outil d’analyse des pratiques
enseignantes
Dans cette réflexion autour de la recherche de la référence de l’enseignant à partir du
savoir enseigné en EPS émerge une problématique à notre travail : la première question
autour de l’enseignement du karaté fait état d’un paradoxe. L’histoire et l’évolution de
l’activité vont montrer que le karaté est singulièrement pluriel. De même, les professeurs de
karaté et les professeurs d’EPS semblent avoir des conceptions très diverses de l’activité à
enseigner. Pour autant, la méthode traditionnelle représente le seul mode de transmission de
l’activité, en club en tous cas. Ce paradoxe invite alors à poser plusieurs questions de
recherche : quels choix les enseignants d’EPS, spécialistes en didactique des APSA et de
l’EPS, vont-ils effectuer pour l’enseignement du karaté en EPS ? Autrement dit, comment les
professeurs vont-ils gérer cette pluralité du karaté ? Vont-ils la reproduire dans leur
enseignement ? Vont-ils reproduire la méthode traditionnelle très techno-centrée et qui repose
sur une procédure d’enseignement du modèle du maître qui a la connaissance ou vont-ils au
contraire faire des choix didactiques et prendre de la distance par rapport à celle-ci, quitte à
dénaturer la pratique de référence ? Dans cette optique, la question de recherche qui nous
guide sera :
En quoi et comment une pratique d’enseignement du karaté en
EPS renvoie-t-elle à une référence, et laquelle ?
Nous faisons l’hypothèse à ce stade de notre travail que la référence enseignante va se
révéler dans l’analyse des écarts entre ce que l’enseignant prévoit d’enseigner et ce qu’il
enseigne réellement, peut-être également entre ce qu’il enseigne et ce qu’il évalue. Compte
tenu des contingences liées à l’enseignement d’une part mais aussi du poids des traditions
véhiculées par les arts martiaux d’autre part, entre tradition et modernité, l’enseignant risque
de se retrouver lui-même à faire un grand écart entre concessions et renoncements. Cette thèse
se propose donc d’examiner la question de la référence enseignante, par la recherche de
73
traces, aux différents moments de la chaîne transpositive, grâce à l’analyse des écarts entre
SAE, SRE, SAEV et SREV (cf. glossaire). Cette hypothèse tient alors aussi compte du fait
que la référence peut évoluer au cours de ces différents temps. Nous serons alors amenés à
envisager que si le karaté est pluriel, la référence enseignante l’est aussi. Autrement dit, à ce
stade, nous nous demandons si, entre un karaté pluriel et un sujet forcément singulier, nous
devons envisager la Référence ou parler de références au pluriel ?
74
3. La connaissance de l’activité karaté : les références au
savoir
3.1. Référence historique : la pratique de combat karaté
Brosser l’historique du karaté est une tâche ardue, car les racines de cet art martial
remontent loin dans le temps, à plusieurs centaines d’années avant l’ère chrétienne. Comme le
souligne H. Courtine: « le phénomène du développement des arts martiaux japonais en
Europe, et singulièrement en France, n’est pas explicable sans un retour aux sources, dans le
Japon tumultueux des temps féodaux, dans le monde des samouraïs, et sans référence à
l’esprit du Bushido, leur code d’honneur » (Courtine, 1980). La difficulté réside dans le fait
que les maîtres d’autrefois ne divulguaient pas facilement leurs connaissances. Rares étaient
les privilégiés avec lesquels ils partageaient les techniques et la sagesse acquises durant des
années de travail. En effet, les activités de nombreuses écoles étaient tenues secrètes, car
l’existence même de ces écoles était souvent cachée aux autorités, en raison du conflit sino-
japonais, et de l’occupation de l’île d’Okinawa par les chinois. C’est donc cette tradition du
secret qui rend exceptionnellement difficile l’étude des origines des arts martiaux. Quelques
indices sont néanmoins disponibles et nous sont fournis par deux petites œuvres d’art
babyloniennes qui remontent de 3000 à 2000 av. J.C. Leur description nous est donnée par H.
Reid et M. Croucher : « La première représente deux hommes qui se battent. L’un d’eux tient
la main dans la position de blocage caractéristique des arts martiaux modernes. L’autre
statuette représente deux lutteurs qui se tiennent par la ceinture, prise rare, inconnue en
occident, mais très souvent utilisée dans le sumo, une forme de lutte japonaise » (Reid et
Croucher, 1987). A l’origine, le karaté est indiscutablement une forme de combat basée sur
l’agression de l’autre. L’art du coup est d’ailleurs la plus ancienne manière de se battre. Cette
technique de combat à mains nues a été introduite en Inde lors de l’invasion d’Alexandre le
Grand. Elle s’est développée dans le reste de l’Asie grâce notamment aux moines bouddhistes
qui pouvaient concilier l’interdiction religieuse d’utiliser des armes et la défense de leur
personne. Passée en Chine, cette pratique a été considérée comme pouvant « propager une
dépense favorable à la méditation » (Morvan-Denègre, 1976). L’étude de l’histoire du karaté
permet de mieux comprendre le karaté moderne et d’appréhender son évolution.
75
3.1.1. Un isolationnisme à toute épreuve
Du fait notamment de sa position isolée au bout du monde, le Japon a une histoire
unique au monde : c’est un des seuls pays au monde à s’être volontairement refermé sur lui-
même durant trois cents ans et où, pendant sept cents ans, une caste guerrière (les samouraïs)
contrôlait tout. Ainsi, selon F. Saîko et H. Plée, trois grandes périodes marquent l’histoire du
développement du karaté et plus généralement des arts martiaux (Saîko et Plée, 1998) :
- de 700 à 1570, les arts martiaux sont guerriers. Le pays est sous contrôle des
samouraïs, littéralement « celui qui sert », en fait une caste privilégiée de
mercenaires.
- De 1600 à 1867, année du début de l’ère Meiji, on assiste à la naissance des
disciplines martiales sophistiquées. Du fait de la pacification du Japon, les arts
martiaux de guerre sont divisés en disciplines martiales conventionnelles. Les plus
exportables de ces « bujutsu » (art d’utiliser les techniques de guerre) sont alors
prêts à se transformer en « Budo » (enseignement de la voie par la guerre).
- En 1870, les bujutsu donnent naissance au Budo. Les bujutsu représentent les arts
martiaux utilitaires. Ils étaient alors enseignés par les Rônins (ex-samouraïs à la
recherche d’un seigneur) qui pour survivre ouvrirent des dojos et sophistiquèrent
l’enseignement du Budo, s’éloignant peu à peu de l’art martial de combat réel
(kakutô bugeî).
3.1.2. Des origines nécessairement diffuses
La répétition et le mouvement de certains gestes de combat ont trouvé leur origine
dans la contemplation des cycles naturels de l’univers : le déplacement des animaux, la
respiration humaine, les marées ou le système solaire. Appelé « Kempo » par les premiers
chinois, l’art du combat à mains nues s’est aussi nommé Kung Fu ou Tae Kwon Do en Corée.
Entre le Japon et l’île de Taï-Wan se trouve l’archipel des îles Ryukyu. Sorte d’avant poste
naturel de l’influence culturelle et commerciale chinoise, la plus grande de ces îles, Okinawa,
a donc été le lieu de rencontre des cultures chinoises et japonaises. Il est donc vraisemblable
que « le Kempo ait été importé en ces lieux par les émigrés chinois » (Random, 1977). Les
habitants d’Okinawa, ayant eu à subir de longues périodes de domination japonaise (l’île fut
successivement envahie par des militaires chinois puis japonais), pratiquaient déjà l’art du
combat à mains nues. En mélangeant l’apport de connaissances chinoises, ils réussirent sans
76
doute à améliorer leurs propres techniques de combat pour faire naître le « Okinawa-te».
Littéralement, Okinawa signifie « la corde jetée dans l’eau », description imagée de cette île
étroite et sinueuse. Okinawa, berceau du karaté moderne, est la plus grande île et la capitale
de l’archipel des Ryukyu ; elle sépare la mer de Chine orientale et l’océan Pacifique, à mi-
chemin entre la Chine et le Japon.
Ce bref historique situe dans son contexte la grande tradition du « te » d’Okinawa,
l’art martial de la main qui consiste à utiliser avec une efficacité remarquable toutes les armes
naturelles que possède le corps humain. Malheureusement, les archives royales d’Okinawa
ont brûlé pendant la seconde guerre mondiale, disparaissant sans laisser de trace, comme
presque tout le patrimoine culturel du pays. Les recherches des maîtres de karaté d’Okinawa
qui désiraient mieux connaître leur propre art martial ont été considérablement gênées. Fort
heureusement, leurs prédécesseurs avaient pu étudier divers documents anciens. Ces raisons
expliquent le peu de documents originaux et historiques sur le karaté, mis à part quelques
ouvrages de Gichin Funakoshi : « Karaté-do, ma voie, ma vie » ou encore « Karaté-do
Nyumon » sont les deux seuls ouvrages de référence en karaté shotokan. Par ailleurs, il existe
une riche tradition orale dont une partie mineure est aujourd’hui consignée par écrit. Il nous
reste alors l’art lui-même, qui nous en dit long sur ses origines.
3.1.3. Un fondateur inspiré : la création du karaté moderne
Au début du XXème siècle, un habitant d’Okinawa, Gichin Funakoshi, étudia toutes les
formes de combat à mains nues en usage, fit une synthèse et créa le Shotokan karaté do.
Funakoshi, vers les années 1920-1921, fit une démonstration au Japon qui obtint un très vif
succès, et le karaté se développa jusqu’à la fin de la guerre. Mais les Américains, introduits au
Japon à ce moment-là, interdirent les arts martiaux, les pratiquants étant considérés comme
résistants à l’occupation ennemie. Ce n’est qu’en 1947 que le karaté put reprendre de manière
non clandestine et se développer par là même à travers le monde. Le karaté tel que nous le
connaissons à l’heure actuelle est essentiellement le produit d’une synthèse qui eut lieu au
XVIII ème siècle entre l’art du « te », originaire d’Okinawa, les arts chinois de la boxe et
d’autres styles du sud de la Chine. On peut penser que le « te » est vieux d’au moins mille
ans. A cette époque, en effet, la population d’Okinawa avait peu de ressources et les armes
étaient rares. Or le pays était troublé et la nécessité d’apprendre à se défendre donna sans
doute l’élan nécessaire à l’apparition d’un art martial indigène. Plus tard, aux XVème et XVIème
77
siècles, lorsque les marchands d’Okinawa commencèrent à beaucoup voyager, ils connurent
un grand nombre des techniques de combat de l’Asie du sud qui n’ont pu manquer de faire
évoluer leur propre art martial. En tout état de cause, le style propre à Okinawa est cependant
tout à fait unique car nourri de son histoire tumultueuse, et les influences étrangères ont
toujours été adaptées pour les rendre conformes aux principes du combat tel qu’il est pratiqué
à Okinawa.
3.1.4. L’évolution des arts d’Okinawa : l’apparition de différents styles de karaté
Cette partie de l’histoire du karaté est autant primordiale qu’elle est intéressante, car
elle permet de bien comprendre comment sont nés les différents styles de karaté pratiqués
actuellement : Shotokan, Wado-ryu, Shito-ryu, Ueshi-ryu etc. Chacune de ces écoles se
différencie des autres par des différences techniques et d’approche de l’activité. Ainsi,
certaines insistent sur le versant compétitif, d’autres sur la technique et les kata ou bien sur le
renforcement du corps. De plus, certaines écoles, comme le style shito ryu que nous détaillons
plus loin se présente comme une synthèse des différents arts du combat, elle-même liée à
l’histoire de la création et de l’évolution de ce style qui se veut une véritable méthode de self-
défense dans la mesure où quelques principes opérationnels, utiles, ont été dégagés dans un
but d’efficacité. Comme le soulignent H. Reid et M. Croucher (1987), on pense que deux
mouvements se dessinèrent à Okinawa lorsque le roi Sho Shin désarma les nobles et les
rassembla dans sa ville de Shuri. D’une part, les nobles apprirent et développèrent l’art du
combat à mains nues, le « te ». D’autre part, paysans et pêcheurs commencèrent à utiliser
comme armes les instruments de leur métier : fléaux, poignées de meule, faux, brides de
cheval et même rames se transformèrent en armes mortelles. Les deux traditions s’entouraient
du plus grand secret, et leur diffusion resta largement limitée à leurs classes sociales
d’origine. Le te était l’affaire des nobles de la cour, alors que les Ryukyu bujutsu (arts de
combat armé des Ryukyu) se développèrent dans le peuple. Encore aujourd’hui, plusieurs des
plus grands maîtres de karaté, par exemple Shotoku Kyan, descendent de familles royales et
nobles de la ville de Shuri. La première démonstration d’arts martiaux chinois dont l’histoire a
conservé la trace à Okinawa remonte à 1761. On connaît aussi l’histoire personnelle de
plusieurs maîtres du te de l’époque. Certains d’entre eux, comme Chatan Yara, se rendirent
dans la province du Fu-Kien, en Chine pour y étudier. Inversement, un grand maître chinois,
Kusanku, passa six ans à Okinawa. Puis, au XIXème siècle, l’art d’Okinawa commença à être
connu sous le nom de « T’ang-Te », soit « la main chinoise ». Même si l’art était pratiqué en
78
secret, généralement en pleine nuit ou juste avant l’aube, trois styles distincts commencèrent à
apparaître : le shuri-te, l’art qui se développa à Shuri était pratiqué par les samouraïs de la
cour, alors que dans le port voisin de Naha et dans la petite ville de Tomari, le peuple
développa ses propres formes de te, le naha-te et le tomari-te. Les particularités propres à ces
styles résultent vraisemblablement du fait qu’ils ont été influencés par des traditions chinoises
différentes (ibid.). Certains indices portent à croire que le shuri-te serait issu de la boxe du
temple de Shaolin (art martial qui serait issu des exercices enseignés par Bodhidharma aux
moines du temple de Shaolin) alors que le naha-te (l’art pratiqué à Naha) a plutôt adopté les
techniques souples taoïstes. « Tao » est un terme chinois signifiant « la voie ». Le taoïsme est
fondé sur des écrits attribués à Lao Tseu, philosophe chinois qui vivait au IVème siècle av. J.C.
et qui prône le travail de la respiration et le contrôle du « ki », de l’énergie vitale. Quant au
tomari-te (art pratiqué à Tomari), il s’est manifestement inspiré des deux traditions. Il faut
cependant souligner que les villes de Shuri, de Naha et de Tomari ne se trouvent qu’à
quelques kilomètres de distance et que les différences relevées entre les styles sont minimes.
A la fin du XIXème siècle, les différents styles prirent encore une fois un autre nom.
Les arts de Shuri et de Tomari furent groupés sous une seule appellation : Shorin ryu, ce qui
veut dire littéralement « l’école du pin souple ». Le naha-té devint connu sous le nom de
Goju-ryu, « l’école dure et souple » dont le développement est l’œuvre du grand maître
Higaonna Kanryo. Le Shorin ryu se divise à son tour en plusieurs styles légèrement différents,
alors que le Goju-ryu est resté essentiellement uniforme sur le plan stylistique.
Traditionnellement, on dit que le style Shorin Ryu est plus léger et plus rapide que le Goju-
ryu, et que ses positions sont généralement plus hautes. On est donc, au XIXème siècle, en
présence de deux grands styles de Karaté, profondément semblables hormis quelques
différences d’ordre technique.
A l’heure actuelle, en revanche, on remarque l’impressionnante diversité des styles
pratiqués. Cette constatation s’explique fort aisément : en effet, à l’origine, Funakoshi
enseigna une seule méthode : le Shotokan. A sa mort, ses élèves rayonnèrent à travers le
Japon et, insensiblement, adaptèrent le karaté à leur morphologie. Les grands, dotés d’une
force physique supérieure pratiquèrent et enseignèrent un karaté statique, les petits et minces,
au contraire, développèrent le côté « vitesse d’exécution » et leur karaté se différencie par de
grands déplacements très rapides. De plus, certains s’attachèrent parallèlement à développer la
« compétition », d’autres la « self-défense » tandis que d’autres encore préféraient étudier et
79
enseigner le karaté sous son aspect le plus traditionnel. Très vite, et pour cause, des
dissensions éclatèrent. Des pratiquants rompirent avec leurs condisciples et partirent créer leur
propre Ecole, cherchant à la différencier des autres par des différences techniques (positions,
enchaînements de mouvement…).
En d’autres termes, le karaté actuel est multiple dans la mesure où, suivant la
formation initiale de l’enseignant (le style pratiqué) et sa conception de l’activité, le
pratiquant va être orienté dans sa pratique vers un karaté à fort degré compétitif ou au
contraire traditionnel. En effet, comme le développe cette partie historique, le karaté est à
l’origine une pratique de combat et un art martial. L’art renvoie d’une part à un ensemble de
règles ou de méthodes pour effectuer quelque chose. Le terme « martial » d’autre part vient de
Mars, dieu de la guerre chez les romains. Selon le dictionnaire petit Robert (1990), c’est « tout
ce qui est relatif à la guerre ». Dans le même ouvrage, les arts martiaux sont définis comme
« les sports de combat traditionnels d’Extrême-Orient ». En quoi, alors, le karaté do est-il un
art martial ? Comme nous l’avons développé dans notre premier chapitre, les arts martiaux
n’ont pas vu le jour que pour permettre aux soldats de se défendre sur le champ de bataille. Ce
ne sont pas non plus des sports, car à l’état pur, ils sont libres de toute contrainte. Leur finalité
est l’efficacité maximale du combat et ils représentent à l’heure actuelle un ensemble de
disciplines sans règlement mais obéissant à une éthique précise, visant d’autres buts éducatifs
que le conflit ou la compétition : à savoir par exemple la discipline du corps et de l’esprit, le
respect d’autrui, l’adhésion à un code moral. C’est l’idée qu’expriment J. Crémieux et M.
Audiffren lorsqu’ils écrivent que « la pratique efficace est une notion centrale des pratiques
martiales. Elle guide constamment l’apprentissage et le perfectionnement des combattants.
[…] Il ressort de l’examen des principales orientations de la pratique martiale un projet global
de formation du combattant consistant à favoriser chez lui une triple adaptation ou harmonie,
à soi, aux autres et à l’environnement » (Cremieux et Audiffren, 1991). Ainsi, pour répondre à
notre question de départ, nous appuierons notre argumentation sur la définition du concept du
«Do» qui est à la base de l’évolution des Bu-jutsu, d’abord simples techniques martiales, en
Budo, voies de la perfection. Comme le souligne R. Habersetzer (2000), « il s’agit
simplement d’une voie empruntée par l’homme motivé et sincère, progressant dans la maîtrise
de son corps et de son esprit. Cette préoccupation centrale fait la différence entre un
pratiquant d’art martial et un pratiquant de sport de combat ». Pour autant, il ne faut pas
tomber dans le clivage trivial de deux mondes qui ne se croisent jamais. La plupart des styles
ou écoles de karaté considèrent les deux aspects comme indissociables dans le karaté, selon la
80
théorie du ying et du yang où tout est dans tout et inversement. S’il y a clivage à un moment
donné, il ne peut venir que du sujet, et de notre avis, de la référence de l’enseignant. Pour
illustrer notre propos, nous prendrons un exemple de développement d’un style de karaté, le
style shito ryu, qui a justement su allier deux références du karaté. Au début du XIXème siècle,
Anko Itosu, né à Okinawa en 1832, étudie le shuri-te avec maître Matsumura. Il devient à son
tour expert de cette pratique aux techniques longues, vives et dures (style Shorin). Plus tard,
Kanryo Higaonna, né à Naha, capitale d’Okinawa étudie le Naha-te et devient aussi expert de
cette méthode qui se distingue de la précédente par des techniques plus courtes, plus souples
et plus rapides (style Shorei). Le jeune Kenwa Mabuni, né en 1893 à Okinawa, étudie les deux
styles avec ses deux Maîtres. A la mort de ceux-ci, souhaitant continuer leur œuvre, Kenwa
Mabuni s’installe à Osaka et fonde sa propre école « Shito ryu » qui est une synthèse logique
des styles Shorin et Shorei. Etymologiquement, « shi » est le nom de l’idéogramme japonais
qui signifie « ito » de Itosu et « to » signifie « higa » de Higaonna, par respect des principes
établis par les deux Maîtres, mais aussi pour leur rendre hommage. La création officielle du
Shito ryu date de 1938 (cf. interview de Kenei Mabuni, in Karaté info n° 6, juin 2002), et son
fondateur mourra en 1952. Son enseignement est alors relayé par ses fils : Kenzo à Okinawa
et surtout Kenei, actuel chef de file du Shito ryu. Il réside encore à Osaka mais n’hésite pas à
parcourir le monde (ibid.) à plus de 80 ans, avec le relais, notamment en France, de Maître
Hidetoshi Nakahashi dont le dojo est en Corse, près de Bastia. Maître Nakahashi, 9ème dan et
expert fédéral, explique les techniques du Shito ryu en ces termes : « les caractéristiques
techniques du Shito ryu empruntent à la fois du Shuri Té et du Naha Té. Le style est marqué
par la subtilité (perception des attaques) et la vitesse. Les techniques s’appuient sur la mobilité
du bassin, les déplacements du corps et la déviation des attaques. Le style est considéré
comme très esthétique tout en demeurant puissant » (Entretien dans Karaté Bushido, avril
2000). Jean-Luc Clerget, 7ème dan et élève du Maître ne le contredit pas lorsqu’il revient sur
ces débuts après plus de 30 ans de pratique : « j’ai été séduit par l’esthétique de ce style qui en
plus propose une grande variété de techniques » (ibid.). Si l’aspect esthétique semble être une
composante fondamentale du style, ce n’est pas au détriment de l’efficacité :
- les techniques sont en effet courtes, enroulées.
- Les déplacements en esquives sont systématiques pour sortir de la ligne d’attaque.
- Les positions sont variées afin de respecter une distance optimale par rapport à
l’adversaire, et ce en fonction de l’action envisagée.
81
- Le principe « sen no sen », qui consiste en une « attaque dans l’attaque » par
anticipation de l’action adverse, est inclus dans l’enseignement de manière très
précoce.
Le shito ryu est donc caractéristique d’un travail qui allie la vitesse et l’esthétique
technique. Celles-ci se réalisent dans une très grande mobilité des hanches, dans les
déplacements courts et les blocages circulaires, avec les coudes près du corps. Le fondateur
du shito ryu, Kenwa Mabuni avait énoncé cinq principes fondamentaux, qui résument bien
l’essence de son style (Nakahashi, 2002) :
- le premier principe est « Ten I ». Il s’agit du travail de placement, de manière à se
retrouver dans l’angle mort de l’adversaire afin qu’il soit dans l’impossibilité de voir
venir la contre-attaque, et ne soit plus en mesure d’enchaîner.
- Le deuxième principe est « Rakka » : il consiste en l’action de casser une attaque au
seul moyen d’un blocage. Par exemple, un blocage gedan baraï sur une attaque mae
geri doit non seulement empêcher la jambe adverse d’atteindre son corps, mais aussi
blesser l’adversaire par le seul moyen du blocage afin qu’il soit au moins assez
déstabilisé pour ne plus pouvoir enchaîner les attaques.
- Le troisième principe est « Ryushi » : il provient de l’influence provenant de la boxe
chinoise, par le biais de l’enseignement de maître Higaonna. L’idée est basée sur la
notion de rythme, notamment pour s’adapter constamment à celui de l’adversaire et
utiliser sa force, comme en aïkido. Ici, la mobilité du bassin va être utilisée de manière
primordiale pour bloquer une série d’attaques.
- Le quatrième principe est « Kushin » : on va s’appuyer sur le travail des jambes, et
principalement la flexion-extension des genoux, tout en gardant une rectitude
vertébrale. L’efficacité des blocages est alors augmentée car relayée par la puissance
des jambes.
- Le dernier principe est « Hangeki » : c’est la contre-attaque. La défense est dans
l’attaque et réciproquement. On rejoint là le « sen no sen » que nous évoquions plus
avant : le blocage et la contre-attaque sont effectués dans le même mouvement.
Bien entendu, ces principes ont été détaillés à des fins d’explicitation mais se
retrouvent liés dans l’épreuve du combat. Ils constituent une forme de savoir « utile » pour le
combattant en ce sens qu’il a été conçu à des fins d’efficacité. De plus, quitte à développer un
style particulier de karaté dans le but d’une meilleure connaissance et compréhension de la
82
pratique, autant que ce soit notre référence du karaté, car c’est dans l’école shito ryu que nous
avons débuté le karaté, et que nous n’avons plus quittée.
3.2. Référence sportive du karaté
3.2.1. Définition d’un sport de combat
Si l’on décompose, le terme « sport » vient de l’ancien français « desport » qui signifie
jouer et le combat désigne selon le dictionnaire petit Robert « l’action de plusieurs
adversaires armés […] qui se battent ». Si l’on en reste à cette acception, un sport de combat
désignerait alors des phases de bataille sous forme jouées. Mais il faut noter que la fonction de
ce jeu n’est ni d’exercer, ni de développer. Comme le souligne B. During « le sport est
marqué par les caractéristiques de la société dont il est issu, et où se sont nettement séparés
travail et jeu » (During, 1984). C’est aussi ce qu’exprime Parlebas : « le sport est à notre
société actuelle ce que les jeux de Rabelais furent à la société de la Renaissance » (Parlebas,
1981). La finalité des sports de combat se situe dans un face-à-face codifié, permettant de
s’affronter sans danger, avec un règlement précis pour désigner un vainqueur. En effet, c’est
encore Parlebas (ibid.) qui distingue les pratiques sportives des autres pratiques sociales.
Selon l’auteur, trois critères semblent caractériser une activité sportive : elle nécessite
l’activité motrice du sujet, elle se réalise dans un cadre compétitif réglementé et elle est
institutionnalisée. Ainsi, pour qu’une activité sociale soit qualifiée de sportive, il faut donc
qu’elle remplisse ces trois conditions. Dans notre société moderne, plusieurs activités de
combat respectent ces trois critères : la boxe, la lutte, le judo et bien sur le karaté. Au
contraire, l’aïkido ou le tai chi chuan ne se pratiquent pas en compétition et la définition
« sport de combat » ne convient pas pour ces arts martiaux.
3.2.2. Définition du karaté en tant que sport de combat
Le karaté est un sport de combat basé sur la percussion, qui se pratique habillé d’un
karaté gi. Pour préserver l’intégrité physique des combattants, toute action doit être contrôlée
et se dérouler à l’intérieur d’une surface de combat carrée, d’une dizaine de mètres de côté,
recouverte d’un tatami. En compétition dite « kumite » soit combat, l’aspect offensif doit
l’emporter sur des stratégies exagérément défensives et fermées. Comme le prévoit la
réglementation de la FFKAMA (1998) « le combat est dirigé par une équipe arbitrale
83
composée de quatre arbitres : l’arbitre principal ou central, deux juges de coin et l’arbitrator,
assis à la table officielle responsable du comptage ». Il existe aussi en karaté une compétition
kata (reproduction de formes gestuelles imposées, enchaînées qui représentent un combat
imaginaire contre plusieurs adversaires), individuelle et en équipe. « Les compétiteurs
exécutent un kata de la liste officielle au 1er et 2e tour et, s’ils le veulent au 3e tour, un kata
libre d’une école reconnue » (ibid.).
Enfin, on trouve aussi une dernière forme de compétition dite « karaté jutsu » qui se
déroule en trois titres distincts (masculin, féminin et mixte) concernant une seule catégorie
d’âge : juniors/seniors. « Elle consiste en l’exécution par couple de deux épreuves : une
expression technique d’une minute, créative (exclusivement à mains nues) et réaliste, suivie
d’une logique démonstration de combat à deux, de deux minutes. Une note technique est
attribuée selon les critères suivants : sensation générale, regard, kime (décision, impact,
puissance), stabilité, bonne attitude, contrôle de la respiration, technique et rythmes
pertinents, originalité et réalisme de la démonstration technique, appréciation et distance des
attaques, opportunité des contres, détermination, précision, variété des techniques et contrôle
pour l’application combat » (ibid.).
3.2.3. Définition du karaté en compétition
Le karaté enseigné en salle est une méthode de combat qui utilise d’une manière
scientifique et rationnelle les armes naturelles du corps : pieds, poings, coudes par exemple, le
but étant l’efficacité, ce qui signifie la mise hors de combat définitive de l’adversaire dans un
minimum de temps. Dans cette optique martiale, presque guerrière et qui nous ramène aux
origines du karaté que nous avons déjà développées, la compétition n’a été rendue possible
(après la fin de la seconde guerre mondiale) qu’en s’entourant de précautions afin d’éviter les
accidents. C’est ainsi que les attaques dangereuses (tranchant du revers de la main, coups de
coude) sont interdites. La compétition de karaté n’offre ainsi au public néophyte qu’une partie
du karaté, la seule face émergée de l’iceberg. Les compétitions officielles sont organisées par
la fédération, la ligue ou le comité départemental et inscrites au calendrier sportif de la
structure considérée. Il y a trois sortes de compétitions :
- la compétition de karaté kata, dans laquelle le compétiteur doit présenter un ou plusieurs
kata, ainsi que son application (bunkaï).
84
- La compétition kumite, dans laquelle le compétiteur fait un ou plusieurs combats
réglementés.
- La compétition karaté jutsu, qui consiste en l’exécution par couple de deux épreuves : une
expression technique d’une minute, créative (exclusivement à mains nues) et réaliste,
suivie d’une logique démonstration de combat à deux de deux minutes.
3.3. Référence didactique : l’alliance du sportif et du martial
3.3.1. Réflexion épistémologique relative aux arts martiaux et aux sports de combat
A ce stade de l’analyse, en plein débat entre sport de combat et art martial dont le
karaté fait l’objet, qui constitue l’un des fils directeurs de notre recherche et qui va guider la
problématique didactique de l’enseignant, il convient d’effectuer une mise au point dans la
distinction entre sports de combat et arts martiaux, abordée par Y. Kerlirzin et G. Fouquet.
Selon eux, « si les arts martiaux font référence à toutes les situations de combat dans
lesquelles le combattant doit protéger sa vie, alors la définition des sports de combat ne peut
s'y appliquer » (Kerlirzin et Fouquet, 1996). En effet, les sports de combat définissent par leur
règlement sportif des actions autorisées et des actions interdites alors que les arts martiaux
préparent à des situations où tous les coups sont permis. Pour J.P. Clément, une activité
initialement « art martial » peut devenir « sport de combat » si elle entre dans un processus de
catégorisation de poids, comme c’est le cas du karaté, mais aussi du judo (Clément, 1984). On
ajoutera que l’euphémisation des armes utilisées par les combattants karatékas apparaît
comme un indicateur de cette mutation : tous les coups ne sont pas permis dans les
compétitions, où les coups de coude, de genoux, du tranchant de la main sont strictement
interdits, de même que ceux portés à l’endroit sensible de l’anatomie masculine ou tout
simplement au visage, sans contrôle de la touche.
Tout ce que nous venons de développer montre que c’est bien la finalité de la pratique
qui distingue les arts martiaux des sports de combat. « La pratique d’un art martial doit
préparer le combattant à préserver sa vie quelles que soient les circonstances, alors que la
pratique d’un sport de combat doit préparer le combattant à tirer le meilleur parti du règlement
pour gagner la compétition » (Cremieux et Audiffren, 1991).
85
3.3.2. Définition du karaté do
Si le karaté est un sport de combat, le karaté do ne peut être défini que comme un art
martial ou encore un « art de combat » pour reprendre la terminologie originale de Crémieux
et Audiffren « plus large dans son acception que celui d’art martial et donc plus approprié
pour désigner les traditions guerrières de tous les peuples et groupes sociaux de la terre »
(op.cit). Etymologiquement, « karaté do » veut dire « la voie (do) de la main (te) vide
(kara) ». Il faut interpréter ceci de deux façons :
- main vide de toute arme, car le karaté est une méthode de combat à mains nues.
- Main vide de toute mauvaise intention, car cette méthode ne doit être utilisée que pour se
défendre, et non pour agresser.
C’est aussi ce qu’exprime, autrement, F. Morvan-Denègre, quand il dit « l’homme, face à
un environnement hostile, n’a qu’un moyen pour se battre, son propre corps, qu’il va devoir
éduquer pour en faire un instrument à utiliser en cas de danger extrême » (Morvan-Denègre,
1976). On notera que le dictionnaire nous donne spontanément une définition correspondante
à notre approche actuelle du karaté : « art martial japonais fondé sur l’éducation de la volonté
et la maîtrise physique ». En fait, le karaté d’Okinawa n’est pas seulement le fruit de deux
grandes traditions martiales, celles de la Chine et du Japon, mais aussi la manifestation de
l’esprit profond du peuple d’Okinawa : le stoïcisme paisible d’une nation dont l’île fut
perpétuellement occupée par de plus grandes puissances trouve son expression dans la théorie
et la pratique du karaté do. Dans cette optique, la notion de non-résistance et de non-intention
est ici centrale et renvoie à la naissance même des arts martiaux. Cette notion de main vide
(de toute arme et de toute mauvaise intention) permet de saisir l’identité culturelle de cette
pratique sociale de combat. La discipline d’un entraînement constant amène le karatéka à un
certain état de calme et de sagesse et la pratique des katas le rapproche de l’objectif ultime de
tous les arts martiaux : l’élévation de l’esprit et du caractère de celui qui pratique l’art. C’est
aussi la pensée de F. Didier, quand il écrit : « le karaté do est une des voies de pensée qui
amène l’homme à la recherche et à la réflexion. La pratique au-delà des limites, au-delà de la
souffrance fait prendre conscience à l’homme de la véritable voie qu’est la vie » (Didier,
1988).
86
3.3.3. Les différents domaines du karaté do
La pratique du karaté présente plusieurs aspects qui sont en interdépendance totale les
uns des autres. Comme le soulignent G. Chemama et H. Herbin « c’est par le respect
rigoureux d’une recherche totale dans tous les domaines du karaté que le pratiquant pourra
estimer se situer dans la quête d’une certaine voie » (Chemama et Herbin, 1999). Nous
proposons dans ce chapitre de les détailler et de les expliquer afin de pouvoir montrer ensuite
comment leur combinaison permet un apprentissage réaliste, sans danger et efficace du karaté.
3.3.3.1. Le kihon : travail individuel imposé
Traditionnellement, le kihon s’exécute seul. Etymologiquement, « ki » désigne
l’énergie interne et « hon » de base. On emploie ce terme « pour désigner les formes
d’entraînement aux techniques de base d’un art martial avec une utilisation optimale de
l’énergie interne. Au sens général : répétition des techniques de base, entraînement
fondamental, en général dans le vide » (Habersetzer, 2000). Les adversaires sont donc
imaginés ou supposés. Cette forme de travail permet au pratiquant de découvrir et de
perfectionner les différentes techniques propres au karaté : les techniques de mains, de
jambes, les blocages…C’est essentiellement un travail de répétition. De ce fait, on peut le
comparer aux gammes et divers accords que répète un musicien.
3.3.3.2. Le kata : archives du karaté do
Le karaté possède un arsenal complet de techniques extrêmement efficaces de défense
et de contre-attaque, mais il dépasse largement le stade de l’autodéfense lorsque ces
techniques sont combinées en longs enchaînements de mouvements, les « katas ». Ces
séquences sont des suites de positions, d’esquives, de coups et de parades liés ensemble par
des actions plus complexes, pivotements, mouvements simultanés d’attaque et de défense,
projections et feintes. Etymologiquement, « kata » signifie forme, moule ou encore canevas. Il
« désigne dans les arts martiaux traditionnels une séquence de techniques dont le déroulement
reproduit un schéma de combat contre un ou plusieurs adversaires attaquant sous des angles
différents. L’élément central de la tradition dans les arts martiaux japonais, liant directement
ce qui est pratiqué aujourd’hui à ce qui le fut autrefois, techniquement et spirituellement, est
le kata ». (Habersetzer, 2000). Chaque kata a un nom particulier. Il en existe treize dans le
87
style Goju-ryu et dix-huit dans le style Shorin ryu, et plus de soixante en Shito-ryu. Les katas
s’exécutent comme une chorégraphie. Chaque détail est enseigné au karatéka et les
enchaînements durent quelques minutes tout au plus. Une grande importance est accordée à la
perfection de l’exécution des moindres détails. La précision, l’équilibre, l’économie des
moyens et l’harmonie de la respiration, du corps et de l’esprit sont les objectifs de celui qui
exécute un kata. Ainsi l’exécutant ne fait face qu’à lui-même et le combat délivré est surtout
un combat contre soi-même. Comme le souligne Maître Nakahashi, « les kata sont la base du
karaté. Leur étude est le droit chemin dans le karaté pour améliorer son niveau » (Nakahashi,
1985). L’étude purement technique du kata n’est cependant pas suffisante. C’est un peu
comme si l’on connaissait un texte par cœur sans connaître le sens de ce texte. De la même
façon, il est nécessaire de connaître l’application du kata en situation de combat codifié, à
deux.
Le « bunkaï » est ainsi un travail d’interprétation d’une technique de combat associée
à l’expérimentation de son application pratique. Le « bunkaï kumite », aussi appelé « kata
kumite » est « l’exercice d’application de tout ou partie de mouvement extrait du kata, avec
partenaire. L’échange technique représente une phase de combat (kumite) mais les partenaires
respectent le canevas posé par le kata et cherchent donc à progresser ensemble dans la
compréhension de la forme. Le bunkaï kumite rejoint ainsi la famille des assauts
conventionnels, aux techniques et rôles pré-arrangés » (Habersetzer, 2000). Kata et kata-
kumite sont donc deux aspects indissociables de l’apprentissage et de l’enseignement du
karaté. Se pose alors le problème du combat libre (kumite), un autre des aspects du karaté,
situation à incertitude maximale. On peut se demander comment l’apprenant va faire la liaison
entre ce qu’il apprend dans le travail précédent et le combat libre… Une réponse est peut-être
dans l’alternative que nous proposons plus loin et qui est détaillée dans le document des
annexes à la thèse (cf. annexe 3). Dans cette acception de l’activité karaté, et sachant que nous
allons devoir la traiter d’un point de vue didactique dans le prochain chapitre, il nous
paraissait important de clarifier notre conception du karaté : la transposition didactique que
nous proposerons par la suite en est la résultante.
3.3.3.3. Les assauts conventionnels
Dans les yakusoku (conventionnels) kumite (assauts), on convient à l’avance du type
et du nombre d’attaque. Suivant la forme d’assaut travaillée, le défenseur a plus ou moins
88
connaissance de ces facteurs. Ce sont des formes codifiées permettant une approche
rigoureuse et progressive du combat. G. Chemema et H. Herbin parlent « d’approche
technique » (Chemama et Herbin, 1999). Nous ne pourrons être que partiellement d’accord
avec cette définition car si l’on met effectivement en pratique un certain nombre de
techniques travaillées dans les contextes du kihon et du kata, la première finalité des assauts
conventionnels n’est pas technique mais stratégique et affective :
- stratégique, parce que le pratiquant va devoir adapter sa conduite à celle de son adversaire
et organiser sa défense.
- Affective, parce que « la présence réelle de l’adversaire introduit des éléments
émotionnels créant une implication personnelle plus importante » ; peur d’être blessé, de
perdre, dureté des contacts… » (ibid.). En cela, nous sommes entièrement d’accord avec
les auteurs. Ces derniers soulignent aussi que « ces formes vont se singulariser, chacune,
par une augmentation progressive du degré d’incertitude existant et permettant de
s’approcher graduellement et rationnellement de l’assaut totalement libre » (ibid.),
autrement dit le combat. Les incertitudes sur lesquelles on va pouvoir intervenir sont au
nombre de trois :
- l’arme (technique d’attaque utilisée).
- La cible (le niveau visé).
- Le rythme (dans le cas où il y a un enchaînement de plusieurs attaques, comme par
exemple en sambon Kumite).
Sont classés dans ces formes d’entraînement au combat : le kihon ippon kumite, ippon
kumite, sambon kumite et gohon kumite. Dans le kihon ippon kumite, tori et uke sont en
« yoï », en position d’attente. La situation est sans incertitude car uke a connaissance de
l’arme et de la cible. L’incertitude temporelle est minime car si tori déclenche son attaque
quand il le veut après l’avoir annoncée, il n’y a pas de notion de rythme, l’attaque étant
unique, et sur un pas. Dans la forme ippon kumite, les deux combattants sont en garde, et ils
peuvent se déplacer pour ajuster leur distance ou pour que tori crée une opportunité d’attaque.
Une incertitude spatiale vient donc d’emblée s’ajouter ici. On peut de plus faire varier cette
forme d’assaut et la complexifier en ajoutant une incertitude à uke : tori n’annonce par
exemple que la cible et il a tout le choix de l’attaque qu’il va porter. Nous parlerons dans ce
cas d’assaut non imposé, dans la mesure où soit l’arme soit la cible est laissée libre à
l’attaquant. Dans le sambon et le gohon kumite enfin, uke doit faire face, cette fois, à un
enchaînement de plusieurs attaques. Dans le cas du sambon kumite, tori enchaîne trois
89
attaques et dans le cas du gohon kumite, il en enchaîne cinq. Tori n’étant plus limité à une
seule action, la notion de rythme va être ici prépondérante et donc constituer une incertitude
sur laquelle on va pouvoir jouer, en plus de celle de l’arme ou de la cible. Nous reviendrons
plus loin dans la perspective éducative à cette progression par la manipulation de l’incertitude
en assauts car elle représente à notre avis une option didactique intéressante à mettre en œuvre
pour l’enseignement du karaté en EPS.
3.3.3.4. Les assauts libres
Les assauts libres comprendront dans notre acception, et à partir de tout ce que nous
avons développé plus avant, toutes les formes d’assauts décrites dans lesquelles l’incertitude
est totale, c’est-à-dire que uke ne connaît ni l’arme que va utiliser tori, ni la cible visée.
Eventuellement, pour les assauts sur plusieurs pas, il ne connaîtra pas non plus le rythme que
va imposer tori dans l’enchaînement de ses attaques. Le combat libre ne pourra être compris
dans ces assauts libres car la différence fondamentale entre l’assaut et le combat réside encore
dans une incertitude : en effet, dans l’assaut il y a une notion de restriction du nombre
d’attaques alors que le combat est à ce niveau beaucoup plus incertain, les combattants n’étant
pas limités dans leurs enchaînements. Les différentes formes d’entraînement au combat que
nous avons décrites ne peuvent néanmoins pas être prises séparément, pour la simple raison
que l’entraînement en karaté ne le conçoit pas. Les différents domaines de la pratique sont liés
entre eux : le passage d’une forme à l’autre doit se faire dès les premiers instants de la
pratique afin que le pratiquant donne du sens à ce qu’il fait et règle les problèmes inhérents à
la pratique au fur et à mesure que ceux-ci se présentent à lui. Il est alors nécessaire d’étudier
maintenant ces liens inhérents aux différents domaines d’entraînement du karaté.
90
3.3.4. Les relations entre les différents domaines d’entraînement du karaté
Le schéma suivant (schéma 3) propose de modéliser les interactions entre les
différents domaines de l’entraînement du karaté. Comme nous l’avons étudié, chaque
domaine permet d’acquérir un type de savoir, technique pour le kihon, esthétique pour le kata,
stratégique pour les assauts. Cette analyse des relations entre les différents domaines du karaté
va permettre aussi de mieux comprendre les liaisons qui peuvent s’établir entre les deux
références principales du karaté, sportive et martiale.
KIHON
Liaison pragmatique Liaison technique
(Efficacité) Karaté do (Reproduction de formes)
ASSAUTS KATA
Liaison heuristique
(Sens)
Schéma 3 : interactions des différents domaines de la pratique
3.3.4.1. Liaison kihon et kata
Le premier pont que nous allons détailler (cf. schéma 3) est peut-être celui qui paraît le
plus évident mais c’est aussi celui qui est le plus difficile à faire pour le pratiquant. En effet,
le kata impose tout, tandis que le kihon laisse libre cours à l’imagination. Il y a donc un
double écueil à éviter qui est celui de la pertinence et de la cohérence. Les enchaînements du
kihon doivent être cohérents dans la mesure où il est difficile de concevoir un enchaînement
dans ce domaine qui ne vise pas un objectif précis, comme la liaison attaque pieds-poings. Les
enchaînements du kihon doivent aussi être pertinents et envisager la présence imaginaire de
l’adversaire. Cela renvoie à la pertinence interne du kihon, et plus généralement du travail
dans le vide hors contexte. Des études ont en effet montré, notamment en volley ball,
l’inutilité du travail du smash sans adversaires pour réceptionner et contrer. Ainsi, lorsqu’on
prenait deux groupes tests qui pour l’un avait un entraînement à forte décontextualisation et
91
pour l’autre un entraînement au smash avec présence systématique d’adversaires soit au
contre soit en réception, on s’apercevait que c’était finalement le deuxième groupe qui se
révélait le plus efficace dans cette partie du jeu (Recopé, 1996). On peut donc poser la
question de l’utilité du kihon en karaté, activité de combat où la non prise en compte de
l’adversaire va à l’encontre de la logique interne de l’activité. Sans vouloir polémiquer,
puisque ce n’est pas l’objet de cette étude, nous répondrons tout de même à cette question car
elle renvoie directement au sujet de notre partie. D’abord, il ne faut pas oublier que
traditionnellement, le karaté attache une importance à la perfection des techniques, garantes
de l’efficacité et en étroite relation à l’étude quasi-scientifique qui en est faite, notamment
d’un point de vue bio-mécanique et énergétique. Ensuite, c’est le lien que nous voulons établir
qui va donner un élément de réponse, en ce sens que le kihon va permettre d’isoler des parties
du kata pour les travailler de manière approfondie. Le kata est en effet constitué de multiples
enchaînements, différents d’un kata à l’autre. Il est intéressant à un moment donné de
l’entraînement, que se soit en apprentissage ou en perfectionnement, de séparer ces
enchaînements et de les travailler en kihon. C’est la raison pour laquelle nous avons défini le
lien qui unit le kihon et le kata de technique : le passage de l’un à l’autre se fait dans cette
optique de perfectionnement de la maîtrise de l’exécution.
3.3.4.2. Liaison kihon et assauts conventionnels (cf. schéma 3)
A l’inverse du point précédent, ce pont est celui que le pratiquant a peut-être le moins
de difficultés à envisager. En effet, la tradition de l’entraînement en karaté privilégie une
étude analytique des mouvements, qui sera donc faite en kihon, puis l’applique dans un travail
à deux. On passe donc d’un travail analytique à un travail d’application ou d’une situation très
fermée à une situation plus ouverte. Nous qualifions ce lien de pragmatique car il s’agit en fait
d’une véritable mise à l’épreuve des techniques apprises en kihon. Le pratiquant peut donc
vérifier si les techniques apprises hors contexte fonctionnent en contexte, soit en présence
d’un adversaire.
3.3.4.3. Liaison kata et assauts conventionnels (cf. schéma 3)
Le lien que nous voulons établir ici est un peu particulier par rapport aux autres dans la
mesure où il trouve sa justification dans une forme de travail qui fait partie intégrante du kata
et qui est le bunkaï. Comme nous l’avons déjà souligné, le bunkaï est l’application à deux
92
d’une partie ou de tout le kata. En fait, si l’on part des différents enchaînements que l’on
trouve dans un kata et qu’on les isole pour les travailler un par un mais à deux, on retombe
dans un travail d’assauts conventionnels. La différence pour le pratiquant se situe au niveau
du sens qu’il va pouvoir donner à ce qu’il fait car dans le cas du bunkaï, il met à l’épreuve les
enchaînements du kata dans un but de compréhension. La notion de recherche est aussi
inhérente à cette forme de travail car il n’existe pas une application d’un enchaînement extrait
du kata, mais plusieurs. En effet, certains blocages peuvent servir à parer un coup, mais aussi
à se dégager d’une saisie ou encore attaquer dans l’attaque en cassant le membre dont se sert
l’attaquant. Nous qualifions ce lien d’heuristique car il met le pratiquant en position de
recherche de sens et d’explication. On est donc au-delà de la simple application des
techniques.
3.3.4.4. Implications dans la recherche
Il apparaît que les différents aspects de l’entraînement en karaté concourent à la
préparation physique et psychologique du combattant en vue de l’épreuve du combat libre. Si
cette logique est le plus souvent respectée en club, le travail reste néanmoins centré sur une
dominante technique et décontextualisée (exemple du travail en kihon). Cette longue partie
que nous venons d’expliciter sur les différents domaines d’entraînement du karaté permettra
au lecteur néophyte de comprendre le fonctionnement et le poids de la méthode traditionnelle
dont nous parlerons plus tard avec les enseignants que nous allons observer en cours. En effet,
il s’avère qu’un entraînement type commence par du kihon puis les pratiquants appliquent à
deux, dans le meilleur des cas. Ensuite peut suivre soit une phase de travail spécifique en
combat soit un travail spécifique en kata. Dans l’optique d’un enseignement du karaté en EPS,
cette conception de l’enseignement sera nécessairement modifiée dans la mesure où un travail
essentiellement technique ne peut être envisagé du fait même de l’insuffisance du nombre
d’heures de pratique dans un cycle d’EPS. Une dizaine d’heures ne sont en effet pas
suffisantes pour aborder la complexité et l’exigence technique de l’activité.
A ce stade de notre recherche, il nous semble utile de détailler quelques aspects de
l’enseignement du karaté en EPS, fruit de notre réflexion et de notre expérience, puisque nous
avons conduits des cycles à tous les niveaux de classe de l’enseignement secondaire, sans
compter notre participation à la formation continue des enseignants d’EPS. Nous sommes en
effet quelque peu contraints de livrer notre propre travail, dans la mesure où l’on va se rendre
93
compte que les travaux existants sont très peu nombreux. Le karaté n’est que très peu
représenté en tant qu’activité inscrite dans les programmations d’EPS, et pour cause, puisqu’il
y a peu d’enseignants d’EPS spécialistes.
3.3.5. Présentation de travaux scientifiques et professionnels sur le karaté en rapport
avec la thèse
Ces travaux ne sont pas nombreux si on compare leur nombre à d’autres activités plus
largement pratiquées et/ou diffusées en EPS. Nous en avons trouvé peu dans le milieu
professionnel de l’EPS, mais par contre beaucoup plus dans des disciplines scientifiques
comme la physiologie ou la psychologie par exemple, où des karatékas étaient étudiés. Ceux
que nous allons présenter dans cette thèse sont ceux qui nous semblent pouvoir trouver une
utilité dans leur présentation. Par exemple, l’une de ces études scientifiques (Walker, 1975)
vise à expliquer l’intérêt de la rotation du poing à l’impact pour l’efficacité. Elle fait partie des
recherches que nous avons sélectionnées car il s’avère qu’effectivement, c’est un aspect qui a
été enseigné par les professeurs en EPS. Alain donne comme critère de réussite à ses élèves,
pour qu’une touche soit comptabilisée en combat, le retour du bras à la hanche et la rotation
du poignet. Afin de trouver quelques exemples de travaux scientifiques sur le karaté en EPS,
nous avons tout d’abord repris les actes des colloques JORRESCAM (JOurnées de Réflexion
et de REcherche sur les Sports de Combat et les Arts Martiaux), mais les travaux centrés sur
le karaté sont peu nombreux et quand ils ne concernent pas une activité de combat en
particulier (judo, boxe etc.), ils englobent les sports de combat. Par exemple, D. Bouthier
présente, dans sa « contribution des recherches didactiques en sport de combat » (Bouthier,
2000), une analyse des travaux récents en sports de combat, « réalisée à partir de l’étude des
concepts centraux de la didactique utilisées dans les résumés des communications et posters
présentés aux JORRESCAM de 1996. L’auteur montre alors qu’il est « possible de parler
d’une réelle présence et consistance de recherches didactiques » dans ce domaine.
3.3.5.1. Une étude sur le karaté en bio-mécanique
Nous avons ainsi trouvé dans les actes du colloque JORRESCAM de Poitiers (1996)
une communication de M. Audiffren, E. Baron et J. Cremieux, intitulé « le contrôle de la
frappe en boxe et en karaté » (Audiffren, Baron et Cremieux, 1996). Ce compte rendu
d’expérience tente de différencier la programmation de deux modalités d’exécution d’un coup
94
de poing direct : la frappe puissante destinée à mettre l’adversaire hors de combat et la touche
contrôlée nécessitant un freinage volontaire important en fin de mouvement. Ces différentes
modalités d’exécution des frappes se retrouvent dans les sports de combat de percussion et en
karaté par exemple, les coups doivent être contrôlés pour ne pas blesser l’adversaire. A
l’inverse, en combat de boxe française ou anglaise, les coups sont portés avec puissance. On
retrouvera ces deux modalités bien qu’adaptées pour le milieu scolaire, chez deux des
enseignants que nous avons observés : Michel est en effet plus sur le registre de l’efficacité,
de la recherche de puissance dans les coups portés, et il utilise des protections de type gants
de boxe quand il fera combattre ses élèves, tandis qu’Alain est lui uniquement sur une touche
contrôlée, quelque soit la cible visée. Il n’utilise aucune protection pour ses élèves, comme
dans le karaté « originel », la pratique de combat.
3.3.5.2. Une étude sur le karaté en sociologie des pratiques
Dans un autre domaine de recherche, plus sociologique, P. Trabal et M. Augustini
traitent aux Vèmes JORRESCAM de Toulouse de « l’évolution de l’image du karaté sous
l’effet de sa pratique ». (Trabal et Augustini, 1998). Le but de cette étude est de déterminer à
partir de données statistiques issues de la Fédération Française de Karaté si le sexe ou l’age
fait varier l’image que les pratiquants ont du karaté. Comme nous avons nous-même recours
dans les études préliminaires à une enquête qui nous permet notamment d’avoir accès aux
références des enseignants d’EPS pratiquants ou pas de karaté, il est intéressant de savoir
grâce à cette étude que la dimension philosophique est la plus importante pour les pratiquants.
Puis viennent les définitions fondées sur le combat et le sport. Il sera alors intéressant de voir
si nous constatons les mêmes résultats chez nos enseignants interrogés, notamment ceux
pratiquants de karaté.
3.3.5.3. Une étude sur le karaté en histoire
H. Bittmann a fait une communication aux premier congrès mondial de combat arts
martiaux, intitulée : « the way of the empty hand-karatedo » (Bittmann, 2000) que l’on
traduira ainsi « la voie de la main vide-karatedo ». Cette étude vise à étudier le développement
historique du karaté, notamment en examinant l’évolution de ses différents noms au fur et à
mesure de son histoire. Nous examinerons en effet quant à nous dans une partie sur la
95
référence historique du karaté qu’effectivement l’activité a évolué et que ses appellations ont
changé en fonction de ses influences culturelles.
3.3.5.4. Une étude sur le karaté en ethno-sociologie
Aux dernières JORRESCAM qui ont eu lieu à Tarbes, Bruce Neuffer présente une
« enquête auprès des karatékas essonniens : comparaison entre discours et pratique »,
(Neuffer, 2006). Le but de cette recherche est de comprendre le sens que les karatékas
assignent à leur discipline en comparant discours et pratique de terrain. L’étude vise à
approcher les différentes populations qui composent le paysage du karaté au sein de la Ligue
de l’Essonne. Il s’agit de mettre en relief l’existence d’éventuelles nouvelles cultures du
pratiquant à partir des éléments sur lesquels reposent les séquences d’entraînement et les
formes d’acquisition des techniques de combat. Ce travail nous permet de nous interroger sur
le sens que les pratiquants donnent à la pratique. Neuffer organise en effet le discours des
pratiquants (le philosophe, le sportif, le combattant, l’esthète et le convivial) et les résultats de
son étude montrent paradoxalement que les cours données sont identiques quel que soit ce
discours et ce « monde d’appartenance ». Bien que nous n’intervenions pas dans la même
institution, et que nous ayons pour notre part une méthode ascendante (nous partons de ce que
les enseignants enseignent et disent enseigner pour remonter à leur référence) les résultats de
cette étude sont intéressants car ils remettent en cause l’antinomie théorie-pratique : quelle
que soit la théorie annoncée, les cours sont identiques, sur le plan moteur. Cela nous interroge
aussi sur le poids de la méthode traditionnelle, que nous avons déjà évoqué, qui peut expliquer
l’impossibilité pour les enseignants de faire autre chose, même s’ils disent le contraire !
3.3.5.5. Une étude sur le karaté en physique
L’étude de Walker, réalisée en 1975 est un exemple de recherche en physique. Cet
auteur étudie deux points essentiels de l’atemi : l’énergie de déformation nécessaire pour
casser la cible et la force d’impact appliquée sur cette cible. Il explique ainsi entre autre la
chute de la vitesse à mi-déplacement et l’importance de la rotation du poing pendant la
technique. Sur ce dernier point, Walker explique que, selon les écoles, cette rotation a lieu
plus ou moins tôt durant la technique (Walker, 1975). En fait, il nous semble évident que le
travail est beaucoup facilité lorsque les os de l’avant-bras sont parallèles (poussée maximum).
Après la rotation, les os et les muscles se croisent, ce qui a pour conséquence de rigidifier
96
l’avant-bras. Cette rotation n’amène pas un surcroît d’énergie mais, pendant la première partie
du geste, permet une rapidité plus importante et à la fin une solidification du bras. La rotation
la plus tardive semble ainsi la plus favorable. Cette étude est très intéressante car elle rend un
peu de crédibilité à beaucoup de croyances et de légendes qui circulent dans le monde du
karaté, dès que l’on parle de casse notamment. De plus, en expliquant d’un point de vue
scientifique pourquoi le coup de poing en karaté est plus efficace, elle donne du sens aux
techniques que l’on fait apprendre, ce qui peut être intéressant en milieu scolaire, où il faut
expliquer les processus aux élèves afin qu’ils ne s’attachent pas qu’aux résultats d’une
technique.
Nous allons maintenant nous attacher aux travaux qui concernent la didactique du
karaté et qui sont parus dans la revue EPS, revue professionnelle de la discipline.
3.3.5.6. Les travaux en didactique du karaté dans les revues professionnelles
Parmi ceux qui ont écrit sur la didactique du karaté, G. Ravier propose une « approche
pédagogique en collège » (Ravier, 1998) du karaté pour des enseignants non spécialistes. Son
option est certes très intéressante mais suppose tout de même une formation de base de
l’enseignant en karaté, au moins pour pouvoir corriger les erreurs des élèves et les guider de la
meilleure manière possible dans leurs apprentissages. De plus, ce même auteur propose, en
1999, de donner des repères pour intégrer dans l’enseignement les dimensions de contrôle et
de maîtrise de soi : « construire des situations en maîtrisant les risques » (Ravier, 1999). Cela
nous semble aussi un objectif très formateur pour l’élève mais qui nécessite le regard averti
d’un spécialiste.
Ensuite, nous avons une optique plus théorique du « karaté à l’école » avec J.F.
Thirion où l’auteur développe notamment trois niveaux « d’agir » en karaté (Thirion, 1990) :
l’état « d’agir avec » où se produit une fusion avec l’environnement. Puis l’état « d’agir
contre » où la relation dominant-dominé est favorisée. Enfin, l’état « laisser agir », synthèse
des deux précédents, où le pratiquant est à la fois « dans son centre » et ouvert sur l’extérieur,
état qui peut s’assimiler à la notion de non intention que nous avons déjà développée.
97
Enfin, J. Defaud propose deux approches originales de l’apprentissage des principales
techniques de karaté « porter une attaque » et « savoir défendre » (Defaud, 1996 et 1997) et
détaille des situations pédagogiques simples et ludiques pour l’atteinte de ces deux
compétences essentielles en karaté.
Si l’on étudie la bibliographie du karaté, une grande majorité des ouvrages, français ou
étrangers, proposent des contenus techniques. En effet, les auteurs en restent souvent à décrire
les techniques d’attaque, de défense, ou se centrent sur des enchaînements de combat
(Nakayama, 1999 ; Sauvin, Gruss et Didier, 1993 ; Paschy, 1987 ; Satoru et Juille, 1977). Il
faudra attendre l’ouvrage de G. Chemama et H. Herbin, alors cadres au département
formation de la FFKAMA, pour qu’un ouvrage de didactique soit réalisé, avec « enseigner le
karaté » (Chemama et Herbin, 2000). En effet, dans cet ouvrage qui servira ensuite de
référence dans les formations de cadres fédéraux, les auteurs envisagent qu’être un bon
technicien ne suffit pas et qu’il faut savoir élaborer une progression rationnelle et l’adapter en
fonction des élèves et de leurs difficultés. Enfin, l’ouvrage écrit par N. Pallas et P. Llaves a
comme titre « dis, senseï, on joue ? » (Pallas et Llaves, 2002) qui résume à lui tout seul
l’option ludo-éducative prise dans ce livre. Il est en effet composé de plus de 60 jeux éducatifs
pour le karaté, classés en jeux « spécial techniques de bases », jeux « spécial combat », jeux
« spécial katas », destinés de ce fait au jeune public.
On peut donc s’apercevoir que les travaux existants sur lesquels se baser sont peu
nombreux, et ceux traitant de didactique du karaté en EPS sont tous empruntés d’ailleurs dans
la « Revue EPS », qui est une publication professionnelle. En tant qu’enseignant d’EPS,
pratiquant de karaté de longue date, nous avons écrit deux articles pour la Revue EPS, parus
en 2003 et 2007 en collaboration avec David Chaminade, professeur Agrégé d’EPS.
L’analyse que nous proposons en annexe 37 reprend pour une grande part le contenu de ces
deux articles, en prenant la précaution de dire qu’il n’a pas valeur de vérité, mais qu’elle est
l’une des références les plus abouties que nous avons construite pour l’enseignement du
karaté à l’école.
98
3.4. Référence scolaire de l’APSA karaté
Après avoir identifié les différentes références en karaté, issus des analyses historique,
sportive et didactique de l’activité, nous proposons maintenant de montrer comment
l’enseignant peut construire son cycle à partir d’une situation mère (l’assaut imposé) qui va
servir pour la lecture des contenus transmis par nos enseignants collaborateurs. Il ne s’agit
pas, répétons-le, de donner quelque valeur prescriptive à ce qui va être développé plus loin,
sinon nous proposerions une méthodologie d’ingénierie didactique, mais de détailler une
entrée particulière, qui renvoie notamment à notre propre référence du karaté, ce qui nous
semble pertinent dans une démarche clinique. Le cycle proposé laisse de côté le travail du
kata car il impose à l’enseignant d’être spécialiste de l’activité, or nous voulons justement
permettre aux néophytes d’y accéder. La question didactique au centre de ce travail est de
concevoir des contenus d’enseignement tels que l’élève soit préparé à affronter l’imprévisible
de la situation de combat, à partir du moment où le karaté n’est plus considéré comme une
reproduction de formes (les katas) mais comme un sport d’opposition caractérisé par « la
contingence de l’épreuve » (Terrisse, 1996). Après une analyse des différents savoirs que les
programmes préconisent d’enseigner en EPS, nous inviterons le lecteur à consulter le
document des annexes à la thèse où est détaillée notre référence du karaté en EPS, centré
justement sur un savoir peu développé par les programmes qui privilégient les aspects
offensifs : le savoir « se défendre » (cf. annexe 37).
3.4.1. Analyse des textes officiels relatifs au combat en EPS
3.4.1.1. Programmes du cycle d’adaptation : classe de 6e
Avant d’envisager tout traitement didactique de l’activité, l’enseignant doit procéder
à l’analyse des textes que l’on peut qualifier de référence institutionnelle. Même si les
enseignants que nous avons observés n’ont pas fait d’enseignement en classe de sixième, mais
en quatrième, troisième et en classe de BEP de lycée professionnel, nous ne pouvons pas
présenter que ces textes, en occultant les autres, car il nous semble important que l’on puisse
avoir la logique d’ensemble du législateur. Ainsi, en EPS, les activités sont regroupées dans
des familles d’activités ou groupements qui rassemblent des APSA qui présentent des
similitudes importantes, des logiques semblables. Aussi le karaté pourrait appartenir au
groupement des « activités physiques de combat » dans les différents textes
99
d’accompagnement des programmes, avec la lutte et la boxe française. Nous sommes en
présence d’un vide institutionnel en ce qui concerne le karaté en EPS au regard des textes
officiels puisque l’activité n’est pas évoquée dans les programmes. Certes, ce fait n’est pas
l’apanage du karaté, il y a bien d’autres APSA qui ne sont pas représentées textuellement dans
les programmes. La seule solution est de se référer aux compétences propres au groupement
des activités physiques de combat qui figurent en introduction du dossier d’accompagnement
des programmes du collège, édité par le Ministère de l’Education Nationale (MEN, 1997). Ce
vide institutionnel peut en outre être considéré comme un espace de liberté puisqu’il n’est pas
dit non plus qu’il ne faut pas enseigner les activités qui ne sont pas au programme. En fait, les
compétences propres au groupement et les compétences générales peuvent être transposées
aux autres activités du groupement, non évoquées. Ces principaux savoirs à enseigner sont
ainsi énoncés : « la programmation des activités physiques de combat en milieu scolaire a
pour objet de permettre à l’élève :
- de développer des techniques spécifiques.
- De renforcer la confiance en soi et la volonté de vaincre dans le respect de l’éthique du
combat.
- De maîtriser les facteurs émotionnels.
- De construire des projets d’action et de les adapter aux variations du rapport de force »
(ibid.).
Nous retrouvons dans cette introduction des compétences suffisamment propres au
groupe et générales pour être appliquées au karaté. Trois types de savoirs se dégagent, le
savoir technique, le savoir éthique et le savoir stratégique, notamment à travers l’élaboration
de projets d’actions qui peuvent être compris comme des stratégies à construire avant le
combat. Une définition du « savoir combattre », même si elle peut être considérée comme très
large est même proposée pour la classe de 6e : « c’est en toute sécurité, accepter la
confrontation physique et développer une attitude offensive et contrôlée ». Pour le niveau de
classe auquel cela s’adresse cet objectif est tout à fait justifié par ailleurs, même si l’on peut
regretter une volonté affirmée par le législateur de développer une « attitude offensive », au
lieu de rentrer dans l’activité selon le principe fondateur des arts martiaux, de privilégier une
attitude défensive, qui n’est certes pas celui des sports de combat comme la Boxe Française
Savate prise en exemple dans les textes et qui est effectivement plus proche d’un point de vue
culturel des valeurs véhiculées par l’Ecole de la République, que le karaté, en tant qu’art
martial.
100
Enfin, dans la dernière partie consacrée à l’ouverture vers les compétences
générales, on lit : « les situations vécues par l’élève le poussent à exprimer sa volonté de
vaincre tout en lui imposant des rituels et des règles partagées par ceux qui, comme lui,
poursuivent le même objectif. […] L’apprentissage du combat s’inscrit et contribue de la sorte
à la connaissance qu’acquiert l’élève de 6e des principes de la citoyenneté ». Cet extrait, qui
clôt le programme de 6e, présente différents savoirs comme le savoir éthique avec certaines
valeurs mises en avant comme « la volonté de vaincre », le savoir réglementaire (les règles de
l’activité) et le savoir culturel avec la connaissance et l’utilisation des rituels. L’enseignant
d’EPS doit aussi transmettre un savoir « citoyen » évoqué comme « les principes de la
citoyenneté ». Ce savoir particulier qui fait référence aux notions de droit et de devoir se
retrouve pour partie dans les règles de l’affrontement qui définissent ce que le karateka a le
droit de faire et ce qui lui est interdit, mais il renvoie aussi aux rituels que l’on peut assimiler
à des devoirs quand on vient pratiquer l’activité karaté : le respect du lieu d’entraînement avec
le salut à l’entrée du dojo, le respect du professeur avec le salut en début et en fin de cours, le
respect du partenaire ou de l’adversaire avec le salut avant et après le combat.
Nous avons donc constaté la présence de différents savoirs dès le programme de 6e.
Savoir technique et stratégique sont ici au service de la découverte d’une activité physique : le
karaté. Mais le professeur d’EPS doit aussi transmettre d’autres savoirs comme le savoir
éthique, le savoir réglementaire, le savoir culturel et le savoir citoyen qui renvoient plus à la
découverte de l’art martial.
3.4.1.2. Programme du cycle central : classes de 5e et 4e
L’objectif de ce second niveau qui s’adresse aux classes de 5e et 4e (la 4e étant le
niveau de classe observé Giovanni) doit permettre à l’élève de « construire l’offensive »
(MEN, 1997). Tout doit contribuer « à un enrichissement des possibilités techniques et
tactiques en situation de combat ». L’enseignant doit donc enseigner les moyens techniques
pour que l’élève puisse « varier ses attaques » et « enchaîner ses attaques selon la réaction de
l’adversaire ». Ce sont deux compétences propres sont à développer « afin de poursuivre
l’offensive ». Si le savoir technique et le savoir stratégique s’organisent et s’enrichissent au
service de l’offensive, on regrettera que ces textes soient orientés vers le sport de combat, et
non vers l’art martial qui lui s’organise au service de la défense. Quoi qu’il en soit, ils
101
demandent à l’élève de trouver une réponse tactique dans le combat. Le véritable savoir
stratégique, celui qui correspond à la planification de l’action, apparaît avec la construction de
projets d’action : « l’adaptation de projets d’action fondés sur l’identification et l’analyse des
points forts et des points faibles de l’adversaire ». Le programme de ce cycle insiste sur la
transmission de savoirs techniques et stratégiques, mais on n’observe plus de référence aux
autres savoirs, ce qui laisse sous-entendre que ceux-ci sont déjà bien intégrés par les élèves et
qu’ils ne sont plus à transmettre à ce niveau de classe, ce qui pratiquement est une démarche
un peu rapide de la part du législateur.
3.4.1.3. Programme du cycle d’orientation : classe de 3e
Il est possible d’identifier certains savoirs dans l’introduction à ces programmes
portant sur la discipline EPS en classe de troisième (observé avec l’étude de cas Alain). En
effet, l’EPS doit développer chez l’élève en 3e « une éducation à la maîtrise de soi et à la
civilité ». Elle doit également contribuer à « l’éducation à la citoyenneté ». Elle doit aussi
permettre à l’élève « d’acquérir le goût de la pratique sportive, le sens de l’effort et le plaisir
d’agir ». Autant de valeurs que le professeur d’EPS doit transmettre à ses élèves, mais nous
sommes là sur des compétences très générales qui pourraient être développées dans toutes les
activités, comme aussi « le savoir s’échauffer » qui est présent. Plus spécifiquement, le
professeur doit transmettre un savoir éthique : « à travers les activités physiques de combat, le
professeur doit valoriser une éthique qui met l’accent sur le respect des lieux et des
personnes ». Ceci s’inscrit effectivement dans une culture du combat « qui privilégie la
maîtrise de soi et fait obstacle aux comportements impulsifs et à la violence ». La notion de
projet d’action qui renvoie au savoir stratégique est très explicite et se complète par
l’apparition du : « projet tactique élaboré à partir de l’observation et de la connaissance
qu’acquiert l’élève de ses possibilités offensives et défensives et de celles de ses
adversaires ». De plus, la transmission du savoir stratégique se poursuit avec l’enseignement
« des actions combinées ». Une autre forme de savoir apparaît également quand on lit que
l’élève doit être capable « d’éprouver sa connaissance de l’activité dans la tenue de différents
rôles sociaux (combattant, arbitre, juge) ». Il est fait référence ici au savoir combattre, mais
aussi aux savoirs réglementaires. Le professeur doit enseigner les règles de l’activité, mais il
doit aussi donner à l’élève les moyens de pouvoir arbitrer ou juger un combat.
102
3.4.1.4. Programmes de lycées : classe observée avec l’enseignant Michel (première
année de BEP maintenance cyclo-moto, lycée professionnel)
Les programmes de lycées (MEN, 2001) distinguent chacune des activités lutte et
judo. Au niveau des activités de combat de percussion l’activité mentionnée qui se rapproche
le plus du karaté sera la boxe française, qui utilise les poings et les pieds. Pour autant, judo et
karaté étant tous deux des arts martiaux, nous sommes tentés de nous référer à cette activité,
au moins en ce qui concerne les compétences propres au groupe et les compétences générales.
Ainsi, il est clairement spécifié que les valeurs éducatives du judo doivent faire l’objet d’une
transmission dans le cadre du lycée : « le respect de l’adversaire et le contrôle de soi
favorisent l’expression de la volonté de vaincre dans un cadre délimité par une règle partagée
et renforcent l’importance accordée aux valeurs de l’effort, de courage et de discipline ».
Cette référence éthique et réglementaire s’applique de la même manière au karaté, les deux
activités étant globalement identiques dans les valeurs morales à transmettre. On notera
particulièrement dans ces programmes qu’en complémentarité de la dimension compétitive, le
professeur peut choisir d’enseigner « l’aspect utilitaire », lié à la self défense. En judo, le
professeur enseignera alors de techniques de ju jitsu et en karaté de karaté jutsu. Ce savoir
pourra alors, à l’instar du « savoir combattre », se définir comme « le savoir se défendre ». En
classe de première et de terminale, on notera que les évolutions se poursuivent dans la suite du
programme de seconde avec un enrichissement technique par l’acquisition de nouvelles
formes de corps et un approfondissement du savoir stratégique pour viser une efficacité
supérieure. Pour les élèves qui auraient suivi plusieurs cycles de judo (ou de karaté), le
professeur doit aider l’élève à « construire un système d’attaque individualisé ». On peut par
exemple l’assimiler à l’attaque « spéciale » que le combattant maîtrise le mieux en terme de
placement, vitesse et précision et qu’il va tenter d’utiliser lors du combat.
3.4.1.5. Bilan des savoirs à enseigner en combat dans les programmes d’EPS
Les différents programmes de l’EPS, tant au collège qu’au lycée, invitent fortement le
professeur à enseigner (selon la taxonomie des savoirs en judo développée par Margnes,
2002) :
- des savoirs techniques avec l’apprentissage de formes de corps et de règles d’actions
de plus en plus complexes.
103
- Des savoirs stratégiques sous forme de projets d’action, de projets tactiques et de
principes d’action stratégiques.
- Des savoirs sécuritaires comme par exemple en karaté le « savoir contrôler » afin de ne
pas blesser son partenaire (travail en touches et non en frappes).
- Des savoirs réglementaires avec la connaissance des règles spécifiques du karaté,
notamment en compétition kumite, soit combat.
- Des savoirs éthiques avec l’enseignement de valeurs comme l’effort, le courage, le
respect, la confiance en soi, l’humilité, ainsi que les rituels, comme le salut par
exemple.
En définitive, l’éclectisme de la référence scolaire en karaté laisse beaucoup de
possibilités aux enseignants dans leurs choix de savoirs à enseigner et il sera intéressant
d’étudier par la suite si ceux que nous étudions vont investir ces « vides » institutionnels ou
vont au contraire tout faire pour se rapprocher du peu que leur donnent les textes officiels en
EPS.
104
105
DEUXIEME PARTIE
ETUDES PRELIMINAIRES
ET
OPTIONS
METHODOLOGIQUES
106
Introduction : rappel de la première partie et des questions de
recherche
Notre première partie a notamment visé à montrer que nous sommes en présence d’un
karaté pluriel. Les références, elles aussi, vont être multiples et empreintes d’une part de
l’expertise de pratiquant, d’autre part de l’expérience d’enseignant et enfin de ses conceptions
de l’activité à enseigner. Ces trois influences, qui vont orienter la référence enseignante, sont
déjà de nature différente : il faut en effet différencier ce qui est de l’ordre de la conception de
l’activité karaté et ce qui est de l’ordre de la conception de l’enseignement du karaté. Notre
objet de recherche se centre alors sur la recherche de traces de la référence de l’enseignant,
que nous allons extraire par l’analyse des écarts entre le savoir à enseigner (SAE), le savoir
réellement enseigné (SRE) ; le savoir à évaluer (SAEV) ; le savoir réellement évalué (SREV).
Cette quête des rapports en terme d’écarts entre SAE et SRE, entre SAEV et SREV, entre
enfin SRE et SREV nous amène à notre question de recherche suivante : en quoi une
pratique enseignante renvoie-t-elle à une référence, et laquelle ? Dans cette optique, nous
posons comme hypothèse que l’analyse des écarts entre les différents savoirs va nous
permettre d’identifier différents aspects de la référence enseignante. Ce travail se situe dans le
champ de la didactique clinique, qui articule des options théoriques spécifiques : la
transposition didactique, la question des savoirs, le rapport aux savoirs, le concept de
référence et une théorie du sujet. Parallèlement, nous avons fait état de la première question
de recherche qui énonce un paradoxe. L’histoire et l’évolution de l’activité ont montré que le
karaté est singulièrement pluriel. Pour autant, la méthode traditionnelle représente le seul
mode de transmission de l’activité, en club en tous cas. Ce paradoxe nous a alors invité à
poser plusieurs questions de recherche : quels choix les enseignants d’EPS, spécialistes en
didactique des APSA, vont effectuer pour l’enseignement du karaté en EPS ? Autrement dit,
comment les professeurs vont-ils gérer cette pluralité du karaté ? Vont-ils la reproduire dans
leur enseignement ? Vont-ils reproduire la méthode traditionnelle très techno-centrée et qui
repose sur une procédure d’enseignement du modèle du maître qui a la connaissance ou vont-
ils au contraire faire des choix didactiques différents et prendre de la distance par rapport à
celle-ci, quitte à dénaturer la pratique de référence ? A quelles références cet enseignement du
karaté va-t-il renvoyer dans chaque cas ?
107
Nous proposons maintenant de présenter le cadre méthodologique de notre recherche, qui
va permettre de donner des réponses à ces questions grâce aux résultats que nous allons
produire à partir du recueil et du traitement des données récoltées et traitées.
1. L’enquête préliminaire
1.1. Présentation et objet du questionnaire préliminaire
Afin d’analyser préalablement les références de la profession, d’étudier l’enseignement
usuel du karaté en milieu scolaire, de situer les « profils didactiques » des enseignants
collaborateurs, nous avons recours à un questionnaire d’enquête préliminaire. Ce
questionnaire (cf. annexe 1) a été envoyé par courrier électronique à tous les enseignants
d’EPS de l’Académie de Toulouse. Son objectif est double :
- pouvoir faire un état des lieux des références qui émergent des réponses aux questions
que nous leur posons. Nous aurons ainsi une première approche des déjà-là
conceptuel, expérientiel et intentionnel des enseignants pratiquants de karaté, du déjà-
là conceptuel des enseignants non pratiquants (qui n’ont par définition ni expérience ni
intention d’enseigner cette activité en EPS, mais qui en ont quand même une
conception sans la connaître en tant que pratiquant).
- Identifier des enseignants d’EPS pratiquants de karaté, qui pourront le cas échéant
participer à notre recherche en incluant à leur programmation d’activité en EPS un
cycle karaté que nous pourrions observer.
1.2. Analyse descriptive du questionnaire
Nous allons maintenant détailler les dix questions qui composent le questionnaire,
pour faire émerger les renseignements que nous souhaitons pouvoir exploiter par la suite :
1. « Etes-vous ou avez-vous été pratiquant de karaté do ? »
- La première question vise à savoir si l’enseignant est pratiquant ou pas de karaté. Lors
du dépouillement, cela permet de distinguer d’emblée deux catégories, l’une de non
pratiquants de karaté, l’autre de pratiquants.
108
2. « Si OUI, combien d’années de pratique et quel grade avez-vous atteint ? »
- La deuxième question vise à connaître l’expertise éventuelle de l’enseignant en karaté,
car on lui demande notamment quel grade il a atteint.
3. « Avez-vous déjà programmé un cycle karaté en EPS et si oui avec quel(s) niveau(x) de classe(s) ? »
- La troisième question permet de savoir si l’enseignant pratiquant a déjà enseigné
l’activité karaté en EPS.
4. « Si vous êtes ou avez été pratiquant, pouvez-vous expliquer pourquoi vous n’avez jamais enseigné le karaté en EPS ? »
- La quatrième question cherche à interroger l’enseignant pratiquant sur les raisons qui
font qu’il n’a jamais enseigné le karaté en EPS, et ce, malgré sa compétence.
5. « Si vous n’êtes pas pratiquant, pouvez-vous expliquer ce qui vous a motivé à enseigner le karaté et comment vous vous y êtes pris ? »
- Pour la cinquième question, nous avons envisagé le cas contraire au précédent, celui
où l’enseignant est non pratiquant de karaté, mais a tout de même enseigné l’activité
en EPS, par le biais notamment d’une formation continue dans l’activité pour laquelle
nous avions d’ailleurs été missionné par la cellule du Rectorat de Toulouse en 2004-
2005. Nous savons que cela se fait, aussi, dans l’Académie de Limoges.
6. « Si vous enseignez le karaté en milieu scolaire, quelles sont vos références ? »
- La sixième question renvoie à la référence que peut énoncer l’enseignant pratiquant ;
en fonction de sa pratique personnelle, son expertise, son expérience en compétition et
du style de karaté pratiqué. La référence peut être sportive, historique, didactique, ou
encore scolaire, comme nous l’avons catégorisé dans la première partie de la thèse.
Néanmoins, nous n’aurons là qu’une tendance de la référence de l’enseignant, et
encore, celle qu’il consent à annoncer.
109
7. « Pouvez-vous décrire sommairement : - l’entrée dans l’activité (entrée par le travail des katas, par le combat, entrée technique ?) : - la situation de référence : - l’évaluation mise en place : »
- La septième question cherche alors à faire émerger l’entrée dans l’activité que pourrait
opérer l’enseignant pratiquant, la situation de référence et l’évaluation mise en place.
8. « Pour vous, qu’est-ce que le karaté ? »
- La huitième est une question qui s’adresse à tous les enseignants, sur leur conception
de l’activité. Comme ce questionnaire a été envoyé par mailing à tous les enseignants
d’EPS de l’Académie de Toulouse, nous avions précisé cela dans le mail même, de
manière à ce qu’ils prennent la peine de répondre aux questions 8 et 9, même s’ils
étaient néophytes en karaté.
9. « Quels sont (ou seraient) selon vous les contenus à privilégier pour enseigner cette activité en milieu scolaire ? »
- La neuvième question engage l’enseignant à réfléchir sur les savoirs à privilégier pour
l’enseignement de l’activité karaté en milieu scolaire, et ce donc, même s’il n’est pas
pratiquant.
10. « Si vous enseignez déjà le karaté dans votre établissement ou si vous avez le projet de le faire, pouvez-vous me laisser des coordonnées où vous joindre ( mail, téléphone…) car je serai intéressé par un travail de collaboration avec vous (entretien, observation de séances par exemple) ».
- Enfin, la dixième et dernière question invite l’enseignant à laisser ses coordonnées s’il
le souhaite dans le but d’être contacté par le chercheur en vue d’une collaboration
ultérieure.
110
Une fois les réponses recueillies, deux catégories sont apparues à la lecture des
réponses à la première question : les enseignants d’EPS non pratiquants de karaté (qui
répondent « non » à cette question) et ceux pratiquants (qui répondent « oui »).
1.3. Résultats de l’analyse de l’enquête préliminaire
Nous avons récupéré 112 réponses aux questionnaires dont 103 sont exploitables en ce
sens que les enseignants, même néophytes dans l’activité, ont fait l’effort d’essayer de
délivrer leur conception de l’activité et d’apporter des réponses quand on les interroge
notamment sur la définition de l’activité (question numéro 8) et sur les savoirs qui seraient à
privilégier en EPS (question numéro 9). En tout état de cause, nous avons 103 réponses de
non pratiquants et 9 de pratiquants. Nous nous proposons alors d’analyser ces questionnaires
en deux groupes, le premier que nous appellerons « non pratiquants » et le second
« pratiquants ». Le groupe « non pratiquants » va en effet nous permettre d’analyser les
références d’un panel important d’enseignants d’EPS sur l’activité karaté. Le groupe
« pratiquants » va nous permettre de répertorier des informations de deux ordres :
- d’une part de les situer les uns par rapport aux autres en ne tenant compte que de leurs
réponses à l’enquête préliminaire, en terme de référence du karaté et des savoirs à
enseigner.
- D’autre part de trouver des enseignants d’EPS pratiquants de karaté volontaires pour
collaborer à notre recherche en acceptant d’être observés et interviewés au cours d’un
cycle de karaté en EPS.
1.3.1. Traitement des données recueillies dans les questionnaires enseignants : non
pratiquants de karaté
Les enseignants (103) qui ont répondu « non » à la première question, parce qu’ils ne
sont pas pratiquants de karaté, ne répondent pas à la deuxième question sur leur expérience de
l’activité, répondent encore « non » à la troisième question puisqu’aucun n’a programmé de
cycle karaté en EPS et ne répondent pas aux questions quatre à sept, ni à la dixième et
dernière qui ne concernent en effet que les pratiquants. Cette catégorie de non pratiquants ne
répond donc qu’aux questions 8 et 9, concernant leur conception de l’activité et les savoirs à
privilégier selon eux en EPS. Nous avons alors procédé à une analyse quantitative en
répertoriant toutes les réponses données à ces deux questions, en comptant pour chaque
111
occurrence le nombre de fois qu’il était cité. Successivement, les tableaux 11 et 13 présentent
une synthèse des réponses proposées par les 103 enseignants non pratiquants. Suivra ensuite
une analyse des mêmes réponses des enseignants pratiquants de karaté (9). Pour une meilleure
lisibilité, nous avons choisi de classer ces occurrences en reprenant la taxonomie des
références qui nous sert dans la partie « connaissance de l’activité », à savoir les références
historiques, sportives, didactiques, et scolaires. Ainsi, les occurrences que nous avons
repérées dans les réponses des enseignants ont été classées dans les différentes rubriques
« références » (cf. tableau 11). Par exemple, le terme art martial, que l’enseignant peut utiliser
pour répondre à la demande de définition de l’activité renvoie comme nous l’avons vu dans la
première partie à la référence historique du karaté. De la même manière, si l’enseignant parle
du karaté comme d’un sport de combat ou comme d’une boxe, cela renvoie à une référence
sportive ou autrement dit compétitive de l’activité. Là où la classification devient plus
difficile à faire, c’est pour la référence scolaire et didactique. Nous avons défini la référence
didactique comme le karaté tel qu’il est enseigné en club, il peut autant revêtir les aspects
sportifs que martiaux, mais les termes doivent avoir une connotation pédagogique, didactique,
soit alors relative à l’enseignement de l’activité en club, au développement des différentes
ressources du sujet. C’est ainsi que l’on trouvera dans cette référence didactique des termes
comme « utilisation des pieds et des poings », « vitesse », « souplesse », « maîtrise de soi ».
Enfin, les termes que l’on classe dans la référence scolaire renvoient à une définition du
karaté en tant « qu’activité », en relation avec les APSA. Par exemple, le karaté définit en tant
qu’ « activité duelle d’opposition » rentre dans cette référence scolaire.
112
1.3.1.1. Recueil et traitement des réponses relatives à la question 8 du questionnaire
préliminaire : « pour vous, qu’est-ce que le karaté ? »
Le tableau suivant, (tableau 11) répertorie les références énoncées par les enseignants
d’EPS non pratiquants de karaté à la question 8 du questionnaire préliminaire. Nous avons
repris la classification des références telle que nous l’avons développée dans la première
partie de la thèse, à savoir :
- les références historiques qui regroupent les termes renvoyant aux aspects martiaux de
l’activité, c’est-à-dire à l’histoire du karaté en tant qu’art martial, art de combat à
mains nues dans une optique défensive et guerrière.
- Les références sportives qui renvoient à l’évolution moderne du karaté en compétition,
au karaté en tant que sport de combat de contact.
- Les références didactiques où l’on envisage le karaté tel qu’il est enseigné en club et
l’on inclut tous les termes qui renvoient à ses aspects éthiques, techniques,
stratégiques et physiques.
- Les références scolaires, enfin, qui envisagent l’enseignement du karaté à l’école, par
exemple la définition du karaté en tant qu’APSA propre au champ scolaire de l’EPS.
113
REPONSES ENONCEES DE LA CONCEPTION DU KARATE (x fois) Référence historique
(34 réponses) Référence sportive
(85 réponses) Référence didactique
(122 réponses) Référence scolaire
(23 réponses) Art martial (16) Sport de combat (42) Maîtrise de soi (23) Activité de combat (16) Duel (7) Sport de percussion (16) Utilisation des pieds et
des poings (18) Activité de production de formes / esthétique (7)
Art de vivre / philosophie (3)
Sport de combat de contact (9)
Opposition avec contrôle (12)
Art de combat (2) Sport de combat sans contact (7)
Respect de l’adversaire (8)
Mettre hors d’état de nuire (2)
Opposition de 2 adversaires (3)
Souplesse (8)
Self défense (2) Spectacle (3) Vitesse (6) Kung Fu / Bruce Lee (2)
Sport d’attaque (2) Connaissance de soi / de son corps (5)
Boxe française sans gants (1)
Force (4)
Casse (1) Maîtrise de ses émotions (3)
Violence (1) Combat imaginaire (3) Principe attaque défense
(3)
Prise d’information rapide (3)
Précision (3) Combat et kata (2) Cibles et armes (2) Technique et tactique
(2)
Techniques précises (2) Simulation des coups
(2)
Multiplicité des coups (2)
Respect des valeurs/de l’éthique (2)
Réflexes (2) Vivacité (2) Gestion des énergies (1) Forte implication
physique (1)
Discipline (1) Rigueur (1) Anticipation (1)
Tableau 11 : compilation des réponses énoncées par les enseignants d’EPS non pratiquants à la
question 8 du questionnaire préliminaire
114
D’un point de vue quantitatif, il apparaît nettement une forte disproportion du tableau
quant au taux de remplissage des colonnes. Il est intéressant de noter que les colonnes les plus
représentées sont celles de la référence didactique (27 lignes d’occurrences, 122 réponses),
puis celle de la référence sportive (10 lignes d’occurrences, 85 réponses). D’une certaine
manière, on peut trouver cela logique car ce sont des enseignants d’EPS qui ont renseigné ce
questionnaire, mais il ne faut pas omettre que nous nous attachons là aux réponses des non
pratiquants de karaté. Malgré cela, ils produisent des références sur l’activité qui se révèlent
justes et variées. Plus précisément, la lecture de ce tableau montre que :
- le terme qui revient le plus souvent est « sport de combat » avec 42 citations sur 264
au total (cf. tableau 11). Si l’on retient les items où le terme sport est cité, on obtient
76 citations, tandis que l’on a seulement 23 citations comportant le terme « activité »
et 18 « art ». On peut donc dire qu’une plus forte proportion des réponses définit le
karaté comme un sport compétitif plutôt que comme un art martial, ce qui est assez
paradoxal dans la mesure où les compétitions ne sont pas très médiatisées. Nous
noterons 23 répétitions de l’occurrence « maîtrise de soi » et 12 répétitions d’
« opposition avec contrôle » qui sont effectivement des compétences spécifiques au
karaté, compte tenu de sa dangerosité, comme nous l’avons déjà souligné dans la
partie traitant de la connaissance de l’activité.
- Dans la colonne « référence didactique », l’ occurrence la plus citée (18 fois) après la
maîtrise de soi concerne « l’utilisation des pieds et des poings ». C’est en effet une
autre des particularités du karaté que de permettre d’envisager la percussion pieds et
poings, ce qui est tout de même réducteur puisqu’en fait toutes les armes naturelles du
corps sont utilisées, ce qui constitue la spécificité du karaté par rapport à la boxe
française par exemple, où les armes sont beaucoup plus restreintes. On notera dans
cette colonne que les occurrences les plus citées ne concernent pas les savoirs
stratégiques. Le « principe attaque défense », cité 3 fois, ou « la prise d’information
rapide » arrivent bien après des savoirs sécuritaires (« opposition avec contrôle » cité
12 fois et « respect de l’adversaire » cité 8 fois). Ceci est très intéressant car même si
les enseignants ne sont pas pratiquants et n’ont pas non plus d’expérience
d’enseignement du karaté, ils sont sensibles aux savoirs sécuritaires. On peut aussi
penser qu’ils ont pu être initiés dans d’autres activités de combat, comme la boxe par
exemple et ont de ce fait déjà réfléchi à ces considérations sécuritaires. Ils peuvent
avoir peur que l’activité karaté en EPS soit accidentogène. Le premier savoir
115
stratégique, « principe attaque défense » n’est cité que 3 fois, ce qui laisse à penser
que l’activité n’est pas considérée en premier lieu comme une activité de combat.
- Les réponses relatives à la « référence sportive » des enseignants sélectionnés révèlent
une conception juste du karaté en tant que « sport de combat », cité 42 fois. 16
enseignants précisent aussi que c’est un « sport de percussion », contrairement au judo
par exemple qui est un sport de combat de préhension. Ensuite, 9 réponses évoquent le
« contact » dans ce sport, 7 précisent que c’est un « sport de combat sans contact », ce
qui est dans l’ensemble vrai dans les deux cas puisque le karaté est effectivement
pratiqué en contrôle des touches, qui est partielle au corps et totale au visage pour des
raisons évidentes de respect de l’intégrité physique et de sécurité.
- Les réponses relatives à la référence historique de l’activité mettent en exergue
l’aspect « martial » du karaté cité 16 fois, ainsi que son côté artistique, avec l’item
« art de combat » cité 2 fois. Le karaté est donc bien considéré pour une part des
enseignants comme un art. On peut être quelque peu surpris par ce dernier résultat car
le karaté, comme beaucoup d’arts martiaux, peut en effet être considéré comme un
sport complet qui s’adresse à la personnalité entière de l’individu, et développe les
ressources physiques, psychologiques, énergétiques, et affectives. Cette référence
historique du karaté n’est alors que très peu développée par les enseignants. Cela peut
s’expliquer par le fait qu’ils se projettent dans l’optique de son enseignement en EPS,
un cycle d’une dizaine d’heure ne laissant effectivement pas assez de temps de
pratique pour développer toutes ces ressources.
- Enfin, les réponses concernant les références scolaires ne sont que très peu
développées avec l’ occurrence « activité de combat », citée 16 fois. Le terme
« activité de production de formes » est citée 7 fois, ce qui est certes un aspect du
karaté avec le travail du kata, sans en représenter toute la dimension.
La lecture de ce tableau récapitulatif (cf. tableau 11) nous informe donc que les 103
enseignants d’EPS non pratiquants de karaté qui ont répondu ont des références certes très
diverses de l’activité mais que celles-ci se révèlent exactes dans la mesure où aucune
occurrence n’est étrangère à l’activité. Même le terme « violence » que l’on a retrouvé deux
fois peut se justifier car les combats en compétition sont parfois violents tant l’implication
physique des combattants est forte et les accidents présents, à un haut niveau de pratique. De
plus, des aspects très spectaculaires de l’activité comme la casse (d’objets divers tels que
planches de bois, parpaings, blocs de glace) sont cités, une fois seulement, ce qui paraît aussi
116
logique car on imagine bien que les enseignants n’associent pas seulement le karaté scolaire à
un travail de casse en vue de durcir le corps, mais ont déjà vu des démonstrations de cette
pratique largement médiatisée car spectaculaire. Malgré tout, on s’aperçoit tout de même que
les références des enseignants sont partielles dans la mesure où des aspects importants de
l’activité sont très peu cités alors qu’ils représentent l’une des spécificités de celle-ci . Nous
pensons notamment à « kata » qui n’est cité que 2 fois alors que c’est un des domaines
d’entraînement les plus importants dans la pratique du karaté. Le terme « précision » (cité
seulement 3 fois) est aussi un aspect pourtant particulier au karaté car le combattant est amené
à viser les « points vitaux » de l’adversaire. De même, « rigueur » et « discipline » ne sont
nommés qu’une fois chacun, ainsi que l’aspect self défense qui n’est pratiquement pas cité
alors que c’est un des buts premiers de motivation du pratiquant qui entre pour la première
fois dans un dojo selon les statistiques de la FFKDA.
Le tableau suivant (cf. tableau 12) propose de résumer les références les plus nommées
par les enseignants non pratiquants de karaté. Comme le panel d’enseignant est de 103,
l’établissement du pourcentage est immédiat en prenant le nombre d’ occurrences citées. En
effet, par exemple, l’item art martial est cité par 16 enseignants sur 103 ce qui fait un
pourcentage de moins de 16,5 %. Nous avons jugé plus simple d’arrondir le chiffre au nombre
d’ occurrences trouvées.
Références
du karaté les
plus nommées
Sport de
combat
Maîtrise
de soi
Utilisation
pieds-
poings
Art
martial
Activité de
combat
Sport de
percussion
Opposition
avec
contrôle
Nombre de
citations
42
23
18
16
16
12
Tableau 12 : tableau synoptique du déjà-là conceptuel des enseignants non pratiquants de
karaté
On voit ainsi que se dégagent deux références très distinctes du karaté, que nous avons
détaillées dans le chapitre sur la connaissance de l’activité (première partie de la thèse). En
effet, pour 42 % des enseignants, le karaté est un sport de combat. Il est un art martial pour 16
d’entre eux. Cette référence est cohérente dans la mesure où les aspects sportifs du karaté sont
117
mis en avant à l’heure actuelle, avec notamment le développement de « sous-activités » qui en
émanent comme le body karaté ou encore le karaté contact. Pour autant, cette référence n’est
pas pertinente d’un point de vue théorique car nous avons bien étudié en première partie que
le karaté reste pour les pratiquants avant tout un art martial, qu’ils pratiquent d’ailleurs de
manière très traditionnelle et en la dénaturant le moins possible, pour la plupart.
Nous allons maintenant étudier les réponses des enseignants d’EPS non pratiquants à
la neuvième question du questionnaire, qui les interrogeait sur les savoirs à privilégier dans
une optique de programmation d’un cycle karaté en EPS.
118
1.3.1.2. Recueil et traitement des données relatives à la question 9 du questionnaire
préliminaire : « quels sont (ou seraient) selon vous les contenus à privilégier pour
enseigner cette activité en milieu scolaire ? »
REPONSES ENONCEES DE LA CONCEPTION DE L’ENSEIGNEMENT DU KARATE
(x fois)
Référence historique
(6 réponses)
Référence sportive
(60 réponses)
Référence didactique
(126 réponses)
Référence scolaire
(33 réponses)
Combat et katas (4) Respect de l’adversaire (22) Maîtrise de soi (34) Sécurité (23)
Rituels (2) Respect des règles (20) Contrôle des coups (16) Duo et duel (5)
Valeurs / Ethique (8) Techniques (12) Programmes (2)
Arbitrage (5) Principe attaque défense (7) Connaissances sur l’action (2)
Contact (5) Techniques pieds/poings (5) Citoyenneté (1)
Maîtrise de ses émotions (4)
Prise d’information (4)
Déplacements (4)
Distance de frappe (4)
Equilibre/déséquilibre (4)
Rôles (3)
Tactique de gestion du combat
(3)
Vitesse d’exécution (3)
Principe action/réaction (2)
Précision du geste (2)
Souplesse (2)
Parades (2)
Esquive (2)
Concentration (2)
Développement physique et
psychologique (2)
Toucher sans être touché (1)
Rapport de force (1)
Confiance en soi (1)
Accepter le combat (1)
Prise de risque (1)
Enchaînement d’actions (1)
Coordination (1)
Renforcement musculaire (1)
Anticipation de l’attaque adverse
(1)
Tableau 13 : compilation des réponses énoncées par les enseignants d’EPS non pratiquants, à la
question 9 du questionnaire préliminaire
119
D’un point de vue purement qualitatif, les réponses des enseignants non pratiquants à
cette question révèlent les mêmes tendances que pour la question 8, à savoir que la référence
la plus renseignée est celle relative à la didactique, puis à la référence sportive. Par contre,
contrairement à la question 8, la référence scolaire est plus renseignée quantitativement que la
référence historique. Ce résultat s’explique par le fait que la question incite à répondre en
utilisant une référence scolaire, puisqu’on interroge en effet les enseignants sur les savoirs à
enseigner à l’école.
Une analyse qualitative de la lecture de ce tableau récapitulatif (cf. tableau 13) des
réponses évoquées par les enseignants d’EPS non pratiquants de l’activité karaté fait état des
références affichées par ce panel, certes en karaté, mais plus largement dans les sports de
combat de percussion. En effet, on note l’utilisation d’un vocabulaire très adapté (duo, duel,
distance de frappe, maîtrise, respect, par exemple) au sport évoqué. Aucun enseignant
n’évoque par exemple l’apprentissage des chutes, qui font pourtant partie du karaté puisqu’en
combat, l’amené au sol de l’adversaire est une finalité recherchée par le combattant. Il est vrai
pour autant que ce n’est pas l’aspect le plus important à enseigner d’emblée aux élèves, mais
cela prouve bien la justesse des connaissances des enseignants dans une activité qu’ils ne
connaissent pratiquement pas. On peut penser qu’ils opèrent pour certains un transfert avec la
savate boxe française. L’occurrence la plus citée par les enseignants est « la maîtrise de soi »
(34 fois). Ce n’est pas un savoir technique ou stratégique qui est la préoccupation de la
majorité des enseignants mais bien un savoir être. D’ailleurs, on s’aperçoit que vient en
deuxième position l’ occurrence « sécurité » avec 23 citations, qui relève aussi d’un objectif
général de l’EPS, comme le « respect de l’adversaire » et des « règles » qui viennent à la
suite. On peut donc en déduire que pour une majorité d’enseignants non pratiquants, le karaté
en EPS peut être l’occasion de privilégier l’acquisition par les élèves de ces compétences
générales, en tant que savoir-être.
Avec seize occurrences, le « contrôle des coups » semble un savoir important à faire
acquérir, mais cela se rapproche aussi de la maîtrise de soi, bien que l’on puisse penser que les
enseignants envisagent là un aspect plus technique, à savoir différencier d’un point de vue de
l’investissement moteur pendant le combat, ce qui est de l’ordre de la touche (contrôle) et ce
qui est de l’ordre de la frappe (percussion sans contrôle). L’apprentissage de « techniques »
est évoqué douze fois, ce qui est proportionnellement important. Il est exact aussi que le
karaté est très associé à la technique parfaite, ce qui a pu influencer les enseignants. Quoi
120
qu’il en soit, on remarque que cet aspect de l’enseignement est important, au détriment
d’aspects plus tactiques et stratégiques, comme par exemple le principe attaque défense (cité
sept fois), la prise d’information, la distance (cités chacun seulement quatre fois) ou encore le
rapport de force (cité une fois). En somme, il semble que les enseignants non pratiquants de
karaté mettraient l’accent, s’ils avaient à enseigner le karaté en EPS, sur des savoirs éthiques,
réglementaires et techniques, compte tenu qu’ils sont évoqués de manière prédominante. Cela
révèle en outre quelques aspects de la référence dominante (didactique) chez ce panel
d’enseignants (cf. tableau 13). Nous verrons par la suite que cette centration des savoirs n’est
pas forcément celle des enseignants spécialistes.
Nous proposons dans le tableau suivant (tableau 14) un tableau synoptique du déjà-là
intentionnel des enseignants non pratiquants de karaté. Il affiche en pourcentage, les savoirs
qui seraient enseignés par eux.
SAE
Maîtrise
de soi
Sécurité Respect de
l’adversaire
Respect
des règles
Contrôle
des coups
Techniques
Nombre de
citations
34
23
22
20
16
12
Tableau 14 : tableau synoptique du déjà-là intentionnel des enseignants non pratiquants de
karaté
Ainsi, par exemple, on peut lire que 34 % des enseignants enseigneraient en karaté en
EPS la maîtrise de soi, 23 % la sécurité, ou encore 12 % des techniques. Au terme de cette
analyse des références évoquées par un panel d’enseignants d’EPS non pratiquants de karaté,
nous retiendrons que les références didactiques, pédagogiques et sportives de ces enseignants
sont globalement très justes dans le cadre scolaire pour enseigner un art martial. De plus, la
hiérarchie des savoirs est respectée puisque ceux qui sont le plus cités correspondent bien à
ceux qui sont enseignés en karaté, à savoir la maîtrise de soi, les techniques et les principes
d’attaque et de défense par exemple. La référence scolaire par contre reste vague et générale
avec l’évocation de la sécurité, de connaissances sur l’action, des programmes, ou encore de
la citoyenneté, ce qui est cohérent dans la mesure où l’analyse des réponses porte sur des non
spécialistes de l’activité.
121
1.3.2. Traitement des données recueillies dans les questionnaires enseignants :
pratiquants de karaté
Neuf enseignants d’EPS ont répondu « oui » à la question 1 : « êtes-vous ou avez-vous
été pratiquant de karaté do ? ». Parmi ces enseignants, avec qui nous avons tenté de prendre
contact, l’un d’entre eux est à la retraite désormais, un autre ne donne pas ses coordonnées
pour le joindre, un autre est nouveau pratiquant de karaté avec quelques mois de pratique
seulement, un autre encore a bien trois ans de pratique et a atteint le grade de ceinture marron,
mais cela fait cinq ans, précise-t-il, qu’il a arrêté le karaté. Nous avons aussi recensé un
stagiaire IUFM avec les incertitudes de mutation que cela suppose l’année suivante, et le
dernier pratique depuis vingt ans et est ceinture noire 2ème dan mais exprime ses réticences à
programmer un cycle karaté, ce qu’il n’a d’ailleurs jamais fait en EPS. Les trois derniers
enseignants sont des pratiquants experts et des enseignants d’EPS chevronnés. Ainsi, nous
avons quatre enseignants ayant la compétence et la disponibilité pour enseigner le karaté en
EPS. Il s’agit de :
- Nicolas, enseignant stagiaire IUFM. En poste en collège. Nicolas est enseignant
débutant.
- Michel, enseignant en lycée.
- Giovanni, enseignant en collège.
- Alain, enseignant en collège.
Michel, Giovanni et Alain sont des enseignants d’EPS expérimentés. Nous allons tout
d’abord effectuer la même analyse que pour les enseignants non pratiquants, à savoir faire un
tableau récapitulatif des références qu’ils énoncent dans leurs réponses aux questions 8 et 9 du
questionnaire préliminaire. Comme les enseignants pratiquants ne sont que neuf au total, nous
avons préféré pour une question de lisibilité et d’exploitation de ces données, présenter les
références énoncées par chaque enseignant. Les quatre enseignants qui participent à la
recherche sont nommés, les cinq autres sont appelés X1, X2, X3, X4 et X5. Le tableau suivant
(tableau 15) propose le classement des réponses des neuf enseignants pratiquants de karaté à
la question 8 du questionnaire préliminaire : « pour vous, qu’est-ce que le karaté ? ». Nous
avons sélectionné les extraits les plus pertinents pour illustrer les références énoncées.
122
Enseignant Référence
historique
Référence
sportive
Référence
didactique
Référence
scolaire
Nicolas
« Art martial
relativement
complet »
« Diversité des
formes de
pratiques
proposées »
« Développement
d’une certaine
éthique »
Michel
« Art martial de
défense »
« Pratique sportive
de compétition »
« Pratique
d’hygiène mentale
et corporelle »
Giovanni
« Recherche de
rapport à l’autre
dans l’existence »
« Activité de type
percussion
réglementé par le
code fédéral »
« Activité à double
détente »
« Activité
d’expression et de
développement
personnel »
Alain
« Self défense »
« Processus
d’influence »
maître-élève.
« Boxe pieds-
poings »
« Outil d’éducation
sur le plan de la
gestion des
émotions ».
« Méthode
d’éducation
motrice et
comportementale »
X1
« Art martial »
« Ecole
d’épanouissement
et de maîtrise de
soi »
X2 « Art martial » « Sport de combat
de percussion »
X3
« Art martial, art
de vivre, lien
corps-esprit »
X4 « Art martial de
combat »
X5 NE REPOND PAS A CETTE PARTIE DU QUESTIONNAIRE
Tableau 15 : extraits significatifs des réponses énoncées par les enseignants d’EPS pratiquants de
karaté par thèmes, à la question 8 du questionnaire préliminaire
123
L’analyse de ce tableau synoptique (cf. tableau 15) d’extraits significatifs des réponses
énoncées par les enseignants d’EPS quant à leur définition du karaté fait apparaître une
pluralité des références car nous pouvons constater que le tableau est largement renseigné.
Trois enseignants (Nicolas, Michel et Alain) définissent l’activité en renseignant 3 des 4
références du karaté (historique, sportive, didactique et scolaire). Deux d’entre eux
renseignent deux références (X1 et X2). Seul Giovanni renseigne toutes les références. X3 et
X4 ne se contenteront que d’une référence pour définir le karaté, tandis que X5 ne répond pas
à la question posée dans le questionnaire (cf. annexe 38). Il est intéressant de noter aussi que
le karaté est défini 6 fois sur 9 en tant qu’art martial. Compte tenu du faible effectif que nous
avons, neuf enseignants pratiquants de karaté contre 103 pour les non pratiquants, il est
impossible à ce niveau de faire une analyse quantitative comparative. La référence sportive
n’est en revanche cité que 4 fois contre 5 références didactiques, ce qui est d’une certaine
manière un résultat cohérent de la part d’enseignants d’EPS pratiquants de karaté. En effet, la
référence la moins citée est la référence didactique, que nous assimilons au karaté tel qu’il est
enseigné en club. De ce fait, les enseignants se mettent en rupture par rapport à cette
référence, privilégiant la référence à l’art martial, historique.
Nous allons maintenant procéder à la même analyse pour la question 9 du
questionnaire préliminaire: « Quels sont (ou seraient) selon vous les contenus à privilégier
pour enseigner cette activité en milieu scolaire ? », afin de mettre l’accent sur la référence
énoncée par les enseignants pratiquants en ce qui concerne le SAE. Comme la question leur
impose de réfléchir aux savoirs qu’ils enseigneraient ou qu’ils ont déjà enseigné en milieu
scolaire, nous ne détaillerons que la référence scolaire dans le tableau suivant (tableau 16).
Ainsi, pour le renseigner, nous avons pris l’intégralité des réponses des enseignants.
124
Enseignant Référence scolaire
Nicolas
« Respect des rituels, de l’adversaire (éthique) ; maîtrise de quelques
techniques pieds/poings et de leur terminologie ; apprentissage du premier
kata ; ippon kumite, apprentissage de quelques blocages ; logique
d’esquive »
Michel
« Technique grâce à des formes variées de travail (kata, kihon, kumite) et
la gestion du couple risque-sécurité grâce aux rapports de distance »
Giovanni
« l’incertitude liée à l’affrontement ; distance de garde, d’affrontement,
sociale ; contraction-décontraction musculaire, le kime ; contrôle
musculaire et non articulaire ; tori-uke, dominant dominé ; partenaire
adversaire, avec-contre ; prise et reprise d’initiative, confusion ; aspects
mécanique, énergétique, informationnel ; respect de l’autre »
Alain
« La gestion du couple action-réaction à travers une opposition sécurisée
est un support d’enseignement qui permet une intégration progressive des
critères de réalisation des techniques »
X1
NE REPOND PAS A LA QUESTION (cf. annexe 38)
X2 « Le code moral, rituel de salut etc. ; des techniques de défense ;
l’alternance et la coordination du travail aux poings et aux pieds »
X3
« Kata, technique, combat, selon le type d’élèves »
X4 « L’aspect sportif, 2/3 ; l’aspect self défense, 1/3 »
X5 NE REPOND PAS A CETTE PARTIE DU QUESTIONNAIRE
Tableau 16 : intégralité des réponses énoncées par les enseignants d’EPS pratiquants de
karaté par thèmes, à la question 9 du questionnaire préliminaire
L’analyse du tableau 16 montre que sur les neuf enseignants, sept répondent à la
question posée sur les savoirs à enseigner en milieu scolaire. Sur ces sept réponses, deux
enseignants commencent par énoncer des savoirs éthiques « le code moral, le rituel du
salut » ; « respect du rituel, de l’adversaire ». Deux autres enseignants envisagent clairement
125
des savoirs sportifs avec « l’aspect sportif » et « la gestion du couple action-réaction à
travers une opposition sécurisée ». L’un de ses deux enseignants envisage aussi d’inclure
« l’aspect self défense » à son enseignement et un autre parle dans le même ordre d’idée de
« techniques de défense ». Nous avons ensuite deux enseignants qui énoncent des contenus
généraux : Giovanni, et X3, qui précise par contre « selon le type d’élève », ce qui
immédiatement renvoie à l’EPS et au traitement didactique qui prend en compte le profil de la
classe et les caractéristiques des élèves. Un enseignant, Michel, annonce d’emblée des
contenus « techniques ». On peut alors s’apercevoir qu’aucune grande tendance de SAE
n’émerge de cette analyse : les neuf enseignants sont très partagés quant au SAE, certains
envisageant des savoirs techniques, d’autres des savoirs éthiques, ou d’autres encore des
savoirs stratégiques. Cela peut peut-être s’expliquer par le fait que certains d’entre eux n’ont
pas encore enseigné le karaté en EPS et en sont encore au stade de la réflexion quant au SAE,
qui reste large au sens où il n’est pas encore spécifié par les enseignants à ce stade de
l’enquête préliminaire.
1.3.3. Comparaison entre les deux groupes : non pratiquants et pratiquants de karaté
Il ne s’agit pas de faire une comparaison quantitative puisque les deux groupes sont
disparates. En effet, le groupe de non pratiquants est onze fois plus important que le groupe
des pratiquants. Par contre, à ce stade de notre étude, il est intéressant de procéder à une
comparaison des deux groupes en termes de hiérarchie des références, pour apprécier si celle-
ci différencie. A la question 8, nous avions constaté dans le groupe des enseignants non
pratiquants que l’ occurrence la plus citée était « sport de combat » (cf. tableau 11), soit une
référence sportive majoritaire de l’activité. Nous avions ensuite l’ occurrence « maîtrise de
soi », qui renvoyait à une référence plutôt didactique de l’activité. Les références historique et
scolaire étaient à égalité de citation avec respectivement l’ occurrence « art martial » et
« l’activité de combat ». Pour les pratiquants, huit enseignants sur neuf renseignent la
référence historique avec cinq réponses qui concernent « l’art martial ». Puis cinq évoquent la
référence scolaire avec des définitions plus pertinentes, ce qui est logique venant des
pratiquants de karaté, comme par exemple Alain, qui définit l’activité comme un « outil
d’éducation sur le plan de la gestion des émotions ». On constate une différence à ce niveau
entre les deux groupes, les enseignants non pratiquants ayant des références sportive et
didactique, les enseignants pratiquants, des références historique et scolaire. Cette dichotomie
126
peut s’expliquer par le fait que les enseignants non pratiquants ont deux sources d’influence
dans leurs références :
- le karaté sportif, véhiculé par les médias, la télévision retransmettant en effet les grands
événements du karaté, d’autant que la France est une nation élite en ce domaine.
- Une bonne connaissance des activités de combat en général, par le biais de leur
formation initiale ou continue. Les enseignants pratiquants ont par contre une connaissance
plus approfondie du karaté en tant qu’art martial et ont pu mener une réflexion didactique
quant à son enseignement en EPS, d’où la prédominance des références historique et scolaire
(cf. tableau 15).
A la question 9, qui concerne les savoirs à enseigner en EPS, rappelons que les non
pratiquants ont répondu en premier lieu « la maîtrise de soi » ce qui renvoie plutôt à une
référence didactique, puis « la sécurité » qui est une référence spécifiquement scolaire tant cet
aspect représente effectivement la préoccupation première de l’enseignant d’EPS. Enfin la
référence sportive vient en dernier avec « le respect des règles et de l’adversaire ». Il n’y a que
peu d’écart entre les non pratiquants et les pratiquants du point de vue des savoirs à enseigner,
car pour ces derniers la référence scolaire prédomine, avec des termes plus spécifiques
comme « l’incertitude liée à l’affrontement » pour Giovanni ou encore des « formes variées
de travail » pour Michel. On peut alors s’apercevoir que sur les deux questions étudiées, les
écarts de référence entre les enseignants d’EPS pratiquants et les non pratiquants sont
minimes. Ces écarts se situent en fait surtout au niveau de la richesse de la référence scolaire
évoquée chez les enseignants pratiquants et d’une définition plus commune du karaté pour les
non pratiquants. Si l’on en reste à la comparaison de la référence la plus citée, il est normal de
trouver la référence sportive chez les non pratiquants, car c’est souvent l’image du karaté qui
est véhiculée par les médias, puis la référence didactique, car de nombreux enseignants ont
tout de même une bonne connaissance des activités de combat enseignées à l’école et peuvent
généraliser leurs connaissances au karaté. Considérant la spécificité du traitement des données
du groupe des pratiquants de karaté, où seule la référence scolaire a été envisagée, nous ne
pourrons aller plus loin dans l’analyse comparative.
Compte tenu de l’avancée de notre travail au moment du dépouillement des
questionnaires, nous avons choisi de ne pas risquer de perdre la possibilité d’observer
l’enseignant stagiaire (Nicolas) susceptible en effet de partir loin de l’Académie de Toulouse
pour sa première mutation. Afin de réaliser cette pré-étude de cas pour élaborer et tester nos
127
outils méthodologiques, nous lui avons demandé s’il pouvait collaborer à notre recherche en
programmant un cycle de karaté au dernier trimestre de son année de stage, ce qu’il a accepté
avec enthousiasme. Sur les huit enseignants restant dans notre vivier disponible d’enseignants
collaborateurs pratiquants de karaté, Michel, Giovanni et Alain ont donné leur accord pour
collaborer à notre recherche. Nous avons alors quatre enseignants pour notre étude didactique
clinique, Nicolas constituera la pré-étude de cas. Pour les trois études de cas proprement dites,
la seule priorité que nous avons donnée est la disponibilité des enseignants quant à la
programmation d’un cycle de karaté en EPS. Le premier enseignant que nous pouvons
observer est Michel. Il constituera la première étude de cas, longitudinale. Nous
programmerons les deux autres observations, sachant que pour Alain, nous devrons nous
déplacer à Limoges trois fois, une fois pour le recueil des données de la première séance, une
autre fois pour le recueil de la séance d’évaluation, enfin une dernière fois pour l’entretien
d’après-coup. Nous allons maintenant établir un profil de ces quatre enseignants, en termes
d’expérience de l’enseignement du karaté et d’expertise dans l’activité, afin de les comparer.
2. La pré-étude de cas
2.1. Comparaison en termes d’expérience, d’expertise et de référence du savoir à
enseigner (SAE) des quatre enseignants collaborateurs
Nous allons nous attacher aux réponses données par Nicolas, Michel, Giovanni et
Alain dans le questionnaire préliminaire pour faire émerger leurs écarts en termes d’expertise
en karaté, d’expérience d’enseignant et de références concernant le SAE. Cette partie est
comparative, car il ne s’agit pas ici de procéder à l’étude de cas, mais simplement de situer les
quatre enseignants retenus les uns par rapport aux autres, ce qui constitue déjà une première
phase de la pré-étude de cas. Pour ce faire, nous nous proposons de reprendre la taxonomie du
déjà-là de Carnus (2002) en « déjà-là conceptuel » qui va renvoyer à la conception qu’à
l’enseignant de l’activité et la manière dont il la définit. Nous avons ensuite le déjà-là
« expérientiel », qui correspond à l’expérience de l’enseignant, en tant que karatéka et en tant
qu’enseignant. Enfin, nous détaillerons son « déjà-là intentionnel », à savoir ce qu’il compte
enseigner du karaté en EPS. Ce terme est bien approprié à ce stade de notre recherche car il ne
s’agit que d’un questionnaire et les enseignants n’ont pas encore forcément conduit un cycle
de karaté au moment de l’enquête préliminaire. On en est donc bien au niveau des intentions
128
au niveau du « savoir à enseigner ». Avant d’envisager l’interprétation de leurs réponses au
questionnaire, nous allons établir trois tableaux récapitulatifs de leurs réponses, l’un relatif à
leur déjà-là expérientiel (tableau 17), un autre relatif à leur déjà-là conceptuel (tableau 18 ) et
enfin le dernier relatif à leur déjà-là intentionnel (tableau 19 ). Nous avons repris pour cela les
réponses des quatre enseignants Nicolas, Michel, Giovanni et Alain et nous citons les extraits
significatifs de leurs réponses au questionnaire préliminaire dans les tableaux 17 à 20 qui
suivent.
2.1.1. Analyse comparative du déjà-là expérientiel des quatre enseignants
collaborateurs
Pour faire émerger le déjà-là expérientiel, nous avons analysé les réponses à la
question 2 : « si oui, combien d’année de pratique et quel grade avez-vous atteint ? » qui
nous renseigne sur l’expertise de l’enseignant en karaté, ainsi qu’à la question 6 : « si vous
enseignez le karaté en milieu scolaire, quelles sont vos références ? » où l’enseignant dévoile
souvent beaucoup son expérience.
129
Thème des
questions
Enseignants DEJA-LA EXPERIENTIEL
Michel 4 ans de pratique du karaté. Ceinture marron
Giovanni 37 ans de pratique du karaté. CN 2°dan.
Alain 21 ans de pratique du karaté. CN 2° dan.
Q2.
Expertise de
pratiquant
Nicolas 9 ans de pratique du karaté. CN 2° dan
Michel
Sa « pratique et son expérience dans la transposition
didactique »
Giovanni
Son « expérience de professeur d’EPS et de professeur de
karaté » « Brevet d’Etat deuxième degré ».
« Dix ans de compétition au niveau régional ».
« Je m’appuie sur des recherches personnelles
expérimentées dans mon club. Je me suis énormément
appuyé sur la réflexion pédagogique développée en judo et
plus particulièrement durant mon cursus en STAPS. J’irais
jusqu’à dire que c’est l’un de mes professeurs STAPS […]
qui m’a mis la puce à l’oreille, le jour où il nous a présenté
une trame originale d’enseignement du judo au sol. Une
trame comportementale et non techniciste, ce qui était en
soi une nouveauté qui se détachait de la progression
d’enseignement officielle en judo ».
Q6.
Expérience
d’enseignant
Alain
Nicolas
NE REPOND PAS A LA QUESTION, car il écrit à la
question 4 qu’ « il n’a pas eu les moyens de s’investir sur
un cycle […]. En tant que PLC2, nous avons tendance à
suivre le projet EPS établi ».
Tableau 17 : déjà-là expérientiel des quatre enseignants collaborateurs
En terme d’expertise du karaté, les enseignants ont des niveaux de pratique divers
mais pas très éloignés en ce qui concerne leurs grades. En effet, Michel est le moins gradé des
130
quatre (ceinture marron, que l’on obtient au bout de trois ans de pratique assidue environ).
Alain et Giovanni sont tous deux ceintures noires (CN) 2° dan mais Giovanni pratique le
karaté depuis 37 ans, Alain depuis 21 ans. Nicolas est déjà 2° dan, avec seulement neuf ans de
pratique.
Au niveau de l’expérience d’enseignant d’EPS, Michel met en avant ses compétences
didactiques, Alain ses recherches au niveau pédagogique, qu’il expérimente en club à partir de
cours de judo qu’il a suivi durant ses études. Giovanni parle de sa double casquette,
d’enseignant en club et d’enseignant d’EPS. Enfin, Nicolas n’a pas pu répondre à la question
car il n’a pas eu l’occasion dans sa jeune carrière débutante d’enseigner le karaté en EPS.
Nous avons un enseignant, Michel, qui insiste donc sur sa compétence d’enseignant d’EPS
tandis que les deux autres, Alain et Giovanni, utilisent une double référence, à l’enseignant de
club et à l’enseignant d’EPS. Nous pouvons rajouter qu’Alain accorde une place importante à
cet enseignant formateur qui lui a fait découvrir une « trame originale du judo au sol », à
laquelle il dit s’inspirer.
131
2.1.2. Analyse comparative du déjà-là conceptuel des quatre enseignants collaborateurs
Pour faire émerger le déjà-là conceptuel, nous avons retenu les réponses des
enseignants à la question 8 : « pour vous, qu’est-ce que-le karaté ? ». L’intégralité de la
réponse de chaque enseignant est donnée.
Thème des
questions
Enseignants DEJA-LA CONCEPTUEL
Michel
« Art martial de défense dont la finalité est la victoire sur son
agresseur. Pratique sportive de compétition ou d’hygiène mentale et
corporelle »
Giovanni
« Activité physique à double détente :
- Une activité de type percussion (combat), réglementée par le
code fédéral, où deux combattants s’affrontent dans un cadre
(espace/temps) avec des techniques définies par les
règlements fédéraux (compétition combat et/ou kata) ».
- Une activité d’expression et de développement personnel à
des fins de bien-être et d’esthétique (katas) ; une recherche de
rapport à l’autre dans l’existence ».
Alain
« Dans le champ scolaire, une boxe pieds-poings mettant en évidence
les principes d’actions propres au karaté et parallèlement un outil
d’éducation sur le plan de la gestion des ses émotions. Sinon, selon les
âges et le niveau sur le plan fédéral, une méthode d’éducation motrice
et comportementale pouvant servir de self défense et pour d’autres un
processus d’influence : en karaté, le prof n’est pas prof, il est senseî
avec tout ce que cela représente. C’est-à-dire sa capacité
d’interprétation des valeurs dites martiales ».
Q8.
Définition du
karaté
Nicolas
« Art martial relativement complet, comprenant des techniques
pieds/poings, projections, arm locks, etc. Cette discipline permet le
développement d’une certaine éthique et par la diversité des formes de
pratiques proposées (kata, combat traditionnel, karaté jutsu, karaté
contact, karaté artistique, karaté style aérobic) permet d’intéresser un
large public ».
Tableau 18 : déjà-là conceptuel des quatre enseignants collaborateurs
132
Nicolas et Michel définissent l’activité karaté comme un « art martial », Giovanni
comme « une activité à double détente » et Alain comme une « boxe pieds-poings » dans le
champ scolaire. On a trois définitions bien distinctes du karaté, qui renvoient à une référence
historique pour Nicolas et Michel, à la référence scolaire pour Alain, et aux références
sportive et scolaire pour Giovanni. Dans le cas de ce dernier, la deuxième partie de sa
définition est inclassable dans notre taxonomie des références car il envisage là un aspect du
karaté qui renvoie au rapport à soi et à l’autre, ce qui sera à préciser par la suite, lors de son
étude de cas notamment. On s’apercevra dans cet ordre d’idée que les quatre enseignants
incluent dans leur définition un aspect éthique, comportemental : Michel parle « d’hygiène
mentale et corporelle », Giovanni de « développement personnel à des fins de bien-être »,
Alain « d’éducation motrice et comportementale » et enfin Nicolas de « développement d’une
certaine éthique ». Il sera alors intéressant de voir comment les enseignants transforment ces
préoccupations en SAE.
2.1.3. Analyse comparative du déjà là intentionnel des quatre enseignants
collaborateurs
De la même manière que précédemment, nous extrayons le déjà-là intentionnel général
de l’analyse des réponses des enseignants à la question 9 : « Quels sont selon vous les
contenus à privilégier pour enseigner cette activité en milieu scolaire ? » Les réponses à cette
question sont intégralement retranscrites dans le tableau suivant (tableau 19). Ce déjà-là
intentionnel général correspond aux intentions de l’enseignant au niveau du SAE. Le tableau
20 par contre répertorie les réponses des enseignants au niveau d’intentions plus spécifiées
concernant l’entrée dans l’activité, la situation de référence (que nous appellerons « situation
mère » afin d’éviter tout quiproquo avec le terme de référence qui est l’objet de notre
recherche) et l’évaluation, puisque c’était ce qui leur était demandé de décrire à la question 7.
Au niveau du SAE, Michel donne une orientation technique « grâce à des formes
variées de travail » (cf. tableau 19) et sécuritaire, par la « gestion du couple risque-sécurité ».
Giovanni énonce de nombreuses intentions, allant de l’incertitude liée à l’affrontement […]
prise et reprise d’initiative » qui sont des savoirs stratégiques à la notion de « contrôle
musculaire » qui est un savoir intéroceptif, ou encore le « respect de l’autre » qui renvoie à un
savoir éthique. Son SAE est très diversifié. Alain souhaite orienter son enseignement sur « la
gestion du couple action-réaction à travers une opposition sécurisée » afin de permettre « une
133
intégration progressive des critères de réalisation des techniques ». Son SAE est technique et
stratégique. La notion d’ « opposition sécurisée » laisse penser qu’il intègre des savoirs
sécuritaires à son enseignement. Enfin, Nicolas envisage un SAE varié, un peu comme celui
de Giovanni, avec « l’apprentissage du premier kata » ce qui renvoie à des savoirs techniques
et aussi « le respect des rituels, de l’adversaire » qui sont des savoirs éthiques.
En résumé, le SAE des quatre enseignants, au jour de l’enquête préliminaire est :
- technique et sécuritaire pour Michel.
- Stratégique et éthique pour Giovanni.
- Stratégique et technique pour Alain.
- Technique et éthique pour Nicolas.
Trois enseignants sur les quatre intègrent au niveau du SAE des savoirs techniques,
deux sur quatre des savoirs stratégiques et des savoirs éthiques. Nous noterons que Michel et
Alain intègrent aussi des savoirs sécuritaires dès le SAE.
134
Thème des
questions
Enseignants DEJA-LA INTENTIONNEL GENERAL
Michel
« Technique grâce à des formes variées de travail (kata, kihon, kumite)
et la gestion du couple risque-sécurité grâce aux rapports de distance ».
Giovanni
« L’incertitude liée à l’affrontement ; la notion de distance de garde,
d’affrontement, sociale ; contraction, décontraction musculaire, le
kime ; la notion de contrôle musculaire et non articulaire ; la notion de
tori / uke - dominant / dominé ; la notion de partenaire/adversaire –
avec/contre ; prise d’initiative – reprise d’initiative – confusion ; aspect
mécanique, énergétique, informationnel ; notion de respect de l’autre ».
Alain
« Au niveau collège, l’approche technique proposée à travers les outils
de la méthode traditionnelles (kihon, kata et assauts traditionnels) ne
sont pas concevables. J’ai tenté une entrée dans l’activité par les assauts
conventionnels avec pour objectif : la gestion tactique du couple
« attaque-défense » dans le respect des critères de réalisation des
techniques employées (aller vers le jyu ippon kumite). Cela n’a duré
que 3 séances, l’impérative obligation d’intégrer les critères de
réalisation technique comme le prône la méthode traditionnelle a très
rapidement été un frein au développement de l’activité. Période d’étude
des gestes et donc de concentration, trop longue s’opposant au besoin
que les élèves manifestaient : se dépenser. Au final, la gestion du
couple action-réaction à travers une opposition sécurisée est un support
d’enseignement qui permet une intégration progressive des critères de
réalisation des techniques. En d’autres termes, cela oblige à définir la
technique […] comme une action répondant à la gestion simultanée de
plusieurs principes (d’action) ».
Q9.
SAE
Nicolas
« Respect des rituels, de l’adversaire (éthique) ; maîtrise de quelques
techniques pieds/poings et de leur terminologie ; apprentissage du
premier kata ; ippon kumite, apprentissage de quelques blocages,
logique d’esquive ».
Tableau 19 : déjà-là intentionnel général des quatre enseignants collaborateurs
135
Au niveau du déjà-là intentionnel spécifique, qui entend que les enseignants spécifient
dans leurs réponses à la question 7 du questionnaire préliminaire, l’entrée dans l’activité,
la situation mère, et enfin l’évaluation prévue, Michel distingue d’emblée deux entrées
suivant les caractéristiques de la classe. Ainsi, dans le cas d’une classe « difficile » (cf.
tableau 20), Michel prévoit une entrée stratégique, par le combat (« kumite »), tandis que dans
le cas d’une classe « scolaire », il envisage plutôt une entrée technique (« kihon, kata ») sans
omettre la dimension stratégique (« combat ») mais il définit cette dernière entrée de
« traditionnelle », car il reprend en effet les trois domaines de l’entraînement en karaté que
nous avons développés en fin de première partie de la thèse sur la connaissance de l’activité.
Sa situation mère est « un bunkaï » ou autrement dit une situation de travail en duo
d’application d’une partie d’un kata. Cette situation met en jeu des savoirs techniques. Enfin,
en ce qui concerne l’évaluation, Michel l’envisage dans la même optique que son entrée
« traditionnelle », centrée sur les trois domaines de l’entraînement en karaté. Les savoirs
évalués seraient alors techniques et stratégiques.
Giovanni envisage une entrée « par l’affrontement défini », soit en duo et duel, et ce
qu’il souhaite définir est sans doute les armes et les cibles autorisées. Sa situation mère est
une situation de ippon kumite, où l’attaquant délivre une attaque, le défenseur se protège et
contre-attaque. L’évaluation « formative » que Giovanni décrit est dans la continuité de cette
situation qu’il va utiliser tout au long du cycle, la complexifier en jouant sur les variables de
l’opposition, pour l’évaluer au degré complexité (niveau) atteint par les élèves.
Alain compte rentrer dans l’activité karaté en EPS par le « combat aménagé » ce qui
renvoie à des savoirs stratégiques. Notons que Giovanni parle lui « d’affrontement défini », ce
qui peut représenter la même entrée pour ces deux enseignants. Comme dans le cas de
Giovanni, Alain utilise une situation mère pour entrer dans l’activité, qui est précisément la
situation de combat aménagé qu’il précise. En ce qui concerne l’évaluation, Alain n’évoque
que son organisation, « par poules », ce qui laisse penser qu’il compte évaluer ses élèves dans
la même situation de combat aménagé.
Nicolas, enfin, compte entrer dans l’activité par des savoirs techniques « le kata et
l’application simple de ce kata ». Sa situation mère reste aussi technique avec « des séries de
kihon à exécuter », ce qui correspond, rappelons-le, à des techniques d’attaque et de défense
que les élèves réalisent « dans le vide », sans partenaire. Nicolas compte évaluer son
136
enseignement sur le kata et son application par deux en duo, ce qui correspond à une
évaluation techno-centrée.
Thème des
questions
Enseignants DEJA-LA INTENTIONNEL SPECIFIQUE
Michel
- « Si classe difficile entrée par le kumite et le bunkaï ; si classe
scolaire entrée traditionnelle, kihon, kata, combat ».
- La situation de référence est « un bunkaï ».
- L’évaluation est « tri partite : respect de la tradition avec un kata, du
kihon sur les techniques vues et du combat libre ou dirigé en fonction
du niveau de classe ».
Giovanni
- « Entrée dans l’activité par l’affrontement défini. Travail de
situations à deux, tori/uke puis mise en situation réelle. Le kata en fin
de séance pour détendre ».
- « La situation de référence est une situation d’affrontement, savoir
se protéger avant de contre-attaquer ».
- Evaluation : « formative, la capacité à ne pas reculer, à se protéger
et saisir les opportunités de la situation ».
Alain
- Entrée « par l’opposition (combat aménagé) ».
- La situation de référence : « par deux face à face, atteindre en un
temps donné (1 minute temps plein) plus de cibles que l’adversaire
dans le respect des critères de réalisation des techniques employées ».
- Evaluation : « par poules de 5 minimum avec arbitrage. Perf :
nombre de victoires/nombre de combats. Maîtrise : nombre de points
marqués/nombre de combats ».
Q7.
Spécification
de l’entrée
dans l’activité,
la « situation
de référence »
et l’évaluation
Nicolas
- « Entrée par le kata et l’application simple de ce kata type bunkaï en
ippon kumite. C’est seulement ensuite que j’aborderai le pôle
combat ».
- « Ma situation de référence serait certainement une ou des séries de
kions à exécuter ».
- L’évaluation : « réalisation du kata à 2/3 puis application en ippon
kumite ».
Tableau 20 : déjà-là intentionnel spécifique des quatre enseignants collaborateurs
137
Au regard des analyses des différents déjà-là, expérientiel, conceptuel et intentionnel
des quatre enseignants, et avant de présenter la pré-étude de cas Nicolas, nous allons proposer
une synthèse du déjà-là de Michel, Giovanni et Alain.
2.1.4. Analyse singulière des trois enseignants Michel, Giovanni et Alain
Michel est enseignant d’EPS depuis quinze ans. Il a quatre ans de pratique de karaté et
a atteint le grade de ceinture marron (cf. tableau 17). Il enseigne le karaté en EPS dans son
établissement, à des élèves de BEP. Michel fait état d’une référence large du karaté car il
envisage les aspects les plus antinomiques de l’activité, à savoir un aspect martial et l’autre
sportif. Dans l’analyse du karaté qui a été faite en première partie, nous avons vu que ces
références ne sont pas forcément contradictoires mais complémentaires. Pour lui, les savoirs à
enseigner sont techniques avant tout. Les formes de travail variées qu’il évoque renvoient à
une référence très traditionnelle de l’entraînement. En effet, comme nous l’avons déjà évoqué,
un entraînement type en karaté se compose d’une partie de travail dans le vide (kihon), puis
de travail à deux en combats aménagés (kumite) et enfin de kata en fin de séance. Michel
ajoute néanmoins « la gestion du couple risque-sécurité grâce aux rapports de distance » car il
envisage là le travail des kumite en assauts aménagés, ce qui s’éloigne radicalement d’un
enseignement techno-centré mais apporte une dimension stratégique à son projet
d’enseignement. On peut dire que Michel envisage un enseignement technico-tactique qui
traduit sa référence scolaire du karaté. Ceci n’est pourtant pas en accord avec sa définition de
l’activité qui prend en compte d’emblée la dimension d’autodéfense du karaté (« art martial
de défense dont la finalité est la victoire sur son agresseur »). Il sera intéressant d’observer
quels savoirs il enseigne réellement car ceux qu’il évoque sont nombreux. Si l’on devait
résumer le profil de Michel, celui-ci révèle une référence historique de l’activité comme
méthode d’auto défense et un attachement aux valeurs et à un entraînement traditionnels qui
vont dans le sens de cette référence. D’une certaine manière, Michel fait état d’un attachement
certain aux traditions et aux valeurs et il sera intéressant de voir si son enseignement du karaté
en EPS respecte ou pas cette référence historique.
Alain est enseignant d’EPS depuis quinze ans aussi. Par contre, il pratique le karaté
depuis 21 ans et a atteint le grade de deuxième dan. Des trois enseignants, c’est celui qui a le
plus d’expérience dans l’enseignement du karaté en EPS puisqu’il a déjà conduit plusieurs
cycles en EPS et a participé à la formation continue des professeurs d’EPS en tant que
138
formateur dans cette activité. Il délivre son option didactique pour le karaté en EPS : « au
final, la gestion du couple action-réaction à travers une opposition sécurisée est un support
d’enseignement qui permet une intégration progressive des critères de réalisation des
techniques. En d’autres termes, cela oblige à définir la technique […] comme une action
répondant à la gestion simultanée de plusieurs principes (d’action) ». Alain opte donc pour
une entrée dans l’activité par l’opposition sécurisée, ou autrement dit, « le combat aménagé »,
comme il l’écrit en réponse à la question 7 sur l’entrée dans l’activité. Les analyses
préliminaires du cas Alain montrent que l’on peut présupposer une référence sportive d’Alain,
ce que l’étude de cas croisée confirmera ou pas.
Giovanni est celui qui a le plus d’expérience de la pratique et de l’enseignement du
karaté en club. Il pratique en effet le karaté depuis 37 ans et a atteint le grade de CN 2°dan.
Par contre, même s’il est plus âgé que Michel et Alain, il n’enseigne l’EPS que depuis une
quinzaine d’années car il a commencé sa carrière dans l’enseignement technique et est arrivé
à l’EPS par la voie des concours internes. Quand il lui est demandé des informations sur son
expérience, celle ci est très liée à son statut de professeur de karaté : « expérience de
professeur d’EPS et de professeur de karaté », « Brevet d’Etat deuxième degré » (cf. tableau
17). Quand on lui demande de définir le karaté, il écrit : « une recherche du rapport à l’autre
dans l’existence » (cf. tableau 18) . Pour Giovanni, le karaté dépasse le tatami et le dojo : c’est
une philosophie de vie. Il envisage deux aspects du karaté, le combat d’abord mais sous sa
forme compétitive en référence aux règlements fédéraux. Il sera intéressant de voir si son
enseignement du karaté en EPS tient compte de ces deux aspects. Pour autant, lorsqu’il lui est
demandé quelle sera son entrée dans l’activité Giovanni n’envisage plus qu’un aspect du
karaté : « Entrée dans l’activité par l’affrontement défini. Travail de situations à deux, tori/uke
puis mise en situation réelle » (cf. tableau 18). Giovanni envisage un enseignement centré sur
l’apprentissage de l’opposition, par « l’affrontement défini », centré sur des aspects défensifs.
Les aspects martiaux de l’activité sont de ce fait très présents dans ce que prévoit Giovanni,
mais en même temps, son entrée et son évaluation centrées sur l’affrontement défini laissent
présager une réflexion didactique. Giovanni fait donc état de références à la fois historiques,
didactiques et scolaires et il sera intéressant d’analyser dans son enseignement observé en
classe si l’une d’elle se détache nettement.
Au terme de cette analyse à la fois comparative et singulière des enseignants
collaborateurs au questionnaire préliminaire et en fonction de leurs réponses aux différentes
139
questions, nous avons pu à ce stade établir un profil du déjà-là de chaque enseignant. Ce profil
n’est valable qu’au jour de l’enquête préliminaire et la référence enseignante est susceptible
de changer avec le temps, en fonction des expériences vécues par eux, de leur expertise qui
augmente car chacun continue à pratiquer et à enseigner. Nous verrons par la suite, dans
l’épreuve d’observation de l’enseignement si leurs intentions se confirment, ou si au contraire
ils mettent en œuvre des remaniements, des changements, voire des ruptures. Il sera alors
intéressant d’en interroger les raisons dans les entretiens que nous ferons. Pour l’instant, nous
allons « figer » un profil du déjà-là de chaque enseignant, en rapport à la référence du karaté à
enseigner en EPS (cf. tableau 21 ).
NOM Le déjà-là
Michel La gestion du couple risque-sécurité
Giovanni L’affrontement codifié
Alain Le combat aménagé
Nicolas A définir dans la pré-étude de cas qui suit.
Une hypothèse : le combat sportif ?
Tableau 21 : synthèse du déjà-là des quatre enseignants
2.2. La pré-étude de cas : Nicolas
2.2.1. Présentation et objet de la pré-étude de cas
Nous allons maintenant présenter la pré-étude de cas Nicolas qui sert à la mise à
l’ épreuve des outils méthodologiques. De plus, pour les études de cas, il vaut mieux aussi
rapprocher les trois enseignants expérimentés qui sont Michel, Alain et Giovanni. En guise de
rappel, il s’agit d’un enseignant stagiaire de deuxième année IUFM, en poste dans un collège
de Beaumont de Lomagne, avec une classe de quatrième débutante dans l’activité karaté.
L’enseignant associé est pratiquant de karaté, ceinture noire deuxième dan, compétiteur de
très bon niveau en combat (Coupe de France fédérale et championnat de France
Universitaire).
Comme nous l’avons déjà souligné dans le chapitre consacré à nos options
conceptuelles, la clinique vient du grec « klinikos » qui concerne ce qui se fait au chevet du
140
malade. Dans cette acception, la recherche clinique va alors analyser ce qui est accidentel ou
contingent. Dans cette pré-étude clinique et didactique, nous allons montrer que l’enseignant
(Nicolas) est en contradiction dans son rapport SAE/SRE. Pour ce faire, nous avons déjà
étudié une partie de la référence énoncée de Nicolas sur l’activité par l’étude de ses réponses
au questionnaire préliminaire et à sa définition de l’activité, comme nous l’avons fait pour
Michel, Giovanni et Alain. Nous analyserons dans son étude de cas, au travers du traitement
didactique qu’il a fourni et de l’entretien préalable, les savoirs qu’il avait le projet d’enseigner
lors de la première séance. Enfin, l’étude des verbatim, qui sont la retranscription in extenso
des communications orales, extraits de l’enregistrement de la leçon et des entretiens ante et
post séance, nous permettra de mettre en évidence les écarts entre le SAE et le SRE. Cette
pré-étude de cas, même si elle ne se réalise que sur une séance, va nous permettre dans un
premier temps de mettre à l’épreuve nos outils méthodologiques, notamment ceux du recueil
des données, à savoir le matériel vidéo et audio que nous détaillons plus loin, mais aussi la
conduite des entretiens ante et post séance. Dans un second temps, cette pré-étude de cas va
apporter ses premiers résultats et nous pourrons alors mieux orienter le recueil et le traitement
des données des études de cas proprement dit : Michel, Giovanni et Alain.
2.2.2. Méthodologie employée
2.2.2.1. Enregistrement des séances
Nous avons choisi de cibler le recueil des données de cette phase préalable sur la
première séance du cycle car c’est lors de celle-ci que l’enseignant met en jeu les savoirs sur
lesquels il va centrer son enseignement. Autrement dit, elle donne les intentions de
l’enseignant pour le cycle entier même si le professeur est obligé de procéder à de nombreuses
remédiations en fonction de la progression des élèves notamment. En outre, son choix
d’entrée dans l’activité s’explicite souvent lors de cette séance et est révélateur de la référence
utilisée par l’enseignant, et pas seulement de celle qu’il évoque soit dans le questionnaire soit
par la suite lors de ses entretiens. En effet, si l’enseignant fait le choix d’une première séance
à dominante technique, avec beaucoup de reproduction de formes, on peut penser que celle-ci
gardera une place importante dans la suite du cycle, et notamment dans l’évaluation, ce que
d’ailleurs le projet de classe fourni par l’enseignant pourra confirmer ou non. Cette leçon est
intégralement enregistrée au moyen de l’outil vidéo. Le micro intégré à la caméra est
suffisamment performant pour que soit ensuite possible la retranscription des verbatim (les
141
communications de l’enseignant), sans recours supplémentaire d’un micro-cravate.
Néanmoins, pour des raisons de sécurité, nous avons doublé les média utilisés par un
dictaphone numérique qui enregistre toutes les communications de l’enseignant en vue de
l’étude clinique de celles-ci. Comme ce sont en priorité celles-ci qui nous intéressent, il nous
semble judicieux de prévoir deux médias pour y accéder, en cas de défaillance technique du
matériel. De plus, l’image vidéo permet à un moment donné de rendre plus explicite un
discours de l’enseignant, en le contextualisant. Par exemple, lorsque l’enseignant explique
une situation, il est intéressant de savoir s’il utilise la démonstration, s’il montre aux élèves ce
qu’ils vont devoir réaliser (phénomène d’ostension). Enfin, puisque notre problématique est
centrée sur la détection des traces des écarts entre les savoirs prévus et réalisés, la vidéo
permettra de garder justement une trace, en tant que preuve d’un écart, à laquelle nous
pourrons par exemple confronter l’enseignant au cours d’un entretien.
2.2.2.2. L’entretien ante séance (EAS)
Un EAS est effectué avec l’enseignant associé et enregistré. Il s’agit lors de cet
entretien de le faire s’exprimer sur son déjà-là en karaté, son option didactique, ses objectifs
de cycle, les savoirs qu’il compte mettre en jeu dans la première séance et la cohérence entre
les deux. Le chercheur se centre autrement dit sur les intentions de l’enseignant. Nous avons
de ce fait opté pour un entretien semi dirigé où nous demandons à l’enseignant de se
présenter, de détailler son expérience en karaté, pour enchaîner par une question sur ses
intentions pour la première séance.
2.2.2.3. L’entretien post séance (EPS)
Un entretien post séance, dès la fin de la leçon, permettra de repérer les écarts
éventuels entre le savoir à enseigner (SAE) et le savoir réellement enseigné (SRE). A ce
niveau, nous nous centrons sur les actions effectives de l’enseignant et les décisions qu’il a
prises. Cela reste un entretien semi dirigé car nous commençons par demander un bilan de
séance à l’enseignant pour ensuite l’amener sur des moments caractéristiques de celle-ci où
nous avons détecté des incohérences entre le dire et le faire. L’enseignant fournit le traitement
didactique qu’il a choisi, sa trame du cycle ainsi que la première séance, modélisée à sa
convenance par écrit. Ce média sert notamment comme trace du SAE, support au niveau de
l’entretien préalable et de l’entretien d’après-coup.
142
2.2.3. Résultats de la pré-étude de cas
2.2.3.1. Les traces du SAE
Dans l’entretien préalable à la séance qu’il a mené, Nicolas nous parle de sa pratique
du karaté et notamment de sa réussite en compétition combat : « 3ème en Coupe de France
karaté contact en 2004, une fois 5ème en Coupe de France seniors en 2005 » (Extrait de
verbatim, cf. annexe 2). On peut comprendre en effet cette référence sportive du karaté du fait
aussi de son jeune age, « né en 83, 22 ans », (ibid.) et qu’il pratique cette forme dure de la
compétition qu’est le karaté contact renforce l’idée que Nicolas, en tant que pratiquant, est à
la recherche de l’efficacité sportive. Dans cette optique, nous constatons dans ses réponses au
questionnaire préliminaire, pour ce qui concerne l’entrée dans l’activité, Nicolas prévoit « une
entrée par le kata et l’application simple de ce kata de type bunkaï en ippon kumite » (cf.
annexe 1). De plus, lorsqu’on lui demande de décrire la situation mère, on pourrait s’attendre
à ce qu’il évoque un assaut aménagé alors qu’il répond : « une situation de référence serait
certainement des séries de kihon à exécuter » (ibid.). Autrement dit, sa situation mère serait
un travail dans le vide où les élèves répètent un enchaînement dans le vide, un peu comme
dans le shadow boxing (boxe dans le vide). Nicolas est dans une logique d’enseignement
technique, que l’on retrouve aussi dans les contenus qu’il énonce, à privilégier pour enseigner
l’activité en milieu scolaire : « maîtrise de quelques techniques pieds/poings et de leur
terminologie, apprentissage du premier kata » (ibid.). Pour autant, la définition qu’il donne de
l’activité que Nicolas donne dans la partie des planifications consacrées au traitement
didactique, est : « l’acquisition d’outils pour le combat » (cf. annexe 6). Dans la trame de
cycle qu’il fournit, les objectifs principaux sont : « apprendre heian nidan et connaître les
applications (bunkaï du kata) » (ibid.), ce qui, pour cette deuxième partie, représente
effectivement moins un travail purement technique mais plus de recherche de sens et
d’efficacité. En effet, le bunkaï permet par un travail en duo de trouver des explications
réalistes à certains enchaînements du kata. On notera néanmoins que Nicolas ne conçoit pas le
bunkaï selon cette acception puisque pour lui, quand on lui demande si cela le gêne de
considérer le bunkaï comme du combat, il répond : « c’est une étape mais on y est quand
même pas encore. C’est trop défini » (cf. annexe 4). Dans le document fourni par Nicolas où
il détaille les premières situations auxquelles vont être confrontés les élèves, soit « kihon
technique de base et kata heian nidan » (cf. annexe 7), la consigne écrite par lui est : « seul et
en ligne, je reproduis ce que me montre le prof sur des allers-retours » (ibid.). La démarche
143
d’enseignement est clairement référée à l’imitation et à la répétition de techniques. La
recherche de sens des techniques apprises par les élèves est apparemment absente de cette
première phase.
En résumé, il semble s’avérer que la référence première de Nicolas est bien le combat
et l’efficacité en karaté mais qu’il n’envisage pas de l’utiliser dans les savoirs qu’il veut
enseigner. Il envisage nettement un enseignement traditionnel, où les savoirs éthiques et
techniques ont la plus grande place. Il y a donc rupture chez Nicolas entre sa référence du
karaté et sa référence de l’enseignement du karaté.
2.2.3.2. Les traces du SRE dans l’épreuve
On trouve en annexe 3 le détail de la séance que Nicolas a conduit, sous forme de
verbatim de l’enseignant. Conformément à ses intentions, exprimées dans l’entretien
préalable : « leur permettre d’acquérir quelques techniques de base du karaté, leur apprendre
quel est le principal rituel, le salut en l’occurrence, puis également leur faire découvrir aussi
bien le travail seul qu’avec partenaire » (cf. annexe 2), Nicolas débute sa séance en
exprimant ses objectifs de cycle aux élèves : « je vais vous apprendre pas mal de petits trucs,
les rituels, comment on salue, quelques techniques, on travaillera kihon, à deux » (cf. annexe
3).
Le tableau suivant (cf. tableau 22) permet d’avoir une vue synoptique de la
planification de la leçon fournie par Nicolas, ce qui va en outre nous permettre de comparer
SAE et SRE.
144
Séance 1 cycle Karaté, classe de 4°, thèmes : kihon et kihon ippon kumite
Situations But Temps
effectif
SAE
Prise en main 5’’ Salut
Echauffement
10’’
Course, étirements, mobilisation
articulaire.
1
Apprentissage du oï tsuki
(coup de poing) sur
position basse zen kutsu
7’’
Avancer en zen kutsu et oï tsuki.
2
Apprentissage des niveaux
(cibles)
5’’
Oï tsuki jodan, chudan, gedan.
3
Apprentissage d’un
blocage
7’’
Blocage tensui uke (marteau)
4
Enchaîner blocage, contre-
attaque
5’’
Bloquer tensui uke, avancer en zen kutsu et
frapper oï tsuki
5
Apprentissage d’une
position de base avec un
blocage
7’’
Position shiko dachi sur place, blocage
shuto baraï, sur le côté
6
Travail d’application à
deux (duo)
8’’
ATT : oï tsuki chudan
DEF : Bloque tensuï, contre-attaque tsuki
7
Travail d’une autre
application du blocage
5’’
ATT : saisie au poignet
DEF : se dégage en faisant le blocage
tensuï
8
Apprentissage d’un coup
de pied
10’’
ATT : mae geri
DEF : bloque en shuto baraï sur la position
shiko dachi et contre-attaque shuto uchi
(au cou).
9
Retour au calme
5’’
Bilan de séance. Perspectives pour les
autres cours. Salut.
Tableau 22 : planification de la première leçon de Nicolas
Nicolas commence effectivement la séance par le rituel du salut (cf. tableau 22) :
« dans un premier temps on salut le créateur du karaté […], ensuite on va saluer ensemble, le
145
professeur salue les élèves et les élèves saluent le professeur, on dit senseî ni reï… » (cf.
annexe 3.), ce qui prouve son intention réelle de transmettre des savoirs éthiques aux élèves.
Après l’échauffement, la séance démarre par l’apprentissage d’une position où les élèves
doivent reproduire ce que fait le professeur (cf. tableau 22, situation 1) : « On se remet en
ligne […]. Cette position avec la jambe avant fléchie et la jambe arrière tendue s’appelle zen
kutsu dachi » (cf. annexe 3). Nicolas enchaîne ensuite avec l’apprentissage d’une technique de
poing (situation 1) : « ce qu’on va faire, on va apprendre un premier coup de poing. Ce
premier coup de poing s’appelle oï tsuki […]. Tous face à moi en garde » (ibid.). Nicolas
continue par l’apprentissage des différentes cibles (situation 2) que l’on peut attaquer en
sports de combat de percussion : « ici vous avez les différents niveaux. En karaté, on peut
attaquer à trois niveaux différents » (ibid.). Il s’avère que même dans cet apprentissage là, il
s’agit pour l’élève de viser une cible imaginaire puisque les élèves sont toujours en ligne et
travaillent les coups de poing dans le vide : « Allez, on est au visage, itch ! Vise la tête,
regarde si je me mets en face de toi… » (Ibid.). Il propose ensuite un enchaînement (situation
4), mais sans préciser dans un premier temps à quoi servent ces techniques, ni l’enchaînement
des deux. Il se contente de décrire la nouvelle technique en la démontrant (situation 3) : « on
va se mettre en position et on va enchaîner deux techniques […]. La technique qu’on va faire
s’appelle tensuï […]. La technique elle fait d’accord un soleil. Pourquoi c’est facile parce
que quand vous effacez le tableau vous faites comment ? (Ibid.). Puis vient l’apprentissage
d’une autre position de combat (situation 5) : « on va se mettre pour cette technique dans la
même position qu’on a fait tout à l’heure à l’échauffement, on écarte un peu les jambes. C’est
une position difficile qui s’appelle shiko dachi » (ibid.), à laquelle Nicolas inclue un travail de
blocage main ouverte : « et ici, regardez, on va faire des techniques cette fois-çi mains
ouvertes […]. Pour ouvrir la main, les doigts sont serrés et les pouces rentrés pour (ne) pas
se les accrocher » (ibid.). Encore une fois, il s’agit toujours d’un travail que les élèves
effectuent dans le vide puisque Nicolas précise même « c’est difficile pourquoi ? Parce qu’au
lieu d’avancer en marchant comme on le fait d’habitude il va falloir s’imaginer que la
personne est en face là… » (ibid.). C’est après plusieurs répétitions de ce travail que Nicolas
arrêtera là cette première partie de la séance, à la situation 5 sur 9 au total. Jusque là, la leçon
de Nicolas est très traditionnelle, quasiment analytique avec des répétitions de geste
techniques, des positions, des attaques et des blocages. Cette longue première partie statique
dure 46 minutes, pour passer à une phase plus dynamique et interactive (23 minutes) où il
commencera par faire travailler les élèves par deux afin de mettre en application les
techniques vues précédemment sur un assaut aménagé.
146
2.2.3.3. Conclusion : le rapport SAE / SRE
Nicolas souligne dès le début de son bilan de séance le peu d’écart entre intentions et
réalisations : « j’ai réalisé la majorité des choses que j’avais envie de faire » (cf. annexe 4,
EPS). Il est aussi conscient de son entrée dans l’activité : « j’ai abordé d’un point de vue
technique, traditionnel, même si j’ai sauté les étapes statiques où l’on décompose chaque
technique » (ibid.). Il justifie d’ailleurs cette entrée par rapport au profil de la classe, dont les
caractéristiques (problèmes d’attention, de concentration, de perturbations par certains)
conviennent plus à l’entrée, aux contenus et à la démarche d’enseignement choisie : « je suis
resté donc assez traditionnel et je pense que cela peut convenir à cette classe, même si une
entrée plus sportive m’intéresserait […]. J’ai réalisé qu’avec cette classe ce n’était pas ce qui
allait être le mieux parce-qu’ils sont assez perturbateurs pour certains » (ibid.). Nicolas
aborde là le difficile enjeu de l’adaptation des savoirs à enseigner aux caractéristiques de la
classe et au problème que l’enseignant a sans cesse à gérer dans l’institution scolaire : la
gestion de l’hétérogénéité des élèves. Lorsqu’on lui demande par la suite ce qu’il entend par
une entrée sportive, il a beaucoup de mal à dire seulement le terme combat, comme si c’était
une bourde ou quelque chose d’interdit : « moi, je serai directement sur une entrée…euh…par
le…par le…disons le randori souple…le randori…le combat quoi […]. C’est toujours délicat
de dire en judo, en boxe ou autre, premier cours on va attaquer du combat… » (Ibid.). En
d’autres termes, Nicolas est divisé entre :
- sa formation d’enseignant, car n’oublions pas qu’il est au moment de
l’ expérimentation professeur stagiaire en formation, donc au fait des « méthodes
modernes » d’enseignement (mettre les élèves au centre du processus d’apprentissage,
donner du sens au situations, varier les procédures d’enseignement pour tenir compte
de l’hétérogénéité des élèves face aux apprentissages etc.).
- Sa référence personnelle, orientée vers les aspects sportifs et compétitifs de l’activité.
- L’option scolaire d’enseignement du karaté qu’il a développé lors de cette première
séance. En effet, un peu plus loin dans son entretien final, Nicolas dira : « c’est fou
parce que moi mon domaine c’est le côté sportif du karaté. C’est quelque chose que je
maîtrise cent fois plus que ce que j’ai fait aujourd’hui en cours […]. Le côté sportif,
c’est préférable…je le sais je l’ai compris mais je ne le sentais pas avec cette classe
[…]. Cela peut être bien sur une entrée par le combat avec des consignes et des
critères bien particuliers […]. Et puis je ne serai pas forcément rentré sur de
l’opposition. Ca peut être des situations sur cibles pour préparer au combat » (ibid.).
147
On peut noter dans les propos de Nicolas cette division entre sa référence personnelle,
sportive de l’activité, ce qu’il maîtrise le mieux comme il le dit lui-même et sa référence
scolaire naissante du karaté qui se trouve largement influencée par la classe et la peur de ne
pas pouvoir tout contrôler. Dans le même ordre d’idée, il s’avère lorsqu’on lui demande, en
interrogeant ses propres références sportives au combat, quels « outils pour le combat » (cf.
annexe 4) il a donné aux élèves, Nicolas répond, embarrassé : « à partir du moment où je leur
fais faire un tsuki sur place, c’est un outil pour le combat. Là on est à cent lieux du combat
mais…Bon. Je sais pas si c’est un passage obligé parce que finalement c’est ce qu’on dit mais
j’en suis pas sûr. Pas sûr qu’avoir appris gedan baraï bien comme il faut dans le contexte
combat ça sert finalement à rien » (cf. annexe 4). Nicolas se rend compte à ce moment là que
l’apprentissage technique a ses limites. Il ne devrait d’après lui n’avoir qu’une place très
limitée en EPS, au contraire de ce qu’il a fait lors de la séance qu’il a conduite. Cela renforce
la question de l’écart qu’il peut y avoir entre la référence personnelle de l’enseignant et la
référence institutionnelle.
2.2.4. Conclusion de la pré-étude de cas Nicolas : perspectives envisagées
Au terme de cette pré-étude de cas, plusieurs questions sur la problématique de la
référence émergent :
- le savoir que le professeur enseigne est-il forcément en relation à sa propre référence?
- L’écart entre SAE et SRE, ou l’absence d’écart, révèle-t-il LA référence de l’enseignant ou
la référence attendue de l’institution ?
- Les traces de la référence, qui émergent par l’analyse des écarts, sont-elles toute la référence
ou des parties de celle-ci, voire des parties de différentes références ?
- L’enseignant ne peut-il pas avoir plusieurs références, qui agissent comme autant
d’influences sur son enseignement, qui devient, du coup « composite » ? (Martinand, 1992).
148
Pour résumer ces questions sur la référence enseignante, l’une d’elles nous paraît
revêtir une importance particulière au regard de notre problématique sur les écarts :
L’analyse de la référence enseignante ne doit-elle pas prendre en compte et différencier ce qui
est de l’ordre de la référence à l’activité elle-même et ce qui est de l’ordre de la référence à
l’enseignement de celle-ci ?
En effet, la pré-étude de cas Nicolas a bien montré que la référence du pratiquant n’est
pas celle de l’enseignant, ce qui sera à prendre en compte lors des études de cas qui vont
suivre, celles de Michel, puis Alain et Giovanni.
D’un point de vue méthodologique, les résultats de la pré-étude de cas Nicolas nous
permettent de clarifier notre instrumentation pour les études de cas à venir, à savoir :
- un recueil des données sur deux séances, la première et la dernière du cycle afin
d’avoir ces données à deux moments clés de l’épreuve d’enseignement, l’entrée dans
l’activité et l’évaluation, qui est de surcroît un moment institutionnel important.
- Des entretiens mieux préparés et mieux menés, bien que l’expérience des entretiens
soit pour beaucoup dans cette progression.
- La nécessité d’un, voire plusieurs entretiens d’après-coup, de manière à fonder nos
interprétations en donnant la parole à l’enseignant, afin qu’il lui soit possible de
justifier ses dires et ses actes. Cet entretien permettra au chercheur d’accéder aux
significations accordées par le sujet à ses actes, aux raisons qu’il veut bien en donner.
149
3. Reformulation des questions de recherche et de la
problématique
Ces analyses préalables nous ont permis de recadrer nos questions de recherche car
elles ont montré l’écart qui peut exister entre le rapport personnel qu’entretient l’enseignant
avec sa référence, ce qu’il désire enseigner et ce qu’il enseigne vraiment dans sa volonté de
répondre à la demande institutionnelle. En effet, le cas de Nicolas montre que même si sa
référence première en karaté est le combat en tant que pratiquant, puisqu’il en a à la fois
l’expérience et l’expertise, il ne parvient pas à fonder son enseignement sur cette référence et
s’en éloigne même du tout au tout, puisqu’il enseigne en fait de la technique. Bien sûr, on ne
peut préjuger de la suite de son cycle, même si son projet de classe fait état d’une continuation
du travail débuté dans sa première séance. C’est pour cette raison d’ailleurs que nous opterons
dans le recueil des données proprement dit des prochaines études de cas pour une observation
de la première et de la dernière séance, de manière à avoir des données à la fois sur le début
du cycle, mais aussi sur son issue. En effet, en accédant à la séance d’évaluation, sachant que
l’enseignant doit évaluer ce qu’il a enseigné, nous aurons de précieuses indications sur ce qui
a été réellement réalisé au cours du cycle. La pré-étude de cas Nicolas fait émerger des
questions inattendues : quelle est la nature du rapport entre le savoir auquel l’enseignant se
réfère et ce qu’il enseigne réellement du karaté en EPS ? Les enseignants vont-ils effectuer un
traitement didactique de l’activité karaté différent de leur propre référence de cette APSA, au
risque de la dénaturer ? Cela peut être en effet un obstacle majeur compte tenu du poids des
traditions véhiculées par le karaté...
A partir des analyses préalables, il s’avère que dans le SAE, nous pouvons faire
l’hypothèse que la référence est multiple : comme il y a des rapports au savoir, personnel,
institutionnel, social, il semble y avoir des références, multiples, à définir pour chaque cas.
Notre travail repose fondamentalement sur l’idée que l’enseignant se réfère toujours à quelque
chose qui donne du sens à son enseignement. La référence est définie par Quillet (1985) :
« action de se rapporter à une chose, à un texte, à une autorité ». En effet, « aucune recherche
ne peut éviter, à un certain moment, la question de la référence, dans la mesure où le savoir
transmis par l’enseignant se réfère le plus souvent à un déjà-là » (Terrisse 2001). Pour autant,
référence et déjà-là ne sont pas synonymes. Le déjà-là construit en partie la référence. Nous
150
postulons que la référence de l’enseignant instaure un rapport à chaque étape de la
transposition didactique et du traitement didactique opéré par l’enseignant, auquel il ne peut
échapper.
Notre objet de recherche porte comme nous l’avons déjà écrit en fin de première partie
sur la recherche de traces de la référence de l’enseignant, concept qui nous permet d’analyser
l’activité professionnelle des enseignants d’EPS que nous allons extraire par l’analyse des
écarts entre le savoir à enseigner et le savoir à évaluer (SAE et SAEV), le savoir réellement
enseigné et le savoir réellement évalué (SRE et SREV). Cette quête des rapports entre SAE,
SRE, SAEV et SREV nous amène à poser la question de recherche suivante : en quoi une
pratique enseignante renvoie-t-elle à une référence, et laquelle ? Dans cette optique, les
questions de recherche sont de deux ordres :
- s’il l’on fait émerger des écarts importants aux différentes étapes de la chaîne transpositive,
ne sont-ce pas des références qui vont se révéler et y en aura-t-il une dominante dans
l’enseignement ?
- S’il n’y a pas d’écarts significatifs entre les différents savoirs enseignés et évalués, la
référence de l’enseignant est elle pour autant moins multiple, plus stable, moins dynamique ?
Nous faisons donc l’hypothèse que, dans ce travail de recherche qui va nous amener à
observer des pratiques d’enseignement, c’est la référence qui peut organiser, voire révéler la
pratique d’enseignement elle-même. Autrement dit, peut-on faire l’hypothèse que les
remaniements de la référence sont une dynamique majeure de l’enseignement de l’EPS ?
151
4. Méthodologie de recueil des données : L’observation des
pratiques d’enseignement du karaté en EPS, à partir de la pré-
étude du cas Nicolas
Au cours de cette phase de notre recherche, nous nous sommes intéressés aux
pratiques « ordinaires » d’enseignement en EPS. Ces pratiques « ordinaires » revêtent une
dimension souvent extraordinaire dans la mesure où, d’une part, l’observation par le
chercheur introduit un biais dans l’aspect routinier de la séance et, d’autre part, l’activité
karaté est très peu enseignée en EPS. L’enseignement du karaté en milieu scolaire est toujours
le fait d’un enseignant « expert » car il est au moins ceinture noire, voire souvent professeur
de karaté en club. S’intéresser aux rapports aux savoirs d’un enseignant, c’est s’intéresser aux
différentes relations qu’il établit avec le savoir qu’il enseigne ou qu’il veut enseigner. En
effet, comme nous l’avons déjà étudié dans le cadre conceptuel, les intentions de l’enseignant
questionnent aussi bien les rapports personnels aux savoirs, (la prise en compte de la
dimension du sujet ou pour reprendre des auteurs comme Beillerot, Blanchard-Laville et
Mosconi en 1996 ; Charlot, 1997), que les rapports institutionnels à l’école (Chevallard,
1989). Cela justifie notre choix méthodologique de recueil des données : les enseignants
sélectionnés sont observés à la première séance du cycle (pour accéder ainsi à l’entrée
personnelle de l’enseignant dans l’activité et à ses intentions), et à la dernière, car la séance
d’évaluation représente un moment institutionnel fort du cycle où l’on peut penser que
l’enseignant fait des choix justifiés dans les savoirs évalués. Il existe alors un assujettissement
de l’enseignant à l’institution scolaire par le biais de l’évaluation, car il est obligé de noter ses
élèves et de rendre compte de ses notes, voire de les justifier auprès des différents acteurs
(famille, hiérarchie, élèves même parfois !).
Nous avons procédé à une analyse du discours des professeurs. Autrement dit, les
communications de chaque enseignant, au cas par cas, sont analysées, au cours des trois temps
de la méthodologie de la didactique clinique : le déjà là (planifications, entretien ante séance),
l’épreuve (l’acte d’enseignement et d’évaluation, entretiens post séance) et l’après-coup
(entretiens d’après-coup). Afin de rendre compte de la dimension temporelle si essentielle
dans ce processus d’analyse, Terrisse, Carnus et Sauvegrain ont synthétisé les trois temps du
recueil des données en didactique clinique sous la forme du tableau suivant (tableau 23) :
152
Temporalité Déjà-là Epreuve Après-coup
Enseignant Planification Mise en oeuvre Remaniement
Tableau 23 : les trois temps du recueil des données (Terrisse, Carnus, Sauvegrain, 2002)
Ces trois temps ont un aspect linéaire pour l’enseignant au niveau temporel car le
premier est celui de la planification de l’enseignement à dispenser où l’enseignant précise la
nature du savoir à transmettre en termes de compétences à acquérir. Ce temps renvoie à ces
propres conceptions, à la logique qu’il attribue à l’activité et à la connaissance des élèves qui
composent la classe. Le deuxième temps, celui de la mise en œuvre (cf. tableau 23),
correspond à la phase d’enseignement proprement dite, où l’enseignant va devoir adapter ce
qu’il a prévu de faire aux réactions in vivo des élèves, à leur vitesse réelle d’apprentissage,
elle-même dépendante de leur motivation, leur intérêt, leur attention ou autrement dit de leur
adhésion à l’enseignement dispensé. Le troisième et dernier temps est celui des
« remaniements après-coup, puisqu’il tente, par la demande du chercheur à travers les
entretiens a posteriori et d’après-coup, de donner une logique à son enseignement et un sens à
ce qui s’est passé » (Terrisse, in Loizon, 2005). Ces trois temps facilitent la mise en évidence
de la référence, car à chaque étape, mais surtout dans l’après-coup, l’enseignant a pu prendre
de la distance et procède à une reconstruction des événements. Pour le chercheur, la
méthodologie de recueil et de traitement des données va suivre la temporalité que nous avons
décrite pour l’enseignant sans s’y confondre. Le premier temps lui permet en effet d’accéder
au déjà-là de l’enseignant, à son expérience d’enseignant, à son expertise de pratiquant dans
l’activité qui sert de référence au cycle enseigné, éventuellement à son histoire personnelle,
dans le cas où l’enseignant accepte de se livrer et à sa conception de l’activité à enseigner.
C’est le temps où le chercheur tente d’accéder au savoir à enseigner, par des entretiens ante
séance et l’analyse des planifications écrites fournies par l’enseignant. Le deuxième temps de
la méthodologie correspond à la confrontation du sujet enseignant à l’épreuve même de
transmission du savoir. Le chercheur procède à un recueil des données obtenu à l’aide des
outils vidéo et/ou audio, ceci afin d’avoir accès à la fois à ce que fait et ce que dit l’enseignant
pendant la leçon et aussi un temps post séance où l’enseignant est invité à un entretien afin
d’avoir ses analyses « à chaud » de l’enseignement produit. Le troisième et dernier temps est
celui pour le chercheur de l’interprétation des données ou comme le dit Terrisse « de la
recherche de la cause qui constitue le résultat du travail de recherche » (Terrisse, 2005). Dans
153
cette quête de compréhension de l’activité de l’enseignant, la notion d’après-coup va être
capitale « puisqu’elle est un moyen incontournable d’analyse des choix de l’enseignant par
lui-même » (ibid.). L’entretien d’après-coup est réalisé longtemps après la séance observée,
de telle sorte que le chercheur ait eu le temps de traiter les données et de les interpréter, afin
de mettre en place son questionnement. En nous inspirant du précédent tableau, nous
l’agrémenterons afin de prendre en compte l’activité du chercheur, de la manière suivante :
Temporalité Déjà-là Epreuve Après-coup
Enseignant Planification Mise à l’épreuve Remaniement
Chercheur
Recueil des données
▼ ▼
SAE-SAEV SRE-SREV
Traitement des
données
▼
Interprétations
Tableau 24 : la différence entre les trois temps de l’enseignant et les temps de la
méthodologie du chercheur
Pour notre recherche, la clinique en didactique va nous permettre de trouver à
chaque étape de l’enseignement des traces des savoirs (SAE, SRE, SAEV, SREV) et de
pointer ensuite les écarts. Afin d’identifier les savoirs qui font l’objet d’un enseignement,
nous avons utilisé des enregistrements audio et vidéo de six leçons d’EPS. Nous avons ainsi
observé trois professeurs d’EPS en situation d’enseignement « ordinaire ». Ces enseignants
étaient en lycée pour l’un (classe de BEP) ou en collège (classes de quatrième et de troisième)
pour les deux autres. Notre corpus est donc composé pour une grande partie du verbatim de
ces six leçons d’EPS (deux par professeur d’EPS).
Nous avons aussi utilisé une autre technique de recueil des données : l’entretien semi
dirigé (De Ketele, Roegiers, 1996). Celui-ci sera réalisé en début de chaque séance (entretien
ante séance - EAS), puis à la fin de celles-ci (entretien post séance - EPS). Ces entretiens semi
dirigés ante séance et post séance nous ont permis de recueillir les intentions didactiques des
professeurs d’une part, leurs interprétations de l’enseignement dispensé au cours de chaque
séance d’autre part. Un autre entretien sera également réalisé plusieurs mois après la fin du
cycle, (cf. tableau 25) : l’entretien d’après-coup (EAC). Nous avons questionné les
enseignants dans l’après-coup, car comme le souligne A. Terrisse : « à la manière des
154
cliniciens, nous postulons que seul le sujet peut rendre compte de ses actes » (Terrisse, 2005).
Ce concept d’après-coup fréquemment employé par Freud, permet d’accéder aux
significations accordées par le sujet à ses actes : « Freud a remarqué que le sujet remanie
après-coup les événements passés et que c’est ce remaniement qui leur confère un sens et
même une efficacité » (Laplanche, Pontalis, 2002). Ce concept a également été repris par
Chevallard dans sa théorie anthropologique du didactique : « Il semble bien que l’importation
dans l’analyse didactique du concept d’après-coup, appliqué alors à des réorganisations
cognitives, soit très éclairante » (Chevallard, 1991). Notre corpus est donc constitué pour une
autre grande partie de ces différents entretiens. Avec pour chaque enseignant un entretien ante
séance et un post séance, puis un entretien d’après-coup, il y en a cinq par enseignant, soit
quinze au total. Ils sont volontairement semi dirigés de manière à laisser un maximum de
liberté d’expression aux enseignants, tout en guidant leur discours sur le thème de la
recherche. Par exemple, l’entretien post séance peut commencer en donnant à l’enseignant
l’opportunité de faire un bilan de sa leçon, au niveau didactique. Au niveau méthodologique,
les entretiens ante séance ont pour but de fournir des informations sur le déjà-là, sur le choix
des savoirs à enseigner et à évaluer, et les effets attendus par les enseignants en termes
d’acquisition de savoirs par les élèves. C’est pourquoi nous interrogeons en premier lieu
l’enseignant sur son expérience du karaté (pratique et enseignement), dans l’EAS1. Puis nous
posons une question sur ses intentions lors de la séance et plus généralement du cycle. Enfin,
nous revenons éventuellement sur un aspect du projet de cycle fourni par l’enseignant afin
qu’il explicite le plus précisément possible ses intentions didactiques. Par exemple, nous
avons demandé à Nicolas dans l’EAS1 pourquoi il avait choisi de rentrer dans l’activité par le
kihon et kihon ippon kumite, comme il l’annonce dans sa planification. L’enseignant
répondra : « le kihon pour moi, c’est le travail de base, la répétition des gammes techniques
indispensables avant je pense de passer au travail à deux. Le kihon ippon kumite, c’est une
première étape avant de faire du combat ».
Au niveau des entretiens post séance, la première question demande à l’enseignant de
faire un bilan de sa séance. Puis nous l’interrogeons sur l’écart entre le projet de séance fourni
et ses réalisations effectives. Enfin, les questions suivantes vont concerner l’entrée dans
l’activité, et des précisions sur certaines situations proposées, afin d’amener l’enseignant à ce
qu’il exprime sa référence, voire à ce que le chercheur puisse en faire émerger plusieurs.
155
Dans les entretiens d’après-coup, nous revenons avec l’enseignant sur les écarts
repérés. Le plus souvent, nous le faisons en mettant en contradiction un extrait de verbatim
avec une réalisation effective au cours d’une des séances ce qui permet au chercheur de mettre
en évidence un écart et les raisons qu’en donne l’enseignant. Il peut aussi arriver que nous
utilisions un extrait vidéo, afin que l’enseignant se replace bien dans le contexte, ce qui
fonctionne alors comme un rappel stimulé. Dans certains cas, la vidéo peut aussi apporter la
preuve d’un écart, entre ce qu’a fait effectivement l’enseignant et ce qu’il dit faire ou avoir eu
l’intention de faire. Mais dans cette démarche, il ne s’agit pas de mettre l’enseignant mal à
l’aise en pointant un dysfonctionnement mais simplement lui donner l’occasion d’expliquer
les raisons de la remédiation effectuée. C’est en effet l’intérêt premier de l’après-coup pour le
chercheur : expliquer, accéder à l’implicite en donnant la parole à l’enseignant pour qu’il
délivre son analyse et les raisons de son choix. Après l’analyse longitudinale du cas Michel,
nous avons pu organiser différemment les questions de l’entretien d’après-coup des autres
études de cas. Ainsi, pour concevoir ceux de Giovanni et d’Alain, nous avons notamment jugé
opportun de commencer l’entretien par des questions plus personnelles sur la pratique du
karaté pour orienter peu à peu l’entretien vers l’enseignement de l’activité en EPS. Cette
méthode, du personnel au professionnel, pourrait-on dire, permet à notre sens d’ouvrir cet
entretien sur le sujet, de lui permettre de se livrer en donnant la parole non pas au professeur
qu’il est mais au sujet singulier, pratiquant de karaté. De plus, cela permet sans doute
d’instaurer un rapport d’écoute et de confiance entre l’enseignant et le chercheur et de donner
à l’entretien l’orientation clinique voulue, en mettant en valeur la singularité du sujet et les
raisons personnelles de ses choix.
Pour reprendre la terminologie de J.M. Van der Maren, ces différentes modalités de
recueil des données « invoquées » (planifications), « suscitées » (entretiens) et « provoquées »
(enregistrements vidéo et questionnaires), (Van der Maren, 1996), seront croisées dans la
phase d’interprétation sous forme de « triangulation des données » (Huberman et Miles, 1991;
Pourtois et Desmet, 1988), ceci afin de contrôler a minima la subjectivité du chercheur. Le
tableau suivant (tableau 25) propose une vue synoptique du protocole chronologique du
recueil de données.
156
Recueil Enseignant
Première séance Entretiens ante et
post
Séance d’évaluation Entretiens ante et
post
Entretiens d’après-coup
EAC1 EAC2
Pré étude de cas : Nicolas
22-06-2005 Non prévus au protocole
Michel 13-12-2005 13-02-2006 06-11-2006 Alain 01-03-2006 17-05-2006 27-12-2007
24-01-2008 Giovanni 07-03-2006 06-06-2006 20-12-2007
17-01-2008
Tableau 25 : protocole chronologique du recueil des données
157
5. Méthodologie de traitement des données : l’analyse des
pratiques d’enseignement du karaté en EPS
5.1. Présentation des différentes phases du traitement des données
Le traitement des données s’effectue en quatre temps chronologiques :
- Le premier temps consiste en une lecture sélective des réponses de l’enseignant à
l’EAS1 et à l’EASEV et des documents relatifs aux planifications (cycle, séance).
Cette phase permet de rendre compte des SAE et SAEV, comme par exemple l’entrée
dans l’activité et les savoirs que l’enseignant a l’intention d’enseigner en premier lieu.
- Au cours du deuxième temps, l’analyse des verbatim des deux séances enregistrées et
des EPS1 et EPSEV permettent de rendre compte des SRE et SREV.
- Le troisième temps est consacré au pointage des écarts entre SAE, SRE, SAEV et
SREV. C’est au cours de cette phase que seront sélectionnés des extraits de verbatim
significatifs de ces écarts afin de préparer l’EAC. Des conjectures sur la référence
enseignante seront avancées par le chercheur.
- Le quatrième et dernier temps permet de confronter les énoncés interprétatifs aux
conjectures de la précédente phase, par l’analyse des EAC. Il sera alors possible, lors
de cette ultime phase, de caractériser la référence enseignante.
Le tableau suivant (tableau 26) se propose de récapituler ces quatre temps de notre
méthodologie de traitement des données.
158
LES QUATRE PHASES DU TRAITEMENT DES DONNEES TEMPS 1
Repérage SAE et
SAEV
TEMPS 2
Repérage SRE et SREV
TEMPS 3
Pointage des écarts
TEMPS 4
Hypothèses interprétatives sur la
référence enseignante
EAS1 et EASEV
Planifications cycle et séances
Analyse des séances : extraction et mise en
évidence des différents savoirs
enseignés et évalués
Analyse des EPS1 et EPSEV
Préparation des
entretiens d’après-coup
Analyse des entretiens
d’après-coup
Tableau 26 : les quatre phases du traitement des données
Les résultats issus du traitement des données seront présentés selon les trois étapes de
la méthodologie propre à la didactique clinique (cf. tableau 27). Ainsi, nous présenterons dans
un premier temps les intentions de l’enseignant au travers de l’analyse de ses planifications et
des EAS1 et EASEV. Puis nous ferons une description de la séance réalisée par l’enseignant,
qui sera analysée au travers de ses verbatim, in situ et post séance au cours de l’entretien a
posteriori. Enfin, nous décrirons les résultats émanant de l’entretien d’après-coup.
Temps Déjà-là Epreuve Après-coup
Enseignant Planification Mise à l’épreuve Remaniement
Chercheur :
présentation des
résultats
Présentation de la
séance prévue au
regard des
planifications et de
l’entretien ante
séance
Description et
analyse de la séance
réalisée grâce à la
vidéo et à l’entretien
post séance
Analyse après-coup
grâce aux entretiens
du même nom
Tableau 27 : méthodologie de présentation des résultats par le chercheur
159
5.2. Techniques d’analyse des données
L’approche qualitative caractérise notre approche clinique en vue de viser une
meilleure compréhension des écarts entre SAE, SRE, SAEV et SREV pour chacun des trois
enseignants observés. Elle consistera à travailler sur des données qualitatives (mots et images)
auxquelles nous attribuerons des significations par induction pour construire du sens. Elle
nous permettra alors de passer de la description à la compréhension en induisant certaines
significations à partir de l’analyse des données sélectionnées. Pour inférer la référence
enseignante, nous essaierons de comprendre, à partir des données recueillies, la logique de
l’enseignant. La compréhension de ces phénomènes passera par l’identification des origines
possibles des écarts, liées à son expertise de pratiquant, son expérience d’enseignant, son
histoire de sujet, toujours singulière.
Nous n’utilisons que très peu l’approche quantitative, ce qui justifie d’en parler. Cette
approche consiste à travailler sur des données numériques à partir de transformations de
certaines données qualitatives auxquelles sont attribuées directement la valeur des nombres.
Cela concerne la fréquence d’apparition de termes, comme par exemple dans notre
questionnaire préliminaire. Ce traitement quantitatif est pour nous à visée vérificative, et
alimente notre discours descriptif en apportant une validité à celui-ci et notamment au versant
interprétatif. Elle peut paraître dérisoire dans notre travail mais nous la jugeons utile à la
compréhension globale du phénomène étudié. Elle ne prend en fait de sens que conjuguée à
l’étude qualitative.
5.2.1. L’étude de documents fournis par l’enseignant : les planifications
L’enseignant fournit au chercheur lors de la première séance ses planifications du
cycle. Celles-ci consistent dans un projet de cycle, avec l’analyse de l’activité et de la classe,
les compétences et transformations attendues, les thèmes de chaque séance et enfin le détail
de la première leçon en termes de situations didactiques. Suivant les habitudes de travail de
chaque enseignant, la présentation et le détail du projet peuvent être très différents. L’analyse
des données issues des planifications se fait essentiellement par une lecture attentive avec
surlignage des mots clefs comme par exemple position, blocage, geste, qui renvoient à des
savoirs techniques, au regard de la catégorie des savoirs en sport de combat de Margnes
(2002). Il s’agit en effet d’accéder à ce que prévoit de faire l’enseignant pendant le cycle
160
d’une part, pendant la séance d’autre part. Dans un second temps, nous analysons s’il y a
adéquation entre le projet de cycle et ce qui est prévu au cours de la première séance, ainsi
qu’au cours de la séance d’évaluation. Cette phase d’analyse des planifications va donc nous
renseigner sur le SAE et le SAEV, autrement dit sur ce que l’enseignant prévoit d’enseigner et
d’évaluer. Les verbatim que nous prélevons des planifications étant écrites, elles seront mises
entre guillemets, sans italique, qui est réservé à des extraits oraux.
5.2.2. Les entretiens ante séance (EAS)
L’EAS commence toujours par plusieurs questions relatives à l’expertise de
l’enseignant en karaté, à savoir son parcours, son style ou école d’appartenance, le nombre
d’années de pratique et si celle-ci a été compétitive ou pas. Ensuite, nous demandons à
l’enseignant de s’exprimer sur ses intentions lors de la séance, en question ouverte, afin que
l’enseignant développe ce qu’il a prévu de faire pendant la séance. Une fois les réponses
retranscrites, nous effectuons un codage du discours de l’enseignant, selon les mêmes
catégories d’analyse que précédemment. En effet, comme l’enseignant s’exprime sur son
expertise et son expérience, il émerge des traces de sa référence, que l’on peut repérer
notamment grâce aux termes utilisés dans les planifications et à l’analyse du discours lors de
l’EAS. Par exemple, l’enseignant peut évoquer dans ses intentions de centrer son cycle sur les
assauts ou au contraire sur l’apprentissage des techniques propres au karaté. On pourra alors
se reporter à la typologie des références que nous avons développée dans la première partie de
la thèse (référence historique, sportive, didactique et scolaire) afin de déterminer de quelle
référence cette intention de l’enseignant se réclame. Le mode d’analyse de cet EAS s’effectue
dans le même temps que le traitement de la séance auquel il se rattache. En effet, dès que nous
émettons une interprétation de ce qu’a dit l’enseignant pendant son cours, nous consultons le
verbatim de l’entretien ante séance pour voir si nous ne trouvons pas matière à infirmer ou
confirmer cette interprétation. Dans le cas où nous constatons un écart entre ce qu’a pu dire
l’enseignant dans l’EAS et ce qu’il a enseigné, nous le notons afin de pouvoir l’interroger sur
cette contradiction lors de l’EAC, et permettre à l’enseignant d’exprimer ses propres raisons à
cet écart.
Notons que les verbatim des entretiens apparaissent dans le texte entre guillemets et en
italique, comme il se doit de le faire pour relater un extrait de discours oral.
161
5.2.3. Les séances
Afin d’appréhender l’épreuve d’enseignement dans toute sa dimension complexe,
nous avons opté pour l’usage de la vidéo, qui permet de recueillir des informations de deux
natures : images et paroles. Le filmage est assuré par une caméra tantôt fixe, tantôt mobile,
focalisée sur l’enseignant qui est aussi équipé d’un dictaphone numérique afin d’enregistrer
l’ensemble de ses communications de manière optimale. Nous proposons dans le tableau
suivant (cf. tableau 28) de présenter de manière synoptique le codage des différents savoirs
qui sont enseignés. Une fois la retranscription réalisée d’une séance par exemple, nous la
relisons et procédons au codage des mots, des phrases utilisées par l’enseignant. Ce codage
sera utile afin de repérer le plus facilement possible dans la retranscription en annexe les
différents savoirs enseignés et faire émerger les écarts par la suite. Dans un souci de lisibilité,
nous utiliserons un code de style pour faire émerger ces différents savoirs, qui seront ensuite
classés comme le montre le tableau suivant (tableau 28). Le code de différenciation des
différents savoirs a déjà été explicité dans la première partie, au chapitre connaissance de
l’activité. Pour rappel, nous avons choisi de reprendre la typologie de Margnes (2002) en
judo, qui distingue les savoirs techniques, stratégiques, éthiques, réglementaires et
sécuritaires, puis autres pour ceux que l’on ne pourrait pas classer dans ces catégories. Par
exemple, en karaté, le salut en début de cours renvoie à un savoir éthique. Une situation
d’apprentissage où les élèves apprennent avec l’enseignant un blocage ou une attaque renvoie
plutôt à un savoir technique. S’il met les élèves par deux dans une situation de duel où il leur
faut chacun toucher l’autre, il enseigne alors des savoirs stratégiques. Enfin, en fonction des
cibles qu’il autorise dans cette même situation, nous pouvons avoir aussi des savoirs
sécuritaires.
162
Verbatim
Nature des savoirs
SEANCE 1 ET EVALUATION
Technique Repérage dans le texte en italique
Exemple : techniques de percussions, blocages
Stratégico tactique Repérage dans le texte en gras
Exemple : rôles, rapport d’opposition
Ethique Repérage dans le texte en souligné
Exemple : rituels de salut, solidarité, respect du partenaire
adversaire
Réglementaire et
sécuritaire
Repérage dans le texte en italique souligné
Exemple : règles, touches et cibles autorisées
Autres Repérage dans le texte normal
Tableau 28 : mode de codage dans les annexes des différents savoirs enseignés et évalués
5.2.4. Les entretiens post séance (EPS)
Au début de l’EPS, nous demandons d’abord à l’enseignant de faire un bilan de
séance, où il va donc s’exprimer sur ce qu’il a réalisé ou pas, ses impressions concernant
l’apprentissage des élèves, le climat de la classe, s’il a modifié sa prévision. En somme, il lui
est demandé d’évaluer les écarts entre ce qu’il avait prévu et ce qu’il a réellement enseigné.
Pour le guider dans cette démarche, nous revenons avec lui sur l’enquête préliminaire où il a
pu décrire son entrée dans l’activité et nous établissons avec lui si celle-ci est en continuité ou
pas avec ce qu’il a fait lors de la séance. Ensuite, en fonction de ce que l’enseignant a
effectivement enseigné, nous l’interrogeons sur une tendance forte de son cours, comme par
exemple le travail à deux ou au contraire le travail dans le vide en répétition de techniques. Le
but est ici de cerner avec le plus de précision possible le SRE, du point de vue de l’enseignant
même, de ce qu’il en dit et non pas de l’observation que nous en avons fait. Sur la fin de
l’entretien, nous demandons à l’enseignant de donner sa conception de l’activité, notamment à
des fins comparatives au SRE. Si au demeurant la conception qu’il annonce s’avère en
désaccord avec le SRE, nous demandons à l’enseignant de l’expliquer, notamment au regard
163
de l’écologie de l’établissement, des caractéristiques propres des élèves. Enfin, nous
l’interrogeons sur l’évaluation qu’il compte mettre en place, pour identifier en fin de cycle
une évolution éventuelle et s’en servir pour une discussion. L’analyse du corpus s’effectue
après retranscription totale par une lecture attentive et par un codage des mots clefs, comme
cela est effectué dans l’analyse de la séance proprement dite. L’EPS est utilisé pendant la
phase d’interprétation du chercheur selon le même mode de traitement que l’EAS.
5.2.5. Les entretiens d’après-coup (EAC)
L’EAC va nous permettre de fonder nos interprétations en donnant la parole à
l’enseignant, afin qu’il lui soit possible de justifier ses dires et ses actes. La recherche
d’indices des raisons qui permettent d’expliquer les écarts est au centre de cet entretien. Son
mode de traitement se différencie quelque peu des entretiens ante et post séance dans la
mesure où l’EAC est construit après les interprétations que le chercheur a faites
précédemment. En ce sens, l’EAC est construit a posteriori. Il a alors un statut à part et peut
d’ailleurs être programmé plusieurs fois afin d’éclaircir avec l’enseignant des dires dont le
chercheur souhaite avoir des précisions. Le traitement des données issues de ces entretiens
suit les trois temps de la méthodologie de la didactique clinique, à savoir le déjà-là, l’épreuve
et l’après-coup. Autrement dit, nous revenons successivement avec l’enseignant sur le SAE, le
SRE et l’après-coup. En effet, lors de la troisième phase de notre traitement des données, nous
avons pu repérer des écarts entre le dire et le faire, entre intentions déclarées et réalisations.
Nous relevons des extraits de verbatim significatifs que l’on va soumettre à l’enseignant afin
qu’il s’exprime à ce propos. Si besoin était, nous pouvons avoir à ce niveau recours à la vidéo,
dans le cas où l’enseignant en ait besoin car l’entretien d’après-coup intervient souvent
plusieurs mois après la fin du cycle concerné. Nous avons en effet le film des deux séances de
l’enseignant sur un DVD et il est très facile de retrouver le passage du film qu’il veut revoir,
ou que nous voulons lui montrer. De la même manière, comme ses communications ont été
enregistrées au moyen d’un dictaphone numérique, elles sont enregistrées sur le même disque
et facilement retrouvables, comme support à une discussion, voire comme preuve si
l’enseignant remettait en cause ce qu’il a pu dire à un moment, soit aux élèves, soit au cours
d’un entretien.
Cette présentation méthodologique terminée, nous allons maintenant exposer les
résultats des trois études de cas de notre recherche.
164
165
TROISIEME PARTIE
RESULTATS DE L’ETUDE
DIDACTIQUE CLINIQUE
166
1. Rappel méthodologique
La logique de présentation de chaque cas sera identique et suivra les trois temps de la
recherche didactique clinique, à savoir le déjà-là, l’épreuve et l’après-coup (tableau 29).
Temporalité Déjà-là Epreuve Après-coup
Enseignement Planification Mise à l’épreuve Remaniement
Données
convoquées par le
chercheur
Planifications cycle
et séance
Entretien ante
séance
Retranscription des
verbatim des séance
et entretiens post
séance
Entretiens d’après-
coup
Tableau 29 : les trois temps de la méthodologie en didactique clinique
Dans le premier temps du déjà-là, seront analysés les planifications (PF), les
entretiens ante séance 1 et ante séance d’évaluation (EAS1 et EASEV). Dans le deuxième
temps qui est celui de l’épreuve, les communications de l’enseignant lors des première et
dernière séances seront étudiées, ainsi que les entretiens post séance (EPS1 et EPSEV). Enfin,
le troisième et dernier temps s’attachera à l’analyse des entretiens d’après-coup (EAC).
L’analyse de chaque temps va apporter un éclairage spécifique : ainsi, l’analyse du déjà-là
devrait nous renseigner sur le savoir à enseigner. L’analyse de l’épreuve devrait nous
informer à la fois sur le savoir enseigné et ce qu’en dit l’enseignant immédiatement après.
Enfin, l’après-coup vise à mettre en lumière les remaniements qui sont opérés par l’enseignant
une fois le cycle passé et surtout confronter les interprétations du chercheur aux raisons
exprimées par l’enseignant lui-même. Ainsi, l’après-coup permet d’accéder aux causes des
interprétations faites par le chercheur, en incitant l’enseignant à « réélaborer » (Terrisse,
2007) les savoirs prévus et mis en jeu dans son enseignement. Autrement dit, dans l’après-
coup, le chercheur tente d’accéder aux raisons de l’enseignant, plus ou moins explicitées par
lui, sur ce qu’il a fait, dit et dit avoir fait.
167
2. Etude de cas : Michel
2.1. Présentation de l’enseignant collaborateur
Les enseignants qui participent à cette recherche ont déjà été décrits dans les analyses
préliminaires en début de seconde partie de la thèse. A partir de leurs réponses à l’enquête
préliminaire, nous avions en effet proposé un état des lieux de leur déjà-là, expérientiel,
conceptuel et intentionnel. A des fins de rappel, Michel, âgé de 40 ans, est enseignant d’EPS
depuis quinze ans. Il a quatre ans de pratique de karaté et a atteint le grade de ceinture marron.
Il enseigne le karaté en EPS dans son établissement à des élèves de BEP 1ère année
maintenance cyclo-moto. Sa pratique du karaté est quelque peu irrégulière, avec des périodes
d’inactivité (il a commencé à 23 ans), et il reprend cette année dans un club du style
kyokushinkaï, réputé très dur, dans le sens où les coups sont portés de manière réaliste à
l’entraînement et où les compétitions de combat vont au KO d’un des adversaires. Agrégé
d’EPS, Michel est un enseignant qui réfléchit beaucoup sur sa pratique, afin de progresser
dans celle-ci. Il n’hésite pas ainsi à s’investir dans de nombreux projets dans son
établissement comme par exemple dans des classes européennes où il enseigne en espagnol.
2.2. Première phase de l’étude de cas : le déjà-là de Michel
2.2.1. Etude des planifications
Le projet de cycle fourni par Michel est joint en annexe 8 (cf. document : annexes de
la thèse). On pourra d’ores-et-déjà noter que le titre précise bien qu’il s’agit d’un « cycle
karaté kyokushinkaï ». Il est donc connoté puisque référé à cette école, ce style dont la
particularité est un enseignement presque exclusivement orienté vers le combat. Michel
procède dans ce projet à une analyse de l’activité, en définissant celle-ci : « art martial de
percussion dérivé du goju ryu » qui est une école de karaté traditionnelle comme nous l’avons
déjà défini en fin de première partie de la thèse. Il résume ensuite les règles principales qu’il
faut retenir pour lui des combats et la notion de contrôle des coups. Une autre partie du projet
s’attache à la description de la classe, où Michel propose son analyse des élèves par les
ressources disponibles : « ressources énergétiques, cognitives, affectives et motivation ». Ces
deux études débouchent sur une proposition de contenus d’enseignement, en terme de
168
compétences attendues, à savoir « acquérir les principes de l’affrontement en préservant son
intégrité physique… ». Michel intègre alors dans son projet la préoccupation sécuritaire. Il
donne ensuite des éléments sur sa démarche, ainsi que du traitement didactique, comme par
exemple le « processus d’apprentissage, centré sur la compréhension de l’activité et des
distances de travail ». Les transformations attendues sont déclinées en rapport aux
programmes d’EPS du lycée, en « techniques et tactiques, connaissance de soi et savoirs faire
sociaux ». Enfin, Michel détaille le contenu de la première séance avec « présentation de
l’activité, travail technique sur tsuki et geri puis sur blocages en situation de résolution de
problème ; petits assauts ». On notera que les autres séances ne sont pas prévues à l’avance et
remplies par l’enseignant au fur et à mesure de l’avancée du cycle, en fonction notamment de
la progression des élèves. Comme nous l’a confié Michel lors d’une discussion non
enregistrée (en fin d’EPS1, le dictaphone ayant été éteint, Michel revient sur cet aspect de son
travail sans que le chercheur s’attende à cette précision) cela correspond à son « mode de
fonctionnement » dans la mesure où de son point de vue, cette adaptation d’une séance sur
l’autre est le propre de l’enseignement. Il ne peut en effet prévoir les contenus de la deuxième
séance sans avoir fait le bilan de la première, notamment en ce qui concerne le ressenti des
élèves, leurs progrès, leur motivation et de ce fait les remédiations qu’il va devoir effectuer. Il
nous dira fonctionner ainsi d’une année sur l’autre, en ne gardant jamais de traces de ses cours
car chaque classe est unique et le cours de karaté de la classe X en 2007 ne peut pas être refait
à la classe Y en 2008. Michel considère l’enseignement comme une adaptation continue,
d’une séance à une autre, d’un cycle à un autre, d’une année sur l’autre et il ne refait donc
jamais deux fois la même chose, même à deux niveaux de classe identiques.
2.2.2. Etude de l’entretien ante séance 1 (EAS1)
La première question qui a été posée à Michel concerne son parcours personnel en
karaté. Il a commencé le karaté lorsqu’il était adulte : « j’avais 23 ans » (cf. annexe 9, EAS1).
Par contre ses débuts étaient intensifs puisque comme il le dit « j’ai pratiqué quasiment
quatre à cinq fois par semaine pendant cinq ans ». Il a eu ensuite une période d’interruption
« dû à une blessure » puis « a repris cette année en changeant de style de karaté ». Michel est
actuellement ceinture marron de karaté mais n’a quasiment pas d’expérience en compétition
(« une compétition, une Coupe de France »). Nous lui demandons ensuite quelles sont ses
intentions dans le cycle karaté qu’il va faire, à quoi il répond que ce qu’il veut développer
« c’est d’abord une approche culturelle de l’activité ». Ceci, à notre sens, correspond à une
169
entrée traditionnelle qui inclura une forte exigence technique et des savoirs éthiques comme le
salut, le respect de l’adversaire par exemple. Dans un deuxième temps, il aborde l’aspect
technico-tactique et la première transformation qu’il veut voir apparaître chez ses élèves :
« passer d’un travail de poings unique à un enchaînement pieds poings ». Dans un troisième
temps, Michel compte aborder l’aspect technique et enfin le combat et l’arbitrage. On ne sait
pas, à ce moment, si la chronologie de son exposé rend compte de l’importance qu’il accorde,
soit aux aspects techniques, soit aux aspects stratégiques ou si cela ne rend compte que de
l’organisation de sa réflexion. On peut cependant en déduire une certaine hiérarchie des
savoirs dans l’esprit de Michel puisqu’il commence en disant « ce que je veux développer
c’est d’abord l’approche culturelle […], ensuite l’aspect technico-tactique. Dans un troisième
temps l’aspect technique, enfin le combat et l’arbitrage ». Nous pourrons étudier par la suite
si cette hiérarchie est ou non respectée dans ce qu’il enseigne réellement, ce qui pourra alors
faire émerger un écart entre SAE et SRE.
2.2.3. Les traces du SAE
Au niveau du SAE, les contenus à privilégier pour Michel sont : « techniques grâce à
des formes variées de travail (kata, kihon, kumite) et la gestion du couple risque sécurité » (cf.
annexe 7). De même, le contenu des séances est : « basé essentiellement sur un apport
technique au départ avec glissement progressif vers l’assaut et le combat ». Il s’avère que
Michel accorde donc une place non négligeable aux apports purement techniques mais en
début d’apprentissage. Après quoi, il dit pouvoir passer à un enseignement plus stratégique et
tactique, une fois que les bases techniques sont intégrées par les élèves. Ce souci de Michel
est clairement identifiable dans son projet de cycle où il fait état des transformations
attendues : « techniques et tactiques ; passer d’une défense passive à une défense active (garde
et mobilité). Passer d’une attaque simple et sporadique à une attaque construite et enchaînée
(niveau et arme). Passer d’attaques hors distance à des attaques qui touchent », qui sont
d’ailleurs extraites des programmes d’EPS du lycée (2001). Il est évident que les programmes,
dont l’analyse se trouve en fin de première partie de la thèse, et dans la mesure où très peu de
choses y sont spécifiées, sauf pour la boxe et la lutte dans les documents d’accompagnement,
induisent un type de traitement didactique, une approche transversale des sports de combat.
Comme les enseignants collaborateurs sont spécialistes de l’activité karaté, on peut faire
l’hypothèse qu’ils ont des difficultés à rentrer par les programmes. Les propos de Michel dans
l’EAS1 confirment cette option puisqu’on peut lire : « on va commencer à aborder la
170
terminologie sur tsuki, sur geri après on verra un petit peu les blocages. Ensuite, il y a
l’aspect je dirais technico-tactique, travailler sur l’enchaînement pieds-poings, c’est la
première transformation que je souhaite voir chez les élèves : passer d’un travail de poings
unique à un enchaînement pieds-poings ». Ces propos pourraient aussi bien s’appliquer à de la
boxe française ou toute autre activité de combat de percussion.
Au terme de cette analyse du SAE de Michel, on peut dire que l’enseignant se
positionne clairement dans une optique d’articulation duo/duel, qui est d’ailleurs prônée par
les programmes dans les activités de combat en lycée (ibid.) auxquels Michel fait référence
dans son projet. Le SAE de Michel se révèle dans une dominante que l’on peut qualifier de
technico-tactique, terme souvent utilisé dans les activités de combat pour définir une approche
duale, à la fois technique et stratégique pour reprendre les termes que nous utilisons pour
classer les savoirs selon Margnes (2002).
2.2.4. Etude de l’entretien ante séance d’évaluation (EASEV)
Cet entretien s’est réalisé de manière brève car Michel était apparemment très
concentré sur ce qu’il avait à faire et semblait surtout un peu « stressé » quant à la gestion
horaire de sa séance. Ce stress, bien évidemment, pouvait aussi provenir de la présence en
cours du chercheur, avec tout le dispositif de recueil mis en place, comme la caméra vidéo et
le dictaphone porté par l’enseignant durant toute la séance. La question qui lui a été posée
concernait donc ses intentions, au niveau de l’évaluation des élèves, ce à quoi il répond que
« l’objectif est d’évaluer les transformations opérées pendant le cycle. Les élèves sont évalués
en combat, dans l’épreuve du combat. Il y a juste les coups de pieds qui sont modérés, pour
des questions de sécurité, et qu’ils s’investissent dans les combats sans peur. De plus, la cible
visage est interdite, pour les mêmes raisons. A part ça, on est en combat, c’est libre ». Nous
lui avons ensuite demandé de nous expliciter un peu la fiche de co-évaluation dont il nous a
donné un exemplaire avant le début du cours mais, comme il allait la détailler avec les élèves,
il a voulu gagner ce temps et nous faire profiter de l’explication en même temps qu’eux. On
peut néanmoins détailler la fiche que l’on trouve en annexe 8 car les critères présents peuvent
nous donner des indications précieuses sur le SAEV de Michel. Ainsi, Michel distingue
l’évaluation en défense (deux critères) et celle en attaque (trois critères) :
- les deux critères en défense concernent « la mobilité, se dégage latéralement » et « la
garde, se protège ».
171
- Les trois critères en attaque sont : « attaque toutes les lignes », enchaîne les coups » et
« précision des coups ».
Si les critères sont présents, les indicateurs ne le sont pas, ce qui n’est pas si étonnant
du fait que nous avons à faire à un enseignant expert et expérimenté. On peut en effet
supposer comme l’a montré une étude de B. David qu’il a les indicateurs, au sens où il les
sait, car il a construit cette compétence (David, 2000). Les critères de garde et d’enchaînement
sont plutôt des critères techniques. Par contre, le critère de défense, qui envisage un décalage
dans lequel l’élève sort de la ligne d’attaque pour rester à distance de son adversaire et contre-
attaquer plus facilement, relève d’un savoir stratégique. De la même manière, les critères
d’évaluation de l’attaque qui envisagent celle de toutes les lignes, autrement dit de cibles
diverses, ainsi que la précision des coups font aussi plutôt référence à des savoirs stratégiques.
On peut ainsi dire que la co-évaluation mise en place par Michel est pour trois critères sur
cinq stratégique, ce qui constitue déjà un écart avec le début du cycle, beaucoup plus centré
sur l’enseignement de savoirs techniques.
2.2.5. Les traces du SAEV
Dans l’enquête préliminaire, Michel envisage une évaluation « tripartite : respect de la
tradition avec un kata, du kihon sur les techniques vues et du combat libre ou dirigé en
fonction du niveau de classe » (cf. annexe 7). En début de cycle, sa position a évolué puisqu’il
dira dans l’EPS1 qu’il « va les évaluer dans une situation à incertitude modérée avec deux
aspects : un aspect d’efficacité des touches et la capacité à se replacer dans cette situation
d’assaut » (cf. annexe 11). Cet écart, d’une évaluation centrée sur les trois domaines
traditionnels de l’entraînement en karaté à une évaluation uniquement centrée sur le combat,
peut s’expliquer d’une part par le temps qui est passé, entre l’enquête et le cycle qui a été
observé, environ une année ; d’autre part, comme nous l’avons déjà évoqué, par le fait que
dans ce laps de temps, Michel a changé d’école de karaté et a commencé le kyokushinkaï,
style qui est réputé très dur et très orienté vers le combat. Juste avant la séance d’évaluation,
sa position a encore évolué puisqu’il prévoit « l’évaluation en combat libre ». Il a fourni la
fiche d’évaluation dont les élèves vont se servir, sans la détailler : il dira juste que les élèves
sont évalués en combat, en co-arbitrage et co-évaluation avec en défense des critères de «
mobilité, de garde et de décalage » ; en attaque : « les cibles, l’enchaînement et la précision
des coups » (cf. annexe 8). On assiste donc à ce niveau à une évolution de la référence de
172
Michel par rapport au savoir à évaluer, dans la mesure où il passe d’un projet d’évaluation très
proche du karaté traditionnel avec une évaluation technique et stratégique à une évaluation
beaucoup plus centrée sur des aspects stratégiques dans sa réalisation effective en fin de cycle.
On peut penser que les raisons de cette évolution sont liées au changement de référence de
Michel, qui entre temps a modifié sa pratique personnelle, son expérience de pratiquant, ce
que nous pourrons lui demander au cours de l’EAC. Nous pouvons à ce stade de notre
recherche proposer un tableau récapitulatif du déjà-là de Michel (cf. tableau 30) qui permet de
mettre en lumière à la fois les continuités, mais aussi les ruptures qui sont pour nous autant
d’écarts qui se révèlent au sein même des intentions de l’enseignant, au niveau des SAE et
SAEV.
SAVOIRS SAE SAEV
Ce que dit Michel
« approche culturelle »
D’une intention d’évaluation
« tripartite : respect de la
tradition avec un kata, du
kihon sur les techniques vues
et du combat libre » à une
évaluation sur « une situation
à incertitude modérée »
Ce qu’en traduit le
chercheur en termes de
références
Référence historique
Changement de référence :
d’une référence historique à
une référence scolaire
Tableau 30 : synthèse du déjà-là de Michel
2.3. Deuxième phase de l’étude de cas : analyse de l’épreuve
2.3.1. Etude de la séance 1 : le savoir réellement enseigné (SRE)
En ce début de cycle, Michel a choisi de s’installer avec ses élèves dans une salle de
classe, durant quelques minutes, afin de leur présenter le cycle dans les meilleures conditions
possibles. Comme on peut le lire au début de l’annexe où sont retranscrits tous les verbatim de
l’enseignant durant la première séance (cf. annexe 10), il commence par présenter l’école
kyokushinkaï, au niveau notamment de ses spécificités à l’égard des touches et du contrôle de
173
la distance : « les zones de frappes vont des pieds à la tête ; deuxième chose, c’est la notion de
distance par rapport à son adversaire […] il y a la possibilité d’aller au sol…pour terminer
par un étranglement ou une clé de bras ». Puis il enchaînera : « cette première séance et les
deux trois qui suivent, on va faire essentiellement un travail technique ». On s’aperçoit qu’un
tiers du cycle sera consacré à ce travail technique, puisque le cycle se compose dans le projet
de neuf séances. Comme il le souligne à la fin de son exposé, « plus on va avancer, plus on va
travailler des enchaînements de combat ». On ne sait pas néanmoins à ce stade si Michel
envisage ce travail d’un point de vue stratégique, à deux en duo/duel ou s’il parle de répétition
d’enchaînements, dans le vide de manière décontextualisée. On peut déjà noter un écart dans
le discours de Michel entre ce qu’il nous a dit lors de l’EAS1 et ce qu’il présente aux élèves :
en effet, pour nous, la technique n’était pas première dans son discours alors qu’il la présente
en tout premier lieu à ses élèves, peut-être d’ailleurs pour se sécuriser, ainsi que les élèves.
Notons que cette question pourra être abordée avec Michel dans l’après-coup, car l’approche
technique peut en effet rendre les situations plus statiques, moins incertaines que l’approche
stratégique, ce qui permet d’éviter plus facilement des débordements d’élèves et donc de
sécuriser les situations proposées.
Après un échauffement très dynamique, en extérieur d’abord puis dans le gymnase
pour terminer par une mobilisation articulaire rapide, Michel va demander à ses élèves de
s’aligner pour procéder au rituel du salut, qu’il va en même temps expliciter. Ce sont là des
savoirs éthiques que Michel intègre à son enseignement, comme il l’avait prévu dans ce qu’il
appelait la « référence culturelle ». On notera qu’il le fait entre l’échauffement et la séance
proprement dite, alors qu’en club, le salut se fait dès la prise en main du groupe, avant même
l’échauffement. Michel procède ainsi pour des questions pratiques : en effet, comme il a dû
commencer sa séance dehors, le gymnase étant indisponible, il a préféré attendre d’être dans
le lieu d’entraînement, un peu comme au dojo, afin notamment de profiter d’un espace plus
proche avec ses élèves. Il fera d’ailleurs cette allusion « quand on est au dojo, il y a la photo
du maître, le shomen… » ce qui laisse à penser qu’il veut transmettre à ses élèves que durant
le cycle karaté, le gymnase devient un peu le dojo, le lieu d’entraînement à respecter, ce qui
est encore un savoir éthique.
La première situation que Michel met en place est une situation de travail « dans le
vide » (kihon), autrement dit morphocinétique : « Vous imaginez qu’il y a quelqu’un devant
vous ». Il s’agit pour les élèves de réaliser un coup de poing de face, sans partenaire. Michel
174
insiste au niveau des consignes sur le travail simultané des deux bras : « le poing gauche est
devant, le poing droit est armé au niveau des côtes. Vous tirez sur les ficelles comme ça », et
sur les appuis, « je veux que vous preniez des repères au niveau de la plante des pieds […]
vous êtes plantés, solides ». Après quelques répétitions, Michel reviendra sur ce dernier point,
les appuis : « concentration première sur les appuis […] c’est de l’énergie, on la restitue »
(cf. annexe 10). Très rapidement, Michel va mettre ses élèves par deux afin qu’ils réalisent le
même exercice, mais en travaillant la cible et la distance. Comme il le dira : « chacun trouve
sa distance […] vous vous déplacez sur des appuis qui sont près du sol ». Dans cette
situation, l’ancrage au sol avant la frappe semble être pour Michel un contenu essentiel à faire
acquérir aux élèves.
Il va ensuite proposer aux élèves une situation S2 où ils vont apprendre un coup de
pied circulaire. Encore une fois, il insiste d’emblée au niveau des consignes sur les appuis :
« la clé (elle) est ici dans le pied d’appui ». De même, il commence par faire travailler ce
coup de pied dans le vide, les élèves étant alignés devant leur professeur, puis il met ses
élèves en binôme afin qu’ils travaillent sur cible : « c’est se concentrer sur la cible […] un
travail de cible, c’est tout […]. Ne pensez qu’à ça, la cible ». Cette situation nous semble
caractériser le mode opératoire de Michel. En effet, il met en place une situation
d’apprentissage sur une technique particulière, qui est là le coup de pied circulaire, mais en
fait détourne la concentration des élèves du geste pour aller vers la sensation, les appuis ou
dans ce cas, la cible. Cette situation n’est donc pas une situation techno-centrée, mais revêt
une dimension stratégique, informationnelle et proprioceptive puisque Michel incite ses
élèves à travailler sur le résultat de l’action et le processus (repérage, prise d’informations), la
cible et non plus sur la procédure, la réalisation du geste. Ces deux premières situations
montrent bien à quel point Michel essaye de faire construire aux élèves un certain nombre de
repères intéroceptifs.
Michel termine sa séance sur une situation de résolution de problème (S3), un groupe
travaillant sur la recherche d’un blocage sur coup de pied haut, l’autre sur coup de pied bas. Il
va laisser ses élèves travailler quelques minutes là-dessus puis va les regrouper afin
d’organiser un moment de concertation afin de détailler les solutions trouvées par les uns et
les autres. On peut dire que ce qui est enseigné là par Michel relève de savoirs
« méthodologiques », que nous mettrons alors dans les savoirs « autres » de la catégorisation
de Margnes (2002), dans la mesure où il met ses élèves dans une forme de travail en
175
autonomie avec un problème à résoudre, ce qui constitue une situation de dévolution au sens
de Brousseau (1998). Néanmoins, dans la phase de remédiation où il revient avec les élèves
sur les solutions trouvées par eux, Michel ira plus loin que les solutions simples de blocage ou
d’esquives proposés par les élèves : « vous n’avez pas besoin d’utiliser les bras. C’est vrai
qu’on le prend (le coup) mais j’accompagne donc j’absorbe et je peux partir ». Michel est en
fait en train de montrer que sur un coup de pied circulaire reçu en ligne basse, au niveau des
jambes, il est possible d’encaisser le coup par une flexion rotation intérieure du genou.
Comme le dit Michel, on prend le coup de pied mais il est absorbé, comme amorti. Il n’hésite
donc pas à intégrer des contenus complexes à son enseignement (l’absorption d’un coup), qui
vont au-delà de la simple esquive avec blocage. Michel a pris appui sur les réponses des
élèves pour faire émerger ces savoirs qu’il compte programmer dans son enseignement par la
suite du cycle d’enseignement.
2.3.2. Discussion sur le SRE
L’enseignant respecte ce qu’il a annoncé dans son projet de cycle, à savoir qu’il entre
dans l’activité par la technique pour glisser progressivement vers des savoirs stratégiques;
c’est d’ailleurs l’annonce de présentation qu’il fait aux élèves dont voici un extrait : « cette
première séance, et les deux trois qui suivent, on va faire essentiellement un travail technique
pour que vous soyez capables d’acquérir une posture de garde et des coups techniques. Plus
on va avancer, plus on va travailler des enchaînements de combat ». Cette démarche est
somme toute classique dans les activités de combat ou même duelles. Il s’agit en effet d’isoler
les problèmes hors du contexte de l’opposition pour peu à peu réinvestir ce champ (de
l’opposition). L’enseignant fait donc travailler ses élèves en solo et en duo et glisse au fur et à
mesure des acquisitions techniques du duo vers le duel, donc du technique vers le stratégique.
Dès le début de la première séance, Michel met en place un travail qu’il qualifie ainsi :
« même position de départ. Bien, il se met en garde. Moi je me mets ici et je vais faire
partir…Vous partez d’ici, vous armez. Concentration première chose sur les appuis. Les
sensations des appuis sont importantes, abdos fessiers contractés. C’est de l’énergie, on la
restitue. Là on verrouille et c’est lourd » (cf. annexe 10). Pour autant, cette situation semble
mettre en jeu plus que des savoirs techniques. Michel n’est pas dans la technique pure dans la
mesure où il ne s’agit pas de répéter un mouvement de manière décontextualisée. C’est là
toute la différence entre technique (finalisée par un but) et technicisme (technique étudiée en
tant que telle, pour le geste) : Michel apporte la technique comme quelque chose que les
176
élèves vont pouvoir utiliser comme des solutions dans le contexte de l’opposition. Pour
revenir à la dernière situation évoquée, les élèves sont en effet par deux, dans un contexte de
travail en duo. Il y a une cible à viser, et des consignes sur les appuis, les sensations sont
données par l’enseignant. Même si les élèves ne sont pas en déplacement, ils doivent ajuster
leur distance par rapport au partenaire afin de délivrer le coup le plus efficace possible. A ce
propos, Michel donnera d’ailleurs la consigne suivante : « regardez là, c’est lui qui reçoit le
coup. C’est donc pas à lui d’avancer, s’il reçoit le coup. Ca, c’est ma distance. Chacun trouve
sa distance ; Hugo n’a pas la même distance que moi. Quand je demande cette position, si
c’est pas une chaîne, des pieds jusque là, ça ne marche pas ! ». La situation mise en place fait
donc appel à un travail sur la distance et sur les sensations, qui sera définie par Michel dans
l’après-coup de « proprioceptive ». Michel donnera dans l’entretien post séance sa définition
de la technique, qui est en accord avec le travail qu’il a fait réaliser aux élèves : « Je suis
rentré par la technique pour travailler justement sur la sensation, sur l’assise, pour
dédramatiser un peu le combat, pour les recentrer sur les sensations. Donc moi la technique
je l’entends pas : je prends position, je prends mes appuis pour ensuite donner un coup. C’est
une étape. Il n’y a pas d’incertitude, on travaille sur les sensations, ce n’est qu’un travail
technique. La technique, elle, renvoie à un positionnement c’est-à-dire qu’il faut être
équilibré, en appui pour frapper ». Cette définition de la technique telle que l’entend Michel
est très intéressante car elle rend compte d’une dimension importante des arts martiaux qui
veut que l’esthétique et l’efficacité soient intimement liés. En effet, la technique la plus
simple en karaté, comme donner un coup de poing est souvent la plus complexe car elle met
en jeu un ensemble de coordinations et de gestes qui doivent être parfaitement maîtrisés pour
réaliser la technique de manière efficace, nous dirons même efficiente c’est-à-dire avec le
maximum d’économie d’énergie. Ainsi, lorsque l’on donne un coup de poing, même sans
déplacement, il ne faut pas considérer le seul bras qui frappe. D’abord, les deux bras
travaillent puisqu’il y en a un qui frappe et un qui effectue un « tirage », coude vers l’arrière
au dessus de la hanche, afin aussi de préparer une autre attaque ou une défense. Ensuite, ce
mouvement s’effectue avec une rotation de la hanche qui vient donner l’impulsion nécessaire
au coup proprement dit. Enfin, on notera que tout le mouvement doit se faire de manière
relâchée, sans contraction musculaire sauf à l’impact proprement dit. Michel semble alors
bien intégrer cet aspect complexe de la technique en karaté en faisant le choix de cibler ses
consignes de réalisation sur le versant proprioceptif des techniques qu’il veut faire apprendre
à ses élèves. Michel semble développer une référence bio informationnelle de l’enseignement
177
du karaté en EPS qui ne fait pas partie de celles que nous avons détaillées en première partie.
Cette référence est de ce fait très personnelle et inattendue.
De plus, pour lui, le seul fait de mettre les élèves par deux en situation de coopération
ne suffit pas à dire que l’on est sur un apprentissage de type stratégique : « C’est pour cela
que l’impact qu’on va développer est important. Si on travaille toujours à vide, ils ne sentent
rien. On ne sent rien à vide, on ne sent à vide que finalement quand on a connu des sensations
d’équilibre, d’impact, là oui ça sert » (cf. EPS1, annexe 11). Dans ce cas, le duo va servir
l’objectif de l’enseignant pour que ses élèves travaillent sur les sensations d’impact, et cela
reste un objectif kinesthésique, proprioceptif. On notera néanmoins que Michel n’hésite pas
au milieu de la première séance à intégrer à son enseignement des savoirs réellement
stratégiques : « quand je suis en garde, la jambe arrière c’est la droite. Ca, c’est un code de
combat » (cf. S1, annexe 10). En effet, dès que l’on aborde la gestion du combat proprement
dit en terme d’informations prises par le combattant et/ou d’alternance des rôles (passer du
rôle d’attaquant à défenseur et inversement), on aborde le versant stratégique de
l’enseignement même si cela reste quelque peu implicite chez Michel pour le moment. Il
faudrait de plus donner aux élèves les moyens de décoder les postures de l’adversaire, ce qui
est alors de l’ordre de l’enseignement d’un autre type de savoir, extéroceptif comme l’est le
décodage d’informations visuelles. Ainsi, on peut repérer dans le discours de Michel une part
non négligeable d’enseignement stratégique, comme par exemple encore : « la même chose
mais regardez la différence. Une main ici, une main là, je l’amène là, j’amortie, j’absorbe son
énergie. Je ne vais surtout pas contre parce que si je vais contre, aïe ! Cette notion
d’absorption (elle) va être primordiale. Pour mawashi, vous avez uchi uke, contre, contre, on
a vu les limites. Vous avez soto uke, je le fais passer à l’intérieur, c’est plus intéressant parce
que je rentre ici…ici » (ibid.). Dans cette démonstration, Michel tente de faire comprendre
aux élèves l’intérêt d’absorber l’attaque adverse de manière à pouvoir mieux enchaîner sur la
contre-attaque. Son enseignement renvoie là à des aspects stratégiques dans la mesure où il
donne aux élèves des solutions pour changer de rôle dans des conditions optimales de distance
par rapport à l’adversaire. Il n’est plus là sur un travail technique mais semble basculer sur des
principes stratégiques complexes (l’absorption de l’attaque adverse et l’adaptation d’un
blocage au type d’attaque délivrée) dans la mesure où les élèves n’en sont effectivement
qu’au tout début de l’apprentissage. De plus, on notera là un écart entre SAE et SRE dans la
mesure où le « glissement progressif » que Michel évoquait se fait plus rapidement que prévu.
A ce propos, il évoque dans l’EPS1 ce passage : « la bascule va se faire très rapidement. On
178
va commencer à travailler sur des enchaînements rapides avec peu d’incertitude certes et des
enchaînements de combat, pieds et poings, sur des cibles et sur l’arme. Cela va arriver très
vite, d’abord comme situation de travail et ensuite avec plus d’incertitude, on va travailler en
situation d’assaut, avec contrôle bien sur mais où l’incertitude est totale » (cf. EPS1, annexe
11). Michel paraît très lucide quant à l’évolution du cycle, qu’il a déjà envisagée.
L’enseignement de Michel lors de cette première séance est aussi emprunt de savoirs
éthiques : « qui dit art martial dit respect. Quand on est à deux en petite opposition, on
commence et on finit par un salut. Ca, on va le respecter. Troisième, le salut. Quand on est
dans un dojo, il y a la photo du Maître, le shomen. Normalement c’est shomen ni reï. Ici il n’y
en a pas donc c’est senseî ni reï. On s’incline. Dernière chose : keritsu. On se lève ». Il garde
cet aspect spécifique et traditionnel de l’art martial qui inclut le respect du partenaire, du lieu
d’entraînement et du professeur. Ceci avait déjà été remarqué par Margnes (2002) qui avait
étudié la multiplicité des savoirs enseignés en combat, travaux auxquels nous nous sommes
déjà référés, notamment pour classifier les savoirs en jeu.
Enfin, la sécurité est pour lui importante, de manière à ce que les élèves puissent
adhérer à l’activité : « ce qui est intéressant pour nous, ce n’est pas de se mettre K.O.
Comprenez bien que ce soit mon rôle aussi bien que votre intérêt à vous, c’est que tout le
monde pratique en toute sécurité » (cf. S1, annexe 10). Pour autant, ce que dit là Michel n’est
pas courant, notamment le « ce n’est pas de se mettre K.O ». Redoute-t-il que les élèves
débordent au point de se bagarrer ? Ou dit-il cela uniquement pour bien poser les règles et
quelque part marquer les esprits de ses élèves en insistant sur le fait que ce n’est pas leur
intérêt ? Michel intègre progressivement à son enseignement des savoirs sécuritaires de
manière aussi à développer l’autonomie de ses élèves en les responsabilisant sur les règles à
respecter, par exemple les zones cibles autorisées en combat : « nous pratiquerons des
touches essentiellement, pas des frappes. Nos zones cibles seront épaules, pas de coups au
visage. C’est un sport qui se travaille à mains nues, mais quand on fera des combats, nous
utiliserons quand même des gants de boxe, pour des raisons de sécurité » (ibid.). Nous
rappellerons que ce qu’entend Michel par touches renvoie à un aspect de contrôle moteur afin
de faire en sorte de retenir son coup dans le but de ne pas faire mal à son partenaire.
Lorsqu’on parle de frappes en combat, c’est que ce contrôle n’est plus existant et que les
combattants ne retiennent plus les coups. Dans cette acception, pour Michel, la maîtrise
technique est un facteur essentiel de sécurité, comme il l’évoque dans l’EPS1 : « au karaté si
179
la technique n’est pas un minimum assise ou acquise par les élèves, on touche à des
problèmes de sécurité. Dans le combat, avec la gestion affective de l’activité, des techniques
qui ne sont pas suffisamment maîtrisées peuvent amener des blessures inutiles, que l’on peut
éviter en travaillant comme on le fait sur des sensations, sur des placements, sur des cibles.
Cela permet de limiter les risques d’accident ». Michel reviendra d’ailleurs sur cet aspect lors
de l’EPSEV, ce qui prouve bien l’importance de cette préoccupation pour lui : « Je me refuse
à faire du combat sur des aspects techniques qui ne sont pas maîtrisés parce qu’en combat, il
faut que les élèves puissent travailler en confiance et s’ils commencent à se faire mal parce
que les techniques ne sont pas suffisamment maîtrisées, on arrive à annihiler tout le bénéfice
et l’intérêt du combat. Ils (ne) vont pas s’engager, ils vont rester en retrait. Je veux asseoir le
cycle sur quelque chose qui soit à peu près propre donc avec une certaine maîtrise technique
qui leur permettra de fonctionner à peu près en sécurité. Après, j’ai travaillé sur une
limitation de l’espace de frappe, pour éviter tout ce qui est blessure, que les élèves puissent
travailler en confiance » (cf. EPSEV, annexe 14). Il semble que Michel ait ce souci de
sécurité, légitime car c’est l’une des préoccupations permanentes du professeur d’EPS mais
que l’on peut peut-être expliquer de surcroît par le fait de son choix de l’école de référence
kyokushinkaï, réputée pour son efficacité, et même sa dureté. L’enseignant a peut-être voulu
se prémunir au maximum de possibles problèmes liés à l’intégrité physique de ses élèves,
comme il peut en vivre en club et qu’il ne compte pas voir émerger dans son cours d’EPS. Le
SRE de Michel durant cette première séance est plutôt à dominante technique dans une
optique sécuritaire mais il commence à diffuser des savoirs stratégiques, que les élèves ne
mettront pas à l’épreuve lors de la première séance. L’articulation entre les savoirs techniques
et les savoirs stratégiques se fera comme Michel l’a dit « rapidement mais progressivement »
(cf. EPS1, annexe 11). Michel se révèle lucide et intègre une préoccupation sécuritaire à son
enseignement. Si l’on compare Nicolas et Michel, nous pouvons déjà dire que le sens que
donnent les enseignants à l’activité en EPS n’est pas de même nature et que ce qui est
enseigné par Michel semble être avant tout son propre rapport au savoir. Le SRE de Michel
durant cette première séance est à dominante technique et sécuritaire, tandis que celui de
Nicolas était plus techniciste. En effet, Michel ne conçoit pas la technique comme une fin
(d’apprentissage d’un seul geste) mais comme un moyen (de contrôle du geste dans une
optique proprioceptive et sécuritaire). Il est en effet sur la recherche de constructions de
perceptions, de sensations dans un but technique et stratégique. Nous observons alors une
référence proprioceptive dominante chez Michel au niveau de son SRE.
180
2.3.3. Etude de la dernière séance du cycle : le savoir réellement évalué (SREV)
Michel évalue ses élèves dans l’épreuve du combat libre. Le SREV se révèle de ce fait
à dominante stratégique, même si cela n’exclut pas d’évaluer la maîtrise de l’exécution
technique de l’élève au cours de l’épreuve de combat. La bascule progressive du technique
vers le stratégique envisagée par Michel à l’issue de la première séance semble avoir été faite.
Néanmoins, avant de l’étudier plus en détail, il apparaît tout de suite un écart entre SAEV et
SREV car lors de l’EPS1 Michel dit : « je vais les évaluer dans une situation d’assaut à
incertitude modérée. Je définirai uniquement des cibles et des armes que nous avons
travaillées en cours ». L’épreuve du combat libre n’est pas une situation d’assaut modérée où
les attaques seraient déterminées à l’avance et peu ou pas enchaînées. Il y a donc à ce niveau
une contradiction, même si Michel dit bien avoir réalisé ce travail d’assauts à thèmes dans
l’EPS1 : « j’ai utilisé les variables informationnelles, d’incertitude. Les assauts à thèmes,
automatiquement, envisageaient des techniques que l’on avait vues avant…ou comme je l’ai
dit, que les poings, que les jambes ». Quand il revient sur la prestation de ses élèves au cours
de l’évaluation, Michel est d’ailleurs positif dans ses retours : « Je ne pensais pas qu’on
arriverait rapidement à avoir des combats relativement propres, avec des stratégies de
tourner, d’occuper l’espace ». A la question de savoir si Michel était satisfait des acquisitions
des élèves, il répondra : « j’ai trouvé ça assez intéressant […] on est arrivé à des sorties dans
le dos, des décalages, des impacts. Pour moi, les écarts les plus sensibles se situeraient au
niveau des appuis, au niveau de la précision où là on n’est pas tout à fait rentré dans les
objectifs. Par contre, les stratégies de défense, de déplacements, d’adaptation des coups ou de
l’arme à la distance, là je pense qu’il n’y a pas d’écart. C’est très positif » (cf. EPSEV,
annexe 14). On peut penser que compte tenu de la progression qu’il dit correcte de sa classe, il
a choisi d’évaluer ses élèves dans l’épreuve plus complexe de combat. Nous avons d’ailleurs
interrogé Michel sur la manière dont s’est réalisé le passage entre l’entrée dans le cycle,
technique et sa fin, centrée sur le combat. A cette question, Michel évoque le contenu de son
évaluation : « même si les critères d’évaluation sont techniques, ce qui est important, en
combat, c’est d’y voir clair. C’est-à-dire que ça (ne) sert à rien d’aller dans le combat avec
des coups qui ne sont pas maîtrisés, qui ne sont pas portés à distance ». La fiche d’évaluation
comporte effectivement des critères techniques : (par exemple : « garde, se protège ») et des
critères stratégiques (comme « se décale latéralement »). Michel semble dire là que ce qui est
évaluable est technique, mais ce qui est important dans le combat (« y voir clair ») ne l’est
pas, évaluable. L’aspect stratégique de l’épreuve est avéré, puisque chaque élève est évalué
181
en attaque et en défense (cf. annexe 8) et de surcroît va rencontrer des adversaires différents et
de niveau sensiblement équivalent : « au niveau du combat, on va travailler au moins sur
trois assauts avec des partenaires de compétence et d’implication similaires dans l’activité »
(cf. EPS1, annexe 11). On notera aussi que les élèves pratiquent la co-évaluation, et l’essentiel
de la communication de Michel au début de la séance vise à expliciter la fiche que les élèves
vont avoir à utiliser : « il est en place où il (ne) l’est pas, il enchaîne ou il (n’) enchaîne pas.
Faut que ce soit placé, assis, en appui des pieds à l’impact. Pensez à tout ce qu’on a travaillé.
Notamment les appuis, aux enchaînements qu’on a travaillés » et le co-arbitrage, qui semble
alors avoir été un fil conducteur du cycle puisque l’on avait noté cette préoccupation de
Michel dès la première séance : « l’arbitre, il s’occupe de gérer le combat. Il faut que ce soit
une agressivité qui soit saine. Il (ne) faut pas que ça se crispe et que ça ait l’intention de faire
mal. Vous avez l’ordre des combats qui est marqué, vous alternez le rôle de celui qui marque
à la chaise et de celui qui arbitre ». L’arbitrage, de surcroît, ne participe pas seulement au bon
fonctionnement des combats dans la responsabilisation des élèves et l’atteinte d’objectifs
d’autonomie du projet de cycle : « être capable de comptabiliser des touches et d’arbitrer des
assauts », mais est évalué, l’enseignant attribuant une partie de la note finale à ce savoir
réglementaire (cf. fiche d’évaluation de l’arbitrage en annexe 8). De ce fait, le SREV de
Michel est essentiellement stratégique, un peu réglementaire et comme dans le SRE, la
technique est évaluée mais comme moyen de garantir la sécurité et de développement de
compétences plus stratégiques.
En terme de référence, on peut d’ores-et-déjà constater que Michel passe d’une
référence à l’autre. La référence historique est présente avec l’enseignement de valeurs
propres aux arts martiaux (le salut, le respect de l’adversaire). La référence sportive l’est aussi
puisque Michel évalue ses élèves en combat, la performance comptant pour partie dans cette
évaluation. La référence scolaire est la plus présente chez Michel avec un enseignement
original du karaté centré sur des principes bio-informationnels. L’étude du cas Michel fait
émerger une multi référence tout au long du processus d’enseignement.
2.4. Troisième phase de l’étude de cas : l’analyse de l’entretien d’après-coup (EAC)
Pour mener cet entretien, nous rappellerons juste notre volonté de respecter les trois
temps de notre méthodologie en didactique clinique, à savoir revenir avec Michel sur le SAE,
puis sur le SRE et enfin l’après-coup, comme tentative d’objectivation, en insistant sur les
182
écarts que nous avons relevé au cours du processus d’enseignement qu’il a mené. Le fil
conducteur de l’entretien suit le temps didactique, du savoir à enseigner et à évaluer au savoir
enseigné et évalué. Nous avons commencé par interroger Michel sur son projet de cycle, dont
les objectifs annoncés, par exemple « passer d’une attaque simple et sporadique à une
attaque construite et enchaînée » nous paraissait trop calquée sur des objectifs énoncés par les
programmes d’EPS du lycée. A cela, l’enseignant nous a répondu qu’il donnait souvent des
objectifs institutionnels qu’il visait en deux ans, et qu’au cours des cycles il « travaillait sur
des sous-objectifs ». Très vite, nous sommes passés au SRE, et nous avons en tout premier
lieu demandé à Michel de commenter une communication extraite du début de la première
séance afin de mettre en tension une consigne de réalisation donnée aux élèves (« c’est de
l’énergie, là on verrouille et c’est lourd ») et ce qu’il disait dans l’EPS1, à savoir qu’il rentrait
dans le cycle par la technique « pour travailler justement sur la sensation, sur l’assise, pour
dédramatiser un peu le combat » (cf. EPS1, annexe 11). Michel va répondre à cela que c’est
justement « une voie qui permet de rentrer différemment sur des activités très techniques ».
Autrement dit, on peut penser que pour lui, une activité comme le karaté, très exigeante au
niveau technique, va nécessiter des aménagements au niveau didactique afin de ne pas
occulter cet aspect de l’activité. Michel nous donnera un exemple de sa pensée quand il dit :
« l’entrée notamment au niveau de l’équilibre se fait en ce qui me concerne par de la
proprioception, centrage sur les sensations » (ibid.). A ce niveau, Michel se positionne sur
une référence bio-informationnelle de l’enseignement du karaté en EPS. Michel conçoit alors
qu’un apprentissage technique peut certes prendre appui sur les gestes proprement dit mais
aussi en incitant l’élève à porter son attention sur d’autres facteurs, à savoir ici un
fonctionnement interne, ce qu’il confirmera quand il avance : « ce travail sur les sensations
permet finalement de dédramatiser, de recentrer l’élève sur un fonctionnement interne et pas
sur quelque chose d’extéroceptif qui pourrait le bloquer » (cf. EAC, annexe 15).
Dans la discussion qui a suivi quant à la place de la technique dans l’enseignement de
Michel, nous lui avons alors demandé si en fait il ne visait pas des savoirs purement
sécuritaires, vu l’importance que l’enseignant y accordait dans son cycle. Il répondra que l’on
ne doit pas considérer que sa démarche vise un objectif sécuritaire. Pour lui, ce n’est qu’ « un
moyen pour faciliter l’accès aux apprentissages » (cf. EAC, annexe15). La sécurité reste pour
lui « une préoccupation » mais n’est pas un objectif en soi. Il dira que c’est « une démarche
d’enseignement » que l’on assimile effectivement à quelque chose de transversal dans l’année,
à tous les cycles dans toutes les activités enseignées. A la suite à cela, nous avons voulu
183
interroger Michel sur l’influence de la pratique récente du style de karaté kyokushinkaï qui
nous semble déterminante dans le choix du savoir enseigné. Michel précise d’emblée que « la
démarche dans laquelle il s’inscrit pour rentrer dans l’activité n’est absolument pas celle que
l’on retrouve dans un club ». Il repose alors la question de l’influence, mais en termes de
niveau. Michel est conscient que sa pratique influence son enseignement et il insiste sur le fait
que ce n’est pas une influence aveugle, qu’il a effectué un travail de traitement didactique. A
ce propos, il dit : « lorsque je fais quelque chose, je le digère, j’en tire les grandes lignes et je
le transforme en contenus d’enseignement ». Cette remarque insiste sur le rapport réflexif de
Michel au savoir ; cet enseignant interagit sans cesse avec sa classe, s’adapte, mais a besoin
d’un temps de réflexion « après-coup » pour apprécier la pertinence de ses remédiations en
cours. Il a besoin de ce retour réflexif sur son action pour que son enseignement soit plus
efficace. Michel est ce que l’on pourrait appeler un « praticien réflexif » (Schön, 1994).
La dernière partie de l’entretien concerne le savoir évalué. Comme précédemment,
nous avons confronté Michel à un écart, entre l’évaluation prévue en début de cycle
(technique et stratégique) et celle réalisée (uniquement stratégique). Michel s’en explique de
manière simple en disant qu’il n’hésite pas à s’adapter, notamment dans ce cas à la
progression des élèves : « j’ai donc fait évoluer mon évaluation en même temps que la
progression des élèves ». Ensuite, au vu de la bascule progressive opérée par Michel lors du
cycle de technique à stratégique, nous avons voulu savoir comment il considérait le fait
d’entrer dans un cycle de karaté par des savoirs techniques, pour en ressortir par du
stratégique ou exclusivement du combat. Une fois de plus, il rattache cela à la démarche qu’il
« utilise quelle que soit l’activité ». Il explique alors qu’en terme de pourcentage, il y a en
début de cycle un rapport technique/stratégique de 70/30, ce rapport s’inversant
progressivement tout au long du cycle : « en fonction des acquisitions, on renverse le
processus pour arriver à 30 % de technique en fin de cycle ». Au cours de la discussion,
Michel reviendra encore sur cette place qu’il accorde à la technique, d’abord d’un point de
vue sécuritaire : « la technique reste un moyen sûr de préserver l’intégrité physique des
élèves », ensuite comme outil ou « passage obligé qui ne sert qu’à viser des aspects plus
stratégiques ». Pour autant, on peut dire que nous avons là accès à la stratégie didactique de
Michel : pour lui, le savoir sécuritaire est confondu, inclus dans le savoir technique, comme
une forme de « sécurité active ».
184
2.5. Synthèse de l’étude de cas : les références de Michel
Etapes de la
TD
SAE
SRE SAEV SREV
Traces
« Apport
technique au départ » (…)
« avec glissement
progressif vers l’assaut et le
combat »
« Concentration première chose, sur les appuis »
« Dans une situation
d’assaut à incertitude modérée»
« L’important, c’est d’y voir
clair »
Savoirs
Techniques et stratégiques
Proprioceptifs
Techniques et sécuritaires
Extéroceptifs
Références
dominantes
Didactique
Scolaire
Scolaire
Sportive
Tableau 31 : l’évolution des références dans l’étude de cas Michel
L’analyse clinique du cas Michel montre que tout au long du processus de
l’enseignement à l’ évaluation (cf. tableau 31), les savoirs sont multiples et variés. Les aspects
techniques de son enseignement lui permettent en effet de rentrer dans l’activité en toute
sécurité et lui donnent un fil conducteur qu’il n’abandonne jamais totalement, même à
l’évaluation. Par contre, l’aspect stratégique est occulté lors de la première séance, il ne fait en
effet que prévoir un travail plus stratégique dans la suite du cycle. Cela peut s’expliquer par
l’intention de Michel de « sécuriser » les savoirs en jeu en début d’apprentissage et de mettre
les élèves en confiance par rapport à ceux-ci pour la suite du cycle. Michel choisit d’évaluer
les élèves dans une épreuve purement stratégique (le combat) mais garde tout de même un
caractère technique à l’évaluation dans les critères qui sont donnés à évaluer par les élèves. En
somme, Michel dit que pour lui la technique est plus un moyen qu’une fin, mais pour autant
ce qu’il fait est tout autre, puisqu’il évalue effectivement des aspects techniques. Une
contradiction apparaît entre ce que dit faire l’enseignant et ce qu’il fait réellement. On observe
185
aussi une rupture entre le savoir enseigné et le savoir évalué. Comment rentrer comme le fait
Michel par la technique et en sortir par le combat ? Cette question a été posée à Michel dans
l’EAC et il répondra qu’il ne rentre pas par le combat pour des questions de sécurité
uniquement. Ce n’est pas « sa démarche d’apprentissage » (cf. EAC, annexe 15). Cette
« démarche » est originale car elle se démarque des réponses habituelles qui justifient une
entrée par la technique, du fait de l’exigence de l’activité à ce niveau, ou tout simplement
pour reproduire un enseignement traditionnel. Le tableau 31 montre que la rupture la plus
sensible dans l’enseignement de Michel se situe entre le savoir enseigné et le savoir évalué.
Pour autant, on ne peut pas dire que Michel n’a pas enseigné ce qu’il évalue. En effet, son
enseignement articule de manière cohérente duo et duel, technique et stratégique,
proprioceptif et sécuritaire et son évaluation tient compte de ces différents aspects. Ce qui
résume le mieux la référence de Michel est l’importance d’ « y voir clair » en combat car cela
résume le rapport personnel de Michel à l’activité. La lucidité dont fait preuve Michel dans
son enseignement est un savoir qu’il semble vouloir transmettre à ses élèves par le biais du
karaté en EPS. L’étude clinique apporte donc à ce niveau un éclairage intéressant sur toute la
démarche et la logique de l’enseignant. Nous avions dans les analyses préalables (et au seul
vu des résultats de l’enquête préliminaire) associé le profil de l’enseignant à « la gestion du
couple risque-sécurité ». Après l’étude clinique qui a été faite, nous dirons que ce profil
représente bien le cas Michel. Ceci est peut-être le fait de la nouvelle forme de karaté qu’il
pratique au moment de l’expérimentation, le kyokushinkaï. Cette école est en effet centrée sur
l’efficacité en combat, préoccupation que l’on retrouve chez Michel dans l’EPS1 : «L’intérêt
de cette activité kyok, c’est que là on touche à l’efficacité, ce qui va faire que l’activité va être
crédible ». Ainsi, l’étude didactique clinique a permis un éclairage particulier, à multiples
niveaux, des diverses influences qui ont pesées sur l’enseignement réalisé. Dans le cas de
Michel, l’influence la plus sensible est sa pratique, qui fait partie de son déjà-là expérientiel,
autrement dit son expérience de pratiquant.
Au terme de cette étude de cas, nous allons pouvoir conclure en tentant de définir la
référence de Michel qui s’avère au regard des analyses précédentes :
- technique, avec une composante sécuritaire pour garantir le respect de l’intégrité
physique de ses élèves et une autre composante proprioceptive pour focaliser les
élèves sur leurs sensations.
- Pour autant, Michel se réfère aussi à des aspects stratégiques puisqu’il a la volonté
d’articuler duo et duel progressivement tout au long du cycle, y compris à l’évaluation.
186
Le combat est considéré comme l’essence même du karaté ou de tout autre art martial.
Le karaté est en effet un art de guerre, de préparation au combat, dans une optique
d’auto-défense.
- C’est alors un aspect culturel du karaté que Michel intègre à son enseignement,
exactement comme les savoirs éthiques (le salut, le respect du partenaire) qui sont
distillés tout au long du cycle, sans être évalués pour autant. La référence de Michel
est de ce fait influencée de références historiques que Michel lui-même reprend sous le
terme de « culturelles » : « c’est un passage qui est plutôt culturel, qui est le kihon et
je garde ici dans mon enseignement cet aspect traditionnel » (cf. EPS1, annexe 11).
De ce fait, nous dirons que la référence de Michel est scolaire : son enseignement du
karaté en EPS est un moyen pour lui de diffuser à ses élèves un savoir émergent des pratiques,
un savoir sur soi, culturel car actuel et très présent à la fois au niveau social et au niveau
institutionnel. Si l’on revient sur la référence scolaire du karaté que nous avons développée en
première partie de la thèse, on remarque la convergence de certains aspects de l’enseignement
de Michel avec celui que nous avons étayé, comme la gestion du couple risque-sécurité, ainsi
que la manipulation des variables didactiques de la situation d’opposition. Pour autant, Michel
a des références d’un autre type que celles habituellement utilisées (techniques, stratégiques)
car c’est un enseignant chevronné qui a su s’interroger sur la manière la plus appropriée selon
lui d’enseigner l’activité karaté en EPS en gardant sa logique interne, tout en s’éloignant des
aspects trop traditionnels de l’enseignement de cette pratique de combat. Les écarts qui ont pu
être mis au jour dans l’étude de cas Michel sont autant de marques des remaniements que
l’enseignant fait subir à sa référence. L’étude de cas Michel met l’accent sur les remaniements
de la référence qui sont opérés par l’enseignant tout au long de son enseignement. La
référence apparaît multiple dans la mesure où elle est composée de plusieurs influences qui à
un moment donné et dans un contexte particulier sont plus ou moins activées par l’enseignant.
Michel illustre bien ce propos dans la mesure où il semble activer des composantes différentes
de sa référence suivant ce qu’il veut enseigner. Nous pouvons dire à ce stade de notre
recherche que la référence semble se construire à l’instant, et se reconstruit continuellement
durant le processus d’enseignement en fonction du sens que l’enseignant veut donner aux
savoirs qu’il enseigne tout en conservant sa logique propre.
187
3. Perspectives de travail
A ce stade de l’avancée de notre recherche, les études du cas Nicolas (pré-étude de
cas) et Michel (première étude de cas) montrent toutes deux des écarts plus ou moins
importants entre les différents savoirs en jeu dans la chaîne transpositive. Les écarts, en tant
qu’outils, permettent de rendre compte de l’évolution des références au cours du processus de
transposition didactique. Dans les deux cas Nicolas et Michel, il émerge un écart
particulièrement significatif entre ceux-ci et la référence de l’enseignant, source de
remaniements. Ceci nous permet de dégager provisoirement deux conséquences : - les remaniements du sujet, entre ce qu’il sait et ce qu’il sait faire (les déjà-là), ce qu’il veut
faire (le SAE) et ce qu’il fait réellement, (le SRE). En effet, SAE, SRE, SAEV et SREV ne
peuvent pas être envisagés dans la linéarité dans la mesure où l’enseignant semble utiliser des
références parfois différentes en fonction du moment de son enseignement et de son intention.
- Des références à chercher ailleurs, notamment dans l’expérience et l’expertise de
l’enseignant. Le statut d’enseignant débutant de Nicolas, qui a servi de pré-étude de cas
interroge à la fois sur sa capacité professionnelle à manipuler les variables didactiques de
l’activité (Loizon, 2004) et son manque de recul et d’expérience pour effectuer un travail de
traitement didactique personnel. Il se peut en effet que ce soit moins la contingence de la
classe que son inexpérience professionnelle qui se révèle comme un frein pour adapter le
karaté qu’il veut enseigner à ces élèves très peu concentrés sur leur travail en classe. La
caractéristique propre à Nicolas, d’enseignant débutant, semble donc à prendre en
considération. On serait tenté de croire a priori, et parce qu’il le dit que sa référence n’est que
le combat, car c’est un aspect du karaté qu’il pratique en compétition. En fait, sa référence
scolaire s’avère technique et traditionnelle tout au long de son enseignement. En d’autres
termes, Nicolas a renoncé à enseigner ce qu’il connaît le mieux. La référence de l’enseignant
n’est donc pas toujours celle du pratiquant, thèse déjà développée par Chevallard mais qui
s’exprime ici en terme de renoncement (Chevallard, 1985). La pré-étude de cas Nicolas nous
a surtout servi à fonder la particularité de notre méthodologie, qui envisage une transposition
ascendante alors qu’elle est souvent envisagée de manière descendante. Dans cette thèse, nous
partons des savoirs enseignés pour remonter à la référence de l’enseignant. De plus, comme la
pré-étude de cas Nicolas a montré le poids de l’expérience du pratiquant, et en l’occurrence le
biais de son inexpérience d’enseignant d’EPS, nous avons opté dans les études de cas
188
suivantes pour des enseignants et experts en karaté et expérimentés dans l’enseignement de
l’EPS.
L’étude de cas Michel a quant à elle fait émerger la dynamique de la nature de la
référence utilisée par l’enseignant : elle se révèle bien dans les écarts mais parce qu’elle est
constamment remaniée par l’enseignant au cours des différentes phases de son enseignement.
En définitive, il s’avère que c’est moins la référence que la fonction de cette référence qui
change dans ces remaniements, passant par exemple d’une fonction technique à stratégique ou
encore sécuritaire suivant les éléments déclarés par l’enseignant. Il semble alors que l’écart
lui-même devienne un outil d’analyse de tout premier ordre au chercheur car il lui révèle la
« véritable » référence utilisée par l’enseignant dans la conduite de son enseignement. Cela
nous amène à affiner notre définition de la référence qui est empreinte de l’expertise de
pratiquant, aussi de l’expérience d’enseignant et surtout se trouve activée en fonction des
contingences auxquelles se trouve confronté le professeur dans l’épreuve d’enseignement. Ce
facteur, en tant qu’influence, s’avère intervenir de manière significative dans la structure de
division constitutive du sujet enseignant, entre ce qu’il sait faire (son expertise) et ce qu’il
peut faire en EPS (son expérience), d’où l’intérêt de l’approche clinique en didactique.
La référence, qui semble organiser une grande part de la pratique enseignante,
interroge le rapport au savoir de l’enseignant, en questionnant son rapport personnel aux
savoirs qu’il dit avoir comme référence. A ce stade des premières conclusions, il est possible
d’extraire un cadre d’analyse de la référence enseignante, dont les indicateurs sont les
suivants :
- les écarts aux savoirs, du SAE au SREV.
- Les aspects fonctionnels de la référence : est ici envisagée la référence enseignante en
tant qu’action dans un contexte scolaire, avec des caractéristiques propres : technique,
stratégique, éthique, sécuritaire, informationnelle. Ces aspects de la référence vont
ainsi renvoyer à son utilité, sa nature, son rôle dans l’enseignement produit. Ce sont en
somme les effets de la référence qui sont supposés et constatés par le chercheur,
déclarés par l’enseignant.
- Les aspects structurels de la référence : ils vont envisager la manière dont la référence
est construite par l’enseignant et envisagée dans ses parties, notamment fonctionnelles.
Dans cette optique, suivant la nature de l’organisation de la référence dans les
189
éléments de structure qui la composent, on pourra pondérer l’importance du culturel,
du personnel ou encore de scolaire dans sa composition.
Afin d’illustrer notre propos, nous allons tout d’abord mettre à l’épreuve ce cadre
d’analyse à l’étude de Michel. L’étude de son cas est en effet particulièrement intéressante
dans la mesure où elle met en lumière que Michel enseigne avant tout des savoirs centrés sur
les sensations. Ce type de savoir n’est même pas enseigné, ou très peu, en club, où
l’enseignement du karaté reste très traditionnel et basé sur des savoirs techniques, alors que le
« travail interne » est la base des arts martiaux, mais son enseignement est souvent oublié. A
moins que ce soit un travail implicite, comme l’a conduit Michel, à savoir un travail technique
qui vise des savoirs stratégiques et sécuritaires. Michel base son cycle sur un enseignement
qu’il dit lui-même « proprioceptif ». Il est donc sur un registre d’enseignement du combat en
EPS fort original car la nature du savoir qu’il enseigne n’est pas celle habituellement
enseignée, technique ou stratégique, ni en club, ni en EPS. Ce type de savoir est pour autant
très actuel à l’école, puisque les programmes de lycée (2000) mettent en avant ces « savoirs
sur soi ». On peut alors faire l’hypothèse que le savoir que développe Michel, sa transposition
en tant que traduction personnelle au niveau scolaire subit inévitablement un effet de
l’institution. L’étude du cas Michel fait donc émerger un autre type de référence en combat,
qui peut être définie comme une centration sur le sujet. A ce stade, on peut se demander d’où
vient ce savoir émergent ? Encore une fois, c’est chez Michel lui-même que nous trouverons
la réponse à cette question car il dit au cours de l’EAC « quand je fais quelque chose, je le
digère… ». Cette métaphore de la digestion qu’utilise Michel nous semble particulièrement
significative de son cas : Michel crée sa propre référence, qui subit deux influences, son
expérience d’enseignant et son expertise personnelle de karatéka. Ce qu’envisage Michel en
début de cycle ne peut pas se retrouver sous la même forme à la fin car il s’adapte, « digère »
comme il dit ce qu’il fait à chaque séance pour modifier les suivantes. Dans cette optique, la
référence de Michel peut être qualifiée de dominante scolaire, car elle correspond à
l’adaptation de l’enseignant à un contexte particulier et changeant. Elle est surtout très
personnelle, marquée par le rapport au savoir personnel de l’enseignant : son expertise de
karatéka.
L’étude de cas Michel nous a aussi montrée que le statut de la référence change avec
les trois temps de la didactique clinique. En effet, il s’avère qu’au temps du déjà-là, la
référence est souvent invoquée par l’enseignant dans ses planifications, voire évoquée dans
190
l’EAS1. Elle est mobilisée au cours de l’épreuve d’enseignement, et convoquée, voire re-
convoquée au cours de l’après-coup, quand l’enseignant revient sur ce qu’il a fait et justifie
ses choix (cf. tableau 32).
Temps de la
didactique clinique
Déjà-là
Epreuve Après-coup
Chaîne
transpositive
SAE-SAEV
SRE-SREV AC
Statut de la
référence
Invoquée Mobilisée Re-convoquée
Tableau 32 : statut de la référence aux trois temps de la didactique clinique
L’étude de cas nous a déjà montré quelle référence principale Michel invoquait,
mobilisait ou encore convoquait, mais nous pouvons le préciser à des fins de rappel dans le
tableau suivant, à partir de l’analyse précédente (cf. tableau 33) en incluant les aspects
structurels de la référence, en rapport avec son statut :
Chaîne
transpositive
SAE SAEV SRE SREV AC
Statut de la
référence
Invoquée
Mobilisée Re-convoquée
Structure de la
référence
Culturelle
Scolaire
Personnelle
Tableau 33 : évolution des aspects structurels dominants de la référence de Michel dans la
chaîne transpositive
Nous pouvons à partir de là procéder à l’analyse des différents écarts évoqués
antérieurement. On constate avant tout la dynamique de la référence, notamment au cours de
l’épreuve. Cela est intéressant à noter dans la mesure où l’on peut faire l’hypothèse que c’est
l’épreuve même de l’enseignement qui contraint l’enseignant à s’adapter et à mobiliser une
référence qu’il n’avait pas nécessairement prévu de mobiliser a priori mais qu’il a peut-être
191
incorporée à son insu (ce qui pourra être éventuellement précisé dans l’après-coup). On
constate que celle-ci n’est pas occultée dans l’après-coup mais re-convoquée, re-appropriée
par lui. Le savoir « proprioceptif » de Michel est à considérer comme émergent dans la
mesure où il n’était pas envisagé dans le SAE. Par contre, il ne sert comme Michel nous l’a
déjà dit qu’à « l’atteinte des compétences plus stratégiques » car il n’est pas directement
évalué, mais peut être le fondement de ce qu’il souhaite enseigner implicitement. C’est à ce
niveau que nous pouvons en tant que chercheur inférer une fonction bio-informationnelle à
cette référence de Michel, et une structure scolaire, en analysant son poids dans
l’enseignement produit par l’enseignant, au regard de son expertise de pratiquant et son
expérience d’enseignant.
A ce stade de notre interprétation, et pour mettre à l’épreuve ces énoncés interprétatifs
nous proposons alors l’étude de deux autres cas enseignants (Giovanni et Alain), en utilisant
ce cadre dans une analyse de cas croisée. Nous allons ainsi nous attacher pour chacun, à
chaque étape de la chaîne transpositive, à repérer les écarts et à en déduire les différences de
fonction et de structure de la référence invoquée et mobilisée par ces deux enseignants.
L’entretien d’après-coup nous servira alors à revenir avec chacun d’eux sur ces écarts pour
extraire les raisons de ces modifications et faire émerger la référence re-convoquée alors. Le
plan que nous allons suivre pour l’étude de cas croisée, à partir des verbatim des deux
enseignants Giovanni et Alain retranscrits en annexes est le suivant :
- une première phase sera consacrée à une analyse comparative des déjà-là des deux
enseignants.
- Les deuxième et troisième phases viseront respectivement à comparer les SAE et
SAEV de Giovanni et Alain, puis leurs SRE et SREV.
- La quatrième phase sera consacrée à l’analyse comparative des après-coups des deux
enseignants.
192
4. Etude de cas croisée : Giovanni et Alain
4.1. Présentation des deux enseignants : le déjà-là
Giovanni a un parcours que l’on peut définir d’atypique. En effet, sa carrière
professionnelle ne commence pas dans l’Education Physique mais comme apprenti forgeron.
Autodidacte et volontaire, il a réalisé point par point ce qu’il a désiré. En une dizaine
d’années, il passe d’apprenti forgeron à professeur de structure métallique dans un collège de
Montauban. En une dizaine d’années, il obtient le second degré du Brevet d’Etat de karaté. Il
sera pendant deux ans responsable de l’Ecole Régionale des Cadres de la Ligue Midi-
Pyrénées de karaté et forme des professeurs de karaté. Au terme de vingt ans d’ascension
sociale à coups de cours du soir, il devient professeur d’EPS en passant le concours interne et
intègre le karaté dans son programme d’EPS au collège de Sens, dans l’Académie de Dijon.
Comme il le dit, il ne l’a plus enseigné depuis en EPS car « partout où je suis passé il n’y
avait pas de sports de combat organisés » (cf. EAS1, annexe 18). Il enseigne actuellement
dans un collège de Toulouse, où il vient d’être muté sur sa demande, après une dizaine
d’années en lycée professionnel. En conclusion, nous dirons que l’expérience et l’expertise de
Giovanni sont très marquées par le karaté qu’il considère comme une école de la vie. En effet,
le karaté semble avoir guidé nombre de ses choix professionnels.
Alain est enseignant d’EPS depuis une quinzaine d’années. Il enseigne actuellement
dans un collège de Limoges. Son expérience du karaté est multiple. C’est en effet par cette
activité qu’il est rentré dans les arts martiaux, « à l’âge de onze ans » (cf. EAS1, annexe 28).
Puis il a pratiqué le taekwondo mais c’est vraiment à son entrée dans la vie étudiante, en
STAPS qu’il va être influencé par la démarche de l’un des enseignants en judo. Il écrit à ce
propos dans le questionnaire préliminaire (cf. annexe 26) : « je me suis énormément appuyé
sur la réflexion pédagogique développée en judo et plus particulièrement durant mon cursus
en STAPS ». Cela va le faire réfléchir sur sa propre pratique du karaté, qu’il va poursuivre
durant le début de sa carrière d’enseignant sur Paris de manière éclectique, en karaté, et même
en kobudo qui est basé sur l’apprentissage du maniement des armes traditionnelles (bâton,
fléau, nunchaku, par exemple). Alain est actuellement professeur de karaté dans le club où il a
commencé à pratiquer le karaté et est directeur de l’Ecole Régionale des Cadres de la Ligue
193
du Limousin. Il est ceinture noire deuxième dan. En conclusion, nous pouvons dire que
l’expertise d’Alain est marquée de plusieurs influences : il a l’expérience, corporelle et
professionnelle, de plusieurs arts martiaux, non limitée au karaté, facteur que l’on retrouve
dans son expérience d’enseignant d’EPS puisqu’il les enseigne ou les a enseignés en milieu
scolaire.
Si l’on compare ces deux enseignants, quant à leur déjà-là expérientiel et conceptuel
on constate un contraste très important. En effet, autant Giovanni a comme influence unique
le karaté art martial, et même comme il le dit : « le karaté originel » (cf. EAS1, annexe 18),
autant Alain, qui a pratiqué plusieurs sports de combat, revendique une approche plus
généraliste et sportive. Il dit à sa classe lors de la première séance : « je vais vous la présenter
sous sa forme dynamique, la forme combat » (cf. S1, annexe 28). Nous avons donc affaire là à
la confrontation de deux conceptions de l’enseignement du karaté en EPS, dans la mesure où
nous avons une méthode traditionnelle annoncée d’un côté avec Giovanni et de l’autre une
méthode sportive et moderne (plus actuelle) prévue par Alain.
4.2. Analyse comparative du SAE et du SAEV de Giovanni et d’Alain
4.2.1. Le SAE et le SAEV de Giovanni
La planification de la première séance fournie par Giovanni (cf. annexe 17) présente
deux parties : une présentation de l’activité par l’enseignant et le moment rituel du salut, puis
une « approche technique et pratique ». Dans cette dernière, on trouve l’apprentissage de
« postures, techniques de défense et d’attaque fondamentales ». Nous avons aussi étudié la
planification de sa deuxième séance. Celle-ci se démarque de la première dans la mesure où
elle se divise en trois parties avec une première consacrée à l’étude de « déplacements » que
l’on peut supposer sur la même procédure que lors de la première séance, soit les élèves
devant le professeur qui leur montre ce qu’il doivent réaliser et les fait répéter. Dans une
deuxième partie, il prévoit une application de ce premier travail avec un « travail face à face »
dont l’objectif est un travail de perception : « percevoir la direction du déplacement de
l’adversaire pour y associer la direction de ses propres déplacements ». La troisième et
dernière partie de cette séance est consacrée à la « notion de tori/uke, travail de ippon
kumite » qui se veut plus stratégique dans la mesure où il y a une adaptation nécessaire à
l’adversaire en terme de défense, de distance et de contre-attaque, qui implique donc un
194
changement de rôle du défenseur à celui d’attaquant. L’analyse de l’EAS1 réalisé avec
Giovanni fait émerger ses intentions d’enseignement centrées autour de trois types de savoirs :
- stratégique : Giovanni parle de « confrontation ». Dans son optique, il compte
renforcer le travail du défenseur : « la priorité est mise sur le blocage. Ne pas prendre
le coup avant de penser à le rendre, c’est fondamental pour moi ».
- Technique : « la mise en yoï, le salut debout, rentrer par les postures […], ensuite
travailler sur une technique de défense […], une technique d’attaque oï tsuki et un
coup de poing ». Giovanni souligne dans cet entretien que pour lui « c’est important
de rentrer dans l’activité par le kihon et on garde le kata pour la fin de la séance ».
En d’autres termes, il se positionne pour une entrée technique, à base de répétitions de
gestes dans le vide (le kihon et le kata), ce qui semble correspondre à une référence
historique du karaté.
- Ethique : au cours de l’entretien Giovanni va souligner l’importance de l’aspect
martial avec « le salut, le respect » et sa volonté de montrer à ses élèves le « karaté
originel ». Mais il va aussi apporter une nuance à ces propos quant à la difficulté
d’enseigner cet aspect des choses dans un établissement scolaire public : « il y a tout le
rituel, le salut, le respect du professeur que l’on ne peut pas trop appliquer dans un
établissement scolaire par rapport à une mentalité qui est différente qu’en club ».
Dans le même ordre d’idée, il précisera ce qu’il entend par « karaté originel » : « le
karaté, c’est pour se défendre pas pour attaquer. Tous les katas commencent par un
blocage ». Cette conception du karaté est d’ailleurs complètement en accord avec
l’enseignement que prévoit Giovanni, centré sur le travail du défenseur et ne fait que
renforcer la présomption d’une référence historique de l’enseignant au karaté pour
l’enseigner en EPS.
La planification de l’évaluation terminale se présente en deux parties : l’une détaille
« l’organisation », l’autre « le protocole ». La situation sur laquelle les élèves sont évalués est
celle abordée par Giovanni dès la deuxième séance : le ippon kumite. Il s’agit d’un assaut dit
« conventionnel » dans la mesure où les rôles de tori et uke sont déterminés au départ, ainsi
que l’attaque. Giovanni demande à uke une certaine forme de travail : « uke bloque la
technique sans changer de garde, tout en recherchant la bonne distance, avec l’avant bras
gauche main ouverte. Riposte immédiate avec le poing droit niveau moyen en poussant le
kiaï » (cf. annexe 17). L’évaluation devrait porter sur une situation qui a été travaillée et
répétée en cours, une réponse personnelle de l’élève en terme de défense et de contre-attaque
195
étant a priori limitée. En effet, Giovanni détermine par avance tout ce que l’élève doit
réaliser, en attaque comme en défense. L’aspect stratégique de la situation est très limité en
termes d’adaptation de distance et de changement de rôle du défenseur. Giovanni confirmera
cela dans l’EASEV (cf. annexe 21) : « Ils ont déjà travaillé ce cadre, avec différents
partenaires ». La fiche de co-évaluation fournie par Giovanni montre que cinq critères sont
évalués : « attaque, cible, distance, efficacité, concentration et respect du protocole » (cf.
annexe 17). Si l’on se réfère aux programmes du collège, on peut dire que Giovanni évalue
pour 3/5ème les compétences spécifiques (attaque, cible et distance), des savoirs techniques et
pour 2/5eme les compétences générales (concentration et respect du protocole), des savoirs
éthiques et réglementaires. Les critères d’évaluation sont donc en majorité techniques.
Giovanni dira dans l’EASEV : « ce que je vais évaluer, d’une part le respect du protocole
[…], deuxième point c’est les attaques, si elles sont données à bonne distance et à bon niveau
[…]. Ensuite il y a la défense, est-elle bien exécutée ? La riposte : est-elle immédiate,
efficace ? » On notera d’ores-et-déjà un écart qui se situe au niveau même du SAEV, avec ce
que Giovanni prévoyait d’évaluer avant le début du cycle. En effet, dans l’EAS1, il disait
« bien la voir en ippon kumite […]. Ensuite sur le kata et enfin sur un petit combat souple
voir comment l’élève gère le rapport de force ». A l’évidence, il a dû adapter ses exigences
d’évaluation, et nous aurons l’occasion d’en connaître la raison lors de l’EAC, même si on se
doute que le kata n’est pas quelque chose qu’il a eu le temps d’enseigner et qu’il n’a de ce fait
pas pu évaluer au final. Au terme de cette analyse des SAE et SAEV de Giovanni, on peut
dire que ceux-ci ont une dominante technique et éthique.
4.2.2. Le SAE et le SAEV d’Alain
La planification fournie par Alain est un document d’une vingtaine de pages intitulé
« enseigner le karaté au collège, construire un cycle d’enseignement » qu’il a élaboré à alors
qu’il avait été sollicité au niveau du Plan Académique de Formation. Cette action de
formation a été réalisée en Janvier 2006 auprès d’enseignants d’EPS souvent néophytes en
karaté mais désireux de se former dans cette APSA. L’intégralité du document a été mise en
annexe (cf. annexe 27). Dans ce document, qui constitue le projet de cycle d’Alain (son déjà-
là intentionnel), on peut trouver les textes relatifs à l’enseignement des activités de combat en
collège, la trame d’enseignement avec notamment les contenus d’enseignement, l’évaluation,
la première et la dernière séance détaillées ainsi que les différentes fiches qui vont y être
utilisées, à la fois pour la co-évaluation et l’arbitrage. On y trouve aussi la « situation de
196
référence » qui est une situation construite par l’enseignant qui exprime le problème essentiel
posé par l’activité, au regard des ressources actuelles des élèves. Même si le terme « situation
de référence » est utilisé par l’enseignant, nous tenons à rappeler que nous la nommons
« situation mère » pour la qualifier et éviter tout quiproquo. Ainsi, au niveau du SAE, nous
noterons que la trame d’enseignement d’Alain prévoit une progression qui va de
« l’acceptation de l’affrontement » à la « gestion tactique de l’opposition », en passant par
l’acquisition de deux savoirs stratégiques qui sont « aller toucher » et « ne pas être touché ».
A la question sur le savoir à enseigner lors de l’EAS1, Alain confirme son projet de cycle
écrit : « je vais procéder à une évaluation diagnostique des élèves, centrée sur l’acceptation
de l’opposition. Pour finir sera mise en place la situation de référence, sur laquelle les élèves
sont évalués » (cf. annexe 28). Cette situation mère est détaillée dans le projet de cycle (cf.
annexe 27) : « par deux, face à face : une épingle sur le thorax. Objectif : toucher (ou
attraper), avant d’être touché ou sans être touché, les cibles suivantes : aux poings : l’épingle
et/ou le dessus de la tête ; avec le dessus des pieds : les épaules et/ou les flancs ». Cette
situation peut-être qualifiée de très stratégique dans la mesure où les élèves sont impliqués
dans un véritable combat où les rôles d’attaquant et de défenseur vont sans cesse alterner et où
les incertitudes sont nombreuses en terme de cibles à atteindre et d’alternatives d’attaques et
de défense. Dans cette optique, Alain consacre un chapitre de son projet à la finalité du cycle,
intitulé « la gestion tactique de l’opposition », dans laquelle il écrit : « il s’agit maintenant de
mettre en évidence auprès des élèves une gestion réfléchie du combat ». Pour ce faire, Alain
détaille trois compétences à acquérir sous la forme d’exercices :
- « évaluer le rendement de ses attaques ».
- « Adapter la nature des attaques au score ».
- « Analyser le profil adverse afin de mettre en œuvre un projet adapté ».
On a là des exemples de savoirs stratégiques, que l’on peut assimiler aux compétences
propres au groupe des activités de combat, en référence à la typologie des compétences à
acquérir au programme d’EPS du collège. Ainsi nous définirons le SAE d’Alain comme
stratégique dans la mesure où ce qu’il a l’intention d’enseigner est orienté vers la gestion du
combat. La dernière partie du projet de cycle d’Alain est consacrée à l’évaluation prévue. On
notera qu’au cours de la dernière séance d’enseignement, Alain en définit le thème : « mise en
évidence des aspects tactiques de l’opposition (suite)-arbitrage ». Dans les contenus, Alain
développe une « approche du contre », ou encore la « prise en compte par l’attaquant de
réponses tactiques (sorties) devant un défenseur qui recule beaucoup ». Ce travail est encore
197
orienté vers le combat, les savoirs enseignés sont stratégiques. De même, l’enseignant joint
une première fiche qui établit « l’ordre de passage des combats » et un tableau récapitulatif
des « points marqués, victoires, nuls et défaites ». Une deuxième fiche est consacrée à
l’arbitrage des combats. Lors de l’EASEV (cf. annexe 31), Alain dira à propos de ses
intentions en matière d’évaluation juste avant celle-ci : « on va mettre les élèves en situation
d’opposition et au regard du protocole d’évaluation, on va confirmer l’acquisition des
principes d’action liés à l’opposition ». Cet entretien servant aussi de premier bilan du
déroulement du cycle, Alain nous dira qu’il n’a pas pu aller jusqu’à la dernière séance prévue,
sur la gestion tactique de l’opposition : « cette relation tactique n’a pas pu faire l’objet d’un
approfondissement ». Comme sa situation mère est une situation d’opposition avec des
incertitudes de cibles, il la reprend comme situation d’évaluation, car pour lui : « l’objectif de
mise en opposition dans le respect des critères de réalisation techniques du karaté est atteint.
Uniquement sur la base des techniques de poings ». Les cibles restent incertaines mais les
armes le sont très peu dans la mesure où Alain n’a pas pu aborder les techniques de pieds, ce
qu’il dit regretter : « cela aurait dû optimiser complètement mon cycle en rajoutant les coups
de pieds ».
Au terme de cette analyse, il apparaît que le SAE, autant que le SAEV d’Alain sont à
dominantes stratégiques. Son projet, de l’enseignement à l’évaluation, suit une démarche
logique de progression très rigoureuse avec une situation mère que l’enseignant exploite en la
complexifiant tout au long du cycle.
4.2.3. Discussion sur les écarts : hypothèses sur la nature de la référence de chaque
enseignant
Les SAE et SAEV de Giovanni et d’Alain sont très différents. Le SAE et le SAEV de
Giovanni se révèlent très techniques tandis que ceux d’Alain sont stratégiques. On peut par
ailleurs constater une logique respectée tout au long du cycle, car tous deux évaluent ce qu’ils
ont enseigné. D’une certaine manière, on se rend compte à ce niveau de l’importance du choix
de l’entrée dans l’activité, qui détermine tous les savoirs à enseigner, ainsi que les savoirs à
évaluer. Si l’on reprend la terminologie que nous avons appliquée pour le cas Michel, les
aspects fonctionnels de la référence au niveau des SAE et SAEV sont pour Giovanni
technique et éthique, et si l’on veut reprendre un terme qui lui est cher, on dira qu’elle est
« originelle » par rapport à une certaine conception du karaté qu’il veut transmettre à ses
198
élèves. Les aspects fonctionnels de la référence d’Alain sont à ce niveau stratégiques et si l’on
veut aussi la qualifier en reprenant un terme utilisé par l’enseignant, on ira le chercher au
début de la première séance, lorsqu’Alain présente l’activité à ses élèves. Il dit ainsi : « je vais
vous la présenter sous sa forme dynamique, la forme combat » (cf. S1, annexe 29). Nous
avons étudié en première partie que l’on peut opposer une référence historique de l’activité à
une référence sportive, évolution moderne de l’activité en compétition. L’aspect structurel
dominant de la référence d’Alain au niveau des SAE et SAEV est culturelle, en comparaison à
celle, historique, de Giovanni.
4.3. Analyse comparative du SRE et du SREV de Giovanni et d’Alain
4.3.1. Le SRE et le SREV de Giovanni
Lorsqu’on analyse le verbatim de la première séance de Giovanni, retranscrite en
annexe 19, on peut observer que l’enseignant commence cette leçon par un long monologue
de plus de dix minutes sur la présentation historique du karaté : « le karaté trouve ses origines
[…] dans la Chine ancestrale », ainsi que ses spécificités par rapport aux autres arts
martiaux : « la particularité du karaté, c’est qu’il faut être capable de détruire l’ennemi sur
un coup. Le karaté, c’est un coup unique ». Mais il est intéressant de noter que dans ce
discours, Giovanni n’hésite pas à apporter un contenu quasi philosophique : « le karaté va au-
delà de la simple pratique d’une activité sportive. C’est aussi un travail sur soi, trouver son
propre chemin mais aussi sa propre rencontre parce que vous allez aussi vous rencontrer
vous-même. C’est la pire des rencontres de se rencontrer soi-même ». Giovanni parle-t-il en
connaissance de cause, de lui ? Rien ne nous le dit, mais nous réservons cette question pour
les EAC. Compte tenu de la place importante de ce discours dans sa séance, on peut
présupposer qu’il leur délivre un message, sa référence personnelle du karaté, une rencontre
avec soi même. Cela renvoie à une question que nous avons déjà abordée et que l’on retrouve
dans ce cas, à savoir la transmission par l’enseignant de son propre rapport au savoir, thèse
déjà développée par C. Blanchard-Laville (2001). Suite à ce discours, Giovanni va faire
réaliser le salut. Le terme qu’il utilise est édifiant : « on se met en place pour apprendre le
rituel ». Il donne ainsi une connotation philosophique, presque « cultuelle » à l’acte puisqu’il
en fait un rite qui est défini par le dictionnaire comme « l’ensemble des cérémonies du culte
en usage dans une communauté religieuse » (dictionnaire Le Robert, 1990). Il va faire réaliser
le salut traditionnel complet aux élèves, pas un simple salut debout, avec passage à genoux :
199
« c’est comme cela dans tous les arts martiaux, il y a le salut à genoux ». Puis il fait réaliser le
salut au professeur, « senseî ni reï » et le salut entre les élèves eux-mêmes : « otagani reï ».
On peut d’ores-et-déjà noter un écart entre SAE et SRE puisque Giovanni disait dans l’EAS1 :
« il y a tout le rituel, le salut, le respect du professeur que l’on ne peut pas trop appliquer
dans un établissement scolaire » (cf. annexe 18). Le temps n’étant pas extensible, il n’en reste
que peu pour le reste de la séance, qui dure une heure en tout. Les élèves étudieront la
technique pour fermer le poing : « la première chose que l’on va apprendre, c’est comment on
ferme le poing ». Giovanni fera ensuite découvrir aux élèves une position de base qui est la
position yoï : « yoï cela veut dire en garde, prêt […] donc c’est la position prêt ! ». A chaque
fois, Giovanni va utiliser une procédure d’enseignement propre aux arts martiaux, la
démonstration et la répétition, avec le maître qui exécute et les élèves qui reproduisent. Il
continuera ainsi avec l’apprentissage d’un premier blocage : « je démontre, un on le met à
l’épaule, l’autre coude serré, on déplie. Je le montre ici, voilà comme cela et là on a fait un
blocage. Alors, on va le faire une ou deux fois ». La séance se terminera par l’étude de trois
positions de base et d’un coup de pied, toujours sur la même procédure : « alors maintenant
ce que l’on va avoir c’est à partir de cette position là, le coup de pied de face. Je montre, de
profil, pour que vous voyiez bien ». Le SRE de Giovanni est fidèle à ce qu’il avait annoncé
dans le SAE, soit la transmission d’un savoir technique. L’aspect éthique est présent aussi, au
vu du discours de présentation du cycle aux élèves et le rituel du salut en début de séance.
Comme il le dit lui-même dans l’EPS1 : « je l’ai abordé sous l’aspect martial. Le côté
sportif, je l’ai complètement laissé. J’ai préféré développer le côté défensif et protecteur » (cf.
annexe 20). Quand on interroge Giovanni sur ce choix d’entrée dans l’activité il dit : « dans la
première séance entrer dans la confrontation […] je pense que ce n’est pas possible ou alors
cela tourne en bagarre de rue. Il faut connaître un minimum de techniques de karaté pour les
mettre en application ensuite ». Giovanni justifie aussi cette entrée technique traditionnelle
par la volonté de garder la spécificité défensive du karaté : « je suis rentré par
l’apprentissage de techniques de défense et non pas par des techniques d’attaque ». D’une
certaine manière, Giovanni semble associer le combat à l’attaque, à des notions d’agressivité,
de performance d’attaquant. On sent bien que c’est alors une conception dont il se méfie et
qu’il a du mal à envisager car quand on lui demande comment il va faire évoluer ses séances,
il ne parle même pas des assauts conventionnels, mais de duo : « techniques à deux, en miroir,
l’un avance, l’autre recule en effectuant la même technique ». Giovanni reste donc très
prudent dans la progression qu’il envisage et semble réticent à inclure des changements de
rôles et de l’incertitude (armes, cibles, distance). L’orientation technique du traitement
200
didactique de Giovanni est donnée dès la première séance, mais on s’est aperçu que l’aspect
éthique est important aussi. Est ce à son insu que cela se produit ? L’enseignant veut-il utiliser
les vertus éducatives du karaté pour l’aider avec cette classe qui montre en cours des
difficultés de concentration et d’attention ? Nous ne pouvons à ce stade répondre à cette
question, mais ces hypothèses seront à confronter au point de vue de l’enseignant dans les
EAC.
La séance d’évaluation démarre par un salut debout, rapide. Il semble que Giovanni ait
abandonné le salut assis complet, sans doute pour des questions de gain de temps : « c’est vrai
qu’ une heure cela va très vite […] les élèves ne sont pas habitués à ce genre de pratique et
de façon de faire… ». (cf. EPS1, annexe 20). C’est un exemple d’assujettissement
institutionnel auquel l’enseignant d’EPS est confronté. La retranscription que l’on trouve en
annexe concerne essentiellement l’explication aux élèves par l’enseignant du protocole
d’évaluation. En effet, durant l’évaluation proprement dite, Giovanni va se contenter de
superviser son bon déroulement. Il interviendra de manière sporadique dans les groupes afin
de répondre à des questions d’élèves, les aider, même si parfois il ne peut s’empêcher de
procéder à l’évaluation de l’élève lui-même : « là, la distance elle y est pas, tu vois, il est trop
loin », ce qui est un mode d’intervention fréquent chez les enseignants, qui ne peuvent tout de
même pas tout dévoluer à l’élève et se contraindre à ne pas intervenir dans la co-évaluation. A
la fin de la séance, Giovanni va regrouper ses élèves et tenter de faire un bilan de la séance et
du cycle mais il n’a pas l’attention nécessaire de sa classe pour y procéder. Il va donc finir ce
cycle comme il l’a commencé, en insistant sur quelque chose qui semble lui être cher :
l’écoute de ses élèves et le climat de la classe : « vous avez pu constater qu’il est très difficile
de travailler dans du bruit, dans du vacarme […]. Si chacun avait fait du silence, on aurait pu
travailler plus facilement et plus rapidement ». Ce bilan de Giovanni est négatif car il avait
en effet commencé sa première séance du cycle en disant : « première des choses, je vous
demanderai du silence, et d’essayer de travailler un peu plus avec la réflexion ». Travailler en
silence était alors un objectif comportemental, une compétence générale à atteindre dans ce
cycle, qui n’a pas été atteint d’après l’enseignant. A ce propos, Giovanni s’exprime dans
l’EPSEV (cf. annexe 23) : « cela a été un cycle difficile. Ce n’est pas la classe la plus facile
que j’ai ». Pour autant, il nuance quelque peu ce propos car plus loin il dira : « j’ai quand
même pu remarquer des élèves pendant l’évaluation qui avaient un réel souci de bien faire ».
D’un point de vue des savoirs, que peut-on dire de ce qu’a évalué Giovanni ? La situation
qu’il met en place pour l’évaluation pose problème en soi. En effet, c’est une situation
201
d’assaut, à deux. Cela ne suffit pas à en faire une situation qui développe des savoirs
stratégiques. En effet, nous avons vu que pour y parvenir, il faut qu’au moins une condition
soit présente : le changement de rôle. L’avancée de ce travail et l’étude du cas présent nous
amène à repenser le problème car cette seule condition semble insuffisante pour qualifier la
situation de stratégique. En effet, il nous semble qu’il faut au moins une incertitude afin que
l’élève ait à s’adapter à l’adversaire. Dans la situation mise en place par Giovanni, tout est
déterminé par avance : l’arme (coup de pied circulaire), la cible (le buste) et la distance
(attaquant et défenseur sont immobiles au départ). De ce fait, le SREV est technique car les
élèves n’ont aucune alternative. Pour autant la stratégie n’est pas absente de la situation
comme le souligne Giovanni : « la distance pour faire un blocage n’est pas la même que pour
la contre attaque et cette anticipation là ne fait pas partie des choses que l’on peut
transmettre. C’est la contribution de l’élève, une stratégie que l’élève a construite ».
D’ailleurs, le changement de rôle fait partie des critères d’évaluation : « je préférai mettre
l’accent sur le travail du défenseur en contre-attaque ». Le critère « riposte » fait partie des
critères évalués en défense et est même doublement évalué puisqu’il y a deux fois trois
indicateurs sur la fiche de co-évaluation où Giovanni a marqué à l’intention des élèves : « le
critère riposte est doublement évalué ». Si la stratégie n’est donc pas absente, on ne peut pour
autant pas parler de savoir stratégique car il est évident que les élèves mettent en place toutes
sortes de stratégies pendant l’assaut auquel ils sont confrontés durant l’évaluation. Par
exemple, on a pu s’apercevoir qu’une majorité d’élèves est totalement hors de distance en
défense et en contre-attaque. Cela peut s’expliquer en défense, car l’élève a le souci de ne
surtout pas se faire toucher et esquive plus que de raison. On peut alors penser que comme il
est déjà très loin de son adversaire sur la défense, il n’a pas les moyens de revenir à bonne
distance pour effectuer la contre-attaque. Giovanni, quant à lui, l’analyse autrement et dit dans
l’EPSEV : « je dirai que c’est surtout la peur de toucher. C’est un problème de confiance en
soi dans le rapport à l’autre ». Pour lui, il s’agit donc d’une forme de stratégie d’évitement,
ne pas se rapprocher trop près du partenaire, non pas pour se protéger mais pour ne pas
risquer de le toucher et lui faire mal. En définitive, nous pourrons aborder avec Giovanni ce
problème dans l’entretien d’après-coup : l’aspect stratégique de l’enseignement ne peut-il
prendre que la forme de la riposte ? Autrement dit, est-elle suffisante pour qualifier l’assaut de
stratégique ?
Au terme de cette analyse du SRE et SREV de Giovanni, il s’avère que ces savoirs ont
une dominante technique. Comme le souligne l’enseignant lui-même : « dans les autres APS,
202
on cherche moins la perfection peut-être… ». Il remet d’ailleurs en cause cette entrée dans
l’EPSEV : « je renouvellerai l’expérience mais peut-être en optant pour une entrée plus large
[…] et petit à petit je rendrai ses spécificités au karaté » (cf. annexe 23). Giovanni est très
conscient des limites de cette entrée technique qui ne semble pas avoir correspondu au profil
de la classe : « dès la première séance, je les mettrai par deux, sans trop me préoccuper des
techniques purement spécifiques du karaté ». On peut alors s’étonner de cette remise en
question, qui n’est pas sans rappeler celle émise par Nicolas qui au terme de sa séance
envisageait de pouvoir enseigner d’autres savoirs. Cela confirme l’évolution de la référence
enseignante au fil des expériences vécues, au fil même de l’épreuve d’enseignement. Mais
dans le cas de Giovanni, on n’est pas en présence d’un enseignant novice, comme avec
Nicolas. C’est un enseignant d’EPS qui a maintenant de l’expérience et qui a en outre déjà
enseigné le karaté en EPS. La pré-étude de cas Nicolas avait montré qu’un des facteurs ayant
fait que l’enseignant n’avait pas pu s’empêcher d’enseigner des savoirs techniques était lié à
son manque d’expérience. Giovanni a l’expérience mais lui non plus semble ne pas avoir pu
s’en empêcher. Ce phénomène d’assujettissement semble peser davantage pour Giovanni du
fait du karaté traditionnel comme école de la vie, et du fait scolaire et institutionnel pour
Nicolas. Autrement dit, il s’agit dans le cas Nicolas d’un assujettissement contextuel tandis
que pour Giovanni, nous dirions qu’il s’agit plus d’un assujettissement personnel à l’activité
même : « est-ce à mon insu le fait que je sois spécialiste de cette activité qui m’amène à
vouloir l’enseigner en milieu scolaire autrement que les autres APS ? […] Là, on a du mal à
déroger à la règle… ». Giovanni dira plus loin dans le même entretien que « le karaté reste
une activité entre le sportif et le culturel » et il semble bien que pour ce cycle, la référence
culturelle l’a influencé, au détriment de la contrainte scolaire.
4.3.2. Le SRE et le SREV d’Alain
Dans sa présentation du cycle aux élèves, Alain choisit, au contraire de Giovanni, de
ne pas parler d’emblée des spécificités du karaté, mais étend son discours aux arts martiaux en
général, en présentant notamment les différents Maîtres japonais dont les effigies ornent les
murs du dojo dans lequel la classe va avoir son cours : « à votre gauche vous avez Maître
Ueshiba qui est le fondateur de l’aïkido. Au milieu vous avez maître Kano, fondateur du
judo… » (cf. EAS1, annexe 28). Il revient par contre lui aussi sur les origines des arts
martiaux, mais pas au niveau historique, au niveau conceptuel : « vous imaginez à l’origine
une discipline où il y avait tout cela ? ». L’enseignant va en outre exprimer de manière très
203
explicite aux élèves sa conception de l’activité à enseigner en EPS : « je vais vous la proposer
sous sa forme dynamique, la forme combat. Parce que le karaté, c’est du combat » (cf. S1,
annexe 29). Mais de quelle référence au combat parle-t-il exactement ? Si l’on s’en tient à ce
qu’il va enseigner, il envisage là le combat tel qu’il est pratiqué en compétition. Or, cette
forme là est très réglementée comme nous l’avons détaillée dans la première partie de la
thèse, sur la connaissance de l’activité. Elle est en tous cas totalement en opposition avec une
conception martiale du karaté qui envisage le combat comme un acte ultime, de défense, où
alors tous les coups sont permis pour répondre à une agression. La référence d’Alain, sportive,
est de ce fait à l’opposé de celle de Giovanni, historique. C’est toute la problématique des arts
martiaux, d’avoir été introduits dans des pays où ils ne sont pas nés, et y ont subi des
transformations, pour notamment s’y intégrer. Il commence alors sa séance par le salut mais
c’est la première fois que l’on va entendre cette définition : « le salut est une technique ».
Pour Giovanni, par exemple, c’était un rituel. Par contre, il va revenir avec les élèves sur la
fonction du salut : « vous savez à quoi elle sert cette technique ? Oui, la notion de respect
[…]. Le salut quelque part, c’est le don de soi, la sincérité ». Dans l’acception d’Alain, le
salut est alors une technique qui vise des principes de vie, comportementaux, de relation à
autrui : « donc le salut, respect mais dans un premier temps de quoi ? Du partenaire (…) il y
a aussi autre chose. L’endroit où vous êtes. Ici, vous êtes dans un endroit qui véhicule des
valeurs. Dans les arts martiaux, il y a aussi le respect de tout ce qui vous environne ». On
notera enfin qu’Alain évoque quelque chose pour laquelle il attache de l’importance,
notamment lors de la première séance : la maîtrise de ses émotions par l’élève. Il dit ainsi :
« juste après le salut, je vais vous faire faire des jeux, histoire de comprendre ce que cela
veut dire que (de) maîtriser ses émotions ». Plus loin, il donnera la raison de ce travail à
effectuer : « de façon à ce que lorsqu’on sera en situation d’opposition, ne pas laisser ses
émotions prendre le pas, vous dominer ». Lorsqu’ Alain va faire réaliser aux élèves le salut,
on s’aperçoit qu’il dépasse la simple technique et qu’il explique toujours sa fonction. Ainsi
quand les élèves doivent se mettre à genou, il détaille : « le salut quand vous le remettez à ses
origines, il y avait des samouraïs. Et pour lui il faut être capable de sortir le sabre très
rapidement […]. Et le sabre a la particularité de se porter à gauche et donc on descend
genou gauche pour dégager le sabre… ». Il y a donc chez Alain un réel souci d’explicitation
afin que ses élèves n’exécutent pas le salut parce qu’on le leur demande, sans raison, mais y
donnent du sens et comprennent sa signification et son fondement. Il dira d’ailleurs dans
l’EPS1 (cf. annexe 30), « j’ai pris le temps aussi d’installer des choses au niveau des valeurs,
le salut, le respect car cela fait partie de l’activité ». Il prend là en considération un aspect
204
culturel du karaté, dont l’utilité est pour lui que « cela permet à l’élève de se projeter dans
l’activité ». L’échauffement que va faire réaliser Alain est effectivement composé de jeux de
déplacements au sol pour la plupart, qui vont inciter le contact entre les élèves. Il va d’ailleurs
se servir de leurs réactions diverses pour commencer un travail au niveau des compétences
générales et notamment, comme il nous le disait déjà lors de sa présentation de début de
séance, de la maîtrise des émotions : « vous avez entendu les émotions ? […] ; ça va être
pareil quand vous allez être en train de combattre, vous ferez autre chose, vous ne serez pas
en train de combattre mais de jouer… ». Alain va utiliser ce moment pour intégrer la notion
de concentration : « il va falloir dominer cette émotion pour apprendre des choses. Se
concentrer ». Alain donne ainsi aux élèves la raison véritable de cet objectif de maîtrise des
émotions, car elle est pour lui la condition sine qua non à l’entrée dans l’activité par les
élèves. Il reviendra immédiatement dans l’EPS1 sur cet aspect de l’apprentissage en combat :
« le plus important pour eux à ce stade c’est la gestion des émotions, afin de ne pas entrer
dans des réponses violentes, ou trop agressives » (cf. annexe 30). De la même manière, Alain
va mettre en place un jeu de touche avec plusieurs zones sur le tapis dont une où il faut aller
quand on a été touché. Cette situation de jeu permet à l’enseignant de mettre en place la
notion de changement de rôles : « c’est tout de suite que cela se joue, votre problème c’est
qu’il vous faut un délai pour passer d’un rôle à l’autre ». Dans la situation suivante, où les
élèves sont par deux, ils commencent par tenter chacun de se toucher les chevilles. Peu à peu,
Alain va changer les consignes, en intégrant d’autres cibles : « changez de cible, maintenant
on cherche à toucher le dos […]. On change encore de cible ! Maintenant les épaules […].
On change les cibles, maintenant c’est le dessus de la tête ». Alain manipule une des variables
de la situation d’opposition, la cible, car pour lui « le respect des critères de réalisation est un
des principes qui permet de réaliser l’action, par exemple attaquer une cible. Cela va être
intégré par l’élèves en terme de gestion grâce à plusieurs autres principes, vitesse, distance,
précision et équilibre » (cf. EPS1, annexe 30). Il profitera de cette dernière étape où il faut
toucher le dessus de la tête pour intégrer des savoirs sécuritaires : « on fait attention à
l’intégrité de son partenaire […]. Si je fais attention à toi, j’attends que tu fasses de même en
retour, que tu fasses attention et que tu me respectes […]. On touche, on ne frappe pas le
dessus de la tête ». Il fait ainsi rentrer dans son enseignement un code de relations entre les
combattants.
Après un bilan sur les réalisations des élèves et aussi pour les laisser récupérer, Alain
va faire une transition vers sa situation mère. Il ne va donner comme consigne que cela, sans
205
démonstration : « c’est une nouvelle cible, il s’agit d’attraper l’épingle avant ou sans vous
faire attraper la vôtre ». Les élèves ont donc dans cette situation le but à atteindre, mais pas
de consignes de réalisation. A eux de trouver les solutions, ce qui fait de cette situation une
situation problème sur laquelle Alain va construire progressivement les contenus comme par
exemple, esquiver : « cela veut dire quoi esquiver ? Eviter l’autre, en bougeant… ». Il
reviendra sur l’intérêt de sa situation dans l’EPS1 (cf. annexe 30) : « dans ma situation,
lorsque je mets deux nouvelles cibles, la tête et le dos, cela met l’élève devant un problème et
il commence à se poser des questions. C’est là que la notion de prise en compte de
l’adversaire va se déclencher ». Et l’on rajoutera qu’il en profite aussi pour développer des
savoirs réglementaires : « pour que la situation puisse vivre, interdit de mettre la main sur la
cible, ça va même être intégré dans le règlement ». Cette procédure d’enseignement est
symptomatique du fonctionnement d’Alain. On constate ici une véritable réticence à proposer
aux élèves des solutions toutes faites, des techniques à répéter et il nous en parlera dans
l’EPS1 : « en karaté, on aboutit trop à des techniques en tant que geste finalisé alors que ce
n’est pas cela une technique, c’est l’action qui m’amène à…Toutes les situations que je vais
proposer dans une progression d’enseignement vont installer progressivement ces principes
d’action » (cf. annexe 30). D’ailleurs, Alain dira explicitement quand on l’interrogera sur son
entrée dans l’activité : « elle n’est pas technique ». Progressivement, au fur et à mesure des
réponses qu’apportent les élèves à sa situation, Alain va leur donner les critères de réalisation,
ce qu’il n’avait pas fait jusqu’à maintenant : « la situation vous impose la meilleure position
[…] être droit. Ce sera un critère de réalisation technique, avoir le corps droit ». Il en
donnera un autre aux élèves, lié à l’équilibre de l’attaquant au moment de la touche de son
adversaire : « maintenant je vous en impose un deuxième : au moment où vous saisissez
l’épingle, vous devez avoir les deux pieds au sol ». La situation mère d’Alain lui permet donc
de mettre en place les différents savoirs qu’il veut développer chez ses élèves. Comme il le dit
à ses élèves en fin de séance : « trois cibles, des improbabilités, des incertitudes, vous
comprenez ce que cela veut dire ? On ne sait pas ce qui va se produire. Quand on ne sait pas
ce qui va se produire, la dimension sportive prend toute son importance ». Pour Alain, le
karaté c’est le combat, et le combat n’est que stratégie, dont il livre là sa définition : «
progressivement vous allez comprendre que combattre c’est pas être capable de donner des
coups de poing et des coups de pieds, c’est être capable de donner les bonnes réponses. Lire
l’autre, pour savoir comment il réagit ». Le karaté ne peut alors se concevoir pour lui que par
le combat, au sens sportif du terme, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on trouve très
rapidement des savoirs réglementaires et sécuritaires, développés plus avant, comme moyen
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d’arriver à la stratégie. Il y a dans ce « lire l’autre, pour savoir comment il réagit » un réel
message de l’enseignant à l’adresse de ses élèves car il leur délivre là sa vraie référence du
karaté. Savoir en karaté, c’est parvenir à lire l’autre, décoder. On est alors sur la définition de
savoirs extéroceptifs. L’enseignement d’Alain est très peu sur un registre technique,
fondamentalement orienté vers des savoirs stratégiques car il le dit : « le combat, c’est tout
simplement un principe d’action-réaction. Ce que je fais c’est pour faire réagir mon
adversaire et c’est cette réaction que j’exploite ». L’enseignant ira même en fin d’EPS1
jusqu’à définir son enseignement comme « comportementaliste ». Il n’hésite pas à se mettre à
distance des pratiques actuelles du karaté en EPS : « ce qui se fait actuellement à l’école en
karaté est un exercice renouvelé de la méthode traditionnelle […]. Je reste fondamentalement
attaché à l’idée que l’on peut faire du karaté complètement autrement ».
Nous allons maintenant nous attacher au SREV d’Alain, la séance d’évaluation étant
retranscrite en annexe 32. Alain commence cette séance en rappelant aux élèves le protocole
d’évaluation, qu’ils connaissent déjà puisqu’ils ont fait comme une répétition la semaine
précédente : « la semaine dernière nous avons fait une simulation […]. On va voir s’il y a
besoin de quelques ajustements… » (cf. annexe 32). Ensuite, Alain va revenir sur
l’importance de l’arbitrage : « je rappelle les trois principes pour l’arbitrage […], pour
attraper l’épingle il faut un, être droit, deux, être en équilibre et trois, mouvement rectiligne
du ramené du bras ». Après un échauffement rapide conduit par lui, Alain va faire démarrer
l’évaluation proprement dite. Dans ses interventions ponctuelles auprès des différents
groupes, les régulations concernent en tout premier lieu des savoirs réglementaires, par
exemple : « tu la pénalises parce qu’elle parle. C’est pas une sanction, c’est une règle ». Il
intervient donc beaucoup au niveau des arbitres, afin de les obliger à prendre une décision, ce
qu’ils ont parfois des difficultés à faire : « alors ? Tu accordes ou tu n’accordes pas ? […]
Soyez présents, jugez ! Observez ce qui se passe. C’est ce qu’on vous demande ». En
deuxième lieu, les régulations vont porter sur les critères de réalisation technique : « vous
trouvez que cela ressemble à une action avec jambes écartées, corps droit, ramené ? ».
Pourtant, Alain nous confiera lors de l’EPSEV (cf. annexe 33) ne pas l’avoir ressenti ainsi. En
effet, quand nous lui avons demandé sur quelles régulations il pensait avoir le plus insisté, il
dira : « bien sur cela m’est arrivé de devoir arbitrer ou juger à la place des élèves mais là où
il faut insister c’est le rappel des consignes, incessant ». Les variables stratégiques de la
situation d’opposition ne seront citées que lors d’une intervention, en tout début de séance :
« les épaules ne sont pas des cibles », ce qui, somme toute est assez normal compte tenu du
207
fait qu’Alain nous dira dans l’EPSEV : « on a pas eu le temps de développer le pôle défensif
[…] et deux, la gestion tactique de l’opposition ». Alain utilise une situation
fondamentalement stratégique, mais n’évalue pas directement des savoirs stratégiques. Il s’en
expliquera dans l’EPSEV : « je pars moi du principe que s’il a marqué un point, l’élève a mis
en jeu les principes de l’action. La maîtrise est pour moi implicitement contenue dans la
performance, en tous cas en combat ». Cet écart entre ce qu’a enseigné Alain et ce qu’il a
évalué a été abordé au cours de l’EPSEV. L’enseignant confirme n’avoir pas évalué tout ce
qu’il a enseigné : « j’ai enseigné des principes d’action, que je n’ai pas évalué ». Il dit aussi
évaluer des savoirs qu’il n’a pas enseignés ou qu’il n’a pas eu conscience d’enseigner. En
effet, les programmes d’EPS insistent sur le fait que l’enseignant ne doit évaluer que ce qu’il
enseigne aux élèves. Ainsi, Alain dit : « quand l’élève marque deux points en faisant un
technique de poing, je ne l’ai pas enseigné ». Il y a donc des aspects de l’enseignement que
l’élève s’approprie seul, comme nous le disait déjà Giovanni. C’est cet écart, entre savoir
enseigné et savoir appris, que nous avons déjà étudié en DEA (Heuser, 2001) et développé en
introduction de la thèse. Alain rajoute à ce propos : « ils font appel à des représentations
qu’ils ont de l’activité. Mais je ne leur ai pas enseigné la performance en soi… ». De la même
manière, nous avions montré (ibid.) que des savoirs sont appris au cours même de l’épreuve,
alors qu’ils ne sont pas explicitement enseignés par le professeur. Nous avons interrogé Alain
à ce propos et il nous dira : « il y a un phénomène d’appropriation par l’élève des exigences
de l’épreuve, qui peut tout changer. Il peut se passer des choses à ce moment précis, qu’il ne
s’est pas passé avant ». Il confirme ainsi que l’on peut assister à une forme de création du
savoir par l’élève au moment même de l’épreuve, par les contraintes de l’épreuve.
4.4. Analyse comparative de l’après-coup des deux enseignants
4.4.1. Analyse de l’entretien d’après-coup (EAC) de Giovanni
On peut se reporter à la partie méthodologique de la thèse, qui explicite la
méthodologie employée pour concevoir et mener les entretiens d’après-coup. A des fins de
rappel, les questions posées à l’enseignant ont été extraites de l’interprétation de son cas, sous
la forme de « conjectures » (Sauvegrain, 2001) ce qui permet en outre d’objectiver celles-ci et
surtout de donner la parole à l’enseignant sur les raisons de ses choix. La logique de nos
entretiens d’après-coup va du personnel au professionnel, si l’on peut dire, en ce sens que
nous interrogeons en premier lieu l’enseignant sur sa pratique du karaté au niveau personnel
208
pour aller vers son enseignement de l’activité, d’une manière générale d’abord puis d’une
manière plus ciblée sur ce qu’il transmet en EPS. Ce chapitre est consacré à l’analyse de ces
entretiens. Ainsi, lorsque l’on a demandé à Giovanni ce que lui a apporté le karaté au niveau
personnel, il s’est immédiatement livré et nous a confié sans retenue des raisons très
personnelles. Il démarre sur son cas : plus jeune, ses camarades se moquaient de lui car il était
en surpoids : « j’était petit et gros et on m’appelait le gros F. » (cf. EAC1, annexe 24).
Giovanni nous dira aussi que ce n’était pas la seule raison à son envie de pratiquer le karaté.
S’il faisait l’objet de railleries dans le contexte scolaire, il n’était pas non plus épanoui dans
son contexte familial. Issu d’une fratrie de six, tous pratiquants de sports collectifs, Giovanni
n’a pas eu l’occasion de partager cela avec ses frères puisqu’on lui a fait comprendre qu’ « il
n’était pas fait pour cela, vu sa corpulence » (ibid.). Il semble en tous cas que c’est l’absence
de communication avec son père qui faisait souffrir le jeune Giovanni, qui dit à propos de ses
relations avec celui-ci : « présent en chair et en os, mais absent par l’esprit ». La pratique du
karaté a été pour Giovanni comme il le dit une manière de « reconstruction symbolique du
père ». Cela s’explique d’abord par le fait que dans les arts martiaux, la place du Maître est
importante au sens japonais du terme, le senseî qui veut dire « celui qui est devant », et qui
nous guide d’une certaine manière. Cela s’explique aussi par le fait que l’on peut soi-même
devenir senseî et combler ce manque du père, en tant que guide en le devenant soi-même.
D’une certaine manière, dans l’enseignement qu’il dispense, Giovanni veut se mettre à la
place du père dans sa position symbolique. C’est ce qu’il exprime à sa façon lorsqu’il répond
à notre seconde question où on lui demande quelle influence cela a-t-il eu sur son
enseignement du karaté : « lorsqu’on est apprenant, on est un petit peu sous la coupelle du
maître. Et lorsque l’on devient soi-même professeur […] on reproduit la façon dont on a soi-
même vécu l’activité ». Ce que veut transmettre Giovanni, c’est sa propre position, de guide,
de Maître, d’éducateur. Il le dit : « je reproduis cette notion de Maître, cet aspect un peu
paternel ». Plus loin dans l’entretien, il en donnera d’ailleurs la raison : « les jeunes
d’aujourd’hui, il leur manque la castration orale. C’est la frustration de savoir se taire et
écouter ». En effet, lorsque l’on demande à Giovanni quel savoir il faut selon lui enseigner en
priorité en karaté en EPS, il dit : « savoir se taire. Cela veut dire qu’on est dans le contrôle et
qu’on est à l’écoute ». C’est aussi comme cela que Giovanni définit le karaté. Pour lui, « le
karaté, c’est la notion de respect, envers celui qui transmet ». Il met un préalable à la
pratique, qui pour lui va différencier l’enseignement en club de celui du karaté en EPS, c’est
la notion de manque. En effet, pour Giovanni, le karaté en EPS est « quelque chose que l’on
impose, que l’on propose aux élèves, ils ne sont pas dans une demande et ça change tout ». Or
209
pour que le karaté soit profitable à l’élève, Giovanni pense qu’il faut que « l’élève soit dans
une quête de quelque chose », sous- entendu comme lui l’a été…lui-même !
Au terme de cette analyse après-coup du cas Giovanni, nous ne pouvons qu’être
surpris de la tournure prise par l’entretien et à laquelle il était difficile de s’attendre, mais c’est
là aussi toute la dimension clinique de notre travail. En effet, Giovanni parle de lui, se livre
d’une manière intime, dont le chercheur, novice, n’a pas l’habitude et n’est sans doute pas
préparé, dans la mesure où les enseignants ont en général beaucoup de difficultés à livrer leurs
états d’âmes et leurs difficultés d’enseigner. Giovanni, par exemple, parle :
- de sa souffrance, quand il était enfant, due à son obésité, impossible à supporter.
- De son père, présent à la maison mais absent dans le sens où il ne communiquait pas
avec ce fils.
- De ce que recherche Giovanni, le Maître, la place qu’il a et ce qu’il représente. Ce
qu’il enseigne en somme, c’est une position, cette position symbolique du Maître dans
l’imaginaire de ses élèves. Avant d’enseigner le karaté, Giovanni transmet l’éthique du
karaté. Comme il le souligne dans l’EAC, le karaté c’est d’abord pour lui une attitude,
« savoir se taire et être à l’écoute » (du maître justement mais aussi de soi), et ensuite
seulement « savoir se tenir debout, se déplacer ».
Par contre, nous subissons un biais à ces confidences de Giovanni : il ne répond pas
toujours aux questions posées, et réoriente le discours sur lui-même. Nous aurons donc
l’occasion de le réinterroger dans un second entretien d’après-coup. Giovanni enseigne ce
qu’il lui a permis de devenir, ce qui pose un problème au sein d’une institution scolaire car les
élèves ne sont pas à l’école pour cela. Il y a un écart entre les attentes des élèves et le projet de
l’enseignant, déconnecté du travail scolaire proprement dit. C’est justement parce qu’il se met
à la place du Maître qu’il n’enseigne pas comme Michel par exemple. Autant ce dernier est
sur la transmission de savoirs scolaires, autant Giovanni est sur la transmission de ce qu’il est,
d’une position qu’il a, en tant que sujet. C’est la raison pour laquelle nous dirons que la
référence dominante de Giovanni, c’est lui, tout simplement : sa référence, c’est lui-même, sa
propre expérience de karatéka. De ce fait, nous dirons que sa référence est expérientielle. Si
l’on devait donner un titre à la référence de Giovanni du karaté en EPS, ce serait pour
reprendre ses dires : « je l’ai reproduit comme moi je l’avais appris ». Giovanni illustre bien
alors ce que disait Jean Jaurès : « on enseigne ce que l’on est ». Pour autant, il reste un sujet
210
singulier : si tous les professeurs n’enseignent pas ce qu’ils sont, tous, sans doute, enseignent
avec ce qu’ils sont.
4.4.2. Analyse de l’entretien d’après-coup (EAC) d’Alain
L’EAC d’Alain (cf. annexe 34) commence comme pour Giovanni par des questions
qui interrogent la pratique personnelle de l’enseignant. Pour Alain, le karaté lui a apporté
« une reconnaissance » et il insiste sur l’aspect individuel de l’activité, dont « les progrès ne
dépendent pas d’un groupe ». Alain reviendra plus loin dans l’entretien sur cet aspect
important de l’activité karaté qui est la centration sur soi quand il explique l’objectif
pédagogique du salut : « prendre les commandes de son propre corps ». Cette prise de
commande va d’ailleurs au-delà du corps mais envisage la dimension affective. En effet, nous
avions remarqué qu’Alain accordait beaucoup d’importance à la maîtrise des émotions par les
élèves en début de cycle et nous l’avons interrogé dans l’après-coup à ce sujet. Il confirmera
que « dans un environnement tel que l’opposition, l’acceptation de l’affrontement n’est pas
acquise, elle nécessite un réel apprentissage ». Pour Alain, cela semble donc être un préalable
à la pratique du combat de « ne pas se laisser submerger par la crainte du coup, de l’autre,
par la représentation que l’on s’en fait ». A la question du savoir ce qu’Alain veut enseigner
en priorité, nous remarquerons que la réponse est la même que celle de Giovanni :
« l’écoute ». Pour les deux enseignants, le savoir énoncé comme celui à enseigner en priorité
n’est pas un savoir spécifique à l’activité. Le karaté revêt là sa « dimension éducative » qui
« n’est plus implicite mais devient un enjeu de formation ». Alain estime aussi comme l’un de
ses principaux objectifs d’enseignement du karaté en EPS « l’autodétermination de choix
tactiques ». Là encore, on n’est pas sur l’annonce de savoirs spécifiques au karaté, mais plutôt
propres au groupe des activités de combat. Alain souhaite développer « la dimension
cognitive du combat » car sa définition du combat en karaté intègre en premier lieu « la
lecture de l’adversaire ». Dans cette optique, et à ce stade de l’analyse, la référence du karaté
en EPS pour Alain est un savoir sur soi : « l’acquisition technique n’est pas l’enjeu de
formation du débutant ». Ce savoir ne faisant pas partie de notre catégorisation, il nous faudra
le placer dans la catégorie des savoirs « autres » qui peuvent être enseignés ou rajouter une
catégorie « savoirs sur soi » à la catégorisation de Margnes (2002), tant ils sont effectivement
sensibles en karaté, et plus généralement dans les activités de combat.
211
L’analyse d’autres traces de la référence d’Alain montre que cette référence n’est pas
unique. Tout d’abord, Alain présente le karaté aux élèves en leur disant qu’il va leur proposer
sous sa forme « dynamique, la forme combat ». Nous l’avons interrogé à ce sujet dans l’après-
coup et il oppose cette conception à la forme « statique » qui pour lui « fait référence à la
méthode traditionnelle ». Pour l’enseignant, cette méthode ne peut pas être reproduite en EPS
car « elle est techniciste et n’est pas pédocentriste ». L’enseignant fera d’ailleurs référence
aux programmes du collège, pour justifier son choix didactique : « à ce sujet les programmes
sont explicites, le combat est central ». Et pour l’enseignant, cet aspect dynamique de
l’activité est primordial. En effet, quand il évoque la méthode traditionnelle, avec la situation
pédagogique du kihon, qui est, rappelons le, basée sur des répétitions d’enchaînements « dans
le vide », sans présence d’un partenaire, Alain précise que dans ce cas, « l’activité est
globalement arrêtée dans le sens où les temps de pause à proprement parlé sont plus longs
que les temps d’activité ». Nous sommes alors tentés de dire que la référence d’Alain est
sportive. C’est pourquoi nous l’avons interrogé sur cette dimension de son enseignement : « la
voie sportive », dit-il, « représente ma stratégie d’entrée dans l’activité ». Il l’oppose à la
méthode traditionnelle qui pour lui « limite les réponses tactiques des élèves parce que
contraignante sur le plan technique et nécessitant plus de temps qu’un simple cycle EPS ».
Nous avons alors posé une question à Alain, que nous avons déjà abordée, notamment dans la
pré-étude de cas Nicolas : comment rentrer dans l’activité par le combat, sans exposer les
élèves à des blessures ou des accès d’agressivité non contrôlée ? Alain nous livre sa réponse
et sa manière de procéder : « la lecture de l’adversaire s’inscrit dans une démarche tactique
et donc consciente du combat à travers la notion d’action-réaction ». Néanmoins, sa
démarche s’appuie sur le préalable de la maîtrise des émotions : « l’acception de
l’affrontement nécessite un réel apprentissage afin de préserver soi-même et préserver ses
partenaires ». Alain utilise à cette fin, comme nous l’avons déjà souligné, des jeux
d’opposition. De plus, pour parvenir à cet objectif de maîtrise de ses propres émotions, Alain
propose une « opposition duelle sécurisée », basée sur une « progressivité de la pression
événementielle s’organisant autour de cibles non conventionnelles telles que des épingles et
les épaules ». En effet, les cibles conventionnelles en karaté sont les cibles basses, les jambes,
ou les cibles corps comme le ventre, la poitrine et enfin les cibles hautes, le visage, la tête, le
cou par exemple. Pour Alain, l’enjeu pour l’élève est « d’atteindre une cible avant ou sans
que l’adversaire ne réalise cet objectif ». Ainsi, dans cette forme d’opposition sécurisée,
l’élève peut respecter les principes d’action répondant à la nature de l’activité karaté. Par
exemple, dans l’enseignement d’Alain, l’un de ces principes est d’avoir « le corps droit ».
212
Alain dit qu’il considère ce principe comme « faisant partie des fondamentaux techniques »,
dans la mesure où cela renvoie à la logique interne de l’activité, qui est différente en boxe par
exemple. Comme le souligne Alain : « je tiens aussi à différencier l’activité karaté de
l’activité boxe […] autorisant des esquives du torse ». Ces esquives effectivement, impliquent
des flexions latérales du tronc, ce qui ne se fait pas en karaté. Le karaté utilise plutôt le
déplacement du corps entier lors des esquives et des décalages, ce que confirme Alain : « sur
le plan tactique, elle (la solution : avoir le corps droit) met en évidence une gestion spécifique
de la distance, obligeant l’élève à gérer ce paramètre par des déplacements en fente avant et
pas chassés ». Nous remarquons que c’est un sujet qui avait été aussi abordé par Giovanni,
qui voulait « faire émerger sa spécificité d’art martial qui n’a rien à voir avec les boxes » (cf.
annexe 18, EAS1). Les deux enseignants mettent en évidence des références scolaires
communes pour l’enseignement du karaté.
Alain développe aussi sa définition de la technique en karaté, qui ne doit pas être
considérée comme « le seul respect des critères de réalisation gestuelle », mais comme « la
gestion simultanée d’un ensemble de principes d’action tels que la vitesse, la distance, la
précision… ». Dans cette acception, Alain ne considère pas la technique comme un moyen
d’action mais bien comme le résultat d’une combinaison d’actions. En effet, une technique de
poing par exemple ne peut être envisagée que dans le contexte de l’opposition, où cette
technique doit avoir un effet. Si l’élève veut parvenir à toucher son adversaire, il va devoir
combiner plusieurs principes tels qu’identifier une cible, se déplacer et déclencher son attaque
au moment opportun et avec une certaine vélocité. La technique en karaté se déploie alors sur
plusieurs fronts : la perception, la programmation motrice du déplacement et du geste à
effectuer, et enfin sur le contrôle du mouvement en cours d’exécution, notamment en fonction
de la réaction adverse. C’est d’ailleurs à ce dernier niveau que la « gestion tactique de
l’opposition » intervient, mais comme nous l’a dit Alain, il n’a pas eu le temps de l’aborder
comme il l’escomptait : « je pensais aborder la phase de gestion tactique à travers quatre
principes […] : les attaques directes, les enchaînements d’attaque, les feintes et pour terminer
les confusions ». Par contre, cette conception est très présente dans l’évaluation qu’Alain a
conduite où il évalue le résultat de l’action (les touches) mais pas les principes d’action
(comment l’élève s’y prend pour toucher, que met-il en œuvre ?). En fait, il est très prêt des
conceptions de l’enseignement du judo, telles que développées en club et en EPS, comme l’a
montré Loizon (2005).
213
Au terme de cette analyse de l’après-coup d’Alain, nous allons tenter de qualifier sa
référence. Alain se réfère majoritairement pour son enseignement du karaté en EPS à une
forme actuelle, culturelle du karaté, le combat tel qu’il est pratiqué en compétition, en
touches, dont l’efficacité n’est pas évaluée et qui pour être valides doivent être effectuées dans
le respect de certains critères : la technique doit être ramenée pour un coup de poing, réalisée
en équilibre, le dos droit, à bonne distance de son adversaire et enfin contrôlée en terme
d’impact afin de ne pas risquer de blesser l’autre. Cette optique sportive, qui véhicule des
valeurs modernes de performance et de dépassement de soi, s’oppose à la conception de l’art
martial de Giovanni, tel qu’il était pratiqué à son origine et dans son pays de naissance. La
référence d’Alain a donc une dominante culturelle.
4.5. Conclusion de l’étude de cas croisée des deux enseignants
Au terme de cette analyse, il apparaît que Giovanni et Alain ont deux références très
différentes du karaté à enseigner en EPS : autant elle est stratégique et sportive chez Alain,
autant elle est technique et traditionnelle chez Giovanni. L’étude didactique clinique menée
sur ces deux cas fait émerger un déterminant didactique plus sensible qui est le poids des
assujettissements. En effet, on peut trouver chez Giovanni un assujettissement à l’histoire
même du sujet, qui ne peut s’empêcher d’enseigner comme il le fait, ce qu’il est, alors que
rien dans son projet ne l’annonçait. Le cas d’Alain est totalement différent dans la mesure où
il semble en apparence beaucoup plus détaché de la référence historique du karaté. Il se réfère
lui au modèle sportif, mais en assume le choix et le justifie d’un point de vue officiel, en se
référant aux programmes. Giovanni, au contraire, terminera le cycle en l’envisageant tout
autrement que de la manière dont il l’a mené. Il n’a pas voulu, ou pu prendre de distance par
rapport à cette méthode traditionnelle qui fait partie de sa culture personnelle pour enseigner
le karaté en EPS. Mais d’une certaine manière, on pourrait dire la même chose d’Alain, qui lui
non plus n’a pas voulu prendre la même distance par rapport à une référence sportive de
l’activité qui peut venir en concurrence avec une référence plus scolaire, du point de vue de
l’Education Physique et Sportive qui ne prend pas en compte que la performance. Pour
illustrer ce propos, nous prendrons un exemple dans l’EPSEV (cf. annexe 33). Alain dit
concernant l’évaluation du cycle : « ce sont des affrontements par poule, avec un règlement
qui est le règlement fédéral en toile de fond… ». Son évaluation peut être assimilée à une
compétition et le fait qu’il prononce le terme fédéral renvoie à la référence de l’enseignant,
« en toile de fond » aussi, pour reprendre l’un de ses termes. Il semble alors que le poids de
214
l’institution est plus fort dans l’évaluation, qui est aussi en soi un moment institutionnel
particulier de l’enseignement.
Cette étude de cas croisée nous permet de qualifier la référence des deux enseignants
dans ses aspects fonctionnels et l’on peut dire que cette fonction est éthique pour Giovanni,
stratégique pour Alain. De même, comme nous l’avions fait pour Michel nous pouvons à ce
stade inférer les aspects structurels de la référence de chaque enseignant. La structure
dominante de la référence de Giovanni se révèle expérientielle dans la mesure où il entend
enseigner « le karaté originel » (cf. EAS1, annexe 18) au sens du karaté qui permet à
l’individu de se transformer comme il s’est lui-même transformé grâce au karaté. Giovanni dit
à ce propos dans l’EAC que « la formation, c’est une déformation d’abord ».
La structure dominante de la référence d’Alain est culturelle (cf. tableau 33) car il
enseigne et évalue le karaté comme une performance. Le tableau suivant (cf. tableau 34) se
propose de donner l’aspect structurel dominant de la référence pour chaque enseignant, en
intégrant celui de Michel, ce qui va permettre, à ce stade de l’analyse, de l’intégrer à l’étude
de cas croisée maintenant que nous avons analysé les données de Giovanni et d’ Alain.
ENSEIGNANT ASPECT STRUCTUREL DOMINANT
DE LA REFERENCE
MICHEL Scolaire
GIOVANNI Expérientiel
ALAIN Culturel
Tableau 34 : aspects structurels dominants de la référence de chaque enseignant
215
5. Analyse comparative des références de chaque
enseignant
A ce stade de notre recherche, nous avons procédé à une étude de cas longitudinale,
Michel et à une étude de cas croisée, Giovanni et Alain. Nous allons pouvoir nous attacher à
croiser les données recueillies pour ces trois études de cas et faire ainsi une analyse à
plusieurs niveaux, déjà détaillée dans les perspectives de travail :
- une analyse des aspects fonctionnels des références de l’enseignement du karaté en EPS
de chaque enseignant, à chaque étape de la chaîne transpositive qui permettra notamment
d’apprécier, s’il y a lieu, les remaniements de la référence au cours des SAE, SRE, SAEV et
SREV.
- Une analyse comparative des aspects structurels de ces mêmes références des
enseignants.
- Une analyse dynamique ascendante de l’utilisation des références par les enseignants
observés, en croisant toutes les données organisées selon les trois temps de la didactique
clinique, mais en repartant de l’après-coup, puis de l’épreuve, pour remonter au déjà-là.
5.1. Analyse fonctionnelle des références de chaque enseignant pour l’enseignement du
karaté en EPS
Savoirs
Cas
SAE SRE SAEV SREV
Michel Technico
tactique
Proprioceptive Stratégique Stratégique
Giovanni Stratégique Ethique Technique Technique
Alain Stratégique Stratégique Sportive Sportive
Tableau 35 : évolution des aspects fonctionnels des références de chaque enseignant à chaque
stade la chaîne transpositive
216
Le tableau permet une lecture à double entrée:
- un sens horizontal, qui permet de voir l’évolution de la référence de chaque enseignant
au cours de tout son processus d’enseignement.
- Un sens vertical qui permet une comparaison à chaque temps, entre les trois
enseignants. A ce stade de notre recherche, c’est celle-ci qui va retenir notre attention.
Ainsi, on peut noter en premier lieu de forts contrastes entre chaque cas, quant à la
singularité de leur propre référence. Nos trois enseignants sont très différents en termes de
fonction de la référence du karaté à enseigner en EPS. Si l’on ne prend que par exemple le
savoir réellement enseigné, la fonction de la référence de Michel, en terme de savoirs est à
dominante proprioceptive. Celle de Giovanni est à dominante éthique tandis que celle d’Alain
est à dominante stratégique. On remarque qu’il y a à tous les niveaux de la chaîne
transpositive des différences entre les enseignants. De la même manière, au niveau du savoir à
évaluer, la fonction de la référence de chaque enseignant est différente : stratégique pour
Michel, sportive pour Alain et technique pour Giovanni. On se rend bien compte de ce fait de
la pluralité du karaté enseigné et évalué en EPS dans ces analyses de cas. Comme nous
l’avons déjà montré, le karaté est pluriel et cet aspect se retrouve dans son enseignement à
l’école. Par contre, les logiques de chaque enseignant sont très personnelles et les références
activées de manière complexe, en fonction d’assujettissements internes (comme l’histoire
personnelle du sujet) et externes (le poids de l’institution, les contingences contextuelles).
Cela confirme l’intérêt d’une approche clinique en didactique. Dans nos trois études de cas,
des remaniements sont présents, même s’ils sont parfois plus sensibles chez l’un ou chez
l’autre. Par exemple, le cas Michel est représentatif de remaniements effectués tout au long de
l’enseignement, tandis que dans le cas d’Alain, ces remaniements sont quasiment inexistants.
La fonction de sa référence est stratégique car c’est un aspect majeur de son enseignement,
dont le caractère devient sportif du fait des choix dans les procédures d’évaluation. Comme
chez Michel, les remaniements de la référence sont visibles chez Giovanni et Alain : le
tableau 35 met bien en évidence le caractère évolutif des aspects fonctionnels de la référence à
chaque stade de la chaîne transpositive.
217
5.2. Analyse structurelle des références de chaque enseignant
Comme nous l’avions fait à la fin de l’étude de cas Michel, nous allons montrer dans
le tableau suivant quels aspects structurels de la référence se dégagent aux trois temps de la
didactique clinique. Le tableau 36 permet une vue synoptique des trois cas.
Trois temps de la
didactique
clinique
Déjà-là
Epreuve
Après-coup
Statut de la
référence
Invoquée
Mobilisée
Re-convoquée
Michel
Culturel
Personnel
Scolaire
Giovanni
Culturel
Expérientiel
Personnel
Alain
Scolaire
Culturel
Expérientiel
Tableau 36 : évolution des aspects structurels dominants de la référence des trois enseignants
aux trois temps de la didactique clinique
Les références des trois enseignants ont à chaque temps un aspect structurel
différent. De plus, les aspects structurels tels que nous les avons définis, en tant que scolaire,
personnel et expérientiel, ne s’activent pas au même temps de la didactique clinique pour les
trois enseignants. Si l’on prend par exemple le temps de l’épreuve, l’aspect structurel
dominant est expérientiel chez Giovanni, car nous avons observé qu’il enseignait ce que le
karaté lui avait appris. L’aspect structurel dominant pour Alain est culturel car le sport est
élément de la culture actuelle centré sur la performance individuelle et c’est bien cet aspect là
du karaté qu’il veut enseigner aux élèves. Enfin, l’aspect structurel dominant est personnel
pour Michel, car nous avons vu que ce qu’il enseigne du karaté en EPS est emprunt de
multiples références, et de ce fait est une création très personnelle. Cela s’explique par la
singularité de chaque cas, dans le sens où les remaniements de la référence sont propres à
218
chaque enseignant, en fonction de son histoire personnelle, intime, de pratiquant et
d’enseignant.
5.3. Analyse dynamique des références de chaque enseignant
ENSEIGNANT
ASPECTS
FONCTIONNELS
DOMINANTS DE LA
REFERENCE
ASPECTS
STRUCTURELS
DOMINANTS DE LA
REFERENCE
MICHEL
Proprioceptif
Scolaire
GIOVANNI
Technique et éthique
Expérientiel
ALAIN
Stratégique
Culturel
Tableau 37 : comparaison des aspects structurels et fonctionnels dominants de la référence de
chaque enseignant
L’étude du tableau 37 montre qu’à chaque tendance structurelle de référence
correspond une fonction particulière. Ainsi, dans l’enseignement du karaté en EPS, la
référence enseignante va orienter l’enseignement de l’activité. La référence culturelle d’Alain
oriente celui-ci vers un enseignement sportif du karaté en EPS. La référence de Giovanni à sa
propre expérience l’oriente vers un enseignement traditionnel et enfin la référence de Michel,
scolaire, provoque la création d’un nouveau type de savoir à enseigner du karaté en EPS,
proprioceptif, que nous n’avions pas envisagé dans nos études préliminaires. L’étude clinique
menée montre l’articulation entre les aspects structurels et fonctionnels de la référence
enseignante. Au-delà de ces aspects, l’option de la clinique est de redonner la parole aux
enseignants, en suivant les trois temps de la didactique clinique, le déjà-là, l’épreuve et
l’après-coup. C’est ce que nous nous proposons de faire en organisant des extraits de verbatim
qui illustrent une tendance forte de la référence de l’enseignant aux différents temps de la
clinique (cf. tableau 38). Dans l’épreuve, nous avons séparé deux extraits, l’un se rapportant à
la séance d’enseignement, l’autre à la séance d’évaluation.
219
Temps
Enseignant
Déjà-là Epreuve
Enseignement Evaluation
Après-coup
Michel
Interprétation
de la référence
par le
chercheur
«Approche
culturelle »
▼
Référence
historique
« Recentrer sur
les sensations »
▼
Référence
scolaire
« Ce qui est
important, en
combat, c’est
d’y voir clair »
▼
Référence
sportive
« Lorsque je fais
quelque chose,
je le digère »
▼
Référence
personnelle
Giovanni
Interprétation
de la référence
par le
chercheur
« Approche
technique et
pratique »
▼
Référence
didactique
« Trouver son
propre chemin
mais aussi sa
propre
rencontre »
▼
Référence
personnelle
« Le karaté,
c’est un coup
unique »
▼
Référence
historique
« Je l’ai
reproduit
comme moi je
l’avais appris »
▼
Référence
personnelle
Alain
Interprétation
de la référence
par le
chercheur
« L’acceptation
de
l’affrontement »
▼
Référence
personnelle
« Le karaté,
c’est du
combat »
▼
Référence
sportive
« Confirmer
l’acquisition des
principes
d’action liés à
l’opposition »
▼
Référence
scolaire
« Ne pas se
laisser
submerger par
la crainte du
coup, de
l’autre »
▼
Référence
personnelle
Tableau 38 : synthèse de la référence de chaque enseignant aux trois temps de la didactique
clinique.
220
Nous nous intéresserons d’abord à une lecture horizontale du tableau, qui permet
d’apprécier les remaniements éventuels de la référence chez un enseignant donné. Dans cette
optique, pour Michel, nous retiendrons les termes de « sensations », « y voir clair » et
« digère ». Ces termes renvoient à une intériorisation des phénomènes qui va au-delà de la
réflexion. La référence de Michel a quelque chose d’interne dans la mesure où son
enseignement du karaté doit passer par la réflexion, la sensation et la « digestion » de ce qu’il
fait. Elle est en tous cas très personnelle dans la mesure où elle est construite et reconstruite
par l’enseignant tout au long de la chaîne transpositive. On pourrait ainsi dire que sa référence
de l’activité est confondue avec sa référence pour l’enseignement du karaté en EPS.
Giovanni est sur une dominante toute autre de sa référence. Les termes utilisés comme
« sa propre rencontre », « comme moi je l’avais appris », témoignent d’une autre
intériorisation des phénomènes. Giovanni enseigne le karaté comme il l’a appris, pour que les
élèves se rencontrent eux-mêmes, comme lui l’a fait au contact de l’activité. D’une certaine
manière, cette référence à lui-même et à son histoire rend compte d’une difficile prise de
distance par rapport au karaté à enseigner en EPS. Il ne prend pas en compte la spécificité du
contexte scolaire. Giovanni ne peut concevoir le karaté autrement que ce pourquoi il a été
inventé, c’est-à-dire se défendre avec un maximum d’efficacité, c’est pourquoi il parle
d’ « approche pratique » et de « coup unique » qui est effectivement la logique même du
combat en karaté. Dans le cas de Giovanni, on pourrait dire aussi que référence du karaté et
référence de l’enseignement du karaté en EPS s’excluent car sa référence personnelle ne peut
être enseignée en EPS. Giovanni l’a construite pour lui, de lui et de son histoire. Cette
singularité rend son karaté « inenseignable ».
Nous retiendrons des termes utilisés par Alain ceux de « combat », « opposition » qui
renvoient pour lui à la définition du karaté mais qui ne peuvent être enseignés que si l’élève a
été préparé à « l’acceptation de l’affrontement », et ait pu dépasser « la crainte du coup, de
l’autre ». La référence d’Alain est de ce fait autant le combat lui-même que la gestion de ses
aspects émotifs. Comme Michel, la référence d’Alain à l’activité est en continuité avec sa
référence de l’enseignement car c’est une référence construite pour son métier d’enseignant.
La lecture verticale du tableau permet de comparer les références enseignantes aux
différents temps de la clinique. Ainsi, au niveau du déjà-là, on a une référence « culturelle »
chez Michel, une « technique et pratique » chez Giovanni et une liée à « l’acceptation de
221
l’affrontement » chez Alain (cf. tableau 38). Ces trois références que l’on peut assimiler à
théorique pour Michel, pratique pour Giovanni et émotionnelle pour Alain montrent bien le
contraste et la singularité de chaque professeur, ne serait-ce que dans ses intentions
d’enseignement. Au niveau de l’enseignement du karaté en EPS d’ailleurs, trois termes
contrastés apparaissent encore : celui de « sensations » pour Michel qui renvoie à sa référence
proprioceptive de l’enseignement du karaté en EPS, de « sa propre rencontre » pour
Giovanni, et dans ce cas il se réfère pour enseigner le karaté à son parcours et son histoire. Le
« combat » pour Alain réfère à sa conception du karaté en EPS, emprunt des différents sports
de combat qu’il a pratiqué et dont il garde le fil conducteur, l’affrontement, tout en gardant
« les principes d’actions » propres à l’activité karaté sur lesquels il va s’appuyer pour évaluer
ses élèves. L’évaluation, d’ailleurs, constitue certes la fin du cycle mais reflète la référence
des enseignants quant aux fins du karaté. Pour Giovanni, cela se traduit par « le coup unique »
que l’on retrouve en effet dans son évaluation où les élèves doivent apporter une réponse à
une attaque déterminée à l’avance. Pour Michel, en karaté, il faut « y voir clair » ce qui peut
se traduire par rester maître de ses réactions pour pouvoir réagir de la bonne manière et au bon
moment en combat. Une fois de plus, l’analyse de la situation est pour lui un aspect important
de l’activité. Dans l’après-coup, Michel comme nous l’avons déjà expliqué « digère »,
Giovanni « a reproduit comme lui l’avait appris » et Alain insiste sur les aspects émotionnels
que l’on doit gérer en combat, « ne pas se laisser submerger par la crainte du coup, de
l’autre ». C’est dans ces derniers aspects évoqués par les enseignants que transparaît le plus
leur histoire, leur singularité et de ce fait leur référence dominante. Nous proposerons alors un
titre à chaque référence enseignante que le tableau suivant détaille (cf. tableau 39), à la
manière d’une vignette clinique de la référence de chaque enseignant.
Enseignant Titre proposé de sa référence
Michel Les remaniements de la référence
Giovanni La référence à soi
Alain Les émotions à gérer lors du combat
Tableau 39 : vignette clinique de la référence de chaque enseignant
222
6. Le second après-coup
Au fur et à mesure que notre recherche avance, nous nous apercevons qu’il y a des étapes
auxquelles nous n’avions pas pensé initialement et qui s’imposent à nous. C’est le cas de ce
moment de la clinique, qui vient « après l’après-coup », comme une clé de lecture de ce qui
précède. L’analyse croisée des cas Giovanni et Alain laisse en effet des questions sans
réponses, ou des aspects à préciser. Surtout, nous avons été étonnés, en comparant ces deux
premiers entretiens d’après-coup qui avaient été réalisés à des intervalles de périodes très
courte, une dizaine de jours, de leurs différences dans le fond. En effet, autant Giovanni s’est
totalement livré au niveau de son histoire personnelle, et de telle manière même que l’on ne
s’y attendait pas, autant Alain, lui, répondait aux questions en restant sur les pôles didactiques
et pédagogiques, sans trop donner d’informations sur des raisons plus personnelles à ses
choix. Cette constatation a suffit à nous persuader qu’il fallait que nous fassions un second
entretien d’après-coup avec ces deux enseignants, en essayant de réorienter Giovanni sur les
questions que nous lui avions posées et auxquelles, en définitive, il n’avait pas répondu,
préférant parler de son itinéraire ; en tentant au contraire d’orienter Alain sur des aspects plus
personnels de sa pratique. C’est pourquoi nous avons réalisé un deuxième entretien d’après-
coup pour chacun de ces deux enseignants, dont on retrouve la retranscription en annexe 34
pour l’EAC2 d’Alain et en annexe 35 pour l’EAC2 de Giovanni. Nous nous proposons dans
cette partie d’en faire l’analyse.
6.1. Analyse du second entretien d’ après-coup d’Alain
Compte tenu de ce que Giovanni nous avait confié lors de l’EAC1, nous avons voulu
savoir si Alain accepterait de répondre à ce qui l’avait motivé à pratiquer le karaté. Il a
répondu franchement à la question, sans gène, mais avec un sourire complice qui semblait
montrer qu’il avait clairement saisi quel sens allait être donné à cet entretien, retranscrit en
annexe 35. Il répond ainsi : « parce que je craignais beaucoup les autres. Petit, je devais
avoir 8-9 ans, je m’étais fait casser les dents et le nez suite à un coup de tête que m’avait
volontairement donné un « grand » à défaut de l’avoir donné à celui avec lequel il était en
train de se bagarrer. Bref, je pense avoir traîné longtemps cette injustice et cette crainte du
coup. J’ai certainement trouvé dans la pratique des arts martiaux et des sports de combat un
moyen de me rassurer, histoire de ne jamais revivre cette expérience douloureuse qui m’a
223
tout de même valu une opération chirurgicale » (cf. annexe 35). De ce qu’il dit, nous
retiendrons particulièrement que le déclencheur de sa pratique du karaté est bien une
« expérience douloureuse », une « injustice » et la « crainte du coup » qu’il avait reçu de
manière abusive. On comprend d’ailleurs que le choc a dû être traumatisant vu son âge et
surtout les blessures infligées : des dents et le nez cassés. On peut de ce fait dire qu’Alain est
venu au karaté dans le but certes de « se rassurer » comme il le dit, d’apprendre à se défendre
afin de ne plus rester impuissant face à une situation d’agression. Avec Giovanni, cela fait
donc deux traumatismes qui sont à l’origine de la pratique par le sujet du karaté. Sans vouloir
généraliser, on peut se demander quelle proportion de pratiquants de karaté, ou d’arts
martiaux en général, font cette démarche envers ces activités parce qu’ils sont à l’origine
traumatisés par quelque chose, un attribut physique, mental (manque de confiance en soi), ou
une agression. Peut-être une piste de nouvelle recherche à exploiter… Nous avons en tout cas
senti lors de l’entretien que nous tenions là peut-être LA référence d’Alain, car cette
expérience traumatisante dans l’enfance devait l’avoir marqué au point qu’il y cherche des
réponses au-delà de la pratique, mais l’intègre aussi dans son enseignement du karaté. Dans
une question à propos de la maîtrise des émotions qui a pu à un moment donné poser
problème dans sa pratique puisque c’est visiblement un aspect de sa personnalité qu’il
souhaitait renforcer par la pratique d’une activité de combat, Alain nous dit à propos de ses
études en STAPS : « parallèlement à mes études, où un enseignant, G.B.X. développait un
modèle d’enseignement du judo tout à fait novateur, option que j’avais prise puisque la plus
proche avec mes affinités ». C’est là qu’il nous livre sa référence : « je me suis
personnellement reconnu dans le modèle qu’il proposait et qui débutait par « l’acceptation du
contact ». Il venait de verbaliser ce que je rencontrais moi-même dans ma pratique en
compétition et dans mon club avec mes propres élèves dès que je dépassais le stade des
assauts conventionnels ». Au regard de ces déclarations, nous savons déjà qu’une de ses
références d’enseignant est à l’origine un formateur qui l’a particulièrement marqué pendant
ses études et qui a influencé ses conceptions de l’activité à enseigner. Il confirmera cela quand
nous lui demandons directement quelle est sa référence, surtout pour évaluer s’il en a
conscience par ailleurs, et Alain dira : « G.B.X., responsable de l’option judo dans les années
80-90 à l’UFR de Clermont Ferrand puis de Montpellier par la suite ». Alain a parfaitement
conscience de l’influence qu’a pu avoir cet enseignant sur lui. Dans une autre question sur les
savoirs enseignés, Alain ira plus loin dans sa réflexion et il nous confie une chose importante,
qu’à partir de cette rencontre avec le professeur d’EPS responsable de l’option judo en
faculté, il ne se réfère plus à son expertise de pratiquant mais à son expérience d’enseignant :
224
« concrètement, mes contenus se sont très rapidement orientés vers une conception didactisée
de l’enseignement. Dans le sens où le modèle traditionnel ne me convenait pas pour les
enfants, ni pour la préparation à la compétition. En somme, ce n’est plus vraiment ma
pratique qui s’est mis à orienter mes contenus mais ma logique d’enseignant alors même que
j’étais en train de faire mes études en STAPS, j’ai utilisé mon club comme laboratoire
d’expérimentation de tout ce que mes profs de fac m’enseignaient ». En somme, Alain est
peut-être en train de nous dire que pour construire sa référence, et l’opérationnaliser en EPS,
l’enseignant est contraint de prendre de la distance par rapport à sa pratique pour mieux se
centrer sur ce qu’il a à enseigner. Nous retrouvons cette problématique chez le chercheur qui
peut avoir des difficultés à prendre de la distance par rapport à son statut d’enseignant, qui le
fait par défaut réfléchir en praticien, ce qui fait qu’il peut y avoir dans ses analyses des effets,
formateur, enseignant, pratiquant et bien sûr chercheur !
Nous allons revenir à la question qui demande à Alain de donner sa référence car en
plus de donner le nom du professeur déjà évoqué, Alain rajoute : « Et d’une façon plus large :
le judo, la boxe française et un peu l’escrime. Bref, tout sauf vraiment du karaté. Ce qui n’est
pas plus mal, car c’est un bon moyen de ne pas rester piégé par le seul modèle auquel tout le
monde semble vouloir adhérer : le modèle traditionnel, à savoir : kihon, kata et assauts
conventionnels ». Lors de l’entretien, nous n’avons pas mesuré l’importance de ce qu’Alain
disait là car ce que nous retenons de cette phrase est bien : « tout sauf le karaté ». En effet,
Alain est revenu de manière précise sur son itinéraire de pratiquant, et notamment sur le fait
qu’il avait commencé par le judo passant ensuite au karaté puis au taekwondo, jusqu’à ce
qu’il obtienne la ceinture noire : « je pratique d’abord le judo deux ans si mes souvenirs sont
exacts. J’ai alors autour de 11-12-13 ans. Puis un épisode rapide en karaté shotokan, un an
et demi, le club du moment arrêtant alors ses activités, vient le taekwondo durant trois ans,
un club s’ouvrant six mois après la fermeture du club de Karaté. En 1984, je passe ma
ceinture noire de Taekwondo ». Alain reviendra au karaté deux ans après, lors de ses études,
comme il l’explique : « puis en 1986, j’intègre la fac de Clermont-Ferrand et sur place, je ne
trouve aucun club de taekwondo, je fais donc de la boxe française durant deux ans, mais en
parallèle je commence à faire des compétitions de karaté dans le Limousin puisque nous
étions licenciés FFKTAMA, j’en profite alors pour m’inscrire aussi dans un club de karaté
sur Clermont-Ferrand ». Il explique ensuite pourquoi il s’est inscrit en karaté : « afin de
progresser certes, en combat, mais aussi pour assimiler les formes techniques nécessaires
pour passer le plus rapidement possible mon 1er dan. Chose que je fais deux ans après m’être
225
inscrit dans ce club Clermontois, 1er dan en 1988. C’est à ce moment, 1988, que je décide
d’arrêter d’enseigner le taekwondo et me mets à enseigner le karaté shito ryu au sein de mon
club à Bellac. Voilà comment j’en suis venu à pratiquer le karaté : parce que j’ai d’abord été
enseignant ». En détaillant son itinéraire ainsi, Alain nous apprend plusieurs choses : d’abord
que suite à son épisode traumatisant dans son enfance où il se fait casser le nez et les dents, il
n’est pas venu directement au karaté mais a commencé par le judo. Ensuite que son parcours
de combattant est pour le moins éclectique avec pas moins de cinq activités de combat
pratiquées : le judo, le taekwondo, le karaté, la boxe française et un peu l’escrime. On notera
tout de même qu’il a presque trois ceintures noires à son actif, une en karaté, une en
taekwondo et la partie technique en judo. On ne peut pas parler pour Alain d’itinérance en vue
d’une pratique de découverte mais bien de recherche personnelle de progression et de
spécialisation, et ce dans des sports et de percussion (karaté, boxe) et de préhension (judo).
On comprend de ce fait maintenant mieux ce « tout sauf le karaté » qui définit la référence
d’Alain, par lui-même. On peut tout de même être un peu étonné de cette phrase car si l’on
étudie les temps de pratique, c’est tout de même l’activité qu’il a à ce jour le plus pratiqué et
enseigné. De plus, comme Alain le souligne plus loin dans l’entretien il « exerce un
enseignement dont les modèles sont certes un peu traditionnel, sportif en ce qui concerne le
karaté, mais aussi issus d’autres sports de combat ». Le « tout sauf le karaté » est donc
quelque peu nuancé ici car il intègre bien l’activité aux modèles dont il parle et qu’il a
pratiqués, mais on pourrait dire qu’il a une référence « transversale » de l’enseignement du
karaté en EPS.
Enfin, compte tenu du caractère sportif que nous avons trouvé à la référence d’Alain,
nous avons voulu savoir quelle influence avait eu la pratique du karaté en compétition
combat. Alain répondra : « j’ai d’abord pratiqué longtemps sous un forme très traditionnelle
avant même de faire de la compétition. J’étais déjà 1er dan de taekwondo le jour où je suis
monté sur un tapis de compétition. Je faisais les compétitions combat karaté puisqu’il n’y en
avait pas en taekwondo en limousin à l’époque. Puis je suis devenu prof EPS, muté à Paris en
1992 et depuis, je n’ai plus refait de compétition ». Alain n’a pas fait de compétition à haut
niveau, et ce n’est pas ce qui l’a motivé dans sa pratique puisqu’il était comme il le dit déjà
gradé en taekwondo quand il s’est mis à la compétition. Cela a été une opportunité à un
moment donné de sa pratique. Alain explique d’ailleurs dans son parcours que c’est plus la
structure et la politique du club de Clermont qui lui a permis de venir à la compétition : « le
club de karaté dans lequel j’étais à Clermont me permettait à la fois de préparer de façon très
226
traditionnelle mon 1er dan[…] tout en m’offrant la possibilité de progresser en compétition
parce que c’est le seul club de karaté sur Clermont-Ferrand où j’ai rencontré des opposants
de taille qui eux mêmes faisaient de la compétition au delà du niveau régional en combat et
en kata. C’est à ce moment là que je me suis aussi mis à faire de la compétition kata, quelques
unes ». La compétition a été aussi peut-être le moyen pour Alain de tester son efficacité en
karaté, lui qui n’en était pas un « pur produit » à l’origine…
On peut de ce fait dire que la référence d’Alain pour l’enseignement du karaté en EPS
n’est pas le combat en compétition. Comme il le dit et c’est ce que nous retiendrons aussi de
l’analyse du second après-coup de son cas : « voilà comment j’en suis venu à pratiquer le
karaté : parce que j’ai d’abord été enseignant » (de taekwondo). Il confirme ce que nous
disions plus avant, que ce qui marque l’étude de cas Alain, c’est la nécessaire prise de
distance du sujet enseignant par rapport au sujet pratiquant. Pour conclure, nous laisserons la
parole à Alain, qui dit bien : « ce choix d’entrée dans l’activité n’est pas en rapport immédiat
avec ma propre pratique. Elle n’est pas dépendante d’une préférence ou affinité d’une
approche sportive ou traditionnelle. Elle est avant tout EPS ». La logique qui guide la
référence d’Alain est scolaire.
6.2. Analyse du second entretien d’ après-coup de Giovanni
Nous avons commencé par une question incitant Giovanni à tenter de définir ce qu’est
pour lui le karaté en EPS. Comme à son habitude, il utilisera une métaphore explicite pour
qualifier sa conception. « Le karaté sert à dompter la bête » (cf. annexe 25). Giovanni
reviendra aussi sur l’utilité thérapeutique du karaté à son encontre : il est certain que pour moi
le karaté a été une thérapie dans mon histoire personnelle et il est fort possible qu’à mon insu
peut-être, j’attends en présentant cette activité, une transformation de l’individu. Donc je suis
dans ce registre, mais peut-être faudrait-il changer de registre ou l’adapter… ». Pour
Giovanni, le karaté en EPS est une manière de transformer l’élève, tant au niveau physique
que psychologique. Les aspects éducatifs du karaté sont de ce fait mis en avant par Giovanni.
Nous sommes ensuite revenus avec lui sur un objectif de cycle qu’il avait annoncé dans le
premier EAC : « savoir se tenir debout » (cf. annexe 24). Il nous confirmera qu’encore là il
envisage plus qu’une compétence purement motrice : « La verticalité est symbole de vie, de
force, en opposition à l’horizontalité, qui est symbole de mort. C’est le cerveau qui commande
le corps et pas le corps qui s’en va n’importe quand n’importe comment. C’est le cerveau
227
ordinateur qui pilote le corps. Je ferais donc un cycle à base de situations de blocages qui
imposent de garder cette verticalité, cet équilibre ou dans des situations d’attaque, ne pas se
jeter sur l’autre n’importe comment, toujours être maître de soi, le corps bien droit ». En
effet, d’une certaine manière, pour Giovanni, se tenir debout, qui renvoie comme il le dit à la
verticalité, est plus que le contrôle de cette posture du corps. Etre debout pour lui, c’est être
vivant et contrôler son corps avec son esprit, ce qui représente en outre une des valeurs
véhiculée par la pratique des arts martiaux. Le premier entretien d’après-coup avait confirmé
notre interprétation selon laquelle Giovanni enseigne avant tout ce qu’il est et plus exactement
la manière dont le karaté l’a transformé et construit en tant qu’individu. Nous sommes
revenus avec lui sur ce point dans cet entretien : « on enseigne ce que l’on est parce que ce
que l’on est c’est la façon dont on s’est construit, bon. Je suis persuadé que l’on ne peut
transmettre que ce que l’on est parce que ce que l’on est c’est la façon dont on a été façonné,
forgé au sens littéral du terme. C’est ce qui nous a permis d’être et de devenir ». On notera
que tous les aspects de la vie de Giovanni semblent avoir une importance dans la construction
de sa personne, et pas d’ailleurs que le karaté. Il revient en effet souvent sur son expérience de
forgeron, puisque c’est ce métier qu’il a appris en premier, qu’il a exercé. Il aime faire le
parallèle entre la construction de sa vie, de sa personne et la forge d’une pièce, quand on la
façonne peu à peu pour lui faire obtenir la forme voulue. C’est de cette manière aussi qu’il
s’est formé, « forgé » comme il dit, et il envisage là autant son corps que son esprit. Par
contre, il garde un esprit critique par rapport à son propre parcours, et envisage une question
fondamentale : « peut-on dépasser l’isomorphisme pourquoi pas ? ». Il y répond lui-même en
disant : « certes mais il faut à ce moment là se décentrer énormément de soi et sûrement
transmettre autre chose de l’activité que ce qu’on a vécu et là on rentre dans la didactique
qui prend en compte les besoins des élèves, des autres, et qui ne correspondent pas à ses
propres besoins. C’est alors une attitude qui nécessite une grosse réflexion didactique et une
prise de distance assez importante ». Son analyse est intéressante mais questionne car il
semble dire qu’il ne peut y avoir de didactique que si l’on envisage une totale distanciation
par rapport à son vécu. Giovanni semble en effet dire d’une certaine manière que le professeur
enseigne parfois « pour ses propres besoins » qui ne correspondent effectivement pas à ceux
des élèves. On comprend alors mieux sa dernière citation quand il dit : « je le dirais comme
cela : on franchit une porte pour entrer dans le karaté mais il faut pouvoir en sortir pour y
revenir sans vouloir y rester ». Cette métaphore explicite de Giovanni pourrait d’ailleurs
s’appliquer autant à sa famille et ses parents qu’au karaté dans la mesure où l’individu doit un
jour voler de ses propres ailes, quitter ses parents, ceux qui lui ont tout appris, sans pour
228
autant les abandonner, mais s’émanciper à l’extérieur, faire sa propre vie et pouvoir y revenir
en son sein « mais sans vouloir y rester ».
Un peu plus loin, il parlera du rapport au père, au Maître en ces termes que l’on peut
rattacher aussi à ce qu’il a dit précédemment : « quand le karatéka acquiert le grade de
ceinture noire, il y a une émancipation qui se fait et à ce moment là il peut exister par lui-
même et il a sa propre réflexion, qu’il avait déjà mais qu’il peut exprimer ». Le rapport au
savoir de Giovanni en karaté est un rapport à lui-même et lorsque nous lui avons demandé
quelle était sa référence, nous ne pensions pas qu’il allait encore le confirmer de manière aussi
franche : « si j’ai une référence elle sera typiquement f…lienne » (il emploie son nom de
famille auquel il ajoute ce suffixe) […], « parce que c’est par rapport à mon vécu. Si je
n’avais pas eu ce vécu, je serais mal à l’aise de proposer un cycle de karaté parce que je
pense qu’il faut avoir un vécu dans cette activité pour la proposer ». Giovanni ne peut
enseigner cette activité autrement qu’en référence à lui-même car c’est par le karaté qu’il s’est
construit en tant qu’homme et en tant qu’enseignant. Il fera aussi particulièrement référence à
son professeur, qui à un moment donné a dû jouer ce rôle du père « absent » selon ses propres
dires dans l’EAC (cf. annexe 24). D’ailleurs, on notera que Giovanni envisage des références
à une autre activité de combat de percussion : « dans mes références plus didactiques, je me
réfère aux pratiques de percussion en général et notamment la boxe française parce que l’on
trouve des ouvrages intéressants de ce point de vue qui ont été fait ». Même s’il n’y a
effectivement pas beaucoup d’écrits sur le karaté en EPS, on se demande si ce n’est pas pour
Giovanni une manière de contourner le problème de l’enseignement du karaté en EPS. En se
référant d’un point de vue didactique à la boxe française, cela évite à Giovanni de faire un
travail de traitement didactique qu’il ne peut pas faire pour les raisons que nous avons
développées. Par contre, il n’a pas pu « tricher » avec le cycle qu’il a proposé aux élèves et
qui a servi pour notre expérimentation car nous lui avions commandé un cycle spécifique de
karaté et il n’a pas pu y inclure de référence à la boxe ou à toute autre activité de combat. Pour
conclure, il est à la fois intéressant et troublant de noter l’absence des élèves dans le discours
de Giovanni, tout au long des EAC. Cela interroge sur leur place dans son enseignement, et
cela laisse à penser que Giovanni enseigne avant tout pour lui, et après pour ses élèves…
229
CONCLUSION
230
Au terme de ce travail de recherche, nous conclurons en présentant dans un premier
temps un constat du savoir produit par notre thèse. Dans un deuxième temps, nous discuterons
ce savoir produit, en envisageant notamment les limites de notre travail et les remaniements
du chercheur lui-même. Dans un troisième temps, nous proposerons quelques pistes de travail
qui pourraient être développées dans « l’après thèse », qui se déploieront sur deux axes : celui
de l’enseignement du karaté en EPS et celui de la formation des enseignants. Enfin, en guise
de bilan final, un quatrième et dernier chapitre sera consacré à « l’après-coup du chercheur »
car il nous semble important et inédit peut-être d’appliquer à nous-même ce que nous avons
exigé des enseignants collaborateurs. Nous essaierons alors d’écrire quelle a été l’évolution de
notre réflexion, de notre travail, pourquoi nous avons choisi cet objet de recherche, voire
pourquoi nous avons voulu faire du karaté et de la recherche, tout simplement…
1. Le savoir produit par la thèse
Notre travail repose sur l’idée que l’enseignant se réfère toujours à quelque chose qui
donne du sens à son enseignement. En effet, « aucune recherche ne peut éviter, à un certain
moment, la question de la référence, dans la mesure où le savoir transmis par l’enseignant se
réfère le plus souvent à un déjà-là » (Terrisse, 2001). Nous avons avancé la thèse suivante : la
référence instaure un rapport de nature intime entre l’enseignant et l’activité qu’il enseigne à
chaque étape de la chaîne transpositive, rapport auquel il ne peut échapper.
Le choix de l’activité karaté n’est pas innocent : tout d’abord il va sans dire que notre
expertise et notre expérience dans l’activité a été le premier facteur de choix. Pratiquant
depuis plus de vingt ans, professeur diplômé d’Etat et ceinture noire 3ème dan, nous avons
notamment participé au développement du karaté en UNSS et avons enseigné de nombreux
cycles à tous les niveaux de classe du collège et du lycée. Cette expertise nous a donc permis
de procéder à une analyse plus fine de ce que peuvent faire des collègues dans ce domaine.
Ensuite, le second facteur de choix vient de la nature même de l’activité. Le karaté est d’abord
une activité bipartite : à la fois sport de combat avec une dimension sportive et moderne mais
encore art martial avec sa dimension traditionnelle, d’art de la guerre, de méthode de combat
et de formation de l’individu. Elle est en outre très éducative du fait des valeurs de maîtrise de
soi, de respect et d’abnégation qu’elle véhicule, aspect qui nous semble important dans le
cadre de l’enseignement de cette activité en EPS, dans la mesure où les valeurs de l’école et
231
les valeurs du karaté vont coïncider. C’est ensuite une activité composée de styles différents
(Shotokan, Shito ryu, Goju ryu, Kyokushinkai) qui sont parfois antinomiques. Il s’avère en
effet que ces écoles, bien qu’elles fassent toute partie de la famille karaté do, n’ont ni les
mêmes fondements techniques, ni les mêmes approches stratégiques. En somme, les modes de
transmission du savoir sont variables d’une école à l’autre dans la mesure où l’entraînement
en club est plus orienté sur certains aspects que sur d’autres (qui le travail des katas ou des
fondamentaux du combat dans une option de préparation à la compétition, qui un
entraînement centré sur les trois domaines, kihon, kata et kumite dans une option plus
traditionnelle). Le troisième facteur de choix tient au statut de l’activité. Le karaté a un statut
« à part » : c’est avant tout une activité de spécialistes qui est peu enseignée et peu représentée
dans le cadre des formations continues des enseignants d’EPS. Il en découle une question
capitale : à quel savoir l’enseignant se réfère-t-il lorsqu’il est confronté à l’enseignement
d’une activité ne faisant ni l’objet de programmes, ni d’une didactisation avancée ? Nous
sommes donc en présence d’un karaté pluriel. Cette pluralité va générer des expériences
différentes chez les pratiquants et orienter les conceptions de l’enseignement à dispenser. De
ce fait, les résultats de notre recherche montrent que les références sont multiples, empreintes
certes de l’expérience de pratiquant et d’enseignant et des conceptions de l’activité à
enseigner, mais surtout de son histoire.
Du point de vue conceptuel, notre travail a examiné le processus de transmission des
savoirs à partir du modèle de la ternarité qui est une formalisation du domaine des réflexions
concernant la didactique. Trois éléments sont mis en relation : l’élève, l’enseignant et les
savoirs. Ces trois éléments constituent les trois pôles d’un triangle que l’on appelle le triangle
didactique. La mise en relation de ces trois pôles est appelée « système didactique » par
Colomb, qui est « formé par trois éléments : l’enseignant, les élèves, le savoir et la relation
ternaire qui les lie » (1986). Même si ce n’est pas sa spécificité, l’un des enjeux de la
didactique est de s’intéresser plus précisément à ces mises en relations dans le but d’une
meilleure compréhension du fonctionnement didactique de l’enseignant. Notre problématique
nous a amené à nous concentrer sur les influences qui s’établissent entre deux pôles du
triangle : l’enseignant et le savoir qu’il transmet (transposition didactique). En effet, importée
dans le champ spécifique de la didactique clinique, ce temps du processus de transposition est
revisité par la prise en compte de la dimension du sujet ou pour reprendre des auteurs comme
Beillerot, Blanchard-Laville et Mosconi en 1996 « le sujet singulier dans sa dynamique
psychique et sociale ». L’approche clinique en didactique s’appuie sur une théorie du sujet
232
didactique qui comme l’a formalisé M.F. Carnus peut être « singulier, assujetti ou divisé »
(Carnus, 2004). Si nous nous sommes tant intéressé à lui, le sujet enseignant, c’est parce
qu’enseignant nous-même, la didactique clinique nous permettait de répondre à des questions
personnelles en allant chercher les réponses chez des pairs. Ces questions personnelles, à un
moment donné, deviennent alors scientifiques quand elles produisent des résultats qui ont été
obtenus à l’aide d’une méthode. Dans cette acception, nous avons mis au cœur de notre
problématique le concept de la transposition didactique, initié par Verret (1975) et développé
par Chevallard, comme « l’ensemble des transformations que fait subir à un champ culturel la
volonté de l’enseigner dans un cadre scolaire ». (Chevallard, 1985). Ce processus permet la
construction de la pratique sociale de référence karaté afin de pouvoir l’enseigner à l’école, en
EPS, selon les trois étapes décrites par Terrisse :
- « du savoir de référence au savoir à enseigner » (choix de l’enseignant en fonction
notamment de sa conception de l’activité).
- « Du savoir à enseigner au savoir enseigné » (mise en œuvre du savoir à travers les
contenus d’enseignement).
- « Du savoir enseigné au savoir appris » (contrat didactique entre enseignant et élèves).
(Terrisse, 1998)
Nous nous sommes ainsi surtout attachés aux deux premier temps, à savoir les
passages du savoir de référence au savoir à enseigner, puis du savoir à enseigner au savoir
enseigné, qui sont sous la responsabilité directe de l’enseignant. En effet, dans l’épreuve,
l’enseignement subit les contingences de la classe, des réactions des élèves et l’enseignant est
souvent obligé de s’adapter pour des raisons que l’on dira « externes » à son fonctionnement.
Ainsi, cela justifie que dans le cadre de notre problématique de recherche, la troisième et
dernière étape a été reconstruite, car notre étude part du savoir enseigné, non pour remonter au
savoir appris comme nous l’avons déjà réalisé dans une autre étude (Heuser, 2005), mais pour
remonter au savoir qui a servi de référence à l’enseignant, retour en boucle qui pose la
question des influences qui sous-tendent aussi bien les intentions que les décisions de
l’enseignant, et surtout mettent en évidence ses choix de traitement didactique. Si les
influences à tous ces niveaux vont être nombreuses, c’est aussi parce que les références le
sont : C. Raisky envisage bien que « dans un système didactique, les références sont
multiples » (Raisky, 1993). Elles peuvent être en effet externes (tout ce qui est extérieur à
l’école), ou internes (tout ce qui est du fait de l’école). Nous rajouterons qu’elles sont toujours
personnelles, dans la mesure où les enseignants se construisent des références qui leur sont
233
propres, car chaque sujet est singulier et ses références sont le fruit de son histoire
personnelle. C’est aussi ce qui fait dire à Caillot que « la question de la référence se pose en
fait pour chaque pôle (du triangle didactique : sujet, élève, savoir). Au lieu de parler d’une
seule référence, nous devons penser à des références multiples qui doivent concerner
l’ensemble du triangle » (Caillot, 2001). La question de la référence est donc centrale pour le
chercheur et les références multiples dans la mesure où tout enseignant a des savoirs d’experts
(référence culturelle), des savoirs d’expérience (référence personnelle et sociale) qu’il doit
prendre en compte dans un contexte institutionnel, et il est vrai que dans le cas du karaté, il y
a un certain vide institutionnel, puisqu’il n’y a aucune référence au karaté dans les
programmes d’EPS et que l’enseignant est contraint de s’inspirer soit de la boxe française,
soit de la lutte. Ce travail préalable sur le cadre d’analyse conceptuel nous a permis de fonder
notre objet de recherche, centré sur la détection des traces de la référence enseignante,
extraites par l’analyse des écarts entre le savoir à enseigner (SAE), le savoir réellement
enseigné (SRE) ; le savoir à évaluer (SAEV) ; le savoir réellement évalué (SREV).
Cette quête des rapports en terme d’écarts entre SAE, SRE, SAEV et SREV nous a amené à
la question de recherche suivante : en quoi une pratique enseignante renvoie à une référence,
et laquelle ? Dans cette optique, nous avons posé comme hypothèse que la référence
enseignante oriente l’enseignant dans les différentes phases de la chaîne transpositive et que
l’analyse des écarts permet de révéler les aspects structurels de la référence (institutionnel,
personnel et socio-culturel) et ses aspects fonctionnels (invoquée avant l’épreuve
d’enseignement, convoquée dans l’épreuve, re-convoquée dans l’après-coup).
Du point de vue méthodologique, l’étude se fait au cas par cas. Comme le souligne A.
Terrisse (2001) : « la clinique sert à interroger le rapport singulier qu’entretient le sujet à
l’activité qu’il pratique pour en rendre compte, l’identifier, la caractériser ». Ce rapport « ne
pourra être élaboré qu’à partir d’une prise en compte du cas par cas, ce qui caractérise la
clinique du singulier, celle de la position subjective de chacun » (ibid.). Dans sa méthode, elle
s’attache aux pratiques ordinaires, non prescriptives et intègre l’apport de preuves, qui
renvoient aux traces des références à son enseignement que l’on a cherché dans toutes les
communications de l’enseignant, singulières et personnelles (écrites dans les préparations de
leçons et orales au cours même de celles-ci ainsi que des entretiens). En ce qui concerne la
méthodologie de recueil des données, nous avons procédé à l’analyse du discours du
professeur. Autrement dit, les communications de l’enseignant ont été analysées au cours des
trois temps de la clinique : le déjà là (planifications, entretiens ante séance), l’épreuve (l’acte
234
d’enseignement et d’évaluation, les entretiens post séance) et l’après-coup (les entretiens
d’après-coup). L’enregistrement audio et vidéo des enseignants d’EPS porte sur la première et
la dernière séance du cycle. Nous avions ainsi accès à l’entrée dans l’activité, aux savoirs en
jeu dans le cycle et aux savoirs évalués. Comme l’étude de cas porte essentiellement sur le
verbatim, notre corpus est constitué à partir de l’outil audio, retranscrit soit à partir du
dictaphone porté par l’enseignant, soit à partir du son enregistré avec l’image vidéo. En effet,
la vidéo nous a surtout servi à contextualiser le discours de l’enseignant, pour savoir par
exemple s’il s’adresse à un moment de la leçon à un élève ou à un groupe d’élèves. A chaque
étape, nous avons réalisé un entretien ante séance, un post séance et enfin un ou plusieurs
entretiens d’après-coup. L’après-coup, en didactique clinique, n’est pas seulement le troisième
temps du processus de recueil des données. Il est le moyen par lequel se reconstruit la
situation d’enseignement, dont les traces sont conservées, mais qui exige de l’enseignant une
véritable reconstruction de sa position, un « remaniement », comme l’indique Chevallard, se
référant à Laplanche et Pontalis (Chevallard, 1985). On fait ainsi l’hypothèse que c’est le
dispositif de mise à distance dans le temps d’une part et celui de répétition d’autre part, qui
crée les conditions de cette reconstruction, à des fins de compréhension de l’activité de
l’enseignant, voire d’explication. Nous avons sollicité l’enseignant après avoir revu les
enregistrements audio et vidéo pour « orienter » leur questionnement. Dans les trois cas, les
entretiens d’après-coup ont été réalisés plusieurs mois après l’observation. Ce laps de temps
permet en effet à l’enseignant de revenir sur cet événement avec un autre point de vue, en y
ayant réfléchi, à tel point que le chercheur n’a même plus à poser la question à l’origine de
l’entretien, comme dans le travail effectué auprès des sportifs de haut niveau ou des
entraîneurs (Terrisse, 1997). Ce qui est recherché, ce sont les raisons de l’acte didactique.
Nous sommes bien ici dans des recherches cliniques, centrées sur le sujet enseignant, qui
servent « à analyser des situations didactiques enregistrées et décryptées, dans la singularité
complexe de chacune et dans la variété possible des registres interprétatifs », soit de découvrir
le sens de l’acte (Astolfi, 1997). La technique de recueil des données est l’entretien semi
dirigé. Celui-ci est réalisé en début de chaque séance (entretien ante séance), puis à la fin de
celles-ci (entretien post séance). Ces entretiens semi dirigés ante séance et post séance nous
ont permis de recueillir les intentions didactiques des professeurs d’une part, leurs
interprétations de l’enseignement dispensé au cours de chaque séance d’autre part. Nous
avons aussi questionné dans l’après-coup, car comme le souligne A. Terrisse (ibid.) : « à la
manière des cliniciens, nous postulons que seul le sujet peut rendre compte de ses actes ». Les
entretiens sont tous semi dirigés afin de laisser une part importante d’expression libre et non
235
contrainte à l’enseignant. Ainsi, au niveau méthodologique, les entretiens ante séance ont
pour but de fournir des informations sur le déjà-là, sur le choix des savoirs à enseigner et à
évaluer et les effets attendus par les enseignants en termes d’acquisition de savoirs par les
élèves. C’est pourquoi nous interrogeons en premier lieu l’enseignant sur son expérience du
karaté (pratique et enseignement), dans l’entretien ante séance 1. Puis nous lui posons une
question sur ses intentions lors de la séance et plus généralement du cycle. Enfin, nous
revenons sur un aspect du projet de cycle fourni par l’enseignant afin de le détailler et de le
clarifier. Au niveau des entretiens post séance, la première question demande à l’enseignant
de faire un bilan de sa séance. Puis nous l’interrogeons sur l’écart entre le projet de séance
fourni et ses réalisations effectives. Enfin, les questions suivantes vont concerner l’entrée dans
l’activité, et des précisions sur certaines situations proposées. Dans les entretiens d’après-
coup, nous revenons avec l’enseignant sur les écarts repérés. Le plus souvent, nous le faisons
en mettant en contradiction un extrait de verbatim avec une réalisation effective au cours
d’une des séances. Nous avons déjà montré que l’enseignant délivre une partie du savoir « à
son insu ». On ne peut alors qu’intégrer le fait (bien connu par ailleurs) que l’enseignant a un
inconscient et qu’il s’en sert ! L’enseignant est ainsi souvent divisé entre :
- ce qu’il prévoit d’enseigner (son intention) et sa réalisation en classe, du fait de la
contingence que constitue, fondamentalement, la transmission d’un savoir.
- Ce qu’il dit (et peut) avoir enseigné et ce qu’il a enseigné.
- Ce qu’il avait l’intention d’enseigner et ce qu’il ne peut s’empêcher de faire. Mais cet aspect
est souvent peu développé par les enseignants qui, quoi de plus normal, vont justifier leur
choix. En fait, si l’on compare les entretiens d’après-coup de Michel, Alain et Giovanni, c’est
ce dernier qui a le mieux répondu à nos attentes en nous livrant contre toute attente son
histoire, toutes les clefs de compréhension de ses actes et surtout de sa référence.
En ce qui concerne la méthodologie de traitement des données, elle comporte quatre
temps, au cas par cas : le premier temps a consisté en une lecture sélective des réponses de
l’enseignant à l’entretien ante séance et aux planifications (cycle, séance). Cette phase a
donné des éléments sur le SAE et le SAEV. Au cours du deuxième temps, nous avons analysé
le SRE et le SREV, au travers des verbatim des deux séances enregistrées et des entretiens
post séance. Le troisième temps est consacré au pointage des écarts entre SAE, SRE, SAEV et
SREV. C’est au cours de cette phase qu’ont été sélectionnés des extraits de verbatim
significatifs de ces écarts afin de préparer l’entretien d’après-coup. Le quatrième et dernier
236
temps a permis de confirmer les hypothèses concernant la référence de l’enseignant, en
confrontant celles-ci aux réponses de l’enseignant dans l’entretien d’après-coup alors réalisé.
Au début de ma recherche, j’avais tendance à réduire la didactique clinique au cas par
cas. C’était une erreur de chercheur débutant et mon travail m’a permis d’avancer aussi dans
cette dimension, les travaux de notre équipe AP3E (maintenant EDiC) que j’ai déjà détaillé
avançant aussi dans leur réflexion. Pour autant, notre recherche n’utilise pas tous les outils
théoriques et méthodologiques de la didactique clinique. Ainsi, nous avons une option
d’analyse transpositive, centrée sur le sujet enseignant, dont nous cherchons la référence.
L’outil méthodologique principal que nous avons utilisé est l’entretien, déclinés en suivant les
trois temps de la clinique : le déjà-là (avant), l’épreuve (pendant) et l’après-coup (après).
Notre recherche met alors en évidence :
- la singularité de l’enseignant, qui a son histoire ou plutôt ses histoires, d’élève,
d’enseignant, de pratiquant, personnelles et qui vont agir comme autant d’influences sur
les aspects structurels et fonctionnels de sa référence. Autrement dit, la référence ne peut
plus être considérée comme un concept figé mais comme quelque chose de construit
progressivement par le sujet, mouvant et dynamique. En effet, nous avons bien vu qu’il y
a une tendance à cette référence d’un point de vue structurel (socio-culturelle, personnelle
ou institutionnelle) mais en fonction du moment (l’avant, pendant ou après l’épreuve
d’enseignement) ces aspects se modifient et une nouvelle tendance peut apparaître. Ceci
était particulièrement vrai pour Michel, dont les remaniements de la référence pouvaient
se constater au trois temps décrits.
- La liaison entre référence et transposition didactique, du fait même de ces remaniements
en fonction du moment de la chaîne transpositive, suivant que l’on envisage le SAE, le
SRE, le SAEV ou encore le SREV.
- Des outils d’analyse spécifiques qui pourront servir en formation des enseignants mais
aussi à la recherche en didactique clinique, comme l’utilisation des écarts dans la
recherche des traces de la référence enseignante et la référence elle-même, révélatrice de
la singularité de l’enseignant dont l’histoire donne les clefs de compréhension de cette
référence.
- Le « mot interdit » qui renvoie à ce qu’il est impossible de faire pour l’enseignant et est
impossible ou très difficile à dire dans ses communications, en cours ou lors des
entretiens. L’exemple le plus frappant fut notre pré-étude de cas, Nicolas qui lors de
l’entretien post séance 1 : « moi, je serai directement sur une entrée…euh…par le…par
237
le… disons le randori souple… le randori… le combat quoi » (cf. annexe 6). Le combat
que Nicolas a bien des difficultés à seulement évoquer lors de l’entretien, représente alors
« l’impossible à faire » dans le contexte scolaire, en EPS.
Une première phase de résultats, issus de l’étude de cas longitudinale de Michel, fait
état de la dynamique de la référence utilisée par l’enseignant : elle se révèle bien dans les
écarts mais parce qu’elle est constamment remaniée par l’enseignant au cours des différentes
phases de son enseignement. En définitive, il s’avère que c’est moins la référence que sa
fonction qui change dans ces remaniements. Dans le cas de Michel, la fonction de sa référence
est en effet à dominante stratégique mais elle change, passant d’une fonction sécuritaire à
informationnelle et proprioceptive. Il semble alors que l’écart lui-même devient un outil
d’analyse de tout premier ordre au chercheur car il lui révèle la fonction de la référence chez
l’enseignant : si l’on se réfère aux trois temps de la clinique, on a dans le cas Michel une
fonction de la référence évoquée dans le déjà-là (référence technico tactique), une autre
mobilisée dans l’épreuve (référence proprioceptive) et enfin une re-convoquée dans l’après-
coup (référence stratégique). Cette conclusion questionne aussi son rapport personnel aux
savoirs qu’il dit avoir comme référence. En définitive, la référence s’avère avoir une part non
négligeable dans l’organisation de la pratique enseignante. De ce fait, elle permet non
seulement de prendre en compte les savoirs en jeu mais surtout d’en rendre compte et
d’aborder le problème de certaines difficultés d’enseigner en révélant le rapport aux savoirs
de l’enseignant.
Une seconde phase de résultats, issue de l’étude de cas croisée de Giovanni et d’Alain
vient confirmer l’aspect dynamique de la référence enseignante. Les principaux résultats font
apparaître en premier lieu de forts contrastes entre chaque cas, quant à la singularité de leur
propre référence. Nos trois enseignants sont très différents en termes de fonction de la
référence du karaté à enseigner en EPS. Si l’on ne prend que par exemple le savoir réellement
enseigné, la fonction de la référence de Michel est proprioceptive, celle de Giovanni éthique
tandis que celle d’Alain est stratégique. De la même manière, au niveau du savoir évalué, la
fonction de la référence de chaque enseignant est différente : stratégique pour Michel,
technique pour Giovanni et sportive chez Alain. On se rend bien compte de ce fait de la
pluralité du karaté enseigné et évalué en EPS. Comme nous l’avons déjà montré, le karaté est
pluriel et cet aspect se retrouve dans son enseignement à l’école, car chaque enseignant est
singulier et va imprimer son histoire personnelle au traitement didactique opéré par lui. Dans
238
nos trois études de cas, des remaniements sont présents, même s’ils sont parfois plus sensibles
chez l’un ou chez l’autre. Par exemple, le cas Michel est représentatif de remaniements
effectués tout au long de l’enseignement, tandis que dans le cas d’Alain, ces remaniements
sont quasiment inexistants. On peut alors se demander quelle est la raison de cette différence ?
La réponse est à chercher chez les sujets eux-mêmes. Chez Alain, la fonction de sa référence
est stratégique car c’est un aspect majeur de son enseignement, dont le caractère devient
sportif du fait des choix dans les procédures d’évaluation. On peut supposer que les
remaniements de Michel sont le fait de sa conception de l’enseignement, l’adaptation
didactique, et de son expérience de pratiquant : le kyokushinkaï est en effet un style de karaté
que Michel débute au moment de l’expérimentation et qu’il utilise en EPS pour la première
fois. Comme chez Michel, les remaniements de la référence sont visibles chez Giovanni et
Alain. En effet, nous avons montré que les aspects fonctionnels de la référence évoluent avec
les trois temps de la clinique : la référence mobilisée par Giovanni a une structure à
dominante expérientielle, mais il ne reviendra pas sur cet aspect dans l’après-coup, au cours
duquel l’enseignant active une structure à dominante personnelle. De la même façon, pour
Alain, la référence mobilisée a une structure à dominante culturelle et lorsqu’il la re-convoque
dans l’après-coup, la dominante de la référence change, devient expérientielle car l’enseignant
le justifie ainsi. Notre thèse montre ainsi la singularité de chaque cas, dans le sens où
l’évolution des aspects structurels et fonctionnels de la référence est propre à chaque
enseignant et liée à son histoire intime.
En troisième lieu, nous avons montré qu’à chaque aspect structurel de la référence
correspond un aspect fonctionnel particulier. Ainsi, dans l’enseignement du karaté en EPS, la
référence enseignante va orienter l’enseignement de l’activité. La référence culturelle d’Alain
oriente celui-ci vers un enseignement sportif du karaté en EPS. La référence de Giovanni à sa
propre expérience l’oriente vers un enseignement traditionnel et enfin la référence de Michel,
scolaire, provoque la création d’un nouveau type de savoir à enseigner du karaté en EPS,
proprioceptif. L’étude didactique clinique menée montre l’articulation entre les aspects
fonctionnels et structurels de la référence enseignante. Cette référence, reconstruite à partir
des entretiens d’après-coup, dynamique car en perpétuelle évolution au cours du processus
d’enseignement, plurielle car diverse d’un enseignant à l’autre, nous a permis de mettre en
évidence de manière encore plus précise le rôle joué par l’expérience et l’expertise dans la
mise en œuvre de l’enseignement du karaté en EPS. Comme nous avons pu le mettre en
évidence, nous confirmons ce que Loizon écrit à propos de l’enseignement du judo : les
239
enseignants étudiés « inscrivent leur enseignement dans leur histoire personnelle, celle de leur
apprentissage » du karaté (Loizon, 2004).
Enfin, il va être maintenant possible de donner une autre définition de la référence, au
regard des conclusions qui émanent de nos quatre études de cas. Dans cette optique, nous
avancerons que la référence enseignante se définit comme une influence dominante, une
partie de l’histoire du sujet, un événement, une personne, une expérience ou une pratique qui
est activé par le professeur au cours de l’épreuve d’enseignement et qui va guider les savoirs à
enseigner aux élèves. Cette référence est dynamique, dans le sens où elle évolue, est
constamment remaniée par l’enseignant aux différents stades de la chaîne transpositive.
Nous définirons alors la référence comme le rapport personnel de l’enseignant à
l’activité.
Dans notre étude, pour remonter jusqu’à la référence de l’enseignant à partir de ce
qu’il enseigne, la prise en compte du sujet et de son histoire personnelle deviennent des
éléments incontournables. Pourtant, compte tenu de nombre restreint de cas étudiés, nous ne
tenterons pas une généralisation comme nous l’invite Chartier : « on ne peut pas tirer d’un cas
particulier des conclusions générales. En revanche, j’ai délimité à l’occasion de ce travail un
nouvel objet d’étude, une méthodologie pour l’étudier et quelques perspectives de formation »
(Chartier, 1998). Ce sont ces perspectives que nous développerons alors dans le prochain
chapitre de notre conclusion.
2. Discussion sur les limites et les prolongements de
notre recherche : les remaniements du chercheur
Pour notre étude, nous avons utilisé un outil conceptuel particulier : la référence, que
nous avons associée aux deux savoirs les plus enseignés en karaté : le savoir technique et le
savoir stratégique. Le rapport entre ces deux savoirs, et les relations qu’ils entretiennent avec
la référence de l’enseignant étaient au centre de notre questionnement initial. La pré-étude de
cas, effectuée avec Nicolas, nous a permis de comprendre que la relation référence/savoir
enseigné est bien plus complexe qu’on ne le pense a priori. En effet, l’étude de cas Nicolas a
montré que le savoir enseigné peut être en rupture par rapport au savoir à enseigner. Dans ce
240
cas, l’enseignant n’enseigne pas en EPS le karaté auquel il se réfère dans sa pratique. Ceci a
été expliqué par le fait que Nicolas, enseignant débutant, a peut-être comme référence
première ce que l’institution attend de lui. Il se réfère ainsi à une certaine conformité scolaire
car même s’il voudrait enseigner le combat, c’est ce qui lui semble impossible à faire…et
même à dire. L’étude de cas Michel a quant à elle fait émerger les remaniements de la
référence au cours des trois temps de la clinique, même si l’on peut parler de continuité entre
le savoir enseigné et la référence enseignante. Les deux études de cas suivantes, et surtout le
cas Giovanni a montré le décalage entre la référence mobilisée dans l’épreuve (expérientielle)
et celle re-convoquée dans l’après-coup (personnelle). A la recherche des causes de cet écart,
nous avons procédé à d’autres entretiens d’après-coup avec les deux enseignants qui nous ont
permis de comprendre ce qui pouvait justifier les remaniements constatés. La question de la
référence commence alors à se déplacer par l’utilisation du pluriel, des références, ou des
remaniements de la référence à partir de son expérience personnelle. C’est en effet à partir de
l’entretien d’après-coup de Giovanni que notre objet de recherche est venu à la rencontre du
sujet enseignant et que notre thèse a trouvé son issue, sa conclusion et sa portée. En effet, la
didactique clinique prenait enfin tout son sens dans l’après-coup de Giovanni, qui parlait du
sujet enseignant avec toute sa singularité et surtout toutes ses souffrances, en nous livrant les
sources enfouies des raisons de ses décisions didactiques, ce qui nous a permis de comprendre
la composante privée des remaniements de la référence enseignante. En effet, avant l’entretien
d’après-coup de Giovanni, les conclusions de notre thèse portaient essentiellement sur les
remaniements de la référence dont les facteurs explicatifs étaient liés à son expérience
d’enseignant et son expertise de pratiquant. L’entretien de Giovanni n’avait pas été conçu
pour obtenir les effets qu’il a induits. C’est l’enseignant lui-même qui l’a orienté ainsi, nous
livrant plus que son expérience et son expertise, sa capacité d’analyse de sa propre pratique. Il
a donné les clés d’explicitation des raisons que nous ne pensions qu’effleurer, sur lesquelles
nous ne pouvions qu’émettre des conjectures. Il a livré les raisons intimes de ses choix
didactiques en faisant référence à son histoire personnelle, ses souffrances, son enfance. Face
aux savoirs à enseigner, les enseignants effectuent des choix intimement liés à leur histoire
personnelle. Giovanni n’en est d’ailleurs pas la seule preuve, même si c’est celle qui est la
plus évidente. Pour Alain, c’est sa rencontre avec un formateur lors de sa formation initiale à
l’Université, en judo qui l’a amené à réfléchir sur le savoir qu’il souhaitait enseigner en
karaté. De plus, grâce à l’après-coup de Giovanni, nous avons su quoi chercher pour le second
après-coup d’Alain : les fameuses raisons enfouies, celles qui sont plus personnelles et
intimes au sujet, et qui touchent peut-être moins au professionnel enseignant. Michel, quant à
241
lui, est marqué par une culture du contact, du corps à corps, de l’efficacité qu’il a trouvé dans
le style de karaté qu’il pratique, ce qui oriente spécifiquement ses décisions didactiques
(travail des appuis, des sensations d’impacts).
Au-delà de ce qui sépare les enseignants que nous avons étudiés, trois grands points
communs les rapprochent. Le premier concerne la dimension éthique de l’activité qui
s’exprime à travers la pratique du salut traditionnel au début et à la fin du cours, salut au
professeur et entre les élèves en signe de respect et de remerciement. Le deuxième point
commun concerne la dimension sécuritaire. Même si les trois enseignants l’envisagent de
manière différente, celle-ci est première et prégnante dans leur enseignement. En guise de
rappel, Michel utilise des protections et le contrôle des touches dans les combats, Giovanni lui
ne fera pratiquer que des assauts sur un pas où l’incertitude est minime (l’arme, la cible, la
distance et le rythme sont déterminés par avance) et Alain utilise des épingles avec foulards
en guise de cibles par exemple pour rentrer dans l’activité par le combat. Le troisième et
dernier point commun tient aux fins envisagées : le combat. Pour les trois enseignants en
effet, le karaté se définit par le combat et ils ont tous les trois cette intention de l’enseigner en
parvenant à la fin du cycle à une forme de combat, quitte à ce que ce ne soit qu’une
introduction. En effet, les trois enseignants amènent leurs élèves au combat par un travail
particulier : Michel par un travail sur les sensations proprioceptives, Giovanni par un
apprentissage de l’assaut en développant l’aspect défensif et Alain par le combat aménagé. On
se rend bien compte que notre objet de recherche, centré sur la détection de la référence en
partant du savoir enseigné s’est, d’une certaine manière, déplacé vers le sujet et son histoire
personnelle de karateka qui expliqueraient l’activation de telle ou telle référence. La recherche
en didactique clinique prend donc là toute sa dimension et toute sa signification. Pour autant,
à tant se rapprocher du sujet, à l’écoute de son discours qui parfois revêt des dimensions qui
dépassent le domaine restreint de l’enseignement, se rapproche du personnel, de l’intime,
voire de l’inconscient, nous serions tentés d’apprendre à utiliser des concepts issus de la
psychologie, voire de la psychanalyse pour aller plus loin dans l’investigation des motifs et
des rapports singuliers qu’entretiennent les professeurs avec leur propre pratique du karaté.
C’est pourtant une option que nous ne souhaitons pas retenir car elle remet en cause la
spécificité de notre démarche en didactique clinique. En effet, nous ne sommes ni
psychologues (même si notre formation d’enseignant d’EPS nous a quelque peu formé dans
ce domaine) ni psychanalystes. Nous utilisons l’outil clinique dans le domaine didactique car
nous en sommes un professionnel. Notre connaissance du fait didactique, de l’activité, et des
242
différents modes de fonctionnement des enseignants nous permet une analyse particulière qui
n’est pas celle du psychologue ni du psychanalyste. Et cette spécificité est renforcée quand on
prend en considération le fait que nous ne faisons pas cette étude à des fins thérapeutiques,
pour soigner un mal enseignant, mais pour analyser son mode de fonctionnement didactique
et d’accéder aux raisons de ses choix. De plus, les conclusions que nous tirons ne servent sans
doute pas l’enseignant que nous avons étudié, mais uniquement notre objet de recherche, afin
d’en tirer des conclusions qui serviront à l’avancée de la recherche en sciences de l’éducation,
mais aussi à la formation des enseignants. En somme, le fait d’avoir utilisé une démarche
clinique dans notre travail de recherche nous a permis d’explorer de plus près le monde du
didactique, dans un souci de compréhension et d’explication des phénomènes. Comme le
souligne Bru « il faudrait aussi s’intéresser à la connaissance des processus psychologiques à
l’œuvre chez l’enseignant car sans cela, sous certaines formes, l’obstacle réductionniste
demeure » (Bru, 1991). Le cas Giovanni montre en effet qu’on ne peut pas faire abstraction de
l’histoire du sujet, mais nous avons pour notre part choisi un autre mode d’analyse pour
accéder à ce que nous cherchons dans l’étude de cas que l’étude psychologique au sens stricto
sensu. La didactique clinique représente en ce sens un autre filtre d’analyse, une alternative
d’accès au fait didactique. Dans ce sens, nous préférerons parler « d’épistémologie des
professeurs » définie par Brousseau : « la notion d’épistémologie des professeurs fait l’objet
d’études qui s’intéressent aux cognitions de l’enseignant, ses croyances, ses convictions, ses
théories personnelles professées ou agies » (Brousseau, 1997).
Pour notre travail, nous avons aussi mis en œuvre différentes méthodologies qui sont
notamment les questionnaires et les entretiens. Les résultats que nous en avons tirés
proviennent essentiellement d’une étude qualitative, bien qu’il y ait du quantitatif dans l’étude
des questionnaires. A aucun moment nous n’avons procédé à une étude quantitative en
effectuant par exemple des statistiques d’items relevés dans les entretiens afin de pouvoir
quantifier l’aspect technique ou stratégique des savoirs enseignés. Ceci constitue une limite à
notre étude. Nous aimerions dire à ce stade du bilan que cela pourra toujours se faire dans les
prolongements de notre recherche, que nous n’envisageons pas encore tous. Mais il est vrai
que nous ne l’avons pas fait pour une raison toute particulière : celle de marquer l’aspect
clinique de notre démarche. En effet, nous estimons que notre choix méthodologique en
didactique clinique doit faire le choix du qualitatif en tout premier lieu. Si l’on considère la
singularité du sujet, l’étude quantitative ne peut qu’apporter quelques réponses aux questions
que le chercheur se pose, elle ne permet pas de d’accéder aux raisons. Comme nous le disions,
243
une étude quantitative des savoirs enseignés par les trois professeurs pourrait alors constituer
un premier axe de prolongement à notre recherche, ne serait-ce que pour voir si nos résultats
issus de l’analyse qualitative coïncident avec ceux que nous trouverions par une analyse
quantitative. De plus, afin de proposer une généralisation plus importante de nos résultats, il
faudrait poursuivre la mise en évidence des références enseignantes auprès d’un nombre plus
important de professeurs d’EPS. Cela ne pourra alors se faire qu’en allant les trouver dans
d’autres académies que celle de Toulouse.
Un autre axe de prolongement de notre recherche pourrait aussi explorer la dernière
étape de la chaîne transpositive : le savoir appris par l’élève. Paradoxalement, c’est par là que
nous avons commencé nos premiers pas dans la recherche, en DEA, par « l’analyse de l’écart
entre savoir transmis et savoir appris : le cas de l’enseignement du karaté en EPS » (Heuser,
2001). Il faut croire que cela devient un principe pour nous de prendre les problèmes à
l’envers, de partir du bout de la chaîne pour en remonter chaque maillon…Quoi qu’il en soit,
nous avons encore là des pistes que nous pouvons maintenant explorer dans la mesure où nous
avons suffisamment de données pour étudier par exemple le rapport entre le savoir réellement
appris et le savoir qui est enseigné, en fonction de la référence activée par le professeur.
Enfin, le dernier prolongement que nous envisageons serait d’accéder au « savoir
caché », que nous ne trouverons qu’en allant observer et interroger les plus grands Maîtres
japonais encore vivants de karaté. Il y a en effet autour de leur savoir un aspect mystique, des
savoirs qui ne s’enseignent pas au plus grand nombre, mais à quelques privilégiés, des élèves
fidèles à leur Maître et qui reçoivent leur enseignement depuis longtemps et ont atteint une
certaine compétence grâce à leur enseignement. De quel ordre sont ces savoirs ? D’où par
exemple ces vieux Maîtres tirent-ils leur force d’impact, leur ancrage au sol, leur énergie dans
l’action du combat ? Comment parviennent-ils à leur âge surtout à être aussi vifs, rapides, à
avoir réussi à bloquer une attaque avant même qu’elle ait atteint son but, voire presque dès
son déclenchement ? Ces techniques là s’enseignent-elles par ailleurs ou se développent-elles
avec la pratique et le travail ? Pourquoi faut-il être initié pour les recevoir ? Accepteront-ils
d’ailleurs de les livrer ? Tant que nous n’avons pas essayé d’accéder à ceux qui ont peut-être
ces réponses, nous ne pouvons que poser ces questions, qui méritent pourtant une recherche
approfondie en didactique clinique car ces Maîtres japonais, avant d’être des experts sont des
professeurs expérimentés. Les études de cas que nous pourrions envisager permettraient non
244
pas d’expliquer ces savoirs d’un point de vue scientifique mais de les aborder, de les
approcher du point de vue du sujet : karateka expert, professeur expérimenté.
3. Perspectives pour l’enseignement du karaté et la
formation des enseignants
Afin de problématiser ce chapitre, nous partirons de la question posée par Altet : « que
poursuit-on à travers ces nouveaux savoirs produits par la recherche si ce n’est un changement
des pratiques ? » (Altet, 1994). Par changement des pratiques, nous entendons changement
des pratiques de formation des professeurs de karaté en club d’abord, car ce sont eux qui
seront le plus concernés d’un point de vue quantitatif. En effet, la formation des enseignants
d’EPS en karaté est minime, sporadique, du fait du déficit de représentation de l’activité dans
les programmes d’EPS, notamment. Par contre, certaines perspectives peuvent alimenter le
débat de l’enseignement des activités de combat en général. Quoi qu’il en soit, c’est avant tout
par la formation des enseignants que l’on parviendra à changer l’enseignement du karaté.
D’ailleurs, il va falloir répondre à la question de savoir pourquoi il faut le changer ? En EPS,
il faut construire cet enseignement et les enseignants que nous avons étudiés nous ont déjà
donné des exemples pratiques d’enseignement du karaté en EPS avec un cycle construit par
rapport à un niveau de classe particulier. La richesse des trois cas présentés vient de leur
diversité dans le traitement didactique. Cette diversité peut alors être un point de départ à une
réflexion sur la formation des professeurs de karaté dans le milieu fédéral. L’évolution de la
formation de ces enseignants est en effet primordiale pour que l’enseignement du karaté lui-
même évolue. La méthode traditionnelle, si elle peut être appliquée sans problème avec les
adultes trouve en effet ses limites avec le public enfant. Or ce sont les enfants pratiquants
d’aujourd’hui qui seront les futurs professeurs de demain. L’une des conclusions de notre
thèse étant que l’on enseigne ce que l’on a soi-même vécu, il nous apparaît de ce fait
important de faire vivre autre chose que la méthode traditionnelle aux jeunes pratiquants de
karaté, puisque l’on pense comme Alain d’ailleurs qu’elle n’est pas forcément la méthode la
plus adaptée pour les enfants. Nous avons donné un exemple de traitement didactique de
l’activité, reflet de notre expérience d’enseignant d’EPS et de karaté en club, que l’on
retrouve partiellement dans la première partie de la thèse au chapitre « perspective éducative
245
du karaté » et intégralement en annexe 37. Les trois enseignants étudiés nous donnent trois
autres exemples. En définitive, notre thèse produit quatre conceptions de l’activité à enseigner
en EPS, qui peuvent être reprises et appliquées en club avec les plus jeunes publics
notamment. Cette recherche contribue ainsi dans une certaine mesure au renouvellement de la
réflexion sur l’enseignement des activités de combat à des fins de formation initiale des
enseignants d’EPS et comme nous venons de le montrer à partir du cadre fonctionnel et
structurel des références que nous avons construit (invoquées, mobilisées et re-convoquées).
Nous pensons que celui-ci constitue un outil d’analyse pertinent dans le domaine de la
formation comme dans celui de la recherche en didactique dans la mesure où le fait d’avoir
mis en évidence plusieurs références enseignantes ainsi que leur aspect dynamique et évolutif
nous invite à prendre en compte de manière plus sensible encore l’histoire des sujets.
L’originalité de notre démarche ascendante se révèle à ce niveau, car en partant de ce que
qu’enseigne le sujet, nous pouvons grâce aux différents entretiens remonter la piste de ses
références et comprendre les déterminants personnels et intimes qui influencent l’action
didactique.
Du savoir à enseigner et à évaluer au savoir réellement enseigné et réellement évalué,
les écarts constatés, en termes de remaniements, témoignent d’une complexité que seules les
contraintes externes au système enseignant ne peuvent expliquer ou permettre de comprendre.
C’est cette complexité qui est approchée quand on parvient à avoir accès aux références de
l’enseignant et l’on entre alors dans un domaine d’investigation plus intime prenant en compte
la singularité des sujets dans leurs rapports aux savoirs et dans des questionnements sur leurs
interrelations. C’est « ce parti pris, cette volonté de redonner aux sujets enseignant une place
centrale dans la relation didactique » (Carnus, 2004) qui caractérise la dimension clinique que
nous avons souhaité donner à notre travail.
4. Bilan final : l’après-coup du chercheur
J’ai commencé le karaté en 1985, il y a donc 24 ans cette année. Pourquoi ? Je me suis
souvent posé cette question. Et je ne me suis jamais menti. Je ne pense pas que l’on vienne à
pratiquer le karaté par hasard, comme le football ou le tennis. Cela en fait aussi un facteur de
particularité par rapport aux autres pratiques physiques. Alain a pratiqué le karaté parce qu’il
craignait les coups des autres, Giovanni pour s’affirmer à la fois dans le contexte familial
246
comme différent et hors de celui-ci pour se défendre de l’exclusion qu’il vivait du fait même
de cette différence. Giovanni a aussi parlé d’un père absent, pas au sens physique du terme,
mais absent pour lui, du point de vue de la communication et de la reconnaissance. De ce
point de vue, je me rapprocherai de Giovanni, sauf que dans mon cas, mon père était
physiquement absent depuis l’âge de onze ans. Il est décédé en 1980. A partir de cette date,
j’ai dû grandir plus vite que les autres. Ma mère était Conseillère Principale d’Education, son
travail et moi sommes devenus ses raisons de vivre, mais en même temps, elle, avait
beaucoup de difficultés à faire face à la disparition de mon père. Dépressive, elle enchaînait
les hauts et les bas, les périodes de travail intense et les arrêts de travail, les périodes à la
maison à mes côtés et les séjours à l’hôpital, et dans les moments les plus durs pour elle, je
devais faire face pour deux. Je la soutenais et la protégeais du mieux que je pouvais. Pendant
cette période, je n’avais pas encore le karaté dans ma vie puisque j’ai commencé à l’age de 17
ans. Par contre, je pense que ma venue au karaté a été aussi comme pour Alain un moyen de
me rassurer. Je n’ai jamais eu grande confiance en moi, même si par ailleurs je réussissais
nombre de choses que je faisais. Ma mère, de ce point de vue, était exemplaire : elle m’a
toujours elle fait confiance, rendu autonome (parfois pas de son plein gré…), m’encourageant
et me disant que j’allais réussir, et à persévérer quand j’échouais le cas échéant. Le karaté
était pour moi un moyen de me protéger, mais aussi je pense de la protéger, comme je l’avais
fait, naturellement, dirais-je, jusque là. De plus, à cette époque, j’envisageais une carrière dans
la police, je me suis donc dit que cette formation en combat me serait fort utile pour mon
métier dans un avenir proche. C’était aussi alors un moyen de me projeter dans cet avenir, on
en a besoin à cet age d’incertitude et d’apprentissage de la vie.
Au-delà des raisons qui m’ont poussées à pratiquer le karaté, je pense aussi qu’il faut
se demander dans le même temps ce qui m’a fait y rester. Après y avoir longuement réfléchi,
je me suis aperçu que depuis la mort de mon père, j’avais toujours eu dans mes connaissances
une personne qui se substituait symboliquement à lui. Ces hommes étaient souvent des
sportifs, car le sport a toujours été mon loisir préféré, de tous temps. Quand j’ai commencé le
karaté donc, avec Jean-Luc, je pense qu’il a exercé cette place symbolique du père, il était
mon Maître de karaté, il me l’apprenait et je m’entraînais au moins trois fois par semaine, il
m’en inculquait les valeurs, les règles comme l’aurait fait un père à son fils. Il est certain aussi
que cet homme m’a rassuré car j’ai pu facilement m’identifier à lui, dans la mesure où je me
retrouvais en lui. Cette place symbolique du Maître a été développée par Giovanni et je crois
sincèrement qu’il a raison sur son importance. D’ailleurs, le code du Bushido met en exergue
247
le principe de fidélité à son Maître notamment, et tout karatéka sincère y est particulièrement
attaché. Je suis pour ma part toujours en contact avec Jean-Luc, mon senseî, maintenant 7ème
dan shito ryu et nous nous retrouvons au moins une fois par an car je l’invite à Toulouse, pour
assurer l’animation d’un stage que j’organise par le biais du club de karaté dont j’ai en charge
la direction technique.
Si j’ai par ailleurs choisi cet objet de recherche et pas un autre, ce n’est pas neutre. Son
itinéraire suit le mien. Après mon travail de DEA centré sur le savoir appris par l’élève, j’ai
souhaité me recentrer sur l’enseignant. Ceci n’est pas anodin. Etant enseignant d’EPS moi-
même, professeur de karaté, formateur à l’Ecole des Cadres de la Ligue Midi-Pyrénées de
karaté, ma recherche me permettait de prendre la distance nécessaire pour analyser les
questions que je voulais poser aux enseignants et que je me posais déjà moi-même. On peut
en effet se poser certaines questions, y trouver des réponses et tout l’enjeu scientifique est
alors de chercher si d’autres sont arrivés aux mêmes réponses, ou ce qu’ils apportent de
différent dans leur démarche. L’une des questions principales que je me posais en
commençant ma thèse était celle de l’enseignement du karaté. Comment l’enseigner en
club d’abord ? Est-on contraint de passer par la méthode traditionnelle ? Puis-je comme je le
fais prendre des distances par rapport à elle et est-ce bénéfique au pratiquant ? Qu’enseigner
du karaté en EPS ? Plus tard, quand j’ai été sollicité par l’IUFM de Toulouse pour participer à
une formation sur les sports de combat dans le cadre de la formation continue des enseignants
d’EPS, j’ai été amené à me demander quels contenus apporter à ces enseignants ? Dois-je
traiter l’activité sur le thème des boxes, de la percussion en général ou bien puis-je proposer à
ces collègues une option karaté spécifique ? Bien entendu, j’avais déjà des réponses à
certaines de ces questions. Pour l’enseignement du karaté par exemple, le fait de devoir
effectuer un travail de traitement didactique pour l’enseigner en EPS m’a fait réfléchir sur
l’enseignement de l’activité en club. En fait, ce n’est pas un traitement que j’ai effectué mais
plusieurs, car il est évident qu’en fonction de la classe à laquelle je m’adressais (le niveau, le
profil) je ne pouvais pas proposer un menu équivalent. J’ai donc construit plusieurs trames de
cycles, une centrée sur l’apprentissage d’un kata de base, l’autre centré sur les assauts
conventionnels (cf. articles Revue EPS N° 300 et 316), un dernier centré sur le combat avec
protections. Au début de ma thèse, jusqu’à ce que je commence à aller observer des
professeurs d’EPS enseigner le karaté, je pensais d’une certaine manière que mon travail
pouvait lui faire référence, dans la mesure où il n’y a aucun autre exemple connu de travail de
traitement didactique complet du karaté en EPS. Je dois avouer que ma thèse était aussi pour
248
moi l’occasion d’une option militante, en faveur de mon option d’enseignement du karaté,
formalisée en EPS. La rencontre avec mes enseignants collaborateurs, les discussions que
nous avons eu, les limites qu’ils ont parfois soulevé et bien sur le simple fait de voir se faire
autre chose que ce que moi je pouvais proposer, avec des résultats satisfaisants en terme
d’apprentissage et de découverte de l’activité par les élèves m’a beaucoup aidé à prendre de la
distance par rapport à mon travail et mes conceptions de l’enseignement de cette activité. Ce
que je peux retenir de cette expérience à ce stade de mon travail, c’est qu’en tout état de cause
la clinique est une option qui répond à des questions de nature privée. Ces questions
personnelles deviennent scientifiques de par la rigueur de la méthodologie employée et les
résultats obtenus.
Au terme de ce travail, je suis amené à me demander quel enseignant collaborateur a
la référence la plus proche de la mienne. La question est complexe car elle va bien au-delà du
lien du chercheur à ses objets, ce que nous avons détaillé jusqu’à maintenant. Elle envisage le
lien du chercheur à ses cas étudiés. En effet, je suis leur paradoxe : chercheur et toujours
enseignant d’EPS. Les difficultés qu’ils rencontrent dans leur classe, je les connais, les vis
aussi quotidiennement. Les questions qu’ils se posent, je me les pose aussi. Ces questions ont
été d’ailleurs posées par d’autres enseignants chercheurs, comme G. Carlier : « comment, tout
en tenant compte des besoins fondamentaux des élèves, éveiller des motivations à apprendre
pour des contenus vraiment spécifiques à l'éducation physique scolaire ? Comment, dans les
groupes-classes hétérogènes, choisir, organiser et animer les activités pour que chaque élève
soit reconnu « bon » quelque part et ait envie de continuer à pratiquer après et en dehors des
cours d'éducation physique ? Comment aborder l'inévitable confrontation des générations et
des attentes, les questions d'indiscipline, les évitements, les refus ? Comment accéder à une
gestion positive de la classe, en assurant des contrats et des ententes, afin de pouvoir vivre une
relation éducative enrichissante tant pour les élèves que pour l'enseignant lui-même ?
Comment, en construisant sa pédagogie, construire son métier d'enseignement ? » (Carlier,
1998). Les auteurs apportent leur réponse, personnelle. J’ai la mienne, et les enseignants
collaborateurs ont la leur. Nous pouvons les mettre en commun et les partager, mais le
chercheur n’apporte pas des réponses toutes faites à des problèmes toujours singuliers.
Michel est sans doute l’enseignant dont la référence du karaté en EPS se rapproche le
plus de la mienne. Son option de travail sur les sensations est un travail que je n’avais pas
envisagé et qui m’intéresse beaucoup. Elle est en effet inédite et j’ai beaucoup de respect pour
249
ce travail qu’il a fait avec ses élèves de lycée professionnel car je pense effectivement que
c’était un traitement particulièrement adapté au profil des élèves. Je me sens aussi très proche
de la référence d’Alain, mais dans sa démarche. Par rapport à la mienne, il a osé faire le grand
écart entre son enseignement et la méthode traditionnelle, ce que je ne fais pas car je n’aime
pas réduire le karaté au combat libre. C’est alors dans cette optique que ma référence rejoint
celle de Giovanni aussi. Giovanni ne fait pas que pratiquer le karaté, il le vit quotidiennement.
Le karaté fait partie de sa vie dans le sens où il guide ses choix. Je pense que pour Giovanni
comme pour moi, le karaté est une sorte de religion. Au lieu d’aller à l’église nous allons au
dojo, au lieu de lire la Bible nous nous référons au code du Bushido et au lieu de prier un
Dieu, nous avons un Maître qui guide notre vie de karateka, notre vie tout court, tant elles
sont liées. Nous sommes là au cœur du rapport au savoir de l’enseignant. J’ai en effet toujours
considéré que le karaté avait guidé mes choix. Même les périodes de la vie où je ne pouvais
pas m’entraîner régulièrement, j’avais atteint un niveau suffisant pour m’entraîner seul et je le
faisais. La période la plus sensible à ce niveau a été celle où j’étais enseignant d’EPS
débutant, en poste un an dans l’Eure-et-Loir, un an en Creuse et un an en Corrèze. Mon
épouse avait son emploi sur Toulouse ce qui m’obligeait stratégiquement à partir la semaine
de mon domicile toulousain afin de pouvoir capitaliser des points de rapprochement de
conjoint. Lorsque je suis revenu sur Toulouse au bout de trois ans, j’avais presque l’intention
de commencer un autre art martial, attiré par le kendo, d’autant qu’il n’y avait pas de club de
style shito ryu sur la région. Mon épouse m’a conseillé, comme j’étais ceinture noire
« technique » de la terminer. J’ai suivi son conseil et me suis inscrit dans un club de karaté
non loin de mon domicile, de style Shotokan. Le professeur a accepté que je continue à garder
les spécificités de mon style, mes katas notamment, et m’a préparé aux dernières épreuves de
la ceinture noire. Je l’ai obtenue en 2000, ai passé dans la foulée mon diplôme d’Instructeur
Fédéral, et ai obtenu en 2001 mon équivalence au Brevet d’Etat premier degré. En poste fixe
au collège Emile Zola de Toulouse, j’ai eu l’idée de créer un club de karaté, et nous avons fait
une convention entre le collège et le club pour pouvoir utiliser le gymnase. C’est ainsi que j’ai
commencé à enseigner le karaté en club, à mes élèves du collège et aussi à mes collègues.
Parallèlement, j’ai commencé à construire des cycles d’enseignement et a intégrer le karaté au
projet pédagogique EPS. Comme je l’enseignais aussi à l’ Association Sportive du collège,
j’ai pu participer à son développement au niveau de l’Union Nationale du Sport Scolaire
(UNSS). J’obtenais parallèlement mon DEA en 2001 et m’inscrivait en thèse en 2002. En
2004, j’ai été sollicité pour intervenir dans un cycle de formation continue des enseignants
d’EPS. Cela m’a demandé beaucoup de travail pour donner des outils à des néophytes afin
250
qu’ils puissent refaire un cycle karaté en EPS sans vraiment l’avoir pratiquée. En tous cas,
c’est à l’occasion de ce stage que l’un des participants m’a informé d’un poste à profil combat
au département des APS de la faculté des Sciences Sociales de Toulouse, car l’échéance de
remise des dossiers de candidature était proche et le directeur du DAPS n’avait pas beaucoup
de candidats spécialistes pour reprendre la section sports de combat. J’ai constitué mon
dossier avant les vacances de Noël, fin janvier 2005 je recevais une lettre qui m’informait que
j’avais été retenu. Je suis rentré au DAPS en septembre 2005 et j’y suis depuis, y enseigne
principalement le karaté et la self défense aux étudiants de la faculté. Je continue bien sur à
pratiquer, au dojo ou en stage et prépare actuellement mon 4ème dan. Cet itinéraire que j’ai
tenté de brosser ici non pour raconter ma vie mais plus pour donner quelques clefs de
compréhension de la thèse à la fin de celle-ci, montre bien en tous cas que le karaté n’a jamais
quitté ma vie et que c’est même grâce à sa pratique continue que je suis là où je suis d’un
point de vue professionnel, et je pense aussi, personnel. Le chercheur que je suis n’échappe
donc pas aux conclusions que j’ai tirées de mon travail, il est lui aussi sujet, à savoir que l’on
trouve certes des traces de la référence de l’enseignant dans son enseignement mais que l’on
ne peut pas faire abstraction de son histoire, de sa singularité pour espérer en capter toutes les
dimensions. Les dernières lignes de ma thèse seront donc consacrées à ma référence. Quelle
est ma référence ? En karaté, ma référence c’est mon professeur, mon « senseî » Jean Luc
Clerget. Quand je pratique et que je me trouve confronté à une difficulté, je me demande
comment lui aurait fait, immédiatement. Je me retrouve en lui et je crois que je ne pouvais pas
trouver un enseignement plus proche de ce que j’attendais du karaté. Je l’enseigne donc un
peu comme lui me l’a enseigné. En tant que chercheur, ma référence est toute autre, bien
qu’elle soit liée à celle de karateka. Le karaté développe en effet ce goût pour la recherche
constante de progression et d’une certaine perfection. Cet attrait pour les études, la formation
et la recherche s’est pour ma part développée durant mon cycle universitaire en STAPS. J’ai
rencontré à Clermont- Ferrand des enseignants extraordinaires, qui m’ont donné envie de
poursuivre dans cette voie aussi. Je pense notamment à Michel Recopé, Nathalie Gal, et
surtout Jacques Fiard, Maître de conférences à l’IUFM Auvergne, dont chaque cours était un
véritable puits de savoirs dans lequel l’esprit ne pouvait que s’élever. J’en ressortais grandi à
chaque fois et si je pouvais avoir le moindre doute quant à ce que je voulais faire de mon
avenir professionnel, la rencontre de cet enseignant a suffi à renforcer ma vocation. D’une
certaine manière, je pouvais m’identifier à lui et je me disais que si je pouvais au moins
prendre autant de plaisir à enseigner que Jacques, ce serait un merveilleux métier, même si je
ne devenais pas aussi compétent que lui. C’est donc encore un homme que je citerai pour
251
définir ma référence de chercheur. Pourtant, je me souviendrai toute mon existence de ce jour,
en 1993, où je lui ai annoncé aux détours d’un couloir de l’UFRSTAPS de Clermont-Ferrand,
que je comptais m’inscrire en Maîtrise et passer le CAPEPS en même temps. Je m’attendais à
ce qu’il me félicite, m’encourage, trouvant cette initiative courageuse. Je m’attendais à ce
qu’il m’exprime sa fierté de me voir continuer dans cette voie de la recherche. Au lieu de cela,
il m’a littéralement réprimandé, me disant que c’était une erreur notoire de « courir deux
lièvres à la fois » et que je devais choisir cette année là entre la préparation au concours et
mes premiers pas dans la recherche. J’en suis resté coi, sidéré, abasourdi. J’ai réfléchi bien sur
à l’époque à ce qu’il m’avait dit mais je n’ai pu réfréner ma soif de savoir et j’ai procédé
comme je l’entendais. Bien entendu, l’avenir a montré que Mr Fiard avait raison puisque j’ai
échoué à ma première présentation au CAPEPS, n’étant même pas admissible et ai obtenu ma
maîtrise en octobre 1994 (puis le CAPEPS en 1996). Je regrette d’ailleurs de ne pas avoir
repensé plus tôt à cet épisode car j’ai tendance à ne pas tenir compte des leçons du passé. En
effet, je me suis retrouvé un peu dans la même situation ces dernières années où j’ai voulu
comme le dit Jacques Fiard courir deux lièvres à la fois, en menant de front mon travail de
thèse et la préparation à l’agrégation interne d’EPS. Au final, je suis bi-admissible mais n’ai
jamais réussi à être admis et ce travail de thèse m’as pris six ans. Je pense qu’effectivement,
me consacrer pleinement à l’un puis à l’autre de ces deux projets aurait été sans aucun doute
plus sage et plus productif. « Ils m'ont appris à penser ! » reconnaît Michel Serres (In Carlier,
Renard et Paquay, 2000) à propos de ses professeurs d'éducation physique, ce qui est
effectivement un paradoxe, une évidence pour nous enseignants d’EPS, mais aussi une belle
reconnaissance ! Quoiqu’il en soit, je pense avoir compris ce dont je suis en train de parler il y
a deux ans de cela, puisque je ne me suis plus inscrit à l’agrégation pour me consacrer
uniquement à la fin de ma thèse. Ce projet aboutit aujourd’hui, j’en suis heureux, d’autant que
je pense avoir fait en définitive le bon choix, en atteste cette thèse qui, je l’espère, ne sera pas
appréciée que de moi.
252
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270
271
GLOSSAIRE DES TERMES
JAPONAIS ET DES
ABREVIATIONS
272
1. Traduction des termes japonais en français
AGE : lever, remonter.
AIKIDO : art martial japonais créé par le Maître Ueshiba. Les techniques utilisées sont
essentiellement des clés de poignet qui obligent l’adversaire à abandonner. Il n’existe pas de
compétition en aïkido.
ATEMI : il s’agit des coups frappés, coups de poings et coups de pieds qui constituent la
base du karaté.
BARAÏ : balayer. Se dit des blocages qui utilisent de grandes amplitudes de mouvement.
BUSHIDO : code d’honneur très rigoureux auquel se sont soumis les samouraïs sous
l’influence bouddhiste à la fin du XVIIe siècle.
CHUDAN : cible niveau moyen (abdomen, plexus).
DACHI : position.
DAN : niveau, degré, grade pour une ceinture noire.
DOJO : nom donné à la salle d’entraînement pour les Arts Martiaux.
EMPI (ou Hiji) : coude.
GEDAN : niveau bas (jambes).
GERI : attaque de la jambe (coup de pied).
GYAKU : contraire, opposé.
273
HADJIME : signifie « commencez le combat ».
HAITO : tranchant intérieur de la main (côté pouce).
HARA : ventre. Centre de gravité et des énergies du corps que l’on projette dans le
déplacement en karaté notamment.
HIZA : genou
IPPON : Un, unique.
IPPON KUMITE : assaut conventionnel sur un pas, avec plus ou moins de variables
incertaines.
JODAN : cible niveau haut (visage).
JU JITSU : art martial qui a servi de base à l’élaboration du judo, du karaté et l’aïkido; il
regroupe un ensemble de techniques d’attaque et de défense plus ou moins codifiées.
JU KUMITE : combat souple.
JYU IPPON KUMITE : assaut libre sur un pas
JYU KUMITE : combat libre.
KARATE DO : voie de la main vide.
KANTSETSU GERI : coup de pied cassant, de haut en bas, pratiqué au niveau du genoux.
KATA : littéralement, kata signifie « moule », « forme » ou encore « canevas ». Le kata
désigne « dans les arts martiaux traditionnels une séquence de techniques dont le déroulement
reproduit un schéma de combat contre un ou plusieurs adversaires attaquant sous des angles
différents » (Habersetzer, 2000). Autrement dit, le kata est un combat imaginaire contre
274
plusieurs adversaires. Une autre conception du kata peut être avancée, car à un certain niveau,
le kata doit être vécu comme un combat et être le plus réaliste possible. On peut de ce fait
plutôt envisager le kata comme un combat réel, contre des adversaires qui sont eux
imaginaires…
KENDO : art martial japonais qui ressemble à l’escrime ; il est pratiqué en armure et le
combattant utilise un shinai (sabre en bambou).
KIHON IPPON KUMITE : assaut technique sur un pas sans variables incertaines
KIME : décisif. Se dit d’une technique réalisée avec force, puissance et détermination.
KUMITE : combat.
KYU : classe, grade avant le dan.
MAE GERI : coup de pied de face.
MAWASHI GERI : coup de pied circulaire.
NIHON IPPON KUMITE : assaut technique sur deux pas, sans variables incertaines.
OI TSUKI : coup de poing de base du karaté, se caractérisant par l’action des deux bras, un
bras qui frappe, un qui revient à la ceinture, avec rotation des deux poignets à la fin du
mouvement.
RANDORI : c’est un combat libre réalisé pendant le cours de judo; les deux adversaires n’ont
aucune consigne préalable et les points marqués ne comptent pas.
REI : salut.
RYU : méthode, école, style.
SAMBON KUMITE : assaut sur trois pas, avec variables plus ou moins incertaines.
275
SEMPAÏ : élève.
SEN-NO-SEN : principe d’attaque que l’on traduit par « l’attaque dans l’attaque »,
extrêmement difficile à réaliser car il faut lancer l’attaque au moment où l’adversaire va tenter
la sienne.
SENSEÎ : professeur, Maître.
SHUTO : tranchant extérieur de la main.
SOKUTO : tranchant du pied.
SOTO : extérieur.
TATAMIS : tapis en paille de riz sur lequel on s’entraîne et qui recouvre le sol du dojo.
UCHI : intérieur. Distingue aussi une technique d’attaque pour la différencier du blocage.
Exemple : haito uke, blocage avec le tranchant intérieur de la main et haito uchi, attaque du
tranchant intérieur de la main.
TORI : désigne celui des deux combattants qui a l’initiative de l’attaque, c’est l’attaquant.
UDE : avant-bras.
UKE : désigne celui des deux combattants qui subit l’action, c’est le défenseur.
URA : opposé, dos.
USHIRO : derrière.
YAME : signifie « fin du combat ». « Arrêtez ».
YOKO : côté
276
2. Abréviations
APSA : Activités Physiques Sportives et Artistiques.
CAPEPS : Certificat d’Aptitude au Professorat d’Éducation Physique et Sportive.
DiDiST : Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques.
EAS1 : Entretien Ante Séance 1
EASEV : Entretien Ante Séance d’Evaluation
EDiC : Equipe Didactique Clinique
EPS1 : Entretien Post Séance 1
EPSEV : Entretien Post Séance d’Evaluation
EAC : Entretien d’Après-coup
EPS : Education Physique et Sportive.
FFKDA : Fédération Française de Karaté et Disciplines Assimilées ; cette fédération
regroupe en plus du karaté, d’autres arts martiaux comme le Yosekan Budo ou le Nihon Taï
Jitsu.
FFKTAMA : ancien sigle de la FFKDA, quand le taekwondo était encore discipline
affinitaire : Fédération Française de Karaté, Taekwondo et Arts Martiaux Affinitaires.
IUFM : Institut Universitaire de Formation des Maîtres.
277
LEMME : Laboratoire d’Étude des Méthodes Modernes d’Enseignement, EA 3042,
Université Paul Sabatier de Toulouse.
MEN : Ministère de l’Education Nationale.
SAE : Savoir à enseigner
SAEV : Savoir à évaluer
SRE : Savoir réellement enseigné
SREV : Savoir réellement évalué
STAPS : cursus de formation à l’Université suivi par les étudiants en Sciences et Techniques
des Activités Physiques et Sportives.
SUAPS : Service Universitaire des Activités Physiques et Sportives, où les étudiants peuvent
s’inscrire pour pratiquer le sport de leur choix dans les limites de l’offre proposée par le
service.
UEREPS : Unité d’Enseignement et de Recherche en Éducation Physique et Sportive ; ancien
nom des écoles de formation universitaires pour les professeurs EPS, aujourd’hui remplacé
par « Faculté des Sciences et du Sport » ou UFR STAPS.
UFRSTAPS : Unité de Formation et de Recherche en Activités Physiques et Sportives.
278
279
INDEX DES TABLEAUX
ET SCHEMAS
280
DANS L’INTRODUCTION
Tableau 1 : les quatre phases de la méthodologie d’ingénierie didactique dans mon mémoire
de DEA. (Page 15).
Tableau 2 : tableau synthétique du savoir enseigné par l’enseignant collaborateur D.
(Page 18).
Tableau 3 : « l’éventail des réponses » d’après Terrisse (2000). (Page 19).
Tableau 4 : résultats individuels aux situations test. (Page 22).
Tableau 5 : niveaux d’opposition atteints par chaque élève à l’épreuve de combat libre.
(Page 24).
Tableau 6 : tableau récapitulatif des résultats d’Eve. (Page 26).
Tableau 7 : résultat de l’étude du cas Eve dans l’éventail des réponses. (Page 27).
Tableau 8 : tableau récapitulatif des résultats d’Ingrid. (Page 28).
Tableau 9 : résultat de l’étude de cas d’Ingrid dans l’éventail de réponses. (Page 29).
Tableau 10 : tableau de synthèse des rapports entre savoir enseigné et savoir appris.
(Page 30).
EN PREMIERE PARTIE
Schéma 1 : le triangle didactique d’après Astolfi et Develay (1989). (Page 49).
Schéma 2 : les savoirs de référence (Terrisse, 2001). (Page 69).
Schéma 3 : interactions des différents domaines de la pratique. (Page 90).
EN DEUXIEME PARTIE
Tableau 11 : compilation des réponses énoncées par les enseignants d’EPS non pratiquants
par thèmes, à la question 8 du questionnaire préliminaire. (Page 113).
Tableau 12 : tableau synoptique du déjà-là conceptuel des enseignants non pratiquants de
karaté. (Page 116).
Tableau 13 : compilation des réponses énoncées par les enseignants d’EPS non pratiquants
par thèmes, à la question 9 du questionnaire préliminaire. (Page 118).
281
Tableau 14 : tableau synoptique du déjà-là intentionnel des enseignants non pratiquants de
karaté. (Page 120).
Tableau 15 : extraits significatifs des réponses énoncées par les enseignants d’EPS
pratiquants de karaté par thèmes, à la question 8 du questionnaire préliminaire. (Page 122).
Tableau 16 : intégralité des réponses énoncées par les enseignants d’EPS pratiquants de
karaté par thèmes, à la question 9 du questionnaire préliminaire. (Page 124).
Tableau 17 : déjà-là expérientiel des quatre enseignants. (Page 129).
Tableau 18 : déjà-là conceptuel des quatre enseignants. (Page 131).
Tableau 19 : déjà-là intentionnel général des quatre enseignants. (Page 134).
Tableau 20 : déjà-là intentionnel spécifique des quatre enseignants. (Page 136).
Tableau 21 : synthèse du déjà-là des quatre enseignants. (Page 139).
Tableau 22 : planification de la première leçon de Nicolas. (Page 144).
Tableau 23 : les trois temps du recueil des données (Terrisse, Carnus, Sauvegrain, 2002).
(Page 152).
Tableau 24 : la différence entre les trois temps de l’enseignant et les temps de la
méthodologie du chercheur. (Page 153).
Tableau 25 : protocole chronologique du recueil des données. (Page 156).
Tableau 26 : les quatre phases du traitement des données. (Page 158).
Tableau 27 : méthodologie de présentation des résultats par le chercheur. (Page 158).
Tableau 28 : mode de codage dans les annexes des différents savoirs enseignés et évalués.
(Page 162).
EN TROISIEME PARTIE
Tableau 29 : les trois temps de la méthodologie en didactique clinique. (Page 166).
Tableau 30 : synthèse du déjà-là de Michel. (Page 172).
Tableau 31 : l’évolution des références dans l’étude de cas Michel. (Page 184).
Tableau 32 : statut de la référence aux trois temps de la didactique clinique. (Page 190).
Tableau 33 : évolution des aspects structurels dominants de la référence de Michel dans la
chaîne transpositive. (Page 190).
Tableau 34 : aspects structurels dominants de la référence de chaque enseignant. (Page 214).
Tableau 35 : évolution des aspects fonctionnels des références de chaque enseignant à chaque
stade la chaîne transpositive. (Page 215).
282
Tableau 36 : évolution des aspects structurels dominants de la référence des trois enseignants
aux trois temps de la didactique clinique. (Page 217).
Tableau 37 : comparaison des aspects structurels et fonctionnels dominants de la référence de
chaque enseignant. (Page 218).
Tableau 38 : synthèse de la référence de chaque enseignant aux trois temps de la didactique
clinique. (Page 219).
Tableau 39 : vignette clinique de la référence de chaque enseignant. (Page 221).
283
ANNEXES
284
ANNEXE 1
Dans le cadre de mes recherches au sein du LEMME (Laboratoire d’Etudes en Méthodes Modernes d’Enseignement) de l’Université Paul Sabatier Toulouse III, je réalise une étude préalable dont je me servirai pour ma thèse sur les représentations des enseignants d’EPS à propos de l’activité de combat karaté. Ce questionnaire est anonyme et je vous remercie par avance infiniment de l’attention que vous porterez à ma sollicitation. Si par ailleurs vous désirez de plus amples informations, n’hésitez pas à me contacter.
Contact : Frédéric HEUSER / [email protected] / 06.12.90.62.63 *Vous êtes : un homme � une femme � *Depuis combien d’années enseignez-vous ? 1. Etes-vous ou avez-vous été pratiquant de karaté do ? OUI � NON � 2. Si OUI, combien d’années de pratique et quel grade avez-vous atteint ? 3. Avez-vous déjà programmé un cycle karaté en EPS et si oui avec quel(s) niveau(x) de classe(s) ? 4. Si vous êtes ou avez été pratiquant, pouvez-vous expliquer pourquoi vous n’avez jamais enseigné le karaté en EPS ?
285
5. Si vous n’êtes pas pratiquant, pouvez-vous expliquer ce qui vous a motivé à enseigner le karaté et comment vous vous y êtes pris ? 6. Si vous enseignez le karaté en milieu scolaire, quelles sont vos références ? 7. Pouvez-vous décrire sommairement : - l’entrée dans l’activité (entrée par le travail des katas, par le combat, entrée technique ?) : - la situation de référence : - l’évaluation mise en place :
286
8. Pour vous, qu’est-ce que le karaté ? 9. Quels sont (ou seraient) selon vous les contenus à privilégier pour enseigner cette activité en milieu scolaire ? 10. Si vous enseignez déjà le karaté dans votre établissement ou si vous avez le projet de le faire, pouvez-vous me laisser des coordonnées où vous joindre ( mail, téléphone…) car je serai intéressé par un travail de collaboration avec vous (entretien, observation de séances par exemple).
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ANNEXE 2
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ANNEXE 3
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ANNEXE 4
Chercheur © : pour débuter cet entretien, j’aimerais te demander Nicolas quel est ton vécu en
karaté ?
Nicolas (N) : Je suis né en 1983, j’ai donc 22 ans et pour ne pas dire de bêtises, ma licence en
1996/97, cela fait neuf ans de pratique du karaté. J’ai eu mon premier dan en décembre 2001
et mon deuxième dan là dernièrement en juin 2005.
C : Je crois savoir que tu as fait un peu de compétition…
N : Oui, j’ai commencé à Paris 2 ou 3 ans après avoir commencé en 1997, en minimes.
Au niveau des titres, je suis vice champion départemental en kata 2005 et 2004. 3ème aux
France universitaire par équipe cette année en 2005. J’ai été deux fois 3ème en Coupe de
France sud, 2003 et 2004. 3ème en Coupe de France de karaté contact en 2004 et 5ème en Coupe
de France seniors 2005.
C : Tu as donc fait du karaté contact ?
N : Oui, ça ressemble à du full, avec protections, au K.O. Pour voir un peu l’efficacité en
combat. La plupart arrivent du full, de la boxe thaï ou de la savate.
C : Très bien, nous allons maintenant cibler un peu plus ton intervention à venir, et à ce
propos, ma première question vise à savoir quelles sont tes intentions pour cette première
séance ?
299
N : Mes objectifs seraient de leur présenter un peu ce qu’est l’activité karaté pour travailler
sur les représentations qu’ils ont ou leur donner une autre représentation que celle qu’ils ont.
Ensuite, ce serait leur permettre d’acquérir quelques techniques de bases du karaté, leur
apprendre le principal rituel du salut, puis également leur faire découvrir aussi bien le travail
seul qu’avec partenaire.
C : Dans ce que tu as prévu de faire dans ta séance, il va y avoir du kihon et du kihon ippon
kumite. Pourquoi as-tu choisi de commencer un cycle par ces formes là de travail ?
N : Pour moi, c’est, j’ai envie de dire, une entrée classique entre guillemets dans l’activité
karaté. Je leur présenterai rapidement le kihon pour les mettre de suite en action à deux.
C : Pourquoi as-tu choisi de rentrer dans l’activité comme cela ? A quoi renvoient ces deux
domaines de l’entraînement en karaté ?
N : Le kihon pour moi c’est le travail de base, la répétition des gammes techniques
indispensables avant je pense de passer au travail à deux. Le kihon ippon kumite c’est une
première étape avant de faire du combat.
C : Nicolas, je te remercie et nous allons maintenant pouvoir passer à la séance proprement
dite, et commencer par aller nous installer.
300
ANNEXE 5
Nicolas (N) : Donc on va faire cours de karaté. Aujourd’hui je vais vous apprendre pas mal de
petits trucs, les rituels, comment on salut, tout ça, en karaté, quelques techniques OK, on
travaillera kihon, à deux…
Pour l’instant on va faire le salut puis ensuite on va s’échauffer. Pour le salut on va s’aligner,
les filles mettez-vous au niveau des autres. Voilà ! Donc, le commandement, on va se mettre à
genoux, on dit seïsa. Dans un premier temps on salue donc le créateur du karaté.
Maître Funakochi c’est lui, d’accord ? Le commandement pour le saluer c’est shomen ni reï,
on pose une main puis l’autre et on descend. C’est moi qui le dis ça. Allez !
Shomen ni reï ! OK !
Ensuite on reste assis, regardez est-ce que je suis comme ça moi ? Asseyez vous correctement.
Ensuite on va saluer ensemble. Le professeur salue les élèves et les élèves saluent le
professeur : on dit senseï ni reï. On se salue tous ensemble. Ensuite vous allez vous saluer
entre élèves. On dira otagani reï. Allez-y ! Et là vous vous saluez tous ensemble, avant de
commencer le cours.
Après on se relève et on se salue à nouveau. OK ! On va démarrer l’échauffement, on trottine
autour du tapis. On y va doucement… Allez ! On monte les genoux…pas chassés… face au
mur. On re-trottine normal…on s’arrête, on marche dans toute la salle. On se met en arc de
cercle. La tête de haut en bas de droite à gauche. Les épaules…voilà…petites rotations…vers
l’arrière.
Allez ! Simplement pour voir si le précédent cycle a servi à quelque chose, on met deux bras
en haut. Alternez ! Dans l’autre sens…
301
Allez ! On fixe les pieds au sol, on va chercher à droite et à gauche…sans forcer.
Allez ! On va écarter légèrement les jambes, on fléchit le genou avant, le pied arrière, la
jambe est tendue, voilà…on descend.
Allez ! Dans l’autre sens. Même chose, on fléchit le genou avant et la jambe arrière tendue.
OK ! On passe ici plat du pied au sol et en arrière le bassin le plus près possible du sol. Ca fait
mal hein ? Allez ! On fait l’autre côté…on se relève.
Les pieds écartés un tout petit peu plus large que la largeur des hanches. Là ! J’ouvre les
genoux. Maintenant on écarte avec les coudes. On se relève, on écarte légèrement les jambes
et on passe sur un côté. On revient de l’autre côté. On revient. On va poser les mains au sol, si
on peut. Garde les jambes tendues. On passe sur la jambe droite, sur la jambe gauche. Allez !
On se relève. On passe extérieur intérieur sur chaque tranchant de pieds. Pointes de pieds
OK…
Ici les coudes…L’autre.
Allez ! Poignets !
Allez ! On se remet en ligne. Tenez…deux lignes. Voilà…Allez Allez ! Dépêchez vous !
Alors ? Bon, restez comme ça mais écartez-vous. On se remet dans la position qu’on a faite
tout à l’heure. Cette position avec la jambe avant fléchie et la jambe arrière tendue s’appelle
zen kutsu dachi. Mais par contre regardez…Pour mon zen kutsu dachi si je le fais avec un
pied et l’autre derrière sur la même ligne ça va être difficile de tenir donc j’écarte un petit peu,
je prends la largeur de mon bassin, j’écarte et je recule le pied. Mes deux pieds ne sont pas sur
la même ligne.
Ce qu’on va faire, on va apprendre un premier coup de poing. Ce premier coup de
poing s’appelle oï tsuki. C’est pareil ne le retenez pas. Tous face à moi en garde !
Mets-toi en garde, voilà ! On est tous jambe gauche devant et ensuite regardez on va avancer
et taper avec le bras…même jambe, voilà comme ça. La paume de la main vers le bas. Tout
le monde a compris. Je donne les commandements les filles ! Itch ! Après on reste en position.
C’est bien, le même coup de poing. Itch ! Allez, on se retourne, mettez vous dans l’autre sens.
Tous en position de garde là. On va avancer maintenant. Je vais vous donner un temps, je
vous dirai itch et vous allez faire un…et regardez moi ! Je tire là pourquoi ? Il est armé prêt à
repartir. Donc au commandement on va faire un…deux.
Itch ! C’est ça. Regarde Mathilde. On recommence. Ne reculez pas à chaque fois. On va faire
toute la longueur.
Itch ! Un…deux.
302
Et on se retourne. Je vous décompose bien le mouvement pour que vous le voyiez. C’est pas
mal, tout le monde a compris qu’il faut avancer la jambe et frapper avec le même poing mais
il y a encore des techniques qui sont comme ça, comme ça, comme ça… Je tends mon bras à
hauteur d’épaule et bien droit OK ? Et pensez…regardez, quand je ramène le poing est en bas
là. Est-ce que c’est clair pour tout le monde ?
Allez ! Position de garde pour tout le monde. Itch ! Un…deux. Itch ! Un…deux. OK ! Ca
marche ça c’est bien.
Maintenant ce qu’on va faire, je vais vous apprendre deux ou trois petits trucs.
Regardez là. Ici vous avez les différents niveaux. En karaté on peut attaquer à trois niveaux
différents. Niveau jodan, niveau de la tête, shudan c’est le corps et ensuite on peut attaquer en
bas, gedan OK ? Donc à ce moment là on va chercher en dessous de la ceinture. Donc on va
se mettre en position, on va faire des attaques maintenant jodan, OK ? On y va !
On se met en garde et on va attaquer maintenant niveau… ? Jodan donc visage. Itch ! Allez !
On est au visage. Itch ! Vise la tête, regarde. Si je me mets en face de toi…
En position ! Allez, on en enchaîne deux pour le dernier. Itch !
Maintenant on va attaquer un niveau qu’on n’a pas attaqué, c'est-à-dire ? En bas
voilà ! Gedan. On va avancer…en bas. Itch ! Itch ! Itch ! Regarde quand même devant. Itch !
Un…deux. Ca marche. On se retourne. Regardez Je vous montre une autre technique. Non,
pas de coup de pied aujourd’hui. Alors…peut-être on verra.
On va se mettre en position et on va enchaîner deux techniques à la fois. Regardez bien ! La
technique qu’on va faire elle s’appelle tentsui. Facile à retenir…parce que regardez bien la
technique elle fait d’accord un soleil. Pourquoi c’est facile parce que quand vous effacer un
tableau vous faites comment ? Comme ça on essuie le tableau. Regarde… On garde le poing
là, on se met en garde et ici un grand cercle avec le même bras que la jambe avant. On y va,
un grand cercle voilà ! Il est armé, prêt à repartir. Au commandement on va faire un…deux….
Et regardez, mon bras il vient derrière là…Ton bras il va rejoindre l’autre derrière, un grand
cercle ici…voilà !
On se met en position. On va essayer de faire tentsui et ensuite après le tentsui on avance oï
tsuki.
Allez ! Itch ! Un, deux ! Bras avant et l’autre, doucement…Pas dans ce sens. L’autre. Itch !
Oui, c’est bien, ça ! Itch ! Itch ! On fait demi tour. Allez, on y va ! Itch ! Oui, c’est ça, d’abord
un tentsui et deux oï tsuki…Itch ! Un…deux…Itch !
303
Regardez, ici c’est comme si c’était un coup de marteau, un grand coup sur la tête.
Itch ! Finit d’abord le premier et après oï tsuki. On fait demi tour, on se met en place.
Alors on va apprendre une nouvelle technique. Ici on va se mettre pour cette technique
dans la même position qu’on a fait tout à l’heure à l’échauffement, on écarte un peu les
jambes. C’est une position difficile qui s’appelle shiko dachi. C’est la position de quoi ? A
quoi ça ressemble ? Oui…en fait c’est la position du cavalier…du motard pourquoi pas !? On
ouvre les pieds vers l’extérieur et ici regardez on va faire des techniques cette fois-çi mains
ouvertes. Jusque là on a fait poings fermés, là on va faire mains ouvertes. Pour ouvrir là…
regardez les doigts sont serrés et les pouces rentrés pour pas se les accrocher d’accord ?
On se met en shiko dachi là et ici on vient là, un bras armé prêt à partir et un bras ici
d’accord niveau, quel niveau ? Gedan oui…Et là regardez on va faire deux à chaque fois.
Un…deux. C’est difficile pourquoi ? Parce qu’ au lieu d’avancer en marchant comme on le
fait d’habitude il va falloir être de profil, s’imaginer que la personne est en face là et pour aller
là-bas je vais pas faire ça hein ? Regardez ! Lucas ! Je regroupe au milieu et je passe de
l’autre côté. Donc j’ai toujours un bras au plexus et l’autre qui passe devant. Oui, c’est ça…
Allez on se met en position, on va essayer ça ! On revient. On démarre. On décompose bien à
chaque fois la position.
On y va, itch ! Dans l’autre sens Itch ! Vers le bas, vers le bas. Ca doit commencer à chauffer
les jambes si vous le faites bien. Itch ! Itch ! Itch ! Décontractez un peu. Décontractez bien.
On se remet en position ! Ici on va en enchaîner deux. On va faire un…deux. Allez ! Itch !
C’est ça ! Non, non, reste comme ça. Itch ! Un…deux pas trop vite là. Itch ! Un…deux on fait
demi tour. Le dernier retour…Je vais l’afficher cette technique qu’on est en train de faire, elle
s’appelle shuto baraï. Vous l’avez là. On se remet en place. Allez ! On y va… On en enchaîne
deux. Itch ! Un…Deux. Regardez ici ! Juste une précision, je vous vois pour la plupart vous
laissez glisser la main vers l’avant. C’est un…comme si on voulait enlever quelque chose.
Itch ! Itch ! On fait demi tour. Bon, on peut faire une pause, trente secondes hein ?
Allez les filles, on vous attend ! Vous pouvez vous asseoir deux secondes. Alors,
regardez ici. Une question qui a été posée tout à l’heure : pourquoi est-ce qu’on fait ça ? Les
techniques elles ont un sens, on les fait pour quelque chose, elles veulent dire quelque chose.
Qu’est-ce qu’elles peuvent dire ? Le tentsui et le oï tsuki c’est quoi ? Le tentsui c’est quoi ?
Très bonne réponse, c’est pour enlever le coup de poing !
304
Adrien est en position. Il va m’attaquer oï tsuki shudan. Shudan on se souvient c’est le corps.
Voilà parfait ! Regardez, il ne vient pas me toucher d’accord ? Très important, il s’arrête
avant, dix centimètres…Donc ici regardez il m’a attaqué, qu’est-ce que je vais faire ? La
technique là qu’on a vue tout à l’heure, tentsui. J’enlève son attaque…le coup de marteau…et
ensuite moi je vais avancer. Vas-y recule, je vais avancer oï tsuki d’accord…
On est par deux, il m’attaque, j’enlève son attaque et je rentre pour contrer. Est-ce que c’est
compris pour tout le monde ? Oh ? Oh ? C’est compris ? On y va on se met par deux, il y aura
un groupe de trois. On y va ! Action ! Action ! Vite, vite, vite ! On se met par deux il y en a
un qui attaque, l’autre qui défend.
Ici l’attaque voilà…
Tu vas bien chercher en haut. Tu retombes dessus, c’est ça. Oui, tu recules là, oui.
Allez ! Montre moi. Un…et deux. Voilà !
Avance. Quand tu attaques, avance d’un pas !
Vas-y. Vas-y sur moi. Blocage et moi je rentre.
Essayez de l’autre côté. On a travaillé à droite, essayez de l’autre. Il faut savoir le faire de
l’autre…
Stop ! Vous revenez là. Revenez là ! Lucas, viens voir. Sur la même chose, tentsui, vous allez
voir, ça peut servir à plein de choses. Tu me sers le poignet. Une main voilà. Pour me
dégager, une technique, juste ça. Un adversaire qui saisit le poignet. On refait la technique
tentsui et on attaque, d’accord ? Ca marche… On se met par deux et on refait ça rapidement ?
Saisie poignet, on se dégage.
Viens vers toi. Va pas chercher là. Reste devant. Allez !
Un…deux, OK !
Les filles derrière, c’est pas parce que je vous regarde pas….On y va là un…deux. C’est ça.
Adrien, Lucas…Je vous regarde. Avance, voilà !
OK ! Viens voir là. Ca commence à se disperser. C’est le dernier qu’on fait.
Vous vous asseyez ! On va le faire avec un coup de pied. Ce qu’il y a, c’est que le
coup de pied on ne l’a pas fait tout à l’heure donc là je le montre. Vous essayez de le
reproduire. C’est un coup de pied simple. Ca s’appelle mae geri. C’est un coup de pied qui
part devant. Effectivement c’est un coup de pied pour pousser. Comme ça. En boxe française
ça s’appelle Monsieur Lucas ? C’est un chassé ou quelque chose comme ça oui… Allez on y
va on va attaquer mae geri. On vise le ventre. Nicolas attaque mae geri, je défends quoi ?
Vise-moi, voilà ! Je vais défendre le shuto qu’on a vu tout à l’heure. Shuto baraï d’accord ?
305
L’attaque arrive en bas, je défends, je bloque, c’est un peu dur, je vous l’avais dit, vous verrez
à deux.
Vas-y pose le pied. J’ai défendu un…Le deuxième qu’est-ce que ça peut être ? Le premier on
l’a vu c’est un blocage. Le deuxième ça peut être donc une…une attaque oui. Au genou, aux
parties pour les garçons. Je bloque et je contre. Attaque ici, ici ou ici à la tête, c’est possible
aussi. On y va ? Rapidement, c’est le dernier exercice.
Vas-y fait moi le coup de pied. Un blocage, le deuxième j’avance et je te balaye. On y va ?
Balayage, tu peux essayer si tu as compris ce que je faisais.
Un…et deux. Voilà. Tu bloques et là…là.
Faut essayer de l’enchaîner maintenant.
Là-bas, on travaille ! Faut que quand j’arrive ce soit impec’ !
La main là, oui, c’est bien, c’est un début. Tu arrives de ce côté, soit le ventre, soit là, ce que
tu veux.
C’est mieux.
Non, mae geri c’est droit. Droit. Vas-y et là…là tu vois non. Là ou là.
Lucas, travaille. Michel, Travaille.
On attaque mae geri, vas-y…tout droit. Blocage, avance, c’est la même chose.
Quand vous le faites, répétez-vous ce qu’on a fait tout à l’heure. C’est la même chose.
Allez ! On en fait quelques uns et on arrête.
Un, et tu avances, deux. Il va te le refaire.
Allez ça va ! OK ! Stop ! Vous venez voir deux secondes, vite, vite !
Une question là avant de s’en aller. Qu’est-ce qu’il faut faire ? OK ! Le salut. En position, en
ligne. Debout, debout.
Donc seïsa. A genou. On salue en premier le fondateur du karaté. Shomen ni rei ! On salue.
Ensuite c’est ça, le professeur. Sensei ni rei ! Et vous vous saluez entre vous pour le travail
que vous avez fait. Otagani rei ! On se relève. Keritsu ! Et on se salue une dernière fois. Je
vous remercie.
306
ANNEXE 6
C : Nicolas, pour commencer, j’aimerais que tu fasses ton bilan, à l’issue de cette séance,
maintenant qu’elle est réalisée.
N : Au niveau de la transmission des consignes, je pense que cela a été plutôt clair, j’ai pris
pas mal de temps pour expliquer les mouvements. Concernant la réalisation de ce que je
demandais, ça a été un peu différent : j’ai essayé de ne pas trop leur demander des techniques
parfaites. Je voulais qu’ils comprennent une forme globale plus que de détails, c’est pour cela
que j’ai laissé de côté pas mal de trucs. Ensuite, au niveau de l’engagement des élèves, je l’ai
trouvé moyen au sens où j’ai senti de l’intérêt de leur part mais finalement peu de pratique.
C’est un peu la caricature de cette classe, ils ne s’intéressent pas toujours, là je les ai sentis
intéressés mais ils ont peu de répétitions si on n’est pas derrière eux pour leur demander.
Concernant mon attitude peut-être ne les ai-je pas assez laissé chercher seul. J’avais tendance
à intervenir dès que je voyais un truc. J’aurais dû prendre un peu plus de recul sur la séance.
J’ai réalisé la majorité des choses que j’avais prévues. Les trois kihon ont été fait. Pour ce qui
est du kihon ippon kumite, j’ai réalisé les deux premiers comme je l’avais programmé, mis à
part une chose : j’avais préparé dans mes consignes « annoncer la technique », que j’ai oublié
au début. Je m’en suis aperçu au cours de la leçon mais comme ils n’étaient pas engagés à
fond, il n’y avait pas énormément de risques. J’ai pas préféré leur demander.
Ensuite, il y a eu un changement au niveau de l’attaque. La troisième attaque, ça m’a fait
plaisir dans le sens où c’est eux qui ont sollicité un coup de pied. C’est un peu caractéristique
de ce que j’avais mis dans les représentations des élèves. Le karaté, t’as bien vu avec la petite
Mathilde, « c’est des coups de pieds volants quoi », c’est pas non plus ce que je leur ai donné
mais on est rentrés par une attaque mae geri à la place d’une attaque oï tsuki gedan.
307
C : Si on entre un peu dans le fond de ta séance, sur ta première situation, tu montres une
position qui est zen kutsu dachi et tu pars sur l’apprentissage de oï tsuki. Je voudrais te
demander pourquoi ce choix et ne pas isoler la technique de coup de poing oï tsuki en la
faisant travailler sur place par exemple ?
N : Moi, mon but c’était apprendre deux positions zen kutsu et le shiko que j’avais déjà un
peu intégré dans l’échauffement ainsi que les techniques de poings donc je voulais
effectivement qu’ils apprennent à se déplacer en zen kutsu même si ne n’ai pas été très
explicite sur la manière de se déplacer. Je voulais qu’ils soient déjà en déplacement et pas le
faire sur place. Je ne voulais pas que ce soit une séance trop rébarbative.
C : Trop statique aussi ?
N : Oui.
C : Ensuite dans la situation 5, il y une élève, celle justement qui fait des coups de pied sautés,
Mathilde je crois, qui te demande, alors qu’on était sur l’apprentissage de tentsui en kihon :
« Monsieur, ça sert à quoi ça ? » en montrant le geste du blocage qu’elle est en train de
travailler dans le vide, « c’est pour faire ça ? ».
Tu lui réponds : « oui, oui, c’est ça, mais on verra après à quoi ça sert ».
J’aimerais savoir, Nicolas, si la réflexion de Mathilde ne t’a pas interrogé ?
N : Interrogé non, au contraire. J’étais content qu’elle pose la question parce que finalement
c’est que le fil conducteur que j’ai prévu pour ma séance est cohérent. En faisant quelque
chose, elle se pose une question à laquelle il est prévu de répondre par la suite. Je lui ai dit
« après » parce qu’on n’avait pas fini tous les kihon qui allaient nous servir par la suite pour
les kihon ippon kumite, donc je ne voulais pas couper là.
C : D’accord, c’est une démarche qui se justifie. L’apprentissage dans le vide suscite une
question, l’élève te la pose, et tu dis donner la réponse après. Mais qui donnera la réponse ?
Le professeur ou l’élève ?
N : Je leur ai fait donner la réponse dans le sens où la question que Mathilde s’était posée
individuellement, je l’ai reposée collectivement et c’est à ce moment Lucas qui a répondu :
« c’est un blocage ».
Je reviens sur ce que tu m’as dit tout à l’heure et peut-être que quand Mathilde me pose la
question, ç’aurait été l’occasion de m’en servir pour dévier de ma planification…
308
C : Dévier vers quoi ?
N : A priori je serai arrivé directement sur comment faire le blocage et enchaîner sur d’autres.
C : Passons. Peux-tu essayer d’énoncer quelle est ta référence ? En d’autres termes à partir de
quelle référence, sportive, martiale, technique, historique, as-tu construit ton cycle ?
N : Je me situe plus sur une référence technique et martiale. J’ai essayé effectivement de
rester sur des rituels, des commandements un peu martiaux, en permettant des choses qui ne
sont pas permises dans un dojo : discuter, rigoler sans m’enfermer complètement dans ce que
l’on pourrait appeler une activité martiale. Ensuite, j’ai abordé d’un point de vue technique,
traditionnel, même si j’ai sauté les étapes statiques où l’on décompose chaque technique. En
faisant cela, je ne pense pas que je sorte du rail traditionnel d’enseignement du karaté. Je suis
donc resté assez traditionnel et je pense que cela peut convenir à cette classe même si une
entrée plus sportive m’intéresserait.
C : Qu’appelles-tu exactement une entrée plus sportive ?
N : Je serais directement su une entrée…euh…disons…par le…par le… disons le randori
souple.
C : Le randori ?
N : Le randori oui, le combat quoi !
C : Ah ! Le combat. Non, mais il ne faut pas avoir peur de le dire …
N : C’est toujours délicat de dire en judo, en boxe, karaté ou autre, voilà premier cours on va
attaquer du combat. C’est pour cela que j’ai dit randori souple.
C : Maintenant, j’aimerais te demander Nicolas, pourquoi ne l’as-tu pas faite, cette entrée par
le combat, puisque tu dis toi-même qu’elle t’aurait intéressée ?
N : Parce que j’ai réalisé qu’avec cette classe ce n’était pas ce qui allait être le mieux comme
ils sont assez perturbateurs pour certains. J’y entrerai avec des classes plus lycée…ou
troisièmes qui aiment bouger. Mais pourquoi je ne l’ai pas fait…parce que…je ne sais pas…
309
C : Si on oppose une référence technique traditionnelle à une référence sportive avec une
entrée par le combat, tu n’as donc pas pris cette référence, pourquoi ? Cette classe de
quatrième est trop scolaire pour cela ou pas assez selon toi ?
N : Parce qu’elle est trop dissipée pour contrôler le cours de A à Z. Mais le côté sportif est
préférable puisque qu’ils soient…Je le sais, je l’ai compris mais je ne le sentais pas avec cette
classe.
C : C’est donc plus par rapport à toi que par rapport à la classe que tu ne l’as pas fais ? Tu
rentres pour la première fois dans l’activité karaté en EPS …
N : C’est fou parce que moi mon domaine, c’est le côté sportif du karaté. C’est quelque chose
que je maîtrise cent fois plus que ce que j’ai fait aujourd’hui en cours.
C : Est-ce que la référence au combat qui semble te faire un peu peur aujourd’hui implique
forcement une entrée par le combat libre ?
N : Non, non. Cela peut être bien sur une entrée par le combat avec des consignes et des
critères bien particuliers : limitation technique, limitation…de ce qu’on veut. Et puis je ne
serais pas forcément rentré sur de l’opposition. Ça peut être des situations sur cibles pour
préparer au combat.
C : Dans le traitement didactique que tu as fourni, ta définition du karaté est selon toi je cite
« l’acquisition d’outils pour le combat ». Est-ce que tu as aujourd’hui donné aux élèves des
outils pour le combat ?
N : Bien sur. A partir du moment où je leur fais faire un tsuki sur place, c’est un outil pour le
combat. Là, on est pourtant à cent lieux du combat…Bon, je ne sais pas si c’est un passage
obligé parce que finalement c’est ce qu’on dit mais j’en suis pas sûr. Pas sur qu’avoir appris
gedan baraï bien comme il faut, dans le contexte combat ça sert finalement à rien et ça (en
montrant un petit blocage main ouverte) c’est pas mal aussi.
C : Reprenons s’il te plaît l’évaluation que tu as prévue. Je vois dans le projet de cycle que tu
prévois une partie sur le kata et une partie sur le bunkaï. Bien, à quoi exactement se rapporte
l’évaluation du kata et celle de l’application, du bunkaï ?
N : Le but en kata c’est de les mettre à plusieurs, par trois et de leur mettre une note collective
sur la synchronisation par exemple, pour citer un des critères. En collège là, je serais sur…la
maîtrise et le bunkaï…je ne sais pas si je serais sur de la performance, en fait…
310
C : Pourquoi ne serait-on pas sur de la performance ? Si le kata est notre référence technique,
on évalue la maîtrise de l’exécution de techniques, le bunkaï, qui se veut un assaut aménagé
avec un attaquant et un défenseur, c’est toujours crois-tu de la technique ?
N : Dans le travail à deux, je vais regarder autre chose, le respect de la distance, par exemple,
et on est donc bien sur des critères techniques.
C : Cela te gêne de considérer le bunkaï comme du combat ?
N : C’est une étape mais on y est pas quand même, pas encore. C’est trop défini comme
combat.
C : Puis-je alors te proposer un autre terme ? En bunkaï, ne serait-on pas sur de l’assaut
aménagé ?
N : Oui. Mais c’est vrai que dans ma tête c’est difficile de référer le bunkaï à de la
performance. Il faudrait que j’y réfléchisse…
C : Nicolas, avant de terminer, il me faut ton accord pour l'utilisation de ton prénom : m'
autorises-tu à l’utiliser dans ma thèse lorsque je parle de toi? En effet, je ne souhaite pas vous
mettre des pseudos ( Norbert pour toi, par exemple) ou des initiales, NJ, car je suis sur une
étude de cas, dont la singularité du sujet est centrale. De ce fait, ton prénom fait à mon avis
partie de ton histoire, qui parfois transparaît dans l'étude de cas.
A : sans problème pour l’utilisation de mon prénom.
C : Bien. Nous allons clore là cet entretien et je te remercie Nicolas de ta participation.
311
ANNEXE 7
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ANNEXE 8
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ANNEXE 9
C : J’aimerais Michel que tu donnes tout d’abord un aperçu de ton parcours en karaté ?
M : j’ai commencé assez tard quand j’avais 23 ans à peu près. Ensuite j’ai pratiqué très
régulièrement à Paris dans une salle qui était à côté de mon domicile. J’y ai pratiqué
quasiment quatre à cinq fois par semaine pendant cinq ans. Là, je suis arrivé très rapidement à
la ceinture marron. Ensuite, j’ai dû arrêté pour cause de responsabilités parentales, dirons-
nous, qui ne me permettaient plus de m’entraîner. J’ai repris trois ans plus tard et ai de
nouveau arrêté à la suite d’une blessure, pendant quatre ans. J’ai repris cette année en
changeant de style de karaté puisque je venais de l’école shotokan et je suis passé au
kyokushinkaï (kyok.). Je suis président du club et je m’entraîne deux fois par semaine.
C : Tu es donc passé par plusieurs styles de karaté ?
M : Tout à fait.
C : Lesquels exactement ?
M : Shotokan Ryu puis kyokushinkaï avec un intervalle en boxe française.
C : Tout cela fait combien d’années effectives de pratique ?
M : Cela doit faire du cinq à six ans de pratique effective.
C : quel est ton grade actuel ?
M : Je suis ceinture marron.
322
C : As-tu fait de la compétition ?
M : Alors…j’ai fait une compétition, une Coupe de France à Pierre de Coubertin où je n’étais
pas psychologiquement prêt pour supporter, on va dire, l’organisation d’une compétition de
karaté. Il faut en effet se préparer à ces longs temps d’attente, entre l’inscription, la pesée, le
début des combats qui peuvent arriver quatre heures après. Je n’étais pas préparé à cela, je ne
l’avais pas anticipé comme cela et donc en fait cela n’a pas été très concluant.
C : Par rapport au cycle que tu commences, quelles sont tes intentions ?
M : Alors, parles-tu de ma philosophie d’enseignant ou de ce que je vais développer pendant
le cycle ?
C : Précisément de ce que tu comptes développer pendant le cycle.
M : Bien. Ce que je veux développer, c’est d’abord une approche culturelle de l’activité mais
aussi de faire découvrir ce style d’une part, avec la terminologie, on en parlera plus tard
notamment de l’école de Francombat, qui est propre au kyok. On va commencer à aborder la
terminologie sur tsuki, sur geri après on verra un petit peu les blocages. Ca c’est l’aspect
culturel, on va s’en tenir là. Ensuite, il y a l’aspect je dirais technico-tactique où dans ce
domaine je n’ai pas d’intentions très élevées. Comme je le fais chaque fois que j’aborde un
sport de combat, travailler sur l’enchaînement pieds-poings, c’est la première transformation
que je souhaite voir chez les élèves : passer d’un travail de poings unique à un enchaînement
pieds-poings. Autrement dit, pas de techniques de frappes uniques, je rentre, je donne un
coup, je ressors mais rester dans la distance de l’adversaire pour pouvoir enchaîner deux ou
trois techniques. Il faut que les élèves comprennent qu’à chaque distance se rapporte un coup,
une technique.
Dans un troisième temps, il y aura la volonté de rentrer dans l’aspect technique. On va se
limiter à deux ou trois coups de poings et deux coups au niveau des jambes. Au niveau des
cibles on va se limiter aux jambes et jusqu’aux épaules. C’est donc ce que je vise au niveau
des aspects technico-tactiques.
Ensuite, on va aborder un combat, je dirais de façon à gérer ses émotions, apprendre à gérer
ses émotions en combat pour pouvoir s’engager lucidement dans l’activité. Cela va être un des
gros points sur lesquels il va falloir travailler. La confiance, le relationnel, on va commencer
par là aujourd’hui…
323
Enfin, j’aimerais qu’ils arrivent à s’investir à fond dans tout ce qui est arbitrage, qu’ils soient
capables de contrôler un combat entre deux camarades, de gérer l’agressivité, l’espace et
pourquoi pas de comptabiliser et de donner un jugement.
C : Bien, je te remercie Michel.
324
ANNEXE 10
M : On va préciser ce qu’est maintenant la forme de karaté kyokushinkaï, kyok, que l’on va
pratiquer. C’est une forme de combat qui est différente de celle que vous avez l’habitude de
voir et notamment du karaté sportif que vous pouvez voir à la télévision, où dans les combats
les zones de frappe se situent entre la ceinture et la tête avec interdiction de mettre son
adversaire K.O. Au kyok, la différence, qui n’est pas des moindres, c’est que les zones de
frappe vont des pieds à la tête, les combats vont jusqu’au K.O., je rappelle en compétition
d’accord ? En plus, il y a la possibilité d’aller au sol, au sol pourquoi faire ? pour terminer
sur un étranglement ou une clé de bras. Si au bout de trente secondes au sol, le combat ne se
concrétise pas et bien on se remet debout. Voilà donc ce que sont les règles principales du
kyok, au niveau sportif. Ce qui est intéressant pour nous, ce n’est pas de se mettre K.O.
Comprenez bien, que ce soit mon rôle aussi bien que votre intérêt à vous, c’est que tout le
monde pratique en toute sécurité. Il est hors de question qu’à chaque cours, il y en ait un qui
revienne avec un nez de clown, une jambe complètement…première chose.
Ce qui est bien dans cette activité, c’est le zones de frappe de la tête aux pieds. Ca c’est
intéressant. Première chose.
Deuxième chose : c’est la notion de distance. La distance par rapport à son adversaire. Au
kyok on va toujours pouvoir trouver une solution, contrairement au karaté shotokan, au
karaté sportif, à la Boxe Française où pour que la touche soit comptabilisée il faut être à
distance. Ici, on va pouvoir comptabiliser des points sur des frappes qui touchent au tibia.
Nous pratiquerons des touches essentiellement, pas des frappes. Nos zones cibles seront
épaules, pas de coups au visage. C’est un sport qui se travaille à mains nues, mais quand on
325
fera des combats, nous utiliserons quand même des gants de boxe, pour des raisons de
sécurité.
Donc, cette première séance, et les deux trois qui suivent, on va faire essentiellement un
travail technique pour que vous soyez capables d’acquérir une posture de garde et des coups
techniques. Basique, vous verrez tout à l’heure. Plus on va avancer, plus on va travailler des
enchaînements de combat, avec toujours un arbitrage. Vous serez par poules, par niveaux. Par
exemple, Arnaud avec ceux qui sont bien dedans. Ceux qui sont un peu plus en retrait vont
travailler ensemble aussi.
La philosophie, en ce qui me concerne, ce n’est pas vous l’avez compris que vous vous
mettiez sur la tête. Ca n’a aucun intérêt. On va aborder cette activité dans le même esprit et il
n’y a pas de raison compte tenu de votre disponibilité que l’on arrive pas au même résultat
qu’en rugby, au précédent cycle.
Qui dit art martial dit respect. Quand on est à deux en petite opposition, on commence et on
finit par un salut. Ca on va le respecter.
On abordera d’où vient le kyok. Qui l’a créé, c’est assez compliqué. Cela descend directement
du Shotokan. Mais le Shotokan, on va faire vite, c’est une uniformisation de maître
Funakoshi, qui l’a créé. En fait Funakoshi a formé ses élèves, qui sont à leur tour devenus
maîtres et chacun en fonction de ses aspirations a créé son école. C’est donc très compliqué
parce que les gens voulaient que leur nom reste, pour la postérité. C’est pour cela qu’on
trouve des différences, entre les écoles, les positions sont différentes. Entre le Shotokan et le
kyok, il y a un monde d’écart.
Bien, c’est compris ? Il n’y a plus de questions ? On va se changer et on se retrouve vite dans
le gymnase pour commencer.
(Michel commence sa séance en extérieur par des courses diverses, mobilisation du train
inférieur avec des changements de rythmes progressifs, des exercices de coordination et
échauffement des membres supérieurs. Il rentre dans le gymnase quand celui-ci se libère et
poursuit par un échauffement articulaire et musculaire plus spécifique. C’est à ce moment que
nous reprenons l’enregistrement).
D : OK. Les coudes et on change. Les épaules ici vous vous rappelez ? Changez ! Ici, rotation
d’épaules. Flexion ici… Rotation.
326
On termine par les cervicales. La main ici. Rotation. Les muscles du cou sont importants
parce qu’ils vont limiter les grands mouvements de la tête et donc du cerveau. Une bonne
musculation du cou permet de protéger le cerveau.
Allez ! Alors…On va se regrouper par là. Tout le monde sur la ligne bleue face à moi.
Non, debout, debout. Première phase on se met en position, on va croiser les bras devant.
Voilà. Ensuite la position c’est le seïsa. Seïsa on se met à genou. Jambe gauche et jambe
droite. On se pose sur ses talons.
Deuxième commandement c’est le mokuso. Mokuso : on ferme les yeux et on pense à sa
respiration. Mokuso ! On respire par le ventre.
Mokuso yame !
Troisième, le salut. Quand on est dans un dojo il y a la photo du Maître, le shomen.
Normalement, c’est shomen ni reï. Ici il n’y en a pas donc c’est senseî ni reï. On s’incline.
Dernière chose : keritsu. On se lève.
Un problème ? Bien, on va commencer ; Vous allez vous mettre sur deux lignes. Donc un sur
deux. Voilà, Romain. Rémi, tu avances. Ceux qui sont derrière, vous vous alignez sur celui
qui est devant.
Première position, on avance la jambe gauche, les pieds sont légèrement vers
l’intérieur et les genoux légèrement fléchis. Je veux que vous preniez des repères au niveau de
votre plante de pied ; Vous n’êtes ni en avant ni sur les talons. Vous êtes plantés, solides,
abdos fessiers contractés. Main gauche devant vous visez le centre. Vous imaginez qu’il y a
quelqu’un devant vous. Le poing gauche est devant, le poing droit est armé au niveau des
côtes. Le coup de poing c’est un…vous tirez sur les ficelles comme ça. Bras semi tendu. Ne
laissez pas partir le bras sinon vous allez vous faire mal au coude. Donc, c’est semi tendu. On
essaie de sentir cette assise, on est solides. Solides au sol.
Pensez à ce qu’on a dit pour les jambes, on est solides. Je vois que tout le monde a à peu près
compris. On va le faire un peu plus vite. Pensez à la respiration.
Faites face-à-face. On se met en place. Vous allez vous occuper de viser le plexus. Je
ne veux plus de bras qui partent sur le côté. On arme le bras droit. Allez !
Maintenant on recommence ; demi-tour. Bien. Venez là !
Même position de départ. Bien, il se met en garde. Moi, je me mets ici et je vais faire
partir…Vous partez d’ici, vous armez. Concentration, première chose, sur les appuis. Les
327
sensations, ses appuis, sont importants, abdos fessiers contactés. C’est de l’énergie, on la
restitue. Là, on verrouille et c’est lourd. On en fait dix. Que le bras gauche pour les gauchers
et le droit pour les droitiers. Et soyez précis. Pas un coup là, un coup là…
Allez ! Passez par deux, mettez vous avec qui vous voulez, ça n’a pas d’importance.
Inévitablement, il faut se mettre à distance donc il faut se rapprocher ou s’éloigner. Prêts ? On
se concentre sur les appuis. Allez !
Mains ouvertes quand on revient, mains ouvertes.
On change, en place !
Venez ici ! Allez !
On ne peut pas arriver à ce concentrer, surtout sur ce que je vous demande, si on a des
oooh ! des aaaah !...Faites moins de bruits ; Concentrez vous ! Regardez là, c’est lui qui
reçoit le coup. C’est donc pas à lui d’avancer, s’il reçoit le coup. Ca, c’est ma distance.
Chacun trouve sa distance ; Hugo n’a pas la même distance que moi. Quand je demande cette
position, si c’est pas une chaîne, des pieds jusque là, ça ne marche pas ! Vous allez passer par
deux dans tout le gymnase ; Grégory, c’est lui qui va attaquer, moi je me déplace. Vous vous
déplacez sur des appuis qui sont près du sol, première chose.
Deuxième chose vous allez commencer pour celui qui se déplace à avoir une garde haute.
Bien. Je me déplace. Dès que je m’arrête c’est le signal : Grégory doit venir porter son coup
comme on l’a fait tout à l’heure. Bien, je me déplace, si je recule, il faut qu’il avance. Si
j’avance, il doit reculer…Là, est-ce qu’il est à distance ? Il est trop loin. Je veux qu’il reste
son poing, ça je veux pas. Je me déplace. Vous avez vu ? Trop loin.
Pensez avant de frapper à cet ancrage au sol. Vous avez compris ? Pendant une minute c’est
le même qui attaque. Deux par deux ; prenez de la place dans tout le gymnase, c’est parti.
Changez de rôle. Le déplacement c’est près du sol. C’est un travail technique, sur les
sensations, alors doucement ! Là, je veux de la qualité, alors stable sur les appuis, équilibré
avant de frapper.
Maté ! On salue son partenaire et on vient se remettre au centre.
Bon, vous vous souvenez de ce qu’on a travaillé au rugby ? Qu’est-ce qu’on a dit sur
la ceinture abdominale ? C’est vrai dans tous les sports. Que vous fassiez du basket, de la
gym, si vous êtes mou de la ceinture abdominale, déjà l’effort ne se transmet pas et surtout
vous êtes toujours en retard. Si quand vous êtes là le corps n’est pas prêt, le temps que vous
repartiez ici, c’est fini. Vous avez pris du retard, d’accord ?
328
Bien. Hugo, tu viens ? On va voir les coups de pieds. Le premier, c’est pas compliqué,
mawashi geri. Mawashi, c’est circulaire. C’est un coup de pied que l’on peut donner au
niveau des jambes, ici au niveau du foie ou encore qui se porte à la tête. La clé elle est ici
dans le pied d’appui. Si ça bouge pas au niveau du pied, vous allez vous faire mal, et ce ne
sera pas efficace. C’est pareil pour là- haut, c’est le principe de la rotation comme au rugby,
si je veux faire une passe à gauche sans rotation du bassin c’est pas possible. Si vous essayez
de faire un coup de pied circulaire bassin bloqué, ça passe pas !
Deuxième chose, le genou. Le genou, on arme. Si vous voulez viser le niveau le plus haut, on
monte le genou au plus haut. Et je veux que vous retrouviez votre assise, c’est la même.
Ca existe aussi, même principe jambe avant. Quand je suis en garde, la jambe arrière c’est
la droite. Ca c’est un code de combat. C’est un code. En boxe le code est le même mais
généralement pour un droitier, il est fort du bras droit donc il va attaquer au départ
bras gauche pour terminer avec son bras fort, donc le droit, d’accord ?
Allez ! Maintenant on va se relever. Dans le vide, la position de départ est la même, je veux
que vous me retrouviez votre assise ici. Je lève, je tourne, je remets derrière. Pensez à
l’équilibre, là…je ramène. Est-ce qu’il y a des questions ? Assise et rotation, première chose,
en place, face à moi en quinconce, position de garde !
On sent les appuis forts au sol. La cible est où Arnaud ? Alors si Jérôme est ta cible, tu n’es
pas de profil, tu es de face. Prêts ? On lève le genou, on pivote, on ramène. Ne cherchez pas à
viser haut. Hauteur du bassin, c’est suffisant.
Bien. Chut ! Alors maintenant on se met face à face et on va viser la cuisse ; la cuisse avant
de son partenaire. Ceux qui sont face à moi c’est vous qui donnez le coup. Elle est où la
cuisse, Julien ? Contrôle ! Lève bien le genou ! Changez de rôle !
Il ne faut pas laisser retomber la jambe…on touche !
Bien ! Alors, vous avez à peu près tous bien compris la rotation. On va maintenant travailler
en enchaînements simples. La jambe arrière touche, un elle se pose sur le côté, deux voilà,
jambe avant. La consigne importante c’est la pose du pied après le premier coup de pied. Ici,
je me décale, je m’ouvre le côté. Ensuite, c’est se concentrer sur la cible. Et la cible, elle n’est
pas là. C’est pas là, c’est là ! Cherchez simplement un, là, deux…là ! Un travail de cible c’est
tout. Ne cherchez pas à travailler en puissance. Si vous cherchez à travailler fort, vous vous
crispez. Un, vous ne serez pas précis et deux vous allez prendre le coude au niveau du genou.
Vous allez comprendre très rapidement que même avec les chaussures, ça fait mal…Donc je
rappelle : en premier je décale, deux je vise et je me replace. Rôle de celui qui prend le coup :
si jamais il voit ma garde baissée, une tape, bam ! Vous alertez…Est-ce que vous avez
329
compris ? Viser, décaler, viser. Ne pensez qu’à ça, la cible. Pensez cible, qualité, pas
puissance. Deux par deux, allez ! dix chacun à son rythme, mais je vais vous regarder. Pensez
à la garde ; Allez, allez !
Soit bien dans l’axe…non.
C’est bon ? On se repartit dans le gymnase, par deux. Allez !
Mon partenaire se déplace, il me fait déplacer, tourner, et il se fixe. Même consigne que tout à
l’heure, pas de précipitation, un, deux, je pense cible. Deux fois une minute ! Hadji me !
Fais le bouger allez !
Maté !
Hadji me ! Les appuis, les appuis !
La cible, un …deux…Allez ! Mobile !
Maté ! On salue ; Bien ! On se regroupe, on s’assoit.
Je vais vous demander deux choses. Bien, le groupe de ce côté vous allez rechercher
quelque chose sur un coup de pied circulaire au niveau des cuisses. Le groupe qui est ici vous
allez chercher un blocage sur un coup de pied à hauteur du visage OK ? Chut ! Vous allez
vous débrouiller avec ça. Par contre, sur ce que vous venez de faire, il y en a, vraiment, on le
sent qui recherchent la cible. C’est quand même aussi à l’autre qui se fait toucher de sentir si
ça touche ; au niveau de la hanche, c’est de l’os, au niveau du ventre c’est du muscle. Ca se
sont des sensations proprioceptives. Chaque fois que vous rentrez sur un adversaire, c’est pas
pour vous dire, ça y est, t’as vu ? J’ai touché. L’épaule qu’est-ce que c’est ? La cible, elle est
importante. En vous focalisant sur la cible et bien vous ne vous focalisez pas sur le résultat et
ça c’est important, c’est intéressant. Je touche ma cible donc je suis performant. Bien. Alors
regardez ! Vous allez vous mettre par deux ou trois.
Moi, je vais trouver des solutions pour éviter ce coup qui vient à la cuisse, ce mawashi ; pour
ce groupe.
L’autre groupe, le coup de pied haut, au corps ou au visage. Il faut trouver des moyens de
l’éviter. Ne pas être touché. Allez ! Trois minutes.
C’est pas loin, pas loin, y’a de ça !
Regroupez vous ! On s’assoit. Chut, il reste cinq minutes. Qui pense alors avoir trouvé
quelque chose d’intéressant là ?
Il se sert de la force centrifuge, oui, première chose et puis deuxième il se retrouve derrière
moi. Ca, ça peut marcher.
330
On peut voir autre chose, où vous n’avez pas besoin d’utiliser les bras. C’est vrai qu’on le
prend mais j’accompagne donc j’absorbe et je peux repartir. Ca, c’est intéressant. Ce qu’à fait
Hugo est aussi très intéressant. Je me retrouve de dos, il peut saisir, amener au sol…très
intéressant, mais il faut avoir un peu l’habitude. Il faut être sur de soi.
Nous on va choisir l’autre, on a dit, là, regardez le genou je rentre, je place et j’ai ma garde.
Ici je passe derrière. Vous avez autre chose ? Aujourd’hui, on les voit, on pourra pas les tester.
Bien, OK ! C’est bien. Est-ce que vous pensez que c’est intéressant ?
Oui, si le coup est fort, c’est dangereux. Regardez, si lui est fort, os…os, ça risque de casser.
La même chose mais regardez la différence. Une main ici, une main là, je l’amène là,
j’amortie, j’absorbe son énergie. Je ne vais surtout pas contre parce que si je vais contre,
aïe ! Cette notion d’absorption elle va être primordiale.
Pour mawashi, vous avez uchi uke, contre, contre, on a vu les limites. Vous avez soto
uke, je le fais passer à l’intérieur, c’est plus intéressant parce que je rentre ici…ici. Mais
on va se contenter de travailler sur l’absorption. Bien, chut !
On se met en ligne, on va saluer. Pendant le mokuso, on repense à ce qu’on a fait, les
appuis…rotation.
Seïsa ! Pourquoi gauche, droite ? Ca vient des samouraï, ils doivent pouvoir dégainer leur
arme n’importe quand. Le sabre est à gauche, ils dégainent avec la main droite. Ici donc on
décale d’abord pied gauche d’accord ? Ca c’est l’origine.
On se refait la séance, sur ses sensations, ses appuis.
Mokuso yame !
Senseï ni reï !
Keritsu ! Ouss !
La semaine prochaine à l’échauffement on reverra tout cela. Toujours les appuis. Bonne fin de
journée !
331
ANNEXE 11
C : Michel, peux-tu tout d’abord me faire un bilan de séance ?
M : Le bilan je vais le situer à deux niveaux. Un premier niveau sur je dirais l’ambiance de
travail où on a nettement vu entre le début et la fin du cours une différence au niveau de
l’écoute, au niveau de la centration sur les consignes, que nous n’avions pas au départ. Entre
l’excitation du combat, le simulacre du salut…Le salut a été très silencieux à la fin,
contrairement au début, la centration sur le mokuso. Donc là, on la réutilisera, je suis content
de l’évolution. Cependant, je trouve que c’est encore trop bruyant donc il va falloir qu’on
régule ce travail au niveau du bruit. On remarque quand même que le bagage, le vécu, le déjà-
là, on arrive rapidement sur les coups simples comme les coups de pieds, circulaires, les
coups de poings. On arrive à avoir à peu près quelque chose qui ressemble sur la forme à des
coups d’activité de combat. C’est quelque chose qu’on va pouvoir affiner et je vais me centrer
sur un travail de sensations, de cibles, donc un travail qui est essentiellement qualitatif, de
retour sur soi. Pour centrer les élèves non pas sur : je vais prendre des coups, je vais perdre
etc. mais je vais me concentrer sur la tâche. Réellement donc de ce point de vue là ils sont
assez réceptifs, même si cela a été difficile au départ.
On a commencé à introduire aujourd’hui les notions d’appuis, d’ancrage au sol, de retour sur
ses sensations, travail sur la main ouverte pour ressentir les choses donc je pense que cela va
porter ses fruits. Ca j’en suis sur. Surtout avec cette classe.
D’un point de vue des contenus, je n’ai pas fait tout ce qui était prévu. Notamment on
devait faire à la fin du combat, des assauts à incertitude limitée, j’ai pas pu le faire. Par
contre, on a pu suivre le déroulement, le travail en kihon, le travail à deux, la situation de
référence avec des solutions hâtives certes, mais des solutions qui ont émergées avec une
332
participation active des élèves. Donc, pour moi, c’est le sous objectif qui va être important à
maîtriser dans les prochaines séances.
C : Je reprends tes réponses à l’enquête préliminaire que j’avais fait passer. Je demandais à un
moment de décrire l’entrée dans l’activité. Tu me réponds « si classe difficile entrée par le
kumite et le bunkaï ; si classe scolaire entrée traditionnelle par le kihon, kata, combat. Ma
question est la suivante : dans quelle catégorie se situe cette classe et as-tu respecté ce que tu
as annoncé là ?
M : C’est une classe qui est scolaire mais trop bruyante. Qui malgré le bruit est capable de
restituer l’information ce qui est assez paradoxal mais ils ont quand même un bon potentiel.
Dans le cycle précédent, on a eu un résultat très positif. C’est une classe qui est fatigante dans
l’ensemble tout de même.
Quant à l’approche que j’évoquais, c’était en référence au karaté shotokan or là je suis rentré
différemment. Je suis rentré par la technique pour travailler justement sur la sensation, sur
l’assise, pour dédramatiser un peu le combat, pour les recentrer sur les sensations. Ce qui a
été complètement différent mais c’est lié un petit peu, je dirais, à l’école de karaté qu’on
pratique là. Je ne désespère pas et là c’est un problème de compétence pour moi, je ne connais
pas les katas traditionnels du kyok. Je ne les connais pas et là je fais une digression qui peut
t’intéresser ou pas, c’est qu’on est sensé au niveau du BEP de faire trois activités de familles
différentes. Or, nous traditionnellement, ici vu les installations on fait souvent deux familles à
connotation fortement collective et une à performance chronométrée. Or là on va se retrouver
coincés donc je pense que je vais faire rentrer progressivement le kyok par l’intermédiaire des
katas collectifs dans la catégorie « mener une chorégraphie collective ». C’est pour cela qu’il
faudra que je m’y penche mais c’est un problème de formation.
C : résumons : on est d’accord, tu me dis que tu te situes toi sur une entrée technique.
M : Je suis sur une entrée technique tout à fait.
C : Justement, à un moment donné c’était ta deuxième situation où un élève se déplace et dès
qu’il s’arrête le deuxième frappe en restant à distance, en travaillant sur les appuis. Tu dis lors
d’un regroupement : « on fait un travail technique, sur les sensations, on travaille sur la
qualité, qualité des appuis au sol, respect de la distance ». Comment expliques-tu qu’un
travail à deux sur la distance renvoie à un travail technique ?
333
M : Alors, la technique elle renvoie à un positionnement c’est-à-dire qu’il faut être équilibré,
en appui pour frapper. L’intérêt de cette situation c’est qu’elle est progressive vers le combat.
Si on avait fait : je frappe par exemple, sans ce temps d’arrêt, on aurait pas retrouvé ces
sensations, leur permettre de se positionner, de retrouver ses appuis. Donc moi la technique, je
l’entends pas : je prends position, je prends mes appuis pour ensuite donner un coup. C’est
une étape. Il n’y a pas d’incertitude, on travaille sur les sensations, ce n’est qu’un travail
technique.
C : Comme les élèves sont en déplacement, c’est avant tout, ne crois-tu pas, un travail de mise
à distance ?
M : Je ne l’ai pas utilisé de cette façon moi. Je suis d’accord qu’il fallait garder cette distance.
On l’a précisé dans les consignes, on a dit ça sert à rien d’aller trop loin. J’ai régulé par contre
sur les consignes de départ : c’était bien retrouver ses appuis, pour frapper.
C : Dans une autre situation, tu démontres mawashi geri, le coup de pied circulaire , avec un
élève, en différenciant un peu les cibles puis tu fais travailler les élèves dans le vide, avant de
les faire travailler par deux. Pour toi, est-ce un passage incontournable, ce mode
d’apprentissage dans le vide, décontextualisé puis après en duo ?
M : Absolument pas, c’est un passage qui est plutôt culturel, qui est le kihon et je garde ici
dans mon enseignement cet aspect traditionnel. C’est une forme de travail qui est aussi
nécessaire parce qu’être capable de donner un coup de pied dans le vide et de se rééquilibrer
derrière, c’est plus difficile que de se rééquilibrer après avoir touché. Mais c’est évident qu’ils
auraient pu commencer par du travail à deux.
C : Permets moi de rebondir de suite sur ce que tu dis car effectivement d’un point de vue
extérieur, le travail du mawashi dans le vide était affligeant alors que dès que tu les as mis par
deux cela ressemblait à quelque chose, en tous cas à un mawashi…
M : Affligeant oui, je suis d’accord. C’est pour cela que l’impact qu’on va développer est
important. Si on travaille toujours à vide, ils ne sentent rien. On ne sent rien à vide, on
ne sent à vide que finalement quand on a connu des sensations d’équilibre, d’impact, là
oui ça sert. Là, je travaille sur du kihon, mais c’est culturel.
C : Peux-tu maintenant me donner ta conception de l’activité karaté ?
334
M : Ma conception du karaté. Bien, pour moi, c’est une activité de combat de percussion.
C’est un art martial où sont sensées être travaillées des notions d’esprit, d’équilibre, de
respiration. C’est aussi au niveau scolaire un moyen de pouvoir réguler le comportement des
élèves, de pouvoir leur proposer des activités où ils vont pouvoir décharger une certaine
agressivité, de prendre confiance en eux. En lycée professionnel, c’est un moyen pour
atteindre des objectifs d’éducation, comme au niveau de l’école d’ailleurs. C’est une activité
que j’aime pratiquer et enseigner même si c’est une forme de karaté tout à fait nouvelle pour
moi. L’intérêt de cette activité kyok c’est qu’elle est beaucoup moins rébarbative que
l’activité shotokan, que ce soit au niveau des positions, de la distance. L’approche est plus
facile pour faire adhérer les élèves. En shotokan, ça peut paraître des simagrées avec la
position zen kutsu basse, alors que là on touche à l’efficacité, ce qui va faire que l’activité
va être crédible et qu’elle va motiver les élèves.
C : tu parles beaucoup Michel d’efficacité en combat et néanmoins tu optes pour une entrée
technique. A quel moment et comment vas-tu faire le lien entre la technique et ces aspects
plus stratégiques que tu évoques ?
M : Je suis rentré par la technique car c’est pour moi une petite évaluation diagnostique des
élèves. Cela me permet, sur des coups de pieds et de poings naturels, parce que je les ai
moins codifiés que ce qu’il est nécessaire au karaté, de voir à peu près quels étaient les
acquis des élèves. Ca c’est un choix déterminant. Deuxièmement, au karaté si la technique
n’est pas un minimum assise ou acquise par les élèves, on touche à des problèmes de sécurité.
Dans le combat, avec la gestion affective de l’activité, des techniques qui ne sont pas
suffisamment maîtrisées peuvent amener des blessures inutiles, que l’on peut éviter en
travaillant comme on le fait sur des sensations, sur des placements, sur des cibles. Cela
permet de limiter les risques d’accident.
La bascule va se faire très rapidement. On va commencer à travailler sur des
enchaînements rapides avec peu d’incertitude certes et des enchaînements de combat,
pieds et poings, sur des cibles et sur l’arme. Cela va arriver très vite, d’abord comme
situation de travail et ensuite avec plus d’incertitude, on va travailler en situation
d’assaut, avec contrôle bien sur mais où l’incertitude est totale. La bascule se fera au
moment où je le jugerai, en fonction du niveau des élèves, de leur progression et de leur
gestion de l’affectif, qu’il ne faut pas oublier dans ce genre d’activité.
335
C : peux-tu Michel d’ores et déjà nous donner quelques indications sur l’évaluation que tu
comptes mettre en place ?
M : Je vais les évaluer dans une situation d’assaut à incertitude modérée. Je définirai
uniquement des cibles et des armes que nous avons travaillées en cours. Il est hors de
question qu’Hugo ait le droit de faire des coups de pieds retournés puisque les autres ne les
auront pas vus. On va donc travailler sur un assaut à incertitude modérée avec deux
aspects. Le premier aspect est un aspect d’efficacité des touches. Donc, toucher. Le
deuxième aspect est la capacité à replacer dans cette situation d’assaut ses
enchaînements.
C : Dans cette optique, tu évalues qui ? L’attaquant ou le défenseur ?
M : Je vais essentiellement évaluer l’attaquant. Mais le deuxième aspect va me renseigner sur
l’efficacité en défense du combattant. S’il y a de gros écarts entre ce qu’il a touché et ce qu’il
a été touché, cela me donnera une idée sur son efficacité au niveau de la défense.
C : Chaque élève sera évalué sur combien d’assaut ?
M : Alors, au niveau du combat, on va travailler sur deux séances, pour avoir le temps et
au moins trois assauts avec des partenaires de compétence et d’implication similaires
dans l’activité.
C : Michel, je te remercie.
336
ANNEXE 12
Chercheur © : Michel, juste avant que tu ne démarres ton évaluation, j’aimerais savoir quelles
sont tes intentions ?
Michel (M) : Et bien, l’objectif est d’évaluer les transformations opérées pendant le cycle. Les
élèves sont évalués en combat, dans l’épreuve du combat. Il y a juste les coups de pieds qui
sont modérés, pour des questions de sécurité, et qu’ils s’investissent dans les combats sans
peur. De plus, la cible visage est interdite, pour les mêmes raisons. A part ça, on est en
combat, c’est libre.
C : Tu m’as donné un exemplaire de la fiche d’évaluation, peux-tu s’il te plaît l’expliciter ?
M : Alors, en fait c’est une fiche de co-évaluation. Je vais l’expliquer aux élèves tout à l’heure
juste avant de les lancer, donc il est peut-être plus judicieux d’attendre cette explication, en
direct aux élèves…
C : Très bien. Mais, dis-moi juste, l’évaluation ne comporte que de la co-évaluation où
interviens-tu dans la note à un moment donné ?
M : Non, bien sur, je vais moi les observer pendant les combats et je pourrai ainsi corréler
mes appréciations à leur évaluation.
C : Bien. Je te laisse démarrer ta séance. Je te remercie Michel.
337
ANNEXE 13
M : Hé ! c’est relax, c’est relax, c’est souple, voilà…T’excite pas déjà d’entrée hein ? Voilà,
mobile, pense à décaler, comme on a dit la semaine dernière pour ceux qui étaient là.
Non, t’es pas tout seul, vous êtes douze ! Regarde, il y a romain qui est tout seul. Voilà !
Allez ! Allez ! Encore une minute !
Pour info, tout ce travail de blocage qui est certes intéressant, c’est interdit. Ca, t’as pas le
droit mais ce blocage ici là tu peux.
Time !
Venez par là ! On va repréciser les consignes d’évaluation. Bien. Rapprochez vous. Je
répète. Tout est marqué sur le document. Il y a une poule qui va sur ce quart de terrain, c’est
la poule Kevin B. Julien D. Damien et Erwan. Sur ce terrain là. Ensuite tout ce qui est Hugo,
Kevin, Jérôme et Julien vous êtes là-bas. Et le dernier groupe, il est ici. Pour les combats,
vous vous occupez…c’est vrai il y a combattant 1, combattant 2 donc vous savez quand
même lire combattant 1 combattant 2, d’accord ? Vous ne vous trompez pas de colonne quand
vous faites les combats. Vous avez à peu près entre chaque combat une minute pour faire le
compte. Vous mettez la décision V1, V2, V3 ou V4, d’accord ? Et une fois que vous avez mis
cette décision, vous me remplissez en face des deux combattants, vous mettez des croix, des
traits qui s’imposent…s’il y a lieu de mettre des traits. S’il n’y a pas lieu, je rappelle que c’est
la majorité. C’est une impression. Vous n’allez pas compter le nombre de fois où il est en
garde. C’est une impression. Il l’a ou il l’a pas. Il est en place où il l’est pas, il enchaîne ou il
enchaîne pas. C’est pas parce qu’il enchaîne deux fois qu’il enchaîne, on est d’accord hein ?
338
Bien. Et enfin je rappelle, dernière chose, les coups comptés. Les coups que vous allez
comptabiliser sur ce document ce sont des coups où il y a de l’impulsion. Il peut y avoir
quatre à trois à la fin. Il peut même y avoir rois à deux. Comme il peut y avoir quinze à onze,
si ça a touché. Je vous demande juste une appréciation objective. Mais attendez si vous voyez
des choses comme ça, ça marche pas. Faut que ce soit placé, assis, en appui des pieds à
l’impact. Est-ce que tout le monde a compris ?
L’arbitre, il s’occupe de gérer le combat des combattants. Vous vous rappelez gérer le
combat ce que c’est ? C’est quoi ? Et deuxième chose à gérer ? Voilà… Il faut que ce soit une
agressivité qui soit saine. Il faut pas que ça se crispe et que ça ait l’intention de faire mal.
Alors vous gérez tout cela tranquilles !
Ce qu’on a vu sur l’ensemble de la fin du cycle c’est quand même assez correct, d’accord ?
Pensez à tout ce qu’on a travaillé. Notamment les appuis, aux enchaînements qu’on a
travaillés.
Donc c’est moi qui donne le top départ du combat, salut en début de chaque combat, salut à la
fin. Est-ce que c’est clair pour tout le monde ? Voilà. Vous avez l’ordre des combats qui est
marqué, vous alternez le rôle de celui qui marque à la chaise et de celui qui arbitre.
Donc, Hugo, Julien, Kevin et Jérôme vous vous retrouvez là-bas ! Erwan, Kevin, tous les
quatre vous êtes ici et les quatre derniers vous êtes ici.
Alors tu te mets en place, t’as tout ici t’as vu ? Tu ne sais pas encore qui arbitre alors ? Lis la
feuille !
En place ! Premiers combattants en place ! Mets toi plutôt de l’autre côté, ce sera
mieux…La garde, l’enchaînement et la précision. A chaque fois que tu vois… tu notes.
On y est ? Prêts ? On salue son adversaire. Hadjime ! C’est parti !
C’est pas bon, c’est le genou.
Redressez vous un peu là…
Allez Rémi ! La distance. Regarde ta garde. Oui, t’y es ! Continue.
Ne subit pas, Julien. Le côté, attaque le côté !
Damien passe de l’autre côté, tu gères Jérôme ! Il reste vingt secondes.
Qu’est-ce que tu fais là ? Cinq secondes.
Mate ! On salue. Et oui mais lui il n’arrête pas de travailler sur toi…
Qu’est- ce qu’il y a Rémi ? Lève toi et circule. Va marcher un petit peu. Mettez vous en place.
Oui, pendant qu’il récupère je vais t’aider. Je vais arbitrer là, avec toi, d’accord ?
Non, toi tu vas arbitrer, moi je vais compter.
339
Allez ! En place ! Est-ce que tu m’as rempli ça Kevin ? Non, tu m’as pas rempli ça…
En place ! on salue son adversaire. Hadjime !
Un ; un partout ; deux. Allez Erwan ! Décale toi, on l’a déjà vu ça…Oui, deux à trois. Allez !
Allez ! Erwan, pousse et donne. Trois, trois. Erwan qu’est-ce que tu fais ? Voilà ! Sur le côté
Erwan ! Dix secondes. Ah ! Quatre à trois ! Mate ! Mate !
Oui. Où ça ? Quoi ? Pardon ? Où est-ce qu’il saigne ? Ah ! C’est un hématome, c’est pas du
sang qui coule…
Alors, oui, Kevin, Kevin…
Oui, Erwan, la semaine dernière chaque fois t’arrivait à décaler et là, t’étais là, tu
tournais…Remets ça en tête un peu.
Bien. En place ! Qui c’est là, Béranger contre… ?
En place ! On a salué. Hadjime !
Bien. Il a touché là Christian, t’as marqué ?
Tournez…tournez autour, décale, oui, bien ça ! Bien donné celui-là oui.
Et qu’est-ce qui se passe encore ?
Allez Kevin allez ! Erwan surveille ! Ligne basse. Il reste quinze secondes.
Décale quand il avance, tourne voilà !
Mate ! On salue…
Alors ? Qu’est-ce que ça donne, hein ? T’as compté ? Non. T’as visé ou t’as pas visé, ne me
dit pas que…Faites attention à ça. Oui, ça arrive…
T’as mal à la tête ? Fais voir ; Non, ça va, c’est pas marqué. Allez ! Il doit rester deux
combats…
Rémi contre Erwan. Allez ! A l’arbitrage Kevin. Prêts ? Hadjime !
Voilà, bien, ça !
Tourne autour. Tu subis, va le bloquer, bloque le maintenant, voilà !
Bien tourné là ! Les appuis, on repasse, là, bonne distance, bien ça ! Lève bien le mae geri.
Allez ! Avance maintenant quand il a…avance, bien sorti ça Christian.
Cinq secondes ! Mate !
Pas mal…vu le niveau de pratique c’est normal. Au niveau de la distance ? Au niveau de la
mobilité ? Après faut pas oublier qu’ils ont, y’en a qui ont quatre cours…C’est pas mal quand
même.
Ca va là ? Oui, vous allez boire. Ne restez pas sur place, ne vous asseyez pas, vous allez boire
deux trois gorgées. Trente secondes !
340
Regarde bien parce que lui il travaille bien avec les jambes. Allez ! Il vous reste deux
combats. En place ! On salue. Hadjime !
Julien, pas aligné, toujours le triangle. On ne se jette pas. Enchaînez ! Voilà ! On ressort avec
les jambes. Bien ça !
Recadre les là-bas hein ? Fais gaffe !
La garde là, vous avez pas la garde là. Il vous reste vingt secondes allez !
Ta garde Erwan ! Elle est partie…
Qu’est-ce que t’as fait Christian ? T’inquiète, désolé, mate ! Allez ! Va marcher, va boire un
coup. Hugo, pour quelqu’un qui contrôle, qu’est-ce que t’as fait ?
Il en reste un, le dernier. Ca va ?
Pas encore, j’ai pas dit encore, on attend Julien et…Voilà !
Allez ! Le dernier combat qui c’est ?
C’est parti les garçons ? Allez ! C’est le dernier et après on débriefe !
Prêts ? On salue…Hadjime !
Remonte bien ton genou Hugo. Mate ! Julien, sur les directs, t’as le genou trop bas, monte le
genou. Et oui, mais la tenue ça sert à quelque chose, le jean…
Tes appuis Kevin, retrouve tes appuis. Oui, bien le dos.
Sort de là, bien esquivé, allez !
Vingt secondes ! Mate ! On salue. On fait le bilan à quatre. Vous faites le bilan la dessus pour
voir si tout le monde est d’accord.
Allez ! Venez par ici. Venez vous asseoir ici là. Erwan, dépêche, t’es tout le temps à
contre temps pour aller boire !
Alors c’est bon ? Vos conclusions dans l’ordre, on va dire vos premiers sentiments à la fin de
ce cycle ? Kevin vas-y !
Qui pense avoir pu mettre en application des choses qui ont été vues pendant le cycle ? Levez
la main. Faut être honnête, d’abord avec vous-même, OK ?
Donc vous pensez qu’après un cycle comme ça vous avez un peu avancé. Vous pensez avoir
progressé à quel niveau ?
Alors, il y en a qui me disent être plus en appui. Là il y a quelque chose qui est net, c’est vrai
qu’il y a quelques combats où ça a été assez brouillon par contre il y en a d’autres où les
choses même si les appuis ne sont pas là, il y a beaucoup moins de travail en ligne, beaucoup
plus de travail sur les côtés. Je regrette qu’on ait pas pu voir trop, quand on arrive au
corps-à-corps, le contrôle des bras, mais bon, ça demande une certaine maîtrise…Quand
341
on est au contact, il fallait empêcher l’autre de décaler. On a vu le décalage mais il faut
essayer d’aller chercher l’autre. Voilà, donc progrès certain sur les coups de poings qui
commençaient à toucher la cible, qui devenaient lourds. On entendait l’impact. Ca veut dire
que s’ il y avait impact, il y a appui et précision.
Qu’est-ce qui vous manque là à votre avis ?
La précision, y’a pas autre chose encore ?
Oui, la rapidité…mais par rapport aux enchaînements ?
Il y a encore trop de coups uniques donnés, alors que chaque fois qu’il y a un coup qui
est donné, c’est pour préparer ceux qui suivent. Faut avoir cette idée de suivre…
Toujours idée de continuité. Un coup prépare les autres. Un blocage prépare une contre
attaque.
Maintenant si je vous disais individuellement, que chacun retienne quelque chose de positif de
ce cycle ? Donc je vous demande là de vous interroger, de trouver quelque chose dans ce
cycle, une sensation, une impression, un enchaînement, un impact, je sais pas, quelque chose
qui est positif dans tout ce que vous avez fait et qui vous donne envie de recommencer. De
faire une activité de combat pourquoi pas.
Vous avez trouvé quelque chose ? Qui n’a pas trouvé ?
Aucun motif de satisfaction ? Bon…
Donc si on se retrouve l’année prochaine, vous savez qu’on a la notation du BEP avec deux
activités qui sont notées. Alors, on a fait rugby, avec pour certains des résultats très
convenables. Après on a fait combat, karaté et là encore il y en a pas mal qui ont tiré leur
épingle du jeu et ensuite on va faire athlétisme. Est-ce que par exemple le combat pourrait
constituer un choix ? Entre le combat et le rugby vous prendrez quoi ?
Oui, mais on ne peut pas parce que c’est la même famille, faut choisir…
Alors on pourra refaire du combat l’année prochaine, ça c’est pour le BEP je vous dis bien en
plus si vous êtes avec moi. Après, c’est bien aussi en terminale que vous connaissiez autre
chose. Voilà ! Bon, allez ! On se lève. On va terminer par un salut général. On se met sur la
ligne jaune. En position yoï ! sans trop vous serrer. On va se relâcher, fermer les yeux et se
concentrer sur cette image positive, cette sensation que vous avez eue. On respire deux ou
trois fois… Ouvrez les yeux…On se salue, Ouss ! Merci messieurs !
342
ANNEXE 14
Chercheur © : Michel, peux-tu nous rappeler comment le cycle s’est déroulé ?
Michel (M) : Rapidement, on a fait trois séances où on a essayé de dégrossir tout ce qui était
technique, la notion de distance, l’espace de touche ; la précision. Ensuite deux groupes se
sont dégagés : un groupe on a travaillé sur les appuis, sur les sensations ; avec d’autres, on a
travaillé sur une recherche de solutions en fonction de la distance. Donc voilà ceux-là ils ont
rattrapé un petit peu.
C : A la fin de la première séance, je crois me rappeler que l’on était à peu près d’accord sur
le fait que tu avais une entrée technique dans l’activité…
M : exact oui.
C : Si on regarde l’évaluation, elle est complètement centrée sur un travail en combat. Ma
question est la suivante : comment s’est fait le passage entre l’entrée technique et la fin du
cycle centrée sur un aspect purement stratégique, le combat ?
M : Alors, même si les critères d’évaluation sont techniques, ce qui est important, en
combat, c’est d’y voir clair. C’est-à-dire que ça sert à rien d’aller dans le combat avec des
coups qui ne sont pas maîtrisés, qui ne sont pas portés à distance. Toutes les actions dans
lesquelles je travaille, on commence par 70 % de technique, 30 % de stratégie, combat,
match… Rapidement il y a un groupe qui se détache vers un travail tourné vers le
combat et un autre groupe qui fait du renforcement technique ou du renforcement sur les
sensations. Je me refuse à faire du combat sur des aspects techniques qui ne sont pas
maîtrisés parce qu’en combat il faut que les élèves puissent travailler en confiance et s’ils
commencent à se faire mal parce que les techniques ne sont pas suffisamment maîtrisées, on
343
arrive à annihiler tout le bénéfice et l’intérêt du combat. Ils vont pas s’engager, ils vont rester
en retrait. Je veux asseoir le cycle sur quelque chose qui soit à peu près propre donc avec une
certaine maîtrise technique qui leur permettra de fonctionner à peu près en sécurité.
C : Au vu de tes premières impressions, es-tu content des acquisitions des élèves ?
M : Quand même assez. J’aurais bien aimé accéder au film entre les combats de première
séance et certains combats que j’ai trouvé relativement propres, pour deux groupes, sur les
deux diagonales. Et j’ai trouvé ça assez intéressant même si les appuis ne sont pas stabilisés
comme il y a encore beaucoup de déplacements, mais on est arrivé à des sorties dans le dos,
des décalages, des impacts. On a l’impression qu’ils ont finalement une qualité…on peut leur
en demander, c’est surprenant. Pour des gamins qui ont fait quatre, cinq séances en moyenne,
on est loin de la bagarre. Sur les objectifs d’appuis, d’impact, j’ai grosso modo atteint mes
objectifs.
C : Tu nous avais dit aussi que c’était ton premier cycle de kyok. Peux-tu énoncer les écarts
entre tes intentions avant le cycle et ce que tu es réellement parvenu à faire ?
M : Je ne pensais pas qu’on arriverait rapidement à avoir des combats relativement
propres, avec des stratégies de tourner, d’occuper l’espace, donc là vraiment, super !
Après, je pensais pouvoir davantage travailler sur des situations de recherche de sensations,
mais il faut que les élèves soient disponibles. Je regrette de ne pas pouvoir l’avoir
suffisamment fait. Après, je suis agréablement surpris. En fait, ils gèrent les premières séances
et après quelques-unes on sent que ça s’envole…
Au niveau des écarts, précisément…pour moi les écarts les plus sensibles se situeraient au
niveau des appuis, au niveau de la précision où là on n’est pas tout à fait rentré dans les
objectifs. Par contre les stratégies de défense, de déplacements, d’adaptation des coups ou de
l’arme à la distance, là je pense qu’il n’y a pas d’écart. C’est très positif.
C : Tu as dis travailler d’abord sur de l’assaut à thèmes et finir par de l’assaut libre. Peux-tu
détailler s’il te plaît ?
M : Si on prend mon thème de séance, je le décline sur une recherche de blocage, une
recherche de solutions, pour terminer par des assauts à thèmes qui correspondent à ce
qu’on a travaillé juste avant.
C : peux-tu donner un exemple d’assaut à thème ? Etait-ce que les poings ou que les jambes
par exemple ?
344
M : J’en ai fait pour le travail de distance avec un qui n’avait droit qu’aux jambes et en
fonction du gabarit, ils avaient des consignes pour intégrer la distance de l’autre. Un
deuxième assaut à thème, c’était par exemple avec un attaquant et un défenseur : le
défenseur ne fait que bloquer, ne fait que pousser, remettre à distance et l’autre doit
pouvoir s’adapter et attaquer en fonction de la distance imposée par le défenseur.
C : Quelles ont les variables que tu as manipulées ?
M : J’ai utilisé les variables informationnelles, d’incertitude. Après, j’ai travaillé sur une
limitation de l’espace de frappe, pour éviter tout ce qui est blessure, que les élèves puissent
travailler en confiance. C’est essentiellement les trois variables que j’ai manipulées.
C : Tu n’as donc pas manipulé les variables cibles et armes ?
M : Les assauts à thèmes, automatiquement, envisageaient des techniques que l’on avait
vues avant…ou comme je l’ai dit, que les poings, que les jambes. Ca a été vraiment très
ciblé là-dessus. D’ailleurs, tu remarqueras qu’en combat la variété des coups de pieds
était limitée, mae geri, mawashi gedan et chudan.
C : Michel, je te remercie.
345
ANNEXE 15
C : J’aimerais tout d’abord Michel revenir sur le savoir à enseigner, autrement dit ce que tu as
dit vouloir faire. Ton projet de cycle fait état de « transformations attendues : techniques et
tactiques. Passer d’une défense passive à une défense active. Passer d’une attaque simple et
sporadique à une attaque construite et enchaînée. Passer d’attaques hors distance à des
attaques qui touchent ». Bien, peux-tu me dire Michel si ce sont tes objectifs ou si ce sont plus
des objectifs institutionnels, que tu as repris.
M : En tant que professeur d’EPS, je dois cadrer avec l’aspect institutionnel mais cela ne me
gène pas à partir du moment où j’ai une classe d’entrants, de me donner des sous objectifs par
rapport aux textes qui me permettront d’atteindre l’objectif institutionnel final qui en général
cadre à peu près avec l’objectif que je me fixe avec les élèves. Je répondrai donc en deux
temps : classe d’entrants, je peux travailler sur des sous objectifs mais dans la visée
d’atteindre en deux ans l’objectif institutionnel.
C : Nous allons maintenant nous attacher au savoir enseigné, autrement dit ce que tu as
réellement fait, mais aussi à ce que tu dis avoir réalisé, et je te renverrai là aux entretiens post
séance. J’aimerais que tu me commentes cette intervention de ta part, extraite du début de la
première séance où tu as mis en place un travail que tu qualifieras en post séance de
technique : « Vous partez d’ici vous armez. Concentration première chose sur les appuis, les
sensations […]. C’est de l’énergie, on la restitue, là on verrouille et c’est lourd ».
En référence à ces propos, tu diras dans l’entretien post séance : « Je suis rentré par la
technique pour travailler justement sur la sensation, sur l’assise, pour dédramatiser un peu le
combat. Donc moi la technique je l’entends pas je prends position, je prends mes appuis pour
346
ensuite donner un coup. C’est une étape, il n’y a pas d’incertitude. On travaille sur les
sensations, ce n’est qu’un travail technique ». Ma question Michel est la suivante un travail
sur les sensations comme tu le dis n’est-il qu’un travail technique ?
M : C’est une voie qui permet de rentrer différemment, justement, sur des activités très
techniques, comme le karaté. L’objectif final, c’est l’acquisition d’une technique ou d’une
compétence. C’était là poser les bases sur lesquelles j’allais pouvoir asseoir un travail
technique. L’entrée notamment au niveau de l’équilibre se fait en ce qui me concerne par de la
proprioception, centrage sur les sensations. Deuxième objectif, c’est l’efficacité. Ce travail sur
les sensations permet finalement de dédramatiser, de recentrer l’élève sur un fonctionnement
interne et pas sur quelque chose d’extéroceptif qui pourrait le bloquer.
C : Dans cet apprentissage, si je comprends bien, tu vises à la fois des objectifs techniques
mais aussi informationnels ou kinesthésiques pourra-t-on dire…
M : Proprioceptifs.
C : proprioceptifs, d’accord. Ne vises-tu pas des objectifs affectifs et sécuritaires aussi,
puisque tu parles de dédramatiser le combat par exemple ?
M : Sur les deux premiers je suis d’accord. Par contre, ce n’est pas un objectif sécuritaire. Je
dirai que c’est un moyen pour faciliter l’accès aux apprentissages. Pour que l’élève puisse se
livrer pleinement sans appréhension dans le travail à deux. On va le recentrer sur ses
sensations pour qu’il passe sur un mode opératoire, un mode d’apprentissage, je dirais, qui lui
permettra un : de gagner du temps, deux : d’accéder plus facilement aux acquisitions.
C : Pourtant Michel, dans l’entretien post séance 1, tu parles beaucoup de sécurité. Je te donne
comme preuve deux exemples : « au karaté, si la technique n’est pas un minimum acquise, on
touche à des problèmes de sécurité ». Ou encore : « dans le combat, des techniques qui ne
sont pas suffisamment maîtrisées peuvent amener des blessures inutiles, que l’on peut éviter
en travaillant comme on le fait sur des placements, sur des cibles. Cela permet de limiter les
risques d’accident ». J’ai eu l’impression, mais c’est peut-être une interprétation de ma part,
que c’était un objectif prioritaire pour toi.
M : Je ne le perçoit pas comme un objectif prioritaire au sens institutionnel, mais c’est vrai
que c’est une préoccupation pour moi. Toute personne qui entraîne ou qui enseigne doit le
faire en respectant la sécurité de tout à chacun. La deuxième chose, c’est que si les gamins se
347
blessent, ils vont être réticents et s’ils sont réticents, cela va avoir des répercussions sur leur
motivation.
C : Justement Michel, ce que je trouve original dans ta démarche c’est que tu pars d’une
situation que tu appelles technique, d’une situation à but proprioceptif, avec en amont une
intention toute autre, qui n’est pas technique, de détailler un geste mais sécuritaire. Ne crois-tu
pas faire un pont là entre la proprioception et la sécurité ? Ou autrement dit, la proprioception
à des fins sécuritaires ?
M : Alors là je suis tout à fait d’accord. Mais si tu veux, c’est une démarche d’enseignement ;
si l’élève n’est pas suffisamment en sécurité, il y aura blocage dans l’apprentissage. Il va être
réticent, il va être renfermé. Donc mise en sécurité active, mise en sécurité passive pour
pouvoir franchir des caps et des étapes.
C : Penses-tu Michel avoir été influencé dans ton traitement didactique par ta pratique récente
du kyokushinkaï ?
M : Influencé oui, certainement mais à quel niveau ? C’est sur que si je ne l’avais pas pratiqué
je ne l’aurais pas proposé aux élèves. Par contre moi lorsque je fais quelque chose, je le
digère, j’en tire les grandes lignes et je le transforme en contenus d’enseignement. La
démarche dans laquelle je m’inscris pour rentrer dans l’activité n’est absolument pas celle que
l’on retrouve dans un club en kyok. Ensuite, c’est vrai que le kyok correspond tout à fait à ce
que je recherchais pour faire le lien, pour trouver une correspondance entre le sport de contact
et les représentations des élèves du karaté, en terme de travail dans le vide, de répétition de
mouvement etc. D’autant que le kyok n’est pas aussi exigent que d’autres styles au niveau des
positions, de la gestuelle, de la technique en général, et cela me semblait approprié au niveau
scolaire.
C : J’en viens maintenant à l’évaluation. Lors de l’entretien post séance 1, je t’avais demandé
si tu avais déjà une idée de l’évaluation que tu allais mettre en place. Tu m’avais dit : « je
vais les évaluer dans une situation à incertitude modérée. A la fin du cycle, on retrouve les
élèves dans une situation qui n’est pas à incertitude modérée puisque c’est du combat libre.
J’ ai donc moi constaté un écart à ce niveau. Peux-tu l’expliquer ?
M : Oui, c’est tout bête, j’ai vu que les élèves étaient rentrés correctement dans l’activité et
comme on avait bien avancé dans le cycle, j’ai choisi d’aller un peu plus loin dans
l’évaluation. Pour moi, il y avait eu une bonne évolution, un très bon investissement dans
348
l’activité, une progression certaine. J’ai donc fait évoluer mon évaluation en même temps que
la progression des élèves.
C : Comment Michel rentrer par la technique comme tu l’as fait et sortir du cycle par du
combat ? Pourquoi ne pas rentrer directement par le combat ?
M : Je dirais que c’est encore une démarche, et que j’utilise quelque soit l’activité. Je pars du
principe que pour apprendre à lire il faut avoir acquis l’alphabet. En rentrant par la technique,
il y a renversement progressif technique et tactique. Au début du cycle on est à 70% de
technique. En fonction des acquisitions, on renverse le processus pour arriver à 30 % de
technique en fin de cycle. J’estime que pour les activités de combat où il y a un enjeu
sécuritaire, la technique reste un moyen sur de préserver l’intégrité physique des élèves. On
évite ainsi les mauvais coups, les énervements. En somme, on court circuite certains
comportements déviants qui bloquent les apprentissages. On ne peut pas sur du court terme
rentrer directement sur du combat. Il faut que les élèves s’apprivoisent petit à petit pour
ensuite pouvoir se libérer sur un combat un peu organisé, plus sécuritaire. On a appris à
donner des coups, mais aussi à se protéger et cela ne peut s’apprendre qu’avec un minimum
de technique à la base.
C : Par rapport aux différents temps de ton enseignement, ton SAE est d’après moi technique
et tactique, au sens où tu opères envisage une articulation duo-duel.
M : Tout à fait…
C : Le SRE, en tous cas sur la première séance que j’ai observée est à dominante technique.
M : Oui.
C : Et comme tu nous l’as dit, pour les autres séances il y a un glissement progressif vers des
aspects plus stratégiques.
M : c’est cela oui.
C : Enfin, le SREV n’est que stratégique.
M : tout à fait.
349
C : Donc en fait on peut remarquer que suivant le moment dans lequel tu te situes, la
référence, pour peu qu’on la qualifie de technique, de stratégique ou encore bi partite, n’est
pas la même, elle change ou elle évolue je ne sais pas…Qu’en penses-tu ?
M : Cela correspond finalement à ce que je pense faire dans la mesure où la technique est
pour moi un passage obligé qui ne sert qu’à viser des aspects plus stratégiques. En fait,
j’utilise la technique comme un outil, pas comme une finalité.
C : Une dernière question Michel, lors de l’entretien post évaluation, tu as dit « en combat
l’important c’est d’y voir clair ». Peux-tu s’il te plait développer un peu ta pensée. J’aimerais
savoir ce que tu entends toi par « y voir clair » ?
M : Et bien, c’est rester suffisamment lucide pendant le combat pour anticiper, repérer tôt les
intentions de l’adversaire, s’adapter au niveau stratégique, en terme d’arme, de déplacement
et de distance. On revient à l’aspect affectif, la gestion affective de l’opposition. Mais là on
touche un objectif à long terme car je ne crois pas que l’on puisse en un cycle de karaté en
EPS atteindre cet objectif. On l’a touché du doigt à l’évaluation car les armes et les cibles
étaient restreintes et les élèves ont pu justement s’investir dans le combat sans appréhension.
C : Michel, je te remercie.
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ANNEXE 16
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ANNEXE 18
Chercheur © : J’aimerai savoir tout d’abord Giovanni quand tu as commencé le karaté ?
Giovanni (G) : J’ai commencé en 1967, ça va faire 40 ans quoi
C : Tu l’enseignes en club depuis combien de temps ?
G : Je l’enseigne depuis 82 j’ai eu mon BE en 1984
C : Tu as atteint quel grade ?
G : 2eme Dan
C : Depuis combien de temps programmes-tu des cycles karaté en EPS ?
G : Dans ma carrière d’enseignant d’EPS j’ai du faire deux cycles karaté, le dernier cycle que
j’ai fait cela remonte à huit ou neuf ans quand j’étais dans l’Académie de Dijon. Je suis
descendu dans l’Académie de Toulouse en 1997 et depuis 1997 partout où je suis passé il n’y
avait pas de sport de combat organisé.
C : Avant de commencer ce cycle, quelles sont tes intentions ?
G : Mon objectif principal c’est de présenter l’activité, la situer dans les arts martiaux afin de
faire immerger sa spécificité d’art martial qui n’a rien à voir avec les boxes. Deuxième point :
360
l’entrée dans l’activité par ce que je considère moi comme l’essentiel : la confrontation. Puis
l’aspect martial, le salut, le respect, entre autres. Leur montrer le karaté originel. Pour cette
première séance après un échauffement classique, on va voir une position fondamentale : la
mise en yoï, le salut debout, rentrée par les postures zen kutsu kokutsu et fudo dachi. Ensuite
travailler sur une technique de défense, un blocage de type ura uke. Une technique d’attaque
Oï tsuki et un coup de pied le mae géri. Si cela se passe bien, peut être deux techniques de
défense avec gedan baraï. On finira la séance par une confrontation dans le style ippon
kumite ou du combat libre. Le but, c’est qu’ils mettent en application les techniques. Les
techniques on les apprend dans le vide mais après se pose le problème de les sentir dans le
réel.
C : Dans le questionnaire que j’avais fait passer, tu évoques le travail en attaque et en défense
et en fin de séance le travail du kata sous toutes ses formes. Le prévois tu au cours de cette
première séance ?
G : Au cours du cycle on abordera le kata mais pas à la première séance. Le kata sera heïan
shodan.
C : Envisages tu Giovanni un pont entre le travail à deux et le travail du kata ?
G : Bien sur, c’est le bunkaï. On fera une application par petits groupes de quatre ou cinq.
Mais c’est important de rentrer dans l’activité par le kihon et on garde le kata pour la fin de
la séance.
C : Tu m’a l’air Giovanni d’avoir beaucoup réfléchi à ce que tu allais faire mais as-tu
envisagé un travail didactique particulier ?
G : C’est certain qu’on ne peut pas faire ici ce que l’on ferait en club mais j’ai tous les ans des
débutants qui arrivent au club et j’ai donc l’habitude et l’expérience. Le karaté reste une
activité marginale au collège et c’est vrai que si j’avais à l’enseigner de manière plus
systématique, je ferai un travail particulier de manière à ne pas reproduire les mêmes choses
avec toutes les classes. Même si on est spécialiste de l’activité on garde quelques réserves à la
transmettre, à la partager quand on n’est pas sur que les élèves y sont prêts.
C : Veux tu dire qu’en effectuant un travail didactique sur l’activité, tu as peur de la
dénaturer ?
361
G : Oui j’ai peur de la dénaturer, oui parce que l’art martial c’est quelque chose qui se
transmet par le mimétisme, le modèle, le maître qui est devant l’élève qui reproduit. C’est un
travail de très longue haleine. De plus, il y a tout le rituel, le salut, le respect du professeur que
l’on ne peut pas trop appliquer dans un établissement scolaire par rapport à une mentalité qui
est différente qu’en club. Or sortir de ce rapport là c’est déjà dénaturer un peu l’activité
karaté. On n’a pas non plus les kimonos, la symbolique de la ceinture et on risque de se
rapprocher des boxes ou du karaté contact qui n’a rien à voir avec l’art martial.
C : Quand tu évoques la situation de référence tu écris : « savoir se protéger avant de contre-
attaquer ». Va-t-on retrouver cette compétence que tu évoques lors de la première séance ?
G : On la retrouvera tout le temps dès que l’on va travailler à deux sur le premier blocage. La
priorité est mise sur le blocage. Ne pas prendre le coup avant de penser à le rendre c’est
fondamental pour moi. Le karaté c’est pour se défendre par pour attaquer. Tous les katas
commencent par un blocage.
C : As-tu réfléchi à l’évaluation ?
G : Je la vois bien en ippon kumite pour évaluer la distance, l’engagement dans une
situation où il y a très peu d’incertitude puisque tout est défini à l’avance. Ensuite sur le
kata, évaluer la mémorisation motrice et enfin le combat sur un petit combat souple voir
comment l’élève gère le rapport de force, s’il prends l’initiative ou s’il se laisse dominer,
c’est cela qui m’intéresse.
C : Giovanni, je te remercie et te laisse démarrer cette première séance de ton cycle.
362
ANNEXE 19
(Giovanni commence par faire l’appel des élèves. Cela dure quatre minutes, suite à quoi il
présente le cycle à la classe. Nous démarrerons là la retranscriptions des verbatim de
l’enseignant).
G : première des choses, je vous demanderai du silence, et d’essayer de travailler un peu plus
avec la réflexion. A partir d’aujourd’hui, on va commencer un cycle karaté, tous les mardis, et
il y aura en tout sept séances d’une heure. Pour ce faire, je vous présente un collègue
enseignant d’Education Physique, il prépare un doctorat sur le karaté et comme il s’avère que
je suis un praticien de karaté depuis un certain temps, il m’a proposé de m’observer, voir ce
que je fais en karaté, il m’a choisi comme étude de cas pour sa recherche, voir comment je
vais vous proposer le karaté, vous le faire faire. Voilà, fermons la parenthèse. Le karaté vous
ne le connaissez pas, en avez une idée ou une représentation, une imagerie mentale construite
par les médias, les revues, mais vous ne savez pas trop ce qu’est l’activité. Moi, je vous la
présente, je pense que je la connais puisque cela fait une quarantaine d’années que je pratique.
Alors, le karaté c’est un art martial. Mars était le dieu de la guerre. Parce qu’à son origine, le
karaté était destiné à faire la guerre, était destiné à détruire des adversaires, des ennemis. A
l’origine, c’est donc pour détruire les autres, mais en fait pour se défendre. Le karaté trouve
ses origines au VIème siècle avant Jésus Christ, dans la Chine ancestrale, dans une petite île du
sud du japon qui s’appelait Okinawa. Cette île, tantôt elle était envahie par les chinois, tantôt
363
elle était aux japonais. Cela veut dire que les chinois et les japonais se disputaient l’île. Les
premières traces de coups de poing et de coups de pieds ont été repérés dans ce berceau là et à
l’époque ils appelaient cela le shaolin kempo, drôle de nom oui. Et ensuite, les techniques ont
un peu évolué et les gens ont forcé un peu sur ces gestes mains ouvertes et comme cela se
faisait sur l’île d’Okinawa, ils l’ont appelé l’Okinawa te, « te » voulant dire : main. C’est là
que l’on se battait les mains ouvertes et que les premiers experts sont nés. Bien plus tard, dans
les années 1920, il y a un grand pionnier qui a débarqué au Japon, à Kyoto et qui a fait les
premières démonstrations de l’Okinawa te. Ce pionnier, ce fondateur, il s’appelle Funakoshi.
Si vous avez la chance de rentrer un jour dans un dojo, vous verrez qu’il y a toujours un
portrait du maître. Et suivant les activités le portrait change, par exemple pour le judo c’est
Jigoro Kano. Quand il est arrivé, il y avait d’ailleurs déjà le judo, l’aïkido, mais avec
l’Okinawa te, il a séduit tout le monde. Seulement avec le nom d’Okinawa te, il s’est dit que
c’était pas terrible et qu’il fallait un nom à consonance un peu plus japonaise. Il s’est alors dit
que le te, la main il allait le garder et comme elles étaient vides, en japonais, vide c’est
« kara ». Donc les mains vides, sans armes et vides aussi de toute mauvaise intention. Pour
que cela colle avec les arts martiaux existants, il a rajouté le do, la voie ; karaté do : la voie de
la main vide. Mais la voie, c’est le chemin, trouver son chemin. Donc vous voyez que le
karaté va au-delà de la simple pratique d’une activité sportive. C’est aussi un travail sur soi,
trouver son propre chemin mais aussi sa propre rencontre par ce que vous allez aussi vous
rencontrez avec vous-même. C’est la pire des rencontres de se rencontrer soi-même. C’est le
plus dur. Ensuite, l’important de ce que je voulais vous dire, c’est les trois types d’activité de
combat : les percussions, boxe française, par exemple, le karaté dedans oui. La préhension, où
l’on retrouve oui le judo très bien, le fait d’attraper, les luttes et les instrumentalisés où l’on
mettra le kendo, l’escrime très bien. Donc vous voyez que dans la famille des sports de
combat et des arts martiaux, le karaté fait partie des percussions ce qui veut dire une
spécificité de coups de pieds et de poings. Et le karaté a son identité propre d’art martial, où la
seule règle est morale : on cherche à se défendre, à se protéger. Ensuite la particularité du
karaté c’est qu’il faut être capable de détruire l’ennemi sur un coup. Le boxeur il va taper
quatre ou cinq fois, le karatéka c’est un coup unique. Terminé. Cela veut dire qu’il faut mettre
toutes les énergies sur un coup et être efficace sur un coup. Aujourd’hui néanmoins comme on
est dans un monde de paix, on a aussi d’autres moyens que les poings et les pieds pour se
battre à la guerre, on a la compétition qui est arrivée et ça a changé beaucoup de choses parce
qu’on ne peut pas travailler main ouverte en compétition, c’est beaucoup trop dangereux alors
364
on ferme les poings, mais ce n’est pas le karaté originel qui se pratique main ouverte comme
je vous l’ai expliqué.
Alors maintenant on se met en place pour commencer. On se met en place pour apprendre le
rituel. Tout le monde face à moi sur une ligne, s’il vous plaît. Le salut est un moment
solennel, c’est une façon de se dire bonjour et aujourd’hui les gens ne savent plus se dire
bonjour. On se met dans cette position, talons joints, pieds légèrement écartés. Celui qui est
devant c’est le senseî, là c’est moi. Pour saluer, les garçons mettent les mains ainsi et les filles
comme cela. Pour saluer on fait une légère inclinaison du buste. Alors je dis « reï », on salue
et on dit « ouss », qui veut dire merci. Alors ça c’est le salut debout. Mais c’est comme cela
dans tous les arts martiaux il y a aussi le salut à genoux. Celui qui est devant, le senseî dit
« seisa », à genoux, genou droit, genou gauche, on déplie les pieds derrière. Toutes les
énergies du corps sont regroupées là, au niveau du ventre. On essaie de fermer les yeux,
« mokuso » vous ne pensez à rien. « Mokuso yame », vous ouvrez les yeux. Premier salut,
c’est « shomen ni rei », c’est tout ce qu’il y a de plus grand, le ciel, le soleil, le vent, toutes les
forces surnaturelles, on rend hommage à tout ce qui dépasse l’humain. Main gauche, main
droite, « reî », on ramène main droite, main gauche. Le deuxième salut, c’est « senseî ni rei »,
on se salut mutuellement ; troisième salut « otagani rei », c’est le salut entre vous, moi je
salue pas. Maintenant vous attendez, je me relève, vous ne bougez pas, « keritsu », levez-
vous ! Ouss !
Pour s’échauffer, vite fait, vous restez sur une ou deux lignes, jambes gauche devant,
un…deux.. . on change de côté.
(Giovanni poursuit l’échauffement, basé sur des déplacements, il le réalise avec les élèves,
montrant ce qu’il faut faire, les élèves reproduisant. Il replace ensuite les élèves sur trois
rangées après avoir calmé l’ensemble de la classe. Il place ses élèves en ligne devant lui, en
quinconce comme on est placé en club et commence la séance proprement dite).
La première chose que l’on va apprendre, c’est comment on ferme le poing. J’ouvre, je roule
et je verrouille avec le pouce ici. Là j’ai le poing fermé. Quand vous aurez appris à fermer le
poing, vous aurez appris beaucoup de chose, car ce n’est pas évident. Ici, on a les jambes
légèrement écartées, cette position s’appelle « hachiji dachi » cela veut dire largeur bassin.
Quand je veux saluer, je rapproche le pied droit. Rei ! Là, on salue debout. La première
position que l’on voit parce que dans le karaté, vous avez le moment de confrontation qu’on
appelle les kumite, se rencontrer avec les mains et vous avez un autre aspect les katas qui est
365
un enchaînement de mouvements que l’on fait dans le vide. On mime un combat imaginaire,
comme une danseuse qui fait son ballet. Et tout se fait dans une position bien spécifique
qu’on appelle position yoï. Yoï cela veut dire : en garde prêt. Tenez vous prêts. Pour se
mettre en yoï, je vous le montre, je monte les bras, pied gauche, pied droit et je déplie, j’ai
mes poings ici. Je suis en position yoï, je suis prêt à tout. D’ici si j’ai un coup de poing qui
vient au visage je suis prêt à le bloquer. C’est la position prêt ! Allez, on le fait une fois.
Voilà, très bien.
Premier mouvement que l’on apprend, c’est un blocage, une technique de défense, un
balayage de haut en bas qui va servir à sortir un coup de pied. Je démontre : un, on le met à
l’épaule, l’autre coude serré, on déplie. Je le montre ici, voilà comme cela et là on a fait un
blocage. Alors, on va le faire une ou deux fois. En position, on va le faire en reculant le pied
droit. Allez ! On le fait en reculant, un ! Et je reviens.
Maintenant les positions, trois fondamentaux en karaté, vous avez la position avancée
vers l’avant, zen, zen kutsu dachi, ça c’est zen kutsu, jambe arrière tendue, la jambe avant
fléchie, le genou me cache les orteils. J’ai tout le poids du corps sur la jambe avant. Vous
avez une deuxième position fondamentale qui s’appelle kokutsu dachi, position de retrait.
C’est l’inverse, poids du corps sur la jambe arrière, j’ai ma jambe avant libérée pour me
servir à frapper avec la jambe avant. Ensuite, vous avez la position intermédiaire, la plus
classique en combat qui s’appelle fudo dachi. Fudo, milieu, zen kutsu vers l’avant, kokutsu
vers l’arrière. D’accord ? Alors, maintenant ce que l’on va voir, c’est à partir de cette
position là, le coup de pied de face. Je montre, de profil pour que vous voyiez bien. Je pars de
fudo dachi, je porte mon coup de pied vers l’avant et je ramène derrière. On va essayer de
faire ça. Allez ! On salue, Reï ! Yoi… Hidari ça veut dire à gauche, un ! Vers l’avant. On le
fait pas en avançant, on le fait sur place pour l’instant. Allez, un ! Et je ramène derrière.
Deux !...Dix. Alors maintenant on va travailler de l’autre côté. Jambe gauche, un !
Deux…c’est trop raide…dix. Yame ! Vous revenez ici, pied droit, gauche. Bon, vue l’heure on
va devoir arrêter là on continue mardi prochain.
366
ANNEXE 20
C : Giovanni, peux-tu s’il te plait faire un bilan de séance ?
G : C’est vrai qu’une heure cela va très vite. Bon, c’est vrai aussi que j’ai pris une vingtaine
de minutes pour entrer dans l’activité, un peu l’expliquer. Bon, en plus, les élèves ne sont pas
habitués à ce genre de pratique et de façon de faire, cela reste assez dirigé comme activité.
C’est vrai, il n’y a pas eu de réticence verbale mais ils ont accusé le coup quand même.
Ensuite, l’activité amène les élèves à se questionner. C’est une activité qui leur fait sûrement
peur et le refus vient sans doute de cette peur, d’être à l’écoute de son propre corps, de soi et
cette activité par le fait de la manière dont elle est transmise amène l’individu à réfléchir sur
lui. J’ai pas eu le temps de faire toute ma séance, tout ce que j’avais prévu mais bon, je pense
que dans les premières séances il faut se limiter à une posture et une technique, la travailler
isolée, puis avec un partenaire et cela prend beaucoup de temps…à faire. J’en suis là, voilà.
C : Giovanni, comment qualifies-tu ton entrée dans l’activité ?
G : Je l’ai abordé sous l’aspect martial. Le côté sportif je l’ai complètement laissé, j’ai
préféré développer le côté défensif et protecteur.
C : Dans le questionnaire préliminaire que tu as rempli, je demande justement de décrire très
sommairement l’entrée dans l’activité. Et donc avant de commencer ce cycle, on peut lire :
« entrer dans l’activité par l’affrontement défini ; travail de situation à deux ; mise en
367
situation réelle. Peux-tu nous dire pourquoi un tel écart entre ce que tu avais prévu avant le
cycle et ce que tu as fait aujourd’hui ?
G : Je pense qu’il faut faire une nuance entre le dire et le faire. On sait très bien que ce que
l’on prévoit par écrit, on ne peut pas le tenir. A un certain niveau, on adapte au fil du temps,
de la séance même…Dans le discours c’est vrai que l’on retrouve plus un karaté pour la
confrontation et il est vrai aussi que dans la première séance entrer dans la confrontation dix
minutes après le début de l’activité, je pense que ce n’est pas possible ou alors cela tourne en
bagarre de rue. Il faut connaître un minimum de techniques de karaté pour les mettre en
application ensuite. Si c’est pour lancer des coups de poings et coups de pieds issus d’autres
sports de combats, même si au niveau de la gestuelle cela se ressemble, là mon but essentiel
c’était la présentation de l’activité de défense donc je suis rentré par l’apprentissage de
techniques de défense et non pas par des techniques d’attaque.
C : Cette séance présume-t-elle de la suite du cycle, où va-t-il y a voir une rupture à un
moment donné ? Si oui, laquelle, quand et pourquoi ?
G : Pour la suite, je pense que je ferai directement exécuter les techniques à deux, en miroir,
l’un avance l’autre recule en effectuant la même technique. Je pense qu’il faut la présence de
l’autre, qui fait que la motricité est différente. L’incertitude n’est pas que symbolique. Mon
cycle évoluera comme cela.
C : Quelle différence fais-tu entre le karaté que l’on enseigne en club et le karaté que toi tu
enseigne ici au collège, dans le cadre scolaire ?
G : D’abord il y a une différence de contexte. Le karaté en club, la plupart du temps est
enseigné dans des dojos, dans des espaces qui sont donc adaptés : il y a des tapis, il y a des
portraits de maîtres, il ne se fait que cette activité là, il y a un ressenti qui est différent. Si on
le fait dans des gymnases, cela appartient à tous les élèves, à l’école donc le lieu n’est pas
personnalisé. Ensuite il y a l’aspect vestimentaire : en club il y a le kimono, les ceintures de
couleurs, les grades, il y a une hiérarchie et on retrouve un peu la hiérarchie familiale avec un
chef de groupe… Autre point, en club les élèves sont demandeurs. Ici au collège, il y en a
certains à qui cela peut faire plaisir de faire du karaté mais il y en a d’autres qui le vivent
comme une contrainte et donc il peut y avoir des distances, des différences.
C : Giovanni, je te remercie.
368
ANNEXE 21
C : Giovanni, ce cycle karaté étant sur le point de se terminer, peux-tu dire ce que tu as
enseigné ?
G : Ce que je pense avoir transmis, c’est savoir se taire c’est-à-dire écouter ce qu’on nous
demande. S’organiser en groupe, se mettre en place pour le salut. Ce sont des choses
auxquelles j’attache de l’importance et que je pense avoir transmises. Là, on leur demande
d’être à l’écoute de leur corps, et cela demande le silence. Au niveau technique, déjà savoir
fermer un poing, savoir ce qu’est une garde à droite, une garde à gauche et différencier les
techniques pieds des techniques poings ; séparer le bas du haut du corps, pour moi c’est
quelque chose d’important. Ensuite dans la confrontation, dans le rapport à l’autre,
maîtriser que l’on peut le toucher mais on ne va pas le toucher. C’est la notion de contrôle.
Voilà les trois ou quatre valeurs que j’ai essayé de transmettre.
C : Tu développes donc des savoirs éthiques. Ensuite, tu as parlé de dissociation, on est là
plutôt sur le registre des sensations. Mais ton cycle n’a-t-il été emprunt que de cela ? Y-a-t il
par exemple des avoirs stratégiques qui ont été transmis ?
G : Stratégiques, oui, dans le placement par rapport à l’autre, être à la bonne distance.
S’adapter à la situation de l’autre, par exemple s’il est en garde à droite, me mettre aussi
en garde droite. Les techniques ont été un peu limitées. Cela a été un coup de pied direct et
un coup de pied circulaire. Techniques de poings oï tsuki et gyaku tsuki et les blocages haichu
uke et soto uke, voilà.
C : On en vient maintenant à la séance d’évaluation qui va avoir lieu, quelles sont tes
intentions en matière de savoir à évaluer ?
369
G : L’évaluation va porter sur un domaine très simple, un ippon kumite. Alors la
situation se fait en garde de combat à gauche, tout est préréglé au départ, l’incertitude
est donc faible. On part sur une attaque mawashi geri droite, blocage haichu uke et
riposte gyaku tsuki, point. Ce que je vais évaluer, d’une part le respect du protocole, il est
écrit ce protocole et distribué aux élèves, ils vont donc en avoir connaissance. On leur
demande de faire cela, ils respectent le protocole, ce qui est demandé. Deuxième point, c’est
les attaques, si elles sont données à bonne distance et au bon niveau. Ca, c’est pour tori,
l’attaquant. Ensuite il y a la défense : est-elle bien exécutée, efficace, à bonne
distance ? La riposte : est-elle immédiate, efficace ? elle peut être immédiate et pas
efficace car pas à la bonne distance, trop loin par exemple.
C : Si je comprends bien, il n’y a pas d’incertitude dans la situation car tout est déterminé,
l’arme, la distance, la cible est annoncée. Est-ce une situation qui a déjà été travaillée en
cours ?
G : Ils ont déjà travaillé ce cadre, avec différents partenaires. Là comme c’est l’évaluation, ils
sont par quatre avec deux filles et deux garçons, les filles évaluent les garçons et inversement.
C : Tu as donc prévu un co-évaluation, mais comment t’en sers-tu ? Prévois-tu d’évaluer toi-
même les élèves ou ne vas-tu te servir que de ce que tu vas récolter des élèves eux-mêmes ?
G : Non, non, je prévois d’utiliser ce qu’ils vont évaluer. Il en ressortira une note et moi
ensuite je mets une note de participation.
C : Giovanni, je te remercie.
370
ANNEXE 22
G : La séance a démarré, vous vous mettez sur une ligne s’il vous plaît. Pieds joints, bras le
long du corps. On salue. Reï ! Bien. Vous allez vous mettre par groupes de quatre, deux filles,
deux garçons. Les garçons, vous vous mettez avec le partenaire avec qui vous allez travailler
et les filles pareil, avec la partenaire. Je donne une fiche pour quatre, sur laquelle vous avez le
protocole.
(Giovanni organise les groupes, fait se munir les élèves de crayons et recadre un peu la classe
qui est très agitée dans son ensemble).
Vous vous asseyez, il faut que l’on se dépêche ! Vous vous mettez en rond s’il vous
plaît, vite ! Alors, pour commencer vous vous échauffez. Un groupe, deux garçons, deux
filles. Les deux garçons, vous venez là. Pendant que deux travaillent, les deux autres vont
évaluer. Qui est tori, qui est uke ? Tu te mets en face pour le voir. Toi tu vas noter par
exemple tori et toi uke. Dans la grille tori, tu as la technique…et là uke. Vous avez une fiche
par élève, vous notez quand il a le rôle de tori et quand il a le rôle de uke.
Vous avez bien lu le truc ? Coup de pied circulaire, blocage, contre-attaque. Saluez ! En yoï !
Quand je dis hadji me vous vous mettez en garde à gauche. Hadji me, allez-y ! Tu coches à
chaque fois, la distance, elle était bonne ? Tu coches. Maintenant on inverse les rôles. Vous
avez pu cocher ? Vous avez compris la mécanique ? Allez ! Mettez vous en place !
371
(A partir de là, Giovanni navigue dans les différents groupes pour vérifier que les élèves se
mettent au travail, comprennent les consignes et surtout remplissent bien les fiches. Il met
donc les élèves en activité de co évaluation s’ils traînent, aide les élèves à bien déterminer les
rôles (attaquant, défenseur, évalué, évaluateur), répond à leurs questions et contrôle le
déroulement. Il intervient dans la co évaluation en donnant son appréciation comme ici où il
dira : « là, la distance elle n’y est pas, tu vois, il est trop loin », où encore là : « ton attaque
elle est pas haute, alors tu mets non respect du protocole », par exemple).
Allez ! Vous rendez les fiches ! Venez là s’il vous plaît ! Vous vous asseyez tous, face à moi.
Faites du silence et cela ira très vite. Vous avez pu constater comme moi qu’il est très difficile
de travailler dans du bruit, dans du vacarme ; si cela ne vous dérange pas moi cela me dérange
énormément. Si chacun avait fait du silence, on aurait pu travailler plus facilement et plus
rapidement. Deuxième point, je ne sais pas comment vous a paru cette fiche, est-ce qu’elle
vous a paru difficile à remplir ? Non, pas tant que cela. Est-ce qu’elle vous a paru
insuffisante ? Sûrement, oui, elle aurait pu être meilleure la fiche. Bon, vous vous levez, vous
y allez. Au revoir.
372
ANNEXE 23
C : Giovanni, entre le début du cycle où l’on a pu assister à une entrée dans l’activité très
technique avec beaucoup de travail dans le vide, et l’évaluation telle que tu viens de la faire,
tournant autour d’une situation d’assaut conventionnel, donc très stratégique il y a une
évolution. Comment ce passage s’est-il fait ? Et quand ?
G : Cela s’est fait vers…disons, aux trois quart du cycle. Au début, les élèves avaient un peu
de mal à comprendre ces gestuelles, qui ne sont pas, disons, naturelles, on est sur des
comportements appris. Et à un moment donné quand ils ont réussi un peu à faire ces
techniques là, les expérimenter sur autrui et donc le travail à deux s’est imposé, ne
serait-ce que pour eux concrétiser un peu ces gestes. Moi aussi, j’ai tout fait pour faciliter
ce travail là.
C : A chaud, juste après ta séance, vois-tu un écart entre ce que tu comptais évaluer et ce que
tu as réellement évalué ?
G : Dans la conception, j’ai pensé qu’il y avait un temps d’évaluation beaucoup plus long
alors que là, dans la réalisation pure, je me suis rendu compte que cela allait très vite mais pas
seulement moi, les élèves aussi, j’ai vu qu’ils étaient un peu dépassés par la rapidité de
l’assaut. Cela nécessite d’observer, de mémoriser et d’évaluer après coup. Et cela, certains on
réussi, d’autres ont un peu patiné. Bon, il y avait cinq critères pour tori, cinq critères pour
uke…j’aurais peut-être dû limiter à trois critères.
373
C : De la même manière, quel écart notes-tu entre ce que tu a enseigné et ce que tu viens
d’évaluer ?
G : C’est sur qu’il y a un décalage. Ce que j’ai évalué, ce n’est qu’en partie ce que je leur ai
transmis. Je suis convaincu qu’il y a une grande partie de ce qu’apprennent les élèves qui n’a
pas été enseigné. Je dis bien en partie. Le coup de poing, le blocage cela a été appris mais la
distance par exemple…les élèves s’adaptent à la situation.
C : Dans l’entretien ante, juste avant la séance, tu m’as dit que le savoir évalué était
stratégique. En quoi les savoirs évalués prennent-ils en compte des savoirs stratégiques ?
Peux-tu en donner un exemple ?
G : Le fait de se mettre à bonne distance pour faire un bon blocage et anticiper sur la
contre attaque, voilà. La distance pour faire un blocage n’est pas la même que pour la
contre attaque et cette anticipation là ne fait pas partie des choses que l’on peut
transmettre. C’est la contribution de l’élève, une stratégie que l’élève a construit. Pas
forcément que l’enseignant lui dispense.
C : Si l’on reprend la fiche de co évaluation, quels indicateurs a l’élève pour apprécier si la
distance est « conforme, limitée ou autre » ?
G : Au cours du cycle on a vu que la distance conforme c’est celle où l’on ne touche pas mais
où l’on est en mesure de toucher.
C : En observant les élèves à l’évaluation, j’ai remarqué que majoritairement, la distance de
uke est inadaptée. N’est-ce pas pourtant un problème purement technique ?
G : Le problème est technique, je suis d’accord, mais je dirai surtout que c’est la peur de
toucher. C’est plus un problème de confiance en soi dans le rapport à l’autre.
C : En bas de la fiche d’évaluation, tu notes : « cinq critères sont évalués » ; peux-tu me les
redonner parce que je n’en trouve pas cinq, en fait.
G : Oui, comme l’incertitude était préréglée cela me fait quatre. J’ai fait une boulette parce
que l’incertitude fait partie intégrante de la situation sans qu’elle soit évaluée.
C : Pourquoi l’efficacité en attaque n’est-elle pas prise en compte ? Je vois que la forme est
prise en compte mais si on prend l’élève là Roxane, qui sur l’attaque mawashi touche son
374
adversaire, il n’est pas prévu que cela soit bonifié dans la mesure où son attaque est efficace
puisqu’elle touche ?
G : Ca c’est sûrement une déformation du karaté où l’on privilégie la défense sur l’attaque.
D’ailleurs en compétition la majorité des points sont marqués en contre attaque pas en attaque
directe. Alors c’est vrai que je n’ai pas valorisé l’attaque, était-ce volontaire ou involontaire ?
mais je préférais mettre l’accent sur le travail du défenseur en contre-attaque. C’est vrai
qu’un critère d’évaluation en attaque pouvait être intéressant aussi ne serait-ce que pour
l’élève, la capacité à attaquer. Malgré tout, la défense reste la meilleure attaque.
C : Pour terminer, j’aimerais que tu fasses un rapide bilan de ton cycle.
G : Cela a été un cycle difficile. Ce n’est pas la classe la plus facile que j’ai. De plus, la façon
dont je l’ai fait, disons technique et rigoureuse, les élèves n’aiment pas trop. Ils préfèrent
rentrer dans l’activité par le jeu. Au niveau de la progression, c’est vrai qu’entre le point de
départ et le point d’arrivée, il y a une évolution dans le comportement moteur et aussi dans le
comportement en général. J’ai quand même pu remarquer des élèves pendant l’évaluation qui
avaient un réel souci de bien faire. Certains ont donc adhéré à cela. Je renouvellerai
l’expérience mais peut-être en optant pour une entrée plus large. Est-ce aussi à mon insu le
fait que je sois spécialiste de cette activité qui m’amène à vouloir l’enseigner en milieu
scolaire autrement que les autres APS ? C’est une interrogation, à réfléchir…Dans les autres
APS, on cherche moins la perfection peut-être. Là, on a du mal à déroger à la règle…
C : Et si on déroge à ces règles de recherche d’une certaine perfection technique comme tu le
disais, penses-tu que l’on dénature forcément l’activité ?
G : Je ne le dirai pas comme cela. Je dirai peut-être que l’on y change de sens. Y-a-t-il un
karaté pur et un karaté sportif ? Cela fait partie des choses que l’on dit dans le milieu quand
on parle d’un club : « là on fait du vrai karaté ». Cela implique qu’ailleurs on pratique un
autre karaté. Pour répondre, c’est sur qu’il y a un karaté traditionnel, issu de l’héritage
japonais et l’on peut parler aussi d’un karaté « francilien », plus axé sur la compétition, avec
des structures plus aménagées…
375
C : Excuse moi Giovanni de te couper mais qu’entends-tu par karaté francilien ? Fais-tu
référence à un karaté pratiqué dans la Ligue Ile de France, siège de la Fédération Française et
où l’on doit effectivement être plus au cœur des problématiques de cette structure ?
G : Je veux parler d’un karaté français. Il est vrai que la France a été référente du karaté sur le
plan mondial car le Président a longtemps géré les structures européennes et mondiales. Donc
le karaté s’est francisé, en compétition, où la compétence des français est très reconnue. On
est donc entrecoupé entre disons…le budo, tout ce que peut véhiculer de symbolique et de
culturel l’activité, autre que la simple pratique physique. Le karaté reste une activité entre le
sportif et le culturel.
C : Tu sembles remettre en cause ton entrée dans l’activité par rapport à cette classe, donc si
c’était à refaire, que ferais-tu ?
G : Dès la première séance je les mettrais par deux, sans trop me préoccuper des
techniques purement spécifiques du karaté. Donc, chercher à faire des tsuki et des gedan
baraï, niet ! On entre tout de suite dans l’action et petit à petit je rendrais ses spécificités au
karaté. Je l’introduirais petit à petit. Moi, j’étais trop attaché aux spécificités d’entrée, donc je
ferais une approche plus globale, comme un cycle percussions, pieds-poings, pour arriver
ensuite au karaté pur.
C : Giovanni, je te remercie.
376
ANNEXE 24
Chercheur © : Qu’est-ce que t’a apporté la pratique du karaté au niveau personnel ?
Giovanni (G) : J’ai commencé le karaté, j’avais 14 ou 15 ans et c’était une période pour moi
difficile sur le plan personnel, je dirais tout simplement… je souffrais d’obésité. J’étais petit
et gros et on m’appelait « le gros F. », voilà. J’ai souscrit à cette pratique là, peut-être pour
m’amener un sentiment de sécurité. Où je pourrais m’exprimer plus librement, où l’on
m’acceptait d’une façon plus traditionnelle et plus simple. Parce que ma famille est partie vers
les sports co, je suis issu d’une fratrie de six, et moi on m’a fait comprendre que je n’étais pas
fait pour cela vu ma corpulence. Pour moi, le karaté a été un champ…où l’on m’a regardé. Et
puis dans mon historicité personnelle cela a été sûrement la reconstruction symbolique du
père. Alors pas d’un père absent, présent en chair et en os mais absent par l’esprit. La
reconnaissance du ventre, du Maître, du père, cela a été un peu ça pour moi. J’étais loin
comme certains copains dans les année 69, année de ma première licence, de pratiquer pour
apprendre des techniques et aller dans les bals pour faire un peu de bagarre. Moi, j’étais très
loin de cela. Cela a été un sas de sécurité et surtout de construction personnelle. Dans une
fratrie de six, où j’étais méprisé, cela a été un champ de différenciation aussi. Voilà ce que je
peux dire, presque 40 ans après, 40 ans même puisque je vais avoir 54 ans le 23 février.
377
C : Quelle influence cela a-t-il sur ton enseignement du karaté ?
G : Sûrement, sûrement oui. En karaté lorsque l’on est apprenant, on est un petit peu sous la
coupelle du professeur, du Maître. Et lorsque l’on construit sa propre conception de l’activité
et que l’on devient soi-même professeur, on se sépare de nos pairs et les relations se
compliquent un petit peu. On a acquis une expérience et moi dans ma représentation, il y a ce
côté héroïque du Maître, on devient fort physiquement et on a l’impression d’avoir une
certaine force mentale. Ce statut de senseî, celui qui est devant, ne nous déplait pas au départ
et souvent on reproduit la façon dont on a soi-même vécu la chose. Je l’ai donc reproduis
comme moi je l’avais appris. Et maintenant que je l’ai intégré dans le champ de l’éducation
physique et sportive, je me suis éloigné du karaté originel.
C : Tu dis, Giovanni, que tu reproduis ce que l’on t’a transmis. Mais que reproduis-tu
exactement ?
G : Et bien, je reproduis cette notion du Maître, cet aspect un peu paternel. Je ne dirais pas
que c’est une forme de soumission, mais l’élève doit suivre un peu ce que fait le Maître, mais
avec cette notion de confiance. On n’apprend pas en karaté comme on apprend en foot, il faut
rentrer dans un moule quoi… La formation c’est une déformation, d’abord. Moi, mon
professeur a été formé par des japonais et son niveau culturel et intellectuel lui a permis de
réfléchir un peu sur tous les aspects du karaté. J’ai reproduis ce schéma, pas longtemps mais
je l’ai reproduis à un moment donné. On est dans l’isomorphisme mais comment peut-on en
sortir, comment ? Pour apprendre, on est bien obligé de commencer par quelque chose.
C : Quand tu enseignes le karaté en EPS, quel savoir faut-il selon toi enseigner en priorité ?
G : Je ne serai pas sur un pôle technique, mais sur un pôle…savoir se taire. Pour moi, c’est
quelque chose de très important. Savoir se taire, cela veut dire qu’on est dans le contrôle et
qu’on est à l’écoute. On essaie de répondre à la demande. Chose qu’aujourd’hui les jeunes ne
savent plus faire. Ils entendent mais ils ne savent plus écouter. S’il n’y a pas de plaisir
immédiat, il va y avoir forcement un blocage. Le karaté, s’il y a rejet, cela renvoie à une
autorité, à une discipline. Le karaté, aussi pour moi, c’est la notion de respect, envers celui qui
transmet. Ensuite, techniquement, ce qui me paraît le plus important, c’est savoir tenir debout.
C’est fondamental. Se déplacer, le reste c’est de la gestuelle pieds-poings qui vient après, qui
va s’appuyer dessus. La posture, c’est comme pour une maison, les fondations. Si j’ai un
corps stabilisé au sol, après je peux donner les techniques, faire des blocages etc.
378
C : Giovanni, peux-tu tout d’abord définir ce qu’est pour toi le karaté en EPS ?
G : Si je définis ce qu’est le karaté en éducation physique et sportive, je réponds qu’est-ce que
peut apporter le karaté à l’EPS ? Pour que cette activité soit profitable aux élèves il faut la
présenter autrement, avec moins de contraintes, un peu comme une activité de percussions. La
notion de ceinture et de kimono fait un peu obstacle en EPS. Par contre, dans la pratique, le
fait de contrôler ses techniques amène un contrôle sur soi. Contrôle de sa respiration, de ses
émotions. Mais c’est une démarche volontaire de l’élève. S’il n’y a pas adhésion, cela ne
marche pas trop. Il faut je pense que l’élève soit dans une quête de quelque chose. Voilà, je ne
peux pas enseigner le karaté dans un établissement scolaire, dans un cycle EPS comme je
l’enseigne en club, je suis obligé de l’adapter. C’est quelque chose que l’on impose, que l’on
propose aux élèves, ils ne sont pas dans une demande, et ça change tout.
C : Mais à part le fait qu’il n’y ait pas de grades et pas de kimono en EPS, qu’est ce qui
diffère d’autres ?
G : Ce qui diffère d’autre, d’abord c’est que ceux qui sont en club sont dans une demande.
Ensuite, ce qui diffère c’est aussi l’organisation des groupes. Le karaté traditionnel, on se met
en ligne, il y a une gestion de l’espace qui est différente, c’est une transmission qui est je
dirais, frontale. Il y a le senseî qui est devant et les autres en face. En EPS, les élèves sont
tellement habitués dans l’apprentissage des autres activités à ne pas être dans cette
transmission frontale, comment faire alors pour faire autrement ? Au dojo, le senseî, quand il
montre un mouvement, il le montre toujours à la même place. Il y a un espace pour
l’enseignant et un espace pour l’apprenant. Dans un gymnase, on peut montrer un mouvement
en tournant, en se déplaçant et ça passe mieux au niveau des élèves. Moi, je le perçois comme
cela, maintenant…
C : Lors de ta présentation du cycle aux élèves tu leur dis, je te cite : « C’est un travail sur soi,
trouver son propre chemin mais aussi sa propre rencontre parce que vous allez vous
rencontrer vous-même. C’est la pire des rencontres de se rencontrer soi-même ». Pourquoi
dire cela aux élèves à ce moment là ? Que veux tu leur dire là ? Est-ce un message ?
G : Oui, c’est moi qui déteint là…C’est inévitable. Bon, là j’avais la casquette du prof de club,
parce que je suis persuadé que c’est une rencontre avec soi-même, même si on ne l’a pas que
là. On l’a dans d’autres activités mais dans les arts martiaux, on ne peut pas tricher avec soi-
même. C’est aussi pour cela que le silence leur fait peur, parce que faire silence, c’est être à
379
l’écoute de soi et c’est affolant, angoissant pour certains. Plus je fais du bruit, plus je m’oublie
et moins je pense à moi, plus je fuis, voilà. Les jeunes d’aujourd’hui il leur manque quelque
chose dans leur éducation, c’est la castration orale. C’est la frustration de savoir se taire et
écouter. Par le verbe, par le corps, il faut que cela bouge tout le temps, ils sont hyperactifs,
c’est un mal que nous avons aujourd’hui avec la jeunesse. Ils n’ont pas été castrés oralement
et cette frustration pour moi fait partie de l’éducation. Et je ne pense pas que cela puisse
former des êtres traumatisés.
C : Giovanni, tu as parlé tout à l’heure de savoirs comme savoir se taire, mais aussi de savoir
tenir debout, se déplacer, ce sont des savoirs que tu cherches à transmettre et à faire
approprier aux élèves. J’ai donc cru percevoir moi que le savoir enseigné au cours du cycle
est technique et éthique. Es-tu d’accord avec cette analyse tout d’abord et si oui pourquoi
avoir insisté notamment sur ce versant du karaté ?
G : Oui, je suis tout à fait d’accord. Je pense que c’est ce que j’ai retenu d’essentiel qui m’a
permis de devenir. C’est à travers cela que j’ai pu transformer mon corps et mon esprit. Alors
on peut poser la question, est-ce que parce que cela m’a transcendé que cela va transcender
autrui ? Quand on transmet quelque chose, on s’appuie sur ce que l’on connaît et que l’on
maîtrise. On a pu le vérifier.
C : J’en viens maintenant au savoir à évaluer. Tes intentions avant de débuter le cycle, écrites
dans ta réponse au questionnaire préliminaire sont : « ippon kumite, kata et combat souple ».
Visiblement, au regard de ce que tu as évalué, le ippon kumite uniquement a été évalué. Peux-
tu expliciter cet écart entre SAEV et SREV ?
G : Oui, je n’ai pas été à un moment donné assez modeste avec mes exigences. Déjà
apprendre un kata sur un cycle, c’est déjà bien, alors de là à faire en plus du combat, le ippon
kumite…et tout évaluer…Et puis il y a peut-être aussi la difficulté de faire un choix sélectif,
de se dire, j’en reste à cela et je reste modeste dans mon exigence. Le peu que je vais évaluer,
je vais l’évaluer bien. Si j’ai choisi le ippon kumite c’est parce que c’est important. On reste
dans la logique, tout se passe sur un coup. Attaque, défense contre attaque, on privilégie cet
aspect de la défense. L’origine du karaté.
C : Au niveau de ce que tu cherches à évaluer, tu as écrit à l’intention des élèves que « le
critère riposte est doublement évalué ». Peux-tu préciser ce que tu veux dire par là ?
380
G : Oui, je m’en souviens. Doublement évalué parce que dans ma logique du karaté, on
privilégie la défense. Si l’activité a été conçue pour se défendre et pas pour attaquer encore
faut-il savoir se protéger, c’est-à-dire bloquer une attaque et après contre-attaquer. On est dans
un mécanisme de défense, pas dans un mécanisme d’attaque. La reprise d’initiative, c’est
quelque chose d’important. On voit souvent en compétition que les points marqués le sont en
contre, pas sur des attaques directes, pas sur des prises d’initiative. Marquer directement cela
arrive, mais c’est plus rare. La riposte fait partie de la défense.
C : Lorsque je regarde ta situation d’évaluation en ippon kumite, j’ai l’impression - mais ce
n’est qu’un point de vue - que tout est déterminé par avance, l’arme, la cible, la distance.
Peux-tu m’éclairer sur ce choix ?
G : Avec des néophytes dans l’activité, mon objectif était de ne pas laisser d’incertitudes. J’ai
sûrement pensé qu’ils étaient à un stade où l’incertitude était risquée. C’est le premier palier,
arme, cible et distance définies.
C : Comme tout est défini, et qu’il n’y a pas d’adaptation à faire, de la part de l’élève, penses-
tu que c’est une évaluation technique ?
G : Si déjà l’élève est à bonne distance pour bloquer et qu’il contre attaque dans une distance
convenable, pour moi, il est dedans. Ce qui est important, c’est d’être à bonne distance, le
geste technique du blocage n’a pas d’importance en soi. La technique ce n’est qu’une
représentation, une trace. Si on est dans la technique, on est dans la subjectivité.
C : Giovanni, nous sommes arrivés au terme de cet entretien, y a t il quelque chose que tu
aimerais rajouter, ou préciser ?
G : Le tour a été un petit peu fait…La difficulté d’introduire une activité comme celle-là a été
évoquée. Si, ce que je dirais comme cela c’est mettre en place plus de cycles comme celui là
permettrait d’arriver à une projet de cycle plus intéressant, beaucoup plus construit. Il n’y a
pas encore eu de travaux didactiques sur le karaté donc on fait appel à son expérience
personnelle.
C : Giovanni, je te remercie.
381
ANNEXE 25
C : Giovanni, lors de notre dernier entretien tu as plutôt développé ce que peut apporter le
karaté en EPS. Peux-tu maintenant définir précisément ce qu’est pour toi le karaté en EPS ?
G : Le karaté, la représentation que j’en ai, le karaté je le dis…la métaphore…le karaté sert à
dompter la bête. Il est certain que pour moi la karaté a été une thérapie dans mon histoire
personnelle et il est fort possible qu’à mon insu peut-être, j’attends en présentant cette
activité, une transformation de l’individu. Donc je suis dans ce registre, mais peut-être
faudrait-il changer de registre ou l’adapter…
C : Tu parles là de transformations, mais tu parles desquelles exactement, des transformations
motrices ou plus ?
G : J’attends plus que des transformations techniques et motrices. Pour moi, j’entends
transformations comportementales, de l’attitude.
C : Tu dis aussi à propos de ce qu’il faut enseigner en priorité du karaté en EPS :
« techniquement, ce qui me paraît le plus important, c’est savoir se tenir debout, c’est
fondamental. Se déplacer […] La posture, c’est comme pour une maison les fondations ».
Demain, Giovanni, tu as un cycle karaté à conduire en EPS, sur ce thème de cycle, comment
t’y prends tu pour enseigner cela ?
G : La première chose que je mettrai en avant c’est déjà être à l’écoute de soi. Quand on est à
l’écoute de soi, se recentrer sur ses sensations, au sens large, de son corps, de son souffle,
382
alors on peut être à l’écoute de l’autre, du professeur, des consignes qu’il donne. Et se tenir
debout c’est une posture. Sentir son corps, c’est-à-dire l’enracinement, comment je me
déplace, suis-je en équilibre ? Se sentir dans cette verticalité quoi ! La verticalité est symbole
de vie, de force, en opposition à l’horizontalité, qui est symbole de mort. C’est le cerveau qui
commande le corps et pas le corps qui s’en va n’importe quand, n’importe comment. C’est le
cerveau ordinateur qui pilote le corps. Je ferais donc un cycle à base de situations de blocages
qui imposent de garder cette verticalité, cet équilibre ou dans des situations d’attaque, ne pas
se jeter sur l’autre n’importe comment, toujours être maître de soi, le corps bien droit. On peut
le faire aussi sur des situations de kihon.
C : Tu as dit aussi à propos de ton enseignement du karaté en EPS : « je l’ai donc reproduis
comme moi je l’avais appris (en parlant du karaté). Je reproduis cette notion du Maître ».
Giovanni, penses-tu que l’on enseigne ce que l’on est, plus particulièrement en karaté, et
pourquoi ?
G : On enseigne ce que l’on est parce que ce que l’on est c’est la façon dont on s’est construit,
bon. Je suis persuadé que l’on ne peut transmettre que ce que l’on est parce que ce que l’on
est c’est la façon dont on a été façonné, forgé au sens littéral du terme. C’est ce qui nous a
permis d’être et de devenir. Alors peut-on dépasser l’isomorphisme pourquoi pas ? Certes,
mais il faut à ce moment là se décentrer énormément de soi et sûrement transmettre autre
chose de l’activité que ce qu’on a vécu et là on rentre dans la didactique qui prend en compte
les besoins des élèves, des autres, et qui ne correspondent pas à ses propres besoins. C’est
alors une attitude qui nécessite une grosse réflexion didactique et une prise de distance assez
importante. Je le dirais comme cela : on franchit une porte pour entrer dans le karaté mais il
faut pouvoir en sortir pour y revenir sans vouloir y rester.
C : Giovanni, lors de notre dernier entretien, tu as dit : « la reconnaissance du ventre, du
Maître, du père, cela a été un peu cela pour moi ». Peux-tu s’il te plaît développer la raison
pour laquelle tu as pratiqué le karaté, liée comme tu sembles le dire à tes relations
paternelles ?
G : je suis rentré dans l’activité karaté dans les année 67-68 et cela a été pour moi une façon
d’être reconnu par un ancien. Dans mon histoire familiale, on jouait au foot, mon père étant
un bon joueur, il avait joué en deuxième division. Je suis le seul qui ne suis pas allé au foot et
si je suis allé au karaté c’est que j’avais une quête personnelle de transformation. Il faut dire
qu’à cet age je n’étais pas très bien dans mon corps, à l’époque je faisais 92 kg. Donc pour
383
moi, c’était souscrire à quelque chose qui allait me transformer et cela m’a permis de
construire un sas de sécurité. C’était pour moi quelque chose de salutaire et de sécuritaire
surtout qui m’a permis de me réaliser et de forger des mécanismes de défense.
C : Dans le même ordre d’idée, qu’entends-tu par : « on est sous la coupelle du Maître ».
G : Tant que l’on est apprenant on est un petit peu disons… dans ce rapport…disons… maître
esclave, Hegel a beaucoup parlé de ce rapport. Aujourd’hui on dirait maîtrise- servitude.
Quand on est apprenant on est toujours dans ce rapport là de celui qui sait et celui qui ne sait
pas. Quand le karatéka acquiert le grade de ceinture noire, il y a une émancipation qui se fait
et à ce moment là il peut exister par lui-même et il a sa propre réflexion, qu’il avait déjà mais
qu’il peut exprimer. Il devient un pair.
C : Giovanni, nous arrivons au terme de cet entretien, j’aurais alors une dernière question :
quelle est ta référence pour l’enseignement du karaté en EPS ?
G : Alors si j’ai une référence elle sera typiquement f…lienne (il emploie son nom de famille
auquel il ajoute ce suffixe). Dans la pratique même, il y a très peu d’ouvrages si ce n’est
quelques revues dans le monde de l’éducation physique qui ont traité du karaté mais
disons…la référence technique, j’ai été formaté par la référence « Kase » qui a été pionnier de
la JKA, Japan Karaté Association, et de part sa corpulence, c’est la force qui s’oppose. Donc
ma référence technique elle est là. Bien sur il y a aussi Roland Habersetzer, avec qui je n’ai
pas appris le karaté mais dont j’ai du lire tous les livres, l’un des premier ceinture noire en
France. De part ma formation, je dirais aussi que j’ai eu un très bon professeur, il s’appelle
Paul Muchin. A cette époque là c’est quelqu’un qui a eu la même trajectoire que moi mais lui
dans le bois, moi dans la forge, et il a eu une façon de transmettre le karaté qui m’a
énormément plu. Après dans mes références plus didactiques, je me réfère aux pratiques de
percussions en général et notamment la boxe française parce que l’on trouve des ouvrages
intéressants de ce point de vue qui ont été fait. Il y a tout de même pas mal de collègues
professeur d’EPS qui sont Brevet d’Etat premier ou deuxième degré et c’est donc une activité
qui a été didactisée, qui permet de travailler le combat dans un sens un peu moins martial que
l’envisage le karaté.
C : Mais tu as tout de même dis en premier que ta référence était f…lienne ?
384
G : Oui, parce que c’est par rapport à mon vécu. Si je n’avais pas eu ce vécu, je serais mal à
l’aise de proposer un cycle de karaté parce que je pense qu’il faut avoir un vécu dans cette
activité pour la proposer.
C : Avant de conclure, il me faut ton accord pour l'utilisation de ton prénom : m' autorises-tu
à l’utiliser dans ma thèse lorsque je parle de toi? En effet, je ne souhaite pas vous mettre des
pseudos ( Denis pour Michel, par exemple) ou des initiales (HF par exemple) car je suis sur
une étude de cas, dont la singularité du sujet est centrale. De ce fait, ton prénom fait à mon
avis partie de ton histoire, qui parfois transparaît dans l'étude de cas.
G : Alors, sachant que les thèses sont publiques, et que j’ai un prénom qui est peu
commun…Comme dans le milieu du karaté, il n’y a personne qui s’appelle comme moi, déjà,
tout le monde va me retrouver, va m’identifier. Alors si c’est dévoiler des choses intimes de
ma vie privée, c’est vrai que c’est toujours dérangeant. Je t’ai tout de même dévoilé des
choses qui me sont intimes alors…là j’ai un moment de silence…à la limite pour rester dans
la singularité dont tu parlais, il n’y a qu’à mettre mon deuxième prénom, c’est Giovanni, c’est
toujours moi, mais je ne serai pas identifié.
C : Très bien. Ce sera fait, tu peux compter sur moi. Je te remercie en tous cas pour cet ultime
entretien et tous les autres aussi. De t’avoir livré comme tu l’as fait et de toute ta contribution
à cette recherche.
385
ANNEXE 26
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388
389
ANNEXE 27
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Plan académique de formation – Limoges le 26 & 27 janvier 2006
Enseigner le Karaté au collège « Construire un cycle d’enseignement »
Collège B. de Ventadour – 87000 Limoges
391
Combat – Les Textes _________________
Activités physiques de combat en 6ème
• projeter en contrôlant la chute de l'adversaire, • au sol, amener l'adversaire sur le dos et le maintenir en choisissant les placements et déplacements
favorables, • utiliser les déplacements de l'adversaire, pour des attaques directes sur tirades ou poussées de
l'adversaire, • accepter l'affrontement, maîtriser ses émotions.
Commentaire : en classe de sixième, une attention particulière peut être accordée aux sports de combat de préhension. Dans ce cas, dans un souci de sécurité, l'expérience de l'affrontement debout ne peut être envisageable avant que l'élève ne sache à la fois chuter et faire chuter sans risques.
Activités physiques de combat cycle central
- Varier la forme et les opportunités des attaques directes.
- Enchaîner les attaques selon les réactions de l'adversaire (esquives simples) : enchaînement dans la même direction que l'attaque initiale ou dans une direction complémentaire de l'attaque initiale.
- Se préparer au combat : identifier les points forts et les points faibles de l'adversaire, connaître et appliquer les règles essentielles d'arbitrage.
- Se donner un projet tactique et l’expérimenter durant le combat.
Commentaire : La pratique des sports de combat doit permettre à l’élève d’exprimer sa volonté de vaincre un adversaire dans le respect de l’éthique d’affrontement en contrôlant ses actions et ses émotions. Par conséquent, l’enseignant veille à ce que la recherche d’efficacité soit menée de pair avec la maîtrise (motrice, affective) des moyens utilisés.
Activités physiques de combat en 3ème
À travers les activités physiques de combat, le professeur doit valoriser une éthique qui met l’accent sur le respect des lieux et des personnes.
Elles développent une culture qui privilégie la maîtrise de soi et fait obstacle aux comportements impulsifs et à la violence.
Dans une confrontation physique, en même temps qu’il exprime sa volonté de vaincre, l’élève, par ses comportements, observe des usages et des règles partagés par tous. L’expérience du combat contribue ainsi à l’éducation à la citoyenneté. L’estime mutuelle qu'engendre le défi physique, l’acceptation du résultat de la confrontation, le développement des capacités d’analyse et d’adaptation font que les activités de combat aident à la construction de la personnalité individuelle et sociale de l’élève.
Durant la scolarité en collège, la pratique des activités physiques de combat doit permettre d’acquérir les compétences nécessaires à la mise en œuvre de conduites offensives construites et contrôlées. À l’issue de son apprentissage, l’élève doit être capable :
- de s’exprimer dans un combat sans risque (cf. remarque),
392
- de connaître, appliquer et exploiter les éléments techniques indispensables à la réalisation d’actions organisées dans un projet tactique,
- d’éprouver sa connaissance de l’activité dans la tenue de différents rôles sociaux (combattant, arbitre, juge, commissaire…).
Durant la scolarité en collège, la programmation des activités de ce groupe peut aller dans le sens soit de l’approfondissement d’une activité, soit de la diversité des pratiques. Dans ce dernier cas, l’enseignant peut tenir compte du fait que l’intensité des attaques et de l'affrontement augmente avec l’éloignement des combattants. De ce point de vue, les formes de combat dites de préhension (judo, luttes…) peuvent être considérées comme une introduction aux formes dites de percussion (divers types de boxe, française ou autre). Il en est de même des formes de combat sans arme par rapport aux formes de combat avec arme (pour celles-ci, on utilisera des protections adaptées) ,
L ’’’’activitéééé programméééée en troisièèèème a dééééjàààà fait l ’’’’objet d’’’’une duréééée de pratique au collèèèège au moins éééégale àààà 20 heures effectives.
L’enseignement vise essentiellement :
- la maîtrise de connaissances diversifiées grâce auxquelles l'élève adapte ses actions aux comportements et aux réactions de ses a d v e r s a i r e s ,
- la mise en œuvre et l’adaptation d’un projet tactique élaboré à partir de l’observation et de la connaissance qu’acquiert l’élève de ses possibilités offensives et défensives et de celles de ses adversaires, - une gestion des ressources que l’élève mobilise en fonction de la nature de l’opposition et de la durée du combat ou de l’assaut.
Les compétences acquises dans la variété et dans l’enchaînement des formes d’attaque permettent à l’élève de construire son offensive et de trouver des solutions au problème que lui pose son adversaire. L’approfondissement des connaissances propres au combat passe pour l’élève par l’identification des points forts et des points faibles de son adversaire et une meilleure définition de son projet d’action.
L ’’’’activitéééé programméééée en troisièèèème est nouvelle ou a fait l’objet d’’’’un temps de pratique
rééééduit inf éééérieur àààà 20 heures effectives.
Lorsque les élèves effectuent en classe de troisième leur première expérience dans les activités physiques de combat, l'accent doit être mis sur :
- l’acceptation de la confrontation et l’absence de risques dans le sens défini précédemment, c’est-à-dire combattre sans se faire mal et sans faire mal.
- l'acquisition de connaissances techniques par le développement des compétences spécifiques telles qu'elles ont été définies dans les programmes de 6ème, 5ème et 4ème. Celles-ci doivent permettre à l'élève de développer, dans un premier temps en situation d'opposition modérée et dans des situations plus intenses au fur et à mesure des progrès accomplis, les éléments d'une conduite offensive construite et réfléchie. L’élève s’initie progressivement aux aspects tactiques qui font la richesse des activités de combat en développant sa connaissance des attaques directes et des actions combinées.
En raison de leur évolution psychologique et des transformations morphologiques qu’ils subissent, les élèves de troisième débutant ce type d’activités peuvent manifester des comportements de nature à freiner leurs apprentissages (réticence accrue aux contacts physiques, peur de tomber accentuée…). L’enseignant veillera donc à utiliser les procédés pédagogiques les mieux adaptés pour pallier les problèmes affectifs et moteurs, en particulier les activités comme la canne, l’escrime... dans lesquelles l’affrontement se fait par l'intermédiaire d’un engin.
393
REMARQUE : S’exprimer dans un « combat sans risque » appelle un commentaire. La notion de combat est centrale et définit la logique de ce groupement d’activités physiques. Cependant, pour éviter à la fois que l’élève ne se fasse mal ou fasse mal en combattant, il est indispensable que les modalités et l’intensité des situations d’affrontement qui lui sont proposées soient déterminées en fonction de ses connaissances techniques et de sa capacité à maîtriser ses réactions émotionnelles. L’éventail des formes d’apprentissage que peut utiliser l’enseignant, allant de la situation d’opposition simple et formelle à l’affrontement libre, permet, quelle que soit la spécialité étudiée, une gradation dans l’engagement physique et, par conséquent, une adaptation au niveau des pratiquants. L’acquisition des compétences visées s’effectue dans le double respect de la sécurité des élèves et de la nature spécifique de ce groupement d’activités.
Projet pédagogique - Activité physiques de COMBAT
* **Exemple***
� Compétences
- S’exprimer dans un combat sans risque - Connaître, appliquer et exploiter les éléments techniques indispensables
à la réalisation d’actions organisées dans un projet tactique, - - Eprouver sa connaissance de l’activité dans la tenue de différents
rôles sociaux (combattant, arbitre, juge, commissaire…).
� Contenus
1- Informationnel : Percevoir ou provoquer les réactions adverse afin de les exploiter. Intégrer les règles d’arbitrage afin d’optimiser sa tactique.
2- Biomécanique : Gérer les critères de réalisation des techniques en terme de vitesse-distance et précision.
3- Affectif : Accepter d’affrontement dans le respect des règles de sécurité. Accepter de combattre avec tous. Maîtriser des émotions.
� Evaluation Page 16…
394
LA TRAME D’ENSEIGNEMENT
les jeux de contact et d’opposition
NE PAS ETRE TOUCHE Protéger la cible visée
ALLER TOUCHER Atteindre une cible aux poings ou aux pieds
ACCEPTER L’AFFRONTEMENT
GESTION TACTIQUE DE L’OPPOSITION
- Les attaques directes - Les enchaînements
- Les feintes - Les confusions (désinformations)
395
Situation de référence
LES CONTENUS D’ENSEIGNEMENT ________________________
� JEUX D’OPPOSITION / COOPERATION Objectifs : « Evaluer la capacité des élèves à accepter sans violence, l’affrontement dans le respect des règles et des partenaires »
« Gérer les émotions que suscitent le contact et l’affrontement ».
PPoouusssseerr
«« PPaasssseerr llaa rr iivviièèrr ee »» PPoouusssseerr ll ’’ aauuttrree ppoouurr
ppaasssseerr llaa rriivviièèrree ((ll iiggnnee))
«« LL eess bbééll iieerr ss »» ffaaccee àà ffaaccee,, ttoorrssee ccoonnttrree ttoorrssee,, ppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree
ddeerrrriièèrree llaa ll iiggnnee,, mmaaiinnss ddaannss llee ddooss
«« LL ee cchhaassssee--nneeiiggee »» PPoouusssseerr llee ppaarrtteennaaii rree aassssiiss jjuussqquu’’ àà llaa ssoorrttiiee
«« LL ee ggeennddaarr mmee eett llee vvoolleeuurr »»
llee ggeennddaarrmmee cceeiinnttuurree llee vvoolleeuurr eett llee ppoouussssee eenn
pprriissoonn
«« llee rr oouulleeaauu ccoommpprr eesssseeuurr »»
PPoouusssseerr llee ppaarrtteennaaii rree qquuii eesstt àà ppllaatt vveennttrree eett
rroouullee
«« lleess ccooqqss »» aaccccrroouuppiiss ffaaccee àà ffaaccee
ppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree ppoouurr llee ddééssééqquuii ll iibbrreerr
((vvaarriiaannttee :: ff iinnii rr ccuullbbuuttooss))
«« llaa bbrr oouueett ttee »» ppoouusssseerr llee ppaarrtteennaaii rree aauu nniivveeaauu ddeess ccuuiisssseess cceeccii aaff iinn dd’’ éévvii tteerr llaa ccoouurrbbuurree
ddoorrssaallee
«« llee ccuullbbuuttooss »» lleess 22 ppaarrtteennaaii rreess ssoonntt ffaaccee àà ffaaccee jjaammbbeess ééccaarrttééeess ppoossééeess eenn
qquuiinnccoonnccee aavveecc cceell lleess ddee ll ’’ aauuttrree.. PPoouusssseerr aavveecc
lleess bbrraass ppoouurr llee ddééssééqquuii ll iibbrreerr
«« CCaahhiinn--ccaahhaa »» ééppaauullee ccoonnttrree ééppaauullee,, ppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree vveerrss llaa
ssoorrttiiee
«« DDoo--ddoo »» ssee tteennaanntt aaccccrroocchhééss aauuxx ccoouuddeess,, lleess ppaarrtteennaaii rreess ddooss àà ddooss ssee ppoouusssseenntt vveerrss llaa ssoorrttiiee.. ((NNee ppaass
ss’’ eeff ffaacceerr ssuurr llaa ppoouussssééee dduu ppaarrtteennaaii rree))
«« llee ssooll ii ttaaii rr ee »» ppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree ppoouurr eennttrreerr ddaannss llee cceerrccllee
«« llee cceerr cceeaauu »» rreeppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree ppoouurr
eessssaayyeerr dd’’ eennttrreerr llee pprreemmiieerr ddaannss llee cceerrcceeaauu
((33 -- 44 jjoouueeuurrss))
«« CClloocchhee ppiieedd »» ppoouusssseerr ll ’’ aauuttrree ddeerrrriièèrree
ssaa ll iiggnnee oouu lluuii ffaaii rree ppoosseerr llee ppiieedd aauu ssooll ((cchhaannggeerr ddee ppiieedd))
TTeenniirr -- tt ii rr eerr
«« lleess ff rr èèrr eess eennnneemmiiss »» lleess ppaarr tteennaaii rreess ssee
ttiieennnneenntt àà llaa nnuuqquuee eett ddooiivveenntt eessssaayyeerr ddee ttii rreerr
ll ’’ aauuttrree vveerrss llaa ssoorrttiiee
«« llaa ggrr uuee »» lleess ppaarrtteennaaii rreess ssee
ttiieennnneenntt mmaaiinnss ddaannss llaa mmaaiinn ccrroocchheettééeess,, eennttrraaîînneerr ll ’’ aauuttrree ddeerrrriièèrree ssaa ll iiggnnee
Par 2 face à face : Une épingle (ou foulard) sur le thorax. Objectif : Toucher (ou attraper) avant d’être touché ou sans être touché les cibles suivantes :
• Aux poings : L’épingle et/ou le dessus de la tête • Avec le dessus des pieds : les épaules et/ou les flancs
396
«« llaa ccoorr ddee »» lleess ddeeuuxx ppaarrtteennaaii rreess
ttiieennnneenntt uunnee ccoorrddee ((oouu cceeiinnttuurree)) ddaannss cchhaaqquuee mmaaiinn eett cchhaaccuunn ttii rree
ll ’’ aauuttrree ddaannss ssoonn tteerrrrii ttooii rree
«« llee bbaall lloonn tt ii rr aaii ll lléé »» lleess ddeeuuxx ppaarrtteennaaii rreess ttiieennnneenntt uunn bbaall lloonn eett ttii rreenntt cchhaaccuunn ddeessssuuss ppoouurr ssee ll ’’ aarrrraacchheerr
«« llaa ppooiiggnneett ddee mmaaiinn »» lleess ppaarrtteennaaii rreess ssee sseerrrreenntt llaa mmaaiinn eett
cchhaaccuunn ttii rree eenn sseennss ooppppoosséé ppoouurr ffaaii rree ppaasssseerr
llaa ll iiggnnee àà ll ’’ aauuttrree ((vvaarriiaannttee :: ppaasssseerr ddeerrrriièèrree ll ’’ aauuttrree))
«« llee ggeennddaarr mmee eett llee vvoolleeuurr »» ((vvaarr iiaannttee))
llee ggeennddaarrmmee cceeiinnttuurree llee vvoolleeuurr eett ttii rree ppoouurr
ll ’’ aammeenneerr eenn pprriissoonn.. LLee vvoolleeuurr ddee ssoonn ccoottéé
eessssaayyee ddee ss’’ eennffuuii rr vveerrss ll ’’ aavvaanntt
«« llee dduueell »» ddooss àà ddooss lleess ppaarrtteennaaii rreess ttiieennnneenntt ddaannss cchhaaccuunnee ddeess mmaaiinnss uunnee cceeiinnttuurree eett cchhaaccuunn ttii rree ll ’’ aauuttrree
vveerrss ssaa ll iiggnnee
«« llee tt rr aacctteeuurr »» ddeeuuxx ppaarrtteennaaii rreess ddoonntt ll ’’ uunn ss’’ aaccccrroocchhee àà llaa cceeiinnttuurree ddee ll ’’ aauuttrree..
CCeelluuii qquuii eesstt tteennuu àà llaa cceeiinnttuurree ttii rree vveerrss uunnee
ll iiggnnee,, ll ’’ aauuttrree rrééssiissttee eenn llee rreetteennaanntt
«« cchhaassssee aauu bbaall lloonn »» ttii rreerr llee bbaall lloonn qquuii eesstt
bbllooqquuéé ssoouuss llee ppaarrtteennaaii rree àà 44 ppaatttteess
«« ll ’’ hhoommmmee ddee llaa jj uunnggllee »»
llee jjoouueeuurr qquuii aa llee rrôôllee dduu ssiinnggee eesstt eenn ff lleexxiioonn ddee jjaammbbeess.. LL’’ aauuttrree ttiieenntt
ssoonn ssiinnggee ppaarr llaa mmaaiinn eett llee pprroommèènnee ((ttii rree))
ppeennddaanntt 2200 sseeccoonnddeess
SSee ddééppllaacceerr «« llee ggééaanntt eett llee nnaaiinn »» ddeeuuxx ppaarrtteennaaii rreess ffaaccee àà ffaaccee ddoonntt uunn àà ggeennoouuxx.. CCeelluuii qquuii eesstt ddeebboouutt ddooii tt ppaasssseerr ddeerrrr iièèrree
ll ’’ aauuttrree qquuii ll ’’ eenn eemmppêêcchhee
«« ll ’’ aatt tt rr aappee cchheevvii ll llee »» lleess ddeeuuxx jjoouueeuurrss ssoonntt ffaaccee àà ffaaccee ddeebboouutt,, llee
bbuutt eesstt ddee ssaaiissii rr àà ddeeuuxx mmaaiinnss uunnee cchheevvii ll llee dduu
ppaarrtteennaaii rree
«« llaa bbééqquuii ll llee »» uunn ddeess jjoouueeuurr ttiieenntt llaa jjaammbbee ddee ll ’’ aauuttrree,, ccoottéé iinnttéérriieeuurr,, eett tteennttee ddee
ppaasssseerr àà ll ’’ eexxttéérriieeuurr ddee cceell llee--ccii ssaannss llaa llââcchheerr
((vvaarriiaannttee :: ddééssééqquuii ll iibbrreerr,, ffaauucchheerr
ppoouurr ffaaii rree cchhuutteerr))
«« ttoouucchhee ééppaauullee »» lleess ddeeuuxx jjoouueeuurrss
ttiieennnneenntt aavveecc uunnee mmaaiinn uunnee mmêêmmee cceeiinnttuurree,, ii ll
ss’’ aaggii tt ddee ttoouucchheerr ll ’’ ééppaauullee ddee ll ’’ aauuttrree aavveecc
llaa mmaaiinn ll iibbrree
«« ppiinnccee ddee ccrr aabbee »» LLeess ddeeuuxx jjoouueeuurrss ssoonntt ffaaccee àà ffaaccee àà ggeennoouuxx,, ii ll ffaauutt tteenntteerr ddee ssaaiissii rr àà uunnee oouu ddeeuuxx mmaaiinnss llaa cchheevvii ll llee ddee ll ’’ aauuttrree,, aauuttaanntt ddee ffooiiss qquuee
ppoossssiibbllee eenn uunn tteemmppss ddoonnnnéé
AAll llééggeerr «« ll ’’ aasscceennsseeuurr »»
UUnn ddeess ddeeuuxx jjoouueeuurrss aaggeennoouuii ll lléé ssaaiissii tt lleess
ddeeuuxx jjaammbbeess ddee ll ’’ aauuttrree aauu ssiiggnnaall ,, ii ll ddooii tt
ssoouulleevveerr dduu ssooll cceelluuii qquuii eesstt ddeebboouutt eett qquuii ,, rrééssiissttee ssaannss bboouuggeerr
«« llaa ggrr uuee »» UUnn ddeess jjoouueeuurr eesstt ddeebboouutt,, ll ’’ aauuttrree àà 44
ppaatttteess,, llee 11eerr fflléécchhii tt ssuurr sseess jjaammbbeess eett ddooii tt
ddééccooll lleerr ll ’’ aauuttrree dduu ssooll ((vvaarriiaannttee :: eett llee
rreettoouurrnneerr))
«« lleess ppoommppiieerr ss »» UUnn ddeess jjoouueeuurrss ssee ffaaii tt
ppoorrtteerr eenn ppoossii ttiioonn aall lloonnggéé,, ll ’’ aauuttrree
ll ’’ eennttoouurree aavveecc sseess bbrraass eenn ppoorrtteeuurr eett llee ddééppoossee
ddoouucceemmeenntt
TTaasssseerr «« aatt ttaaqquuee dduu lloouupp »»
UUnn ddeess jjoouueeuurrss ss’’ aaccccrroocchhee àà uunnee ppaarrttee
dduu ccoorrppss ddee ll ’’ aauuttrree jjoouueeuurr qquuii eessssaayyee ddee ssee
ddééggaaggeerr llee pplluuss vvii ttee ppoossssiibbllee ((vvaarriiaannttee :: 22 aauu
ssooll ,, uunn ggeennoouu ll ’’ aauuttrree ddeebboouutt))
«« llee ppooiiddss lloouurr dd »» UUnn ddeess jjoouueeuurr eesstt ssuurr llee
ddooss,, ll ’’ aauuttrree eesstt aauu ddeessssuuss,, lleess mmaaiinnss ddaannss llee ddooss eett ppèèssee ddee ttoouutt
ssoonn ppooiiddss.. LLee jjoouueeuurr ssuurr llee ddooss ddooii tt rreevveennii rr ssuurr llee
vveennttrree
«« ll ’’ aappeessaanntteeuurr »» DDeeuuxx jjoouueeuurrss :: 11 ddeebboouutt qquuii mmaaiinnttiieenntt eenn ttaassssaanntt aavveecc sseess mmaaiinnss,, uunn aauuttrree
jjoouueeuurr àà 44 ppaatttteess qquuii ddooii tt rreevveennii rr ddeebboouutt llee
pplluuss vvii ttee ppoossssiibbllee
«« llaa ppaarr aassii ttee »» UUnn ddeess jjoouueeuurrss eesstt àà 44 ppaatttteess,, ll ’’ aauuttrree ppèèssee àà ppllaatt vveennttrree lleess mmaaiinnttss
ddaannss llee ddooss.. LLee jjoouueeuurr àà 44 ppaatttteess ddooii tt aavvaanncceerr ,,
ttoouurrnneerr ,, ppoouurr ssee ddéébbaarrrraasssseerr ddee ccee
ppaarraassii ttee ((vvaarriiaannttee :: «« llaa ssaannggssuuee »»,, eell llee
ss’’ aaccccrroocchhee,, oonn ddooii tt llaa ddééccrroocchheerr))
«« ccoouucchheerr llee ggrr iizzzzll ii »» uunn jjoouueeuurr eesstt àà ggeennoouuxx,, ll ’’ aauuttrree ddeebboouutt lluuii ttiieenntt llaa cceeiinnttuurree aavveecc uunnee
mmaaiinn eett llee ppooiiggnneett aavveecc ll ’’ aauuttrree mmaaiinn.. AA ppaarrttii rr
ddee cceettttee ssaaiissiiee,, llee jjoouueeuurr qquuii eesstt ddeebboouutt ddooii tt
aammeenneerr ll ’’ aauuttrree ssuurr llee ddooss
«« llaa lluutt ttee cchhiinnooiissee »» LLeess 22 ppaarrtteennaaii rreess oonntt lleess
mmaaiinnss ssuurr lleess ééppaauulleess ddee ll ’’ aauuttrree,, eett ssee
ttiieennnneenntt,, ii llss ddooiivveenntt aavveecc llaa ppooiinnttee dduu ppiieedd
ttoouucchheerr aauuttaanntt qquuee ppoossssiibbllee lleess ppiieeddss ddee
ll ’’ aauuttrree
«« lluutt ttee dd’’ II ssttaammbbuull »» FFaaccee àà ffaaccee,, eessssaayyeerr ddee ddééccooll lleerr llee ppaarrtteennaaii rree dduu ssooll eett mmaarrcchheerr 22 ppaass
eenn llee ppoorr ttaanntt
RReettoouurr nneerr
«« lluutt ttee aamméérr iiccaaiinnee »» AA ccaall ii ffoouurrcchhoonn ssuurr llee ppaarrtteennaaii rree àà 44 ppaatttteess llee rreettoouurrnneerr ppuuiiss cchhaannggeerr
ddee rrôôllee
397
«« lluutt ttee ccoonnggoollaaiissee »» LLeess ddeeuuxx jjoouueeuurrss ssee
ttiieennnneenntt ppaarr lleess mmaaiinnss,, ii ll ffaauutt ffaaii rree ppoosseerr uunn ggeennoouuxx aauu ssooll àà ssoonn
ppaarrtteennaaii rree
«« lluutt ttee ssuummoo »» AAmméénnaaggeerr uunn cceerrccllee ((33 mm ddiiaammèèttrree)).. LLee bbuutt eesstt ddee ffaaii rree ssoorrttii rr ll ’’ aauuttrree dduu
cceerrccllee oouu ddee lluuii ffaaii rree ppoosseerr uunnee ppaarr ttiiee aauuttrree qquuee lleess ppiieeddss aauu ssooll
«« lluutt ttee ssuuiissssee àà llaa cceeiinnttuurr ee »»
LLeess ddeeuuxx ppaarrtteennaaii rreess ffaaccee àà ffaaccee,, llee bbuutt dduu jjeeuu
eesstt ppaasssseerr ddeerrrr iièèrree ll ’’ aauuttrree eett ddee
ss’’ aaccccrroocchheerr àà ssaa cceeiinnttuurree))
«« lleess oouurr ss ddaannss llaa ttaanniièèrr ee »»
SSoorrttii rr lleess oouurrss qquuii ddoorrmmeenntt llee pplluuss vvii ttee
ppoossssiibbllee
«« lleess vviirr uuss »» AA ll ’’ iinnttéérriieeuurr dd’’ uunn cceerrccllee,, ppoouusssseerr ((eett
rreeppoouusssseerr)) lleess aauuttrreess aaff iinn qquu’’ ii llss nn’’ eennttrreenntt ppaass
«« sseeuull mmaaîîtt rr ee àà bboorr dd »» PPoouusssseerr lleess aauuttrreess eenn ddeehhoorrss dduu cceerrccllee ppoouurr
lleess ééll iimmiinneerr eenn rreessttaanntt llee ddeerrnniieerr
«« llaa cchheennii ll llee »» LLeess ddeeuuxx ééqquuiippeess ssee
ttiieennnneenntt ppaarr lleess hhaanncchheess lleess uunnss ddeerrrriièèrreess lleess aauuttrreess.. LLeess 22 11eerr ssee
ttiieennnneenntt ppaarr llaa mmaaiinn,, oonn ttii rree ll ’’ ééqquuiippee aaddvveerrssee
ddeerrrriièèrree uunnee ll iiggnnee
«« lleess ssttaattuueess eett lleess LL ii ll ll iippuuttiieennss »»
LLeess ssttaattuueess ssoonntt ddeebboouutt iimmmmoobbii lleess,, lleess
ll ii ll ll iippuuttiieennss àà ggeennoouuxx ddooiivveenntt lleess ffaaii rree ttoommbbeerr
llee pplluuss ddoouucceemmeenntt ppoossssiibbllee
«« lleess ccoolloonnnneess ddee mmaarr bbrr ee »»
LLeess ccoolloonnnneess ssoonntt bbiieennss aall iiggnnééeess ssuurr llee ccôôttéé dduu ttaappiiss.. LLeess ddéémméénnaaggeeuurrss
vvoonntt lleess ddééppoosseerr ssuurr ll ’’ aauuttrree ccôôttéé dduu ttaappiiss
«« llee nnœœuudd dduu ppêêcchheeuurr »»
UUnnee ééqquuiippee ssee ddiissppoossee eenn ppaaqquueett hhuummaaiinn lleess uunnss ssuurr lleess aauuttrreess.. UUnn jjoouueeuurr ((oouu ll ’’ ééqquuiippee))
ddooii tt ddéémmêêlleerr ccee ssaacc ddee nnooeeuudd
«« rr uuggbbyy lluutt tteeuurr »» DDeeuuxx ééqquuiippeess eenn
ppoossii ttiioonn ddee qquuaaddrruuppééddiiee cchheerrcchheenntt àà aammeenneerr llee bbaall lloonn ddeerrrriièèrree llaa ll iiggnnee aaddvveerrssee ((aavveecc oouu ssaannss ppaasssseess)).. TToouutt jjoouueeuurr
iimmmmoobbii ll iisséé ddooii tt llââcchheerr llee bbaall lloonn
«« ll ’’ aaiiggllee eett lleess aaggnneeaauuxx »»
AAuu ssiiggnnaall ,, lleess aaggnneeaauuxx ((AA)) ttrraavveerrsseenntt lleess ttaappiiss,,
ll ’’ aaiiggllee àà ggeennoouuxx lleess iimmmmoobbii ll iissee ssuurr llee ddooss ::
ii llss ddeevviieennnneenntt aaiiggllee
«« lleess ccrr ooccooddii lleess »» LLeess ccrrooccooddii lleess àà 44
ppaatttteess ffoonntt cchhuutteerr lleess aavveennttuurriieerrss ddeebboouutt
((vvaarriiaannttee uunn mmaaiinn aauu ssooll ,, uunn ggeennoouu,, ssuurr llee
ddooss))
«« llaa mmaannggoouussttee eett llee sseerr ppeenntt »»
LLee jjoouueeuurr aall lloonnggééee ssuurr llee ssooll ddooii tt aatttteeiinnddrree ll ’’ ooppppoosséé dduu ttaappiiss..
LL’’ aauuttrree jjoouueeuurr ddooii tt ll ’’ eenn eemmppêêcchheerr ((nnee ppaass tteennii rr ppaarr llaa ttêêttee,, nnii ppaarr lleess
ppiieeddss == ddaannggeerr))
Plus spécifiquement…
11.. Touche cheville – 1c1 : Toucher la cheville de l’autre sans se faire toucher la sienne. 22.. Touche épaule – 1c1 : Toucher les épaules de l’autre sans se faire toucher les siennes. 33.. Touche dos – 1c1 : Toucher le dos de l’autre sans se faire toucher le sien. 44.. Touche tête – 1c1 : Toucher le dessus de la tête de l’autre sans se faire toucher la sienne. 55.. Touche cheville, épaule, dos, tête : Toutes cibles admises. 66.. Attrape poignet – 1c1 : Attraper les poignets de l’autre sans se faire attraper les siens. 77.. Soulever l’autre – 1c1 : Soulever l’autre sans se faire soulever (sans faire tomber). 88.. Le béret – 1c1 : Attraper un objet posé au sol sans se faire toucher.
� LES TECHNIQUES DE POINGS (Les Tsuki) Préambule : 2 techniques sont abordées :
Poing et jambe devant du même coté (Oï Tsuki ou Kisami Tsuki)
398
La compétence : « Atteindre une cible avec les poings » répond à un objectif : « Etre capable de gérer simultanément 4 principes d’action :
• La vitesse • La distance • La précision • Le respect des critères de réalisation technique
Les critères de réalisation des techniques de poings dans le cadre de l’EPS au collège sont :
• Aller / Retour du bras dans un mouvement rectiligne (Le poing vient se placer sur la hanche en fin d’action > Voir figure ci-dessus)
• Buste droit • Les 2 pieds au sol
Exercices C1 – Gestion « vitesse – précision » - Travail de la trajectoire rectiligne du bras Par 2 face à face : Uke tient bras tendu, un morceau de ceinture devant Tori qui se place en garde à distance de bras tendu de la cible.
V1 / Idem mais Tori boxe le morceau de ceinture du poing arrière avant que Uke ne retire la cible. V2 / Même principe mais Tori et Uke sont de face (et non en garde). Tori a les coude fléchis devant lui (poings sur le thorax) et attrape ou boxe de n’importe quel poing sans bouger l’autre. V3 / Même chose que V2 mais Uke tient 1 morceau de ceinture dans chaque main qu’il présente bras tendus devant Tori. Tori tente toujours d’attraper ou de boxer les cibles MAIS en ne visant qu’une cible à la fois – Uke ne doit retirer que la cible visée (Travail difficile) C2 – Gestion « vitesse - précision – distance » - Travail de la trajectoire rectiligne du bras et du déplacement
V1 : Poing de devant – fente avant (coté déplacement) V2 : Poing de derrière – fente avant (Forme Gyaku Tsuki) V3 : Enchaîner poing avant dans le vide avant d’atteindre la cible avec le poing arrière. V4 : Placer le pied arrière dans un cerceau afin d’optimiser les effets du déplacement en fente avant. V5 : Placer seulement le pied avant dans un cerceau (pied arrière à l’extérieur – Fig 1). Le déplacement consiste alors à sortir le pied avant devant le cerceau en fente avant alors que le pied arrière reste toujours derrière (le cerceau est alors entre les pieds – Fig 2) puis retour du pieds avant dans le cerceau après avoir atteint la cible.
Par 3 face à face, 1 élève tient 1 ou 2 morceaux de ceinture entre les 2 partenaires, placés en garde à plus ou moins 1 mètre des cibles. Au signal de A, les 2 adversaires doivent attraper le premier, le ou leur morceau de ceinture sur la forme… (voir variantes ci-dessous)
Poing et jambe avant opposés (Gyaku Tsuki)
But : Uke retire la cible avant que Tori ne l’attrape du poing arrière (vitesse et réflexe > Forme Gyaku Tsuki). Les pieds restent sur place (se rapprocher si impossible)
399
Fig 1 Fig 2 V6 : Idem V5 en position d’origine (figure 1, ci-dessus) mais se déplacer au signal en pas chassé pour atteindre sa cible du poing arrière (Le pied arrière entre dans le cerceau en 1er puis le pied avant sort devant le cerceau pour la saisie) C3 – Gestion « distance - vitesse » Travail de la trajectoire du bras et du déplacement
V1 : Idem en terme d’objectif mais une ceinture posée sur le sol (ou un trait) devient la limite à ne pouvoir franchir qu’avec 1 pied (fig 3).
fig 3 V2 : Idem en terme d’objectif (attraper l’épingle adverse) mais un des 2 partenaires doit garder le pied ARRIERE dans un cerceau – L’adversaire gravite librement. V3 : Idem en terme d’objectif (attraper l’épingle adverse) mais un des 2 partenaires doit garder le pied AVANT dans le cerceau – L’adversaire gravite librement. -> La pression est plus important pour celui qui est dans le cerceau (induction du contre et des blocages) C4 – Critères de réalisation technique - « Induire le geste technique »
Par 3, A tient cette fois-ci un cerceau entre 2 partenaires. Chacun porte une cible (épingle sur le buste) : Attraper l’épingle adverse en ne travaillant qu’à travers le cerceau.
Par 2 face à face, chacun tient le bout d’une ceinture (fig de gauche) et réalise des techniques de poings en respectant la symétrie du mouvement : 1 poing frappe / l’autre se place sur la hanche à l’envers
400
� LES TECHNIQUES DE PIED (Mawashi Géri) Préambule : 1 technique est abordée sous 2 formes :
1. Avec le pied arrière 2. Avec le pied avant (en pas chassé)
La compétence : « Atteindre une cible avec les pieds » répond à un objectif : « Etre capable de gérer simultanément 5 principes d’action » :
• L’équilibre • La vitesse / La distance / La précision • Le respect des critères de réalisation (ci-dessus)
Les critères de réalisation des techniques de pieds dans le cadre de l’EPS au collège sont :
• Aller - Retour du pied dans un mouvement de flexion-extension du genou (figure ci-dessus) • Retour en position de garde (pas de déséquilibre après le coup de pied) • Action circulaire : Corps de profil au moment de la flexion-extension du genou – C’est le dessus du
pied qui atteint la cible.
Les facteurs limitant étant la souplesse et le contrôle (risque d’impact), les cibles en milieu scolaire sont : � Les épaules (et non la tête) � Les flancs
Exercices C1 – Gestion « Distance - précision – équilibre – respect des CRT » Mawashi géri Par 2 face à face : Uke mains dans le dos, droit sur ces genoux fait face IMMOBILE à Tori – Objectif : Tori debout quant à lui, doit aller toucher avec le dessus du pied, la nuque de Uke. (Rien d’autre n’est donné comme consigne) Rq : La tête n’est pas une cible, cependant cet exercice oblige Tori à prendre toutes les précautions nécessaires en réalisant le geste lentement. Les variantes qui suivent ont pour objectif de favoriser l’acquisition des critères de réalisation de cette 1er situation. V1 : La jambe doit être tendue au moment de la touche (Calcul de la distance)
401
V2 : Le corps doit être de profil au moment de la touche (Gestion de l’équilibre) V3 : Aller toucher par une flexion extension du genou (Coordination) V4 : Les bras ne doivent servir à tenir l’équilibre (rester en garde : Une bras devant, un bras derrière) V5 : Uke toujours debout sur ces genoux, écarte ses bras sur le coté (Obligeant une action circulaire du coup de pied) V6 : Tori place à la distance qu’il juge correcte, un cerceau dans lequel il met le pied AVANT afin de donner un coup de pied ARRIERE – L’objectif est le calcul de cette distance en vu de maintenir les critères énoncés précédemment (La jambe doit être tendue au contact). V7 : Idem V6 mais en plaçant dans le cerceau le pied ARRIERE afin de réaliser le coup de pied avec celui de devant -> Réalisation préalable d’un pas chassé dans le cerceau (Le pied arrière entre dans le cerceau avant que le pied avant se lève) V8 : Idem de V1 à V7 avec Uke debout sur ses pieds et comme nouvelle cible les EPAULES.
C2 – Gestion « Vitesse - précision » Mawashi géri
V1 : Idem avec la pied arrière V2 : Idem mais avec un cerceau placé au sol imposant une distance obligeant une extension maximale du genou (Le passage de profil devient alors un élément qui permet d’augmenter la distance à « récupérer » entre la position de départ et la cible). C3 – Gestion « Equilibre - CRT » - Mawashi géri
Par 3 face à face, 1 élève (A) tient 1 morceau de ceinture dans chaque main, entre 2 partenaires placés en garde à plus ou moins 1 mètre des cibles. Au signal de A, les 2 adversaires doivent toucher avec le dessus du pied AVANT (Pas chassé), leur morceau de ceinture respectif dans le respect des CRT de mawashi géri.
Seul avec un cerceau tenu dans la main arrière : forme Gyaku
Réaliser le coup de pied dans le cerceau à partir du pied arrière sans le faire bouger et en le tenant le plus haut possible.
V1 : Par 2, face à face, chacun tient le bout d’une même ceinture de la main avant ou arrière et réalise le coup de pied au dessus de la ceinture – Celle-ci doit rester tendue.
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� LES TECHNIQUES DE BLOCAGES Jodan Age Uke – Uchi ou Soto Uke – Gédan Baraï
Préambule : 4 techniques sont abordées :
La compétence : « Bloquer une attaque » répond à un objectif : « Etre capable d’identifier le niveau (la hauteur) de l’attaque et la nature de cette attaque (pieds ou poings) » L’étude des critères de réalisation de ces 4 techniques, nous amène à identifier leurs intentions :
1. Pour les attaques visage (hautes), la technique la plus appropriée a pour objectif de dévier la trajectoire de l’attaque vers le HAUT (Jodan Age Uke)
2. Pour les attaques médianes et basses, les techniques les plus appropriées ont pour objectif de dévier les trajectoires des attaques sur le coté (Uchi Uke, Soto Uke et Gédan Baraï)
Dans le cadre de l’activité en EPS, ce sont ces intentions qui sont retenus plutôt que le strict respect des critères de réalisation.
Exercices Préambule : La qualité des blocages ne vaut qu’au regard de la qualité des attaques. En conséquence, le travail des attaques précède. C1 : Jodan Age Uke (Blocage Haut)
V1 : Les 2 partenaires sont debout V2 : Les 2 partenaires sont debout, Uke garde le pied arrière dans un cerceau V3 : Idem V2 mais Uke garde le pied avant dans un cerceau (prégnance du blocage) V4 : Idem, Uke, dos collé contre un mur V5 : Libre, debout et sans statut.
Par 2 face à face, un foulard attaché sur le ventre. Uke un genou au sol, doit empêcher Tori (debout) de lui toucher le dessus de la tête avec les mains (forme Kisami ou Gyaku Tsuki). Uke met la pression, en tentant aussi d’attraper le foulard de Tori (Debout).
403
C2 : Gédan Baraï (Blocage bas)
C3 : Uchi et/ou Soto Uke (Blocage médian)
V1 : Les 2 partenaires sont debout V2 : Les 2 partenaires sont debout, Uke garde le pied arrière dans un cerceau V3 : Idem V2 mais Uke garde le pied avant dans un cerceau (Augmente les effets du blocage) V4 : Idem, Uke, dos collé contre un mur V5 : Libre, debout et sans statut = Situation de référence.
Variante : Combiner toutes les attaques afin d’augmenter la compétence défensive
� LES ENCHAINEMENTS D’ATTAQUES
Les enchaînements sont des combinaisons COMPATIBLES d’éléments techniques. Au regard des 2 techniques de poings et de la seule technique de pied abordée dans ce cycle, les enchaînements mettant en jeu la combinaison de 2 techniques sont restreints.
• Poing / poing • Pied / poing
L’intérêt des enchaînements est tactique (Chapitre suivant).
D’une façon générale, les exercices suivants combinent entre eux les exercices précédents
Idem « Jodan Age Uke » MAIS le but est de mettre en évidence le blocage que Tori doit mettre en œuvre devant la pression de Uke (à genou)
Par 2 face à face, une épingle attachée sur la manche. Objectif : Attraper l’épingle adverse sans se faire attraper la sienne
Par 2 face à face, une épingle attachée sur le ventre. Uke, un genou au sol, doit empêcher Tori (debout) de lui toucher les épaules ou les flancs avec le dessus des pieds (Mawashi Géri). Uke met la pression à Tori (debout) en tentant aussi de lui attraper son foulard.
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C1 - Les enchaînements Pied / poing
C2 - Les enchaînements Poing / poing
Au signal de A (au centre) -> 1 morceau de ceinture dans chaque main. • Enchaîner poing de devant en fente avant / pied de devant • Enchaîner poing de devant en fente avant / pied de derrière • Variantes : Avec cerceaux pour imposer les déplacements
En augmentant le nombre de cibles à atteindre :
• Les épaules (ou les flanc) en mawashi géri • Le dessus de la tête avec les mains
2 cibles possibles : • Le dessus de la tête avec les mains • L’épingle de Uke (au sol)
En augmentant le nombre de cibles à atteindre : • Le dessus de la tête avec les mains • L’épingle sur la manche (ou dans le dos)
D’une façon générale, en introduisant à chaque cours, les acquisitions dans la situation de référence :
Par 2 face à face : Toutes cibles possibles
405
� Finalité du cycle
Si les contenus précédents ont permis de construire les éléments d’opposition à travers leurs principes
d’action (vitesse – distance – précision – respect des critères de réalisation technique et équilibre pour les coups de pieds), il s’agit maintenant de mettre en évidence auprès des élèves une gestion « réfléchie » du combat.
Les composantes tactiques du combat (Trame globale qui s’affine avec le règlement d’arbitrage)
� L’attaque directe <=> Parce que l’adverse ne réagit pas ou peu (reste sur place et ne cherche pas à bloquer)
� Les enchaînements <=> Parce que l’adversaire recule avec ou sans blocage � Les feintes <=> Parce que l’adversaire a tendance à bloquer (défense active) � Les confusions <=> Parce que l’adversaire cherche à contrer (Attitude défensive optimale)
Ceci implique que les combattant s’appuient sur une « lecture » préalable de l’adversaire afin d’activer un projet tactique adéquate.
Mise en situation à partir de la situation de référence
C1 – « Evaluation le rendement de ses attaques » Par 5, 1 arbitre, 2 combattants, 2 observateurs : travail sur fiche – Noter le nombre d’attaque réalisées à comparer au nombre d’attaques marquées. (Rendement)
C2 – « Adapter la nature des attaques aux scores » Par 3, 1 arbitre, les élèves combattent pendant 30 secondes avec un score de type 0 -.1 (Changer les rôles après 30 secondes ou en fonction d’un résultat atteint) V1 - Score de départ 0-2 V2 – Score de départ 7-7 – Premier arrivé à 10 pts V3 – Au score et aux pénalités (voir fiche de séance N°10 en Annexe) Cette consigne et ces variantes permettent d’intégrer progressivement les règles d’arbitrage. C3 – « Analyser le profil adverse afin de mettre en œuvre un projet adapté » Par 5, 1 arbitre, 2 combattants, 2 observateurs qui coachent en direct un partenaire qui combat. Objectif : Renseigner celui-ci sur les tendances réactives observées et conseiller le profil tactique à adopter.
LA GESTION TACTIQUE DE L’OPPOSITION
- Les attaques directes - Les enchaînements
- Les feintes - Les confusions (désinformations)
Toutes cibles possibles ou presque
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L’évaluation
� Les points Pour être VALABLE : A) Une technique de poing devra être réalisée au moment de la saisie ou du toucher :
• Les 2 pieds au sol • Le buste droit • Par flexion extension du bras (pas de mouvement circulaire de type « chiper ») • Retour du poing sur la hanche
� Si l’épingle sur le thorax est attrapée ou le dessus de la tête est touché dans ces conditions, alors l’élève marque 1 point (C’est à dire : IPPON)
« Signe de l’arbitre du coté de celui qui marque »
B) Une technique de pied devra être réalisée, au moment du touché :
• Sans tomber (retour en équilibre sur les 2 pieds) • Avec le dessus du pied, sans percussion (toucher) • Par flexion extension du genou - corps de profil (pas de mouvement jambe tendue)
� Si le flanc est touché dans ces conditions alors l’élève marquera 2 points (NIHON)
� Si l’épaule est touché dans ces conditions alors l’élève marquera 3 points (SAMBON)
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C) Possibilités supplémentaires avec les poings
� Si l’épingle sur le thorax est attrapée ou le dessus de la tête est touché dans le respect des conditions prévue APRES un « Balayage » (déséquilibre de l’adversaire), OU si le dos est touché au poing, alors l’élève marque 2 points (NIHON)
� Les pénalités
2 cas de figure :
Les sorties de l’aire de combat TOUTE SORTIE EST INTERDITE - La surface est d’environ 8 à 10 mètres carrés.
• A la première sortie (pied ou corps touchant l’extérieur de la surface de combat) : Simple avertissement (L’arbitre le signale au compétiteur, c’est tout).
• A la 2ème sortie, l’arbitre donne 1 point à l’adverse (IPPON > Voir signe de l’arbitre ci-dessus) • A la 3ème sortie, l’arbitre donne 2 points à l’adversaire (NIHON ) • A la 4ème sortie, l’arbitre ne donne pas SAMBON mais la victoire à l’adversaire. Le combat est terminé.
Rq : Il est possible de s’appuyer sur cet aspect du règlement lorsque l’adversaire à tendance à trop reculer face aux attaques (Gestion tactique liée au règlement) -> Le faire sortir sans le pousser (sinon pas de pénalité).
Les percussions non contrôlées et/ou actions interdites Les percussions sont INTERDITES, seule la TOUCHE est autorisée (Contrôle). Plusieurs cas de figure se présentent :
• La cible est une cible autorisée mais percutée sans contrôle (Epaule, flanc, thorax et dessus de la tête) + A chaque fois que l’élève protégera manifestement son épingle en mettant une main dessus.
� 1ère fois : simple avertissement � 2ème fois > IPPON à l’adversaire � 3ème fois > NIHON à l’adversaire � 4ème fois > Victoire de l’adversaire
• . Additif renforçant le respect des consignes de sécurité : Frappes répétés dans les bras (La garde),
les jambes, le visage ou ailleurs : � Pas d’avertissement - 1ère fois > NIHON direct à l’adversaire � 2ème fois > Victoire de l’adversaire (Peut être donnée directement si l’attitude est
agressive ou l’adversaire monte les pieds au visage).
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� Rôle de l’arbitre, des juges et de l’arbitrator
A) Disposition des combattants
A chaque fois que l’arbitre, aidé de ses juges et de l’arbitrator (qui note le score et les pénalités sur une feuille) observent à la majorité, un point ou une pénalité, celui-ci arrête le combat en disant YAME (Yamé).
• Les combattants cessent immédiatement le combat et regagne leur place ainsi que l’arbitre (voir figure ci-dessus = En triangle)
• SEUL l’arbitre PARLE et attribue les points. Les juges donnent leur avis sur la nature des
points, par signes (Voir ci-dessous). Ils sont assis (les signes sont les mêmes que celui de l’arbitre. Ils indiquent la valeur des points du coté du combattant qui marque ou qui doit être pénalisé – Les drapeaux ne sont pas nécessaires).
« Les signes des juges »
Ippon Nihon Sambon L’arbitre DOIT attribuer les points selon l’avis général (juges et arbitrator). A défaut d’avis, il peut attribuer seul, les points.
• Lorsque l’arbitre relance ou lance le combat, il dit ADJIME (Adjimé) et s’écarte des
combattants pour avoir un champ de vision optimal. • Pour indiquer que les points sont des pénalités, l’ arbitre le précise avant d’attribuer le ou les
points.
Surface de combat (6x6 mètres)
C1 C2
Arbitrator (Note les scores) Juge 1
(Assis sur 1 chaise)
Possibilité d’un 2ème juge, si poule > à 5
409
� Les protocoles d’évaluation
• Combat par poule de 5 à 7 maximum. (voir fiche) • Les poules sont constituée en fonction de la taille • Durée des combats : 1 minute 30 à 2 minutes maxi , temps plein (le chronomètre démarrage au
« Adjimé » et s’arrête au « Yamé ») • L’élève qui atteint le premier 10 points avant la fin du temps réglementaire, gagne (fin de combat).
Sinon, c’est celui qui a le plus de points qui l’emporte (1 victoire = 2 pts - Perdu = 1 point si l’élève a marqué au moins 1 pt, sinon 0 pt)
• L’élève qui gagne par disqualification (pénalités) reçoit 10 points • Ne pas oublier de marquer le score de chaque combat sur les fiches de poules (Maîtrise).
BAREME : Tableau de poule ci-joint.
Bibliographie Infokarate.com : Enseignement, formation et pédagogie (http://www.infokarate.com) DVD « La voie pédagogique » Volume 1 – Progression d’enseignement des techniques de percussion avec les poings chez les enfants débutants - 44 jeux et éducatifs DVD « La voie pédagogique » Volume 2 – Progression d’enseignement des techniques de blocages, des coups de pieds et aide à l’apprentissage des 1ers Kata - 70 situations d’enseignement. Règlement d’arbitrage : Fédération Française de Karaté et Discipline Associées (FFKDA) – ffkama.fr
410
Cycle : Karaté Séance : 1 Thème : Le salut – Accepter l’affrontement et mise en place de la situation de référence
Le salut et sa signification Jeux d’opposition – Varier la gamme des jeux allant de l’opposition au sol à des oppositions debout.
REGULATION Faire prendre conscience des réponses émotives qu’impliquent l’affrontement et mettre en évidence la notion de « maîtrise de ses émotions »
Situation Organisation : Par 2, face à face, une épingle accrochée sur le ventre :
1- « Attraper l’épingle adverse sans se faire attraper ou avant de se faire attraper la sienne ».
2- « Toucher le dessus de la tête adverse…»
REGULATION
• L’affrontement ne consiste pas uniquement à attraper des épingles ou à simplement toucher le dessus de la tête adverse mais à concevoir l’épingle ou le dessus de la tête comme des cibles que l’on doit atteindre en prenant en compte des critères de réalisation propre au Karaté.
• Les attentes sur le plan de l’évaluation
Salut
Prise en main Echauffement « S’opposer en toute sécurité et sans agressivité » Mise place de la situation de référence Mise en évidence des enjeux du cycle Retour au calme
411
Cycle : Karaté Séance : 10 (Dernière) Thème : Mise en évidence des aspects tactiques de l’opposition (suite) – Arbitrage
Salut Jeux d’opposition
Situation Organisation : Par 3 sur une surface rectangulaire de 6 m de long (3 tapis en longueur -ceintures au sol) : 2 combattants – 1 arbitre (Rappel du règlement).
� Consigne 1 C1 et C2 choisissent au départ de l’opposition leur statut respectif (Attaquant ou défenseur). « Sachant que le défenseur ne peut ni avancer, ni attaquer en avançant (CAD prendre l’initiative), Quelle tactique l’attaquant d’une part et le défenseur d’autre part, peuvent mettre en œuvre pour marquer, sachant aussi que la sortie est interdite et vaut le cas échéant, un 1 point à l’attaquant ?»
REGULATION
• Changer de statut lorsque le défenseur marque • Changer de partenaire (cf/ 3 partenaires) • Changer de groupe
Faire un bilan par questionnement des réponses émises. Mettre en évidence que les sorties (voir règlement) sont des réponses tactiques à prendre en compte par l’attaquant devant un adversaire qui recule beaucoup en défense. Mettre en évidence la notion de « contre » pour le défenseur.
� Consigne 2 Organisation matérielle idem (par groupe de 3 – Bande de 6 m) mais cette fois-ci 1 des 2 combattants qui prendra le rôle d’AKA, tire au sort avant de commencer, une fiche spécifiant les conditions de départ des combats (Cette fiche indique le score en cours et les pénalités cumulées)
REGULATION
Faire un bilan par questionnement des réponses émises. Explorer les diverse propositions tactiques induites.
Prise en main Echauffement
Arbitrage +
Adapter sa tactique en fonction de son statut (Approche du
contre…).
Arbitrage +
Construire ses projets tactiques en fonction de
l’évolution du score Retour au calme
C1 C2 Arbitre
412
Fiche élève séance 10
Aka – 1 pt Aho – 3 pts (2 sorties)
Premier arrivé à 5 points
Aka – 8 pts Aho – 8 pts (1 sortie)
Premier arrivé à 10 points
Aka – 7 pts (1 sortie) Aho – 7 pts (1 sortie)
Premier arrivé à 10 points
Aka – 7 pts (2 sorties) Aho – 8 pts (1 sortie)
Premier arrivé à 10 points
Aka – 8 pts (3 sorties) Aho – 3 pts
Premier arrivé à 10 points
Aka – 7 pts Aho – 7 pts
Premier arrivé à 10 points
413
ANNEXE 28
Chercheur © : Alain, peux-tu tout d’abord nous donner ton expérience de pratiquant en
karaté ?
Alain (A) : J’ ai commencé dans un tout petit club, je devais avoir onze ans, cela devait être
du shotokan si mes souvenirs sont bons. Ensuite, il a fallu que j’attende 1980, s’est ouvert
chez moi un club de taekwondo. C’est important pour moi parce que je passe la ceinture noire
de taekwondo en 1984, pas dans le cadre de la fédération indépendante de taekwondo. C’est là
que va commencer ma carrière d’enseignant car en 1984, j’ai repris le club. Je continuai à
pratiquer mais déjà être formateur, c’est formateur ! Je rentre en 1986 en STAPS à Clermont-
Ferrand et là je m’intéresse plus aux sports de combat en général. Je m’oriente dans mon
cursus universitaire vers le judo essentiellement, vers la boxe française aussi que je vais
pratiquer pendant deux ans. Mais comme j’avais toujours ma licence de taekwondo qui était à
l’époque sous tutelle de la FFKAMA, la fédération française de karaté, je participais aux
compétitions régionales dans le Limousin, en karaté. Et puis cela m’a amené à m’inscrire dans
un club de karaté à Clermont, moi qui sortait de mon petit club familial, là il devait y avoir au
moins trois cents inscrits, en shotokan. Premier entraînement on a dû voir tous les katas de
base, mais bon, j’avais aussi des katas en taekwondo alors cela ne m’a pas posé de problème
d’assimilation. Mais là où il s’est produit quelque chose pour moi, c’est qu’à la fin du cours,
c’était combat. Et bien sur, le débutant qui arrivait…toutes les ceintures noires ont voulu se le
prendre. Je me suis vite rendu compte que cela ne m’apportait rien d’y rester. Mais bon, j’ai
fini par trouver, de derrière les fagots, une petite structure, et je me suis entraîné. En
comparaison du stade Clermontois, on a fait aussi du combat, et là j’en ai pris plein la tête.
414
Alors là cela m’a interrogé, j’ai pris ma licence dans ce club et j’y suis resté jusqu’à la fin de
mon cursus STAPS, je suis parti de Clermont en 1991 après avoir passé mon 1er dan en 1988,
et j’ai évolué en compétition, au niveau régional. Je suis parti sur Paris et là je n’ai plus passé
de grades. J’ai été voir autre chose, par exemple, à Paris j’étais à côté de Shinen, en kobudo,
j’en ai fait un peu, dans une cave, c’était marrant, un grand Maître comme lui, s’entraîner
dans une cave, un garage…J’y suis resté un an, cela ne m’a pas plu. Trop traditionnel, trop
répétitif, alors je suis allé faire juste à côté de chez moi aussi de l’aïkido. Puis j’ai été muté et
quand je suis revenu ici chez moi j’ai repris le club, que je n’avais jamais abandonné, en shito
ryu. Et je continue depuis. Au niveau personnel, j’ai trouvé avec le club de Brive un référent
technique et je dois dire que le prof est vraiment très compétent, au-delà de son 6eme dan, c’est
quelqu’un qui a une démarche intéressante et une pédagogie. En plus, il a beaucoup orienté
son karaté avec le Chi Kong et cette approche proprioceptive est novatrice et à mon avis très
intéressante.
C : Alain, juste avant que tu ne commences cette première séance de ton cycle karaté, j’ai
juste à te demander quelles sont tes intentions, notamment en matière de savoir à enseigner ?
A : Tout d’abord je vais présenter l’art martial, dans l’environnement combat on va dire.
Ensuite, je vais procéder à une évaluation diagnostique des élèves, centrée sur l’acceptation de
l’opposition. Pour finir sera mise en place la situation de référence, à partir de laquelle
on travaille et sur laquelle les élèves sont évalués.
C : Tout cela me semble bien cadré et l’on sent que tu sais où tu vas, ce n’est donc pas un
galop d’essai, tu as déjà mené des cycles de karaté en EPS ?
A : Oui plusieurs, et je suis même intervenu en formation continue des enseignants d’EPS,
cette formation faisant intervenir une de mes classes, qui avait suivi un cycle de karaté et sur
laquelle je me suis basé pour aider les collègues à identifier concrètement des comportements
typique et matérialiser les situations, ce qui peut-être difficile pour des personnes qui n’ont
jamais pratiqué.
C : Peux-tu Alain faire un profil de la classe ?
A : Classe de troisième, profil, que j’ai annoncé au conseil de classe du deuxième trimestre :
« la croisière s’amuse ». Bonne ambiance, ils s’entendent très bien entre eux. Peu de rigueur
de travail. Certains éléments qui pourraient être des repères, mais c’est ponctuel. C’est une
415
classe que j’ai eu, au moins pour la moitié l’année dernière en quatrième, et c’était pareil. Les
résultats scolaires sont médiocres.
C : Alain, je te laisse récupérer ta classe et te remercie.
416
ANNEXE 29
A : Bien, on se met en place s’il vous plaît. Bon, alors on vient de changer d’activité
d’accord ? On passe de la natation au combat. Le dojo, pour la plupart d’entre vous, vous le
connaissez puisque ceux qui m’ont déjà eu par le passé ont eu l’occasion de faire du combat,
levez la main ! Facilement les deux tiers de la classe. Vous vous rappelez à peu près ce que
l’on avait fait ? Vous avez des souvenirs ? Combat, c’était quoi ?
Alors, vous avez déjà entendu parler du fait qu’ici on commençait à faire du karaté. On en a
fait avec une classe de quatrième, une de troisième. Il ne restait que vous et on va entamer ce
cycle un peu comme d’habitude, je vais avoir besoin de vous évaluer…mais pas sur le plan
technique en karaté, vous êtes sensés ne rien connaître de l’activité. Qui a déjà fait du karaté ?
Personne. Alors un art martial différent ? Type : viet vo dao? Personne. Alors, le karaté
qu’est- ce que c’est en tant que tel ? Si vous regardez bien, vous avez contre les murs des
photos de personnages, trois essentiellement. A votre gauche, vous avez Maître Ueshiba qui
est le fondateur de l’aïkido. Au milieu, vous avez Maître Kano, fondateur du judo et ici pour
terminer Maître Funakoshi, fondateur du karaté. Sur le plan historique karaté, judo aïkido,
dans les années 1880 ils n’ont rien inventé en soi. Ils ont extrait d’une même discipline trois
façons de combattre. Cette discipline, unique, s’appelait à l’origine le jutsu. C’est l’art de
combat des samouraïs. Alors chacun a été prendre une part du jutsu. Maître Ueshiba a pris
tout ce qui était taï sabaki c’est-à-dire toutes les esquives et a fondé l’aïkido. Maître Kano lui
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a pris tout ce qui était projections et a créé le judo. Après maître Funakoshi a pris tout ce qui
était percussions. Vous imaginez à l’origine une discipline où il y avait tout cela ? Par contre,
quand on fait du karaté, on peut retrouver tout cela. On le retrouve à partir d’une pratique un
peu plus large. Il ne s’agit pas uniquement de se dire, c’est bon j’ai fait deux cours, je suis
revenu aux origines des arts martiaux, je pratique comme on pratiquait avant. On va voir une
infime partie du karaté, cela va quand même s’approcher du karaté mais pour l’approfondir,
c’est pas en EPS que vous allez pouvoir le faire. On est au seuil de l’activité, on est sur une
forme d’activité, qui est originale dans le sens où elle ne se pratique pas partout. Je vais vous
la proposer sous sa forme dynamique, la forme combat. Parce que le karaté c’est du
combat, mais les entrées sont différentes. On peut faire de la technique mais la technique ne
va pas nous intéresser principalement. D’accord ? Bien, on va revenir à la réalité, vous vous
rappelez par quoi on commence ? Le salut. Allez !
Vous vous alignez par rapport à la ligne rouge. Le salut est une technique. Vous savez à quoi
elle sert cette technique ? Alors, oui, la notion de respect. Evidemment, on est dans une autre
culture. On va pas chercher à s’approprier la culture japonaise, on reste européen mais on va
essayer d’en comprendre un peu la signification. Le salut quelque part, c’est le don de soi, la
sincérité. Dans les arts martiaux, vous avez intérêt à comprendre cela dans le sens où quand
vous allez prendre quelques petits coups, ce qui va arriver, vous n’allez pas avoir un retour
agressif vis-à-vis de votre partenaire. Il va falloir essayer de comprendre pourquoi vous avez
pris ce coup, que quelque part on arrête pas un coup de poing avec son nez, il y a des
techniques avant. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il ne va pas falloir s’en prendre à l’autre.
Le deuxième problème, c’est qu’il va y avoir du mouvement. Les affrontements génèrent chez
certains des émotions qui peuvent s’extérioriser sous la forme de gestes violents. Juste après
le salut je vais commencer par vous faire faire de jeux, histoire de comprendre ce que cela
veut dire que maîtriser ses émotions…de façon à ce que, lorsqu’on sera en situation
d’opposition, ne pas laisser ses émotions prendre le pas, vous dominer et créer chez vous des
réponses négatives. Donc le salut, respect mais dans un premier temps respect de quoi ? Du
partenaire oui. Adversaire, partenaire. Duo, duel, on verra cela. Il y a aussi autre chose.
Quelque chose que vous avez du mal à respecter quand vous êtes au collège par exemple.
L’endroit où vous êtes. Ici, vous êtes dans un lieu qui véhicule des valeurs. Dans les arts
martiaux, il y a aussi le respect de tout ce qui vous environne. C’est à l’ordre du jour
l’environnement. Commencer à respecter ce sur quoi vous marchez, ici c’est un tapis pour
ensuite respecter la nature mais ça c’est un autre grand débat.
418
Allez ! Salut, technique de départ, les talons sont joints, pieds ouverts, mains le long
du corps. Cette position a un nom en France c’est quoi ? Oui, à l’armée, art martial, mars le
dieu de la Guerre. L’art du combat, c’est une méthode militaire à la base, faite pour faire la
guerre. Donc, discipline. On apprend dans un premier temps à discipliner son corps, on oublie
les autres, on se concentre sur soi, sur ce que l’on va faire. On se domine, regardez droit
devant vous. Vous allez ordonner à votre corps de travailler avec précision. Maintenant la
descente pour le salut, tout se passe à gauche, je descends le genou gauche puis je pose le
droit. Allez-y ! J’aligne les orteils et je m’assoie sur les talons. Ici, les pieds sont bien alignés.
Maintenant on va saluer en posant encore la main gauche en premier. On va former un
triangle avec la main droite. Et je descend le visage. Main droite, main gauche, et pour
remonter je ne suis pas une grand-mère, je mets ma jambe droite en premier et je repousse
dessus, équilibre, droit. Ici, je reste dans cette position, j’évite de parler, de m’occuper d’autre
chose, de mon collier que vous devriez avoir déjà posé. Les montres, les bagues, les haches,
les fusils d’assaut ! Tout doit être posé. D’accord ? Très bien, pourquoi genou gauche,
pourquoi genou droit ? A cause des sabres, oui. Le salut quand vous le remettez à ses origines,
il y avait des samouraïs. Et pour lui il faut être capable de sortir le sabre très rapidement. Or,
un sabre c’est une lame de 90 centimètres et une lame de cette taille, on ne la sort pas comme
un couteau de cuisine. Et le sabre a la particularité de se porter à gauche et donc on descend
genou gauche pour dégager le sabre, et on peut dégainer si besoin. De la même manière, on
pose main gauche en premier parce que la sabre est posé devant soi avec le manche à main
gauche et c’est toujours mieux d’attraper le sabre par le manche que par la lame !
Allez ! Action ! Echauffement ! On va considérer comme zone de départ le tapis
rouge. Vous allez vous déplacer à quatre pattes, sans que les genoux touchent par
terre…même chose en marche arrière. Même travail en rampant, alors faites attention à vos
genoux et à vos coudes. Alors ce qui m’intéresse dans les jeux ou les parcours, ce n’est pas
seulement vous échauffer, mais déjà vous enseigner quelque chose. Déjà, c’est intéressant
d’écouter le bruit de fond. Vous êtes simplement en train de ramper et le simple fait de ramper
crée des émotions chez certains. Je vous entends ramper mais je vous entends aussi piailler. Et
si vous piaillez, c’est qu’il y a quelque chose qui vous domine, ça doit chatouiller je ne sais
pas, ça doit brûler aussi oui peut-être. Mais finalement cela prend le pas sur ce que vous devez
faire, même si c’est une démarche inconsciente. Alors il va falloir tout à l’heure quand on va
aborder des exercices un peu plus dynamiques faire un effort…Ca va être quoi la réponse ?
419
Non, ne me touche pas… Vous n’allez même plus rentrer dans l’activité, vous allez vous
plaindre. Allez ! c’est parti, canards, les mains derrière la tête.
Tout le monde devant, assis, personne debout. Regardez bien, la situation elle est simple.
Vous avez les tapis rouges qui délimitent la zone que vous ne devez surtout pas toucher, ni
franchir. L’objectif, pousser les autres. Si la moindre partie de votre corps touche la zone
interdite, vous êtes éliminés de la zone de combat. Consigne de sécurité : vous n’avez pas le
droit de toucher quelqu’un qui ne vous a pas identifié, vous n’avez pas le droit par exemple
de toucher quelqu’un sur le dos. Si vous arrivez sur quelqu’un par derrière, vous devez donc
d’abord rentrer en contact avec lui en passant devant. Quand je siffle ceux qui étaient dehors
re-rentrent, d’accord ?
Allez, venez là ! Vous avez entendu les émotions ? Le bruit de fond ? C’est comme si moi
prof de français, je vous faisais faire une dictée en chantant la marseillaise ! Ca va être pareil
quand vous allez être en train de combattre, vous ferez autre chose, vous ne serez pas en train
de combattre mais de jouer ou de faire autre chose. On parle de concentration là. Il va falloir
dominer cette émotion pour commencer à apprendre des choses. Se concentrer. Même si on
doit jouer, dans le jeu il y a une part d’apprentissage.
Celle-là elle est un peu spéciale en terme d’organisation, écoutez bien ! On délimite la
surface de jeu avec les tapis rouges. Alors là si on se fait toucher on passe dans l’autre zone
là-bas. Et à partir du moment où il y en a deux dans la zone là-bas, on peut se toucher et celui
qui a touché peut revenir etc. Quand vous êtes touché, vous allez là-bas, quand là-bas vous
êtes touché, vous y restez. Compris ? C’est parti !
Venez là ! C’est cela qui m’intéresse…Vous arrivez là-bas, vous êtes encore sous le coup
d’avoir été touchés, les autres qui y sont ils vous voient arriver et comme vous n’êtes pas dans
l’activité…il y en a un qui y est, en combat c’est votre adversaire. Si lui il est déjà dans le
combat et que vous, vous n’y êtes pas encore, à mon avis vous allez perdre. C’est tout de
suite que cela se joue, votre problème c’est qu’il vous faut un délai pour passer d’un rôle
à un autre. C’est la différence entre l’élève qui est en récréation et l’élève qui veut apprendre
quelque chose.
Encore une autre situation, vous allez voir, Romain, je le salue, il devient là mon
partenaire d’opposition. L’idée ici est de toucher les chevilles de l’autre, mais on est en
opposition, ce que cherche l’un à le faire, l’autre le cherche aussi. Allez, debout ! Par
420
deux, et vous démarrez. Les chaussettes c’est pas ce qu’il y a de mieux, pieds nus c’est le
mieux.
Changez la cible, maintenant on cherche à toucher le dos, le dos et sans tomber. Allez !
On change encore de cible ! Maintenant les épaules, sans tomber. Allez !
On change les cibles, vous écoutez bien car elle nécessitent de faire un peu attention : c’est le
dessus de la tête. Alors là, ne commencez pas à frapper, on touche. On fait attention à
l’intégrité de son partenaire. C’est un message que je lui envoie : si je fais attention à toi,
j’attends que toi tu fasses de même en retour, que tu fasses attention et que tu me respectes.
Voilà pourquoi on est deux à saluer. Il n’y en a pas qu’un qui s’incline, on est deux ! Cela doit
prendre une signification parce que cela va monter en rythme. On fait attention à son
adversaire, on touche, on ne frappe pas le dessus de la tête, c’est parti ! Allez !
Allez, venez là ! Devant moi s’il vous plaît…Alors, un petit bilan vite fait déjà. Même
si on est dans une activité de percussions, percuter, ce n’est pas un terme que je vais utiliser,
je vais utiliser quoi ? Toucher. Et il y en a un autre que je vais utiliser, c’est…attraper. Alors
on va utiliser un outil bien utile mais faites-y attention, elles sont fragiles aussi, les épingles.
Avec l’épingle, l’intérêt c’est que je vais pouvoir varier les coups. Ce que je suis en train de
mettre en place, c’est tout simplement une situation de référence. En tant que professeur, je
vais la faire évoluer, c’est sur elle que je vais poser tous mes exercices derrière. De façon à
l’améliorer, à l’optimiser. Mais attraper des épingles, c’est attraper des épingles, est-ce que
c’est cela le karaté, attraper des épingles ? Ben sur que non ! C’est comme le volley ball, ce
n’est pas que se faire des passes. Vous allez la tester cette situation elle est toute bête vous
allez voir. On va beaucoup la travailler. Alors, vous êtes face-à-face, vous vous saluez. Ici, je
ne vais donner aucune consignes. C’est une nouvelle cible, il s’agit d’attraper l’épingle
avant ou sans vous faire attraper la vôtre. Bon, mais est-il vraiment besoin d’une
démonstration pour cela ? On y va ! vous prenez chacun une épingle et vous vous positionnez
de manière à pouvoir travailler sans gêner les autres. Vous avez vos épingles, vous allez vous
placer. Hop ! C’est bon, tout le monde en a. Allez, on y va !
Vous allez changer de partenaire, allez ! Filles, garçons, ça marche, c’est pas interdit.
Venez là ! Alors, qu’est-ce que vous êtes obligés de faire ? On y va : esquiver, cela
veut dire quoi esquiver ? Eviter l’autre…en bougeant. On bouge comment, particulièrement ?
A l’opposé du geste. S’il avance…vous reculez, s’il va à gauche, vous allez à droite, ok. Vous
êtes polarisés par la cible et quand l’autre essaye de l’attraper qu’est-ce que vous faites ? Pour
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beaucoup vous mettez la main dessus, comme ça. Vous éliminez le problème. Pour que la
situation puisse vivre, interdit de mettre la main sur la cible, ça va même être intégré dans le
règlement. Vous arbitrerez et quiconque le fera sera pénalisé. On va commencer à intégrer la
notion de règlement. Deuxième chose qu’est-ce-que je vois aussi comme réponse ? Il y en a
une qui se voit très nettement. On se retourne tout simplement. Et le simple fait de vous
retourner cela veut dire quoi ? Vous fuyez. Mais c’est pareil, si j’autorise la cible dos, vous ne
pouvez plus. Allez ! Je vais vous mettre trois cibles. Prendre l’épingle, toucher le dessus
de la tête, ou toucher le dos. Donc là maintenant il y a une incertitude et les mains sur les
épingles, c’est plus forcement la bonne réponse. Se retourner non plus. Allez !
Changez d’adversaire ! Et oui, il ne faut plus y aller franco maintenant, il faut réfléchir,
être le premier à toucher.
Venez voir ! Asseyez vous ! Alors après, il va falloir transformer cela en points. Vous
allez être évalués sur des formes de combat, par poules. Le karaté va commencer à prendre
sa signification. Vous verrez qu’atteindre une cible cela ne se fait pas n’importe comment.
D’autant qu’il n’y aura pas que les poings, les coups de pieds, on verra, cela se négocie.
Donner un coup de pied, on ne peut pas faire n’importe quoi. Comme pour attraper une
épingle, cela ne peut pas se faire n’importe comment. Comment vous attrapez une épingle ?
vous la chipez, vous l’arrachez. Vous les attrapez pour les attraper en fait mais ce ne sont
pas des cibles. L’idée c’est que ce ne sont pas des cibles que l’on peut enlever mais des
cibles que l’on peut toucher. Il va falloir modifier quelque chose là-dessus. Je suis en train
de vous donner le menu sans vous le faire lire, pour l’instant. Une dernière chose par rapport à
ce que vous venez de faire. Je vous ai donné trois cibles. Et au début, vous faisiez quoi ? Sous
quelle forme vous la preniez ? Comme cela ? Non, la situation vous impose la meilleure
position et c’est laquelle ? Etre droit. Ce sera un critère de réalisation des techniques : avoir
le corps droit. Les cibles ne seront comptées que lorsque vous aurez le corps droit, un
premier critère. Maintenant je vous en impose un deuxième : au moment où vous saisissez
l’épingle, vous devez avoir les deux pieds au sol. Allez ! On termine là-dessus, on essaye.
Mettez-vous en place.
Allez, venez là ! Déjà moi, vu de l’extérieur, il y a eu énormément de changement
entre le début de cours et la fin du cours. Je vois que les filles et les garçons commencent à se
mélanger et vous y trouverez tous votre compte parce qu’ il n’y a pas d’aptitudes particulières
qui vont dominer. Vous êtes tous capables d’être assez rapides. J’ai commencé, très
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honnêtement, à voir des élèves commencer à réfléchir. Vous avez beaucoup joué au début et
puis là, vous êtes rentrés dans la situation d’opposition. Je vous ai vus devenir calculateurs.
Trois cibles, des improbabilités, des incertitudes, vous comprenez ce que cela veut dire ?
On ne sait pas ce qui va se produire. Quand on ne sait pas ce qui va se produire, la
dimension sportive prend toute son importance. On s’engage et cela devient intéressant.
Vous commencez à calculer. S’il baisse la tête, je touche…progressivement, vous allez
comprendre que combattre c’est pas être capable de donner des coups de poing et des
coups de pieds, c’est être capable de donner les bonnes réponses. Lire l’autre, pour
savoir comment il réagit. En fait, le combat, c’est tout simplement un principe d’action-
réaction. Ce que je fais c’est pour faire réagir mon adversaire et c’est cette réaction que
j’exploite. Pour faire cela, il faut comprendre que, quand je regarde l’épingle, je vois
Romain derrière. Dernière question que j’aimerais vous poser : vous le voyez comment le
cycle ? Ca vous intéresse ? Vous trouvez cela banal ? Oui, vous êtes surs, on continue ? Après
vous verrez, on va mettre des cibles différentes, vous allez arbitrer et maintenant, vous pouvez
aller vous habiller, d’accord ? Mais on n’oublie pas, en ligne pour le salut ! On descend jambe
gauche, droite. On regarde droit devant. Main gauche, main droite, on s’incline. Main droite ,
main gauche, bien droit. Pour se relever, jambe gauche, accrochez bien les orteils pour garder
l’équilibre. Allez ! On se dépêche, on va être en retard…Et vous saluez le tapis en sortant.
Merci.
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ANNEXE 30
C : Alain, quelles étaient tes intentions pour cette première séance ?
A : J’avais deux objectifs essentiellement. Le premier, évaluation des capacités d’opposition.
Le plus important pour eux à ce stade c’est la gestion des émotions, afin de ne pas rentrer dans
des réponses violentes, ou trop agressives. Deuxième objectif : l’installation de la situation
de référence : deux par deux, face à face, atteindre une cible, sans se faire atteindre soi-
même.
C : Peux-tu s’il te plaît faire un bilan de cette première séance ?
A : Sur le plan des objectifs oui, je suis relativement satisfait. De toute façon, il y a dans cette
classe une majorité d’élèves pou lesquels quelque soient les objectifs, cela marchera toujours.
Mais sur le plan de la gestion des émotions, je pense que les élèves ont compris. Mon premier
indicateur, c’est le bruit. Demander aux élèves de se taire n’est pas pour moi quelque chose
d’autoritaire, non, c’est pour eux le moyen de gérer ce bruit et prouve que la gestion des
émotions est efficace à un moment donné. Quand on est arrivés à la situation de référence, il
n’y avait plus ces piaillements comme je dis et si on avait commencé par là, cela serait parti
dans tous les sens et ils n’auraient pas pu rentrer dans l’activité. J’ai pris le temps aussi
d’installer des choses au niveau des valeurs, le salut, le respect car cela fait partie de l’activité
et même si ce n’était pas encore du karaté à proprement parlé, cela leur permet de se projeter
dans l’activité.
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C : Dans le questionnaire préliminaire que tu as renseigné, tu décris justement la situation de
référence, mais dans le document que tu m’as donné comme projet de cycle, il me semble que
la situation diffère quelque peu car les foulards sont tenus, pas portés à l’aide d’épingles sur le
corps. Peux-tu m’éclairer un peu, est-ce une situation pédagogique ou une autre situation de
référence ?
A : Pour que les élèves intègrent les critères de réalisation techniques propres au karaté, il y
a tout un tas de situations problèmes qui font prendre conscience à l’élève quels sont ces
principes d’actions. Chacune renvoie à un principe d’action, qui permet d’acquérir une
technique. Le respect des critères de réalisation est un des principes qui permet de réaliser
l’action : par exemple attaquer une cible. Cela va être intégré par l’élève en terme de gestion
grâce à plusieurs autres principes, vitesse, distance, précision et équilibre. Pour moi la
notion de technique, c’est passer d’un état initial à l’état suivant. En karaté, on aboutit trop à
des techniques en tant que geste finalisé alors que c’est pas cela une technique, c’est l’action
qui m’amène à…Toutes les situations que je vais proposer dans une progression
d’enseignement vont installer au fur et à mesure ces principes d’action.
C : Quelle évaluation prévois-tu Alain ?
A : A partir de la situation de référence, on fait des groupes, par taille essentiellement.
Tout au long du cycle le protocole d’évaluation est travaillé. Par exemple, au niveau des
cibles, on interdit la tête. On prendra en compte une technique si et seulement si son
exécution respecte l’ensemble des principes d’action de cette technique. La grille est déjà
constituée avec le nombre de victoires, le nombre de points marqués pendant le combat
sachant qu’il faut que cette fiche soit suffisamment simple pour que les élèves la
comprennent.
C : Tu évoques beaucoup la notion de technique. Or, en classe, tu as parlé aux élèves d’autre
chose, je t’ai entendu dire, « calculateur », par exemple. On n’est pas sur les mêmes registres
on va dire. Comment qualifies-tu toi ton entrée dans l’activité ?
A : Je préfère dire comment elle n’est pas plutôt que comment elle est. Elle n’est pas
technique. Quand on parle karaté, on entend immédiatement méthode traditionnelle derrière
qui est caractérisée notamment par les assauts conventionnels. Ce qui se fait actuellement à
l’école en karaté est un exercice renouvelé de la méthode traditionnelle. Mon entrée dans
l’activité, si on la qualifie, est comportementaliste. Se décentrer de la cible pour voir
l’ensemble de l’adversaire. Je reste fondamentalement attaché à l’idée que l’on peut faire faire
425
du karaté complètement autrement : les exercices de gestion de l’opposition sont nettement
plus efficaces que les assauts conventionnels. Il faut amener les élèves à comprendre, à
intégrer. Dans ma situation, lorsque je mets deux nouvelles cibles, la tête et le dos, cela met
l’élève devant un problème et il commence à se poser des questions. C’est là que la notion de
prise en compte de l’adversaire va se déclencher.
C : Alain je te remercie.
426
ANNEXE 31
C : Quelles sont, Alain, tes intentions pour cette évaluation de ton cycle karaté ?
A : L’évaluation de tout ce qui a été mis en jeu durant le cycle, au regard des objectifs. A
savoir que l’on va mettre les élèves en situation d’opposition et au regard du protocole
d’évaluation, on va confirmer l’acquisition des principes d’action liés à l’opposition. Il y a des
exigences minimales pour l’évaluation terminale.
C : Comment qualifierais-tu l’apprentissage de tes élèves pendant ce cycle ?
A : Et bien, par exemple je suis très sensible à l’écoute des élèves. Si, par exemple, j’estime
que la classe n’est pas en suffisamment à l’écoute pour recevoir des consignes du type
apprentissage des coups de pieds par exemple, je ne vais pas sur les coups de pieds. Donc, ça
je l’ai carrément enlevé du projet ; cela aurait dû optimiser complètement mon cycle en
rajoutant les coups de pieds puisque j’optimisai la relation tactique. Mais cette relation
tactique n’a pas pu faire l’objet d’un approfondissement…j’aurais du rentrer maintenant,
à ce stade, dans cette phase de développement. Les impondérables du calendrier font que je
n’ai que sept cours et je n’avais pas le temps de développer le cycle en entier. L’objectif de
mise en opposition dans le respect des critères de réalisation techniques du karaté est
atteint. Uniquement sur la base des techniques de poings et ça, c’est déjà bien. L’activité
karaté a été abordée dans sa nature.
C : Alain, je te remercie et te laisse à tes élèves et à ta séance.
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ANNEXE 32
A : Très bien, alors quelques petites précisions. La semaine dernière nous avons fait une
simulation. Vous avez donc découvert les feuilles de poule, les feuilles de match. On va voir
s’il y a besoin de quelques ajustements sur la constitution des poules, par contre, écoutez bien
la précision que je vous donne par rapport à ce que vous avez fait la dernière fois. Si on avait
intégré les techniques de pieds, le potentiel de points marqués aurait été plus important. Les
pieds qui arrivaient dans les épaules, cela aurait été trois points, au corps deux points et les
techniques de poings elles-mêmes, sachant qu’elles ne valent que un point, je vais augmenter
leur valeur. Donc, vous devez marquer sur les feuilles si le combat se solde par une victoire,
une défaite ou un nul, sachant que si vous êtes à égalité vous faites trente secondes de
prolongations et le premier qui marque gagne, le combat s’arrête. Si, autre cas, des pénalités
se cumulent, elles donnent un point, donc le combat s’arrête. Le point peut être marqué par
pénalité ou par action. Si au bout de trente secondes il n’y a rien, c’est un match nul. Dans
tous les cas vous devez marquer la quantité de points marqués par les deux combattants, entre
parenthèses. Et n’oubliez pas quelque chose de fondamental, les techniques de poing valent
deux points. C’est plus un point, c’est deux points. Compris ? Arrivé à dix points, le combat
s’arrête donc cinq techniques suffiraient. N’oubliez pas non plus que le protocole d’évaluation
prévoit que vous pouvez avoir la moyenne et perdre vos combats, du moment que vous
marquez un certain nombre de points. D’accord ? Et je rappelle les trois principes pour
l’arbitrage, vous êtes très sévères là-dessus, pour attraper l’épingle, il faut un, être droit,
deux, être en équilibre et trois, mouvement rectiligne de ramené du bras, extension flexion du
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bras, non chipé. Si, en tant qu’arbitre, il y a quelque chose qui manque, vous ne donnez pas le
point. Des questions, c’est maintenant. Non ? Bien, on va s’aligner pour voir si les poules
correspondent bien, s’il n’y a pas des nouveaux aujourd’hui et le salut.
(Après le salut, Alain conduit un échauffement routinier qu’il a décliné à chaque séance,
constitué de courses, de déplacements divers sur le tapis, au sol. Une fois cet échauffement
terminé, il organise ses poules en vérifiant qu’elles sont équilibrées. Pour cela il demande aux
élèves de la poule s’il y avait la semaine dernière des écarts significatifs. Au fur et à mesure
de la constitution des groupes, il les distribue sur le tapis. Nous retranscrirons maintenant les
interventions successives de l’enseignant auprès des élèves, au fur et à mesure de ses
déambulations d’un groupe à un autre).
A : Les épaules ne sont pas des cibles.
Tant que vous n’entendez pas yame, le combat continue.
Les techniques de poings sont devenues des nihon, deux points. Les ippon, on les garde pour
les sorties, les pénalités.
Elle a raison de ne pas compter les touches à la tête, elles ne sont pas décisives, vous touchez
pour toucher mais on ne sent pas qu’il y a quelque chose derrière.
Elle le sait pourquoi elle est pas comptée, oui, elle ramène pas.
Tu es arbitre, tu dois être impartial, ne me regarde pas pour prendre une décision.
C’est pour cela qu’il y a des codes, cela vous évite de parler. Fais le geste, au moins le juge
sait que tu l’as vu, même s’il n’y a rien.
Evitez de faire des choses qui ne marchent pas, les épaules cela ne vaut absolument rien.
C’est pas le ramené le problème, t’es pas droite.
Tu la pénalise parce qu’elle parle. C’est pas une sanction, c’est une règle.
C’est une action simultanée, on regarde qui a attrapé en premier et sinon, comment elle a
attrapé. Pieds au sol, équilibre, correct.
Tu as une tendance à te retrouver beaucoup trop près de ton adversaire, fais attention à cela.
C’est tes jambes qui doivent travailler.
Stop ! Tu les pénalises tous les deux, un point, ippon. La raison ? Manque total de respect
envers le matériel et le partenaire.
Alors ? Tu accordes, tu accordes pas ? Vous êtes dans votre salon en train de regarder la
télévision. Soyez présents, jugez ! Observez ce qui se passe. C’est ce qu’on vous demande.
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Vous trouvez que cela ressemble à une action avec jambes écartées, corps droit, ramené.
Vous trouvez que cela ressemble à cela ?
Il n’y a rien, depuis le début il y a zéro à zéro et l’arbitre n’arbitre même pas, alors je vais
vous arbitrer parce que…
C’est le problème de ta capacité à écouter. On a clairement dit que les techniques de pieds
étaient interdites. Tu lèves un pied, vous la pénalisez.
Fais attention au contact !
Quitte à prendre une mauvaise décision, je préfère que tu ne la prennes pas.
Il faudrait peut-être accélérer parce que dans cinq minutes c’est terminé…C’est pas normal
que votre poule soit aussi lente.
Regarde, c’est tout marqué. Lis !
Il vous faut trois combats chacun. Vous arrêtez après cela, vous calculez vos points.
L’évaluation est terminée, on arrête tout. On se dépêche sinon on va être en retard au collège.
Je veux uniquement les feuilles. Allez vous changer ! Il faut que l’on soit parti dans cinq
minutes.
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ANNEXE 33
C : Peux-tu faire, s’il te plaît, un bilan de cette évaluation ?
A : La mise en place de l’évaluation, on va dire correct. Comme elle découle aussi de tout le
cycle que l’on a fait , ils savaient bien ce qu’ils avaient à faire. Ensuite, sur le plan réel de ce
qui a été évalué, sur les cinq groupes, il y en a deux pour qui les connaissances acquises
pendant le cycle ont été réinvesties immédiatement. Il y a un groupe de filles pour qui c’était
viable. Il n’y a que le groupe du milieu, le groupe filles pour qui cela a posé des problèmes.
Rien de bien surprenant.
C : Peux-tu préciser comment sont évalués les élèves en terme de maîtrise ou des
compétences générales par exemple ?
A : On différencie très nettement la performance qui elle est le résultat des matchs, des
combats. Ce sont des affrontements par poule, avec un règlement qui est le règlement
fédéral en toile de fond sauf qu’à la fin il n’y a pas de classement mais une note en
fonction des victoires, défaites et nuls. Pour la maîtrise, alors j’ai fait moitié moitié, elle
est plus relative à ce qui s’est passé dans le combat, la capacité à mettre en œuvre dans le
combat les principes d’action propres à l’activité karaté, travaillés tout au long du cycle.
C : Pourquoi n’y-a-t-il pas dans la maîtrise de l’exécution de critères qualitatifs, des
indicateurs ? Parce que si l’on regarde le nombre de points marqués sur le nombre de combat
ce n’est qu’un critère quantitatif…
A : La question que tu poses soulève une deuxième démarche, qui va arriver après.
L’interrogation que tu amènes n’est pas nouvelle. Elle a eu lieu le jour de mon inspection, tout
431
simplement. En fait, le projet pédagogique EPS ne fonctionne pas autour de la notion
d’habileté motrice. On demande aux élèves de se repérer au travers de critères, du moins bien
au mieux réalisé. Je pars moi du principe que s’il a marqué un point, l’élève a mis en jeu les
principes de l’action. La maîtrise est pour moi implicitement contenue dans la performance,
en tous cas en combat.
C : Si l’on reprend le questionnaire préliminaire, sur l’évaluation prévue, il n’y a pas d’écarts
puisque tu as fait exactement ce que tu as écrit là. Par contre, de ton point de vue, notes-tu un
écart entre le savoir à enseigné, ce que tu avais prévu de faire, et le savoir enseigné, ce que tu
as réellement fait ?
A : oui, par rapport au projet, je suis à la moitié du cycle. J’ai diminué les exigences qui
devaient au départ intégrer les techniques de pieds et je les ai enlevées parce que je n’ai pas eu
le temps de les enseigner. D’autant plus qu’il manquait quelque chose de fondamental, que
l’on voyait très bien quand les élèves combattaient, on a pas eu le temps de développer le pôle
défensif, j’ai vu très peu de blocages par exemple. Et deux, la gestion tactique de l’opposition.
Les élèves se sont affrontés sur leur capacité à mettre en œuvre quelques principes que l’on
avait eu le temps de travailler, les techniques de poings, mais il manque derrière toute la
gestion tactique, attaque directe, feinte, enchaînement, conclusion, qui, quelque part, est
l’aboutissement prévu du cycle. C’est lié au facteur temps, aux impondérables de l’EPS, parce
que j’ai eu le temps de le faire avec une autre classe. La classe était aussi un peu moins
propice aux apprentissages que l’autre classe de troisième que j’ai eu au premier trimestre, et
cela m’amène à revoir mon projet, peut-être en le divisant en deux temps. Je développerai ce
cycle en quatrième, et je continuerai par le pôle tactique en troisième, et je suis dans les
textes.
C : Notes-tu un écart entre ce que tu as enseigné et ce que tu as évalué ?
A : Oui, il y a obligatoirement un écart. Etant donné que je les ai évalué en terme de
performance, je n’ai pas pu évalué tout ce que j’ai enseigné. La performance n’en est que le
reflet. Comme je le disais tout à l’heure, j’ai enseigné des principes d’action, que je n’ai pas
évalués. Si on veut aller au bout des choses, on peut dire que je n’ai pas évalué ce que j’ai
enseigné. Quand l’élève marque deux points en faisant une technique de poing, je ne l’ai pas
enseigné. Ils font là appel à des représentations qu’ils ont de l’activité. Mais je ne leur ai pas
enseigné la performance en soi, seulement les principes pour être les plus performants
possibles.
432
C : Comment enseigner Alain la gestion tactique de l’opposition ?
A : Essentiellement au niveau comportemental. On travaille la capacité à prendre en
compte son adversaire, ses réactions. Par exemple, si j’ai un super gyaku tsuki, il peut
être bon mais il faut que je le place en tenant compte de mon adversaire, ses
déplacements, son placement. L’axe central, c’est de jouer sur l’axe action réaction.
Créer des actions pour générer des réactions et en profiter pour placer une technique.
Créer des ouvertures.
C : Sur quelle régulations penses-tu le plus devoir insister ?
A : Sur le rappel des consignes. Bien sur, cela m’est arrivé de devoir arbitrer ou juger à la
place des élèves mais là où il faut insister, c’est le rappel des consignes, incessant.
C : Pensais-tu devoir autant le faire ?
A : Oui. Sans nul doute. Avec cette classe là, j’ai déjà eu l’expérience. En volley ball je me
suis fait piéger une fois avec eux. Les critères étaient simples, mais j’ai dû reprendre
l’évaluation toute entière. Donc là je suis resté présent.
C : En opposition, as-tu remarqué des comportements typiques d’élèves et comment les
interprètes-tu ?
A : j’ai remarqué un cas, très typique. Un élève qui n’acceptait pas l’opposition. Il est venu
me voir la semaine dernière en me disant « Monsieur, ils sont trop forts ». Il avait du mal à
s’exprimer à l’intérieur de ce groupe. Il mettait le corps en retrait, la tête en retrait. C’est un
comportement typique, mais qui n’est pas acquis. C’est difficile d’évaluer cela. Car on part du
principe que l’élève rentre dans l’opposition. Or c’est loin d’être évident.
C : Tu n’es pas sans savoir, Alain, qu’il y a des apprentissages qui se font dans l’évaluation, à
l’évaluation même. C’est ce que l’on appelle, apprendre dans l’épreuve. Quel statut attribues-
tu à cet apprentissage ?
A : Je ne suis pas certain que l’élève soit dupe. A ce moment là, il a un rapport à l’activité. Il
y a un phénomène d’appropriation par l’élève des exigences de l’épreuve, qui peut tout
changer. Il peut se passer des choses à ce moment précis, qu’il ne s’est pas passé avant.
C : Alain, je te remercie.
433
ANNEXE 34
C : Qu’est-ce que t’a apporté la pratique du karaté au niveau personnel ?
A : je pense que le karaté m’a apporté…disons une reconnaissance, un statut dans un groupe,
la seule activité dont le résultat de mes actions, de mes progrès ne dépendaient pas d’un
groupe, en opposition aux sports collectifs.
C : penses-tu que ton expérience de pratiquant a une influence sur ton enseignement et
laquelle ?
A : Oui, mon parcours et les contraintes qu’il m’a imposé pour progresser définissent
certaines valeurs qui imprègnent ma logique d’enseignant : la rigueur par exemple, le
dépassement de soi en sont les racines.
C : Quand tu enseignes le karaté en EPS, quel savoir faut-il selon toi enseigner en priorité ?
A : Le savoir immédiat qui me semble incontournable dans mon enseignement en EPS est
d’abord comportemental : l’écoute.
C : Alain, peux-tu tout d’abord définir ce qu’est pour toi le karaté en EPS ?
A : Le karaté en EPS est une activité physique ET (il insiste) sportive au service du
développement de l’élève dans sa dimension affective, intellectuelle et motrice. En EPS sa
dimension éducative n’est plus implicite mais devient un enjeu de formation.
434
C : En quoi cette définition diffère-t-elle du karaté enseigné en club ?
A : Le réponse est simple. La différence entre l’enseignement du karaté en EPS et
l’enseignement du karaté en club est la didactique. La pratique en club suit une logique que
lui impose sa méthode : la méthode traditionnelle. Elle est techniciste et n’est pas
pédocentriste. En EPS, c’est l’inverse. A ce sujet les programmes sont très explicites : le
combat est central. Le combat pris dans toute sa dimension affective, événementielle et
intellectuelle. En EPS, l’acquisition technique n’est pas l’enjeu de formation du débutant,
mais le support à l’expression personnelle en combat.
C : Tu dis dans l’EPS1 : « combattre c’est être capable de donner les bonnes réponses. Lire
l’autre, pour savoir comment il réagit ». Que veux-tu dire par là ?
A : Ceci fait référence à la dimension intellectuelle ou cognitive du combat. Elle ne fait pas
appel à des compétences techniques dans un premier temps mais à l’autodétermination de
choix tactiques. Ceci est l’un de mes principaux objectifs d’enseignement du karaté en EPS
dans le sens ou la lecture de l’adversaire s’inscrit dans une démarche tactique et donc
consciente du combat à travers la notion d’action-réaction.
C : Si je comprends bien, c’est ta définition du combat, voire du karaté ?
A : Oui, c’est cela.
C : Lorsque tu présentes l’activité et le cycle à ta classe, tu leur dis : « je vais vous la proposer
sous sa forme dynamique, la forme combat ». Apparemment la forme dynamique équivaut
pour toi au combat, que représente alors une forme « statique » ?
A : La forme statique fait référence à la méthode traditionnelle et à ce qu’elle impose en terme
d’apprentissage technique. Le kihon en est le meilleur exemple. « Statique » parce que si l’on
considère le temps nécessaire à l’assimilation des critères de réalisation gestuelle des
techniques chez un débutant, l’activité est alors globalement « arrêtée » dans le sens où les
temps de « pause » à proprement parlé sont plus long que les temps « d’activité ».
C : Tu commences ta leçon par l’apprentissage du salut. Tu diras aux élèves : « le salut est
une technique ». Peux-tu détailler cette définition originale du salut ?
A : La valeur pédagogique du protocole, c’est-à-dire du salut dans les arts martiaux représente
dans mon enseignement un point de départ du cours dans le sens où il décontextualise le cadre
dans lequel l’élève va pénétrer. Historiquement, le salut est effectivement une technique qui
435
impose un minimum de concentration sachant que cette technique est très simple et qu’elle ne
fait appel à aucune aptitude particulière pour être réalisée. C’est ma façon à moi d’éveiller en
début de cours leur vigilance. C’est le début d’un échauffement non pas physique mais
intellectuel. Une centration sur soi afin de prendre les commandes de son propre corps et non
pas être ou rester sous l’influence d’émotions venant du vestiaire ou de la cour de récréation :
ce sont des ados, il ne faut pas l’oublier.
C : Le rituel du salut relève-t-il donc pour toi plus du savoir technique que du savoir éthique,
culturel ?
A : Le terme éthique me pose un problème, je dirais par défaut, technique. Je pense
cependant avoir répondu dans la question précédente. La référence historique au salut me sert
uniquement à justifier les critères de réalisation du geste. Ce sont ces critères de réalisation,
simples de surcroît que je demande avant tout à l’élève de respecter en faisant référence à l’art
de dégainer le sabre par exemple. Mais mon objectif n’est pas l’acquisition pure et dure de ces
critères parce que d’une part, je ne les évaluerai pas et d’autre part, même s’ils ont un
caractère technique, je m’en sers pour mettre les élèves en situation d’éveil face aux
apprentissages que je vise dans le cours qui va débuter. On doit le considérer comme une mise
en éveil psychologique.
C : Si l’on poursuit la chronologie de ta séance, tu dis aux élèves : « je vais vous faire des jeux
histoire de comprendre ce que cela veut dire maîtriser ses émotions ». J’ai cru percevoir que
tu attachais beaucoup d’importance à cette dimension en début d’apprentissage en karaté mais
de quelles émotions s’agit-il ?
A : Rester maître de ses actions et ne pas se laisser submerger par la crainte du coup, la
crainte de l’autre, par la représentation que l’on s’en fait. Faire en sorte que le seuil de
vigilance ne soit pas dépassé par des émotions générées par la peur. Parce que dans un
environnement tel que l’opposition, l’acception de l’affrontement par exemple n’est pas
acquis, il nécessite donc un réel apprentissage afin de se préserver soi-même et préserver ses
partenaires.
C : Et comment parvenir à leur maîtrise, concrètement ?
A : Par l’expérience d’une opposition duelle sécurisée. Par une progressivité de la pression
événementielle s’organisant autour de cibles non conventionnelles telles que des épingles et
les épaules. Bref, éviter tout contact au visage (la face) devient la règle de sécurité
436
incontournable pour commencer. En somme en dédramatisant ce que le karaté suggère en
terme de sport de combat ou d’art martial.
C : Dans ta séance, d’une manière générale, tu insistes beaucoup sur l’acquisition par les
élèves des principes d’action. A quoi ces principes renvoient ils dans ton enseignement du
karaté en EPS ?
A : Parce que la notion de technique dans un contexte d’opposition ne se limite pas au seul
respect de ces critères de réalisation gestuelle. Parce que l’enjeu est d’atteindre une cible
avant ou sans que l’adversaire ne réalise cet objectif. Ces principes d’actions permettent
l’expression d’un geste répondant à la fois à la nature de l’activité karaté et aux enjeux
tactiques de l’opposition : à savoir le gestion simultanée de la vitesse, de la distance et de la
précision.
C : Dans la situation que tu mets en place, avec plusieurs cibles à atteindre sur le corps de
l’adversaire, tu te sers des réponses des élèves pour leur donner les critères de réalisation au
fur et à mesure. Tu dis : « la situation vous impose la meilleure position, être droit. Ce sera
un critère de réalisation technique : avoir le corps droit ». Peux-tu préciser Alain en quoi
cette situation impose à l’élève d’avoir le corps droit ?
A : Cette solution « avoir le corps droit » a de multiples conséquences sur le plan tactique : je
la considère comme faisant partie de ce que je nomme « les fondamentaux techniques ». C’est
à dire qu’elle est en rapport avec la nature même de l’activité karaté dans le sens où elle fait
référence à ce que l’enseignement du karaté traditionnel aborde sur le plan de ses techniques
de base. Sur le plan tactique, elle met en évidence une gestion spécifique de la distance,
obligeant l’élève à gérer ce paramètre par des déplacements en fente avant et pas chassés.
J’insiste d’emblée sur la mise en évidence de ce paramètre : corps droit égal gestion
nécessaire de la distance dans le sens où je tiens aussi à différencier l’activité karaté de
l’activité boxe éducative en EPS ou BF, autorisant dans ces deux cas des esquives du torse à
défaut de déployer un ensemble de techniques de blocages codifiés comme en karaté.
C : En fin de séance, tu dis aux élèves à propos des incertitudes liées notamment aux cibles
dans la situation que tu proposes : « quand on ne sait pas ce qui va se produire, la dimension
sportive prend toute son importance ». Dans ton enseignement du karaté en EPS, quelle place
accordes-tu à cette dimension sportive ?
437
A : La voie sportive, terme que nous associons plus traditionnellement parlant à la pratique du
karaté, représente ma stratégie d’entrée dans l’activité. Elle est compatible avec les
programme en EPS et me permet sur le plan pédagogique de laisser les élèves s’exprimer plus
librement sur le plan de leurs aptitudes physiques, affectives et intellectuelles. J’oppose à cela,
le modèle techniciste de la méthode traditionnelle d’enseignement du karaté qui limite les
réponses tactiques des élèves parce que contraignante sur le plan technique et nécessitant plus
de temps qu’un simple cycle EPS.
C : J’ai été attentif, Alain, à la logique de ta démarche du début à la fin de ton cycle. Pour
autant, as-tu effectué des remédiations au cours même de ton enseignement et si oui,
lesquelles ?
A : Je n’ai pas souvenir de remédiations à proprement parlé dans le sens où je n’ai tout
simplement pas eu le temps d’aller jusqu’au bout de mes objectifs. Je n’ai, par exemple, pas
eu le temps d’aborder correctement les coups de pieds car j’ai préféré passer plus de temps, au
regard du profil de la classe, à sécuriser l’opposition uniquement à partir des techniques de
poings. C’est un choix de ma part. Il y aurait eu remédiations si le but avait été d’atteindre
coûte-que-coûte tous les objectifs du cycle. La conséquence fut une évaluation ne prenant en
compte que ce qui a été enseigné : c’est à dire une opposition uniquement à partir de
techniques de poing et défenses associées.
C : Venons-en maintenant à l’évaluation. Les critères évalués sont techniques : « corps
droit, ramené du bras, équilibre sur deux appuis à la touche ». Si l’on part du principe que tu
évalues ce que tu as enseigné, comme tu viens de le dire, penses-tu avoir enseigné ces
techniques ?
A : Non, les critères évalués ne sont pas des techniques mais des critères de réalisation
gestuelle qui composent un ensemble de techniques, ils sont sur le plan de l’évaluation, des
repères observables qui ont pour objectif de différencier une simple touche, d’un point
marqué type Ippon. Le but au final n’est pas seulement de toucher une cible identifiée comme
telle, mais de la toucher en respectant un ensemble de critères de réalisation gestuelle en
rapport à la nature de l’activité karaté.
438
C : Comment définirais-tu la technique en karaté ?
A : Une technique en karaté est la gestion simultanée d’un ensemble de principes d’action que
sont : la vitesse, la distance, la précision et le respect des critères de réalisation gestuelle.
L’équilibre devient un principe d’action supplémentaire dans le cas des techniques de coups
de pieds.
C : Tu as déjà évoqué dans l’EPSEV les raisons qui ont fait que tu n’avais pas pu aborder
comme prévu avec cette classe la gestion tactique de l’opposition. Peux-tu néanmoins te
souvenir comment tu l’envisageais ?
A : Je pensais aborder la phase de gestion tactique à travers quatre principes et en attaque
seulement du fait du temps limité du cycle : les attaques directes, les enchaînements
d’attaques, les feintes et pour terminer les confusions. Le but était de mettre en évidence à
travers la lecture des adversaires, la configuration tactique la plus appropriée. Je m’explique :
Si l’adversaire à tendance à ne pas réagir, ou très tardivement, une attaque directe est
compatible. Si l’adversaire à tendance à reculer, voire fuir, les enchaînements d’attaques
peuvent répondre à cette réaction. Par contre, si l’adversaire à tendance à ne pas bouger et
bloquer les attaques directes, soit les feintes ou les confusions peuvent être une réponse
appropriée à ce profil. Ces quatre compétences étaient visées.
C : Comment cela se traduit-il en terme de savoirs à enseigner ?
A : Construire des projets tactiques au regard du profil adverse. Premièrement : être capable
d’identifier le profil ou la tendance du profil adverse. C’est que je nomme la lecture de
l’adversaire. Deuxièmement : mettre en œuvre le projet tactique adéquat en attaque. Par
exemple, en ce qui concerne les attaques directes, les savoirs enseignés auraient dus se
traduire par une recherche de synchronisation de son propre rythme pliométrique sur celui de
l’adversaire afin de diminuer le temps de réaction de celui-ci. Dans le cas des enchaînements,
une combinaison avec les techniques de pieds aurait été une approche de départ.
Objectif : être capable de récupérer la distance avec une technique de pied enchaînée derrière
une technique de poing. Dans le cas des feintes et des confusions, le projet tactique aurait du
mettre en évidence une aptitude à désinformer. Objectif : obliger l’adversaire à bloquer une
attaque ayant valeur de diversion.
C : Alain, c’est la fin de cet entretien, as-tu quelque chose à rajouter ou souhaites-tu revenir
sur un point particulier ?
439
A : Non, pas particulièrement. J’espère seulement avoir répondu à tes questions et sinon je
suis toujours à ta disposition…
C : Alain, je te remercie pour ta précieuse collaboration.
440
ANNEXE 35
C : Ma première question Alain sera la suivante : pour quelles raisons as-tu commencé à
pratiquer le karaté ?
A : Parce que je craignais beaucoup les autres. Petit, je devais avoir 8-9 ans, je m’étais fait
casser les dents et le nez suite à un coup de tête que m’avait volontairement donné un
« grand » à défaut de l’avoir donné à celui avec lequel il était en train de se molester. Bref, je
pense avoir traîné longtemps cette injustice et cette crainte du coup. J’ai certainement trouvé
dans la pratique des arts martiaux et des sports de combat un moyen de me rassurer, histoire
de ne jamais revivre cette expérience douloureuse qui m’a tout de même valu une opération
chirurgicale.
C : La pratique compétitive a-t-elle été à un moment donné très présente dans ta vie de
karatéka et pourquoi ?
A : Au début non. J’ai pratiqué durant plusieurs années judo, taekwondo, boxe française et
escrime, à l’armée 1988-1989, avant de pratiquer plus spécifiquement du Karaté - 1er dan de
karaté en 1988, début en 1986, j’étais déjà 1er dan de taekwondo depuis 1984, j’avais alors 19
ans. Puis par la suite, 1er dan de judo, la partie technique seulement, je n’ai pas validé tous
mes points combat, l’année de l’obtention de mon CAPEPS en 1991.
Pour résumer, j’ai d’abord pratiqué longtemps sous un forme très traditionnelle avant même
de faire de la compétition. J’étais déjà 1er dan de taekwondo le jour où je suis monté sur un
tapis de compétition. Je faisais les compétitions combat karaté puisqu’il n’y en avait pas en
441
taekwondo en limousin à l’époque. Puis je suis devenu prof EPS, muté à Paris en 1992 et
depuis, je n’ai plus refait de compétition.
C : Tu as dit Alain : « la voie sportive représente ma stratégie d’entrée dans l’activité. Elle
est compatible avec les programmes EPS ». Est-ce en rapport avec ta propre pratique ?
A : Les textes ou programmes sont très clairs en la matière : « Le combat est central » et cela
dans toute sa dimension (affective, événementielle, cognitive, etc.). L’approche des rôles
sociaux est mis en avant : les textes parlent d’arbitrage. La notion de projets tactiques est
définie comme compétence à développer. Bref, en faisant fonctionner la dialectique :
acquisition des paramètres techniques relatifs à l’activité et temps imparti à un cycle EPS, 10
à 12h, le tout en rapport à l’énoncé des programmes, seule une approche sportive mettant en
jeu des fondamentaux techniques comme support de réalisation apparaît comme l’entrée la
plus pertinente dans l’activité en EPS en 4ème.
Ma réponse est donc : non, ce choix d’entrée dans l’activité n’est pas en rapport immédiat
avec ma propre pratique. Elle n’est pas dépendante d’une préférence ou affinité d’une
approche sportive ou traditionnelle. Elle est avant tout EPS.
C : Peux-tu développer comment toi tu as appris le karaté ?
A : Ma pratique du karaté est relativement récente sur le plan de l’histoire qui me lie aux arts
martiaux et sports de combat. Comme je l’ai déjà dit, je pratique d’abord le judo deux ans si
mes souvenirs sont exacts. J’ai alors autour de 11-12-13 ans. Puis un épisode rapide en karaté
shotokan, un an et demi, le club du moment arrêtant alors ses activités, vient le taekwondo
durant trois ans, un club s’ouvrant six mois après la fermeture du club de Karaté. En 1984, je
passe ma ceinture noire de taekwondo en Allemagne, j’étais prof d’allemand devant une
commission fédérale faite d’experts. Durant toute cette période, l’enseignement que je reçois
est purement traditionnel : kihon pour le karaté et principe assimilé pour le taekwondo, kata
et pomsee, assauts conventionnels, jusqu’à la casse de planches, obligatoire parce qu’incluse
dans le programme des grades de couleur jusqu’à la noire en Taekwondo. Bref, jusque là pas
une compétition même pas en judo, rien.
En fait, il faut comprendre que la raison qui m’a amené à pratiquer le karaté est assez
singulière. Suite à l’obtention de mon 1er dan de taekwondo, mon prof arrête le club en 1984.
Celui-ci se retrouve sans enseignant malgré la volonté affichée des quelques 20 licenciés du
moment de continuer. A l’époque, il faut savoir que dans ce club, pour exister légalement, on
était sous tutelle d’un club de karaté de Limoges. Nous étions donc licenciés FFKTAMA,
442
karaté, taekwondo et arts martiaux affinitaires. C’est alors qu’en 1984, à l’âge de 19 ans, déjà
président de ce club depuis 1983, je décide de reprendre le flambeau et d’enseigner après
plusieurs tentatives pour trouver un prof de taekwondo sur Limoges. Mon club étant à Bellac,
soit à 40 km de Limoges. Puis en 1986, j’intègre la fac de Clermont-Ferrand et sur place, je ne
trouve aucun club de taekwondo. Je fais donc de la boxe française durant deux ans, mais en
parallèle je commence à faire des compétitions de karaté dans le Limousin puisque nous
étions licenciés FFKTAMA, j’en profite alors pour m’inscrire aussi dans un club de karaté sur
Clermont-Ferrand.
Bref, en tant que jeune enseignant, je ne trouve aucun avenir pour mon club à travers la
pratique du taekwondo. Mon grade était certes homologué mais en Allemagne et il n’existait
que deux clubs de taekwondo en Limousin : le mien compris et pas un club à Clermont-
Ferrand afin de progresser personnellement. C’est donc par souci d’homologation, histoire de
se détacher de la tutelle du club de karaté de Limoges et de compatibilité avec ma pratique
compétitive et celle de mes élèves du moment que je décide de m’inscrire dans un club de
karaté à Clermont Ferrand. Afin de progresser certes, en combat, mais aussi pour assimiler les
formes techniques nécessaires pour passer le plus rapidement possible mon 1er dan. Chose que
je fais deux ans après m’être inscrit dans ce club Clermontois, 1er dan en 1988.
C’est à ce moment, 1988, que je décide d’arrêter d’enseigner le taekwondo et me mets à
enseigner le karaté shito ryu au sein de mon club à Bellac.
Voilà comment j’en suis venu à pratiquer le karaté : parce que j’ai d’abord été enseignant.
Bref, pour répondre à ta question, le club de karaté dans lequel j’étais à Clermont me
permettait à la fois de préparer de façon très traditionnelle mon 1er dan (et même mon 2ème
dan, 3 ans après en 1991) tout en m’offrant la possibilité de progresser en compétition parce
que c’est le seul club de karaté sur Clermont-Ferrand où j’ai rencontré des opposants de taille
qui eux-mêmes faisaient de la compétition au delà du niveau régional en combat et en kata.
C’est à ce moment là que je me suis aussi mis à faire de la compétition kata, quelques unes.
Pour en arriver là, il faut savoir que j’y étais tous les soirs de la semaine et que le week-end je
revenais à Bellac pour enseigner dans mon club. Et ce même pendant mon année de service
militaire. Pour terminer, il est intéressant de noter que le club Clermontois dont je parle
comptait un champion de France combat, un champion d’Afrique, un membre de l’équipe de
France Kata (équipe B, je crois) que tu dois connaître : Frédéric Mizzi. Le professeur était
Daniel Queneau. A l’époque où j’ai commencé le karaté, j’ai parallèlement découvert à
travers nombre de stage des Maîtres comme Nakahashi et aussi Shinen puisque vers début
1990, Daniel Queneau entreprit d’orienter sa pratique vers le kobudo (Ecole Shorin ryu).
443
C : Alain, lors de notre dernier entretien, tu dis à propos de la maîtrise des émotions : « ne pas
se laisser submerger par la crainte du coup, de l’autre, par la représentation que l’on s’en
fait ». Cette position a-t-elle posé un problème dans ta pratique personnelle ? Comment ?
A : Effectivement, parallèlement à mes études, où un enseignant, G. B. X., développait un
modèle d’enseignement du judo tout à fait novateur, option que j’avais prise puisque la plus
proche avec mes affinités. Je me suis personnellement reconnu dans le modèle qu’il proposait
et qui débutait par « l’acceptation du contact ». Il venait de verbaliser ce que je rencontrais
moi-même dans ma pratique en compétition et dans mon club avec mes propres élèves dès
que je dépassais le stade des assauts conventionnels. Il est évident que mon expérience décrite
plus haut, fracture du nez dans l’enfance, a particulièrement contribué à me rendre plus
sensible à l’étude de cette démarche que j’ai très rapidement mis en avant dans mon propre
club afin d’en comprendre tout les enjeux sur le plan éducatif surtout le jour où je me suis mis
à enseigner le karaté aux enfants, en 1989.
C : Et qu’est ce que ça a comme effet dans les savoirs que tu as enseignés ?
A : J’ai en partie répondu ci-dessus. Mais concrètement, mes contenus se sont très rapidement
orientés vers une conception didactisée de l’enseignement. Dans le sens où le modèle
traditionnel ne me convenait pas pour les enfants, ni pour la préparation à la compétition. En
somme, ce n’est plus vraiment ma pratique qui s’est mis à orienter mes contenus mais ma
logique d’enseignant alors même que j’étais en train de faire mes études en STAPS, j’ai
utilisé mon club comme laboratoire d’expérimentation de tout ce que mes profs de fac
m’enseignaient. Depuis, je n’ai de cesse que de réfléchir à cette dialectique : didactique et
enseignement d’un karaté dont la logique est double : discours du maître / discours du
champion (Traditionnel / sport).
C : Pourquoi as-tu été sensible à ce problème dans la mise en œuvre de ton enseignement du
karaté en EPS ?
A : Parce que le modèle d’enseignement du judo en EPS de G. B.-X. que j’ai utilisé comme
point de départ de ma réflexion sur l’enseignement du karaté enfants et débutants dans mon
propre club au commencement, était lui aussi compatible avec les enjeux de l’EPS puisque
celui de G. B.-X. l’était lui même. En le croisant avec plusieurs autres modèles
d’enseignement provenant d’autres sports de combat que j’avais de surcroît pratiqué, la boxe
française notamment et l’escrime. J’en suis arrivé au modèle que j’emploie actuellement en
444
EPS. En somme, tout en restant dans la nature de l’activité karaté, ses fondamentaux
techniques, j’exerce un enseignement dont les modèles sont certes un peu traditionnel, sportif
en ce qui concerne le karaté, mais aussi issus d’autres sports de combat.
C : Alain, nous arrivons au terme de cet entretien, j’aurais alors une dernière question : quelle
est ta référence pour l’enseignement du karaté en EPS ?
A : G. B.-X., responsable de l’option judo dans les années 80-90 à l’UFR de Clermont
Ferrand puis Montpellier par la suite. Et d’une façon plus large : le judo, la boxe française et
un peu l’escrime avec le système des priorités, au sabre. Bref, tout sauf vraiment du karaté. Ce
qui n’est pas plus mal, car c’est un bon moyen de ne pas rester piégé par le seul modèle
auquel tout le monde semble vouloir adhérer : le modèle traditionnel, à savoir : kihon, kata et
assauts conventionnels.
C : Alors que je suis en train de finaliser mon document de thèse, il me faut ton accord pour
l'utilisation de ton prénom : m' autorises-tu à l’utiliser dans ma thèse lorsque je parle de toi?
En effet, je ne souhaite pas vous mettre des pseudos ( Denis pour Michel, par exemple) ou des
initiales (NJ pour Nicolas par exemple) car je suis sur une étude de cas, dont la singularité du
sujet est centrale. De ce fait, ton prénom fait à mon avis partie de ton histoire, qui parfois
transparaît dans l'étude de cas.
A : Pas de problème pour utiliser mon prénom !
C : Alain, je te remercie infiniment pour cet entretien, et tous les autres que tu m’as accordés.
Ton aide a été très précieuse dans mon travail de recherche et je ne manquerai pas de te tenir
au courant de son évolution.
445
ANNEXE 36 : GRILLES DE NIVEAUX
D’HABILETE
1. Niveaux d’habiletés en kihon et kata Niveaux Domaines
N1
N2
N3
KIHON +
KATA ↓
DEMONSTRATION
Gestuelle
Précipitée. Raccourcie,
sans intention. Pas d’armé. Pas de protection, ni de
verrouillage des techniques. Manque de coordination et de kime. Aucun travail de hanche.
Positions
Hautes. Peu différenciées.
Stabilité très relative
Déplacements
Aléatoires. Directions non respectées. Equilibre
instable. Pas de protection. Lenteur
Démonstrations
KIHON : A des difficultés
à enchaîner. Pas de « kime ».
KATA : « Récite » en cherchant de l’aide.
Gestuelle
En évolution. Arme et se
protège (prépare). Commence à coordonner plusieurs actions. Début de kime et de travail de hanche. Verrouillage.
Positions
Différenciées mais encore à corriger dans la forme.
Début de stabilité
Déplacements
Equilibre relatif. Se
protège. Plus rapides.
Démonstrations
Intériorise l’enchaînement et le reproduit plusieurs
fois sans se tromper. Intériorisation de
l’ensemble.
Gestuelle
Correcte dans un
répertoire appris. Bonne coordination du travail
tronc/jambes. Travail en
contraction/décontrac- tion. Verrouillage des
techniques. Travail des hanches prépondérant.
Positions
Correctes. Différenciées.
Stables
Déplacements
Equilibre assuré. Directions respectées.
Rapide. Vif.
Démonstrations
Vit l’enchaînement
comme un moment de combat.
Vit le kata. Combat.
446
2. Niveaux d’habiletés en bunkaï Niveaux Domaines
N 1
N 2
N 3
BUNKAI
APPLICATION COMPREHENSION
Est capable d’appliquer à
deux un enchaînement (blocage, contre-attaque),
extrait du kata, sans se tromper.
Est capable d’appliquer à deux une partie précise du kata, en respectant l’ordre
des techniques, sans se tromper.
Est capable d’appliquer tout ou partie du kata, à plusieurs en respectant
l’ordre des techniques sans se tromper.
Voire : est capable de
trouver plusieurs applications à un enchaînement.
BUNKAI – KUMITE
EXPLICATION INTERPRETATION
TORI :
A des difficultés à se repérer dans le kata : hésite sur l’arme à utiliser et la cible à viser.
UKE :
Transfert du kata au combat en voie de
réalisation.
L’explication est juste mais ne correspond pas à une phase de combat (non
respect de la distance, manque de vivacité...
Connaît l’attaque à délivrer à toutes les étapes du kata mais à des difficultés à : • être à bonne distance, • être stable, • être déterminé (kime). Transfert du kata au combat partiellement réalisé. Non respect d’un ou plusieurs critères : • distance, • kime, • équilibre, • positions.
S’adapte pour être à bonne distance de son adversaire et délivre une attaque où l’arme/cible sont respectées. Transfert du kata au combat. réalisé. Décalage/Blocage/ contre-attaque : • à distance, • avec kime, • en équilibre • en respectant les
positions du kata.
447
3. Niveaux d’habiletés en assauts conventionnels, non-imposés ou libres sur un pas Niveaux Domaines
N 1
N2
N3
KIHON IPPON KUMITE
(JIYU) IPPON KUMITE
ASSAUTS DE BASE SUR UN PAS , CONVENTION-
NELS, NON-
IMPOSES OU
LIBRES
TORI :
Vitesse d’exécution faible. Manque de détermination
Distance de frappe non-intégrée : n’est pas en mesure de toucher son adversaire (souvent trop
loin).
Stabilité à la frappe très relative.
UKE : Décalage : - Fuit, en se mettant hors distance pour toute action suivie. - Recule dans l’urgence en utilisant de manière prioritaire un déplacement vers l’arrière.
Blocage :
- Inefficace. Se fait toucher.
- Déclenchement en général trop tardif et sans protection (blocage d’urgence).
Contre-attaque :
- On peut retrouver les mêmes critères observables que «Tori » avec en plus, de manière spécifique :
- une absence ou une inefficacité du contre car il n’y a pas de réajustement de la distance par rapport à l’adversaire après la phase décalage/blocage.
Augmente sa vitesse d’exécution.
La distance est globalement respectée mais l’attaque manque
de précision.
Stable et équilibré tant qu’on ne demande pas trop d’augmenter la
vitesse d’exécution. - Esquive souvent trop tôt, dès le déclenchement du déplacement adverse. - Commence à utiliser des esquives de côté, intérieures ou extérieures à l’attaque adverse, afin de sortir de la ligne offensive. Commence à être efficace ;permet d’enchaîner une contre-attaque dans de bonnes conditions. - Contre-attaque «retardée » et imprécise : a des difficultés à réajuster correctement sa distance par rapport à l’adversaire.
Vitesse d’exécution importante et détermination visible dès la préparation.
Distance respectée : est précis dans son attaque. Stabilité assurée à la frappe. - Attends le dernier moment pour se décaler, afin de «lire » au mieux l’attaque adverse. - Utilise de manière prioritaire un déplacement de coté, voire en avançant , rentrant dans l’attaque (sen no sen). Blocage efficace qui déséquilibre l’adversaire (blocage-attaque). Voire : sen no sen blocage/contre quasi simultanés.
- A distance : réajustée. Contre efficace, précis.
- Peut enchaîner.
448
4. Niveaux d’habiletés en assauts conventionnels, non-imposés ou libres sur plusieurs pas
Niveaux Domaines
N1
N2
N3
(JYU) SANBON KUMITE
(JYU) GOHON KUMITE
ASSAUTS DE BASE SUR PLUSIEURS PAS, CONVENTIONNELS, NON-IMPOSES OU
LIBRES
TORI :
• N’adapte pas son
attaque en fonction de sa distance à l’adversaire.
• Est hors distance dès la 2ème attaque.
UKE : • Parvient uniquement à
se décaler sur la première attaque. Subit les autres, se retrouvant trop près ou trop loin, sans possibilité de bloquer.
• Pas de contre-attaque en fin d’enchaînement ou contre inefficace (problème de distance)
• Absence de variété des techniques de blocages utilisées.
• Est incapable de s’adapter au rythme imposé par l’adversaire.
• Commence à adapter son attaque et réajuster sa distance en fonction des déplacements adverses.
• Manque encore de précision dans l’enchaînement des attaques.
• Parvient à se décaler
et bloquer deux ou trois des attaques adverses, en arrivant à se protéger de celles-ci sans varier les techniques.
• Peut enchaîner une contre-attaque, plus ou moins efficace en fonction de sa distance.
• Commence à s’adapter au rythme imposé par l’adversaire, pourvu que celui-ci n’aille pas trop vite (repart souvent trop tôt ou trop tard).
• Parvient à garder
stabilité, Kime et précision , tout en réajustant sa distance par rapport aux déplacements adverses.
• Est capable de varier le rythme.
• Parvient à se protéger
de toutes les attaques adverses en restant stable, précis, puissant, à distance.
• Varie les blocages en fonction des attaques portées.
• Contre offensif efficace à la fin de l’enchaînement adverse.
• S’adapte correctement au rythme imposé par l’adversaire, parfois au détriment de l’efficacité des blocages.
•
449
5. Précision des rôles et identification d’indicateurs comportementaux des sous-rôles en combat libre (jiyu kumite)
Niveaux Rôle
N1
N2
N3
N4
OPPOSANT DE TYPE DEFENSIF
Fuite : « Je me déplace pour éviter d’être touché » • Recule
systématiquement pour se mettre hors distance, sans reprendre cette dernière.
• Esquive sans
chercher à toucher.
Blocage : « Je verrouille les chemins d’accès à ma garde » • Subi en se
protégeant. • Ferme sa garde
et y reçoit les attaques adverses sans déplacements
Accepte l’attaque : « Je surveille les attaques adverses et je les utilise. J’enchaîne immédiatement » • Se protège en
cherchant à contre-attaquer.
• Esquive et
cherche à toucher.
Attend l’attaque : « Je laisse croire à l’adversaire que je fais une faute pour l’obliger à l’attaquer ».
• Se déplace stratégique-ment pour préparer une riposte.
• Feinte pour
attaquer et renverser le rapport de force.
450
Niveaux Rôle
N1
N2
N3
N4
OPPOSANT DE TYPE OFFENSIF
Attaque directe : "Attaque prédéterminée par un savoir-faire particulier maîtrisé ». • Porte des
attaques simples, sans enchaînement et souvent sur un «appel » de l’adversaire (ouverture de la garde).
• Se déplace
exclusive-ment dans l’axe antéro-postérieur.
Attaque d’opportunité : «Sur déséquilibre provoqué et exploité : quand l’adversaire réagit, je lance mon attaque ». • Se déplace pour
mieux toucher. • Porte des
attaques combinées pour créer des ouvertures.
Attaque réaction : « Je feinte et j’attaque sur la réaction. Je bloque et j’enchaîne sur l’attaque de mon adversaire ».
• Feinte pour toucher.
• Bloque puis
contre-attaque.
Attaque dans l’attaque : « Je perçois l’attaque dès son déclenchement et je l’utilise ou bien mon attaque arrive avant celle de l’autre ».
• Anticipe l’attaque adverse en «rentrant » dedans et la neutralise.
• Touche avant
d’être touché.
451
6. Niveaux d’opposition en combat libre
Niveau
Type d’opposition
Tendance observable
1
Opposition subie
Fuite Opposant défensif
dominé
DEFENSIVE
Déplacement arrière Garde fermée
Peu de coups donnés 2
Opposition acceptée
Attentisme passif Opposant défensif
Logique de protection
3
Opposition provoquée
Attentisme actif Opposant défensif - offensif
OFFENSIVE
Déplacement surtout avant garde basse, ouverte
4
Opposition d’opportunité
Provocation Opposant offensif
Donne beaucoup de coups
Absence de véritable stratégie
5
Opposition interactive Combinaison-réaction
Opposant offensif-défensif
NEUTRE
Garde haute, éloignée Déplacements variés
6
Opposition exploitée
Opposant offensif dominant
Alterne, tourne.
Met en place des stratégies de touche.
452
7. Proposition de fiches d’évaluation des compétences en karaté Niveaux
Domaines N 1 N 2 N 3
KATA
Parvient à terminer le kata sans aide, en le
«récitant » sans rythme, avec quelques
erreurs de déplacements et/ou de
mouvements.
Réalise le kata sans hésitation, avec
rythme mais l’ensemble manque de détermination et/ou de
vitesse d’exécution et/ou de stabilité.
Donne l’impression de vivre le kata
comme un combat. Au moins deux des
critères (vitesse d’exécution, kime,
stabilité) sont respectés.
BUNKAI
En attaque : hésite souvent sur l’arme à
utiliser et/ou la cible à viser.
En défense : connaît l’application mais a des difficultés à la
mettre en pratique à deux (problème dans
la maîtrise de l’exécution des
techniques).
Connaît l’attaque à délivrer mais a des difficultés à être à bonne distance.
Connaît l’application à toutes les étapes du
kata mais a des difficultés dans la mise à distance par
rapport à l’adversaire, d’où un enchaînement
«saccadé ».
Ajuste sa distance en
fonction de l’attaque à délivrer.
Réalise l’application d’une partie du kata sans hésitation, en étant globalement à bonne distance de
l’adversaire, d’où un enchaînement
«fluide ».
453
Niveaux
Domaines
N 1
N 2
N 3
IPPON KUMITE
Attaquant :
« présente » une attaque à
l’adversaire ; pas d’intention de
toucher. Est hors distance et imprécis.
Défenseur : Recule-fuit.
Déplacement et blocage d’urgence.
Se fait toucher. Contre-attaque impossible ou
inefficace.
« Délivre » une attaque correcte, précise dans le niveau, à distance mais qui manque de vitesse et de détermination (« kime »).
Esquive un peu tôt ou
un peu tard : problème de «timing ».
Bloque, mais après avoir été touché.
Contre attaque mais ne réajuste pas ou mal
sa distance par rapport à l’adversaire.
« Libère » une attaque précise, à distance, avec l’intention de toucher.
Esquive-blocage efficace car à bonne
distance et correctement réalisé. Réajuste sa distance
pour la contre-attaque : efficace et
précise.
454
JIYU KUMITE
OPPOSANT
Recule systématiquement pour se mettre hors distance sans reprendre celle-ci.
Esquive sans chercher
à toucher .
OPPOSANT
Porte des attaques simples, sans enchaînement.
Se déplace presque exclusivement dans
l’axe antéro-postérieur.
DE TYPE Subi en se protégeant.
Ferme sa garde et reçoit les attaques
adverses sans déplacements.
DE TYPE Se déplace pour mieux toucher.
Porte des attaques combinées pour créer
des ouvertures.
DEFENSIF Se protège en cherchant à contre-attaquer.
Esquive et cherche à toucher.
OFFENSIF Feinte pour toucher.
Bloque puis contre-attaque.
Voire : anticipe en
rentrant dans l’attaque adverse et la neutralise.
455
ANNEXE 37
Proposition d’un exemple de
traitement didactique :
la référence du karaté du
chercheur
456
1. Enjeux de formation
Ces enjeux renvoient aux compétences spécifiques et générales qui sont visées par
l’enseignant. Ils sont sélectionnées par lui en fonction des analyses macroscopiques
(programmes, projet d’établissement et EPS) et microscopiques (caractéristiques de la classe
et des élèves). Comme le développement suivant ne s’adresse pas à une classe en particulier,
nous resterons sur une proposition générale et quelque peu exhaustive.
- Intérêt moteur du karaté :
• Investissement énergétique, musculaire important.
• Développement des sensations kinesthésiques et proprioceptives.
• Intégration de compétences réinvestissables dans la vie quotidienne : self-défense…
- Intérêt cognitif :
• Connaissance culturelle du karaté en tant que sport, art et activité de combat.
• Maîtrise des situations duelles se traduisant par un projet stratégique.
• Travail de mémorisation gestuelle.
• Traitement de l’information (par rapport à l’incertitude imposée).
- Intérêt socio-affectif :
• Contrôle de l’agressivité.
• Respect de l’autre.
• Développement des conduites de coopération : sécurité-solidarité-responsabilité.
• Accepter l’engagement dans l’affrontement.
• Renverser le rapport de force.
En conclusion, on peut dire que le karaté s’inscrit dans la poursuite des grands objectifs de
l’EPS :
457
• Il participe au développement des capacités motrices (notamment au niveau de la
coordination, de la mémoire sensori-motrice).
• Il participe au développement des ressources des élèves (bio-mécaniques, bio-
énergétiques, bio-informationnelles, et affectives).
• Il développe le corps dans sa totalité, implique la relation aux autres (respect des
différences, collaboration dans les tâches) et favorise l’affirmation de la personnalité de
l’élève par la création de ses propres moyens de défense.
• Il permet à l’élève de mieux percevoir les différents aspects de la culture (sportive,
artistique…).
• Il constitue, par la pluralité des fonctions qui y sont rattachées (entretien physique, sport
de compétition, relaxation, art martial) une activité physique susceptible d’être continuée
aux différents âges de la vie.
2. Stratégies d’apprentissage
Le choix de l’entrée dans l’activité sera déterminé par le profil de la classe. La
modélisation ci-dessous permettra de mieux appréhender cet aspect fondamental de l’acte
pédagogique.
- Dans le cas d’une classe « scolaire » : les entrées dans l’activité peuvent être
nombreuses : par le kata, les assauts conventionnels, voire le combat puisque les
élèves ne posent pas de problèmes de discipline.
- Dans le cas d’une classe « en rupture » : L’entrée par le kata va peut-être se révéler
trop exigeante en terme de concentration demandée et de mémorisation. L’entrée
par le combat sera au contraire trop difficile à contenir pour l’enseignant, les
élèves pouvant se laisser trop vite déborder par leurs émotions. Dans cette optique,
une entrée par les assauts conventionnels peut être une alternative intéressante
dans la mesure où elle permet d’inclure des règles de fonctionnement strictes, tout
458
en gardant l’aspect combatif de l’activité, certes centré sur le travail de la défense.
Nous donnons quelques exemples d’objectifs de cycles dans le chapitre suivant.
3. Objectifs de cycle
Thème : réagir à une attaque adverse pour renverser le rapport de force.
• Connaissances et savoirs à enseigner :
- Savoir choisir et adapter ses actions en utilisant des indices simples (cible visée-attaque
portée-distance).
- Savoir mettre en œuvre le blocage adapté à l’attaque en utilisant le répertoire technique
du kata.
- Savoir enchaîner décalage-blocage-contre-attaque.
• Acquisitions attendues des élèves :
- Réagir vite en fonction de l’attaque délivrée.
- Réagir bien en esquivant et en bloquant l’attaque.
- Réagir contre en délivrant une contre-attaque à distance de l’adversaire et en équilibre.
4. Définition de la pratique sociale de référence karaté et incidences pédagogiques
Le karaté peut être défini comme une activité physique de combat privilégiant la
percussion dans le travail pieds-poings, avec possibilités de préhension, dans laquelle il s’agit
de dominer un adversaire réel ou virtuel en lui portant un coup sur une surface corporelle
correspondant à un point vital dans la mesure où l’initiative de l’attaque provient de cet
adversaire. Cette acception martiale met l’accent sur le fait incontournable que le karaté est
bien utilisé à des fins uniquement défensives, jamais agressives.
459
- La première incidence pédagogique à cela tient dans la définition des rôles : le
défenseur sera celui qui n’a pas l’initiative de l’attaque.
- La deuxième incidence va définir notre situation de référence : l’assaut imposé. Dans
cette situation, le défenseur répond à une agression en se protégeant et en contre-
attaquant afin de ne plus laisser à l’attaquant d’alternatives.
- La troisième incidence va porter sur l’évaluation, qui n’envisage que celle du
défenseur, puisque d’un point de vue de l’éthique véhiculé par les arts martiaux, on
évitera de valoriser l’attaquant. De plus, il est nécessaire d’un point de vue sécuritaire
que l’élève contrôle son investissement physique lors de l’assaut, ce qui n’est pas
compatible avec la recherche d’une performance en terme de marquage de points, s’il
parvient à toucher le défenseur.
5. La situation de référence : l’assaut sur un pas
L’assaut imposé différencie les rôles de défenseur et d’attaquant. Ce dernier a l’initiative
de l’attaque, dont au départ de l’apprentissage toutes les variables contingentes seront
spécifiées. Le déroulement de cet assaut est donc très codifié : l’attaquant avance d’un pas en
déployant une attaque unique dont le rythme, la cible, l’arme et la distance sont connues du
défenseur, qui a comme tache de la neutraliser et de contre-attaquer aussitôt. Afin de pouvoir
évaluer du respect de la distance par le défenseur, il est nécessaire que l’attaquant reste sur
place une fois son attaque délivrée. L’assaut prend fin et les deux protagonistes peuvent
revenir à leur place face à face à distance de garde quand le défenseur a terminé sa contre-
attaque. Même si les rôles sont différenciés au départ de l’assaut, on s’aperçoit qu’à son terme
le défenseur change de rôle puisqu’il passe de celui de défenseur à celui d’attaquant. C’est
dans ce changement de rôle et de renversement du rapport de force que se manifeste
« l’intention stratégique » du combattant (Terrisse et coll., 1995).
Nous proposerons donc à partir de notre situation de référence, de construire les contenus en
manipulant les variables de l’opposition, ce qui complexifie la situation d’opposition et
permet à l’élève de construire des savoirs stratégiques mais aussi technico-tactiques,
autrement dit un véritable savoir combattre.
460
6. Les variables de la situation d’opposition
L’acte d’enseignement nécessite l’aménagement d’un milieu, afin qu’il soit propice à
l’apprentissage des élèves. Margolinas (1993) décrit ce milieu comme un ensemble de
contraintes qui doivent garantir le fonctionnement pertinent de l’activité de l’élève. Comme le
souligne D. Loizon (2004), « ces différentes contraintes s’expriment pour une grande part à
travers les variables didactiques. Nous les définirons comme « celles qui influent sur
l’apprentissage et dont l’enseignant peut choisir les valeurs (Brousseau, 1998). En combat, ces
variables sont les paramètres qui conditionnent l’affrontement. Désormais définies, les
différentes variables vont pouvoir être détaillées.
6.1. L’adversaire
La première variable à prendre en considération et la plus importante est
l’adversaire. Changer d’adversaire dans les situations d’opposition est un élément essentiel de
progrès. En effet, à travailler toujours avec le même partenaire, on s’habitue à lui, à ses
enchaînements, ses réponses, au point de perdre de vue le sens de l’activité qui est de
s’opposer et de réagir face à l’incertitude qu’il constitue. L’adaptation psychologique du
combattant à un « contexte différent » selon l’opposant est une composante essentielle de
l’activité et permet au demeurant à l’enseignant d’atteindre des objectifs en terme de
compétences générales de solidarité et de citoyenneté. Cette variable étant inhérente aux
activités physiques d’opposition individuelle, nous l’inclurons « par défaut » dans les
situations proposées veillant à ce que les élèves changent régulièrement de partenaire de
travail. L’enseignant instaure donc un rapport d’opposition changeant que l’élève va devoir
gérer aux niveaux stratégique, tactique et technique. En d’autres termes, si l’adversaire est
plus fort, l’adaptation se fait dans l’urgence, au cours même de l’épreuve, soit au niveau
tactique. Si l’adversaire est au contraire plus faible, on a tendance à imposer sa stratégie (par
définition pré-établie). Enfin si l’adversaire est estimé du même niveau, la différence va se
faire au niveau technique. Le tableau suivant se propose de synthétiser ce rapport :
461
Rapport d’opposition
FAVORABLE
EQUIVALENT
DEFAVORABLE
Adaptation
TACTIQUE
TECHNIQUE
STRATEGIQUE
Tableau 1 : adaptation du combattant en fonction de son estimation du rapport d’opposition
Il s’avère donc que pour l’enseignant, les variables permettent d’aménager la situation
d’opposition pour déséquilibrer le rapport de force à des fins d’apprentissage. Grâce à leur
manipulation, « l’enseignant peut construire des situations plus ou moins saturées en
incertitude afin de faire apprendre aux élèves autre chose qu’un savoir technique formel et
décontextualisé » (Loizon, 2004).
6.2. Les variables CARDinales
Les autres variables à prendre en compte et que l’enseignant va pouvoir manipuler à
son gré sont :
- la Cible, dont on précise le niveau (haut, médian, bas), ce qui va constituer trois
alternatives.
- l’Arme, qui peut être le poing ou le pied, mais les alternatives sont nombreuses car les
techniques afférentes sont variées. Leur nombre va dépendre du choix que
l’enseignant a fait en terme d’acquisitions techniques. Au cours d’un cycle d’une
dizaine d’heures, il convient de retenir le coup de poing direct (oï tsuki) le revers
circulaire (uraken), le coups de pied circulaire (mawashi geri). On arrive donc aussi à
un total de trois alternatives.
- Le Rythme. A partir de notre situation de référence, dans un assaut sur un pas, le
rythme concerne le déclenchement de l’attaque qui peut être signalé de manière sonore
par l’attaquant. Dans un assaut sur plusieurs pas, le rythme va concerner la régularité
462
de l’enchaînement de l’attaquant qui est au début imposé pour ensuite laissé à
l’initiative de l’attaquant.
- La Distance : c’est sans aucun doute la variable la plus contingente et celle dont la
manipulation va le plus mettre le défenseur en difficulté. Au départ de l’assaut,
l’attaquant prend sa distance par rapport au défenseur de manière à pouvoir le toucher
en avançant d’un pas, mais les deux combattants sont immobiles avant le
déclenchement de l’assaut. Par la suite, il est nécessaire de travailler en mobilité.
L’attaquant fera donc un travail de recherche de distance de manière à déclencher son
attaque au moment le plus opportun pour toucher et surprendre son adversaire.
Les variables contingentes étant définies, nous pourrons les scinder en deux catégories. La
première va inclure les variables techniques (cible et arme) et la seconde les variables
stratégiques (rythme et distance).
Ces quatre variables (Cible-Arme-Rythme-Distance), CARDinales au sens où elles sont
fondamentales dans la situation d’opposition, représentent le point d’ancrage de notre
traitement didactique : la manipulation de ces variables par l’enseignant va dans cette optique
lui permettre d’aménager la dualité par effet de complexification ou de simplification de la
situation en organisant la logique de l’affrontement.
Pour ce faire, dans une logique d’apprentissage, la graduation de la contingence de l’assaut
doit se faire de manière progressive. Plus l’enseignant va mettre de variables incertaines dans
le situation d’assaut, plus celle-ci sera contingente. Le tableau suivant (tableau 2) envisage la
graduation de la contingence de l’épreuve suivant la ou les variables manipulées. En effet,
suivant celles qui sont incertaines dans la situation, l’épreuve se révèle plus ou moins difficile.
Il y a donc une graduation intrinsèque de la situation d’opposition, qui est dépendante des
variables manipulées ou des combinaisons de variables incertaines.
463
Niveau de contingence de
l’épreuve
1 2 3 4
1 variable incertaine
R C A D
2 variables incertaines
RC - RA CA - CD AD RD
3 variables incertaines
CAR CRD ARD CAD
4 variables incertaines
ASSAUTS LIBRES
Tableau 2 : graduation de la contingence de l’épreuve suivant le nombre de variables manipulées Ainsi, si l’enseignant rend incertaine l’une des quatre variables précitées, on peut dire que
l’on est à un niveau 1 de contingence de l’épreuve d’opposition. Dans les assauts sans
incertitude ou au niveau 1 de celle-ci, on parlera d’assaut imposé.
Dans les cas de deux ou trois variables incertaines, soit dans les niveaux 2 et 3 d’incertitude,
les assauts seront semi imposés. La contingence de la situation d’opposition devient
importante. Enfin, le dernier niveau de contingence (niveau 4) correspondra à un assaut libre
dans la mesure où toutes les variables sont incertaines (cf. graphique 1)
464
Graphique 1 : Graduation de la contingence de l’épreuve en fonction du nombre de variables
manipulées.
Il se dégage alors trois niveaux de cycles :
- le cycle N1 : l’enseignant fera travailler les élèves sur des assauts imposés et semi
imposés soit jusqu’au niveau 2 de contingence.
- Le cycle N2 qui envisagera les assauts semi imposés et libres, soit jusqu’au niveau 4
de contingence.
- Le cycle N3 où seront abordés les assauts semi imposés et libres sur plusieurs pas
(enchaînement d’attaques).
1 2 3 4
4 3 2 1
Assauts
imposés
Semi imposés
libres
Contingence de l’épreuve
Nombre de variables incertaines
Degré d’incertitude
465
7. Organisation d’un cycle et de l’évaluation
7.1. Programme et notation
Les programmes d’EPS envisagent le groupement « activités physiques de
combat ». Les programmes du cycle central restent cependant très généraux et ne traitent
l’activité qu’au niveau transversal. L’accompagnement des programmes du cycle central,
censé détailler en termes de contenus les compétences à acquérir pour chaque niveau
n’envisagent pour autant que les activités de combat de préhension (lutte et judo). Seules
quelques allusions au karaté et à la boxe française peuvent être repérées en introduction. Ce
n’est donc manifestement pas dans ces programmes que l’enseignant va pouvoir trouver des
pistes de compétences à atteindre. Nous nous proposons donc de donner une option didactique
afin de pouvoir programmer l’activité karaté dans un établissement du second degré.
Un cycle d’apprentissage doit permettre à la fois d’enrichir le vocabulaire moteur spécifique
de l’élève et d’envisager les aspects stratégiques de l’activité. Il nous paraît intéressant
d’inverser progressivement le rapport technique/stratégie sans occulter un des deux pôles. Les
situations proposées doivent être variées et c’est lors de la définition des critères de réalisation
et de réussite que l’on peut se focaliser sur l’un ou l’autre aspect. Le travail purement
technique que constitue le kihon peut paraître rébarbatif aux élèves et n’a pas sa place en EPS.
Nous sommes en effet partisans d’une entrée dans l’activité par le travail à deux, on pourrait
dire par le combat mais préciserons par l’assaut (Ippon, nihon et sanbon kumite), qui peuvent
à tout moment être des supports au perfectionnement technique, sans que celui-ci devienne un
objectif situationnel.
Comme nous l’évoquions plus avant, la construction stratégique nécessite une gestion aiguë
de l’incertitude par l’enseignant. La construction de la distance de garde, la préparation de la
distance d’attaque ou l’exploitation de la mauvaise gestion spatiale de l’adversaire sont des
priorités en début de cycle. Elles laisseront ensuite la place à la construction et à la libération
d’espaces de frappes pour plus tard s’orienter vers la gestion des déplacements et des feintes
permettant à l’élève d’exploiter ses qualités et de masquer ses faiblesses, autrement dit de
gérer le rapport d’opposition.
Partant donc de la situation de référence que nous avons détaillé plus avant, l’objectif général
du cycle sera : réagir à une attaque pour renverser le rapport de force.
Le tableau suivant (tableau 3) propose de synthétiser les compétences attendues en terme
spécifiques et propres au groupe.
466
COMPETENCES C1 C2 C3
Spécifiques Esquiver en sortant de la ligne d’attaque
Bloquer de manière adaptée à l’attaque
adverse en utilisant le répertoire technique
du karaté
Contre-attaquer et contrôler sa touche, dans un état de strict
équilibre.
Propres au groupe Réagir vite en fonction de l’attaque
délivrée
Réagir « avec » : esquiver et bloquer l’attaque adverse
Réagir « contre » : contre-attaquer à
distance de l’adversaire
Tableau 3 : synthèse des compétences attendues en fin de cycle En vue de l’évaluation terminale du cycle de niveau 1, nous proposerons maintenant cette
grille d’évaluation (cf. tableau 4), avec les indicateurs permettant de noter chaque élève au
plus juste de sa prestation.
La performance du défenseur sera évaluée en fonction de sa capacité à changer de rôle. Les
points sont attribués en fonction de celle-ci. Si l’enseignant le souhaite, il peut aussi dans le
même temps évaluer la performance de l’attaquant en lui attribuant le reliquat de points qui
n’a pas pu être donné au défenseur.
Comportement observable
Se fait toucher
Esquive en reculant et se
met hors distance. N’est
plus en mesure
d’enchaîner une contre-
attaque
Esquive à distance et
contre-attaque de manière efficace.
Esquive en
se décalant et contre-attaque.
Se décale en
tournant et en
avançant, peut
enchaîner les contre-attaques
Points
Défenseur
0
1
2
3
4
Points attaquant (éventuellement)
4
3
2
1
0
Tableau 4 : Répartition des points pour l’évaluation de la performance de l’assaut
467
7.2. Programmation des séances SEANCES DUREE THEMES DE TRAVAIL
1
2 H
Présentation de l’activité, du cycle, des modalités d’évaluation, et de la sécurité La garde, mise à distance, différenciation des rôles, des cibles et des armes.
2 2H Apprentissage d’un coup de poing circulaire (uraken). Assauts sur un pas sans incertitude
3 2H Apprentissage du coup de pied circulaire (mawashi geri). Enchaînements pieds poings. Assauts sur deux et trois pas sans
incertitude 4 2H Assauts sur un pas avec augmentation progressive de l’ incertitude
(cf. tableau 2). 5 2H Travail de révision. Préparation de l’évaluation : mise en place des
groupes de niveaux. 6 2H Evaluation terminale
Tableau 5 : planification du cycle karaté 7.3. Contenus des séances
La situation de référence étant déjà détaillée, c’est à partir de celle-ci que
l’enseignant va pouvoir organiser les contenus tout au long du cycle. Il va ainsi pouvoir
choisir son entrée dans l’activité et la trame de leçon qui est proposée (cf. tableau 6) n’est
qu’un exemple possible avec comme objectif principal de donner un bagage technique
minimum à l’élève, notamment en ce qui concerne la garde, les rôles, la distance et le travail
du coup de poing de face et de blocages possibles. Afin de ne pas scléroser le travail des
élèves, les deuxièmes et troisièmes séances pourront aborder l’apprentissage d’armes
circulaires (pieds et poings) afin d’aborder l’enchaînement pieds poings et de ce fait les
assauts sur plusieurs pas.
468
EXEMPLE DE PREMIERE SEANCE SIT BUT TPS ESPACE
SECURITE
CONSIGNES DE REALISATION
CRITERES DE REUSSITE
1 Echauffement
20’
Elèves répartis dans le gymnase Sécu : enlever montres et bracelets
Revue des articulations et groupes musculaires, de bas en haut
Augmentation du rythme cardiaque Sudation Sensation de dénouage musculaire
2 A : se déplacer, en garde D : Etre capable de rester à distance de garde de A
10’
Occupation optimale de l’espace par les doublettes
A se déplace, en garde et D cherche à rester à distance. (jeu du miroir)
Pas de variation de distance entre A et D. Respect des rôles : A commande le déplacement D : change de garde, en fonction de celle de A.
3 A : toucher D D : ne pas être touché par A
10’
Idem + Sécu : respect de la consigne de cible : entre épaules et hanches (tronc).
A : être mobile pour créer des ouvertures Enchaîner – Feinter D : Esquiver, bloquer
Contrôle de la touche Reprise de distance après un enchaînement
4 Apprentissage du coup de poing (CP) de base
10’
Elèves X 2. Partent tous du même côté du gymnase.
A et D sont face-à-face, la même jambe avancée, les mains crochetées au niveau des hanches. A avance et simultanément D recule. Tous les deux déclenchent le CP en même temps. (cf. photo)
Poser le pied-frapper Simultanéité des actions dans le coup de poing Distance : dos droit, bras tendus
5 Idem
10’
Idem
A et D n’ont plus les mains crochetées. Poings fermés, un au-dessus de la hanche, l’autre poing niveau plexus adverse bras tendu. (cf. photo)
Poser-frapper Précision du coup : plexus Distance de touche (contrôle)
6 Idem sur cibles différentes
10’
Idem
Idem S5 mais l’élève doit réaliser une série de CP niveau haut
Idem S5 + précision coup en fonction de la cible visée et contrôle
469
(cible menton), puis une niveau bas (cible ventre).
strict de la touche
7 Apprentissage des blocages
15’
Idem 1. A avance CP niveau haut en séries, D recule et bloque de bas en haut 2. A avance CP niveau milieu (cible plexus), D recule et bloque sur le coté 3. A avance CP cible basse, D recule et bloque de haut en bas
Ne pas être touché « Verrouiller » le bras qui bloque par une rotation du poignet en fin de blocage. (Cf. photo)
8 Application dans un assaut sur trois pas
10’
Idem
A part en garde et avance sur un pas en donnant CP cible haute, puis enchaîne sur un deuxième pas CP cible milieu et termine par CP cible basse. D recule d’un pas sur chaque attaque, délivre le blocage adapté et termine après le dernier blocage par une contre-attaque CP cible libre
Respect des CR précédents + respect de la distance à la contre-attaque
Tableau 6 : planification de la séance 1 du cycle karaté Le reste du cycle de niveau 1 va consister à amener chaque élève à progresser dans l’assaut
sur un ou plusieurs pas, et ainsi à gérer le maximum d’incertitude dans celle-ci. Suivant le
niveau du groupe et le déroulement du cycle, l’enseignant va pouvoir intégrer ou non de
l’incertitude dans l’assaut sur un pas.
Dans cette optique, on peut penser que l’élève est acteur de ses apprentissages car c’est en
grande partie lui qui gère sa progression d’un niveau à l’autre, avec des indicateurs de passage
de l’un à l’autres simples et fiables (cf. tableau 7). Tous les autres tableaux (grilles de
comportements et niveaux d’habiletés peuvent être consultées en annexe 37, et nous ne
garderons que celui-ci afin de donner un exemple d’outil d’évaluation pouvant être utilisé en
EPS car notre méthodologie de recueil des données se fait justement au cours de la première
séance et au cours de la séance d’évaluation.
470
Niveaux Rôles
N 1
N2
N3
ATTAQUANT DEFENSEUR
Vitesse d’exécution faible. Manque de détermination
Distance de frappe non-intégrée : n’est pas en mesure de toucher son adversaire (souvent trop loin). Stabilité à la frappe très relative. Décalage : - Fuit, en se mettant hors distance pour toute action suivie. - Recule dans l’urgence en utilisant de manière prioritaire un déplacement vers l’arrière.
Blocage :
- Inefficace. Se fait toucher.
- Déclenchement en général trop tardif et sans protection (blocage d’urgence).
Contre-attaque :
- On peut retrouver les mêmes critères observables que «Tori » avec en plus, de manière spécifique : une absence ou une inefficacité du contre car il n’y a pas de réajustement de la distance par rapport à l’adversaire après la phase décalage/blocage.
Augmente sa vitesse d’exécution.
La distance est globalement respectée mais l’attaque manque de précision.
Stable et équilibré tant qu’on ne demande pas trop d’augmenter la vitesse d’exécution. - Esquive souvent trop tôt, dès le déclenchement du déplacement adverse. - Commence à utiliser des esquives de côté, intérieures ou extérieures à l’attaque adverse, afin de sortir de la ligne offensive. Commence à être efficace ; permet d’enchaîner une contre-attaque dans de bonnes conditions. - Contre-attaque «retardée » et imprécise : a des difficultés à réajuster correctement sa distance par rapport à l’adversaire.
Vitesse d’exécution importante et détermination visible dès la préparation.
Distance respectée : est précis dans son attaque. Stabilité assurée à la frappe. - Attends le dernier moment pour se décaler, afin de «lire » au mieux l’attaque adverse. - Utilise de manière prioritaire un déplacement de coté, voire en avançant, rentrant dans l’attaque (sen no sen). Blocage efficace qui déséquilibre l’adversaire (blocage-attaque). Voire : sen no sen blocage/contre quasi simultanés.
- A distance : réajustée. Contre efficace, précis.
- Peut enchaîner.
Tableau 7 : Niveaux de compétences en assauts imposés, non imposés ou libres sur un pas
471
Dans un cycle de niveau 2, l’enseignant pourra se centrer sur la graduation de l’incertitude
dans la situation de référence, le but étant que les élèves puissent gérer un assaut libre en fin
de cycle (jyu ippon kumite : assaut sur un pas arme et cible inconnues du défenseur).
Un cycle de niveau 3 pourra envisager la même graduation de l’incertitude mais sur des
assauts plus complexes, à savoir sur plusieurs pas (sanbon kumite, cf. tableau 8)
Niveaux Rôles
N1
N2
N3
ATTAQUANT
DEFENSEUR
• N’adapte pas son
attaque en fonction de sa distance à l’adversaire.
• Est hors distance dès
la 2ème attaque. • Parvient uniquement à
se décaler sur la première attaque. Subit les autres, se retrouvant trop près ou trop loin, sans possibilité de bloquer.
• Pas de contre-attaque
en fin d’enchaînement ou contre inefficace (problème de distance)
• Est incapable de
s’adapter au rythme imposé par l’adversaire.
• Commence à adapter
son attaque et réajuster sa distance en fonction des déplacements adverses.
• Manque encore de précision dans l’enchaînement des attaques.
• Parvient à se décaler
et bloquer deux ou trois des attaques adverses, en arrivant à se protéger de celles-ci sans varier les techniques.
• Peut enchaîner une
contre-attaque, plus ou moins efficace en fonction de sa distance.
• Commence à
s’adapter au rythme imposé par l’adversaire, pourvu que celui-ci n’aille pas trop vite (repart souvent trop tôt ou trop tard).
• Parvient à garder
stabilité, kime et précision , tout en réajustant sa distance par rapport aux déplacements adverses.
• Est capable de varier
le rythme. • Parvient à se protéger
de toutes les attaques adverses en restant stable, précis, puissant, à distance.
• Contre offensif
efficace à la fin de l’enchaînement adverse.
• S’adapte correctement
au rythme imposé par l’adversaire, parfois au détriment de l’efficacité des blocages.
Tableau 8 : Niveaux de compétences en assauts sur plusieurs pas
472
ANNEXE 38
473
474
475
476
477
478
479
480
481
482
483
484
485
486
487
488
489
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE………………………………………………………………………………….7
INTRODUCTION…………………………………………………………………………....9
1. Origine de la recherche …………………………………………………………………..10
1.1. La première rencontre avec la recherche : le mémoire professionnel de validation
du CAPEPS : «intention stratégique et structure d’opposition en boxe française : de la
construction à l’enchaînement des rôles » (Heuser, 1997)……………………………........10
1.2. L’insatisfaction née de la sensation de n’avoir pas fini mon travail de recherche :
le mémoire de DEA « analyse de l’écart entre savoir transmis et savoir appris : le cas de
l’enseignement du karaté en EPS » (Heuser, 2001). ………………………………………11
1.2.1. Problématique et objet de la recherche de DEA………...…………………..12
1.2.2. Cadre conceptuel…………………………………...…………………………..14
1.2.3. Méthodologie de la recherche………...……………………………………….15
1.2.3.1. Cadre méthodologique général : appréhender l’effet contingent des
apprentissages par une méthodologie d’ingénierie didactique……...……………..15
1.2.3.2. Analyse a priori : la phase de négociation …..……………………....16
1.2.3.3. Analyse du savoir enseigné dans la mise à l’épreuve…………..…...18
1.2.3.4. L’analyse à posteriori : analyse de l’écart entre le savoir enseigné et
le savoir appris à partir d’une option clinique………….…………………………………19
1.2.3.5. Modalités de recueil des données…………………...…………….….21
1.2.4. Résultats des élèves à l’épreuve : le combat libre…………………………22
1.2.5. Résultats de l’étude sur deux cas d’élèves : Eve et Ingrid…………...……….26
1.2.5.1. Description des résultats d’Eve (CA)……………...………………...26
1.2.5.2. Interprétation des résultats d’Eve……………...……………………26
1.2.5.3. Description des résultats d’Ingrid (RA)……………………...……...28
1.2.5.4. Interprétation des résultats d’Ingrid………...………………………28
1.2.6. Conclusion du DEA……………………………………...……………………...30
1.3. Une question didactique insistante : « quels savoirs en karaté à l’école ?»……...32
490
1.4. Emergence et précision de la problématique de thèse…………………...………..33
2. Présentation de la thèse…………………………………………………………………..34
PREMIERE PARTIE : CADRE CONCEPTUEL ET CONNAISSANCE
DE L’ACTIVITE DE REFERENCE : LE KARATE……………………………………35
Introduction …………………………………………………………………………………36
1. Options conceptuelles spécifiques utilisées en didactique clinique de l’EPS. ………...37
1.1. La didactique clinique de l’EPS : présentation des travaux de l’équipe de
recherche AP3E (Analyse des Pratiques d’Enseignement et leurs Effets sur les Elèves)
du DiDiST (Didactique des Disciplines Scientifiques et Technologiques), équipe du
CREFI-T (Centre de Recherche Education Formation Insertion – Toulouse) EA 799,
(ex : LEMME, Laboratoire d’Etudes des Méthodes Modernes d’Enseignement). …....37
1.2. La recherche clinique……………………………………………...………….…….41
1.3. La didactique : historique et définitions…………………………..………….……46
1.4. Les concepts de la didactique mobilisés dans cette recherche……..………….….49
1.5. La transposition didactique comme outil d’analyse de la transformation du savoir…………………………………………………………………………………………50
1.6. Les trois études du rapport aux savoirs……………..………………………….….55
1.6.1. Les savoirs……………………………………………………………………..57
1.6.2. Les savoirs en karaté………………………………………………………….58
1.6.2.1. Les savoirs techniques (et souvent esthétiques en karaté)………..59
1.6.2.2. Les savoirs stratégiques ……………………………………………60
1.6.2.3. Les savoirs éthiques…………………………………………….…..62
1.6.2.4. Les savoirs réglementaires……………………….………………...64
1.6.2.5. Les savoirs sécuritaires…………………………………………….66
1.6.2.6. Les autres savoirs en karaté…………………………………….….66
1.7. Référence, savoir de référence et pratique sociale de référence…………...……67
2. Problématisation de la recherche : la question de la référence comme outil d’analyse
des pratiques enseignantes……………………………………………………………...72
3. La connaissance de l’activité karaté : les références au savoir………………………...74
491
3.1. Référence historique : la pratique de combat karaté…………………………….74
3.1.1. Un isolationnisme à toute épreuve………………………………….……....75
3.1.2. Des origines nécessairement diffuses……………………………………….75
3.1.3. Un fondateur inspiré : la création du karaté moderne……………………76
3.1.4. L’évolution des arts d’Okinawa : l’apparition de différents styles de
karaté………………………………………………………………………………………..77
3.2. Référence sportive du karaté…………………...………………………………….82
3.2.1. Définition d’un sport de combat…………………………………………….82
3.2.2. Définition du karaté en tant que sport de combat…………………………82
3.2.3. Définition du karaté en compétition………………………………………...83
3.3. Référence didactique : l’alliance du sportif et du martial…………...…………...84
3.3.1. Réflexion épistémologique relative aux arts martiaux et aux sports de
combat.....................................................................................................................................84
3.3.2. Définition du karaté do………………………………………………………85
3.3.3. Les différents domaines du karaté do……………………………………….86
3.3.3.1. Le kihon : travail individuel imposé………………………………86
3.3.3.2. Le kata : archives du karaté do……………………………………86
3.3.3.3. Les assauts conventionnels…………………………………………87
3.3.3.4. Les assauts libres……………………………………………………89
3.3.4. Les relations entre les différents domaines d’entraînement du karaté……90
3.3.4.1. Liaison kihon et kata………………………………………………..90
3.3.4.2. Liaison kihon et assauts conventionnels (cf. schéma 3)……….…..91
3.3.4.3. Liaison kata et assauts conventionnels (cf. schéma 3)……….……91
3.3.4.4. Implications dans la recherche………………………………….….92
3.3.5. Présentation de travaux scientifiques et professionnels sur le karaté en
rapport avec la thèse……………………………………………………………………..….93
3.3.5.1. Une étude sur le karaté en bio-mécanique……………..……..…...93
3.3.5.2. Une étude sur le karaté en sociologie des pratiques………..…......94
3.3.5.3. Une étude sur le karaté en histoire…………………………....…...94
3.3.5.4. Une étude sur le karaté en ethno-sociologie……………..…..…….95
3.3.5.5. Une étude sur le karaté en physique……………………..…..…….95
3.3.5.6. Les travaux en didactique du karaté dans les revues
professionnelles............................................................................................................96
492
3.4. Référence scolaire de l’APSA karaté……………………………………..………98
3.4.1. Analyse des textes officiels relatifs au combat en EPS…………………..98
3.4.1.1. Programmes du cycle d’adaptation : classe de 6e ……………….98
3.4.1.2. Programme du cycle central : classes de 5e et 4e………………..100
3.4.1.3. Programme du cycle d’orientation : classe de 3e……………….101
3.4.1.4. Programmes de lycées : classe observée avec l’enseignant Michel
(première année de BEP, lycée professionnel). ………………………………………….102
3.4.1.5. Bilan des savoirs à enseigner en combat dans les programmes
d’EPS………………………………………………………………………………………..102
DEUXIEME PARTIE : ETUDES PRELIMINAIRES ET OPTIONS
METHODOLOGIQUES…………………………………………………………………..105
Introduction : rappel de la première partie et des questions de recherche…………….106
1. L’enquête préliminaire………………………………..…………………………...107
1.1. Présentation et objet du questionnaire préliminaire……………...……..107
1.2. Analyse descriptive du questionnaire………………………………………...107
1.3. Résultats de l’analyse de l’enquête préliminaire…………………………….110
1.3.1. Traitement des données recueillies dans les questionnaires
enseignants : non pratiquants de karaté………….………………………………110
1.3.1.1. Recueil et traitement des réponses relatives à la question 8
du questionnaire préliminaire : « pour vous, qu’est-ce que le
karaté ? »…....................................................................................................112
1.3.1.2. Recueil et traitement des données relatives à la question 9
du questionnaire préliminaire : « Quels sont (ou seraient) selon vous les
contenus à privilégier pour enseigner cette activité en milieu
scolaire ? »……………………………………………………………….….118
1.3.2. Traitement des données recueillies dans les questionnaires
enseignants : pratiquants de karaté……………………………………….………121
1.3.3. Comparaison entre les deux groupes : non pratiquants et
pratiquants de karaté………………………………………………..……………..125
2. La pré-étude de cas…………………………………………..…………………….127
2.1. Comparaison en termes d’expérience, d’expertise et de référence du savoir à
enseigner (SAE) des quatre enseignants collaborateurs…………………………127
493
2.1.1. Analyse comparative du déjà-là expérientiel des quatre enseignants
collaborateurs………………………………………………………………………………128
2.1.2. Analyse comparative du déjà-là conceptuel des quatre enseignants
collaborateurs………………………………………………………………………131
2.1.3. Analyse comparative du déjà là intentionnel des quatre enseignants
collaborateurs………………………………………………………………………………132
2.1.4. Analyse singulière des trois enseignants Michel, Giovanni et Alain……...137
2.2. La pré-étude de cas : Nicolas…………………………………...…...…………….139
2.2.1. Présentation et objet de la pré-étude de cas………………………….…….139
2.2.2. Méthodologie employée………………………………………………….…..140
2.2.2.1. Enregistrement des séances…………………………………….…140
2.2.2.2. L’entretien ante séance (EAS)…………………………………….141
2.2.2.3. L’entretien post séance (EPS)……………………………………..141
2.2.3. Résultats de la pré-étude de cas…………………………………………….142
2.2.3.1. Les traces du SAE…………………………………………….……142
2.2.3.2. Les traces du SRE dans l’épreuve………………………….……..143
2.2.3.3. Conclusion : le rapport SAE / SRE…………………………….…146
2.2.4. Conclusion de la pré-étude de cas Nicolas : perspectives envisagées….....147
3. Reformulation des questions de recherche et de la problématique………….…149
4. Méthodologie de recueil des données : L’observation des pratiques
d’enseignement du karaté en EPS, à partir de la pré étude du cas
Nicolas………………………………………………………………………. ……..151
5. Méthodologie de traitement des données : l’analyse des pratiques d’enseignement
du karaté en EPS…………………………………………………………….……..157
5.1. Présentation des différentes phases du traitement des données……………157
5.2. Techniques d’analyse des données…………………………………………...159
5.2.1. L’étude de documents fournis par l’enseignant : les planifications…....159
5.2.2. Les entretiens ante séance (EAS)……………………………….………...160
5.2.3. Les séances…………………………………………………………….…...161
5.2.4. Les entretiens post séance (EPS)………………………….………………162
5.2.5. Les entretiens d’après-coup (EAC)………………………...…….………163
494
TROISIEME PARTIE :
RESULTATS DE L’ETUDE DIDACTIQUE CLINIQUE…………………………….. 165
1. Rappel méthodologique……………………………………………..…………………..166
2. Etude de cas : Michel………………………………………………………………..…..167
2.1. Présentation de l’enseignant collaborateur……………...…………………….167
2.2. Première phase de l’étude de cas : le déjà-là de Michel………………..……..167
2.2.1. Etude des planifications……………………..…………………………167
2.2.2. Etude de l’entretien ante séance 1 (EAS1)………………………… …168
2.2.3. Les traces du SAE..…………………………………………….………..169
2.2.4. Etude de l’entretien ante séance d’évaluation (EASEV)……………...170
2.2.5. Les traces du SAEV……………………………………..……………..171
2.3. Deuxième phase de l’étude de cas : analyse de l’épreuve……………...…….172
2.3.1. Etude de la séance 1 : le savoir réellement enseigné (SRE)…….......172
2.3.2. Discussion sur le SRE………………………………...……………….175
2.3.3. Etude de la dernière séance du cycle : le savoir réellement évalué
(SREV)...................................................................................................................................180
2.4. Troisième phase de l’étude de cas : l’analyse de l’entretien d’après-coup
(EAC)……………………………………………………………………………181
2.5. Synthèse de l’étude de cas : les références de Michel………………………..184
3. Perspectives de travail……………………………………………………………….187
4. Etude de cas croisée : Giovanni et Alain……………………………………………192
4.1. Présentation des deux enseignants : le déjà-là…………………………..…….192
4.2. Analyse comparative du SAE et du SAEV de Giovanni et
d’Alain………………………………………………………………………….…193
4.2.1. Le SAE et le SAEV de Giovanni…………………...…………….….193
4.2.2. Le SAE et le SAEV d’Alain……………………………...…………..195
4.2.3. Discussion sur les écarts : hypothèses sur la nature de la référence de
chaque enseignant………………………………………………........197
4.3. Analyse comparative du SRE et du SREV de Giovanni et d’Alain……….....198
4.3.1. Le SRE et le SREV de Giovanni………………………………...…..198
4.3.2. Le SRE et le SREV d’Alain……………………………………...…..202
4.4. Analyse comparative de l’après-coup des deux enseignants……………….....207
4.4.1. Analyse de l’entretien d’après-coup (EAC) de Giovanni……….....207
4.4.2. Analyse de l’entretien d’après-coup (EAC) d’Alain…………….....210
495
4.5. Conclusion de l’étude de cas croisée des deux enseignants……………….......213
5. Analyse comparative des références de chaque enseignant…………….………….…215
5.1. Analyse fonctionnelle des références de chaque enseignant pour l’enseignement
du karaté en EPS……………………………………………………………...…………...215
5.2. Analyse structurelle des références de chaque enseignant………………..........217
5.3. Analyse dynamique des références de chaque enseignant………………...........218
6. Le second après-coup……………………………………………………….…….…….222
6.1. Analyse du second entretien d’ après-coup d’Alain…………………….....…...222
6.2. Analyse du second entretien d’après-coup de Giovanni......................................226
CONCLUSION………...………………………………………………………………......229
1. Le savoir produit par la thèse………………………………………………..…...230
2. Discussion sur les limites et les prolongements de notre recherche : les
remaniements du chercheur………………………………………………...…….239
3. Perspectives pour l’enseignement du karaté et la formation des enseignants....244
4. Bilan final : l’après-coup du chercheur……………………..……………………245
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………253
GLOSSAIRE DES TERMES JAPONAIS ET DES
ABREVIATIONS…………………………………………………...……………………...271
1. Traduction des termes japonais en français………………………………….…..272
2. Abréviations………………………………………………………………………...276
INDEX DES TABLEAUX ET SCHEMAS……………………………………………….279
TABLE DES MATIERES……………………………………………………………........489
TABLE DES MATIERES DES ANNEXES ……………………………………………..497
496
497
TABLE DES MATIERES DES ANNEXES
Annexe 1. Enquête : questionnaire enseignant d’EPS………………………...………….....284
Annexe 2. Pré-étude de cas : Nicolas. Renseignement du questionnaire préliminaire….…..287
Annexe 3. Pré-étude de cas : Nicolas. Planification fournies par l’enseignant………......….291
Annexe 4. Pré-étude de cas : Nicolas. Verbatim de l’entretien ante séance 1………....… ...298
Annexe 5. Pré-étude de cas : Nicolas. Verbatim séance 1……………………….…..…… ..300
Annexe 6. Pré-étude de cas : Nicolas. Verbatim de l’entretien post séance 1…….…......….306
Annexe 7. Cas 1 : Michel. Renseignement du questionnaire préliminaire……….…........…311
Annexe 8. Cas 1 : Michel. Planifications fournies par l’enseignant……………...……...….315
Annexe 9. Cas 1 : Michel. Verbatim de l’entretien ante séance 1……………..……………321
Annexe 10. Cas 1 : Michel. Verbatim de la séance 1…………………………..………… ..324
Annexe 11. Cas 1 : Michel. Verbatim de l’entretien post séance 1……………..…………..331
Annexe 12. Cas 1 : Michel Verbatim de l’entretien ante séance d’évaluation………...……336
Annexe 13. Cas 1 : Michel. Verbatim de la séance d’évaluation………………..………….337
Annexe 14. Cas 1 : Michel. Verbatim de l’entretien post séance d’évaluation finale…..…..342
Annexe 15. Cas 1 : Michel. Verbatim de l’entretien d’après-coup………………...……….345
Annexe 16. Cas 2 : Giovanni. Renseignement du questionnaire préliminaire………...…….349
Annexe 17. Cas 2 : Giovanni. Planifications fournies par l’enseignant……………...……...354
Annexe 18. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de l’entretien ante séance 1……………...………..359
Annexe 19. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de la séance 1…………………………...………...362
Annexe 20. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de l’entretien post séance 1……………..………...366
Annexe 21. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de l’entretien ante séance d’évaluation……..…….368
Annexe 22. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de la séance d’évaluation………………..………..370
Annexe 23. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de l’entretien post séance d’évaluation……..…….372
Annexe 24. Cas 2 : Giovanni. Verbatim de l’entretien d’après-coup……………..………...376
Annexe 25. Cas 2 : Giovanni. Verbatim du second entretien d’après-coup…………..…….381
498
Annexe 26. Cas 3 : Alain. Renseignement du questionnaire préliminaire…………..……..385
Annexe 27. Cas 3 : Alain. Planifications fournies par l’enseignant………………..………389
Annexe 28. Cas 3 : Alain. Verbatim de l’entretien ante séance 1………………..………...413
Annexe 29. Cas 3 : Alain. Verbatim de la séance 1…………………………..……………416
Annexe 30. Cas 3 : Alain. Verbatim de l’entretien post séance 1……………..……...……423
Annexe 31. Cas 3 : Alain. Verbatim de l’entretien ante séance d’évaluation……….……..426
Annexe 32. Cas 3 : Alain. Verbatim de la séance d’évaluation……………………………427
Annexe 33. Cas 3 : Alain. Verbatim de l’entretien post séance d’évaluation……….……..430
Annexe 34. Cas 3 : Alain. Verbatim du premier entretien d’après-coup………………......433
Annexe 35. Cas 3 : Alain. Verbatim du second entretien d’après-coup…………………...440
Annexe 36 : grilles de niveaux d’habileté…………………………………..………….…..445
Annexe 37 : proposition d’un exemple de traitement didactique, la référence du karaté du
chercheur…………………………………………………………………….……………..455
Annexe 38. Enseignants pratiquants anonymes : renseignement du questionnaire
préliminaire………………………………………………………………………..……….472
Résumé : cette thèse se propose d’étudier en quoi une pratique enseignante en EPS renvoie à
une référence et quelle est sa fonction. L’objet de recherche est centré sur la recherche des
traces de la référence de l’enseignant, qui sera extraite de l’analyse des écarts entre le savoir
à enseigner, le savoir réellement enseigné, le savoir à évaluer et le savoir réellement évalué.
La méthodologie découle d’une étude didactique clinique, au cas par cas. L’analyse des
verbatim de trois enseignants sur la première et la dernière séance d’un cycle de karaté en
EPS, ainsi que des entretiens ante séance, post séance et d’après coup constituent le corpus
qui va servir à extraire les traces du savoir enseigné et évalué dans le but d’inférer et de
présenter la référence enseignante. Les résultats montrent la dynamique constante de cette
référence enseignante, qui s’avère être remaniée et diverse dans sa fonction (stratégique,
technique, éthique, sécuritaire et proprioceptive), construite par l’enseignant dans sa
structure (personnelle, culturelle et expérientielle) au cours du processus d’enseignement.
Mots clés : référence, transposition didactique, didactique clinique, rapport aux savoirs,
enseignement de l’EPS, karaté.
Summary: this thesis proposes to study in what a teaching practice in physical education
returns to a reference and to determine function of it. The object of research is centered then
on the research of the traces of the knowledge of reference of the teacher, whom we will
extract by the analysis from the differences between the knowledge to be taught, really taught
knowledge, knowledge to be evaluated and really evaluated knowledge. Methodology is
centered on a clinical didactic study, on a case-by-case basis. The analysis of the verbatim of
three teacher on the first and the last meeting of a cycle of karate in EPS, as well as talks
handle meeting, post and according to blow constitute the corpus which will use to extract the
traces from the knowledge taught and evaluated with an aim to infer and present the
knowledge of reference of the teacher. The results show a constant rehandling of the teaching
reference whose functional aspects and structural aspects change during the teaching process.
Keywords: reference, didactic transposition, clinical didactic, report with the knowledge,
teaching in physical education, karate.