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DÉVELOPPEMENTS POUR L’AGRÉGATION DE MATHÉMATIQUES Jean-François ABADIE Année 2013/2014

DÉVELOPPEMENTS POUR L’AGRÉGATION DE MATHÉMATIQUES · 3 Caractère C∞ des valeurs propres d’une matrice réelle 10 4 Lemme de Morse 13 5 Un lemme fondamental d’approximation

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DÉVELOPPEMENTS POURL’AGRÉGATION DE MATHÉMATIQUES

Jean-François ABADIE

Année 2013/2014

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À ma famille, et surtout ma mère, qui m’ont soutenu tant moralement que financièrementdurant toutes mes années d’études universitaires.

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Table des matières

Avant-propos 5

1 Méthode de Newton 6

2 Méthode du point fixe 8

3 Caractère C∞ des valeurs propres d’une matrice réelle 10

4 Lemme de Morse 13

5 Un lemme fondamental d’approximation des fonctions positives mesurables 16

6 Sur la densité des matrices diagonalisables à coefficients réels ou complexes 18

7 Étude topologique de l’ensemble des fonctions continues nulle part dérivables 20

8 Théorème de Riesz-Fisher 23

9 Sur la connexité du groupe orthogonal 27

10 Sur la connexité du groupe linéaire et du groupe spécial linéaire 30

11 Probabilité pour que deux entiers soient premiers entre eux 33

12 Irréductibilité des polynômes cyclotomiques 37

13 Théorème de Wedderburn 42

14 Décomposition de Dunford 45

15 Nombre d’endomorphismes diagonalisables à valeurs propres fixées sur un corps fini 49

16 Sur la simplicité du groupe alterné 52

17 Représentations irréductibles d’un groupe abélien 55

18 Ellipsoïde de John 57

19 Théorème des deux carrés 61

20 Transformation d’Euler 65

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4 Table des matières

21 Transformation de Fourier de fonctions gaussiennes 68

22 Théorème de Cartan-Dieudonné 73

23 Tables de caractères de S4 et A4 76

24 Algorithme de Faddeev 81

Correspondance entre leçons et développements 84

Liste des notations 86

Bibliographie 90

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Avant-propos

Ce document rassemble la plupart des résultats, aussi bien d’algèbre que d’analyse, quandil ne s’agit pas des des deux, qui constitua ma principale source de développements pour lesépreuves orales de l’agrégation externe de Mathématiques que j’ai présentées en juin 2014.

Les théorèmes et démonstrations que j’y expose sont de difficulté variable. Bien qu’ils neprétendent pas à l’originalité, il me semble essentiel de savoir pourquoi l’un de ces résultatspourra ou non illustrer une leçon d’oral, et d’être capable de motiver son choix lors de laprésentation du plan et/ou du développement. Ce faisant, il parait donc naturel d’articuler sonplan de leçon en fonction des développements que l’on souhaite y insérer, et plutôt que de réciterune démonstration rencontrée où que ce soit, de s’attarder sur les points de la preuve (quitte àen admettre d’autres) qui font que le résultat qu’elle prétend valider trouve toute sa place dansleçon exposée.

J’espère maintenant que ce document pourra intéresser les actuels agrégatifs (et j’espère mêmefuturs agrégés !) dans leur préparation aux épreuves orales, ou plus généralement un quelconquemathématicien. Par ailleurs, je remercie d’avance tous les lecteurs qui sauront me signaler leséventuelles coquilles qui subsistent encore dans ce document.

Enfin, je ne saurais terminer cet avant-propos sans préciser que ce document ne serait pasvraiment ce qu’il est actuellement si je n’avais pas eu l’occasion de travailler aux côtés de WalterNgambou et Sébastien Villette, qui furent mes deux collègues lors de cette préparation auconcours, et qui m’ont inspiré ou même aidé à améliorer les énoncés ou preuves de quelques-unsdes résultats présentés ci-après. Qu’ils en soient donc remerciés, et sachent que j’ai pris plaisir àétudier à leurs côtés durant l’année universitaire 2013/2014.

Paris, le jeudi 13 novembre 2014.

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DÉVELOPPEMENT no 1

Méthode de Newton

Notations et conventions

Dans toute la suite, c et d désigneront deux réels tels que c < d, et f : [c, d] → R une fonction declasse C2 telle que f ′(x) > 0 pour tout x ∈ [c, d], et f(c) < 0 < f(d).

Énoncé

Compte tenu des hypothèses faites sur f , l’équation f(x) = 0 admet une unique solution a ∈ ]c, d[.

Théorème. Soit F : [c, d] → R, x 7→ x− f(x)f ′(x) .

(i) Il existe C > 0 tel que |F (x) − a| 6 C|x− a|2.

(ii) Il existe δ > 0 tel que :

– l’intervalle I = [a− δ, a+ δ] soit F -stable, et

– pour tout x0 ∈ I, la suite (xn)n∈N définie, pour n ∈ N, par xn+1 = F (xn), converge vers

a avec |xn+1 − a| 6 C|xn − a|2 pour tout n ∈ N.

(iii) On suppose f convexe. Alors l’intervalle [a, d] est F -stable, et pour tout x0 ∈ ]a, d], la

suite (xn)n∈N définie, pour n ∈ N, par xn+1 = F (xn), décroit strictement vers a, et vérifie

0 < xn+1 − a 6 C(xn − a)2 pour tout n ∈ N.

Démonstration

(i) Soit x ∈ [c, d]. On a :

F (x) − a = x − a − f(x)

f ′(x)=

(x − a)f ′(x) − f(x)

f ′(x)= − (a − x)f ′(x) + f(x)

f ′(x).

Or, appliquant à f ∈ C2([c, d],R) la formule de Taylor-Lagrange à l’ordre 1 en a, on aexistence de ξx strictement compris entre x et a tel que :

0 = f(a) = f(x) + (a − x)f ′(x) +(a − x)2

2f ′′(ξx).

6

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1. Méthode de Newton 7

On en déduit ainsi que :

F (x) − a =(a − x)2

2

f ′′(ξ)

f ′(x). (1.1)

Comme f ∈ C2([c, d],R), on a d’une part f ′′ continue sur le compact [c, d], donc f ′′ bornéesur [c, d], d’où |f ′′(ξx)| 6 ‖f ′′‖∞ + 1 pour tout x ∈ [c, d]. D’autre part, f ′ est elle aussicontinue sur le compact [c, d] ; f ′ est donc bornée et atteint ses bornes sur [c, d], d’oùl’existence de τ ∈ [c, d] tel que f ′(x) > f ′(τ) pour tout x ∈ [c, d], avec f ′(τ) > 0 parhypothèse sur f ′. On déduit ainsi de (1.1) :

|F (x) − a| 6|x − a|2(‖f ′′‖∞ + 1)

2f ′(τ ),

et donc C =‖f ′′‖∞ + 1

2f ′(τ)> 0 convient.

(ii) – Soit δ > 0 tel que Cδ < 1, et posons I = [a− δ, a+ δ]. Soit x ∈ I. On a alors |x− a| < δ,donc compte tenu de (i), il suit :

|F (x) − a| 6 C|x− a|2 6 Cδ2 < δ,

ce qui prouve que F (x) ∈ I.– Soit x0 ∈ I. Comme I est F -stable, une récurrence immédiate assure l’existence de xn+1

pour tout n ∈ N. Montrons que la suite (xn)n∈N converge vers a, avec l’inégalité voulue.Pour n ∈ N, on a, d’après (i) :

C|xn+1 − a| = C|F (xn) − a| 6 C2|xn − a|2 = (C|xn − a|)2. (1.2)

On en déduit d’une part, par récurrence sur n ∈ N, que |xn − a| 6 (C|x0 − a|)2n

pourtout n ∈ N, d’où, puisque |x0 − a| < δ, |xn − a| 6 (Cδ)2n

pour tout n ∈ N. Comme0 < Cδ < 1 et 2n → +∞ lorsque n → +∞, il vient |xn − a| → 0 lorsque n → +∞,d’où la convergence de la suite (xn)n∈N vers a. D’autre part, comme C > 0, l’inégalité|xn+1 − a| 6 C|xn − a|2 pour tout n ∈ N résulte directement de (1.2).

(iii) Supposons f convexe. f étant C2, cela revient à supposer f ′′(x) > 0 pour tout x ∈ [c, d].– Montrons que [a, d] est F -stable ; soit x ∈ [a, d]. Compte tenu de l’identité (1.1), de la

stricte positivité de f ′ sur [c, d] et de la positivité de f ′′ sur ce même intervalle, on aobtenu F (x) − a > 0.On a par ailleurs F (x) − d = x − d − f(x)

f ′(x) . Par hypothèse, x − d 6 0. Comme f ′ eststrictement positive sur [c, d], on a tout d’abord f ′(x) > 0, puis 0 = f(a) 6 f(x) puisquea 6 x. Par suite, F (x) − d 6 0, et donc a 6 F (x) 6 d.

Soit x0 ∈ ]a, d] fixé. Comme F ([a, d]) ⊂ [a, d], la suite (xn)n∈N est bien définie.– Par hypothèse, x0 > a. Supposons disposer de n ∈ N tel que xn > a, alors d’après

l’identité (1.1), on a xn+1 − a = F (xn) − a > 0 puisque f ′ et f ′′ sont positives sur [c, d].Ceci démontre que xn > a pour tout n ∈ N.

– Montrons que la suite (xn)n∈N est strictement décroissante. Soit n ∈ N, alors :

xn+1 − xn = F (xn) − xn = − f(xn)

f ′(xn).

Et comme xn > a, et que f croît strictement, on a f(xn) > f(a) = 0, d’où xn+1−xn < 0.La suite (xn)n∈N étant strictement décroissante et majorée par a, elle converge vers un réelℓ ∈ [c, d] qui vérifie, par continuité de F , ℓ = F (ℓ), ce qui est équivalent à f(ℓ) = 0. Ainsi,ℓ = a. Et comme xk > a et xk+1 = F (xk) pour tout k ∈ N, il résulte immédiatement de(i) que 0 < xn+1 − a 6 C(xn − a)2 pour tout n ∈ N.

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DÉVELOPPEMENT no 2

Méthode du point fixe

Notations et conventions

Dans toute la suite, c et d désigneront deux réels tels que c < d, et f : [c, d] → R une fonctiondérivable à dérivée strictement positive et bornée sur [c, d], vérifiant f(c) < 0 < f(d).

Énoncé

Compte tenu des hypothèses faites sur f , l’équation f(x) = 0 admet une unique solution a ∈ ]c, d[.

Théorème. Il existe C 6= 0 puis λ ∈ [0, 1[ tels que, pour toute donnée initiale x0 ∈ [c, d], la suite

(xn)n∈N définie par l’itération xn+1 = xn − Cf(xn), pour tout n ∈ N, converge vers a, avec :

|xn+1 − a| 6 λ|xn − a|.

Démonstration

La méthode itérative d’approximation des solutions de l’équation f(x) = 0 repose sur le théorèmede point fixe de Picard :

Lemme. Soient (E, d) un espace métrique, et ϕ : E → E une application contractante, c’est-à-

dire pour laquelle il existe λ ∈ [0, 1[ tel que d(ϕ(x), ϕ(y)) 6 λ d(x, y) dès que x, y ∈ E. Alors ϕpossède une unique point fixe et, pour toute donnée initiale x0 ∈ E, la suite (xn)n∈N définie par

l’itération xn+1 = ϕ(xn), pour tout n ∈ N, converge vers le point fixe de ϕ.

Preuve. Supposons disposer de deux points fixes α, β ∈ E de ϕ. Alors par hypothèse :

d(α, β) = d(ϕ(α), ϕ(β)) 6 λ · d(α, β),

d’où (1−λ) d(α, β) 6 0. Or λ ∈ [0, 1[, donc 1−λ > 0, ce qui entraîne d(α, β) = 0, soit α = β. S’ilexiste, le point fixe de ϕ est donc unique. Il reste donc à justifier son existence. Fixons x0 ∈ E,et définissons par récurrence une suite (xn)n∈N en posant, pour tout n ∈ N, xn+1 = ϕ(xn).

• Montrons que la suite (xn)n∈N est de Cauchy. Soit donc ε > 0 fixé.

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2. Méthode du point fixe 9

– Si n ∈ N, on remarque que d(xn+2, xn+1) = d(ϕ(xn+1), ϕ(xn)) 6 λ d(xn+1, xn). Par récur-rence, on en déduit que pour tout n ∈ N :

d(xn+1, xn) 6 λn d(x1, x0). (2.1)

– Soient p, q ∈ N avec p 6 q. Utilisant (2.1), et comme λ > 0, on a alors :

d(xq , xp) 6q−1∑k=p

d(xk+1, xk) 6

Çq−1∑k=p

λkåd(x1, x0) 6

Ç+∞∑k=p

λkåd(x1, x0). (2.2)

– Comme λ ∈ [0, 1[, la série∑λn converge. En particulier, pour N ∈ N suffisamment grand,

on a+∞∑k=N

λk < ε. D’après (2.2), pour tous p, q ∈ N vérifiant N 6 p 6 q, on a obtenu :

d(xq, xp) < ε d(x1, x0),

et on en déduit bien que la suite (xn)n∈N est de Cauchy.

• L’espace (E, d) étant complet, la suite de Cauchy (xn)n∈N possède donc une limite x ∈ E. Or,l’application ϕ étant contractante, elle est en particulier continue sur E. Comme xn+1 = ϕ(xn)pour tout n ∈ N, le critère séquentiel de continuité implique x = ϕ(x). D’où le lemme.

Pour approcher l’unique solution a de l’équation f(x) = 0, on se ramène à une équation équi-valente du type ϕ(x) = x, où ϕ : [c, d] → R est une application satisfaisant aux conditions dulemme précédent. Or, pour C 6= 0, il est clair que si :

ϕ : [c, d] → R, x 7→ x− Cf(x),

l’équation f(x) = 0 est équivalente à ϕ(x) = x. Déterminons donc C 6= 0 de sorte que ϕ soitcontractante, et à valeurs dans [c, d].

• f étant dérivable sur [c, d], il en va de même pour ϕ. Si x ∈ [c, d], on a alors ϕ′(x) = 1−Cf ′(x).Or, d’après les hypothèses faites sur f ′, on dispose de m,M ∈ R∗

+ tels que m 6 f ′(x) 6 Mpour tout x ∈ [c, d]. Posant C = 1

M > 0, on a donc, pour tout x ∈ [c, d] :

0 6 ϕ′(x) 6 1 − m

M< 1. (2.3)

• Soient x, y ∈ [c, d] avec x 6= y. ϕ étant dérivable sur [c, d], le théorème des accroissements finisassure l’existence de ξ strictement compris entre x et y tel que :

ϕ(x) − ϕ(y)x− y

= ϕ′(ξ).

On déduit ainsi de (2.3) que |ϕ(x) − ϕ(y)| 6(1 − m

M

)|x − y|, et il en résulte que ϕ est

contractante, de rapport λ = 1 − mM ∈ [0, 1[.

• Reste à voir que ϕ([c, d]) ⊂ [c, d]. La relation (2.3) montre que ϕ est croissante sur [c, d]. Ilsuffit donc de montrer que ϕ(c) > c et ϕ(d) 6 d. Mais comme M > 0 et f ′ est strictementpositive sur [c, d], ceci est clair par définition de ϕ.

Et comme [c, d] est complet pour la topologie de l’ordre (que définit | · | sur [c, d]), le lemmegarantit que pour toute donnée initiale x0 ∈ [c, d], la suite (xn)n∈N définie, pour tout n ∈ N, parl’itération xn+1 = xn − 1

M f(xn), converge vers l’unique point fixe de ϕ, à savoir a. Le caractèrecontractant de ϕ assure alors que |xn+1 − a| = |ϕ(xn) − ϕ(a)| 6 λ |xn − a|.

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DÉVELOPPEMENT no 3

Caractère C∞ des valeurs propres d’une matrice réelle

Notations et conventions

Dans toute la suite, n désignera un entier supérieur ou égal à 2.On munit Mn(R), qui s’identifie naturellement à Rn

2

, de la topologie produit. Rappelons toutenorme sur Mn(R) définit cette topologie.

Énoncé

Théorème. On note U l’ensemble des matrices de Mn(R) possédant n valeurs propres distinctes.

(i) U est un ouvert non vide de Mn(R).

(ii) Pour M ∈ U , on note λ1(M), . . . , λn(M) ses valeurs propres rangées par ordre croissant.

Alors pour tout k ∈ [1, n], l’application :

λk : U → R, M 7→ λk(M)

est une application de classe C∞.

Démonstration

On définit :F : Mn(R) × R → R, (M,λ) 7→ det(λIn −M).

L’application F est polynômiale de degré n en les coefficients deM et λ ; elle est en particulier C∞.Notons que si M ∈ Mn(R), dire que λ ∈ R est une valeur propre de M signifie que F (M,λ) = 0.Commençons par établir le lemme suivant :

Lemme. Soient M ∈ Mn(R), et λ ∈ R une valeur propre de M .

1) λ est valeur propre simple de M si et seulement si ∂2F (M,λ) 6= 0.

2) Si λ est valeur propre simple de M , il existe VM un voisinage ouvert de M dans Mn(R) et

une application ϕ : VM → R de classe C∞ tels que ϕ(M) = λ, et ϕ(B) soit valeur propre

réelle de B pour tout B ∈ VM .

10

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3. Caractère C∞ des valeurs propres d’une matrice réelle 11

Preuve. 1) Notons χ : R → R, t 7→ F (M, t) ; c’est une application C∞ car F l’est. Si t ∈ R,χ(t) correspond à la valeur du polynôme caractéristique χM de M évalué en t. Or, dire queλ est valeur propre de M avec multiplicité algébrique k signifie que λ est racine de χM avecmultiplicité k. En outre :• Si λ est valeur propre simple de M , on a χ(t) = (t − λ)Q(t) pour tout t ∈ R, où Q est

polynomiale de degré n− 1 avec Q(λ) 6= 0, entrainant ∂2F (M,λ) = χ′(λ) = Q(λ) 6= 0.• Si λ est valeur propre avec multiplicité au moins 2 de M , on a χ(t) = (t− λ)2Q(t) avec Q

polynomiale de degré n− 2, et donc ∂2F (M,λ) = χ′(λ) = 0.2) Supposons λ valeur propre simple de M , c’est-à-dire F (M,λ) = 0 avec ∂2F (M,λ) 6= 0 d’après

1). Comme F (M, · ) : R → R, ceci implique que D2F (M,λ) est inversible. D’après le théorèmedes fonctions implicites appliqué à F en (M,λ), on a donc existence :– d’un voisinage ouvert V de (M,λ) dans Mn(R) × R,– d’un voisinage ouvert VM de M dans Mn(R),– d’une application ϕ : VM → R qui, comme l’application F , est de classe C∞,tels que l’on ait l’équivalence suivante :

[(B,µ) ∈ V, F (B,µ) = 0] ⇐⇒ [B ∈ VM , µ = ϕ(B)].

En particulier, on a ϕ(M) = λ et, pour tout B ∈ VM , F (B,ϕ(B)) = 0, c’est-à-dire ϕ(B)valeur propre réelle de B.

On peut à présent entamer la démonstration du théorème.(i) Il est évident que U 6= ∅. Soit donc M ∈ U , et adoptons la notation du point (ii) pour

désigner ses valeurs propres.• Les valeurs propres de M étant deux à deux distinctes, on dispose d’intervalles ouverts

et deux à deux disjoints W1, . . . ,Wn de R contenant respectivement λ1(M), . . . , λn(M).Fixons k ∈ [1, n].• Comme λk(M) est valeur propre simple de M , le point 2) du lemme assure l’existence

de Vk voisinage ouvert de (M,λ) dans Mn(R) × R, V kM voisinage ouvert de M dansMn(R), puis d’une application ϕk : V kM → R de classe C∞ tels que ϕk(M) = λk(M) etϕ(B) soit valeur propre de B pour toute matrice B ∈ V kM .

• Comme ϕk(M) = λk(M), Wk est un voisinage ouvert de λk(M) dans R. Puisque ϕkest continue, ϕ−1

k (Wk) est donc un voisinage ouvert de M dans Mn(R). Ainsi, quitte àconsidérer la restriction de ϕk au voisinage ouvert ϕ−1

k (Wk) ∩ V kM de M dans Mn(R),on peut supposer que ϕk est à valeurs dans Wk.

À présent, remarquons que l’on définit un voisinage ouvert V de M dans Mn(R) en posant :

V =n⋂k=1

V kM .

Soit finalement B ∈ V . Pour tout k ∈ [1, n], ayant V ⊂ V kM , on a ϕk(B) ∈ Wk. LesWk, k ∈ [1, n], étant deux à deux disjoints, on déduit de ce qui précède que B possède nvaleurs propres réelles distinctes. En outre, on a V ⊂ U . Ainsi, U est un voisinage de Mdans Mn(R), et l’arbitraire sur M ∈ U démontre que U est voisinage de tous ses points,donc un ouvert de Mn(R).

(ii) On fixe M ∈ U , et on conserve les notations de W1, . . . ,Wn, ϕ1, . . . , ϕn, V introduites aupoint précédent. Si B ∈ V et k ∈ [1, n], on a ϕk(B) ∈ Wk valeur propre réelle de B. Orpar construction des Wj , j ∈ [1, n], on a ϕ1(B) < · · · < ϕn(B). Pour tout k ∈ [1, n], on adonc λk |V = ϕk |V , avec ϕk de classe C∞. Ceci démontre que les λk sont C∞ au voisinagede M , et l’arbitraire sur M ∈ U démontre que les λk sont C∞ sur U tout entier.

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12 3. Caractère C∞ des valeurs propres d’une matrice réelle

Complément

Il est en fait possible de montrer un résultat analogue pour les polynômes à coefficients réels.Notons Rn[X ] le R-espace vectoriel des polynômes de degré au plus n qui, s’identifiant naturel-lement à Rn+1, peut être muni de la topologie produit que toute norme sur Rn[X ] définit. Laversion polynômiale du théorème précédent s’énonce comme suit :

Théorème. Soit U l’ensemble des polynômes unitaires de degré n de Rn[X ] possédant n racines

réelles distinctes. Alors :

(i) U est un ouvert de Rn[X ].

(ii) Pour P ∈ U , notons r1(P ) < · · · < rn(P ) ses racines rangées par ordre croissant. Alors

pour tout k ∈ [1, n], l’application :

rk : U → R, P 7→ rk(P )

est de classe C∞.

La preuve de ce résultat est analogue à la précédente ; il suffit de considérer l’application :

Φ : Rn[X ] × R, (P, µ) 7→ P [X := µ],

puis en remarquant cette fois-ci qu’un polynôme P a pour racine simple un réel µ si et seulementsi ∂2Φ(P, µ) 6= 0, on démontre comme dans le cas matriciel les points (i) et (ii) relatifs à notrenouveau théorème.L’avantage de ce second résultat est, qu’en plus de la propriété polynômiale qu’il mentionne, qu’ilpermet de retrouver son analogue matriciel. En effet, nous savons qu’une matrice M ∈ Mn(R)possède n valeurs propres réelles distinctes si et seulement si son polynôme caractéristique χMest scindé et à racines simples sur R, c’est-à-dire (les racines de χM étant les valeurs propres deM) que M ∈ U si et seulement si χM ∈ U . Soit alors :

χ : Mn(R) → Rn[X ], M 7→ χM ;

l’application χ est C∞ car polynômiale. En outre, on observe d’une part que U = χ−1(U) estouvert de Mn(R) par continuité de χ, et d’autre part que les applications λk = rk χ, k ∈ [1, n],sont de classe C∞ par composition.

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DÉVELOPPEMENT no 4

Lemme de Morse

Notations et conventions

Dans toute la suite, n désignera un entier naturel non nul. Si x ∈ Rn et k ∈ N∗, x(k) désignerale k-uplet (x, . . . , x) ∈ (Rn)k.On munit Rn de sa norme euclidienne ‖·‖2, on fixe ‖·‖ une norme matricielle sur Mn(R), et tousles sous-ensembles de Mn(R) considérés seront pourvus de la topologie induite par cette norme.

Énoncé

Théorème. (Lemme de Morse)Soient O ⊂ Rn un ouvert contenant

#—

0 , et f : O → R une fonction de classe C3, satisfaisant aux

conditions suivantes :

(i) Df( #—

0)

= 0 ;

(ii) D2f(

#—

0)

est non dégénérée, de signature (p, n− p).

Alors il existe un voisinage ouvert U de#—

0 dans Rn et un C1-difféomorphisme

ϕ : U → ϕ(U), x 7→ ϕ(x) = (u1(x), . . . , un(x))

tel que ϕ( #—

0)

=#—

0 et, pour tout x ∈ U :

f(x) − f( #—

0)

= u21(x) + · · · + u2

p(x) − u2p+1(x) − · · · − u2

n(x).

Démonstration

On commence par démontrer le lemme suivant :

Lemme. Soit A0 ∈ Symn(R) ∩ GLn(R). Il existe V voisinage ouvert de A0 dans Symn(R) et

une application g : V → GLn(R) de classe C1 telle que, pour toute matrice A ∈ V :

A = tg(A)A0g(A).

13

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14 4. Lemme de Morse

Preuve. Définissons :

ϕ : Mn(R) → Symn(Rn) , M 7→ tMA0M .

Un simple calcul matriciel assure que l’application ϕ est bien à valeurs dans Symn(R). Parailleurs, l’application ϕ est polynômiale, donc de classe C1.• Pour H ∈ Mn(R), on a :

ϕ(In + H) = t(In + H)A0(In + H) = A0 + tHA0 + A0H + tHA0H = ϕ(In) + tHA0 + A0H + o(‖H‖).

Comme A0 est symétrique, on a donc :

Dϕ(In) : Mn(R) → Symn(R) , H 7→ tHA0 +A0H = t(A0H) +A0H .

Il est alors clair que ker Dϕ(In) = K, avec K = H ∈ Mn(R) | A0H ∈ Antn(R).

• Soit F = H ∈ Mn(R) | A0H ∈ Symn(R) ; c’est un sous-espace vectoriel de Mn(R) contenantIn. Notons ψ = ϕ|F : F → Symn(R) ; par restriction, ψ est également de classe C1.On a alors ker Dψ(In) = F∩K = 0 par inversibilité de A0, donc Dψ(In) est injective. Soit parailleurs M ∈ Symn(R). Notant H = 1

2A−10 M ∈ F , on a, par symétrie de M , Dψ(In) ·H = M ,

d’où Dψ(In) surjective. Finalement, Dψ(In) est une application bijective.

• ψ satisfait donc aux hypothèses du théorème d’inversion locale en In, d’où l’existence de Wvoisinage ouvert de In dans F , que l’on peut (quitte à l’intersecter avec l’ouvert GLn(R) ∋ In deMn(R)) supposer contenu dans GLn(R), tel que ψ|W : W → ψ(V ) soit un C1-difféomorphisme.V = ψ(W ) est donc un voisinage ouvert de A0 = ψ(In) dans Symn(R), et l’applicationg = ψ−1

|V : V → W ⊂ GLn(R) est alors une bijection C1 fournissant le résultat annoncé.

Achevons la démonstration du lemme de Morse.

1) On commence par construire l’application ϕ donnant à f l’expression souhaitée.

• Comme O est un ouvert contenant#—

0 , il existe B une boule ouverte non vide de Rn etcentrée en

#—

0 vérifiant B ⊂ O. D’après les hypothèses, la formule de Taylor avec resteintégral à l’ordre 1 appliquée à f en

#—

0 fournit, pour tout x ∈ B :

f(x) = f(

#—

0)

+ Df(

#—

0)

·x +

∫ 1

0

(1− t)D2f (tx) ·x(2) dt = f(

#—

0)

+

∫ 1

0

(1− t)D2f (tx) ·x(2) dt.

Pour x ∈ B, on pose Q(x) =∫ 1

0(1 − t)D2f (tx) dt. En identifiant la forme bilinéaire Q(x)

à sa matrice dans Mn(R) et x à un vecteur colonne, on a finalement :

f(x) = f(

#—

0)

+ txQ(x)x. (4.1)

• Comme f est de classe C3, on a d’une part D2f(y) symétrique pour tout y ∈ B d’après lethéorème de Schwarz, et d’autre part D2f de classe C1. Il en résulte que l’application :

Q : B → Symn(R) , x 7→ Q(x)

est de classe C1 (théorèmes de continuité et différentiation sous le signe somme).

• On a Q(#—

0)

∈ Symn(R), et Q( #—

0)

= 12 D2f

( #—

0)

∈ GLn(R) car D2f( #—

0)

est non dégénérée.Les hypothèses du lemme précédent étant satisfaites par Q

(#—

0), on a existence d’un voisi-

nage ouvert V de Q( #—

0)

dans Symn(R) et d’une application g : V → GLn(R) de classe C1

tels que, pour tout M ∈ V , on ait :

M = tg(M)Q( #—

0)g(M). (4.2)

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4. Lemme de Morse 15

• Comme V est voisinage ouvert de Q( #—

0)

dans Symn(R) et que Q est continue en#—

0 , ona Q−1(V ) voisinage ouvert de

#—

0 dans Rn, donc W = B ∩ Q−1(V ) voisinage ouvert de#—

0dans Rn. On peut ainsi définir :

ψ : W → V → GLn(R) , x 7→ Q(x) 7→ g Q(x),

qui est une application de classe C1 par composition.Or, pour tout x ∈ W , on a Q(x) = tψ(x)Q

(#—

0)ψ(x) d’après (4.2), d’où, d’après (4.1) :

f(x) − f( #—

0)

= txQ(x)x = txtψ(x)Q( #—

0)ψ(x)x = t(ψ(x) · x)Q

( #—

0)

(ψ(x) · x). (4.3)

• Par hypothèse sur D2f( #—

0), Q

( #—

0)

= 12 D2f

( #—

0)

est de signature (p, n − p). En posantD = diag(Ip,−In−p) ∈ Mn(R), le théorème d’inertie de Sylvester entraine l’existence deA ∈ GLn(R) telle que :

Q( #—

0)

= tADA.

Compte tenu de (4.3), il vient, pour tout x ∈ W :

f(x) − f(

#—

0)

= t(ψ(x) · x)tADA(ψ(x) · x) = t(Aψ(x) · x)D(Aψ(x) · x). (4.4)

Définissons donc :ϕ : W → Rn, x 7→ Aψ(x) · x.

L’application ϕ ainsi construite est C1 par composition. Elle vérifie clairement ϕ( #—

0)

=#—

0 , etpour tout x ∈ W , en notant (u1(x), . . . , un(x)) les coordonnées de ϕ(x), on déduit de (4.4) :

f(x) − f( #—

0)

= u21(x) + · · · + u2

p(x) − u2p+1(x) − · · · − u2

n(x).

On a montré que f avait l’expression attendue.

2) Il reste à vérifier que l’on peut trouver U voisinage ouvert de#—

0 dans Rn tel que ϕ : U → ϕ(U)soit un C1-difféomorphisme.• Il a été vu en 1) que ϕ est de classe C1.

• En particulier, ϕ est donc différentiable en#—

0 : montrons que sa différentielle en ce pointest inversible. Rappelons que si x ∈ W , on a ϕ(x) = Aψ(x) · x. Soit h ∈ W fixé.– L’application W → Mn(R) , x 7→ Aψ(x) étant différentiable par composition, on a exis-

tence de ε : Rn → Mn(R) vérifiant ε(h) → 0 ∈ Mn(R) lorsque h → #—

0 telle que :

Aψ(h) = Aψ(

#—

0)

+ DAψ(

#—

0)

· h+ ‖h‖2 ε(h),

avec L = DAψ(

#—

0)

∈ Lc (Rn,Mn(R)), donc L(h) = DAψ(

#—

0)

· h ∈ Mn(R).

– D’après le point précédent, on a alors :

ϕ(h) = Aψ(h) · h = Aψ( #—

0)

· h+ L(h) · h+ ‖h‖2 ε(h) · h.

Or, comme L(h) ∈ Mn(R), on a ‖L(h) · h‖2 6 ‖L(h)‖‖h‖2, avec ‖L(h)‖ → 0 lorsqueh → #—

0 puisque L ∈ Lc (Rn,Mn(R)). En outre :

ϕ( #—

0 + h)

= Aψ( #—

0)

· h+ o (‖h‖2) .

Comme ϕ(

#—

0)

=#—

0 , ceci démontre que Dϕ(

#—

0)

= Aψ(

#—

0)

∈ Mn(R), et Dϕ(

#—

0)

est bieninversible puisque A et ψ

( #—

0)

le sont.

En#—

0 , ϕ satisfait donc aux hypothèses du théorème d’inversion locale, et l’existence de l’ouvertU recherché en découle.

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DÉVELOPPEMENT no 5

Un lemme fondamental d’approximationdes fonctions positives mesurables

Notations et conventions

Dans toute la suite, on désignera par (E,M) un espace mesurable, et l’on supposera toujoursl’ensemble ordonné [0,+∞] muni de sa tribu borélienne (pour la topologie de l’ordre).

Énoncé

Théorème. Soit f : E → [0,+∞] une fonction mesurable. Il existe une suite de fonctions

étagées mesurables (ϕn)n∈N de E dans [0,+∞] telle que :

(i) ϕn(x) 6 ϕn+1(x), pour tous n ∈ N et x ∈ E ;

(ii) ϕn(x) → f(x) lorsque n → +∞, pour tout x ∈ E.

De plus, lorsque f est bornée, on peut choisir la suite (ϕn)n∈N de telle sorte que sa convergence

vers la fonction f soit uniforme.

Démonstration

L’idée de la démonstration est d’approcher par valeurs inférieures et de façon de plus en plusprécise la fonction f , pour tout n ∈ N, par une fonction étagée et mesurable ϕn à valeurs dans[0, n].

1) Construction de la suite (ϕn)n∈N.

Pour n ∈ N, on partitionne l’intervalle [0, n[ en n2n intervalles de longueur 2−n, en considé-rant :

J(n)k =

[k

2n,

k + 1

2n

[, k ∈ 0, . . . , n2n − 1.

Pour k ∈ [0, n2n − 1], définissons également :

A(n)k = f−1

ÄJ

(n)k

äet A∞ = f−1(+∞).

16

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5. Un lemme fondamental d’approximation des fonctions positives mesurables 17

Les J (n)k et +∞ étant des boréliens (car in-

tervalles) de [0,+∞], la mesurabilité de f en-traîne celle des A(n)

k , A∞. Posons alors :

ϕn = n1A∞+n2n−1∑

k=0

k

2n1

A(n)

k

.

La fonction ϕn ainsi construite est à valeursdans [0, n]. De plus, les ensembles A∞ et A(n)

k ,k ∈ [0, n2n−1], étant mesurables, il en résultela mesurabilité de l’application ϕn.

n

J(n)k

A(n)k

A∞

0

+∞

Cf

Cϕn

E

Reste à voir que la suite (ϕn)n∈N ainsi construite satisfait également aux conditions (i) et (ii)du théorème.

2) La suite (ϕn)n∈N est croissante.

Soient x ∈ E et n ∈ N.

• Si f(x) = +∞, c’est-à-dire x ∈ A∞, on a ϕn(x) = n 6 n+ 1 = ϕn+1(x).

• Envisageons le cas où f(x) < +∞. Tout d’abord, si f(x) > n, alors ϕn(x) = 0, ce quientraîne ϕn+1(x) > ϕn(x) par positivité de ϕn+1. Reste à envisager le cas où f(x) ∈ [0, n[.Dans ce cas, il existe k ∈ 0, . . . , n2n−1 (unique) tel que f(x) ∈ J

(n)k , c’est-à-dire x ∈ A

(n)k .

Or par construction, on a :

J(n)k = J

(n+1)2k ⊔ J

(n+1)2k+1 , donc A(n)

k = A(n+1)2k ⊔A

(n+1)2k+1 .

– Si x ∈ A(n+1)2k , on a alors ϕn+1(x) = 2k

2n+1 = k2n = ϕn(x).

– Si x ∈ A(n+1)2k+1 , on a alors ϕn+1(x) = 2k+1

2n+1 = k2n + 1

2n+1 >k

2n = ϕn(x).

Dans tous les cas, on a bien ϕn(x) 6 ϕn+1(x), ce qui démontre (i).

3) La suite (ϕn)n∈N converge simplement vers f .

Là-encore, donnons-nous x ∈ E.

• Supposons f(x) = +∞ ; alors pour tout n ∈ N, ϕn(x) = n → +∞ = f(x) lorsque n → +∞.

• Supposons f(x) < +∞. Dans ce cas, il existe N ∈ N tel que f(x) ∈ [0, N [. A fortiori, on af(x) ∈ [0, n[ dès que n > N . Or, par construction, pour tout n > N , il existe un uniqueentier kn ∈ 0, . . . , n2n − 1 (kn = ⌊2nf(x)⌋) tel que :

ϕn(x) = kn

2n6 f(x) < kn + 1

2n= ϕn(x) + 1

2n.

D’où 0 6 f(x) − ϕn(x) < 2−n, avec 2−n → 0 lorsque n → +∞. Ainsi, ϕn(x) → f(x)lorsque n → +∞.

Dans tous les cas, on a bien limn→+∞

ϕn(x) = f(x), ce qui démontre (ii).

4) Reste à traiter le cas où f est bornée. Supposons donc avoir f(E) ⊂ [0,M ], où M ∈ R∗+.

Fixant N ∈ N avec N > M , de la même façon qu’en 3), on obtient 0 6 f(x) − ϕn(x) < 2−n,pour tous n > N et x ∈ E. La convergence uniforme de la suite (ϕn)n∈N vers f sur E enrésulte.

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DÉVELOPPEMENT no 6

Sur la densité des matrices diagonalisablesà coefficients réels ou complexes

Conventions et notations

Dans la suite, on désignera par K l’un des corps R ou C, on fixe n ∈ N∗, et on notera M = Mn(K).On munit M, qui s’identifie naturellement à Kn

2

, de la topologie produit. Rappelons que toutenorme sur M définit cette topologie.

Énoncé

Théorème. Soit D l’ensemble des matrices diagonalisables de M. Alors D est dense dans Msi et seulement si K = C, ou K = R et n = 1.

Démonstration

Si n = 1, on a D = M. On peut donc supposer n > 2.1) On suppose K = C. Fixons A ∈ M.

• C étant algébriquement clos, le polynôme caractéristique de A est scindé, donc A esttrigonalisable. Il existe ainsi P ∈ GLn(C) et T ∈ M triangulaire supérieure telles que :

A = PTP−1.

• Notons λ1, . . . , λn ∈ C les coefficients diagonaux de T et posons, pour t ∈ C :

Dt = diag(t, 2t, . . . , nt) ; Tt = T + Dt ; At = PTtP−1.

L’application C → M, t 7→ T +Dt est continue, car chacune de ses composantes l’est. Deplus, l’application M → M, M 7→ PMP−1 est continue car polynômiale en les coefficientsde M . Par composition, on en déduit que l’application :

C → M, t 7→ PTtP−1 = At

est continue sur C.• Soit t ∈ C. Pour |t| > 0 assez petit, on montre que At est diagonalisable.

Si λ1 = · · · = λn, alors λj + jt 6= λk + kt dès que j, k ∈ [1, n] sont distincts. Supposonsce cas exclu, et posons alors ε = 1

2n min|λj − λk| | j, k ∈ [1, n], λj 6= λk > 0. Soientj, k ∈ [1, n]. On a alors λj + jt 6= λk + kt lorsque 0 < |t| < ε, puisque :

18

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6. Sur la densité des matrices diagonalisables à coefficients réels ou complexes 19

– Si λj = λk, alors λj + jt 6= λk + kt pour tout t 6= 0.

– Si λj 6= λk et λj + jt = λk + kt, on aurait alors, par définition même de ε :

|λj − λk| = |kt− jt| = |t||k − j| 6 |t|n 6 εn 612

|λj − λk|.

Dans tous les cas, on a démontré que si |t| > 0 est assez petit, la matrice Tt possèden valeurs propres distinctes, et est donc diagonalisable. Il en va alors de même pour lamatrice At, qui lui est semblable par définition.

Soit donc ε > 0 tel que, pour tout t vérifiant 0 < |t| < ε, on ait At diagonalisable. Pour m ∈ N,posant Bm = Aε/2m+1 , on construit ainsi une suite (Bm)m∈N de matrices diagonalisables qui,d’après le second point, converge vers A lorsque m → +∞.

2) Envisageons le cas où K = R, et supposons que D = M.

• Notons E = (e1, . . . , en) la base canonique de Rn, et définissons φ ∈ End(Rn) par :

φ(ek) = ek+1 si k ∈ [1, n− 1] ; φ(en) = −e1.

Soit alors A = matE (φ) (la matrice compagnon du polynôme Xn + 1). On a ainsi :

An = −In ; trA = 0.

• Comme A ∈ M = D, il existe une suite (Ap)p∈N d’éléments de D qui converge vers A.Pour une telle suite, on a Anp → An = −In lorsque p → +∞, par continuité de l’application(polynômiale) M → M, M 7→ Mn.

• Munissons Mn,1(R) et M des normes définies, pour X ∈ Mn,1(R) et M ∈ M, par :

‖X‖ =√tXX et N(M) = sup‖MY ‖ | Y ∈ Mn,1(R) , ‖Y ‖ = 1.

Pour p ∈ N, fixons λp une valeur propre réelle de Ap, et Xp un vecteur propre unitaire deAp associé à la valeur propre λp. On a ainsi :

|λnp + 1| = |λnp + 1| · 1 = ‖(Anp + In) ·Xp‖ 6 N(Anp + In)‖Xp‖ = N(Anp + In).

Par continuité de N , on déduit du point précédent N(Anp + In) → 0 lorsque p → +∞.L’inégalité précédente entraine donc λnp → −1 lorsque p → +∞.

De λnp → −1 lorsque p → +∞, on déduit que n est impair. L’application R → R, x 7→ xn

étant alors un homéomorphisme, il suit λp → −1 lorsque p → +∞. Or, pour p ∈ N, Ap étantdiagonalisable, trAp est égale à la somme des valeurs propres de Ap. De la continuité de latrace, il résulte alors :

trAp −−−−−→p→+∞

−n.

C’est absurde, puisque par continuité de la trace, on a également trAp → trA = 0 lorsquep → +∞. Par conséquent, D ( M.

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DÉVELOPPEMENT no 7

Étude topologique de l’ensemble des fonctions continuesnulle part dérivables

Conventions et notations

Dans la suite, a et b désigneront deux réels tels que a < b. On pose I = [a, b], et on note alorsC = C0(I,R). On rappelle enfin que l’application :

‖·‖∞ : C → R+, f 7→ sup|f(x)| | x ∈ I

est une norme sur C, qui en fait une R-algèbre de Banach. Dans tout ce qui suit, nous supposeronsC muni de la topologie définie par la norme ‖·‖∞.

Énoncé

Si (E, T ) un espace topologique, on appelle résiduel de (E, T ) toute partie de E contenant uneintersection dénombrable d’ouverts denses de (E, T ).

Théorème. Soit N le sous-ensemble de C constitué des applications nulle part dérivables. Alors

N est un résiduel de C. En particulier, N est une partie dense de C.

Démonstration

Comme (C, ‖·‖∞) est une algèbre de Banach, le théorème de Baire permet de conclure à la densitéde N dans C si N est un résiduel de C. Tout revient donc à démontrer que N est effectivementun résiduel de C.Pour cela, on doit montrer que N contient une intersection dénombrable d’ouverts denses de C.De façon équivalente, cela revient à déterminer une suite (Fn)n∈N de fermés d’intérieur vide deC telle que CrN soit contenu dans l’union des Fn, pour n parcourant N.

1) Construction de la suite (Fn)n∈N.

Soit f ∈ CrN ; par définition, il existe y ∈ I tel que f soit dérivable en I. La fonction :

g : I → R, x 7→®

f(x)−f(y)x−y si x 6= y

f ′(y) si x = y,

20

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7. Étude topologique de l’ensemble des fonctions continues nulle part dérivables 21

est alors un élément de C, donc bornée sur I. Il existe donc un entier N ∈ N tel que |g(x)| 6 Npour tout x ∈ I. En outre, on a ainsi |f(x) − f(y)| 6 N |x− y|, pour tout x ∈ I. Introduisonsalors, pour n ∈ N, les ensembles :

Fn = h ∈ C | ∃ y ∈ I, ∀x ∈ I : |f(x) − f(y)| 6 n|x− y|.

On a ainsi f ∈ FN , et l’arbitraire sur f ∈ CrN démontre en particulier que :

CrN ⊂ ⋃n∈N

Fn.

La suite (Fn)n∈N semble donc être une potentielle candidate. Montrons que cette suite convienteffectivement, c’est-à-dire que Fn est un fermé d’intérieur vide, pour tout n ∈ N. Soit doncn ∈ N ; notons que Fn est non vide, puisqu’il contient la fonction nulle I → R, x 7→ 0.

2) Les Fn sont des fermés.

Comme (C, ‖·‖∞) est un espace normé, on peut utiliser la caractérisation séquentielle desfermés. Soit donc (fk)k∈N une suite d’éléments de Fn qui converge vers un élément f de C.On doit montrer que f ∈ Fn.

• Par hypothèse, pour tout k ∈ N, il existe yk ∈ I tel que |fk(x) − fk(yk)| 6 n|x− yk|, pourtout x ∈ I. On obtient ainsi une suite (yk)k∈N d’éléments de I.

• I étant un compact de R, il existe ϕ : N → N strictement croissante et y ∈ I tels que(yϕ(k))k∈N converge vers y. En particulier, pour tous x ∈ I et k ∈ N, on a :

|fϕ(k)(x) − fϕ(k)(yϕ(k))| 6 n|x− yϕ(k)|. (7.1)

• Dire que fk converge vers f dans (C, ‖·‖∞) signifie que la suite (fk)k∈N converge uniformé-ment vers f sur I. En particulier, (fk)k∈N converge simplement vers f sur I. On en déduitfacilement que, pour tout x ∈ I :

fϕ(k)(x) → f(x) lorsque k → +∞. (7.2)

• On montre enfin que :

fϕ(k)(yϕ(k)) → f(y) lorsque k → +∞. (7.3)

Pour tout k ∈ N, on a :

|fϕ(k)(yϕ(k)) − f(y)| 6 |fϕ(k)(yϕ(k)) − f(yϕ(k))| + |f(yϕ(k)) − f(y)|6 ‖fϕ(k) − f‖∞ + |f(yϕ(k)) − f(y)|.

Soit ε > 0.

– Comme la suite (fϕ(k))k∈N converge vers f dans (C, ‖·‖∞), il existe N1 ∈ N tel que‖fϕ(k) − f‖∞ < ε/2 dès que k > N1.

– Comme f est continue sur I et que yϕ(k) → y lorsque k → +∞, il existe N2 ∈ N tel que|f(yϕ(k)) − f(y)| < ε/2 dès que k > N2.

Pour k > max(N1, N2), on a obtenu |fϕ(k)(yϕ(k)) − f(y)| < ε, d’où (7.3).

Faisant tendre k vers +∞ dans (7.1), par continuité de |·|, il résulte de (7.2), (7.3) et yϕ(k) → yque :

|f(x) − f(y)| 6 n|x− y|,pour tout x ∈ I. Donc f ∈ Fn.

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22 7. Étude topologique de l’ensemble des fonctions continues nulle part dérivables

3) Fn est d’intérieur vide.

On doit démontrer que pour tous f ∈ Fn et ε > 0, B(f, ε) ∩ (CrN ) 6= ∅. Fixons donc f ∈ Fnet ε > 0. On doit exhiber g ∈ C satisfaisant aux conditions :

(i) ‖f − g‖∞ < ε ;

(ii) g ∈ CrFn, c’est-à-dire que pour tout y ∈ I, il existe x ∈ I tel que |g(x)−g(y)| > n|x−y|.On cherche g sous la forme g = P + g0, avec P ∈ C restriction à I d’une fonction polynômialeet g0 ∈ C affine par morceaux à déterminer.

• Comme f ∈ C, le théorème de Weierstrass affirme l’existence d’une fonction P ∈ C, res-triction à I d’une fonction polynômiale, telle que ‖f −P‖∞ < ε/2. En particulier, P étantC1, l’inégalité des accroissements finis fourni l’existence de M ∈ R+ tel que, pour tousx, y ∈ I :

|P (y) − P (x)| 6 M |y − x|. (7.4)

• Notons ψ : R → R la fonction 2-périodique définie, pour t ∈ [−1, 1], par ψ(t) = |t|. ψ estune fonction continue, affine par morceaux dont la pente de chacune de ses branches vaut±1, et vérifie ‖ψ‖∞ = 1. Posons alors :

g0 : I → R, t 7→ ε

4ψ|I

Å4ε

(M + n+ 1)tã

.

Par construction, g0 est une fonction continue, affine par morceaux dont la pente de chacunede ses branches égale ±(M + n+ 1), et vérifie ‖g0‖∞ = ε/4.

Définissons donc g = P + g0 ; par somme, g est bien un élément de C.

• On a :‖f − g‖∞ = ‖f − P‖∞ + ‖g0‖∞ 6

ε

2+ε

4< ε,

donc g vérifie bien la condition (i).

• Pour tous x, y ∈ I, on a :

|g(x) − g(y)| = |g0(x) − g0(y) − [P (y) + P (x)]|> |g0(x) − g0(y)| − |P (y) − P (x)|. (7.5)

Soit y ∈ I. Comme y est toujours contenu dans un sous-intervalle de I sur lequel g0 estaffine, les propriétés de relatives à g0 entrainent l’existence de x ∈ I avec x 6= y tel que|g0(x) − g0(y)| = (M + n+ 1)|x− y|. Compte tenu de (7.4), on déduit ainsi de (7.5) :

|g(x) − g(y)| > (M + n+ 1)|x− y| −M |y − x| = (n+ 1)|x− y| > n|x− y|.

Et donc g vérifie aussi (ii).

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DÉVELOPPEMENT no 8

Théorème de Riesz-Fisher

Conventions et notations

∗ Dans la suite, on fixe p ∈ [1,+∞[, et (E,M, µ) un espace mesuré. On supposera toujours lesensembles [0,+∞] et C munis de leur tribu borélienne (pour leur topologie usuelle).

∗ On note Lp(µ) l’ensemble des applications f : E → C mesurables telles que fp = f × · · · × fsoit intégrable, c’est-à-dire telles que la quantité :

Np(f) =( ∫

E|f |p dµ

) 1p

soit finie. On rappelle que Lp(µ) est un C-espace vectoriel, et que l’application précédemmentdéfinie Np : Lp(µ) → R+, f 7→ Np(f) est une semi-norme sur Lp(µ), c’est-à-dire que pour tousf, g ∈ Lp(µ) et α ∈ C, on a Np(αf) = |α|Np(f) et Np(f + g) 6 Np(f) + Np(g) (inégalité deMinkowski).

∗ Pour f ∈ Lp(µ), on pose f = g ∈ Lp(µ) | ∃ N ∈ M, µ(N) = 0, g|ErN = f|ErN. On définitalors :

Lp(µ) = f | f ∈ Lp(µ).

On rappelle que Lp(µ) est un C-espace vectoriel.

∗ Si F ∈ Lp(µ), la valeur de Np(f) ne dépend pas du choix de f dans F . On peut donc poser,pour f ∈ Lp(µ) donnée, ‖F‖p = Np(f), et l’application ‖·‖p : Lp(µ) → R+, F 7→ ‖F‖p ainsiobtenue est une norme sur Lp(µ).

Énoncé

Théorème. L’espace vectoriel normé (Lp(µ) , ‖·‖p) est un C-espace de Banach.

Démonstration

On commence par démontrer deux lemmes préliminaires.

Lemme 1. Soit (fn)n∈N une suite de fonctions mesurables de E dans [0,+∞]. Alors :

23

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24 8. Théorème de Riesz-Fisher

Np

( +∞∑n=0

fn

)6

+∞∑n=0

Np(fn).

Preuve. Pour n ∈ N, on pose gn = f0 + · · · + fn.

• Les fk, k ∈ N, étant mesurables et à valeurs dans [0,+∞], il est clair que la suite (gpn)n∈N estune suite croissante d’applications mesurables. D’après le théorème de convergence monotone,on a donc :

limn→+∞

Ç∫

E

gpn dµ

å=

E

Älim

n→+∞gp

n

ädµ.

L’application R+ → R, t 7→ tp étant continue, on a gpn →( +∞∑k=0

fk

)plorsque n → +∞, donc

l’égalité précédente se réécrit :

limn→+∞

Ç∫

E

gpn dµ

å=

E

Ä +∞∑k=0

fk

äp

dµ,

d’où, par continuité de l’application R+ → R, t 7→ t1/p :

limn→+∞

Np(gn) = Np

( +∞∑k=0

fk

).

• En utilisant l’inégalité de Minkowski, on démontre par récurrence que, pour tout n ∈ N :

Np(gn) 6n∑k=0

Np(fk).

Faisant tendre n vers +∞, on obtient :

limn→+∞

Np(gn) 6+∞∑k=0

Np(fk).

Compte tenu des deux points précédents, on a obtenu le résultat.

Lemme 2. Soient K l’un des corps R ou C, et (E, ‖·‖) un K-espace vectoriel normé. Les condi-

tions suivantes sont équivalentes :

(i) (E, ‖·‖) est un K-espace de Banach.

(ii) Toute série absolument convergente∑xk d’éléments de E, c’est-à-dire telle que la série

à termes positifs∑‖xk‖ converge, est convergente.

Preuve. (i) ⇒ (ii) : Supposons (E, ‖·‖) complet. Soit∑xk une série absolument convergente

de E ; on doit montrer que∑xk converge. Comme (E, ‖·‖) est complet, il suffit donc de montrer

que la suite (x0 + · · · + xk)k∈N est de Cauchy. Soit donc ε > 0 fixé.

• Comme∑xk converge absolument, la suite à termes positifs (‖x0‖+ · · ·+‖xk‖)k∈N converge.

R étant complet, c’est en particulier une suite de Cauchy de R, d’où l’existence de N ∈ N telque pour tous s, t ∈ N vérifiant s 6 t, on ait :

t∑k=s+1

‖xk‖ =∣∣∣

t∑k=0

‖xk‖ −s∑

k=0‖xk‖

∣∣∣ < ε.

• Soient s, t ∈ N avec s 6 t. Alors comme :

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8. Théorème de Riesz-Fisher 25

∥∥∥t∑

k=0xk −

s∑k=0

xk

∥∥∥ =∥∥∥

t∑k=s+1

xk

∥∥∥ 6t∑

k=s+1‖xk‖ < ε,

on a bien montré que la suite (x0 + · · · + xk)k∈N est de Cauchy.

(ii) ⇒ (i) : Supposons (ii) satisfaite. Soit (xk)k∈N une suite de Cauchy de E ; montrons que(xk)k∈N converge.

• Construction d’une sous-suite convergente de (xk)k∈N.

On pose ϕ(0) = 0.

– La suite (xk)k∈N étant de Cauchy, il existe N > ϕ(0) + 1 tel que pour tout k > N , on ait‖xk − xN‖ < 2−1. Notons ϕ(1) le plus petit de ces entiers N .

– De la même façon, il existe N > ϕ(1) + 1 tel que pour tout k > N , on ait ‖xk −xN‖ < 2−2.Notons ϕ(2) le plus petit de ces entiers N .

De proche en proche, on construit ainsi ϕ : N → N strictement croissante telle que, pour toutk ∈ N∗, on ait ‖xϕ(k+1) − xϕ(k)‖ < 2−k.Définissons alors (uk)k∈N par u0 = x0, et uk = xϕ(k) − xϕ(k−1) si k ∈ N∗. Par construction, sik ∈ N∗ :

‖uk‖ = ‖xϕ(k) − xϕ(k−1)‖ < 2k−1.

Par domination, la série à termes positifs∑‖uk‖ converge dans R. D’après (ii), la série

∑uk

est donc convergente dans E, d’où l’existence de u ∈ E tel que :

k∑j=0

uj → u lorsque k → +∞.

Et comme, pour k ∈ N, on a xϕ(k) = u0 + · · · + uk, on a obtenu xϕ(k) → u lorsque k → +∞.

• Soit ε > 0. Comme (xk)k∈N est de Cauchy, il existe N1 ∈ N tel que pour tous s, t > N1, onait ‖xs − xt‖ < ε/2. Et comme (xϕ(k))k∈N converge vers u dans E, il existe N2 ∈ N tel que,pour tout k > N2, on ait ‖xϕ(k) − u‖ < ε/2. Pour k > max(N1, N2), comme ϕ(k) > k pourtout k ∈ N, on a ainsi :

‖xk − u‖ = ‖xk − xϕ(k) + xϕ(k) − u‖ 6 ‖xk − xϕ(k)‖ + ‖xϕ(k) − u‖ < ε/2 + ε/2 = ε.

D’où la convergence de la suite (xk)k∈N.

Achevons la preuve du théorème de Riesz-Fisher. D’après le lemme 2, il suffit de montrer quetoute série absolument convergente de (Lp(µ) , ‖·‖p) est convergente. Soit donc (Un)n∈N une suitede Lp(µ) telle que

∑‖Un‖p converge. On doit exhiber U ∈ Lp(µ) tel que la suite (U0+· · ·+Un)n∈N

ait pour limite U dans (Lp(µ) , ‖·‖p), c’est-à-dire que ‖(U0+· · ·+Un)−U‖p → 0 lorsque n → +∞.

• Fixons, pour n ∈ N, un représentant un ∈ Lp(µ) de Un. D’après le lemme 1, on a alors :

Np

(+∞∑n=0

|un|)

6+∞∑n=0

Np(|un|) < +∞. (8.1)

En particulier, ceci entraîne l’existence de N ∈ M avec µ(N) = 0 telle que∑ |un(x)| converge

pour tout x ∈ ErN , comme l’assure le lemme suivant appliqué à ϕ =( +∞∑n=0

|un|)p

:

Lemme 3. Soit ϕ : E → [0,+∞] une application intégrable. Alors l’ensemble mesurable

E∞ = x ∈ E | ϕ(x) = +∞ est de mesure nulle.

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26 8. Théorème de Riesz-Fisher

Preuve. Pour n ∈ N∗, définissons En = x ∈ E | ϕ(x) > n. Comme ϕ est intégrable doncmesurable, les ensembles E∞ et les En, pour n ∈ N∗, sont mesurables. Il est par ailleurs clairque :

E∞ =⋂

n∈N∗

En et Ek ⊂ El,

dès que k, l ∈ N∗ avec k > l.– Si n ∈ N∗, on a, par définition même de En :

E

ϕ dµ >

En

ϕ dµ =∫

E

ϕ · 1Endµ >

E

n1Endµ = nµ(En).

ϕ étant intégrable, on voit en particulier que 0 6 µ(E1) < +∞.

– La suite (En)n∈N∗ est donc une suite décroissante d’éléments de la tribu M. Et commeµ(E1) est finie, il vient :

µ(E∞) = µ

Å ⋂n∈N∗

En

ã= lim

n→+∞µ(En).

– Or, d’après le premier point, pour tout n ∈ N∗, on a 0 6 µ(En) 6 1n

∫Eϕ dµ.

∫Eϕ dµ étant

finie, faisant tendre n vers +∞, on déduit ainsi du point précédent que µ(E∞) = 0.

C étant complet, le lemme 2 assure que∑un(x) converge pour tout x ∈ ErN .

• Définissons donc :

u : E → C, x 7→

+∞∑n=0

un(x) si x ∈ ErN

0 si x ∈ N.

L’application u est mesurable en tant que limite simple d’applications mesurables. Comme,pour tout n ∈ N :

∣∣∣n∑k=0

uk(x)∣∣∣ 6

n∑k=0

|uk(x)|,

dès que x ∈ ErN , il vient :

|u(x)| 6+∞∑n=0

|un(x)|, (8.2)

pour tout x ∈ ErN . Comme µ(N) = 0, on déduit ainsi des relations (8.1) et (8.2) queu ∈ Lp(µ). Notons U ∈ Lp(µ) la classe de u. Pour n ∈ N, on a :

∥∥∥( n∑

k=0

Uk

)− U

∥∥∥p

= Np

[∣∣∣( n∑

k=0

uk

)− u∣∣∣]

= Np

(∣∣∣+∞∑

k=n+1

uk

∣∣∣)

6 Np

( +∞∑

k=n+1

|uk|)

. (8.3)

Or d’après le lemme 1, on a :

Np

( +∞∑

k=n+1

|uk|)

6

+∞∑

k=n+1

Np(|un|) =+∞∑

k=n+1

‖Un‖p → 0 (8.4)

lorsque n → +∞, par convergence de la série∑‖Un‖.

Compte tenu des relations (8.3) et (8.4), on a bien démontré que la série∑Un converge vers U

dans (Lp(µ) , ‖·‖p).

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DÉVELOPPEMENT no 9

Sur la connexité du groupe orthogonal

Conventions et notations

Dans la suite, on fixe n ∈ N∗. On munit Mn(R), qui s’identifie naturellement à Rn2

, de latopologie produit. Tous les sous-ensembles de Mn(R) considérés seront supposés munis de latopologie induite par celle de Mn(R).On rappelle que On(R) = Ω ∈ Mn(R) | tΩΩ = In. En particulier, tout élément de On(R)est donc de déterminant ±1. On peut ainsi considérer SOn(R) = Ω ∈ On(R) | det Ω = 1 etO−n (R) = Ω ∈ On(R) | det Ω = −1.

Enfin, pour θ ∈ R, on pose :

R(θ) =Å

cos θ − sin θsin θ cos θ

ã.

Énoncé

Théorème. Le groupe orthogonal On(R) n’est pas connexe. Il possède deux composantes conne-

xes, à savoir SOn(R) et O−n (R), qui sont toutes deux connexes par arcs.

Démonstration

Le résultat étant clair si n = 1, on supposera dans toute la suite n > 2.Il est clair que On(R) n’est pas connexe, puisque sinon, −1, 1 = det[On(R)] serait, par conti-nuité du déterminant, une partie connexe de R, donc un intervalle.Notons déjà que si A est une partie de On(R) contenant une matrice de déterminant 1 et unematrice de déterminant −1, on a 1,−1 ⊂ det(A). Mais 0 /∈ det(A) puisque On(R) ⊂ GLn(R).En outre, par continuité du déterminant, A ne saurait être connexe (et en particulier, On(R) nel’est pas). On en déduit que toute partie connexe de On(R) est contenue soit dans SOn(R), soitdans O−

n (R). Et comme On(R) = SOn(R) ⊔ O−n (R), il suffit d’établir la connexité par arcs de

SOn(R) et O−n (R) pour obtenir le résultat.

La preuve de ces deux assertions repose sur le lemme suivant :

Lemme. Soient (E, ( · | · )) un espace euclidien de dimension m > 0, et u ∈ O(E). Il existe

alors B une base orthonormée de E, θ1, . . . , θr ∈ Rr(πZ), et ε1, . . . , εs ∈ −1, 1 tels que :

27

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28 9. Sur la connexité du groupe orthogonal

matB (u) = diag[R(θ1), . . . , R(θr), ε1, . . . , εs] =

â R(θ1)

.

.

. 0R(θr)

ε1

0.

.

.

εs

ì

.

Preuve. On procède par récurrence sur la dimension m de E, le cas m = 1 étant évident.Supposons donc, étant donné un entier m > 2, avoir établi le résultat lorsque dimE 6 m.Montrons qu’il reste vrai si dimE = m+ 1. Deux cas de figure sont à envisager :

1) Supposons Specu 6= ∅. Soit alors ε une valeur propre de u, et x ∈ Er0E un vecteur proprepour u associé à ε. Comme u ∈ O(E), on a |ε|‖x‖ = ‖u(x)‖ = ‖x‖, donc ε ∈ −1, 1. NotonsEε = ker(u − ε idE), et soit Bε une base orthonormée de Eε. Si Eε = E, alors u = ε idE , etBε convient. Supposons maintenant Eε 6= E.On a E = Eε ⊕ E⊥

ε . Or 1 6 dimEε 6 m puisque Eε 6= E, donc 1 6 dimE⊥ε 6 m.

De plus, comme u ∈ O(E) stabilise Eε, on a u(E⊥ε ) ⊂ E⊥

ε . Par suite, u|E⊥ε

est un en-domorphisme de orthogonal E⊥

ε . D’après l’hypothèse de récurrence, on dispose ainsi deB⊥ε une base orthonormée de E⊥

ε , θ1, . . . , θr ∈ Rr (πZ), et ε1, . . . , εs ∈ −1, 1 tels quematB⊥

ε

(uE⊥

ε

)= diag[R(θ1), . . . , R(θr), ε1, . . . , εs].

Comme E = Eε ⊕E⊥ε , la famille B = (B⊥

ε ⊔ Bε) est une base orthonormée de E dans laquellematB (u) = diag[R(θ1), . . . , R(θr), ε1, . . . , εs, ε, . . . , ε].

2) Supposons Spec u = ∅.

• Considérons v = u∗ + u ∈ L(E) ; il est clair que v = v∗, donc v ∈ Sym(E). En particulier,il existe λ ∈ R et x ∈ Er0E tels que v(x) = λx, c’est-à-dire u∗(x) + u(x) = λx. Commeu ∈ O(E), on a u∗ = u−1, donc d’après ce qui précède :

x+ u2(x) = u u∗(x) + u u(x) = u[u∗(x) + u(x)] = u(λx) = λu(x).

Ainsi, u2(x) = λu(x) − x.

• Comme Specu = ∅, la famille (x, u(x)) est libre, donc F = Vect(x, u(x)) est un sous-espace de E de dimension 2, qui est u-stable en vertu du point précédent. En particulier,u|F ∈ O(F ). Soient alors BF une base orthonormée de F , et :

N =Åa bc d

ã= matBF

(u|F)

∈ O2(R) .

On a tNN = N tN = I2. Après calcul de tNN , on voit que :

a2 + b2 = c2 + d2 = 1, (9.1)

ac+ bd = 0, (9.2)

puis après calcul de N tN , on voit que :

a2 + c2 = 1 = b2 + d2. (9.3)

Compte tenu de (9.1) et (9.3), on a a2 + c2 = a2 + b2, d’où c = ±b.– Si b = 0, alors c = 0, et N est diagonale, ce qui est exclu puisque Specu = ∅. On voit

ainsi que b 6= 0.

– Si b = c, alors N = tN , et donc N est symétrique. Là-encore, ceci est exclu, puisqueSpec u = ∅. Par suite, b = −c.

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9. Sur la connexité du groupe orthogonal 29

– Comme b = −c, (9.2) entraine b(a− d) = 0, d’où a = d puisque b 6= 0.

On a donc a = d, 0 6= b = −c. Et comme a2 +b2 = 1 d’après (9.1), il existe alors θ ∈ R avecθ 6≡ 0 (mod π) tel que a = cos θ, b = sin θ. D’où matBF

(u|F)

= R(θ), pour θ ∈ Rr(πZ).

• Enfin, comme u ∈ O(E) stabilise F , on a u(F⊥) ⊂ F⊥, donc u|F⊥ est un endomorphismeorthogonal. Or E = F ⊕ F⊥, et comme dimF = 2, on a dimF⊥ = m − 1, donc d’aprèsl’hypothèse de récurrence, on dispose de B⊥

F base orthonormée de F⊥, θ1, . . . , θr ∈ Rr(πZ),et ε1, . . . , εs ∈ −1, 1 tels que matB⊥

F(uF⊥) = diag[R(θ1), . . . , R(θr), ε1, . . . , εs].

Au final, comme E = F ⊕F⊥, la famille B = (BF ⊔ B⊥F ) est une base orthonormée de E telle

que matB (u) = diag[R(θ), R(θ1), . . . , R(θr), ε1, . . . , εs].

Dans les deux cas, on dispose bien d’une base orthonormée de E donnant à la matrice de u laforme souhaitée, ce qui achève notre raisonnement par récurrence, et donc la preuve du lemme.

Montrons que SOn(R) est connexe par arcs. Soit Ω ∈ On(R). L’interprétation matricielle dulemme fournit P ∈ On(R), θ1, . . . , θr ∈ Rr(πZ), et ε1, . . . , εs ∈ −1, 1 tels que :

Ω = tPdiag[R(θ1), . . . , R(θr), ε1, . . . , εs]P .

Comme det Ω = 1, et detR(θk) = 1 pour k ∈ [1, r], on voit qu’il existe un nombre pair deε1, . . . , εs égaux à −1. Quitte à les réordonner (c’est-à-dire choisir une autre matrice P ∈ On(R)de changement de base orthonormée), on peut toujours écrire, en remarquant que −I2 = R(π) :

Ω = tPdiag[R(θ1), . . . , R(θm), 1, . . . , 1]P ,

où θ1, . . . , θm ∈ R et P ∈ On(R). Définissons alors, pour k ∈ [1,m] :

γk : [0, 1] → SO2(R) , t 7→Å

cos[(1 − t)θk] sin[(1 − t)θk]sin[(1 − t)θk] cos[(1 − t)θk]

ã= R[(1 − t)θk].

Pour tout k ∈ [1,m], γk est une application continue vérifiant γk(0) = R(θk) et γk(1) = I2.Ainsi :

γ : [0, 1] → SOn(R) , t 7→ tPdiag[γ1(t), . . . , γm(t), 1, . . . , 1]P

est une application continue telle que γ(0) = Ω et γ(1) = In. L’arbitraire sur Ω ∈ SOn(R)montre que toute matrice de SOn(R) peut être continûment reliée à In, et la connexité par arcsde SOn(R) en résulte.On prouve de façon analogue la connexité par arcs de O−

n (R). Là-encore, si Ω ∈ O−n (R), le lemme

fournit P ∈ On(R), θ1, . . . , θr ∈ Rr(πZ), et ε1, . . . , εs ∈ −1, 1 tels que :

Ω = tPdiag[R(θ1), . . . , R(θr), ε1, . . . , εs]P .

Mais cette fois-ci, det Ω = −1, donc on constate qu’il existe un nombre impair de ε1, . . . , εs égauxà −1. Quitte à les réordonner, on pourra toujours écrire :

Ω = tPdiag[R(θ1), . . . , R(θm), 1, . . . , 1,−1]P ,

où θ1, . . . , θm ∈ R, P ∈ On(R). On en déduira alors comme précédemment que toute matrice deO−n (R) peut être continûment reliée à la matrice diag(1, . . . , 1,−1) ∈ O−

n (R), et la connexité pararcs de O−

n (R) en résultera.

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DÉVELOPPEMENT no 10

Sur la connexité du groupe linéaireet du groupe spécial linéaire

Conventions et notations

Dans la suite, on fixe n ∈ N∗. Si k est un corps commutatif et n > 2 :

∗ Pour k, l ∈ [1, n] distincts et λ ∈ k, on définit dans Mn(k) la matrice Tk,l(λ) = (tij)i,j∈[1,n] detransvection en posant tii = 1 si i ∈ [1, n], tij = λ si (i, j) = (k, l), et tij = 0 sinon.

∗ Pour k ∈ [1, n] et µ ∈ k∗, on définit dans Mn(k) la matrice Dk(µ) = (dij)i,j∈[1,n] de dilatation

en posant dii = 1 si i ∈ [1, n]rk, dkk = µ, et dij = 0 sinon.

∗ Lorsque n = 1, on convient que (1) est la seule matrice de transvection de M1(k), et que lesmatrices de dilatation de M1(k) sont de la forme (µ), avec µ ∈ k.

Il est clair que, quelle que soit la valeur de n, une matrice de transvection est un élément deSLn(k) et qu’une matrice de dilatation est un élément de GLn(k).On désigne enfin par K l’un des corps R ou C, et on munit Mn(K), qui s’identifie naturellementà Kn

2

, de la topologie produit. Tous les sous-ensembles de Mn(K) que nous considérerons serontsupposés munis de la topologie induite par celle de Mn(K).

Énoncé

Théorème. 1) GLn(R) n’est pas connexe par arcs ; il possède deux composantes connexes, toutes

deux connexes par arcs, à savoir :

GL+n (R) = M ∈ GLn(R) | detM > 0 et GL−

n (R) = M ∈ GLn(R) | detM < 0.

2) GLn(C) est connexe par arcs.

3) SLn(K) est connexe par arcs.

Démonstration

La preuve de ce résultat reposera sur le lemme suivant :

Lemme. Soit k un corps commutatif.

30

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10. Sur la connexité du groupe linéaire et du groupe spécial linéaire 31

(i) GLn(k) est engendré par les matrices de transvection et de dilatation.

Plus précisément, si M ∈ GLn(k), il existe r ∈ N et T1, . . . , Tr des matrices de transvection

telles que M = Dn(µ)T1 · · ·Tr, où µ = detM ∈ k∗.

(ii) SLn(k) est engendré par les matrices de transvection.

Plus précisément, si S ∈ SLn(k), il existe r ∈ N et T1, . . . , Tr des matrices de transvection

telles que N = T1 · · ·Tr.

Preuve. Si M ∈ Mn(k) et i, j ∈ [1, n], on notera Li(M) la i-ème ligne de M et Cj(M) saj-ème colonne. Rappelons alors que, pour M ∈ GLn(k) et n > 2 :

• Si k, l ∈ [1, n] sont distincts et λ ∈ k, multiplier à gauche (resp. à droite) M par Tk,l(λ) revientà changer Lk(M) en Lk(M) + λLl(M) (resp. Cl(M) en Cl(M) + λCk(M)). En particulier,ceci entraine que [Tk,l(λ)]−1 = Tk,l(−λ).

• Si k ∈ [1, n] et µ ∈ k∗, multiplier M à gauche par Dk(µ) revient à changer Lk(M) en µLk(M).

Dès lors, en remarquant que si M ∈ GLn(k), on a M = Dn(µ)S, où µ = detM ∈ k∗ etS = D1

(µ−1

)M ∈ SLn(k), on s’aperçoit qu’il suffit d’établir (ii) pour obtenir le résultat.

Pour ce faire, on procède par récurrence sur n, le cas n = 1 étant évident. Supposons disposer den ∈ N∗ pour lequel toute matrice de SLn(k) s’écrit comme produit de matrices de transvection,et montrons qu’il en va de même pour les éléments de SLn+1(k). Soit donc S ∈ SLn+1(k), etnotons S = (sij)i,j∈[1,n+1].

1) Supposons s11 = 1. On a alors :

Ån+1∏i=2

Ti,1(−si1)ã

· S ·Çn+1∏j=2

Ti,1(−s1j)

å= S′,

où S′ est de la forme diag(1, Sn), avec Sn ∈ Mn(k). S et les matrices de transvection étantdes éléments de SLn+1(k), on constate que detS′ = 1, et donc que Sn ∈ SLn(k). L’hypothèsede récurrence appliquée à Sn assure alors l’existence de r ∈ N et T1, . . . , Tr ∈ SLn(k) desmatrices de transvection telles que Sn = T1 · · ·Tr. On en déduit ainsi :

(n+1∏

i=2

Ti,1(−ni1)

)· S ·

(n+1∏

j=2

Ti,1(−n1j)

)= diag(1, T1) · · · diag(1, Tr). (10.1)

L’inverse d’une matrice de transvection étant une matrice de transvection, et les matricesdiag(1, T1), . . . , diag(1, Tr) étant clairement de transvection, on déduit de (10.1) que S seréalise bien comme produit de matrices de transvection.

2) Supposons à présent s11 6= 1. Comme S ∈ SLn+1(k) ⊂ GLn+1(k), on a C1(S) 6= #—

0 . Ondispose donc de i ∈ [1, n+ 1] tel que si1 6= 0. Notons i le plus grand des entiers l ∈ [1, n+ 1]pour lesquels sl1 6= 0. Si i > 1, la composante (1, 1) de T1,i

[s−1i1 (1 − s11)

]égale 1, et on se

ramène ainsi au cas où s11 = 1. Si i = 1, on se ramène au cas où i > 1 en considérant leproduit T2,1(s11)S.

Dans tous les cas, S se réalise bien comme un produit de matrices de transvection, ce qui validel’assertion au rang n+ 1, et achève la démonstration du lemme.

Démontrons maintenant le théorème. Commençons par remarquer que si k, l ∈ [1, n] sont dis-tincts et λ ∈ K, l’application :

Γk,l(λ) : [0, 1] → SLn(K) , t 7→ Tk,l[(1 − t)λ] (10.2)

est une application continue telle que Γk,l(λ) · 0 = Tk,l(λ) et Γk,l(λ) · 1 = In.

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32 10. Sur la connexité du groupe linéaire et du groupe spécial linéaire

1) On montre tout d’abord que si A est une partie de GLn(R) contenant une matrice de déter-minant α < 0 et une matrice de déterminant β > 0, alors A n’est pas une partie connexe deGLn(R). En effet, on a alors α, β ⊂ det(A), mais 0 /∈ det(A) puisque A ⊂ GLn(R). Onvoit ainsi que det(A) n’est pas un intervalle de R, donc une partie non connexe de R. Parcontinuité du déterminant, A ne peut donc pas être une partie connexe de GLn(R).Par conséquent, toute partie connexe de GLn(R) est contenue soit dans GL+

n (R), soit dansGL−

n (R) ; en particulier, GLn(R) n’est pas connexe. Et GLn(R) étant la réunion disjointede GL+

n (R) et GL−n (R), il suffit d’établir la connexité par arcs de GL+

n (R) et GL−n (R) pour

obtenir 1).Soit donc M ∈ GL+

n (R). D’après le point (i) du lemme, il existe r ∈ N et T1, . . . , Tr des ma-trices de transvection telles que M = Dn(µ)T1 · · ·Tr, avec µ = detM > 0 car M ∈ GL+

n (R).Notons ∆ : [0, 1] → GL+

n (R) , t 7→ Dn[(1 − t)µ + t] ; c’est une application continue telle que∆(0) = Dn(µ) et ∆(1) = In. De plus, d’après (10.2), on dispose de Γ1, . . . , Γr des applicationscontinues de [0, 1] dans SLn(R) telles que, pour tout k ∈ [1, r], Γk(0) = Tk et Γk(1) = In. Parsuite :

Γ : [0, 1] → GL+n (R) , t 7→ ∆(t)Γ1(t) · · · Γr(t)

est une application continue telle que Γ(0) = M et Γ(1) = In, et la connexité par arcs deGL+

n (R) en résulte.Pour prouver la connexité de GL−

n (R), comme précédemment, on écrit M = Dn(µ)T1 · · ·Travec r ∈ N, T1, . . . , Tr des matrices de transvection et µ = detM < 0. On définit cettefois-ci ∆ : [0, 1] → GL−

n (R) , t 7→ Dn[(1 − t)µ − t], qui est une application continue telle que∆(0) = M et ∆(1) = diag(1, . . . , 1,−1). Définissant comme précédemment Γ1, . . . , Γr, onconstate que :

Γ : [0, 1] → GL−n (R) , t 7→ ∆(t)Γ1(t) · · · Γr(t)

est une application continue telle que Γ(0) = M et Γ(1) = diag(1, . . . , 1,−1), d’où la connexitépar arcs de GL−

n (R).

2) Montrons que GLn(C) est connexe par arcs. Soit M ∈ GLn(C) ; d’après le point (i) du lemme,on peut écrire M = Dn(µ)T1 · · ·Tr, avec r ∈ N, T1, . . . , Tr des matrices de transvection, etµ = detM ∈ C∗. D’après (10.2), on dispose de Γ1, . . . , Γr des applications continues de [0, 1]dans SLn(C) telles que, pour tout k ∈ [1, r], Γk(0) = Tk et Γk(1) = In. Écrivons sous forme ex-ponentielle µ = ρeiθ, et considérons γ : [0, 1] → C∗, t 7→ ρ1−tei(1−t)θ ; il s’agit d’une applicationcontinue, vérifiant γ(0) = µ et γ(1) = 1. Définissons alors ∆ : [0, 1] → GLn(C) , t 7→ Dn(γ(t)) ;il est clair que ∆ est une application continue telle que ∆(0) = Dn(µ) et ∆(1) = In. Par suite :

Γ : [0, 1] → GLn(C) , t 7→ ∆(t)Γ1(t) · · · Γr(t)

est une application continue telle que Γ(0) = M et Γ(1) = In. La connexité par arcs deGLn(C) en résulte.

3) Soit S ∈ SLn(K). D’après le point (ii) du lemme, on peut écrire S = T1 · · ·Tr, avec r ∈ N

et T1, . . . , Tr, des matrices de transvection. Compte tenu de (10.2), il existe Γ1, . . . , Γr desapplications continues de [0, 1] dans SLn(K) telles que, pour tout k ∈ [1, r], Γk(0) = Tk etΓk(1) = In. Ainsi :

Γ : [0, 1] → SLn(K) , t 7→ Γ1(t) · · · Γr(t)

est une application continue satisfaisant à Γ(0) = S, Γ(1) = In. On en déduit que SLn(K) estconnexe par arcs.

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DÉVELOPPEMENT no 11

Probabilité pour que deux entiers soient premiers entre eux

Conventions et notations

∗ Si ν désigne la mesure de comptage sur (N∗,P(N∗)), et si f : (N∗,P(N∗), ν) → (R,P(R)) estν-intégrable, on pose :

∑m∈N∗

f(m) =∫N∗ f dν.

∗ Pour m ∈ N∗, on note P∗m = P([1,m])r∅, et ∆m l’ensemble des entiers d ∈ N divisant m.

∗ On note µ : N∗ → Z la fonction de Möbius. Rappelons qu’elle peut être définie comme suit :on pose µ(1) = 1, µ(p1 · · · ps) = (−1)s si p1, . . . , ps désignent s nombres premiers distincts(s ∈ N∗), et µ(k) = 0 si k ∈ N∗ est divisible par le carré d’un nombre premier.

Énoncé

Théorème. Soit n ∈ N∗, puis posons An = (a, b) ∈ [1, n] | a ∧ b = 1 et rn = CardAn

n2 . On a

alors :

rn =1n2

n∑

d=1

µ(d) E(nd

)et lim

n→+∞rn =

(+∞∑

k=1

1k2

)−1

.

Remarque. Pour n fixé dans N∗, en notant P la mesure de probabilité uniforme sur l’espacemesurable ([1, n]2

,P([1, n]2)), on a rn = P(An). En outre, ce théorème nous dit que pour de

grandes valeurs de n, la probabilité de l’évènement An est proche de( +∞∑k=1

1k2

)−1

, qui vaut 6π2 .

Démonstration

1) On montre que rn = 1n2

n∑d=1

µ(d) E(nd

).

Notons p1, . . . , pk les k nombres premiers compris entre 1 et n (k ∈ N) puis, pour j ∈ [1, k],

33

Page 34: DÉVELOPPEMENTS POUR L’AGRÉGATION DE MATHÉMATIQUES · 3 Caractère C∞ des valeurs propres d’une matrice réelle 10 4 Lemme de Morse 13 5 Un lemme fondamental d’approximation

34 11. Probabilité pour que deux entiers soient premiers entre eux

Uj = (a, b) ∈ [1, n] | pj | a, b. Il est clair que An est le complémentaire dans [1, n]2 de laréunion des Uj, lorsque j parcourt [1, k]. Ainsi :

CardAn = Card [1, n]2 − Card

Çk⋃j=1

Uj

å= n2 − Card

Çk⋃j=1

Uj

å. (11.1)

Or, d’après la formule de Poincaré :

Card

Çk⋃j=1

Uj

å=

I∈P∗

k

(−1)1+Card I CardÅ⋂i∈I

Ui

ã. (11.2)

Soit I ∈ P∗k fixée. Dire que (a, b) appartient à l’intersection des Ui, pour i ∈ I, signifie que pi

divise a et b, pour tout i ∈ I. Or, les pi étant premiers, ceci revient à dire que le produit despi, pour i ∈ I, divise a et b. Par suite :

⋂i∈I

Ui =ßx ∈ [1, n]

∣∣∣ ∏i∈I

pi∣∣ x™2

.

Et comme x ∈ N est divisible par∏i∈I

pi si et seulement s’il existe l ∈ N tel que x = l∏i∈I

pi :

⋂i∈I

Ui =

x ∈ [1, n]

∣∣∣ x = l∏i∈I

pi, 1 6 l 6 E(

n∏i∈I

pi

)2

.

On en déduit ainsi que CardÅ⋂i∈I

Ui

ã= E

(n∏

i∈I

pi

)et donc, d’après (11.1) et (11.2), que :

CardAn = n2 −∑

I∈P∗

k

(−1)1+Card I E(

n∏i∈I

pi

)= n2 +

I∈P∗

k

(−1)Card I E(

n∏i∈I

pi

). (11.3)

Enfin, soient A = 1, B l’ensemble des éléments de [2, n] divisibles par le carré d’un nombrepremier, et C le complémentaire de A ∪B dans [1, n]. Alors A, B, C partitionnent [1, n], etpuisque :

– n2 = µ(1)E(n1

),

– µ(b) = 0 pour tout b ∈ B,

– c ∈ C si et seulement si c =∏i∈I

pi avec I ∈ P∗k , et que pour un tel c, µ(c) = (−1)Card I ,

il résulte de (11.3) :

CardAn =∑a∈A

µ(a)E(na

)+∑b∈B

µ(b)E(nb

)+∑c∈C

µ(c)E(nc

)=

n∑d=1

µ(d)E(nd

).

La formule relative à rn en découle.

2) Démonstration de deux lemmes préliminaires.

Pour démontrer que rn →( +∞∑k=1

1k2

)−1

lorsque n → +∞, nous aurons besoin des résultats

suivants :

Lemme 1. On a∑

d∈∆m

µ(d) =ß

1 si m = 10 si m > 2

.

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11. Probabilité pour que deux entiers soient premiers entre eux 35

Preuve. Si m = 1, le résultat est clair. Supposons donc m > 2 ; il existe d’uniques s ∈ N∗,

p1, . . . , ps nombres premiers deux à deux distincts et α1, . . . , αs ∈ N∗ tels que m =s∏i=1

pαi

i .

On a ∆m =ß

s∏i=1

pβi

i

∣∣∣ ∀ i ∈ [1, s], βi ∈ [0, αi]™

. Or, pour d =s∏i=1

pβi

i ∈ ∆m :

– µ(d) = 0 si l’un des βi, i ∈ [1, s], est au moins égal à 2,

– µ(d) = (−1)r si βi ∈ 0, 1 pour tout i ∈ [1, s], où r = Cardi ∈ [1, s] | βi = 1.

Et comme, pour r ∈ [1, s] fixé, il existe(sr

)diviseurs de n de la forme d =

s∏i=1

pβi

i , où βi ∈ 0, 1pour tout i ∈ [1, s], et Cardi ∈ [1, s] | βi = 1 = r, il vient :

∑d∈∆m

µ(d) =s∑r=0

(sr

)(−1)r1s−r = (−1 + 1)s = 0.

Lemme 2. Soit f : [1,+∞[ → R une fonction décroissante, positive et continue par mor-

ceaux. Pour m ∈ N∗, notons Um = f(1) + · · · + f(m) −∫m

1f(t) dt. Alors la suite (Um)m∈N∗

converge.

Preuve. Comme f est décroissante, pour tout k ∈ N∗, on a :

f(k + 1) 6

∫ k+1

k

f(t) dt 6 f(k).

Soit m ∈ N∗. Comme f est positive, on en déduit d’une part :

Um = f(m) +

m−1∑

k=1

Çf(k) −

∫ k+1

k

f(t) dt

å> f(m) > 0,

et d’autre part que :

Um+1 − Um = f(m + 1) −∫ m+1

1

f(t) dt +

∫ m

1

f(t) dt = f(m + 1) −∫ m+1

m

f(t) dt 6 0.

Ceci démontre que la suite (Um)m∈N∗ est décroissante, majorée par 0, donc convergente.

3) Montrons que limn→+∞

rn =( +∞∑k=1

1k2

)−1

.

• Montrons que limn→+∞

rn = limn→+∞

n∑d=1

µ(d)d2 .

Compte tenu de l’expression de rn, et du fait que E(nd

)∼ n

d lorsque n → +∞, il semblenaturel de s’intéresser à la quantité :

∣∣∣∣∣rn −n∑

d=1

µ(d)

d2

∣∣∣∣∣ =

∣∣∣∣∣n∑

d=1

µ(d)

n2EÄn

d

ä− µ(d)

d2

∣∣∣∣∣ =

∣∣∣∣∣n∑

d=1

µ(d)(

1

n2EÄn

d

ä− 1

d2

)∣∣∣∣∣. (11.4)

Par définition de la fonction partie entière, pour d ∈ [1, n], on a d’une part nd < E

(nd

)+ 1,

donc nd − 1 < E

(nd

), entrainant :

1

n2EÄn

d

ä− 1

d2>

1

n2

Ån2

d2− 2n

d+ 1

ã− 1

d2=

1

n2− 2

nd. (11.5)

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36 11. Probabilité pour que deux entiers soient premiers entre eux

D’autre part E(nd

)6 n

d , et donc :

1

n2EÄn

d

ä− 1

d26

1

n2· n2

d2− 1

d2= 0. (11.6)

Compte tenu de (11.5) et (11.6), il vient∣∣ 1n2 E

(nd

)− 1

d2

∣∣ 6∣∣ 1n2 − 2

nd

∣∣, donc d’après (11.4),comme |µ(d)| = 1, il suit :

∣∣∣∣∣rn −n∑

d=1

µ(d)

d2

∣∣∣∣∣ 6

n∑

d=1

∣∣∣ 1

n2− 2

nd

∣∣∣ 6

n∑

d=1

(1

n2+

2

nd

)=

1

n+

2

n

n∑

d=1

1

d. (11.7)

Or, d’après le lemme 2, comme t 7→ 1t est décroissante, positive et continue sur [1,+∞[,

la suite de terme général( n∑k=1

1k

)−∫ n

11t dt =

( n∑k=1

1k

)− lnn converge. Notant γ ∈ R sa

limite, on a ainsin∑k=1

1k = lnn+ γ + ε(n), où ε : N → R tend vers 0 lorsque n → +∞. De

(11.7), on déduit ainsi :∣∣∣∣∣rn −

n∑

d=1

µ(d)

d2

∣∣∣∣∣ 61

n+

2 ln n

n+

n+

2ε(n)

n−−−−−→n→+∞

0.

Donc limn→+∞

rn = limn→+∞

n∑d=1

µ(d)d2 .

• Tout revient donc à calculer montrer que la série∑ µ(d)

d2 converge, et à déterminer sasomme. Mais la convergence de cette série est claire, puisque |µ(d)| 6 1 pour tout d ∈ N∗

et que∑ 1

d2 converge, en conséquence de quoi∑ µ(d)

d2 converge absolument.

Les séries∑ µ(d)

d2 et∑ 1

n2 étant convergentes, on a :

Ç+∞∑

d=1

µ(d)

d2

åÇ+∞∑

n=1

1

n2

å=

(∑

d∈N∗

µ(d)

d2

)(∑

n∈N∗

1

n2

). (11.8)

L’application (N∗ × N∗,P(N∗ × N∗), ν ⊗ ν) → (R,B(R)), (d, n) 7→ µ(d)d2n2 étant intégrable

(d’après le théorème de Fubini-Tonelli), on a, d’après le théorème de Fubini :(∑

d∈N∗

µ(d)

d2

)(∑

n∈N∗

1

n2

)=

(d,n)∈(N∗)2

µ(d)

d2n2=

(d,n)∈(N∗)2

µ(d)

(dn)2. (11.9)

L’application N∗ × N∗ → N∗, (d, n) 7→ dn étant surjective, on voit que N∗ × N∗ est l’uniondisjointe des ensembles Ek = (d, n) ∈ N∗ × N∗ | k = nd =

(d, kd

)| d ∈ ∆k

, pour k

parcourant N∗. On obtient ainsi, en appliquant le théorème de Fubini puis le lemme 1 :

(d,n)∈(N∗)2

µ(d)

(dn)2=∑

k∈N∗

d∈∆k

µ(d)

k2=∑

k∈N∗

(1

k2

d∈∆k

µ(d)

)=

1

12· 1 + 0 = 1. (11.10)

Compte tenu de (11.8), (11.9) et (11.10), le résultat est établi.

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DÉVELOPPEMENT no 12

Irréductibilité des polynômes cyclotomiques

Conventions et notations

Étant donné un entier m ∈ N∗ :

∗ On note Um =e2ikπ/m | k ∈ [1,m]

; c’est un sous-groupe d’ordre m de (C∗, · ), qui corres-

pond à l’ensemble des racines du polynôme Xm − 1 de C[X ].

∗ Si x ∈ Um vérifie 〈x〉 = Um, on appelle x une racine primitive m-ième de l’unité. On note µml’ensemble des racines primitives m-ième de l’unité. Rappelons alors que :

µm =e2ikπ/m | k ∈ [1,m], k ∧m = 1

.

∗ On définit un élément de C[X ], appelé polynôme cyclotomique d’indice m, en posant :

Φm(X) =∑

ζ∈µm

(X − ζ).

∗ On note également ∆m l’ensemble des éléments de N qui divisent m, et ∆∗m = ∆mrm.

∗ Notons ϕ(m) le degré du polynôme Φm ; on obtient ainsi une fonction ϕ : N∗ → N∗, appeléefonction indicatrice d’Euler. Il est alors clair que ϕ(m) correspond au nombre d’entiers de[1,m] premiers avec m. On rappelle alors le résultat classique suivant :

m =∑

d∈∆m

ϕ(d).

∗ Si p ∈ Z est premier et a ∈ Z, on note a la classe de a dans Z/pZ. Étant donné un polynôme

Q =d∑k=0

akXk ∈ Z[X ], on pose alors Q =

d∑k=0

akXk ∈ (Z/pZ)[X ].

Résultats préliminaires

Proposition 1. Pour tout n ∈ N∗, on a Xn − 1 =∏

d∈∆n

Φd(X).

Preuve. Soit n ∈ N∗, et posons ω = e2iπ/n, Q(X) =∏

d∈∆n

Φd(X).

• Soient k ∈ [1, n] et d ∈ N∗ l’ordre de ωk dans Un. Par définition de l’ordre, on a (ωk)d = 1,donc ωk ∈ Ud. D’autre part, ωk étant d’ordre d dans Un, on a d | n d’après Lagrange, doncUd ⊂ Un. Par suite, ωk est encore d’ordre d dans Ud, donc ωk engendre Ud, et ωk ∈ µd.

37

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38 12. Irréductibilité des polynômes cyclotomiques

• Du point précédent, on déduit que pour tout k ∈ [1, n], X − ωk divise Φd(X), d désignantl’ordre de ωk dans Un. Les polynômes X − ωk, lorsque k parcourt [1, n], étant deux à deux

premiers entre eux, on en déduit que Xn − 1 =n∏k=1

(X − ωk) divise Q(X).

• Enfin, en remarquant que deg(Xn − 1) = n =∑d∈∆n

ϕ(d) = degQ(X), on déduit du point

précédent l’égalité souhaitée, puisque les polynômes Xn − 1 et Q(X) sont unitaires.

Proposition 2. Pour tout n ∈ N∗, on a Φn(X) ∈ Z[X ].

Preuve. On va raisonner par récurrence sur n ∈ N∗, le résultat étant clair lorsque n = 1,puisqu’alors Φ1(X) = X − 1. Supposons, pour n ∈ N∗ donné, le résultat établi aux rangsk ∈ [1, n]. Montrons donc que Φn+1 est à coefficient dans Z.

• Notons B =∏

d∈∆∗

n+1

Φd ; on a B ∈ Z[X ] en vertu de l’hypothèse de récurrence. Or :

Xn+1 − 1 =∏

d∈∆n+1

Φd(X) = B(X)Φn+1(X),

compte tenu de la proposition 1.

• B ∈ Z[X ] étant unitaire, on peut effectuer la division euclidienne de Xn+1 − 1 par B(X) dansZ[X ], d’où l’existence de Q,R ∈ Z[X ] uniques tels que :

Xn+1 − 1 = B(X)Q(X) +R(X) avec R = 0 ou degR < degB.

Par unicité de la division euclidienne dans C[X ], on déduit des deux égalités précédentes queR = 0, puis Φn+1 = Q ∈ Z[X ]. D’où l’hérédité, et donc le résultat pour tout n ∈ N∗.

Énoncé

Compte tenu de la proposition 2, on peut maintenant énoncer :

Théorème. Pour tout n ∈ N∗, Φn est irréductible dans Z[X ] et Q[X ].

Démonstration

Nous admettrons les deux lemmes suivants :

Lemme 3. (Lemme des contenus de Gauss)Si B ∈ Z[X ], on appelle contenu de B le pgcd des coefficients de B dans Z ; on le note c(B).Pour tous P,Q ∈ Z[X ], on a alors c(PQ) = c(P )c(Q).

Lemme 4. Soient A un anneau commutatif intègre, k son corps des fractions, et P ∈ A[X ]. On

suppose que degP > 1, et que c(P ) = 1. Alors si P est irréductible dans k[X ], P est irréductible

dans A[X ].

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12. Irréductibilité des polynômes cyclotomiques 39

On fixe n ∈ N∗. Par construction, Q étant le corps des fractions de Z, et Φn étant de degréau moins 1 et unitaire donc de contenu égal à 1, le lemme 4 permet de se limiter à l’étude del’irréductibilité de Φn dans Q[X ].Montrons donc que Φn est irréductible dans Q[X ]. Comme 0 6= Φn ∈ Z[X ] ⊂ Q[X ] avec Q[X ]euclidien donc factoriel, il existe s ∈ N∗ et G1, . . . , Gs polynômes irréductibles de Q[X ] tels queΦn = G1 · · ·Gs. On doit démontrer que s = 1.

1) On montre l’existence de F1, . . . , Fs ∈ Z[X ] unitaires et irréductibles dans Q[X ] tels que

Φn = F1 · · ·Fs.

• Soit j ∈ [1, s]. Écrivons Gj =dj∏k=0

pjk

qjkXk, et posons αj =

dj∏k=0

qjk. Alors αjGj ∈ Z[X ], et

αjGj est irréductible dans Q[X ].

• Avec ces notations, on a alors (α1 · · ·αs)Φn = (α1G1) · · · (αsGs). Or Φn ∈ Z[X ] est unitaire,donc c(Φn) = 1. On déduit ainsi du lemme 3 :

s∏j=1

αj = c(α1 · · ·αs)c(Φn) = c(α1 · · ·αsΦn) = c(α1G1 · · ·αsGs) =s∏j=1

c(αjGj).

• Pour j ∈ [1, s], on pose alors Fj = αj

c(αjGj)Gj . Alors Fj est un élément de Z[X ], irréductibledans Q[X ] car Gj l’est, et d’après le point précédent :

Φn =1

α1 · · ·αs

s∏

j=0

αjGj =1

c(α1G1) · · · c(αsGs)s∏

j=1

αjGj =s∏

j=1

αjGjc(αjGj)

=s∏

j=1

Fj .

• Il reste à voir que les Fj , j ∈ [1, s], sont unitaires. Pour j ∈ [1, s], notant cj le coefficientdominant de Fj , on voit que |cj | > 1 puisque Fj ∈ Z[X ]. Mais Φn = F1 · · ·Fs étantunitaire, on en déduit d’une part que cj = ±1 pour tout j ∈ [1, s], et d’autre part qu’ilexiste un nombre pair d’entiers k ∈ [1, s] tels que ck = −1. Pour tous ces entiers k, commeon ne change alors rien aux identités précédentes en remplaçant Fk par −Fk (qui est aussiirréductible dans Q[X ]), on peut supposer les Fj , j ∈ [1, s], unitaires.

2) On démontre deux lemmes utiles à la suite de la démonstration.

Lemme 5. Soient p ∈ N un nombre premier et F ∈ Z[X ]. Alors F (Xp) =[F (X)

]p.

Preuve. L’application Z/pZ → Z/pZ, x 7→ xp étant un morphisme de corps, et ayantxp = x pour tout x ∈ Z/pZ, en écrivant F (X) = a0 + · · · + adX

d, il vient :

F (xp) =d∑k=0

ak(Xp)k =d∑

k=0akp(Xk)p =

Åd∑k=0

akXk

ãp=[F (X)

]p.

Lemme 6. Soit p ∈ N un nombre premier. S’il existe P ∈ (Z/pZ)[X ] tel que P2 ∣∣ Φn , alors

P est constant.

Preuve. Soit P ∈ Z[X ] tel que P2 ∣∣ Φn . Comme Φn ∈ Z[X ], il existe Q ∈ Z[X ] tel que

Φn = P 2Q.

• D’après la proposition 1, on a Xn − 1 = ΦnR, en notant R =∏

d∈∆∗n

Φd. Ainsi :

Xn − 1 = ΦnR = P2QR = P

2S,

en notant S = QR ∈ Z[X ].

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40 12. Irréductibilité des polynômes cyclotomiques

• Dérivant cette identité, on obtient :

nXn−1 = 2P P ′ S + P2S′.

Il en résulte que, dans (Z/pZ)[X ], P divise Xn − 1 et nXn−1, donc a fortiori n(Xn − 1) etnXn. Par suite, P divise nXn − n(Xn − 1) = n dans (Z/pZ)[X ], et P est bien constant.

3) Pour p ∈ N premier avec p ∧ n = 1 et ξ ∈ C racine de F1, on montre que ξp est également

racine de F1.

Soient p ∈ N un nombre premier avec p ∧ n = 1 et ξ ∈ C racine de F1.

• Comme F1(ξ) = 0, on a Φn(ξ) = F1(ξ) · · ·Fs(ξ) = 0, soit ξ ∈ µn. Il existe donc k ∈ [1, n]avec k ∧ n = 1 tel que ξ = e2ikπ/n. Par ailleurs, comme p ∧ n = 1, on a kp ∧ n = 1.Notant r ∈ [1, n] le reste dans la division euclidienne de kp par n, il vient r ∧ n = 1 avecξp = e2irπ/n. D’où ξp ∈ µn, et donc 0 = Φn(ξp) = F1(ξp) · · ·Fs(ξp), entrainant l’existencede j ∈ [1, s] tel que Fj(ξp) = 0.

Supposons avoir Fj 6= F1.

• On montre que F1(X) | Fj(Xp) dans Q[X ].Comme F1 est irréductible dans Q[X ], cela revient à montrer que F1 et Fj(Xp) ne sontpas premiers entre eux dans Q[X ]. Or s’ils l’étaient, on disposerait de U, V ∈ Q[X ] tels queU(X)F1(X) + V (X)Fj(X) = 1. Mais comme F1(ξ) = Fj(ξp) = 0, ceci impliquerait 0 = 1 ;contradiction.

• On en déduit que F1(X) | Fj(Xp) dans Z[X ].Comme F1 ∈ Z[X ] est unitaire, on peut effectuer la division euclidienne de Fj(Xp) parF1(X). On a donc existence de Q,R ∈ Z[X ] tels que Fj(Xp) = F1(X)Q(X) +R(X), avecR = 0 ou degR < degF1. Par unicité de la division euclidienne dans Q[X ], on déduit dupoint précédent que R = 0, et donc F1(X) divise bien Fj(Xp) dans Z[X ].

• On montre enfin que F1 |Fjp dans (Z/pZ)[X ].D’après le point précédent, dans (Z/pZ)[X ], on a F1(X) |Fj(Xp) avec Fj(Xp) =

[Fj(X)

]pen vertu du lemme 5.

Soit maintenant P un facteur irréductible de F1 dans (Z/pZ)[X ]. Dans (Z/pZ)[X ], on a doncP |F1, et P |Fj

pcar F1 |Fj

pd’après le dernier point. P étant irréductible, cela entraîne P |Fj .

Comme F1 6= Fj et Φn = F1 · · ·Fs, il suit ainsi P2 | F1 Fj | Φn dans (Z/pZ)[X ]. Mais compte

tenu du lemme 6, ceci force P à être constant, ce qui contredit son irréductibilité. Par consé-quent, Fj = F1.

4) On conclut que Φn = F1.

• On montre que pour tout k ∈ N∗ avec k ∧ n = 1 et toute racine ξ ∈ C de F1, F1(ξk) = 0.

Soit k ∈ N∗ avec k ∧ n = 1. Si k = 1, il n’y a rien à démontrer. Supposons k > 2, etdécomposons k = p1 · · · pr en produit de nombre premiers. On montre par récurrence surle nombre r ∈ N∗ de facteurs premiers de k que, pour toute racine ξ de F1, F1(ξk) = 0.

– Si r = 1, le résultat est alors conséquence immédiate de l’étape 3).

– Supposons r ∈ N∗ donné, et que si k comporte r facteurs premiers dans sa décomposition,alors F1(ξk) = 0 pour toute racine ξ ∈ C de F1. Envisageons le cas où k = p1 · · · prpr+1

possède r + 1 facteurs premiers dans sa décomposition.Soit ξ ∈ C une racine de F1. Notons ζ = ξp1···pr , alors F1(ζ) = 0 d’après l’hypothèse derécurrence, et F1(ξk) = F1(ζpr+1 ) = 0 d’après le point 3). D’où l’hérédité, et le résultatannoncé.

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12. Irréductibilité des polynômes cyclotomiques 41

• Posons ξ = e2iπ/n ; ξ engendrant Un, c’est une racine de Φn. Comme Φn = F1 · · ·Fs, onpeut toujours, quitte à réordonner les Fj , j ∈ [1, s], supposer que ξ est racine de F1.D’après le point précédent, on a ξk racine de F1 dès que k ∈ N∗ vérifie k∧n = 1. En outre,tous les éléments de µn sont racines de F1, c’est-à-dire que toute racine de Φn est racinede F1. Et comme Φn et F1 sont unitaires, avec Φn à racines simples et F1 | Φn dans C[X ],il vient F1 = Φn. F1 étant irréductible, on a obtenu le résultat annoncé.

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DÉVELOPPEMENT no 13

Théorème de Wedderburn

Conventions et notations

Dans la suite, pour m ∈ N∗, on note ∆m l’ensemble des diviseurs de m, ∆∗m = ∆mrm, et µm

l’ensemble des racines primitives m-ième de l’unité. On rappelle que :

Φm(X) =∑

ζ∈µm

(X − ζ) ∈ C[X ]

est le polynôme cyclotomique d’indice m, et que (voir développement 12, propositions 1 et 2)que :

Xm − 1 =∑

d∈∆m

Φd(X) et Φm ∈ Z[X ].

Énoncé

Théorème. Tout corps fini est commutatif.

Démonstration

On démontre par récurrence sur m ∈ Nr0, 1 la propriété Pm : « Tout corps de cardinal m estcommutatif ». P2 étant clairement vraie, on suppose, étant donné un entier m ∈ Nr0, 1, lapropriété Pk vraie lorsque k 6 m, et on montre que Pm+1 est vraie.Soit donc (K,+, · ) un corps de cardinal m+1, et supposons que K ne soit pas commutatif. Dansla suite, nous noterons Z = x ∈ K | ∀ y ∈ K, xy = yx le centre de K ; nous supposons doncZ 6= K. Il est clair que Z est un sous-corps de K, commutatif par construction.

1) Comme K est un corps, (K∗, · ) est un groupe. On dispose ainsi d’une action de G = K∗ surlui-même par conjugaison intérieure, donc via :

K∗ × K∗ → K∗, (g, x) 7→ gxg−1.

Pour x ∈ K∗, on a alors :

O (x) = gxg−1 | g ∈ K∗ et Stab (x) = g ∈ K∗ | gx = xg.

42

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13. Théorème de Wedderburn 43

Remarquons alors que si x ∈ K∗, on a Card O (x) = 1 si et seulement si x ∈ Zr0. NotonsΘ un système de représentants des orbites non triviales de cette action. Comme Z 6= K, doncZr0 6= K∗, on a Θ 6= ∅. L’équation aux classes permet ainsi d’écrire :

CardK∗ = Card Z +

x∈Θ

Card O (x) = Card Z +∑

x∈Θ

|K∗||Stab (x)| ,

soit, en posant q = CardZ :

CardK∗ = q − 1 +

x∈Θ

|K∗||Stab (x)| . (13.1)

2) On va à présent tenter d’exprimer |K∗| et |Stab (x)|, pour x ∈ Θ, en fonction de q. Pour cela,on commence par démontrer le lemme préliminaire suivant :

Lemme. Soient k1 et k2 deux corps finis tels que k1 ⊂ k2, et k1 soit commutatif. Alors il

existe k ∈ N∗ tel que Cardk2 = (Cardk1)k.

Preuve. k1 étant un sous-corps commutatif de k2, le corps k2 hérite naturellement d’unestructure de k1-espace vectoriel via la loi externe k1 ×k2 → k2, (λ1, x2) 7→ λ1 ·x2 ( · désignantle produit usuel dans k2). k2 étant fini, le k1-espace vectoriel k2 est nécessairement engendrépar un nombre fini vecteurs, donc de dimension fini k ∈ N sur k1. En particulier, les ensemblesk2 et (k1)k sont en bijection. Et comme 0, 1 ⊂ k1 ⊂ k2, on a k 6= 0. D’où le résultat.

• Comme Z est un sous-corps commutatif de K, le lemme fournit l’existence de n ∈ N∗ telque CardK = (CardZ)n. Et comme Z 6= K, on a n > 2. Ainsi, |K∗| = qn − 1.

• Soit x ∈ Θ, et posons Kx = y ∈ K | yx = xy ; il est clair que c’est un sous-corps de K

contenant Z et tel que Stab (x) = Kx r0. Tout revient donc à calculer CardKx.

– Comme Z est un sous-corps commutatif du corps Kx, le lemme fournit l’existence dedx ∈ N∗ tel que CardKx = (CardZ)dx .

– Par ailleurs, comme x ∈ Θ, on a Card O (x) > 1, donc existence de g ∈ K tel quegx 6= xg. Ainsi, Kx ( K, et CardKx < CardK. D’après l’hypothèse de récurrence, Kxest donc commutatif. Le lemme s’applique donc et fournit kx ∈ N∗, avec kx > 1 puisqueCardKx < CardK, tel que CardK = (CardKx)kx .

D’après ce qui précède, on peut donc écrire qn = CardK = qkxdx , soit n = kxdx avecdx ∈ ∆∗

n puisque kx > 1. En somme, |Stab (x)| = qdx − 1 avec dx ∈ ∆∗n.

Compte tenu de ces observations, en notant λd, pour d ∈ ∆∗n fixé, le nombre d’éléments x ∈ Θ

pour lesquels |Stab (x)| = qd, la relation (13.1) se réécrit :

qn − 1 = q − 1 +∑

d∈∆∗n

λd · qn − 1

qd − 1. (13.2)

3) On montre maintenant que Φn(q) vérifie à la fois |Φn(q)| 6 q − 1 et |Φn(q)| > q − 1.

• Fixons d ∈ ∆∗n. En remarquant que ∆∗

n = ∆d ⊔ C, où C désigne l’ensemble des élémentsde ∆∗

n ne divisant pas d, on peut écrire, par propriété de Φn :

Xn − 1 =∏

δ∈∆n

Φδ(X) = Φn(X)Ä ∏

δ∈∆d

Φδ(X)äÄ ∏

c∈C

Φc(X)ä

= Φn(X)[Xd − 1]∏

c∈C

Φc(X).

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44 13. Théorème de Wedderburn

Comme les polynômes cyclotomiques sont à coefficients dans Z, la précédente relationmontre que Φn divise Xn−1

Xd−1 ∈ Z[X ]. Et puisque q ∈ N∗, on a Φn(q) divise qn−1qd−1 dans Z.

Enfin, comme Φn(X) divise Xn − 1 dans Z[X ], Φn(q) divise aussi qn − 1 dans Z. D’après(13.2), Φn(q) divise donc q − 1 dans Z, d’où |Φn(q)| 6 q − 1.

• D’autre part, comme 0, 1 ⊂ Z, on a q − 1 > 1. Et puisque la dimension n du Z-espacevectoriel K est au moins égale à 2, on a Φn(1) 6= 0 et donc, pour tout ζ ∈ µn, Re z < 1qui implique |q− ζ| > |q− 1| > 1. Et comme Φn(X) est précisément le produit des X − ζ,lorsque ζ parcourt µn, on en déduit que |Φn(q)| > |q − 1|.

C’est contradictoire. Par suite, l’hypothèse initialement formulée, à savoir que K était noncommutatif, était fausse. En outre, K est bien commutatif, et Pm+1 est bien vraie. Ceci achèvele raisonnement par récurrence, et donc la démonstration.

Complément

On peut montrer que si (K,+, · ) est un corps fini de cardinal m, et ainsi, commutatif et doncintègre, d’après ce qui précède, alors m est la puissance d’un nombre premier. Pour ce faire, onconsidère le morphisme d’anneaux :

ϕ : Z → K, k 7→ 1K.

Supposons kerϕ = 0 ; Z serait alors isomorphe à ϕ(Z), qui est lui-même un sous-anneau deK : c’est absurde puisque K est supposé fini. Par suite, kerϕ 6= 0, et il existe donc p ∈ N∗ telque kerϕ = pZ. Ainsi, ϕ(Z), qui est un sous-anneau de K, donc intègre, est isomorphe à Z/pZ,ce qui force l’entier p à être premier. Par suite, Z/pZ s’identifie à un sous-corps K de cardinal p,et compte tenu du lemme précédent, il existe donc k ∈ N∗ tel que m = CardK = pk.

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DÉVELOPPEMENT no 14

Décomposition de Dunford

Conventions et notations

Dans la suite, on fixe k un corps commutatif, et E un k-espace vectoriel de dimension finie n > 0.

Énoncé

Théorème. Soit φ ∈ End(E) un endomorphisme trigonalisable. Alors il existe d’uniques endo-

morphismes d, n ∈ End(E) tels que :

(i) d soit diagonalisable,

(ii) n soit nilpotent,

(iii) φ = d + n,

(iv) d n = n d.

De plus, d et n sont des polynômes en φ.

Démonstration

Commençons par rappeler l’énoncé du lemme des noyaux qui, tout comme sa preuve, resteraitvalable même si l’on ne supposait pas E de dimension finie :

Lemme 1. (Lemme des noyaux)Soient φ ∈ End(E), r ∈ Nr0, 1, P1, . . . , Pr ∈ k[X ] des polynômes deux à deux premiers entre

eux, et P = P1 · · ·Pr. Alors :

kerP [X := φ] =r⊕

k=1kerPk[X := φ].

De plus, notant K = kerP [X := φ] et, pour tout j ∈ [1, r], Kj = kerPj [X := φ], alors, pour

tout k ∈ [1, r], le projecteur :

pk : K =r⊕j=1

Kj → Kk, x =r∑j=1

xj 7→ xk

est un polynôme en φ|K .

45

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46 14. Décomposition de Dunford

Preuve. Conservons les notations de K, K1, . . . ,Kr introduites dans l’énoncé.

1) Commençons par montrer que K = K1 ⊕ · · · ⊕ Kr. Pour ce faire, nous allons raisonner parrécurrence sur r.• Envisageons le cas où r = 2. On doit démontrer que K1 ∩ K2 = 0E, et K1 + K2 = K.

Tout d’abord, remarquons que les polynômes P1 et P2 étant premiers entre eux, il existe,d’après le théorème de Bézout, U1, U2 ∈ k[X ] tels que 1 = U1P1 + U2P2. Par suite :

idE = (U1P1)[X := φ] + (U2P2)[X := φ]. (14.1)

– Soit x ∈ K1 ∩ K2, alors P1[X := φ] · x = P2[X := φ] · x = 0E. Compte tenu de (14.1),on a donc :

x = (U1P1)[X := φ] · x+ (U2P2)[X := φ] · x= U1[X := φ] P1[X := φ] · x+ U2[X := φ] P2[X := φ] · x = 0E + 0E = 0E .

Et réciproquement, comme il est clair que 0E ⊂ K1 ∩K2, on a bien K1 ∩K2 = 0E.

– Soit x ∈ K, alors 0E = P [X := φ] = (P1P2)[X := φ]. D’après (14.1), on a toujoursx = (U1P1)[X := φ] · x+ (U2P2)[X := φ] · x. Posons alors :

x1 = (U2P2)[X := φ] · x ; x2 = (U1P1)[X := φ] · x.

L’algèbre k[φ] étant commutative, on a alors :

P1[X := φ] · x1 = (P1U2P2)[X := φ] · x= (U2P1P2)[X := φ] · x = U2[X := φ] (P1P2)[X := φ] · x = 0E .

Ceci démontre que x1 ∈ K1. On voit de la même façon que P2[X := φ] · x2 = 0E,c’est-à-dire que x2 ∈ K2. On a ainsi x = x1 + x2 ∈ K1 +K2, et donc K ⊂ K1 +K2.Réciproquement, comme P1 et P2 divisent P , il est clair que K1,K2 ⊂ K, et donc queK1 +K2 ⊂ K. D’où K = K1 +K2.

• Supposons maintenant le résultat acquis à un rang r ∈ Nr0, 1, et montrons qu’il sevérifie encore au rang r+ 1. Les polynômes P1, . . . , Pr+1 étant deux à deux premiers entreeux, on a a fortiori, notant Q1 = P1 · · ·Pr, Q2 = Pr+1, Q1 et Q2 premiers entre eux.D’après le cas r = 2, on a ainsi :

K = kerQ1[X := φ] ⊕ kerQ2[X := φ].

Mais d’après l’hypothèse de récurrence, on a également :

kerQ1[X := φ] = kerP1[X := φ] ⊕ · · · ⊕ kerPr[X := φ],

d’où finalement, avec les notations de l’énoncé, K = K1 ⊕ · · · ⊕Kr ⊕Kr+1. Ceci achève leraisonnement par récurrence, et donc la première partie de la preuve.

2) Reste à montrer que les projecteurs p1, . . . , pr sont des polynômes en φ. Pour k ∈ [1, r],posons Qk = P1 · · ·Pk−1Pk+1 · · ·Pr ∈ k[X ].• On commence par montrer que Q1, . . . , Qr sont premiers entre eux dans leur ensemble,

c’est-à-dire que 1 ∈ k[X ] est un pgcd de la famille (Q1, . . . , Qr). Comme k[X ] est factoriel, ilsuffit de montrer qu’il n’existe pas de polynôme irréductible Q ∈ k[X ] divisant Q1, . . . , Qr.Supposons a contrario disposer d’un tel polynôme Q ∈ k[X ]. On a Q | Q1 = P2 · · ·Pr,donc par irréductibilité de Q, existence de s ∈ [2, r] tel que Q | Ps. Mais on a aussi Q | Qs,donc de la même façon, existence de t ∈ [1, r]rs tel que Q | Pt. C’est contradictoire,puisque par hypothèse, Ps et Pt sont premiers entre eux.

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14. Décomposition de Dunford 47

• Compte tenu du point précédent, il existe, d’après le théorème de Bézout, V1, . . . , Vr ∈ k[X ]tels que 1 = V1Q1 + · · · + VrQr. En particulier, on a donc :

idK = (V1Q1)[X := φ|K ] + · · · + (VrQr)[X := φ|K ]. (14.2)

Soit x ∈ K. Comme K = K1 ⊕ · · · ⊕Kr, il existe d’uniques x1 ∈ K1, . . . , xr ∈ Kr tels quex = x1 + · · · + xr et où, par définition de p1, . . . , pr, on a xk = pk(x) pour tout k ∈ [1, r].Or, d’après (14.2), on a également :

x = (V1Q1)[X := φ|K ] · x+ · · · + (VrQr)[X := φ|K ] · x. (14.3)

Soit k ∈ [1, r]. Par commutativité de l’algèbre k[φ|K ], puis comme x ∈ K = kerP [X := φ],on a :

Pk[X := φ|K ] (VkQk)[X := φ|K ] · x = (PkVkQk)[X := φ|K ] · x= (VkPkQk)[X := φ|K ] · x= (VkP )[X := φ|K ] · x= Vk[X := φ|K ] P [X := φ|K ] · x = 0E.

Ceci démontre que (VkQk)[X := φ|K ] · x ∈ Kk, pour tout k ∈ [1, r]. Compte tenu de(14.3), on a ainsi établi, pour tout k ∈ [1, r], pk(x) = (VkQk)[X := φ|K ] · x. L’arbitrairesur x ∈ K permet de conclure que pk = (VkQk)[X := φ|K ], pour tout k ∈ [1, r].

Notons que, de la démonstration précédente, on peut extraire le lemme arithmétique suivant :

Lemme 2. Soient P1, . . . , Pr, r ∈ Nr0, 1, des polynômes deux à deux premiers entre eux.

Alors les polynômes :

Qk = P1 · · ·Pk−1Pk+1 · · ·Pr ∈ k[X ], k ∈ [1, r],

sont premiers entre eux dans leur ensemble.

Entamons à présent la démonstration du théorème de Dunford. Notons λ1, . . . , λr ∈ k, r ∈ [1, n],les valeurs propres de l’endomorphisme trigonalisable φ, et m1, . . . ,mr ∈ N∗ leurs multiplicitésalgébriques (i.e. multiplicités en tant que racines de χφ) respectives. Comme φ est trigonalisable,on a donc :

χφ(X) =r∏j=1

(X − λj)mj .

Notons, pour j ∈ [1, r], E′j = ker[(φ− λj)mj ]. Compte tenu du théorème de Cayley-Hamilton et

du lemme 1, on a alors :

E =r⊕j=1

E′j .

On peut ainsi considérer, pour k ∈ [1, r], le projecteurs spectral :

pk : E =r⊕j=1

E′j → E′

k, x =r∑j=1

xj 7→ xk.

1) Commençons par démontrer l’existence des endomorphismes d et n recherchés. Si B est unebase de trigonalisation φ, on observe facilement que :

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48 14. Décomposition de Dunford

matB (φ) = matB

År∑

k=1λkpk

ã+ matB

Åφ−

r∑k=1

λkpk

ã,

ce qui nous incite à définir :

d =r∑

k=1λkpk et n = φ− d.

Il est alors clair que φ = d + n, et que d est diagonalisable, puisque sa matrice dans B estdiagonale. D’après le lemme des noyaux, nous savons que les projecteurs p1, . . . , pr sont despolynômes en φ. En tant que combinaison linéaire de ces projecteurs, d est bien un polynômeen φ, et a fortiori, n = φ − d en est également un. L’algèbre k[φ] étant commutative, on adonc bien d n = n d.Il reste donc à voir que n est bien nilpotent. Soit k ∈ [1, r]. Comme φ stabilise E′

k, et quepk |E′

k= λk idE′

k, alors n|E′

k= φ|E′

k− λk idE′

kest un endomorphisme de E′

k. Or par définitionde E′

k, on a nmk

|E′

k

= (φ|E′

k− λk idEk

)mk = 0 ∈ End(E′k). Par suite, ayant E = E′

1 ⊕ · · · ⊕ E′r,

en posant m = maxm1, . . . ,mr, on obtient nm = 0 ∈ End(E). D’où la nilpotence de n.On a donc bien exhiber deux endomorphismes d, n ∈ End(E), polynômes en φ, satisfaisantaux conditions (i) à (iv) du théorème.

2) Il reste à vérifier que d et n sont les seuls endomorphismes de E à vérifier les conditions (i)à (iv) du théorème. Posons donc d1 = d, n1 = n, et supposons disposer de d2, n2 ∈ End(E)vérifiant les conditions (i) à (iv) du théorème.

• On montre que d1 d2 = d2 d1, et que d1 − d2 est diagonalisable.

Comme E = E′1 ⊕· · ·⊕E′

r, il suffit de montrer que d1 |E′

kd2 |E′

k= d2 |E′

kd1 |E′

k, pour tout

k ∈ [1, r]. Mais ceci est clair, puisque pour k ∈ [1, r], on a d1 |E′

k= λk idE′

k. d1 et d2 sont

donc deux endomorphismes diagonalisables de E qui commutent entre eux. Il existe doncB base de E telle que matB (d1) et matB (d2) soient diagonales. A fortiori, matB (d1 − d2)est aussi diagonale, et donc d1 − d2 ∈ End(E) est bien diagonalisable.

• On montre que n1 et n2 commutent, et que n2 − n1 est nilpotent.

Si j ∈ 1, 2, on a nj = φ− dj . Comme d1 est un polynôme en φ, il commute à φ. D’aprèsle point précédent, on sait aussi que d1 et d2 commutent. Enfin, comme φ = d2 + n2 avecd2 et n2 qui commutent par hypothèse, φ et d2 commutent également. On déduit ainsi deces observations que n1 n2 = n2 n1.Notons ν1, ν2 les indices de nilpotence de n1, n2. Comme n1 et n2 commutent, on a :

(n2 − n1)ν1+ν2 =ν1+ν2∑

k=0

Çν1 + ν2

k

å(−1)ν1+ν2−knk1 nν1+ν2−k

2 = 0 ∈ End(E) ,

puisque si k > ν1, nk1 = 0, et si k < ν1, alors ν1 + ν2 − k > ν2, et donc nν1+ν2−k2 = 0.

• On en déduit que d1 = d2 et n1 = n2.

D’après le premier point, d1−d2 est un endomorphisme diagonalisable. Mais par hypothèse,on a d1 + n1 = φ = d2 + n2, donc d1 − d2 = n2 − n1, dont déduit la nilpotence ded1 − d2 d’après le second point. Étant diagonalisable, cet endomorphisme nilpotent estnécessairement nul, d’où d1 − d2 = n2 − n1 = 0 ∈ End(E), soit d1 = d2 et n1 = n2.

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DÉVELOPPEMENT no 15

Nombre d’endomorphismes diagonalisablesà valeurs propres fixées sur un corps fini

Conventions et notations

Dans la suite, Fq désignera un corps fini à q éléments. Rappelons qu’un tel corps est nécessaire-ment commutatif (théorème de Wedderburn ; développement 13). En outre, et même si ceci nenous sera d’aucune utilité dans ce qui vient, on peut affirmer que p est la puissance d’un nombrepremier (voir le complément au développement 13).Désignons donc par E un Fq-espace vectoriel de dimension finie n > 0.

Énoncé

Théorème. Soient k ∈ [1, q], et ξ1, . . . , ξk des éléments deux à deux distincts de Fq. Notons Dl’ensemble des endomorphismes diagonalisables de E à valeurs propres dans ξ1, . . . , ξk, et Nl’ensemble des k-uplets (n1, . . . , nk) de Nk vérifiant n1 + · · · + nk = n. Alors :

Card D =∑

(n1,...,nk)∈N

|GL(Fnq)

||GL(Fn1

q ) | · · · |GL(Fnkq ) | .

Démonstration

Pour établir ce théorème, nous allons procéder en trois étapes.

1) Commençons par donner une condition nécessaire et suffisante d’appartenance à D en termesde polynômes annulateurs.

Lemme. Un endomorphisme φ ∈ End(E) appartient à D si et seulement s’il est annulé par

le polynôme :

P (X) =k∏j=1

(X − ξj) ∈ Fq[X ].

Preuve. Supposons φ ∈ D. D’une part, φ est diagonalisable, donc son polynôme minimalµφ est scindé à racines simples sur Fq. D’autre part, comme Spec φ ⊂ ξ1, . . . , ξk, et que les

49

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50 15. Nombre d’endomorphismes diagonalisables à valeurs propres fixées sur un corps fini

racines de µφ sont précisément les valeurs propres de φ, on voit que µφ est à racines dansξ1, . . . , ξk. Par suite, µφ est un diviseur de P , et donc P annule bien φ.Réciproquement, P étant scindé à racines simples sur Fq, de racines ξ1, . . . , ξk, il est clair quetout endomorphisme de E annulé par P est diagonalisable à valeurs propres dans ξ1, . . . , ξk,c’est-à-dire un élément de D.

2) Notons Ek l’ensemble des k-uplets (E1, . . . , Ek) où E1, . . . , Ek désignent des sous-espaces deE tels que E = E1 ⊕ · · · ⊕Ek. On montre que D et Ek sont en bijection.

• Conservons les notations du lemme. Compte tenu de ce dernier, on a :

D = φ ∈ End(E) | P [X := φ] = 0 ∈ End(E).

Soit donc φ ∈ D, et notons, pour j ∈ [1, k], Pj(X) = X − ξj . Les ξ1, . . . , ξk étant deuxà deux distincts dans Fq, les polynômes P1, . . . , Pk sont deux à deux premiers entre euxdans Fq[X ]. Comme P = P1 · · ·Pk annule φ, il résulte alors du lemme des noyaux (voir lelemme 1 du développement 14) :

E =k⊕j=1

kerPj [X := φ].

• Il est donc possible de définir :

f : D → Ek, φ 7→ (kerPj [X := φ])j∈[1,k].

– L’application f est injective. En effet, soient φ, ψ ∈ D tels que f(φ) = f(ψ). Pour toutj ∈ [1, k], on a kerPj [X := φ] = kerPj [X := ψ], donc φ| kerPj [X:=φ] = ψ| kerPj [X:=φ].Comme E = kerP1[X := φ] ⊕ · · · ⊕ kerPk[X := φ], il vient φ = ψ sur E tout entier.

– L’application f est surjective. En effet, soit (E1, . . . , Ek) ∈ Ek. Comme E = E1⊕· · ·⊕Ek,on définit entièrement un élément φ ∈ End(E) en convenant que φ|Ej

= ξj idEj, pour

tout j ∈ [1, k]. Il est alors clair que Ej = kerPj [X := φ] pour tout j ∈ [1, k], donc queφ est un élément de D tel que f(φ) = (E1, . . . , Ek).

D’où la bijection annoncée entre D et Ek.

3) Compte tenu du point 2), tout revient à déterminer le cardinal de l’ensemble Ek. Notons, pourN = (n1, . . . , nk) ∈ N , ZN = (E1, . . . , Ek) ∈ Ek | ∀ j ∈ [1, k], dimEj = nj. Il est alors clairque la famille (ZN )N∈N est une partition de Ek. Par suite :

Card Ek =∑

N∈NCardZN . (15.1)

Soit donc N = (n1, . . . , nk) ∈ N fixé ; tout revient à déterminer CardZN . On dispose d’uneaction de GL(E) sur ZN , via :

GL(E) × ZN → ZN , (g, (Ej)j∈[1,k]) 7→ (g(Ej))j∈[1,k].

• Cette action est transitive. En effet, étant donnés (Ej)j∈[1,k], (E′j)j∈[1,k] ∈ ZN et, pour

tout j ∈ [1, k], des bases (ei,j)i∈[1,nj], (e′i,j)i∈[1,nk] respectives de Ej , E′

j , l’applicationg ∈ End(E) définie, pour tout j ∈ [1, k] et tout i ∈ [1, nj], par g : ei,j 7→ e′

i,j , est unautomorphisme de E tel que g((Ej)j∈[1,k]) = (E′

j)j∈[1,k].

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15. Nombre d’endomorphismes diagonalisables à valeurs propres fixées sur un corps fini 51

• Soit (Ej)j∈[1,k] ∈ ZN , on a alors :

Stab((Ej)j∈[1,k]

)= φ ∈ GL(E) | ∀ j ∈ [1, k], φ(Ej) = Ej= φ ∈ GL(E) | ∀ j ∈ [1, k], φ|Ej

∈ GL(Ej).

Comme E = E1 ⊕ · · · ⊕ Ek, on en déduit que Stab((Ej)j∈[1,k]

)est en bijection avec le

produit GL(E1) × · · · × GL(Ek). Et puisque, pour F un Fq-espace vectoriel de dimensionm, on a F ∼= Fmp , donc GL(F ) ∼= GL

(Fmq), il vient :

CardZN =|GL

(Fnq)

||GL(Fn1

q ) | · · · |GL(Fnkq ) | . (15.2)

Compte tenu de (15.1) et (15.2), on a obtenu le résultat.

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DÉVELOPPEMENT no 16

Sur la simplicité du groupe alterné

Conventions et notations

Dans la suite, on fixe n un entier strictement positif. Si τ, σ ∈ Sn, on notera τ · σ pour τστ−1.En particulier, si Λ ⊂ Sn et σ ∈ Sn, on désignera par Λ · σ l’ensemble τ · σ | τ ∈ Λ.

Énoncé

Théorème. Le groupe alterné An est simple si et seulement si n /∈ 1, 2, 4.

Démonstration

Commençons par traiter les cas n 6 3. Si n ∈ 1, 2, alors An est réduit à id, donc nonsimple par définition d’un groupe simple. |A3| = 3, donc d’après le théorème de Lagrange, lessous-groupes de A3 sont nécessairement id ou A3.Pour traiter les cas n > 4, il nous faut commencer par remarquer les faits suivants :

Lemme. 1) On suppose n > 3. Si ρ = (a b c) ∈ An est un 3-cycle, alors An · ρ ∪ An · ρ2 est

précisément l’ensemble des 3-cycles de An.

2) On suppose n > 4. Si ρ = (a b)(c d) ∈ An est une bi-transposition, alors An ·ρ est précisément

l’ensemble des bi-transpositions de An.

3) On suppose n > 5. Si ρ = (a b c d e) ∈ An est un 5-cycle, alors An · ρ ∪ An · ρ2 est précisément

l’ensemble des 5-cycles de An.

Preuve. Avant d’entamer la preuve de ces trois assertions, observons que :

• Si p ∈ [1, n] et a1, . . . , ap ∈ [1, n] sont deux à deux distincts, σ(a1 · · · ap)σ−1 | σ ∈ Sn estprécisément l’ensemble des p-cycles de Sn.

• Si τ ∈ SnrAn, alors στ | σ ∈ An = SnrAn.

1) En remarquant que ρ2 = (a c b) = τ · ρ, où τ = (b c) ∈ SnrAn, on s’aperçoit que :

An · ρ ∪ An · ρ2 = An · ρ ∪ (SnrAn) · ρ = Sn · ρ,

dont on déduit bien que An · ρ ∪ An · ρ2 est l’ensemble des 3-cycles de An.

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16. Sur la simplicité du groupe alterné 53

2) Si σ ∈ An, σρσ−1 = σ(ab)σ−1σ(cd)σ−1 = (σ(a)σ(b))(σ(c)σ(d)) est bien une bi-transpositionde An. Inversement, soient a′, b′, c′, d′ ∈ [1, n] distincts deux à deux. Notons c1, . . . , cn−4

(resp. c′1, . . . , c

′n−4) les éléments de [1, n]ra, b, c, d (resp. [1, n]ra′, b′, c′, d′) rangés par

ordre croissant. Soit σ ∈ Sn la permutation a 7→ a′, b 7→ b′, c 7→ c′, d 7→ d′, et ck 7→ c′k pour

k ∈ [1, n− 4]. Si σ ∈ An, on a :

σ · ρ = σ(a b)σ−1σ(c d)σ−1 = (σ(a) σ(b))(σ(c) σ(d)) = (a′ b′)(c′ d′),

et (a′ b′)(c′ d′) ∈ An · ρ. Sinon, γ = σ(a b) ∈ An, et :

γ ·ρ = σ(ab)(ab)(cd)(ab)−1σ−1 = σ(cd)(ab)σ−1 = (σ(c)σ(d))(σ(a)σ(b)) = (c′ d′)(a′ b′),

soit γ · ρ = (a′ b′)(c′ d′) ∈ An puisque deux cycles à supports disjoints commutent. Dans tousles cas, (a′ b′)(c′ d′) ∈ An · ρ, d’où la validité de 2).

3) En remarquant que ρ2 = (a c e b d) = τ · ρ, où τ = (b c e d) ∈ Sn rAn, on obtient :

An · ρ ∪ An · ρ2 = An · ρ ∪ (SnrAn) · ρ = Sn · ρ,

et donc An · ρ ∪ An · ρ2 est bien l’ensemble des 5-cycles de An.

Poursuivons la démonstration du théorème en traitant les cas où n > 4.

• Cas où n = 4.

Remarquons que l’ensemble H = id, (1 2)(3 4), (1 3)(2 4), (1 4)(2 3) est un sous-groupe deA4, qui est distingué compte tenu du point 2) du lemme. Comme |H | = 4, et que |A4| = 12,on a établi la non-simplicité de A4.

• Cas où n = 5.

Le groupe A5, d’ordre 60 = 22 · 3 · 5, est composé de l’identité id, 15 bi-transpositions, 203-cycles, et 24 5-cycles. Soit H 6= A5 un sous-groupe distingué de A5 ; on va montrer queH = id. Compte tenu du théorème de Lagrange, on observe tout d’abord que :

|H | ∈ 1, 2, 3, 4 = 22, 5, 6 = 2 · 3, 10 = 2 · 5, 12 = 22 · 3, 15 = 3 · 5, 20 = 22 · 5, 30 = 2 · 3 · 5.

– Supposons que H contienne un 3-cycle ρ. Comme H < A5, on a ρ2 ∈ H , et comme H estdistingué dans A5, il vient A5 · ρ ∪ A5 · ρ2 ⊂ H . D’après le point 1) du lemme, ceci prouveque H contient tous les 3-cycles de A5, et comme A5 est engendré par les 3-cycles, on auraitH = A5, ce qui est exclu. Ainsi, H ne contient pas de 3-cycle.

– Supposons que H contienne un 5-cycle ρ. Comme H ⊳ A5, on a là aussi A5 ·ρ ∪ A5 ·ρ2 ⊂ H .D’après le point 3) du lemme, ceci prouve que H contient tous les 5-cycles de A5, qui sont aunombre de 24. Par suite, |H | > 30. Ainsi, H contient nécessairement une bi-transpositionsou un 3-cycle. Mais d’après le point précédent, H ne peut contenir que des bi-transpositions.Or, si H contient une bi-transposition, il les contiendra toutes d’après le point 2) du lemme.On aura donc |H | = 24 + 15 = 39, qui ne divise pas 60, ce qui est impossible compte tenudu théorème de Lagrange. Par suite, H ne contient pas de 5-cycle.

– Compte tenu des deux points précédents, on constate que Hrid est contenu dans l’en-semble des bi-transpositions de A5. Mais si on avait H 6= id, H contiendrait une bi-transposition de A5, et donc toutes les bi-transpositions de A5 en vertu du point 2) dulemme. Par suite, H serait d’ordre 15 + 1 = 16, qui ne divise pas 60. . . Au final, on anécessairement H = id, ce qui démontre la simplicité de A5.

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54 16. Sur la simplicité du groupe alterné

• Cas où n > 5.

Pour établir la simplicité de An, nous allons exploiter le fait que A5 soit simple. Soit H 6= idun sous-groupe distingué de An, et montrons que H = An. An étant engendré par les 3-cycleset H un sous-groupe distingué de An, il suffit, compte tenu du point 1) du lemme, de montrerque An contient un 3-cycle pour conclure que H = An. Fixons σ ∈ H rid.

– Comme σ 6= id, il existe a ∈ [1, n] tel que σ(a) 6= a ; fixons un tel a. Posons b = σ(a), etfixons c ∈ [1, n]ra, b, σ(b). Définissons τ = (a c b) de façon à avoir τ−1 = τ2 = (a b c), et :

ρ = τστ−1σ−1.

– Comme σ ∈ H , donc σ−1 ∈ H , et H ⊳ An, on a ρ = (τστ−1)σ−1 ∈ H . Par ailleurs,en écrivant ρ = τ(στ−1σ−1), on s’aperçoit que ρ = (a c b)(σ(a) σ(b) σ(c)). Ainsi, ρ estun élément de An qui envoie l’ensemble F = a, b, c, σ(b), σ(c) sur lui-même, et fixe leséléments de [1, n]rF . De plus, ayant c 6= σ(b), on remarque que ρ|F 6= id|F .

– On a CardF ∈ [1, 5]. Quitte à rajouter des éléments à F , on peut supposer CardF = 5 ;on aura toujours ρ(F ) ⊂ F et ρ|F 6= id|F . Notons A(F ) l’ensemble des permutations pairesde F , et définissons :

φ : A(F ) → An, u 7→ u,

où l’on a désigné par u l’élément de An défini par u(x) = u(x) si x ∈ F , et u(x) = x six ∈ [1, n] rF .

– Il est clair que φ est un morphisme de groupes, et comme H ⊳ An, on a φ−1(H) ⊳ A(F ).Comme CardF = 5, le groupe A(F ) est naturellement isomorphe au groupe A5. De plus,A5 étant simple, il en va de même pour A(F ), et donc φ−1(H) = id ou φ−1(H) = A(F ).Or, par définition de ρ, on a ρ ∈ φ−1(F ), et de ρ|F 6= id|F , on déduit ainsi φ−1(F ) = A(F ).Par suite, φ(A(F )) ⊂ H .

Soit donc γ un 3-cycle de A(F ). Alors φ(γ) ∈ H , et par construction même de φ, φ(γ) est un3-cycle de An. H contient bien un 3-cycle de An : c’est ce que l’on souhaitait démontrer.

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DÉVELOPPEMENT no 17

Représentations irréductibles d’un groupe abélien

Conventions et notations

Dans la suite, les représentations linéaires que nous considérerons seront toutes C-linéaires. Onrappelle que si (V, ρ) est une représentation C-linéaire d’un groupe (G, · ) :

∗ On appelle sous-représentation de (V, ρ) tout couple (W,ρW ), oùW est un sous-espace vectorielde V stable par la famille d’automorphismes (ρ(g))g∈G, et ρW : W → GL(W ) , g 7→ ρ(g)|W .

∗ (V, ρ) est dite irréductible si V 6= 0V , et si ses seules sous-représentations sont (V, ρ) et(0V , ρ0V ).

∗ On appelle morphisme de représentations de G, ou G-morphisme, la donnée d’une applicationϕ : V1 → V2 C-linéaire, où (V1, ρ1) et (V2, ρ2) sont des représentations de G, telle que pour tousg ∈ G et v1 ∈ V1, on ait ρ2[ϕ(v1)] = ϕ[ρ1(g) · v1]. De plus, l’ensemble des G-morphismes de V1

dans V2 est un C-espace vectoriel. Dans le cas où ϕ est bijective, on dit que les représentations(V1, ρ1) et (V2, ρ2) sont isomorphes.

Énoncé

Théorème. Soit (G, · ) un groupe abélien.

(i) Les représentations irréductibles de G sont toutes de degré 1.

(ii) Soit n ∈ N∗, et pour k ∈ Z, notons k la classe de k dans Z/nZ. Si (G, · ) = (Z/nZ,+),l’ensemble des représentations irréductibles de G est décrit par les (C, ρj), pour j ∈ [1, n],où :

ρj : G → C, k 7→ e2ijkπ/n.

Démonstration

(i) La démonstration que nous proposerons de ce premier point nécessite la connaissance d’uneversion affaiblie du lemme de Schur. Avant d’énoncer ce résultat, commençons par noterle fait suivant :

Lemme 1. Soient (G, · ) un groupe, (V1, ρ1), (V2, ρ2) deux représentations de G, et ϕ :V1 → V2 un G-morphisme. Alors (kerϕ, (ρ1)kerϕ) est une sous-représentation de (V1, ρ1).

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56 17. Représentations irréductibles d’un groupe abélien

Preuve. On doit prouver que pour tous g ∈ G et v1 ∈ kerϕ, ρ1(g) · v1 ∈ kerϕ ; soientdonc g ∈ G et v1 ∈ kerϕ. Comme v1 ∈ kerϕ, on a ϕ(v1) = 0V2 . Mais comme ϕ unmorphisme de représentations, on a :

ϕ[ρ1(g) · v1] = ρ2(g)[ϕ(v1)] = ρ2(g) · 0V2 = 0V2 ,

ce qui démontre bien que ρ1(g) · v1 ∈ kerϕ.

Nous pouvons maintenant établir :

Lemme 2. (Schur)Soient (G, · ) un groupe, (V, ρ) une représentation irréductible de G, et ϕ : V → V un

G-morphisme. Alors ϕ est une homothétie.

Preuve. Comme nous travaillons sur le corps de base C, qui est algébriquement clos,nous pouvons nous donner λ ∈ C une valeur propre de ϕ. L’application idV : V → Vétant clairement, tout comme ϕ, un G-morphisme, il en va de même pour l’applicationψ = ϕ− λ idV . D’après le lemme 1, (kerψ, ρkerψ) est une sous-représentation de (V, ρ).Maintenant, dire λ est valeur propre de ϕ signifie précisément que kerψ 6= 0V . Parirréductibilité de (V, ρ), on en déduit que kerψ = V , à savoir ϕ = λ idV .

Voyons maintenant comment exploiter ce résultat pour prouver notre théorème. Soient(G, · ) un groupe abélien, et (V, ρ) une représentation irréductible de G.

• On montre que tout élément de G induit un G-morphisme. Soit g ∈ G, et montrons queϕ = ρ(g) : V → V est un G-morphisme. Soient donc h ∈ G et v ∈ V . G étant abélien,on a :

ρ(h)[ρ(g) · v] = ρ(gh) · v = ρ(hg) · v = ρ(h)[ρ(g) · v].

Par suite, ρ(g) est bien un G-morphisme.

• Compte tenu du lemme 2, pour tout g ∈ G, ρ(g) est une homothétie. Soit alors D unedroite vectorielle de V . Les homothéties de V stabilisant toutes les droites vectoriellesde V , on en déduit que D est stabilisée par la famille d’automorphismes (ρ(g))g∈G. Parsuite, (D, ρD) est une sous-représentation de (V, ρ). Et par irréductibilité de (V, ρ), onen déduit que D = V .

On a donc obtenu dim V = 1, soit ce que l’on souhaitait démontrer.

(ii) Compte tenu du point (i), les représentations irréductibles de (Z/nZ,+) sont toutes dedegré 1. Soit donc (V, ρ) une représentation irréductible de Z/nZ. Comme dim V = 1, Vest C-linéairement isomorphe à C, et on peut donc supposer V = C. De plus, le groupeGL(C) étant isomorphe à C∗, on peut également supposer que ρ est à valeurs dans C∗.Rappelons maintenant que 1 est un générateur du groupe additif Z/nZ. En outre, lemorphisme ρ est entièrement déterminé par ρ(1). Or, 1 étant d’ordre n dans Z/nZ, on a[ρ(1)]n = 1 dans C∗, ce qui montre que ρ(1) est une racine n-ième de l’unité. Il existe doncj ∈ [1, n] tel que ρ(1) = e2ijπ/n, et par suite :

ρ : Z/nZ → C∗, k 7→ e2ijkπ/n.

Inversement, on vérifie qu’une telle application ρ définit bien un morphisme de groupes.Une représentation de degré 1 étant toujours irréductible, on en déduit que (C, ρ) est bienune représentation irréductible de Z/nZ, et le résultat en découle.

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DÉVELOPPEMENT no 18

Ellipsoïde de John

Conventions et notations

∗ Dans la suite, on désignera par n un entier naturel non nul.

∗ On munit Rn de son produit scalaire euclidien (· | ·) et sa norme euclidienne ‖·‖, ainsi que desa structure d’espace mesuré pour la tribu borélienne (pour la topologie produit usuelle surRn) et la mesure de Lebesgue que nous noterons λ.

∗ On munit Mn(R), qui s’identifie naturellement à Rn2

, de la topologie produit, que toute normesur Mn(R) définit. Tous les sous-ensembles de Mn(R) considérés seront supposés munis de latopologie induite par celle de Mn(R).

∗ On note Q (resp. Q+, Q++) l’ensemble des formes quadratiques (resp. formes quadratiquespositives, formes quadratiques définies positives) sur Rn ; rappelons que Q est un R-espacevectoriel de dimension finie. Enfin, l’application :

N : Q → R+, q 7→ sup|q(x)| | x ∈ Rn, ‖x‖ 6 1,

est une norme sur Q. Dans tout ce qui suit, nous supposerons toujours les sous-ensembles deQ pourvus de la topologie induite par celle que N définit sur Q.

Énoncé

On appelle ellipsoïde de Rn centré en l’origine tout ensemble de la forme x ∈ Rn | q(x) 6 1,où q ∈ Q++. Si A ⊂ Rn, on définit le volume de A par VolA =

∫Rn 1A dλ.

Théorème. Soit K un compact de Rn d’intérieur non vide. Il existe un unique ellipsoïde de Rn

centré en l’origine et de volume minimal qui contienne K.

Démonstration

La démonstration de ce théorème s’articule en trois parties.

1) Réduction à un problème de maximisation.

Soit q ∈ Q++, et définissons Eq = x ∈ Rn | q(x) 6 1, Vq = Vol Eq ; déterminons Vq.

57

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58 18. Ellipsoïde de John

• Notons Q la matrice de q dans la base canonique de Rn. Comme q ∈ Q++, il vientQ ∈ Sym++

n (R), d’où l’existence de P ∈ On(R) et a1, . . . , an > 0 tels que Q = PDP−1,avec D = diag(a1, . . . , an). Ainsi :

Eq = x ∈ Rn | (PDP−1x | x) 6 1 = x ∈ Rn | (DP−1x | P−1x) 6 1.

En effectuant le changement de variable linéaire y = P−1x, on obtient Vq =∫Rn 1A dλ, en

désignant par A l’ensemble y ∈ Rn | (Dy | y) 6 1.

• Comme a1, . . . , an > 0, on peut définir :

φ : Rn → Rn, (y1, . . . , yn) 7→Å

y1√a1

, . . . ,yn√an

ã.

φ est une application linéaire bijective, de déterminant 1√a1···an

= (detQ)−1/2. Par laformule du changement de variable, il apparait alors :

Vq =1√

detQ

Rn

1B dλ =VolB√detQ

,

où B = u ∈ Rn | ‖u‖2 6 1 est précisément la boule euclidienne de Rn centrée en#—

0 etde rayon 1.

Tout revient donc à prouver l’existence d’une unique forme quadratique q ∈ Q++ telle que :

– q(x) 6 1 pour tout x ∈ K, et

– le déterminant de la matrice de q dans la base canonique de Rn soit maximal.

Pour ce faire, on introduit l’ensemble A = q ∈ Q+ | ∀ x ∈ K, q(x) 6 1, et on montre quel’application :

D : A → R+, q 7→ D(q),

où D(q) désigne le déterminant de la matrice de q dans la base canonique de Rn, admet ununique maximum, atteint en un point de Q++.

2) On montre que A est une partie non vide, convexe et compacte de Q.

• Vérifions que A 6= ∅. K étant un compact de Rn, il s’agit d’une partie bornée de Rn.On dispose ainsi d’un réel M > 0 tel que ‖x‖ 6 M dès que x ∈ K. Il est alors clair quel’application x 7→ ‖x‖2

M2 est une forme quadratique définie positive sur Rn appartenant à A.

• Montrons que A est convexe. Soient q1, q2 ∈ A et µ ∈ [0, 1].

– Comme q1 et q2 sont positives, on a q1(x), q2(x) > 0 pour tout x ∈ Rn. Or µ ∈ [0, 1], donc1 − µ ∈ [0, 1], d’où µq1(x) + (1 − µ)q2(x) > 0 pour tout x ∈ Rn. La forme quadratiqueµq1 + (1 − µ)q2 est donc positive.

– Comme q1 et q2 sont dans A, on a aussi q1(x), q2(x) 6 1 pour tout x ∈ Rn. Et commeµ ∈ [0, 1], on a µq1(x)+(1−µ)q2(x) 6 1 pour tout x ∈ Rn. Par suite, µq1 +(1−µ)q2 ∈ A.

Q étant un R-espace vectoriel de dimension fini, il suffit de montrer que A est une partiefermée et bornée de Q pour conclure à sa compacité.

• Montrons que A est fermée. Soit (qk)k∈N une suite d’éléments de A qui converge dans Q ;notons q ∈ Q sa limite. Si k ∈ N et x ∈ Rn, on a :

|qk(x) − q(x)| 6 N(qk − q)‖x‖2,

d’où, pour tout x ∈ Rn et lorsque k → +∞, qk(x) → q(x), puisque N(qk − q) → 0. Ainsi :

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18. Ellipsoïde de John 59

– Les qk, k ∈ N, étant positives, on a qk(x) > 0 pour tous k ∈ N et x ∈ Rn, donc parpassage à la limite (et c’est ici qu’apparait l’intérêt de ne pas limiter la définition de Aaux éléments de Q++), q(x) = lim

k→+∞qk(x) > 0 pour tout x ∈ Rn.

– De plus, les qk, k ∈ N, appartenant à A, on a qk(x) 6 1 pour tous k ∈ N et x ∈ Rn. Ilvient ainsi q(x) = lim

k→+∞qk(x) 6 1 pour tout x ∈ Rn.

On a donc démontré que q ∈ A, dont on déduit que A est fermée dans Q.• Reste à montrer que A est bornée. Soit donc q ∈ A.

– Comme K est d’intérieur non vide, il existe a ∈ K et r > 0 tels que B′(a, r) ⊂ K. Pourx ∈ Rn avec ‖x‖ 6 r, on a a + x ∈ B′(a, r) ⊂ K, donc q(a + x) 6 1. Par ailleurs, on aaussi q(−a) = q(a) 6 1 puisque a ∈ B′(a, r) ⊂ K. Par l’inégalité de Minkowski, il vientainsi : »

q(x) =»q(x+ a− a) 6

»q(x+ a) +

»q(−a) 6 2.

D’où 0 6 q(x) 6 4 pour tout x ∈ Rn vérifiant ‖x‖ 6 r.

– Soit maintenant x ∈ Rn avec ‖x‖ 6 1. En écrivant x = 1r · rx, où ‖rx‖ 6 r, on déduit

du point précédent que 0 6 q(x) = 1r2 q(rx) 6 4

r2 .On a ainsi démontré que N(q) 6 4

r2 pour tout q ∈ A, ce qui prouve bien que A est bornée.3) On conclut à l’existence de l’unique ellipsoïde recherché.

• Prouvons l’existence. Comme nous l’avons déjà mentionné, il suffit pour cela de montrerque l’application D : A → R, q 7→ D(q) possède un maximum sur A.Notons ℓ l’application qui, à une forme quadratique de Q, associe sa matrice dans la basecanonique de Rn ; c’est une application linéaire. Q étant de dimension finie sur R, ℓ estcontinue. En particulier, la restriction à A de ℓ est également continue. En remarquant queD = det ℓ|A, et en rappelant que det est polynômiale donc continue, on voit que D est uneapplication continue sur la partie compacte A de Q. L’existence d’une forme quadratiqueq0 ∈ A telle que D(q0) > D(q) pour tout q ∈ A en résulte.Il reste à voir que q0 est définie positive. Mais ceci est clair, puisque nous avons vu que Acontenait une matrice symétrique définie positive q, donc telle que D(q) > 0. A fortiori,D(q0) > 0, et q0 ∈ A ⊂ Q+ est également définie positive, par définition même de D.

• L’unicité de la forme quadratique q0 repose sur l’inégalité suivante :

Lemme. Soient A,B ∈ Symn(R) définies positives. Alors, pour tout α ∈ ]0, 1[, on a :

det[αA + (1 − α)B] > (detA)α(detB)(1−α).

Preuve. Soit α ∈ ]0, 1[. Comme A,B sont symétriques définies positives, on dispose deP ∈ GLn(R) et a1, . . . , an > 0 tels que A = tPP et B = tPDP , où D = diag(a1, . . . , an).En outre, on a ainsi :

det[αA + (1 − α)B] = det[tP (αIn + (1 − α)D)P ] = (detP )2n∏k=1

[α+ (1 − α)ak],

et :

(detA)α(detB)(1−α) = (detP )2α · (detP )2(1−α)(detD)1−α = (detP )2n∏k=1

a1−αk .

Il suffit donc de montrer que, pour tout k ∈ [1, n], on a α+ (1 − α)ak > a1−αk . Mais nous

savons que la fonction logarithme est strictement concave, en conséquence de quoi, pourx, y > 0 distincts, on a :

ln[αx + (1 − α)y] > α lnx+ (1 − α) ln y.

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60 18. Ellipsoïde de John

Par stricte croissance de la fonction exponentielle sur R, il suit αx + (1 − α)y > xαy1−α.Appliquant ceci à x = 1, y = ak, pour tout k ∈ [1, n], on a bien obtenu les inégalitéssouhaitées. D’où le résultat.

Supposons donc disposer de q ∈ Arq0 telle que D(q) = D(q0). Par convexité de A, pourα ∈ ]0, 1[ donné, on a αq+ (1 − α)q0 ∈ A. Notons Q et Q0 les matrices respectives de q etq0 dans la base canonique de Rn ; on a donc Q 6= Q0, et comme D(q0) = D(q) > 0, Q,Q0

sont des matrices symétriques définies positives, par définition même de D. En outre, lelemme précédent s’applique, et entraine ainsi :

D[αq + (1 − α)q0] = det[αQ + (1 − α)Q0] > (det Q)α(det Q0)1−α = D(q)αD(q0)1−α = D(q0),

contredisant le fait que D atteigne son maximum sur A en q0. Par suite, q = q0, et lerésultat est établi.

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DÉVELOPPEMENT no 19

Théorème des deux carrés

Conventions et notations

Dans la suite, on notera :

S = n ∈ N | ∃ a, b ∈ Z, n = a2 + b2 et Z[i] = a+ ib | a, b ∈ Z,

et sauf mention explicite du contraire, pour z = a+ ib ∈ C, z = a− ib désignera le conjugué dez dans C. On définit également l’application norme sur Z[i] :

N : Z[i] → N, z = a+ ib 7→ zz = a2 + b2 ;

il est clair que N est multiplicative sur Z[i]. Rappelons que (Z[i],+, · ) est un sous-anneau de(C,+, · ), et que Z[i] est un anneau euclidien pour le stathme N , dont les éléments inversiblessont les z ∈ Z[i] tels que N(z) = 1, à savoir ±1,±i.Si n ∈ N∗ et p ∈ N est un nombre premier, on notera vp(n) la valuation p-adique de n.

Énoncé

Il est entendu que 0 = 02 + 02 ∈ S.

Théorème. Soit n ∈ N∗. Les conditions suivantes sont équivalentes :

(i) n ∈ S.

(ii) vp(n) est un nombre pair pour tout nombre premier p vérifiant p ≡ −1 (mod 4).

Démonstration

Le point clef de la démonstration consiste à remarquer que S est stable par produit.

Lemme 1. L’ensemble S est stable par produit.

Preuve. Soient n,m ∈ S. Il existe a, b, c, d ∈ Z tels que n = a2 + b2 et m = c2 + d2. Ainsi :

nm = (a2 + b2)(c2 + d2) = (ac)2 + (ad)2 + (bc)2 + (bd)2

= [(ac)2 + (bd)2 + 2acbd] + [(ad)2 + (bc)2 − 2adbc]

= (ac+ bd)2 + (ad− bc)2,

ce qui démontre que nm ∈ S.

61

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62 19. Théorème des deux carrés

Le théorème fondamental de l’arithmétique nous invite alors à chercher une condition nécessaireet suffisante pour qu’un nombre premier de N soit un élément de S. Pour ce faire, nous auronsbesoin du résultat suivant :

Lemme 2. Soit p ∈ N un nombre premier impair.

1) Soit (R,+, ·) un anneau intègre de caractéristique p. Alors un élément a du groupe multiplicatif

(R×, · ) est d’ordre 4 si et seulement si a2 = −1.

2) La congruence x2 ≡ −1 (mod p) possède une solution dans Z si et seulement si p ≡ 1 (mod 4).

Preuve. 1) • Supposons que a ∈ R× soit d’ordre 4 dans (R×, · ). On a alors a4 = 1, etak 6= 1 si k ∈ 1, 2, 3. Or :

a4 = 1 ⇐⇒ a4 − 1 = 0 ⇐⇒ (a2 + 1)(a− 1)(a+ 1) = 0.

Par intégrité de R, on en déduit que a2 = −1, ou a = 1, ou a = −1. Mais dans les deuxderniers cas, on aurait a2 = 1, ce qui est exclu. Par suite, a2 = −1.

• Inversement, soit a ∈ R× vérifiant a2 = −1. Comme car R > 2, on a −1 6= 1. A fortiori,a /∈ −1, 1, et puisque a3 = −a, ceci entraine a3 6= 1. Enfin, a4 = (a2)2 = (−1)2 = 1. Cecidémontre que a est bien un élément d’ordre 4 du groupe (R×, · ).

2) (Z/pZ,+, ·) est un corps commutatif de caractéristique p ; en particulier, le point 1) s’appliquelorsque R = Z/pZ. Si a ∈ Z, on notera a sa classe dans Z/pZ.

• Supposons que x ∈ Z vérifie x2 ≡ −1 (mod p). Dans Z/pZ, on a alors x2 = −1 ; enparticulier, x 6= 0. D’après 1), x ∈ (Z/pZ)× est donc d’ordre 4 dans ((Z/pZ)×, · ), d’où4 | |(Z/pZ)×| = p− 1. Ainsi, p ≡ 1 (mod 4).

• Inversement, supposons p ≡ 1 (mod 4). Comme p > 2, il existe donc k ∈ N∗ tel quep = 4k + 1. ((Z/pZ)×, · ) étant cyclique d’ordre p − 1, donnons-nous ξ ∈ Z tel que〈ξ〉 = (Z/pZ)× ; ξ est donc d’ordre p − 1 dans ((Z/pZ)×, · ). Posant x = ξk ∈ Z, on aalors x d’ordre 4 dans ((Z/pZ)×, · ). Compte tenu de 1), on a obtenu x2 = −1, à savoirx2 ≡ −1 (mod p).

Nous sommes maintenant en mesure de nous intéresser à la condition nécessaire et suffisanted’appartenance à S pour un nombre premier p ∈ N.

Lemme 3. Soit p ∈ N un nombre premier. Les conditions suivantes sont équivalentes :

(i) p ∈ S.

(ii) p = 2, ou p ≡ 1 (mod 4).

Preuve. Il est clair que 2 = 12 + 12 ∈ S. On peut donc supposer p > 3.Le sens (i) ⇒ (ii) est clair. En effet, supposons p ∈ S, et soient a, b ∈ Z tels que p = a2 + b2. Enremarquant que a2 et b2 ne peuvent être congrus qu’à 0 ou 1 modulo 4, on déduit que p ne peutêtre congru qu’à 0, 1 ou 2 modulo 4. Mais si l’on avait p ≡ 0 (mod 4) ou p ≡ 2 (mod 4), p seraitun nombre pair, ce qui est exclu. Par suite, on a nécessairement p ≡ 1 (mod 4). Reste donc àvoir que (ii) ⇒ (i).

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19. Théorème des deux carrés 63

Supposons donc p ≡ 1 (mod 4). Compte tenu du lemme 2, on dispose de x ∈ Z satisfaisant àx2 ≡ −1 (mod p). L’anneau Z[i] étant euclidien donc factoriel, donnons-nous z = a + ib ∈ Z[i]un pgcd de p et x+ i dans Z[i].Comme z divise p dans Z[i], la multiplicativité de N implique que N(z) divise N(p) = p2 dansZ. p étant un nombre premier, ceci entraine N(z) ∈ 1, p, p2. Nous allons montrer que N(z)vaut nécessairement p, et l’assertion (i) sera alors conséquence de p = N(z) = a2 + b2.

• Si N(z) = 1, alors z ∈ Z[i]×. Z[i] étant euclidien, donc principal, il vient ainsi :

Z[i] = (p) + (x+ i). (19.1)

Soit maintenant θ un facteur irréductible de p dans Z[i]. On a alors θ |p dans Z[i], donc θ |p = pdans Z[i]. Or p | x2 + 1 dans Z ; a fortiori, p | x2 + 1 = (x− i)(x+ i) dans Z[i]. En particulier,θ | (x− i)(x+ i) dans Z[i]. Mais comme Z[i] est euclidien donc factoriel, l’irréductibilité de θdans Z[i] implique sa primalité dans Z[i], et donc θ divise x+ i ou x− i = x+ i dans Z[i].En somme, θ ou θ divise x+ i dans Z[i]. Et puisque θ et θ divisent p dans Z[i], il vient alors :

(p) + (x+ i) ⊂ (θ) ou (p) + (x+ i) ⊂ (θ). (19.2)

Comme θ est irréductible dans Z[i], on a N(θ) = N(θ) 6= 1, et donc θ, θ /∈ Z[i]×. Par suite,(19.2) contredit (19.1). Moralité, N(z) 6= 1.

• Supposons enfin avoir N(z) = p2 = N(p). Par multiplicativité de N , cela entraine que p et zsont associés dans Z[i]. En outre, comme z divise également x+ i dans Z[i], il en va de mêmepour p. Mais alors p = p | x+ i = x− i. Par suite, on a p | x+ i− (x− i) = 2i dans Z[i], d’oùp2 = N(p) |N(2i) = 4 dans Z, contredisant le fait que p soit un nombre premier impair.

En résumé, on voit que N(z) vaut nécessairement p, ce qui prouve (i) et achève la preuve.

Énonçons enfin un dernier lemme utile à la démonstration du théorème.

Lemme 4. Soit p un nombre premier. Les conditions suivantes sont équivalentes :

(i) p ∈ S.

(ii) p est un élément réductible de Z[i].

Preuve. (i) ⇒ (ii) : Supposons que p ∈ S, il existe alors a, b ∈ Z tels que p = a2 + b2. DansZ[i], on a donc p = (a + ib)(a − ib). Or N(a + ib) = N(a − ib) = p 6= 1 car p est premier. Parsuite, (a+ ib), (a− ib) /∈ Z[i]×, et p est bien réductible.(ii) ⇒ (i) : Supposons p réductible dans Z[i]. On dispose alors de u, v ∈ Z[i]r(Z[i]×) tels quep = uv. Dans Z, on a alors p2 = N(uv) = N(u)N(v), dont on déduit que N(u), N(v) ∈ 1, p, p2.Mais comme u, v /∈ Z[i]×, donc N(u), N(v) 6= 1, on voit que nécessairement p = N(u) = N(v),et (i) en résulte immédiatement.

Nous avons maintenant tous les outils en main pour démontrer le théorème.

(i) ⇒ (ii) : Soit p ∈ N un nombre premier vérifiant p ≡ −1 (mod 4). Il s’agit de démontrer quepour tout n ∈ Sr0, vp(n) est pair. Pour ce faire, on procède par récurrence sur les valeursprises par vp(n), lorsque n parcourt S, le résultat étant clair pour les n ∈ S tels que vp(n) = 0.Soit donc k ∈ N∗, et supposons le résultat établit pour les entiers m ∈ S tels que vp(m) < k.Soit alors n ∈ S tel que vp(n) = k, et fixons a, b ∈ Z tels que n = a2 + b2. On a p |n dans Z, d’oùl’existence de q ∈ N∗ tel que n = pq. Lu dans Z[i], ceci entraine :

pq = n = a2 + b2 = (a+ ib)(a− ib). (19.3)

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64 19. Théorème des deux carrés

Or d’après les lemmes 3 et 4, p est un élément irréductible de Z[i]. L’anneau Z[i] étant principaldonc factoriel, p est en particulier premier dans Z[i]. La relation (19.3) implique alors que p divisea+ ib ou a− ib dans Z[i]. Mais comme p = p et a+ ib = a− ib, on voit que p divise a+ ib dansZ[i]. Il existe donc z = x+ iy ∈ Z[i] tel que a+ ib = pz. Par suite :

n = a2 + b2 = N(a+ ib) = N(p)N(z) = p2(x2 + y2).

Appliquant l’hypothèse de récurrence à m = x2 +y2 ∈ S, on voit ainsi que vp(m) = vp(n)−2 < kest pair. Il en va donc de même pour vp(n) = vp(m) + 2, ce qui achève notre raisonnement parrécurrence, et donc la preuve de l’implication.

(ii) ⇒ (i) : Supposons vp(n) pair pour tout nombre p ∈ N tel que p ≡ −1 (mod 4). Désignonspar P+ (resp. P−) l’ensemble des nombres premiers impairs congrus à 1 (resp. −1) modulo 4, etécrivons :

n = 2vp(n)

Ç∏

p∈P+

pvp(n)

åÇ∏

p∈P−

pvp(n)

å.

On a 2 ∈ S, et d’après le lemme 3, p ∈ S dès que p ∈ P+. Compte tenu du lemme 1, on a doncpvp(n) ∈ S dès que p ∈ 2 ∪ P+. Enfin, si p ∈ P−, l’hypothèse (ii) fournit l’existence de k ∈ N

tel que vp(n) = 2k, d’où pvp(n) = (pk)2 ∈ S. Rappliquant le lemme 1, on a ainsi obtenu n ∈ S,et la validité de (i) s’ensuit.

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DÉVELOPPEMENT no 20

Transformation d’Euler

Conventions et notations

Sur RN, on définit l’application :

∆ : RN → RN, u = (un)n∈N 7→ ∆u = (un − un+1)n∈N.

Si u ∈ RN et n ∈ N, on notera simplement (∆u)n le n-ième terme de la suite ∆u.De façon analogue, on définit sur RR :

∆ : RR → RR, f 7→ ∆f : R → R, x 7→ f(x) − f(x+ 1).

Énoncé

Théorème. (i) Soit u = (un)n∈N une suite de nombres réels, décroissante et de limite nulle.

Pour tout p ∈ N∗, on a :

+∞∑n=0

(−1)nun =12

(p−1∑

k=0

12k

(∆ku)0

)+

12p

+∞∑n=0

(−1)n(∆pu)n.

(ii) Soit f : R+ → R une fonction de classe C∞ vérifiant (−1)kf (k)(x) > 0 pour tous k ∈ N et

x ∈ R+, et f(n) → 0 lorsque n → +∞. Pour tout p ∈ N∗, on a alors :

+∞∑n=0

(−1)nf(n) = 12f(0) + 1

4 (∆f)(0) + · · · + 12p (∆p−1f)(0) +Rp,

où |Rp| 6 2−p|(∆pf)(0)|.

Remarque. En conservant les notations du théorème, la série∑

2−(k+1)(∆kf)(0) s’appelle latranformée d’Euler de la série

∑(−1)nf(n).

Démonstration

Pour prouver la validité du théorème, il est plus confortable de commencer par noter le faitsuivant :

65

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66 20. Transformation d’Euler

Lemme. Soit u = (un)n∈N une suite numérique telle que la série∑

(−1)nun soit convergente.

Alors la série∑

(−1)n(∆u)n est également convergente, et on a :

u0 = 2+∞∑n=0

(−1)nun −+∞∑n=0

(−1)n(∆u)n. (20.1)

Preuve. Pour m ∈ N, posons Sm =m∑k=0

(−1)k(∆u)k. Fixons N ∈ N∗ ; on a :

u0 − u2N =2N∑k=0

(∆u)k =N∑k=0

(∆u)2k +N−1∑k=0

(∆u)2k+1

= 2N∑k=0

(∆u)2k −N∑k=0

(∆u)2k +N−1∑k=0

(∆u)2k+1.(20.2)

En remarquant à présent que :

N∑k=0

(∆u)2k =2N+1∑k=0

(−1)kuk,

et que :

−N∑k=0

(∆u)2k +N−1∑k=0

(∆u)2k+1 = −2N∑k=0

(−1)k(∆u)k = −S2N ,

on déduit de la relation (20.2) :

u0 − u2N =2N+1∑k=0

(−1)kuk − S2N . (20.3)

Comme∑

(−1)nun converge, pour toute fonction ϕ : N → N strictement croissante, on a d’une

part uϕ(N) → 0 lorsque N → +∞, et d’autre part limN→+∞

ϕ(N)∑k=0

(−1)kuk =+∞∑n=0

(−1)nun. Ainsi,

(20.3) montre que limN→+∞

S2N existe ; notons S ∈ R cette limite. En remarquant enfin que :

S2N+1 = u2N+1 − u2N+2 + S2N ,

on déduit des observations précédentes que S2N+1 → S lorsque N → +∞. On a ainsi montréque SN → S lorsque N → +∞, et compte tenu de ce qui précède, on a déduit (20.1) de (20.3)en y faisant tendre N vers +∞.

Démontrons maintenant le théorème.(i) D’après le critère des séries alternées, la suite u satisfait aux hypothèses du lemme. Par

récurrence immédiate sur p ∈ N∗, le lemme affirme que la suite ∆pu satisfait également àses hypothèses, pour tout p ∈ N∗.Prouvons maintenant la validité de la formule (i), pour tout p ∈ N∗. Le cas p = 1 estconséquence immédiate du lemme : en effet, la série

∑(−1)nun étant convergente, on a,

d’après (20.1) :+∞∑n=0

(−1)nun =12u0 +

12

+∞∑n=0

(−1)n(∆u)n.

Supposons maintenant la formule établie à un rang p ∈ N∗, c’est-à-dire :

+∞∑n=0

(−1)nun =12

(p−1∑

k=0

12k

(∆ku)0

)+

12p

+∞∑n=0

(−1)n(∆pu)n. (20.4)

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20. Transformation d’Euler 67

Comme la suite v = ∆pu vérifie les hypothèses du lemme, celui-ci montre qu’il en va demême pour la suite ∆v = ∆p+1u, et que :

(∆pu)0 = 2+∞∑n=0

(−1)n(∆pu)n −+∞∑n=0

(−1)n(∆p+1u)n,

dont on déduit :

+∞∑n=0

(−1)n(∆pu)n =12

(∆pu)0 +12

+∞∑n=0

(−1)n(∆p+1u)n. (20.5)

Appliquant la relation (20.5) à l’identité (20.4), on en déduit que la formule reste vraie aurang p+ 1. Par récurrence sur p ∈ N∗, on a donc obtenu l’égalité souhaitée.

(ii) Compte tenu des hypothèses faites sur la fonction f , on a f ′(x) 6 0 pour tout x ∈ R+

donc f décroissante sur R+, et f(n) → 0 lorsque n → +∞. La suite u = (f(n))n∈N vérifiedonc les conditions du point (i). Par suite, ayant (∆u)m = (∆f)(m) lorsque m ∈ N, ilvient, pour tout p ∈ N∗ :

+∞∑n=0

(−1)nf(n) =12f(0) +

14

(∆f)(0) + · · · +12p

(∆p−1f)(0) +12p

+∞∑n=0

(−1)n(∆pf)(n).

Définissons donc, pour p ∈ N∗, Rp = 2−p +∞∑n=0

(−1)n(∆pf)(n). Il reste maintenant à voir

que |Rp| 6 12p |(∆pf)(0)| pour tout p ∈ N∗.

Commençons par remarquer que si g : R+ → R vérifie les conditions :

a) g est de classe C∞ ;

b) g(x) → 0 lorsque x → +∞ ;

c) (−1)kg(k)(x) > 0 pour tous k ∈ N∗ et x ∈ R+ ;

la suite (g(n))n∈N est décroissante et de limite nulle, donc la série∑

(−1)ng(n) convergented’après le critère des séries alternées, avec :

∣∣∣∣+∞∑n=0

(−1)ng(n)∣∣∣∣ 6 g(0).

Il suffit donc de montrer que, pour tout p ∈ N∗, la fonction g = ∆pf vérifie chacune desconditions a), b) et c), afin d’obtenir la majoration relative à Rp, pour tout p ∈ N∗.Or, si g : R+ → R vérifie a), b) et c), il est clair que ∆g vérifie également a) et b). Mais,si k ∈ N∗ et x ∈ R+ :

(−1)k(∆g)(k)(x) = (−1)kg(k)(x) − (−1)kg(k)(x+ 1). (20.6)

Comme g vérifie c), on a (−1)k+1g(k+1)(t) > 0, donc (−1)kg(k+1)(t) 6 0, pour tout t ∈ R+.La fonction t 7→ (−1)kg(k)(t) est donc décroissante sur R+, et la relation (20.6) montrequ’alors (−1)k(∆g)(k)(x) > 0. Par suite, ∆g vérifie également la condition c).Moralité, si g vérifie a), b) et c), il en va de même pour ∆g. Comme g = f satisfait à cestrois conditions, une récurrence immédiate assure qu’il en va de même pour les fonctions∆pf , pour p parcourant N∗.

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DÉVELOPPEMENT no 21

Transformation de Fourier de fonctions gaussiennes

Conventions et notations

∗ Dans la suite, si n ∈ N∗, on supposera toujours Rn muni de sa structure d’espace mesurépour la tribu borélienne (pour la topologie produit usuelle sur Rn) et la mesure de Lebesguenotée (abusivement) λ, et les ensembles [0,+∞] et C munis de leur tribu borélienne (pourleurs topologies usuelles). On notera enfin L1(R) l’ensemble des applications λ-intégrables deR dans C.

∗ Si f ∈ L1(R), on définit sa tranformée de Fourier par :

Ff = f : R → C, ξ 7→∫

R

f(x)e−2iπxξ dx,

et pour ξ ∈ R, on notera parfois Ff(x) · ξ pour signifier f(ξ).

∗ Pour z ∈ C, notons [1, z] = tz + 1 − t | t ∈ [0, 1]. CrR− étant étoilé en 1, on peut définir :

Ln : CrR−, z 7→∫

[1,z]

dω.

Rappelons que la fonction Ln ainsi obtenue est une fonction holomorphe sur CrR−, et telleque eLn z = z pour tout z ∈ CrR−. En particulier, Ln|R∗

+= ln. On peut alors étendre la

définition de√z aux éléments de CrR−, en posant, pour z ∈ CrR− :

√z = e

12 Lnz.

∗ On définit enfin, pour α ∈ C, l’application :

gα : R → C, x 7→ e−απx2

.

Énoncé

Théorème. Soit α ∈ C avec Re α > 0. Alors gα ∈ L1(R), et pour tout ξ ∈ R, on a :

gα(ξ) =1√αe

−πξ2

α .

68

Page 69: DÉVELOPPEMENTS POUR L’AGRÉGATION DE MATHÉMATIQUES · 3 Caractère C∞ des valeurs propres d’une matrice réelle 10 4 Lemme de Morse 13 5 Un lemme fondamental d’approximation

21. Transformation de Fourier de fonctions gaussiennes 69

Démonstration

Avant d’entamer la preuve de ce théorème, commençons par rappeler le fait suivant :

Lemme. On a

R

e−x2

dx =√π.

Preuve. On introduit la fonction F : R × R → C, (x, y) 7→ e−(x2+y2). Il est clair que F estcontinue donc mesurable, et à valeurs dans R+. Compte tenu du théorème de Fubini-Tonelli, onpeut donc écrire :∫

R2

F dλ =∫

R2

e−x2

e−y2

dλ(x, y) =∫

R

Å∫

R

e−x2

e−y2

dxã

dy =Å∫

R

e−x2

dxã2

. (21.1)

D’autre part, soient U = ]0,+∞[ × ]−π, π[, V = (R × R)r(]−∞, 0] × 0), et :

φ : U → V, (r, θ) 7→ (r cos θ, r sin θ).

φ réalise un C1-difféomorphisme entre les ouverts U et V de R2. L’ensemble ]−∞, 0] × 0 ⊂ R2

étant de mesure nulle, par la formule du changement de variables, il vient alors :∫

R2

F dλ =∫

φ(V )

F dλ =∫

U

F φ | det Jacφ| dλ.

La fonction F étant positive, le théorème de Fubini-Tonelli entraine alors :

R2

F dλ =∫ 2π

0

Ç∫ +∞

0

re−r2(cos2 θ+sin2 θ) dr

ådθ =

∫ 2π

0

12

dθ = π. (21.2)

La fonction R → R, x 7→ ex2

étant positive, on déduit de (21.1) et (21.2) le résultat annoncé.

Pour démontrer le théorème, nous allons procéder en quatre temps. Avant toute chose, posons :

Ω = z ∈ C | Re z > 0 ;

il est clair que Ω est un ouvert de C.

1) On montre que gα ∈ L1(R).Comme α ∈ Ω, il existe alors a > 0 et b ∈ R tel que α = a+ ib. Or, pour x ∈ R, on a :

|gα(x)| =∣∣∣e−πax2

e−πbix2∣∣∣ = e−πax2

.

Mais compte tenu du lemme, puisque a > 0, la formule du changement de variable fournitalors :

R

|gα(x)| dx =∫

R

e−(√πax)2

dx =1√πa

R

e−y2

dy =√π√πa

=1√a

.

Ceci démontre bien l’appartenance de gα à L1(R).

Remarque. Notons :

S(R) =ßϕ ∈ C∞(R,C) | ∀ (m,n) ∈ N2, lim

|x|→+∞|xmϕ(n)(x)| = 0

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70 21. Transformation de Fourier de fonctions gaussiennes

l’espace de Schwartz des fonctions à décroissance rapide ; il est clair que S(R) ⊂ L1(R). Onpeut en fait même montrer que gα ∈ S(R). En effet, on montre sans difficulté par récurrencesur n ∈ N l’existence, pour tout n ∈ N, d’une fonction polynômiale Pn sur R à coefficientscomplexes et de degré n telle que g(n)

α (x) = Pn(x)gα(x) pour tout x ∈ R.Si (m,n) ∈ N2, on a donc xmg

(n)α (x) = Q(x)gα(x) pour tout x ∈ R, avec Q fonction

polynômiale à coefficients complexes. Par croissances comparées, on en déduit bien que|xmg(n)

α (x)| → 0 lorsque |x| → +∞.

2) On montre que “g1 = g1.

Pour ξ ∈ R, rappelons que :

“g1(ξ) =∫

R

e−πx2

e−2iπxξ dx.

• On montre que “g1 est dérivable sur R.

Introduisons la fonction :

ϕ : R × R, (x, ξ) 7→ e−πx2

e−2iπxξ.

Il est alors clair que pour tout ξ ∈ R, on a “g1(ξ) =∫Rϕ(x, ξ) dx.

– Pour tout ξ ∈ R, la fonction ϕ( · , ξ) est intégrable sur R, puisque si x ∈ R, on a|ϕ(x, ξ)| = g1(x), avec g1 ∈ L1(R) d’après le point 1).

– Pour tout x ∈ R, la fonction ϕ(x, · ) est clairement dérivable sur R, et si ξ ∈ R :

∂2ϕ(x, ξ) = −2iπxe−πx2

e−2iπxξ.

– Soit (x, ξ) ∈ R × R. On a alors :

|∂2ϕ(x, ξ)| =∣∣∣−2iπxe−πx2

e−2iπxξ∣∣∣ = 2π|x|e−πx2

.

Considérons donc ψ : R → R+, x 7→ 2π|x|e−πx2

, et fixons a < 0, b > 0. On a :∫ b

a

ψ(x) dx =∫ 0

a

−2πxe−πx2

dx +∫ b

0

2πxe−πx2

dx = 2 − e−πb2 − e−πa2

.

Faisant tendre a vers −∞ et b vers +∞, on en déduit que∫Rψ(x) dx = 2, et donc que

la fonction ψ est intégrable sur R.Compte tenu du théorème de dérivation sous le signe somme, on a bien démontré la déri-vabilité sur R de la fonction “g1 : ξ 7→

∫Rϕ(x, ξ) dx.

• On calcule “g1′(ξ), pour ξ ∈ R.

Soit ξ ∈ R. D’après le point précédent, on a :

“g1′(ξ) =

R

∂2ϕ(x, ξ) dx =∫

R

−2iπxe−πx2

e−2iπxξ dx.

Pour x ∈ R, considérons u′(x) = −2iπxe−πx2

, v(x) = e−2iπxξ, et donc u(x) = ie−πx2

,v′(x) = −2iπξe−2iπxξ. Une intégration par parties fournit alors :

“g1′(ξ) =

îie−πx2

e−2iπxξó+∞

−∞−∫

R

ie−πx2

(−2iπξ)e−2iπxξ dx

= 0 − 2πξ∫

R

e−πx2

e−2iπxξ dx.

En outre, on a obtenu “g1′(ξ) = −2πξ“g1(ξ), pour tout ξ ∈ R.

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21. Transformation de Fourier de fonctions gaussiennes 71

• On en déduit que “g1 = g1.

Compte tenu du point précédent, on voit que “g1 est solution de l’équation différentielley′(t) + 2πty(t) = 0, où t ∈ R. Déterminons les solutions de cette équation différentielle.Soient a : R → R, t 7→ 2πt et A : R → R, t 7→ πt2 une primitive de a. On a alors :

y′(t) + a(t)y(t) = 0 ⇐⇒ eA(t)[y′(t) + a(t)y(t)] = 0 ⇐⇒ eA(t)y′(t) + a(t)eA(t)y(t) = 0.

On en déduit que, pour tout t ∈ R :

y′(t) + a(t)y(t) = 0 ⇐⇒ [eA(t)y(t)]′ = 0.

R étant connexe, il existe donc C ∈ R tel que pour tout t ∈ R, on ait eπt2

y(t) = C, ou defaçon équivalente, y(t) = Ce−πt2 . Par conséquent, il existe C ∈ R tel que “g1(ξ) = Ce−πξ2

,pour tout ξ ∈ R. Il reste à déterminer C. Remarquons déjà que C = “g1(0). Or, en utilisantla formule du changement de variable puis en appliquant le lemme, on constate que :

“g1(0) =∫

R

e−πx2

e−2iπx·0 dx =∫

R

e−(√πx)2

dx =1√π

R

e−y2

dy =√π√π

= 1.

On a ainsi montré que “g1(ξ) = g1(ξ), pour tout ξ ∈ R.

3) On détermine gα, pour tout α ∈ R∗+.

Soit α ∈ R∗+. Commençons par noter que gα(x) = g1(

√αx), pour tout x ∈ R. Les propriétés

usuelles de la transformation de Fourier sur L1(R) montrent qu’alors, pour tout ξ ∈ R :

gα(ξ) = Fg1

(√αx)

· ξ =1√α

(Fg1)Åξ

α

ã.

Et comme, d’après 2), on a Fg1 = g1, il vient ainsi, pour tout ξ ∈ R :

gα(ξ) =1√αe− πξ2

α .

4) On conclut que gα(ξ) a bien l’expression attendue, pour tous α ∈ Ω et ξ ∈ R.

Soit ξ ∈ R fixé. Par définition, pour tout α ∈ Ω, on a :

gα(ξ) =∫

R

e−παx2

e−2iπxξ dx.

Définissons alors les applications :

F : Ω → C, α 7→∫

R

e−παx2

e−2iπxξ dx et G : Ω → C, α 7→ 1√αe− πξ2

α .

Notre objectif est de montrer que F et G coïncident sur Ω tout entier. Pour ce faire, onprocède en trois temps.

• On montre que F est holomorphe sur Ω.

Soit α ∈ Ω, et donnons-nous r > 0 tel que B(α, r) ⊂ Ω. Notons D = B(α, r) ; nous allonsmontrer que F est holomorphe sur D. Pour cela, on introduit la fonction :

f : R ×D → C, (x, z) 7→ e−πzx2

e−2iπxξ.

Il est alors clair que pour tout z ∈ D, on a F (z) =∫Rf(x, z) dx. Nous allons donc, pour

établir l’holomorphie de F sur D, appliquer le théorème d’holomorphie sous le signe somme.

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72 21. Transformation de Fourier de fonctions gaussiennes

– Pour tout z ∈ D, la fonction f( · , z) est mesurable sur R.

– Pour tout x ∈ R, l’holomorphie de la fonction exponentielle sur C assure l’holomorphiede la fonction f(x, · ) sur D.

– Il nous reste maintenant à déterminer h ∈ L1(R), et éventuellement N ⊂ R un ensemblede mesure nulle, tels que |f(x, z)| 6 h(x) pour tout (x, z) ∈ (RrN) ×D.Notons tout d’abord que si z = a+ ib ∈ D, on a, pour tout x ∈ R :

|f(x, z)| =∣∣∣e−π(a+ib)x2

∣∣∣ = e−πax2

. (21.3)

Comme z ∈ D, et que D est une partie bornée de Ω, il est clair que l’ensemble des Re z,pour z parcourant D, est une partie bornée de R. Comme Re z > 0 pour tout z ∈ Ω, ona donc existence de m ∈ R+ telle que Re z > m pour tout z ∈ D. On déduit alors de(21.3) que, pour tout (x, z) ∈ R ×D :

|f(x, z)| 6 e−πmx2

.

La fonction h : R → C, x 7→ e−πmx2

semble donc être une bonne candidate. Cela dit, ona h ∈ L1(R) si et seulement si m > 0, et rien a priori ne nous assure la stricte positivitéde m. . . Mais, quitte à changer le rayon r du disque D en r

2 , on constate que l’on peuttoujours supposer m > 0, sans rien changer au raisonnement précédemment tenu.

Le théorème d’holomorphie sous le signe somme s’applique donc, et assure ainsi l’holomor-phie de F sur le voisinage D du point α de Ω. Et comme α est arbitrairement choisi dansl’ouvert Ω, on a bien démontré l’holomorphie de F sur Ω tout entier.

• On montre que G est holomorphe sur Ω.

Compte tenu des rappels effectués en préambule, la fonction α 7→ √α est holomorphe et

à valeurs non nulles sur Ω. Or, la fonction z 7→ z−1 est holomorphe sur C∗. Par suite, lafonction α 7→ (

√α)−1 est holomorphe sur Ω. Par ailleurs, la fonction exponentielle étant

holomorphe sur C, on en déduit aisément que la fonction α 7→ e− πξ2

α est holomorphe surΩ. Par produit, il est donc clair que la fonction G est holomorphe sur Ω.

• On en déduit que F = G sur Ω.

F et G sont deux fonctions holomorphes sur Ω qui, compte tenu du point 3), coïncidentsur R∗

+, partie non discrète de Ω. Or, toute fonction holomorphe sur Ω y étant analytique,le principe des zéros isolés assure alors l’égalité de F et G sur Ω tout entier.

ξ ayant été arbitrairement choisi dans R, nous avons donc démontré que pour tous α ∈ Ω etξ ∈ R :

gα(ξ) =1√αe

−πξ2

α .

C’est ce que nous souhaitions établir.

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DÉVELOPPEMENT no 22

Théorème de Cartan-Dieudonné

Conventions et notations

Dans la suite, on fixe n ∈ Nr0, 1, et (E, ( · | · )) un espace euclidien de dimension n. On notera‖·‖ la norme associée au produit scalaire ( · | · ) sur E.

Résultats préliminaires

Rappelons que si F et G sont deux sous-espaces supplémentaires dans E, on appelle :

• projection sur F parallèlement à G l’endomorphisme p ∈ End(E) défini, pour xF ∈ F etxG ∈ G, par p(xF + xG) = xF ;

• symétrie par rapport à F parallèlement à G l’endomorphisme s ∈ End(E) défini, pour xF ∈ Fet xG ∈ G, par s(xF + xG) = xF − xG.

• Avec ces notations, on remarque que s s = idE , donc s ∈ GL(E) avec s−1 = s, et ques = 2p− idE .

Proposition 1. Soient F , G deux sous-espaces supplémentaires dans E, et p la projection sur

F parallèlement à G. Alors p ∈ Sym(E) si et seulement si G = F⊥.

Preuve. Supposons p ∈ Sym(E), à savoir p = p∗. Soit xG ∈ G ; pour tout xF ∈ F , on a alors :

(xF | xG) = (p(xF ) | xG) = (xF | p(xG)) = (xF | 0E) = 0.

Ainsi, xG ∈ F⊥, et donc G ⊂ F⊥. Comme E = F ⊕ G = F ⊕ F⊥, G et F⊥ sont de mêmedimension, et l’égalité G = F⊥ en résulte.Réciproquement, supposons G = F⊥. Soient alors x = xF + xG, y = yF + yG ∈ E = F ⊕ G.Comme G = F⊥, on a (xF | yG) = 0 = (xG | yF ), et donc :

(p(x) | y) = (xF | yF + yG) = (xF | yF ) + (xF | yG)

= (xF | yF ) + (xG | yF ) = (xF + xG | yF ) = (x | p(y)).

Par suite, on a bien p∗ = p, c’est-à-dire p ∈ Sym(E).

Proposition 2. Soient F , G deux sous-espaces supplémentaires dans E, et s la symétrie par

rapport à F parallèlement à G. Les conditions suivantes sont équivalentes :

73

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74 22. Théorème de Cartan-Dieudonné

(i) s ∈ O(E). (ii) s ∈ Sym(E). (iii) G = F⊥.

Preuve. L’équivalence (i) ⇔ (ii) est claire, puisque s−1 = s. Notons enfin p la projection surF parallèlement à G. On a alors s = 2p − idE , et donc s∗ = s si et seulement si p∗ = p. Maisd’après la proposition 1, on a p∗ = p si et seulement si G = F⊥, d’où (ii) ⇔ (iii).

On rappelle que si F et G sont deux sous-espaces supplémentaires dans E, et si la symétrie spar rapport à F parallèlement à G satisfait aux conditions de la proposition 2, on dit alors ques est la symétrie orthogonale par rapport à F . En particulier, si F = H est un hyperplan de E,on dit que s est la réflexion de E d’hyperplan H .

Énoncé

Théorème. Tout élément du groupe orthogonal O(E) se décompose comme produit d’au plus

n = dimE réflexions. En particulier, le groupe orthogonal est engendré par les réflexions.

Démonstration

Pour démontrer ce théorème, nous allons commencer par établir le lemme suivant :

Lemme. Soient x, y ∈ E. Les conditions suivantes sont équivalentes :

(i) Il existe s : E → E une réflexion telle que s(x) = y.

(ii) On a ‖x‖ = ‖y‖.

Preuve. Le sens (i) ⇒ (ii) est clair, puisque si s est une réflexion de E telle que s(x) = y, dufait que s ∈ O(E), on déduit ‖y‖ = ‖s(x)‖ = ‖x‖. Il reste donc à prouver que (ii) ⇒ (i).Supposons à l’inverse avoir ‖x‖ = ‖y‖. Si x = y, toute réflexion s : E → E d’hyperplan contenantx satisfait à s(x) = y. Supposons à présent x 6= y, et posons v = x−y ∈ Er0E. Soit s ∈ End(E)défini, pour z ∈ E, par :

s(z) = z − 2(z | v)(v | v)

v.

Comme v 6= 0E , H = (Rv)⊥ est un hyperplan de E. Nous allons montrer que s est la réflexiond’hyperplan H et vérifie s(x) = y, ce qui terminera la preuve.

• Soit donc z ∈ E ; comme E = Rv⊕H , il existe λ ∈ R et u ∈ H tels que z = λv+u. Par suite,comme u ∈ H = (Rv)⊥, donc (u | v) = 0 :

s(z) = s(λv + u) = λv + u− 2(λv + u | v)

(v | v)v = λv + u− 2

(λv | v)(v | v)

v = −λv + u.

Ceci démontre bien que s est la réflexion de E d’hyperplan H .

• Montrons enfin que s(x) = y. Puisque ‖x‖ = ‖y‖, on a 0 = (x | x) − (y | y), ce qui se réécrit0 = (x + y | x − y). Comme v = x − y, ceci signifie que x + y ∈ (Rv)⊥ = H . Par suite, on as(x+ y) = x+ y. Mais comme s(v) = −v, c’est-à-dire s(x− y) = y − x, on en déduit que :

s(x) =12

[s(x+ y) + s(x− y)] =12

[x + y + y − x] = y.

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22. Théorème de Cartan-Dieudonné 75

Entamons la preuve du théorème de Cartan-Dieudonné. Nous allons procéder par récurrence surla dimension n > 2 de E.

• Supposons n = 2, et soit u ∈ O(E). Si u = idE , alors u = s s pour toute réflexion de E.Supposons donc u 6= idE . On dispose alors de x ∈ Er0E tel que u(x) 6= x. Fixons un tel x.Comme u ∈ O(E), on a ‖x‖ = ‖u(x)‖, et le lemme entraine alors l’existence d’une réflexions ∈ O(E) telle que s(x) = u(x). Fixons une telle réflexion s, et posons v = s u ∈ O(E). Ilest alors clair que v(x) = x.Fixons alors y ∈ (Rx)⊥r0E. Comme E = Rx⊕(Rx)⊥ et dimE = 2, on a alors Ry = (Rx)⊥.Or, de x = v(x), on déduit v−1(x) = x. Ainsi :

(v(y) | x) = (y | v−1(x)) = (y | x) = 0,

puisque y ∈ (Rx)⊥. On a donc v(y) ∈ (Rx)⊥ = Ry. Et comme v ∈ O(E), il vient v(y) = ±y.

– Si v(y) = y, on a alors v = idE puisque E = Rx⊕ Ry, et donc u = s−1 = s réflexion de E.

– Si v(y) = −y, de E = Rx ⊕ Ry, on déduit que v est la réflexion de E d’hyperplan (Rx)⊥.Il en résulte que u = s−1 v = s v est bien produit de deux réflexions de E.

Dans tous les cas, u est produit d’au plus deux réflexions de E.

• Supposons à présent le résultat établi lorsque dimE = n, pour un certain entier n > 2, etmontrons qu’il reste vrai lorsque dimE = n + 1. Soit donc u ∈ O(E). Si u = idE , on atoujours u = s s pour toute réflexion s de E. On peut donc supposer u 6= idE . Là-encore,donnons-nous x ∈ Er0E tel que u(x) 6= x, puis, comme ‖u(x)‖ = ‖x‖, s ∈ O(E) uneréflexion de E telle que s(x) = u(x). Posons enfin v = s u ∈ O(E).Par construction, v(x) = x. Soit donc H = (Rx)⊥ ; comme E = Rx + H et x 6= 0E , on adimH = n. L’hypothèse de récurrence appliquée à v|H ∈ O(H) assure l’existence de k ∈ [1, n]et s1, . . . , sk ∈ O(H) des réflexions de H telles que v|H = s1 · · · sk. Pour j ∈ [1, k], commeE = Rx+H , on définit entièrement un endomorphisme sj de E en convenant que sj |H = sjet sj |Rx = id|Rx. Il est alors clair que sj ∈ O(E) est une réflexion de E, et puisque v(x) = x,que v = s1 · · · sk. Par définition de v, on a ainsi obtenu :

u = s−1 v = s s1 · · · sk,

ce qui démontre que u est produit d’au plus k+1 6 n+1 réflexions de E. Par suite, le résultatreste vrai lorsque dimE = n+ 1, et est donc valide pour tout entier n > 2.

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DÉVELOPPEMENT no 23

Tables de caractères de S4 et A4

Conventions et notations

∗ Dans la suite, toutes les représentations linéaires considérées le seront sur le corps C.∗ Rappelons, pour la compréhension, quelques définitions et notations déjà introduites au déve-

loppement 17, (V, ρ) désignant la représentation d’un groupe (G, · ) :– On appelle sous-représentation de (V, ρ) tout couple (W,ρW ), où W est un sous-espace

vectoriel de V stable par les automorphismes ρ(g), g ∈ G, et ρW : W → GL(W ) , g 7→ ρ(g)|W .– (V, ρ) est dite irréductible si V 6= 0V , et si ses seules sous-représentations sont (V, ρ) et

(0V , ρ0V ).– Deux représentations (V1, ρ1) et (V2, ρ2) de (G, · ) sont dites isomorphes s’il existe une

application linéaire bijective ϕ : V1 → V2 telle que, pour tous g ∈ G et v1 ∈ V1, on aitρ2[ϕ(v1)] = ϕ[ρ1(g) · v1].

∗ Si (V, ρ) est la représentation d’un groupe (G, · ) d’élément neutre eG, on notera, sauf mentionexplicite du contraire, χρ le caractère qui lui est associé ; rappelons alors que, par définition,si g ∈ G, on a χρ(g) = tr ρ(g).En particulier, on a donc χρ(eG) = dim V , et χρ(ghg−1) = χ(h) pour tous g, h ∈ G.

∗ Enfin, si (G, · ) est un groupe fini, on notera ( · | · )G le produit scalaire sur l’ensemble F(G,C)des fonctions de G dans C défini, pour ϕ, ψ ∈ F(G,C), par :

(ϕ | ψ)G =1

|G|∑

g∈Gϕ(g)ψ(g).

Énoncé

Théorème. 1) Le groupe S4 est constitué de cinq classes de conjugaisons, correspondant à celles

de id, (12), (123), (1234) et (12)(34). En outre, le groupe S4 possède, à isomorphisme près, cinq

représentations irréductibles, et notant χ1, . . . , χ5 les caractères associés à ces représentations,

la table des caractères de S4 est donnée par :

id (1 2) (1 2 3) (1 2 3 4) (1 2)(3 4)χ1 1 1 1 1 1χ2 1 −1 1 −1 1χ3 3 1 0 −1 −1χ4 3 −1 0 1 1χ5 2 0 −1 0 −1

76

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23. Tables de caractères de S4 et A4 77

2) Le groupe A4 est constitué de quatre classes de conjugaison, correspondant à celles de id, (123),(132) et (12)(34). En outre, le groupe A4 possède, à isomorphisme près, quatre représentations

irréductibles, puis notant χ1, . . . , χ4 les caractères associés à ces représentations et ω = e2iπ/3,

la table des caractères de A4 est donnée par :

id (1 2 3) (1 3 2) (1 2)(3 4)χ1 1 1 1 1χ2 1 ω ω2 1χ3 1 ω2 ω 1χ4 3 0 0 −1

Démonstration

Nous allons commencer par rappeler résultats relatifs à la théorie des caractères et des représen-tations linéaires que nous utiliserons par la suite ; désignons par (G, · ) un groupe fini.

(i) À isomorphisme près, le nombre de représentations irréductibles de G est égal au nombrede classes de conjugaison de G.

(ii) Soit (V, ρ) une représentation de G, et (W,ρW ) une sous-représentation de (V, ρ). Il existealors W 0 un supplémentaire de W dans V tel que (W 0, ρW 0) soit une sous-représentationde (V, ρ).

(iii) Soit (V, ρ) une représentation de G. Alors la représentation (V, ρ) est irréductible si etseulement si (χρ | χρ)G = 1.

(iv) Soient (V1, ρ1), . . . , (Vk, ρk) un système de représentants des k représentations irréduc-tibles de G deux à deux non isomorphes. Notant n1, . . . , nk les degrés respectifs de cesreprésentations, on a alors |G| = n1 + · · · + nk.

(v) Soient g, h ∈ G deux éléments non conjugués, (V1, ρ1), . . . , (Vk, ρk) un système de représen-tants des k représentations irréductibles de G deux à deux non isomorphes, de caractèresrespectifs χ1, . . . , χk. Alors χ1(g)χ1(h) + · · · + χk(g)χk(h) = 0.

1) Construction de la table des caractères de S4.

Commençons par dresser la liste des éléments de S4 : S4, qui est d’ordre 24, est composé del’identité id, de 6 transpositions, de 8 3-cycles, de 6 4-cycles, et de 3 bi-transpositions.Déterminons maintenant l’ensemble des classes de conjugaison de S4. Nous savons que tousles p-cycles, p ∈ [1, 4], sont conjugués dans S4. On en déduit facilement que le groupe S4 estconstitué de cinq classes de conjugaison, qui sont :

– la classe de l’identité, restreinte à id ;

– la classe de (1 2), qui correspond à l’ensemble des transpositions de S4 ;

– la classe de (1 2 3), qui correspond à l’ensemble des 3-cycles de S4 ;

– la classe de (1 2 3 4), qui correspond à l’ensemble des 4-cycles de S4 ;

– la classe de (1 2)(3 4), qui correspond à l’ensemble des bi-transpositions de S4.

Compte tenu du rappel (i), on en déduit que S4 possède bien cinq représentations irréductibles,à isomorphisme près. Reste à déterminer les caractères associés à chacune d’entre elles.

• L’une de ces représentations irréductibles est la représentation triviale (C,1). On obtientdonc la première ligne de la table pour χ1 = χ

1

.

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78 23. Tables de caractères de S4 et A4

• Nous savons qu’il existe un unique morphisme non trivial du groupe S4 vers le groupeC∗ ∼= GL(C) ; il s’agit du morphisme signature ε : S4 ։ ±1. (C, ε) est alors une secondereprésentation irréductible de degré 1 de S4, non isomorphe à la représentation (C,1). Ondéduit alors la seconde ligne de la table pour χ2 = χε.

• Considérons la représentation régulière (C4, θ) de S4. Fixons (e1, e2, e3, e4) une base de C4 ;pour rappel, si σ ∈ S4, on a θ(σ) · ej = eσ(j), pour tout j ∈ [1, 4].

– Compte tenu de ce rappel, on a χθ(id) = 4, χθ[(12)] = 2, χθ[(123)] = 1, χθ[(1234)] = 0,et χθ[(1 2)(3 4)] = 0.

– D’autre part, notant v = e1 + e2 + e3 + e4, on constate que θ(σ) ·v = v pour tout σ ∈ S4.Posant D = Vect(v), il est alors clair que (D, θD) est une sous-représentation de degré1 de (C4, θ), isomorphe à la représentation (C,1) de S4.

– D’après (ii), il existe alors H un supplémentaire de D dans C4 tel que (H, θH) soit unesous-représentation de (C4, θ). Notons alors ρ = θH ; nous allons montrer que (H, ρ) estune représentation irréductible de G.Or comme (D, θD) est isomorphe à (C,1), et que C4 = D ⊕ H , on en déduit queχθ = 1+χρ. Ayant déterminé χθ, ceci implique χρ(id) = 4−1 = 3, χρ[(12)] = 2−1 = 1,χρ[(1 2 3)] = 1 − 1 = 0, χρ[(1 2 3 4)] = 0 − 1 = −1, et χρ[(1 2)(3 4)] = 0 − 1 = −1. Et χρétant invariante par conjugaison, il vient alors :

(χρ | χρ)S4 =1

|S4|∑

σ∈S4

χρ(σ)χρ(σ)

=1 · 3 · 3 + 6 · 1 · 1 + 8 · 0 · 0 + 6 · (−1) · (−1) + 3 · (−1) · (−1)

24= 1.

D’après le résultat (iii), on a bien établi l’irréductibilité de (H, ρ).

(H, ρ) étant de degré 3, on a obtenu une nouvelle représentation irréductible de S4, et doncla troisième ligne de la table pour χ3 = χρ.

• Considérons maintenant l’application :

ερ : S4 → GL(H) , σ 7→ ε(σ)ρ(σ).

Il est alors clair que (H, ερ) est une représentation de degré 3 de S4. Or, par définitionmême de ερ, nous avons χερ(id) = 1 ·3 = 3, χερ[(12)] = −1 ·1 = −1, χερ[(123)] = 1 ·0 = 0,χερ[(1 2 3 4)] = −1 · (−1) = 1, et χερ[(1 2)(3 4)] = −1 · (−1) = 1. Là-encore, on vérifie sansdifficulté que (χερ | χερ)S4 = 1, démontrant l’irréductibilité de (H, ερ). On a ainsi exhibéune quatrième représentation irréductible de S4, non isomorphe aux précédentes, et obtenul’avant dernière ligne de la table pour χ4 = χερ.

• Il nous reste à retrouver la dernière ligne de la table. D’après (i), il existe encore (W,φ)une représentation irréductible de S4 non isomorphe aux précédentes ; nous aurons doncχ5 = χφ. Or, d’après le rappel (iv), on a :

24 = |S4| = (dimC)2 + (dimC)2 + (dimH)2 + (dimH)2 + (dimW )2 = 20 + (dimW )2,

dont on déduit que dimW = 2. Par suite, on obtient immédiatement χφ(id) = 2. Comptetenu du résultat (v), on a χ1(σ)χ1(τ) + · · · + χ5(σ)χ5(τ) = 0 pour tous σ, τ ∈ S4 nonconjugués. Fixant τ = id et faisant parcourir à σ l’ensemble (12), (123), (1234), (12)(34),on en déduit que χφ[(1 2)] = 0, χφ[(1 2 3)] = −1, χφ[(1 2 3 4)] = 0, χφ[(1 2)(3 4)] = 2. On adonc obtenu la dernière ligne de la table, pour χ5 = χφ.

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23. Tables de caractères de S4 et A4 79

2) Construction de la table des caractères de A4.

Là-encore, commençons par dresser la liste des éléments de A4 : A4, qui est d’ordre 12, estconstitué de l’identité id, de 8 3-cycles, et de 3 bi-transpositions.Déterminons les diverses classes de conjugaison A4. Pour cela, commençons par observer ceci :

Lemme. Soit σ = (a b c) un 3-cycle de A4. Alors σ n’est pas conjugué à σ−1 dans A4.

Preuve. Notons d l’élément de [1, 4] tel que [1, 4]ra, b, c = d. Commençons par noterque σ−1 = σ2 = (a c b) est également un 3-cycle de A4. Or, les 3-cycles étant conjugués dansS4 ⊃ A4, ceci nous invite à rechercher l’ensemble des τ ∈ S4 tels que τστ−1 = σ−1.Donnons-nous ainsi τ ∈ S4 tel que τστ−1 = σ−1. On a alors (acb) = τστ−1 = (τ(a)τ(b)τ(c)).Comme [1, 4] = a, b, c, d, il vient en particulier τ(d) = d, et τ(a) ∈ a, b, c. Supposons parexemple avoir τ(a) = a, alors nécessairement, τ(b) = c, τ(c) = b, et donc τ = (b c). De façonsimilaire, on voit que l’on a nécessairement τ = (a c) lorsque τ(a) = b, et τ = (a b) lorsqueτ(a) = c. Dans tous les cas, τ est forcément une transposition, à savoir un élément de S4rA4.Par conséquent, il n’existe pas d’élément τ ∈ A4 tel que τστ−1 = σ−1.

Ce constat fait, nous allons pouvoir déterminer les différentes classes de conjugaison de A4.– Il y a tout d’abord la classe de l’identité, restreinte à id.– On a ensuite la classe de la bi-transposition (1 2)(3 4), qui correspond à l’ensemble des

bi-transpositions de A4. En effet, rappelons que si n est un entier supérieur ou égal à 4,les bi-transpositions sont toutes conjuguées dans A4 (voir développement 16, point 2) dulemme).

– Notons σ = (1 2 3) ; compte tenu du lemme, il nous reste encore et au moins deux classesde conjugaison à déterminer : la classe de σ, et la classe de son inverse σ−1. Considérantsuccessivement τστ−1, pour τ = (1 2)(3 4), τ = (1 3)(2 4), et τ = (1 4)(2 3), on remarqueque la classe de σ contient les éléments (1 2 3), (1 4 2), (1 3 4) et (2 4 3). Puis, considé-rant τσ−1τ−1 = (τστ−1)−1 pour les mêmes valeurs de τ , on constate que la classe de σ−1

contient les éléments (1 3 2), (1 2 4), (1 4 3) et (2 3 4).Compte tenu de tout ce qui précède, on voit que la classe de conjugaison (1 2 3) est précisé-ment égale à l’ensemble (123), (142), (134), (243), et que celle de (132) est précisémentégale à (1 3 2), (1 2 4), (1 4 3), (2 3 4).

Il y a donc quatre classes de conjugaisons dans A4. D’après (i), il existe donc, à isomorphismeprès, quatre représentations irréductibles de A4. Déterminons les caractères associés à cesreprésentations.• Soit H le sous-groupe de A4 engendré par les bi-transpositions. On a :

H = id, (1 2)(3 4), (1 3)(2 4), (1 4)(2 3).

Les bi-tranpositions étant toutes conjuguées dans A4, on en déduit que H est un sous-groupe distingué de A4. Comme |H | = 4, on en déduit que le groupe quotient A4/H estd’ordre 3, donc isomorphe à Z/3Z.Or, nous savons que le groupe cyclique Z/3Z possède trois représentations irréductibles,toutes de degré 1. Comme GL(C) ∼= C∗, celles-ci sont définies, pour j ∈ [1, 3], par :

ρj : Z/3Z → C∗, k 7→ ωjk,

où ω désigne e2iπ/3 et k la classe dans Z/3Z d’un élément k ∈ Z (voir développement 17).Soit π : A4 ։ A4/H la surjection canonique. Pour j ∈ [1, 3], notons ρj = ρj π : A4 → C∗ ;on obtient ainsi une famille (C, ρj)j∈[1,3] de représentations de degré 1, donc irréductibles,de A4, et deux à deux non isomorphes. Prenant, pour j ∈ [1, 3], χj = χρj

, on obtient lestrois premières lignes de la table de A4.

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80 23. Tables de caractères de S4 et A4

• Il nous reste à déterminer la dernière ligne de la table. D’après (i), il existe encore unereprésentation irréductible de A4, non isomorphe aux précédentes. Notons (V, ρ) cettedernière représentation ; on peut donc prendre χ4 = χρ. Compte tenu du résultat (iv), ona dim V = 2, et donc χρ(id) = 2. Or, le résultat (v) montre que si σ, τ ∈ A4 ne sont pasconjugués, alors χ1(σ)χ1(τ) + · · · + χ4(σ)χ4(τ) = 0. Fixant τ = id, et faisant parcourir àσ l’ensemble (1 2 3), (1 3 2), (1 2)(3 4), on en déduit facilement la ligne relative à χ4.

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DÉVELOPPEMENT no 24

Algorithme de Faddeev

Conventions et notations

Dans la suite, on fixe n ∈ N∗, et A ∈ Mn(C). On pose alors :

A0 = A, puis Ak+1 = A

ÅAk − 1

k + 1tr(Ak)In

ãsi k ∈ N.

Rappelons que si k est un corps commutatif, α1, . . . , αn ∈ k, et, pour k ∈ [1, n] :

σk =∑

16i1<···<ik6nαi1 · · ·αik ; Sk =

n∑j=1

αkj ,

alors pour P (X) = Xn + an−1Xn−1 + · · · + a0 ∈ k[X ] ayant pour racines α1, . . . , αn, on a les

relations entre coefficients et racines, pour tout k ∈ [1, n] :

σk = (−1)kan−k,

dont on déduit les formules de Newton, pour tout k ∈ [1, n] :

Sk − σ1Sk−1 + · · · + (−1)k−1σk−1S1 + (−1)kkσk = 0.

Énoncé

Théorème. On a An = A · χA[X := A] = 0. En particulier, on a donc :

χA(X) = Xn − tr(A0)Xn−1 − · · · − 1n

tr(An−1).

Démonstration

Pour démontrer ce théorème, nous allons procéder en trois temps.

1) On commence par montrer que, pour tout k ∈ [1, n], on a :

Ak = Ak+1 − 11

tr(A0)Ak − · · · − 1k

tr(Ak−1)A1.

81

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82 24. Algorithme de Faddeev

• Le résultat est vrai lorsque k = 1, puisque :

A1 = A

ÅA0 − 1

1tr(A0)In

ã= A2 − 1

1tr(A0)A1.

• Supposons disposer de k ∈ [1, n− 1] tel que Ak ait l’expression souhaitée. Alors :

Ak+1 = A

ÅAk − 1

k + 1tr(Ak)In

ã

= A

ïÅAk+1 − 1

1tr(A0)Ak − · · · − 1

ktr(Ak−1)A1

ã− 1k + 1

tr(Ak)In

ò

= Ak+2 − 11

tr(A0)Ak+1 − · · · − 1k

tr(Ak−1)A2 − 1k + 1

tr(Ak)A1,

et Ak+1 a également l’expression voulue. On a donc obtenu le résultat par récurrence.2) Notons λ1, . . . , λn les valeurs propres de A (comptées sans multiplicité), et, pour k ∈ [1, n] :

σk =∑

16i1<···<ik6nλi1 · · ·λik ; Sk =

n∑j=1

λkj .

On va montrer que, pour tout k ∈ [0, n− 1] :

tr(Ak) = (−1)k(k + 1)σk+1.

• On a tr(A0) = trA =n∑j=1

λj = (−1)0(0 + 1)σ1.

• Supposons, étant donné k ∈ [0, n− 2], avoir montré que tr(Aj) = (−1)j(j + 1)σj+1 pourtout j ∈ [0, k]. D’après le point 1), on a alors :

tr(Ak+1) = trÅAk+2 − tr(A0)Ak+1 − · · · − 1

k + 1tr(Ak)A

ã

= tr(Ak+2) − tr(A0) tr(Ak+1) − · · · − 1k + 1

tr(Ak) tr(A1).(24.1)

Or, trigonalisant A, on voit facilement que tr(Aj) = Sj pour tout j ∈ [1, k + 2]. Ainsi,utilisant l’hypothèse de récurrence, il résulte de (24.1) :

tr(Ak+1) = Sk+2 − σ1Sk+1 − · · · − 1k + 1

(−1)k(k + 1)σk+1S1

= Sk+2 − σ1Sk+1 + · · · + (−1)k+1σk+1S1.

On déduit ainsi des formules de Newton :

tr(Ak+1) = −(−1)k+2(k + 2)σk+2 = (−1)k+1(k + 2)σk+2.

On a donc obtenu le résultat annoncé par récurrence.3) On conclut que An = A · χA[X := A], soit An = 0 d’après le théorème de Cayley-Hamilton,

et donc que χA(X) possède bien l’expression annoncée. D’après les points 1) et 2), on a :

An = An+1 − 11

tr(A0)An − · · · − 1n

tr(An−1)A

= A

ÅAn − tr(A0)An−1 − · · · − 1

ntr(An−1)In

ã

= A

ÅAn − σ1A

n−1 − · · · − 1n

(−1)n−1nσnIn

ã,

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24. Algorithme de Faddeev 83

et donc finalement :

An = A(An − σ1A

n−1 + · · · + (−1)nσnIn)

. (24.2)

Notant P (X) = Xn − σ1Xn−1 + · · · + (−1)nσn ∈ C[X ], on a donc établi An = A ·P [X := A].

Mais comme λ1, . . . , λn sont les valeurs propres de A, on a χA(X) = (X − λ1) · · · (X − λn),et σ1, . . . , σn étant les fonctions symétriques élémentaires associées à ces valeurs propres, lesrelations entre coefficients et racines entrainent χA = P . On a donc bien obtenu :

An = A · χA[X := A] = 0,

Et comme, d’après (24.2), on aussi An = A(An − tr(A0)An−1 − · · · − 1

n tr(An−1)In), on en

déduit facilement l’expression relative à χA(X).

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Correspondance entre leçons et développements

Attention ! Cette correspondance est relative aux leçons de la session 2014. . .

Développements1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

Leç

on

sc

on

cer

née

s

102 X

106 X

107108 X X

120 X

121 X X

122 X

141 X

144 X

150151 X

152 X

153 X X

154 X

155 X

160 X

162 X

170 X

171 X

190 X

201 X X

202 X X X

203 X

204 ∗ ∗205 X X

206 X

208 X X

209 X

214 X X

215 X X

218 X X

223 X

226 X

228 X X

229 X

230 X

232 X X

234 X

235 X X

241 X X

247 X X

∗ : Les développements 9 et 10 pourront faire l’objet d’un seul et même développement pour laleçon 204, à condition de supposer acquis leurs lemmes respectifs.

84

Page 85: DÉVELOPPEMENTS POUR L’AGRÉGATION DE MATHÉMATIQUES · 3 Caractère C∞ des valeurs propres d’une matrice réelle 10 4 Lemme de Morse 13 5 Un lemme fondamental d’approximation

Correspondance entre leçons et développements 85

Attention ! Cette correspondance est relative aux leçons de la session 2014. . .

Développements13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24

Leç

on

sc

on

cer

née

s

101 X X

103 X X

104 X X

105 X X

106 X

107 X X

108 X X

109 X X

120 X

121 X

122 X X

123 X X

125 X

126 X

142 X

144 X

150 X

151 X X

152 X

153 X X X

154 X X

155 X X

157 X

158 X

159 X

160 X

170 X

171 X

180 X

190 X X

203 X

204 X

207 X

219 X

223 X

229 X

230 X

234 X

236 X

239 X

240 X

244 X

245 X

253 X

254 X

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Liste des notations

A désigne, pour A partie d’un espace topologique X, l’adhérence de A dans X.

a ∧ b désigne, pour a, b deux éléments d’un anneau factoriel, un pgcd de a et b.

a | b signifie, pour a, b deux éléments d’un anneau commutatif, que a divise b.

An désigne, pour n ∈ N∗, le groupe des permutations paires de l’ensemble [1, n].

Antn(k) désigne, pour n ∈ N∗ et k un corps commutatif, l’ensemble des matrices carrées anti-

symétriques de taille n à coefficients dans k.

A⊥ désigne, pour une A partie non vide d’un espace euclidien E, le sous-espace vectoriel

de E constitué des vecteurs de E orthogonaux à tous les éléments de A.

B(a, r) désigne, pour a élément d’un espace métrique (X, d) et r > 0, l’ensemble des points

x ∈ X vérifiant d(x, a) < r.

B′(a, r) désigne, pour a élément d’un espace métrique (X, d) et r > 0, l’ensemble des points

x ∈ X vérifiant d(x, a) 6 r.

Card E désigne, pour E un ensemble fini, le nombre d’éléments de l’ensemble E .

car R désigne, pour R un anneau commutatif, la caractéristique de l’anneau R.

Ck(X, F ) désigne, pour k ∈ N ∪ ∞, X partie d’un espace vectoriel normé sur R et F un

R-espace vectoriel normé, l’ensemble des applications de X dans F de classe Ck.

deg P désigne, pour P un polynôme, le degré de P .

det M , det φ désignent le déterminant d’une matrice carrée M , le déterminant d’un endomorphisme

φ en dimension finie.

diag(A1, . . . , Ar) désigne, pour r ∈ N∗ et A1, . . . , Ar des matrices carrées ou des scalaires, la matrice

carrée ayant pour blocs diagonaux A1, . . . , Ar, et des 0 partout ailleurs.

Df(x) désigne, lorsqu’elle existe, la différentielle d’une application f en un point x.

Dkf(x) désigne, lorsqu’elle existe, la différentielle par rapport à la k-ième variable d’une ap-

plication f en un point x.

Dnf(x) désigne, lorsqu’elle existe, la différentielle d’ordre n d’une application f en un point x.

∂kf(x) désigne, lorsqu’elle existe, la dérivée par rapport à la k-ième variable d’une application

f en un point x.

E1∼= E2 signifie, pour E1 et E2 deux espaces vectoriels, que les espaces vectoriels E1 et E2 sont

isomorphes.

E r A désigne, pour E un ensemble et A une partie de E , le complémentaire dans E de A.

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Liste des notations 87

End(E) désigne, pour E un espace vectoriel, l’ensemble des endomorphismes de E.

E(x), ⌊x⌋ désignent, pour x un nombre réel, la partie entière de x.

f|A désigne la restriction d’une application f à sous-ensemble A de son ensemble de défi-

nition.

f(A) désigne l’image directe d’une partie A par une application f .

f−1(A) désigne l’image réciproque d’une partie A par une application f .

F E , F(E, F ) désignent, pour E et F deux ensemble non vides, l’ensemble des applications définies

sur E et à valeurs dans F .

F (p) · x désigne, pour F (p) une application dépendant d’un paramètre p et x un élément de

son ensemble de définition, l’image de x par l’application F (p).

G1∼= G2 signifie, pour G1 et G2 deux groupes, que les groupes G1 et G2 sont isomorphes.

GL(E) désigne, pour E un espace vectoriel, le groupe des automorphismes de E.

GLn(k) désigne, pour n ∈ N∗ et k un corps commutatif, le groupe des matrices carrées inver-

sibles de taille n à coefficients dans k.

|G| désigne, pour G un groupe fini, le nombre d’éléments du groupe G.

G/H désigne, pour G un groupe et H un sous-groupe distingué de G, le groupe quotient de

G par son sous-groupe distingué H .

H < G signifie, pour G un groupe, que H est un sous-groupe de G.

H ⊳ G signifie, pour G un groupe, que H est un sous-groupe distingué de G.

i désigne la racine complexe de partie imaginaire positive du polynôme X2 + 1.

idE désigne l’application identité d’un ensemble E .

In désigne, pour n ∈ N∗ et k un corps commutatif, la matrice identité de Mn(k).

1A désigne la fonction indicatrice d’un ensemble A.

+∞, −∞ désignent deux symboles adjoints à R tels que pour tout t ∈ R ∪ −∞, +∞, on ait

−∞ 6 t 6 +∞.

Jacf désigne, pour p, q ∈ N∗, U ⊂ Rp un ouvert et f : U → Rq une application différentiable,

l’application qui, à un point x ∈ U , associe la matrice jacobienne de f en x.

ker φ désigne, pour φ une application linéaire ou un morphisme de groupes, anneaux, ou

corps, le noyau de φ.

K∗ désigne, pour K ∈ N,Z ou K un corps, l’ensemble K privé de son élément nul 0.(

n

k

)désigne, pour n ∈ N et k ∈ [0, n], le nombre de parties à k éléments d’un ensemble à

n éléments.

k[φ] désigne, pour k un corps commutatif et φ endomorphisme d’un k-espace vectoriel E,

la sous-k-algèbre des endomorphismes de E constituée des polynômes en φ.

ku désigne, pour k un corps commutatif et u un vecteur d’un k-espace vectoriel E, le

sous-espace de E constitué des éléments de la forme λu, pour λ ∈ k.

Lc(E, F ) désigne, pour E et F deux espaces vectoriels sur R ou C, l’ensemble des applications

linéaires continues de E dans F .

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88 Liste des notations

matB (φ) désigne, pour φ un endomorphisme d’un espace vectoriel E et B une base de E, la

matrice de φ dans la base B.

Mn(k) désigne, pour n ∈ N∗ et k un corps commutatif, la k-algèbre des matrices carrées de

taille n à coefficients dans k.

N,Z,Q,R,C désignent respectivement les ensembles des nombres naturels, relatifs, rationnels, réels,

complexes.

O(E) désigne, pour E un R-espace vectoriel euclidien de dimension finie, le groupe des

endomorphismes orthogonaux.

On(R) désigne, pour n ∈ N∗, le groupe des matrices carrées réelles orthogonales de taille n.

O−n (R) désigne, pour n ∈ N∗, l’ensemble des matrices carrées réelles orthogonales de taille n

et de déterminant −1.

O (x) désigne l’orbite d’un élément x sous une action de groupe.

[p, q] désigne, pour p, q ∈ N, l’ensemble des entiers naturels k tels que p 6 k 6 q.

P (X) désigne, pour X un ensemble, l’ensemble des parties de X.

P [X := a] désigne, pour P un polynôme à coefficients dans un anneau commutatif R et a élément

d’une R-algèbre, la valeur de P en a.

Re z désigne la partie réelle d’un nombre complexe z.

R× désigne, pour R un anneau commutatif, le sous-ensemble des éléments inversibles de

R.

R[X] désigne, pour R un anneau commutatif, la R-algèbre des polynômes à une indéterminée

et à coefficients dans R.

R+,R∗+,R−,R∗

− désignent respectivement les ensembles des nombres réels positifs, strictement positifs,

négatifs, strictement négatifs.

R/I désigne, pour R un anneau commutatif et I un idéal de R, l’anneau quotient de R par

son idéal I .

SLn(k) désigne, pour n ∈ N∗, le groupe des matrices carrées de taille n à coefficients dans k

ayant 1 pour déterminant.

Sn désigne, pour n ∈ N∗, le groupe des permutations de l’ensemble [1, n].

SOn(R) désigne, pour n ∈ N∗, le groupe des matrices carrées réelles orthogonales de taille n et

de déterminant 1.

Spec φ désigne, pour φ endomorphisme d’un espace vectoriel de dimension fini sur un corps

k, l’ensemble de ses valeurs propres sur k.

Spec M désigne, pour M matrice carrée à coefficients dans un corps k, l’ensemble de ses valeurs

propres sur k.

Stab (x) désigne le stabilisateur d’un élément x sous une action de groupe.

Sym(E) désigne, pour E un R-espace vectoriel euclidien de dimension finie, le R-espace vectoriel

des endomorphismes symétriques.

Symn(k) désigne, pour n ∈ N∗ et k un corps commutatif, le k-espace vectoriel des matrices

carrées symétriques de taille n à coefficients dans k.

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Liste des notations 89

Sym++n (R) désigne, pour n ∈ N∗, l’ensemble des matrices réelles symétriques définies positives.

tr M , tr φ désignent la trace d’une matrice carrée M , la trace d’un endomorphisme φ en dimen-

sion finie.

tM désigne, pour M une matrice, la transposée de la matrice M .

∅ désigne l’ensemble vide.

〈x〉 désigne, pour x élément d’un groupe G, le sous-groupe de G engendré par x.

Vect Λ désigne, pour Λ une famille de vecteurs d’un espace vectoriel E, le sous-espace vectoriel

de E engendré par Λ.

0E désigne, pour E un espace vectoriel, le vecteur nul de E.

#—

0 désigne, pour n ∈ N∗ et k un corps commutatif, le vecteur nul de kn.

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Bibliographie

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[12] François Rouvière, Petit guide de calcul différentiel, Cassini, 2009.

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[14] Patrice Tauvel, Algèbre, Dunod, 2005.

[15] Léonard Todjihounde, Calcul différentiel, Cépaduès, 2009.

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