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Le système du monde : histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic,... / Pierre Duhem,... Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

DUHEM, Pierre, O Sistema Do Mundo. Vol 9

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Duhem

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  • Le systme du monde :histoire des doctrines

    cosmologiques dePlaton Copernic,... /

    Pierre Duhem,...

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • Duhem, Pierre (1861-1916). Le systme du monde : histoire des doctrines cosmologiques de Platon Copernic,... / Pierre Duhem,.... 1913-1959.

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  • Pierre Du hein

    Tome lx

    u!in./y Hermann

  • LE SYSTME DU MONDE de Pierre Duhemconstitue une encyclopdie de l'histoire dessciences d'une valeur exceptionnelle pourl'tude de la physique et de la mcaniquemdivales. C'est l'oeuvre la fois d'un savantet d'un historien,et non pas d'un savant devenuhistorien et qui aurait oubli la science. Il avraiment dcouvert et expos la continuit dela filiation entre la science et la philosophied'Aristote et celle du Moyen-Age. Son ouvrageest le seul qui englobe une telle tendue.

    Gaston Bachelard

    C'est dans la richesse inoue de la documenta-tion, fruit d'un labeur qui confond l'esprit,que consiste la valeur permanente de l'oeuvrede Duhem malgr quarante ans d'tudes etde recherches, elle demeure une source derenseignements et un instrument de travailirremplac et donc indispensable.

    Alexandre Koyr

    L'ouvrage de Duhem, intgralement publi,apparatra comme un monument de science etde patience, restituant chaque poque del'volution du savoir humain son originalitet sa fcondit.

    Jean Abel(Les tudes)

    Illustration de la couverture ASTROLABE DE REGIOMONTANUS,notrument servant mesurer les hauteurs et les distances angulaires des astres,

    d'aprs l'original de 1468 conserv au mttse de Nuremberg

  • PIERRE DUHEMMEMBRE DE L'INSTITUT

    PROFESSEURA L'UNIVERSITDE BORDEAUX

    LE SYSTEMEDU MONDE

    HISTOIRE DES DOCTRINES COSMOLOGIQUESDE PLATON A COPERNIC

    TOME IX

    1 HERMANN^-

    6, RUE DE LA SOKBONNE, PARIS V

  • LE SYSTMEDU MONDE

  • PIERRE DUHEMMEMBRE DE L'INSTITUT

    PROFESSEURA L'UNIVERSITDE BORDEAUX

    LE SYSTMEDU MONDE

    HISTOIRE DES DOCTRINES COSMOLOGIQUESDE PLATON A COPERNIC

    TOME IX

    HERMANN6, RUE DE LA SORBONNE,- PARIS V

  • CINQUIME PARTIE

    LA PHYSIQUE PARISIENNEAU XIVe SICLE

    (suite)

  • CHAPITRE XV

    LA THORIE DES MARES

    1

    GUILLAUME D'AUVERGNE

    Les premiers docteurs du Moyen Age s'taient enquis deslois de la mare auprs de Saint Ambroise, cho de Saint Basile,puis auprs du naturaliste Pline; ces auteurs leur avaientdonn, touchant le flux et le reflux de la mer, des notionssommaires mais, en gnral, fort exactes. La science acquise dela sorte avait atteint son plus haut degr dans le trait Detemporum ratione, compos par Bde le Vnrable. Bde, d'ail-leurs, enrichissant cette science du fruit de ses propres obser-vations, avait formul, le premier, la loi de l'tablissementdu port.

    Puis, aux ges suivants, la thorie qui met la mare sous ladpendance de la Lune avait subi, chez beaucoup de Scolas-tiques, une sorte de recul d'autres explications avaient tproposes qui n'invoquaient aucune cause astrale telle taitl'explication de Paul Diacre, qui attribuait la mare, desgouffres chargs d'absorber, puis de vomir priodiquement lesflots de la mer telle tait l'explication de Macrobe qui, dansla mare, voyait un effet du conflit entre les courants quisillonnent les divers bras de l'Ocan.

    Ces explications errones partaient d'observations exactesqui les rendaient sduisantes pour les riverains de l'Ocan, dela Manche, de la Mer d'Irlande. Les marins venus des pays duNord leur avaient confirm l'existence du Maelstrm, dont letourbillon change de sens quand la mare se renverse ilsavaient frquemment entendu parler des courants de flot oude jusant qui parcourent avec tant de violence certaines partiesde la Manche ou de la Mer d'Irlande ces observations les

  • portaient voir, dans la mare, deux courants, deux coule-ments de sens contraire, un flux et un reflux, bien plutt qu'uneintumescencesouleve par l'action lunaire. On conoit donc quedes hommes habitus observer la mer, un Adlard de Bath,par exemple, aient prfr la thorie de Macrob celle dePline.

    Mais, d'autre part, un observateur ne pouvait gure mcon-natre la liaison constante qui unit les priodes de la mare aucours de la Lune il devait donc tre port joindre l'explicationlunaire aux explications de Paul Diacre et de Macrobe simplejuxtaposition dans les crits de Guillaume de Conches et duSolitaire auquel nous devons le De imagine mundi, cette jonctiondevenait une sorte de synthse dans les crits de Giraud deBarri.

    Le discrdit total ou partiel qui avait, pour un temps, frappla thorie lunaire de la mare prit fin lorsque les Chrtiensd'Occident se mirent tudier l'Introductorium magnum inAstronomiam Albumasaris Abalachi qu'Hermann le Secondavait traduit en 1140. Dans ce trait, Abou Masar s'efforaitde rattacher l'action de la Lune la plupart des variations queprsentent le flux et le reflux de la mer. Une doctrine si ampleet si minutieusement dtaille ne pouvait manquer de sollicitervivement l'attention des docteurs du Moyen Age. Un sicles'coule, toutefois, partir du moment o Hermann mit enlatin l'Introductorium in Astronomiam avant que nous trouvionsun auteur qui tire de cet ouvrage sa science au. sujet de la mare,et qui l'avoue cet auteur, chez qui nous reconnaissons, pourla premire fois, l'enseignement d'Albumasar, c'est Guillaumed'Auvergne.

    Dans son grand trait Sur l'Univers, Guillaume consacre unchapitre entier l'tude de la marel. Citons-en les principauxpassages, pour les commenter ensuite.

    On me demandera peut-tre, crit Guillaume, de quelle

    manire la Lune augmente ou diminue la mer. Je dis que lamer semble augmente ou diminue bien qu'en vrit, elle nesoit ni accrue ni diminue ainsi en est-il de l'eau bouillanteelle n'est pas augmente par l'bullition elle est, au contraire,diminue cependant, elle parat augmente cause de l'bulli-tion et de la boursouflure (exundatio); le vase qu'elle ne rem-

    1. Gciiaelmi Parisiensis De Univers!} primm partis principale pars I(Guiixexmi PARISIENSIS Opera, d. 1516, tract, III, cap. XXXIX, fol. cxxviii,col. d, et fol. cxxix, col. a).

  • plissait pas tout--fait en est, maintenant, plus que comblil dborde cette apparence provient de ce qu' l'eau, s'ajoutentles vapeurs que la force de la chaleur a dgages de cette mmeeau par leur propre ascension, elles soulvent l'eau, et leurmultitude l'oblige se rpandre de tous cts. Il en est demme des mers. Aussi le flux est-il appel effervescence oubullition de la mer il provient de la multiplication et del'ascension des vapeurs qui montent du fond de la mer, desprofondeurs des terres qui s'ouvrent l'accs de la mer et desentrailles mmes de la terre qui possdent beaucoup de chaleur.

    Comme vous me l'avez dj oui dire, l est la cause pour

    laquelle les mers moins larges et plus profondes ont des fluxplus forts et plus hauts pour laquelle, au contraire, les mersplus larges prsentent de moindres bullitions. De mme, l'eaubouillante se gonfle davantage dans un vase d'orifice troitque dans un plat .ou dans quelque autre vase du mme genre.Il en est ainsi, parce que ces vapeurs trouvent un chappementplus libre et plus largement ouvert dans les mers d'une grandetendue que dans les autres elles ne forcent donc pas les eauxde ces mers-l s'lever autant ni prouver une aussi fortedilatation.

    Dans son livre qui est intitul Introductorzum judiciorut

    astronomorum, Albumasar a crit i que la mer monte ou affluetoujours dans une rgion lorsque la Lune s'lve au-dessus del'horizon assurment, je n'ai, pas prouv moi-mme si celaest vritable mais je ne pense pas qu'on s'loigne de la vriten tenant le langage suivant

    La mer s'lve vers la Lune comme vers son conducteur,ou comme vers un. tre qui a sur elle, de quelque autre manire,vertu et puissance ou bien encore elle s'lve grce quelqueaspect semblable celui qui existe, avons-nous dit, entre lefer et la pierre d'aimant lorsqu'en effet la pierre d'aimantvient monter, le fer monte en mme temps, comme s'il sedressait. Il en est, au contraire, du jaspe et de la pierre qu'onnomme sardoine si ce qu'en disent les exprimentateurs estvritable, puisqu'ils arrtent l'coulement du sang et con-traignent celui-ci de demeurer dans les vaisseaux.

    L'un des principaux soucis de Guillaume d'Auvergne c'estd'affirmer que le flux n'est pas d l'apport de nouvelles massesd'eau, le reflux l'enlvement de ces eaux c'est donc de

    1. Voir Premire pate, t. U, eh. XIII, J XIV, p. 877-386.

  • s'opposer une opinion que suggraient, au contraire, les expli-cations de Macrobe et de Paul Diacre il veut que le flux soitun gonflement sur place prouv par les eaux de la mer. Cettepense lui tait certainement dicte par Y Introdudorium d'Albu-masar1. Cet astrologue, d'ailleurs, comparait le gonflement quiproduit le flux un bouillonnement, une effervescence iltait naturel que Guillaume d'Auvergne le rapprocht dudbordement tumultueux de l'eau hors du vase o elle bout.L'vque de Paris met une pense plus originale lorsqu'ilcompare l'action de la Lune sur les eaux de la mer l'action del'aimant sur le fer des effets physiques alors connus, il n'enest aucun dont l'analogie fut plus troite nul, d'ailleurs,avant Guillaume, n'avait invoqu cette analogie 2.

    Cette comparaison, d'ailleurs, n'est pas venue comme parhasard sous la plume de notre auteur. Il y est naturellementconduit par la mthode dont il use pour expliquer l'influencedes astres sur les choses d'ici-bas, mthode que nous l'avonsentendu dfinir en ces termes 3

    Afin que je vous donne l'expos complet des principesrelatifs aux jugements astronomiques, voici ce que je vousdirai par un bref discours Ce qui semble le plus probabletouchant les vertus et effets des toiles et des astres, on ledduit des oprations qu'exercent les vertus des autres chosestelles que les animaux, leurs diverses parties, les herbes, lesmdecines, les pierres prcieuses les vertus de ces choses sontcomme leurs aspects et manires d'tre l'gard des autreschoses.

    Parmi ces vertus ou aspects, l'action que l'aimant exercesur le fer avait tout particulirement retenu l'attention del'vque de Paris.

    La comparaison de l'action de la Lune sur les eaux de lamer celle que l'aimant exerce sur le fer n'tait peut-tre pasfort aise mettre d'accord avec celle qui voit dans le fluxune sorte d'bullition de l'Ocan cette dernire explication seconcilie moins aisment encore avec celle qui invoque le pouvoir

    1. Voir Premire partie, ch. XIII, XIV t. II, p. 379.2. Voir, ce sujet RoBERTo ALMAIiIA, La dottrina della marea nell'anlichilcY

    classica e nel medio evo (Memoiie della Rcale Accademia dei Lincei, Srie 5",Classe di Scienze flsiche, matematiche e Iiaturali, vol. V, 1905, p. 455).

    3. GUILLELMI Parisiensis De Universo prim partis principalis pars I(Guillelmi PARISIENSIS Opra, d. 1516. tract, nI, cap. XXXI t. II, fol. cxxii,col. d.)

  • refroidissant de la Lune c'est cependant de cette dernire queGuillaume va maintenant nous entretenir.

    Il se peut, crit-il, que la vertu de la Lune accroisse l'inten-

    sit du froid.

    Vous savez dj que le froid coagule les vapeurs en gouttesde pluie c'est l ce qui produit l chute de la pluie, ce quiengendre les torrents, ce qui dtermine la crue des fleuves etdes cours d'eau si le froid opre de la sorte dans la rgionsuprieure de l'air, plus forte raison produira-t-il des effetssemblableset plus intenses dans les lieux infrieurs o se trouveson sige et le principal sjour de sa vertu.

    De cette remarque, que Guillaume ne dveloppe pas, ilsemblerait rsulter que la Lune condense les bulles de vapeurcontenues dans l'eau de la mer, bien loin de provoquer l'bul-lition de cette eau l'apparitionde la Lune au-dessus de l'horizond'un lieu devrait donc, en ce lieu, dterminer le reflux, non leflux.

    Si Guillaume a parl du pouvoir refroidissant de la Lune,c'est afin de mettre cet astre en antagonisme avec le Soleil et,par l d'expliquer, d'une manire fort insuffisante d'ailleurs, lapriode mensuelle de la mare. Voici ce qu'il crit ce sujet

    Les augmentations. et les diminutions des mers paraissentsuivre l'apparition, l'augmentation et la diminution de lalumire sur la Lune. Peut-tre aussi la vertu de la Lune est-elleempche par la conjonction de la Lune avec le Soleil alors,en effet, la Lune arrte les rayons solaires et, partant, fait obs-tacle la vertu par laquelle le Soleil chauffe la terre et lesmers. Peut-tre, aussi, la conjonction avec le Soleil empche-t-elle la vertu mme de la Lune d'exercer son opration sur lamer, car il est certain que l'opration du Soleil est contraire la susdite opration de la Lune. Quoi qu'il en soit, tandis quecrot peu peu la distance de la Lune au Soleil, la vertu de laLune va se renforant jusqu' ce que la lumire de cet astreapparaisse dans son plein alors, cette vertu, dlivre pourainsi dire de tout empchement, exerce compltement sonopration sur tout ce qui est froid et humide ce moment,donc, la mer et toutes les autres choses que je vous ai prc-demment cites atteignent la plnitude de leur augmentation.Puis, lorsque la Lune revient vers le Soleil, on voit diminuer lalumire qui apparat en elle, et alors se produit une diminutionde toutes les choses qui sont froides et humides, dans les mers,dans les animaux et dans les plantes.

  • Peut-tre dira-t-on que cela provient de la vertu du Soleilet de l'opration qu'accomplissent la chaleur et la lumire decet astre en effet, lorsque la Lune est sa plus grande distancedu Soleil, la vertu solaire opre librement les dgagements devapeur sont, par l, plus abondants et plus forts et, partant,il en est de mme de l'bullition et de l'augmentation de lamer. La vertu solaire renforce galement, dans les animaux etdans les plantes, les vertus vitales et les vertus nutritives lesmatires nutritives se trouvent donc accrues chez ces tresvivants, et, par consquent, les vapeurs deviennent plus abon-dantes dans la cervelle des animaux et dans la moelle desvgtaux aussi le cerveau de l'homme ou des animaux entre-rait-il alors en bullition si une fracture du crne livrait passage cette bullition peut-tre ne serait-ce point que le cerveaueut prouv un accroissement de substance, mais seulementparce que des vapeurs sont adjointes et mles au cerveau ens'exhalant, ces vapeurs, par leur ascension, forceraient unepartie du cerveau sortir avec elles. Tout cela semble l'effetd'une multiplication de chaleur plutt que d'un froid plusintense le froid, en effet, produit de prfrence resserrementet diminution par lui-mme, il dtermine la rsolution [desvapeurs en liquides] et la coagulation, qui, sans aucun doute,sont contraires la rsolution [des liquides en vapeurs] et laliqufaction.

    Au travers de ce dernier paragraphe, on voit passer l'ombred'une grande vrit qui est celle-ci Si l'action de la Luneexplique la priode diurne de la mare, c'est l'action du Soleilqui en explique la priode mensuelle. Mais comme cette ombreest fugitive et vague Que d'incertitudes et d'erreurs empchentde l'apercevoir!

    De toute faon, crit fort justement M. R. Almagil, il

    rsulte de ce qui vient d'tre dit que pour Guillaume d'Auvergne,comme pour maint auteur arabe, la priode mensuelle va d'unmaximum qui a lieu la pleine lune un minimum concidantavec la nouvelle lune c'est une priode simple, et non pas unepriode double. Mais une autre observation dcoule galementde toute l'exposition de notre auteur jamais, probablement, iln'a observ le phnomne dans la nature il discourt, pour ainsidire, d'une manire abstraite et se montre indiffrent telleou telle explication.

    1. R. Axmagia, lot. cit., p. 456.

  • Ajoutons une dernire remarque dont la suite de cette histoirenous prouvera souvent la justesse. Ceux qui voulaient, l'exemple des astrologues, expliquer par l'action lunaire lesdiverses particularits de la mare, se trouvaient fort embar-rasss par ces deux circonstances

    Premirement, la Lune, en un lieu donn, dtermine la hautemer aussi bien lorsqu'elle franchit la partie du mridien quipasse au-dessus de ce lieu que celle qui passe au-dessous etdomine l'autre ct de la terre.

    Secondement, la vive-eau se produit aussi bien la nouvellelune qu' la pleine lune.

    Pour rendre compte de ces particularits, nous verrons semultiplier les tentatives, qui demeureront infructueusesjusqu'aujour o Newton donnera le principe de la vritable solution.

    II

    ALBERT LE GRAND. BARTHLEMY L'ANGLAIS. VINCENT DE BEAU-VAIS. SAINT THOMAS D'AQUIN. UN OPUSCULE CIT PAR FIRMINDE BELLEVAL

    Guillaume d'Auvergne avait demand Albumasar de l'ins-truire des phnomnes de la mare c'est galement d'Albu-masar qu'Albert le Grand tient presque tout ce qu'il .dit duflux et du reflux l'exposition de l'astrologue arabe se retrouvepresque en entier dans les cinq chapitreso, commentant le Liberde proprietatibus elementorum faussement attribu Aristote 1,Albert dveloppe sa thorie des mares.

    Nous n'analyserons pas les longues digressions, dans lesquellesnotre auteur se contente de rpter ce qu'Abou Masar avait ditnous nous arrterons seulement aux passages o se reconnatquelque originalit.

    Pour traiter du flux et du reflux de la mer, dit-il au dbutde son exposition 2, il nous faut poser d'abord quelques prli-minaires qui importent la connaissance de ce phnomne.

    1. ALBERTI Magni RATISPONENSISnpiscopiLiber de causis proprietatum elemen-torum, tract. II, cap. IV, ad cap. VIII.2. ALBERTI MAONI Op. land., tract. II, cap. IV Et est digressio declaransquae prnotanda sunt ad sciendum accessum et recessum maris.

  • Un de ces prliminaires, c'est que tous les astres errants

    ont, en commun, une efficace sur les choses d'ici-bas que,cependant, parmi les astres errants dont les proprits et vertusmnent les choses d'ici-bas, le Soleil et la Lune occupent lepremier rang, et cela pour trois causes.

    Il La premire, c'est la quantit de lumire qu'ils donnent.

    Sans doute les autres astres errants sont des corps lumi-neux ils meuvent les corps infrieurs par leur mouvement etpar leur lumire mais ils n'mettent pas, sur les choses d'ici-bas,de rayons notables,; ils ne font pas porter par ces choses d'ombresnotables au contraire ces deux luminaires que sont le Soleilet la Lune meuvent par leur mouvement, par leur lumire etpar leurs rayons aussi portent-ils ombre quand on fait obstacle ces rayons l'aide d'un corps opaque voil pourquoi leurimpression sur les choses d'ici-bas est trs forte.

    La seconde cause, c'est la position qu'ils occupent parmi

    les astres errants.

    Bien que la Lune soit plus petite que tous les astres errants,sauf un, elle est cependant plus voisine que tous les autres deschoses d'ici-bas en outre, elle est plus rapproche de leursnatures aussi produit-elle en eux des changements. Voilpourquoi les jours critiques se comptent suivant le cours dela Lune on la nomme reine du ciel, parce qu'elle gouvernetoutes les humidits ds corps infrieurs les mtaux, les plantes,les membres des animaux, l'il, en particulier, dans la compo-sition duquel la nature aqueuse entre en abondance, prouventde trs grands changements, des accroissements et des dimi-nutions selon le cours de la Lun.

    Quand au Soleil, Dieu lui a donn, parmi les astres errants,

    le rang du milieu il est comme un cur qui, partout autourde lui, distribue des forces bien qu'il soit plus loign de nousque certains astres errants, il les surpasse tous en grandeur eten lumire aussi produit-il, dans les corps infrieurs, des chan-gements et des, mouvements trs intenses.

    La troisime cause provient des proprits et vertus que

    possde spcialementchacun de ces deux luminaires.

    La Lune, tant de proprit aqueuse, a pour rle, par commu-naut de nature, de mouvoir tous les corps o dominent laterre et l'eau.

    Quant au Soleil, en qualit de source de la chaleur vitale,

    il fait bouillir ces humeurs en effet, il attire naturellement cequi est humide et l'vapore en lui communiquant une chaleur

  • qui s'lve c'est pourquoi les anciens gyptiens disaient quele Soleil attirait l'humidit destine la nourriture de tous lescorps clestes.

    Nous reconnaissons, dans quelques-uns de ces principes,l'cho -des paroles d'Abou Masar mais nous y retrouvons ga-lement un souvenir des penses de Guillaume d'Auvergne.L'influence de Guillaume se marque plus nettement encoredans le chapitre o Albert

    montre la cause vritable duflux et du reflux de la mer.

    L'eau de la mer, dit-il, est dense (spissa) et sale causede la substance terrestre qui s'y trouve mle elle demeurelongtemps immobile en un mme lieu, ce qui la rend ftideen outre, elle a grande tendue en largeur et profondeur.

    En vertu de sa densit, elle retient fortement et longtempstoute vapeur engendre dans son sein de sa salure, elle tientune chaleur naturelle grce laquelle de la vapeur s'lve ais-ment dans ses profondeurs son immobilit fait que la chaleursolaire demeure longtemps en elle, la corrompt et la transformeen sel et en une substance ftide d'autre part, sa grande masseest cause de la longue bullition qu'elle prouve, lorsque lavapeur qu'elle contient l'meut avant de s'chapper peu peu.Cette vapeur lui communique deux mouvements. L'un part dufond de la mer et aboutit la surface on le nomme bullitionet effervescence de la mer. L'autre est l'coulement superficiel(superfusio); il se produit la surface de la mer une massed'eau s'tend sur une autre masse d'eau qui lui est voisinealors s'chappent la substance ftide et la vapeur subtile quecontenait cette eau. Aussi un des pronostics par lesquels ceuxqui sont au lrge reconnaissent la prochaine bullition deseaux de la mer, c'est l'odeur ftide qui commence se rpandreavec la vapeur subtile celle-ci se dgage de la mer avant quela mer se mette en mouvement. Un autre pronostic, c'est levent qui s'lve lorsque la vapeur devient plus grossire etplus forte et tout aussitt aprs, la mer entre,en bullition.Ces mmes signes permettent ceux qui habitent au bord dela mer de reconnatre que le flux se produira bientt et quel'eau va envahir le rivage.

    Les observations invoques par Albert, l'appui de l'idefausse qu'il tient de Guillaume, ne sont pas inexactes on sait

    1. ALBERTI MAGNI Op. land., tract. II,- cap. V Et est digressio declarans velostendens veram causam accessionis maris in communi, et excludens erroresquse sunt cirea hc.

  • que le flot s'accompagne en gnral, par les temps calmes,d'une brise de mer et le jusant d'une brise de terre on saitaussi que, sur les ctes quelque peu vaseuses, l'odorat est surtoutls au moment du flot.

    Admirable, crit encore Albert est l'efficace de la Lunesur l'lment humide elle l'attire de loin et le meut commel'aimant attire le fer la raison en est que la Lune est la causepremire du fluide aqueux, comme nous l'avons dit au Livredu Ciel et du Morede. Recevant la lumire du Soleil, elle estcomme un second Soleil elle fait vaporer la substance gazeuse(ventum) qui se trouve dans la profondeur de la mer.

    Cela provient de trois causes.

    La premire est celle que nous venons de dire La lumirede la Lune est reue du Soleil par sa chaleur, cette lumiresubtilise la vapeur grossire qui rside dans la mer devenueplus subtile, cette vapeur tend se dilater et chasse l'eau desprofondeurs.

    La seconde cause, c'est la nature mme de la Lune, qui

    meut l'lment humide tandis que l'eau se prcipite vers laLune, elle chauffe la vapeur et la meut par son propre mou-vement cherchant alors se dgager, cette vapeur se dilateet chasse les eaux de la mer.

    La troisime cause, c'est la situation de la Lune.

    On voit qu'Albert, runissant les diverses hypothses queGuillaume d'Auvergne avait indiques, mais entre lesquellesil n'avait fait aucun choix, s'efforce d'en tirer une thoriecohrente du flux d la mer. On voit aussi qu' ce flux, il assignedeux causes. D'une part, son gr, la Lune, parce qu'elle estde nature humide, attire vers elle les eaux de la mer. D'autrepart, la lumire de la Lune, parce qu'elle n'est qu'une rflexionde la lumire solaire, est gnratrice de chaleur cette chaleurproduit, au sein de la mer, une sorte d'bullition qui gonflel'Ocan.

    Ne quittons pas Albert le Grand sans dire quelles justescritiques il adresse la thorie des mares proposes par AlBitrogi-2.

    Il est clair, dit-il 3, que, dans son flux et dans son

    reflux, l'eau de la mer ne suit pas le mouvement du premiermoteur, qui est le mouvement diurne. Laissons donc les dires

    1. Albert La Grand, IOC. ctf.3. Vor Premire partie, ch. XI, VI t. II, pp. 154-155.3. ALBERTI MAONI Op. land., tract. II, cap. VII Et est digressio dclarant et

    dastruens trs aectas orronoas circa accessiones maris.

  • d'Alpatiatius (sic); il a voulu parler en physicien, mais il s'esttromp, et il a entran dans son erreur nombre d'autres quil'ont suivi.

    Si l'on omet cette. remarque, on est forc d'avouer que lapense d'Albert le Grand au sujet des mares n'a point grandeoriginalit elle se borne reproduire ou dvelopper ce qu'a-vaient dit Abou Masar et Guillaume d'Auvergne; Albert,cependant, entendait bien faire autre

    .oeuvre, et plus noble quecelle de compilateur des thories proposes par ses devanciers,il souhaitait de donner une synthse.

    Ni Barthlemy l'Anglais ni Vincent de Beauvais n'ont desi hautes vises ils ne sont que compilateurs et ils l'avouentils font une mosaque de fragments emprunts divers auteursqu'ils ont soin de citer.

    Voici ce que dit Barthlemy dans son trait Des propritsdes choses 1

    La Lune est cause d'augmentation pour toutes les choseshumides en effet, c'est par des aspirations occultes de sanature que le flux est augment pendant qu'elle dcrot, lamolle diminue dans les os, la cervelle dans la tte et les humeursdans les corps lorsqu'elle crot, au contraire, ces choses semultiplient. Aussi Martianus dit-il que tout souffre avec ellelorsqu'elle vient disparatre, et que sa dcroissance est ledtriment des choses d'ici-bas.

    La Lune a pouvoir d'attirer les eaux de la mer de mme,en effet, que l'aimant tire le fer aprs lui, la Lune meut et tirel'Ocan aprs elle. Aussi, au moment du lever de la Lune, lamer se gonfle-t-elle et crot-elle du ct de l'Orient, tandis qu'elledcrot du ct de l'Occident. Inversement, quand elle est son coucher, la mer crot du ct de l'Occident et dcrot duct de l'Orient.

    Notre auteur, fort mal renseign, croit donc qu'en un jourlunaire, et en un mme lieu, on observe un seul flux et un seulreflux.

    Selon que l'clairement de la Lune est plus ou moins parfait,poursuit-il, la mer s'tend plus ou moins par son flux et se

    retire plus ou moins, comme le dit Martianus, et aussi Macrobeau livre de Cicron.

    Selon ce principe que Barthlmy attribue gratuitement

    1. Barthoi,om2ei ANGLICI De proprietatibus rerum, liber VIII, cap. XXIXDe Luna.

  • Martianus Capella et Macrobe, mais qui, en fait, tait admispar Guillaume d'Auvergne, il doit y avoir, dans un mois lunaire,une seule vive eau au moment de la pleine lune, une seulemorte eau au moment de la nouvelle lune Guillaume avaitclairement indiqu ce corollaire correctement dduit de sonhypothse, mais inexact. Notre compilateur, au contraire, luisubstitue une loi conforme l'observation

    Pendant que la Lune crot, voici de quelle faon se comporte

    l'Ocan Le premier jour de l'accroissement de la Lune, il seproduit un flux plus copieux que de coutume le flux atteintalors son maximum d'abondance mais le second jour, il diminueet descend ainsi jusqu'au septime jour puis il crot pendantsept jours, en sorte qu'au quatorzimejour il atteint de nouveauson maximum de plnitude la mer atteint donc toujours saplus grande plnitude la pleine lune et aussi la nouvellelune.

    Bathlemy, qui cite souvent Bde, a pu lui emprunter

    cette connaissance exacte de la priode mensuelle des mares.Vincent de Beauvais traite de la mare avec grand dsordre

    en deux endroits de son Miroir de la Nature. Il commence 1par reproduire fort exactement l'opinion de Guillaume deConches sur la priode mensuelle de la mare. C'est quatrechapitres plus loin 2 que nous trouvons la thorie du mme auteursur les flux et les reflux de chaque jour Vincent y joint unfragment qu'il emprunte Isidore de Sville, un autre qu'iltient de Pline, un troisim qu'il tire du De imagine mundi.Le chapitre suivant 3 rsume l'exposition d'Abou Masar.D'autres matres, au xme sicle, lorsqu'ils voulaient treinforms du phnomnedes mares et en informerleurs disciples,se contentaient de lire et de rsumer ce qu'Albert le Grand enavait crit.

    Parmi les Quolibets collectivement runis sous les deux nomsd'Henri de Bruxelles et d'Henri l'Allemand 4, se trouve unequestion relative au flux et au reflux de la mer. Une srie de cesquestions commence, en effet, en ces termes 5

    Questiones fuerunt facte primo; plures quidem erant circa 6

    corpora elementaria, et luerunt due.

    1. VINCFNTII BURGONDI episcopi BELLORACENSIS Spculum naturale, liv. Vtcap. XIV.

    2. VINCFNTli BURGONDI Op. land., lib. V, cap. XVIII.3. VINCENTII BURGONDI Op. land., lib. V, cap. XIX.4. Voir Quatrime partie, ch. VII, II, t. VI, p. 537-538.5. Bibliothque Nationale, fonds latin, ms. no 16089, fol. 55, col. b.6. Le texte porte Contra.

  • Prima luit de are, et luit utrum aris rubedo de nocte apparens

    sit signum serenitcltis.

    Des deux questions annonces, la seconde vient un peu plusloin 1 elle est ainsi formule

    La seconde question concernaitl'lment de l'eau elle tait la suivante Est-ce que la merflue et reflue ? Secunda fuit 2 circa elementum aque, et luitutrum mare fluat et re fluat.

    Pour traiter de cette question, dclare l'auteur s, il faut,tout d'abord, poser en principe, comme le dit Albert au livreDe proprietatibus elementarum, que le Soleil, la Lune et lesautres astres ont principat et possdent domaine sur les chosesd'ici-bas il est des actions qu'ils produisentpar leur mouvementet par leur vertu mais il est d'autres actions qu'ils exercentpar leurs rayons. Le Soleil et la Lune oprent d'une faon mani-feste sur les choses d'ici-bas [le Soleil] nous regarde davantageen t qu'en hiver, pendant le jour que pendant la nuit aussila chaleur est-elle plus grande.

    Ce prambule prcde un rsum de ce qu'Albert, dans sontrait De causis proprietatum elementorum, avait dit du flux etdu reflux de la mer. C'est donc l qu' la fin du XIIIe sicle,certains matres s-arts de Paris, allaient puiser toute leurconnaissance des mares.

    Saint Thomas d'Aquin a fort peu parl de la mare, maisil lui est arriv d'mettre, ce sujet, des rflexions qui ne rp-taient aucunement les propos d'autrui.

    Il n'y a pas grande originalit dans les quelques lignes qu'ausujet du flux et du reflux, contiennent les Commentaires auxMtores d'Aristote.

    L'eau de la mer, lisons-nous dans cesCommentaires 4, se meut souvent dans un sens, puis dans unautre c'est surtout une consquence du mouvement de laLune, car, en vertu de sa nature particulire, cet astre a pourrle de mettre en mouvement les choses humides dans unemer ample et vaste, cet branlement de l'eau n'est pas mani-feste mais l o le resserrement des terres ne laisse la merqu'un troit espace, ce mouvement devient plus apparent.

    C'est dans son opuscule Sur les oeuvres occultes de la Nature

    1. Ms. cit., fol. 55, col. b.2. Ici le texte porte le mot utrum, qui doit tre biff.3. Ms. cit., fol. 55, col. c.4. S. Thomas AQUINATIS In libros meteorologfcorum Arfstotelfs commentarta;

    llb. II, lect. I.

  • que Saint Thomas tudie avec plus de prcision l'action de laLune sur les eaux de la mer 1.

    Qu'un agent infrieur, dit-il, agisse ou soit m par la vertu

    d'un agent suprieur, cela peut tre de deux faons.

    D'une premire manire, l'action procde de l'agent inf-rieur selon une certaine forme ou vertu qui lui a t imprimepar l'agent suprieur ainsi la Lune claire grce la lumirequ'elle a reue du Soleil.

    D'une autre faon l'agent infrieur agit par la seule vertu

    de l'agent suprieur, sans avoir reu lui-mme, pour exercercette action, aucune vertu il est simplement m par le mou-vement de l'agent suprieur. Ainsi en est-il quand un charpen-tier emploie une scie couper du bois la section du bois est,principalement, action de l'ouvrier elle est action de la scied'une manire secondaire, en tant que cette scie est mise enmouvement par l'ouvrier cette action de la scie ne rsultepas d'une certaine forme ou vertu qui demeurerait dans lascie aprs que ljouvrier aurait cess de la mouvoir.

    Si donc un corps lmentaire participe quelque action

    ou mouvement grce aux agents suprieurs, cela ne peut treque de l'une des deux manires susdites ou bien cette actiondoit tre la consquence de quelque forme ou vertu imprimedans le corps lmentaire par les agents suprieurs ou biencette action rsulte simplement de la mise en mouvement ducorps lmentaire par les dits agents.

    Les agents suprieurs, qui sont au-dessus de la nature des

    lments et de leurs composs, ce ne sont pas seulement lescorps clestes ce sont aussi les substances spares suprieures.De celles-ci comme de ceux-l proviennent des actions quiportent sur les corps d'ici-bas, qui ne procdent point de quelqueforme imprime dans ces derniers corps, mais seulement de lamise en mouvement de ceux-ci par les agents suprieurs.

    Lorsque l'eau de la mer flue et reflue, elle est doue d'un

    mouvement ce mouvement n'est pas naturel l'lment del'eau (prter proprietatem elementi); il provient de la vertu dela Lune il n'en provient pas par l'intermdiaire de quelqueforme qui serait imprime l'eau mais il provient simplementd'une force motrice (motio) de la Lune, d'une force par laquellela Lune met l'eau en mouvement.

    1. S. Thom;e AQUINATIS Opuscula.Opusc. XXXIV De occultis operibus nature,ad quendam milt,em.

  • Pour bien voir quelle porte a cette doctrinede Saint Thomas,il la. faut comparer l'adage que nous avons entendu formulerpar Guillaume d'Auvergne, par Albert le Grand, par Barth-lmy l'Anglais La Lune meut la mer comme la pierre d'aimantmeut le fer.

    Rappelons-nous la thorie, trs conforme la ntre, si l'onen veut bien traduire l'expression, qu'Averros, et tous les Sco-lastiques. aprs lui, donnaient de l'action. de l'aimant sur lefer 1. L'aimant imprime une certaine qualit l'air qui l'envi-ronne cette qualit se propage dans l'air jusqu'au morceaude fer celui-ci prend, son tour, une qualit semblable, etc'est en vertu de cette qualit que le morceau de fer se dirigevers la pierre d'aimant. Qu'on donne cette qualit le nomde polarisation magntique et l'on retrouvera la notion desactions magntiques, telles que nous avons accoutum de la

    concevoir.Saint Thomas d'Aquin ne veut pas que l'on conoive de cette

    faon l'action de la Lune sur les eaux de la mer. Pour mettreces eaux en mouvement, la Lune n'a aucun besoin d'y produire,d'y imprimer quelque qualit analogue la polarisation magn-tique que le fer induit dans l'aimant sans le secours d'aucuneforme ou vertu de ce genre, la Lune applique aux eaux de lamer une force motrice.

    La pense de Saint Thomas n'est-elle pas, elle aussi, trsmoderne ? N'a-t-il pas clairement aperu et marqu la distinc-tion que nous tablissons entre les attractions lectriques etmagntiques, d'une part, qui supposent l'lectrisation ou l'ai-mantation par influence du corps primitivement l'tat neutre,et l'attraction de gravitation, d'autre part ?

    Au Moyen-Age, on ne remarqua pas la clairvoyance extraor-dinaire dont Saint Thomas d'Aquin avait fait preuve on netrouvait, en effet, cette poque, rien qui signalt l'importancede la distinction qu'il avait tablie la comparaison avec l'at-traction magntique demeura longtemps la moins inexacte decelles auxquelles on recourait lorsqu'on voulait rendre comptede l'action de la Lune sur les eaux de la mer.Parmi les opuscules de Saint Thomas d'Aquin, on trouve unpetit trait qui a pour titre Du destin. Ce trait est apocryphe 2

    1. Voir Premire partie, ch. IV, XVII t: I, p. 238-239.2. P. MANDONNET, O. P., Des crits authentiques de Saint Thomas d'Aquin,

    p. 96 etjp. 130 (Extrait de la Revue Thomiste, 1909-1910).

  • et l'auteur n'en est point connu avec certitude un manuscritdu xive sicle, conserv la Bibliothque Sainte-Genevive,l'attribue Albert le Grand 1. Ce petit crit tient, au sujet dela priode mensuelle de la mare, un langage que nous n'avonspas entendu jusqu'ici et qui mrite, par l, d'tre rapport.

    La Lune 2 domine le mois, dont la rvolution mesure les

    conceptions et les grossesses, dit Aristote. La Lune, en effet,est un second Soleil, car elle reoit sa lumire du Soleil aussice que le Soleil fait en un an, elle le fait en un mois. Depuis l'ins-tant o elle commence crotre, jusqu'au premier quartier,elle est chaude et humide comme le printemps. Du premierquartier la pleine-lune elle est chaude et sche comme l't.De la pleine-lune au dernier quartier, elle est froide et schecomme l'automne. Enfin du dernier quartier la conjonction,elle est froide et humide comme l'hiver.

    Que la Lune soit naturellement apte mettre en mouvement

    la substance humide, cela se voit d'une manire vidente parle flux et le reflux de la mer en effet, dans la demi-lunaison,qui est de quatorze s jours, la mare, tant par son ascensionque par sa descente, revient au terme de son cycle (redit 4ad circulum). Si, un certain jour, le flux de la mer est minimum,il reviendra, le quatorzime jour, au mme degr de petitesse.En effet, bien qu'en la demi-lunaison, la Lune parcourt seule-ment la moiti de son cercle, le mouvement de l'auge [del'excentrique], courant en sens contraire, accomplit, pour soncompte, une autre demi-rvolution chaque mois, en effet, laLune se trouve deux fois l'auge [de l'excentrique] elle y estau moment de l'opposition et au moment de la conjonction.

    De ce que la mare admet sensiblementpour priode la durede la demi-lunaison, notre auteur, qui n'en peut souponner lavritable cause, cherche la raison dans ce fait que cette mmedure suffit au centre de l'picycle de la Lune pour parcouriren entier son dfrent excentrique il et pu concevoir unplus sot rapprochement.

    Ce rapprochement tait galementadmis par un trait d'Astro-

    1. P. MANDONNET, Oq. laud., p. 130.2. S. Thom^e AQUINATIS Opuscula; Opusc. XXVIII De fato; art. IV An

    fatum sit scibile.3. Le texte, trs fautif, porte novem, sans doute par suite d'une erreur de

    copiste qui a lu VIIII au lieu de XIIII.4. Le texte porte reced.5, Ici le texte porte exactement quarta decimade.

  • logie mtorologique, dont nous ignorons l'auteur, mais dontla doctrine nous a t conserve par Firmin de Belleval.

    Nous avons dit 1 que Firmin de Belleval avait, au voisinagede l'an 1320, crit un ouvrage spcialement consacr la pr-diction, par le moyen des astres, des divers phnomnes mtoro-logiques. Cet ouvrage tait intitul Tractatus de mutationearis, Trait des changements de l'atmosphre;mais, bien souvent,on le dsignait ainsi Colliget Astrologi. Firmin de Bellevalavait bien moins fait uvre d'auteur original que de compila-teur soigneux recueillir les opinions d'autrui. Il ne s'en taitpas cach, d'ailleurs, et s'tait, tout au contraire, appliqu faire connatre les sources auxquelles il avait puis.

    La sixime partie du Colliget Astrologi avait pour objet 2

    Les jugements survies changements de l'air tirs des conjonc-tions et aspects de la Lune l'gard des autres toiles, desconjonctions et aspects des autres toiles les unes l'gard desautres, enfin de la prsence de la Lune et des autres toiles,avec, le Soleil, dans certains signes du Zodiaque.

    Au premier chapitre de cette partie, Firmin de Belleval nousannonce3 qu'il va nous donner quelques extraits d'un petitlivre qui est ainsi intitul Ad pronosticandum diversam arisdispositionem.

    Parmi ceux de ces extraits 4 qui concernent laLune, nous lisons ce qui suit Par nature, dit-on, la Lune estmodrment froide et humide au suprme degr aussi couve-t-elle l'humidit comme le Soleil couve la chaleur, bien que leSoleil ne soit chaud que de la faon la plus tempre.

    Cet auteur dit ensuite que tout astre errant opre avecplus de force sur les choses d'ici-bas, lorsqu'il est en la partie

    suprieure de son dfrent que lorsqu'il se trouve en la partieinfrieure dans le premier cas, en effet, le mouvement quecet astre accomplit par la rvolution diurne est plus vite quedans le second cas.

    Que, dans ce cas-ci, l'astre errant se meuve plus vite parsuite de la rvolution diurne, cet auteur le prouve par la raisonsuivante Le parallle ou le cercle parallle l'quateur(quatorialis) que dcrit cet astre est plus grand et plus distant

    1. Voir Seconde partie, ch. V, X, p. 313-314, t. III; et ch. VIII, VII,2. Tractatus FIRMINI DE BELLAVALLE de mutacione aris dictuscolliget astrologie[Promium]. BibliothqueNationale, fonds latin, ms. n 7482, fol. 35, r et v.3. FIRMINI DE BELLAVALLE Op. laud., pars V, cap. I ms. cit., fol. 131, r.4. FIRMIN DE BELLEVAL,JOC. cit., ms. cit., fol. 131, v, fol. 132, r et va,

  • de son -centre, lorsque l'astre est l'auge du dfrent que lors-qu'il est l'oppos de l'auge ds lors, comme l'astre, dans unegale -partie du temps, parcourt un plus grand espace, il semeut plus vite au mouvement de rvolution diurne.

    Or, selon les philosophes et les astronomes, c'est en raison

    du mouvement des corps suprieurs que sont mues les chosesd'ici-bas il semble donc que ces choses doivent se mouvoirdavantage lorsque le mouvement d'un astre est plus consi-drable ou plus vite.

    Cela se remarque, d'ailleurs, d'une faon bien apparente,

    car les vgtaux croissent lorsque le Soleil approche de l'auge,et il en est, au contraire, lorsqu'il s'loigne de l'auge.

    Mais cela se montre surtout dans les effets de la Lune. A

    chaque conjonction et chaque opposition de la Lune avec leSoleil, le flux de la mer est maximum cela provient de ceque la Lune se trouve alors l'auge de son dfrent.Au contraire,lorsque la Lune est en quadrature avec le Soleil, le flux estminimum or, ce moment, la Lune est l'oppos de l'auge.

    Remarquez qu'au moment o la Lune se lve, les eaux

    se rassemblent de toutes parts elles s'accumulent et se sou-lvent comme pour se diriger vers leur cause et leur origineet ce soulvement ne cesse de se produire jusqu'au moment ola Lune atteint le mridien. Une fois que la Lune se trouve aumridien, le gonflement des eaux diminue l'eau se soulve duct oppos, o s'engendre une intumescence toute semblable.Voil la raison pour laquelle, en chaque jour naturel, il y adeux flux. Il y a donc ainsi un bourrelet d'eau qui se tient sanscesse dirig vers la Lune, et qui se meut d'Orient en Occidentde mme faon que la Lune.

    Dans le trait d'o le passage a t extrait, nous trouvonsdes vives-eaux et des mortes-eaux, l'explication que l'opusculeDe falo nous avait fait connatre mais nous l'y trouvons sousune forme bien plus dtaille et bien plus complte; il est bienvraisemblable que l'opuscule De lato avait tir cette thorie del'crit que Firmin de Belleval devait consulter son tour.

    Firmin de Belleval d'ailleurs, ne se montre point dispo-s suivre l'enseignement de cet crit il lui adresse desobjections o il se montre parfois, fort peu instruit deschoses de la mare.

    On peut douter, crit-il 1, qu'un astre errant se meuve plus

    1. FIRMIN DE BELLEVAL,loc. cit. ms. cit., fol. 133, ro et V.

  • vite du mouvement diurne lorsqu'il est l'auge que quand il setrouve l'oppos de l'auge il semble que non car plus viteil se meut de son mouvement propre, plus lentement il se meutdu mouvement diurne, puisque ces deux mouvements sont ensens contraires. Donc, etc.

    De mme on peut douter qu'un astre influe davantage surles choses d'ici-bas quand il est l'auge il semble que nonc'est par sa lumire, en effet, qu'il agit lors donc que soncorps parat plus petit, il en doit tre de mme de soninfluence.

    L'exemple tir du Soleil semble prouver le contraire de cequ'on en tire. Je dis, en effet, que la croissance des herbes ne

    provient pas de ce que le Soleil approche de l'auge, mais de cequ'il approche du znith de nos ttes.

    Enfin, cet auteur parat mal dire lorsqu'il prtend que les

    eaux coulent l'oppos de la Lune et qu'il se produit uneintumescence de ce ct-l en effet, comme la Lune est, pourainsi dire-, la mre des choses humides, il semble qu'il ne doivepas y avoir de gonflement de l'eau l'oppos de la Lune, maisseulement dans la direction de la Lune.

    Sans doute, selon les thories astrologiques, il semble .qu'ilen devrait tre ainsi mais en fait, il n'en est pas ainsi enopposant leurs explications un dmenti aussi flagrant, lanature met les astrologues dans un cruel embarras.

    III

    BRUNETTO LATINI. PIERRE D'ABANO

    Avant d'exposer la tentative faite par Robert Grosse-Testepour rsoudre cette embarassante question, nous allons, surles mares, rapporter les propos de deux Italiens qui furent,successivement, htes de la France nous voulons parler deBrunetto Latini et de Pierre d'Abano ces propos ne seront quel'cho des enseignements rpandus autour de ces deux hommes.

  • Brunetto Latini naquit Florence en 1230 il se mariaen 1260, avant de se rendre en Espagne pour y remplir unemission auprs d'Alphonse X. A Florence, sa science taitrpute il eut l'honneur d'avoir pour lves Guido Cavalcantiet Dante Alighieri. Ds 1253, on le voit ml au gouvernementde Florence. Mais, aprs que Manfred eut, le 4 septembre 1260,dfait les troupes florentines prs de Monte Aperti, les princi-paux chefs du parti guelfe durent s'exiler. Brunetto Latini serendit en France. La tradition l'amne Paris mais de cesjour dans la capitale du Royaume, on ne possde aucunepreuve authentique. Dans un de ses crits, II Tesoretto, Brunettoparle de Montpellier c'est la seule ville de France qui soitnomme par lui.

    On ne sait pas exactement combien dura l'exil de BrunettoLatini pour rentrer dans sa patrie, il dut sans doute attendrela mort de Manfred qui fut tu la bataille de Bnvent le26 fvrier 1266. Ds l'anne 1269, nous le retrouvons Florenceavec son ancien titre de secrtairedes conseils de la Rpubliqueil ne cesse de jouer un rle important dans le gouvernementflorentin jusqu' sa mort, survenue en 1294.

    C'est en France et en franais, que Brunetto Latini, quidonnait lui-mme son nom la forme franaise Brunet Latin,a rdig son grand ouvrage Le Trsor.

    Il a soin de nous apprendre que son livre fut fait sur la terred'exil.

    Li Florentin, dit-il 2, sont touz jors en guerre et en

    descort. De ce doit maistres Brunez Latins savoir la vrit,car il en est nez, et si estoit en essil lorsqu'il compila ce livre,por l'achoison de la guerre as Florentins.

    Pourquoi Le Trsor fut crit en franais, ou, comme on disaitalors, en romans, il nous l'enseigne galement 3

    Et se aucuns demandoit por quoi cist livres est escriz en

    romans, selonc le langage des Francois, puisque nos somesYtaliens, je diroie que ce est por II raisons l'une, car nos

    1. Li Livres dou Trsor par BRUNETTO LATIN. Petbli pour la premirefoisd'aprs les manuscrits de la Bibliofhque Impriale, de la Bibliothque de l'Arsenalet plusieurs manuscrits des dpartements et de l'tranger par P. CHABAILLE. Paris,1863. (Cellection des Documents indits sur l'Histoire de France. Premire Srie.Histoire Littraire.) Les renseignements biographiques que nous donnons surBrunetto Latini sont tous tirs de l'Introduction compose par P. Chabaille.

    2. BRUNETTO LATINI, Li Tresors, livre I, partie I, ch. XXXVII d. cit., p. 46,3. BRUNETTO LATINI, Li Tresors, livre I, partie I, ch. I d. cit., p. 3.

  • somes en France et l'autre porce que la parleure est plusdelitable 1 et plus commune toutes gens.

    Le Trsor fut bientt transcrit dans tous les dialectes deFrance de bonne heure aussi une traduction italienne en futdonne.

    Histoire, Physique, Astronomie, Gographie, Zoologie, Psy-chologie, Morale, Rhtorique, Logique, Politique, toutes lessciences sont successivement exposes dans la langue simple etlimpide que parle Brunetto Latini. Dans cette encyclopdie,l'homme curieux qui n'tait pas clerc trouvait maint rensei-gnement capable d'tancher sa soif de connatre. Mais le clercn'y devait pas chercher de penses nouvelles. Le Trsor n'estqu'une compilation,et l'auteur nous le dclare avec nlodestie 2

    Et si ne di je pas que cist livres soit estrais de mon poure 3sens, ne de ma nue Science mais il est autressi comme unebresche de miel cueillie de diverses flors car cist livres estcompils seulement de mervilleus diz des autors qui devantnostre tens ont trait de philosophie, chascun selonc ce qu'ilen savoit partie.

    A ce travail de compilation, Brunetto Latini n'tait pastoujours fort bien prpar il tait probablement fort ignoranten mathmatiqus de l les lourdes bvues qu'on peut releverdans son Astronomie.

    Voici, par exemple, ce qu'il nous dit du cours de Saturne 4

    Saturnus, qui est le soverains sur touz, va par tous lesxII signes en 1 an et XIII jors. Et sachiez que, la fin de celtens, ne revient-il pas au leu 5 ne au point meismes dont ilestoit meuz, ains retorne l'autre signe aprs, o il recommencesa voie et son cours et ainsi fait touzjors jusqu' XXX ans,po mains 6. Lors s'en vient au point meisme dont il s'estoitmeuz au premier jor don premier an, et refait son cours commedevant. Et porce puet chascuns entendre que Saturnus parfaitet accomplit son cours en XXX ans, po s'en faut, en tel manireque il revient au premier point dont il s'esmut.

    Evidemment, notre auteur a pris la rvolution synodique, larvolution par laquelle Saturne dcrit son picycle, pour unervolution qui ferait parcourir la plante les douze signes du

    1. Dlitable = dlectable.2. BRUNETTO LATINI, loc. cit. d. cit., p. 2-3.3. Poure = pauvre.4. BRUNETTO LATINI, Li Tresors, livre I, partie III, ch, CXI d, cit., p. 128-129.5. Leu = lieu.6. Po mains = un peu moins.

  • Zodiaque de l les deux dures qu'il attribue la rvolutionde Saturne on lui avait sans doute expliqu commentla marchedirecte de cette plante se change, certains moments, enmarche rtrograde c'est un souvenir de cet enseignementincompris que nous trouvons dans le passage confus que nousvenons de rapporter.

    Chaque plante fournit notre auteur l'occasion de confusionssemblables. Il nous dit, par exemple, que Jupiter va par tousles XII signes en II ans et 1 mois et XXX jors, et parfet etaccomplist son cours en XXII anz et demi, po s'en faut. IInous dit que Solaus. va par les XII signes en I an et VI hw,mais son cours parfait en XXVIII 2 anz, pou s'en faut.

    Brunetto nous dit 3, un peu plus loin, comment il entend ce cours parfait du Soleil. ,Quant li Solas a fait VII bisextesen son cours, en tel manire que chascun jor de la semaine aest en bisexte, Iors a li Solaus tout son cours accompli enteri-nement, et torne son premier point et par ses premires voieset por ce fu dit en arrires que il parfait son coursen XXVIII ans car lors il a fait VII bisextes.

    M'insegnavate come l'uom s'eterna dit Danteen parlant

    de son Matre. Pour connatre les mouvements du ciel, l'auteurdu Convito et du Paradis ne s'est pas content des leons deBrunetto Latini il a pris soin de lire le trait d'Al Ferganien cette circonstance, il a t fort bien inspir.

    D'un auteur si peu vers aux choses de l'Astronomie, nous nepouvons attendre, sur les mares, des renseignements fortdtaills ni fort prcis nous en recevrons, cependant, quelquesindications intressantes.

    Il nous apprend 5 que, dans la mer des Indes, les mares sontde grande amplitude

    Et sachiez que s parties de Inde, cestemer croist et descroist merveilleusement et fait grandismesfloz.

    Ce lui est occasion de rapporter ce que les savants ont

    dit, en gnral, de la cause du flux et du reflux Et sor ce, sedoutent li sage porquoi ce est que la mer Ocane fait ces flozet mande les et puis les retrait grande pice, et les retrait II foizseulement entre nuit et jor sans dfiner.

    Du flux et du reflux de l'Ocan, une explication avait t

    1. Les divers manuscrits portent II ans.2. Les manuscrits donnent XVIII ans.3. BRUNETTO LATINI, Li Tresors, livre I,. partie III, ch. CXII d. cit., p. 130.4.|Dante|[Ai,ighieri, Inferno, cant. XV, v. 85.5. BRUNETTO LATINI, Li Tresors, livre I, partie IV, eh. XXV d, cit., p. 172.

  • donne, qui est la suivante Le Monde est vivant c'est unanimal immense le mouvement qui, d'une alternance rgulire,gonfle, puis dprime le niveau des mers, c'est la respiration decet tre anim.

    Cette explication fabuleuse remonte probablement unehaute antiquit. Plusieurs savants de l'Islam, et non desmoindres, l'avaient accueillie avec faveur Massoudi, .Kazwni,Scems-ed-Dn 1, citent, sans les repousser, cette hypothse oudes hypothses analogues.

    L'ide de voir dans la mare une sorte de respiration de notreglobe n'a gure trouv d'accueil dans la Scolastique latine.Brunetto Latini la connat mais il a le bon sens de la rejeterpour rapporter le flux et le reflux l'action de la Lune.

    Li un, crit-il 2, dient que li mondes a me, ce qu'il est

    fait des IV lmenz, et por ce covient que il ait esperit 3, etdient que cil esperis a ses voies au parfant de la mer, par oil aspire aussi comme l'ome fait par les narilles et quant ilaspire hors et ens 4, il fait ls aigues 5 de mer aller sus et retrairearrire, et revient selon que ses aspiremenz va ens et hors.

    Mais li astronomien dient que ce n'est, se por la Lune,

    non 6 ce que on voit-les floz croistre et apetisier selonc lacroissance et descroissance de la Lune, de VII en VII jors quela Lune fait ses IV voultes en XXVIII jors par les IV quartiersde son cercle.

    Brunetto connat la priode mensuelle de la mare c'est danscette priode qu'il voit la preuve de l'action que la Lune exercesur cet effet il ne parat pas savoir que cette preuve se peutaussi dduire du lien qui existe entre la priode diurne de lamare et le mouvement quotidien de la Lune.

    C'est seulement d'une manire accessoire que Pierre d'Abanoparle des mares il est mdecin ce qui l'intresse avant tout,c'est l'action que la Lune exerce sur les humeurs du corpshumain le dsir de mieux connatre cette action le presse seulde considrer l'effet du mme astre sur le flux et le reflux del'Ocan.

    1. ROBERTO ALMAGiA, La Dottrina della Marea nell' Antichita classica e nelMedio Evo. (Msmorie della R. Accademia dei Lincei, Srie 5a, Classe di Scienzematematiche, fisiche e naturali, vol. V, 1905, p. 444, p. 450-451.)

    2. BRUNETTO LATINI, lOC.' Cit.3. Esperit = esprit, soufile.4. Ens = en dedans.5. Algues = eau.6. C'est--dire Que ce n'est point, si ce n'est pour cause de la Lune.7. Voultes = changements de face.

  • Le conflux [des humeurs], dit-il l est un mouvement par

    lequel la nature, avec les humeurs et la chaleur, se retire desrgions priphriquesvers le centre, et se dilate ensuite de celui-civers celles-l. Il a une suffisante ressemblance avec le mouve-ment d'accs et de recs que la Lune cause dans l'eau. L'eause rpand, en effet, du milieu vers ce qui se trouve au dehorsc'est ce qui arrive, tandis que la Lune progresse du point oelle se lve jusqu'au milieu du ciel puis elle rentre en elle-mme jusqu'au moment o la Lune atteint le point o elle secouche elle recommence son mouvement d'expansion commeauparavant jusqu'au moment o la Lune passe la partiedu mridien qui se trouve sous la terre partir de ce moment,elle revient en elle-mme comme prcdemment. Or il est ditau Centiloquium[de Ptolme] Les humidits des corps croissentpendant le premier quart de la lunaison et dcroissent dans lesecond il en est semblablement dans les deux autresquarts.

    A ces indications trs gnrales, Pierre joint quelques rensei-gnements sur les circonstances qui gnent ou favorisent lamare ces renseignements, il n'en dissimule pas l'origine illes emprunte, dit-il, V Introductoriumd'un auteur qu'il nommetantt Albumasar et tantt Geofar cet auteur, c'est AbouMasar Gfar.

    Les Padouans ne purent donc, de leur clbre docteur, Pierred'Abano, rien apprendre d'important au sujet de la mare.C'est chez eux, cependant, que la thorie du flux et du refluxfera de nouveaux et importants progrs. De ces progrs, l'ini-tiateur sera Giacomo ou Jacopo Dondi dall'Orologio, qui naquit Padoue, en 1298, au moment o Pierre d'Abano travaillait ses vastes compilations. D Jacopo Dondi date, pour ladoctrine des mares, une re qui comprend une grande partiedu seizime sicle. Aussi ne parlerons-nous de l'oeuvre de cetauteur qu'au moment o nous tudierons la science italiennede la Renaissance.

    Pour le moment, nous allons poursuivre l'examen des tton-nements par lesquels les matres de la Scolastique s'efforaientde rendre raison du flux et du reflux.

    1. PETRI DE ABANO Conciliator differentiarum; differentia 88.

  • IV

    ROBERT GROSSE-TESTE ET SES DISCIPLES ROGER BACON,

    PIERRE D'AUVERGNE, LES PREMIERS SCOTISTES

    L'opuscule Sur le destin, faussement attribu Saint Thomasd'Aquin, nous a montr les astrologues du Moyen Age auxprises avec cette loi, qu'il leur tait difficile de justifier LanouvelleLune dtermine de vives eaux aussi bien que la pleineLune. Il est une autre proposition qui ne les embarrassait pasmoins, et c'est celle-ci La mer atteint son plein en un lieu aussibien, lorsque la Lune passe au mridien au-dessus de l'horizonde ce lieu que lorsqu'elle passe au mridien au-dessous del'horizon. De cette vrit d'exprience, nous allons entendreRobert Grosse-Teste proposer une explication qui trouverafaveur auprs de nombreux scolastiques.

    Pour l'vque de Lincoln comme pour Guillaume d'Auvergneet, surtout, comme pour Albert le Grand, le flux est une'bullitionde la mer provoque par les rayons lumineux de la Lune.

    Dans un de ses opuscules, Robert Grosse-Teste enseignait xque le Soleil n'est pas chaud par nature, mais que la chaleur estengendre par la condensation et la rfraction des rayonssolaires au sein des corps d'ici-bas.

    Il montrait comment la lumire du Soleil, en se condensantdans la profondeur de l'eau, chauffe cette eau, et l'chauffe tel point qu'elle ne peut plus demeurer sous la nature de l'eauet qu'elle finit par passer la nature de l'air mais la naturede l'air ne saurait demeurer perptuellement au-dessous del'eau l'air monte donc la surface de l'eau dans une bulleque forme cette mme eau.

    Si l'on veut constater d'une manire sensible cette ascension

    des bulles, qu'on mette de l'eau trs claire dans un plat decuivre bien net par l'effet de la chaleur du feu qui a t dispossous ce plat, on verra manifestement les bulles se former etmonter ici et l, en effet, les bulles sont engendres de lamme manire.

    1. ROBERTI LINCONIENSIS Tractatus de impressionibus etementorum (RoBFRTiLINCONIENSIS opuscula, Venetiis, 1514, fol. 9, col. b et c.).

  • C'est aussi de la mme manire que les rayons de la lumirelunaire produisent cette bullition de la mer qui constitue leflux l.

    Lorsque la Lune se lve sur la mer d'un certain lieu, ses

    rayons sont plus longs les pyramides que forment ces rayonssont moins droites, elles tombent .plus obliquement, elles serflchissent moins et se rfractent davantage en un mot,elles sont plus dbiles qu' l'heure o la Lune monte au milieudu ciel. Alors les rayons ont des lignes plus courtes leurspyramides sont plus droites, elles tombent davantage anglesgaux, elles sont plus perpendiculaires, elles se rflchissentdavantage et se rfractent moins, comme le voit quiconque enprend la peine elles oprent donc avec plus de force.

    Cette Gomtrie et cette Optique galement mdiocres ontpour but de justifier ce qui suit

    Lorsque la Lune se lve, ses rayons sont faibles tout ce

    qu'ils peuvent faire, c'est d'amener au fond de la terre et del'eau un dgagement de vapeurs et d'lever ces vapeurs ausein de la masse de la mer mais ils ne peuvent ni consommerses vapeurs ni les dgager compltement l'air ces vapeurschassent alors les eaux de la mer de la place qu'elles occupent,car ce sont des corps, et elles ne peuvent coexister en un mmelieu avec d'autres parties corporelles elles engendrent alors,dans la masse de la mer, des bulles et des bouillons (tumores)la mer est alors en flux.

    Mais lorsque la Lune monte vers le milieu du ciel, la force

    de ces rayons lui permet de consommer ces vapeurs qui se sontformes au sein de l'eau, de les lever jusqu'au contact de l'airet d'en dterminer le dgagement. Lorsqu'elle atteint le mri-dien, elle a compltement consomm et extrait ces vapeursla cause cessant d'agir, l'effet, lui aussi, prend fin, et les eauxde la mer reviennent leur lieu naturel, afin qu'il ne se produisepas d'espace vide.

    Lorsqu'il y a flux dans un des quartiers du Monde, il y a

    galement flux dans le quartier oppos. Bien des gens se sont efforcs de rendre raison de cette pro-

    position difficile en disant que les quartiers opposs du Mondesont de mme composition et produisent, par consquent, lesmmes effets. Mais cette raison est dfectueuse. D'abord, elle

    1. Roberti LINCONIENSISTractatus de natura locorum (ROBERTI LINCONIENSISOpuscula, d, cit., fol. 11, col. e).

  • est fausse car certaines constellations se trouvent dans undes quartiers du Monde qui ne se trouvent pas dans l'autreen outre lorsqu'un astre errant se trouve dans un des quartiers,du Monde, entre cet astre et l'autre quartier, la terre est inter-pose. En second lieu, lors mme qu'elle serait vraie, elle impli-querait ptition de principe il faudrait assigner, en effet, lacause en vertu de laquelle les quartiers opposs sont de mmecomposition et, partant, de mme effet.

    Je dis donc que la rflexion des rayons nous donnela solutionde cette difficult. Les rayons lunaires, en effet, se propagentjusqu'au ciel des toiles fixes or ce ciel est un corps dense,

    car nous ne pouvons apercevoir au travers le ciel [suprme],bien que celui-ci soit trs lumineux comme le disent Al Bitrogo(Albitragius) et Messahalla les rayons lunaires, rflchis parle ciel des toiles fixes, tombent sous des angles gaux sur lequartier oppos [ celui o se trouve la Lune]. Robert Grosse-Teste montre alors comment on peut, soit aumoyen d'un miroir concave, soit au moyen d'un vase sphriqueplein d'eau former une image relle du Soleil. Bien qu'il l'aitnonce avec la concision qu'il affectionne, l'hypothse qu'il aconue s'aperoit trs clairement lorsque la Lune se trouveau-dessus d'un hmisphre de la Terre, les rayons de cet astre,rflchis par le ciel des toiles fixes, forment une image rellede la Lune au-dessus de l'autre hmisphre terrestre, et cetteimage relle a, sur eaux de la mer, la mme action que la Luneelle-mme.

    Cette hypothse de l'vque de Lincoln reut un accueil trsfavorable de la part de nombreux physiciens du Moyen Age et,en premier lieu, de Roger Bacon. Celui-ci crit dans son Opusmajus 1

    Albumasar, dans l'Introductoriummajus Astronomi, dter-

    mine toutes les diversits du flux et du reflux il dit ce quiadvient chaque jour et chaque nuit selon que la Lune se trouveen telle ou telle partie de son cercle, en telle ou telle position l'gard du Soleil. Mais, de tout cela, il ne nous donne pas lacause il nous dit seulement que la Lune en est cause, qu'il y aflux quand la Lune est en tel lieu reflux quand la Lune esten tel autre lieu.

    1. FR. RoGERi BACON Opus malus, pars IV, dist. IV, cap. VI: In quo daturcausa fluxus et refluxus maris per radios d. Jebb, p. 85-86 d. Bridges, vol. I,

  • Bacon se propose donc de faire ce qu'Albumasar n'a poin-fait or, ce qu'il n'a pas trouv dansl'Introductorium de l'astro-logue arabe, il le demande Robert Grosse-Teste il reproduitsi fidlement la thorie de celui-ci que des membres de phrasedu Tractatus de natura locorum passent sans aucune modificationdans fOpus majus.

    Albumasar dit que la Lune produit, en mme temps, des

    effets tout semblables dans deux quartiers opposs du Monde,et tous les autres, en cela, s'accordent avec lui. Mais, de cettevrit, ils ne donnent pas la cause ils se contentent de direque la Lune produit un effet semblable dans les deux quartiersopposs. Mais comment la Lune peut elle oprer l o ellen'est pas ? Et n'est-il pas certain que ses rayons ne traversentpas la terre ?

    La propagation avec rflexion (muttiplicatio reflexa) nous

    vient ici en aide. Il n'est pas douteux que le ciel des toilesfixes ou que le neuvime ciel ne soit dense en son entier, carnotre vue s'arrte l'un ou l'autre de ces cieux or un corpsdense peut seul borner notre vue. Lorsque la Lune se trouveen un des quartiers du Monde, ses rayons se propagent jusqu'celui de ces cieux qui est dense, et ils se rflchissent vers lequartier oppos dans l'un des quartiers, donc, c'est 1% vertudirecte de la Lune qui opre, et c'en est la rflexion qui opre,en mme temps, dans le quartier oppos.

    Il n'est pas besoin d'avoir un long commerce avec RogerBacon pour reconnatre que sa vanit est extrmement dve-loppe et qu'il aime vanter les inventions qu'il a faites, voirecelles qu'il s'attribue sans les avoir faites nous en trouvonsici un saisissant exemple ce que notre auteur a crit au sujetdes mares est tir presque textuellement des Opuscules deRobert Grosse-Teste il n'hsite pas cependant s'en fairegloire comme s'il en tait l'auteur.

    J'ai expliqu, crit-il au pape Clment IV, un des plus

    fameux, des plus grands et des plus difficiles effets qui se ren-contrent en la ralit, je veux dire le flux et le reflux de lamer je lui ai assign comme cause la propagation des rayonsde la Lune suivant certaines lignes et certains angles, et lesrflexions de ces rayons on trouve l une trs belle discussion,d'une science que le vulgaire ignore entirement vous pourrezavoir, ce sujet, une belle conversation avec tout savant.

    1. Fr. Kogeri BACON Opus tertium, cap. XXXVII d. Brewer, p. 120.

  • Cette invention fut, en effet, rpute fort belle par maintphysicien de l'cole mais il en tait, nous le verrons, qui n'enignoraient pas le vritable auteur.Roger Bacon, pour traiter des mares, n'a pas cherch d'autreinspiration que celle de Robert Grosse-Teste Pierre d'Auvergne

    combine l'enseignement de l'vque de Lincoln avec celuid'Albert le Grand nous le reconnatrons aisment en lisantson exposition.

    Bien que toutes les toiles aient force pour mouvoir les

    corps d'ici-bas, dit-il le Soleil a cependant une force spcialepour mouvoir certains corps chauds, tant cause de la grandeurde son propre corps que de la grande quantit de sa lumiredont le propre est d'chauffer.

    La Lune, au contraire, a une force spciale pour mouvoirles choses humides, soit en vertu de sa nature propre, soit envertu de sa proximit et de la passibilit des corps humides.Mais si, par sa force propre, la Lune a le pouvoir de mettreen mouvement la substance humide, il faut concevoir qu'ellea aussi, par la force de la lumire qu'elle reoit du Soleil, lumiredont le propre est d'chauffer, le pouvoir de communiquer cette substance humide un mouvement qui la dissocie et lararfie par rchauffement. Le signe en est que l'accroissementde la lumire que la Lune nous envoie s'accompagne d'uneaugmentation de toutes les choses humides comme les moelleset la cervelle des animaux au contraire, lorsque cette lumiredcrot toutes ces substances diminuent et se trouvent plussches.

    Or la mer n'est pas purement et simplement de l'eau ellecontient, l'tat de mlange, une bonne part d'une exhalaison[terrestre], chaude et sche, qui, comme nous le verrons plusloin est la cause qui la rend sale partant, la Lune a efficacepour mouvoir la mer par volatilisation (subtiliatio) de cetteexhalaison.

    Lors donc que la Lune monte au-dessus [de l'horizon] d'unecertaine rgion, elle projette obliquement ses rayons sur lamer elle meut l'exhalaison qui est mlange avec l'eau dela mer et volatilise cette exhalaison en mme temps qu'unepartie de l'eau elle dtermine une sorte d'bullition qui gonfle

    1. Summa Magistri PETRI DE ALVEarrIA Saper libris metheororum Aristotelis,lib. II (Bibl. Nat., fonds latins, ms. nO 14 722, fol. 102, col. b et c).

  • la mer elle y produit ainsi un flux qui dure jusqu' ce qu'elleatteigne le milieu du ciel.

    Quand la Lune atteint le milieu du ciel, elle projette plus

    directement ses rayons sur la mer cause de leur brivet,ces rayons produisent un trs fort chauffement par l, laLune spare de l'eau une partie de cette exhalaison qui agitaitla mer ou abandonne celle-ci sa nature de cette action,nous trouvons un signe dans le vent et dans l'odeur ftide quil'accompagnent la mer reflue alors jusqu' ce que la Luneatteigne le point de son coucher.

    A partir du moment o la Lune commence se mouvoirau del de ce point, le flux commence de nouveau sur l'hmis-phre qu'elle quitte c'est un effet de la force des rayons de laLune que le corps cleste rflchit sur la mme mer mais. ceflux est plus faible que le prcdent, parce que la force desrayons rflchis est plus dbile que celle des rayons incidents.

    Le flux de la mer est plus fort lorsque la Lune se trouve,

    l'gard du Soleil, dans une forte situation (aspectus), telle quela conjonction et l'opposition, et aussi la quadrature, qui alieu lorsque la Lune est spare du Soleil par un quart de cercle.

    Il nous parat probable que le texte d'o ce passage esttraduit prsente ici une lacune, et que Pierre d'Au-vergne donnait la quadrature comme une cause d'affaiblisse-ment du flux, non de plus grande force sinon, il et introduit,dans son expos, une erreur qu'aucun autre Scolastique n'acommise.

    Semblable action, poursuit notre auteur, est exerce par les

    autres toiles, fixes ou errantes, qui sont aptes fortifier lavertu qu'a la Lune pour produire cet effet il en est encore demme du signe dans lequel se trouve la Lune.

    Ainsi la Lune, en dissociant la mer et en y dterminant

    une sorte d'bullition, est la cause du flux en la sparant [dela vapeur engendrel ou bien en cessant de l'chauffer, elle estcause du reflux.

    Dans les Questions de Jean de Duns Scot sur les Sentencesde Pierre Lombard, un passage assez tendu est consacr lathorie des mares ce passage se trouve en la XIVe distinctiondu second livre; il forme le premier article de la troisimequestion. Mais dans la belle dition du Scriptum Oxonieuse qu'il

    1. Au lieu de eum (mare), le texte porte eam.

  • a donne, Venise en 1506, Maurice du Port nous avertit, commenous l'avons dit en un prcdent chapitre i, que cette questionet tout ce qui la suit, jusqu' la XXVE distinction inclusivement,est omis dans le Scrtptum Oxoniense; tout cela y a t ajoutaprs coup Ex reportatis omnia sunt addita, ut quibusdamplacet.

    Le passage sur la thorie des mares dont nous allons direquelques mots n'a donc pas t crit par Duns Scot il estmme douteux qu'il provienne de reportata, c'est--dire derdactions de son enseignement oral en revanche, nous lepouvons, sans trop grande chance d'erreur, attribuer auxpremiers disciples du Docteur subtil.

    Voici donc ce qu'on fait dire celui-ci 2 Les corps clestesne causent pas seulementcertains mouvementsdans les lmentsinfrieurs [tels que le feu et l'air] qui en sont voisins ils encausent galement dans des lments plus loigns, dans l'eaupar exemple.

    La Lune, en effet, cause, en la mer, ce mouvement qu'on

    nomme le flux et le reflux c'est de l que les astrologues,instruits par l'exprience, tirent cette supposition La Lune adomination sur les substances humides comme le Soleil a domi-nation sur les choses sches.

    En effet, lorsque la Lune s'lve au-dessus d'une rgion

    quelconque, la mer monte directement vers elle comme verssa cause, de telle sorte qu'au lieu qui se trouve directementau-dessous du centre de la Lune, la mer est plus haute qu'entout autre lieu. Ce lieu s'obtient l'aide de la ligne mene ducentre de la terre au centre 3 de la Lune cette ligne passerancessairement par le lieu o l'eau prsente la plus grandelvation ce lieu se nomme l'enflure (tumor) de la mer.

    Comment cette lvation est-elle effectivement produite

    par la Lune ? C'est une question laquelle on donne diversesrponses. Les uns supposent que la Lune possde, pour attirerles eaux de la mer, une certaine vertu qui accompagnesa naturec'est ainsi que l'aimant attire le fer. Les autres disent que celaprovient de la diversit des angles que les rayons lunairesfont, avec la surface de l'eau sur laquelle ils tombent, selon que

    1. Voir Cinquime partie; ch. XIII, IX, t. VIII, p. 432.2. JOANNis Duns ScoTi Scriptum Oxoniense, lib. II, dist. XIV, qusest. III,

    art. I.3. Au lieu de centrum, l'd. de 1506 porte orbem.

  • la Lune est immdiatement aprs son lever ou bien au milieudu ciel ils en donnent pour exemple l'bullition de la soupedans la marmite mise sur le feu, et la vapeur qui, se dgageantde la nourriture prise par l'animal, fait dormir celui-ci. Nousn'en dirons rien pour le moment. La premire opinion fut celled'Albumasar au second livre de son Majus introductorium inAstronomiam 1.

    Mais suivons la voie qui est commune aux deux coles

    admettons que cette enflure est toujours dans la direction dela Lune, en quelque lieu que se trouve cet astre il en rsulteque cette enflure fait le tour de la terre dans le temps mmequ'emploie la Lune, par suite du mouvement du firmament, parcourir son circuit. Aprs avoir marqu d'une faon prcisequelle est la dure de ce jour lunaire, l'auteur ajoute En cemme nombre d'heures, l'enflure de l'eau fait, d'une manirergulire, le tour entier de l'Ocan.

    Si, cependant, la mare arrive irrgulirement dans les

    mers entoures de terres (maria mediterranea) et dans lesfleuves, en voici la raison Le dbordement des mers autres quel'Ocan se produit lorsque ce gonflement de l'Ocan se trouvedans la direction d'une certaine rgion [du ciel] cette enflurede l'Ocan est toujours dans la direction de la Lune une partiede cette eau qui est souleve dans l'Ocan s'coule, en vertude la gravit naturelle de l'eau, vers les lieux et les lits voisinsqui sont plus bas c'est alors qu'a lieu le flux des mers que lesterres entourent. Lorsque la Lune s'loigne de cette position,l'enflure de l'Ocan s'loigne avec elle au lieu de l'Ocan ol'eau se trouvait auparavant, plus leve qu'elle ne l'tait dansles mers entoures de terre et dans les fleuves, elle devient, parle dpart de cette intumescence, plus basse que le rivagealors, les eaux qui avaient dbord sur les rives de ces fleuvespar suite du bas niveau de ces lieux, s'coulent maintenantvers l'Ocan en vertu de la mme loi de la nature.

    Telle est, en gnral, la cause du flux et du reflux de l'Ocan.

    La grande Mer Mditerrane qui s'tend de l'Ouest l'Est

    et spare l'Italie de l'gypte et d'autres pays d'Afrique etd'Asie n'a pas de mare bien sensible la raison en est quel'Ocan ne pntre dans cette mer que par un troit passagequi se trouve l'Ouest, du ct de l'Espagne, et qu'on nommele dtroit de la mer.

    1. Il n'est pas exact qu'Albumasar ait compar l'action de la Lune sur la mer l'action de l'aimant sur le fer.

  • La mare, d'ailleurs, ne prsente pas, dans les diverses

    mers, la mme rgularit que dans l'Ocan les mers les plusvoisines de l'Ocan prouvent le flux plus tt telles sont lesmers septentrionales, en particulier celle qui s'tend entre laNorvge et l'cosse, et celle qui s'ouvre entre l'Irlande etl'Espagne les mers plus distantes de l'Ocan prouvent leflux plus tard.

    Les Matres de la Scolastiquene nous avaientpas accoutums entendre, au sujet de la mare, des considrations aussiprcises. L'exposition qu'on prte Duns Scot continue ences termes

    Pourquoi la mer prouve-t-elle, chaque jour, deux flux et

    deux reflux Albumasar, au lieu que nous avons indiqu, ditque la Lune, lorsqu'elle se trouve en un certain quartier du ciel,produit des effets semblables sur les deux quartiers opposs dela terre. Ainsi y a-t-il, chaque jour, deux flux en chaquequartier,

    Mais de cela, quelle est la cause ? Albumasar ne le dit pas.

    Il parat bien que les rayons de la Lune ne peuvent traverserla Terre il. semble donc que l'effet caus par la Lune, l'aidede ses rayons incidents, lorsqu'elle se trouvait dans le quartieroriental au-dessus de la Terre, se trouve produit l'aide derayons que le firmament a rflchis, lorsque la Lune est dansle quartier occidental au-dessous de la Terre.

    Ce n'est point directement du Tractatus de natura locorum deRobert Grosse-Teste, mais bien de l'Opus majus de RogerBacon,que ce dernier passage parat imit.

    V

    LE Tractats de fluxu et refluxu maris.

    GILLES DE ROME

    Expliquer comment deux mares hautes s'observent, chaquejour, en un mme lieu, bien que la Lune se trouve une seulefois au mridien au-dessus de ce lieu, c'est, n'en pas douter,un des trs difficiles problmes que la thorie des mares posaitaux physiciens du Moyen Age.

    Une autre difficult devait galement proccuper leur raison.

  • On pouvait, avec Saint Thomas d'Aquin, attribuer le flux une force motrice directement exerce par la Lune sur les eauxde la mer on pouvait, avec Guillaume d'Auvergne, assimilerl'action par laquelle la Lune soulve l'Ocan celle par laquellela pierre d'aimant soulve le fer. A beaucoup, ces explicationsparaissaient insuffisantes il leur dplaisait d'invoquer de tellesvertus occultes ils voulaient saisir dans le dtail l'efficace parlaquelle la Lune dtermine le flux et la rduire des oprationsdont nous eussions l'exprience courante. Ils avaient doncimagin que la lumire de la Lune chauffait les eaux de lamer et y provoquait une sorte d'bullition. Mais, par l, ilsattribuaient la Lune des proprits bien diffrentes de cellesque les astrologues avaient accoutum de lui reconnatre ilsassimilaient ses effets ceux que produit le Soleil, et plusieursd'entre eux avouaient cette assimilation que nombre de gensdevaient trouver choquante n'tait-on pas habitu regarderla Lune comme l'astre qui refroidit les vapeurs et les condense,non comme l'astre qui chauffe les eaux et les vaporise ?

    Un physicien se rencontra qui conut la pense de dissiperces deux difficults en les rsolvant l'une par l'autre. Il voulutlaisser la Lune un pouvoir refroidissant qui condense lesvapeurs, au Soleil un pouvoir chauffant qui vaporise l'eau iladmit qu'il se produisait, chaque joue, deux sortes d'effets, uneffet solaire, qui est une bullition de la mer, un effet lunaire,qui est une augmentation des eaux marines par la condensationdes vapeurs il pensa qu'il cartait ainsi toutes les objectionsauxquelles les thories donnes jusqu'alors se trouvaientexposes.

    Thmon le fils du Juif qui, nous le verrons, adopte cettedoctrine, crit, dans ses Questions sur les Mtores d'Aristote 1

    Il est dit, dans un certain trait du flux et du reflux de la

    mer (in quodam tractatu de fluxu et refluxu maris) que, sous laroute que suit le Soleil, la mer entre en bullition et se soulve.

    Or nous possdons le trait o cette thorie est expose endpit du couperet du relieur, on en peut encore deviner letitre2,qui est bien celui qu'indique Thmon [Tractat] us de fluxu et[reflux,] u maris.

    1. Questiones super quatuor libros metheororum compilate per doctissimumphilo-sophiez professorem Thimonem, lib. II, qusest. I, art. 3.

    2. Bibl. Nat., fonds latin, ms. no 16 089, fol. 257, col. c les parties de motmises entre [ ] ont t coupes par le relieur.

  • Le texte dbute par ces mots 1 Istis efjectibus quorum causalatet. La formule suivante le termine 2

    Si quis lamen ibi,falsitatem notans, positionem diclam improbaverit, aut compleveritincompletam, sit a prima Causa omnium benedictus.

    B. Haurau, qui a donn une description et une analyse dumanuscrit o se rencontre cet opuscule, nous dit que le Trac-tatus de fluxu et re fluxu maris a t attribu Roger Bacon,mais qu'il convient de le laisser Walter Burley, l'appui decette assertion, il invoque le tmoignage de l'Histoire littrairede la France.

    A l'endroit 3 cit par B. Haurau, la notice sur Roger Baconcontenue dans 1'Histoire littraire de la France se borne traduireun passage qui termine la prface mise par Jebb en tte deson dition de l'Opus majus. Dans ce passage 4, Jebb nous dit,en effet, que le Tractatus de fluxu et refluxu maris Anglici queLland, Baie, Pitse, ont mis au compte de Roger Bacon, estattribu Walter Burley mais il nous a dit auparavant 6 quece trait commenait par les mots Descriptis his figuris qui nese lisent nulle part dans le texte que nous allons tudier celui-cin'a donc rien de commun avec le trait qu'on- a successivementattribu Roger Bacon et Walter Burley. Du Tractatus defluxu et re fluxu maris qui va solliciter notre examen, l'auteur,nous demeure entirement inconnu nous n'en saurions nonplus marquer la date nous pouvons seulement dire qu'il asuivi l'exposition d'Albert le Grand sur le Liber de causis pro-prietatum elementorum, et que, d'autre part, Gilles de Rome enavait connaissancelorsqu'il rdigeait les Questions sur le secondlivre des Sentences.

    Les effets dont la cause est cache, dit notre auteur e,

    conduisent l'me humaine, l'aide des penses les plusingnieuses, jusqu' l'tonnement. Bien donc que je fusse d'unesprit mal dgrossi et que je n'eusse, des lettres qu'une connais-sance peu tendue, lorsque j'ai vu ce qui advenait la merqui entoure le royaume d'Angleterre et une bonne partie du

    1. MS. cit., fol. 257, col. c.2. MS. cit., fol. 259, col. b.3. Histoire littraire de la France par les RELIGIEUX BNDICTINS,t. XX, p. 249.4. FRATRISRogeri Bacon, Ordinis Minorum, Opusmajas ad Clementemquartum,

    PontificemRomanum. Ex M. S. Codice Dubliniensi. edidit S. Jebb, M. D. Londini,Typis Gulielmi Bowyer, MDCCXXXIII. Praefatio, fol, sign. f. ro

    5. S. JEBB, loe. cit., fol. sign. d, re.6. Ms. cit., fol. 257, col. c.

  • royaume de France lorsque j'ai vu que, deux fois par journaturel peu prs, elle prouvait une trs grande augmentationsuivie d'une trs grande diminution qu'on la voyait ainsi,d'une manire manifeste, affluer en mme temps sur chacundes deux rivages, et refluer peu de temps aprs, j'ai commencd'prouver, touchant ces effets, un trs violent tonnementcet tonnement ne fit que crotre lorsque j'eus parcouru lesrivages de la mer qui baigne la Provence et l'Italie, et qu'ilm'et t impossible, en cette mer, de rien observer, de riennoter de ce qui arrive dans celle dont je parlais tout l'heurej'ai parcouru alors quelques-uns des livres des philosophes, afinde connatre la cause de ces merveilles mais, bien loin de dini-nuer mes doutes, leurs explications en firent surgir de plusforts donc, aprs de nombreuses veilles, aprs diverses enqutesfaites, auprs des matelots, touchant le mouvement de la mer,j'ai t pri par mes matres et par mes compagnons de mettrepar crit les penses que j'avais conues touchant la cause dece mouvement ce qui m'a surtout press de consentir cettedemande, c'est l'ide que je donnerais par l, aux gens instruits,matire rflexion qu'ils dcouvriraient la vrit si ma thsetait trouve fausse, et; qu'au cas o elle leur paratrait incom-plte, ils la perfectionneraient il me semble, en effet, que lasolution de cette difficult nous ouvrirait les routes qui mnent l'intelligence d'une foule de questions.

    La manire convenable de traiter ce sujet sera d'imiter

    le Philosophe et, suivant la sage coutume des jardiniers, dereconnatre et d'arracher les erreurs qui se rencontrenten cettematire comme, d'un jardin, on arrache les mauvaises herbes.

    Donc, au nom du Seigneur Dieu bienveillant et misricor-

    dieux, sachez que voici ce qui a paru vrai certaines personnesA la Lune a t donne la domination sur les eaux et sur lessubstances humides de mme que le fer est m vers l'aimantou pierre magntique, de mme, lorsque la Lune se lve au-dessusde l'horizon d'une mer, cette mer tend vers le ct ou vers lerivage au-dessus duquel la Lune se lve tout d'abord puis,lorsque la Lune est monte au milieu du ciel, les eaux reviennent leur lieu primitif lorsqu'ensuite la Lune, l'Occident, descendau-dessous de l'horizon, le flux se produit, comme prcdemment,sur l'autre rivage.

    Mais l'opinion de ces personnes ne peut tenir d'aucune

    manire.

    Notre auteur s'applique donc, tout d'abord, ruiner la thorie

  • qui assimile l'action de la Lune sur la mer l'action de l'aimantsur le fer 1.

    L'objection qu'il adresse cette thorie est celle-ci Il y a,comme il l'a dit, des mers, telle la Mditerranne,qui n'prouventni flux ni reflux, bien qu'elles reoivent, elles aussi, les rayonsde la Lune les eaux douces des fleuves et des tangs ne sontpas davantage soumises la mare, bien qu'elles soient pluspures et plus aises mouvoir que l'eau de la mer.

    A cela, on rpondra peut-tre que les fleuves et les tangs

    ont un flux et un reflux, mais qu'ils ne se laissent pas apprcierd'une manire sensible si, dans la mer, ce flux et ce reflux sontapparents, c'est cause du trs grand volume d'eau que nousne pouvons trouver dans les fleuves et dans les tangs.

    Mais cette rponse ne vaut point, car la mer qui spare laFrance de l'Angleterre n'est pas plus grande que le Danubevers la fin de son cours, ni que le Nil, du moins au temps oil dborde; or les mouvements du flux et du reflux ne semontrent pas en ces fleuves ils ne devraient donc pas, nonplus, tre apparentsdans cette mer et les sens nous dmontrentle contraire.

    La mare, d'ailleurs, est moins sensible au large qu'entre desctes resserres c'est une vrit que le Philosophe lui-mmeparat indiquer d'autre part, il ne manque pas de lacs trsprofonds, et il en est qui prsentent des baies troites enfin,un aimant soulve plus aisment un petit morceau de fer qu'unegrande masse il semble donc que la Lune devrait mouvoirplutt une petite quantit d'eau que le grand volume des mers.

    Une autre objection se dresse encore contre l'hypothse quenotre auteur combat Sur chacun des deux rivages qui bornentune mer, pendant un temps qui est peu prs d'un jour naturel,le flux et le reflux se montrent deux fois, tandis que, dans lemme temps, la Lune se lve une seule fois sur chacun de cesrivages.

    D'autres ont alors ajout que, pour qu'il y ait flux et reflux

    de la mer, la Lune ne suffit pas il faut encore qu'il y ait, aufond de la mer, des montagnes, des parties solides, de la terredurcie, pierreuse ou rocheuse l, par la vertu de la Lune, desvents se devront engendrer. Il faut, en outre, que la mer soit

    1. Ms. cit., fol. 257, col. d.

  • large, profonde et sale. Cela pos, ils s'efforcent, par une expo-sition longue et intelligible, de rendre compte de la mare.

    Au lever de la Lune, disent-ils, des vents sont engendrs

    dans ces fonds rocheux qui sont, leur gr, parfaitement aptes cette production il leur faut, du sein et du fond de la mer,monter jusqu' la surface ils soulvent alors les eaux de lamer qui sont grossires et sales, et celles-ci s'coulent alorsvers les lieux de niveau moins lev. Puis, lorsque la Lune setrouve tout fait au-dessus de la mer, les eaux reviennent laplace d'o elles taient sorties tout d'abord. Voil, au gr deces personnes, une cause qui rend compte trs suffisammentdu fl