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DANIEL YVES MARTIN
DÉVELOPPEMENT DE BIOPILES
POUR LA VALORISATION ÉNERGÉTIQUE
DU LISIER DE PORC
Thèse présentée
à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval
dans le cadre du programme de doctorat en génie chimique
pour l’obtention du grade de Philosophiae doctor (Ph.D.)
DÉPARTEMENT DE GÉNIE CHIMIQUE
FACULTÉ DES SCIENCES ET DE GÉNIE
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2011
© Daniel Yves Martin, 2011
ii
RÉSUMÉ
Une biopile convertit l'énergie disponible dans un substrat biodégradable directement en
électricité tout en diminuant sa demande chimique en oxygène (DCO). Ce projet de
doctorat a évalué, à une échelle laboratoire, comment cette technologie pouvait être
adaptée au traitement du lisier de porc. La construction d'une première génération de
biopiles à compartiment unique a été réalisée. Différents supports de croissance
bactérienne ont été essayés à l’intérieur du compartiment anodique pour augmenter la
superficie sur laquelle les bactéries peuvent se développer et ainsi favoriser la production
d’électricité. Parmi les différents supports bactériens utilisés au cours de ce projet, des
granules de charbon activé se sont révélés être le meilleur choix. L’analyse des
communautés microbiennes extraites des supports de croissance a révélé que seulement
quelques genres bactériens provenant du lisier, notamment le genre Desulfuromonas, sont
responsables des activités électriques d’une biopile alimentée avec cet effluent d’élevage.
Les mécanismes de transfert des électrons entre les bactéries et l’anode s’expliquent
essentiellement par la formation d’un cycle de soufre interne dans les biopiles. Après
avoir constaté l’empoisonnement de la cathode dans les biopiles à compartiment unique,
les travaux se sont poursuivis en réalisant des biopiles à compartiment double. Par souci
de rentabilité pour les futures biopiles commerciales, des cathodes maisons à base d’acier
inoxydable plaqué par galvanoplastie avec du platine ont été développées. De même,
pour augmenter le potentiel des biopiles, du peroxyde d’hydrogène a été retenu comme
milieu oxydant dans le compartiment cathodique. Ces biopiles ont fourni en service
continu une sortie de puissance volumique moyenne de 63 W·m-3
, ce qui figure parmi les
meilleurs résultats présentés à date dans la littérature avec une eau usée comme carburant.
Les essais réalisés avec ces biopiles ont permis d'observer un abattement de la DCO de
60 %. De plus, les odeurs dégagées par un lisier traité dans une biopile sont, en moyenne,
huit fois moins intenses que celles émises par un lisier brut et on note qu’un lisier traité
contient dix fois moins de bactéries pathogènes qu’un lisier brut.
iii
ABSTRACT
Microbial fuel cell (MFC) is a new green technology that converts energy available in a
bio-convertible substrate directly into electricity while decreasing its chemical oxygen
demand (COD). As MFC seemed to be very promising, this Ph.D. project was devoted to
investigate, at laboratory scale, how this technology could perform if swine liquid manure
was used as fuel. A first generation, single chamber MFC (SCMFC), has been designed.
Various support media were brought into SCMFCs anodic chamber to increase surface
area on which bacteria may grow. Through this project, best electrical results were
achieved using activated coal pellets as bacterium support medium. Bacterial
communities extracted from selected support media were analyzed. These analyzes
revealed that only few bacterium genera coming from raw liquid manure are responsible
for electrical activities and Desulfuromonas genera was particularly involved in the
process. With these bacteria, an internal sulphur cycle is involved to explain electron
transfer mechanisms. While platinum based electrode was used as cathode in SCMFC,
electrode poisoning yielded only weak power outputs. To overcome this problem, dual-
chamber MFCs (DCMFC) were designed. Economical concerns for future commercial
DCMFCs led to development of cathodes built around stainless steel wire meshes electro-
plated with platinum. In addition, to increase DCMFC potential, hydrogen peroxide
solution was retained as oxidizing medium in cathodic chamber. In continuous operation,
63 W·m-3
power output was provided with these 350 mL capacity DCMFCs, which
appears to be among best results presented so far in literature with waste water as fuel.
Tests carried out with these DCMFCs showed COD reduction of 60 %. Moreover, treated
liquid manure odour emissions are, on average, 8 times weaker than those released by
raw liquid manure. Finally, it was noted that treated liquid manure contained 10 times
less pathogenic bacteria than raw liquid manure.
iv
AVANT-PROPOS
Entreprendre des études doctorales, c’est décider de s’engager dans une longue quête.
Sans appui, il serait carrément impossible de relever ce défi. C’est pourquoi je désire
d’abord remercier mon épouse Francine à qui je dédie ce document. Ses encouragements
et son appui indéfectible ont été ma source d’inspiration tout au long du projet.
J’aimerais, dans un deuxième temps, remercier la direction de l’Institut de Recherche et
de Développement en Agroenvironnement (IRDA) de m’avoir permis d’entreprendre ces
études pour parfaire ma formation et améliorer mes compétences de chercheur au sein de
l’organisation.
Je désire également souligner l’appui reçu par les professeurs Roger Thériault, Alain
Garnier et Serge Kaliaguine. La confiance et le soutien qu’ils m’ont témoignés tout au
long du projet ont été une grande source de motivation.
Je m’en voudrais aussi de ne pas souligner l’enthousiasme, la compétence et la gentillesse
de mes collaborateurs de recherche de l’IRDA. Mesdames Marie-Claude Laflamme-
Bérubé et Diane Dubois ainsi que Messieurs Patrick Dubé, Richard Hogues, Thomas
Jeanne et Alexandre Lévesque recevez mes remerciements les plus sincères.
Finalement, je désirerais souligner que le financement du projet a été assuré en grande
partie par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec par
le biais du « Programme de Soutien à l’Innovation en Agroalimentaire ». Sans l’appui de
cet organisme, ce projet n’aurait pu être mené à terme.
v
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ .................................................................................................................................. ii
ABSTRACT ............................................................................................................................. iii
AVANT-PROPOS ................................................................................................................... iv
TABLE DES MATIÈRES .........................................................................................................v
LISTE DES TABLEAUX...................................................................................................... viii
LISTE DES FIGURES ............................................................................................................ ix
Introduction ................................................................................................................................1
1. Revue de littérature ................................................................................................................4
1.1 Historique .............................................................................................................................4
1.2 Principes fondamentaux ......................................................................................................5
1.2.1 Métabolisme bactérien et biopiles ........................................................................5
1.2.2 Mécanismes respiratoires bactériens possibles et production d’électricité ...........9
1.3 Effets des carburants sur le comportement des biopiles ....................................................15
1.4 Autres composantes critiques des biopiles ........................................................................15
1.4.1 Cathode avec platine ...........................................................................................16
1.4.2 Membrane échangeuse de cations .......................................................................20
1.5 Les biopiles et le traitement des eaux usées .......................................................................21
1.6 Définitions..........................................................................................................................26
1.6.1 Rendement de Coulomb ......................................................................................26
1.6.2 Rendement énergétique .......................................................................................28
1.6.3 Densité de puissance et puissance volumique ....................................................29
1.6.4 Courbes de performances électriques .................................................................29
1.7 Hypothèses de travail et objectifs du projet ......................................................................30
1.7.1 Hypothèses de travail ..........................................................................................30
1.7.2 Objectifs du projet...............................................................................................32
2. Phase 1 : Validation du concept de biopile à compartiment unique et de l’effet de
différents supports bactériens à l’anode ................................................................................33
2.1 Description des concepts....................................................................................................33
2.2. Matériel et méthodes de la phase 1 ...................................................................................35
2.2.1 Traitement du lisier .............................................................................................35
2.2.2 Construction des biopiles à compartiment unique ..............................................35
2.2.3 Supports bactériens granulaires ..........................................................................36
2.2.4 Anodes ................................................................................................................37
2.2.5 Mesure des tensions ............................................................................................37
2.3 Résultats .............................................................................................................................38
2.3.1 Montage des biopiles ..........................................................................................38
2.3.2 Évaluation des supports bactériens .....................................................................39
2.3.3 Effets du nafion®
.................................................................................................42
2.3.4 Effets de la nature de l’anode ..............................................................................44
vi
2.4 Analyse des résultats ..........................................................................................................47
2.5 Conclusions de la phase 1 ..................................................................................................48
3. Phase 2 : Essais d’amélioration des composantes des biopiles............................................49
3.1 Propositions d’amélioration ...............................................................................................49
3.1.1 Vers une biopile à compartiment double ............................................................49
3.1.2 Améliorer les performances à l’anode ................................................................49
3.2 Matériel et méthodes de la phase 2 ...................................................................................50
3.2.1 Traitement du lisier .............................................................................................50
3.2.2 Biopile à compartiment double de première génération .....................................50
3.2.3 Mesure des tensions ............................................................................................52
3.3 Résultats .............................................................................................................................53
3.4 Analyse des résultats ..........................................................................................................55
3.5 Conclusions de la phase 2 .................................................................................................58
4. Phase 3 : Identification du consortium bactérien .................................................................59
4.1 Vers des biopiles à compartiment double de 2e génération ...............................................59
4.2 Matériel et méthode de la phase 3 .....................................................................................59
4.2.1 Biopile à compartiment double de 2e génération ................................................59
4.2.2 Fraction liquide utilisée comme lisier .................................................................61
4.2.3 Analyses biomoléculaires ...................................................................................61
4.2.4 Examens microscopiques et analyses chimiques par énergie dispersive ............65
4.3 Résultats .............................................................................................................................66
4.3.1 Réalisation des biopiles à compartiment double de 2e génération ......................66
4.3.2 Comportements électriques de la biopile ............................................................67
4.3.3 Analyses microbiologiques .................................................................................70
4.3.4 Analyses microscopiques et par énergie dispersive ............................................71
4.3.5 Confirmation de la teneur en soufre du charbon activé ......................................73
4.4 Analyses des résultats ........................................................................................................74
4.5 Conclusion de la phase 3....................................................................................................76
5. Phase 4. Création de biopiles performantes .........................................................................78
5. 1. La cathode : Le défi technologique et commercial des biopiles ......................................78
5. 2 Matériel et méthode de la phase 4. ....................................................................................80
5.2.1 Biopiles à compartiment double avec peroxyde d’hydrogène à la cathode ........80
5.2.2 Placage de platine sur la cathode par galvanoplastie ..........................................82
5.2.3 Fonctionnement des biopiles...............................................................................85
5.2.4 Fraction liquide utilisée comme lisier .................................................................85
5.2.5 Détermination de la DBO5 et de la DCO ............................................................85
5.2.6 Concentration de peroxyde d’hydrogène ............................................................86
5.2.7 Évolution des odeurs ...........................................................................................86
5.3 Résultats .............................................................................................................................86
5.3.1 Réalisation des biopiles de dernière génération ..................................................86
5.3.2 Période d’acclimatation ......................................................................................87
5.3.3 Performances des biopiles après l’acclimatation des bactéries ...........................91
vii
5.3.4 Abattement de la DBO5 et de la DCO ................................................................96
5.3.5 Calcul du rendement de Coulomb .......................................................................97
5.3.6 Abattement des odeurs ........................................................................................98
5.3.7 Analyses microbiologiques des agents pathogènes ..........................................99
5.4 Analyse des résultats ........................................................................................................100
5.5 Conclusion de la phase 4..................................................................................................106
6. Conclusions générales ........................................................................................................107
RÉFÉRENCES ......................................................................................................................111
viii
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1-1 Potentiel d'oxydoréduction aux conditions standards de certaines
demi-réactions impliquées dans le transfert des électrons. ..................................................7
Tableau 1-2 Évolution des performances des biopiles selon les communautés
bactériennes........................................................................................................................14
Tableau 1-3 Principaux résultats de biopiles évaluées pour le traitement d’eau usée
(Booki et Logan, 2004; Hong et al., 2004) ........................................................................25
Tableau 4-1 Systèmes PCR utilisés. .....................................................................................63
Tableau 4-2 Représentation numérique de gels DGGE avec le logiciel Phototrix 1D. ........71
Tableau 4-3 Concentration en soufre d’échantillons de charbon activé prélevés dans une
biopile mature. ...................................................................................................................74
Tableau 5-1 Abattement de la DBO5 et de la DCO. .............................................................97
Tableau 5-2 Rendement de Coulomb des piles 1 à 4 du 11 au 17 août 2010. ......................97
Tableau 5-3 Évaluation du seuil de détection d’odeur pour le lisier brut. ............................99
Tableau 5-4 Résultats des essais d’olfactométrie pour les biopiles 1 à 3. ............................99
Tableau 5-5 Résultats des analyses microbiologiques des lisiers brut et circulant. ............100
Tableau 5-6 Performances électriques des biopiles du 11 au 17 août 2010. ......................102
ix
LISTE DES FIGURES
Figure 1.1 Schématisation du fonctionnement d’une biopile (Rabaey, Verstraete, 2005). ...8
Figure 1.2 Mécanismes possibles de transfert des électrons entre les bactéries et une
anode. ..............................................................................................................................11
Figure 1.3 Sortie de puissance d’une biopile en fonction de son alimentation en carburant
(Les flèches indiquent les moments de recharge) (Rabaey et al. , 2003)........................15
Figure 1.4 Vue schématisée des éléments constitutifs de la cathode (Litster et
McLean, 2004). ...............................................................................................................18
Figure 1.5 Biopile à compartiment unique (Liu et Logan, 2004). ........................................21
Figure 1.6 Schéma (A) et photographie (B) d’une biopile à plaques à écoulement continu
(Min et Logan, 2004). .....................................................................................................24
Figure 1.7 Schéma (A) et photographie (B) d’une biopile cylindrique à écoulement
continu (Liu et al., 2004).................................................................................................24
Figure 1.8 Exemple de courbes de performances électriques de biopiles (Oh et al., 2004). 30
Figure 2.1 Vue schématique d'une biopile à compartiment unique. .....................................33
Figure 2.2 Évolution du concept de biopile à compartiment unique proposé par ce projet
qui inclura un support bactérien granulaire. ...................................................................34
Figure 2.3 Vue éclatée d’une biopile à compartiment unique. .............................................36
Figure 2.4 Les anodes. Feutre de graphite (a); brosse en acier inoxydable (b). ...................37
Figure 2.5 Vue d’une biopile type ayant un feutre de graphite comme anode. ....................38
Figure 2.6 Vue d’une biopile avec une anode constituée d’une brosse en acier inoxydable
entourée de charbon activé S3. .......................................................................................39
Figure 2.7 Courbes de tension des biopiles selon différents supports bactériens. ................40
Figure 2.8 Courbes tension-densité de courant des biopiles selon différents supports
bactériens. .......................................................................................................................41
Figure 2.9 Courbes densité de puissance - densité de courant des biopiles selon différents
supports bactériens. .........................................................................................................41
Figure 2.10 Évolution des tensions pour des biopiles avec et sans nafion® appliqué sur la
cathode. ...........................................................................................................................43
Figure 2.11 Courbes tension-densité de courant des biopiles avec et sans nafion® appliqué
sur la cathode. .................................................................................................................43
Figure 2.12 Courbe densité de puissance-densité de courant des biopiles avec et sans
nafion® appliqué sur la cathode. .....................................................................................44
Figure 2.13 Évolution des tensions selon les anodes. ...........................................................45
Figure 2.14 Courbes tension-densité de courant selon les anodes. .......................................46
Figure 2.15 Courbes densité de puissance-densité de courant selon les anodes ...................46
Figure 3.1 Vue éclatée des composantes de base d’une biopile à compartiment double. ....51
Figure 3.2 Évolution des tensions des biopiles avec 25, 50 et 100 grammes de S3. ............53
Figure 3.3 Courbes tension-densité de courant des biopiles avec 25, 50 et 100 grammes
de S3................................................................................................................................54
Figure 3.4 Courbes densité de puissance-densité de courant des biopiles avec 25, 50 et
100 grammes de S3. ........................................................................................................54
Figure 3.5 Comparaison de la densité de courant entre les 2 méthodes de montage des
biopiles à une tension d'opération de 600 mV. ...............................................................56
x
Figure 3.6 Comportement électrique des électrodes de la biopile avec une résistance
externe de 100 ohms selon différentes charges de charbon activé. ................................57
Figure 4.1 Vue éclatée d’une biopile à compartiment double de 2e génération. ..................60
Figure 4.2 Vue extérieure de la biopile à compartiment double de 2e génération. ..............66
Figure 4.3 Montage de la biopile de 2e génération avec son réservoir d’acide citrique. ......67
Figure 4.4 Tensions en circuit fermé (R externe = 100 ohms) de la biopile de 2e
génération sur une période d’un mois. ............................................................................69
Figure 4.5 Courbes des performances électriques de la biopile de 2e génération avec une
tension moyenne de 400 mV en circuit fermé. ...............................................................69
Figure 4.6 Vue microscopique du charbon activé brut et de son analyse par énergie
dispersive. .......................................................................................................................72
Figure 4.7 Vue microscopique de la flore bactérienne observée sur du charbon activé
d’une biopile mature et de son analyse par énergie dispersive. ......................................73
Figure 5.1 Vue éclatée montrant les principales composantes d’une biopile de dernière
génération. .......................................................................................................................82
Figure 5.2 Ensemble de placage. ..........................................................................................83
Figure 5.3 Aperçu des cathodes avant a) et après b) placage de platine. .............................84
Figure 5.4 Montage d’une biopile de dernière génération. ...................................................87
Figure 5.5 Montage final des 4 biopiles sur le banc d’essai. ................................................87
Figure 5.6 Essais d’étalonnage du potentiel de la cathode. ..................................................88
Figure 5.7 Tensions moyennes en circuit fermé des 4 biopiles du 20 juillet au 11 août
2010.................................................................................................................................89
Figure 5.8 Potentiel en circuit fermé des anodes des biopiles pendant la phase
d’acclimatation. ...............................................................................................................89
Figure 5.9 Production d’énergie pendant la phase d’acclimatation des biopiles 1 à 4. ........90
Figure 5.10 Courbes de performances électriques de la biopile 2, le 3 août 2010. ..............91
Figure 5.11 Tensions moyennes en circuit fermé des 4 biopiles du 11 au 17 août 2010. ....92
Figure 5.12 Potentiel en circuit fermé des anodes des biopiles du 11 au 17 août 2010. ......93
Figure 5.13 Potentiel en circuit fermé des cathodes des biopiles du 11 au 17 août 2010. ....94
Figure 5.14 Production d’énergie du 11 au 17 août 2010 par les biopiles 1 à 4. ..................94
Figure 5.15 Courbes de performances électriques de la biopile 2 le 12 août 2010. .............95
Figure 5.16 Courbes de performances électriques de la biopile 4 le 17 août 2010. .............96
Figure 5.15 Courbes de performances électriques de la biopile 4 le 17 août 2010…….......97
xi
1
Introduction
Le règlement sur les exploitations agricoles du Ministère du développement durable, de
l’environnement et des parcs du Gouvernement du Québec (MDDEP, 2010) exige
d’atteindre un équilibre entre la capacité de support en phosphore des sols et la quantité
épandue de matières fertilisantes. De fait, les sols agricoles de certaines régions du
Québec ont fait l’objet à travers le temps d’épandage massif occasionnant une
accumulation importante du phosphore qui peut migrer vers les cours d’eau et entraîner la
dégradation des écosystèmes aquatiques. En conséquence, les applications de phosphore
doivent être révisées à la baisse, d’où un besoin urgent de trouver de nouveaux débouchés
aux rejets de ferme contenant cet élément chimique.
Au cours des audiences publiques de la commission sur le développement durable de la
production porcine au Québec (BAPE, 2003), tenues durant l’hiver 2002-2003, le modèle
de production porcine québécois a été remis en cause, notamment en ce qui a trait aux
opérations d’épandage du lisier qui produisent des inconvénients liés aux émissions
d’odeurs.
Selon le ministère canadien des ressources naturelles « depuis 150 ans, quantité de
données scientifiques confirment le réchauffement du climat de la Terre et l'accélération
de ce réchauffement dans les vingt dernières années. Les changements que subit le climat
sont devenus une source d'inquiétude à l'échelle mondiale» (RNC, 2010). La
communauté scientifique internationale sonne l’alarme et démontre que les activités
humaines accélèrent la concentration des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, ce
qui pourrait entraîner une augmentation de la température moyenne de 1 à 3,5 °C à la
surface de la terre d’ici 2100 (OCDE, 2001). Le gouvernement du Canada s'est engagé à
réduire ses émissions totales de gaz à effet de serre de 17 % d'ici 2020 par rapport aux
niveaux de 2005 (Environnement Canada, 2003), alors que l’agriculture produit à
l’échelle nationale environ 10 % de ces gaz (principalement du méthane et de l’oxyde
d’azote) (OCDE, 2001). L’élevage est une des principales activités agricoles productrices
de GES. Du CH4 et du N2O sont produits lors de l’entreposage du fumier, surtout
lorsqu’il s’agit de grandes quantités (OCDE, 2001). Si le dioxyde de carbone représente
2
une unité en termes de gaz contributif au réchauffement global de la planète, le méthane
est évalué pour sa part à 21 unités (Lusk, 1997). Le méthane contribue également à la
formation d’ozone troposphérique, une composante du smog. Le secteur agricole peut
donc contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux en matière de réduction de GES en
réalisant une gestion améliorée des rejets de ferme qui dégagent notamment du méthane
pendant leur entreposage à l’air libre.
Une gestion moderne des lisiers, soucieuse des impacts environnementaux inhérents à
son emploi, comporte ainsi de nombreux défis : gestion rationnelle des éléments
fertilisants, atténuation des nuisances causées par les odeurs et réduction des émissions de
gaz à effet de serre. Ce constat révèle toute la complexité de la situation. De fait, il
n’existe pas une seule technologie qui puisse répondre à elle seule à toutes les
préoccupations environnementales citées précédemment. Il faut alors en intégrer
plusieurs qui pourront, chacune à leur manière, s’adresser à un défi particulier. C’est dans
cet esprit que l’Institut de Recherche et de Développement en Agroenvironnement
(IRDA) a effectué un premier pas, en proposant aux éleveurs porcins l’utilisation d’un
séparateur décanteur centrifuge afin de séparer une bonne partie de la matière sèche
contenue dans le lisier (Martin et al., 2006). L’utilisation de cet équipement permet de
générer une fraction solide contenant près de 70 % du contenu en phosphore
originalement présent dans le lisier brut. Cette fraction solide, concentrée en éléments
fertilisants, est transportable à bas coûts hors des fermes productrices. Elle peut être par la
suite valorisée comme un excellent engrais organique sur des sols pauvres en éléments
fertilisants (Landry et al., 2011). Toutefois, la partie liquide restante sur les fermes
productrices de lisier, demeure très odorante et encore très chargée, celle-ci ayant entre
20 à 80 g·L-1
de demande chimique en oxygène (DCO) (Martin et al., 2006). La DCO
représente la quantité de dioxygène nécessaire à l'oxydation de l'ensemble des matières
organiques et minérales contenues dans l'eau, par oxydoréduction. Cette donnée est
représentative de la pollution organique et chimique (Lenntech, 2011). En cas de
lessivage de cet engrais de ferme vers un cours d’eau situé à proximité d’une zone
d’épandage, cela peut aboutir à une désoxygénation de l’eau et à l’eutrophisation de ce
cours d’eau. De plus, si la DCO d’un lisier est très élevée, le potentiel de production de
méthane (GES) pendant l’entreposage demeure important. La recherche de traitements
3
complémentaires pour cette partie liquide est donc essentielle pour en atténuer les
impacts sur l’environnement. Idéalement, tout nouveau traitement du liquide devra
générer des sous-produits à valeur ajoutée pour amortir les frais inhérents à son
installation et à son fonctionnement.
Ce projet de doctorat propose d’investiguer, à une échelle laboratoire, le potentiel d’une
technologie émergente comme unité de traitement de la fraction liquide issue d’un
séparateur décanteur centrifuge. Cette technologie fait appel au concept de biopiles
(microbial fuel cells ou MFC en anglais). Les biopiles constituent une nouvelle approche
en matière de production d'énergie verte en convertissant l'énergie disponible dans un
substrat biodégradable directement en électricité (Rabaey et Verstraete, 2005). Ceci peut
être réalisé quand les bactéries métabolisent les substrats en utilisant un accepteur
d’électrons insoluble, tel que l'anode des biopiles, à la place d’un accepteur usuel
d'électrons comme l'oxygène. Le flot d’électrons émis lors de la respiration est dérouté et
forcé d’emprunter un circuit électrique. Il traverse alors une charge (par exemple un
moteur électrique) ou une résistance pour réduire l’accepteur d’électrons (idéalement
l’oxygène) à la cathode. Au même moment, la dégradation de la matière produit un flot
d’ions d’hydrogène qui traverseront un pont électrolytique pour être réunis avec
l’oxygène réduit à l’extrémité « positive » de la chaîne respiratoire pour former de l’eau.
Les biopiles peuvent fonctionner à partir de différentes sources d’hydrates de carbone
incluant des formes complexes comme celles retrouvées dans les eaux usées tout en
produisant de l’électricité (Min et Logan, 2004; Jang et al., 2004). Bien que les biopiles
aient fait l’objet de travaux de recherche depuis plusieurs années (Potter, 1911; Bennetto
et al., 1983), ce n'est que récemment que des biopiles avec une production de puissance
significativement importante ont été rapportées dans la littérature (Rabaey et al., 2003;
Cheng et Logan, 2007) laissant ainsi présager leur utilisation pour des applications
pratiques. L’énergie électrique produite par des biopiles est un sous-produit à valeur
ajoutée considérable. Intégrées dans une chaîne de traitement visant à abaisser la DCO, à
réduire les odeurs et à assainir le lisier, les biopiles produiraient de l’électricité pouvant
faire fonctionner le système en autarcie voir même produire suffisamment d’énergie pour
faire fonctionner d’autres applications à la ferme.
4
Ce document présente les résultats de cette recherche consacrée au développement de
biopiles alimentées au lisier de porc. Après une revue de littérature, une approche en
quatre phases sera décrite afin de cerner le fonctionnement d’une biopile alimentée au
lisier. Les trois premières phases ont permis de comprendre les mécanismes de transfert
des électrons entre les bactéries et les deux électrodes que sont l’anode et la cathode
d’une biopile. Les découvertes faites au cours de ces phases exploratoires ont mené à la
quatrième et dernière phase, soit la création de biopiles fonctionnelles, stables et
performantes. La dernière génération de biopiles a été utilisée pour quantifier les
performances potentielles de cette technologie comme unité de traitement des eaux.
1. Revue de littérature
1.1 Historique
Les premiers travaux reliés aux biopiles ont été effectués au début du XXe siècle quand
un botaniste anglais, M.C. Potter (1911), a observé qu’un milieu de culture anaérobie
contenant du glucose et des levures produisait un potentiel négatif à une électrode de
platine en référence à une électrode similaire placée dans un milieu de culture aérobie. En
circuit ouvert, il a noté une différence de potentiel variant de 0,3 à 0,5 V et la production
d’un petit courant d’environ 0,2 mA lorsque le circuit était fermé. Selon Bennetto (1984),
Yudkin et ses collaborateurs ont démontré dans les années trente que l’ajout de colorants
utilisés comme indicateurs de réactions d’oxydoréduction dans des réactions
biochimiques permettait d’obtenir de meilleurs résultats. Dans cette biopile est apparu
pour la première fois l’ajout d’un agent dans le compartiment de l’anode pour stabiliser la
production d’électricité. Bien que fragmentaires, les travaux de ces précurseurs
confirmaient que la désintégration de la matière organique par les micro-organismes était
accompagnée d’une production d’énergie électrique. Il est apparu que le courant produit
par les biopiles était influencé par la température, la concentration de la matière nutritive
et le nombre d’organismes présents et qu’il y avait une capacité de restituer la force
électromotrice (FEM) dès que le circuit était ouvert. En effet, dès qu’il y a appel de
courant, on observe une chute abrupte de la FEM , mais il y a regain dès que le courant
cesse (dès que le circuit est ouvert).
5
Également selon Bennetto (1984), il a été constaté durant les années 1960 que le
développement des biopiles se heurtait à plusieurs écueils technologiques et a encouragé
les gouvernements à poursuivre la recherche dans ce domaine en favorisant une approche
multidisciplinaire consistant en une équipe de biochimistes, d’électro-chimistes et
d’ingénieurs, afin d’attaquer les problèmes électrochimiques responsables de la faible
production de courant des biopiles. Il a statué également que les efforts à consentir dans
ce domaine étaient aussi prometteurs que ceux à fournir pour le développement de piles à
combustible hydrogène-oxygène.
Selon Rabaey et Verstraete (2005), un renouveau d’intérêt s’est fait sentir lors de la
première crise du pétrole au début des années 1970 et les premières biopiles permettant
de traiter de l'eau usée domestique ont été étudiées en 1991. Cependant, toujours selon les
mêmes auteurs, c'est tout récemment que des biopiles avec une production de puissance
significativement importante ont été rapportées dans la littérature laissant ainsi présager
leur utilisation pour des applications pratiques.
1.2 Principes fondamentaux
1.2.1 Métabolisme bactérien et biopiles
Le fonctionnement des biopiles est tributaire des mécanismes de transfert d’énergie dans
une bactérie. Le carburant est le donneur d’électrons et il contient l’énergie qui sera
transférée vers les bactéries. Selon les genres bactériens et les modes respiratoires
employés (aérobie et anaérobie), le donneur d’électrons pourra prendre des formes plus
ou moins complexes allant, par exemple, de la molécule de glucose (C6H12O6) à des
formes plus simples comme l’ion acétate (C2H3O2) ou l’ion formate (CHO2). La
dégradation du carburant vers une forme simple comme le CO2, se réalise pendant le
cycle de Krebs et permet la réduction d’une coenzyme appelée nicotinamide adénine
dinucléotide, ou NAD+
(Kleinsmith et Kish, 1988). Le NAD+ capte les électrons et
l'hydrogène grâce à des enzymes appelés déshydrogénases. Ces enzymes retirent une
paire d'atomes d'hydrogène du substrat, soit l'équivalent de 2 protons et 2 électrons. La
déshydrogénase procure deux électrons et un proton H+ au NAD
+, l'autre proton étant
6
libéré dans le milieu. On inscrira la forme réduite du NAD+ par l’appellation NADH+H
+
(Kleinsmith et Kish, 1988).
Le NADH+H+
progressera au travers un enchaînement de systèmes d’oxydoréduction
appelé chaîne respiratoire. Au cours du passage dans cette chaîne, de l’énergie est
dégagée permettant la transformation de l’adénosine diphosphate (ADP) en anédosine
triphosphate (ATP). L’ATP est la forme d’énergie utilisable par les bactéries; elle permet
le fonctionnement des activités vitales et leur reproduction de celles-ci. La chaîne
respiratoire sera plus ou moins courte selon le mode respiratoire de la bactérie (aérobie ou
anaérobie). De même, l’accepteur final d’électrons situé au bout de cette chaîne pourra
être différent. Dans le cas d’une respiration aérobie le dioxygène joue ce rôle alors que du
nitrate ou du sulfate pourrait être utilisé pour des bactéries anaérobies. La quantité
d’énergie transférée aux différentes étapes dépend du potentiel d’oxydoréduction de
chacune des demi-réactions impliquées dans cette étape (Kleinsmith et Kish, 1988).
Le tableau 1-1 fournit quelques valeurs de potentiel d’oxydoréduction de demi-réactions
à des conditions standards (pH 7, 25 °C, et une concentration de 1 M des réactifs) telles
que retrouvées dans la littérature.
L’énergie dégagée sera calculée selon l’équation 1.1 (Bennetto et al., 1983)
0EnFG (1.1)
où
G : énergie libre de la réaction (J mole-1
);
E0 : différence de potentiel d’oxydoréduction entre les demi-réactions (V ou J
coulomb-1
);
n : nombre d’électrons impliqués dans la réaction
F : constante de Faraday (96 490 coulombs mole-1
d’électrons).
7
Tableau 1-1 Potentiel d'oxydoréduction aux conditions standards de certaines demi-réactions
impliquées dans le transfert des électrons.
Couple
d’oxydoréduction
Réactions n1 Potentiel
d’oxydo-
réduction
Référence
Demi-réaction
No.
Volt
CO2/glucose
(1)
½ CO2 + 2 H+ +2 e- →
1/12 C6H12O6 + ½ H2O
2 -0,43 (Tchobanoglous et
al., 2003)
HCO3-/HCOO-
(2)
½ HCO3- +2 H+ + 2e- → HCOO- + H2O 2 -0,49 (Tchobanoglous et
al., 2003)
CO2/acétate
(3)
1/4 CO2 +1/4 HCO3+ 2 H+ +2 e- →
1/4 CH3COO- + ¾ H2O
2 -0,28 (Tchobanoglous et
al., 2003)
NAD+/NADH+H+
(4)
NAD+ + 2H++ 2 e- → NADH +H+ 2 -0,32 (Kleinsmith et Kish,
1988)
Cyt b3+ / Cyt b2+
(5)
Cyt b3+ + e- → Cyt b2+ 1 0,0 (Tchobanoglous et
al., 2003)
Cyt a3+ / Cyt a2+
(6)
Cyt a3+ + e- → Cyt a2+ 1 +0,38 (Tchobanoglous et
al., 2003)
O2/H2O
(7)
½ O2 +2 H+ +2 e- → H2O
2 +0,82 (Tchobanoglous et
al., 2003)
NO3-/NO2
-
(8)
NO3- +2 H++2 e- → NO2
-+ H2O
2
+0,42 (Tchobanoglous et
al., 2003)
SO4--/H2S
(9)
1/4 SO4--/ +19/8 H++2 e- →
1/8 H2S+1/8 HS- + H2O
2 -0,22 (Tchobanoglous et
al., 2003) 1 n: nombre d’électrons impliqués dans la demi-réaction
Les réactions 1 à 3 du tableau 1-1 illustrent des demi-réactions de donneurs d’électrons
alors que les réactions 7 à 9 sont celles impliquant des accepteurs finals de la chaîne
respiratoire. Ainsi, l’oxydation du glucose par de l’oxygène (demi-réactions 1 et 7),
résulte en une différence de potentiel entre les demi-réactions de 1,25 volts (0,82 - -0,43).
En appliquant l’équation 1.1, l’énergie libre G dégagée par cette réaction sera de
– 240 kJ mole-1
. Il s’agit d’une réaction spontanée intense, d’où l’utilité d’une chaîne
respiratoire qui fragmente en sous-étapes la réaction totale par le biais de réactions
intermédiaires. Si on applique l’équation 1.1 à l’oxydation du glucose par le NAD+, on
trouve une différence de potentiel de 0,11 volt pour un dégagement d’énergie de -21,2 kJ
mole-1
. Une fois réduit sous la forme NADH+H+, celui-ci transférera sa charge vers un
intermédiaire de la chaîne respiratoire plus oxydant que lui. Des demi-réactions types de
cette chaîne sont représentées par les réactions 5 et 6 et font intervenir des coenzymes
intermédiaires appelés cytochromes.
8
La figure 1.1 schématise les mécanismes de transfert des électrons entre une bactérie et
les électrodes d’une biopile. Dans ce système, l’anode de la biopile sert d’accepteur
d’électrons en provenance des bactéries, alors qu’à la cathode un agent oxydant est réduit
par l’apport de ces électrons utilisant un circuit électrique externe. Pour leur part, les
protons H+ migrent de l’anode vers la cathode en utilisant un pont électrolytique (comme
une membrane échangeuse de cations) pour rétablir l’équilibre électrique des solutions. Si
de l’oxygène est utilisé à la cathode comme agent oxydant, tel qu’illustré à la figure 1.1,
il y aura production d’eau par la combinaison de l’oxygène réduit et des protons.
Figure 1.1 Schématisation du fonctionnement d’une biopile (Rabaey, Verstraete, 2005).
La biopile offre donc un moyen de canaliser et de concentrer dans un circuit électrique
externe toute la production d’électrons de genres bactériens susceptibles d’adopter une
anode comme accepteur final d’électrons. L’identification de ces genres bactériens est un
enjeu majeur lors du développement d’une biopile car elle permet la compréhension des
mécanismes de transfert des électrons privilégiés par les bactéries « électrophiles ». À
bactérie
bactérie
anode cathode
Bactérie Anode Cathode
Membrane échangeuse de cations
9
partir de cette compréhension, une optimisation des conditions prévalant dans la biopile
peut être effectuée pour en augmenter la sortie de puissance électrique tout en diminuant
le temps de séjour du carburant dans la biopile, ce qui, ultimement, aura un impact sur le
dimensionnement final de celle-ci.
1.2.2 Mécanismes respiratoires bactériens possibles et production d’électricité
L’évolution des biopiles est largement dépendante de la compréhension des mécanismes
de transfert des électrons et des protons impliqués pendant les réactions qui à leur tour
sont largement tributaires des populations bactériennes qui agissent comme catalyseur de
ces réactions. Au cours des années, la compréhension de ces mécanismes s’est effectuée
en s’adressant d’abord à des cultures bactériennes pures pour se concentrer d’avantage
aujourd’hui sur des consortiums bactériens mixtes.
Une bactérie dont la chaîne respiratoire est efficace ne pourra produire un courant externe
important car la majorité de l’énergie aura été convertie en ATP. De ce fait, les bactéries
strictement aérobies ne sont pas de bonnes candidates pour la production de biopiles. Ces
dernières tablent donc sur l’existence de bactéries anaérobies strictes ou aérobies-
anaérobies facultatives possédant des mécanismes respiratoires beaucoup moins efficaces
pour générer des sorties de puissance utilisables. De fait, ce manque d’efficacité,
tributaire d’une chaîne respiratoire moins complexe ou plus courte, laisse une importante
quantité d’énergie encore disponible au sortir de la chaîne. En négligeant les pertes
internes, la tension théorique maximale en circuit ouvert d’une biopile utilisant l’oxygène
de l’air comme oxydant ne sera jamais supérieure à 1,14 V, ceci étant gouverné par la
différence entre les potentiels d’oxydoréduction du couple NAD/NADH+H+ (-0,32 V,
tableau 1-1), substance cellulaire impliquée dans le transfert des électrons, et du couple
O2/H2O (+0,82 V, tableau 1-1). Dans les faits, à cause des besoins en énergie de la
bactérie et de la résistance dans le système, la tension maximale sera inférieure à cette
valeur.
10
Jusqu’à tout récemment, les études portant sur des biopiles consistaient à travailler avec
des souches bactériennes pures. Les travaux de Bennetto et de ses collaborateurs
(Bennetto et al., 1983; Bennetto, 1984 et 1990; Delaney et al.,1984) font école en la
matière. Les expériences menées par cette équipe avec, notamment, les genres bactériens
Proteus vulgaris et Escherichia coli ont également mis en lumière que l’ajout de
médiateurs redox synthétiques permettait d’augmenter significativement la sortie de
puissance des biopiles. Par exemple, des composés solubles dérivés des colorants tels que
le bleu de méthylène (BM) ou la thionine (Th), ont fait l’objet d’études (Bennetto et al.,
1983; Delaney et al. 1984).
Néanmoins, parce qu’ils se consument, les médiateurs redox de synthèse doivent être
constamment remplacés tout au long du fonctionnement des biopiles. De plus, en raison
de leur toxicité, leur utilisation dans un contexte de développement durable est
questionnable puisqu’il faudra relâcher l’effluent des biopiles en nature. C’est pourquoi,
des chercheurs se sont intéressés à trouver des espèces bactériennes qui ne nécessitent pas
l’addition de médiateurs redox de synthèse. Kim et al. (2002), Bond et al. (2002), Bond et
Loveley (2003), Chaudhuri et Loveley (2003) et Haberman et Pommer (1991), ont
respectivement mis en lumière que les espèces Shewanella putrefaciens, Geobacter
metallireducens, Geobacter sulfurreducens, Rhodoferax ferrireducens et Desulfovibrio
desulfuricans étaient en mesure de répondre à ce critère. Actuellement, trois mécanismes
respiratoires bactériens anaérobies expliqueraient le fonctionnement d’une biopile faisant
appel à ces genres bactériens (Schröder, 2007; Logan et al., 2006; Logan et Regan, 2006).
La figure 1.2 illustre les mécanismes possibles. Chacun de ces mécanismes fait appel à un
genre bactérien spécifique. De la gauche vers la droite, on note deux mécanismes
impliquant un contact physique direct entre la bactérie et l’anode et un troisième
impliquant une molécule intermédiaire de transfert entre la bactérie et l’électrode.
11
Figure 1.2 Mécanismes possibles de transfert des électrons entre les bactéries et
une anode.
Des bactéries métaux-réductrices seraient en mesure de réduire certains hydroxydes de
métal (Schröder, 2007; Haberman et Pommer, 1991). Pour ce faire, elles doivent être en
contact direct avec l’élément à réduire. Cette propension à se développer sur la surface à
réduire peut être utilisée dans les biopiles en permettant le développement bactérien
directement sur la surface d’une électrode. Dans cette stratégie, l’anode sera poreuse et
devrait offrir un maximum de surface pour favoriser le développement des bactéries.
Dans ce cas, les chercheurs utilisent fréquemment des électrodes à base de fibre de
carbone ou de graphite. Comme cela est illustré à la figure 1.3, les bactéries utiliseraient
deux façons de se lier à leur support (Schröder, 2007; Logan et Regan, 2006). Soit par
contact direct par le développement de cytochromes en bordure de la membrane
cytoplasmique externe (figure 1.2 a), soit par la formation de nano-fibres partant de
cytochromes vers le milieu extérieur (figure1.3 b). Pour ce dernier cas, on pense même
que, grâce à un système de micro-câblage, il est possible qu’un réseau inter-bactéries
permette la survie des microbes situés à une certaine distance de l’accepteur final
d’électrons (Haberman et Pommer, 1991). Des bactéries du genre Shawanella, Geobacter
ou Rhodoferax sont ferro-réductrices et sont reconnues pour développer des nano-fibres
(Schröder, 2007). En se référant au tableau 1-1, on voit que le potentiel d’oxydoréduction
e-
a) Contact direct
avec cytochrome
ccytochrome
b) Nano-fibres c) Molécules
intermédiaires
red
. ox
.
12
du couple oxydation/réduction des cytochromes (éléments de la chaîne respiratoire en
contact direct avec l’extérieur) se situe entre 0 et 0,38 V, ce qui permet de prévoir une
tension maximale de la biopile entre 0,4 et 0,8 volt, dans le cas où l’oxygène est utilisé à
la cathode.
D’autres bactéries utiliseraient pour leur part certaines molécules intermédiaires (figure
1.2 c) pour effectuer le transfert des électrons. Une fois relâchées dans l’environnement,
ces molécules réduites viendraient s’oxyder à l’anode pour revenir éventuellement vers
les bactéries, prêtes à recommencer un nouveau cycle d’oxydoréduction. À cet effet, on
note dans la littérature que les bactéries sulfato-réductrices utilisent le sulfate comme
accepteur d’électrons. Des delta-protéobactéries comme Desulfovibrio desulfuricans
utilisent ce mode respiratoire (Schröder, 2007). Pour la fabrication de biopiles, il s’agit
d’un mode de transfert d’électrons particulièrement intéressant car, comme l’indique le
tableau 1-1, le potentiel d’oxydoréduction du couple sulfate/sulfure est de -0,22 V
(Schröder, 2007). Conséquemment, si de l’oxygène est utilisé au niveau de la cathode, la
tension maximale théorique serait légèrement supérieure à 1 volt (0,8 V - -0,22 V).
Mais les avenues de solution pour obtenir des sorties de puissance significatives des
biopiles ne sont pas exclusives à l’utilisation d’un genre bactérien unique. Rabaey et al.
(2003 et 2004) et Kim et al. (2005) ont tablé sur une logique de sélection naturelle pour
favoriser la croissance de bactéries de type « électrophiles » en partant du constat établi
par Nielsen et al. (2002) que la population bactérienne d’une boue provenant d’un
digesteur anaérobie est constituée d’environ 3 % de bactéries ferro-réductrices. En
utilisant une boue d’un digesteur anaérobie et en transférant successivement des biofilms
récoltés sur des anodes de biopiles, Rabaey et al. (2004) sont parvenus à obtenir l’une des
meilleures performances jamais atteinte avec une biopile. L’analyse des populations
présentes sur l’anode et dans l’anolyte a permis de constater que la communauté
consistait principalement en des bactéries anaérobies facultatives (pouvant autant évoluer
en milieu aérobie qu’anaérobie) telles que Alcaligenes faecalis, Enterococus gallinarum,
Pseudonomas aeruginosa et autres bactéries du genre Pseudonomas. Ces chercheurs
notaient également que P. aeruginosa et A. faecalis produisaient respectivement de la
pyocyanine et de la plastocyanine, deux composés capables de jouer des rôles de
13
médiateurs redox naturels. Pour obtenir ces résultats, une expérimentation à long terme a
été nécessaire. Si, en effet, la sortie de puissance en début d’expérience a été faible, elle
augmentait constamment au fur et à mesure que la population bactérienne s’adaptait et
augmentait. Ainsi, en début d’expérience, le rendement de Coulomb est seulement de 4 %
et la densité de puissance est de 0,65 W·m-2
(voir la section 1.6 pour la définition de ces
paramètres). Toutefois, après la 71e journée d’adaptation, le rendement de Coulomb
atteignait 81 % et la densité de puissance 4,31 W·m-2
. Ces rendements se sont par la suite
maintenus pendant les 80 jours subséquents d’observation. Les chercheurs notaient
également que l’activité méthanogène des bactéries cessait progressivement puisque le
glucose utilisé comme carburant, bien que complètement consommé, n’entraînait pas
pendant sa dégradation la production d’acides gras volatils. Un autre fait intéressant de
cette recherche, fut le constat entourant la sortie de puissance selon deux modes de
transfert du consortium mixte de bactéries vers des biopiles vierges (sans consortium
bactérien avant transfert) alimentées au glucose. Dans un premier cas, les bactéries ont
été transférées en utilisant les corps microbiens en suspension dans l’anolyte d’une
biopile de culture, alors que dans un second cas, les bactéries ont été transférées en
immergeant une électrode de graphite recouverte d’un bio-film de bactéries adaptées dans
une nouvelle biopile. Ces chercheurs n’ont noté aucune différence significative de
rendements entre les 2 modes de transferts, obtenant en moyenne pour les deux modes
une densité de puissance d’environ 4 W·m-2
, un voltage de 600 mV et un courant
d’environ 30 mA. L’analyse des populations révélait en plus qu’après deux jours de
fonctionnement il y avait autant de corps microbiens en solution que sur l’anode dans les
deux situations. Ceci démontre, qu’une fois adaptés, les consortiums mixtes bactériens
pouvaient facilement être transférés peu importe le mode de transfert retenu.
En conclusion de leur recherche, Rabaey et al. (2004) notaient que les communautés
bactériennes pouvaient s’adapter aux conditions présentes dans les biopiles, évoluant vers
des consortiums optimisés en tant que biocatalyseur d’électricité. De plus, ces
consortiums se servaient de deux véhicules de transferts d’électrons, soit par contact
direct de la membrane cytoplasmique avec l’anode, soit par l’utilisation de médiateurs
redox indigènes. Ainsi, il semblerait que certaines bactéries bénéficieraient de la capacité
de sécrétion de médiateurs redox d’autres espèces bactériennes pour réaliser leur propre
14
activité respiratoire. Cette symbiose entre espèces bactériennes expliquerait en partie les
puissances de sortie particulièrement importantes observées avec les consortiums
bactériens.
Le tableau 1-2 présente l’amélioration des performances des biopiles selon l’évolution
des connaissances dans le temps et la compréhension des mécanismes de transfert des
électrons entre les bactéries et l’anode. Il met également en perspective le net avantage
d’utiliser un consortium mixte de bactéries pour l’obtention d’une puissance de sortie
optimale ainsi que l’usage, par différents groupes de chercheurs, de certains substrats
comme source de carburants pour les bactéries.
Tableau 1-2 Évolution des performances des biopiles selon les communautés bactériennes.
Type de
colonies
bactériennes
Carburant
utilisé
Utilisation
de
médiateur
redox
Courant
produit
Densité de
puissance
Puissance Référence
(O/N) (A) mW·m-2 W·m-3
Souches pures
Escherichia
coli
lactate O 3,3 1,2 7,6 Park et Zeikus,
2003
Proteus
vulgaris
glucose O 0,8 4,5 18 Delaney et al.,
1984
Rhodoforax
ferrireducens
glucose N 0,2 8 25 Chaudhuri et
Lovley, 2003
Pseudonomas
aeruginosa
glucose N 0,1 88 8.8 Rabaey et al.,
2005
Consortiums
mixtes
boues
digesteur
anaérobie
lactate
N
2,6
788
32
Park et Zeikus,
2003
boues
digesteur
anaérobie
glucose
N
31
4310
75
Rabaey et al.,
2004
15
1.3 Effets des carburants sur le comportement des biopiles
Lorsque la population bactérienne est bien adaptée, on note une relation bien définie entre
la sortie de puissance d’une biopile et la quantité de substrat (carburant) alimentant les
bactéries. La figure 1.3 provenant des travaux de Rabaey et al. (2003), illustre la variation
des sorties de puissance d’une biopile alimentée au glucose selon la quantité de carburant
présent dans l’anolyte. On note ainsi une augmentation abrupte de la puissance dès que la
biopile est alimentée et une décroissance progressive au fur et à mesure que le substrat est
consommé. La nature du carburant influence également la sortie de puissance d’une
biopile. À cet effet, les travaux de Min et Logan (2004) sont particulièrement éloquents.
Ces chercheurs ont en effet observé des sorties de puissance variables en utilisant
alternativement du glucose, de l’acétate, du butyrate et de l’amidon dans une biopile
obtenant respectivement pour ces produits une sortie de puissance de 212, 286, 220 et
242 mW m-2
et ce, pour une DCO identique initiale de 1000 mg L-1
.
Figure 1.3 Sortie de puissance d’une biopile en fonction de son alimentation en carburant
(Les flèches indiquent les moments de recharge) (Rabaey et al. , 2003).
1.4 Autres composantes critiques des biopiles
Au-delà des communautés bactériennes en présence, les performances d’une biopile sont
également tributaires de ses composantes matérielles. Actuellement, les biopiles
16
rapportées dans la littérature ayant démontré le plus fort potentiel ont fait appel au
ferricyanure de potassium (K3Fe(CN)6) comme catholyte afin d’assurer un potentiel
d’oxydation stable à la cathode (Schröder et al., 2003; Rabaey et al., 2004). Dans ces
circonstances, les cathodes sont généralement faites de graphite ou de carbone. Toutefois,
à grande échelle et dans un contexte de développement durable, on peut difficilement
espérer utiliser le ferricyanure de potassium. Celui-ci est toxique et doit constamment être
renouvelé pendant l’opération des biopiles. Aussi, des chercheurs se tournent vers
l’utilisation de l’oxygène de l’air comme oxydant à la cathode (Oh et al., 2004; Liu et
Logan , 2004). Néanmoins, comme pour les piles à combustible, il faut pallier au fait que
la réduction de l’oxygène est une réaction lente. Pour cette raison, des cathodes contenant
du platine comme catalyseur sont utilisées. Les cathodes commerciales avec platine
utilisées dans les biopiles sont du même type que celles qui ont été développées pour les
piles à combustible avec membrane échangeuse de protons (PEM). Une bonne
compréhension des techniques de fabrication de ces cathodes permet de jeter les bases
pour la construction de biopiles performantes.
1.4.1 Cathode avec platine
Le platine est réputé pour son activité catalytique élevée pour la réduction de l’oxygène
et sa stabilité à long terme (Bogdanoff et al., 2004). Toutefois, sa rareté rend son coût
d’achat prohibitif. Quatre-vingt-dix pourcent de la production de ce métal noble est
assurée par deux pays, l'Afrique du Sud (75 %) et la Russie (15 %) (Shin et al., 2002), ce
qui résulte en un coût d’achat généralement double de celui de l’or. Par exemple, en
octobre 2010, le prix du platine était d’environ 1 680 US $ l’once (Kitco, 2010). Il faut
donc en diminuer autant que possible la concentration dans les cathodes. Pour résoudre ce
problème, beaucoup de travaux de recherche ont été entrepris et sont toujours en cours.
Une avancée majeure est survenue dans les années 1990 quand il a été observé que du
platine supporté par du carbone ayant une grande surface spécifique permettait de réduire
significativement la dose de ce métal noble. Ainsi, de 1980 à 1990, on a pu ramener ce
dosage de 4 à 0,4 mg·cm-2
(Costamagna et Srinivasan, 2001). Dans la perspective d’un
usage commercial, particulièrement dans le domaine de l’automobile, un dosage de 0,1
mg•cm-2
de platine est ciblé, mais ce seuil demeure encore un enjeu sérieux pour la
17
recherche (Janssen et Sitters, 2007). L’intégration du catalyseur avec du carbone a
conduit à l’élaboration de techniques permettant la création d’une « encre catalytique ».
Cette technique permet de faire baigner et de bien disperser des nanoparticules du métal
noble dans un environnement conducteur ayant lui-même une très grande surface
spécifique (Wikander et al., 2007). Cette encre peut être appliquée par brossage sur du
tissu ou du papier carbone. La méthode la plus populaire aujourd’hui pour élaborer cette
encre repose sur une technique brevetée en 1993 (Wilson, 1993) et, traduit librement, se
nomme « méthode de la couche mince » (Thin Film Method). Comme celle-ci peut être
reprise relativement facilement par des laboratoires de recherche, elle est régulièrement
utilisée pour évaluer les performances de nouveaux catalyseurs ou comme référence pour
comparer de nouvelles techniques de déposition de catalyseurs sur les électrodes. En
utilisant cette technique, des chercheurs ont déterminé qu’une concentration de
0,4 mg·cm-2
de platine était optimale et qu’en dessous de cette teneur les performances
des piles diminuaient (Paganin et al., 1996). Actuellement, une concentration de platine
de 0,5 mg·cm-2
pour des électrodes de carbone est fréquemment appliquée sur les
cathodes vendues commercialement. La quantité de platine présente dans la cathode
d’une pile à combustible a donc grandement été réduite en réalisant des électrodes
composites à base de platine et de carbone. Toutefois, même si les électrodes de nouvelle
génération faisant appel aux nanoparticules de platine permettent d’atteindre des
rendements supérieurs par rapport aux électrodes des générations antérieures, cette
réduction de la taille des particules a des limites. De fait, il semble que des particules de
platine dont la taille est inférieure à 3 nm n’apportent pas d’amélioration significative au
niveau des performances d’une pile à combustible (Wikander et al., 2007).
Les cathodes commerciales utilisant le platine comme catalyseur et utilisées dans les
biopiles sont du même type que celles qui ont été développées pour les piles à
combustible avec membrane échangeuse de protons (Liu et Logan, 2004). Ces électrodes
sont généralement fabriquées à partir d’une toile de carbone (tissu ou papier) permettant
les échanges gazeux (en anglais, on réfère à cette toile en utilisant le terme GDL pour
Gas Diffusion Layer) imprégnée d’une couche catalytique (Litster et McLean, 2004). La
GDL permet un accès direct de l’agent oxydant vers la couche catalytique, laquelle
18
favorise la réduction de l’oxygène (Litster et McLean, 2004). La figure 1.4 présente la
disposition de la couche catalytique sur la GDL.
Figure 1.4 Vue schématisée des éléments constitutifs de la cathode (Litster et
McLean, 2004).
La couche catalytique comprend ainsi trois phases distinctes en contenant à la fois les
protons, les électrons et l’oxygène (Litster et McLean, 2004). Comme cela a été
mentionné plus haut, la couche catalytique est appliquée comme une encre sur la GDL et
est en interface entre l’électrolyte et cette dernière. Cette couche, généralement de moins
de 10 μm (Dicks, 2006), est fréquemment décrite comme étant la couche active du
système. Comme l’illustre la figure 1.4, ce sont les particules de carbone qui favorisent la
dispersion du catalyseur dans la couche catalytique et qui permettent le transfert des
électrons vers la GDL. La poudre de carbone a été retenue au fil du temps en raison de sa
grande surface de contact et de ses propriétés conductrices électriques, tout en étant stable
chimiquement en milieu acide ou basique (Dicks, 2006). On rencontre fréquemment dans
la littérature le rapport platine-carbone (Pt/C) mettant en relation le poids du platine par
rapport à celui du carbone dans un mélange (Litster et McLean, 2004). Un rapport Pt/C
entre 10 et 40 % est fréquemment invoqué dans la littérature comme valeur appropriée
pour le fonctionnement optimal d’une pile car au-delà de 40 % les performances se
détérioreraient (Janssen et Sitters, 2007; Paganin et al., 1996). Les noirs de carbone
obtenus de Cabot Corporation (Vulcan XC-72R, Black Pearls BP2000) et de Ketjen
Électrolyte
19
Black International (Shawinigan) sont fréquemment mentionnés dans la littérature
(Dicks, 2006; Antolini et al., 2002) comme support catalytique. Il a néanmoins été
observé que la poudre de carbone Shawinigan était plus efficace que le Vulcan XC-72R
(Antolini et al., 2002). Le noir de carbone peut également être « activé » par des procédés
chimiques ou thermiques, ce qui en augmente la microporosité (c’est-à-dire la proportion
de pores de diamètre inférieur à 2 nm) et fait passer l’indice de surface spécifique BET
(Brunauer, Emmett et Teller) de 220-250 m2·g
-1 à 800-1200 m
2·g
-1 (Dicks, 2006). Pour
ces raisons, le noir de carbone activé se révèle être l’un des premiers choix des
concepteurs comme support catalytique. Supportant la couche catalytique, la GDL permet
la circulation des gaz et la gestion de l’eau créée par les réactions chimiques. Cette toile
de carbone, tout en étant perméable aux gaz, doit avoir une bonne conductivité
électronique et être hydrophobe, de manière à ce que le matériel ne soit pas noyé par
l’eau formée lors des réactions chimiques. De fait, une trop grande quantité d’eau dans la
GDL affecte négativement les performances d’une pile en réduisant la perméabilité aux
gaz (Dicks, 2006) et en restreignant l’accès aux particules catalytiques (Litster et
McLean, 2004). La GDL doit également être malléable, aussi on utilise fréquemment
pour sa conception du tissu ou du papier carbone dont les épaisseurs pourront varier de
15 à 300 μm (Litster et McLean, 2004). Néanmoins, certains auteurs rapportent qu’une
épaisseur entre 35 et 50 μm est optimale et qu’au-delà de 60 μm, les performances d’une
pile se détériorent (Paganin et al., 1996). Une étude comparative entre le tissu carbone et
le papier carbone a démontré que ce premier donnait de meilleurs résultats, notamment
pour des piles à combustible au méthanol (DMFC pour Direct Methanol Fuel Cell) en
raison de sa plus grande porosité (Oedegaard et al., 2004). Le tissu carbone est constitué
de fibres de carbone tissées ou non tissées (Dicks, 2006). Ces fibres sont caractérisées par
une très grande résistance à la tension et à la compression, tout en possédant une grande
résistance à la corrosion et à la fatigue. Les filaments ont généralement entre 5 et 15 μm
de diamètre (Dicks, 2006). La GDL est généralement enduite d’une mince couche de noir
de carbone (Vulcan XC-72R, poudre de carbone Shawinigan) (Jordan et al., 2000)
mélangé avec une résine hydrophobe qui est typiquement du polytétrafluoroéthylène
(PTFE), commercialisé par la compagnie DuPont sous le nom de Teflon® (Litster et
McLean, 2004). Cette sous-couche microporeuse insérée entre le tissu carbone et la
20
couche catalytique permet d’améliorer l’évacuation de l’eau (Qi et Kaufman, 2002). Le
PTFE doit être utilisé avec parcimonie puisqu’il réduit la conductivité de la GDL (Bevers
et al., 1996). Pour obtenir une sortie de puissance stable et optimale, sur une base
massique, la quantité de PTFE à utiliser par rapport au carbone devrait idéalement se
situer entre 10 et 30 % sans excéder 40 % (Oedegaard et al., 2004; Lim et Wang, 2004).
Une charge de carbone de 2,0 mg·cm-2
peut être utilisée (Oedegaard et al., 2004). Les
performances d’une pile peuvent également varier selon la porosité de la GDL. Ainsi,
dans un essai comparatif, un tissu carbone de la compagnie E-TEK ayant des pores de
200-300 μm de diamètre a donné de meilleurs résultats qu’un tissu carbone du même
fabricant ayant des pores de 50 μm de diamètre (Oedegaard et al., 2004).
Les informations énoncées ci-haut révèlent à la fois la complexité, la fragilité et la valeur
économique d’une cathode chargée de platine. Il est donc important d’en optimiser le
fonctionnement et de protéger les sites catalytiques. Finalement, notons que la recherche
de catalyseurs élaborés à partir de métaux non-nobles s’effectue à travers le monde. Déjà
certains chercheurs proposent leur utilisation dans des biopiles (Zhao et al., 2006; Cheng
et al., 2006a). Il s’agit néanmoins d’un domaine de recherche qui ne sera pas exploré au
cours de ce projet.
1.4.2 Membrane échangeuse de cations
Pour obtenir une sortie de puissance importante d’une biopile, il faut également porter
une attention spéciale au pont électrolytique. Ce pont permet le passage des protons de
l’anode vers la cathode. Il peut créer une résistance interne significative dans la biopile.
Comme les techniques de construction des biopiles sont dérivées directement de celles
des piles à combustible, plusieurs chercheurs ont utilisé des membranes perméables aux
protons (proton exchange membrane ou PEM en anglais) nafion® fabriquées par Dupont
comme pont électrolytique pour évaluer leurs piles (Min et Logan, 2004; Liu et Logan
2004). Il a également été démontré (Oh et Logan, 2006) que plus la surface de la PEM est
petite, plus grande sera la résistance interne de la pile. En conséquence, il est important
d’optimiser cette surface pour obtenir les meilleurs résultats possibles. Dans un montage
21
original appelé biopile à compartiment unique (figure 1.5), Liu et Logan (2004) ont fait
disparaître la PEM et se sont servis de l’affluent comme pont électrolytique.
Figure 1.5 Biopile à compartiment unique (Liu et Logan, 2004).
Il n’y a donc plus de compartiment attitré à la cathode et celle-ci est exposée à l’air libre
et non plus immergée dans de l’eau oxygénée. Comparé à un montage avec PEM, ils ont
obtenu une meilleure sortie de puissance, signifiant ainsi une réduction significative de la
résistance interne dans le montage sans PEM. Néanmoins, ils ont observé une quantité
d’oxygène dissous importante près de l’anode, ce qui prédispose les bactéries à utiliser
cet oxygène plutôt que l’anode pour effectuer leur respiration. Au final, on récupère ainsi
moins d’électrons même s’il y a abattement de la demande chimique en oxygène (DCO)
dans le liquide traité. Pour pallier à ce problème, il semble qu’un système fonctionnant en
continu, dans lequel le flot de l’affluent est orienté de l’anode vers la cathode corrige en
partie le problème (Cheng et al., 2006b).
1.5 Les biopiles et le traitement des eaux usées
Pour les pays industrialisés, l’avenir commercial des biopiles se situe vraisemblablement
du côté du traitement des eaux usées domestiques (abattement de la demande
22
biochimique en oxygène (DBO5) et de la DCO) ou des effluents très chargés comme le
sont les lisiers ou les effluents d’abattoir. Les biopiles possèdent certains avantages par
rapport à un système conventionnel aérobie de traitement des eaux par boues activées.
D’une part, les coûts de construction et d’opération peuvent être compensés par les
revenus potentiels découlant de la vente d’électricité. Compte tenu que les systèmes sont
beaucoup moins énergivores, l’empreinte environnementale en sera réduite, notamment
en production de gaz à effet de serre (Oh et al, 2010). Finalement, la disposition des
boues avec un système de traitement des eaux avec biopiles sera moins problématique
car la quantité de biomasse produite dans une biopile sera, à l’image des systèmes de
digestion anaérobie classique, nettement moindre que dans un système à boue activé
aérobie conventionnel (Oh et al, 2010). De fait, on note une production de matière
volatile en suspension (MVeS) d’environ 0,4 à 0,8 g MVeS·g-1
DBO5 dans un système
aérobie alors qu’elle se situe entre 0,035 et 0,15 g MVeS·g-1
DBO5 dans un système
anaérobie (Oh et al., 2010).
En plus, selon Rabaey et Verstaete (2005), pour le traitement des eaux, les biopiles
comportent des avantages même par rapport à des systèmes mettant de l’avant la
digestion anaérobie et sa production de méthane comme sous-produit énergétique. Ces
chercheurs indiquent, dans un premier temps, qu’une biopile permet une efficacité de
conversion élevée en créant directement un courant électrique alors que dans le cas d’une
digestion anaérobie, il faut utiliser le biogaz produit comme carburant dans un groupe
électrogène pour produire de l’électricité. En second lieu, les biopiles produisent
d’excellents rendements à température ambiante contrairement à la plupart des processus
courants de « bioénergie » qui nécessitent généralement des températures élevées pour
être efficaces. Troisièmement, une biopile n'exige pas le traitement des gaz
d'échappement puisque ceux-ci sont constitués essentiellement de dioxyde de carbone.
L’utilisation de biopiles industrielles, compétitives et adaptées au traitement des eaux
usées passe par le développement de systèmes à bas coût. Pour ce faire il faut créer des
systèmes peu complexes. Dans cette ligne de pensée, l’utilisation directe de l’oxygène de
l’air, donne naissance à une nouvelle génération de biopiles, appelées biopiles à
compartiment unique. Les travaux exploratoires de l’Université de Pennsylvanie (Min et
23
Logan, 2004; Liu et Logan, 2004; Cheng et al., 2006c), sont particulièrement intéressants
à cet égard. Ces chercheurs rapportent les résultats de différentes configurations de
biopiles à chambre unique et à écoulement continu utilisant des eaux usées comme
biocarburant. De l’air passif ou injecté est utilisé à la cathode comme source d’oxygène.
Les figures 1.6 et 1.7 illustrent les prototypes évalués. La figure 1.6 présente une biopile
utilisant des canaux en serpentin permettant la circulation du biocarburant et de l’air dans
la pile alors que la figure 1.7 illustre un modèle faisant appel à une chambre cylindrique
contenant 8 tiges de graphite comme anodes disposées de manière concentrique autour de
la cathode. L’idée générale dans ces systèmes à écoulement continu, est de rechercher
une configuration optimale permettant de limiter les risques de colmatage dans les
passages hydrauliques par les débris contenus dans les effluents traités, tout en permettant
une vitesse d’écoulement telle que les forces de cisaillement préviendront la formation
d’un biofilm excessif sur les anodes. De plus, le compromis recherché doit prendre en
compte la distance entre l’anode et la cathode, celle-ci devant être la plus courte possible
pour réduire la résistance au transfert des protons (Rabaey et Verstraete, 2005). Les
bactéries présentes dans ces biopiles sont des consortiums développés à partir des
populations bactériennes contenues dans les eaux usées provenant d’une usine
d’épuration. Les lectures des différents paramètres ont été réalisées quand une sortie de
puissance constante a été atteinte, ce qui était généralement le cas après six fois le temps
de séjour hydraulique.
24
Figure 1.6 Schéma (A) et photographie (B) d’une biopile à plaques à écoulement continu
(Min et Logan, 2004).
Figure 1.7 Schéma (A) et photographie (B) d’une biopile cylindrique à écoulement continu
(Liu et al., 2004).
Les matériaux utilisés sont relativement identiques pour les deux biopiles. On retrouve
ainsi du papier carbone poreux pour l’anode de la biopile de la figure 1.6 et du graphite
pour la biopile de la figure 1.7 La cathode des deux biopiles est constituée de fibres de
carbone contenant du platine (0,5 mg·cm-2
avec 10 % Pt). La membrane échangeuse de
cations est une PEM à base de nafion®. Cette membrane est pressée à chaud sur la
cathode. Dans le cas de la biopile de la figure 1.7, un cylindre en plastique creux perforé
25
d’orifices de 2 mm de diamètre espacés aux 2 mm constitue le support de la cathode et de
la membrane. Le tableau 1-3 présente les principaux résultats alors que la demande
chimique en oxygène initiale des eaux usées varie de 50 à 200 mg·L-1
.
Tableau 1-3 Principaux résultats de biopiles évaluées pour le traitement d’eau usée
(Booki et Logan, 2004; Hong et al., 2004).
Type de
biopile
Temps de
séjour
hydraulique
Densité
de
puissance
Abattement
de la DCO
Jour mW·m-2
%
À plaques
(figure 1.6)
4,0 43 79
Cylindrique
(figure 1.7)
1,0 26 80
Ce tableau permet d’apprécier l’effet épurateur de ces biopiles, puisqu’elles permettent
un abattement substantiel de la DCO. Néanmoins, les productions d’énergie annoncées
sont inférieures à celles révélées par d’autres auteurs (voir tableau 1-2) qui ont travaillé
avec des consortiums mixtes bactériens et avec d’autres substrats que des eaux usées. Il
se peut que la période d’adaptation n’ait pas été suffisamment longue pour permettre le
plein développement des consortiums bactériens mixtes puisque, comme l’indique
Rabaey et al. (2004), ceci se réalise sur une assez longue période. Or, la période
d’adaptation invoquée par les chercheurs de la Pennsylvanie est nettement plus courte (6
à 12 jours) que celle rapportée par Rabaey et al. (2004) (70 jours). Un dernier point
important à noter concernant les différences de performances entre les travaux de Rabaey
et al. (2003) et celles des chercheurs de la Pennsylvanie est l’emploi de ferricyanure de
potassium (K3Fe(CN)6 en solution comme catholyte plutôt que de l’air. En ce sens, les
biopiles de Rabaey et al. (2003) sont conventionnelles en utilisant une chambre distincte
pour l’anode et la cathode.
Pour ce qui est du lisier de porc en tant que carburant pour une biopile, il existe quelques
études qui arrivent à la conclusion qu’il existe un potentiel certain avec ce rejet de ferme
26
(Min et al., 2007; Kim et al., 2008). Dans une première étude, une sortie de puissance
maximale d’environ 260 mW m-2
a été atteinte avec une biopile à compartiment unique
(Min al., 2007) après une période d’adaptation de quelques jours de la flore bactérienne
indigène au lisier. Dans une deuxième étude, à partir du montage de Min et al. (2007),
Kim et al. (2008) signalent un abattement d’odeur associé au traitement du lisier. Mais il
existe présentement un vide de connaissances quant aux mécanismes respiratoires
bactériens et aux réactions électrochimiques pouvant prévaloir dans une biopile alimentée
au lisier. Ce vide conduit inévitablement à produire des biopiles au lisier ayant des sorties
de puissance aléatoires, car les conditions de production ne sont pas nécessairement
optimisées. La revue de littérature indique que grâce à une meilleure compréhension des
mécanismes biologiques et électrochimiques impliqués dans les biopiles, on note des
progrès en termes de densité de puissance à travers le temps. L’emploi de biopiles pour
assainir des eaux usées tout en soutirant une production soutenue d’énergie en est encore
à ses premiers développements. Les travaux du présent doctorat viseront donc à combler
certaines connaissances pour la mise en service de biopiles destinées à assainir et
valoriser du lisier de porc.
1.6 Définitions
Plusieurs paramètres permettent de caractériser les performances d’une biopile. Les
lignes qui suivent décrivent les plus communs rencontrés dans la littérature.
1.6.1 Rendement de Coulomb
Le rendement de Coulomb ( ηc ) permet d’exprimer la relation entre les charges
élémentaires introduites dans une biopile et les charges qui en sont extraites par le circuit
électrique. Soit:
i
oc
Q
Q X 100 (1.2)
où
ηc : Rendement de Coulomb (%);
27
Qi : Charges élémentaires introduites dans la biopile (C);
Qo: Charges élémentaires transitant par le circuit électrique (C).
Les charges élémentaires introduites dans une biopile sont calculées à partir de la relation
existant entre ces charges et la DCO du milieu. L’équation 1.3, permet de constater que
pour chaque mole de dioxygène impliquée pour dégrader la matière et former de l’eau, il
faut quatre moles d’électrons. En conséquence Qi sera calculé selon l’équation 1.4 :
O2 + 4 H+
+ 4 e- = 2 H2O ΔV = 1,23 V (1.3)
32
4 DCOFQi
(1.4)
où
4 : mole e-· mole
-1 O2;
∆ DCO : variation de la demande chimique en oxygène dans le temps (g);
32 : masse atomique du dioxygène (g·mole-1
O2).
Pour sa part Qo sera dérivée à partir des relevés du circuit électrique élaboré entre les
deux électrodes. Les équations usuelles basées sur les circuits à courant continu et lois de
Kirchhoff seront utilisées. Ainsi pour une résistance connue (R) le courant mesuré sera :
I = V R-1
(1.5)
où
I : courant (A);
V: tension mesurée (V);
R : résistance imposée au circuit externe (Ω).
et
Qo sera donné par l’intégrale de I par rapport au temps:
28
IdtQ0 (1.6)
où
t : temps (s)
1.6.2 Rendement énergétique
Le rendement énergétique (ηE) permet de comparer la production d’énergie par rapport à
l’énergie introduite dans la biopile.
i
oE
E
E X 100 (1.7)
où
ηE : rendement énergétique (%);
Ei : énergie introduite dans la biopile (J);
Eo: énergie produite par le circuit électrique (J).
L’énergie introduite dans la biopile, Ei , est évaluée à partir de valeurs théoriques
généralement reconnues dans la littérature. Par exemple, une mole de glucose peut
fournir 2860 kJ pour une conversion complète en CO2 et en H2O. Pour sa part, Eo , sera
évaluée en utilisant l’équation suivante :
PdtE0 (1.8)
où
P : puissance (W)
et
P = V I (1.9)
29
1.6.3 Densité de puissance et puissance volumique
Similairement aux piles à combustible classique, la production d’électricité d’une biopile
est exprimée fréquemment en fonction de la surface effective de l’anode ou de la cathode
(m2). La densité de courant (mA·m
-2) et la densité de puissance (mW·m
-2) sont utilisées
pour exprimer ces résultats. Rabaey et Verstraete (2005), proposent également d’utiliser
la puissance volumique pour indiquer les performances des biopiles, celle-ci étant le
rapport de la sortie de puissance par unité de volume de la chambre de l’anode (mW·m-3
).
Ce dernier mode d’expression des résultats permet également de comparer les
performances des biopiles avec d’autres types de technologies faisant appel à des
réacteurs anaérobies pour produire de l’énergie.
1.6.4 Courbes de performances électriques
À l’instar des piles à combustible, les performances électriques des biopiles prennent la
forme de deux courbes soit la courbe de polarisation qui indique la relation entre la
tension et la production de courant et la courbe de puissance qui présente la relation entre
la sortie de puissance en fonction de la production de courant. Ces deux courbes sont
fréquemment montrées sur la même figure. La figure 1.8 présente un exemple de courbes
de performances pour des essais effectués sur des biopiles. Pour les biopiles, la courbe de
polarisation présente un caractère généralement linéaire et la pente de cette droite permet
d’en estimer la résistance interne. Pour sa part, la courbe de puissance présente une forme
parabolique et le sommet de cette courbe permet d’estimer la sortie de puissance
maximale d’une biopile. On peut tracer ces courbes en modifiant la résistance externe du
circuit électrique d’une biopile, cette première variant de l’infini (circuit ouvert) à une
valeur suffisamment petite pour explorer la plage opérationnelle de la pile. Une variante
de ces courbes utilise les densités de courant et de puissance pour présenter les résultats,
ce qui permet de comparer sur une base commune les performances de différentes
biopiles.
30
(Note : les symboles pleins réfèrent aux courbes de polarisation et les symboles creux aux courbes de
puissance)
Figure 1.8 Exemple de courbes de performances électriques de biopiles (Oh et al., 2004).
1.7 Hypothèses de travail et objectifs du projet
À la lumière de la revue de littérature, les hypothèses de travail et les objectifs à atteindre
pour jeter les bases scientifiques permettant de réaliser des biopiles alimentées au lisier
fonctionnelles et performantes seront tels que décrits ci-dessous :
1.7.1 Hypothèses de travail
Hypothèse 1 : Pour produire une biopile performante, il faut favoriser l’émergence
de tous les genres bactériens présents dans le lisier susceptibles de produire de
l’électricité.
À la lumière des mécanismes respiratoires exposés à l’article 1.2.2, il n’est pas
obligatoire que les bactéries soient physiquement accolées à l’anode pour transférer les
électrons issus de la respiration, notamment pour celles tablant sur l’utilisation d’un
accepteur intermédiaire d’électrons. Or, la plupart des chercheurs qui étudient les biopiles
31
utilisent une plaque de fibre de carbone, de feutre de carbone ou de graphite pour jouer à
la fois le rôle de support bactérien et d’anode. Ce faisant, on favorise essentiellement les
genres bactériens faisant appel à un mécanisme de transfert direct des électrons entre leur
membrane et l’anode. C’est pourquoi, dans cette étude, il est proposé d’évaluer plusieurs
types de support bactérien. D’une part, des supports ayant une large surface de contact et
ne touchant pas nécessairement à l’anode, pourraient permettre une croissance abondante
des genres bactériens dont les accepteurs intermédiaires d’électrons sont solubles et
mobiles dans l’électrolyte de la biopile. D’autre part, des anodes ayant une large surface
de contact pourraient favoriser l’émergence des genres bactériens préférant un contact
direct avec l’anode.
Hypothèse 2 : Le concept de biopile à compartiment unique, sans membrane
échangeuse de cations, tel que décrit aux sections 1.4.2 et 1.5, est approprié avec le
lisier de porc.
L’une des intentions de conception de ce projet est de créer des biopiles aussi simples et
économiques que possible, aussi le concept de biopile à compartiment unique est
intéressant. Dans ce concept, l’anode et la cathode partagent le même compartiment, ce
faisant, le lisier sera à la fois le carburant et l’électrolyte. La cathode est directement
exposée à l’air et c’est l’oxygène qui y est contenu qui sera réduit à partir des électrons
libérés lors de la digestion bactérienne. En se combinant avec l’hydrogène, également
libéré pendant la digestion, l’oxygène réduit formera de l’eau. Comme il semble que la
membrane échangeuse de cations n’apporte pas de gain significatif aux performances de
certaines biopiles, celle-ci sera exclue dans la première génération de biopiles.
Hypothèse 3 : L’identification des genres bactériens qui se développent dans une
biopile permettra de décrire les phénomènes de transfert d’électrons associés à la
production d’électricité.
Le mode respiratoire de plusieurs genres bactériens est bien documenté. À moins de
tomber sur un genre totalement nouveau, il est probable que l’identification des bactéries
présentes dans le consortium bactérien qui se développera dans une biopile alimentée au
lisier fournira beaucoup d’indices sur les molécules donneuses d’électrons et sur les
32
mécanismes permettant de transférer les électrons vers le dernier accepteur d’électrons. Il
s’agit d’une donnée stratégique pour comprendre et optimiser le fonctionnement des
biopiles.
1.7.2 Objectifs du projet
Pour vérifier les hypothèses de recherche, les objectifs du projet seront les suivants :
Objectif 1 : Valider le concept de chambre unique pour le fonctionnement d’une biopile
alimentée au lisier de porc;
Objectif 2 : Comparer les performances de biopiles en utilisant différents supports
bactériens pouvant favoriser tous les mécanismes (contact direct ou par molécule
intermédiaire) de transfert des électrons entre les bactéries et l’anode;
Objectif 3 : Identifier, à partir de techniques d’analyses biomoléculaires, le consortium
bactérien responsable de la production d’électricité et développer une théorie sur le
mécanisme de transferts des électrons le plus probable;
Objectif 4 : Identifier les composantes matérielles critiques pour concevoir des biopiles
performantes;
Objectif 5 : Concevoir à partir des connaissances acquises au fil du projet des biopiles
aussi performantes et stables que possible et évaluer les conséquences sur le lisier traité
en terme de paramètres de qualité des eaux et d’émission d’odeur.
33
2. Phase 1 : Validation du concept de biopile à compartiment
unique et de l’effet de différents supports bactériens à l’anode
2.1 Description des concepts
La figure 2.1 schématise le montage et le fonctionnement d’une biopile à compartiment
unique. Dans ce montage, l’anode est à la fois le support bactérien et l’accepteur
d’électrons. Pour sa part la cathode est une membrane perméable aux gaz et est exposée
directement à l’air extérieur de la biopile (aération passive). Les nombreux sites
catalytiques de cette électrode faciliteront la réduction de l’oxygène avec l’arrivée des
électrons en provenance de l’anode. On peut noter que dans ce concept, le lisier joue à la
fois le rôle de carburant et d’électrolyte et qu’aucune membrane échangeuse de cations ne
sépare l’anode de la cathode.
Figure 2.1 Vue schématique d'une biopile à compartiment unique.
H+
H2O
O2
e-
Air
Anode
Bactéries
Cathode
Gaz
Lisier
34
Dans le but de permettre l’expression de tous les genres bactériens susceptibles de
produire de l’électricité, une évolution du concept de biopiles à compartiment unique est
proposée en introduisant dans la chambre anodique un support bactérien granulaire. La
figure 2.2 illustre ce montage et met en perspective les deux grands mécanismes de
transfert des électrons susceptibles de se produire dans une biopile ainsi aménagée, soit
par contact direct ou utilisant une molécule intermédiaire (symbolisée I sur la figure 2.2)
entre les bactéries et l’anode
Figure 2.2 Évolution du concept de biopile à compartiment unique proposé par ce
projet qui inclura un support bactérien granulaire.
H+
H2O
O2
e-
Iox.
Iox.
Ired.
Air
e-
Gaz
Anode
Cathode
Support
bactérien
granulaire
Mécanisme de transfert des électrons et des protons par
une molécule intermédiaire (I)
lisier
35
2.2. Matériel et méthodes de la phase 1
2.2.1 Traitement du lisier
Le lisier brut utilisé provenait de la pré-fosse d’un élevage de porcs à l’engraissement
d’une ferme située à Saint-Lambert de Lévis (Québec, Canada). Tous les échantillons
prélevés ont été centrifugés au laboratoire en appliquant une accélération de 3 000 g pour
mimer les résultats obtenus par une centrifugeuse industrielle. La séparation du lisier en
deux phases distinctes (solide et liquide) avec un séparateur décanteur centrifuge
industriel s’inscrit dans un procédé de traitement global de plus en plus utilisé au Québec
et ailleurs dans le monde (Martin et al., 2006). Un des grands avantages de cette
séparation de phases est de fournir une fraction liquide dépourvue de larges particules
susceptibles d’obstruer les canalisations d’alimentation des piles.
2.2.2 Construction des biopiles à compartiment unique
En s’inspirant de la figure 2.1, une première génération de biopiles à compartiment
unique a été créée. La figure 2.3 présente une vue éclatée de cette pile. Celle-ci se
caractérise par un compartiment anodique carré de 125 mm X 125 mm X 25 mm en
polypropylène d’une capacité interne de 260 ml. Une entrée et une sortie de chaque côté
du compartiment permettaient la recirculation du lisier par le biais d’une pompe
péristaltique. Une sortie a été aménagée sur le dessus pour évacuer les gaz vers un tube
en U contenant de l’eau à sa base. Le gaz doit ainsi déplacer une petite colonne d’eau
avant de s’échapper, ce qui permet de maintenir l’anaérobie du compartiment en évitant
l’introduction d’air. Ce compartiment a contenu tous les différents supports et anodes
sous étude. Une membrane de fibre de verre a été placée entre le compartiment anodique
et la cathode, de manière à protéger la cathode des particules grossières du lisier. La
membrane de fibre de verre pourrait également jouer un rôle de support pour le
développement de bactéries aérobies. En étant situées entre la cathode et l’anode, ces
dernières vont intercepter l’oxygène susceptible de migrer vers l’anode, maintenant ainsi
cette électrode en condition anaérobie. Pour tous les essais, une électrode perméable aux
gaz (ELAT GDE LT 251E-W, BASF) constituée de fibres de carbone recouvertes d’une
36
encre catalytique carbone-platine avec une concentration de 0,5 mg·cm-2
de platine a été
utilisée comme cathode. Ce type d’électrode est notamment recommandé pour les piles à
combustible au méthanol. La surface de la cathode exposée à l’air libre est de 100 cm2.
Une grille en acier inoxydable (SS316, Grillage Major Inc.) de 22 mailles cm-2
et d’une
épaisseur de 0,6 mm s’appuie sur la cathode et sert de collecteur d’électrons. Les
différentes composantes sont séparées par des joints de néoprène de 3 mm d’épaisseur et
l’ensemble est assujetti par 8 boulons et écrous.
Figure 2.3 Vue éclatée d’une biopile à compartiment unique.
2.2.3 Supports bactériens granulaires
Cinq supports bactériens différents ont été essayés. Le premier support (S1) est constitué
de sphères de quartz microporeuses (Substrat Pro, Eheim) d’environ 6 mm de diamètre
offrant une surface de 450 m2
par litre de sphères. Le deuxième support (S2) est constitué
de particules de charbon de 3 à 4 mm de diamètre (Fluval, Hagen) destinées à l’épuration
d’eau d’aquarium. Le troisième support (S3) est du charbon activé de 5 à 8 mm de
diamètre (C2764, Sigma-Aldrich) ayant une surface spécifique de 600 m2·g
-1. Le
quatrième support (S4) est de la poudre de charbon activé (C4386, Sigma-Aldrich) dont
la surface spécifique est de 1 000 m2·g
-1. Finalement, le cinquième support (S5) est du
charbon activé de 2 mm de diamètre (GC8X30S, Culligam) servant à l’épuration de l’eau
déminéralisée d’institutions publiques.
37
2.2.4 Anodes
Deux types d’anode ont été évalués en vertu de leur grande surface d’échange et de leur
conductivité. La première est un feutre de graphite (SGL Carbon, Canada) de 6 mm
d’épaisseur (figure 2.4 (a)). Une bande carrée de 100 mm X 100 mm était introduite dans
le compartiment anodique des biopiles et une vis en acier inoxydable était fichée dans le
feutre pour créer une borne de contact. Le deuxième type d’anode est une brosse en acier
inoxydable (Brushes corp., États-Unis) (figure 2.4 (b)) ayant une longueur hors tout de
150 mm. Le cylindre formé par le réseau de poils en acier inoxydable avait un diamètre
de 19 mm et une longueur de 70 mm. Une fois introduites dans le compartiment
anodique, les tiges des brosses ont fait office de bornes de contact.
(a) (b)
Figure 2.4 Les anodes. Feutre de graphite (a); brosse en acier inoxydable (b).
2.2.5 Mesure des tensions
Les cathodes et les anodes de toutes les biopiles ont été reliées à une résistance (R)
extérieure de 100 ohms pour leur fonctionnement en continu. Un système d’acquisition
de données (21X, Campbell Scientific) permet l’enregistrement en temps réel de la
tension aux bornes des biopiles. Le courant est calculé par la relation 1.5 et la puissance
par la relation 1.9.
38
Le potentiel en circuit ouvert (système non branché à la résistance externe) est évalué
après un minimum de 15 minutes de débranchement pour permettre aux conditions
d’équilibre de s’établir. Le potentiel d’une demi-pile est donné dans ce texte par rapport à
une sonde de référence Ag/AgCl, soit déphasé de -205 mV par rapport à une sonde de
référence à l’hydrogène (Girault, 2001).
2.3 Résultats
2.3.1 Montage des biopiles
La figure 2.5 illustre le montage d’une biopile à compartiment unique dont l’anode est
constituée d’un feutre de graphite. On peut noter la présence de la pompe péristaltique
permettant la recirculation du lisier ainsi que d’un septum monté dans la tubulure de
recirculation afin de prélever des échantillons de lisier en cours de traitement. La figure
2.6 montre une biopile dont l’anode est une brosse en acier inoxydable. On peut
également observer la présence du charbon activé (S3) autour de l’anode.
Figure 2.5 Vue d’une biopile type ayant un feutre de graphite comme anode.
39
Figure 2.6 Vue d’une biopile avec une anode constituée d’une brosse en acier
inoxydable entourée de charbon activé S3.
2.3.2 Évaluation des supports bactériens
La première série d’essais a permis d’évaluer l’effet des différents supports bactériens sur
la production d’électricité. Six biopiles ont été réalisées ayant chacune une anode de
feutre au graphite. Cinq biopiles contenaient un des cinq supports bactériens (S1 à S5)
décrits à la section 2.2.3 alors que la sixième n’en contenait aucun (témoin). Une charge
de 35,0 grammes de charbon (S2) ou de charbon activé (S3 à S5) a été répartie de chaque
côté de l’anode des biopiles. Étant donné la taille des sphères de quartz (S1) et du vide
important laissé entre chacune, le compartiment anodique a été rempli de sphères
disposées de part et d’autre de l’anode. Toutes les piles contenaient au moins 100 mL de
lisier.
La figure 2.7 montre l’évolution des tensions dans les biopiles pour une période de 18
jours. Pour la plupart des biopiles, la période d’adaptation de la flore bactérienne est de
10 à 12 jours et on observe durant cet intervalle une montée de tension progressive non
linéaire. Après cette période, une phase de plateau est atteinte et la tension maximale peut
être observée. Le premier constat est que la pile témoin (sans support) à la fin de la
période de 18 jours produit près de cinq fois moins de tension que la meilleure des
biopiles avec support bactérien (80 mV Vs 370 mV). Le deuxième constat est que les
différents charbons (S2, S3, S4 et S5) conduisent sensiblement à la même valeur lorsque
la phase de plateau est atteinte (entre 350 et 370 mV). Pour sa part, la biopile avec le
40
support S1, avec une tension de 280 mV à la fin de la période d’évaluation, se situe sous
la valeur maximale atteinte par les biopiles avec charbon.
Figure 2.7 Courbes de tension des biopiles selon différents supports bactériens.
Les performances électriques (sortie de puissance et production de courant) des biopiles
ont été comparées au moment où la tension de sortie est maximale pour chacune d’elles.
La figure 2.8 met en relation les tensions des biopiles selon le courant produit. Le courant
est exprimé en densité de courant (I/A), soit le rapport entre le courant (I) et la surface de
la cathode (A), ce qui permet de comparer sur une base commune les biopiles. Pour sa
part, la figure 2.9 permet de comparer la sortie de puissance des biopiles en mettant en
relation la densité de puissance (P/A) et la densité de courant. Comme illustré à la figure
1.8, on observe une relation relativement linéaire entre la production de courant et la
tension obtenue aux bornes d’une biopile. En conséquence, en première approximation,
les points des courbes des figures 2.8 et 2.9 sont obtenus en interpolant entre les valeurs
calculées de puissance et de courant pour une tension de travail où R = 100 ohms et la
tension pour un circuit ouvert où R est infini.
41
0
100
200
300
400
500
600
0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600
Densité de courant (mA m-2 )
Ten
sio
n (
mV
)
Aucun support
S1 (sphères quartz)
S2 (charbon)
S3 (charbon act. C2764)
S4 (charbon act. C4386)
S5 (charbon act.
GC8X30S)
Figure 2.8 Courbes tension-densité de courant des biopiles selon différents supports
bactériens.
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600
Densité de courant (mA m-2 )
Den
sit
é d
e p
uis
san
ce (
mW
m-2
)
Aucun support
S1 (sphères quartz)
S2 (charbon)
S3 (charbon act. C2764)
S4 (charbon act. C4386)
S5 (charbon act. GC8X30S)
Figure 2.9 Courbes densité de puissance - densité de courant des biopiles selon
différents supports bactériens.
42
La figure 2.8 montre que la tension en circuit ouvert des biopiles avec substrat de support
est près de 550 mV alors que celle de la biopile sans support est de 490 mV. La densité
de puissance (figure 2.9) la plus faible a été enregistrée par la biopile sans support (15
mW·m-2
) alors que la plus élevée a été atteinte par la biopile avec S4 (190 mW·m
-2).
Étant donné que le support S3 donnait des résultats très près de ceux obtenus avec le
support S4 et que ce premier est 3 fois moins dispendieux que ce dernier, le support S3 a
été sélectionné pour la suite de ce projet.
2.3.3 Effets du nafion®
Une application de nafion® sur la surface catalytique de la cathode a été rapportée dans la
littérature comme un moyen efficace d’augmenter la sortie de puissance d’une biopile
(Min et Logan, 2004; Cheng et al., 2006c ; Min al., 2007). Aussi, deux biopiles, telles que
que celles décrites à l’article 2.2.2 et contenant 35,0 grammes de support S3 dans la
chambre cathodique, ont été construites pour valider ce concept. Pour chaque biopile,
l’anode était constituée d’un feutre de carbone. La cathode de la première biopile a été
enduite de nafion® alors que celle de la seconde en était dépourvue. Deux couches ont été
appliquées au pinceau et ont été séchées au four à 100° C pendant une demi-heure (Min
et Logan, 2004; Cheng et al., 2006c; Min al., 2007). Par pesée, la charge finale de
nafion®
est estimée à 0,70 mg·cm-2
. La figure 2.10 montre l’évolution des tensions dans
le temps, tandis que les figures 2.11 et 2.12 illustrent les relations tension-densité de
courant et les relations densité de puissance-densité de courant pour la journée du 4
novembre.
43
0
100
200
300
400
500
600
17-10 19-10 21-10 23-10 25-10 27-10 29-10 31-10 02-11 04-11 06-11 08-11
jour
Te
ns
ion
(m
V)
feutre de carbone + S3; cathode
sans nafion®
feutre de carbone + S3; cathode
avecs nafion®
Figure 2.10 Évolution des tensions pour des biopiles avec et sans nafion® appliqué
sur la cathode.
0
100
200
300
400
500
600
700
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500
Densité de courant (mA m-2 )
Ten
sio
n (
mV
)
feutre de carbone + S3; cathode
sans nafion®
feutre de carbone + S3; cathode
avec nafion®
Figure 2.11 Courbes tension-densité de courant des biopiles avec et sans nafion®
appliqué sur la cathode.
44
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
500
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500
Densité de courant (mA m-2 )
De
ns
ité
de
Pu
iss
an
ce
(m
W m
-2)
feutre de carbone + S3; cathode
sans nafion®
feutre de carbone + S3; cathode
avec nafion®
Figure 2.12 Courbe densité de puissance-densité de courant des biopiles avec et sans
nafion® appliqué sur la cathode.
Ces figures permettent de constater que l’application du nafion® modifie sensiblement les
performances d’une biopile alimentée au lisier à plusieurs points de vue. C’est ainsi que
l’application de nafion® permet une tension maximale de fonctionnement (circuit fermé)
de 500 mV (figure 2.10) et une tension en circuit ouvert de 650 mV (figure 2.11) alors
que les valeurs pour la biopile sans nafion®
sont respectivement de 365 mV et 550 mV.
Pour leur part, les densités de courant et de puissance passent respectivement de 1300 à
3000 mA·m-2
et de170 à 450 mW·m-2
lorsque cet ionomère est appliqué sur la cathode
d’une biopile (figure 2.12).
2.3.4 Effets de la nature de l’anode
Pour évaluer l’effet de la nature de l’anode sur la production d’électricité, 4 biopiles ont
été construites et chacune avait en commun une cathode enduite de nafion®. Une
première biopile (le témoin) contenait une anode de feutre de graphite et 35,0 g de
support bactérien S3. Une deuxième biopile contenait une brosse en acier inoxydable et
35,0 g de support bactérien S3 (voir figure 2.6). La troisième avait 2 brosses en acier
inoxydable et 35,0 g de support bactérien S3 alors que la quatrième avait 4 brosses en
45
acier inoxydable mais aucun autre support bactérien. La figure 2.13 décrit l’évolution des
tensions des quatre biopiles à travers le temps. Les biopiles avec le support S3 adoptent
un comportement général identique. On assiste à un départ très progressif de la tension
dans les dix premiers jours puis à une montée très rapide les cinq jours suivants, pour
atteindre une phase de plateau les journées subséquentes. Pour sa part, la biopile sans
support S3 n’est pas parvenue à se développer normalement malgré la présence d’une
grande surface offerte par les nombreux fils des quatre brosses. Les figures 2.14 et 2.15
résument le comportement électrique des quatre biopiles. Si la valeur de la tension en
circuit ouvert est la même pour les biopiles avec S3 (figure 2.14), on note un certain
avantage pour la production de puissance (figure 2.15) pour la biopile avec une anode de
feutre de graphite. Un système avec deux brosses inoxydables n’offre pas une sortie de
puissance plus élevée qu’un système avec une brosse. La sortie de puissance maximale a
été atteinte par la biopile avec un feutre de graphite (430 mW·m-2
) suivie par la biopile
avec une brosse en acier inoxydable (360 mW·m-2
). Quant au système avec quatre
brosses, il n’offre qu’une très faible production d’énergie (~ 30 mW·m-2
).
0
100
200
300
400
500
600
03-11 08-11 13-11 18-11 23-11 28-11
Ten
sio
n (
mV
)
feutre carbone + S3; cathode avecnafion®
1 brosse inox + S3; cathode avecnafion®
2 brosses inox. + S3;cathode avecnafion®
4 brosses inox; cathode avecnafion®
Figure 2.13 Évolution des tensions selon les anodes.
46
0
100
200
300
400
500
600
700
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500
Densité de courant (mA m-2 )
Ten
sio
n (
mV
)
feutre carbone + S3; cathode avec nafion®
1 brosse inox. + S3; cathode avec nafion®
2 brosses inox. + S3; cathode avec
nafion®
4 brosses inox.; cathode avec nafion®
Figure 2.14 Courbes tension-densité de courant selon les anodes.
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500
Densité de courant (mA m-2 )
De
ns
ité
de
pu
iss
an
ce
(m
W m
-2)
feutre carbone + S3; cathode avec
nafion®
1 brosse inox.+ S3; cathode avec
nafion®
2 brosses inox.+S3; cathode avec
nafion®
4 brosses inox. ; cathode avec
nafion®
Figure 2.15 Courbes densité de puissance-densité de courant selon les anodes
47
2.4 Analyse des résultats
Un constat important et fondamental émerge des essais avec les différents supports
bactériens et les différentes anodes. D’une part, on peut observer que dans les essais avec
différents supports (S1 à S5), la biopile sans support est nettement défavorisée par rapport
aux autres. D’autre part, dans les essais mettant en jeu les brosses en acier inoxydable, la
biopile avec quatre brosses, mais dépourvue de support S3, n’a démontré que peu de
productivité électrique par rapport aux autres avec S3. Ceci mène à la conclusion que les
bactéries productrices d’énergie profitent avantageusement d’un support bactérien
éloigné de l’anode. En conséquence, dans une biopile au lisier, les bactéries d’intérêt
utilisent prioritairement un intermédiaire redox et la production d’énergie sera maximale
lorsqu’il y aura présence d’un support bactérien extérieur à l’anode. Le rôle de cette
électrode comme support bactérien dans une biopile au lisier est secondaire; son principal
rôle est d’être un accepteur d’électrons. De fait, sans support S3, la biopile avec quatre
brosses en acier inoxydable n’a que très peu d’activité électrique, démontrant que les
bactéries ne profitent pas des multiples fibres d’acier inoxydable comme site de
développement. Or, une biopile avec une brosse en acier inoxydable avec support S3
donne des résultats relativement comparables à ceux obtenus avec la biopile contenant un
feutre de graphite entouré de granules S3. Ceci démontre que, dans la mesure où il y a
une surface permettant d’oxyder l’intermédiaire redox, qu’elle soit faite de fibres de
graphite ou d’acier inoxydable, le système fonctionnera.
Le deuxième constat de ces essais est la pertinence d’appliquer deux couches d’un
ionomère comme le nafion® sur la cathode pour bénéficier d’une sortie de puissance
accrue dans une biopile au lisier. Une augmentation de 250 % a été observée au cours de
cette recherche entre une biopile ayant reçu une application de nafion® sur la cathode par
rapport à une autre qui en était dépourvue. Entre autre hypothèse que l’on peut invoquer
pour expliquer ces résultats, l’application de cet ionomère sur la cathode favoriserait le
passage des protons entre l’anode et la cathode réduisant ainsi la résistance ohmique des
biopiles.
La construction et le fonctionnement de ces premières biopiles permettent également
certains constats en vue de leur optimisation. Les figures 2.8, 2.11 et 2.14 montrent que
48
les tensions en circuit ouvert des piles, représentées par les valeurs maximales de tension
sur les graphiques, sont nettement inférieures à la tension maximale potentielle de 1,14 V
mentionnée à la section 1.2.2. La résistance interne de la meilleure biopile de la figure
2.14, qui s’évalue en calculant le rapport tension-courant (V/A) en n’importe quel point,
est d’environ 22 ohms. Cette valeur est assez élevée et indique que des pertes importantes
peuvent être associées au montage actuel des biopiles. Ces pertes peuvent venir d’un
développement bactérien insuffisant et incapable de soutenir la décharge sollicitée ou du
choix des composantes de la pile. À cet effet, lorsqu’on observe la répartition du potentiel
entre les demi-piles à l’aide d’une sonde de référence Ag/AgCl pendant le
fonctionnement de la meilleure pile de la figure 2.14 et qu’elle est à son sommet de
production, on obtient une valeur de -421 mV à l’anode et de 90 mV à la cathode, pour
une différence totale de potentiel de 511 mV. Rapporté sur la base d’une sonde de
référence standard à l’hydrogène, le potentiel de l’anode devient -220 mV et celui de la
cathode de 290 mV. Le potentiel de l’anode se rapproche du potentiel redox théorique du
couple NAD+/NADH
+ de -320 mV indiqué au tableau 1.1. Toutefois, celui de la cathode
est nettement inférieur au potentiel idéal de 800 mV du couple O2/H2O du même tableau
et il devient évident que cette électrode est un paramètre important à améliorer pour
obtenir une sortie de puissance intéressante d’une biopile. La même pierre
d’achoppement est d’ailleurs maintes fois relevée dans la littérature relatant le
développement des piles à combustible à membrane échangeuses de protons
(Costamagna et Srinivasan, 2001).
2.5 Conclusions de la phase 1
Le mécanisme de transfert d’électrons d’une biopile alimentée au lisier implique un
intermédiaire redox, ce qui signifie que le rôle principal de l’anode est celui d’accepteur
d’électrons. À cause de ce phénomène, la matière constitutive de l’anode a peu
d’importance du moment que celle-ci est conductrice et inoxydable. Il sera néanmoins
avantageux de construire cette électrode à partir d’un matériau qui offre le moins de
résistance au passage des électrons afin de minimiser les pertes ohmiques de la biopile.
De plus, il est très important d’inclure dans le compartiment anodique un support
bactérien qui permettra d’assurer un maximum de croissance des espèces bactériennes
49
électrophiles. Lors de ces essais, le charbon activé utilisé à cet escient a donné les
meilleurs résultats. L’application de deux couches de nafion® sur la cathode augmente
également la sortie de puissance d’une biopile.
3. Phase 2 : Essais d’amélioration des composantes des biopiles
3.1 Propositions d’amélioration
3.1.1 Vers une biopile à compartiment double
Face à la faible performance de la cathode dans une biopile à compartiment unique, une
remise en question de ce principe s’est donc imposée; le lisier n’est peut-être pas
l’électrolyte le plus souhaitable. D'une part, son pH neutre ne favorise pas la réduction de
l’oxygène à la cathode, puisque celle-ci se produit avantageusement en milieu acide.
D’autre part, la présence de nombreuses substances chimiques, dont notamment le soufre,
peut détériorer les performances de la cathode en empoisonnant les sites catalytiques. C’est
pourquoi, afin d’éviter le contact direct entre le lisier et la cathode, les biopiles à
compartiment double semblent plus appropriées. Deux compartiments distincts sont ainsi
créés en introduisant une membrane échangeuse de cations entre l’anode et la cathode. Le
premier compartiment contiendra l’anode et le lisier alors que le second contiendra la
cathode et un électrolyte dit propre.
3.1.2 Améliorer les performances à l’anode
L’importance stratégique d’un support bactérien extérieur à l’anode, tel que le charbon
activé, a été démontrée durant la phase 1. Il est logique de penser qu’il existe une quantité
donnée de ce support pour produire une sortie de puissance maximale. Pour vérifier les
conséquences de la variation de la quantité de charbon activé sur la sortie de puissance
d’une biopile, nous avons varié cette quantité en gardant constante la surface de l’anode et
de la cathode. Les essais exposés durant la phase 1 ont mis également en lumière que la
nature de l’anode a peu d’influence sur la sortie de puissance d’une biopile, dans la mesure
où cette électrode est conductrice et non corrodable. En conséquence, l’anode de tous les
50
futurs essais a été constituée d’une grille en acier inoxydable, ce matériel étant économique
et facilement disponible sur le marché.
3.2 Matériel et méthodes de la phase 2
3.2.1 Traitement du lisier
Comme à la section 2.2.1, le lisier brut utilisé provenait de la pré-fosse d’un élevage de
porcs à l’engraissement d’une ferme située à Saint-Lambert de Lévis (Québec, Canada) et
tous les échantillons prélevés ont été centrifugés au laboratoire en appliquant une
accélération de 3 000 g pour mimer les résultats obtenus par une centrifugeuse industrielle.
3.2.2 Biopile à compartiment double de première génération
Une biopile à compartiment double a été conçue pour vérifier si l’on pouvait augmenter les
performances du système. Comme cela est illustré à la figure 3.1, la biopile à compartiment
double reprend les principales composantes de la biopile à compartiment unique (figure
2.3) en incluant entre l’anode et la cathode une membrane échangeuse de cations. À cette
fin, la membrane proposée par Rabaey et al. (2004) (CMI-7000, Membranes International
Inc.) a été utilisée. Rappelons que ces chercheurs ont obtenu d’excellents résultats (tableau
1-2) en utilisant une biopile à compartiment double avec un consortium mixte bactérien.
De plus, cette membrane est peu coûteuse à l’achat comparativement à une membrane
échangeuse de protons au nafion®. Un petit compartiment permettant l’injection d’un
électrolyte propre (autre que le lisier) est ajouté en amont de la chambre cathodique. Dans
les faits, ce compartiment est un joint d’étanchéité en néoprène de 3 mm d’épaisseur
traversé au sommet par 2 aiguilles hypodermiques permettant l’entrée et la sortie de
l’électrolyte dans la chambre cathodique. Pour assurer le flot continu de ce fluide, un
réservoir a été placé à une élévation supérieure de la biopile de manière à créer une
pression hydrostatique dans le circuit d’alimentation. Dans la chambre anodique, le lisier
était mis en recirculation par une pompe péristaltique.
51
Figure 3.16 Vue éclatée des composantes de base d’une biopile à compartiment
double.
Pour déterminer l’influence de la charge de charbon activé sur la production d’énergie,
trois biopiles contenant respectivement 25,0, 50,0 et 100,0 grammes de charbon activé S3
ont été réalisées. Pour permettre l’introduction d’une plus grande quantité de charbon, deux
compartiments anodiques carrés de 125 mm X 125 mm X 25 mm en polypropylène
(chambre de l’anode de la figure 3.1) ont été accolés l’un sur l’autre, doublant ainsi la
capacité de la biopile à recevoir du matériel. Un des compartiments contenait le charbon
alors que l’autre ne contenait que du lisier. Une grille en acier inoxydable de
22 mailles cm-2
de 0,6 mm d’épaisseur (SS316, Grillage Major Inc., Québec, Canada)
séparait les deux compartiments pour servir d’anode.
Tout comme dans le cas des biopiles à chambre unique, les cathodes utilisées en première
estimation pour les biopiles à compartiment double sont réalisées à partir d’une électrode
commerciale perméable aux gaz (ELAT GDE LT 251E-W, BASF) constituée de fibres de
carbone recouvertes d’une encre catalytique carbone-platine avec une concentration de
0,5 mg·cm-2
de platine. La surface de la cathode exposée à l’air libre est de 100 cm2. Une
grille en acier inoxydable (SS316, Grillage Major Inc.,) de 22 mailles cm-2
et d’une
épaisseur de 0,6 mm s’appuie sur la cathode et sert de collecteur d’électrons. Comme
52
l’application de nafion®
sur la cathode s’était avérée porteuse d’améliorations lors des
essais avec les biopiles à compartiment unique, dans cette partie du projet, toutes les
cathodes ont été systématiquement recouvertes de cet ionomère sur la couche catalytique.
Tel que cela a été mentionné au chapitre 2.3.3, deux couches ont été appliquées au pinceau.
Les deux couches ont été séchées au four à 100 °C pendant une demi-heure. Par pesée, la
charge finale de nafion®
est estimée à environ 0,70 mg·cm-2
. Le choix de l’électrolyte se
trouvant dans la chambre cathodique devait se porter vers un acide faible afin d’éviter une
migration massive des protons vers le lisier. L’électrolyte choisi devait être également
biodégradable et non toxique pour l'homme et pour l'environnement afin de respecter le
concept d’énergie verte sous-tendu par la technologie des biopiles. Dans ce contexte, le
choix s’est porté vers l’acide citrique (C6H8O7). Cet acide organique naturel est en fait un
intermédiaire du métabolisme des organismes aérobies (Wikipedia, 2009) et peut
facilement être fabriqué par la fermentation d’une solution sucrée ou amidonnée en
utilisant un champignon inoffensif (Aspergillus niger) dans un digesteur (Kiel et al., 1981).
Le compartiment cathodique a donc été rempli avec de l’acide citrique (98 %, Sigma-
Aldrich) d’une concentration de 0,015 M. Cette concentration d’acide a été retenue à la
suite d’essais préliminaires démontrant qu’au-delà de cette concentration, le lisier
s’acidifiait très rapidement (en deçà d’un pH de 6,5), menaçant l’existence même des
bactéries.
3.2.3 Mesure des tensions
Les cathodes et les anodes de toutes les biopiles ont été reliées à une résistance (R)
extérieure de 100 ohms pour leur fonctionnement en continu. Un système d’acquisition de
données (21X, Campbell Scientific) permet l’enregistrement en temps réel de la tension
aux bornes des biopiles. Le courant est calculé par la relation 1.5 et la puissance par la
relation 1.9.
53
3.3 Résultats
La figure 3.2 décrit l’évolution des tensions des trois biopiles à travers le temps. Les
biopiles ont un comportement général identique. On assiste à un départ très progressif de la
tension dans les cinq premiers jours, puis à une montée très rapide les cinq jours suivants,
pour finalement atteindre une phase de plateau pendant les journées subséquentes. Les
figures 3.3 et 3.4 présentent le comportement électrique des trois biopiles. La valeur de la
tension en circuit ouvert est la même pour les trois biopiles (figure 3.3), soit près de
1 000 mV. La sortie de puissance maximale a été atteinte par la biopile avec 100 grammes
de charbon activé (850 mW·m-2
) suivie par la biopile avec 50 grammes (520 mW·m-2
) et
finalement par la biopile avec 25 grammes (300 mW·m-2
).
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
03-06 03-07 03-08 03-09 03-10 03-11 03-12 03-13 03-14 03-15 03-16 03-17 03-18 jour
Ten
sio
n (
mV
)
25 g. charbon act. S3
50 g. charbon act. S3.
100g. charbon act. S3
Figure 3.17 Évolution des tensions des biopiles avec 25, 50 et 100 grammes de S3.
54
0
200
400
600
800
1000
1200
9 509 1009 1509 2009 2509 3009 3509 4009 4509
Densité de courant (mA m-2 )
Ten
sio
n (
mV
)
25 g. charbon act. S3
50 g.charbon act. S3
100 g. charbon act. S3
Figure 3.18 Courbes tension-densité de courant des biopiles avec 25, 50 et 100
grammes de S3.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500
Densité de courant (mA m-2 )
Deb
sit
é d
e p
uis
san
ce (
mW
m-2
)
25 g. charbon act. S3
50 g. charbon act. S3
100 g. charbon act. S3
Figure 3.19 Courbes densité de puissance-densité de courant des biopiles avec 25, 50
et 100 grammes de S3.
55
3.4 Analyse des résultats
Il est très pertinent d’utiliser une biopile à compartiment double plutôt qu’à compartiment
simple. De fait, si l’on compare les tensions des circuits ouverts des biopiles illustrées à la
figure 2.14 (650 mV) par rapport à celles de la figure 3.2 (1 040 mV), on constate un net
progrès en faveur des biopiles à compartiment double. Les tensions plus hautes en circuit
ouvert sont obtenues grâce à une demi-pile plus active du côté de la cathode. Les potentiels
mesurés des demi-piles en circuit ouvert à la cathode à partir d’une sonde de référence
Ag/AgCl, indiquent d’ailleurs des valeurs dans la plage du 500 à 600 mV pour des biopiles
à compartiment double alors que des valeurs de 0 à 200 mV sont mesurées pour les biopiles
à compartiment unique. On assiste à une augmentation de 300 à 400 mV vers la positivité
en faveur du compartiment double avec acide citrique.
Pour caractériser le comportement en condition réelle d’une pile à combustible, on réfère
fréquemment dans la littérature à la densité de courant et à la densité de puissance d’une
pile opérant sous une tension de 600 mV. On estime en effet que 600 mV est la limite
pratique des piles à combustible. La figure 3.5 a donc été réalisée pour comparer la densité
de courant d’une biopile à compartiment unique avec celle d’une biopile à compartiment
double, chacune ayant 35 grammes de S3. Les meilleurs résultats de la figure 2.14 ont été
utilisés pour illustrer les performances de la bio-bile à compartiment unique alors qu’une
interpolation des résultats de la figure 3.3 a été nécessaire pour retrouver les performances
d’une biopile à compartiment double ayant 35 grammes de S3. L’examen de cette figure
permet de constater que la biopile à compartiment unique permet une densité de courant
d’environ 200 mA m-2
pour une tension de 600 mV, alors que la biopile à compartiment
double permet trois fois plus de courant et donc trois fois plus de sortie de puissance pour
la même tension. Le montage d’une biopile à compartiment double semble donc être, dans
l’état actuel des connaissances, la technique la plus appropriée pour obtenir les meilleures
performances d’une biopile alimentée au lisier.
56
0
200
400
600
800
1000
1200
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500
Densité de courant (mA m-2 )
Ten
sio
n (
mV
)
chambre double; acide citrique 0,015 M; 35 g.
charbon act. S3
chambre unique;35 g.charbon act. S3
Figure 3.20 Comparaison de la densité de courant entre les 2 méthodes de montage
des biopiles à une tension d'opération de 600 mV.
Le dernier constat de cette série d’essais concernera la relation entre la charge de charbon
activé et les tensions observées aux électrodes et dans les biopiles. La figure 3.6 montre les
valeurs maximales atteintes par les biopiles en circuit fermé utilisant une résistance externe
de 100 ohms. On note que la tension des biopiles est influencée par la charge de charbon
activé passant de 400 à 750 mV au fur et à mesure que celle-ci augmente jusqu’à la valeur
maximale de 100 g par biopile. Pour sa part, la tension maximale en circuit ouvert des
biopiles se situe à près de 1 000 mV. Les potentiels de l’anode et de la cathode par rapport
à une sonde de référence Ag/AgCl sont également montrés pour les circuits ouvert et
fermé. Dans le cas de l’anode, on observe que les potentiels en circuit ouvert et fermé
convergent l’un vers l’autre avec une augmentation de la charge de charbon jusqu’à une
valeur d’environ -430 mV. Cette observation indique qu’une charge d’au moins 100 g de
charbon par biopile est nécessaire pour que les populations bactériennes soient suffisantes
pour soutenir la demande en courant électrique. Pour sa part, la cathode adopte le
comportement inverse, le potentiel en circuit fermé s’éloignant peu à peu du potentiel
maximal observé en circuit ouvert au fur et à mesure que la charge de charbon activé
augmente. Ceci indique que la cathode ne peut soutenir la décharge de l’anode au fur et à
57
mesure que celle-ci prend de la négativité, c'est-à-dire au fur et à mesure que la population
bactérienne prend de l’importance en nombre.
Figure 3.21 Comportement électrique des électrodes de la biopile avec une résistance
externe de 100 ohms selon différentes charges de charbon activé.
Tension max. à l’anode en circuit ouvert vs
sonde Ag/Ag/Cl
-500
-300
-100
100
300
500
700
900
1100
0 20 40 60 80 100
Quantité de charbon activé (g)
Te
ns
ion
(m
V)
tension anode circuit fermé vs sonde Ag/AgCl
tension cathode circuit fermé vs sonde Ag/AgCl
tension biopile circuit fermé ( R = 100 ohms)
Tension max. à la
cathode en circuit ouvert
vs sonde Ag/AgCl
Tension max. circuit
ouvert
Tension max. à l’anode en circuit ouvert vs
sonde Ag/Ag/Cl
Tension max. à l’anode en circuit ouvert vs sonde
Ag/AgCl
58
3.5 Conclusions de la phase 2
La biopile à compartiment double permet une hausse significative de la production
électrique par rapport à une biopile à compartiment unique lorsqu’on utilise du lisier
comme carburant. En augmentant la charge de charbon activé, on parvient à soutenir le
potentiel de l’anode à un niveau près de son niveau idéal, soit celui observé en circuit
ouvert. Ceci démontre que l’on pourra optimiser ce paramètre en variant la charge de
charbon activé dans le compartiment anodique. En contrepartie, face à une anode de plus
en plus performante, la cathode s’éloigne de son potentiel idéal signifiant que dans le
montage actuel, quoiqu’amélioré par rapport à un système de biopiles à compartiment
unique, les composantes du compartiment cathodique peuvent encore être améliorées pour
nous rapprocher du comportement de la biopile idéale.
59
4. Phase 3 : Identification du consortium bactérien
4.1 Vers des biopiles à compartiment double de 2e génération
Quoique plus performantes que les biopiles à compartiment unique, les biopiles à
compartiment double ont présenté une conception insuffisante quant à leur durabilité,
n’ayant généralement pas un espoir de vie de plus de trois semaines. Au-delà de cette
période, une décroissance notable de l’activité électrique a été observée. C'est pourquoi
une nouvelle génération de biopiles à compartiment double a été créée afin de mieux
protéger le consortium bactérien contre la migration de l’acide citrique ou de l’oxygène
dans le compartiment anodique. En créant une biopile stable et apte à fonctionner à long
terme, on pourra extraire des échantillons de charbon activé en cours d’opération et tenter
d’identifier les bactéries qui y trouvent une niche permanente et qui produisent de
l’électricité. La phase 3 décrit la mise en place et l’essai de cette biopile à compartiment
double de nouvelle génération pour identifier les organismes responsables de la
production d’énergie.
4.2 Matériel et méthode de la phase 3
4.2.1 Biopile à compartiment double de 2e génération
La figure 4.1 montre une vue éclatée de la nouvelle génération de biopiles à
compartiment double. Le corps principal de celle-ci est constitué par un cylindre creux en
plexiglas de 65 mm de diamètre par 280 mm de long lui conférant une capacité de
600 mL. Comme on peut l’observer à la figure 4.1, la cathode a été placée à une
extrémité du corps principal. Bien que cette configuration ne soit pas idéale pour
diminuer la distance de parcours entre les protons relâchés dans le lisier et la cathode, ce
qui risque de potentiellement augmenter la résistance interne de la biopile, la volonté
d’obtenir une biopile pouvant fonctionner à long terme a primé à cette étape-ci du projet.
C’est pourquoi le rapport entre le volume occupé par le lisier et la surface de la cathode a
été augmenté d’environ 10 fois lorsque comparé avec celui des biopiles des phases
60
précédentes. Dans ce nouveau modèle, le lisier est pompé en circuit fermé et passe sur la
longueur du cylindre en empruntant un orifice d’entrée et un de sortie situés à chaque
extrémité de ce tube. L'anode, construite à partir d’une grille en acier inoxydable de 22
mailles cm-2
de 0,6 mm d’épaisseur (SS316, Grillage Major Inc., Québec, Canada) a été
façonnée pour former un panier cylindrique qui peut être glissé à l'intérieur du corps
principal. Cette anode cylindrique creuse est remplie avec 80 g de charbon activé S3.
Figure 4.1 Vue éclatée d’une biopile à compartiment double de 2e génération.
Pour permettre un contact maximal entre le lisier et le charbon activé, un plus petit
cylindre en acier inoxydable a été placé à l'intérieur du grand cylindre et n'a pas été
rempli de charbon afin de laisser le lisier circuler librement dans la partie centrale de
l’anode. La cathode était une électrode circulaire commerciale de carbone-platine (ELAT
GDE LT 251E-W, BASF) avec une charge de platine de 0,5 mg·cm-2
et la surface active
de la cathode était de 25 cm2. Deux couches de nafion
® ont été appliquées sur la cathode,
de la manière décrite à la section 2.3.3. Près de la cathode, la couche d'acide citrique a été
créée en ajoutant un mince anneau de néoprène dans lequel deux aiguilles hypodermiques
ont été insérées. Ces deux aiguilles permettent la circulation de l’acide citrique à
61
l’intérieur de l’anneau. La pression et la circulation de l’acide dans le compartiment
cathodique sont assurées par une charge hydrostatique créée par un réservoir de 18 L de
capacité situé plus haut que la pile. Une grille métallique circulaire de 65 mm de diamètre
en acier inoxydable (SS316, Grillage Major Inc., Québec, Canada) couvre la cathode et
agit en tant que collecteur de courant. Une ouverture de 3 mm de diamètre est créée à
travers l’épaisseur du compartiment anodique pour permettre l’évacuation des gaz de la
chambre anodique. Cette ouverture est reliée à un tube en U légèrement rempli d’eau
pour éviter que de l’air n’entre dans la biopile. Une deuxième ouverture circulaire de 3
mm bouchée lorsqu’elle n’est pas utilisée, permet l’insertion au besoin d’une sonde de
référence Ag/AgCl. Comme cela est décrit à la section 2.2.5, les tensions en circuit ouvert
et fermé avec une résistance de 100 ohms ont été enregistrées en utilisant un système
d’acquisition de données. Le potentiel d’une demi-pile est donné dans ce texte par rapport
à une sonde de référence Ag/AgCl, soit déphasé de -205 mV par rapport à une sonde de
référence à l’hydrogène.
4.2.2 Fraction liquide utilisée comme lisier
Pour la phase 3, afin de se rapprocher des conditions réelles de fonctionnement, le lisier
utilisé pour alimenter la biopile est la fraction liquide d’un lisier brut séparé par un
séparateur décanteur centrifuge industriel situé sur une ferme de porcs à l’engraissement.
Le lisier provient de la pré-fosse (lisier frais) et la fraction liquide recueillie au séparateur
a été réfrigérée pendant son entreposage.
4.2.3 Analyses biomoléculaires
La compréhension des mécanismes de transfert des électrons d’une biopile passe par la
détermination des populations constituant les consortiums bactériens présents dans celle-
ci. Ce projet a donc consacré un important volet à cet aspect. Les techniques les plus
récentes d’analyse en biologie moléculaire ont été employées pour répondre à cette
question. Celles-ci permettent, notamment par la reconnaissance de l’ADN microbien,
d’identifier les genres bactériens présents dans les échantillons prélevés dans des biopiles
matures avec un grand niveau de confiance.
62
4.2.3.1 Préparation des échantillons
Deux types d’échantillons ont été prélevés pour les besoins de l’analyse moléculaire. Des
échantillons liquides, constitués de lisier circulant et de lisier brut, ont été analysés alors
que des échantillons solides, constitués de charbon activé colonisé par les bactéries, ont
fait l’objet d’analyses. Les échantillons de charbon activé ont subi deux traitements
analytiques. Le premier consistait à investiguer, à une échelle macro, la flore présente et
il a été réalisé en utilisant 3 mL de charbon par échantillon. Le deuxième, se voulant une
approche plus spécifique, s’est concentré sur un échantillon constitué de trois grains de
charbon. Afin d’obtenir une bonne détection des populations microbiennes intimement
liées au charbon, la partie grossière couvrant les particules de charbon a été éliminée en
réalisant un lavage des échantillons avec 10 mL d’eau pour les échantillons de 3 mL, et
avec 1 mL d’eau pour les échantillons de tois grains. Cette procédure a été choisie suite à
différents essais montrant que la richesse microbienne du lisier pouvait masquer la bonne
détection des populations spécifiques développées sur les grains de charbon. Les
échantillons sont ensuite conservés à -20 °C.
4.2.3.2 Extraction de l’ADN bactérien
L’extraction de l’ADN a suivi le protocole proposé par la méthode CTAB (Lee et Taylor,
1990). Pour les échantillons solides de 3 mL, l’extraction est réalisée dans des tubes de
11,5 mL contenant trois billes de plomb avec 3,5 mL de CTAB β-mercaptoéthanol avec
une agitation de deux cycles de 30 secondes dans un agitateur à peinture (optimise
l’agitation). Les tubes sont ensuite incubés à 60 °C pendant une heure. Après avoir reçu
3,5 mL de chloroforme/isoamyl (24 :1), ceux-ci sont centrifugés à 5 000 g pendant 10
minutes. La phase aqueuse est transférée dans un tube de 5 mL et incubée avec 2 mL
d’isopropanol pendant 24 h. L’ADN est alors culotté par centrifugation (5 000 g pendant
10 minutes à 4 °C) et lavé avec de l’éthanol 70 %. Les culots sont ensuite séchés pendant
15 minutes. Une fois secs, les culots sont remis en suspension dans 100 µL de RNaseA
(10mg mL-1
). Finalement, une étape de purification est réalisée en utilisant le nécessaire
commercial Qiaquick (Qiagen, Canada). À la fin, l’ADN génomique est contrôlé par
électrophorèse sur gel d’agarose 0,8%. Pour les échantillons de trois grains, l’extraction
suit le même protocole mais dans un tube vissé de 2 mL contenant deux billes de plomb
63
et 150 µL de silice (Fisher scientifics, Canada) et le volume de CTAB utilisé est de
600 µL.
4.2.3.3 Amplification PCR
L’ADN extrait a été amplifié en utilisant la technique de réaction en chaîne par
polymérase connue sous son acronyme anglais PCR (polymerase chain reaction). Des
amorces spécifiques ont été sélectionnées pour amplifier les bactéries totales
(tableau 4-1). Une boucle GC est utilisée sur l’amorce 984F afin de permettre une bonne
séparation lors de la migration en électrophorèse en gradient de gel dénaturant (en anglais
DGGE pour Denaturing Gradient Gel Electrophoresis). Les réactions PCR sont réalisées
dans un volume final de 25 µL contenant 5 µL d’ADN, 2,5 µL d’un tampon commercial
10 X avec 15 mM MgCl2 (Qiagen, Canada), 2,5 µL de dNTP 2mM (Invitrogen, Canada),
0,2 µL de polymérase commerciale (Qiagen, Canada) et 0,25 µM de chaque amorce. Les
échantillons sont amplifiés dans un thermocycleur (PTC200, MJ Research). Le
programme PCR commence par une activation de la polymérase à 95 °C pendant 15
minutes et continue avec 35 cycles (dénaturation 95 °C pendant 30 s, hybridation 60 °C
pendant 30 s, élongation 72 °C pendant 30 s et élongation finale de 5 min à 72 °C). Les
produits d’amplification obtenus sont contrôlés par électrophorèse sur un gel d’agarose
1,6 %.
Tableau 4-1 Systèmes PCR utilisés.
Cible Amorce Séquence Gène Produit
(pb)1 Référence
Bactéries
totales
Bactéries
totales
984F
1378R
63F
1387R
AACGCGAAGAACCTTAC
CGGTGTGTACAAGGCCCGGGAACG
CAGGCCTAACACATGCAAGTC
GGGCGGWGTGTACAAGGC
16s
16s
433
1300
(Heuer et al.,
1990)
(Marchesi et al.,
1998)
1 paire de base
64
4.2.3.4 DGGE et normalisation
La DGGE est une technique permettant d’évaluer par électrophorèse la mobilité d'un
fragment d'ADN dans un gel de polyacrylamide. L'ADN migre dans ce gel où il rencontre
des conditions de plus en plus dénaturantes. Bien que le gradient augmente de façon
linéaire le long du gel, la dénaturation de l'ADN, elle, ne se fait pas de façon progressive,
mais dépend de sa composition en bases AT (adénine et thymine) et GC (guanine et
cytosine). Ainsi, deux molécules d’ADN, dont les séquences ne diffèrent que d'une paire
de base, ne se dénatureront pas au même moment et migreront alors différemment à
travers un gradient précis. À la fin de l’électrophorèse, le nombre de bandes observables
sera théoriquement égal aux différents genres bactériens présents dans l’échantillon et
l’intensité de ces bandes sera proportionnelle à la quantité d’ADN d’un genre bactérien se
trouvant dans l’échantillon.
Les DGGE ont été réalisées à l’aide d’un système Dcode Universal Mutation Detection
System (Biorad, Canada). 4,5 µL de produit PCR additionné de 4,5 µL de bleu de charge
2 X (0,05 % Bromophenol blue, 0,05 % Xylène cyanol et 70 % Glycerol) sont incorporés
dans un gel 6 % acrylamide /Bis-acrylamide (Biorad, Canada) (37,5:1) contenant un
gradient dénaturant, urée (Sigma, Canada), formamide (Labmat), de 40 à 60 %. Pour les
bactéries sulfo-réductrices, le pourcentage d’acrylamide est de 8 % et le gradient de 30 à
60 %. Pour les archaebactéries, le pourcentage d’acrylamide est de 10 % et le gradient de
35 à 55 %. L’électrophorèse est réalisée dans un tampon 1X de TAE (140 mL de tampon
50X TAE 2M Tris base, 1 M acide acétique glacial, 50 mM EDTA pH 8.0, dans 7 L) à
une température constante de 60 °C pendant 930 minutes à 50 V pour les bactéries
totales. Les gels sont ensuite colorés avec du SYBR gold (Invitrogen, Canada) pendant
10 minutes et numérisés sous U.V. (Transilluminator, UVP) par le logiciel Alphaimager
(CellBiosciences, États-Unis). Les gels ont été normalisés en utilisant le logiciel Phoretix
1D (Nonlinear, Royaume-Uni) avec des marqueurs présents dans le gel composé de
bandes clonées connues.
65
4.2.3.5 Clonage et séquençage
Le clonage d’un gène consiste à insérer un gène d’intérêt à l’intérieur d’une bactérie
grâce à une série de manipulations biochimiques. Une fois inséré dans la bactérie, ce gène
sera alors reproduit en milliers de copies par la mitose bactérienne et, par conséquent,
amplifié des milliers de fois. À partir de l’ADN contenu dans ces milliers de clones, on
peut procéder au séquençage de ce gène. Le séquençage d’une molécule d’ADN consiste
à déterminer l’enchaînement des bases qui le composent. Cet enchaînement est unique à
chaque genre et espèce bactérien et sa comparaison avec des enchaînements connus dans
des bases de données permet d’identifier, avec un certain niveau de confiance, à quel
genre et espèce bactérien peut être associé cet enchaînement de bases.
Le clonage des produits d’amplification des gènes 16s complets est réalisé pour identifier
les bandes dominantes des profils DGGE. Pour obtenir un fragment séquençable de
bonne longueur, on amplifie de nouveau les ADN à cloner avec les amorces 63F/1387R
(Tableau 3.1). Les produits d’amplification obtenus sont alors clonés avec le nécessaire
commercial Zero blunt (Invitrogen, Canada). Les clones obtenus sur les géloses LB
+Kanamycine sont ensuite repiqués en milieu liquide en plaque de 96 puits. L’ADN est
extrait et amplifié avec les amorces 984F-GC /1378R. Les gels DGGE obtenus
permettent ensuite d’obtenir la position de chaque clone d’intérêt et de le choisir pour le
séquençage en fonction de la bande à identifier. Les clones sélectionnés sont séquencés
au service de séquençage de la plateforme de séquençage et de génotypage des génomes
du CHUL (Québec, Canada). La qualité des séquences obtenues est vérifiée avec le
logiciel Sequence scanner V1.0 (Applied Biosystems, Canada). Les séquences sont
ensuite soumises à l’interrogation de la banque GenBank (NCBI, 2011) avec le logiciel
Geneious (Biomatters Ltd, Nouvelle- Zélande).
4.2.4 Examens microscopiques et analyses chimiques par énergie dispersive
Afin d’observer les consortiums bactériens, des échantillons de support bactérien ayant
séjourné dans les biopiles ont été examinés au microscope électronique (840A, JEOL)
équipé d'un système d'analyse par énergie dispersive (Avalon, PGT) du Département de
génie géologique de l’Université Laval. Ce microscope, en étant couplé à ce système
66
d’analyse, permet d’identifier les éléments chimiques se trouvant dans le voisinage de la
partie de l’échantillon sous observation. On retrouve ainsi non seulement l’image
magnifiée d’un biofilm, mais aussi une idée de l’environnement dans lequel les microbes
ont évolué.
4.3 Résultats
4.3.1 Réalisation des biopiles compartiment double de 2e génération
La figure 4.2 montre la biopile à compartiment double de 2e génération telle que
construite et en opération. Pour sa part, la figure 4.3 montre l’ensemble du montage
réalisé. Dans le coin supérieur gauche, on peut noter la présence du réservoir contenant
l’acide citrique alors que la pompe péristaltique permettant la recirculation du lisier se
trouve dans le coin inférieur droit.
Figure 4.2 Vue extérieure de la biopile à compartiment double de 2e génération.
67
Figure 4.3 Montage de la biopile de 2e génération avec son réservoir d’acide
citrique.
4.3.2 Comportements électriques de la biopile
Après une période de rodage d’environ un mois, il s’est avéré qu’une concentration de
0.015 M d’acide citrique était suffisante pour permettre le bon fonctionnement de la
cathode sans affecter le consortium bactérien par un changement de pH dans le lisier. De
fait, l’acide citrique avec un pH maintenu à environ 2,5 n’entraîne pas une variation trop
importante du pH du lisier par une possible migration des protons au travers la membrane
échangeuse de cations. Grâce à cette nouvelle configuration, la biopile de 2e génération a
été en mesure de produire de l’électricité pendant une période de trois mois sans
intervention sur le charbon activé et la cathode. Des changements de lisier ont toutefois
été nécessaires pour maintenir les performances. La durée de séjour du lisier dans la
biopile était contrôlée en satisfaisant une des conditions suivantes :
a) le pH du lisier est à une valeur voisine de 6,5;
68
b) le potentiel redox du lisier mesuré avec une sonde de référence Ag/AgCl et une contre-
électrode de platine est supérieur ou égal à -100 mV.
Ces deux critères de contrôle ont été développés tout au long du projet par observation du
comportement électrique des biopiles à compartiment double. Le critère a) évite de
mettre en danger le consortium bactérien qui est sensible à l’acidification de son milieu.
Quant au critère b), il indique l’introduction d’oxygène dans le lisier pendant le
traitement et que celui-ci est en voie de devenir aérobie, ce qui est néfaste pour le
consortium bactérien. Ces critères étaient par ailleurs également appliqués avant de traiter
un lisier frais. En effet, le pH et le potentiel redox du lisier étaient préalablement mesurés
et le lisier systématiquement rejeté si son pH était inférieur à 7 et son potentiel redox
supérieur à -200 mV. En règle générale, la variation du pH était la principale raison
mettant fin à un traitement.
La figure 4.4 montre la tension de la biopile en circuit fermé fonctionnant avec une
résistance externe de 100 ohms. En moyenne, la biopile a maintenu une tension de
400 mV au cours de la période d’observation. La figure 4.5 montre les courbes de tension
et de densité de puissance en fonction de la densité de courant pour cette condition de
fonctionnement. On peut observer que le potentiel en circuit ouvert de la biopile est
légèrement supérieur à 1 000 mV et que la densité de puissance maximale est près de
800 mW m-2
. Les mesures faites avec une sonde de référence Ag/AgCl pour les
conditions en circuit ouvert de la biopile indiquaient un potentiel de 570 mV pour la
cathode alors que le potentiel de l'anode était de -460 mV.
69
0
100
200
300
400
500
600
11-01 11-05 11-09 11-13 11-17 11-21 11-25 11-29
Te
ns
ion
(m
V)
Figure 4.4 Tensions en circuit fermé (R externe = 100 ohms) de la biopile de 2e
génération sur une période d’un mois.
0
200
400
600
800
1000
1200
0 500 1000 1500 2000 2500 3000
Densité de courant (mA m-2 )
Te
ns
ion
(m
V)
0
100
200
300
400
500
600
700
800
Den
sit
é d
e p
uis
san
ce
(mW
m-2
)
Tension
Densité de puissance
Figure 4.5 Courbes des performances électriques de la biopile de 2e génération avec
une tension moyenne de 400 mV en circuit fermé.
Moment de changement du lisier
70
4.3.3 Analyses microbiologiques
Le tableau 4-2 montre la transposition en format numérique faite à l’aide du logiciel
Phototrix 1D d’une photo montrant la migration des gels DGGE réalisée avec de l’ADN
extrait des échantillons de lisier brut (LB), de lisier circulant (LC) dans une biopile
mature, de charbon activé non lavé (CAN) et lavé (CAL). La distance de migration des
bandes du haut vers le bas du gel de DGGE est indiquée par les valeurs de Rf, lequel
donne un indice de positionnement relatif gradué de 0 à 1 où 0 indique le haut et 1
indique le bas du gel. Jusqu’à 18 bandes reproductibles ont été détectées dans un profil
type de DGGE et chaque bande peut représenter une ou plusieurs populations
bactériennes. L’intensité fluorescente relative de chaque bande a varié de 0 à 17 000
unités et était proportionnelle à la quantité d’ADN amplifié. L’analyse des profils de
DGGE des échantillons de LB et de LC montre que 9 bandes importantes sont apparues;
la bande 0.458 n’a pas été détectée dans les échantillons de charbon activé, les bandes
0.257, 0.299, 0.342 et 0.446 ont montré une forte intensité dans l’échantillon de LB, alors
que les bandes 0.510, 0.540, 0.659 et 0.717 étaient détectées dans tous les échantillons
examinés mais avec une intensité plus forte dans des échantillons de LB et de LC.
L’analyse des profils de DGGE des échantillons de CAL et CAN a montré que deux
bandes étaient importantes (0.400 et 0.475) alors que sept bandes de moindre intensité
(0.279, 0.326, 0.529, 0.580, 0.606 et 0.644) ont été détectées. Toutefois, ces bandes n’ont
pas été détectées dans des échantillons de LB et de LC. Ces neuf bandes représentent les
populations bactériennes qui ont trouvé une place écologique dans le charbon activé. La
bande 0.400 a également été détectée dans les deux échantillons de charbon activé, alors
que la présence de la bande 0.475 était plus marquée dans l’échantillon de CAL.
L’échantillon non lavé de charbon activé représente la matrice complexe des fragments
de charbon activé ayant baigné dans le LC. Pour sa part, l’échantillon lavé de charbon
activé représente les fragments d’ADN incrustés dans le charbon activé et est donc
l’image de la flore bactérienne ayant proliféré au sein du charbon. Les fragments de CAL
ont été mis en suspension dans une solution tampon saline avant d’être centrifugés pour
obtenir un culot concentré de fragments de CAL. L’extrait total d’ADN d’un échantillon
de CAL a été préparé et les séquences complètes de rARN 16S ont été clonées, choisies
71
et séquencées pour identifier les populations bactériennes liées aux fragments de CAL.
Ces séquences représentent très vraisemblablement la composante bactérienne active et
stratégique des biopiles. La comparaison de l’ADN cloné avec celui contenu dans les
banques de données révèle que le genre Clostridium est lié à la bande 0.400, alors que les
genres Desulfuromonas, Pseudomonas, Bacteroidetes et Alcaligènes ont été associés à la
bande principale 0.475.
Tableau 4-2 Représentation numérique de gels DGGE avec le logiciel Phototrix 1D.
Rf LB LC CAN CAL
0.257 2221 0 748 211
0.279 0 0 1954 615
0.299 9094 562 0 247
0.326 0 0 3305 450
0.342 7643 2536 839 551
0.400 0 0 16678 16978
0.446 9351 4059 1158 1927
0.458 11788 12469 0 0
0.475 0 0 5701 16487
0.510 13362 16544 5966 2638
0.529 0 0 388 118
0.540 5568 6041 77 48
0.580 0 291 2836 2640
0.606 0 0 2482 2317
0.625 0 0 1914 1859
0.644 0 0 448 171
0.659 1609 1189 131 454
0.677 553 433 321 89
0.717 1122 575 0 105
0.800 0 968 4087 3410
4.3.4 Analyses microscopiques et par énergie dispersive
La figure 4.6 montre les résultats d’une observation d’une particule de charbon activé
brut (S3) sous microscope électronique. Grossie 250 fois, l’image révèle les nombreuses
aspérités, cavités et interstices susceptibles de devenir des lieux de colonisation
bactérienne. On retrouve également le résultat de l’analyse par énergie dispersive associé
à cette image. Comme on peut s’y attendre, avec sa crête très prononcée sur le graphique,
le carbone est le principal élément chimique composant le charbon activé. La figure 4.7
72
pour sa part montre une image d’une colonie bactérienne détectée sur du charbon activé
d’une biopile mature. On y distingue nettement des bactéries cylindriques d’environ 1 µm
de diamètre par 2 µm de long agglutinées les unes aux autres. L’analyse par énergie
dispersive de ce biofilm révèle un détail particulier. Outre la crête de phosphore qui peut
être associée à la matière constitutive des êtres vivants, on retrouve un signal très fort
pour le soufre. Ceci indique que la colonie s’est développée sur une accumulation de
soufre élémentaire et que cet élément est essentiel à leur survie. Il s’agit ici d’une
observation importante car elle indique probablement que le soufre est impliqué dans les
mécanismes de transfert des électrons dans une biopile fonctionnant au lisier de porc.
Figure 4.6 Vue microscopique du charbon activé brut et de son analyse par énergie dispersive.
73
Figure 4.7 Vue microscopique de la flore bactérienne observée sur du charbon activé d’une
biopile mature et de son analyse par énergie dispersive.
4.3.5 Confirmation de la teneur en soufre du charbon activé
Pour confirmer l’observation énoncée ci-haut, une analyse du contenu en soufre a été
effectuée sur du charbon activé brut et sur trois échantillons prélevés à l’intérieur d’une
biopile mature, c’est-à-dire lorsque la tension d’opération maximale est atteinte et
constante. Le tableau 4-3 présente les résultats obtenus de ces quatre échantillons de
charbon activé. On peut y voir que le charbon activé ayant séjourné dans une biopile
mature contient de trois à cinq fois plus de soufre que le charbon activé à l’état brut et
neuf. Ceci confirme donc le fait qu’une accumulation de soufre s’effectue dans les
biopiles au fil du temps et qu’une flore bactérienne spécifique pourrait se développer sur
ces dépôts.
74
Tableau 4-3 Concentration en soufre d’échantillons de charbon activé prélevés dans une
biopile mature.
Nom de
l’échantillon
Concentration S
dans le charbon activé
mg S/mg de charbon
Charbon activé brut 0,0015
Charbon activé No. 1
prélevé dans une
biopile mature
0,0049
Charbon activé No. 2
prélevé dans une
biopile mature
0,0060
Charbon activé No. 3
prélevé dans une
biopile mature
0,0084
4.4 Analyses des résultats
La présence du soufre n’est pas étrangère aux déjections fraîches du porc puisque son
contenu est évalué a environ 400 ppm sur une base humide (ASAE, 2005). Ce qui semble
particulier aux biopiles à l’égard de cet élément chimique, c’est sa contribution à
favoriser l’émergence d’une activité électrique à un niveau microbien. D'une part, des
analyses chimiques effectuées sur des échantillons de charbon activé d’une biopile
mature montrent une accumulation de soufre par rapport à des échantillons à l’état neuf.
D’autre part, les analyses microbiologiques indiquent une forte présence de bactéries du
genre Desulfuromonas dans le charbon activé d’une biopile mature. Ces dernières sont
des bactéries caractérisées par un métabolisme utilisant l’acétate comme source d’énergie
et le soufre comme accepteur d’électrons (Euzéby, 2010). Ces bactéries sont uniquement
détectées dans le charbon activé d’une biopile mature mais jamais dans le lisier brut ou le
lisier circulant. La capacité à démarrer une biopile neuve avec du lisier frais démontre
aussi que ces bactéries existent à l’état latent dans le lisier et qu’elles attendent que les
75
conditions idéales apparaissent pour sortir de cet état. Ces conditions semblent leur être
fournies par les biopiles. Il est à noter que les bactéries du genre Desulfuromonas ont déjà
fait l’objet d’observations par d’autres chercheurs en tant que microbes producteurs
d’énergie dans des biopiles (Bond et al., 2002; Holmes et al., 2004; Reimers et al., 2007;
Tenders et al., 2002). Néanmoins ces observations ont été faites dans un tout autre
contexte que celle du lisier de porc. En effet, l’inoculum de ces biopiles provenait de
sédiments de fond marin.
À partir de ces observations, un mécanisme probable de transfert des électrons propre aux
biopiles au lisier peut être proposé. Selon cette hypothèse, les réactions 4.1 et 4.2 qui
suivent décriraient les demi-réactions impliquées au niveau bactérien. L’acétate, donneur
d’électrons, serait dégradé en CO2 et 8 électrons seraient libérés pour chaque molécule
dégradée par la bactérie. Ceux-ci finaliseraient leur course hors de la membrane cellulaire
en réduisant une molécule de soufre élémentaire qui, associée à des protons, formeraient
du sulfure d’hydrogène. Celui-ci deviendrait l’intermédiaire redox et transiterait vers
l’anode. À l’anode (réaction 4.3), le H2S serait oxydé, libérant les protons tout en
régénérant le S élémentaire. Sous cette forme, cet élément serait véhiculé par le lisier
circulant et pourra à nouveau se fixer dans le charbon activé pour recommencer un
nouveau cycle. À la cathode (réaction 4.4), la réaction conventionnelle impliquant la
fusion de molécules d’oxygène réduites à des protons aurait lieu pour former de l’eau.
Fait important à signaler pour conforter la théorie du cycle du soufre comme mécanisme
de transfert des électrons, des mesures de potentiel de la demi-pile côté anode avec une
sonde de référence Ag/AgCl indiquent que la négativité de cette électrode évolue vers
une valeur d’environ -430 mV (Ag/AgCl), ce qui, rapporté sur la base d’une sonde de
référence standard à l’hydrogène, donne environ -230 mV. Cette valeur coïncide avec
celle indiquée à la réaction 4.2. Finalement, on peut calculer une différence de potentiel
d’environ 0,057 V entre les demi-réactions 4.1 et 4.2. En utilisant l’équation 1.1, on peut
estimer que le gain énergétique est d’environ 43 kJ mole-1
pour la bactérie. Ceci lui
permet de fabriquer un peu plus d’un ATP (33,5 kJ mole-1
), ce qui démontre la frugalité
énergétique du genre Desulfuromonas, confirmant du même coup la théorie voulant que
le fonctionnement des biopiles soit redevable à des bactéries peu énergivores.
76
Mécanisme de transfert des électrons probable dans une biopile au lisier
de porc
Au niveau des bactéries sulforéductrices
CH3COO- + 3H2O CO2
+HCO3
- +8 H
+ +
8 e
- ΔV = 0,287 V (4.1)
(Tchobanoglous et al., 2003)
4 S0+ 8H
+
+ 8 e
- 4 H2S ΔV = -0,23 V (4.2)
(Miles, 2003)
Au niveau de l’anode
4 H2S 4 S0+ 8H
+ + 8 e
- ΔV = 0,23 V (4.3)
(Miles, 2003)
Au niveau de la cathode
2 O2 + 8H+
+ 8 e
- 4 H2O ΔV = 0,82 V (4.4)
(Tchobanoglous et al., 2003)
Différence de potentiel totale entre l’anode et la cathode : ΔV = 1,05 V
4.5 Conclusion de la phase 3
Il est probable que dans les premières journées d’existence d’une biopile, le sulfure
d’hydrogène présent dans le lisier s’oxyde à l’anode, ce qui conduit à la formation de
soufre élémentaire. Ce soufre est relâché dans le lisier circulant de la biopile et vient se
fixer au charbon activé. Au fur et à mesure que les dépôts de soufre s’accumulent, les
bactéries du genre Desulfuromonas présentes en trace dans le lisier trouvent une niche et
commencent leur développement. Un cycle du soufre interne dans la biopile s’enclenche
alors entre les bactéries et l’anode. Durant ce cycle, le soufre alterne entre la forme S0 et
H2S (probablement aussi sous la forme HS-). Ce mécanisme explique pourquoi un
support bactérien comme le charbon activé est très favorable. D'une part, il fixe le soufre
en circulation et, d’autre part, grâce à sa très grande surface spécifique, il permet une
77
production abondante de bactéries « électrophiles », ce qui favorise une importante sortie
de puissance électrique. À cause des potentiels d’oxydoréduction des espèces chimiques
impliquées dans les demi-réactions, la tension maximale théorique possible d’une biopile
au lisier utilisant l’oxygène comme oxydant à la cathode est de 1,05 volt.
78
5. Phase 4. Création de biopiles performantes
5. 1. La cathode : Le défi technologique et commercial des biopiles
Les phases 1 à 2 ont démontré que la formation d’un consortium bactérien dans une
biopile alimentée au lisier est un événement scientifiquement répétable et que l’apport
d’un support bactérien adéquat et en quantité suffisante favorise la production d’énergie.
La troisième phase explique pour sa part les mécanismes de transfert des électrons entre
des bactéries sulforéductrices et l’anode, par la formation d’un cycle de soufre interne
aux biopiles. Pour obtenir des sorties de puissance intéressantes, il a fallu utiliser des
biopiles à compartiment double en séparant l’anode de la cathode par une membrane
échangeuse de cations. Durant les phases 2 et 3, de l’acide citrique a été utilisé comme
électrolyte dans le compartiment cathodique pour faciliter la réduction de l’oxygène. Pour
ajouter aux complications du projet, la cathode est non seulement devenue un enjeu
stratégique du point de vue technique, mais aussi un enjeu commercial à la suite de la
fermeture de la filiale ETEK de la compagnie BASF, principal manufacturier
d’électrodes pour les piles à combustible à membrane échangeuse de protons. Si en 2008
on pouvait acheter une cathode chargée de platine au prix de $ 1000 $ m-2
, il faut
actuellement débourser près de 5 000 $ m-2
auprès des nouveaux fournisseurs de ce
produit. Les phases 1 à 3 ont été réalisées en utilisant des cathodes ETEK, mais pour
espérer une application commerciale, il était impératif de trouver une alternative à
celles-ci
D’importants efforts ont donc été consacrés pour contrer ce problème économique en
développant nos propres cathodes afin d’en diminuer les coûts d’acquisition. Pendant une
longue période de ce projet, de nombreuses cathodes ont été fabriquées à partir de fibre
de carbone ou d’acier inoxydable comme matériel support de base. En suivant les grands
principes énoncés au paragraphe 1.4.1, des encres catalytiques à base de platine ou
d’argent ont été fabriquées et appliquées à différentes doses sur ces supports. De manière
générale, ces cathodes maisons ont été essayées sur la biopile à compartiment double
décrite à la phase 3, celle-ci ayant un format bien adapté pour tester rapidement de petites
79
cathodes. Les résultats découlant de ces nombreux essais ne feront pas l’objet de
présentation dans ce document. Toutefois, trois constats importants émergent de ceux-ci.
Premièrement, les encres catalytiques de notre fabrication se sont avérées très friables et
inadéquates au fonctionnement prolongé d’une biopile car elles étaient sujettes à
l’effritement après un certain temps d’immersion dans l’acide citrique. Deuxièmement, le
platine demeure le catalyseur le plus performant et, pour l’instant, son emploi semble
incontournable pour obtenir des sorties de puissance intéressantes. Troisièmement,
l’emploi de l’acide citrique a fait surgir une difficulté inattendue en favorisant la
formation sur la cathode d’un champignon du genre Penicillium. En se développant, le
champignon inhibe significativement la puissance de la pile en consommant une partie
importante de l’oxygène disponible à la cathode. À partir de ces constats, nous avons
drastiquement changé notre approche pour la partie cathodique des biopiles. Dans un
premier temps, nous avons abandonné l’idée des encres catalytiques pour appliquer le
platine sur le matériel support en nous tournant vers les possibilités de la galvanoplastie.
En effet, parmi les techniques visant à réduire la concentration de platine, la méthode par
électrodéposition semble une des voies les plus prometteuses (Litster et McLean, 2004).
En utilisant cette technologie, une équipe de chercheurs a été en mesure de produire une
pile à combustible fonctionnelle utilisant une cathode ayant aussi peu que 0,0073
mg·cm-2
de platine (Litster et McLean, 2004). En gros, cette façon de faire permet de
déposer une quantité donnée de platine en passant un courant d’intensité connue dans une
électrode baignant dans une solution contenant du platine. En fournissant une électrode
plaquée avec du platine fortement lié au support, les problèmes associés à la dégradation
de la cathode par lessivage du platine devraient être éliminés.
Les cathodes exposées à l’air et réduisant l’oxygène qui s’y trouve sont un concept
intéressant d’un point de vue théorique et économique. Toutefois, les performances
observées durant les phases 1 à 3, en ce qui a trait au potentiel de la cathode en circuit
fermé, laissent penser que la réaction est lente et difficile, même avec de l’acide citrique,
en raison de la lente diffusion de l’oxygène dans l’électrolyte. De plus, la formation d’un
champignon sur la cathode en utilisant de l’acide citrique nous oblige à réviser notre
choix d’électrolyte dans la chambre cathodique. Pour ces raisons, il a été décidé de
délaisser l’acide citrique et d’utiliser le peroxyde d’hydrogène (H2O2) comme électrolyte.
80
Communément appelé eau oxygénée, le H2O2 est un milieu oxydant puissant dont on peut
contrôler la concentration active par dilution dans de l’eau. La demi-réaction du peroxyde
d’hydrogène à la cathode est décrite par la réaction 5.1 (Girault, 2001).
H2O2 + 2H+ + 2 e
- 2 H2O ΔV = 1,76 V (5.1)
Comme le décrit la réaction 5.1, en présence d’hydrogène et d’électrons, le peroxyde
d’hydrogène produira une réaction spontanée avec un potentiel d’oxydoréduction plus
élevé que celui de la réduction de l’oxygène combiné à de l’hydrogène pour produire de
l’eau (réaction 1.3) et, tout comme cette dernière, la réaction 5.1 produit essentiellement
de l’eau, ce qui rend l’alternative tout à fait acceptable d’un point vue environnemental.
Autre avantage considérable, en n’ayant plus à exposer un des côtés de la cathode à l’air,
le montage en série de biopiles accolées les unes aux autres pour faire un empilement
(« stack » en anglais) en sera facilité. En contrepartie, l’électrolyte du compartiment
cathodique deviendra un consommable qu’il faudra suivre et régénérer au besoin. Pour
maximiser la conversion, le pH de cet électrolyte sera également contrôlé et ajusté au
besoin avec de l’acide sulfurique (H2SO4). Un pH de 2,5 s’étant avéré adéquat avec les
essais à l’acide citrique, cette valeur sera la cible à maintenir.
5. 2 Matériel et méthode de la phase 4.
5.2.1 Biopiles à compartiment double avec peroxyde d’hydrogène à la cathode
Dans cette ultime phase du projet, les acquis des phases 1 à 3 serviront de base pour la
construction des biopiles de dernière génération. Les grands principes suivants
gouverneront leur conception :
A) Les biopiles seront à compartiment double et devront avoir une charge minimale de
100 grammes de charbon activé (S3 de la phase 1) dans le compartiment anodique;
B) Un volume relativement important de lisier devra se trouver entre la membrane
échangeuse de cations et le charbon activé afin de protéger les bactéries contre une
éventuelle migration de peroxyde d’hydrogène dans le lisier;
81
C) La chambre cathodique, qui contiendra le peroxyde d’hydrogène, sera aussi mince que
possible pour réduire la résistance interne de la pile;
D) Pour ces essais, les cathodes recevront une charge de platine relativement importante
pour être certain d’observer l’effet de ce catalyseur sur la demi-réaction à la cathode;
E) Une toile de fibre de verre sera installée entre la membrane échangeuse de cations et le
lisier afin d’éviter l’agglutination de particules et de créer une zone aérobie contrôlée;
F) Les biopiles devront présager les futures biopiles commerciales et présenter une
conception modulaire minimisant le nombre de pièces à concevoir.
La figure 5.1 montre une vue éclatée de la biopile issue de ces principes. Les
compartiments anodiques et cathodiques sont réalisés à partir d’anneaux de polyéthylène
d’une épaisseur de 9 mm avec des diamètres interne et externe de 150 mm et 200 mm
respectivement. Muni d’une entrée et d’une sortie montées en opposition, le
compartiment cathodique permet la recirculation du peroxyde d’hydrogène près de la
cathode. Entre les compartiments anodique et cathodique se trouvent une toile de fibre de
verre et une membrane échangeuse de cations (CMI-7000, Membranes International Inc.)
de 200 mm de diamètre. Le compartiment anodique est constitué de quatre anneaux. Les
anneaux 1 et 2 (figure 5.1), séparés par l’anode, contiendront le charbon activé. Par cet
agencement, la distance entre l’anode et le support bactérien est minimisée. La charge de
charbon activé est répartie également entre les deux anneaux (50 g par anneau). L’anode,
de 150 mm de diamètre, est construite à partir d’une grille en acier inoxydable (SS316,
Grillage Major Inc.) de 22 mailles cm-2
et d’une épaisseur de 0,6 mm. Les anneaux 3 et 4
ne sont destinés qu’à contenir du lisier. Ces anneaux deviennent la réserve principale en
lisier de la biopile et créent une zone tampon entre les bactéries et la chambre cathodique.
La recirculation du lisier est assurée par une pompe péristaltique et son passage dans la
biopile se fait de l’anneau 1 à l’anneau 4 du compartiment anodique. Une ouverture de
3 mm de diamètre est créée à travers l’épaisseur de l’anneau 4 pour permettre
l’évacuation des gaz de la chambre anodique. Cette ouverture est reliée à un tube en U
légèrement rempli d’eau pour éviter une introduction d’air dans la biopile. Une deuxième
82
ouverture circulaire de 3 mm dans l’anneau 4, bouchée lorsqu’elle n’est pas utilisée,
permet l’insertion au besoin d’une sonde de référence Ag/Ag/Cl.
Figure 5.1 Vue éclatée montrant les principales composantes d’une biopile de
dernière génération.
5.2.2 Placage de platine sur la cathode par galvanoplastie
La toile de fond de la cathode est constituée par une grille en acier inoxydable de 961
mailles cm-2
(SS304, Grillage Major Inc.). La galvanoplastie a été effectuée en utilisant
un équipement spécialement conçu à cet effet (platinizing kit no. 3139, Yellow Springs
Instrument’s Co.) et qui permet de maintenir le courant désiré tout au long du placage. La
figure 5.2 montre cet appareil.
83
Figure 5.2 Ensemble de placage.
Avant le placage, les grilles en acier inoxydable ont été immergées pendant trois heures
dans de l’hexane et trois autres heures dans une solution de peroxyde d’hydrogène (10 %)
pour enlever les graisses et les impuretés. La surface active d’une cathode étant de
354 cm2
(deux côtés), une solution de K2PtCl6 ou de H2PtCL6 contenant l’équivalent de
354 mg de platine est préparée pour chaque cathode afin d’assurer une charge de 1
mg·cm-2
de chaque côté de la cathode. La galvanoplastie permettant le dépôt de platine
s’effectue à partir d’une solution de PtCl6 selon les deux réactions décrites par les
relations 5.2 et 5.3 (Weast et Astle, 1980). Selon ces réactions, il faut prévoir le passage
de 4 moles d’électrons pour plaquer 1 mole de platine.
PtCl6-2
+ 2e-
PtCl4-2
+2 Cl- (5.2)
PtCl4-2
+ 2e-
Pt + 4 Cl
- (5.3)
Considérant qu’il faut 354 mg de platine par cathode, ceci se traduit par 0,0018 mole de
Pt à appliquer, soit 0,0072 mole d’électrons à faire circuler dans le montage pendant la
galvanoplastie. Le nombre de moles d’électrons s’évalue à partir de la relation 5.4.
84
F
ITM (5.4)
où :
M= nombre de moles d’électrons déplacées pendant la galvanoplastie;
I = courant (A);
T = temps (s);
F = constante de Faraday.
En utilisant l’appareil de galvanoplastie, on peut mesurer le courant et maintenir celui-ci le temps
nécessaire pour satisfaire l’équation 5.4, sachant que M est égal à 0,0073 mole. Ce temps est
variable selon la conductivité de la solution et chaque placage de cathode a fait l’objet
d’ajustement dans le temps selon le courant appliqué. Afin d’éviter la formation de bulles
d’hydrogène sur la cathode pouvant entraîner des imperfections dans les zones de dépôt, la tension
de placage a été maintenue sous la valeur de 900 mV, ce qui crée une limite sur le courant
électrique que l’on peut appliquer. Un multimètre branché aux bornes de l’outil de placage est
utilisé à cette fin. La figure 5.3 illustre un résultat type de placage de cathode.
Figure 5.3 Aperçu des cathodes avant a) et après b) placage de platine.
a) b)
a)
b)
85
5.2.3 Fonctionnement des biopiles
Après quelques essais de rodage avec une biopile de dernière génération, quatre biopiles
identiques ont été construites afin de vérifier que les résultats soient reproductibles. Trois
biopiles contenaient 100 g de charbon activé vierge (S3 de la phase 1) réparti également
de chaque côté de l’anode. La quatrième contenait 50 g de charbon activé provenant
d’une biopile antérieure et 50 g de charbon vierge afin de vérifier l’hypothèse qu’une
inoculation préalable des biopiles accélérerait le temps de démarrage. Comme décrit à la
section 2.2.6, les tensions en circuit ouvert et fermé avec une résistance de 100 ohms ont
été enregistrées à l’aide d’un système d’acquisition de données. Le potentiel d’une demi-
pile est donné dans ce texte par rapport à une sonde de référence Ag/AgCl, soit déphasé
de -205 mV par rapport à une sonde de référence à l’hydrogène.
5.2.4 Fraction liquide utilisée comme lisier
Pour la phase 4, afin de se rapprocher des conditions réelles d’opération des biopiles, le
lisier utilisé pour les alimenter est la fraction liquide d’un lisier brut séparé par un
séparateur décanteur-centrifuge industriel situé sur une ferme de porcs à l’engraissement.
Le lisier provient de la pré-fosse (lisier frais) et la fraction liquide recueillie au séparateur
a été réfrigérée pendant son entreposage.
5.2.5 Détermination de la DBO5 et de la DCO
La détermination de la matière organique oxydable par les bactéries (DBO5) se base sur
la méthode 5210 tirée de Standard Methods for the examination of water and wastewater
(Eaton et al., 2005). Dans cette méthode, un échantillon de lisier est dilué dans de l’eau
stérilisée puis incubé avec un consortium bactérien commercial (Polyseed). La teneur en
oxygène dissous est mesurée en début d’analyse avec un oxymètre et l’échantillon est
incubé pendant cinq jours à 20 C. La teneur finale en oxygène est mesurée et la
consommation en oxygène est alors calculée.
La détermination de la matière organique oxydable par voie chimique (DCO) est mesurée
selon la méthode MA.315-DCO (CEAEQ, 2006). Cette méthode consiste à mesurer la
86
concentration de dichromate de potassium qui est consommée lors de l’oxydation de la
matière organique présente dans l’échantillon en milieu acide. Le dichromate de
potassium est réduit en chromate de potassium provoquant ainsi un changement de
couleur qui est mesuré par colorimétrie.
5.2.6 Concentration de peroxyde d’hydrogène
La concentration en peroxyde d’hydrogène de l’électrolyte du compartiment cathodique
est estimée par colorimétrie en utilisant des bandelettes commerciales (Merck-Chemicals,
110011 Peroxide test) dont la lecture permet d’estimer les teneurs d’une solution de
H2O2 entre 0 et 25 ppm.
5.2.7 Évolution des odeurs
Afin de vérifier l’effet des biopiles sur le dégagement d’odeur, les seuils de détection
d’odeur dégagée par les fractions liquides brutes et traitées par les biopiles ont été évalués
par la méthode E-691-91 de l’ASTM (1991). Par une série de dilution d’un échantillon et
par un processus normalisé de présentation, cette méthode permet à des panélistes de
comparer entre eux différents traitements et de donner une échelle relative de détection
d’odeur. Dix panélistes ont participé à chaque essai d’olfactométrie et un seuil de
détection de groupe a été déterminé.
5.3 Résultats
5.3.1 Réalisation des biopiles de dernière génération
Les figures 5.4 et 5.5 présentent le montage réalisé. À la figure 5.4, on peut observer une
biopile type avec ses deux conduits permettant la recirculation du lisier (tube en noir) et
du peroxyde d’hydrogène en solution aqueuse (tube translucide). Entre ces conduits, on
peut voir un tube plus mince permettant l’évacuation des gaz du compartiment anodique.
La figure 5.5, pour sa part, présente le montage final des quatre biopiles sur leur banc
d’essai. Les 4 biopiles ont une pompe péristaltique et une tubulure indépendantes pour
effectuer la recirculation du lisier. Elles partagent toutefois la même pompe péristaltique
pour la recirculation du peroxyde d’hydrogène. Le circuit de ce liquide est fermé et
87
comprend un réservoir tampon de 18 litres de capacité. Monté en série d’une pile à
l’autre, le circuit prend sa source dans le réservoir, traverse les quatre biopiles (de la
biopile 1 à la biopile 4) et se termine au réservoir. La concentration en peroxyde
d’hydrogène et le pH de la solution sont vérifiés régulièrement au réservoir.
Figure 5.4 Montage d’une biopile de dernière génération.
Figure 5.5 Montage final des 4 biopiles sur le banc d’essai.
5.3.2 Période d’acclimatation
Une période d’acclimatation et de développement du consortium bactérien s’est déroulée
du 20 juillet au 11 août 2010. La durée de la période d’acclimatation a été gouvernée par
l’évolution du pH du lisier circulant dans les biopiles, celui-ci passant d’une valeur de
88
7,2 à 6,6 pendant cet intervalle. Pendant cette période, le pH de la solution oxydante du
compartiment cathodique est maintenu près de 2,5 alors que la concentration de peroxyde
d’hydrogène est passée d’une valeur initiale de 0,003 M à la valeur maximale permise de
0,018 M. Cette valeur maximale avait été fixée à la suite d’essais d’étalonnage du
potentiel de la cathode pendant le rodage. La figure 5.6 présente les résultats de ces essais
et illustre la valeur du potentiel de la cathode au fur et à mesure que le pH de la solution
du compartiment cathodique est modifié en présence ou non de H2O2. On note que le
potentiel maximal de la cathode est atteint alors que le pH de la solution est près de 2,5 et
que la concentration en H2O2 est égale ou supérieure à 0,018 M.
-100
0
100
200
300
400
500
600
0 1 2 3 4 5 6 7 8
pH
Po
ten
tiel
de
la
ca
tho
de v
s A
g/A
gC
l (m
V)
Sans H2O2
Avec H2O2
(0,024 M)
(0,018 M)
(0,012 M)
(0,008 M)
(Concentration de H2O2)
Figure 5.6 Essais d’étalonnage du potentiel de la cathode.
La figure 5.7 montre l’évolution des tensions en circuit fermé pendant la période
d’acclimatation. On peut observer que les biopiles 1 à 3 prennent environ 10 jours pour
développer leur potentiel alors que la biopile 4, qui contenait le charbon activé inoculé,
89
démarre très rapidement et est à son plein potentiel six jours après le début de
l’expérimentation. Ce comportement particulier de la biopile 4 est corroboré par le
potentiel de l’anode avec une sonde Ag/AgCl. La figure 5.8 montre le potentiel de
l’anode des 4 biopiles pendant la phase d’acclimatation.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
20-juil 24-juil 28-juil 01-août 05-août 09-août 13-août
Ten
sio
ns
circ
uit
fer
mé
(mV
)
pile 1
pile 2
pile 3
pile 4
Figure 5.7 Tensions moyennes en circuit fermé des 4 biopiles du 20 juillet au 11 août
2010.
-500
-400
-300
-200
-100
0
100
200
20-juil 24-juil 28-juil 01-août 05-août 09-août
Po
ten
tiel
des a
no
des s
elo
n r
ef.
Ag
/Ag
Cl
(mV
) pile 1
pile 2
pile 3
pile 4
Figure 5.8 Potentiel en circuit fermé des anodes des biopiles pendant la phase
d’acclimatation.
90
Dès le départ, on observe que le potentiel de l’anode de la biopile 4 est négatif avec une
valeur de -150 mV pour atteindre une valeur près de -400 mV, trois jours après le début
de l’expérimentation. Pour leur part, les biopiles 1 à 3 ont un potentiel positif dans les
premiers jours de leur existence et prennent de 8 à 10 jours pour atteindre une valeur de
-400 mV. Néanmoins, après 13 jours d’existence, toutes les biopiles ont développé le
même potentiel à l’anode, soit une valeur près de -430 mV. Toutes les biopiles
manifestent une remontée de leur potentiel vers une valeur de -350 mV dans les derniers
jours de la phase d’acclimatation.
Cette phase d’acclimatation, qui a duré 21 jours, a dégagé une quantité non négligeable
d’énergie électrique. La figure 5.9 montre la production d’énergie cumulée au fil des
jours. La production d’énergie journalière est calculée en multipliant la puissance de
sortie (W ou J·s-1
) moyenne par jour d’une biopile par le nombre de secondes par jour
(86 400 s·j-1
). On observe qu’à la fin de la période d’acclimatation, les biopiles ont
dégagé entre 6 500 et 7 100 joules.
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
8000
20-juil 24-juil 28-juil 01-août 05-août 09-août
Pro
du
cti
on
cu
mu
lée
d'é
ne
rgie
(J
)
pile 1
pile 2
pile 3
pile 4
Figure 5.9 Production d’énergie pendant la phase d’acclimatation des biopiles 1 à 4.
La figure 5.10 donne un aperçu des performances électriques des biopiles une fois
arrivées à la fin de la période d’acclimatation en utilisant les résultats de la biopile 2, le 3
91
août 2010. Cette figure expose les courbes des tensions et densités de puissance en
fonction des densités de courant obtenues ce jour-là. On y observe que la densité de
puissance maximale se situe près de 1 400 mW·m-2
et que cette valeur s’obtient à une
tension d’environ 500 mV, pour une densité de courant de 3000 mA·m-2
.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000
Densité de courant (mA m-2 )
Te
ns
ion
(m
V)
0
200
400
600
800
1000
1200
1400
1600
De
ns
ité
de
pu
iss
an
ce
(m
W m
-2)
Tension
Densité de puissance
Figure 5.10 Courbes de performances électriques de la biopile 2, le 3 août 2010.
5.3.3 Performances des biopiles après l’acclimatation des bactéries
Comme on peut l’observer à la figure 5.7, les tensions obtenues en circuit fermé avec la
biopile 4 sont inférieures à celles obtenues par les trois autres piles à la fin de la période
d’acclimatation. Toutefois, comme le montre la figure 5.8, les valeurs de potentiel de
l’anode des 4 biopiles sont équivalentes à cette même période. De toute évidence, la
cathode de la biopile 4 n’était pas aussi performante que les autres; cette électrode a donc
été changée le 11 août 2010 avant de poursuivre les essais sur les biopiles. À la même
date, le lisier traité a été changé par du lisier frais dans toutes les piles. Le traitement de
ce nouveau lisier s’est déroulé du 11 au 17 août 2010. La durée de ce traitement a été
gouvernée par l’évolution du pH du lisier circulant dans les biopiles, celui-ci passant
d’une valeur de 7,2 à 6,4 pendant cet intervalle.
La figure 5.11 montre l’évolution de la tension en circuit fermé des quatre biopiles, du 11
au 17 août 2010. On remarque un net changement dans le comportement de la biopile 4 à
92
la suite du changement de la cathode et du lisier. Cette biopile maintient une tension près
de 900 mV au cours de la période d’évaluation. Les autres biopiles performent également
très bien en maintenant une tension moyenne près de 850 mV.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
11-août 13-août 15-août 17-août
Ten
sio
ns c
ircu
it f
erm
é (
mV
)
pile 1
pile 2
pile 3
pile 4
Figure 5.11 Tensions moyennes en circuit fermé des 4 biopiles du 11 au 17 août
2010.
L’évolution du potentiel des anodes au cours de la même période est présentée à la figure
5.12. On remarque que ce potentiel diminue pour toutes les biopiles après le changement
de lisier pour atteindre une valeur égale ou inférieure à -400 mV. Au fur et à mesure que
le traitement se prolonge, le potentiel pourra avoir une tendance à augmenter. Ceci est
particulièrement vrai pour les biopiles 1 et 2, mais moins évident pour les biopiles 3 et 4.
Cette modification du potentiel de l’anode en cours de traitement est un indicateur
important de l’état de fonctionnement d’une biopile. Une valeur égale ou supérieure à
-300 mV peut indiquer que la solution s’épuise en donneur d’électrons ou qu’une
condition environnementale (comme le pH) est défavorable et que le consortium
bactérien réagit à cette condition. Il est donc important de suivre ce paramètre pour
optimiser le temps de séjour du lisier et pour protéger la flore bactérienne.
93
-500
-450
-400
-350
-300
-250
-200
-150
-100
-50
0
11-août-10 13-août-10 15-août-10 17-août-10
Po
ten
tiel
de l
'an
od
e s
elo
n r
ef.
Ag
/Ag
Cl
(mV
)
anode pile 1
anode pile 2
anode pile 3
anode pile 4
Figure 5.12 Potentiel en circuit fermé des anodes des biopiles du 11 au 17 août 2010.
Le potentiel des cathodes au cours de la période du 11 au 17 août est montré à la figure
5.13. Dans un premier temps, on constate que les quatre cathodes évoluent dans les
mêmes horizons de potentiel tout au long de la période observée. Elles oscillent autour
d’une valeur moyenne de 450 mV et fluctuent selon le potentiel de l’anode. Plus la valeur
de l’anode est négative, moins celle de la cathode est positive.
Similairement à la figure 5.9, la figure 5.14 montre l’énergie dégagée par les biopiles
pendant la période d’observation. D’une période de six jours, ce traitement a permis de
dégager entre 3 000 et 3 600 joules.
94
0
100
200
300
400
500
600
11-août 13-août 15-août 17-août
Po
ten
tiel
de l
a c
ath
od
e s
elo
n r
ef.
Ag
/Ag
Cl
(mV
)
cathode pile 1
cathode pile 2
cathode pile 3
cathode pile 4
Figure 5.13 Potentiel en circuit fermé des cathodes des biopiles du 11 au 17 août
2010.
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
11-août 13-août 15-août 17-août
Pro
du
cti
on
cu
mu
lée d
'én
erg
ie (
J)
pile 1
pile 2
pile 3
pile 4
Figure 5.14 Production d’énergie du 11 au 17 août 2010 par les biopiles 1 à 4.
95
La figure 5.15 présente les courbes de performance électrique de la biopile 2, le 12 août
2010. Les biopiles présentaient alors de grandes similitudes dans leur comportement et
elles étaient au faîte de leur production électrique. À la lumière de ce graphique, on
constate une sortie de puissance maximale de 3 700 mW·m-2
. Pour cette condition, la
tension est près de 500 mV et la densité de courant près de 7 400 mA·m-2
. Il est
intéressant de noter que la biopile 4 s’est révélée très stable au cours de cette période et
qu’elle a fourni une performance des plus prometteuses. La figure 5.16 présente les
performances électriques de cette biopile, pour le 17 août 2010. On y note une sortie de
puissance de 5 200 mW·m-2
. Au même moment, la tension est près de 450 mV et la
densité de courant près de 11 000 mA·m-2
.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000 16000 18000
Densité de courant (mA m-2 )
Te
ns
ion
(m
V)
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
De
ns
ité
de
pu
iss
an
ce
(m
W m
-2)
Tension
Densité de puissance
Figure 5.15 Courbes de performances électriques de la biopile 2 le 12 août 2010.
96
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
0 5000 10000 15000 20000 25000
Densité de courant(mA m-2 )
Te
ns
ion
(m
V)
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
Den
sit
é d
e p
uis
an
ce (
mW
m-2
)
Tension
Densité de puissance
Figure 5.16 Courbes de performances électriques de la biopile 4 le 17 août 2010.
5.3.4 Abattement de la DBO5 et de la DCO
Le tableau 5-1 présente les résultats d’analyse de la DBO5 et de la DCO pour les essais
effectués dans les biopiles 1 à 4 du 20 juillet au 17 août 2010. Pour les 2 essais réalisés
pendant cette période, un échantillon de lisier brut prélevé (FL) au début de chaque essai
est comparé avec le lisier circulant à la fin du traitement. L’abattement de la DBO5 a été
en moyenne de 80,6 %, pour l’essai du 20 juillet au 11 août, et de 66,1 % pour l’essai du
11 au 17 août. Similairement, l’abattement de la DCO a été respectivement de 71,4 et de
56,8 %.
97
Tableau 5-1 Abattement de la DBO5 et de la DCO.
du 20 juillet au 11 août
DBO5 DCO abattement DBO5 abattement DCO
mg/l mg/l % %
FL 42000 93500 0,0 0,0
P1 7700 23000 81,7 75,4
P2 6900 32000 83,6 65,8
P3 5000 18000 88,1 80,7
P4 13000 34000 69,0 63,6
moyenne 80,6 71,4
du 11 au 17 août
FL 42000 147000 0,0 0,0
P1 14000 63000 66,7 57,1
P2 15000 65000 64,3 55,8
P3 10000 48000 76,2 67,3
P4 18000 78000 57,1 46,9
moyenne 66,1 56,8
5.3.5 Calcul du rendement de Coulomb
En utilisant les équations 1.2 à 1.6, le rendement de Coulomb des biopiles 1 à 4 ayant
fonctionné du 11 au 17 août 2010 a été calculé. Les données du tableau 5-1 permettent
d’évaluer l’abattement de la DCO alors que l’information fournie par la figure 5.11
permet d’estimer la quantité de charges élémentaires ayant transité dans le circuit
électrique. Le tableau 5-2 présente le résultat de ces calculs. On note que le rendement de
Coulomb varie de 1,6 à 2,3 %.
Tableau 5-2 Rendement de Coulomb des piles 1 à 4 du 11 au 17 août 2010.
Pile
no.
DCO
consommée
Qi Courant
moyen
temps Q0 Rendement de
Coulomb
g O2 C mA s C %
1 21 253 286 7,9 518 400 4095 1,6
2 20,5 247 256 8,3 518 400 4303 1,7
3 22,5 271 378 8,3 518 400 4303 1,6
4 17,2 207 453 9,1 518 400 4717 2,3
98
5.3.6 Abattement des odeurs
Des échantillons du lisier circulant provenant des biopiles 1 à 3 à la fin des essais qui se
sont déroulés du 20 juillet au 11 août 2010 ont été prélevés et congelés pour l’évaluation
de leur niveau d’odeur. Un échantillon de lisier brut a aussi été congelé au même
moment. Lorsque le groupe de panélistes a été complété, les échantillons ont été
décongelés la veille de l’évaluation et les différentes dilutions ont été préparées le matin
même des essais d’olfactométrie. Le tableau 5-2 présente les résultats de l’essai effectué
pour évaluer le seuil de détection d’odeur du lisier brut. Dans cet essai, six niveaux de
dilution variant de 6 250 à 200 000 ont été utilisés, ceux-ci progressant selon un facteur
constant de deux. La méthode prévoit que la note associée à un panéliste, donc son seuil
de détection, est la moyenne géométrique entre la valeur de dilution où s’est produite le
dernier échec (0) et la valeur de dilution suivante désignée par un (+). La moyenne
géométrique est dans ce cas la racine carrée du produit de ces deux valeurs. À titre
d’exemple, le seuil de détection du panéliste nº 7 est la racine carrée du produit entre 200
000 et 100 000, soit 141 421. Pour le cas des panélistes nº 1, 2, 3, 4 et 10, il faut supposer
qu’ils auraient échoué à la dilution après celle de 400 000, ce qui permet d’établir leur
seuil à 282 842 (soit la racine carrée du produit de 400 000 et 200 000). Le seuil de
détection du groupe est la moyenne géométrique des seuils de détection des différents
panélistes. Dans cet essai, il s’agit de la racine dixième du produit des différents résultats
individuels. On peut également calculer le seuil de détection du groupe selon la méthode
exposée au tableau 5-3. La valeur du seuil de détection du groupe a été retenue pour
caractériser l’évolution des odeurs selon un traitement donné.
99
Tableau 5-3 Évaluation du seuil de détection d’odeur pour le lisier brut.
panélistes
log10 de
la valeur
1:200 000 1:100 000 1:50 000 1:25 000 1:12 500 1:6 250
1 2 3 4 5 6
1 + + + + + + 282842 5,45
2 + + + + + + 282842 5,45
3 + + + + + + 282842 5,45
4 + + + + + + 282842 5,45
5 + + + + + + 282842 5,45
6 + + + + + + 282842 5,45
7 0 + + + + + 141421 5,15
8 0 0 0 0 0 + 8838 3,95
9 0 0 + + + + 70710 4,85
10 + + + + + + 282842 5,45
∑log 10 52,11
∑log 10/n = Z 4,7370142
10Z
158 489seuil du groupe
valeur
Facteur de dilution
Le tableau 5-4 présente les résultats des différents essais d’olfactométrie. On note que le
lisier brut est de 3 à 16 fois plus odorant qu’un lisier traité dans une biopile, pour une
valeur moyenne de près de huit fois.
Tableau 5-4 Résultats des essais d’olfactométrie pour les biopiles 1 à 3.
lisier
brut
biopile
1
biopile
2
biopile
3
seuil de détection du
groupe 158 489 10 000 27 500 55 000
niveau de réduction 0 16 6 3
5.3.7 Analyses microbiologiques des agents pathogènes
Pour vérifier l’effet des biopiles sur le contenu en coliformes fécaux et des bactéries
E.Coli sur le lisier traité, des échantillons de lisier circulant à la fin d’un cycle de
traitement ont été prélevés. Le tableau 5-5 montre les résultats d’analyse comparés à ceux
obtenus avec du lisier brut. Ces résultats montrent des populations bactériennes de 10 à
100 fois plus nombreuses dans un lisier brut que dans un lisier traité. Le tableau 5-5
montre également les résultats d’analyse pour ces agents pathogènes faits sur des
100
échantillons de charbon activé récoltés dans les biopiles 3 et 4 après traitement du lisier.
On constate aussi que le niveau de bactéries E.Coli et des coliformes fécaux est assez bas,
ce qui confirme que ces microbes se développent très peu dans le support bactérien des
biopiles.
Tableau 5-5 Résultats des analyses microbiologiques des lisiers brut et circulant.
E. Coli
Coliformes
fécaux
NPP1 g
-1 mL
-1 NPP
1 g
-1 mL
-1
Lisier brut 2400 3000
Lisier circ. biopile 1 110 300
Lisier circ. biopile 2 1300 1300
Lisier circ. biopile 3 23 30
Lisier circ. biopile 4 23 240
Char bon biopile 3 23 240
Charbon biopile 4 27 130 1
NPP : Nombre le plus probable
5.4 Analyse des résultats
La création de 4 biopiles distinctes dont les valeurs en circuit ouvert et fermé sont très
près les unes des autres montre que la technique de montage utilisée produit des résultats
répétables. Ce montage pourra permettre d’optimiser les composantes des biopiles
puisque l’on pourra intervenir sur un seul paramètre à la fois et observer les changements
par rapport à des biopiles témoins dont le comportement sera connu.
Ces quatre biopiles ont produit des performances intéressantes. Comparées avec les
meilleures biopiles de la phase 2, elles ont des sorties de puissance électrique quatre fois
supérieures avec une charge équivalente en charbon activé. Ce gain est, notamment, la
conséquence de l’emploi du peroxyde d’hydrogène en lieu et place de l’acide citrique
dans le compartiment cathodique. Comme en témoigne la figure 5.13, le potentiel de la
cathode en circuit fermé est élevé et relativement stable, ce qui est un pré-requis pour
obtenir des sorties de puissance importantes des biopiles. Face à une cathode plus
performante que dans les montages précédents, les bactéries ont maintenu une activité
métabolique importante qui est attestée par un potentiel négatif de l’anode évoluant entre
101
-300 mV et -400 mV en circuit fermé. Dans le montage réalisé, des conditions d’équilibre
semblent avoir été atteintes entre le potentiel de l’anode et de la cathode. La biopile 4,
avec une sortie de puissance de 5 200 mW·m-2
le 17 août 2010, démontre le potentiel de
ce nouvel équilibre entre les parties microbienne et électrochimique des piles. La charge
de charbon activé de chacune des piles était de 100 g alors que la surface de la cathode
était de 176 cm2. Conséquemment, en première approximation pour la mise à l’échelle de
futures biopiles, le rapport entre la charge de charbon activé et la surface de la cathode
devrait être égal ou supérieur à 0,6 gcharbon cm-2
cathode .
Le placage de platine par galvanoplastie sur une toile d’acier inoxydable semble une voie
prometteuse pour la création de cathodes pour les biopiles. Il produit un recouvrement
durable et tenace, insensible à son environnement aqueux. Au démontage des biopiles,
aucune trace d’usure n’est apparente et les cathodes pourraient probablement être
recyclées dans de nouvelles biopiles. L’actuel coût de fabrication des cathodes en acier
inoxydable plaquées de 1 mg·cm-2
de platine sur un côté est estimé à 1 250 $·m-2
. Ceci
est nettement moindre que les 5 000 $·m-2
actuellement exigés pour l’achat de cathodes
commerciales. De plus, il reste une grande place pour optimiser la charge de platine sur la
toile d’acier inoxydable, ce qui permettrait une réduction significative des coûts de
fabrication.
Pour protéger la flore bactérienne dans les biopiles, le traitement effectué entre le 11 et le
17 août 2010 a été arrêté suite à l’acidification du lisier dans la chambre anodique, ce qui
réduit l’efficacité de traitement du lisier. Compte tenu que la membrane échangeuse de
cations constitue la principale interface entre le lisier et le liquide oxydant du
compartiment cathodique, des travaux visant l’essai de nouvelles membranes pourraient
s’avérer fructueux pour résoudre cette problématique.
Avec les résultats obtenus pour l’abattement de la DBO5 et de la DCO, le potentiel des
biopiles comme unité de traitement du lisier est très intéressant. Alors qu’on observe une
réduction de près de 35 % de DCO après 10 jours de traitement dans un digesteur
anaérobie conventionnel (Coudure et Castaing, 1997), les biopiles ont effectué un
abattement moyen d’environ 57 % après 6 jours de traitement. De plus, la réduction des
102
odeurs du lisier après traitement est appréciable. Il a fallu diluer en moyenne 8 fois plus
le lisier brut que le lisier traité pour établir son seuil de détectabilité. C’est donc dire
qu’un lisier traité épandu aux champs sera beaucoup moins odorant et dérangeant pour la
population environnante. De même, le lisier semble s’assainir lors de son passage dans
une biopile, comme en témoigne le tableau 5-5. Règle générale, pour d’autres systèmes
de traitement des eaux, il faut chauffer ou utiliser des techniques de désinfection (par
exemple : passage devant des rayons ultra-violets) pour obtenir un abattement significatif
des agents pathogènes.
Le tableau 5-6 résume les performances électriques des biopiles du 11 au 17 août 2010.
Les valeurs maximales instantanées (aux meilleures conditions d’opération observées) et
en régime continu d’opération sont indiquées. Les sorties de puissance sont exprimées sur
une base absolue (mW) ou sur une base comparative par rapport à la section de la cathode
(densité de puissance) ou au volume interne (0,00064 m3) du compartiment anodique
(puissance volumique).
Tableau 5-6 Performances électriques des biopiles du 11 au 17 août 2010.
Pile
no.
État de la
sortie de
puissance
Tension Coura
nt
Puissance Densité de
puissance*
Puissance
volumique**
mV mA mW mW·m-2 W·m-3
1 à 3 Maximale
instantané
470 140 66 3739 103
4 Maximale
instantané
470 190 89 5068 139
1 à 4 Maximale
en régime
continu
450 90 40 2300 62
* Puissance par rapport à la section de la cathode
** Puissance par rapport au volume intérieur du compartiment anodique.
Dans une récente revue de littérature, Fornero et al. (2010) ont répertorié différents
résultats de biopiles ayant fonctionné avec des cultures mixtes bactériennes tout en
mettant l’accent sur celles ayant utilisé comme carburant des eaux usées de sources
municipale, agricole ou issues de la transformation alimentaire. Le tableau 5-7 résume les
résultats de cette investigation et les données relatives aux biopiles ayant spécifiquement
fonctionné avec des eaux usées sont mises en caractère gras. Comme la manière de
calculer la densité de puissance n’est pas uniforme d’un article scientifique à l’autre,
103
puisque l’élément pris comme surface de référence peut varier, il peut être trompeur
d’utiliser cette unité de mesure pour comparer des biopiles de différents auteurs.
Tableau 5-7 Performances de différentes biopiles (Fornero et al., 2010)
C’est d’ailleurs pour cette raison que la notion de puissance volumique à émergé au fil du
temps. En se référant uniquement à ce paramètre, on note que les résultats du tableau 5-7
ont varié de 5 à 48 W·m-3
et que les valeurs maximales ont été atteintes avec des biopiles
utilisant un substrat pur comme carburant (acétate, glucose). Avec une puissance
volumique de 25 W·m-3
, une biopile alimentée avec des eaux usées provenant d’un
hôpital présente les meilleurs résultats lorsque le substrat n’est pas pur. Oh et al. (2010)
arrivent à une conclusion similaire dans une revue de littérature également assez récente.
Ils constatent que des biopiles fonctionnant avec des eaux usées produisent une sortie de
puissance volumique variant de 4 à 15 W·m-3
. Pour leur part, la dernière génération de
biopiles développées dans ce projet, avec des puissances volumiques en fonctionnement
continu de 62 W·m-3
et de pointe de 139 W·m-3
(tableau 5-61) démontrent que l’on peut
obtenir des augmentations de puissance significatives, même en utilisant une eau très
104
chargée comme du lisier, lorsque l’on met de l’avant les améliorations proposées dans
ce rapport.
Comme en témoigne le tableau 5-7, les rendements de Coulomb sont généralement peu
élevés avec un substrat complexe, ceux-ci ayant varié de 3,6 à 36 %. Pour leur part, les
rendements de Coulomb observés pour les biopiles de ce projet (tableau 5-2) ont varié de
1,6 à 2,3 %. Ceci indique que des réactions parallèles dégradant la matière existent dans
les biopiles et que les phénomènes électriques sont peu responsables de l’abattement de la
DCO. Ces réactions peuvent être de nature aérobie ou anaérobie. Pour tenter d’expliquer
quels seraient les mécanismes parallèles en cause, certaines hypothèses peuvent être
formulées. De nature anaérobie, une production simultanée de méthane pourrait expliquer
la décroissance de la DCO. Toutefois, pour les biopiles de ce projet, ce mécanisme
parallèle de digestion est peu probable. D’une part, la croissance des bactéries
méthanogènes est inhibée par la présence de H2S (Rousseau, 2009) et comme il a été
démontré précédemment, le fonctionnement des biopiles au lisier table sur la production
de cette molécule pour permettre le transfert des électrons. D’autre part, l’analyse
biomoléculaire effectuée pour vérifier la présence de bactéries méthanogènes (bactéries
du règne archée produisant du méthane) dans le charbon activé d’une biopile mature de
même que dans le lisier circulant, indique qu’elles existent uniquement à l’état de trace
dans ces milieux. Il faut donc conclure que la réduction de la DCO observée dans les
biopiles de ce projet est le résultat d’une voie métabolique aérobie. Un transfert
d’oxygène s’exerce probablement entre les compartiments cathodique et anodique, en
passant au travers de la membrane échangeuse de cations. Or, les mesures du potentiel
d’oxydoréduction du lisier circulant demeurent tout au long du traitement nettement
inférieurs à -200 mV Ag/AgCl, ce qui indique un milieu strictement anaérobie
(Woodward et al., 2009). Il faut donc conclure qu’au niveau de la membrane échangeuse
de cations et de la toile de fibre de verre (figure 5.1) existe une zone aérobie très active
consommant rapidement l’oxygène en provenance de le compartiment cathodique pour
digérer le lisier. Cette couche bactérienne aérobie constitue donc une composante
importante du système de traitement en termes d’abattement de la DCO. À cause de la
nature du lisier, il est difficile de valider cette hypothèse par les techniques d’analyse en
biologie moléculaire. En effet, les informations obtenues à partir des films prélevés sur la
105
MEC et la toile de fibre de verre après opération des biopiles sont brouillées, tellement
ces derniers sont chargés de matière en tout genre (graisse, particules, biofilm, etc.).
Pour connaître le rendement énergétique des biopiles, il faut connaître le potentiel de
production d’énergie du substrat. Toutefois, en raison de la nature complexe du lisier de
porc, cette donnée n’est pas clairement définie et c’est en se référant à la technologie de
traitement anaérobie conventionnelle produisant du méthane que l’on peut établir un
ordre de grandeur. D’une part, la digestion anaérobie est une technologie mature et bien
maîtrisée déjà exploitée à une échelle industrielle et, d’autre part, la valeur calorifique du
méthane est connue. Pour ce faire, les données prévalant pour la production de méthane
lors de la digestion anaérobie du lisier de porc seront utilisées. Dans une revue de
littérature récente, Rousseau (2009), indique une production potentielle de méthane
pouvant varier de 0,27 à 3,9 m3
CH4·m-3
réacteur·j-1
selon les types de réacteurs et le temps
de séjour du substrat dans ceux-ci. Pour sa part, Coudure (1997) conclut à un rendement
moyen de 0,13 m3
CH4·m-3
réacteur·j-1
après cinq ans d’observation d’une station anaérobie
française de traitement de lisier fonctionnant à pleine échelle. Sachant qu’un mètre cube
de méthane possède une valeur calorifique de 38,3 MJ·m-3
(BFIN, 2010), ces valeurs
peuvent être transformées en puissance volumique. Ainsi, des réacteurs de digestion
anaérobie alimentés avec du lisier de porc peuvent exhiber une puissance volumique
variant de 58 à 900 W·m-3
. L’examen du tableau 5-6 révèle que les sorties de puissance
atteintes par les biopiles de ce projet ont varié de 60 à 139 W·m-3
ce qui situerait le
rendement des biopiles près des valeurs basses des sorties de puissance découlant de la
biométhanisation. Toutefois, on pourrait compléter la comparaison entre les biopiles et la
digestion anaérobie en considérant les performances sur la base d’une production
d’électricité. Dans le cas de la biométhanisation, le biogaz devra alimenter un groupe
électrogène pour générer de l’électricité. En supposant l’efficacité de cette transformation
à 25 % (Coudure et Castaing, 1997) on arrive à une puissance « électrique » volumique
pour la biométhanisation de 14,5 à 225 W·m-3
. Vue de cet angle, la production d’énergie
des biopiles laisse présager, avec des travaux d’optimisation, un moyen tout aussi
intéressant pour produire de l’électricité à partir de la biomasse qu’un digesteur anaérobie
conventionnel couplé à un groupe électrogène.
106
5.5 Conclusion de la phase 4.
Le placage de platine sur les cathodes par galvanoplastie, couplé à l’utilisation d’une
solution de peroxyde d’hydrogène comme milieu oxydant dans le compartiment
cathodique a permis de réaliser des biopiles dont les performances excèdent les résultats
observés dans la littérature. Cette réalisation laisse entrevoir des systèmes de traitement
de lisier performants et autarciques, dont la production d’électricité se rapproche de celle
générée par un digesteur anaérobie conventionnel couplé à un groupe électrogène.
Toutefois, avant d’en arriver à un système de traitement à la ferme, des phases
d’optimisation seront nécessaires. La cathode étant l’élément le plus dispendieux du
système, il sera important de choisir et de doser le catalyseur de façon parcimonieuse. La
membrane échangeuse de cations sera également à optimiser pour ralentir l’acidification
des biopiles et permettre l’extraction d’une quantité importante de l’énergie contenue
dans le lisier.
107
6. Conclusions générales
Une approche en quatre phases a été nécessaire pour atteindre les cinq objectifs décrits à
l’article 1.7.2. Revoyons, en guise de conclusions, les principaux constats et réalisations de
ce projet en lien avec les objectifs énoncés.
Objectif 1 : Valider le concept de compartiment unique pour le fonctionnement
d’une biopile alimentée au lisier de porc.
Le concept de biopile à compartiment unique ne peut s’appliquer lorsque du lisier est
utilisé. Parce que celui-ci contient plusieurs éléments pouvant nuire aux réactions prévalant
à la cathode, une biopile alimentée avec cet effluent d’élevage doit avoir un compartiment
distinct pour chaque électrode. L’anode et la cathode seront séparées par une membrane
échangeuse de cations et chaque compartiment aura son électrolyte. Au cours de ces
travaux de recherche, l’électrolyte du compartiment cathodique qui a le mieux performé est
le peroxyde d’hydrogène en solution aqueuse. Une concentration de 0,018 M s’est avérée
suffisante pour le fonctionnement des biopiles. Le pH de cet électrolyte doit être maintenu
à 2,5 pour obtenir les meilleurs résultats. Dans le compartiment cathodique, il est important
de créer une mince couche d’électrolyte pour réduire la résistance électrique interne de la
biopile. De plus, une recirculation rapide de cet électrolyte permet de maintenir la
puissance de sortie constante pendant le traitement.
Parce qu’elles se complètent, les conclusions à l’égard des objectifs 2 et 3 peuvent être
regroupées. Rappelons que ces objectifs étaient :
Objectif 2 : Comparer les performances de bio-biles en utilisant différents supports
bactériens pouvant favoriser tous les mécanismes (contact direct ou par molécule
intermédiaire) de transfert des électrons des bactéries ;
Objectif 3 : Identifier, à partir de techniques d’analyses biomoléculaires, le
consortium bactérien responsable de la production d’électricité et développer une
théorie sur le mécanisme de transferts des électrons le plus probable.
108
Les bactéries impliquées dans la production d’électricité sont indigènes au lisier de porc.
Présentes en trace dans cet effluent d’élevage, ces bactéries trouvent dans les biopiles des
conditions favorables à leur développement en grand nombre. Les bactéries responsables
des principaux mécanismes de transfert des électrons appartiennent au genre
Desulfuromonas et utilisent du soufre élémentaire comme accepteur d’électrons. Cette
molécule joue le rôle d’intermédiaire redox entre la bactérie et l’anode. Le mécanisme de
transfert des électrons le plus probable dans une biopile alimentée au lisier s’explique ainsi
par la formation d’un cycle du soufre interne dont les principales étapes sont les suivantes :
au niveau de la bactérie, les électrons et les protons relâchés lors de l’oxydation du
carburant sont fixés par une molécule de soufre pour former du sulfure d’hydrogène (H2S).
Une fois à l’anode, le H2S cède ses électrons et ses protons et le soufre est relâché dans le
milieu pour recommencer le cycle. Avec les espèces chimiques impliquées dans les demi-
réactions, la tension maximale théorique possible d’une biopile au lisier utilisant l’oxygène
comme oxydant à la cathode est de 1,05 volt.
À cause de ce mécanisme de transfert des électrons, les bactéries n’ont pas à être en contact
direct avec l’anode pour effectuer le transfert des électrons vers le monde extérieur.
L’utilisation d’un support bactérien en périphérie de l’anode favorise leur développement
en grand nombre et produit une sortie de puissance électrique importante. Le charbon
activé s’est révélé le meilleur matériau pour jouer ce rôle probablement en raison, d’une
part, de ses nombreux interstices et cavités offrant un gîte aux bactéries et, d’autre part,
pour sa propension à fixer le soufre. L’anode joue essentiellement un rôle d’accepteur
d’électrons et influence peu les résultats comme support bactérien. Pourvu qu’elle soit
conductrice et inoxydable, elle jouera son rôle adéquatement.
Il existe une quantité critique de charbon activé à inclure dans le compartiment anodique
afin de maintenir le plein potentiel électrique de l’anode lorsque la biopile fonctionne en
circuit fermé. Un potentiel redox constant de -430 mV mesuré à l’anode avec une sonde de
référence Ag/AgCl en circuit fermé indique que l’équilibre a été atteint entre la production
de H2S par les bactéries et la consommation de cette molécule à l’anode. Pour favoriser
l’équilibre entre les potentiels de l’anode et de la cathode, en première approximation pour
109
la mise à l’échelle de futures biopiles, le rapport entre la charge de charbon activé et la
surface de la cathode devrait être égal ou supérieur à 0,6 gcharbon cm-2
cathode.
Objectif 4 : Identifier les composantes matérielles critiques pour concevoir des
biopiles performantes.
Compte-tenu que la cathode est l’élément le plus coûteux dans la fabrication des biopiles,
l’avenir de celles-ci repose sur la capacité de produire cette électrode à faible coût. Or, le
coût d’achat des cathodes commerciales, faites de fibres de carbone recouvertes d’encre
catalytique à base de carbone et de platine, est devenu prohibitif particulièrement au cours
des deux dernières années. Pour pallier à cette difficulté, une cathode maison réalisée à
moindre coût a été conçue et testée. Elle est faite à partir d’une grille en acier inoxydable
plaquée par galvanoplastie avec du platine. Elle a donné d’excellents résultats en termes de
production d’énergie et de durabilité. Cette réalisation démontre qu’il est possible
d’intervenir avec succès sur les techniques de fabrication des cathodes pour diminuer les
coûts de construction des biopiles.
Le platine est, pour l’instant, le meilleur élément pour catalyser les réactions à la cathode.
La recherche du dosage optimal ou de matériau de remplacement demeure un enjeu
important pour diminuer les coûts de production des biopiles.
Le pH du lisier évolue pendant son traitement dans une biopile. Il est important de le
contrôler régulièrement. Dans les essais avec les biopiles de dernière génération,
l’acidification du milieu a été l’élément entraînant la fin d’un traitement. Un pH de 6,5 a
été la limite imposée pour éviter la perte du consortium bactérien dans la biopile. Nous
croyons cependant que la membrane échangeuse de cations pourrait jouer un rôle important
dans cet événement. Des travaux d’optimisation visant l’essai de nouvelles membranes
pourraient permettre de ralentir le phénomène et d’assurer l’extraction d’une plus grande
quantité d’énergie du lisier pendant son traitement.
Objectif 5 : Concevoir à partir des connaissances acquises au fil du projet des biopiles
aussi performantes et stables que possible et évaluer les conséquences sur le lisier
traité en terme de paramètres de qualité des eaux et d’émission d’odeur.
110
Ce projet de recherche pave la voie pour la réalisation d'unités de production d'énergie à
l'échelle de la ferme. La dernière génération de biopiles, à l’échelle laboratoire, a traité
350 mL de lisier et a produit environ 40 mW en service continu. Ceci permet d'estimer que
le traitement de 1 m3 de lisier permettrait une production électrique de 114 watts. Pour une
ferme porcine de 2 000 porc-places qui produirait environ 10 m3 de lisier par jour et en
estimant que le temps de séjour du lisier dans une batterie de biopiles sera de huit jours,
une sortie de puissance de 9,14 kW serait disponible, soit l’équivalent d’une source
électrique fournissant 38 ampères à 240 volts c.a. Cette réalisation laisse ainsi entrevoir des
systèmes de traitement de lisier performants et autarciques, dont la production d’électricité
se compare à celle générée par un digesteur anaérobie conventionnel couplé à un groupe
électrogène.
Ce projet a démontré que non seulement les biopiles produisent de l’énergie, mais qu’elles
traitent aussi le lisier pour en réduire les nuisances environnementales. Les essais réalisés
au cours de cette recherche ont permis d'observer un abattement de DCO de 60 % et de la
DBO5 de 66 %. De plus, les odeurs émises par un lisier traité par une biopile sont, en
moyenne, huit fois moins fortes que celles émises par un lisier brut. Finalement, on note
qu’un lisier traité dans une biopile contient dix fois moins de populations bactériennes
pathogènes qu’un lisier brut. Les biopiles offrent ainsi de nombreux avantages tant
économiques qu’environnementaux. Il s’agit d’une technologie prometteuse et innovatrice
dont le présent projet n’a effleuré que le réel potentiel. De nouveaux travaux de recherche
permettraient d’en optimiser le fonctionnement pour en arriver à des unités à la ferme
performantes et économiques.
111
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