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L’obésité 5 e COLLOQUE GROUPE PASTEUR MUTUALITÉ Sous la présidence du Professeur Jean-Michel Oppert et du chef 3 étoiles Michel Guérard avec la participation exceptionnelle du Professeur Marcel Rufo u vu des chiffres alarmants de « l’épidémie d’obé- sité » (expression utilisée par l’OMS en 1998), pré- sentés par le Professeur Sébastien Czernichow, on peut légitimement craindre que l’obésité, et plus géné- ralement le surpoids, ne soit le fléau inexorable de la santé publique dans les décennies à venir. Mais à partir de quels critères et de quelles valeurs peut- on parler de pathologie ? C’est la question soulevée par le philosophe Maël Lemoine. Pour ce dernier, dans toutes les pathologies se trouve une part de construction sociale, où se mêlent craintes d’ostracisme, représenta- tions culturelles, fantasmes, modes, marketing… Dans notre société qui tend à tout médicaliser, le philosophe invite à la prudence à l’égard de la question normative du poids et souligne le droit de chacun à la différence. C’est aussi le plaidoyer d’Anne-Sophie Joly, Présidente du Collectif national des associations d’obèses, qui réclame l’indulgence de la part de tous et plus particulièrement du corps médical : « Le regard des autres, les gestes, les at- titudes qu’auront les médecins vont conditionner le com- portement des patients obèses. C’est une pathologie à vie dont la prise en charge passe par une humanité. » Modèle de soin pour les maladies chroniques, l’obésité, dans son acception de mise en danger de la santé, nécessite une approche pluridisciplinaire, s’inscrivant dans une stratégie globale. « Cette attitude très moderne », ainsi que l’a qualifiée le Professeur Bernard Devulder, modérateur du colloque, donne à la question de l’obésité à tous les âges de la vie un éclairage résolument dynamique où s’entrecroisent image de soi, activités physiques et plaisir. COMPTE-RENDU DU COLLOQUE Le 5 e colloque Groupe Pasteur Mutualité s’est déroulé le 22 novembre 2013 à la Maison de la Chimie, à Paris. Il a réuni près de 500 personnes autour du thème de santé publique majeur que constitue l’obésité. Différents éclairages ont permis de saisir les spécificités de ce phénomène complexe et multifactoriel face auquel la médecine seule ne suffit pas. A à tous les âges

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L’obésité5e COLLOQUE GROUPE PASTEUR MUTUALITÉ

Sous la présidence du Professeur

Jean-Michel Oppert

et du chef 3 étoiles Michel

Guérard

avec la participation exceptionnelle du

Professeur Marcel Rufo

u vu des chiffres alarmants de « l’épidémie d’obé-sité » (expression utilisée par l’OMS en 1998), pré-sentés par le Professeur Sébastien Czernichow,

on peut légitimement craindre que l’obésité, et plus géné-ralement le surpoids, ne soit le fl éau inexorable de la santé publique dans les décennies à venir.

Mais à partir de quels critères et de quelles valeurs peut-on parler de pathologie ? C’est la question soulevée par le philosophe Maël Lemoine. Pour ce dernier, dans toutes les pathologies se trouve une part de construction sociale, où se mêlent craintes d’ostracisme, représenta-tions culturelles, fantasmes, modes, marketing… Dans notre société qui tend à tout médicaliser, le philosophe invite à la prudence à l’égard de la question normative du poids et souligne le droit de chacun à la différence.

C’est aussi le plaidoyer d’Anne-Sophie Joly, Présidente du Collectif national des associations d’obèses, qui réclame l’indulgence de la part de tous et plus particulièrement du corps médical : « Le regard des autres, les gestes, les at-titudes qu’auront les médecins vont conditionner le com-portement des patients obèses. C’est une pathologie à vie dont la prise en charge passe par une humanité. »

Modèle de soin pour les maladies chroniques, l’obésité, dans son acception de mise en danger de la santé, nécessite une approche pluridisciplinaire, s’inscrivant dans une stratégie globale. « Cette attitude très moderne », ainsi que l’a qualifi ée le Professeur Bernard Devulder, modérateur du colloque, donne à la question de l’obésité à tous les âges de la vie un éclairage résolument dynamique où s’entrecroisent image de soi, activités physiques et plaisir.

COMPTE-RENDU DU COLLOQUE

Le 5e colloque Groupe Pasteur Mutualité s’est déroulé le 22 novembre 2013 à la Maison de la Chimie, à Paris. Il a réuni près de 500 personnes autour du thème de santé publique majeur que constitue l’obésité. Différents éclairages ont permis de saisir les spécifi cités de ce phénomène complexe et multifactoriel face auquel la médecine seule ne suffi t pas.

A

à tous les âges

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EFFORT ET PLAISIR : DE LA CUISINE À L’ACTIVITÉ PHYSIQUE COMME ACTES DE SOIN

« Nutrition, gastronomie, plaisir et santé vont ensemble » déclare le Professeur Jean-Michel Oppert. C’est ce que défend par ailleurs avec conviction le chef étoilé Michel Guérard : « Quelle que soit la cuisine, traditionnelle, molé-culaire, diététique, hospitalière…, la ligne de force de la cui-sine et du goût est le plaisir. » Un crédo qu’il met au service des curistes de la station d’Eugénie-les-Bains, avec un tel succès qu’il vient d’ouvrir une école de cuisine-santé, à l’intention des chefs cuisiniers.

Même l’alimentation liée à l’effort, comme celui que fournit l’alpiniste Catherine Destivelle, comporte cette dimension de soin. Pour elle, la question ne se pose pas de savoir quelle cuisson adoptée pour réduire le nombre de calories du foie gras, ou comment remplacer la crème au beurre du Pa-ris-Brest par « une crème au blanc d’œuf parfumée », mais elle connaît l’intérêt de manger des fruits secs le matin… Car pour tous les sportifs de haut niveau, la façon de se nourrir est intimement liée à la nécessité de prendre soin de son corps.

N’est-ce pas d’ailleurs ce que tout un chacun devrait gar-der à l’esprit tout au long de sa vie, tant « l’activité physique, et pas seulement le sport, est un acte de soin ? C’est une ordonnance », ainsi que le proclame avec conviction le Professeur Bernard Devulder.

L’offre d’activités physiques ne cesse d’augmenter en France, notamment en direction des enfants. L’INPES en a fait le socle d’une quinzaine de projets-pilotes visant à mettre en place ou développer des « interventions auprès des col-légiens sur l’activité physique et la sédentarité » (Icaps). Flo-rence Rostan, en charge de la promotion de ces projets, est persuadée, avant même leur bilan en 2014, que cette stratégie, ancrée dans les territoires et mettant en synergie des partenaires volontaires, est déjà un antidote contre cette épidémie d’obésité et de surpoids à tous les âges de la vie.

GENÈSE DE L’OBÉSITÉ ET CONSTRUCTION DE L’IMAGE DE SOI

Très tôt, des événements de la vie de l’enfant entre 0 et 5 ans sont susceptibles de favoriser un surpoids ou une obésité, ainsi que l’analyse le Docteur Marie-Aline Charles : ainsi, l’IMC de la mère, son diabète et la prise de poids selon l’âge gestationnel pèsent sur le poids de naissance. Une corrélation est aussi établie entre l’obésité infantile et le gain de poids pendant les quatre premiers mois de sa vie.

Le pédopsychiatre Marcel Rufo y décèle l’effet d’une culpabilité maternelle archaïque : « Le bébé pleure, la mère lui donne à manger pour éviter une relation qui ne s’ins-taure pas. Le remplissage remplace un vide relationnel. »

À l’adolescence, où se construit l’image de soi, la diffi culté est d’accepter son corps, quel qu’il soit. Or cette diffi culté reste un écueil pour les soignants.

Pour le Docteur Jean-Philippe Zermati, le « poids d’équi-libre », propre à chacun, est une notion insuffi samment prise en compte dans les thérapies de l’obésité : « Or, même si on arrive à soigner les dérèglements alimentaires, on ne peut que ramener les personnes à un poids d’équi-libre », ce qui ne satisfait pas forcément les patients.

DONNÉES CLÉS POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DE L’OBÉSITÉ

6,9 millions de Français sont obèses (étude Obépi 2012), avec un gradient Nord-Sud très marqué (Nord : 21,8 % d’obèses, régions méditerranéennes : 13, 2 %). La connaissance des facteurs de risque permet une vigilance accrue et une prévention précoce.

DONNÉES CLÉS POUR UNE MEILLEURE DONNÉES CLÉS POUR UNE MEILLEURE DONNÉES CLÉS POUR UNE MEILLEURE DONNÉES CLÉS POUR UNE MEILLEURE DONNÉES CLÉS POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DE L’OBÉSITÉPRISE EN CHARGE DE L’OBÉSITÉPRISE EN CHARGE DE L’OBÉSITÉPRISE EN CHARGE DE L’OBÉSITÉPRISE EN CHARGE DE L’OBÉSITÉ

Docteur Marie-AlineCharles

Professeur BernardDevulder

Florence Rostan

CatherineDestivelle

Anne-SophieJoly

Docteur Bruno

Gaudeau

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LES FACTEURS DE RISQUES DE L’OBÉSITÉ

• La période périnatale est importante : la génétique de la mère n’a pas d’incidence sur le poids de naissance de l’enfant, mais le diabète lié à l’obésité, la prise de poids selon l’âge gestationnel ainsi que le tabagisme et le stress maternels sont des facteurs qui favorisent le surpoids de l’enfant. Une corrélation est égale-ment établie entre l’obésité infantile et le gain de poids pendant les quatre premiers mois de la vie.

• La durée et la localisation de l’excès de poids comptent autant que le poids lui-même. Ainsi, la présence de graisse abdominale est directement impliquée dans la mortalité cardiovasculaire (ainsi que la graisse épicardique) et dans la mortalité par cancer.

• On peut être à la fois obèse et sarcopénique. Les causes de la sarcopénie (insuffi sance de masse et de force musculaire) sont l’âge, le défaut d’activité, une maladie associée, une insuf-fi sance nutritionnelle (protéinique en particulier).

• Il existe un paradoxe de l’obésité : dans certaines situations, l’insuffi sance cardiaque, par exemple, les sujets obèses sont protégés. L’opportunité d’une perte de poids n’est donc pas sys-tématique.

L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE OU LA RESPONSABILITÉ DU PATIENT

• Les comportements d’un individu sont autant infl uencés par son histoire personnelle que par son environnement. Il faut tenir compte de la trajectoire de la personne, de son enfance, de son adolescence et de son histoire sociale : l’approche psychoso-ciale est dès lors indispensable.

• Plutôt que de prescrire des régimes amaigrissants qui im-pliquent un contrôle mental, voués à l’échec sur le long terme, les soignants s’appuient sur la théorie de la régulation : il s’agit de faire découvrir les sensations de faim et de satiété.

• Lutter contre l’impulsivité (manger pour calmer instantané-ment une émotion) est la principale diffi culté des soignants et l’écueil principal des thérapies comportementalistes.

• L’obésité et le surpoids sont la porte d’entrée de maladies chroniques : diabète (maladie qui met 20 ans à s’installer), in-suffi sance cardiaque…

• Un régime modéré et la pratique d’un exercice physique tout au long de la vie (2,5 à 4 heures / semaine) réduisent les risques de maladies (y compris de cancer) et sont des atouts majeurs pour prévenir les incapacités liées à l’avancée en âge. Toutefois, à l’âge de la retraite, les bénéfi ces de l’activité physique sont annulés par une augmentation de la sédentarité.

COMPTE-RENDU DU COLLOQUE

Données présentées

PAR LE PROFESSEUR JEAN-MICHEL OPPERT, LE PROFESSEUR SÉBASTIEN CZERNICHOW

ET DOCTEUR JEAN-PHILIPPE ZERMATI

photo du colloqueProfesseur Jean-Michel

Oppert

Professeur Sébastien

Czernichow

DocteurJean-Philippe

Zermati

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LA CHIRURGIE BARIATRIQUE : EFFICACITÉ ET LIMITES

• La France compte 550 000 obèses sévères (IMC > 40), tous n’étant pas en demande de soins.

• La chirurgie bariatrique (38 000 interventions annuelles en France) est effi cace : la perte de poids moyenne se situe autour de moins de 40 kg au bout de trois ans ; 50 % des opérés n’ont plus de diabète dans l’année qui suit un bypass et tous les autres paramètres sont améliorés.

• Ce type de chirurgie entraîne ce-pendant des carences, à compenser par une prise de vitamines à vie.

LE PLAN OBÉSITÉ

Le Professeur Olivier Ziegler, président de l’Association fran-çaise d’étude et de recherche sur l’obésité, salue la stratégie du Plan Obésité grâce auquel ont été créés les Centres spécialisés de l’obésité (CSO). Ces 37 centres, publics et privés, sont l’outil majeur qui va permettre d’innover et d’évaluer les actions engagées au plan loco-régional. Ils recevront l’appui d’un référent dédié dans chaque Agence régionale de santé. Les objectifs

du Plan Obésité sont simples et proposent une gradation des soins en trois niveaux :

en première ligne, les médecins traitants, les as-

sociations de patients et les psy-chologues, autour de programmes d’éducation thérapeutique ;

ensuite se positionnent les chirurgiens spécialisés en

médecine bariatrique ;

puis les Centres spécialisés de l’obésité, chargés de l’or-

ganisation de la fi lière de soin et de la prise en charge chirurgicale et médicale de l’obésité sévère ou compliquée.

• Un maillage territorial et une mobilisation de tous les acteurs pour que chaque personne ait accès aux soins près de chez soi. À cet égard, le Professeur Olivier Ziegler cite le Haut Conseil des sciences de la vie : « Il faut passer d’une médecine pensée comme une succession d’actes ponctuels et indépendants à une médecine de parcours ». Il espère que cette transversalité, en train de se mettre en place avec la broncho-pneumopathie chronique obstructive, la maladie de Parkinson et l’alcoolisme, s’ap-pliquera demain avec l’obésité.

Après-midiLa conquête de l’image de soiProfesseur Marcel Rufo, Pédopsychiatre, Directeur médical de l’Espace méditerranéen de l’adolescence à l’hôpital Salvator, Marseille

Obésité à tout âge, parcours de soins et mobilisation collectiveProfesseur Olivier Ziegler, Responsable du service nutrition et diabétologie à l’hôpital Brabois, Nancy

Que peut-on attendre de la chirurgie bariatique ? Professeur Jean-Luc Bouillot, Chirurgien spécialisé en chirurgie digestive à l’hôpital Ambroise Paré, Boulogne Billancourt

Table ronde - Bien vivre son obésité Professeur Bernard Devulder, Doyen honoraire de la Faculté de médecine de Lille, Président d’honneur de la Société nationale française de médecine interne (SNFMI)Professeur Olivier Ziegler, Président de l’Association française d’étude et de recherche sur l’obésité (AFERO)Anne-Sophie Joly, Présidente du Collectif national des associations d’obèses (CNAO)Docteur Jean-Philippe Zermati, Président du Groupe de réfl exion sur l’obésité et le surpoids (GROS)Maël Lemoine, Philosophe, Maître de conférences à la Faculté de médecine de Tours

Clôture du colloqueDocteur Bruno Gaudeau, Président de Groupe Pasteur Mutualité

Programme

MatinéeOuverture du ColloqueDocteur Bruno Gaudeau, Président de Groupe Pasteur Mutualité

Allocution introductiveProfesseur Jean-Michel Oppert, Médecin nutrition-niste à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Épidémiologie de l’obésitéProfesseur Sébastien Czernichow, Médecin nutrition-niste à l’hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt

Les déterminants précoces de l’obésitéDocteur Marie-Aline Charles, Médecin épidémiolo-giste, Directrice de recherche à l’INSERM

Prévention de l’obésité chez les adolescentsFlorence Rostan, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES)

Genèse et prévention de l’obésité lors de l’avancée en âgeProfesseur Jean-Michel Oppert, Médecin nutrition-niste à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Réconcilier cuisine, santé et plaisirMichel Guérard, Chef trois étoiles des Prés d’Eugénie et fondateur de l’Ecole de Cuisine de Santé

L’alimentation santé de l’alpiniste :performance et sécuritéCatherine Destivelle, Alpiniste

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