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Ampullome vatérien B. Napoléon Chapitre 25 Écho-endoscopie digestive Introduction L’ ampullome vatérien est une tumeur assez rare dont le pronostic est plus favorable que celui du pancréas avec respectivement 40 % de survie à 5 ans contre 15 %. La séquence adénome-adénocarcinome est reconnue comme au niveau colique. Le diagnostic positif repose sur l’endoscopie et les biopsies, avec cependant une différence parti- culière liée au fait que l’ampoule de Vater est « enchâssée » dans la paroi. Le développement de la lésion peut se faire aussi bien dans la lumière duodénale (extension endo-luminale) qu’en endo-ampullaire. Le plus souvent, les extensions sont mixtes avec une prédominance endo-lumi- nale mais certaines formes, de développement endo-ampullaire pur (16 % des cas), peuvent être méconnues par l’endoscopie. L’écho-endos- copie (EE) peut alors apporter des éléments pour le diagnostic. Le traitement des ampullomes doit être adapté à leur extension. Le traitement endos- copique à visée curative a prouvé son efficacité pour des tumeurs non invasives, soigneuse- ment sélectionnées. Après plus de 3 ans de suivi moyen, le taux de guérison peut attendre 86 %. L’ampullectomie chirurgicale est une alternative mais présente une morbidité plus élevée et ne se discute que chez des patients présentant une tumeur non invasive comportant une extension endo-canalaire non enlevable par endoscopie. En cas de tumeur invasive, la duodéno-pancréatec- tomie céphalique (DPC) reste nécessaire. Deux éléments doivent être pris en compte pour le choix thérapeutique : l’extension endo-canalaire : si la portion endo- luminale de l’ampoule peut être réséquée endoscopiquement en totalité, les extensions endo-canalaires relèveront, le plus souvent, de l’ampullectomie chirurgicale ou de la DPC ; le risque de métastase ganglionnaire : il est dépendant de l’extension en profondeur dans la paroi. Un adénocarcinome envahissant la sous-muqueuse duodénale a un risque ganglionnaire chiffré à 30 % et relève de la DPC. A contrario, le sphincter d’Oddi repré- sente l’équivalent d’une musculaire muqueuse. En l’absence de franchissement de celui-ci, une lésion est considérée comme sans risque ganglionnaire et peut être guérie endoscopi- quement. Pour ce staging, la duodénoscopie est parfois utile : une ulcération siégeant sur le capuchon muqueux de l’ampoule signe une tumeur ayant envahi la sous-muqueuse duodénale sur son versant endo-luminal. Le résultat des biopsies n’est en revanche pas déterminant. L’existence d’un adénocarci- nome ne contre-indique pas le traitement endoscopique puisque seules les tumeurs infiltrant la sous-muqueuse duodénale ont un risque ganglionnaire associé. L’EE et la minisonde endo-canalaire (MS) sont les deux piliers du staging. Les autres explorations (scanner, IRM, TEP, etc.) ne seront à discuter que pour le bilan d’extension métastatique des tumeurs avancées. L. Palazzo, Écho-endoscopie digestive © Springer-Verlag France 2012

Écho-endoscopie digestive || Ampullome vatérien

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Page 1: Écho-endoscopie digestive || Ampullome vatérien

Ampullome vatérien

B. Napoléon

Chapitre 25

Écho-endoscopie digestive

Introduction

L’ampullome vatérien est une tumeur assez rare dont le pronostic est plus favorable que celui du pancréas avec

respectivement 40 % de survie à 5 ans contre 15 %. La séquence adénome-adénocarcinome est reconnue comme au niveau colique. Le diagnostic positif repose sur l’endoscopie et les biopsies, avec cependant une différence parti-culière liée au fait que l’ampoule de Vater est « enchâssée » dans la paroi. Le développement de la lésion peut se faire aussi bien dans la lumière duodénale (extension endo-luminale) qu’en endo-ampullaire. Le plus souvent, les extensions sont mixtes avec une prédominance endo-lumi-nale mais certaines formes, de développement endo-ampullaire pur (16 % des cas), peuvent être méconnues par l’endoscopie. L’écho-endos-copie (EE) peut alors apporter des éléments pour le diagnostic. Le traitement des ampullomes doit être adapté à leur extension. Le traitement endos-copique à visée curative a prouvé son efficacité pour des tumeurs non invasives, soigneuse-ment sélectionnées. Après plus de 3 ans de suivi moyen, le taux de guérison peut attendre 86 %. L’ampullectomie chirurgicale est une alternative mais présente une morbidité plus élevée et ne se discute que chez des patients présentant une tumeur non invasive comportant une extension endo-canalaire non enlevable par endoscopie. En cas de tumeur invasive, la duodéno-pancréatec-tomie céphalique (DPC) reste nécessaire. Deux

éléments doivent être pris en compte pour le choix thérapeutique :� l’extension endo-canalaire : si la portion endo-

luminale de l’ampoule peut être réséquée endoscopiquement en totalité, les extensions endo-canalaires relèveront, le plus souvent, de l’ampullectomie chirurgicale ou de la DPC ;

� le risque de métastase ganglionnaire : il est dépendant de l’extension en profondeur dans la paroi. Un adénocarcinome envahissant la sous-muqueuse duodénale a un risque ganglionnaire chiffré à 30 % et relève de la DPC. A contrario, le sphincter d’Oddi repré-sente l’équivalent d’une musculaire muqueuse. En l’absence de franchissement de celui-ci, une lésion est considérée comme sans risque ganglionnaire et peut être guérie endoscopi-quement. Pour ce staging, la duodénoscopie est parfois utile : une ulcération siégeant sur le capuchon muqueux de l’ampoule signe une tumeur ayant envahi la sous-muqueuse duodénale sur son versant endo-luminal. Le résultat des biopsies n’est en revanche pas déterminant. L’existence d’un adénocarci-nome ne contre-indique pas le traitement endoscopique puisque seules les tumeurs infiltrant la sous-muqueuse duodénale ont un risque ganglionnaire associé. L’EE et la minisonde endo-canalaire (MS) sont les deux piliers du staging. Les autres explorations (scanner, IRM, TEP, etc.) ne seront à discuter que pour le bilan d’extension métastatique des tumeurs avancées.

L. Palazzo, Écho-endoscopie digestive© Springer-Verlag France 2012

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226 Écho-endoscopie digestive

L’écho-endoscopie pour le diagnostic d’ampullome

Les critères évoquant un ampullome en EE sont nombreux (taille, échogénicité, dilatation biliaire, etc.). Cependant, la spécificité de ces différents critères est inégale. Une étude non publiée rete-nait comme critères pertinents pour différencier un ampullome d’une grosse ampoule bénigne ou d’une oddite la rupture de l’interface sous-muqueuse-musculeuse et la présence de bour-geons tissulaires remontant en endo-canalaire dans le cholédoque ou dans le canal de Wirsung. Les autres critères n’étaient pas spécifiques. Quand une présentation « endo-ampullaire » est suspectée, la sphinctérotomie avec biopsies est nécessaire pour affirmer le diagnostic. La ponc-tion sous EE n’a été proposée que dans une étude rétrospective avec une VPN de 77 %. Elle n’est pas actuellement recommandée.Il est important par ailleurs de rappeler que l’EE est incapable d’exclure un ampullome. En effet, en cas de lésion débutante de développe-ment endo-luminal, l’EE ne sera pas efficace pour identifier les anomalies muqueuses. C’est particulièrement le cas pour les ampullomes dépistés dans un contexte de polyadénomatose familiale (PAF) ou lors d’une gastroscopie pour reflux gastro-œsophagien (RGO) ou dyspepsie. Une duodénoscopie doit être systématiquement couplée à l’EE devant un tableau clinico-biolo-gique évoquant un ampullome.

L’écho-endoscopie pour le staging

L’EE est indispensable pour effectuer un staging uTN « classique ». On pourra ainsi différencier les tumeurs avancées (au moins uT2 avec un envahissement de la musculeuse duodénale) des lésions limitées à l’ampoule (uT1). On privilé-giera l’EE radiale (seule évaluée dans la littéra-ture), même si l’EE linéaire est prometteuse mais justifie une expérience extensive. Les perfor-mances sont excellentes avec une efficacité pour le stade uT comprise selon les séries entre 71 et 91 % et atteignant 90 % pour sélectionner les tumeurs uT1 versus > uT1. Le sphincter d’Oddi

n’est en revanche pas visualisé et une extension tumorale à la sous-muqueuse duodénale ne peut pas être exclue. Les résultats pour le staging ganglionnaire sont décevants (53 à 87 %) avec une VPN très insuffisante (< 75 %) pour consi-dérer qu’une tumeur uN0 en EE n’a pas de risque ganglionnaire.L’EE permet également de visualiser des bour-geons tumoraux remontant dans le cholédoque ou le canal de Wirsung avec une précision de 82 à 90 %. Les infiltrations remontant largement (� 1 cm) dans ces canaux peuvent être considé-rées comme non résécables par endoscopie.L’EE représente donc un examen indispen-sable pour diagnostiquer les lésions > uT1 et/ou avec une infiltration endo-canalaire relevant d’un traitement chirurgical. L’examen devra préférentiellement être réalisé avant tout geste thérapeutique. La sphinctérotomie ou la pose de prothèse diminuent les performances du staging pariétal et du staging endo-canalaire. L’EE reste en revanche insuffisante en cas de lésion uT1 sans extension endo-canalaire pour différen-cier les tumeurs envahissant la sous-muqueuse duodénale (à traiter par DPC) et les tumeurs réellement débutantes relevant du traitement endoscopique. C’est à ce groupe de patient que s’adressera, en seconde intention, la MS.

Les MS de haute fréquence

L’étude de l’infiltration de la sous-muqueuse s’effectue avec des sondes de haute fréquence (20 MHz) introduite sur un fil guide dans la voie biliaire ou dans le canal pancréatique lors d’une CPRE (sans nécessité de sphinctéro-tomie). Leur définition permet de visualiser la sous-muqueuse. Les performances sont excel-lentes avec une efficacité supérieure à 90 % pour sélectionner les patients sans envahissement de la sous-muqueuse duodénale. La MS est égale-ment utile quand l’EE est d’interprétation diffi-cile entre uT1 et uT2 (10 % des cas dans notre expérience). Pour les MS, comme pour l’écho-endoscopie, l’efficacité diagnostique diminue de manière significative en cas de sphinctérotomie et/ou la pose préalable d’une prothèse.

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Ampullome vatérien 227

Suspicion d’ampullome vatérien

écho-endoscopie + duodénoscopie + biopsies endoscopiques (si tumeur endoluminale visible)

uT > T1 ou N+ prouvé par une biopsie écho-endoscopiquement guidée uT < T2 et N0

ou ulcération du capuchon de l’ampoule (sous-muqueuse envahie)

extension endocanalaire � 1 cm extension endocanalaire < 1 cm

bilan d’extension métastatique (TDM)

ampullectomie chirurgicale

DPC ou traitement palliatif (si non opérable

ou non résécable à visée curative)

ampullectomie endoscopique et SI

minisonde de 20 MHz et SI

– découverte fortuite ou PAF

– symptomatique

– asymptomatique

– T endoampullaire

SI – T endoluminale

SI – dilation canalaire

– pas de dilatation canalaire

– adénocarcinome aux biopsies

– pas d’adénocarcinome aux biopsies

– doute uT2 en écho-endoscopie

Surveillance si pT0 ou p Tis DPC si pT1sm

Et résection complète

uT1m uT1sm ou uT2

DPC

Fig. 1 – Algorithme de prise en charge des ampullomes vatériens.

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Page 4: Écho-endoscopie digestive || Ampullome vatérien

228 Écho-endoscopie digestive

Le choix du bilan d’extension

Les MS de hautes fréquences étant peu diffu-sées, le bilan d’extension peut être adapté au cas par cas. Pour les patients sans infiltration sous-muqueuse en endoscopie, classés uT1 sans extension endo-canalaire en EE, deux approches peuvent être proposées.� Pour les lésions de développement endo-luminal,

de découverte fortuite ou dans un contexte de PAF, sans dilatation canalaire et sans adénocarcinome aux biopsies, une résection endoscopique paraît judicieuse à ce stade. L’infiltration de la sous-muqueuse duodénale par un adénocarcinome méconnu est alors exceptionnelle (expérience personnelle).

� Pour les lésions se présentant avec au moins une des caractéristiques suivantes : patient symp-tomatique, développement endo-ampullaire, dilatation canalaire, présence d’un adénocar-cinome aux biopsies, doute entre uT1 et uT2 en EE, une étude par MS est souhaitable avant d’envisager la résection.

Si l’EE a rarement un intérêt diagnostique, elle est en revanche devenue incontournable pour le staging des ampullomes depuis que l’endoscopie thérapeutique a démontré sa capacité à guérir plus de 80 % des tumeurs débutantes de l’am-poule de Vater. Une fois que l’EE aura sélectionné les tumeurs uT1 sans envahissement endo-cana-laire, la MS complétera le staging en éliminant les lésions envahissant la sous-muqueuse duodé-nale qui relèvent de la DPC.

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