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DANIEL YVES MARTIN DÉVELOPPEMENT DE BIOPILES POUR LA VALORISATION ÉNERGÉTIQUE DU LISIER DE PORC Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en génie chimique pour l’obtention du grade de Philosophiae doctor (Ph.D.) DÉPARTEMENT DE GÉNIE CHIMIQUE FACULTÉ DES SCIENCES ET DE GÉNIE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2011 © Daniel Yves Martin, 2011

DÉVELOPPEMENT DE BIOPILES POUR LA VALORISATION … · Garnier et Serge Kaliaguine. La confiance et le soutien qu’ils m’ont témoignés tout au long du projet ont été une grande

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DANIEL YVES MARTIN

DÉVELOPPEMENT DE BIOPILES

POUR LA VALORISATION ÉNERGÉTIQUE

DU LISIER DE PORC

Thèse présentée

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval

dans le cadre du programme de doctorat en génie chimique

pour l’obtention du grade de Philosophiae doctor (Ph.D.)

DÉPARTEMENT DE GÉNIE CHIMIQUE

FACULTÉ DES SCIENCES ET DE GÉNIE

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2011

© Daniel Yves Martin, 2011

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RÉSUMÉ

Une biopile convertit l'énergie disponible dans un substrat biodégradable directement en

électricité tout en diminuant sa demande chimique en oxygène (DCO). Ce projet de

doctorat a évalué, à une échelle laboratoire, comment cette technologie pouvait être

adaptée au traitement du lisier de porc. La construction d'une première génération de

biopiles à compartiment unique a été réalisée. Différents supports de croissance

bactérienne ont été essayés à l’intérieur du compartiment anodique pour augmenter la

superficie sur laquelle les bactéries peuvent se développer et ainsi favoriser la production

d’électricité. Parmi les différents supports bactériens utilisés au cours de ce projet, des

granules de charbon activé se sont révélés être le meilleur choix. L’analyse des

communautés microbiennes extraites des supports de croissance a révélé que seulement

quelques genres bactériens provenant du lisier, notamment le genre Desulfuromonas, sont

responsables des activités électriques d’une biopile alimentée avec cet effluent d’élevage.

Les mécanismes de transfert des électrons entre les bactéries et l’anode s’expliquent

essentiellement par la formation d’un cycle de soufre interne dans les biopiles. Après

avoir constaté l’empoisonnement de la cathode dans les biopiles à compartiment unique,

les travaux se sont poursuivis en réalisant des biopiles à compartiment double. Par souci

de rentabilité pour les futures biopiles commerciales, des cathodes maisons à base d’acier

inoxydable plaqué par galvanoplastie avec du platine ont été développées. De même,

pour augmenter le potentiel des biopiles, du peroxyde d’hydrogène a été retenu comme

milieu oxydant dans le compartiment cathodique. Ces biopiles ont fourni en service

continu une sortie de puissance volumique moyenne de 63 W·m-3

, ce qui figure parmi les

meilleurs résultats présentés à date dans la littérature avec une eau usée comme carburant.

Les essais réalisés avec ces biopiles ont permis d'observer un abattement de la DCO de

60 %. De plus, les odeurs dégagées par un lisier traité dans une biopile sont, en moyenne,

huit fois moins intenses que celles émises par un lisier brut et on note qu’un lisier traité

contient dix fois moins de bactéries pathogènes qu’un lisier brut.

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ABSTRACT

Microbial fuel cell (MFC) is a new green technology that converts energy available in a

bio-convertible substrate directly into electricity while decreasing its chemical oxygen

demand (COD). As MFC seemed to be very promising, this Ph.D. project was devoted to

investigate, at laboratory scale, how this technology could perform if swine liquid manure

was used as fuel. A first generation, single chamber MFC (SCMFC), has been designed.

Various support media were brought into SCMFCs anodic chamber to increase surface

area on which bacteria may grow. Through this project, best electrical results were

achieved using activated coal pellets as bacterium support medium. Bacterial

communities extracted from selected support media were analyzed. These analyzes

revealed that only few bacterium genera coming from raw liquid manure are responsible

for electrical activities and Desulfuromonas genera was particularly involved in the

process. With these bacteria, an internal sulphur cycle is involved to explain electron

transfer mechanisms. While platinum based electrode was used as cathode in SCMFC,

electrode poisoning yielded only weak power outputs. To overcome this problem, dual-

chamber MFCs (DCMFC) were designed. Economical concerns for future commercial

DCMFCs led to development of cathodes built around stainless steel wire meshes electro-

plated with platinum. In addition, to increase DCMFC potential, hydrogen peroxide

solution was retained as oxidizing medium in cathodic chamber. In continuous operation,

63 W·m-3

power output was provided with these 350 mL capacity DCMFCs, which

appears to be among best results presented so far in literature with waste water as fuel.

Tests carried out with these DCMFCs showed COD reduction of 60 %. Moreover, treated

liquid manure odour emissions are, on average, 8 times weaker than those released by

raw liquid manure. Finally, it was noted that treated liquid manure contained 10 times

less pathogenic bacteria than raw liquid manure.

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AVANT-PROPOS

Entreprendre des études doctorales, c’est décider de s’engager dans une longue quête.

Sans appui, il serait carrément impossible de relever ce défi. C’est pourquoi je désire

d’abord remercier mon épouse Francine à qui je dédie ce document. Ses encouragements

et son appui indéfectible ont été ma source d’inspiration tout au long du projet.

J’aimerais, dans un deuxième temps, remercier la direction de l’Institut de Recherche et

de Développement en Agroenvironnement (IRDA) de m’avoir permis d’entreprendre ces

études pour parfaire ma formation et améliorer mes compétences de chercheur au sein de

l’organisation.

Je désire également souligner l’appui reçu par les professeurs Roger Thériault, Alain

Garnier et Serge Kaliaguine. La confiance et le soutien qu’ils m’ont témoignés tout au

long du projet ont été une grande source de motivation.

Je m’en voudrais aussi de ne pas souligner l’enthousiasme, la compétence et la gentillesse

de mes collaborateurs de recherche de l’IRDA. Mesdames Marie-Claude Laflamme-

Bérubé et Diane Dubois ainsi que Messieurs Patrick Dubé, Richard Hogues, Thomas

Jeanne et Alexandre Lévesque recevez mes remerciements les plus sincères.

Finalement, je désirerais souligner que le financement du projet a été assuré en grande

partie par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec par

le biais du « Programme de Soutien à l’Innovation en Agroalimentaire ». Sans l’appui de

cet organisme, ce projet n’aurait pu être mené à terme.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ .................................................................................................................................. ii

ABSTRACT ............................................................................................................................. iii

AVANT-PROPOS ................................................................................................................... iv

TABLE DES MATIÈRES .........................................................................................................v

LISTE DES TABLEAUX...................................................................................................... viii

LISTE DES FIGURES ............................................................................................................ ix

Introduction ................................................................................................................................1

1. Revue de littérature ................................................................................................................4

1.1 Historique .............................................................................................................................4

1.2 Principes fondamentaux ......................................................................................................5

1.2.1 Métabolisme bactérien et biopiles ........................................................................5

1.2.2 Mécanismes respiratoires bactériens possibles et production d’électricité ...........9

1.3 Effets des carburants sur le comportement des biopiles ....................................................15

1.4 Autres composantes critiques des biopiles ........................................................................15

1.4.1 Cathode avec platine ...........................................................................................16

1.4.2 Membrane échangeuse de cations .......................................................................20

1.5 Les biopiles et le traitement des eaux usées .......................................................................21

1.6 Définitions..........................................................................................................................26

1.6.1 Rendement de Coulomb ......................................................................................26

1.6.2 Rendement énergétique .......................................................................................28

1.6.3 Densité de puissance et puissance volumique ....................................................29

1.6.4 Courbes de performances électriques .................................................................29

1.7 Hypothèses de travail et objectifs du projet ......................................................................30

1.7.1 Hypothèses de travail ..........................................................................................30

1.7.2 Objectifs du projet...............................................................................................32

2. Phase 1 : Validation du concept de biopile à compartiment unique et de l’effet de

différents supports bactériens à l’anode ................................................................................33

2.1 Description des concepts....................................................................................................33

2.2. Matériel et méthodes de la phase 1 ...................................................................................35

2.2.1 Traitement du lisier .............................................................................................35

2.2.2 Construction des biopiles à compartiment unique ..............................................35

2.2.3 Supports bactériens granulaires ..........................................................................36

2.2.4 Anodes ................................................................................................................37

2.2.5 Mesure des tensions ............................................................................................37

2.3 Résultats .............................................................................................................................38

2.3.1 Montage des biopiles ..........................................................................................38

2.3.2 Évaluation des supports bactériens .....................................................................39

2.3.3 Effets du nafion®

.................................................................................................42

2.3.4 Effets de la nature de l’anode ..............................................................................44

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2.4 Analyse des résultats ..........................................................................................................47

2.5 Conclusions de la phase 1 ..................................................................................................48

3. Phase 2 : Essais d’amélioration des composantes des biopiles............................................49

3.1 Propositions d’amélioration ...............................................................................................49

3.1.1 Vers une biopile à compartiment double ............................................................49

3.1.2 Améliorer les performances à l’anode ................................................................49

3.2 Matériel et méthodes de la phase 2 ...................................................................................50

3.2.1 Traitement du lisier .............................................................................................50

3.2.2 Biopile à compartiment double de première génération .....................................50

3.2.3 Mesure des tensions ............................................................................................52

3.3 Résultats .............................................................................................................................53

3.4 Analyse des résultats ..........................................................................................................55

3.5 Conclusions de la phase 2 .................................................................................................58

4. Phase 3 : Identification du consortium bactérien .................................................................59

4.1 Vers des biopiles à compartiment double de 2e génération ...............................................59

4.2 Matériel et méthode de la phase 3 .....................................................................................59

4.2.1 Biopile à compartiment double de 2e génération ................................................59

4.2.2 Fraction liquide utilisée comme lisier .................................................................61

4.2.3 Analyses biomoléculaires ...................................................................................61

4.2.4 Examens microscopiques et analyses chimiques par énergie dispersive ............65

4.3 Résultats .............................................................................................................................66

4.3.1 Réalisation des biopiles à compartiment double de 2e génération ......................66

4.3.2 Comportements électriques de la biopile ............................................................67

4.3.3 Analyses microbiologiques .................................................................................70

4.3.4 Analyses microscopiques et par énergie dispersive ............................................71

4.3.5 Confirmation de la teneur en soufre du charbon activé ......................................73

4.4 Analyses des résultats ........................................................................................................74

4.5 Conclusion de la phase 3....................................................................................................76

5. Phase 4. Création de biopiles performantes .........................................................................78

5. 1. La cathode : Le défi technologique et commercial des biopiles ......................................78

5. 2 Matériel et méthode de la phase 4. ....................................................................................80

5.2.1 Biopiles à compartiment double avec peroxyde d’hydrogène à la cathode ........80

5.2.2 Placage de platine sur la cathode par galvanoplastie ..........................................82

5.2.3 Fonctionnement des biopiles...............................................................................85

5.2.4 Fraction liquide utilisée comme lisier .................................................................85

5.2.5 Détermination de la DBO5 et de la DCO ............................................................85

5.2.6 Concentration de peroxyde d’hydrogène ............................................................86

5.2.7 Évolution des odeurs ...........................................................................................86

5.3 Résultats .............................................................................................................................86

5.3.1 Réalisation des biopiles de dernière génération ..................................................86

5.3.2 Période d’acclimatation ......................................................................................87

5.3.3 Performances des biopiles après l’acclimatation des bactéries ...........................91

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5.3.4 Abattement de la DBO5 et de la DCO ................................................................96

5.3.5 Calcul du rendement de Coulomb .......................................................................97

5.3.6 Abattement des odeurs ........................................................................................98

5.3.7 Analyses microbiologiques des agents pathogènes ..........................................99

5.4 Analyse des résultats ........................................................................................................100

5.5 Conclusion de la phase 4..................................................................................................106

6. Conclusions générales ........................................................................................................107

RÉFÉRENCES ......................................................................................................................111

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1-1 Potentiel d'oxydoréduction aux conditions standards de certaines

demi-réactions impliquées dans le transfert des électrons. ..................................................7

Tableau 1-2 Évolution des performances des biopiles selon les communautés

bactériennes........................................................................................................................14

Tableau 1-3 Principaux résultats de biopiles évaluées pour le traitement d’eau usée

(Booki et Logan, 2004; Hong et al., 2004) ........................................................................25

Tableau 4-1 Systèmes PCR utilisés. .....................................................................................63

Tableau 4-2 Représentation numérique de gels DGGE avec le logiciel Phototrix 1D. ........71

Tableau 4-3 Concentration en soufre d’échantillons de charbon activé prélevés dans une

biopile mature. ...................................................................................................................74

Tableau 5-1 Abattement de la DBO5 et de la DCO. .............................................................97

Tableau 5-2 Rendement de Coulomb des piles 1 à 4 du 11 au 17 août 2010. ......................97

Tableau 5-3 Évaluation du seuil de détection d’odeur pour le lisier brut. ............................99

Tableau 5-4 Résultats des essais d’olfactométrie pour les biopiles 1 à 3. ............................99

Tableau 5-5 Résultats des analyses microbiologiques des lisiers brut et circulant. ............100

Tableau 5-6 Performances électriques des biopiles du 11 au 17 août 2010. ......................102

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LISTE DES FIGURES

Figure 1.1 Schématisation du fonctionnement d’une biopile (Rabaey, Verstraete, 2005). ...8

Figure 1.2 Mécanismes possibles de transfert des électrons entre les bactéries et une

anode. ..............................................................................................................................11

Figure 1.3 Sortie de puissance d’une biopile en fonction de son alimentation en carburant

(Les flèches indiquent les moments de recharge) (Rabaey et al. , 2003)........................15

Figure 1.4 Vue schématisée des éléments constitutifs de la cathode (Litster et

McLean, 2004). ...............................................................................................................18

Figure 1.5 Biopile à compartiment unique (Liu et Logan, 2004). ........................................21

Figure 1.6 Schéma (A) et photographie (B) d’une biopile à plaques à écoulement continu

(Min et Logan, 2004). .....................................................................................................24

Figure 1.7 Schéma (A) et photographie (B) d’une biopile cylindrique à écoulement

continu (Liu et al., 2004).................................................................................................24

Figure 1.8 Exemple de courbes de performances électriques de biopiles (Oh et al., 2004). 30

Figure 2.1 Vue schématique d'une biopile à compartiment unique. .....................................33

Figure 2.2 Évolution du concept de biopile à compartiment unique proposé par ce projet

qui inclura un support bactérien granulaire. ...................................................................34

Figure 2.3 Vue éclatée d’une biopile à compartiment unique. .............................................36

Figure 2.4 Les anodes. Feutre de graphite (a); brosse en acier inoxydable (b). ...................37

Figure 2.5 Vue d’une biopile type ayant un feutre de graphite comme anode. ....................38

Figure 2.6 Vue d’une biopile avec une anode constituée d’une brosse en acier inoxydable

entourée de charbon activé S3. .......................................................................................39

Figure 2.7 Courbes de tension des biopiles selon différents supports bactériens. ................40

Figure 2.8 Courbes tension-densité de courant des biopiles selon différents supports

bactériens. .......................................................................................................................41

Figure 2.9 Courbes densité de puissance - densité de courant des biopiles selon différents

supports bactériens. .........................................................................................................41

Figure 2.10 Évolution des tensions pour des biopiles avec et sans nafion® appliqué sur la

cathode. ...........................................................................................................................43

Figure 2.11 Courbes tension-densité de courant des biopiles avec et sans nafion® appliqué

sur la cathode. .................................................................................................................43

Figure 2.12 Courbe densité de puissance-densité de courant des biopiles avec et sans

nafion® appliqué sur la cathode. .....................................................................................44

Figure 2.13 Évolution des tensions selon les anodes. ...........................................................45

Figure 2.14 Courbes tension-densité de courant selon les anodes. .......................................46

Figure 2.15 Courbes densité de puissance-densité de courant selon les anodes ...................46

Figure 3.1 Vue éclatée des composantes de base d’une biopile à compartiment double. ....51

Figure 3.2 Évolution des tensions des biopiles avec 25, 50 et 100 grammes de S3. ............53

Figure 3.3 Courbes tension-densité de courant des biopiles avec 25, 50 et 100 grammes

de S3................................................................................................................................54

Figure 3.4 Courbes densité de puissance-densité de courant des biopiles avec 25, 50 et

100 grammes de S3. ........................................................................................................54

Figure 3.5 Comparaison de la densité de courant entre les 2 méthodes de montage des

biopiles à une tension d'opération de 600 mV. ...............................................................56

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x

Figure 3.6 Comportement électrique des électrodes de la biopile avec une résistance

externe de 100 ohms selon différentes charges de charbon activé. ................................57

Figure 4.1 Vue éclatée d’une biopile à compartiment double de 2e génération. ..................60

Figure 4.2 Vue extérieure de la biopile à compartiment double de 2e génération. ..............66

Figure 4.3 Montage de la biopile de 2e génération avec son réservoir d’acide citrique. ......67

Figure 4.4 Tensions en circuit fermé (R externe = 100 ohms) de la biopile de 2e

génération sur une période d’un mois. ............................................................................69

Figure 4.5 Courbes des performances électriques de la biopile de 2e génération avec une

tension moyenne de 400 mV en circuit fermé. ...............................................................69

Figure 4.6 Vue microscopique du charbon activé brut et de son analyse par énergie

dispersive. .......................................................................................................................72

Figure 4.7 Vue microscopique de la flore bactérienne observée sur du charbon activé

d’une biopile mature et de son analyse par énergie dispersive. ......................................73

Figure 5.1 Vue éclatée montrant les principales composantes d’une biopile de dernière

génération. .......................................................................................................................82

Figure 5.2 Ensemble de placage. ..........................................................................................83

Figure 5.3 Aperçu des cathodes avant a) et après b) placage de platine. .............................84

Figure 5.4 Montage d’une biopile de dernière génération. ...................................................87

Figure 5.5 Montage final des 4 biopiles sur le banc d’essai. ................................................87

Figure 5.6 Essais d’étalonnage du potentiel de la cathode. ..................................................88

Figure 5.7 Tensions moyennes en circuit fermé des 4 biopiles du 20 juillet au 11 août

2010.................................................................................................................................89

Figure 5.8 Potentiel en circuit fermé des anodes des biopiles pendant la phase

d’acclimatation. ...............................................................................................................89

Figure 5.9 Production d’énergie pendant la phase d’acclimatation des biopiles 1 à 4. ........90

Figure 5.10 Courbes de performances électriques de la biopile 2, le 3 août 2010. ..............91

Figure 5.11 Tensions moyennes en circuit fermé des 4 biopiles du 11 au 17 août 2010. ....92

Figure 5.12 Potentiel en circuit fermé des anodes des biopiles du 11 au 17 août 2010. ......93

Figure 5.13 Potentiel en circuit fermé des cathodes des biopiles du 11 au 17 août 2010. ....94

Figure 5.14 Production d’énergie du 11 au 17 août 2010 par les biopiles 1 à 4. ..................94

Figure 5.15 Courbes de performances électriques de la biopile 2 le 12 août 2010. .............95

Figure 5.16 Courbes de performances électriques de la biopile 4 le 17 août 2010. .............96

Figure 5.15 Courbes de performances électriques de la biopile 4 le 17 août 2010…….......97

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1

Introduction

Le règlement sur les exploitations agricoles du Ministère du développement durable, de

l’environnement et des parcs du Gouvernement du Québec (MDDEP, 2010) exige

d’atteindre un équilibre entre la capacité de support en phosphore des sols et la quantité

épandue de matières fertilisantes. De fait, les sols agricoles de certaines régions du

Québec ont fait l’objet à travers le temps d’épandage massif occasionnant une

accumulation importante du phosphore qui peut migrer vers les cours d’eau et entraîner la

dégradation des écosystèmes aquatiques. En conséquence, les applications de phosphore

doivent être révisées à la baisse, d’où un besoin urgent de trouver de nouveaux débouchés

aux rejets de ferme contenant cet élément chimique.

Au cours des audiences publiques de la commission sur le développement durable de la

production porcine au Québec (BAPE, 2003), tenues durant l’hiver 2002-2003, le modèle

de production porcine québécois a été remis en cause, notamment en ce qui a trait aux

opérations d’épandage du lisier qui produisent des inconvénients liés aux émissions

d’odeurs.

Selon le ministère canadien des ressources naturelles « depuis 150 ans, quantité de

données scientifiques confirment le réchauffement du climat de la Terre et l'accélération

de ce réchauffement dans les vingt dernières années. Les changements que subit le climat

sont devenus une source d'inquiétude à l'échelle mondiale» (RNC, 2010). La

communauté scientifique internationale sonne l’alarme et démontre que les activités

humaines accélèrent la concentration des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, ce

qui pourrait entraîner une augmentation de la température moyenne de 1 à 3,5 °C à la

surface de la terre d’ici 2100 (OCDE, 2001). Le gouvernement du Canada s'est engagé à

réduire ses émissions totales de gaz à effet de serre de 17 % d'ici 2020 par rapport aux

niveaux de 2005 (Environnement Canada, 2003), alors que l’agriculture produit à

l’échelle nationale environ 10 % de ces gaz (principalement du méthane et de l’oxyde

d’azote) (OCDE, 2001). L’élevage est une des principales activités agricoles productrices

de GES. Du CH4 et du N2O sont produits lors de l’entreposage du fumier, surtout

lorsqu’il s’agit de grandes quantités (OCDE, 2001). Si le dioxyde de carbone représente

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une unité en termes de gaz contributif au réchauffement global de la planète, le méthane

est évalué pour sa part à 21 unités (Lusk, 1997). Le méthane contribue également à la

formation d’ozone troposphérique, une composante du smog. Le secteur agricole peut

donc contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux en matière de réduction de GES en

réalisant une gestion améliorée des rejets de ferme qui dégagent notamment du méthane

pendant leur entreposage à l’air libre.

Une gestion moderne des lisiers, soucieuse des impacts environnementaux inhérents à

son emploi, comporte ainsi de nombreux défis : gestion rationnelle des éléments

fertilisants, atténuation des nuisances causées par les odeurs et réduction des émissions de

gaz à effet de serre. Ce constat révèle toute la complexité de la situation. De fait, il

n’existe pas une seule technologie qui puisse répondre à elle seule à toutes les

préoccupations environnementales citées précédemment. Il faut alors en intégrer

plusieurs qui pourront, chacune à leur manière, s’adresser à un défi particulier. C’est dans

cet esprit que l’Institut de Recherche et de Développement en Agroenvironnement

(IRDA) a effectué un premier pas, en proposant aux éleveurs porcins l’utilisation d’un

séparateur décanteur centrifuge afin de séparer une bonne partie de la matière sèche

contenue dans le lisier (Martin et al., 2006). L’utilisation de cet équipement permet de

générer une fraction solide contenant près de 70 % du contenu en phosphore

originalement présent dans le lisier brut. Cette fraction solide, concentrée en éléments

fertilisants, est transportable à bas coûts hors des fermes productrices. Elle peut être par la

suite valorisée comme un excellent engrais organique sur des sols pauvres en éléments

fertilisants (Landry et al., 2011). Toutefois, la partie liquide restante sur les fermes

productrices de lisier, demeure très odorante et encore très chargée, celle-ci ayant entre

20 à 80 g·L-1

de demande chimique en oxygène (DCO) (Martin et al., 2006). La DCO

représente la quantité de dioxygène nécessaire à l'oxydation de l'ensemble des matières

organiques et minérales contenues dans l'eau, par oxydoréduction. Cette donnée est

représentative de la pollution organique et chimique (Lenntech, 2011). En cas de

lessivage de cet engrais de ferme vers un cours d’eau situé à proximité d’une zone

d’épandage, cela peut aboutir à une désoxygénation de l’eau et à l’eutrophisation de ce

cours d’eau. De plus, si la DCO d’un lisier est très élevée, le potentiel de production de

méthane (GES) pendant l’entreposage demeure important. La recherche de traitements

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complémentaires pour cette partie liquide est donc essentielle pour en atténuer les

impacts sur l’environnement. Idéalement, tout nouveau traitement du liquide devra

générer des sous-produits à valeur ajoutée pour amortir les frais inhérents à son

installation et à son fonctionnement.

Ce projet de doctorat propose d’investiguer, à une échelle laboratoire, le potentiel d’une

technologie émergente comme unité de traitement de la fraction liquide issue d’un

séparateur décanteur centrifuge. Cette technologie fait appel au concept de biopiles

(microbial fuel cells ou MFC en anglais). Les biopiles constituent une nouvelle approche

en matière de production d'énergie verte en convertissant l'énergie disponible dans un

substrat biodégradable directement en électricité (Rabaey et Verstraete, 2005). Ceci peut

être réalisé quand les bactéries métabolisent les substrats en utilisant un accepteur

d’électrons insoluble, tel que l'anode des biopiles, à la place d’un accepteur usuel

d'électrons comme l'oxygène. Le flot d’électrons émis lors de la respiration est dérouté et

forcé d’emprunter un circuit électrique. Il traverse alors une charge (par exemple un

moteur électrique) ou une résistance pour réduire l’accepteur d’électrons (idéalement

l’oxygène) à la cathode. Au même moment, la dégradation de la matière produit un flot

d’ions d’hydrogène qui traverseront un pont électrolytique pour être réunis avec

l’oxygène réduit à l’extrémité « positive » de la chaîne respiratoire pour former de l’eau.

Les biopiles peuvent fonctionner à partir de différentes sources d’hydrates de carbone

incluant des formes complexes comme celles retrouvées dans les eaux usées tout en

produisant de l’électricité (Min et Logan, 2004; Jang et al., 2004). Bien que les biopiles

aient fait l’objet de travaux de recherche depuis plusieurs années (Potter, 1911; Bennetto

et al., 1983), ce n'est que récemment que des biopiles avec une production de puissance

significativement importante ont été rapportées dans la littérature (Rabaey et al., 2003;

Cheng et Logan, 2007) laissant ainsi présager leur utilisation pour des applications

pratiques. L’énergie électrique produite par des biopiles est un sous-produit à valeur

ajoutée considérable. Intégrées dans une chaîne de traitement visant à abaisser la DCO, à

réduire les odeurs et à assainir le lisier, les biopiles produiraient de l’électricité pouvant

faire fonctionner le système en autarcie voir même produire suffisamment d’énergie pour

faire fonctionner d’autres applications à la ferme.

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Ce document présente les résultats de cette recherche consacrée au développement de

biopiles alimentées au lisier de porc. Après une revue de littérature, une approche en

quatre phases sera décrite afin de cerner le fonctionnement d’une biopile alimentée au

lisier. Les trois premières phases ont permis de comprendre les mécanismes de transfert

des électrons entre les bactéries et les deux électrodes que sont l’anode et la cathode

d’une biopile. Les découvertes faites au cours de ces phases exploratoires ont mené à la

quatrième et dernière phase, soit la création de biopiles fonctionnelles, stables et

performantes. La dernière génération de biopiles a été utilisée pour quantifier les

performances potentielles de cette technologie comme unité de traitement des eaux.

1. Revue de littérature

1.1 Historique

Les premiers travaux reliés aux biopiles ont été effectués au début du XXe siècle quand

un botaniste anglais, M.C. Potter (1911), a observé qu’un milieu de culture anaérobie

contenant du glucose et des levures produisait un potentiel négatif à une électrode de

platine en référence à une électrode similaire placée dans un milieu de culture aérobie. En

circuit ouvert, il a noté une différence de potentiel variant de 0,3 à 0,5 V et la production

d’un petit courant d’environ 0,2 mA lorsque le circuit était fermé. Selon Bennetto (1984),

Yudkin et ses collaborateurs ont démontré dans les années trente que l’ajout de colorants

utilisés comme indicateurs de réactions d’oxydoréduction dans des réactions

biochimiques permettait d’obtenir de meilleurs résultats. Dans cette biopile est apparu

pour la première fois l’ajout d’un agent dans le compartiment de l’anode pour stabiliser la

production d’électricité. Bien que fragmentaires, les travaux de ces précurseurs

confirmaient que la désintégration de la matière organique par les micro-organismes était

accompagnée d’une production d’énergie électrique. Il est apparu que le courant produit

par les biopiles était influencé par la température, la concentration de la matière nutritive

et le nombre d’organismes présents et qu’il y avait une capacité de restituer la force

électromotrice (FEM) dès que le circuit était ouvert. En effet, dès qu’il y a appel de

courant, on observe une chute abrupte de la FEM , mais il y a regain dès que le courant

cesse (dès que le circuit est ouvert).

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Également selon Bennetto (1984), il a été constaté durant les années 1960 que le

développement des biopiles se heurtait à plusieurs écueils technologiques et a encouragé

les gouvernements à poursuivre la recherche dans ce domaine en favorisant une approche

multidisciplinaire consistant en une équipe de biochimistes, d’électro-chimistes et

d’ingénieurs, afin d’attaquer les problèmes électrochimiques responsables de la faible

production de courant des biopiles. Il a statué également que les efforts à consentir dans

ce domaine étaient aussi prometteurs que ceux à fournir pour le développement de piles à

combustible hydrogène-oxygène.

Selon Rabaey et Verstraete (2005), un renouveau d’intérêt s’est fait sentir lors de la

première crise du pétrole au début des années 1970 et les premières biopiles permettant

de traiter de l'eau usée domestique ont été étudiées en 1991. Cependant, toujours selon les

mêmes auteurs, c'est tout récemment que des biopiles avec une production de puissance

significativement importante ont été rapportées dans la littérature laissant ainsi présager

leur utilisation pour des applications pratiques.

1.2 Principes fondamentaux

1.2.1 Métabolisme bactérien et biopiles

Le fonctionnement des biopiles est tributaire des mécanismes de transfert d’énergie dans

une bactérie. Le carburant est le donneur d’électrons et il contient l’énergie qui sera

transférée vers les bactéries. Selon les genres bactériens et les modes respiratoires

employés (aérobie et anaérobie), le donneur d’électrons pourra prendre des formes plus

ou moins complexes allant, par exemple, de la molécule de glucose (C6H12O6) à des

formes plus simples comme l’ion acétate (C2H3O2) ou l’ion formate (CHO2). La

dégradation du carburant vers une forme simple comme le CO2, se réalise pendant le

cycle de Krebs et permet la réduction d’une coenzyme appelée nicotinamide adénine

dinucléotide, ou NAD+

(Kleinsmith et Kish, 1988). Le NAD+ capte les électrons et

l'hydrogène grâce à des enzymes appelés déshydrogénases. Ces enzymes retirent une

paire d'atomes d'hydrogène du substrat, soit l'équivalent de 2 protons et 2 électrons. La

déshydrogénase procure deux électrons et un proton H+ au NAD

+, l'autre proton étant

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6

libéré dans le milieu. On inscrira la forme réduite du NAD+ par l’appellation NADH+H

+

(Kleinsmith et Kish, 1988).

Le NADH+H+

progressera au travers un enchaînement de systèmes d’oxydoréduction

appelé chaîne respiratoire. Au cours du passage dans cette chaîne, de l’énergie est

dégagée permettant la transformation de l’adénosine diphosphate (ADP) en anédosine

triphosphate (ATP). L’ATP est la forme d’énergie utilisable par les bactéries; elle permet

le fonctionnement des activités vitales et leur reproduction de celles-ci. La chaîne

respiratoire sera plus ou moins courte selon le mode respiratoire de la bactérie (aérobie ou

anaérobie). De même, l’accepteur final d’électrons situé au bout de cette chaîne pourra

être différent. Dans le cas d’une respiration aérobie le dioxygène joue ce rôle alors que du

nitrate ou du sulfate pourrait être utilisé pour des bactéries anaérobies. La quantité

d’énergie transférée aux différentes étapes dépend du potentiel d’oxydoréduction de

chacune des demi-réactions impliquées dans cette étape (Kleinsmith et Kish, 1988).

Le tableau 1-1 fournit quelques valeurs de potentiel d’oxydoréduction de demi-réactions

à des conditions standards (pH 7, 25 °C, et une concentration de 1 M des réactifs) telles

que retrouvées dans la littérature.

L’énergie dégagée sera calculée selon l’équation 1.1 (Bennetto et al., 1983)

0EnFG (1.1)

G : énergie libre de la réaction (J mole-1

);

E0 : différence de potentiel d’oxydoréduction entre les demi-réactions (V ou J

coulomb-1

);

n : nombre d’électrons impliqués dans la réaction

F : constante de Faraday (96 490 coulombs mole-1

d’électrons).

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Tableau 1-1 Potentiel d'oxydoréduction aux conditions standards de certaines demi-réactions

impliquées dans le transfert des électrons.

Couple

d’oxydoréduction

Réactions n1 Potentiel

d’oxydo-

réduction

Référence

Demi-réaction

No.

Volt

CO2/glucose

(1)

½ CO2 + 2 H+ +2 e- →

1/12 C6H12O6 + ½ H2O

2 -0,43 (Tchobanoglous et

al., 2003)

HCO3-/HCOO-

(2)

½ HCO3- +2 H+ + 2e- → HCOO- + H2O 2 -0,49 (Tchobanoglous et

al., 2003)

CO2/acétate

(3)

1/4 CO2 +1/4 HCO3+ 2 H+ +2 e- →

1/4 CH3COO- + ¾ H2O

2 -0,28 (Tchobanoglous et

al., 2003)

NAD+/NADH+H+

(4)

NAD+ + 2H++ 2 e- → NADH +H+ 2 -0,32 (Kleinsmith et Kish,

1988)

Cyt b3+ / Cyt b2+

(5)

Cyt b3+ + e- → Cyt b2+ 1 0,0 (Tchobanoglous et

al., 2003)

Cyt a3+ / Cyt a2+

(6)

Cyt a3+ + e- → Cyt a2+ 1 +0,38 (Tchobanoglous et

al., 2003)

O2/H2O

(7)

½ O2 +2 H+ +2 e- → H2O

2 +0,82 (Tchobanoglous et

al., 2003)

NO3-/NO2

-

(8)

NO3- +2 H++2 e- → NO2

-+ H2O

2

+0,42 (Tchobanoglous et

al., 2003)

SO4--/H2S

(9)

1/4 SO4--/ +19/8 H++2 e- →

1/8 H2S+1/8 HS- + H2O

2 -0,22 (Tchobanoglous et

al., 2003) 1 n: nombre d’électrons impliqués dans la demi-réaction

Les réactions 1 à 3 du tableau 1-1 illustrent des demi-réactions de donneurs d’électrons

alors que les réactions 7 à 9 sont celles impliquant des accepteurs finals de la chaîne

respiratoire. Ainsi, l’oxydation du glucose par de l’oxygène (demi-réactions 1 et 7),

résulte en une différence de potentiel entre les demi-réactions de 1,25 volts (0,82 - -0,43).

En appliquant l’équation 1.1, l’énergie libre G dégagée par cette réaction sera de

– 240 kJ mole-1

. Il s’agit d’une réaction spontanée intense, d’où l’utilité d’une chaîne

respiratoire qui fragmente en sous-étapes la réaction totale par le biais de réactions

intermédiaires. Si on applique l’équation 1.1 à l’oxydation du glucose par le NAD+, on

trouve une différence de potentiel de 0,11 volt pour un dégagement d’énergie de -21,2 kJ

mole-1

. Une fois réduit sous la forme NADH+H+, celui-ci transférera sa charge vers un

intermédiaire de la chaîne respiratoire plus oxydant que lui. Des demi-réactions types de

cette chaîne sont représentées par les réactions 5 et 6 et font intervenir des coenzymes

intermédiaires appelés cytochromes.

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La figure 1.1 schématise les mécanismes de transfert des électrons entre une bactérie et

les électrodes d’une biopile. Dans ce système, l’anode de la biopile sert d’accepteur

d’électrons en provenance des bactéries, alors qu’à la cathode un agent oxydant est réduit

par l’apport de ces électrons utilisant un circuit électrique externe. Pour leur part, les

protons H+ migrent de l’anode vers la cathode en utilisant un pont électrolytique (comme

une membrane échangeuse de cations) pour rétablir l’équilibre électrique des solutions. Si

de l’oxygène est utilisé à la cathode comme agent oxydant, tel qu’illustré à la figure 1.1,

il y aura production d’eau par la combinaison de l’oxygène réduit et des protons.

Figure 1.1 Schématisation du fonctionnement d’une biopile (Rabaey, Verstraete, 2005).

La biopile offre donc un moyen de canaliser et de concentrer dans un circuit électrique

externe toute la production d’électrons de genres bactériens susceptibles d’adopter une

anode comme accepteur final d’électrons. L’identification de ces genres bactériens est un

enjeu majeur lors du développement d’une biopile car elle permet la compréhension des

mécanismes de transfert des électrons privilégiés par les bactéries « électrophiles ». À

bactérie

bactérie

anode cathode

Bactérie Anode Cathode

Membrane échangeuse de cations

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partir de cette compréhension, une optimisation des conditions prévalant dans la biopile

peut être effectuée pour en augmenter la sortie de puissance électrique tout en diminuant

le temps de séjour du carburant dans la biopile, ce qui, ultimement, aura un impact sur le

dimensionnement final de celle-ci.

1.2.2 Mécanismes respiratoires bactériens possibles et production d’électricité

L’évolution des biopiles est largement dépendante de la compréhension des mécanismes

de transfert des électrons et des protons impliqués pendant les réactions qui à leur tour

sont largement tributaires des populations bactériennes qui agissent comme catalyseur de

ces réactions. Au cours des années, la compréhension de ces mécanismes s’est effectuée

en s’adressant d’abord à des cultures bactériennes pures pour se concentrer d’avantage

aujourd’hui sur des consortiums bactériens mixtes.

Une bactérie dont la chaîne respiratoire est efficace ne pourra produire un courant externe

important car la majorité de l’énergie aura été convertie en ATP. De ce fait, les bactéries

strictement aérobies ne sont pas de bonnes candidates pour la production de biopiles. Ces

dernières tablent donc sur l’existence de bactéries anaérobies strictes ou aérobies-

anaérobies facultatives possédant des mécanismes respiratoires beaucoup moins efficaces

pour générer des sorties de puissance utilisables. De fait, ce manque d’efficacité,

tributaire d’une chaîne respiratoire moins complexe ou plus courte, laisse une importante

quantité d’énergie encore disponible au sortir de la chaîne. En négligeant les pertes

internes, la tension théorique maximale en circuit ouvert d’une biopile utilisant l’oxygène

de l’air comme oxydant ne sera jamais supérieure à 1,14 V, ceci étant gouverné par la

différence entre les potentiels d’oxydoréduction du couple NAD/NADH+H+ (-0,32 V,

tableau 1-1), substance cellulaire impliquée dans le transfert des électrons, et du couple

O2/H2O (+0,82 V, tableau 1-1). Dans les faits, à cause des besoins en énergie de la

bactérie et de la résistance dans le système, la tension maximale sera inférieure à cette

valeur.

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Jusqu’à tout récemment, les études portant sur des biopiles consistaient à travailler avec

des souches bactériennes pures. Les travaux de Bennetto et de ses collaborateurs

(Bennetto et al., 1983; Bennetto, 1984 et 1990; Delaney et al.,1984) font école en la

matière. Les expériences menées par cette équipe avec, notamment, les genres bactériens

Proteus vulgaris et Escherichia coli ont également mis en lumière que l’ajout de

médiateurs redox synthétiques permettait d’augmenter significativement la sortie de

puissance des biopiles. Par exemple, des composés solubles dérivés des colorants tels que

le bleu de méthylène (BM) ou la thionine (Th), ont fait l’objet d’études (Bennetto et al.,

1983; Delaney et al. 1984).

Néanmoins, parce qu’ils se consument, les médiateurs redox de synthèse doivent être

constamment remplacés tout au long du fonctionnement des biopiles. De plus, en raison

de leur toxicité, leur utilisation dans un contexte de développement durable est

questionnable puisqu’il faudra relâcher l’effluent des biopiles en nature. C’est pourquoi,

des chercheurs se sont intéressés à trouver des espèces bactériennes qui ne nécessitent pas

l’addition de médiateurs redox de synthèse. Kim et al. (2002), Bond et al. (2002), Bond et

Loveley (2003), Chaudhuri et Loveley (2003) et Haberman et Pommer (1991), ont

respectivement mis en lumière que les espèces Shewanella putrefaciens, Geobacter

metallireducens, Geobacter sulfurreducens, Rhodoferax ferrireducens et Desulfovibrio

desulfuricans étaient en mesure de répondre à ce critère. Actuellement, trois mécanismes

respiratoires bactériens anaérobies expliqueraient le fonctionnement d’une biopile faisant

appel à ces genres bactériens (Schröder, 2007; Logan et al., 2006; Logan et Regan, 2006).

La figure 1.2 illustre les mécanismes possibles. Chacun de ces mécanismes fait appel à un

genre bactérien spécifique. De la gauche vers la droite, on note deux mécanismes

impliquant un contact physique direct entre la bactérie et l’anode et un troisième

impliquant une molécule intermédiaire de transfert entre la bactérie et l’électrode.

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Figure 1.2 Mécanismes possibles de transfert des électrons entre les bactéries et

une anode.

Des bactéries métaux-réductrices seraient en mesure de réduire certains hydroxydes de

métal (Schröder, 2007; Haberman et Pommer, 1991). Pour ce faire, elles doivent être en

contact direct avec l’élément à réduire. Cette propension à se développer sur la surface à

réduire peut être utilisée dans les biopiles en permettant le développement bactérien

directement sur la surface d’une électrode. Dans cette stratégie, l’anode sera poreuse et

devrait offrir un maximum de surface pour favoriser le développement des bactéries.

Dans ce cas, les chercheurs utilisent fréquemment des électrodes à base de fibre de

carbone ou de graphite. Comme cela est illustré à la figure 1.3, les bactéries utiliseraient

deux façons de se lier à leur support (Schröder, 2007; Logan et Regan, 2006). Soit par

contact direct par le développement de cytochromes en bordure de la membrane

cytoplasmique externe (figure 1.2 a), soit par la formation de nano-fibres partant de

cytochromes vers le milieu extérieur (figure1.3 b). Pour ce dernier cas, on pense même

que, grâce à un système de micro-câblage, il est possible qu’un réseau inter-bactéries

permette la survie des microbes situés à une certaine distance de l’accepteur final

d’électrons (Haberman et Pommer, 1991). Des bactéries du genre Shawanella, Geobacter

ou Rhodoferax sont ferro-réductrices et sont reconnues pour développer des nano-fibres

(Schröder, 2007). En se référant au tableau 1-1, on voit que le potentiel d’oxydoréduction

e-

a) Contact direct

avec cytochrome

ccytochrome

b) Nano-fibres c) Molécules

intermédiaires

red

. ox

.

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du couple oxydation/réduction des cytochromes (éléments de la chaîne respiratoire en

contact direct avec l’extérieur) se situe entre 0 et 0,38 V, ce qui permet de prévoir une

tension maximale de la biopile entre 0,4 et 0,8 volt, dans le cas où l’oxygène est utilisé à

la cathode.

D’autres bactéries utiliseraient pour leur part certaines molécules intermédiaires (figure

1.2 c) pour effectuer le transfert des électrons. Une fois relâchées dans l’environnement,

ces molécules réduites viendraient s’oxyder à l’anode pour revenir éventuellement vers

les bactéries, prêtes à recommencer un nouveau cycle d’oxydoréduction. À cet effet, on

note dans la littérature que les bactéries sulfato-réductrices utilisent le sulfate comme

accepteur d’électrons. Des delta-protéobactéries comme Desulfovibrio desulfuricans

utilisent ce mode respiratoire (Schröder, 2007). Pour la fabrication de biopiles, il s’agit

d’un mode de transfert d’électrons particulièrement intéressant car, comme l’indique le

tableau 1-1, le potentiel d’oxydoréduction du couple sulfate/sulfure est de -0,22 V

(Schröder, 2007). Conséquemment, si de l’oxygène est utilisé au niveau de la cathode, la

tension maximale théorique serait légèrement supérieure à 1 volt (0,8 V - -0,22 V).

Mais les avenues de solution pour obtenir des sorties de puissance significatives des

biopiles ne sont pas exclusives à l’utilisation d’un genre bactérien unique. Rabaey et al.

(2003 et 2004) et Kim et al. (2005) ont tablé sur une logique de sélection naturelle pour

favoriser la croissance de bactéries de type « électrophiles » en partant du constat établi

par Nielsen et al. (2002) que la population bactérienne d’une boue provenant d’un

digesteur anaérobie est constituée d’environ 3 % de bactéries ferro-réductrices. En

utilisant une boue d’un digesteur anaérobie et en transférant successivement des biofilms

récoltés sur des anodes de biopiles, Rabaey et al. (2004) sont parvenus à obtenir l’une des

meilleures performances jamais atteinte avec une biopile. L’analyse des populations

présentes sur l’anode et dans l’anolyte a permis de constater que la communauté

consistait principalement en des bactéries anaérobies facultatives (pouvant autant évoluer

en milieu aérobie qu’anaérobie) telles que Alcaligenes faecalis, Enterococus gallinarum,

Pseudonomas aeruginosa et autres bactéries du genre Pseudonomas. Ces chercheurs

notaient également que P. aeruginosa et A. faecalis produisaient respectivement de la

pyocyanine et de la plastocyanine, deux composés capables de jouer des rôles de

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médiateurs redox naturels. Pour obtenir ces résultats, une expérimentation à long terme a

été nécessaire. Si, en effet, la sortie de puissance en début d’expérience a été faible, elle

augmentait constamment au fur et à mesure que la population bactérienne s’adaptait et

augmentait. Ainsi, en début d’expérience, le rendement de Coulomb est seulement de 4 %

et la densité de puissance est de 0,65 W·m-2

(voir la section 1.6 pour la définition de ces

paramètres). Toutefois, après la 71e journée d’adaptation, le rendement de Coulomb

atteignait 81 % et la densité de puissance 4,31 W·m-2

. Ces rendements se sont par la suite

maintenus pendant les 80 jours subséquents d’observation. Les chercheurs notaient

également que l’activité méthanogène des bactéries cessait progressivement puisque le

glucose utilisé comme carburant, bien que complètement consommé, n’entraînait pas

pendant sa dégradation la production d’acides gras volatils. Un autre fait intéressant de

cette recherche, fut le constat entourant la sortie de puissance selon deux modes de

transfert du consortium mixte de bactéries vers des biopiles vierges (sans consortium

bactérien avant transfert) alimentées au glucose. Dans un premier cas, les bactéries ont

été transférées en utilisant les corps microbiens en suspension dans l’anolyte d’une

biopile de culture, alors que dans un second cas, les bactéries ont été transférées en

immergeant une électrode de graphite recouverte d’un bio-film de bactéries adaptées dans

une nouvelle biopile. Ces chercheurs n’ont noté aucune différence significative de

rendements entre les 2 modes de transferts, obtenant en moyenne pour les deux modes

une densité de puissance d’environ 4 W·m-2

, un voltage de 600 mV et un courant

d’environ 30 mA. L’analyse des populations révélait en plus qu’après deux jours de

fonctionnement il y avait autant de corps microbiens en solution que sur l’anode dans les

deux situations. Ceci démontre, qu’une fois adaptés, les consortiums mixtes bactériens

pouvaient facilement être transférés peu importe le mode de transfert retenu.

En conclusion de leur recherche, Rabaey et al. (2004) notaient que les communautés

bactériennes pouvaient s’adapter aux conditions présentes dans les biopiles, évoluant vers

des consortiums optimisés en tant que biocatalyseur d’électricité. De plus, ces

consortiums se servaient de deux véhicules de transferts d’électrons, soit par contact

direct de la membrane cytoplasmique avec l’anode, soit par l’utilisation de médiateurs

redox indigènes. Ainsi, il semblerait que certaines bactéries bénéficieraient de la capacité

de sécrétion de médiateurs redox d’autres espèces bactériennes pour réaliser leur propre

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activité respiratoire. Cette symbiose entre espèces bactériennes expliquerait en partie les

puissances de sortie particulièrement importantes observées avec les consortiums

bactériens.

Le tableau 1-2 présente l’amélioration des performances des biopiles selon l’évolution

des connaissances dans le temps et la compréhension des mécanismes de transfert des

électrons entre les bactéries et l’anode. Il met également en perspective le net avantage

d’utiliser un consortium mixte de bactéries pour l’obtention d’une puissance de sortie

optimale ainsi que l’usage, par différents groupes de chercheurs, de certains substrats

comme source de carburants pour les bactéries.

Tableau 1-2 Évolution des performances des biopiles selon les communautés bactériennes.

Type de

colonies

bactériennes

Carburant

utilisé

Utilisation

de

médiateur

redox

Courant

produit

Densité de

puissance

Puissance Référence

(O/N) (A) mW·m-2 W·m-3

Souches pures

Escherichia

coli

lactate O 3,3 1,2 7,6 Park et Zeikus,

2003

Proteus

vulgaris

glucose O 0,8 4,5 18 Delaney et al.,

1984

Rhodoforax

ferrireducens

glucose N 0,2 8 25 Chaudhuri et

Lovley, 2003

Pseudonomas

aeruginosa

glucose N 0,1 88 8.8 Rabaey et al.,

2005

Consortiums

mixtes

boues

digesteur

anaérobie

lactate

N

2,6

788

32

Park et Zeikus,

2003

boues

digesteur

anaérobie

glucose

N

31

4310

75

Rabaey et al.,

2004

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1.3 Effets des carburants sur le comportement des biopiles

Lorsque la population bactérienne est bien adaptée, on note une relation bien définie entre

la sortie de puissance d’une biopile et la quantité de substrat (carburant) alimentant les

bactéries. La figure 1.3 provenant des travaux de Rabaey et al. (2003), illustre la variation

des sorties de puissance d’une biopile alimentée au glucose selon la quantité de carburant

présent dans l’anolyte. On note ainsi une augmentation abrupte de la puissance dès que la

biopile est alimentée et une décroissance progressive au fur et à mesure que le substrat est

consommé. La nature du carburant influence également la sortie de puissance d’une

biopile. À cet effet, les travaux de Min et Logan (2004) sont particulièrement éloquents.

Ces chercheurs ont en effet observé des sorties de puissance variables en utilisant

alternativement du glucose, de l’acétate, du butyrate et de l’amidon dans une biopile

obtenant respectivement pour ces produits une sortie de puissance de 212, 286, 220 et

242 mW m-2

et ce, pour une DCO identique initiale de 1000 mg L-1

.

Figure 1.3 Sortie de puissance d’une biopile en fonction de son alimentation en carburant

(Les flèches indiquent les moments de recharge) (Rabaey et al. , 2003).

1.4 Autres composantes critiques des biopiles

Au-delà des communautés bactériennes en présence, les performances d’une biopile sont

également tributaires de ses composantes matérielles. Actuellement, les biopiles

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rapportées dans la littérature ayant démontré le plus fort potentiel ont fait appel au

ferricyanure de potassium (K3Fe(CN)6) comme catholyte afin d’assurer un potentiel

d’oxydation stable à la cathode (Schröder et al., 2003; Rabaey et al., 2004). Dans ces

circonstances, les cathodes sont généralement faites de graphite ou de carbone. Toutefois,

à grande échelle et dans un contexte de développement durable, on peut difficilement

espérer utiliser le ferricyanure de potassium. Celui-ci est toxique et doit constamment être

renouvelé pendant l’opération des biopiles. Aussi, des chercheurs se tournent vers

l’utilisation de l’oxygène de l’air comme oxydant à la cathode (Oh et al., 2004; Liu et

Logan , 2004). Néanmoins, comme pour les piles à combustible, il faut pallier au fait que

la réduction de l’oxygène est une réaction lente. Pour cette raison, des cathodes contenant

du platine comme catalyseur sont utilisées. Les cathodes commerciales avec platine

utilisées dans les biopiles sont du même type que celles qui ont été développées pour les

piles à combustible avec membrane échangeuse de protons (PEM). Une bonne

compréhension des techniques de fabrication de ces cathodes permet de jeter les bases

pour la construction de biopiles performantes.

1.4.1 Cathode avec platine

Le platine est réputé pour son activité catalytique élevée pour la réduction de l’oxygène

et sa stabilité à long terme (Bogdanoff et al., 2004). Toutefois, sa rareté rend son coût

d’achat prohibitif. Quatre-vingt-dix pourcent de la production de ce métal noble est

assurée par deux pays, l'Afrique du Sud (75 %) et la Russie (15 %) (Shin et al., 2002), ce

qui résulte en un coût d’achat généralement double de celui de l’or. Par exemple, en

octobre 2010, le prix du platine était d’environ 1 680 US $ l’once (Kitco, 2010). Il faut

donc en diminuer autant que possible la concentration dans les cathodes. Pour résoudre ce

problème, beaucoup de travaux de recherche ont été entrepris et sont toujours en cours.

Une avancée majeure est survenue dans les années 1990 quand il a été observé que du

platine supporté par du carbone ayant une grande surface spécifique permettait de réduire

significativement la dose de ce métal noble. Ainsi, de 1980 à 1990, on a pu ramener ce

dosage de 4 à 0,4 mg·cm-2

(Costamagna et Srinivasan, 2001). Dans la perspective d’un

usage commercial, particulièrement dans le domaine de l’automobile, un dosage de 0,1

mg•cm-2

de platine est ciblé, mais ce seuil demeure encore un enjeu sérieux pour la

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recherche (Janssen et Sitters, 2007). L’intégration du catalyseur avec du carbone a

conduit à l’élaboration de techniques permettant la création d’une « encre catalytique ».

Cette technique permet de faire baigner et de bien disperser des nanoparticules du métal

noble dans un environnement conducteur ayant lui-même une très grande surface

spécifique (Wikander et al., 2007). Cette encre peut être appliquée par brossage sur du

tissu ou du papier carbone. La méthode la plus populaire aujourd’hui pour élaborer cette

encre repose sur une technique brevetée en 1993 (Wilson, 1993) et, traduit librement, se

nomme « méthode de la couche mince » (Thin Film Method). Comme celle-ci peut être

reprise relativement facilement par des laboratoires de recherche, elle est régulièrement

utilisée pour évaluer les performances de nouveaux catalyseurs ou comme référence pour

comparer de nouvelles techniques de déposition de catalyseurs sur les électrodes. En

utilisant cette technique, des chercheurs ont déterminé qu’une concentration de

0,4 mg·cm-2

de platine était optimale et qu’en dessous de cette teneur les performances

des piles diminuaient (Paganin et al., 1996). Actuellement, une concentration de platine

de 0,5 mg·cm-2

pour des électrodes de carbone est fréquemment appliquée sur les

cathodes vendues commercialement. La quantité de platine présente dans la cathode

d’une pile à combustible a donc grandement été réduite en réalisant des électrodes

composites à base de platine et de carbone. Toutefois, même si les électrodes de nouvelle

génération faisant appel aux nanoparticules de platine permettent d’atteindre des

rendements supérieurs par rapport aux électrodes des générations antérieures, cette

réduction de la taille des particules a des limites. De fait, il semble que des particules de

platine dont la taille est inférieure à 3 nm n’apportent pas d’amélioration significative au

niveau des performances d’une pile à combustible (Wikander et al., 2007).

Les cathodes commerciales utilisant le platine comme catalyseur et utilisées dans les

biopiles sont du même type que celles qui ont été développées pour les piles à

combustible avec membrane échangeuse de protons (Liu et Logan, 2004). Ces électrodes

sont généralement fabriquées à partir d’une toile de carbone (tissu ou papier) permettant

les échanges gazeux (en anglais, on réfère à cette toile en utilisant le terme GDL pour

Gas Diffusion Layer) imprégnée d’une couche catalytique (Litster et McLean, 2004). La

GDL permet un accès direct de l’agent oxydant vers la couche catalytique, laquelle

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favorise la réduction de l’oxygène (Litster et McLean, 2004). La figure 1.4 présente la

disposition de la couche catalytique sur la GDL.

Figure 1.4 Vue schématisée des éléments constitutifs de la cathode (Litster et

McLean, 2004).

La couche catalytique comprend ainsi trois phases distinctes en contenant à la fois les

protons, les électrons et l’oxygène (Litster et McLean, 2004). Comme cela a été

mentionné plus haut, la couche catalytique est appliquée comme une encre sur la GDL et

est en interface entre l’électrolyte et cette dernière. Cette couche, généralement de moins

de 10 μm (Dicks, 2006), est fréquemment décrite comme étant la couche active du

système. Comme l’illustre la figure 1.4, ce sont les particules de carbone qui favorisent la

dispersion du catalyseur dans la couche catalytique et qui permettent le transfert des

électrons vers la GDL. La poudre de carbone a été retenue au fil du temps en raison de sa

grande surface de contact et de ses propriétés conductrices électriques, tout en étant stable

chimiquement en milieu acide ou basique (Dicks, 2006). On rencontre fréquemment dans

la littérature le rapport platine-carbone (Pt/C) mettant en relation le poids du platine par

rapport à celui du carbone dans un mélange (Litster et McLean, 2004). Un rapport Pt/C

entre 10 et 40 % est fréquemment invoqué dans la littérature comme valeur appropriée

pour le fonctionnement optimal d’une pile car au-delà de 40 % les performances se

détérioreraient (Janssen et Sitters, 2007; Paganin et al., 1996). Les noirs de carbone

obtenus de Cabot Corporation (Vulcan XC-72R, Black Pearls BP2000) et de Ketjen

Électrolyte

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Black International (Shawinigan) sont fréquemment mentionnés dans la littérature

(Dicks, 2006; Antolini et al., 2002) comme support catalytique. Il a néanmoins été

observé que la poudre de carbone Shawinigan était plus efficace que le Vulcan XC-72R

(Antolini et al., 2002). Le noir de carbone peut également être « activé » par des procédés

chimiques ou thermiques, ce qui en augmente la microporosité (c’est-à-dire la proportion

de pores de diamètre inférieur à 2 nm) et fait passer l’indice de surface spécifique BET

(Brunauer, Emmett et Teller) de 220-250 m2·g

-1 à 800-1200 m

2·g

-1 (Dicks, 2006). Pour

ces raisons, le noir de carbone activé se révèle être l’un des premiers choix des

concepteurs comme support catalytique. Supportant la couche catalytique, la GDL permet

la circulation des gaz et la gestion de l’eau créée par les réactions chimiques. Cette toile

de carbone, tout en étant perméable aux gaz, doit avoir une bonne conductivité

électronique et être hydrophobe, de manière à ce que le matériel ne soit pas noyé par

l’eau formée lors des réactions chimiques. De fait, une trop grande quantité d’eau dans la

GDL affecte négativement les performances d’une pile en réduisant la perméabilité aux

gaz (Dicks, 2006) et en restreignant l’accès aux particules catalytiques (Litster et

McLean, 2004). La GDL doit également être malléable, aussi on utilise fréquemment

pour sa conception du tissu ou du papier carbone dont les épaisseurs pourront varier de

15 à 300 μm (Litster et McLean, 2004). Néanmoins, certains auteurs rapportent qu’une

épaisseur entre 35 et 50 μm est optimale et qu’au-delà de 60 μm, les performances d’une

pile se détériorent (Paganin et al., 1996). Une étude comparative entre le tissu carbone et

le papier carbone a démontré que ce premier donnait de meilleurs résultats, notamment

pour des piles à combustible au méthanol (DMFC pour Direct Methanol Fuel Cell) en

raison de sa plus grande porosité (Oedegaard et al., 2004). Le tissu carbone est constitué

de fibres de carbone tissées ou non tissées (Dicks, 2006). Ces fibres sont caractérisées par

une très grande résistance à la tension et à la compression, tout en possédant une grande

résistance à la corrosion et à la fatigue. Les filaments ont généralement entre 5 et 15 μm

de diamètre (Dicks, 2006). La GDL est généralement enduite d’une mince couche de noir

de carbone (Vulcan XC-72R, poudre de carbone Shawinigan) (Jordan et al., 2000)

mélangé avec une résine hydrophobe qui est typiquement du polytétrafluoroéthylène

(PTFE), commercialisé par la compagnie DuPont sous le nom de Teflon® (Litster et

McLean, 2004). Cette sous-couche microporeuse insérée entre le tissu carbone et la

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couche catalytique permet d’améliorer l’évacuation de l’eau (Qi et Kaufman, 2002). Le

PTFE doit être utilisé avec parcimonie puisqu’il réduit la conductivité de la GDL (Bevers

et al., 1996). Pour obtenir une sortie de puissance stable et optimale, sur une base

massique, la quantité de PTFE à utiliser par rapport au carbone devrait idéalement se

situer entre 10 et 30 % sans excéder 40 % (Oedegaard et al., 2004; Lim et Wang, 2004).

Une charge de carbone de 2,0 mg·cm-2

peut être utilisée (Oedegaard et al., 2004). Les

performances d’une pile peuvent également varier selon la porosité de la GDL. Ainsi,

dans un essai comparatif, un tissu carbone de la compagnie E-TEK ayant des pores de

200-300 μm de diamètre a donné de meilleurs résultats qu’un tissu carbone du même

fabricant ayant des pores de 50 μm de diamètre (Oedegaard et al., 2004).

Les informations énoncées ci-haut révèlent à la fois la complexité, la fragilité et la valeur

économique d’une cathode chargée de platine. Il est donc important d’en optimiser le

fonctionnement et de protéger les sites catalytiques. Finalement, notons que la recherche

de catalyseurs élaborés à partir de métaux non-nobles s’effectue à travers le monde. Déjà

certains chercheurs proposent leur utilisation dans des biopiles (Zhao et al., 2006; Cheng

et al., 2006a). Il s’agit néanmoins d’un domaine de recherche qui ne sera pas exploré au

cours de ce projet.

1.4.2 Membrane échangeuse de cations

Pour obtenir une sortie de puissance importante d’une biopile, il faut également porter

une attention spéciale au pont électrolytique. Ce pont permet le passage des protons de

l’anode vers la cathode. Il peut créer une résistance interne significative dans la biopile.

Comme les techniques de construction des biopiles sont dérivées directement de celles

des piles à combustible, plusieurs chercheurs ont utilisé des membranes perméables aux

protons (proton exchange membrane ou PEM en anglais) nafion® fabriquées par Dupont

comme pont électrolytique pour évaluer leurs piles (Min et Logan, 2004; Liu et Logan

2004). Il a également été démontré (Oh et Logan, 2006) que plus la surface de la PEM est

petite, plus grande sera la résistance interne de la pile. En conséquence, il est important

d’optimiser cette surface pour obtenir les meilleurs résultats possibles. Dans un montage

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original appelé biopile à compartiment unique (figure 1.5), Liu et Logan (2004) ont fait

disparaître la PEM et se sont servis de l’affluent comme pont électrolytique.

Figure 1.5 Biopile à compartiment unique (Liu et Logan, 2004).

Il n’y a donc plus de compartiment attitré à la cathode et celle-ci est exposée à l’air libre

et non plus immergée dans de l’eau oxygénée. Comparé à un montage avec PEM, ils ont

obtenu une meilleure sortie de puissance, signifiant ainsi une réduction significative de la

résistance interne dans le montage sans PEM. Néanmoins, ils ont observé une quantité

d’oxygène dissous importante près de l’anode, ce qui prédispose les bactéries à utiliser

cet oxygène plutôt que l’anode pour effectuer leur respiration. Au final, on récupère ainsi

moins d’électrons même s’il y a abattement de la demande chimique en oxygène (DCO)

dans le liquide traité. Pour pallier à ce problème, il semble qu’un système fonctionnant en

continu, dans lequel le flot de l’affluent est orienté de l’anode vers la cathode corrige en

partie le problème (Cheng et al., 2006b).

1.5 Les biopiles et le traitement des eaux usées

Pour les pays industrialisés, l’avenir commercial des biopiles se situe vraisemblablement

du côté du traitement des eaux usées domestiques (abattement de la demande

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biochimique en oxygène (DBO5) et de la DCO) ou des effluents très chargés comme le

sont les lisiers ou les effluents d’abattoir. Les biopiles possèdent certains avantages par

rapport à un système conventionnel aérobie de traitement des eaux par boues activées.

D’une part, les coûts de construction et d’opération peuvent être compensés par les

revenus potentiels découlant de la vente d’électricité. Compte tenu que les systèmes sont

beaucoup moins énergivores, l’empreinte environnementale en sera réduite, notamment

en production de gaz à effet de serre (Oh et al, 2010). Finalement, la disposition des

boues avec un système de traitement des eaux avec biopiles sera moins problématique

car la quantité de biomasse produite dans une biopile sera, à l’image des systèmes de

digestion anaérobie classique, nettement moindre que dans un système à boue activé

aérobie conventionnel (Oh et al, 2010). De fait, on note une production de matière

volatile en suspension (MVeS) d’environ 0,4 à 0,8 g MVeS·g-1

DBO5 dans un système

aérobie alors qu’elle se situe entre 0,035 et 0,15 g MVeS·g-1

DBO5 dans un système

anaérobie (Oh et al., 2010).

En plus, selon Rabaey et Verstaete (2005), pour le traitement des eaux, les biopiles

comportent des avantages même par rapport à des systèmes mettant de l’avant la

digestion anaérobie et sa production de méthane comme sous-produit énergétique. Ces

chercheurs indiquent, dans un premier temps, qu’une biopile permet une efficacité de

conversion élevée en créant directement un courant électrique alors que dans le cas d’une

digestion anaérobie, il faut utiliser le biogaz produit comme carburant dans un groupe

électrogène pour produire de l’électricité. En second lieu, les biopiles produisent

d’excellents rendements à température ambiante contrairement à la plupart des processus

courants de « bioénergie » qui nécessitent généralement des températures élevées pour

être efficaces. Troisièmement, une biopile n'exige pas le traitement des gaz

d'échappement puisque ceux-ci sont constitués essentiellement de dioxyde de carbone.

L’utilisation de biopiles industrielles, compétitives et adaptées au traitement des eaux

usées passe par le développement de systèmes à bas coût. Pour ce faire il faut créer des

systèmes peu complexes. Dans cette ligne de pensée, l’utilisation directe de l’oxygène de

l’air, donne naissance à une nouvelle génération de biopiles, appelées biopiles à

compartiment unique. Les travaux exploratoires de l’Université de Pennsylvanie (Min et

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Logan, 2004; Liu et Logan, 2004; Cheng et al., 2006c), sont particulièrement intéressants

à cet égard. Ces chercheurs rapportent les résultats de différentes configurations de

biopiles à chambre unique et à écoulement continu utilisant des eaux usées comme

biocarburant. De l’air passif ou injecté est utilisé à la cathode comme source d’oxygène.

Les figures 1.6 et 1.7 illustrent les prototypes évalués. La figure 1.6 présente une biopile

utilisant des canaux en serpentin permettant la circulation du biocarburant et de l’air dans

la pile alors que la figure 1.7 illustre un modèle faisant appel à une chambre cylindrique

contenant 8 tiges de graphite comme anodes disposées de manière concentrique autour de

la cathode. L’idée générale dans ces systèmes à écoulement continu, est de rechercher

une configuration optimale permettant de limiter les risques de colmatage dans les

passages hydrauliques par les débris contenus dans les effluents traités, tout en permettant

une vitesse d’écoulement telle que les forces de cisaillement préviendront la formation

d’un biofilm excessif sur les anodes. De plus, le compromis recherché doit prendre en

compte la distance entre l’anode et la cathode, celle-ci devant être la plus courte possible

pour réduire la résistance au transfert des protons (Rabaey et Verstraete, 2005). Les

bactéries présentes dans ces biopiles sont des consortiums développés à partir des

populations bactériennes contenues dans les eaux usées provenant d’une usine

d’épuration. Les lectures des différents paramètres ont été réalisées quand une sortie de

puissance constante a été atteinte, ce qui était généralement le cas après six fois le temps

de séjour hydraulique.

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Figure 1.6 Schéma (A) et photographie (B) d’une biopile à plaques à écoulement continu

(Min et Logan, 2004).

Figure 1.7 Schéma (A) et photographie (B) d’une biopile cylindrique à écoulement continu

(Liu et al., 2004).

Les matériaux utilisés sont relativement identiques pour les deux biopiles. On retrouve

ainsi du papier carbone poreux pour l’anode de la biopile de la figure 1.6 et du graphite

pour la biopile de la figure 1.7 La cathode des deux biopiles est constituée de fibres de

carbone contenant du platine (0,5 mg·cm-2

avec 10 % Pt). La membrane échangeuse de

cations est une PEM à base de nafion®. Cette membrane est pressée à chaud sur la

cathode. Dans le cas de la biopile de la figure 1.7, un cylindre en plastique creux perforé

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d’orifices de 2 mm de diamètre espacés aux 2 mm constitue le support de la cathode et de

la membrane. Le tableau 1-3 présente les principaux résultats alors que la demande

chimique en oxygène initiale des eaux usées varie de 50 à 200 mg·L-1

.

Tableau 1-3 Principaux résultats de biopiles évaluées pour le traitement d’eau usée

(Booki et Logan, 2004; Hong et al., 2004).

Type de

biopile

Temps de

séjour

hydraulique

Densité

de

puissance

Abattement

de la DCO

Jour mW·m-2

%

À plaques

(figure 1.6)

4,0 43 79

Cylindrique

(figure 1.7)

1,0 26 80

Ce tableau permet d’apprécier l’effet épurateur de ces biopiles, puisqu’elles permettent

un abattement substantiel de la DCO. Néanmoins, les productions d’énergie annoncées

sont inférieures à celles révélées par d’autres auteurs (voir tableau 1-2) qui ont travaillé

avec des consortiums mixtes bactériens et avec d’autres substrats que des eaux usées. Il

se peut que la période d’adaptation n’ait pas été suffisamment longue pour permettre le

plein développement des consortiums bactériens mixtes puisque, comme l’indique

Rabaey et al. (2004), ceci se réalise sur une assez longue période. Or, la période

d’adaptation invoquée par les chercheurs de la Pennsylvanie est nettement plus courte (6

à 12 jours) que celle rapportée par Rabaey et al. (2004) (70 jours). Un dernier point

important à noter concernant les différences de performances entre les travaux de Rabaey

et al. (2003) et celles des chercheurs de la Pennsylvanie est l’emploi de ferricyanure de

potassium (K3Fe(CN)6 en solution comme catholyte plutôt que de l’air. En ce sens, les

biopiles de Rabaey et al. (2003) sont conventionnelles en utilisant une chambre distincte

pour l’anode et la cathode.

Pour ce qui est du lisier de porc en tant que carburant pour une biopile, il existe quelques

études qui arrivent à la conclusion qu’il existe un potentiel certain avec ce rejet de ferme

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(Min et al., 2007; Kim et al., 2008). Dans une première étude, une sortie de puissance

maximale d’environ 260 mW m-2

a été atteinte avec une biopile à compartiment unique

(Min al., 2007) après une période d’adaptation de quelques jours de la flore bactérienne

indigène au lisier. Dans une deuxième étude, à partir du montage de Min et al. (2007),

Kim et al. (2008) signalent un abattement d’odeur associé au traitement du lisier. Mais il

existe présentement un vide de connaissances quant aux mécanismes respiratoires

bactériens et aux réactions électrochimiques pouvant prévaloir dans une biopile alimentée

au lisier. Ce vide conduit inévitablement à produire des biopiles au lisier ayant des sorties

de puissance aléatoires, car les conditions de production ne sont pas nécessairement

optimisées. La revue de littérature indique que grâce à une meilleure compréhension des

mécanismes biologiques et électrochimiques impliqués dans les biopiles, on note des

progrès en termes de densité de puissance à travers le temps. L’emploi de biopiles pour

assainir des eaux usées tout en soutirant une production soutenue d’énergie en est encore

à ses premiers développements. Les travaux du présent doctorat viseront donc à combler

certaines connaissances pour la mise en service de biopiles destinées à assainir et

valoriser du lisier de porc.

1.6 Définitions

Plusieurs paramètres permettent de caractériser les performances d’une biopile. Les

lignes qui suivent décrivent les plus communs rencontrés dans la littérature.

1.6.1 Rendement de Coulomb

Le rendement de Coulomb ( ηc ) permet d’exprimer la relation entre les charges

élémentaires introduites dans une biopile et les charges qui en sont extraites par le circuit

électrique. Soit:

i

oc

Q

Q X 100 (1.2)

ηc : Rendement de Coulomb (%);

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Qi : Charges élémentaires introduites dans la biopile (C);

Qo: Charges élémentaires transitant par le circuit électrique (C).

Les charges élémentaires introduites dans une biopile sont calculées à partir de la relation

existant entre ces charges et la DCO du milieu. L’équation 1.3, permet de constater que

pour chaque mole de dioxygène impliquée pour dégrader la matière et former de l’eau, il

faut quatre moles d’électrons. En conséquence Qi sera calculé selon l’équation 1.4 :

O2 + 4 H+

+ 4 e- = 2 H2O ΔV = 1,23 V (1.3)

32

4 DCOFQi

(1.4)

4 : mole e-· mole

-1 O2;

∆ DCO : variation de la demande chimique en oxygène dans le temps (g);

32 : masse atomique du dioxygène (g·mole-1

O2).

Pour sa part Qo sera dérivée à partir des relevés du circuit électrique élaboré entre les

deux électrodes. Les équations usuelles basées sur les circuits à courant continu et lois de

Kirchhoff seront utilisées. Ainsi pour une résistance connue (R) le courant mesuré sera :

I = V R-1

(1.5)

I : courant (A);

V: tension mesurée (V);

R : résistance imposée au circuit externe (Ω).

et

Qo sera donné par l’intégrale de I par rapport au temps:

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IdtQ0 (1.6)

t : temps (s)

1.6.2 Rendement énergétique

Le rendement énergétique (ηE) permet de comparer la production d’énergie par rapport à

l’énergie introduite dans la biopile.

i

oE

E

E X 100 (1.7)

ηE : rendement énergétique (%);

Ei : énergie introduite dans la biopile (J);

Eo: énergie produite par le circuit électrique (J).

L’énergie introduite dans la biopile, Ei , est évaluée à partir de valeurs théoriques

généralement reconnues dans la littérature. Par exemple, une mole de glucose peut

fournir 2860 kJ pour une conversion complète en CO2 et en H2O. Pour sa part, Eo , sera

évaluée en utilisant l’équation suivante :

PdtE0 (1.8)

P : puissance (W)

et

P = V I (1.9)

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29

1.6.3 Densité de puissance et puissance volumique

Similairement aux piles à combustible classique, la production d’électricité d’une biopile

est exprimée fréquemment en fonction de la surface effective de l’anode ou de la cathode

(m2). La densité de courant (mA·m

-2) et la densité de puissance (mW·m

-2) sont utilisées

pour exprimer ces résultats. Rabaey et Verstraete (2005), proposent également d’utiliser

la puissance volumique pour indiquer les performances des biopiles, celle-ci étant le

rapport de la sortie de puissance par unité de volume de la chambre de l’anode (mW·m-3

).

Ce dernier mode d’expression des résultats permet également de comparer les

performances des biopiles avec d’autres types de technologies faisant appel à des

réacteurs anaérobies pour produire de l’énergie.

1.6.4 Courbes de performances électriques

À l’instar des piles à combustible, les performances électriques des biopiles prennent la

forme de deux courbes soit la courbe de polarisation qui indique la relation entre la

tension et la production de courant et la courbe de puissance qui présente la relation entre

la sortie de puissance en fonction de la production de courant. Ces deux courbes sont

fréquemment montrées sur la même figure. La figure 1.8 présente un exemple de courbes

de performances pour des essais effectués sur des biopiles. Pour les biopiles, la courbe de

polarisation présente un caractère généralement linéaire et la pente de cette droite permet

d’en estimer la résistance interne. Pour sa part, la courbe de puissance présente une forme

parabolique et le sommet de cette courbe permet d’estimer la sortie de puissance

maximale d’une biopile. On peut tracer ces courbes en modifiant la résistance externe du

circuit électrique d’une biopile, cette première variant de l’infini (circuit ouvert) à une

valeur suffisamment petite pour explorer la plage opérationnelle de la pile. Une variante

de ces courbes utilise les densités de courant et de puissance pour présenter les résultats,

ce qui permet de comparer sur une base commune les performances de différentes

biopiles.

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(Note : les symboles pleins réfèrent aux courbes de polarisation et les symboles creux aux courbes de

puissance)

Figure 1.8 Exemple de courbes de performances électriques de biopiles (Oh et al., 2004).

1.7 Hypothèses de travail et objectifs du projet

À la lumière de la revue de littérature, les hypothèses de travail et les objectifs à atteindre

pour jeter les bases scientifiques permettant de réaliser des biopiles alimentées au lisier

fonctionnelles et performantes seront tels que décrits ci-dessous :

1.7.1 Hypothèses de travail

Hypothèse 1 : Pour produire une biopile performante, il faut favoriser l’émergence

de tous les genres bactériens présents dans le lisier susceptibles de produire de

l’électricité.

À la lumière des mécanismes respiratoires exposés à l’article 1.2.2, il n’est pas

obligatoire que les bactéries soient physiquement accolées à l’anode pour transférer les

électrons issus de la respiration, notamment pour celles tablant sur l’utilisation d’un

accepteur intermédiaire d’électrons. Or, la plupart des chercheurs qui étudient les biopiles

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utilisent une plaque de fibre de carbone, de feutre de carbone ou de graphite pour jouer à

la fois le rôle de support bactérien et d’anode. Ce faisant, on favorise essentiellement les

genres bactériens faisant appel à un mécanisme de transfert direct des électrons entre leur

membrane et l’anode. C’est pourquoi, dans cette étude, il est proposé d’évaluer plusieurs

types de support bactérien. D’une part, des supports ayant une large surface de contact et

ne touchant pas nécessairement à l’anode, pourraient permettre une croissance abondante

des genres bactériens dont les accepteurs intermédiaires d’électrons sont solubles et

mobiles dans l’électrolyte de la biopile. D’autre part, des anodes ayant une large surface

de contact pourraient favoriser l’émergence des genres bactériens préférant un contact

direct avec l’anode.

Hypothèse 2 : Le concept de biopile à compartiment unique, sans membrane

échangeuse de cations, tel que décrit aux sections 1.4.2 et 1.5, est approprié avec le

lisier de porc.

L’une des intentions de conception de ce projet est de créer des biopiles aussi simples et

économiques que possible, aussi le concept de biopile à compartiment unique est

intéressant. Dans ce concept, l’anode et la cathode partagent le même compartiment, ce

faisant, le lisier sera à la fois le carburant et l’électrolyte. La cathode est directement

exposée à l’air et c’est l’oxygène qui y est contenu qui sera réduit à partir des électrons

libérés lors de la digestion bactérienne. En se combinant avec l’hydrogène, également

libéré pendant la digestion, l’oxygène réduit formera de l’eau. Comme il semble que la

membrane échangeuse de cations n’apporte pas de gain significatif aux performances de

certaines biopiles, celle-ci sera exclue dans la première génération de biopiles.

Hypothèse 3 : L’identification des genres bactériens qui se développent dans une

biopile permettra de décrire les phénomènes de transfert d’électrons associés à la

production d’électricité.

Le mode respiratoire de plusieurs genres bactériens est bien documenté. À moins de

tomber sur un genre totalement nouveau, il est probable que l’identification des bactéries

présentes dans le consortium bactérien qui se développera dans une biopile alimentée au

lisier fournira beaucoup d’indices sur les molécules donneuses d’électrons et sur les

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mécanismes permettant de transférer les électrons vers le dernier accepteur d’électrons. Il

s’agit d’une donnée stratégique pour comprendre et optimiser le fonctionnement des

biopiles.

1.7.2 Objectifs du projet

Pour vérifier les hypothèses de recherche, les objectifs du projet seront les suivants :

Objectif 1 : Valider le concept de chambre unique pour le fonctionnement d’une biopile

alimentée au lisier de porc;

Objectif 2 : Comparer les performances de biopiles en utilisant différents supports

bactériens pouvant favoriser tous les mécanismes (contact direct ou par molécule

intermédiaire) de transfert des électrons entre les bactéries et l’anode;

Objectif 3 : Identifier, à partir de techniques d’analyses biomoléculaires, le consortium

bactérien responsable de la production d’électricité et développer une théorie sur le

mécanisme de transferts des électrons le plus probable;

Objectif 4 : Identifier les composantes matérielles critiques pour concevoir des biopiles

performantes;

Objectif 5 : Concevoir à partir des connaissances acquises au fil du projet des biopiles

aussi performantes et stables que possible et évaluer les conséquences sur le lisier traité

en terme de paramètres de qualité des eaux et d’émission d’odeur.

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33

2. Phase 1 : Validation du concept de biopile à compartiment

unique et de l’effet de différents supports bactériens à l’anode

2.1 Description des concepts

La figure 2.1 schématise le montage et le fonctionnement d’une biopile à compartiment

unique. Dans ce montage, l’anode est à la fois le support bactérien et l’accepteur

d’électrons. Pour sa part la cathode est une membrane perméable aux gaz et est exposée

directement à l’air extérieur de la biopile (aération passive). Les nombreux sites

catalytiques de cette électrode faciliteront la réduction de l’oxygène avec l’arrivée des

électrons en provenance de l’anode. On peut noter que dans ce concept, le lisier joue à la

fois le rôle de carburant et d’électrolyte et qu’aucune membrane échangeuse de cations ne

sépare l’anode de la cathode.

Figure 2.1 Vue schématique d'une biopile à compartiment unique.

H+

H2O

O2

e-

Air

Anode

Bactéries

Cathode

Gaz

Lisier

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34

Dans le but de permettre l’expression de tous les genres bactériens susceptibles de

produire de l’électricité, une évolution du concept de biopiles à compartiment unique est

proposée en introduisant dans la chambre anodique un support bactérien granulaire. La

figure 2.2 illustre ce montage et met en perspective les deux grands mécanismes de

transfert des électrons susceptibles de se produire dans une biopile ainsi aménagée, soit

par contact direct ou utilisant une molécule intermédiaire (symbolisée I sur la figure 2.2)

entre les bactéries et l’anode

Figure 2.2 Évolution du concept de biopile à compartiment unique proposé par ce

projet qui inclura un support bactérien granulaire.

H+

H2O

O2

e-

Iox.

Iox.

Ired.

Air

e-

Gaz

Anode

Cathode

Support

bactérien

granulaire

Mécanisme de transfert des électrons et des protons par

une molécule intermédiaire (I)

lisier

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35

2.2. Matériel et méthodes de la phase 1

2.2.1 Traitement du lisier

Le lisier brut utilisé provenait de la pré-fosse d’un élevage de porcs à l’engraissement

d’une ferme située à Saint-Lambert de Lévis (Québec, Canada). Tous les échantillons

prélevés ont été centrifugés au laboratoire en appliquant une accélération de 3 000 g pour

mimer les résultats obtenus par une centrifugeuse industrielle. La séparation du lisier en

deux phases distinctes (solide et liquide) avec un séparateur décanteur centrifuge

industriel s’inscrit dans un procédé de traitement global de plus en plus utilisé au Québec

et ailleurs dans le monde (Martin et al., 2006). Un des grands avantages de cette

séparation de phases est de fournir une fraction liquide dépourvue de larges particules

susceptibles d’obstruer les canalisations d’alimentation des piles.

2.2.2 Construction des biopiles à compartiment unique

En s’inspirant de la figure 2.1, une première génération de biopiles à compartiment

unique a été créée. La figure 2.3 présente une vue éclatée de cette pile. Celle-ci se

caractérise par un compartiment anodique carré de 125 mm X 125 mm X 25 mm en

polypropylène d’une capacité interne de 260 ml. Une entrée et une sortie de chaque côté

du compartiment permettaient la recirculation du lisier par le biais d’une pompe

péristaltique. Une sortie a été aménagée sur le dessus pour évacuer les gaz vers un tube

en U contenant de l’eau à sa base. Le gaz doit ainsi déplacer une petite colonne d’eau

avant de s’échapper, ce qui permet de maintenir l’anaérobie du compartiment en évitant

l’introduction d’air. Ce compartiment a contenu tous les différents supports et anodes

sous étude. Une membrane de fibre de verre a été placée entre le compartiment anodique

et la cathode, de manière à protéger la cathode des particules grossières du lisier. La

membrane de fibre de verre pourrait également jouer un rôle de support pour le

développement de bactéries aérobies. En étant situées entre la cathode et l’anode, ces

dernières vont intercepter l’oxygène susceptible de migrer vers l’anode, maintenant ainsi

cette électrode en condition anaérobie. Pour tous les essais, une électrode perméable aux

gaz (ELAT GDE LT 251E-W, BASF) constituée de fibres de carbone recouvertes d’une

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36

encre catalytique carbone-platine avec une concentration de 0,5 mg·cm-2

de platine a été

utilisée comme cathode. Ce type d’électrode est notamment recommandé pour les piles à

combustible au méthanol. La surface de la cathode exposée à l’air libre est de 100 cm2.

Une grille en acier inoxydable (SS316, Grillage Major Inc.) de 22 mailles cm-2

et d’une

épaisseur de 0,6 mm s’appuie sur la cathode et sert de collecteur d’électrons. Les

différentes composantes sont séparées par des joints de néoprène de 3 mm d’épaisseur et

l’ensemble est assujetti par 8 boulons et écrous.

Figure 2.3 Vue éclatée d’une biopile à compartiment unique.

2.2.3 Supports bactériens granulaires

Cinq supports bactériens différents ont été essayés. Le premier support (S1) est constitué

de sphères de quartz microporeuses (Substrat Pro, Eheim) d’environ 6 mm de diamètre

offrant une surface de 450 m2

par litre de sphères. Le deuxième support (S2) est constitué

de particules de charbon de 3 à 4 mm de diamètre (Fluval, Hagen) destinées à l’épuration

d’eau d’aquarium. Le troisième support (S3) est du charbon activé de 5 à 8 mm de

diamètre (C2764, Sigma-Aldrich) ayant une surface spécifique de 600 m2·g

-1. Le

quatrième support (S4) est de la poudre de charbon activé (C4386, Sigma-Aldrich) dont

la surface spécifique est de 1 000 m2·g

-1. Finalement, le cinquième support (S5) est du

charbon activé de 2 mm de diamètre (GC8X30S, Culligam) servant à l’épuration de l’eau

déminéralisée d’institutions publiques.

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37

2.2.4 Anodes

Deux types d’anode ont été évalués en vertu de leur grande surface d’échange et de leur

conductivité. La première est un feutre de graphite (SGL Carbon, Canada) de 6 mm

d’épaisseur (figure 2.4 (a)). Une bande carrée de 100 mm X 100 mm était introduite dans

le compartiment anodique des biopiles et une vis en acier inoxydable était fichée dans le

feutre pour créer une borne de contact. Le deuxième type d’anode est une brosse en acier

inoxydable (Brushes corp., États-Unis) (figure 2.4 (b)) ayant une longueur hors tout de

150 mm. Le cylindre formé par le réseau de poils en acier inoxydable avait un diamètre

de 19 mm et une longueur de 70 mm. Une fois introduites dans le compartiment

anodique, les tiges des brosses ont fait office de bornes de contact.

(a) (b)

Figure 2.4 Les anodes. Feutre de graphite (a); brosse en acier inoxydable (b).

2.2.5 Mesure des tensions

Les cathodes et les anodes de toutes les biopiles ont été reliées à une résistance (R)

extérieure de 100 ohms pour leur fonctionnement en continu. Un système d’acquisition

de données (21X, Campbell Scientific) permet l’enregistrement en temps réel de la

tension aux bornes des biopiles. Le courant est calculé par la relation 1.5 et la puissance

par la relation 1.9.

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38

Le potentiel en circuit ouvert (système non branché à la résistance externe) est évalué

après un minimum de 15 minutes de débranchement pour permettre aux conditions

d’équilibre de s’établir. Le potentiel d’une demi-pile est donné dans ce texte par rapport à

une sonde de référence Ag/AgCl, soit déphasé de -205 mV par rapport à une sonde de

référence à l’hydrogène (Girault, 2001).

2.3 Résultats

2.3.1 Montage des biopiles

La figure 2.5 illustre le montage d’une biopile à compartiment unique dont l’anode est

constituée d’un feutre de graphite. On peut noter la présence de la pompe péristaltique

permettant la recirculation du lisier ainsi que d’un septum monté dans la tubulure de

recirculation afin de prélever des échantillons de lisier en cours de traitement. La figure

2.6 montre une biopile dont l’anode est une brosse en acier inoxydable. On peut

également observer la présence du charbon activé (S3) autour de l’anode.

Figure 2.5 Vue d’une biopile type ayant un feutre de graphite comme anode.

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39

Figure 2.6 Vue d’une biopile avec une anode constituée d’une brosse en acier

inoxydable entourée de charbon activé S3.

2.3.2 Évaluation des supports bactériens

La première série d’essais a permis d’évaluer l’effet des différents supports bactériens sur

la production d’électricité. Six biopiles ont été réalisées ayant chacune une anode de

feutre au graphite. Cinq biopiles contenaient un des cinq supports bactériens (S1 à S5)

décrits à la section 2.2.3 alors que la sixième n’en contenait aucun (témoin). Une charge

de 35,0 grammes de charbon (S2) ou de charbon activé (S3 à S5) a été répartie de chaque

côté de l’anode des biopiles. Étant donné la taille des sphères de quartz (S1) et du vide

important laissé entre chacune, le compartiment anodique a été rempli de sphères

disposées de part et d’autre de l’anode. Toutes les piles contenaient au moins 100 mL de

lisier.

La figure 2.7 montre l’évolution des tensions dans les biopiles pour une période de 18

jours. Pour la plupart des biopiles, la période d’adaptation de la flore bactérienne est de

10 à 12 jours et on observe durant cet intervalle une montée de tension progressive non

linéaire. Après cette période, une phase de plateau est atteinte et la tension maximale peut

être observée. Le premier constat est que la pile témoin (sans support) à la fin de la

période de 18 jours produit près de cinq fois moins de tension que la meilleure des

biopiles avec support bactérien (80 mV Vs 370 mV). Le deuxième constat est que les

différents charbons (S2, S3, S4 et S5) conduisent sensiblement à la même valeur lorsque

la phase de plateau est atteinte (entre 350 et 370 mV). Pour sa part, la biopile avec le

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40

support S1, avec une tension de 280 mV à la fin de la période d’évaluation, se situe sous

la valeur maximale atteinte par les biopiles avec charbon.

Figure 2.7 Courbes de tension des biopiles selon différents supports bactériens.

Les performances électriques (sortie de puissance et production de courant) des biopiles

ont été comparées au moment où la tension de sortie est maximale pour chacune d’elles.

La figure 2.8 met en relation les tensions des biopiles selon le courant produit. Le courant

est exprimé en densité de courant (I/A), soit le rapport entre le courant (I) et la surface de

la cathode (A), ce qui permet de comparer sur une base commune les biopiles. Pour sa

part, la figure 2.9 permet de comparer la sortie de puissance des biopiles en mettant en

relation la densité de puissance (P/A) et la densité de courant. Comme illustré à la figure

1.8, on observe une relation relativement linéaire entre la production de courant et la

tension obtenue aux bornes d’une biopile. En conséquence, en première approximation,

les points des courbes des figures 2.8 et 2.9 sont obtenus en interpolant entre les valeurs

calculées de puissance et de courant pour une tension de travail où R = 100 ohms et la

tension pour un circuit ouvert où R est infini.

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41

0

100

200

300

400

500

600

0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600

Densité de courant (mA m-2 )

Ten

sio

n (

mV

)

Aucun support

S1 (sphères quartz)

S2 (charbon)

S3 (charbon act. C2764)

S4 (charbon act. C4386)

S5 (charbon act.

GC8X30S)

Figure 2.8 Courbes tension-densité de courant des biopiles selon différents supports

bactériens.

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600

Densité de courant (mA m-2 )

Den

sit

é d

e p

uis

san

ce (

mW

m-2

)

Aucun support

S1 (sphères quartz)

S2 (charbon)

S3 (charbon act. C2764)

S4 (charbon act. C4386)

S5 (charbon act. GC8X30S)

Figure 2.9 Courbes densité de puissance - densité de courant des biopiles selon

différents supports bactériens.

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42

La figure 2.8 montre que la tension en circuit ouvert des biopiles avec substrat de support

est près de 550 mV alors que celle de la biopile sans support est de 490 mV. La densité

de puissance (figure 2.9) la plus faible a été enregistrée par la biopile sans support (15

mW·m-2

) alors que la plus élevée a été atteinte par la biopile avec S4 (190 mW·m

-2).

Étant donné que le support S3 donnait des résultats très près de ceux obtenus avec le

support S4 et que ce premier est 3 fois moins dispendieux que ce dernier, le support S3 a

été sélectionné pour la suite de ce projet.

2.3.3 Effets du nafion®

Une application de nafion® sur la surface catalytique de la cathode a été rapportée dans la

littérature comme un moyen efficace d’augmenter la sortie de puissance d’une biopile

(Min et Logan, 2004; Cheng et al., 2006c ; Min al., 2007). Aussi, deux biopiles, telles que

que celles décrites à l’article 2.2.2 et contenant 35,0 grammes de support S3 dans la

chambre cathodique, ont été construites pour valider ce concept. Pour chaque biopile,

l’anode était constituée d’un feutre de carbone. La cathode de la première biopile a été

enduite de nafion® alors que celle de la seconde en était dépourvue. Deux couches ont été

appliquées au pinceau et ont été séchées au four à 100° C pendant une demi-heure (Min

et Logan, 2004; Cheng et al., 2006c; Min al., 2007). Par pesée, la charge finale de

nafion®

est estimée à 0,70 mg·cm-2

. La figure 2.10 montre l’évolution des tensions dans

le temps, tandis que les figures 2.11 et 2.12 illustrent les relations tension-densité de

courant et les relations densité de puissance-densité de courant pour la journée du 4

novembre.

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43

0

100

200

300

400

500

600

17-10 19-10 21-10 23-10 25-10 27-10 29-10 31-10 02-11 04-11 06-11 08-11

jour

Te

ns

ion

(m

V)

feutre de carbone + S3; cathode

sans nafion®

feutre de carbone + S3; cathode

avecs nafion®

Figure 2.10 Évolution des tensions pour des biopiles avec et sans nafion® appliqué

sur la cathode.

0

100

200

300

400

500

600

700

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500

Densité de courant (mA m-2 )

Ten

sio

n (

mV

)

feutre de carbone + S3; cathode

sans nafion®

feutre de carbone + S3; cathode

avec nafion®

Figure 2.11 Courbes tension-densité de courant des biopiles avec et sans nafion®

appliqué sur la cathode.

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44

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500

Densité de courant (mA m-2 )

De

ns

ité

de

Pu

iss

an

ce

(m

W m

-2)

feutre de carbone + S3; cathode

sans nafion®

feutre de carbone + S3; cathode

avec nafion®

Figure 2.12 Courbe densité de puissance-densité de courant des biopiles avec et sans

nafion® appliqué sur la cathode.

Ces figures permettent de constater que l’application du nafion® modifie sensiblement les

performances d’une biopile alimentée au lisier à plusieurs points de vue. C’est ainsi que

l’application de nafion® permet une tension maximale de fonctionnement (circuit fermé)

de 500 mV (figure 2.10) et une tension en circuit ouvert de 650 mV (figure 2.11) alors

que les valeurs pour la biopile sans nafion®

sont respectivement de 365 mV et 550 mV.

Pour leur part, les densités de courant et de puissance passent respectivement de 1300 à

3000 mA·m-2

et de170 à 450 mW·m-2

lorsque cet ionomère est appliqué sur la cathode

d’une biopile (figure 2.12).

2.3.4 Effets de la nature de l’anode

Pour évaluer l’effet de la nature de l’anode sur la production d’électricité, 4 biopiles ont

été construites et chacune avait en commun une cathode enduite de nafion®. Une

première biopile (le témoin) contenait une anode de feutre de graphite et 35,0 g de

support bactérien S3. Une deuxième biopile contenait une brosse en acier inoxydable et

35,0 g de support bactérien S3 (voir figure 2.6). La troisième avait 2 brosses en acier

inoxydable et 35,0 g de support bactérien S3 alors que la quatrième avait 4 brosses en

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45

acier inoxydable mais aucun autre support bactérien. La figure 2.13 décrit l’évolution des

tensions des quatre biopiles à travers le temps. Les biopiles avec le support S3 adoptent

un comportement général identique. On assiste à un départ très progressif de la tension

dans les dix premiers jours puis à une montée très rapide les cinq jours suivants, pour

atteindre une phase de plateau les journées subséquentes. Pour sa part, la biopile sans

support S3 n’est pas parvenue à se développer normalement malgré la présence d’une

grande surface offerte par les nombreux fils des quatre brosses. Les figures 2.14 et 2.15

résument le comportement électrique des quatre biopiles. Si la valeur de la tension en

circuit ouvert est la même pour les biopiles avec S3 (figure 2.14), on note un certain

avantage pour la production de puissance (figure 2.15) pour la biopile avec une anode de

feutre de graphite. Un système avec deux brosses inoxydables n’offre pas une sortie de

puissance plus élevée qu’un système avec une brosse. La sortie de puissance maximale a

été atteinte par la biopile avec un feutre de graphite (430 mW·m-2

) suivie par la biopile

avec une brosse en acier inoxydable (360 mW·m-2

). Quant au système avec quatre

brosses, il n’offre qu’une très faible production d’énergie (~ 30 mW·m-2

).

0

100

200

300

400

500

600

03-11 08-11 13-11 18-11 23-11 28-11

Ten

sio

n (

mV

)

feutre carbone + S3; cathode avecnafion®

1 brosse inox + S3; cathode avecnafion®

2 brosses inox. + S3;cathode avecnafion®

4 brosses inox; cathode avecnafion®

Figure 2.13 Évolution des tensions selon les anodes.

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46

0

100

200

300

400

500

600

700

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500

Densité de courant (mA m-2 )

Ten

sio

n (

mV

)

feutre carbone + S3; cathode avec nafion®

1 brosse inox. + S3; cathode avec nafion®

2 brosses inox. + S3; cathode avec

nafion®

4 brosses inox.; cathode avec nafion®

Figure 2.14 Courbes tension-densité de courant selon les anodes.

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500

Densité de courant (mA m-2 )

De

ns

ité

de

pu

iss

an

ce

(m

W m

-2)

feutre carbone + S3; cathode avec

nafion®

1 brosse inox.+ S3; cathode avec

nafion®

2 brosses inox.+S3; cathode avec

nafion®

4 brosses inox. ; cathode avec

nafion®

Figure 2.15 Courbes densité de puissance-densité de courant selon les anodes

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47

2.4 Analyse des résultats

Un constat important et fondamental émerge des essais avec les différents supports

bactériens et les différentes anodes. D’une part, on peut observer que dans les essais avec

différents supports (S1 à S5), la biopile sans support est nettement défavorisée par rapport

aux autres. D’autre part, dans les essais mettant en jeu les brosses en acier inoxydable, la

biopile avec quatre brosses, mais dépourvue de support S3, n’a démontré que peu de

productivité électrique par rapport aux autres avec S3. Ceci mène à la conclusion que les

bactéries productrices d’énergie profitent avantageusement d’un support bactérien

éloigné de l’anode. En conséquence, dans une biopile au lisier, les bactéries d’intérêt

utilisent prioritairement un intermédiaire redox et la production d’énergie sera maximale

lorsqu’il y aura présence d’un support bactérien extérieur à l’anode. Le rôle de cette

électrode comme support bactérien dans une biopile au lisier est secondaire; son principal

rôle est d’être un accepteur d’électrons. De fait, sans support S3, la biopile avec quatre

brosses en acier inoxydable n’a que très peu d’activité électrique, démontrant que les

bactéries ne profitent pas des multiples fibres d’acier inoxydable comme site de

développement. Or, une biopile avec une brosse en acier inoxydable avec support S3

donne des résultats relativement comparables à ceux obtenus avec la biopile contenant un

feutre de graphite entouré de granules S3. Ceci démontre que, dans la mesure où il y a

une surface permettant d’oxyder l’intermédiaire redox, qu’elle soit faite de fibres de

graphite ou d’acier inoxydable, le système fonctionnera.

Le deuxième constat de ces essais est la pertinence d’appliquer deux couches d’un

ionomère comme le nafion® sur la cathode pour bénéficier d’une sortie de puissance

accrue dans une biopile au lisier. Une augmentation de 250 % a été observée au cours de

cette recherche entre une biopile ayant reçu une application de nafion® sur la cathode par

rapport à une autre qui en était dépourvue. Entre autre hypothèse que l’on peut invoquer

pour expliquer ces résultats, l’application de cet ionomère sur la cathode favoriserait le

passage des protons entre l’anode et la cathode réduisant ainsi la résistance ohmique des

biopiles.

La construction et le fonctionnement de ces premières biopiles permettent également

certains constats en vue de leur optimisation. Les figures 2.8, 2.11 et 2.14 montrent que

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48

les tensions en circuit ouvert des piles, représentées par les valeurs maximales de tension

sur les graphiques, sont nettement inférieures à la tension maximale potentielle de 1,14 V

mentionnée à la section 1.2.2. La résistance interne de la meilleure biopile de la figure

2.14, qui s’évalue en calculant le rapport tension-courant (V/A) en n’importe quel point,

est d’environ 22 ohms. Cette valeur est assez élevée et indique que des pertes importantes

peuvent être associées au montage actuel des biopiles. Ces pertes peuvent venir d’un

développement bactérien insuffisant et incapable de soutenir la décharge sollicitée ou du

choix des composantes de la pile. À cet effet, lorsqu’on observe la répartition du potentiel

entre les demi-piles à l’aide d’une sonde de référence Ag/AgCl pendant le

fonctionnement de la meilleure pile de la figure 2.14 et qu’elle est à son sommet de

production, on obtient une valeur de -421 mV à l’anode et de 90 mV à la cathode, pour

une différence totale de potentiel de 511 mV. Rapporté sur la base d’une sonde de

référence standard à l’hydrogène, le potentiel de l’anode devient -220 mV et celui de la

cathode de 290 mV. Le potentiel de l’anode se rapproche du potentiel redox théorique du

couple NAD+/NADH

+ de -320 mV indiqué au tableau 1.1. Toutefois, celui de la cathode

est nettement inférieur au potentiel idéal de 800 mV du couple O2/H2O du même tableau

et il devient évident que cette électrode est un paramètre important à améliorer pour

obtenir une sortie de puissance intéressante d’une biopile. La même pierre

d’achoppement est d’ailleurs maintes fois relevée dans la littérature relatant le

développement des piles à combustible à membrane échangeuses de protons

(Costamagna et Srinivasan, 2001).

2.5 Conclusions de la phase 1

Le mécanisme de transfert d’électrons d’une biopile alimentée au lisier implique un

intermédiaire redox, ce qui signifie que le rôle principal de l’anode est celui d’accepteur

d’électrons. À cause de ce phénomène, la matière constitutive de l’anode a peu

d’importance du moment que celle-ci est conductrice et inoxydable. Il sera néanmoins

avantageux de construire cette électrode à partir d’un matériau qui offre le moins de

résistance au passage des électrons afin de minimiser les pertes ohmiques de la biopile.

De plus, il est très important d’inclure dans le compartiment anodique un support

bactérien qui permettra d’assurer un maximum de croissance des espèces bactériennes

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49

électrophiles. Lors de ces essais, le charbon activé utilisé à cet escient a donné les

meilleurs résultats. L’application de deux couches de nafion® sur la cathode augmente

également la sortie de puissance d’une biopile.

3. Phase 2 : Essais d’amélioration des composantes des biopiles

3.1 Propositions d’amélioration

3.1.1 Vers une biopile à compartiment double

Face à la faible performance de la cathode dans une biopile à compartiment unique, une

remise en question de ce principe s’est donc imposée; le lisier n’est peut-être pas

l’électrolyte le plus souhaitable. D'une part, son pH neutre ne favorise pas la réduction de

l’oxygène à la cathode, puisque celle-ci se produit avantageusement en milieu acide.

D’autre part, la présence de nombreuses substances chimiques, dont notamment le soufre,

peut détériorer les performances de la cathode en empoisonnant les sites catalytiques. C’est

pourquoi, afin d’éviter le contact direct entre le lisier et la cathode, les biopiles à

compartiment double semblent plus appropriées. Deux compartiments distincts sont ainsi

créés en introduisant une membrane échangeuse de cations entre l’anode et la cathode. Le

premier compartiment contiendra l’anode et le lisier alors que le second contiendra la

cathode et un électrolyte dit propre.

3.1.2 Améliorer les performances à l’anode

L’importance stratégique d’un support bactérien extérieur à l’anode, tel que le charbon

activé, a été démontrée durant la phase 1. Il est logique de penser qu’il existe une quantité

donnée de ce support pour produire une sortie de puissance maximale. Pour vérifier les

conséquences de la variation de la quantité de charbon activé sur la sortie de puissance

d’une biopile, nous avons varié cette quantité en gardant constante la surface de l’anode et

de la cathode. Les essais exposés durant la phase 1 ont mis également en lumière que la

nature de l’anode a peu d’influence sur la sortie de puissance d’une biopile, dans la mesure

où cette électrode est conductrice et non corrodable. En conséquence, l’anode de tous les

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50

futurs essais a été constituée d’une grille en acier inoxydable, ce matériel étant économique

et facilement disponible sur le marché.

3.2 Matériel et méthodes de la phase 2

3.2.1 Traitement du lisier

Comme à la section 2.2.1, le lisier brut utilisé provenait de la pré-fosse d’un élevage de

porcs à l’engraissement d’une ferme située à Saint-Lambert de Lévis (Québec, Canada) et

tous les échantillons prélevés ont été centrifugés au laboratoire en appliquant une

accélération de 3 000 g pour mimer les résultats obtenus par une centrifugeuse industrielle.

3.2.2 Biopile à compartiment double de première génération

Une biopile à compartiment double a été conçue pour vérifier si l’on pouvait augmenter les

performances du système. Comme cela est illustré à la figure 3.1, la biopile à compartiment

double reprend les principales composantes de la biopile à compartiment unique (figure

2.3) en incluant entre l’anode et la cathode une membrane échangeuse de cations. À cette

fin, la membrane proposée par Rabaey et al. (2004) (CMI-7000, Membranes International

Inc.) a été utilisée. Rappelons que ces chercheurs ont obtenu d’excellents résultats (tableau

1-2) en utilisant une biopile à compartiment double avec un consortium mixte bactérien.

De plus, cette membrane est peu coûteuse à l’achat comparativement à une membrane

échangeuse de protons au nafion®. Un petit compartiment permettant l’injection d’un

électrolyte propre (autre que le lisier) est ajouté en amont de la chambre cathodique. Dans

les faits, ce compartiment est un joint d’étanchéité en néoprène de 3 mm d’épaisseur

traversé au sommet par 2 aiguilles hypodermiques permettant l’entrée et la sortie de

l’électrolyte dans la chambre cathodique. Pour assurer le flot continu de ce fluide, un

réservoir a été placé à une élévation supérieure de la biopile de manière à créer une

pression hydrostatique dans le circuit d’alimentation. Dans la chambre anodique, le lisier

était mis en recirculation par une pompe péristaltique.

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51

Figure 3.16 Vue éclatée des composantes de base d’une biopile à compartiment

double.

Pour déterminer l’influence de la charge de charbon activé sur la production d’énergie,

trois biopiles contenant respectivement 25,0, 50,0 et 100,0 grammes de charbon activé S3

ont été réalisées. Pour permettre l’introduction d’une plus grande quantité de charbon, deux

compartiments anodiques carrés de 125 mm X 125 mm X 25 mm en polypropylène

(chambre de l’anode de la figure 3.1) ont été accolés l’un sur l’autre, doublant ainsi la

capacité de la biopile à recevoir du matériel. Un des compartiments contenait le charbon

alors que l’autre ne contenait que du lisier. Une grille en acier inoxydable de

22 mailles cm-2

de 0,6 mm d’épaisseur (SS316, Grillage Major Inc., Québec, Canada)

séparait les deux compartiments pour servir d’anode.

Tout comme dans le cas des biopiles à chambre unique, les cathodes utilisées en première

estimation pour les biopiles à compartiment double sont réalisées à partir d’une électrode

commerciale perméable aux gaz (ELAT GDE LT 251E-W, BASF) constituée de fibres de

carbone recouvertes d’une encre catalytique carbone-platine avec une concentration de

0,5 mg·cm-2

de platine. La surface de la cathode exposée à l’air libre est de 100 cm2. Une

grille en acier inoxydable (SS316, Grillage Major Inc.,) de 22 mailles cm-2

et d’une

épaisseur de 0,6 mm s’appuie sur la cathode et sert de collecteur d’électrons. Comme

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52

l’application de nafion®

sur la cathode s’était avérée porteuse d’améliorations lors des

essais avec les biopiles à compartiment unique, dans cette partie du projet, toutes les

cathodes ont été systématiquement recouvertes de cet ionomère sur la couche catalytique.

Tel que cela a été mentionné au chapitre 2.3.3, deux couches ont été appliquées au pinceau.

Les deux couches ont été séchées au four à 100 °C pendant une demi-heure. Par pesée, la

charge finale de nafion®

est estimée à environ 0,70 mg·cm-2

. Le choix de l’électrolyte se

trouvant dans la chambre cathodique devait se porter vers un acide faible afin d’éviter une

migration massive des protons vers le lisier. L’électrolyte choisi devait être également

biodégradable et non toxique pour l'homme et pour l'environnement afin de respecter le

concept d’énergie verte sous-tendu par la technologie des biopiles. Dans ce contexte, le

choix s’est porté vers l’acide citrique (C6H8O7). Cet acide organique naturel est en fait un

intermédiaire du métabolisme des organismes aérobies (Wikipedia, 2009) et peut

facilement être fabriqué par la fermentation d’une solution sucrée ou amidonnée en

utilisant un champignon inoffensif (Aspergillus niger) dans un digesteur (Kiel et al., 1981).

Le compartiment cathodique a donc été rempli avec de l’acide citrique (98 %, Sigma-

Aldrich) d’une concentration de 0,015 M. Cette concentration d’acide a été retenue à la

suite d’essais préliminaires démontrant qu’au-delà de cette concentration, le lisier

s’acidifiait très rapidement (en deçà d’un pH de 6,5), menaçant l’existence même des

bactéries.

3.2.3 Mesure des tensions

Les cathodes et les anodes de toutes les biopiles ont été reliées à une résistance (R)

extérieure de 100 ohms pour leur fonctionnement en continu. Un système d’acquisition de

données (21X, Campbell Scientific) permet l’enregistrement en temps réel de la tension

aux bornes des biopiles. Le courant est calculé par la relation 1.5 et la puissance par la

relation 1.9.

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53

3.3 Résultats

La figure 3.2 décrit l’évolution des tensions des trois biopiles à travers le temps. Les

biopiles ont un comportement général identique. On assiste à un départ très progressif de la

tension dans les cinq premiers jours, puis à une montée très rapide les cinq jours suivants,

pour finalement atteindre une phase de plateau pendant les journées subséquentes. Les

figures 3.3 et 3.4 présentent le comportement électrique des trois biopiles. La valeur de la

tension en circuit ouvert est la même pour les trois biopiles (figure 3.3), soit près de

1 000 mV. La sortie de puissance maximale a été atteinte par la biopile avec 100 grammes

de charbon activé (850 mW·m-2

) suivie par la biopile avec 50 grammes (520 mW·m-2

) et

finalement par la biopile avec 25 grammes (300 mW·m-2

).

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

03-06 03-07 03-08 03-09 03-10 03-11 03-12 03-13 03-14 03-15 03-16 03-17 03-18 jour

Ten

sio

n (

mV

)

25 g. charbon act. S3

50 g. charbon act. S3.

100g. charbon act. S3

Figure 3.17 Évolution des tensions des biopiles avec 25, 50 et 100 grammes de S3.

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54

0

200

400

600

800

1000

1200

9 509 1009 1509 2009 2509 3009 3509 4009 4509

Densité de courant (mA m-2 )

Ten

sio

n (

mV

)

25 g. charbon act. S3

50 g.charbon act. S3

100 g. charbon act. S3

Figure 3.18 Courbes tension-densité de courant des biopiles avec 25, 50 et 100

grammes de S3.

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500

Densité de courant (mA m-2 )

Deb

sit

é d

e p

uis

san

ce (

mW

m-2

)

25 g. charbon act. S3

50 g. charbon act. S3

100 g. charbon act. S3

Figure 3.19 Courbes densité de puissance-densité de courant des biopiles avec 25, 50

et 100 grammes de S3.

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55

3.4 Analyse des résultats

Il est très pertinent d’utiliser une biopile à compartiment double plutôt qu’à compartiment

simple. De fait, si l’on compare les tensions des circuits ouverts des biopiles illustrées à la

figure 2.14 (650 mV) par rapport à celles de la figure 3.2 (1 040 mV), on constate un net

progrès en faveur des biopiles à compartiment double. Les tensions plus hautes en circuit

ouvert sont obtenues grâce à une demi-pile plus active du côté de la cathode. Les potentiels

mesurés des demi-piles en circuit ouvert à la cathode à partir d’une sonde de référence

Ag/AgCl, indiquent d’ailleurs des valeurs dans la plage du 500 à 600 mV pour des biopiles

à compartiment double alors que des valeurs de 0 à 200 mV sont mesurées pour les biopiles

à compartiment unique. On assiste à une augmentation de 300 à 400 mV vers la positivité

en faveur du compartiment double avec acide citrique.

Pour caractériser le comportement en condition réelle d’une pile à combustible, on réfère

fréquemment dans la littérature à la densité de courant et à la densité de puissance d’une

pile opérant sous une tension de 600 mV. On estime en effet que 600 mV est la limite

pratique des piles à combustible. La figure 3.5 a donc été réalisée pour comparer la densité

de courant d’une biopile à compartiment unique avec celle d’une biopile à compartiment

double, chacune ayant 35 grammes de S3. Les meilleurs résultats de la figure 2.14 ont été

utilisés pour illustrer les performances de la bio-bile à compartiment unique alors qu’une

interpolation des résultats de la figure 3.3 a été nécessaire pour retrouver les performances

d’une biopile à compartiment double ayant 35 grammes de S3. L’examen de cette figure

permet de constater que la biopile à compartiment unique permet une densité de courant

d’environ 200 mA m-2

pour une tension de 600 mV, alors que la biopile à compartiment

double permet trois fois plus de courant et donc trois fois plus de sortie de puissance pour

la même tension. Le montage d’une biopile à compartiment double semble donc être, dans

l’état actuel des connaissances, la technique la plus appropriée pour obtenir les meilleures

performances d’une biopile alimentée au lisier.

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56

0

200

400

600

800

1000

1200

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500

Densité de courant (mA m-2 )

Ten

sio

n (

mV

)

chambre double; acide citrique 0,015 M; 35 g.

charbon act. S3

chambre unique;35 g.charbon act. S3

Figure 3.20 Comparaison de la densité de courant entre les 2 méthodes de montage

des biopiles à une tension d'opération de 600 mV.

Le dernier constat de cette série d’essais concernera la relation entre la charge de charbon

activé et les tensions observées aux électrodes et dans les biopiles. La figure 3.6 montre les

valeurs maximales atteintes par les biopiles en circuit fermé utilisant une résistance externe

de 100 ohms. On note que la tension des biopiles est influencée par la charge de charbon

activé passant de 400 à 750 mV au fur et à mesure que celle-ci augmente jusqu’à la valeur

maximale de 100 g par biopile. Pour sa part, la tension maximale en circuit ouvert des

biopiles se situe à près de 1 000 mV. Les potentiels de l’anode et de la cathode par rapport

à une sonde de référence Ag/AgCl sont également montrés pour les circuits ouvert et

fermé. Dans le cas de l’anode, on observe que les potentiels en circuit ouvert et fermé

convergent l’un vers l’autre avec une augmentation de la charge de charbon jusqu’à une

valeur d’environ -430 mV. Cette observation indique qu’une charge d’au moins 100 g de

charbon par biopile est nécessaire pour que les populations bactériennes soient suffisantes

pour soutenir la demande en courant électrique. Pour sa part, la cathode adopte le

comportement inverse, le potentiel en circuit fermé s’éloignant peu à peu du potentiel

maximal observé en circuit ouvert au fur et à mesure que la charge de charbon activé

augmente. Ceci indique que la cathode ne peut soutenir la décharge de l’anode au fur et à

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mesure que celle-ci prend de la négativité, c'est-à-dire au fur et à mesure que la population

bactérienne prend de l’importance en nombre.

Figure 3.21 Comportement électrique des électrodes de la biopile avec une résistance

externe de 100 ohms selon différentes charges de charbon activé.

Tension max. à l’anode en circuit ouvert vs

sonde Ag/Ag/Cl

-500

-300

-100

100

300

500

700

900

1100

0 20 40 60 80 100

Quantité de charbon activé (g)

Te

ns

ion

(m

V)

tension anode circuit fermé vs sonde Ag/AgCl

tension cathode circuit fermé vs sonde Ag/AgCl

tension biopile circuit fermé ( R = 100 ohms)

Tension max. à la

cathode en circuit ouvert

vs sonde Ag/AgCl

Tension max. circuit

ouvert

Tension max. à l’anode en circuit ouvert vs

sonde Ag/Ag/Cl

Tension max. à l’anode en circuit ouvert vs sonde

Ag/AgCl

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3.5 Conclusions de la phase 2

La biopile à compartiment double permet une hausse significative de la production

électrique par rapport à une biopile à compartiment unique lorsqu’on utilise du lisier

comme carburant. En augmentant la charge de charbon activé, on parvient à soutenir le

potentiel de l’anode à un niveau près de son niveau idéal, soit celui observé en circuit

ouvert. Ceci démontre que l’on pourra optimiser ce paramètre en variant la charge de

charbon activé dans le compartiment anodique. En contrepartie, face à une anode de plus

en plus performante, la cathode s’éloigne de son potentiel idéal signifiant que dans le

montage actuel, quoiqu’amélioré par rapport à un système de biopiles à compartiment

unique, les composantes du compartiment cathodique peuvent encore être améliorées pour

nous rapprocher du comportement de la biopile idéale.

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59

4. Phase 3 : Identification du consortium bactérien

4.1 Vers des biopiles à compartiment double de 2e génération

Quoique plus performantes que les biopiles à compartiment unique, les biopiles à

compartiment double ont présenté une conception insuffisante quant à leur durabilité,

n’ayant généralement pas un espoir de vie de plus de trois semaines. Au-delà de cette

période, une décroissance notable de l’activité électrique a été observée. C'est pourquoi

une nouvelle génération de biopiles à compartiment double a été créée afin de mieux

protéger le consortium bactérien contre la migration de l’acide citrique ou de l’oxygène

dans le compartiment anodique. En créant une biopile stable et apte à fonctionner à long

terme, on pourra extraire des échantillons de charbon activé en cours d’opération et tenter

d’identifier les bactéries qui y trouvent une niche permanente et qui produisent de

l’électricité. La phase 3 décrit la mise en place et l’essai de cette biopile à compartiment

double de nouvelle génération pour identifier les organismes responsables de la

production d’énergie.

4.2 Matériel et méthode de la phase 3

4.2.1 Biopile à compartiment double de 2e génération

La figure 4.1 montre une vue éclatée de la nouvelle génération de biopiles à

compartiment double. Le corps principal de celle-ci est constitué par un cylindre creux en

plexiglas de 65 mm de diamètre par 280 mm de long lui conférant une capacité de

600 mL. Comme on peut l’observer à la figure 4.1, la cathode a été placée à une

extrémité du corps principal. Bien que cette configuration ne soit pas idéale pour

diminuer la distance de parcours entre les protons relâchés dans le lisier et la cathode, ce

qui risque de potentiellement augmenter la résistance interne de la biopile, la volonté

d’obtenir une biopile pouvant fonctionner à long terme a primé à cette étape-ci du projet.

C’est pourquoi le rapport entre le volume occupé par le lisier et la surface de la cathode a

été augmenté d’environ 10 fois lorsque comparé avec celui des biopiles des phases

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précédentes. Dans ce nouveau modèle, le lisier est pompé en circuit fermé et passe sur la

longueur du cylindre en empruntant un orifice d’entrée et un de sortie situés à chaque

extrémité de ce tube. L'anode, construite à partir d’une grille en acier inoxydable de 22

mailles cm-2

de 0,6 mm d’épaisseur (SS316, Grillage Major Inc., Québec, Canada) a été

façonnée pour former un panier cylindrique qui peut être glissé à l'intérieur du corps

principal. Cette anode cylindrique creuse est remplie avec 80 g de charbon activé S3.

Figure 4.1 Vue éclatée d’une biopile à compartiment double de 2e génération.

Pour permettre un contact maximal entre le lisier et le charbon activé, un plus petit

cylindre en acier inoxydable a été placé à l'intérieur du grand cylindre et n'a pas été

rempli de charbon afin de laisser le lisier circuler librement dans la partie centrale de

l’anode. La cathode était une électrode circulaire commerciale de carbone-platine (ELAT

GDE LT 251E-W, BASF) avec une charge de platine de 0,5 mg·cm-2

et la surface active

de la cathode était de 25 cm2. Deux couches de nafion

® ont été appliquées sur la cathode,

de la manière décrite à la section 2.3.3. Près de la cathode, la couche d'acide citrique a été

créée en ajoutant un mince anneau de néoprène dans lequel deux aiguilles hypodermiques

ont été insérées. Ces deux aiguilles permettent la circulation de l’acide citrique à

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l’intérieur de l’anneau. La pression et la circulation de l’acide dans le compartiment

cathodique sont assurées par une charge hydrostatique créée par un réservoir de 18 L de

capacité situé plus haut que la pile. Une grille métallique circulaire de 65 mm de diamètre

en acier inoxydable (SS316, Grillage Major Inc., Québec, Canada) couvre la cathode et

agit en tant que collecteur de courant. Une ouverture de 3 mm de diamètre est créée à

travers l’épaisseur du compartiment anodique pour permettre l’évacuation des gaz de la

chambre anodique. Cette ouverture est reliée à un tube en U légèrement rempli d’eau

pour éviter que de l’air n’entre dans la biopile. Une deuxième ouverture circulaire de 3

mm bouchée lorsqu’elle n’est pas utilisée, permet l’insertion au besoin d’une sonde de

référence Ag/AgCl. Comme cela est décrit à la section 2.2.5, les tensions en circuit ouvert

et fermé avec une résistance de 100 ohms ont été enregistrées en utilisant un système

d’acquisition de données. Le potentiel d’une demi-pile est donné dans ce texte par rapport

à une sonde de référence Ag/AgCl, soit déphasé de -205 mV par rapport à une sonde de

référence à l’hydrogène.

4.2.2 Fraction liquide utilisée comme lisier

Pour la phase 3, afin de se rapprocher des conditions réelles de fonctionnement, le lisier

utilisé pour alimenter la biopile est la fraction liquide d’un lisier brut séparé par un

séparateur décanteur centrifuge industriel situé sur une ferme de porcs à l’engraissement.

Le lisier provient de la pré-fosse (lisier frais) et la fraction liquide recueillie au séparateur

a été réfrigérée pendant son entreposage.

4.2.3 Analyses biomoléculaires

La compréhension des mécanismes de transfert des électrons d’une biopile passe par la

détermination des populations constituant les consortiums bactériens présents dans celle-

ci. Ce projet a donc consacré un important volet à cet aspect. Les techniques les plus

récentes d’analyse en biologie moléculaire ont été employées pour répondre à cette

question. Celles-ci permettent, notamment par la reconnaissance de l’ADN microbien,

d’identifier les genres bactériens présents dans les échantillons prélevés dans des biopiles

matures avec un grand niveau de confiance.

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62

4.2.3.1 Préparation des échantillons

Deux types d’échantillons ont été prélevés pour les besoins de l’analyse moléculaire. Des

échantillons liquides, constitués de lisier circulant et de lisier brut, ont été analysés alors

que des échantillons solides, constitués de charbon activé colonisé par les bactéries, ont

fait l’objet d’analyses. Les échantillons de charbon activé ont subi deux traitements

analytiques. Le premier consistait à investiguer, à une échelle macro, la flore présente et

il a été réalisé en utilisant 3 mL de charbon par échantillon. Le deuxième, se voulant une

approche plus spécifique, s’est concentré sur un échantillon constitué de trois grains de

charbon. Afin d’obtenir une bonne détection des populations microbiennes intimement

liées au charbon, la partie grossière couvrant les particules de charbon a été éliminée en

réalisant un lavage des échantillons avec 10 mL d’eau pour les échantillons de 3 mL, et

avec 1 mL d’eau pour les échantillons de tois grains. Cette procédure a été choisie suite à

différents essais montrant que la richesse microbienne du lisier pouvait masquer la bonne

détection des populations spécifiques développées sur les grains de charbon. Les

échantillons sont ensuite conservés à -20 °C.

4.2.3.2 Extraction de l’ADN bactérien

L’extraction de l’ADN a suivi le protocole proposé par la méthode CTAB (Lee et Taylor,

1990). Pour les échantillons solides de 3 mL, l’extraction est réalisée dans des tubes de

11,5 mL contenant trois billes de plomb avec 3,5 mL de CTAB β-mercaptoéthanol avec

une agitation de deux cycles de 30 secondes dans un agitateur à peinture (optimise

l’agitation). Les tubes sont ensuite incubés à 60 °C pendant une heure. Après avoir reçu

3,5 mL de chloroforme/isoamyl (24 :1), ceux-ci sont centrifugés à 5 000 g pendant 10

minutes. La phase aqueuse est transférée dans un tube de 5 mL et incubée avec 2 mL

d’isopropanol pendant 24 h. L’ADN est alors culotté par centrifugation (5 000 g pendant

10 minutes à 4 °C) et lavé avec de l’éthanol 70 %. Les culots sont ensuite séchés pendant

15 minutes. Une fois secs, les culots sont remis en suspension dans 100 µL de RNaseA

(10mg mL-1

). Finalement, une étape de purification est réalisée en utilisant le nécessaire

commercial Qiaquick (Qiagen, Canada). À la fin, l’ADN génomique est contrôlé par

électrophorèse sur gel d’agarose 0,8%. Pour les échantillons de trois grains, l’extraction

suit le même protocole mais dans un tube vissé de 2 mL contenant deux billes de plomb

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63

et 150 µL de silice (Fisher scientifics, Canada) et le volume de CTAB utilisé est de

600 µL.

4.2.3.3 Amplification PCR

L’ADN extrait a été amplifié en utilisant la technique de réaction en chaîne par

polymérase connue sous son acronyme anglais PCR (polymerase chain reaction). Des

amorces spécifiques ont été sélectionnées pour amplifier les bactéries totales

(tableau 4-1). Une boucle GC est utilisée sur l’amorce 984F afin de permettre une bonne

séparation lors de la migration en électrophorèse en gradient de gel dénaturant (en anglais

DGGE pour Denaturing Gradient Gel Electrophoresis). Les réactions PCR sont réalisées

dans un volume final de 25 µL contenant 5 µL d’ADN, 2,5 µL d’un tampon commercial

10 X avec 15 mM MgCl2 (Qiagen, Canada), 2,5 µL de dNTP 2mM (Invitrogen, Canada),

0,2 µL de polymérase commerciale (Qiagen, Canada) et 0,25 µM de chaque amorce. Les

échantillons sont amplifiés dans un thermocycleur (PTC200, MJ Research). Le

programme PCR commence par une activation de la polymérase à 95 °C pendant 15

minutes et continue avec 35 cycles (dénaturation 95 °C pendant 30 s, hybridation 60 °C

pendant 30 s, élongation 72 °C pendant 30 s et élongation finale de 5 min à 72 °C). Les

produits d’amplification obtenus sont contrôlés par électrophorèse sur un gel d’agarose

1,6 %.

Tableau 4-1 Systèmes PCR utilisés.

Cible Amorce Séquence Gène Produit

(pb)1 Référence

Bactéries

totales

Bactéries

totales

984F

1378R

63F

1387R

AACGCGAAGAACCTTAC

CGGTGTGTACAAGGCCCGGGAACG

CAGGCCTAACACATGCAAGTC

GGGCGGWGTGTACAAGGC

16s

16s

433

1300

(Heuer et al.,

1990)

(Marchesi et al.,

1998)

1 paire de base

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64

4.2.3.4 DGGE et normalisation

La DGGE est une technique permettant d’évaluer par électrophorèse la mobilité d'un

fragment d'ADN dans un gel de polyacrylamide. L'ADN migre dans ce gel où il rencontre

des conditions de plus en plus dénaturantes. Bien que le gradient augmente de façon

linéaire le long du gel, la dénaturation de l'ADN, elle, ne se fait pas de façon progressive,

mais dépend de sa composition en bases AT (adénine et thymine) et GC (guanine et

cytosine). Ainsi, deux molécules d’ADN, dont les séquences ne diffèrent que d'une paire

de base, ne se dénatureront pas au même moment et migreront alors différemment à

travers un gradient précis. À la fin de l’électrophorèse, le nombre de bandes observables

sera théoriquement égal aux différents genres bactériens présents dans l’échantillon et

l’intensité de ces bandes sera proportionnelle à la quantité d’ADN d’un genre bactérien se

trouvant dans l’échantillon.

Les DGGE ont été réalisées à l’aide d’un système Dcode Universal Mutation Detection

System (Biorad, Canada). 4,5 µL de produit PCR additionné de 4,5 µL de bleu de charge

2 X (0,05 % Bromophenol blue, 0,05 % Xylène cyanol et 70 % Glycerol) sont incorporés

dans un gel 6 % acrylamide /Bis-acrylamide (Biorad, Canada) (37,5:1) contenant un

gradient dénaturant, urée (Sigma, Canada), formamide (Labmat), de 40 à 60 %. Pour les

bactéries sulfo-réductrices, le pourcentage d’acrylamide est de 8 % et le gradient de 30 à

60 %. Pour les archaebactéries, le pourcentage d’acrylamide est de 10 % et le gradient de

35 à 55 %. L’électrophorèse est réalisée dans un tampon 1X de TAE (140 mL de tampon

50X TAE 2M Tris base, 1 M acide acétique glacial, 50 mM EDTA pH 8.0, dans 7 L) à

une température constante de 60 °C pendant 930 minutes à 50 V pour les bactéries

totales. Les gels sont ensuite colorés avec du SYBR gold (Invitrogen, Canada) pendant

10 minutes et numérisés sous U.V. (Transilluminator, UVP) par le logiciel Alphaimager

(CellBiosciences, États-Unis). Les gels ont été normalisés en utilisant le logiciel Phoretix

1D (Nonlinear, Royaume-Uni) avec des marqueurs présents dans le gel composé de

bandes clonées connues.

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4.2.3.5 Clonage et séquençage

Le clonage d’un gène consiste à insérer un gène d’intérêt à l’intérieur d’une bactérie

grâce à une série de manipulations biochimiques. Une fois inséré dans la bactérie, ce gène

sera alors reproduit en milliers de copies par la mitose bactérienne et, par conséquent,

amplifié des milliers de fois. À partir de l’ADN contenu dans ces milliers de clones, on

peut procéder au séquençage de ce gène. Le séquençage d’une molécule d’ADN consiste

à déterminer l’enchaînement des bases qui le composent. Cet enchaînement est unique à

chaque genre et espèce bactérien et sa comparaison avec des enchaînements connus dans

des bases de données permet d’identifier, avec un certain niveau de confiance, à quel

genre et espèce bactérien peut être associé cet enchaînement de bases.

Le clonage des produits d’amplification des gènes 16s complets est réalisé pour identifier

les bandes dominantes des profils DGGE. Pour obtenir un fragment séquençable de

bonne longueur, on amplifie de nouveau les ADN à cloner avec les amorces 63F/1387R

(Tableau 3.1). Les produits d’amplification obtenus sont alors clonés avec le nécessaire

commercial Zero blunt (Invitrogen, Canada). Les clones obtenus sur les géloses LB

+Kanamycine sont ensuite repiqués en milieu liquide en plaque de 96 puits. L’ADN est

extrait et amplifié avec les amorces 984F-GC /1378R. Les gels DGGE obtenus

permettent ensuite d’obtenir la position de chaque clone d’intérêt et de le choisir pour le

séquençage en fonction de la bande à identifier. Les clones sélectionnés sont séquencés

au service de séquençage de la plateforme de séquençage et de génotypage des génomes

du CHUL (Québec, Canada). La qualité des séquences obtenues est vérifiée avec le

logiciel Sequence scanner V1.0 (Applied Biosystems, Canada). Les séquences sont

ensuite soumises à l’interrogation de la banque GenBank (NCBI, 2011) avec le logiciel

Geneious (Biomatters Ltd, Nouvelle- Zélande).

4.2.4 Examens microscopiques et analyses chimiques par énergie dispersive

Afin d’observer les consortiums bactériens, des échantillons de support bactérien ayant

séjourné dans les biopiles ont été examinés au microscope électronique (840A, JEOL)

équipé d'un système d'analyse par énergie dispersive (Avalon, PGT) du Département de

génie géologique de l’Université Laval. Ce microscope, en étant couplé à ce système

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66

d’analyse, permet d’identifier les éléments chimiques se trouvant dans le voisinage de la

partie de l’échantillon sous observation. On retrouve ainsi non seulement l’image

magnifiée d’un biofilm, mais aussi une idée de l’environnement dans lequel les microbes

ont évolué.

4.3 Résultats

4.3.1 Réalisation des biopiles compartiment double de 2e génération

La figure 4.2 montre la biopile à compartiment double de 2e génération telle que

construite et en opération. Pour sa part, la figure 4.3 montre l’ensemble du montage

réalisé. Dans le coin supérieur gauche, on peut noter la présence du réservoir contenant

l’acide citrique alors que la pompe péristaltique permettant la recirculation du lisier se

trouve dans le coin inférieur droit.

Figure 4.2 Vue extérieure de la biopile à compartiment double de 2e génération.

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Figure 4.3 Montage de la biopile de 2e génération avec son réservoir d’acide

citrique.

4.3.2 Comportements électriques de la biopile

Après une période de rodage d’environ un mois, il s’est avéré qu’une concentration de

0.015 M d’acide citrique était suffisante pour permettre le bon fonctionnement de la

cathode sans affecter le consortium bactérien par un changement de pH dans le lisier. De

fait, l’acide citrique avec un pH maintenu à environ 2,5 n’entraîne pas une variation trop

importante du pH du lisier par une possible migration des protons au travers la membrane

échangeuse de cations. Grâce à cette nouvelle configuration, la biopile de 2e génération a

été en mesure de produire de l’électricité pendant une période de trois mois sans

intervention sur le charbon activé et la cathode. Des changements de lisier ont toutefois

été nécessaires pour maintenir les performances. La durée de séjour du lisier dans la

biopile était contrôlée en satisfaisant une des conditions suivantes :

a) le pH du lisier est à une valeur voisine de 6,5;

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b) le potentiel redox du lisier mesuré avec une sonde de référence Ag/AgCl et une contre-

électrode de platine est supérieur ou égal à -100 mV.

Ces deux critères de contrôle ont été développés tout au long du projet par observation du

comportement électrique des biopiles à compartiment double. Le critère a) évite de

mettre en danger le consortium bactérien qui est sensible à l’acidification de son milieu.

Quant au critère b), il indique l’introduction d’oxygène dans le lisier pendant le

traitement et que celui-ci est en voie de devenir aérobie, ce qui est néfaste pour le

consortium bactérien. Ces critères étaient par ailleurs également appliqués avant de traiter

un lisier frais. En effet, le pH et le potentiel redox du lisier étaient préalablement mesurés

et le lisier systématiquement rejeté si son pH était inférieur à 7 et son potentiel redox

supérieur à -200 mV. En règle générale, la variation du pH était la principale raison

mettant fin à un traitement.

La figure 4.4 montre la tension de la biopile en circuit fermé fonctionnant avec une

résistance externe de 100 ohms. En moyenne, la biopile a maintenu une tension de

400 mV au cours de la période d’observation. La figure 4.5 montre les courbes de tension

et de densité de puissance en fonction de la densité de courant pour cette condition de

fonctionnement. On peut observer que le potentiel en circuit ouvert de la biopile est

légèrement supérieur à 1 000 mV et que la densité de puissance maximale est près de

800 mW m-2

. Les mesures faites avec une sonde de référence Ag/AgCl pour les

conditions en circuit ouvert de la biopile indiquaient un potentiel de 570 mV pour la

cathode alors que le potentiel de l'anode était de -460 mV.

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69

0

100

200

300

400

500

600

11-01 11-05 11-09 11-13 11-17 11-21 11-25 11-29

Te

ns

ion

(m

V)

Figure 4.4 Tensions en circuit fermé (R externe = 100 ohms) de la biopile de 2e

génération sur une période d’un mois.

0

200

400

600

800

1000

1200

0 500 1000 1500 2000 2500 3000

Densité de courant (mA m-2 )

Te

ns

ion

(m

V)

0

100

200

300

400

500

600

700

800

Den

sit

é d

e p

uis

san

ce

(mW

m-2

)

Tension

Densité de puissance

Figure 4.5 Courbes des performances électriques de la biopile de 2e génération avec

une tension moyenne de 400 mV en circuit fermé.

Moment de changement du lisier

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70

4.3.3 Analyses microbiologiques

Le tableau 4-2 montre la transposition en format numérique faite à l’aide du logiciel

Phototrix 1D d’une photo montrant la migration des gels DGGE réalisée avec de l’ADN

extrait des échantillons de lisier brut (LB), de lisier circulant (LC) dans une biopile

mature, de charbon activé non lavé (CAN) et lavé (CAL). La distance de migration des

bandes du haut vers le bas du gel de DGGE est indiquée par les valeurs de Rf, lequel

donne un indice de positionnement relatif gradué de 0 à 1 où 0 indique le haut et 1

indique le bas du gel. Jusqu’à 18 bandes reproductibles ont été détectées dans un profil

type de DGGE et chaque bande peut représenter une ou plusieurs populations

bactériennes. L’intensité fluorescente relative de chaque bande a varié de 0 à 17 000

unités et était proportionnelle à la quantité d’ADN amplifié. L’analyse des profils de

DGGE des échantillons de LB et de LC montre que 9 bandes importantes sont apparues;

la bande 0.458 n’a pas été détectée dans les échantillons de charbon activé, les bandes

0.257, 0.299, 0.342 et 0.446 ont montré une forte intensité dans l’échantillon de LB, alors

que les bandes 0.510, 0.540, 0.659 et 0.717 étaient détectées dans tous les échantillons

examinés mais avec une intensité plus forte dans des échantillons de LB et de LC.

L’analyse des profils de DGGE des échantillons de CAL et CAN a montré que deux

bandes étaient importantes (0.400 et 0.475) alors que sept bandes de moindre intensité

(0.279, 0.326, 0.529, 0.580, 0.606 et 0.644) ont été détectées. Toutefois, ces bandes n’ont

pas été détectées dans des échantillons de LB et de LC. Ces neuf bandes représentent les

populations bactériennes qui ont trouvé une place écologique dans le charbon activé. La

bande 0.400 a également été détectée dans les deux échantillons de charbon activé, alors

que la présence de la bande 0.475 était plus marquée dans l’échantillon de CAL.

L’échantillon non lavé de charbon activé représente la matrice complexe des fragments

de charbon activé ayant baigné dans le LC. Pour sa part, l’échantillon lavé de charbon

activé représente les fragments d’ADN incrustés dans le charbon activé et est donc

l’image de la flore bactérienne ayant proliféré au sein du charbon. Les fragments de CAL

ont été mis en suspension dans une solution tampon saline avant d’être centrifugés pour

obtenir un culot concentré de fragments de CAL. L’extrait total d’ADN d’un échantillon

de CAL a été préparé et les séquences complètes de rARN 16S ont été clonées, choisies

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71

et séquencées pour identifier les populations bactériennes liées aux fragments de CAL.

Ces séquences représentent très vraisemblablement la composante bactérienne active et

stratégique des biopiles. La comparaison de l’ADN cloné avec celui contenu dans les

banques de données révèle que le genre Clostridium est lié à la bande 0.400, alors que les

genres Desulfuromonas, Pseudomonas, Bacteroidetes et Alcaligènes ont été associés à la

bande principale 0.475.

Tableau 4-2 Représentation numérique de gels DGGE avec le logiciel Phototrix 1D.

Rf LB LC CAN CAL

0.257 2221 0 748 211

0.279 0 0 1954 615

0.299 9094 562 0 247

0.326 0 0 3305 450

0.342 7643 2536 839 551

0.400 0 0 16678 16978

0.446 9351 4059 1158 1927

0.458 11788 12469 0 0

0.475 0 0 5701 16487

0.510 13362 16544 5966 2638

0.529 0 0 388 118

0.540 5568 6041 77 48

0.580 0 291 2836 2640

0.606 0 0 2482 2317

0.625 0 0 1914 1859

0.644 0 0 448 171

0.659 1609 1189 131 454

0.677 553 433 321 89

0.717 1122 575 0 105

0.800 0 968 4087 3410

4.3.4 Analyses microscopiques et par énergie dispersive

La figure 4.6 montre les résultats d’une observation d’une particule de charbon activé

brut (S3) sous microscope électronique. Grossie 250 fois, l’image révèle les nombreuses

aspérités, cavités et interstices susceptibles de devenir des lieux de colonisation

bactérienne. On retrouve également le résultat de l’analyse par énergie dispersive associé

à cette image. Comme on peut s’y attendre, avec sa crête très prononcée sur le graphique,

le carbone est le principal élément chimique composant le charbon activé. La figure 4.7

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72

pour sa part montre une image d’une colonie bactérienne détectée sur du charbon activé

d’une biopile mature. On y distingue nettement des bactéries cylindriques d’environ 1 µm

de diamètre par 2 µm de long agglutinées les unes aux autres. L’analyse par énergie

dispersive de ce biofilm révèle un détail particulier. Outre la crête de phosphore qui peut

être associée à la matière constitutive des êtres vivants, on retrouve un signal très fort

pour le soufre. Ceci indique que la colonie s’est développée sur une accumulation de

soufre élémentaire et que cet élément est essentiel à leur survie. Il s’agit ici d’une

observation importante car elle indique probablement que le soufre est impliqué dans les

mécanismes de transfert des électrons dans une biopile fonctionnant au lisier de porc.

Figure 4.6 Vue microscopique du charbon activé brut et de son analyse par énergie dispersive.

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73

Figure 4.7 Vue microscopique de la flore bactérienne observée sur du charbon activé d’une

biopile mature et de son analyse par énergie dispersive.

4.3.5 Confirmation de la teneur en soufre du charbon activé

Pour confirmer l’observation énoncée ci-haut, une analyse du contenu en soufre a été

effectuée sur du charbon activé brut et sur trois échantillons prélevés à l’intérieur d’une

biopile mature, c’est-à-dire lorsque la tension d’opération maximale est atteinte et

constante. Le tableau 4-3 présente les résultats obtenus de ces quatre échantillons de

charbon activé. On peut y voir que le charbon activé ayant séjourné dans une biopile

mature contient de trois à cinq fois plus de soufre que le charbon activé à l’état brut et

neuf. Ceci confirme donc le fait qu’une accumulation de soufre s’effectue dans les

biopiles au fil du temps et qu’une flore bactérienne spécifique pourrait se développer sur

ces dépôts.

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74

Tableau 4-3 Concentration en soufre d’échantillons de charbon activé prélevés dans une

biopile mature.

Nom de

l’échantillon

Concentration S

dans le charbon activé

mg S/mg de charbon

Charbon activé brut 0,0015

Charbon activé No. 1

prélevé dans une

biopile mature

0,0049

Charbon activé No. 2

prélevé dans une

biopile mature

0,0060

Charbon activé No. 3

prélevé dans une

biopile mature

0,0084

4.4 Analyses des résultats

La présence du soufre n’est pas étrangère aux déjections fraîches du porc puisque son

contenu est évalué a environ 400 ppm sur une base humide (ASAE, 2005). Ce qui semble

particulier aux biopiles à l’égard de cet élément chimique, c’est sa contribution à

favoriser l’émergence d’une activité électrique à un niveau microbien. D'une part, des

analyses chimiques effectuées sur des échantillons de charbon activé d’une biopile

mature montrent une accumulation de soufre par rapport à des échantillons à l’état neuf.

D’autre part, les analyses microbiologiques indiquent une forte présence de bactéries du

genre Desulfuromonas dans le charbon activé d’une biopile mature. Ces dernières sont

des bactéries caractérisées par un métabolisme utilisant l’acétate comme source d’énergie

et le soufre comme accepteur d’électrons (Euzéby, 2010). Ces bactéries sont uniquement

détectées dans le charbon activé d’une biopile mature mais jamais dans le lisier brut ou le

lisier circulant. La capacité à démarrer une biopile neuve avec du lisier frais démontre

aussi que ces bactéries existent à l’état latent dans le lisier et qu’elles attendent que les

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conditions idéales apparaissent pour sortir de cet état. Ces conditions semblent leur être

fournies par les biopiles. Il est à noter que les bactéries du genre Desulfuromonas ont déjà

fait l’objet d’observations par d’autres chercheurs en tant que microbes producteurs

d’énergie dans des biopiles (Bond et al., 2002; Holmes et al., 2004; Reimers et al., 2007;

Tenders et al., 2002). Néanmoins ces observations ont été faites dans un tout autre

contexte que celle du lisier de porc. En effet, l’inoculum de ces biopiles provenait de

sédiments de fond marin.

À partir de ces observations, un mécanisme probable de transfert des électrons propre aux

biopiles au lisier peut être proposé. Selon cette hypothèse, les réactions 4.1 et 4.2 qui

suivent décriraient les demi-réactions impliquées au niveau bactérien. L’acétate, donneur

d’électrons, serait dégradé en CO2 et 8 électrons seraient libérés pour chaque molécule

dégradée par la bactérie. Ceux-ci finaliseraient leur course hors de la membrane cellulaire

en réduisant une molécule de soufre élémentaire qui, associée à des protons, formeraient

du sulfure d’hydrogène. Celui-ci deviendrait l’intermédiaire redox et transiterait vers

l’anode. À l’anode (réaction 4.3), le H2S serait oxydé, libérant les protons tout en

régénérant le S élémentaire. Sous cette forme, cet élément serait véhiculé par le lisier

circulant et pourra à nouveau se fixer dans le charbon activé pour recommencer un

nouveau cycle. À la cathode (réaction 4.4), la réaction conventionnelle impliquant la

fusion de molécules d’oxygène réduites à des protons aurait lieu pour former de l’eau.

Fait important à signaler pour conforter la théorie du cycle du soufre comme mécanisme

de transfert des électrons, des mesures de potentiel de la demi-pile côté anode avec une

sonde de référence Ag/AgCl indiquent que la négativité de cette électrode évolue vers

une valeur d’environ -430 mV (Ag/AgCl), ce qui, rapporté sur la base d’une sonde de

référence standard à l’hydrogène, donne environ -230 mV. Cette valeur coïncide avec

celle indiquée à la réaction 4.2. Finalement, on peut calculer une différence de potentiel

d’environ 0,057 V entre les demi-réactions 4.1 et 4.2. En utilisant l’équation 1.1, on peut

estimer que le gain énergétique est d’environ 43 kJ mole-1

pour la bactérie. Ceci lui

permet de fabriquer un peu plus d’un ATP (33,5 kJ mole-1

), ce qui démontre la frugalité

énergétique du genre Desulfuromonas, confirmant du même coup la théorie voulant que

le fonctionnement des biopiles soit redevable à des bactéries peu énergivores.

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76

Mécanisme de transfert des électrons probable dans une biopile au lisier

de porc

Au niveau des bactéries sulforéductrices

CH3COO- + 3H2O CO2

+HCO3

- +8 H

+ +

8 e

- ΔV = 0,287 V (4.1)

(Tchobanoglous et al., 2003)

4 S0+ 8H

+

+ 8 e

- 4 H2S ΔV = -0,23 V (4.2)

(Miles, 2003)

Au niveau de l’anode

4 H2S 4 S0+ 8H

+ + 8 e

- ΔV = 0,23 V (4.3)

(Miles, 2003)

Au niveau de la cathode

2 O2 + 8H+

+ 8 e

- 4 H2O ΔV = 0,82 V (4.4)

(Tchobanoglous et al., 2003)

Différence de potentiel totale entre l’anode et la cathode : ΔV = 1,05 V

4.5 Conclusion de la phase 3

Il est probable que dans les premières journées d’existence d’une biopile, le sulfure

d’hydrogène présent dans le lisier s’oxyde à l’anode, ce qui conduit à la formation de

soufre élémentaire. Ce soufre est relâché dans le lisier circulant de la biopile et vient se

fixer au charbon activé. Au fur et à mesure que les dépôts de soufre s’accumulent, les

bactéries du genre Desulfuromonas présentes en trace dans le lisier trouvent une niche et

commencent leur développement. Un cycle du soufre interne dans la biopile s’enclenche

alors entre les bactéries et l’anode. Durant ce cycle, le soufre alterne entre la forme S0 et

H2S (probablement aussi sous la forme HS-). Ce mécanisme explique pourquoi un

support bactérien comme le charbon activé est très favorable. D'une part, il fixe le soufre

en circulation et, d’autre part, grâce à sa très grande surface spécifique, il permet une

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77

production abondante de bactéries « électrophiles », ce qui favorise une importante sortie

de puissance électrique. À cause des potentiels d’oxydoréduction des espèces chimiques

impliquées dans les demi-réactions, la tension maximale théorique possible d’une biopile

au lisier utilisant l’oxygène comme oxydant à la cathode est de 1,05 volt.

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78

5. Phase 4. Création de biopiles performantes

5. 1. La cathode : Le défi technologique et commercial des biopiles

Les phases 1 à 2 ont démontré que la formation d’un consortium bactérien dans une

biopile alimentée au lisier est un événement scientifiquement répétable et que l’apport

d’un support bactérien adéquat et en quantité suffisante favorise la production d’énergie.

La troisième phase explique pour sa part les mécanismes de transfert des électrons entre

des bactéries sulforéductrices et l’anode, par la formation d’un cycle de soufre interne

aux biopiles. Pour obtenir des sorties de puissance intéressantes, il a fallu utiliser des

biopiles à compartiment double en séparant l’anode de la cathode par une membrane

échangeuse de cations. Durant les phases 2 et 3, de l’acide citrique a été utilisé comme

électrolyte dans le compartiment cathodique pour faciliter la réduction de l’oxygène. Pour

ajouter aux complications du projet, la cathode est non seulement devenue un enjeu

stratégique du point de vue technique, mais aussi un enjeu commercial à la suite de la

fermeture de la filiale ETEK de la compagnie BASF, principal manufacturier

d’électrodes pour les piles à combustible à membrane échangeuse de protons. Si en 2008

on pouvait acheter une cathode chargée de platine au prix de $ 1000 $ m-2

, il faut

actuellement débourser près de 5 000 $ m-2

auprès des nouveaux fournisseurs de ce

produit. Les phases 1 à 3 ont été réalisées en utilisant des cathodes ETEK, mais pour

espérer une application commerciale, il était impératif de trouver une alternative à

celles-ci

D’importants efforts ont donc été consacrés pour contrer ce problème économique en

développant nos propres cathodes afin d’en diminuer les coûts d’acquisition. Pendant une

longue période de ce projet, de nombreuses cathodes ont été fabriquées à partir de fibre

de carbone ou d’acier inoxydable comme matériel support de base. En suivant les grands

principes énoncés au paragraphe 1.4.1, des encres catalytiques à base de platine ou

d’argent ont été fabriquées et appliquées à différentes doses sur ces supports. De manière

générale, ces cathodes maisons ont été essayées sur la biopile à compartiment double

décrite à la phase 3, celle-ci ayant un format bien adapté pour tester rapidement de petites

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79

cathodes. Les résultats découlant de ces nombreux essais ne feront pas l’objet de

présentation dans ce document. Toutefois, trois constats importants émergent de ceux-ci.

Premièrement, les encres catalytiques de notre fabrication se sont avérées très friables et

inadéquates au fonctionnement prolongé d’une biopile car elles étaient sujettes à

l’effritement après un certain temps d’immersion dans l’acide citrique. Deuxièmement, le

platine demeure le catalyseur le plus performant et, pour l’instant, son emploi semble

incontournable pour obtenir des sorties de puissance intéressantes. Troisièmement,

l’emploi de l’acide citrique a fait surgir une difficulté inattendue en favorisant la

formation sur la cathode d’un champignon du genre Penicillium. En se développant, le

champignon inhibe significativement la puissance de la pile en consommant une partie

importante de l’oxygène disponible à la cathode. À partir de ces constats, nous avons

drastiquement changé notre approche pour la partie cathodique des biopiles. Dans un

premier temps, nous avons abandonné l’idée des encres catalytiques pour appliquer le

platine sur le matériel support en nous tournant vers les possibilités de la galvanoplastie.

En effet, parmi les techniques visant à réduire la concentration de platine, la méthode par

électrodéposition semble une des voies les plus prometteuses (Litster et McLean, 2004).

En utilisant cette technologie, une équipe de chercheurs a été en mesure de produire une

pile à combustible fonctionnelle utilisant une cathode ayant aussi peu que 0,0073

mg·cm-2

de platine (Litster et McLean, 2004). En gros, cette façon de faire permet de

déposer une quantité donnée de platine en passant un courant d’intensité connue dans une

électrode baignant dans une solution contenant du platine. En fournissant une électrode

plaquée avec du platine fortement lié au support, les problèmes associés à la dégradation

de la cathode par lessivage du platine devraient être éliminés.

Les cathodes exposées à l’air et réduisant l’oxygène qui s’y trouve sont un concept

intéressant d’un point de vue théorique et économique. Toutefois, les performances

observées durant les phases 1 à 3, en ce qui a trait au potentiel de la cathode en circuit

fermé, laissent penser que la réaction est lente et difficile, même avec de l’acide citrique,

en raison de la lente diffusion de l’oxygène dans l’électrolyte. De plus, la formation d’un

champignon sur la cathode en utilisant de l’acide citrique nous oblige à réviser notre

choix d’électrolyte dans la chambre cathodique. Pour ces raisons, il a été décidé de

délaisser l’acide citrique et d’utiliser le peroxyde d’hydrogène (H2O2) comme électrolyte.

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80

Communément appelé eau oxygénée, le H2O2 est un milieu oxydant puissant dont on peut

contrôler la concentration active par dilution dans de l’eau. La demi-réaction du peroxyde

d’hydrogène à la cathode est décrite par la réaction 5.1 (Girault, 2001).

H2O2 + 2H+ + 2 e

- 2 H2O ΔV = 1,76 V (5.1)

Comme le décrit la réaction 5.1, en présence d’hydrogène et d’électrons, le peroxyde

d’hydrogène produira une réaction spontanée avec un potentiel d’oxydoréduction plus

élevé que celui de la réduction de l’oxygène combiné à de l’hydrogène pour produire de

l’eau (réaction 1.3) et, tout comme cette dernière, la réaction 5.1 produit essentiellement

de l’eau, ce qui rend l’alternative tout à fait acceptable d’un point vue environnemental.

Autre avantage considérable, en n’ayant plus à exposer un des côtés de la cathode à l’air,

le montage en série de biopiles accolées les unes aux autres pour faire un empilement

(« stack » en anglais) en sera facilité. En contrepartie, l’électrolyte du compartiment

cathodique deviendra un consommable qu’il faudra suivre et régénérer au besoin. Pour

maximiser la conversion, le pH de cet électrolyte sera également contrôlé et ajusté au

besoin avec de l’acide sulfurique (H2SO4). Un pH de 2,5 s’étant avéré adéquat avec les

essais à l’acide citrique, cette valeur sera la cible à maintenir.

5. 2 Matériel et méthode de la phase 4.

5.2.1 Biopiles à compartiment double avec peroxyde d’hydrogène à la cathode

Dans cette ultime phase du projet, les acquis des phases 1 à 3 serviront de base pour la

construction des biopiles de dernière génération. Les grands principes suivants

gouverneront leur conception :

A) Les biopiles seront à compartiment double et devront avoir une charge minimale de

100 grammes de charbon activé (S3 de la phase 1) dans le compartiment anodique;

B) Un volume relativement important de lisier devra se trouver entre la membrane

échangeuse de cations et le charbon activé afin de protéger les bactéries contre une

éventuelle migration de peroxyde d’hydrogène dans le lisier;

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81

C) La chambre cathodique, qui contiendra le peroxyde d’hydrogène, sera aussi mince que

possible pour réduire la résistance interne de la pile;

D) Pour ces essais, les cathodes recevront une charge de platine relativement importante

pour être certain d’observer l’effet de ce catalyseur sur la demi-réaction à la cathode;

E) Une toile de fibre de verre sera installée entre la membrane échangeuse de cations et le

lisier afin d’éviter l’agglutination de particules et de créer une zone aérobie contrôlée;

F) Les biopiles devront présager les futures biopiles commerciales et présenter une

conception modulaire minimisant le nombre de pièces à concevoir.

La figure 5.1 montre une vue éclatée de la biopile issue de ces principes. Les

compartiments anodiques et cathodiques sont réalisés à partir d’anneaux de polyéthylène

d’une épaisseur de 9 mm avec des diamètres interne et externe de 150 mm et 200 mm

respectivement. Muni d’une entrée et d’une sortie montées en opposition, le

compartiment cathodique permet la recirculation du peroxyde d’hydrogène près de la

cathode. Entre les compartiments anodique et cathodique se trouvent une toile de fibre de

verre et une membrane échangeuse de cations (CMI-7000, Membranes International Inc.)

de 200 mm de diamètre. Le compartiment anodique est constitué de quatre anneaux. Les

anneaux 1 et 2 (figure 5.1), séparés par l’anode, contiendront le charbon activé. Par cet

agencement, la distance entre l’anode et le support bactérien est minimisée. La charge de

charbon activé est répartie également entre les deux anneaux (50 g par anneau). L’anode,

de 150 mm de diamètre, est construite à partir d’une grille en acier inoxydable (SS316,

Grillage Major Inc.) de 22 mailles cm-2

et d’une épaisseur de 0,6 mm. Les anneaux 3 et 4

ne sont destinés qu’à contenir du lisier. Ces anneaux deviennent la réserve principale en

lisier de la biopile et créent une zone tampon entre les bactéries et la chambre cathodique.

La recirculation du lisier est assurée par une pompe péristaltique et son passage dans la

biopile se fait de l’anneau 1 à l’anneau 4 du compartiment anodique. Une ouverture de

3 mm de diamètre est créée à travers l’épaisseur de l’anneau 4 pour permettre

l’évacuation des gaz de la chambre anodique. Cette ouverture est reliée à un tube en U

légèrement rempli d’eau pour éviter une introduction d’air dans la biopile. Une deuxième

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82

ouverture circulaire de 3 mm dans l’anneau 4, bouchée lorsqu’elle n’est pas utilisée,

permet l’insertion au besoin d’une sonde de référence Ag/Ag/Cl.

Figure 5.1 Vue éclatée montrant les principales composantes d’une biopile de

dernière génération.

5.2.2 Placage de platine sur la cathode par galvanoplastie

La toile de fond de la cathode est constituée par une grille en acier inoxydable de 961

mailles cm-2

(SS304, Grillage Major Inc.). La galvanoplastie a été effectuée en utilisant

un équipement spécialement conçu à cet effet (platinizing kit no. 3139, Yellow Springs

Instrument’s Co.) et qui permet de maintenir le courant désiré tout au long du placage. La

figure 5.2 montre cet appareil.

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83

Figure 5.2 Ensemble de placage.

Avant le placage, les grilles en acier inoxydable ont été immergées pendant trois heures

dans de l’hexane et trois autres heures dans une solution de peroxyde d’hydrogène (10 %)

pour enlever les graisses et les impuretés. La surface active d’une cathode étant de

354 cm2

(deux côtés), une solution de K2PtCl6 ou de H2PtCL6 contenant l’équivalent de

354 mg de platine est préparée pour chaque cathode afin d’assurer une charge de 1

mg·cm-2

de chaque côté de la cathode. La galvanoplastie permettant le dépôt de platine

s’effectue à partir d’une solution de PtCl6 selon les deux réactions décrites par les

relations 5.2 et 5.3 (Weast et Astle, 1980). Selon ces réactions, il faut prévoir le passage

de 4 moles d’électrons pour plaquer 1 mole de platine.

PtCl6-2

+ 2e-

PtCl4-2

+2 Cl- (5.2)

PtCl4-2

+ 2e-

Pt + 4 Cl

- (5.3)

Considérant qu’il faut 354 mg de platine par cathode, ceci se traduit par 0,0018 mole de

Pt à appliquer, soit 0,0072 mole d’électrons à faire circuler dans le montage pendant la

galvanoplastie. Le nombre de moles d’électrons s’évalue à partir de la relation 5.4.

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84

F

ITM (5.4)

où :

M= nombre de moles d’électrons déplacées pendant la galvanoplastie;

I = courant (A);

T = temps (s);

F = constante de Faraday.

En utilisant l’appareil de galvanoplastie, on peut mesurer le courant et maintenir celui-ci le temps

nécessaire pour satisfaire l’équation 5.4, sachant que M est égal à 0,0073 mole. Ce temps est

variable selon la conductivité de la solution et chaque placage de cathode a fait l’objet

d’ajustement dans le temps selon le courant appliqué. Afin d’éviter la formation de bulles

d’hydrogène sur la cathode pouvant entraîner des imperfections dans les zones de dépôt, la tension

de placage a été maintenue sous la valeur de 900 mV, ce qui crée une limite sur le courant

électrique que l’on peut appliquer. Un multimètre branché aux bornes de l’outil de placage est

utilisé à cette fin. La figure 5.3 illustre un résultat type de placage de cathode.

Figure 5.3 Aperçu des cathodes avant a) et après b) placage de platine.

a) b)

a)

b)

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85

5.2.3 Fonctionnement des biopiles

Après quelques essais de rodage avec une biopile de dernière génération, quatre biopiles

identiques ont été construites afin de vérifier que les résultats soient reproductibles. Trois

biopiles contenaient 100 g de charbon activé vierge (S3 de la phase 1) réparti également

de chaque côté de l’anode. La quatrième contenait 50 g de charbon activé provenant

d’une biopile antérieure et 50 g de charbon vierge afin de vérifier l’hypothèse qu’une

inoculation préalable des biopiles accélérerait le temps de démarrage. Comme décrit à la

section 2.2.6, les tensions en circuit ouvert et fermé avec une résistance de 100 ohms ont

été enregistrées à l’aide d’un système d’acquisition de données. Le potentiel d’une demi-

pile est donné dans ce texte par rapport à une sonde de référence Ag/AgCl, soit déphasé

de -205 mV par rapport à une sonde de référence à l’hydrogène.

5.2.4 Fraction liquide utilisée comme lisier

Pour la phase 4, afin de se rapprocher des conditions réelles d’opération des biopiles, le

lisier utilisé pour les alimenter est la fraction liquide d’un lisier brut séparé par un

séparateur décanteur-centrifuge industriel situé sur une ferme de porcs à l’engraissement.

Le lisier provient de la pré-fosse (lisier frais) et la fraction liquide recueillie au séparateur

a été réfrigérée pendant son entreposage.

5.2.5 Détermination de la DBO5 et de la DCO

La détermination de la matière organique oxydable par les bactéries (DBO5) se base sur

la méthode 5210 tirée de Standard Methods for the examination of water and wastewater

(Eaton et al., 2005). Dans cette méthode, un échantillon de lisier est dilué dans de l’eau

stérilisée puis incubé avec un consortium bactérien commercial (Polyseed). La teneur en

oxygène dissous est mesurée en début d’analyse avec un oxymètre et l’échantillon est

incubé pendant cinq jours à 20 C. La teneur finale en oxygène est mesurée et la

consommation en oxygène est alors calculée.

La détermination de la matière organique oxydable par voie chimique (DCO) est mesurée

selon la méthode MA.315-DCO (CEAEQ, 2006). Cette méthode consiste à mesurer la

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86

concentration de dichromate de potassium qui est consommée lors de l’oxydation de la

matière organique présente dans l’échantillon en milieu acide. Le dichromate de

potassium est réduit en chromate de potassium provoquant ainsi un changement de

couleur qui est mesuré par colorimétrie.

5.2.6 Concentration de peroxyde d’hydrogène

La concentration en peroxyde d’hydrogène de l’électrolyte du compartiment cathodique

est estimée par colorimétrie en utilisant des bandelettes commerciales (Merck-Chemicals,

110011 Peroxide test) dont la lecture permet d’estimer les teneurs d’une solution de

H2O2 entre 0 et 25 ppm.

5.2.7 Évolution des odeurs

Afin de vérifier l’effet des biopiles sur le dégagement d’odeur, les seuils de détection

d’odeur dégagée par les fractions liquides brutes et traitées par les biopiles ont été évalués

par la méthode E-691-91 de l’ASTM (1991). Par une série de dilution d’un échantillon et

par un processus normalisé de présentation, cette méthode permet à des panélistes de

comparer entre eux différents traitements et de donner une échelle relative de détection

d’odeur. Dix panélistes ont participé à chaque essai d’olfactométrie et un seuil de

détection de groupe a été déterminé.

5.3 Résultats

5.3.1 Réalisation des biopiles de dernière génération

Les figures 5.4 et 5.5 présentent le montage réalisé. À la figure 5.4, on peut observer une

biopile type avec ses deux conduits permettant la recirculation du lisier (tube en noir) et

du peroxyde d’hydrogène en solution aqueuse (tube translucide). Entre ces conduits, on

peut voir un tube plus mince permettant l’évacuation des gaz du compartiment anodique.

La figure 5.5, pour sa part, présente le montage final des quatre biopiles sur leur banc

d’essai. Les 4 biopiles ont une pompe péristaltique et une tubulure indépendantes pour

effectuer la recirculation du lisier. Elles partagent toutefois la même pompe péristaltique

pour la recirculation du peroxyde d’hydrogène. Le circuit de ce liquide est fermé et

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87

comprend un réservoir tampon de 18 litres de capacité. Monté en série d’une pile à

l’autre, le circuit prend sa source dans le réservoir, traverse les quatre biopiles (de la

biopile 1 à la biopile 4) et se termine au réservoir. La concentration en peroxyde

d’hydrogène et le pH de la solution sont vérifiés régulièrement au réservoir.

Figure 5.4 Montage d’une biopile de dernière génération.

Figure 5.5 Montage final des 4 biopiles sur le banc d’essai.

5.3.2 Période d’acclimatation

Une période d’acclimatation et de développement du consortium bactérien s’est déroulée

du 20 juillet au 11 août 2010. La durée de la période d’acclimatation a été gouvernée par

l’évolution du pH du lisier circulant dans les biopiles, celui-ci passant d’une valeur de

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88

7,2 à 6,6 pendant cet intervalle. Pendant cette période, le pH de la solution oxydante du

compartiment cathodique est maintenu près de 2,5 alors que la concentration de peroxyde

d’hydrogène est passée d’une valeur initiale de 0,003 M à la valeur maximale permise de

0,018 M. Cette valeur maximale avait été fixée à la suite d’essais d’étalonnage du

potentiel de la cathode pendant le rodage. La figure 5.6 présente les résultats de ces essais

et illustre la valeur du potentiel de la cathode au fur et à mesure que le pH de la solution

du compartiment cathodique est modifié en présence ou non de H2O2. On note que le

potentiel maximal de la cathode est atteint alors que le pH de la solution est près de 2,5 et

que la concentration en H2O2 est égale ou supérieure à 0,018 M.

-100

0

100

200

300

400

500

600

0 1 2 3 4 5 6 7 8

pH

Po

ten

tiel

de

la

ca

tho

de v

s A

g/A

gC

l (m

V)

Sans H2O2

Avec H2O2

(0,024 M)

(0,018 M)

(0,012 M)

(0,008 M)

(Concentration de H2O2)

Figure 5.6 Essais d’étalonnage du potentiel de la cathode.

La figure 5.7 montre l’évolution des tensions en circuit fermé pendant la période

d’acclimatation. On peut observer que les biopiles 1 à 3 prennent environ 10 jours pour

développer leur potentiel alors que la biopile 4, qui contenait le charbon activé inoculé,

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89

démarre très rapidement et est à son plein potentiel six jours après le début de

l’expérimentation. Ce comportement particulier de la biopile 4 est corroboré par le

potentiel de l’anode avec une sonde Ag/AgCl. La figure 5.8 montre le potentiel de

l’anode des 4 biopiles pendant la phase d’acclimatation.

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1000

20-juil 24-juil 28-juil 01-août 05-août 09-août 13-août

Ten

sio

ns

circ

uit

fer

(mV

)

pile 1

pile 2

pile 3

pile 4

Figure 5.7 Tensions moyennes en circuit fermé des 4 biopiles du 20 juillet au 11 août

2010.

-500

-400

-300

-200

-100

0

100

200

20-juil 24-juil 28-juil 01-août 05-août 09-août

Po

ten

tiel

des a

no

des s

elo

n r

ef.

Ag

/Ag

Cl

(mV

) pile 1

pile 2

pile 3

pile 4

Figure 5.8 Potentiel en circuit fermé des anodes des biopiles pendant la phase

d’acclimatation.

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90

Dès le départ, on observe que le potentiel de l’anode de la biopile 4 est négatif avec une

valeur de -150 mV pour atteindre une valeur près de -400 mV, trois jours après le début

de l’expérimentation. Pour leur part, les biopiles 1 à 3 ont un potentiel positif dans les

premiers jours de leur existence et prennent de 8 à 10 jours pour atteindre une valeur de

-400 mV. Néanmoins, après 13 jours d’existence, toutes les biopiles ont développé le

même potentiel à l’anode, soit une valeur près de -430 mV. Toutes les biopiles

manifestent une remontée de leur potentiel vers une valeur de -350 mV dans les derniers

jours de la phase d’acclimatation.

Cette phase d’acclimatation, qui a duré 21 jours, a dégagé une quantité non négligeable

d’énergie électrique. La figure 5.9 montre la production d’énergie cumulée au fil des

jours. La production d’énergie journalière est calculée en multipliant la puissance de

sortie (W ou J·s-1

) moyenne par jour d’une biopile par le nombre de secondes par jour

(86 400 s·j-1

). On observe qu’à la fin de la période d’acclimatation, les biopiles ont

dégagé entre 6 500 et 7 100 joules.

0

1000

2000

3000

4000

5000

6000

7000

8000

20-juil 24-juil 28-juil 01-août 05-août 09-août

Pro

du

cti

on

cu

mu

lée

d'é

ne

rgie

(J

)

pile 1

pile 2

pile 3

pile 4

Figure 5.9 Production d’énergie pendant la phase d’acclimatation des biopiles 1 à 4.

La figure 5.10 donne un aperçu des performances électriques des biopiles une fois

arrivées à la fin de la période d’acclimatation en utilisant les résultats de la biopile 2, le 3

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91

août 2010. Cette figure expose les courbes des tensions et densités de puissance en

fonction des densités de courant obtenues ce jour-là. On y observe que la densité de

puissance maximale se situe près de 1 400 mW·m-2

et que cette valeur s’obtient à une

tension d’environ 500 mV, pour une densité de courant de 3000 mA·m-2

.

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1000

0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000

Densité de courant (mA m-2 )

Te

ns

ion

(m

V)

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

De

ns

ité

de

pu

iss

an

ce

(m

W m

-2)

Tension

Densité de puissance

Figure 5.10 Courbes de performances électriques de la biopile 2, le 3 août 2010.

5.3.3 Performances des biopiles après l’acclimatation des bactéries

Comme on peut l’observer à la figure 5.7, les tensions obtenues en circuit fermé avec la

biopile 4 sont inférieures à celles obtenues par les trois autres piles à la fin de la période

d’acclimatation. Toutefois, comme le montre la figure 5.8, les valeurs de potentiel de

l’anode des 4 biopiles sont équivalentes à cette même période. De toute évidence, la

cathode de la biopile 4 n’était pas aussi performante que les autres; cette électrode a donc

été changée le 11 août 2010 avant de poursuivre les essais sur les biopiles. À la même

date, le lisier traité a été changé par du lisier frais dans toutes les piles. Le traitement de

ce nouveau lisier s’est déroulé du 11 au 17 août 2010. La durée de ce traitement a été

gouvernée par l’évolution du pH du lisier circulant dans les biopiles, celui-ci passant

d’une valeur de 7,2 à 6,4 pendant cet intervalle.

La figure 5.11 montre l’évolution de la tension en circuit fermé des quatre biopiles, du 11

au 17 août 2010. On remarque un net changement dans le comportement de la biopile 4 à

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92

la suite du changement de la cathode et du lisier. Cette biopile maintient une tension près

de 900 mV au cours de la période d’évaluation. Les autres biopiles performent également

très bien en maintenant une tension moyenne près de 850 mV.

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1000

11-août 13-août 15-août 17-août

Ten

sio

ns c

ircu

it f

erm

é (

mV

)

pile 1

pile 2

pile 3

pile 4

Figure 5.11 Tensions moyennes en circuit fermé des 4 biopiles du 11 au 17 août

2010.

L’évolution du potentiel des anodes au cours de la même période est présentée à la figure

5.12. On remarque que ce potentiel diminue pour toutes les biopiles après le changement

de lisier pour atteindre une valeur égale ou inférieure à -400 mV. Au fur et à mesure que

le traitement se prolonge, le potentiel pourra avoir une tendance à augmenter. Ceci est

particulièrement vrai pour les biopiles 1 et 2, mais moins évident pour les biopiles 3 et 4.

Cette modification du potentiel de l’anode en cours de traitement est un indicateur

important de l’état de fonctionnement d’une biopile. Une valeur égale ou supérieure à

-300 mV peut indiquer que la solution s’épuise en donneur d’électrons ou qu’une

condition environnementale (comme le pH) est défavorable et que le consortium

bactérien réagit à cette condition. Il est donc important de suivre ce paramètre pour

optimiser le temps de séjour du lisier et pour protéger la flore bactérienne.

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93

-500

-450

-400

-350

-300

-250

-200

-150

-100

-50

0

11-août-10 13-août-10 15-août-10 17-août-10

Po

ten

tiel

de l

'an

od

e s

elo

n r

ef.

Ag

/Ag

Cl

(mV

)

anode pile 1

anode pile 2

anode pile 3

anode pile 4

Figure 5.12 Potentiel en circuit fermé des anodes des biopiles du 11 au 17 août 2010.

Le potentiel des cathodes au cours de la période du 11 au 17 août est montré à la figure

5.13. Dans un premier temps, on constate que les quatre cathodes évoluent dans les

mêmes horizons de potentiel tout au long de la période observée. Elles oscillent autour

d’une valeur moyenne de 450 mV et fluctuent selon le potentiel de l’anode. Plus la valeur

de l’anode est négative, moins celle de la cathode est positive.

Similairement à la figure 5.9, la figure 5.14 montre l’énergie dégagée par les biopiles

pendant la période d’observation. D’une période de six jours, ce traitement a permis de

dégager entre 3 000 et 3 600 joules.

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94

0

100

200

300

400

500

600

11-août 13-août 15-août 17-août

Po

ten

tiel

de l

a c

ath

od

e s

elo

n r

ef.

Ag

/Ag

Cl

(mV

)

cathode pile 1

cathode pile 2

cathode pile 3

cathode pile 4

Figure 5.13 Potentiel en circuit fermé des cathodes des biopiles du 11 au 17 août

2010.

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

4000

11-août 13-août 15-août 17-août

Pro

du

cti

on

cu

mu

lée d

'én

erg

ie (

J)

pile 1

pile 2

pile 3

pile 4

Figure 5.14 Production d’énergie du 11 au 17 août 2010 par les biopiles 1 à 4.

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95

La figure 5.15 présente les courbes de performance électrique de la biopile 2, le 12 août

2010. Les biopiles présentaient alors de grandes similitudes dans leur comportement et

elles étaient au faîte de leur production électrique. À la lumière de ce graphique, on

constate une sortie de puissance maximale de 3 700 mW·m-2

. Pour cette condition, la

tension est près de 500 mV et la densité de courant près de 7 400 mA·m-2

. Il est

intéressant de noter que la biopile 4 s’est révélée très stable au cours de cette période et

qu’elle a fourni une performance des plus prometteuses. La figure 5.16 présente les

performances électriques de cette biopile, pour le 17 août 2010. On y note une sortie de

puissance de 5 200 mW·m-2

. Au même moment, la tension est près de 450 mV et la

densité de courant près de 11 000 mA·m-2

.

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1000

0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000 16000 18000

Densité de courant (mA m-2 )

Te

ns

ion

(m

V)

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

4000

De

ns

ité

de

pu

iss

an

ce

(m

W m

-2)

Tension

Densité de puissance

Figure 5.15 Courbes de performances électriques de la biopile 2 le 12 août 2010.

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96

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1000

0 5000 10000 15000 20000 25000

Densité de courant(mA m-2 )

Te

ns

ion

(m

V)

0

1000

2000

3000

4000

5000

6000

Den

sit

é d

e p

uis

an

ce (

mW

m-2

)

Tension

Densité de puissance

Figure 5.16 Courbes de performances électriques de la biopile 4 le 17 août 2010.

5.3.4 Abattement de la DBO5 et de la DCO

Le tableau 5-1 présente les résultats d’analyse de la DBO5 et de la DCO pour les essais

effectués dans les biopiles 1 à 4 du 20 juillet au 17 août 2010. Pour les 2 essais réalisés

pendant cette période, un échantillon de lisier brut prélevé (FL) au début de chaque essai

est comparé avec le lisier circulant à la fin du traitement. L’abattement de la DBO5 a été

en moyenne de 80,6 %, pour l’essai du 20 juillet au 11 août, et de 66,1 % pour l’essai du

11 au 17 août. Similairement, l’abattement de la DCO a été respectivement de 71,4 et de

56,8 %.

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97

Tableau 5-1 Abattement de la DBO5 et de la DCO.

du 20 juillet au 11 août

DBO5 DCO abattement DBO5 abattement DCO

mg/l mg/l % %

FL 42000 93500 0,0 0,0

P1 7700 23000 81,7 75,4

P2 6900 32000 83,6 65,8

P3 5000 18000 88,1 80,7

P4 13000 34000 69,0 63,6

moyenne 80,6 71,4

du 11 au 17 août

FL 42000 147000 0,0 0,0

P1 14000 63000 66,7 57,1

P2 15000 65000 64,3 55,8

P3 10000 48000 76,2 67,3

P4 18000 78000 57,1 46,9

moyenne 66,1 56,8

5.3.5 Calcul du rendement de Coulomb

En utilisant les équations 1.2 à 1.6, le rendement de Coulomb des biopiles 1 à 4 ayant

fonctionné du 11 au 17 août 2010 a été calculé. Les données du tableau 5-1 permettent

d’évaluer l’abattement de la DCO alors que l’information fournie par la figure 5.11

permet d’estimer la quantité de charges élémentaires ayant transité dans le circuit

électrique. Le tableau 5-2 présente le résultat de ces calculs. On note que le rendement de

Coulomb varie de 1,6 à 2,3 %.

Tableau 5-2 Rendement de Coulomb des piles 1 à 4 du 11 au 17 août 2010.

Pile

no.

DCO

consommée

Qi Courant

moyen

temps Q0 Rendement de

Coulomb

g O2 C mA s C %

1 21 253 286 7,9 518 400 4095 1,6

2 20,5 247 256 8,3 518 400 4303 1,7

3 22,5 271 378 8,3 518 400 4303 1,6

4 17,2 207 453 9,1 518 400 4717 2,3

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98

5.3.6 Abattement des odeurs

Des échantillons du lisier circulant provenant des biopiles 1 à 3 à la fin des essais qui se

sont déroulés du 20 juillet au 11 août 2010 ont été prélevés et congelés pour l’évaluation

de leur niveau d’odeur. Un échantillon de lisier brut a aussi été congelé au même

moment. Lorsque le groupe de panélistes a été complété, les échantillons ont été

décongelés la veille de l’évaluation et les différentes dilutions ont été préparées le matin

même des essais d’olfactométrie. Le tableau 5-2 présente les résultats de l’essai effectué

pour évaluer le seuil de détection d’odeur du lisier brut. Dans cet essai, six niveaux de

dilution variant de 6 250 à 200 000 ont été utilisés, ceux-ci progressant selon un facteur

constant de deux. La méthode prévoit que la note associée à un panéliste, donc son seuil

de détection, est la moyenne géométrique entre la valeur de dilution où s’est produite le

dernier échec (0) et la valeur de dilution suivante désignée par un (+). La moyenne

géométrique est dans ce cas la racine carrée du produit de ces deux valeurs. À titre

d’exemple, le seuil de détection du panéliste nº 7 est la racine carrée du produit entre 200

000 et 100 000, soit 141 421. Pour le cas des panélistes nº 1, 2, 3, 4 et 10, il faut supposer

qu’ils auraient échoué à la dilution après celle de 400 000, ce qui permet d’établir leur

seuil à 282 842 (soit la racine carrée du produit de 400 000 et 200 000). Le seuil de

détection du groupe est la moyenne géométrique des seuils de détection des différents

panélistes. Dans cet essai, il s’agit de la racine dixième du produit des différents résultats

individuels. On peut également calculer le seuil de détection du groupe selon la méthode

exposée au tableau 5-3. La valeur du seuil de détection du groupe a été retenue pour

caractériser l’évolution des odeurs selon un traitement donné.

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99

Tableau 5-3 Évaluation du seuil de détection d’odeur pour le lisier brut.

panélistes

log10 de

la valeur

1:200 000 1:100 000 1:50 000 1:25 000 1:12 500 1:6 250

1 2 3 4 5 6

1 + + + + + + 282842 5,45

2 + + + + + + 282842 5,45

3 + + + + + + 282842 5,45

4 + + + + + + 282842 5,45

5 + + + + + + 282842 5,45

6 + + + + + + 282842 5,45

7 0 + + + + + 141421 5,15

8 0 0 0 0 0 + 8838 3,95

9 0 0 + + + + 70710 4,85

10 + + + + + + 282842 5,45

∑log 10 52,11

∑log 10/n = Z 4,7370142

10Z

158 489seuil du groupe

valeur

Facteur de dilution

Le tableau 5-4 présente les résultats des différents essais d’olfactométrie. On note que le

lisier brut est de 3 à 16 fois plus odorant qu’un lisier traité dans une biopile, pour une

valeur moyenne de près de huit fois.

Tableau 5-4 Résultats des essais d’olfactométrie pour les biopiles 1 à 3.

lisier

brut

biopile

1

biopile

2

biopile

3

seuil de détection du

groupe 158 489 10 000 27 500 55 000

niveau de réduction 0 16 6 3

5.3.7 Analyses microbiologiques des agents pathogènes

Pour vérifier l’effet des biopiles sur le contenu en coliformes fécaux et des bactéries

E.Coli sur le lisier traité, des échantillons de lisier circulant à la fin d’un cycle de

traitement ont été prélevés. Le tableau 5-5 montre les résultats d’analyse comparés à ceux

obtenus avec du lisier brut. Ces résultats montrent des populations bactériennes de 10 à

100 fois plus nombreuses dans un lisier brut que dans un lisier traité. Le tableau 5-5

montre également les résultats d’analyse pour ces agents pathogènes faits sur des

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100

échantillons de charbon activé récoltés dans les biopiles 3 et 4 après traitement du lisier.

On constate aussi que le niveau de bactéries E.Coli et des coliformes fécaux est assez bas,

ce qui confirme que ces microbes se développent très peu dans le support bactérien des

biopiles.

Tableau 5-5 Résultats des analyses microbiologiques des lisiers brut et circulant.

E. Coli

Coliformes

fécaux

NPP1 g

-1 mL

-1 NPP

1 g

-1 mL

-1

Lisier brut 2400 3000

Lisier circ. biopile 1 110 300

Lisier circ. biopile 2 1300 1300

Lisier circ. biopile 3 23 30

Lisier circ. biopile 4 23 240

Char bon biopile 3 23 240

Charbon biopile 4 27 130 1

NPP : Nombre le plus probable

5.4 Analyse des résultats

La création de 4 biopiles distinctes dont les valeurs en circuit ouvert et fermé sont très

près les unes des autres montre que la technique de montage utilisée produit des résultats

répétables. Ce montage pourra permettre d’optimiser les composantes des biopiles

puisque l’on pourra intervenir sur un seul paramètre à la fois et observer les changements

par rapport à des biopiles témoins dont le comportement sera connu.

Ces quatre biopiles ont produit des performances intéressantes. Comparées avec les

meilleures biopiles de la phase 2, elles ont des sorties de puissance électrique quatre fois

supérieures avec une charge équivalente en charbon activé. Ce gain est, notamment, la

conséquence de l’emploi du peroxyde d’hydrogène en lieu et place de l’acide citrique

dans le compartiment cathodique. Comme en témoigne la figure 5.13, le potentiel de la

cathode en circuit fermé est élevé et relativement stable, ce qui est un pré-requis pour

obtenir des sorties de puissance importantes des biopiles. Face à une cathode plus

performante que dans les montages précédents, les bactéries ont maintenu une activité

métabolique importante qui est attestée par un potentiel négatif de l’anode évoluant entre

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101

-300 mV et -400 mV en circuit fermé. Dans le montage réalisé, des conditions d’équilibre

semblent avoir été atteintes entre le potentiel de l’anode et de la cathode. La biopile 4,

avec une sortie de puissance de 5 200 mW·m-2

le 17 août 2010, démontre le potentiel de

ce nouvel équilibre entre les parties microbienne et électrochimique des piles. La charge

de charbon activé de chacune des piles était de 100 g alors que la surface de la cathode

était de 176 cm2. Conséquemment, en première approximation pour la mise à l’échelle de

futures biopiles, le rapport entre la charge de charbon activé et la surface de la cathode

devrait être égal ou supérieur à 0,6 gcharbon cm-2

cathode .

Le placage de platine par galvanoplastie sur une toile d’acier inoxydable semble une voie

prometteuse pour la création de cathodes pour les biopiles. Il produit un recouvrement

durable et tenace, insensible à son environnement aqueux. Au démontage des biopiles,

aucune trace d’usure n’est apparente et les cathodes pourraient probablement être

recyclées dans de nouvelles biopiles. L’actuel coût de fabrication des cathodes en acier

inoxydable plaquées de 1 mg·cm-2

de platine sur un côté est estimé à 1 250 $·m-2

. Ceci

est nettement moindre que les 5 000 $·m-2

actuellement exigés pour l’achat de cathodes

commerciales. De plus, il reste une grande place pour optimiser la charge de platine sur la

toile d’acier inoxydable, ce qui permettrait une réduction significative des coûts de

fabrication.

Pour protéger la flore bactérienne dans les biopiles, le traitement effectué entre le 11 et le

17 août 2010 a été arrêté suite à l’acidification du lisier dans la chambre anodique, ce qui

réduit l’efficacité de traitement du lisier. Compte tenu que la membrane échangeuse de

cations constitue la principale interface entre le lisier et le liquide oxydant du

compartiment cathodique, des travaux visant l’essai de nouvelles membranes pourraient

s’avérer fructueux pour résoudre cette problématique.

Avec les résultats obtenus pour l’abattement de la DBO5 et de la DCO, le potentiel des

biopiles comme unité de traitement du lisier est très intéressant. Alors qu’on observe une

réduction de près de 35 % de DCO après 10 jours de traitement dans un digesteur

anaérobie conventionnel (Coudure et Castaing, 1997), les biopiles ont effectué un

abattement moyen d’environ 57 % après 6 jours de traitement. De plus, la réduction des

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102

odeurs du lisier après traitement est appréciable. Il a fallu diluer en moyenne 8 fois plus

le lisier brut que le lisier traité pour établir son seuil de détectabilité. C’est donc dire

qu’un lisier traité épandu aux champs sera beaucoup moins odorant et dérangeant pour la

population environnante. De même, le lisier semble s’assainir lors de son passage dans

une biopile, comme en témoigne le tableau 5-5. Règle générale, pour d’autres systèmes

de traitement des eaux, il faut chauffer ou utiliser des techniques de désinfection (par

exemple : passage devant des rayons ultra-violets) pour obtenir un abattement significatif

des agents pathogènes.

Le tableau 5-6 résume les performances électriques des biopiles du 11 au 17 août 2010.

Les valeurs maximales instantanées (aux meilleures conditions d’opération observées) et

en régime continu d’opération sont indiquées. Les sorties de puissance sont exprimées sur

une base absolue (mW) ou sur une base comparative par rapport à la section de la cathode

(densité de puissance) ou au volume interne (0,00064 m3) du compartiment anodique

(puissance volumique).

Tableau 5-6 Performances électriques des biopiles du 11 au 17 août 2010.

Pile

no.

État de la

sortie de

puissance

Tension Coura

nt

Puissance Densité de

puissance*

Puissance

volumique**

mV mA mW mW·m-2 W·m-3

1 à 3 Maximale

instantané

470 140 66 3739 103

4 Maximale

instantané

470 190 89 5068 139

1 à 4 Maximale

en régime

continu

450 90 40 2300 62

* Puissance par rapport à la section de la cathode

** Puissance par rapport au volume intérieur du compartiment anodique.

Dans une récente revue de littérature, Fornero et al. (2010) ont répertorié différents

résultats de biopiles ayant fonctionné avec des cultures mixtes bactériennes tout en

mettant l’accent sur celles ayant utilisé comme carburant des eaux usées de sources

municipale, agricole ou issues de la transformation alimentaire. Le tableau 5-7 résume les

résultats de cette investigation et les données relatives aux biopiles ayant spécifiquement

fonctionné avec des eaux usées sont mises en caractère gras. Comme la manière de

calculer la densité de puissance n’est pas uniforme d’un article scientifique à l’autre,

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103

puisque l’élément pris comme surface de référence peut varier, il peut être trompeur

d’utiliser cette unité de mesure pour comparer des biopiles de différents auteurs.

Tableau 5-7 Performances de différentes biopiles (Fornero et al., 2010)

C’est d’ailleurs pour cette raison que la notion de puissance volumique à émergé au fil du

temps. En se référant uniquement à ce paramètre, on note que les résultats du tableau 5-7

ont varié de 5 à 48 W·m-3

et que les valeurs maximales ont été atteintes avec des biopiles

utilisant un substrat pur comme carburant (acétate, glucose). Avec une puissance

volumique de 25 W·m-3

, une biopile alimentée avec des eaux usées provenant d’un

hôpital présente les meilleurs résultats lorsque le substrat n’est pas pur. Oh et al. (2010)

arrivent à une conclusion similaire dans une revue de littérature également assez récente.

Ils constatent que des biopiles fonctionnant avec des eaux usées produisent une sortie de

puissance volumique variant de 4 à 15 W·m-3

. Pour leur part, la dernière génération de

biopiles développées dans ce projet, avec des puissances volumiques en fonctionnement

continu de 62 W·m-3

et de pointe de 139 W·m-3

(tableau 5-61) démontrent que l’on peut

obtenir des augmentations de puissance significatives, même en utilisant une eau très

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104

chargée comme du lisier, lorsque l’on met de l’avant les améliorations proposées dans

ce rapport.

Comme en témoigne le tableau 5-7, les rendements de Coulomb sont généralement peu

élevés avec un substrat complexe, ceux-ci ayant varié de 3,6 à 36 %. Pour leur part, les

rendements de Coulomb observés pour les biopiles de ce projet (tableau 5-2) ont varié de

1,6 à 2,3 %. Ceci indique que des réactions parallèles dégradant la matière existent dans

les biopiles et que les phénomènes électriques sont peu responsables de l’abattement de la

DCO. Ces réactions peuvent être de nature aérobie ou anaérobie. Pour tenter d’expliquer

quels seraient les mécanismes parallèles en cause, certaines hypothèses peuvent être

formulées. De nature anaérobie, une production simultanée de méthane pourrait expliquer

la décroissance de la DCO. Toutefois, pour les biopiles de ce projet, ce mécanisme

parallèle de digestion est peu probable. D’une part, la croissance des bactéries

méthanogènes est inhibée par la présence de H2S (Rousseau, 2009) et comme il a été

démontré précédemment, le fonctionnement des biopiles au lisier table sur la production

de cette molécule pour permettre le transfert des électrons. D’autre part, l’analyse

biomoléculaire effectuée pour vérifier la présence de bactéries méthanogènes (bactéries

du règne archée produisant du méthane) dans le charbon activé d’une biopile mature de

même que dans le lisier circulant, indique qu’elles existent uniquement à l’état de trace

dans ces milieux. Il faut donc conclure que la réduction de la DCO observée dans les

biopiles de ce projet est le résultat d’une voie métabolique aérobie. Un transfert

d’oxygène s’exerce probablement entre les compartiments cathodique et anodique, en

passant au travers de la membrane échangeuse de cations. Or, les mesures du potentiel

d’oxydoréduction du lisier circulant demeurent tout au long du traitement nettement

inférieurs à -200 mV Ag/AgCl, ce qui indique un milieu strictement anaérobie

(Woodward et al., 2009). Il faut donc conclure qu’au niveau de la membrane échangeuse

de cations et de la toile de fibre de verre (figure 5.1) existe une zone aérobie très active

consommant rapidement l’oxygène en provenance de le compartiment cathodique pour

digérer le lisier. Cette couche bactérienne aérobie constitue donc une composante

importante du système de traitement en termes d’abattement de la DCO. À cause de la

nature du lisier, il est difficile de valider cette hypothèse par les techniques d’analyse en

biologie moléculaire. En effet, les informations obtenues à partir des films prélevés sur la

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MEC et la toile de fibre de verre après opération des biopiles sont brouillées, tellement

ces derniers sont chargés de matière en tout genre (graisse, particules, biofilm, etc.).

Pour connaître le rendement énergétique des biopiles, il faut connaître le potentiel de

production d’énergie du substrat. Toutefois, en raison de la nature complexe du lisier de

porc, cette donnée n’est pas clairement définie et c’est en se référant à la technologie de

traitement anaérobie conventionnelle produisant du méthane que l’on peut établir un

ordre de grandeur. D’une part, la digestion anaérobie est une technologie mature et bien

maîtrisée déjà exploitée à une échelle industrielle et, d’autre part, la valeur calorifique du

méthane est connue. Pour ce faire, les données prévalant pour la production de méthane

lors de la digestion anaérobie du lisier de porc seront utilisées. Dans une revue de

littérature récente, Rousseau (2009), indique une production potentielle de méthane

pouvant varier de 0,27 à 3,9 m3

CH4·m-3

réacteur·j-1

selon les types de réacteurs et le temps

de séjour du substrat dans ceux-ci. Pour sa part, Coudure (1997) conclut à un rendement

moyen de 0,13 m3

CH4·m-3

réacteur·j-1

après cinq ans d’observation d’une station anaérobie

française de traitement de lisier fonctionnant à pleine échelle. Sachant qu’un mètre cube

de méthane possède une valeur calorifique de 38,3 MJ·m-3

(BFIN, 2010), ces valeurs

peuvent être transformées en puissance volumique. Ainsi, des réacteurs de digestion

anaérobie alimentés avec du lisier de porc peuvent exhiber une puissance volumique

variant de 58 à 900 W·m-3

. L’examen du tableau 5-6 révèle que les sorties de puissance

atteintes par les biopiles de ce projet ont varié de 60 à 139 W·m-3

ce qui situerait le

rendement des biopiles près des valeurs basses des sorties de puissance découlant de la

biométhanisation. Toutefois, on pourrait compléter la comparaison entre les biopiles et la

digestion anaérobie en considérant les performances sur la base d’une production

d’électricité. Dans le cas de la biométhanisation, le biogaz devra alimenter un groupe

électrogène pour générer de l’électricité. En supposant l’efficacité de cette transformation

à 25 % (Coudure et Castaing, 1997) on arrive à une puissance « électrique » volumique

pour la biométhanisation de 14,5 à 225 W·m-3

. Vue de cet angle, la production d’énergie

des biopiles laisse présager, avec des travaux d’optimisation, un moyen tout aussi

intéressant pour produire de l’électricité à partir de la biomasse qu’un digesteur anaérobie

conventionnel couplé à un groupe électrogène.

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5.5 Conclusion de la phase 4.

Le placage de platine sur les cathodes par galvanoplastie, couplé à l’utilisation d’une

solution de peroxyde d’hydrogène comme milieu oxydant dans le compartiment

cathodique a permis de réaliser des biopiles dont les performances excèdent les résultats

observés dans la littérature. Cette réalisation laisse entrevoir des systèmes de traitement

de lisier performants et autarciques, dont la production d’électricité se rapproche de celle

générée par un digesteur anaérobie conventionnel couplé à un groupe électrogène.

Toutefois, avant d’en arriver à un système de traitement à la ferme, des phases

d’optimisation seront nécessaires. La cathode étant l’élément le plus dispendieux du

système, il sera important de choisir et de doser le catalyseur de façon parcimonieuse. La

membrane échangeuse de cations sera également à optimiser pour ralentir l’acidification

des biopiles et permettre l’extraction d’une quantité importante de l’énergie contenue

dans le lisier.

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6. Conclusions générales

Une approche en quatre phases a été nécessaire pour atteindre les cinq objectifs décrits à

l’article 1.7.2. Revoyons, en guise de conclusions, les principaux constats et réalisations de

ce projet en lien avec les objectifs énoncés.

Objectif 1 : Valider le concept de compartiment unique pour le fonctionnement

d’une biopile alimentée au lisier de porc.

Le concept de biopile à compartiment unique ne peut s’appliquer lorsque du lisier est

utilisé. Parce que celui-ci contient plusieurs éléments pouvant nuire aux réactions prévalant

à la cathode, une biopile alimentée avec cet effluent d’élevage doit avoir un compartiment

distinct pour chaque électrode. L’anode et la cathode seront séparées par une membrane

échangeuse de cations et chaque compartiment aura son électrolyte. Au cours de ces

travaux de recherche, l’électrolyte du compartiment cathodique qui a le mieux performé est

le peroxyde d’hydrogène en solution aqueuse. Une concentration de 0,018 M s’est avérée

suffisante pour le fonctionnement des biopiles. Le pH de cet électrolyte doit être maintenu

à 2,5 pour obtenir les meilleurs résultats. Dans le compartiment cathodique, il est important

de créer une mince couche d’électrolyte pour réduire la résistance électrique interne de la

biopile. De plus, une recirculation rapide de cet électrolyte permet de maintenir la

puissance de sortie constante pendant le traitement.

Parce qu’elles se complètent, les conclusions à l’égard des objectifs 2 et 3 peuvent être

regroupées. Rappelons que ces objectifs étaient :

Objectif 2 : Comparer les performances de bio-biles en utilisant différents supports

bactériens pouvant favoriser tous les mécanismes (contact direct ou par molécule

intermédiaire) de transfert des électrons des bactéries ;

Objectif 3 : Identifier, à partir de techniques d’analyses biomoléculaires, le

consortium bactérien responsable de la production d’électricité et développer une

théorie sur le mécanisme de transferts des électrons le plus probable.

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Les bactéries impliquées dans la production d’électricité sont indigènes au lisier de porc.

Présentes en trace dans cet effluent d’élevage, ces bactéries trouvent dans les biopiles des

conditions favorables à leur développement en grand nombre. Les bactéries responsables

des principaux mécanismes de transfert des électrons appartiennent au genre

Desulfuromonas et utilisent du soufre élémentaire comme accepteur d’électrons. Cette

molécule joue le rôle d’intermédiaire redox entre la bactérie et l’anode. Le mécanisme de

transfert des électrons le plus probable dans une biopile alimentée au lisier s’explique ainsi

par la formation d’un cycle du soufre interne dont les principales étapes sont les suivantes :

au niveau de la bactérie, les électrons et les protons relâchés lors de l’oxydation du

carburant sont fixés par une molécule de soufre pour former du sulfure d’hydrogène (H2S).

Une fois à l’anode, le H2S cède ses électrons et ses protons et le soufre est relâché dans le

milieu pour recommencer le cycle. Avec les espèces chimiques impliquées dans les demi-

réactions, la tension maximale théorique possible d’une biopile au lisier utilisant l’oxygène

comme oxydant à la cathode est de 1,05 volt.

À cause de ce mécanisme de transfert des électrons, les bactéries n’ont pas à être en contact

direct avec l’anode pour effectuer le transfert des électrons vers le monde extérieur.

L’utilisation d’un support bactérien en périphérie de l’anode favorise leur développement

en grand nombre et produit une sortie de puissance électrique importante. Le charbon

activé s’est révélé le meilleur matériau pour jouer ce rôle probablement en raison, d’une

part, de ses nombreux interstices et cavités offrant un gîte aux bactéries et, d’autre part,

pour sa propension à fixer le soufre. L’anode joue essentiellement un rôle d’accepteur

d’électrons et influence peu les résultats comme support bactérien. Pourvu qu’elle soit

conductrice et inoxydable, elle jouera son rôle adéquatement.

Il existe une quantité critique de charbon activé à inclure dans le compartiment anodique

afin de maintenir le plein potentiel électrique de l’anode lorsque la biopile fonctionne en

circuit fermé. Un potentiel redox constant de -430 mV mesuré à l’anode avec une sonde de

référence Ag/AgCl en circuit fermé indique que l’équilibre a été atteint entre la production

de H2S par les bactéries et la consommation de cette molécule à l’anode. Pour favoriser

l’équilibre entre les potentiels de l’anode et de la cathode, en première approximation pour

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la mise à l’échelle de futures biopiles, le rapport entre la charge de charbon activé et la

surface de la cathode devrait être égal ou supérieur à 0,6 gcharbon cm-2

cathode.

Objectif 4 : Identifier les composantes matérielles critiques pour concevoir des

biopiles performantes.

Compte-tenu que la cathode est l’élément le plus coûteux dans la fabrication des biopiles,

l’avenir de celles-ci repose sur la capacité de produire cette électrode à faible coût. Or, le

coût d’achat des cathodes commerciales, faites de fibres de carbone recouvertes d’encre

catalytique à base de carbone et de platine, est devenu prohibitif particulièrement au cours

des deux dernières années. Pour pallier à cette difficulté, une cathode maison réalisée à

moindre coût a été conçue et testée. Elle est faite à partir d’une grille en acier inoxydable

plaquée par galvanoplastie avec du platine. Elle a donné d’excellents résultats en termes de

production d’énergie et de durabilité. Cette réalisation démontre qu’il est possible

d’intervenir avec succès sur les techniques de fabrication des cathodes pour diminuer les

coûts de construction des biopiles.

Le platine est, pour l’instant, le meilleur élément pour catalyser les réactions à la cathode.

La recherche du dosage optimal ou de matériau de remplacement demeure un enjeu

important pour diminuer les coûts de production des biopiles.

Le pH du lisier évolue pendant son traitement dans une biopile. Il est important de le

contrôler régulièrement. Dans les essais avec les biopiles de dernière génération,

l’acidification du milieu a été l’élément entraînant la fin d’un traitement. Un pH de 6,5 a

été la limite imposée pour éviter la perte du consortium bactérien dans la biopile. Nous

croyons cependant que la membrane échangeuse de cations pourrait jouer un rôle important

dans cet événement. Des travaux d’optimisation visant l’essai de nouvelles membranes

pourraient permettre de ralentir le phénomène et d’assurer l’extraction d’une plus grande

quantité d’énergie du lisier pendant son traitement.

Objectif 5 : Concevoir à partir des connaissances acquises au fil du projet des biopiles

aussi performantes et stables que possible et évaluer les conséquences sur le lisier

traité en terme de paramètres de qualité des eaux et d’émission d’odeur.

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Ce projet de recherche pave la voie pour la réalisation d'unités de production d'énergie à

l'échelle de la ferme. La dernière génération de biopiles, à l’échelle laboratoire, a traité

350 mL de lisier et a produit environ 40 mW en service continu. Ceci permet d'estimer que

le traitement de 1 m3 de lisier permettrait une production électrique de 114 watts. Pour une

ferme porcine de 2 000 porc-places qui produirait environ 10 m3 de lisier par jour et en

estimant que le temps de séjour du lisier dans une batterie de biopiles sera de huit jours,

une sortie de puissance de 9,14 kW serait disponible, soit l’équivalent d’une source

électrique fournissant 38 ampères à 240 volts c.a. Cette réalisation laisse ainsi entrevoir des

systèmes de traitement de lisier performants et autarciques, dont la production d’électricité

se compare à celle générée par un digesteur anaérobie conventionnel couplé à un groupe

électrogène.

Ce projet a démontré que non seulement les biopiles produisent de l’énergie, mais qu’elles

traitent aussi le lisier pour en réduire les nuisances environnementales. Les essais réalisés

au cours de cette recherche ont permis d'observer un abattement de DCO de 60 % et de la

DBO5 de 66 %. De plus, les odeurs émises par un lisier traité par une biopile sont, en

moyenne, huit fois moins fortes que celles émises par un lisier brut. Finalement, on note

qu’un lisier traité dans une biopile contient dix fois moins de populations bactériennes

pathogènes qu’un lisier brut. Les biopiles offrent ainsi de nombreux avantages tant

économiques qu’environnementaux. Il s’agit d’une technologie prometteuse et innovatrice

dont le présent projet n’a effleuré que le réel potentiel. De nouveaux travaux de recherche

permettraient d’en optimiser le fonctionnement pour en arriver à des unités à la ferme

performantes et économiques.

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