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24 AVENUE DE LAUMIERE 75019 PARIS - 01 53 72 87 00 MARS/MAI 11 Trimestriel OJD : 16660 Surface approx. (cm²) : 2114 Page 1/4 GUERIN 7463267200508/GAW/OTO/2 Eléments de recherche : EDITIONS GUERIN : maison d'édition, toutes citations \ENTRETIEN MONTAGNE Robert Paragot (à droite) et Nadir Dendoune (à gauche] Le premier est un grand alpiniste né avant guerre, dans une famille d'ouvriers beaucerons ; le second est un journaliste et écrivain franco- algérien, né au début des années 1970 dans un quartier dit « sensible » de la Seine-Saint-Denis, qui a atteint le sommet de l'Everest en 2008. Les deux hommes, qu'un demi- siècle sépare, se sont rencontres lors des journées littéraires du dernier Festival du film de montagne d'Autrans. Us y ont noué une amitié et engagé un dialogue fructueux, sans langue de bois, autour d'une aventure à laquelle, a priori, rien ne les destinait : l'alpinisme. Propos recueillis par Fabrice Lardreau ROBERT PARAGOT & NADIR DENDOUNE Les sommets de la colère... Comment avez-vous été amenés à faire de la monta- gne ? Vous êtes tous deux issus de milieux sociaux et de régions qui en semblent très éloignés... Robert Paragot: Enfant de la guerre.je viens d'un milieu ouvrier et du pays le plus plat de France : la Beauce. Mes parents ne savaient pas ce qu'était la montagne. Gamin, j'ai été marqué par les premières affiches jaunes placar- dées sur les murs, avec des noms : un tel, communiste, fusillé, un tel, juif, fusillé ! Ce genre de chose construit, donne une idée de votre place dans la société - à moins qu'on soit insensible. Arrivé à la Libération, on avait envie de bouger, on piaffait pour réaliser quel- que chose : tout était bon pour essayer de se sortir du train-train. J'ai fait de la montagne par hasard, avec des copains que je fréquentais par le mouvement des Auberges dc jeunesse. Ils m'ont emmené faire de la varappe à Fontainebleau (je ne savais même pas ce que le mot varappe voulait dire). J'ai voulu les imiter, au début sans y arriver. Mais je suis revenu le diman- che suivant et, c'est comme ça. sur les «cailloux» de Fontainebleau, que ma carrière, si l'on peut dire, a commencé... Nadir Dendoune: J'ai l'impression que Robert et moi nous sommes le produit dè la résilience. Je viens d'un quartier sensible de Seine-Saint-Denis où l'on a l'impression de faire partie des damnés de la terre, d'être hors de la France, alors que pour moi vivre en banlieue, c'est d'abord vivre en France. J'ai été à deux doigts durant une partie de ma vie de sombrer dans la délinquance... Vivre dans un tel quartier, c'est à double tranchant. L'estime de soi est très importante : ce qui man- que dans nos quartiers, c'est qu'on nous dise qu'on nous aime, qu'on cst français. On a toujours pour ces gens de banlieues des discours soit paternalistes, condescendants, soit violents : on est de la « racaille ». Comme Robert, j'ai fait de la montagne par hasard: grâce à mon tour du monde en VTT, j'ai rencontre au Népal, via une journaliste locale, un homme qui

E · né avant guerre, dans une famille d'ouvriers beaucerons ; le second est un journaliste et écrivain franco-algérien, né au début des années

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\ENTRETIEN MONTAGNE

Robert Paragot (à droite)et Nadir Dendoune (à gauche]

Le premier est un grand alpinistené avant guerre, dans une familled'ouvriers beaucerons ; le secondest un journaliste et écrivain franco-algérien, né au début des années1970 dans un quartier dit « sensible »de la Seine-Saint-Denis, qui a atteintle sommet de l'Everest en 2008.Les deux hommes, qu'un demi-siècle sépare, se sont rencontreslors des journées littéraires dudernier Festival du film de montagned'Autrans. Us y ont noué une amitiéet engagé un dialogue fructueux,sans langue de bois, autour d'uneaventure à laquelle, a priori, rien neles destinait : l'alpinisme.

Propos recueillis par Fabrice Lardreau

ROBERT PARAGOT & NADIR DENDOUNE

Les sommets de la colère...Comment avez-vous été amenés à faire de la monta-gne ? Vous êtes tous deux issus de milieux sociaux etde régions qui en semblent très éloignés...

Robert Paragot:Enfant de la guerre.je viens d'un milieu ouvrier et dupays le plus plat de France : la Beauce. Mes parentsne savaient pas ce qu'était la montagne. Gamin, j'aiété marqué par les premières affiches jaunes placar-dées sur les murs, avec des noms : un tel, communiste,fusillé, un tel, juif, fusillé ! Ce genre de chose construit,donne une idée de votre place dans la société - àmoins qu'on soit insensible. Arrivé à la Libération, onavait envie de bouger, on piaffait pour réaliser quel-que chose : tout était bon pour essayer de se sortir dutrain-train. J'ai fait de la montagne par hasard, avecdes copains que je fréquentais par le mouvement desAuberges dc jeunesse. Ils m'ont emmené faire de lavarappe à Fontainebleau (je ne savais même pas ceque le mot varappe voulait dire). J'ai voulu les imiter,au début sans y arriver. Mais je suis revenu le diman-

che suivant et, c'est comme ça. sur les «cailloux» deFontainebleau, que ma carrière, si l'on peut dire, acommencé...Nadir Dendoune:J'ai l'impression que Robert et moi nous sommes leproduit dè la résilience. Je viens d'un quartier sensiblede Seine-Saint-Denis où l'on a l'impression de fairepartie des damnés de la terre, d'être hors de la France,alors que pour moi vivre en banlieue, c'est d'abordvivre en France. J'ai été à deux doigts durant unepartie de ma vie de sombrer dans la délinquance...Vivre dans un tel quartier, c'est à double tranchant.L'estime de soi est très importante : ce qui man-que dans nos quartiers, c'est qu'on nous dise qu'onnous aime, qu'on cst français. On a toujours pources gens de banlieues des discours soit paternalistes,condescendants, soit violents : on est de la « racaille ».Comme Robert, j'ai fait de la montagne par hasard:grâce à mon tour du monde en VTT, j'ai rencontreau Népal, via une journaliste locale, un homme qui

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monte des expéditions sur l'Everest. Nous sommesdevenus amis. Il m'a persuadé que j'avais les capacitésphysiques pour l'Everest, sous réserve que je m'en-traîne - ce que je n'ai pas fait. Je voulais aller là oùles gens ne m'attendaient pas: on essaie toujours denous associer aux clichés du foot et du rap... CommeRobert à son époque, je voulais faire comprendrequ'on peut être prolo, issu d'un des départementsles moins aimés dè France et aller sur le sommet dumonde. C'était pour moi une question de symbole :je voulais aller en haut pour pouvoir l'ouvrir encoreplus fort ! Je suis habité par cette colère qui me faitavancer, je me suis dit qu'il fallait un peu «foutrele bordel», montrer que ce rêve, le toit du monde- une affaire essentiellement de blancs -, m'était aussipermis.Robert Paragot:Dans la façon dont Nadir s'exprime, je retrouve ceque j'ai vécu pour ma génération, après la guerre, entant que fils de prolos. Lécole ne m'intéressait pastrop, je préférais aller chaparder à droite et à gau-che, poser des collets pour ramasser des lapins. J'aiquand même passé mon certificat d'études à treizeans. Avec le recul, je suis intéressé par la démarche deNadir, qui j'espère aura un parcours aussi intéressantque le mien, il est fait pour ça. À un moment donné, «quand on est issu du bas, on ne peut qu'aller vers 'le haut. Lui, en conquérant l'Everest, il a été toutde suite en haut! Je n'ai jamais éprouvé la colèrede Nadir, mais je comprends très bien le contextedans lequel il évolue. L'injustice pour moi est quelquechose d'insupportable ! Je reviens toujours à ces ques-tions : comment on se construit, pourquoi on prendtelle ou telle position à un moment de sa vie quandon est normal ? Eh bien c'est quand on voit l'injusticecriante, dégueulasse, qui se produit... Si j'avais connuNadir plus tôt, avec sa passion, je sais qu'il aurait faitpartie de notre bande...

Que vous a apporté la montagne?Robert Paragot:La montagne est un terrain de jeu magnifique quiconstruit, que l'on soit bourgeois ou prolo, et ce pourune bonne raison: nous sommes tous au pied del'échelle et c'est notre talent pur, notre façon dè réflé-chir qui va nous permettre d'arriver au sommet selonles difficultés qu'on va rencontrer. La montagne estune école de vie comme on en rencontre rarement,c'est mon université, je me suis construit à travers elle,même si je ne suis pas allé aussi haut que Nadir. Monmoteur n'était pas la colère, mais l'ambition, l'orgueilde prouver que j'étais aussi bon qu'un bourgeois. Jevoulais rivaliser avec les grands noms de l'alpinisme de

l'époque - et j'ai parfois même mieux réussi qu'eux. Lejour où j'ai fait la face nord des Grandes Jorasses, parexemple, j'ai eu l'impression terrible d'avoir rejoint lesgrands noms de l'alpinisme, mes idoles ; quand je suisredescendu j'en étais même tout « couillon » ! Et quandon arrive à être le meilleur, il n'y a plus de frontières,plus d'origine sociale. À travers mes expéditions, j'aieu l'occasion de fréquenter des hommes de toutesorigines. Au Makalu, par exemple, comme chef d'ex-pédition, j'avais la responsabilité de normaliens, poly-techniciens, alors que je n'ai que le certificat d'études...Dc la même manière, en tant que président du Groupede haute montagne, j'ai fréquenté des ministres commeHerzog, Mazeaud. Quand on est ensemble, on parle lemême langage: la montagne.Nadir Dendoune:Mon expédition m'a rendu ma fierté. Quand j'étaisjeune, on m'a fait sentir que j'étais arabe, toutes lesdeux minutes on me demandait d'où je venais. Àforce d'être vu et perçu comme un arabe j'ai fini par

L'iconoclasteNadir Dendoune est unjournaliste et écrivain néen 1972 à Saint-Denis (93).Il effectue en 1993 unpériple de 3000 kilomètresà vélo, en Australie. Séduitpar le pays, il s'installeà Sydney, où il vivrapendant sept ans. Aprèsavoir fait un tour du mondeà vélo en solo, en 2003,parrainé par la Croix-Rougeaustralienne, il travaillependant deux ans commeanimateur sociocultureldans la commune del'Île-Saint-Denis, enbanlieue parisienne.

Il obtient en 2004 la bourse Julien Prunet et intègrele Centre de formation des journalistes (CFJ) à Paris.Journaliste-reporter d'images, notamment à France 3, il aremporté le Prix de l'avenir pour son reportage La boxe, uneécole de la vie. Il est l'auteur de trois livres, Journal de guerred'un pacifiste (éd. CFD, 2005), qui relate son expérience enIrak, en 2003, Lettre ouverte à un fils d'immigré (éd. Dangerpublic, 2007) et Un tocard sur le toit du monde (éd. JC Lattès,2010), récit truculent et iconoclaste de son expéditionréussie à l'Everest, en 2008.

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Robert Paragot ta gauche)et Nadir Dendoune (à droite),se sont rencontres lors du Festivald'Autrans et ont engage un dialoguefructueux autour de l'alpinisme.

le devenir dans ma tête, j'ai eu honte un peu de mon«algérianité», car ça ne renvoyait qu'à des chosesnégatives -j'avais pourtant le même destin que lesautres, je lisais les mêmes journaux, j'allais à la mêmeécole... C'est dur de se construire comme ça. quandla société te renvoie des choses négatives. J'ai com-mencé à devenir français quand je suis parti vivre enAustralie. Quand on me demandait d'où je venais, jedisais que j'étais français, parisien. La France, dansl'inconscient collectif, c'était la bonne bouffe, les joliesfemmes, la mode. J'étais devenu beau, à mon retourde Sydney ; mon histoire était un peu celle d'une Cen-drillon du neuf-trois... Quand je suis arrivé en hautde l'Everest, je me suis réconcilié avec mon identitéalgérienne. Je n'ai plus honte de dire que je suis fran-çais et algérien. Pour autant, il m'a fallu dix ans pourdécoloniser mon esprit, pour me rendre compte queje n'étais pas un tocard. Les a priori sont toujourstenaces : les médias ont mis un an pour croire à monhistoire, dont certains doutent encore aujourd'hui. Caen dit long sur ce pays...

Le témoignage de Nadir sur les expéditions commer-ciales à l'Everest est accablant ; il démystifie la visionsolidaire de la cordée, montre des gens plutôt égoïs-tes et égocentriques...

Nadir Dendoune:La montagne est belle mais elle a été un peu enta-chée par ce que j'ai vécu... J'ai retrouvé en altitudela société individualiste, mercantile et violente quise globalise - mais multipliée par cent, car il y a là-haut de vrais enjeux de vie et de mort. Les clients del'expédition étaient des cadres de multinationales quine voyaient la vie que sous l'aspect d'un rapport deforce.,, Préoccupés avant tout par leur ego, ils étaientprêts à tout pour arriver au sommet - la fin, en monta-gne, justifiait pour eux les moyens... Je me suis trouvépar terre à ramper, sans qu'on vienne m'aider! Lestypes avec lesquels je grimpais cachaient leur bouffedans leur tente, pour ne pas partager, et refusaient deme prêter le téléphone satellite dont ils disposaientgratuitement par leurs sponsors ! C'était à l'opposédè ce que je pensais du monde de l'alpinisme.

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Robert Paragot:L'analyse de Nadir est juste et son récit édifiant, maisça concerne la face sombre de l'alpinisme, un systèmecommercial très particulier, issu d'un deal entre uneentreprise commerciale et le gouvernement népa-lais. .. On se fout totalement de la personne dans untel système, même si elle risque de crever ! Même sil'Everest est le plus haut sommet, toutes les autresmontagnes ont la même valeur de symbole et procu-rent la même explosion de joie - qui ne dure qu'uneseconde - de l'arrivée au sommet... Quand cettejoie est passée, on pense à redescendre rejoindre lesautres hommes, si possible sans se casser la gueule, etd'aller boire une bonne bière au bistro ! L'alpinismeest un tout pour moi (en dehors de la difficulté à vain-cre), il y a surtout la solidarité. Nadir nous raconteune montagne qui ne se partage pas. Et ce constatest terrible pour moi, ancien président de fédération,mais surtout alpiniste amateur qui a connu tant dejoies en montagne avec des vrais compagnons, desfrères. Même si j'applaudis à mille mains ce qu'il aaccompli - la très haute altitude demande des quali-tés physiques exceptionnelles -, c'est dommage qu'iln'ait pas connu l'escalade, la montagne comme nousles avons vécues.

Tu partes longuement des Sherpas, Nadir,avec lesquels tu as sympathisé...Nadir Dendoune:Ce sont les vrais héros de l'Everest. Sans eux, la plu-part des grimpeurs occidentaux, moi compris, n'yarriveraient pas, on n'est rien sans eux... Je fais unparallèle avec les immigrés en France : sans eux, lepays ne tournerait pas. Les hommes politiques quiparlent de «la France qui se lève tôt» me font rire...A mon avis, ils ne prennent jamais le RER à 5h45:quand j'y monte, le nombre dè blancs se compte surles doigts d'une main. Les immigrés vont en usine, surles chantiers, faire le boulot que les Français ne veu-lent pas faire... Je me suis directement senti à l'aiseavec les Sherpas, ce sont les prolos de la montagne...Mais à part moi, personne n'a parlé avec eux durantles deux mois d'expédition ! Ils grimpent pour mangeret risquent leur vie pour que des tocards comme moipuissent réussir, satisfaire leur ego ! Et personne neleur rend hommage.Robert Paragot:Les Sherpas, c'est ma famille. Quand j'ai commencé àêtre chef d'expédition, on nous désignait les Sherpas,c'était à l'époque les esclaves, les larbins : j'arrivais aucamp, ma tente était montée, mon lit était fait. Il y aencore des gens qui se conduisent mal. Mais j'ai fait

Enfant de La guerreRobert Paragot est unalpiniste né en 1927à BuLlion (Yvelines).Il s'est d'abord illustré dansla forêt de Fontainebleauoù il a ouvert plusieursvoies aujourd'hui célèbres,au Cuvier : la Défroquée(une dalle en oe) et laJoker, un mur qui compteparmi les premiers 7 a blocde la forêt. En compagnied'alpinistes tels Lucien

Bérardini, Claude Jaccoux, Paul Keller, René Desmaison,Lionel Terray, ou encore Yannick Seigneur, il a réalisé danstous les grands massifs du monde de nombreuses premièresde haut niveau. On peut oter, entre autres : la face sudde l'Aconcagua, en Argentine, en 1953 ; le Jannu, au Népal,en 1962 ; la face nord du Huascarén, au Pérou, en 1966 ;le Makalu, sur la frontière tibéto-népalaise, en 1971.Il a été président du Groupe de haute montagne (GHM)de 1965 à 1975, du comité de l'Himalaya jusqu'en 1999,et de la Fédération française de la montagne et de l'escalade(FFME) de 1997 à 1999. Il est co-auteur de plusieurs livressur la montagne, dont Paris, camp de base (Ed Guérin, 2010)réalisé en collaboration avec Sophie Cuénot.

en sorte que ça ne se passe plus comme ça (j'ai foutumon poing dans la gueule à un membre d'expéditionqui avait botté le cul d'un Sherpa parce qu'il n'avan-çait pas assez vite !). Les Sherpas, c'étaient mes potes.Au Jannu, en 1962, mon compagnon de cordée étaitun Sherpa Norbu ! On grimpait tous les deux et il estarrive au sommet avec nous, comme les autres !

Nadir, envisages-tu de faire de La montagneautrement?Nadir Dendoune:Je suis revenu de l'Everest il y a trois ans et, pour êtrehonnête, avant de rencontrer Robert, à Autrans, pourmoi c'était niet : je me disais que je n'avais pas la fibredu montagnard, même si je me rends compte, en toutemodestie, que j'ai des capacités et que je me sens bienen montagne. Mais il n'y a que les abrutis qui ne chan-gent pas d'avis... Pour faire plaisir à Robert -je sensqu'on peut très vite devenir amis -, je compte bientôtvenir à Fontainebleau, et, pourquoi pas, partir l'annéeprochaine dans les Alpes et me réconcilier avec lamontagne, dont j'ai vu le côté le plus sombre.Robert Paragot:Je m'en réjouis... J'ai 83 ans et je ne peux pas teprendre sous ma coupe, pour faire cordée, tu traîne-rais un boulet ! (rires) II faut que tu trouves des gensde ton âge qui t'initient, car c'est un parcours extra-ordinaire, fabuleux, il n'y a pas de terme pour décrirece que tu as réalisé, mais tu es passé à côté de l'essen-tiel, ll faut que tu ailles dans le Vercors faire du rocher,et tu verras comme ce monde, avec des copains, estextraordinaire... E!