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Ecran Fantastique - Avatar (James Carmeron.cinema.science-Fiction.fantastique)

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Donner corps à une v1s1on

~ ~ DNULAN DJJ u ~ lhomme qui a dit oui ~ Ancien producteur à la Fox, Jon landau a rencontré James Cameron sur

le tournage de True lies. Devenant ensuite Titanic, il a la charge extraordinaire de prod ambitieux de ces dernières années.

Je crois que la période la plus intense du tournage a été le milieu de la production. Je vais vous raconter une anecdote significative. Comme vous le savez sans doute, nous avons construit un studio sur la côte mexicaine, à Baja, pour tourner Titanic. Je n'arrivais pas à fa ire en sorte que Jim trouve le temps de venir voir le terrain que nous avions trouvé. Je me souviens avoir dessiné sur une serviet­te en papier le schéma du studio que nous allions construire ! Nous avons effectué toutes les recherches que nous pensions devoir fai­re sur le site : de quelle direction venait le vent, quelle était r orien­tation par rapport au soleil aux différents moments de la journée, les moyennes des températures extérieures tout au long de l'an­née, les routes et les aéroports les plus proches, etc . Ensuite, nous avons lancé la construction du studio. Quand tout a été prêt, et les décors construits, nous sommes arrivés sur place. Cela se passait au mois d'octobre. Nous avons tourné les scènes de nau­frage qui se déroulent pendant la nuit, dans le bassin qui avait été construit au studio, au bord de la mer. Et à ce moment-là, nous avons vu une énorme nappe de brouillard arriver et tout envahir ! On ne pouvait plus rien voir, et il a fallu cesser de filmer. Nous avons par­lé aux gens du coin, et ils nous ont dit "Oh, le brouillard ar rive ici chaque année en octobre, et ça dure quatre mois !". Nous nous sommes regardés les uns les autres, et tout ce que nous avons pu dire, c'est "Oh mon dieu ! ...... Nous avions simplement oublié de véri­fier s'il y avait du brouillard !

dû connaître un moment de panique terrible ! le sort du film était

un cauchemar ! Heureusement, nous n 'avons été par quelques nuits de brouillard, le reste du temps,

.,.,_,..,.,,..,.,nt dégagé. Mais je dois dire que je garde­du moment où ces personnes m'ont

là pendant quatre mois. C'était IIUi concerne les bons souvenirs, l'un

n'a pas forcément été te succès

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que nous avons eu en remportant autant d'Oscars, comme Les gens ont tendance à L'imaginer. La nuit des Oscars a été Le point culmi­nant de notre travai~ dans Le registre professionnel. Mais à un niveau personnel et émotionnel, nous avons véritablement pris conscien­ce de L'impact que Titanic avait eu quand nous nous sommes ren­dus en Angleterre, à L'occasion de La première du film. C'était La pre­mière fois que nous pouvions montrer Le film terminé au public. Si L'on fait des films, c'est justement pour arriver à ce moment-Là, Le moment où L'on peut enfin Les montrer au public. On ne fait pas des films pour soi-même, mais pour Les autres. Ça a d'ailleurs été notre motivation aussi quand nous avons organisé La "journée Avatar' dans Le monde entier, afin de partager enfin des images du film avec Le public, après quatre ans de travail sur ce projet. Jim ne fait des films que pour cette seule et unique raison : pour divertir Les gens qui sont assis dans Leurs sièges, dans Les salles de cinéma. Et ce jour-Là, nous avons tous eu Le merveilleux sentiment d'être récom­pensés de nos efforts en voyant Les réactions enthousiastes du public.

A quel point l'attitude des dirigeants des studios a-t-elle changé quand Titanic a cessé d'être une production ambitieuse au budget amplement dépassé pour devenir le plus grand succès de tous les temps au box-offi­ce mondial? Vous savez, je crois que pendant toute La production de dirigeants du studio comme Peter Churnan n'ont vue Le but final, c'est-à-dire L'aboutissement du vu personne se sentir aussi responsable du budget L'est James Cameron. Mais Jim sait aussi que La cière ultime qui Lui incombe, c· est que Le film de ce fait un succès financier. IL y a bien avons dû changer en cours de route, de budget. Jim accepte de faire économies pendant La changements ne se studio a souvent éœulllit

La production d'une --. et dlecun interagit avec Les autres pour aller dans teban-.1• eu rOCDIIon de connaître ainsi Am. quand j'ai tnMill6 U... Nia à cette époque, les choses étaient rautre côté de la .......

...... 1.1 charge de suilq 1.1 • ,_. suftilamment IOIIde

nna•IWiepreduction de 7Jta­iiiJIIflllllii•PIIIIrque nous œnti-

pour raconter cette his­encore. L.:un des aspects

d'un nouveau monde, celui chose que L'on n'a plus fait

n'était pas La conception artis­Wiivers qui était La plus compli­

placer au centre de cet envi­"xl-r<~tarr,.str..<> qui soient attachants

puisse ressentir Les émotions. Et nous avons dû attendre Le bon du film.

Pouvez-vous nous parler dela genèse du projet et nous dire en quoi consistaient ces premiers tests. et nous préciser aussi à quel moment vous avez commencé à travailler concrètement sur Avatar? Tout a commencé quand Jima écrit ce qu'il appelle un "scriptment". IL ne s'agit pas d'un script complètement développé. Cela ressem­blait plutôt à une nouvelle, dans Laquelle certaines scènes étaient dialoguées. Je crois me souvenir que cette version comptait 102 pages. C'était un mélange de descriptions et de dialogues, mais je me souviens que cela permettait de comprendre parfaitement ce que Jim avait en tête, et quelle était sa vision du projet. Peu aprés, Jim est allé voir L'équipe de Digital Domain et Lui a dit : ''Allez, atte­lons-nous à ce projet !". Et pour résumer Les choses, Les gens de Digital Domain ont Lu ce que Jim avait écrit et Lui ont dit qu'il était complètement cinglé de vouloir faire un tel film! Ils n'avaient pas encore Les moyens techniques de réaliser des personnages hyper­réalistes en 3D. Ils ont malgré tout effectué des tests préliminaires, juste pour voir ce que cela pourrait donner. Je dois dire qu'ils ont fait beaucoup d'efforts pour aller dans une direction intéressante, mais technologiquement, ce n'était pas encore La bonne époque pour que Le projet puisse aboutir: La technologie 3D n'était pas encore assez performante.

Aviez-vous essayé d'utiliser de la capture de mouvements. déjà à cette époque ?

Ci-contre , T,..., le corps de Jake est plongé dans un lllli-eit une partie de A conscience est......., hns le corps d'un Na 'vi issu d'une ma,._. ,.,éûque. Cette scène où cohabitent ac= ft Na'vis en 30 a été tournée simu .., deux plateaux , celui du décor du labo • lllui sur lequel/es mouvements dt .... ington animaient en temps réel une ...... basse définition de la créature. Grâce • .,...,e Simulcam. James Cameron pouvait lit le ~té/ange des deux sources d'images. cadrer le ..., et donner ses indications aux deux groupes d'acteurs.

Ci-dessous , James Cameron. Sigourney Weaver et lon Landau en pleine conversation.

"l'un des aspects les plus excitants du film a été la création d'un nouveau monde, celui de la planète Pandora"

(lon Landau. producteur)

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Ci-dessus , Une image du moyen-métrage d"animation tiré du man ga "Battte Angel Alita -.

James Cameron a développé /"adaptation cinéma de cette BD culte parallèlement à celle d"Avatar.

car les deux films nécessitaient te développement des mêmes techniques de capture de performance et de création des effets viSJJels en 3-D relief. Hi-

termina/or. mi-justicière. /"héroïne de "Battle Anger est découverte en pièces détachées dans

une décharge. puis reconstruite par un savant Dans cet univers. les plus riches habitent dans de

gigantesques cités flottantes. et resœnt insensibles au sort des gUll/X qui vivent sur les

œrres polluées. Ils se contentent de leur jeter une pluie incessente de déchets en pâture ..•

Nous n"appelions pas encore cela de la capture de mouvements. Même à cette époque, ridée était déjà de partir de la performance des acteurs pour animer les personnages 3D. Mais il a fallu que nous nous rendions à r évidence en voyant ces premiers tests : avec les techniques 3D de la fin des années 90, il n"était pas possible d"ob­tenir des personnages réalistes qui paraissent vraiment vivants, et qui soient capables d"émouvoir les spectateurs. Il fallait bien en tirer les conséquences et renoncer à le faire aboutir à ce moment-là. Mais après cela, nous avons gardé le projet en tête pendant longtemps. Je me souviens même que nous avions déjeuné, Jim et moi. en com­pagnie du PDG de la Fox, Tom Roth man et du vice-président Jim Gianopulos, et que Jim leur avait dit à cette occasion : "Vous savez, un jour.j"aimerais faire aboutir Avatar·. Ce déjeuner a eu lieu en

1998, et je me rappelle que Tom Roth man et Jim Gianopulos lui avaient répondu : "Tu pourras compter sur nous quand le moment sera venu··. Et ils ont tenu parole en 2005. Nous étions alors sur le point de nous lancer sur le projet Battle Angel Alita, et je crois bien que c" est moi lïmbécile qui a dit à James : ""Eh Jim, on pourrait peut­être pousser les choses un peu plus loin, et revenir à Avatar ?""(rires). Nous avons étudié cela en compagnie de beaucoup de gens très talentueux, et nous nous sommes rendu compte à ce moment-là que nous pouvions effectivement envisager de relancer Avatar.

UN PROJET OBSESSIONNEL James Cameron a-t-il envisagé de créer les Na"vis en employant des effets spé­ciaux de maquillage. en tant que ""plan B". quand les techniques 30 n"étaient pas encore au point et aviez-vous parté de cette option avec Stan Winston ? Non, nous n"avons jamais envisagé cette option. Tout simplement parce que le design des créatures que Jim avait en tête depuis toujours est trop différent de ce que ron pourrait obtenir avec des

prothèses. Comme vous le savez, les Na"vis sont très grands et très

minces. et leurs proportions très différentes de celles d"un être humain. Quand on applique des prothèses sur un acteur, on ajoute des volumes. On procède par addition, mais on ne peut pas retirer quoi que ce soit. On ne peut pas rendre les yeux ou la bouche plus grands avec des prothèses. Mais nous avons tout de même travaillé avec Stan Winston, et c"est son équipe qui nous a aidés à établir les designs des personnages. On retrouve donc leur talent et leur savoir-faire unique dans le film. Mais r option prothèses ou effets animatroniques n"a jamais été envisagée pour les Na"vis. C"était aus­si très important pour Jim, puisque nous faisions le pari de créer ces personnages en 3(), afin de préserver la perfonnanœ des acteurs. Pounquoi employer des acteurs formidables si ron n"utitise pas plei­nement rexpression de leur art? Telle que nous ravons envisagé, remploi des images de synthèse est vraiment la transposition des techniques de prothèses grâce à la technologie de capture de per­formance du lO<Ie siècle. Les comédiens n"ont plus besoin de s"as­seoir dans un fauteuil pendant quatre heures pour incarner un per­sonnage fantastique. lls peuvent être métamorphosés radicalement en 3D, sans que cela ne contraigne leur interprétation. Et d"ailleurs, quant ils voient le résultat, ils sont frappés de reconnaître leurs mimiques, leur manière de parler et de bouger. Je me souviens que quand nous avons montré à Sam Worthington la scène où Jake se réveille, une fois son esprit transféré dans le corps de ravatar, Sam s"est mis à pouffer tant il était surpris. Il nous a dit : ""C"est incroyable, parce que c"est moi, tout en n "étant pas moi! Mais c"est moi quand même ! Les lèvres, les yeux, c"est complètement moi r . La réac­tion quïl a eue a été formidable.

Serait-iljuste de dire que James Cameron n·a pas réalisé un nouveau film de cinéma pendant dix ans parce quïl attendait que la technologie des images de synthèse évolue et atteigne le niveau de perfectionnement nécessaire à !"aboutissement de ses nouveau~ projets?

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Non. C"est seulement la raison pour laquelle il n'a pas réalisé Ava­tar plus tôt. Vous savez, quand Jim réalise un film, il sïnvestit à un tel point dans le projet, il y met tellement de lui, quïl a besoin d'être animé par une passion dévorante. Et cette envie folle de faire abou­tir quelque chose débute par récriture d'un script. Il y avait plusieurs projets que nous avions lïntention de développer, et que Jima pen­sé réaliser, mais il n·a finalement pas ressenti la petite étincelle ini­tiale qui lui a donné assez de motivation pour s'y consacrer entiè­rement. C"étaient de bons scripts, et certains d'entre eux ont été développés suffisamment pour que Jim, à présent, ait envie de sïm­pliquer. Battle Angel Alita à été vraiment à deux doigts de se faire, avant que Jim ne décide de se consacrer à Avatar. Il avait très envie

de revenir à la réalisation, mais il me semblait évident que des deux projets, c'était déjà dans Avatar que scintillait cette flamme de la passion, qui ne ravait jamais quitté. Il était donc logique que je lui dise : ""Allez, occupons-nous plutôt d 'Avatar, puisque tu en meurs d'envie r (rires).

Baffle Angel Alita était-il alors aussi développé qu'Avatar? Nous disposions déjà d'un script quasi-finalisé, de recherches visuelles produites par le département artistique, de centaines de designs, de recherches de décors très poussées, bref, de beaucoup de choses qui ne sont pas perdues, et sur lesquelles nous allons revenir pro­chainement ! Tôt ou tard, Jim reviendra à Battle Angel Alita, car c" est aussi un très beau projet.

Donc le choix de développer plutôt Avatar était uniquement dû au fait que James Cameron éprouvait encore plus de passion pour ce projet-là? Ecoutez, si quelqu'un avait dit à Jim en 2005 ""Si tu ne pouvais plus faire qu'un seul film, parmi tous ceux que tu as en projet, et parmi tous/es projets de films qui sont disponibles dans le monde entier, lequel choisirais-tu ?"", il aurait répondu sans hésiter : ··Avatar !"".

UNE CAMÉRA RÉVOLUTIONNAIRE Avez-vous eu du mal à convaincre la Fox d'investir 10 millions de dollars dans le développement de la nouvelle camera 3-D Relief et dans la nouvel­le technologie de capture de performance dont vous aviez besoin pour créer Avatar? Avez-vous fait des tests avec des cameras prototype avant cela. pour leur donner une idée du but que vous cherchiez à atteindre ? En fait, il faut bien séparer deux choses: nous n'avons pas sollicité Fox pour nous aider à financer la création de la caméra 3-D relief. Jima financé toute la mise au point de cet appareil lui-même. Il s'est beaucoup impliqué dessus, a travaillé sur la caméra, et ra utilisée pour tourner des tests que nous avons été en mesure de présenter à la Fox. En revanche, nous avons demandé au studio de financer trois choses : premièrement le travail d'écriture, afin que Jim trans­forme son traitement original en scénario développé et dialogué. Deuxièmement, le travail de design sur runivers du film, et troisiè­mement, le développement de la technologie nouvelle de capture de mouvement et les nouveaux outils de tournage dont nous avions besoin. Convaincre le studio a été relativement aisé, parce que le traitement initial d"Avatar que Jim avait écrit était excellent. C"est une histoire dans laquelle vous vous impliquez immédiatement, dès que vous commencez à la lire, et dont vous avez envie de connaître la suite, page après page. Une fois que le studio a donné son feu vert, nous avons commencé à leur montrer ce que serait le monde du film, avec quelques dessins et concepts graphiques, mais nous avons aussi réalisé un test de 35 secondes, une séquence-prototype où r on voyait Ja)e et Neytiri parler ensemble. Ce n'était pas aussi abouti que ce que nous avons fait pour la version finale des plans, mais c"était assez bon pour que nous puissions dire : Te que nous vous montrons là n ·est que le point de départ du travail que nous entre­prenons. Ces personnages qui sont déjà attachants et semblent vivants tels quels, nous vous garantissons que nous allons les amé­liorer chaque jour, pendant le travail de développement du film··. Quand nous sommes revenus vers eux avec le scénario complet et

Ci-dessous , Des images urées du documentaire "Les fanwmes du Titanic·. réalisé en 2003 par James Cameron en employant la première version de la caméra 3-0 Relief Fusion. quïl a co­inventée avec Vince Pace. L ·acteur BiU Paxton a accompagné le cinéaste dans ses plongées abyssales. vivant avec lui des moments étonnants.

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Lassé de confier colossaux à /.L.M .. le studio de trUCS/IfS George Lue1s. James Cameron a fondé Digital Domain pour

produire lui-même des effets numériques de pointe sur ses films. Mais il fallait se

différencier du rival ... Cameron décida de travailler sur le développement de personnages

humanoïdes synthétiques. écrivit "Avatar" à cette fin et lança ses équipes sur les

premiers tests 3D de Na'vi ... encore impossibles à réaliser avec les logiciels de la

fin des années 90.

L'un des premiers morceaux de bravoure signés par Digital Domain fut l'époustouflante bataille finale de ïrue Lies· pendant laquelle

Arnold Schwanenegger prenait les commandes d'un jet à décollage vertical Harrier pour lutter

contre le chef des terroristes.

De gauche à droite : James Cameron. Arnold Schwarzenegger et Jamie Lee

Curtis. tournage de ïrue Lies·

de nombreux dessins décrivant Pandora, nous avons décidé de créer ce que l'on appelle une "story-reel" [une "bobine de présentation de l'histoire". Ndlr] dans le cinéma d'animation. Il s'agit d'une version préparatoire du film, qui narre l'histoire dialogues et une voix off quand c'est nécessaire, et qui sur lesquels on fait des mouvements et des illustrations détaillées. Au lieu dans les locaux de notre nt>r,;art·"""'""t

à relief a déjà

perfectionné. encore des amé-à peine quelques semaines avant que la production d'Ava­

débute. A ce moment-là, nous avons mis au point une plate­de support de la caméra encore plus stable, qui supportait

mieux les prises de vues plus dynamiques, filmées "camera au poing" par Ji m. Quand nous sommes passés à l'étape que nous avons appelée "La production virtuelle", nous avons du résoudre deux problèmes techniques ardus. Le premier a été la mise au point de notre système de capture de performance basé sur l'image. A vrai dire, nous avons fait un test pour un autre projet de film, vers 2002, afin de capturer des expressions faciales à partir d'une simple image de visage. Les gens pensaient que nous étions complètement

cinglés de nous lancer dans cette démarche, à répoque. Nous sommes allés dans un cimetière local pour tourner un plan où une person­ne marchait tout en parlant. Nous avons réalisé un test d'animation faciale pour nous prouver que cette idée était non seulement vali­de, mais que nous pourrions l'utiliser concrètement sur un prochain projet. Quand nous avons réalisé ces tests, nous avons interrogé des acteurs en leur demandant quel était le système de capture qu'ils préféraient. Est-ce qu'ils préféraient les petites billes collées sur le visage ? Des petits cercles adhésifs? En fait, ce qu 'i ls auraient tous préférés, c'est de n'avoir strictement rien à porter sur le visage ! Et effectivement, quand un acteur n'est pas gêné par des marqueurs collés sur la peau de son visage, sa prestation est bien meilleure. Avant même que nous ne les engagions pour créer les effets visuels d'Avatar, Joe Letteri et Weta digital ont fait des travaux prépara­toires pour que leur "pipeline" de traitement de l'image 3D puisse intégrer notre idée de capture de performance du visage, sur la base d'une détection et d'une reconnaissance des détails de la peau, jus­qu'au niveau des pores. Ils ont également pris en compte le systè­me qui permet de capturer les mouvements d'yeux en temps réel. Et tout cela, ils r ont fait de leur côté.

DES ACTEURS FILMÉS SOUS TOUTES LES COUTURES Pourriez-vous nous décrire plus en détaille fonctionnement de ce système ? L:acteur porte un appareil ressemblant aux micros de certains chan­teurs pendant un grand spectacle live : le support de la caméra

fixé de la même manière à la tête de l'acteur, pour filmer _,,,,.,m,•nr un gros plan de son visage, quels que soient les

qu 'il fait. La caméra est dotée d'un objectif de type qui filme toute la surface du visage, du haut du front

en dépit du fait que la caméra ne se trouve qu'à de la face. Weta a développé un procédé pour

visage, image par image, en utilisant les cela, au lieu de disposer seulement des

sphères collées à différents endroits générées par les mouve­

Cela nous permet de bien plus pré­

voir la peau

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Et vous obtenez cela avec une seule caméra ? Oui, avec une seule caméra.

Dans ce cas. comment les équipes de Weta Digital parviennent-elles à extraire de ce point de vue 2D plat les données nécessaires pour animer une tête en images de synthèse en trois dimensions ? Parce que r essentiel des mouvements faciaux se concentre dans la partie du visage qui va du haut du front jusqu'au menton. A partir du moment où ron dispose d'une image haute résolution de la face, on peut déduire les répercussions générées par ces mouvements principaux, et aussi déduire comment la peau se comporte en trois dimensions, sur la totalité du crâne, parce que ron a déjà étudié les mouvements de racteur sous tous les angles auparavant, avant cet­te phase du tournage. t..:image de face suffit pour savoir exactement ce qui se passe de profil ou de trois quarts. Si j'ouvre largement ma bouche, je déploie ma mâchoire, ce qui tend la peau des joues, et crée des rides au niveau du cou. Je ne peux pas regarder en ra ir sans que mes paupières remontent automatiquement, et que mes sourcils se relèvent un tout petit peu. Tout est lié, et à partir de cette image faciale de base, il est possible de savoir exactement comment se comporte tout le reste de la tête. Idem si ron remue les oreilles : on sait également quels sont les muscles qui jouent et comment ils agissent sur la peau. Grâce à ce système, tout en libérant les acteurs de la contrainte des marqueurs et équipements terriblement encombrants des années passées, nous recueillons des informations de meilleure qualité, que nous pouvons ensuite utiliser directement pour animer les personnages 30.

Mais la présence de la caméra vidéo fixée sur la tête. devant lt n'est-elle pas gênante quand on veutfilmer en même plan large avec les autres caméras. pour capturer les tête et de son corps ? Ou pour le filmer en vidéo. · angle de référence de ses expressions ? Nous avons justement anticipé ce port de caméra que racleur quand nous devons le filmer de lement modifier la position de la tion de chaque prise de wa

Si. C'était même notre souci principal depuis le début du projet, et nous nous étions bien juré de trouver les solutions techniques pour que Jim puisse réaliser Avatar comme n'importe quel film. Il fallait que la technique se mette à son service et surtout pas l'inverse. Nous avons donc créé notre dispositif de "production virtuelle" que j'ai évoqué auparavant. Grâce à ce dispositif, Jim avait entre les mains une caméra virtuelle. Quand il regardait ce qu'il cadrait sur le moni­teur, il ne voyait pas les acteurs avec leur équipement : il voyait leur personnage en images de synthèse. Ces images 30 temps réel étaient produites à une très basse résolution, mais elle était suffisante pour lui permettre de travailler dans de bonnes conditions. Et de même, derrière les personnages, Jim ne voyait pas le plateau vide sur lequel nous tournions : il voyait les décors 30, également créés en basse rèsolution. Grâce à cela, il pouvait créer des plans, établir une dyna­mique dans la scène et gérer les déplacements de caméra exacte­ment comme il rau rait fait s'il s'était trouvé sur un plateau avec des comédiens en costume et des décors "en dur".

ttant donné que James Cameron réalisait ses cadrages et ses mouvements de caméra autour lie la transposition virtuelle du jeu des acteurs. dans un univers 30. il -*lllli une liberté d'évolution bien plus grande que celle dell • utilisant des grues. des travellings et du

Ci-dessus , James Cameron fit construire les Studios Fox Baja sur la côte mexicaine pour y tourner 7itanic •. //lui fallait disposer d'un bassin géant situé face a la mer pour y installer la reproduction a échelle légèrement réduite du fameux paquebot , ainsi. t'eau du bassin prolongé par une cascade et les perspectives de t'océan pouvaient se mêler a l'image sans que le public ne soupçonne le trucage.

Ci-dessous , Entouré de rumeurs de dépassements budgétaires et de problèmes techniques. le tournage de 7itanic" fut un véritable marathon pour Cameron. qui voulait filmer des scènes de naufrage telles que t'on n'en avait jamais vues. Alors que les oiseaux de mauvaise augure prédisaient le premier échec du réalisateur. ce fut un triomphe absolu. et le plus grand succès commercial de t'Histoire du cinéma.

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_ 16

En haut , Jake. sous sa forme de Na'ri. s'apprête à accomplir un rituel très important pour ta

populaffon indigène de Pandora , dompter une Banshee. énorme rep6/e volant doté de dents

aiguisées. tt va devoir ruser pour sauter sur son dos et créer un tien mental avec l'animaL qui

deviendra à tout jamais sa fidèle monture.

Ci-dessus , Trudy Chacon (Michelle Rodriguez) et lïmpitoyable Colonel Ouaritch. au visage balafré

(Stephen Lang) sont deux des fortes personnalités auxquelles Jake (Sam Wotthingtonl va être

confronté en a"ivant sur Pandora.

"Jim ne fait des films que pour cette seule et unique raison : pour divertir les gens qui sont assis dans leurs

Sièges, dans les Salles de Cinéma" (Jon Landau, producteur)

Allsolurl1em. .lim pouvait changer l'échelle des déplacements de camé­ra comme ille souhaitait. Il pouvait très bien dire : "OK, maintenant on va reprendre le mouvement de caméra que je viens de faire et l'am­plifier en le multipliant par dix ". Et là, tout d'un coup, c'est comme s'il disposait de la plus grande grue de cinéma jamais construite !

Nous avons eu l'occasion de visiter le studio Legacy Effects il y a quelques mois. et en voyant des perruques disparaître sous nos yeux en un clin d'œil. nous avions eu l'impression qu'elles étaient réalisées pour Avatar. même si les Na'vis sont créés entièrement en 3D : cela signifie-t-il que les acteurs portaient des perruques ou même un peu de maquillage pour servir de références. pendant le tournage des captures de performances 1 Non, ils ne portaient pas de maquillages. Ces perruques ont été créées pendant la mise au point des designs des principaux personnages de Na'vis. Nous avons commencé par faire réaliser des dessins, puis quand nous sommes parvenus à un concept validé par Jim, nous

l'avons fait modéliser en 3D sur un ordinateur. Là, nous nous sommes dit que nous avions fran­chi une nouvelle étape, mais nous avons tenu à faire réaliser des sculptures des personnages par l'équipe de Stan Winston, afin que nous puis­sions les prendre en main, les observer sous toutes les coutures, et tester la manière dont elles réagissaient à différents type d'éclairages. Voilà ce que l'équipe de Legacyfaisait pour nous pendant le tournage.

Ces représentations des Na'vis créées par Legacy devaient être hyperréalistes .. . Oui. Il s'agissait d'une série de bustes très réa­listes et très détaillés. Cela nous a permis de travailler avec eux sur la manière dont nous voulions implanter les cheveux sur le visage, la forme à donner aux sourcils, etc. Nous avons testé de nombreuses implantations différentes.

Mais il nous est aussi arrivé de faire porter une perruque de Na'vi à Sam Worthington. Vous avez vu la scène pendant laquelle Jake est poursuivi par un Thanator ?

Oui. Il tente de lui échapper en courant se réfugier sous les racines d'un arbre. mais l'animal est si puissant qu'il les réduit en charpie tout en ten­tant de happer Jake . .. Eh bien, ce que vous n'avez pas encore vu, c'est la manière dont cet­te scène se conclut. Pour échapper au Thanator, Jake saute d'un haut d'une grande cascade et plonge dans une rivière en contrebas. Le courant est très fort, et il est entraîné par les remous. Pour tour­ner les références en prises de vues réelles de cette scène, nous avons demandé à Sam de porter une perruque et un costume iden­tique à celui de son personnage de Na'vi, et de plonger dans l'eau. Grâce à ces prises de vues, Weta digital a pu voir exactement corn-

ment les cheveux réagissent dans l'eau, puis se plaquent sur le visa­ge, comment les accessoires du costume de Jake bougent. Nous avons donc construit beaucoup d'accessoires et des vêtements spé­cialement pour cette scène de référence, afin de donner à Weta les meilleures bases possibles pour travailler. C"est, je crois, l'une des caractéristiques de la démarche de Jim : il voulait que toutes les images 3D. qu ' il s'agisse de celles des personnages de Na'vi et des animaux de Pandora aussi bien que celles des engins des forces terriennes, soient ancrées dans la réalité, et basées sur des images tirées de documentaires. Pour vous donner un autre exemple, Jim a demandé que l'animation des scènes de décollage et d'atterris­sage des engins volants terriens soit directement inspirée de prises de vues d'appareils de l'armée.

WETA POUSSÉ DANS SES RETRANCHEMENTS !:animation des Na'vis est stupéfiante de réalisme. Nous aimerions savoir si les modèles 3D des personnages conçus par Weta Digital sont beaucoup plus poussés que ne l'étaient ceux de Gollum. puis de King Kong. Les Na'vi en 3D possèdent-ils plus d'éléments qui simulent les muscles du visage. et de ce fait davantage de possibilités de mouvements fins el d'expressions subtiles 1 Je crois que Weta Digital a poussé toutes ces techniques bien au­delà de ce qu'ils avaient fait auparavant. Ils ont atteint un nouveau niveau de perfection. Le nombre de contrôles des mouvements du visage et la quantité de détails représentés sur la peau des per­sonnages est phénoménal. Andy Jones, qui dirige le département d'animation des personnages JO de Weta, a énormément de talent et d'expérience dans ce domaine. De notre côté, nous avons enga­gé Richie Baneham, qui s'est occupé du üon Aslan dans le Monde de Namia, en tant que directeur de ranimation. Richie et Andy sont pro­bablement les deux meilleurs professionnels au monde dans le domaine de l'animation JO hyperréaliste, et nous avons eu la chan­ce qu'ils travaillent tous les deux sur Avatar.

Quel a été l'aspect le plus difficile de la pllldudiln du lin : garder une vision d'ensemble sur les miUions de pièces du puzzle !pli constitue Avatar? Je crois que la partie la plus difficile a été de préparer les gens à la durée de la production du film. Dans le milieu du cinéma, on n'est pas habitué à ce que cela dure aussi longtemps. Dans la plupart des cas, on les engage pour cinq ou six mois, ou au mieux pour une année complète, lorsqu'il s'agit d'un gros projet. Mais nous savions d'emblée qu'Avatar allait être un projet dont la production s'étale­rait sur quatre ans. Il nous a fallu expliquer quel était notre plan, comment nous avions décidé de travailler, et les garanties que nous allions leur donner pour leur assurer un emploi tout au long de ces quatre années. La raison pour laquelle je vous parle de cela, c'est parce que c'est vraiment l'un des aspects les plus inhabituels d'Ava­tar par rapport à la manière dont les autres films sont produits. Bien sûr, pendant un tel projet, notamment parce que pratiquement tout

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ce que l'on fait est expérimental et inédit, on ne peut éviter cer­tains problèmes. Comme Jima coutume de le dire " Nous résou­drons notre tout dernier problème le jour-même où nous livrerons la copie du film achevé !" . Nous savions que les problèmes allaient surgir, mais nous avons préparé les membres de notre équipe à les affronter, et à s'organiser pour trouver des moyens de les résoudre. Au fil du temps, nos collaborateurs ont appris à se connaître et à travailler ensemble. Les gens communiquaient bien les uns avec les autres, ce qui permettait d'être encore plus efficace quand il fal­lait trouver des solutions.

En dehors de Weta. combien d'autres studios d'effets visuels dans le mon­de avez-vous engagés pour intervenir sur des plans truqués? Je ne pourrais pas vous les indiquer tous, mais il y en a plusieurs. De mémoire, je peux vous citer Framestore CFC en Angleterre, qui a réalisé des scènes avec les engins volants terriens, et BUF Com­pagnie en France, qui a travaillé sur les effets de tunnels que l'on voit quand l'esprit de Jake est connecté à son avatar.

UNE VISION PLUS GRANDE QUE NATURE Selon vous. qui connaissez très bien James Cameron. pourquoi est-il un cinéaste aussi exceptionnel : quelles sont les qualités particulières qui font de lui un auteur et un réalisateur aussi doué? Je crois que Jim s'intéresse d'abord aux gens. Quand il crée quelque chose, il ne le fait pas égoïstement, pour lui : il crée pour le public. Et il garde bien cela en tête, quoi qu'il fasse ensuite pour concré­tiser ce projet. Jim est aussi un artiste très doué dans de nom­breux domaines. Il possède un sens de l'impact visuel des images qui est assez exceptionnel. Il comprend qu 'une image peut vrai­ment exprimer autant de choses qu 'un texte d'un millier de mots. Chaque image de ses films lui permet de raconter une histoire qui soutient et vient enrichir l'intrigue dramatique qu'il est en train de présenter au public. Je crois que parvenir à faire ces deux choses en même temps, concevoir des images d'une telle force, et racon­ter aussi bien une histoire, est un don extraordinaire, que peu de réalisateurs possèdent à ce point. Je pense que c'est ce que Jim fait mieux que quiconque. Il est aussi l'un des rares réalisateurs qui ne perd jamais de vue le cœur de la cible qu'il vise, même après des années de cheminement pour faire aboutir un projet. Il gar­de ce point central de la cible en tête pendant tout le processus de production. Quand je travaillais au sein de la Fox, parmi les cadres dirigeants du studio, j'ai eu l'occasion de rencontrer et de voir tra­vailler beaucoup de réalisateurs. Bien souvent, pendant qu'ils déve­loppaient leurs films, une influence extérieure les faisait chan­ger de point de vue, et je les ai vus alors dévier du chemin qu'ils s'étaient tracés au départ. C'est très dangereux, car une fois que l'on est sorti de la route, on peut encore aller dans d'autres direc­tions et se perdre complètement. Généralement, dès que l'on sort du chemin, on risque de ne plus y revenir. Jima cette capacité incroyable de ne jamais se laisser influencer, de ne jamais dévier en cours de route. Et c'est ce qui donne cette intégrité exception­nelle à ses films. Je crois que les spectateurs le sentent bien. Ils comprennent que c· est bien à 100% la vision de James Cameron qu'ils vont voir au cinéma et non pas un compromis.

Il possède apparemment aussi le don de convaincre ses interlocuteurs de la justesse de sa vision. quel que soit r ampleur du budget nécessaire pour la matérialiser sur le grand écran ! Absolument. Quand Jim raconte un projet, il est d'une clarté exem­plaire. IL possède le don quasi-surnaturel de faire partager son enthou­siasme pour ce qu'il a envie de faire. Il dit : "Bon, ce sera un proces­sus de production qui durera quatre ans, mais voilà le film que je veux faire et voilà pourquoi j'ai envie de le faire". Jim n'est pas obsédé parr aspect technique des choses. Ce qui compte le plus pour lui, c'est l'histoire qu'il veut raconter et les émotions qui s'en dégagent. Il pen­se d'abord à la manière dont le public va s'impliquer en découvrant ce récit. Pendant la période de conception du projet, il pense à ce qu'il a envie de raconter et à ce que cela doit susciter chez les spectateurs. C'est ainsi qu'il se fixe ses objectifs narratifs. Au cours de certaines conversations que j'ai avec Jim, il m 'arrive de lui suggérer des idées. Quand Jim me répond qu'il ne peut pas en tenir compte, c'est toujours pleinement justifié par le fait que le public ne comprendra pas forcément cette idée-là. Le jugement de Jim est quasi-infaillible, tant il a une vision précise du film terminé dans sa tête.

En quelles occasions vous a-t-il surpris par ses idées et ses décisions. pendantla production d'Avatar? Jima tendance à surprendre presque chaque jour. Il a la capacité d'être complètement attentif à tout ce qui se passe sur un plateau, et de discerner ainsi les moments magiques que personne d'autre n'au­rait vus, à part lui. Quelquefois, il est même impossible de comprendre ce qu'il est en train de faire pendant qu'ille tourne. Ce n'est qu'une fois que l'on visionne les rushes sur grand écran que l'on se frappe le front en se disant "Ah, maintenant je comprends enfin ce qu'il avait en tête !". Là, c'est évident. Je crois que l'un des moments de ce gen-

Ci-dessus :James Cameron visionne les images d'une scène qu'il tourne avec le procédé Simulcam et le système de capture de performance. sous le regard attentif de Jon Landau.

Ci-dessous , C'est avec le soutien armé des centaines de mercenaires que la compagnie minifrr ROA s'est llm:ft iMrsl'exploitation du précieux lllinlrli p I'M hlm en abondance sur I'Mdwl. ll*'trt t.s œmtns ont besoin pour cflllSinlirt INrs lll«<liMs à lévitation magnélip.

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re qu'il a su créer est cette scène où Jake se "réveille" dans le corps de son avatar Na'vi, se lève, se cogne contre la vitre qui le sépare de la salle d'observation du laboratoire, et dit "C'est formidable". C'est un tout petit moment, qui n'était pas prévu dans le script, mais que Jim a su ménager. Mais il nous a fallu trouver les moyens techniques de le filmer pour qu'il paraisse totalement spontané. Jim nous a dit : "Bien que le personnage ne soit pas physiquement présent dans ce décor, Il faut que nous trouvions les moyens pour que je puisse voir cette scène pendant que je la tournerai". Nous avons donc mis au point un processus que nous avons baptisé "Simulcam". Jim pou­vait diriger la scène en regardant dans le viseur de la caméra, et com­me nous pouvions repérer et caler les déplacements de la vraie camé­ra dans le décor réel avec les perspectives 3D de l'environnement du personnage de Na'vi, qui était incarné "en direct" par Sam Worthington, Jim pouvait voir dans son viseur une version basse résolution de cet­te performance "en direct" intégrée dans le vrai décor, et la filmer de manière spontanée.

James Cameron utilise la science-fiction comme John Ford utilisait le wes­tern : quelle que soit l'ampleur épique de l'aventure. il ne néglige jamais l'humanité de ses personnages. et ils ont toujours une chance de se rache­ter de leurs fautes ... Tout à fait. Je trouve que votre analogie entre le travail de Jim et celui de John Ford sur les westerns est extrêmement intéressante, et très juste. J'ajouterai aussi que les westerns de John Ford ne concernent pas uniquement les personnages de l'histoire, mais ce sont aussi des commentaires sur le monde dans lequel il vivait, à l'époque où il tournait ces films.

John Ford a notamment abordé les problèmes du racisme et de l'absurdi­té des motifs qui ont poussé les USA à s'engager dans certaines guerres ... Oui. John Ford et Jim créent des personnages torts et attachants, mais ils nous parlent aussi du monde contemporain, en nous inci­tant à réfléchir à ce qui se passe, à ce que nous faisons, et à la maniè­re dont nous menons nos vies. C'était déjà vrai dans Allens, qui était à la base un film d'horreur , mais qui a valu à Sigourney Weaver une nomination à l'Oscar. Au-delà du film d'action et de l'aventure hale­tante de science-fiction, c'est surtout un récit sur le thème de la maternité, de la responsabilité que l'on éprouve en tant que parent. Dans True Lies, Jim évoquait tout ce que l'on doit faire pour qu'un mariage dure dans le temps, tout ce qu'un couple de personnes qui travaillent doit surmonter pour que leurs relations évoluent bien au fil des années, et que les liens familiaux restent solides. Titanic nous montrait les conséquences catastrophiques de r orgueil des hommes, quand ils misent tout sur la technologie, sans faire preuve du plus élémentaire bon sens. Aujourd 'hui, par le biais d'Avatar, Jim aborde beaucoup de sujets qui concernent notre époque. Un des

Ci-dessus : L'équipe du regretté Stan Winston (aujourd'hui regroupée au sein du studio Legacy Effects} a fabriqué grandeur nature cet exosquelette géant que James Cameron a baptisé "Ampsuif. c'est à dire "costume amplificateur de mouvement". Dans le film. les pilotes qui prennent place dans le cockpit central animent les bras et les jambes de la machine avec leurs membres. et peuvent ainsi arpenter la jungle de Pandora en repoussant les attaques de la plupart des prédateurs.

Ci-contre : Crevant le ciel nuageux de Pandora. une gigantesque navette de la compagnie RDA amène de nouvelles troupes sur la base baptisée Hell's Gate (La porte de l'enfer}.

Il Ji rn a cette capacité incroyable de ne jamais se laisser influencer, de ne jamais dévier en cours de route" (Jon Landau. producteur)

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objectifs que nous nous fixons toujours, quand nous faisons un film, c'est de veiller à trouver des thèmes qui débordent largement du genre du film lui-même. Pour moi, le thème, c'est l'émotion que vous gardez en mémoire quand vous sortez de la projection d'un film. Généralement, on laisse derrière soi les détails de l'intrigue, dans la salle de cinéma. Si l'on traite de multiples thèmes, qui concer­nent directement les gens, on met de son côté tous les atouts pour réussir son projet.

DE LA SUITE DANS LES IDÉES Bien qu'Avatar soit un film qui dure presque trois heures. vous avez proba­blement été amenés à retirer certaines scènes de la version cinéma du film .. . Le tournage d'un film est un processus en perpétuelle évolution. Les acteurs livrent quelquefois bien plus d'émotions et d'infor­mations dans une simple scène que ce que l'on avait prévu initia­lement. Et quand cela se produit, on se gratte la tête en se disant "Eh bien, je crois que je n'ai plus besoin de tourner cette autre scè­ne, car ce que je voulais dire avec dix lignes de dialogue, mon acteur principal vient de l'exprimer par un seul regard !" . Quand un film prend forme peu à peu, il est important de se demander ce qu'il faut conserver et ce qui devient superflu. Il y avait un moment dans Titanic où Jack et Rose se trouvaient dans les ponts inférieurs du bateau, tandis que le garde du corps, Lovejoy, les poursuivait. Il y avait initialement toute une scène de combat qui se déroulait à ce moment-là, dans les ponts inférieurs partiellement submer­gés. Jack attaquait Lovejoy, qui se défendait, et ainsi de suite. Quand nous avons visionné un premier montage du film, cette scène était très efficace en tant que telle, mais nous nous sommes rendu compte que nous n'avions pas besoin d'intégrer ce moment-là dans notre récit. On rencontre constamment ce genre de choses quand on tourne un film.

Pouvez-vous nous donner un exemple précis de scène qui a été coupit de la version finale d'Avatar? Jim avait imaginé un événement qui s'était déroulé sur Pandora, avant que l'histoire du film ne commence. Le pe~ de Sigour­ney Weaver, Grace, avait fondé une école sur Pandora, et eüe y ensei­gnait à des jeunes élèves qui étaient des Na'vis. C'est la raison pour laquelle les Na'vis savent parler anglais. Mais un événement tra­gique s'est déroulé par la suite. La sœur de Neytiri, quivenaitàféco­le, a tenté d'empêcher la société terrienne RDA de créer une mine sur la planète, dans un site très important pour les Na'vis. Les sol­dats au service de la société l'ont prise en flagrant délit de sabota­ge et l'ont poursuivie jusqu'à l'école, où l'altercation a dégénéré en fusillade. La sœur de Neytiri a été tuée là, et depuis ce jour, les Na'vis ne sont plus jamais revenus dans cette école. Nous avions prévu une scène qui se déroulait dans l'école abandonnée, où l'on voyait ce décor en ruine, sans expliquer ce qui s'était déroulé là. Nous ne l'ex­pliquions que plus tard. Quand nous avons visionné une première ébauche d'Avatar, il nous a semblé que cet élément de l'histoire n'était pas nécessaire dans le film . Mais cette idée sera peut-être

utilisée ailleurs, dans l'adaptation en jeu vidéo, ou dans l'adaptation littéraire du scénario de Jim. Nous avons jugé qu'elle ne s'intégrait pas bien, ainsi placée au centre du film.

Out piiYIZ-YIUS nous dire de la nouvelle version du Voyage fantastique. 1p11 YM allez revisiter avec James Cameron ? Je peux vous confirmer que nous avons bien l'intention de produi­ra ce projet au sein de Lightstorm. À nouveau, nous allons essayer d'intégrer à cette histoire un récit dramatique très prenant, et des !himes qui seront des métaphores concernant notre époque. Nous déwloppons le film en ce moment même avec Tarsem, le réalisa­teur de .,.,_ Cell et The Fall. Comme vous le savez sans doute, Tar­sem possède un sens visuel assez exceptionnel. Nous sommes actuellement en pleine phase de réécriture du scénario du Voyage fantllstique. Nous ewns fait une présentation du projet la semaine dernière au studio, en leur montrant les concepts visuels que nous iMIIIS imaginés, et tout le monde a été très impressionné par cela. Le projet est donc très bien parti.

Slftz-vous si ...... Cameron a déjà mis de côté des idées pour une sui­te d' Aflllrr. voire s'Ha imaginé une trilogie autour des aventures de Jake et Neytiri? Evidemment, c'est le public qui décidera s'il a envie de voir une sui­te ou pas. Le monde que Jim a créé est assez riche et assez vaste pour que bien d'autres aventures puissent s'y dérouler. Il a naturel­lement songé à d'autres idées d'histoires, qu'il serait ravi de racon­ter aux spectateurs s'ils aiment Avatar, et s'ils nous disent qu'ils ont envie de retourner sur Pandora .. . •

PROPOS RECUEILLIS ET TRADUITS PAR PASCAL PINTEAU

Ci-dessus • Rottant en apesanteur dans un liquide amniotique artificieL l'hybride de Na'vi et d'humain destiné à être animé par Jake est encore inerte. La créature. qui a subi une croissance accélérée dans le tube de liquide. a été fabriquée à partir des gènes du frère jumeau de Jake. décédé en mission.

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Ci-contre : Rick Carter a dessiné le laboratoire où les avatars s'éveillent quant les esprits des

humains les animent On remarquera les énormes lits conçus pour des silhouettes Na'vi

de plus de 3 mètres !

Ci-dessous {dte} : James Cameron dirige Sam Worthing/on avant de tourner le moment où

l'énorme navette Walkyrie quittera la station orbitale pour plonger vers la surface de Pandora. Rick Carter a créé ce décor en

s'inspirant des soutes des avions cargo: les sièges réservés aux soldats sont disposés le

long des parois du fuselage. tandis que les véhicules et équipements à livrer sont

solidement '"imés au centre.

Quelles sont les machines elles appareils que vous avez dû concevoir pour les scènes où l'on montre comment l'esprit de Jake est transféré dans son avatar Na'vi ? James Cameron vous a-t-il donné des instructions spéci­fiques sur ces appareils ? Ces appareils font partie de ce que l'on appelle l'unité de "Lien". Ce sont des machines qui ressemblent à des scanners à résonance magnétique, que l'on utilise pour examiner le cerveau de laper­sonne, et pour repérer et mesurer toutes les activités qui ont lieu dans les différentes parties des deux lobes. Nous avons créé des écrans qui montrent cela dans ces scènes. Pour être honnête, les détails de la procédure de transfert de l'esprit de Jake dans son ava­tar ne sont pas décrits de manière spécifique dans le film. Jim s'est basé sur les recherches actuelles qui permettent de commander certaines actions d'une machine simplement par la pensée, en réa­lisant des mesures très précises de l'activité de certaines parties du cerveau. Il a imaginé ce que ces techniques pourraient donner dans 125 ans, puisque c'est l'époque à laquelle se déroule Avatar. Je ne sais pas si vous le savez, mais le mot avatar provient du nom d'un dieu hindou qui venait se promener sur terre sous la forme d'un humain. Dans le film, les humains se retrouvent dans la position de dieux qui peuvent eux aussi prendre possession d'un corps, et l'ani­mer, et ressentir tout ce qu'il ressent. Dans le script, Jim ne rentre pas dans les détails techniques, il se contente d'indiquer de quelles parties du cerveau on se sert pour animer un avatar quand l'esprit d'un humain est projeté dans cette enveloppe de chair.

LE CINEMA CAPABLE DE TOUT Nous avons remarqué que l'avatar de Jake avait5 doigts tandis que les véritables Na'vis. natifs de Pandora. n'en avaient que 4. C'est parce que l'avatar de Jake est en partie humain et en partie Na 'vi, étant donné que c'est un hybride. D'ailleurs, si vous observez les visages des avatars, on reconnaît clairement les traits des acteurs qui les incarnent, tandis que les Na'vis natifs de Pandora n'ont pas de ressemblance directe avec les comédiens qui jouent ces rôles. Le design des natifs de Pandora est un peu différent, justement pour refléter ce fait.

Il y a un rapport assez étonnant entre cet aspect de l'histoire ella technique qui a permis de créer le film : dans la fiction comme dans la réalité. on crée des avatars ! Oui, c'est un des aspects du film que je trouve le plus frappant, en tant que designer. Ce lien évident entre le fond et la forme, entre le message du film et les techniques qui ont été développées pour qu'il

existe. Si je prends l'exemple de Jurassic Park, sur lequel j'avais également trwaillé, c'était là aussi une innOYI­tion marquante, la~ fois que l'on créait des ani­maux hyperréallstes en images de syn~ Com­me dans le film, où ren ... ne des dineuures..,.en ,...., ........ ..._ .,.... .. ,..~ .. -­te ....,_ des tec:hniq&Hra ntlm6riques, noua ..... ouvert une_....,... ..... où ......... mener:~ ... levant le~. c:ette boite de Pendere, .~~~quelle IIMm*llpllrWtefdallu­lion, qui Mit où c:es tech­.,.._ wnt IIOUI entrafner? Cornmentw-t-on s'en ser­vir? a.,. fera-t-on le jour où ron .. incapable de fai­re la dllférence entre un per­sonnage humain 30 animé

'a;.~llt-c:apll~~re ,de ~lll'tl~nnence l!t Ils priles de wes réelles d'un Kteur, .._ dMs la rue ? Poumi-t-on encore croire à

r ......... dH irMges que ron nous montrera pendant le jour­Ou dH images rameMe5 des champs de bataille ? • Avatar, ce qui sera frappant pour les spectateurs,

lllln de l'hiltoire, its ressentiront davantage d'empathie .... ._ cr6IUw numériques du fitm qu'erwers les acteurs de .... .t d'• qui inc8mlnt les troupes terriennes. c· est assez fasci­nant si l'on y songe. Les spectateurs vont "changer de camp" en quelque sorte •••

C'611itd6ji....,.._dens le plan où l'on voit Jake dire "lt's great": on res­IIIIIÏ11111611i.ellllllldlla sympalhie pour le personnage. qui semble vivant L:hi!toire est un support parfait pour que les spectateurs éprouvent cela. Et ces émotions atteignent un point culminant quand l'histoi-

re d"IIIIOUI' entre Jake et Nertïr~•IIMloppe. Le spectateur sait conecilmlnent que ce qu'il Wil: sur réctn. ce sont deux person­ftl!llll qui n'eaclstent PM. dH tmlges dt synthèse animées, mais •••*" ....,_.,lawltqu'ls .......... Pol.rmoi,entantquedesi­..... c:'lll_._ ~.Le cinérnl. aljounl'hui, est capable * tiUt CIW, del .-r-a ligeS- d6cors, et de nous convaincre ..... ,....... .. O. .... Mil lt cerps dl Jalct seii'IM·t-il..-ml 1811 esprit est trans­Nit i1Mt • Mllr : est-il dans un sommeil prafand. dans une sorte de _, teta ressemble plus à la phase du sommeil que l'on appelle "pha­se Alpha", c· est-à-dire un état de relaxation intense, mais qui lui permet de conserver tous ses moyens intellectuels et de pouvoir agir et réfléchir normalement. IL n'est pas coupé du monde, com­me s'il était plongé dans un coma. Mais disons que la conscience de Jake perçoit davantage ce que ressent le corps de l'avatar que les sensations qui proYiennent de son propre corps. C'est d'autant plus frappant pour lui qu"it n'a plus éprouvé de sensations dans ses jambes depuis qu"il est hémiplégique.

Avez-VIIIS utitisé des références de véritables forteresses militaires lllldlmes [lOU!' concevoir le camp de Hell's Gate où vivent les Marines ? Ils dlivtnt p111blbllment utiliser toutes sortes d'équipements- des fils bar­belés. des murs renfun:és et des filets d'acier- pour se pratéger des créa­tures de Pandora qui peuvent surgir de la jungle ou de celles qui peuvent fondre sur eux depuis le ciel. .. Oui, nous avons utilisé certains documents de références comme ceux que vous citez. Des photos de bases et de forts retranchés . Mais ces endroits-là sont tellement ancrés dans une réalité tragique que nous avons préféré nous en éloigner et imaginer nos propres architectures, et nos propres équipements. Ce qui justifiait aussi cet­te démarche, ce sont les menaces particulières que l'on trouve sur Pandora, notamment les créatures que vous élloquiez, et aussi l'ab­sence d'une atmosphère respirable. Tous les bâtiments doivent être étanches et approvisionnés en oxygène. Nous avons donc dû mettre au point non seulement des systèmes de barrières et de protection, mais aussi faire passer visuellement l'idée que tout le complexe mili-

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taire de Hell's Gate vit en autarcie, replié sur lui-même derrière un bouclier de murailles épaisses. ('est la raison pour laquelle la for­me de la base, vue du ciel, est un pentagone géant. On se rend comp­te aussi qu'elle abrite un complexe industriel assez sophistiqué. Cet­te forme de la base est importante, car elle la fait ressembler à une empreinte colossale. C'est comme si un titan venu de la terre avait posé son pied là, en écrasant toute la jungle environnante, pour y créer une enclave autonome. Helfs Gate et les sites miniers qui se développent autour évoquent aussi des cellules cancéreuses qui se propagent dans un corps sain et détruisent tout ce qu'elles touchent. En ce qui concerne les procédures de sécurité spécifiques à Pan­dora, nous les avons inventées en nous demandant simplement quels équipements nous utiliserions pour nous défendre si nous de'lions vivre dans une baN militairt sur Pandora.

Oui, nous nous sommes occupés du design et de la fabrication du Dra­gon, du Samson, du Walkyrie et de la navette. La plupart de ces véhi­cules ont été construits grandeur nature. Nous avons aussi conçu de nombreuses armes à l'aspect affolant, qui ont été fabriquées en col­laboration avec Richard Taylor et l'atelier de Weta Workshop.

S'AFFRANCHIR DE TOUTE RÉALITÉ lluelles références James Cameron vous a-t-il suggérées pour les designs des habitations des Na'vis. et des accessoires de leur vie quotidienne? Nous avons fait des recherches sur des tribus qui vivent encore à l'âge de pierre, notamment en consultant des reportages du maga­zine National Geographie. Nous voulions savoir quels sont les objets de la vie quotidienne que ces sociétés dites primitives fabri­quent. Il y a évidemment différents types d'outils, d'armes et de meubles, mais aussi des rituels très variés, en Afrique et en Nou­velle-Guinée, au cours desquels les indigènes se maquillent et créent des décorations corporelles étonnantes avec les plantes et les matériaux dont ils disposent. Ils réussissent à créer des choses magnifiques, qui témoignent d' un vrai sens artistique. Nous nous sommes servis de ces recherches pour imaginer la culture Na'vi, mais sans jamais chercher à créer des ressemblances. Jim voulait que tout semble nouveau sur Pan dora, non seulement r éco­système, mais aussi l'apparence des Na'vis, leurs vêtements et leur habitat. Il a appliqué la même méthode pour mettre au point leur langage et leur manière de se comporter les uns avec les autres. Quand vous verrez le film, vous serez certainement amu­sé par la manière dont les parents de Neytiri accueillent Jake quand

"Toute l'équipe artistique fonctionnait comme si Jim avait réellement visité Pandora, et comme si nous étions là pour l'aider à reconstituer ce qu'il avait vu sous la forme de dessins, puis de décors transposés en 30 !" (Rick Carter)

leur fille le leur présente. Cela ressemble beaucoup à la manière dont certaines tribus indigènes accueillaient les hommes venant du monde moderne.

Avez-vous construit des plateformes animées par des vérins hydrauüques pour représenter le dos des banshees. pendant que les acteurs jouiÎIIItlls scènes où ils volent sur ces animaux ?

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Ci-dessus , Les Na'ris ~ lflln Dire horses. crilllllrls à SÎII ,.._ ,...

rejoindre farllre de W. ffi les lllllllllm rit , clin milllllt.

En haut , Deux narellrs lfllkyrit -accroc/lies i la sfalion f/111 /a sociN RDA

a placées en orlliiJ géosta/iDniiBirllll­tltssus dt Pttmlora.

Ci-dessus L ·un des énormes cam1ons utilisés sur le chanl»r dt /a mine.

sur cette pllnitlt. C'llt ainli que nous avons trouvé le bon mode de flllldialwaniRL \'llul....,.rcomment les racines des figuiers se croi­sent et s· ............ lniseent par ressembler à des synapses dis tem•--•-•11111 trun in humain? Eh bien le person­nage de Gnlce a 11'1111111 palnt-_..de....,.. • ,.._X. qui lui permet de wir 1111 11'..-s des planlea Il de'4lllualiler ces cunnec­tionl qui relient IDus lia Wg61aux et tous les ertns, en formant.,. sorte de réseau neunn~~.• réchelle de 1a planète. Ou un système nerveux proche de CIIWI d'un homme. Si vous obsenez un arbre de vie, et la manière ._.lill 111116 1111 l'1!lllle .. paysage naturel, c'est un peu comme si ~arbre était la tolonne vertébrale de ce lieu précis. On s'en rend comp~~~..a quand réquipe de Gnlce exa­mine un avatar avec le mime type cl'aPflll'8l: 1011 ~ nerwux ressemble à celui qui retie toutes Ill....,_ de Pendora. Un autre exemple de ces connexions, ce sant._ sœn. oè Jake et Neytiri avancent dans la jungle~. au.td Jake pose la pied sur un tapis de mousse, cela génère des ondel ~qui se propagent bien au-delà de r endroit où il a poilé son pied.

Avez-vous 6gMunt cençultts ....._ • vil,._. dlllttiiiS peur­riez nous parler: ........... ClniMrn. p.-.._ ? Oui, notamment del planlea carnivores si dangereuses qu' ... peu­vent attaquer non Mlllament des animaux mais ausai dl& hurnaina et des Na 'vis.

Avez-vous conçu l'asped bioluminescellt des plantes de Pllldlnl? De quels exemples réels veus iles-veus III'Vi ? Oui, et aussi les parties luminescentes des animaux et des indigènes de Pandora. Cet effet est très important, comme je vous le disais précédemment, pour souligner le thème du film, qui tourne autour de la notion de Gaïa [Selon la théorie de Gaia, les liens qui unis­sent les plantes, les animaux et les humains, permettent à la ter­re et à ses espèces de s'auto-préserver, comme si la terre tonnait un organisme vivant géant. En revanche, si ces liens naturels sont rompus, les déséquilibres qui s'installent génèrent de multiples répercussions nèfastes. Ndlr].

tABOUTISSEMENT D'UNE CARRIÈRE Dans certaines scènes. la jungle bioluminescente ressemble à un palais avec des plantes qui évoquent des lustres géants qui pendent des arbres : l'idée principale de cette découverte nocturne était-elle que la jungle appa­raisse à la fois enchanteresse et mortelle ? Absolument. Quand on découvre cet environnement pour la pre­mière fois, il doit paraître étrange et un peu inquiétant. Dans le script, Jim décrivait ces paysages bioluminescents comme "fantasmago­riques". Au sens strict du terme, fantasmagorique signifie "comme une vision issue d'un rêve". Il fallait que ces décors soient épous­touflants et sublimes, mais qu'ils puissent aussi inspirer une ter­reur diffuse. Et tout comme les avatars du film rejoignent ceux qui ont été créés pour le réaliser, ces décors nous plongent dans un état fantasmagorique, qui est renforcé par la perception de cet univers en 3-0 Relief. La encore, le ressenti, le thème du film et les tech­niques utilisées se rejoignent...

Comment justifie-t-on que d'énormes montagnes flottent dans le ciel de Pan dora : est-ce dû au champ magnétique intense de la planèll, ltlla pré­sence du minerai qui est contenu dans ces roches ? Oui, le minerai que Jima baptisé "Unobtainium" [ce qui, en français. pourrait être traduit par 'ïndisponiblium .. ! Ndlr] est utilisé sur ter­re pour permettre aux trains et aux véhicules à lévitation magné­tique de fonctionner. Le minerai a des propriétés antigravitation­nelles, mai& il en émane aussi une force spirituelle transcendantale.

luis 1011t Ils d6ars et les véhicules spéciaux que vous avez créés pour llécrirlles ldivlh llliniires de la seciéll RDA sur PMdora ? H y .na toute une série. On trouve ainsi, comme suries sites d'ex­ploltadon miniires tracliticll1ile, des camions géanla, et des grues IMt des ............. rotatives qui creu14111lla terre .. imii'I'UP-tion, et ................ lllsquels .......... ,,...,., ..

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d'autres machines qui la filtrent pour extraire le minerai. Mais avant de pouvoir creuser, les colons terriens doivent d'abord abattre les arbres, déraciner les plantes et déblayer tout le terrain au bulldo­zer. Ils utilisent donc à cet effet une machine que nous avons conçue et fabriquée, le "Slashbuster". qui est capable de pulvériser les arbres. Nous avons fabriqué un de ces engins en vrai et il était très impressionnant. Disons que nous nous sommes directement inspi­rés des engins réels que r on trouve dans les mines à ciel ouvert, et que nous les avons transformés pour les rendre encore plus agres­sifs et destructeurs.

Avez-vous modélisé tous les décors sur AutoCad ou un autre logiciel 3D. à la fois pour produire les plans et les renderings basiques. puis pour créer les architectures de complément en 30. dans les effets visuels? Oui. Nous avons aussi utilisé d'autres logiciels comme Rhino et Maya ... Bien sûr, le problème qui se pose ensuite est celui de la conversion des modèles qui ont été réalisés avec un logiciel donné, dans le logiciel qui va être utilisé par Weta Digital, pour créer les effets visuels.

Vous avez certainement travaillé en étroite collaboration avec Weta sur l'as­ptd final des décors qui ont été créés en 3D ... Absolument. Rob Stromberg a d'ailleurs assuré la liaison entre le département de la conception artistique et Weta, afin que tout soit transféré fidèlement, et que la vision de Jim, et ses prises de vues réalisées en capture de performance, soit transposées avec la plus grande exactitude. Nous avons utilisé aussi un logiciel qui s'appelle Motion Builder, qui peut saisir un environnement crée sur Maya, et l'utiliser pour produire un décor 3D en temps riel, et l'intégrer aux prises de vues en capture de mouvement. Le système Simulcam qui permettait à Jim de voir les personnages et tes décors 3D sur sa caméra p!IIMiit ln I'IOIA'Ti par ptusietn sourœs3D., même temps. Par eanplil. Jlllll" 1t1un1er une scène qui se passe dans un des héli-

coptères, Jim pouvait cadrer les acteurs qui~ IIPflll'aitre dans l'appareil, tout en voyant le paysage qui défilait en dessous. Si Jim voulait domer l'impression que l'appareil penchait sur le côté gauche pour virer de bord, quelqu'un modifiait la trajectoire de l'hélico 30. pendant que les acteurs faisaient mine de compenser le mouvement de rappareit. C'est une technique très sophistiquée que l'on~ pour créer un effat qui paraît assez simple à l'image.

Avez-vous cr1é des déan ti a· lill,. lili lllilés pii'CI ... Ies séquences CIII1SpllllliantiS ani ill lll•dlltllées ? Il y a une séquence qui risque d'être coupée au montage, et qui se déroule à un moment où Jake, dans son cheminement spirituel, s'in­terroge sur son destin. Il a une vision alors qu'il est plongé dans un état qui ressemble à celui d'un rêve éveillé. Mais je ne peux pas wus certifier que cette scène a été coupée ...

Y a-t-it d'autres choses que veus veudriez ajouter sur YOtre travail ? Eh bien, je dirais que j'ai entamé ce travail en pensant que j'allais intenenir sur deux mondes différents, celui des humains. qui allait paraitre contemporain, et ancré dans la réalité, et celui des Na'vis, qui allait être intemporel et fantastique, et qui allait nous entraîner dans un autre ullNers. Dans toute ma carrière, j'ai souvent travaillé sur tes différences entre la "réalité" et te monde perçu par les personnages principaux, qu'il s'agisse de A/. Intelligence Arti­ficielle, Seul au monde, Retour l'erS le futur, Forrest Gump, et même Jurassic Park. On pour­rait dire que c'est le point com­mun de tous les films auquel j'ai participé, et je considère qu' Ava­tar en est l'aboutissement. • •

PROPOS RECUEILLIS ET TRADUITS

PAR PASCAL PINTEAU

Ci-dessus , Une illustration qui représente Jake emlllt dans la jungle devenue bioluminescenle. à Il nuillllmbn.

En haut , Un dtssm preparatoire qui montre Jake. dont l'hélico s ·est posé en catastrophe dans un ,rcage. s'extraire de l'épave et regagner la berge avec un ampsuit

Ci-contre , Une vue d'une gigantesque mme à ciel ouverl. On remarque à gauche les incendJes provoqués pour détrwre les arbres et faci/Jter le déblayage de la zone d'extraction de l'unobtainium. le fameux minerai aux propnetés électromagnétique que les humains extraient du sol de Pandora.

Comme les decors. les vaisseaux ont d'abord éle conçus en 30. puis construits pM!iellement ·en dur.

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Ci-dessus , Inspirés par les célèbres paysages chinois de Zhangjiajie. aux pics en forme de pain

de sucre. les montagnes volantes de Pandora comptent parmi les plus beaux paysages créés par

l'équipe de Weta pour "Avatar".

Ci-dessus , L 'iUustration de production et l'image finale du nid des banshees. situé au

sommet d'une montagne volante.

mêmes. Nous avons utilisé la texture de leur vraie peau pour la transposer sur les personnages 3D, afin de préserver leur ressem­blance dans les moindres détails.

Comment le système Simulcam fonctionne-t-il? Est-il capable de générer des images 3D en relief en temps réel ? Le système Simulcam a été conçu pour permettre de tourner laper­formance des avatars sur un plateau à côté en même temps que les scènes en prises de vues réelles tournées dans le décor principal. Les deux sources d'images sont combinées dans le moniteur de la caméra de Jim, afin de lui permettre de voir immédiatement ce que donne le mélange des deux actions simultanées. Prenons par exemple la scène où les avatars se réveillent pour la première fois sur les lits, dans le labo. Les acteurs qui jouent les avatars se trou­vent allongés sur le plateau de capture de performance, mais les mouvements de caméra que Jim fait dans le décor du laboratoire

sont répercutés sur ceux de la caméra virtuelle du plateau de cap­ture. Les deux sources sont mélangées, et les avatars Na'vis 3D super­posés sur les prises de vues réelles du labo. Avec ce dispositif, si Jim fait un panoramique de droite à gauche pour suivre les mouvements de l'avatar Na 'vi de Jake, l'image du personnage 3D réagira comme s'il était assis au bord du vrai lit du décor réel et qu'il se levait. Et pour répondre à votre seconde question, oui, Jim voyait bien ces images composites des deux plateaux en 3-D Relief et en temps réel.

Etant donné que de nombreux événements se déroulent simultanément dans beaucoup de plans. avez-vous storyboardé ces scènes. afin de les préparer sous la forme de séquences animatiques très détaillées ? On pourrait le croire, mais en fait, grâce au système Simulcam, Jim

avait la possibilité de tourner des scènes d'effets spéciaux comme on tourne des prises de vues réelles. Du coup, nous n'avons pas eu besoin de réaliser des storyboards très détaillés, ni des anima­tiques. En manipulant la caméra sur le plateau, il pouvait diriger ses acteurs, enregistrer cette performance-là, puis la repasser en .. play­back" pendant qu'il se mettait à un autre bout du plateau pour enre­gistrer une performance complémentaire, destinée à apparaître dans le même plan, à un autre endroit de l'image. Il pouvait combi­ner ainsi de nombreuses actions au sein du même plan, en les ajou­tant aux enregistrements précédents.

A-t-il procédé ainsi pour les scènes de bataille entre les Na 'vis sur leur banshees et les hélicoptères des marines ? Oui, tout à fait. Il nous est même arrivé de capturer des actions qui allaient être filmées "pour de bon" plus tard en prises de vues réelles, afin que Jim puisse déjà les voir dans son viseur, pendant le tour­nage en Simulcam, et qu'il puisse créer l'intégralité du plan. Par la suite, nous avons tourné les acteurs en prises de vues réelles com­me des inserts, en nous servant des repères pris pendant la captu­re. Nous guidions ainsi les acteurs pour qu'ils fassent les mêmes mouvements dans l'espace, et nous pouvions de ce fait les inté­grer facilement dans les plans composites, aux côtés des Na'vis ani­més et des décors virtuels.

Pendant la phase de conception. a-t-il été difficile de créer entièrement en 3D les jungles de Pan dora. avec toutes les plantes. lianes. hautes herbes et branches d'arbres qui bougent ensemble quand le vent souffle. en provo­quant de ce fait des interactions et des collisions entre elles? Avez-vous créé de nouveaux logiciels pour parvenir à ce résultat stupéfiant ? Oui, mettre au point tout cela a été immensément difficile. Dès le départ, nous avons décidé de concevoir ces jungles non pas sim­plement pour quelques plans, mais en établissant une approche de travail qui nous permette de créer n'importe quel type de jungle, où que nous nous trouvions sur Pandora. Nous avons dû imaginer chaque élément de la jungle pour qu'il soit capable d'interagir avec les autres plantes de r environnement. Il fallait que tous les élé­ments se comportent de manière cohérente, quelles que soient les conditions qui influaient sur le paysage, qu'il s'agisse du vent, des turbulences provoquées par les hélicoptères quant ils se posent, ou des déplacements des animaux et des personnages. L.:autre pro­blème, c'est que nous allions devoir créer, animer et réaliser les renderings de paysages très vastes, car dans pratiquement tous les endroits que l'on "filme", on voit de larges parties de la jungle, qui sont composées de nombreux éléments différents, des grands arbres jusqu 'au herbes et aux mousses. Nous avons passé à peu près un an sur le développement des simulations de jungle, pour arriver enfin au résultat que nous souhaitions.

Avez-vous mis au point un système de collision semi-automatique entre les plantes : si une branche en touche une autre, l'effet de collision est-il créé

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par le logiciel et r effet "de domino" également transmis aux autres végétaux? Oui, c'est exactement cela. Quand les branches bougent, elles entrent en collision les unes avec les autres, ou avec les personnages. Et rinverse est vrai aussi : quand les personnages touchent les plantes en bougeant, il y a un effet de collision.

DES CHIFFRES À DONNER LE VERTIGE Comment avez-vous réparti le travail entre Weta et les différents studios d'effets visuels du monde entier qui ont travaillé sur Avatar. et comment avez-vous sélectionné ces studios? La division du travail s'est faite de manière très naturelle, parce que Weta se chargeait de toute ranimation des personnages, et de tout ce qui concernait les performances des créatures. Nous avons donc gardé tout ce qui concernait directement les Na'vis et les ani­maux de Pandora, tandis que nous avons sous-traité les plans dans lesquels les personnages étaient vus de loin, ne disaient rien, et ne jouaient pas une scène importante. Nous avons sous-traité aus­si les scènes dans lesquelles il fallait ajouter des extensions vir­tuelles aux décors, ainsi que certaines animations de véhicules et de vaisseaux. Plus de 850 personnes ont travaillé sur Avatar dans le monde, à travers 46 pays !

la quantité de détails que r on peut voir lors des scènes de bataille entre les Na"vis et les marines est époustouflante : pourriez-vous nous expliquer comment tous ces événements simultanés sont programmés. animés et finalisés en 3D ? Tout s'est fait un pixel à la fois ! (rires). Nous avons d'abord étudié ce que Jim avait tourné sur le plateau en Simulcam, puis nous avons travaillé sur chacune des pièces différentes du puzzle séparément. Au moment où il a fallu créer les plans de bataille, nous disposions déjà d'un bon nombre d'éléments: les gros plans des personnages principaux, les autres Na'vis volant sur leur banshee, les véhicules et les hélicoptères, les plans en prise de vue réelles des militaires terriens, les images des montagnes flottantes, et les panoramas de la jungle en contrebas. Chaque élément avait été filmé de maniè­re à pouvoir être assemblé aux autres dans le cadre de cette bataille et c'est ainsi que nous avons pu réaliser ces images très complexes.

Comment les décors virtuels sont-ils conçus? Sont-ils faits comme ceux des jeux vidéo. avec des éléments très détaillés au premier et au second plan. el d'autres nettement simplifiés dans les arrière-plans lointains? Nous avons procédé ainsi uniquement pour les images 3D qui étaient générées en temps réel sur le plateau, pendant les tournages en Simulcam. Les éléments à ravant-plan étaient générés en haute résolution, et ceux de l'arrière-plan en basse résolution. C'était indis­pensable pour pouvoir calculer ces images instantanément. Par contre, quand nous avons créé les environnements du film lui-même, les décors étaient représentés entièrement en haute résolution dans

la plupart des cas, parce que les éléments étaient extrêmement

détaillés pour bénéficier des textures et du réalisme souhaité. Nous n'avons conçu aucun élément spécifiquement en basse résolution, en le destinant à n'apparaître qu'à rarrière-plan.

Avez-vous utilisé certains logiciels spéciaux pour générer automatique­ment des environnements de jungle à r aspect naturel ou avez-vous dû créer chaque paysage arbre par arbre. rocher par rocher? Nous avons utilisé une variante du logiciel Massive pour générer les grandes lignes des paysages, et positionner les plantes et les arbres en fonction des dénivelés du terrain, comme dans la réalité. Nous avons créé approximativement 90 environnements uniques et 1500 éléments de terrain et de paysages pour décrire la nature de Pandora.

Savez-vous quelle quantité de modèles 3D a été créée pour le film : com­bien de modèles de plantes. d'animaux. de véhicules. de Na"vis. etc? Nous avons créé 483 modèles principaux de plantes, dont nous pou­vons faire varier la géométrie et les textures pour obtenir jusqu'à

3000 variations. Nous avons modélisé 25 véhicules, 21 créatures principales dont nous pouvions changer les textures pour obtenir 68 variations, et 53 modèles de Na'vis- hommes, femmes, enfants, personnes âgées- qui pouvaient être modifiés pour obtenir plus

d'une centaine de variantes.

En haut , Les quatre minuscules silhouettes que l'on voit arpenter ces li~nes géantes sont celles de Jake. Neytiri et de deux autres Na'vis. Le petit groupe doit emprunter ce chemin dangereux pour atteindre d'autres lianes. verticales celtes-ci. qu'il va escalader pour atteindre le nid des banshees.

Ci-dessus , C'est pour filmer simultanément le réveil de l'avatar de Jake - créé en 30 - et les réactions des savants dans le laboratoire que James Cameron a fait mettre au point le système de prises de vue Simulcam. Pendant qu'il tournait les mouvements de Sam Worthington dans le studio de capture de performance situé à côté. les déplacements de sa caméra étaient reproduits à l'identique par le support motorisé d'une seconde caméra. placée elle dans le décor du labo.

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Cl-dessus , Grâce eu logiciel mis 1u point psr Wete. les turbulences provoquées piT

l'atterrissage de /'hlücoptèrt 1mment toutrs lrs plantes 30 de le junglt. qui st comportent

comme des vr~ies.

Ci-dessous , Deux images tirées des m1gnifiques séquences où l'on voit J1ke

découvrir 11 bioluminescence dell jungle dt Psndora. i /1 nuit tombit.

Combien Avatar comporte-t-il de plans d'effets visuels? Environ 1 852, dont 1 818 plans avec des éléments ou des person­nages animés. Dans certains des plans les plus complexes. nous utilisons plus de 1 000 éléments modélisés. Nous disposons de 1 900 modèles approuvés pour Avatar. Nous générions jusqu· à 10 tera­octet de données chaque jour.

LA D~LICATE COEXISTENCE DU R~EL ET DU VIRTUEL Avez-vous créé beaucoup de mattes numériques et pouvez-vous nous don­ner quelques exemples de plans qui sont des mélanges de mattes 20 "plats" et d'éléments 30 ?

Oui, nous avons utilisé beaucoup de mattes numériques pendant les scènes aériennes, ou l'on voit l'horizon lointain. Quand des éléments de décors sont très éloignés, on dépasse le point où r on peut per­cevoir le relief, parce que nos yeux regardent en parallaxe et voient deux fois la même image, sans variation. Les gens débattent de la distance à partir de laquelle on ne perçoit plus le relief : cer­tains disent qu'au-delà de 100 mètres, c'est impossible, d'autres que ce serait plus proche de 1 ooo mètres. Cependant, même quand on observe un paysage à 1 ooo mètres d'altitude, on perçoit encore beaucoup de détails. S'il n'était pas nécessaire que ces éléments­là soient créés en trois dimensions, en revanche, nous avons fa it réaliser des peintures 20 très détaillées.

Quelles ont été les difficultés particulières des scènes dans lesquelles Jake essaie de dompter sa banshee ? Le problème principal, c'était le grand nombre de banshees qui se trouvent dans cet environnement, pendant cette scène. Comme elles vivent sur les montagnes flottantes. la lumière solaire est très vive, et produit des effets de réfraction sur les animaux el sur les décors. Il fallait parwnir à reconstituer la manière dont la lumière se comporte sur ces créatures qui interagissent les unes avec les autres, et à tout cela s'ajoute la performance de Jake qui bondit sur une des banshees pour essayer de la dompter.

Quelles ont été les interactions les plus complexes? Probablement les scènes où l'avatar de Jake porte Grace, et de manière générale, toutes les scènes où les humains et les avatars se trouvent côte à côte. Les interactions étaient très difficiles à régler pour que tout semble naturel. C'était beaucoup plus complexe que de faire courir les soldats dans la jungle 3D, par exemple, car si nous repérions un problème dans la scène, nous pouvions toujours rajou­ter une plante à cet endroit-là pour le masquer. Il y a une scène dans laquelle Neytiri tient Jake sous sa forme humaine, et cette scène­là a été particulièrement difficile à réaliser, d'autant plus qu'elle a été créée en relief. Nous n'avions aucune marge d'erreur en termes d'ajustement des perspectives et de la profondeur.

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Avez-vous utilisé un petit mannequin pour représenter la taille que Jake devrait avoir quand Neytiri. qui mesure plus de trois mètres. le prenait dans ses bras? Non. nous n'avons pas utilisé de mannequin, mais tout simplement un enfant, qui avait à peu près les proportions qui cornespondaient à cette scène, puisque quand Neytiri tient Jake, cela nessemble à un adulte tenant un enfant.

Quels types d'effets avez-vous utilisés pour représenter l'arbre de vie et le puits des âmes et à quel point ces environnements étaient-ils ditaiUés? Nous avons développé des effets de bioluminescence particuliers pour représenter les fibres végétales et les lianes lumineuses qui com­posent l'arbre. Le design de ces éléments-là, et le choix de leur cou­leur et de leur intensité lumineuse a été très délicat. Il fallait aussi déterminer jusqu'à quel point les autres parties des décors et les per­sonnages étaient éclairés par cette Luminescence.

la forêt bioluminescente a-t-elle été complexe à réaliser en 30? Présen­tait-eUe des difficuUés particulières en termes de simulation d'éclairage et d'interaction lie ces effets lumineux avec les personnages? Oui, elle a été difficile à représenter, surtout en raison des caracté­ristiques de son design. Les motifs Lumineux des plantes sont très graphiques, et il fallait parvenir à faire en sorte qu'ils fonctionnent tous ensemble, au sein du même décor, aussi bien de près que de Loin. Techniquement, ce n'était pas plus difficile à faire que les autnes

éléments du film, mais c'était surtout au niveau artistique que les ajustements ont été Les plus ardus, notamment pour définir les formes des motifs, Leur couleur et Leur Luminosité.

UNE NOUVELLE DIMENSION AU TRAVAIL QueUe est la partie la plus ardue de votre travail au jour le jeur. en tant que superviseur des effets visuels ? Je crois que Le plus dur consistait à vérifier que tous les éléments de chaque plan étaient correctement placés, éclairés, animés, bref que tout était Logique dans fimage. Il fallait aussi que toutes Les pièces du puzzle s'emboîtent bien comme pnévu Les unes dans les autnes, ce qui était un travail de grande précision. Et enfin, chaque plan devait "ra­conter" correctement l'histoire, comme il était sensé le faire.

Jusqu'à quel point le fait de créer les effets visuels en 3-0 Relief a-t-il compliqué votre travail? Nous avons fait tout Le travail deux fois ! (rires). Il faut être doublement attentif à tout ce qui se passe dans l'uni­vers de chaque plan que l'on supervise. En relief, il devient impos&ible de tricher, sinon cela se voit immédiate­ment à cause de la perception de La profondeur et des perspectivoes. Avant on pouvait se contenter de masquer un défaut en peignant par dessus. En relief, c'est faisable, mais c'est tellement plus difficile et plus long qu'il vaut mieux refaire le plan lui-même.

Avez-vous travaillé sur la préparation de certaines scènes du film ~li ont éli coupées ? Oui, effectivement. Mais aucune d'entre elles n'était très avancée. Nous n'avions tourné que des bouts de plans, ou enregistré seulement une des actions en performance capture. Dans la plupart des cas, nous avons été informés

qu'une scène risquait d'être coupée avant de l'avoir achevée. Il y a bien sûr quelques exceptions, comme vous Le découvrirez quand Le film sortira en dvd et en Blu-Ray !

Allez-vous utiliser sur Les Aventures de Tin­tin : le secret de la licorne le même système de capture d'expressions faciales que sur Avatar? Nous aUons utiliser un système très simi­Laire. À chaque fois que nous créons Les effets d'un nouveau film, nous tentons de développer Les techniques créées pour Le film précédent. Nous avons ajouté des améliorations, et il est certain que r expé­rience acquise sur Avatar va bénéficier à Tintin. • •

PROPOS RECUEILLIS ET TRADUITS

PAR PASCAL PINTEAU

Ci-contre : Une vue des arbres de vie. ~tans diiiiHIIIdt végétal dt Pandara. dont les cimes s'élèfwrl; ,ms d'un killlmètre du soL On ,,.,.,. ,. Cllllpllxité dts structures des bl'lllchn et du flllilllp. lllllllllre exploit de IMIIIIisatioii3D sifné M.

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A ,

" LE SUPPLEMENT D'AME Spécialiste de l'animation de personnages photoréalistes, Andy Jones a eu la lourde tâche de s'assurer que les mouvements des Na'vis soient parfaitement naturels.

Dès le d ébu t de sa carrière, Andy Jones s'est spécialisé dans l'animation de personnages 30 hyperréalistes. A près avoir développé les figurants virtuels de Titanic et la monstrueuse vedette de Godzilla, Jones effectue un travail de pionnier sur les premiers clones d'humains de Final Fantasy. Il perfectionne cette approche dans Le Demier Vol de l'Osiris, remarquable court-métrage qu'il réalise en 2003, et qui est i nclus dans la compilation Animatrix. Jones travaille ensuite sur les animations de 1 Robot, Capta in Sky et le monde de demain, Zati!Ura, une avenh1re spatiale et Superman Retums, avant d'assumer l a direction de l'animation d'Avatar.

En haut : Ce gros plan de l'avatar de Jakl témoigne d1 il qua/ill stupéfiante dll 1nimations

du film : non seulement l'expression faciale du personnage semble naturelle. mais tilt ut rendue encore plus réaliste gries i /'tllet de transpiration

sur la p11u du visage.

Vous avez acquis une expérience exceptionnelle dans la création de per­sonnages humains hyperréalistes en 30. de Final Fantasy à Avatar : quels sont les progrès les plus significatifs qui ont été accomplis pendant ces huit ans qui séparent les deux films ? Nous avons beaucoup avancé dans les domaines de ranimation facia­le, du rendu de la peau, et du fonctionnement des muscles. Nous sommes plus proches de la réalité anatomique.

Pensez-vous que les nouvelles technologies qui sont développées pour la capture de performance pourraient remplacer en partie ou totalement cer­taines techniques. comme les maquillages spéciaux. ou l'animation tradi­tionnelle? Je crois qu'il est difficile de répondre dans un sens ou dans l'autre à cette question, parce que l'on n'a que très peu de moyens d'esti­mer comment les techniques de capture de performance vont évoluer dans le futur. À l'heure actuelle, les systèmes que nous employons permettent de recueillir à peu près 80% des données qui servent à animer un personnage 3D. Mais ce qui permet d'ob­tenir un résultat vraiment naturel, ce sont les 20% qu'apportent les animateurs en complétant ces données. Cela crée une énorme différence. Pour vous donner un exemple précis, quand on obser-

vele résultat d'une capture d'expressions faciales "brute" sur un personnage 3D, on voit immédiatement tout ce qui manque pour que cela semble réaliste.

En plus des données recueillies par le système. vous pouviez aussi vous référer à des prises de vues en vidéo des acteurs. pour vérifier quelles étaient leurs postures précises ... Oui. Pendant les séances d'enregistrement en capture de perfor­mance, il y avait toujours de 4 à 8 caméras HD qui filmaient la scè­ne sous différents angles. Jim utilisait ces prises de vues vidéo pour préparer le montage de son film, car il ne pouvait pas vraiment utiliser les images brutes obtenues à partir de la capture de mou­vement pour faire cela. Les images vidéo représentaient mieux les performances réelles des acteurs. Étant donné que Jim avait déjà choisi ces plans-là, les animateurs pouvaient s'y référer en toute confiance, et y puiser les nuances de jeu qui manquaient dans les données de capture, afin de les transférer sur les personnages 3D.

UNE PR~CISION CHIRURGICALE Quelles ont été les plus grandes difficultés à résoudre pour parvenir à ani­mer les personnages et les décors d'Avatar? D'abord et avant tout, les expressions faciales des Na'vis. Depuis le premier jour, c'était la préoccupation principale de Jon Landau et de James Cameron. Ils se demandaient si elles allaient être crédibles et si nous arriverions à reproduire exactement les performances des acteurs. Quand Sam Worthington et Zoe Saldana ont été choisis pour tenir les rôles principaux, nous savions que notre objectif était d'ani­mer leur personnage 3D de manière si réaliste qu'ils soient en mesu­re de "mener" le film, et de s'attirer immédiatement la sympathie des spectateurs. Pour atteindre ce but, il a fallu concevoir des sys­tèmes d'animation des expressions très sophistiqués et très précis, afin d'imiter parfaitement le comportement des vrais muscles du visage. Nous avons étudié attentivement l'anatomie d'un visage humain pour réaliser ces travaux. Et quand nous sommes passés à la modé­lisation et à la conception des animations faciales, nous avons fait des recherches très poussées pour reconstituer en 3D r anatomie des visages de chacun des acteurs principaux. Disons qu'il fallait connaître les proportions et la localisation de leurs vrais muscles faciaux. et savoir comment ils fonctionnaient, afin de pouvoir les repro­duire en 3D sur les personnages de Na'vis, et obtenir ainsi des expres­sions qui soient identiques.

Serait-il exact de dire que le modèle 30 de l'avatar Na'vi de Jake a la même forme de crâne et les mêmes masses de muscles faciaux que Sam Wor­thington? c· est globalement cela. Quoi qu'il en soit, même si ce n'est pas iden­tique à 100%, c'est aussi proche que possible de l'anatomie de Sam Worthington, une fois qu 'elle est transposée sur le visage et

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sur le corps d'un Na'vi. Cependant, comme la silhouette d'un Na'vi est beaucoup plus allongée que celle d'un homme, et que Jim tenait à ce que ce peuple soit extrêmement mince, comme des sportifs de haut niveau qui ont moins de 2% de masse graisseuse dans le corps, nous avons dû modifier la musculature de Sam pour construire le personnage de son avatar. Mais nous avons quand même réussi à transposer les mouvements de ses muscles, ainsi que la texture de sa peau. En ce qui concerne les volumes des expressions faciales, comme l'amplitude d'un sourire et le gonflement simultané des joues, il était géré au final par les animateurs, qui manipulaient les systèmes de coordination des muscles 3D que nous avions mis au point pour gérer semi-automatiquement telle ou telle mimique. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'un sourire mobilise des dizaines de muscles faciaux, et que l'on ne peut pas animer indépendam­ment, un par un, tous les muscles qui contribuent à animer la peau. C'est la raison pour laquelle Jeff Unay et moi avons passé du temps à développer des commandes semi-automatiques qui permettaient d'obtenir des expressions de base, que les animateurs pouvaient ensuite modifier pour obtenir des variantes encore plus proches des expressions des acteurs.

La structure musculaire des personnages 30 d'Avatar est-elle l'une des plus complexes qui ait été modélisée. jusqu'à présent? Oui, en tout cas, c'est ce que nous nous plaisons à croire ! (rires). Le système musculaire est très sophistiqué, et nous permet d'accen­tuer les actions de certains muscles pendant que les personnages bougent ou se battent, ce qui rend leur animation encore plus vivan­te. Je crois que l'on peut dire que les personnages d'Avatar repré­sentent une avancée dans ce domaine. Nous avons beaucoup tra­vaillé en ce sens.

Y-a-t-il a pratiquement autant de muscles dans l'anatomie d'un Na'vi 3D que dans celle d'un véritable être humain ? Exactement. Nous avons modélisé les Na'vis en nous référant à l'ana­tomie humaine. Nous avons peut-être éliminé certains muscles mineurs, mais tous les muscles principaux sont bien représentés. Il y en a une quarantaine dans un visage humain, et nous disposons du même nombre de contrôles pour animer les visages des person­nages 3D, et pour produire des variantes des expressions principales.

ANIMATION HAUTE FID~LIT~ Vous disiez que les séances de capture de performance généraient environ 80% des données d'animation : pourriez-vous nous décrire précisément quels étaient les 20% qui manquaient et que vous deviez compléter ? Dans la plupart des cas, il s'agissait de compléter des nuances de performance qui avaient échappé au système. Disons que les don­nées étaient un peu estompées, si vous voulez. Que les attitudes les plus extrêmes de certaines poses ou de certaines expressions man­quaient. Et ce sont justement ces extrêmes qui donnent toute leur vivacité aux gestes et aux expressions des acteurs. Il ne faut pas imaginer que le système de capture de performance est un procé­dé automatique, que l'on actionne en pressant un bouton, et qui ani­me totalement les personnages. Le système fonctionnait très bien, mais il fallait tout de même corriger, compléter et finaliser l'animation des personnages. Les données générées par les cap­tures produisaient quelquefois des "images-clés" qu'un animateur n'aurait jamais utilisées s'il avait créé cette scène de A à Z. Il fallait

~~Depuis le premier jour, les expressions faciales des Na'vis, c'était la préoccupation principale de Jon Landau et de James Cameron" (Andy Jones) donc les corriger pour obtenir des poses-clés plus naturelles et plus proches de la performance des acteurs. Nous pouvions aussi cor­riger ces données brutes pour tenir compte de l'élasticité et de la souplesse de la peau, toujours dans le but d'obtenir un rendu plus fluide et plus réaliste.

Cela signifie que quand Sam Worthington souriait de manière furtive. le système de capture pouvait "rate( le point le plus extrême de son sourire. et que vous deviez donc le reconstituer par la suite. en vous basant sur les images vidéo de la scène ? C'est cela: les données extrêmes du sourire pouvaient manquer, ou même des données plus générales de l'ensemble de son expres­sion, pendant une demi-seconde. Nous avons toujours essayé de respecter les données originales, sauf quand ils· agissait de petites erreurs techniques. Notre rôle consistait à les compléter, en nous basant sur l'enregistrement vidéo de la performance de l'acteur. Les décisions prises par les animateurs ne visaient qu'à restituer toute la spontanéité du jeu des comédiens.

Vous avez dû animer entièrement les doigts ? Effectivement. Le système de capture ne pouvait pas les repérer dans l'espace, donc nous les avons animés. Un des autres éléments du visage que les animateurs ont pris beaucoup de plaisir à utiliser, ce sont les oreilles des Na'vis, qui nous aident à refléter leurs émo­tions et leurs pensées.

En heut , L 'lquipe d'Andy Jones 1 enimé de nombreux personnages de Na'vis dans les seines qui se déroulent i l'intérieur de f'srbre de VIl. et pendant l'incroyable bsblille finale.

Ci-dessus : C'est bien le sourir1 de Sam Worthington que l'on reconneÎI sur le visage d1 f'evablr dl Jake. dens 16 seine de son éveil d1ns le labor~toirt.

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Ci-dessus , Les animateurs de Weta se sont inspirés de documentaires

animaliers pour créer les mouvements des banshees. des dire horses. et des autres créatures de ta

faune de Pandora.

Ci-dessous: Tout 111 ümg du film. on est sidéré P" la justesse des expressions des personnagts. qui

restituent lllutes les finesses du jeu des comédillls. Sur cette imagt. 011 sent 111ute

l'atJirance de Neyliri ,_ /'avat.lt de Jake. qu'.U. reglfde VIller il ses côtés. sur une balrshee.

En bas , Tous les vaissellllt des Sllldsts IBITiens tirent sur le tnmc de l'arbre de rie. refllgt

des Nùis. atM de l'aballn.

Certaines données biologiques réelles ont-elles été utilisées pour créer le design des animaux imaginaires de Pandora ? Absolument, nous avons trouvé La plupart de nos références en observant des documentaires animaliers.

LE PETIT ZOO DES HORREURS Comment avez-vous animé les six pattes du lhanator : avez-vous basé ses mouvements sur ceux d'insectes à six pattes. comme les fourmis ? Exactement. Les fourmis étaient Les seuls animaux auxquels nous pouvions nous référer pour imaginer comment Le thanator allait se déplacer. Bien sûr, c'était juste une indication basique, car Le tha­nator est bien plus grand et bien plus lourd qu'une fourmi. Sa mus­culature et l'anatomie de ses pattes sont également très différentes. Mais nous avons pu reprendre des rythmes de mouvements des fourmis, et cela nous a été utile. Les pattes centrales des fourmis bougent en opposition aux pattes avant et aux pattes arrière. C'était très intéressant de faire bouger une créature de grande taille de cet­te manière. Nous avons quand même été obligés de nous éloigner de ce rythme de marche dans certaines scènes, notamment quand le thanator attaque Jake : dans ces moments-là, ses quatre pattes avant fonctionnent à l'unisson, tandis que ses deux pattes arrière font les mouvements inverses. Cela lui permet d'être plus agile et de changer de direction plus rapidement en évitant les obstacles placés devant lui.

Comment avez-vous animé les singes à quatre mains ? On les appelle les prolemurus. Ces créatures ont été difficiles à ani­mer, mais elles sont très intéressantes, elles aussi. Le fait qu'elles aient quatre mains permet de Les lier aux autres bêtes sauvages de la planète, qui ont six pattes, et de suggérer la manière dont certaines familles d'animaux ont évolué au fil du temps. L.:idée de Jim est que les lointains ancêtres des Na'vis avaient peut-être eu aussi quatre bras et deux jambes. C'est la raison pour laquelle ces singes représentent ce qui s'est passé au cours de leur évolution :ils ont deux bras, mais chaque bras est divisé en deux extrémités, et prolongé par deux mains. On suggère ainsi que ces créatures, au bout de Leur évolution, n'au­ront plus que deux bras et deux mains. Mais pour l'instant, Leur par­ticularité physique leur permet de se tenir aux branches tout en attra­pant des fruits ou des insectes pour se nourrir.

Comment avez-vous animé les bans hees et les viperwolves ? Nous avons étudié les mouvements des ailes de plusieurs espèces

d'oiseaux de grande taille et de plusieurs espèces de grandes chauves­souris, car il fallait que nous réussissions à animer de manière réa­liste Les quatre ailes des banshees, non seulement pendant un vol linéaire, mais aussi pendant Leur envol, et Leurs manœuvres aériennes. Jim ne souhaitait pas que l'on imite Les ailes des chauves-souris, car il préférait que Les ailes des banshees paraissent plus rigides, et que leur évolution dans Le ciel évoquent davantage celles des avions à réaction de l'armée. Jim préférait Les mouvements des aigles, dont les ailes sont plus fermes que Les membranes des chauves­souris. En ce qui concerne les viperwolves, Jim nous a dit qu'il Les imaginait comme un mélange de chien et de chat. Ces animaux se comportent comme des loups, par exemple quand ils attaquent en meute, mais ils possèdent aussi les capacités d'escalade des chats. En trois ou quatre bonds, ils peuvent atteindre la plus haute branche d'un arbre. Les griffes acérées qui se trouvent sur leurs quatre pattes avant leur permettent de s'accrocher à l'écorce d'un arbre et de se hisser ainsi. Mais ils aboient comme des chiens. Pour Les animer, nous avons tenu compte des particularités de leur anatomie, et notamment de leur colonne vertébrale très allongée. Ils bougent à la fois comme des chats, des loups et des serpents !

Et en ce qui concerne les sturmbeasts. vous êtes-vous basés sur les mou­vements des éléphants ? Principalement. Mais il se trouve que les sturmbeasts ne sont plus très présents dans la version actuelle du film ...

Vraiment? Oui, nous les avions animés dans plusieurs séquences, mais comme Jima resserré le montage du film pour Le raccourcir un peu, je crains que Les sturmbeasts aient pratiquement disparu d'Avatar! !rires).

Quelles étaient les difficuHés liées à l'animation des paysages de jungle: deviez-vous animer les interactions entre les plantes. et entre les person­nages elles plantes ? Au début, nous devions animer Les plantes nous-mêmes, mais nous développions parallèlement un Logiciel capable de gérer cela. Une fois qu'il a été mis au point, ce Logiciel a pu contrôler Les mouve­ments des plantes en Les gérant comme des groupes d'éléments reliés Les uns aux autres. Du coup, une plante en faisait bouger une autre Lorsqu'elle La touchait. Grâce à cela, ce n'est plus Le départe­ment de l'animation qui s'est occupé des scènes de jungle, mais Le département des simulations. Nous nous sommes concentrés sur Les mouvements des personnages et des créatures.

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Était-ce très difficile d'animer la scène pendant laquelle Jake saute du haut d'une chute d'eau et tombe dans les flots déchaînés d'une rivière? C'était à la fois dur et très amusant à faire. Jim est tellement méti­culeux dans son approche du tournage des scènes en capture de performance qu'il a tenu à capturer ces plans à l'extérieur, en fil­mant un vrai plongeon de Sam, puis ceux de cascadeurs. Cela dit, il a fallu que nous retouchions les mouvements de la hanche et des bras de Jake pour les rendre plus réalistes. Les mouvements de Jake, une fois qu'il nage dans la rivière ont été simulés "à sec" par un cascadeur, sur un plateau, en capture de performance. Après, nous avons modifié ses gestes pour simuler la force des tourbillons d'eau autour de lui. Nous avons ralenti le rythme de ses mouve­ments, et changé légèrement certaines poses. Les mouvements du cascadeur étaient très bien d'emblée, c'était juste le timing qui était un peu trop rapide.

RETOUCHER M~ME LE RÉEL Pouvez-vous nous parler des différentes plantes que vous avez animées et de la manière dont vous avez procédé? Quelles références avez-vous uti­lisées? Il n'y a que quelques plantes qui sont animées de manière spéci­fique, pour créer un comportement particulier, mais l'une d'entre elles a aussi disparu du montage final! Il y en a une autre qui s'ap­pelle "oreilles de chat", parce que ses feuilles ressemblent à des coquillages placés sur un arbre, et chaque feuille peut se vriller et réagir aux mouvements de l'environnement. Il y a aussi une plante conique dont le corps forme une spirale concentrique. Dès que Jake la touche, la spirale se rétracte et la plante disparaît presque entiè­rement dans le sol. Cette plante-là est celle qui est la plus animée de toutes. Jim l'a appelée "Helicarribbean" .

Comment avez-vous animé les Ampsuits et les pilotes humains que l'on voit dans les habitacles ? Comme les ampsuits possèdent deux bras et deux jambes, nous avons tiré parti de nos équipements, et nous les avons animés à par­tir de captures de mouvements effectués par des acteurs. C'était autant de temps de travail économisé pour les animateurs. Mais il nous restait quand même à ajouter les mouvements des hanches mécaniques, ainsi que la posture particulière que prennent les exos­quelettes pour permettre aux pilotes de les escalader pour s'ins­taller aux commandes. Nous avons aussi animé les mouvements des poignets et des mains des ampsuits. Etant donné que ce sont

les mouvements des pilotes qui servent à ani­mer les ampsuits, nous avons utilisé aussi les captures de mouvements pour animer les pilotes 3D dans les cockpits. Dans certains plans, ce sont les acteurs réels qui sont placés à l'inté­rieur des ampsuits. Ils ont été filmés sur fond vert, dans une partie du cockpit placée sur une plateforme animée, asservie aux mouvements de l'ampsuit 3D . Les deux sources d'image ont été combinées par la suite.

Quels autres vaisseaux ou accessoires avez-vous animés? Beaucoup de vaisseaux et beaucoup d'acces­soires .. . Nous nous sommes occupés des héli­coptères samson et des mini-hélicoptères scor­pion. Ils étaient assez amusants à animer, parce qu'ils sont puissamment armés :il y avait beau­

coup de tirs de missiles à simuler, avec les traces de fumées derrière les projectiles, les impacts, etc. Les inter­actions avec les banshees et les Na'vis sur leur dos étaient également très intéressantes à animer. Les gros plans des Na'vis ont été réalisés en capture de performance et en animation, tandis que les plans très larges ont été animés grâce au logiciel Massive, qui avait été employé pour la première fois dans Le Seigneur des Anneaux. Le département d'animation a créé des dizaines de cycles d'animation différents pour les banshees et les Na'vis qui se trouvent sur leur dos : une banshee en position de piqué, une banshee qui s'accroche à un hélico­ptère pour l'attaquer, une banshee qui est tuée par un tir des soldats, une banshee qui se bat en happant des choses avec sa gueule, etc. Le logiciel Massive a enregistré toutes ces animations, et il nous a suffi de program­mer les actions de groupes de banshees et d'hélicoptères pour qu'il anime le reste de manière cohérente. Autre­ment dit, si nous programmons une banshee pour qu'elle fonce vers un hélicoptère, dès qu'elle est suffisam­ment proche, le logiciel prend le relais, et l'anime pour qu'elle s'accroche à l'appareil et le déséquilibre, ou qu'elle attaque les soldats qui se trouvent dans l'appareil. Tout fonctionne comme dans un énorme jeu vidéo. Les per­sonnages sont dotés d'une intelligence artificielle, et leur comportement est logique.

Comment résumeriez-vous ce qu 'a été pour vous l'expérience d'Avatar? Avatar a été vraiment un travail de rêve, pendant trois ans, pour toute notre équipe d'animateurs. C'était un projet exceptionnel, et tout à fait passionnant. • •

PROPOS RECUEILLIS ET TRADUITS PAR PASCAL PINTEAU

Ci-dessus et ci-contre : C'est grâce à la création de nouveaux logiciels que Weta a mis au point des environnements naturels qui réagissent automatiquement aux déplacements des personnages. Grâce à ces innovations. on peut voir les plantes ployer et les hautes herbes s'écraser sous les pieds des Na 'vi. des animaux et des soldats lors des scènes de combats dans la jungle.

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Ci-contre à droite : Les vipenvolves. mi-loups mi­

vipères. tels qu 'on les découvre d1ns If film. If ttls

que l'iquipl de Legacy effects liS ev1it sculpth

"Nous avons développé aussi

plus d'une centaine de designs du

thanator, mais c'est Jim qui a

fini par le créer lui-même !"

(John Rosengrant)

adulte, ils sont biologiquement jeunes. Même si la personne dont on a utilisé l'ADN pour fabriquer cet hybride a une cinquantaine d'an­nées, son avatar aura l'air d'en avoir trente. Nous avons développé aussi plus d'une centaine de designs du thanator, mais c'est Jim qui a fini par le créer lui-même !

Quels sont les concepts qui ont été abandonnés à propos de l'apparence des Na'vis? Nous n'avons pas poussé les personnages vers des extrêmes trop éloignés de la morphologie humaine, parce que Jim avait dessiné deux ou trois esquisses des personnages qui nous ont mis sur la voie, tout comme la statuette sculptée par Jordu Schell. Les seuls éléments sur lesquels nous sommes allés très loin étaient les cou­leurs de la peau et des zébrures, afin que Jim puisse aussi se rendre compte de ce qu'il ne voulait pas.

Vous a-t-il parlé de références issues de la faune marine quand vous déve­loppiez les couleurs et les motifs sur la peau des Na'vis ? Les rayures des Na'vis sont principalement inspirées de celles des zèbres. Nous avons utilisé les mêmes motifs. Nous nous sommes aussi inspirés de la manière dont ces zébrures sont réparties sur les têtes des tigres, car les Na 'vis possèdent des caractéristiques issues des félins, à commencer par leur longue queue. Mais leurs couleurs, et leurs attributs bioluminescents sont évidemment ins­pirés des créatures du monde marin.

En llehors des mâchoires des requins. de quelles autres caractéristiques d'IIÏIUUX réels vous êtes-vous servis pour créer la faune de Pan dora ? Nous avons imité la manière dont les lèvres de babouins se rétrac­tent pour créer la forme de la bouche des viperwolves. Pour les ban­shees, en dehors des requins, nous avons observé les bouches de certains poissons, qui possèdent une sorte de bec de perroquet.

DES EFFETS PHYSIQUES INDISPENSABLES Vous disiez que vous avez fabriqué un Na'vi grandeur nature. avec un corps complet. reproduit dans tous ses détails .. . Oui, en fait, nous en avons fabriqué deux : un homme et une fem­me, ainsi qu'un buste à taille réelle de Jake, c'est-à-dire avec une tête beaucoup plus grosse que celle d'un humain. Tous les autres bustes des Na'vis ont été réalisés à l'échelle d'une tête humaine, pour faci liter leur transport et leur manipulation.

Avez-vous créé des parties animatroniques de certains animaux pour tour­ner des gros plans en prises de vue réelle ? Non, nous avons seulement fabriqué des effigies très simplifiées d'un viperwolf et d'une banshee. Il s'agissait de personnages dotés d'articulations très simples et d'une peau de tissu que nous avons rembourrée avec de la mousse. Je crois que l'envergure des ailes de la banshee devait dépasser les dix mètres. Pour tourner

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la scène pendant laquelle Jake se bat contre les vipervolwes, Sam Worthington avait besoin de se rendre compte de la taille supposée de ces animaux. Et quand il devait faire semblant de se battre contre une de ces bêtes, il était indispensable quïl puisse saisir un modè­le à taille réelle dans ses mains, même sïl était représenté de maniè­re très schématique.

le tournage en capture de performance a-t-il- eu lieu à la fois à los Angeles et en Nouvelle-Zélande? Ces scènes ont été filmées principalement aux USA, mais certaines ont été tournées en Nouvelle-Zélande, notamment celles dans les­

quelles il y avait à la fois des personnages en prises de vues réelles et des personnages 3D. ou des acteurs sur fond vert et des décors 3D. Je me suis rendu en Nouvelle-Zélande pour superviser les effets liés à rampsuit. J"y suis resté pendant deux mois. Et les scènes que j'imaginais que nous allions tourner en décembre 2007 ont finale­ment été tournées en mai/juin 2009 ! (rires). Nous avons donc tour­né beaucoup plus longtemps que prévu, et pour tout vous dire, nous étions encore en train de travailler sur le film au mois d"octobre !

Quels types de maquillages spéciaux avez-vous réalisés pour les scènes en prises de vues réelles ? Nous avons bien sûr créé les larges cicatrices de griffures visibles sur le visage et sur le corps du Colonel Quarritch, quïnterprète Ste­phen Lang. Comme pour le reste, Jim s·est beaucoup impliqué dans ces effets. Nous avons également créé de fausses jambes pour Sam Worthington, puisquïl est sensé être hémiplégique dans le film. Nous avons moulé les jambes amaigries d"un garçon handicapé pour obtenir le résultat le plus authentique possible. Nous avons créé ensuite des jambes en silicone que nous pouvions poser sur Sam, tandis que ses vraies jambes passaient au travers de rassise de son fauteuil roulant, et restaient dissimulées en dessous. Quand on les

voyait à l"image, elles étaient effacées numériquement. Je crois que

les prothèses de fausses jambes ont permis à Sam de mieux res­sentir ce qu·est le handicap de Jake.

Quelles ont été les principales difficultés à résoudre pour parvenir à construire un exosquelette -ampsuif à taille réelle ? Jim et son équipe, et notamment un artiste qui s"appelle Ty Ruben Ellingsworth, avaient déjà dessiné un modèle d"ampsuit. Nous ravons construit à taille réelle, ainsi qu·un autre cockpit que ron pouvait démonter pour en filmer différentes sections. Pour la construction, nous sommes partis des dessins, que nos artistes ont transposés en modélisations 3D. Les différentes pièces ont été travaillées au tour, ou tirées en résine grâce au processus de stéréolithographie.

Ensuite. nous avons retouché ces pièces et les avons assemblées,

Ci-dessus , Pour tourner celte scène. les vraies jambes de Sam Worthington étaient cachées sous le support de la machine. Les moulages des jambes amaigries d"une personne handicapée étaient placées à /"horizontale. devant /"acteur.

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En haut, Les "Ampsuits" en mouvement ont été réalisés en 30 par Wela d'après le modèle

grandeur nature. articulé mais inerte. fabriqué par Legacy Effects. On le voit dans la scène où le

colonel dit à Jake qu'il lui redonnera des jambes s'il obtient les informations qu'il cherche. Sam

Worthington porte ici devant lui les fausses jambes amaigries (ses vraies jambes sont cachées dans

son fauteuil roulant). qui ont été utilisées aussi dans la scène du laboratoire.

Ci-dessus , L'exemplaire grandeur nature de l'ampsuit est l'un des seuls éléments réels

du décor de la salle d'armement. réalisé en majorité en 30.

Ci-contre et au-dessus , Les dessins préparatoires du Leonopleryx. l'un des autres

reptiles volants de Pandora.

détaillées et peintes. Quand l'ampsuit a été achevé, on pouvait l'escalader pour montrer à l'intérieur du cockpit, dont les tableaux de bord et les éléments étaient éclairés. Le cockpit supplémentai­re était encore plus détaillé, avec des animations des tableaux de bord encore plus sophistiquées. L.:ampsuit grandeur nature a servi à ancrer le décor virtuel du hangar d'armement dans la réalité. Le cockpit supplémentaire, lui, a été placé sur une plateforme mue par des vérins hydraulique, dont les mouvements reproduisaient les ani­mations de la version 3D de l'exosquelette. Glenn Derry et l'équipe de production virtuelle pouvaient donc placer un acteur à l'intérieur du cockpit, puis ajouter autour des bras d'ampsuit en 3D. C'est ainsi que nous avons pu placer l'acteur réel dans l'exosquelette vir­tuel animé par les infographistes de Weta.

UN RÉALISATEUR EXIGEANT Ces accessoires étaient-ils construits avec une structure en acier et des éléments en résine et en libre de verre ? C'étaient les principaux matériaux que nous avons utilisés. Nous avons aussi employé de l'aluminium pour alléger certaines pièces. L.:ampsuit est impressionnant à voir, car il est vraiment très grand. Nous avons aussi construit la partie avant d'un petit hélicoptère diri­gé par un seul pilote qui s'appelle le scorpion. Il ressemble à un héli­coptère apache miniature. Cet élément a été utilisé de la même manière, c'est-à-dire placé sur une plateforme pour nous permettre d'intégrer de vrais pilotes dans les prises de vues avec les hélico­ptères en 3D. Nous nous sommes basés sur les dessins fournis par la production pour créer cette partie du scorpion en dur et pour la détailler et la peindre. Nous avons également construit une partie de la grande navette spatiale Walkyrie que les militaires utilisent pour quitter la station orbitale et se poser sur Pandora. C'est un grand décor intérieur, qui doit mesurer plus de 6 mètres de long et 4 mètres de large. Nous avons fabriqué tout l'intérieur du cock­pit, avec les différents équipements de pilotage, et tous les appa­reils de surveillance du vol dont l'affichage fonctionne. Quand on fabrique ce genre de décor, il faut utiliser le plus possible de vraies pièces d'avions ou d'hélicoptères pour lui donner un aspect authen­tique. Jim pouvait filmer à la fois les pilotes à l'intérieur du cockpit, puis passer de l'autre côté, pour les filmer depuis l'extérieur.

Avez-vous fabriqué d'autres éléments de décors? Oui, la salle de cryogénisation dans laquelle on voit le personnage de Sam se réveiller, après son voyage de la terre jusqu'à Pandora. La porte s'ouvre et le lit sur lequel il est allongé se déploie. Quand ce décor a été filmé en Nouvelle-Zélande, il fallait donner l'impression que les personnages étaient en apesanteur. Sam était suspendu à des câbles, et il devait s'accrocher au décor pour sortir de son caisson. Encore une fois, Jim est allé très loin dans les détails pour que toutes les scènes d'Avatar paraissent authentiques. Nous avons aussi réali­sé un décor de crématorium pour une scène où l'on voit Jake dire adieu à son frère jumeau, qui vient de mourir.

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Avez-vous animé un peu l'ampsuit pendant le tournage des prises de vues réelles ? Un peu, parce que nous l'avons vraiment considéré comme un per­sonnage à part entière. Nous pouvions animer les bras et les mains, mais en fin de compte, les actions que l'ampsuit était sensé faire étaient si complexes qu'il était plus simple de remplacer les vrais bras par des versions 3D animées. Dans le cockpit détaillé, on peut voir comment le pilote enfile des éléments qui captent la posi­tion de ses bras et de ses jambes, pour que l'ampsuit bouge exac­tement de la même manière.

Ce qui est insolite. c'est que vous aviez animé de cette manière les bras du spinosaure de Jurassic Park 3! Exactement. La seule différence, c'est que dans Jurassic Park 3. notre système de télémétrie fonctionnait réellement ! (rires) . J'ai également eu droit à une petite apparition clin d'œil dans le film, puisqu'on me voit dans le rôle d'un pilote d'ampsuit!

Quand vous songez à Avatar. quelle a été la partie la plus difficile du tra­vail accompli par les équipes de Stan Winston/Legacy et de quoi êtes-vous le plus fier ? Les deux défis principaux étaient de parvenir à réaliser des élé­ments de très grande taille, comme l'ampsuit et les décors de cock­pit du scorpion et du Walkyrie, dans des délais assez serrés. Pour vous donner une idée du travail que cela représente au niveau de la fabrication des pièces et des moules, r ampsuit est composé de plus de 300 pièces différentes ! Chaque boulon a dû être créé de A à Z. Jim voulait que tous les éléments de la machine aient un aspect dif­férent de ce que l'on connaît actuellement. L.:autre défi a été d'aider Jim à matérialiser sa vision des Na'vis. Il est exigeant, mais de la meilleure manière possible. J'ai souvent été stupéfait par sa capa­cité à détecter les moindres détails. Quand nous lui proposions 25 designs de Neytiri, avec d'infimes différences de saturation de cou­leur de peau et des motifs de rayures légèrement différents, il repé­rait chaque variation. Beaucoup de réalisateurs en seraient inca­pables. En dehors de son talent de metteur en scène, qui est phénoménal, Jim est aussi un artiste tout à fa it exceptionnel. • •

PROPOS RECUEILLIS ET TRADUITS PAS PASCAL PINTEAU

Ci-contre : Le soin apporté aux moindres détails des personnages - implantation des cheveux. nuances des couleurs de la peau. rendu des yeux - est le fruit d'une longue

collaboration entre les équipes du Studio de Stan Winston/Legacy Effects. James Cameron et Weta. /ln travail exceptionneL qui fera date dans l'histoire des effets visuels.

Ci-contre : /ln Sturmbeast sorte de minocéros géant de Pandora. dont la come-bélier évoque la tête d'un requin-marteau.

L E T _O UR NA G_ _E EN 3D R E__LJ E. F

LES RÉVDLUTIDNSJJII~-~-TECHNI~UES D' ri~ 1#~1·

Déjà inscrit dans l'Histoire du cinéma de science-fiction, Avatar marque aussi une date dans l'évolution des techniques du Septième Art. Récapitulatif détaillé des innovations employées par James Cameron.

Ci-contre , Reuben Langdon. que l'on voit ici porter la tenue utilisée pendant les séances de

capture de performance d'"Avatar~ a incarné de nombreux pefS(Innages secondaires du film. et

servi aussi de "doublure 30" aux acteurs principaux. Autour de lui. sur lts murs du studio.

on aperçoit les caméras de captures. aux objectifs entourés de cerclls de leds qui projettent

une lumière infrarouge.

0 ans les années 50. les grands studios de cinéma avaient misé sur les films fantastiques en relief IL 'Étrange

Créature du lac noir, Le Météore de la nuit, L'Homme au masque de cire/ afin de lutter contre le succès grandissant de la télévision qui détournait les spectateurs des salles obscures. On utilisait alors le procédé dit d'anaglyphes basé sur deux images teintées respec­tivement en rouge et en bleu, et imprimées en même temps sur la pellicule. Une image correspondait au point de vue de l'œil droit, et l'autre à celui de l'œil gauche. Des lunettes aux filtres colorés per­mettaient à chaque œil de ne voir que l'image qui lui était desti­née. Le filtre bleu sur l'œil gauche assombrissait l'image rouge et vice-versa. Une fois passé l'attrait de la nouveauté, le procédé ana­glyphe a périclité car certains spectateurs supportaient mal r exer­cice de vision bicolore qu· on imposait à leurs yeux. Ce problème a été résolu en employant le procédé de relief polarisé, qui permet de voir le relief en couleurs. Là encore, pendant la projection, les deux vues polarisées sont superposées sur l'écran (ou alternées, avec les systèmes de projection numérique modernes). Grâce aux verres polarisés des lunettes, chaque œil ne voit que l'image qui lui est destinée, tandis que l'autre est obscurcie.

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Ci-dessus, La scène la plus célèbre de l'histoire du cinéma en relief de jadis, dans "Le crime était presque parfaif. d'Alfred Hitchcock. Grace Kelly.

attaquee chez elle. tend la main pour saisir une paire de ciseaux avec laquelle elle va poignarder

son agresseur. Un effet particulièrement saisissant car sa main -sortait de l'écran~

Ci-dessus , James Cameron observe sur les moniteurs le décor filmé sur rond bleu (écran du haut/ et la même image. avec les décors virtuels

ajoutés en temps réel. grâce à la technique simulcam (écran du bas/.

Ci-dessous, Une actrice d'Avatar équipée pour l'enregistrement de ses expressions. grâce à la

mini caméra HO placée devant son visage. On remarque les oreilles de Na'vi placées sur son

casque et les tubes de mousse bleue figurant/es nattes de son personnage.

LE RELIEF PREND DES COULEURS La lumière naturelle est composée de ce que l'on appelle des "fronts d'ondes", des vagues d'ondes lumineuses orientées dans toutes les directions de l'espace. La polarisation de la lumière consiste à ne garder que les fronts d'ondes verticaux pour l'image destinée à l'œil gauche et les fronts d'ondes horizontaux pour l'image destinée à l'œil droit. Représentez-vous deux images vues pour l'une au tra­vers des lamelles d'un store vertical et pour l'autre au travers d'un

store aux lamelles horizontales. Pendant la projection, le specta­teur porte des lunettes munies d'un filtre polarisé verticalement, et d'un second filtre horizontal. Chaque œil voit ainsi l'image qui lui correspond, car si le filtre "vertical" permet de voir au travers des "Lamelles verticales" du store de notre exemple, il créé un effet de croisement sur l'image aux "Lamelles horizontales" destinée à l'autre œil. Du coup cette image barrée dans les deux sens, verticalement et horizontalement, est obscurcie, et chaque œil ne voit que ce qu'il doit voir ... Avatar est présenté en version polarisée, mais aussi avec d'autres systèmes de relief comme la projection alternée des images gauche et droite à la cadence de 48 images/seconde, accompagnée d'un vision nage avec des lunettes dites "actives" à cristaux liquides dont les verres synchronisés au rythme de la projection, s'obscur­cissent à tour de rôle.

UNE NOUVELLE MANIÈRE DE FILMER EN RELIEF Mais si les techniques de la perception du relief sont au point depuis un certain temps, il restait encore des progrès à faire dans la maniè­re de filmer des prises de vues en trois dimensions pour éliminer le sentiment de fatigue, voire les maux de têtes en cours de pro­jection. Autrefois, on se contentait de placer les objectifs des deux caméras avec un écartement de 6,5 cm, correspondant à celui des yeux humains. Les deux objectifs étaient placés en parallèle, ou légèrement pivotés l'un vers l'autre. Imaginons une scène d'un film de cape et d'épées des années 60, qui se passe sur le pont d'un navire. Au loin, un bateau pirate approche. 5ur le pont, au second plan, un marin l'observe, tandis que le capitaine surgit au premier plan, en dégainant son épée. Il y a donc trois niveaux de profon­deur: l'épée du capitaine, le marin, et le bateau pirate à l'horizon. Comme les deux caméras filment droit devant elles, l'image 3-D correspond à ce que nous faisons quand nous regardons au loin : nos yeux se positionnent de manière parallèle pour observer l'ho­rizon. Par contre, quand nous regardons un personnage debout devant nous, comme le capitaine, nos yeux convergent sur lui en formant un angle. Dans les images en relief d'avant, le spectateur devait s'adapter à cette image 3-D "brute" qui n'était pas naturel­

le: le spectateur devait faire l'effort de choisir ce qu'il voulait regar­der, en faisant converger ses yeux deux ou trois fois de suite. Ain­si, s'il regardait le fond de l'image - le bateau pirate et le marin -il voyait correctement ces deux niveaux de profondeur, mais l'épée du capitaine "sortant de l'écran" paraissait dédoublée. À l'inverse,

si le spectateur louchait un peu pour voir l'épée nette, le fond de l'image, lui, était légèrement dédoublé. Filmés ainsi, ces effets reliefs des films d'autrefois contraignent les yeux à faire de grands

écarts, de plan en plan et provoquent une sensation de fatigue ocu­laire. Bien sûr, les grands films en relief comme Le Crime était

presque parlait réalisé par Hitchcock en 1954. bénéficiaient de bons

opérateurs, qui adaptaient la convergence des objectifs à la posi­tion du personnage principal d'un plan, pour ménager les yeux du public. Mais les petits films 3-D aux effets bâclés pouvaient se trans­former en séances de torture !

LE RELIEF SELON JAMES CAMERON La caméra 3-D Relief que Cameron a mise au point avec Vince Pace, la "Fusion Cameron-Pace" est révolutionnaire parce que ses deux objectifs convergent automatiquement sur l'objet filmé, comme nos yeux. Le processus s'inspire de la fonction "autofocus" des appa­reils photos: lorsqu'on appuie sur le bouton, l'appareil projette un rayon infrarouge sur l'objet au centre de l'image, le rayon rebondit vers l'objectif, et un microprocesseur calcule la distance, et règle immédiatement la netteté. La caméra Fusion crée en plus "l'auto­focus relief" en réglant en un éclair la convergence des deux objec­tifs HD : elle "fait le travail" à la place des yeux des spectateurs ! Prenons comme exemple une scène entre le Colonel Quarritch, debout au second plan, devant une fenêtre laissant voir la jungle de Pandora et Jake, assis dans son fauteuil roulant au premier plan. Quand Quarritch parle à Jake, c'est lui que l'on regarde. Les deux objectifs de la caméra Fusion sont presque parallèles, car l'acteur se trouve loin, au fond de l'image. Mais dès que Jake répond, Came­ron fait le point sur lui et les deux objectifs de la caméra convergent vers cette distance-là. Le réglage relief correspond à ce que nos yeux font dans la réalité, et la perception de l'image est naturelle. La silhouette de Jake ne sera pas dédoublée, ni le fond de l'image. Les spectateurs pourront ainsi apprécier pleinement en trois dimen­sions les trois heures du fabuleux spectacle d'Avatar.

LE TOURNAGE EN CAPTURE DE PERFORMANCE RÉINVENTÉ On reste bluffé en découvrant le réalisme des Na'vis :ces person­nages 3D, dignes descendants du Gollum du Seigneur des Anneaux, qui fut lui aussi créé par le Studio Weta, semblent vivants. Pour arri­ver à ce résultat, James Cameron s'est associé à Weta afin de mettre au point un nouveau procédé d'enregistrement des mimiques des acteurs. Rendons à César ce qui appartient à Robert Zemeckis :les premières tentatives que furent Le Pôle Express et Beowulf mar­quèrent une avancée notable dans le domaine de l'enregistrement des expressions. Pourtant, le système initial était loin d'être par­

fait :on collait 100 petites sphères en plastique sur les visages des comédiens mais via ces points de repère, on ne détectait qu'une partie de leurs expressions. Les déplacements des petites billes ne permettaient pas de mesurer les mouvements subtils de toute la surface de la peau. De plus, on ne pouvait pas les coller sur les paupières, ni sur le bas des sourcils ni à l'intérieur des lèvres, endroits du visage où se forment constamment des plis. Si l'on pas­sait outre, les billes tenaient un moment, puis finissaient par se décoller et tomber. L.:ordinateur privé de ces repères créait aussi­

tôt des visages 3D atrocement déformés ! 50% du jeu des acteurs étant perdu à cause de ces problèmes, des animateurs 3D com­plétaient au mieux les parties manquantes des données brutes. Malheureusement, ces retouches modifiaient le rendu de la pres­tation de l'acteur. De plus, comme Robert Zemeckis était obsédé par le principe de capture de la performance des acteurs qu'il avait inventé. il interdisait aux animateurs de pousser les expressions des comédiens, oubliant au passage que l'enregistrement n'était que partiel, et qu'une expression qui semble "vivante" tient au fait qu'elle est brièvement extrême ... À cause de ces restrictions, les personnages 3D des productions de Zemeckis manquaient de natu­rel. Après les demi-zombies du Pôle Express, les héros de Beowulf étaient nettement plus réussis, mais assez réalistes pour justifier que le film ait été tourné sans acteurs.

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LE SOUCI DE LA PERFECTION James Cameron, lui, voulait que 100% du jeu des acteurs se retrou­ve à ri mage, sur les personnages 30. en limitant au minimum [in­terprétation laissée aux animateurs. Son idée a consisté à se ser­vir des milliers de détails de la peau - pores, boutons, rides -comme autant de repères. Tous les acteurs du film qui interprètent des Na'vis ont d'abord été scannés en trois dimensions et photogra­phiés en haute résolution sous tous les angles. Des prises de vues complémentaires ont été faites pour stocker leurs expressions. Si nous prenonsl"exemple de Zoe Saldana (Neytiril.l"ordinateur avait en mémoire des centaines de variations de ses mimiques en 30. Il suffisait que le logiciel voit une image de Saldana de face pour ··comprendre·· que son sourire correspond à des déformations des plis de la bouche et des joues déjà en stock. Le logiciel mis au point par le studio Weta interprète le point de vue d'une mini-caméra haute résolution portée par l" actrice à quelques centimètres de son visage, presque comme les micros des chanteurs pendant les concerts de rock. La caméra cadre ses traits- du front au menton -en plan serré. Le logiciel reconnaît tous les détails du visage, et reconstitue à partir de cette simple image 20 "plate" la manière dont la peau bouge en trois dimensions sur le visage. Ces données sont ensuite transposées pour animer automatiquement l"avatar Na'vi de Zoe Saldana. Le modèle 30 du personnage est très sophis­tiqué, car on a disposé sur son crâne des groupes de muscles faciaux qui imitent le comportement des muscles d'un visage humain. Ces muscles sont reliés à la peau virtuelle, qui bouge comme une vraie, et se plisse en formant des petites rides. Quand l'ordinateur rate des petits bouts d'expressions (par exemple, un sourire furtif, ou un haussement de sourcil très rapide Iles animateurs viennent à la rescousse et complètent les données manquantes en se réfé­rant aux prises de vues filmées par quelques caméras HO placées sur le plateau. Mais désormais, ils ne corrigent plus que 25 % des données dans la plupart des cas, animent les doigts, qui ne sont pas "captés" par le système, et ajoutent ce qui n'existe pas dans la réalité, comme les animations des oreilles et des queues des Na'vis. Les 75 % restants reflètent exactement les expressions et les mouvements de la bouche de Zoe Saldana.

LE PROCÉDÉ "SIMULCAM" : FILMER LE VIRTUEL, CAMÉRA À ~ÉPAULE Non content d'avoir amélioré la précision de la capture de perfor­mance, Cameron a inventé une nouvelle manière de la filmer. Grâ­ce au système Simulcam, il voit en temps réelles décors et les per­sonnages en images de synthèse, et met le film en scène en cadrant dans un espace en 3-0 Relief. Concrètement, dans le studio équipé du matériel Simulcam, l"acteur porte non seulement la caméra HO qui filme son visage, mais aussi un costume en lycra constellé de repères et de petites boules recouvertes de "scotchlite" , un maté­riau qui reflète la lumière et que l"on trouve notamment en bandes sur les gilets des pompiers. C'est la tenue de base pour la capture de mouvements, que l"on utilise depuis une quinzaine d'années. Une trentaine de caméras vidéo spéciales sont disposées autour et au­dessus de l" acteur. Autour de l" objectif de chaque caméra est placé un anneau de leds qui projettent une lumière infrarouge. Cette lumiè­re rebondit sur la surface des sphères et revient vers l" objectif de chaque caméra, qui est réglée pour ne capter que la lumière infrarouge :tout ce qu'elle voit, ce sont les points lumineux de la tenue de l'acteur sur un fond noir. Ces points permettent de connaître la position de ses pieds, ses jambes, son torse et ses bras sous un seul angle (les doigts, trop fins pour être différenciés les uns des autres, ne sont pas munis de capteurs. Les animateurs les recréent entièrement). C est en combinant tous les angles de toutes les camé­ras selon leur position dans le studio que l"ordinateur reconstitue l'emplacement de chaque point lumineux dansl"espace 30. En com­muniquant ces données à l"ordinateur dans lequel est stocké le Na'vi en 30, le logiciel anime automatiquement le personnage dans l'espace virtuel. Quand l'acteur court pour échapper à un monstre qui tente de le happer, son clone 3D fait de même.

LE VIRTUEL FILMÉ SUR LE VIF Jusqu'à présent, quand on tournait en capture de performance, on stockait les informations dans l'espace 30, puis la mise en scène se faisait après, à froid. C'est ainsi que Zemeckis a réalisé Polar Express et Beowulf : après le tournage, il reprenait les scènes enregistrées dans un espace 30, et positionnait sa caméra virtuelle où ille vou­lait, pour cadrer les personnages et créer successivement les diffé­rents plans dont il avait besoin. Aujourd'hui, grâce au Simulcam, le logiciel envoie les images 3D en relief dans le viseur de la camera que James Cameron tient à l'épaule. La position de la caméra étant détectée dans l'espace, dès que le réalisateur bouge, les perspec­tives du personnage et du décor virtuel se modifient en conséquen­

ce. Pour être calculées plus vite, ces images de synthèse sont pro-

duites en basse résolution et un peu simplifiées. Elles sont diffu­sées sur des moniteurs de grande taille sur le plateau, afin que les acteurs voient leurs doubles Na'vis tout en jouant la scène. Quelques éléments en volume sont placés sur le sol pour figurer les troncs d'arbres et les rochers 30 que les acteurs doivent enjamber pour fai­re mine d'avancer dans la jungle. Pour tourner une scène où un trou­peau d'énormes sturmbeasts surgit devant Jake, l'animation provi­soire des mastodontes est ajoutée dans le décor 3D. Ce ne sont pas des mouvements très poussés, mais grâce au dispositif, Cameron peut déjà voir et filmer le clone 3D de Sam Worthington, et cadrer tous les éléments virtuels autour de lui :

les plantes, les rochers, et les énormes silhouettes des Sturmbeasts. Il peut suivre Jake tandis qu'il s'avance vers les créatures pour leur montrer qu'il n'a pas peur d'elles. Une fois finaUsée en images de syn­thèse hyperréalistes et restituée en 3-D Relief, la scène est stupéfiante, et le devient encore plus quand surgit un thanator en furie! • •

PASCAL PINTEAU

Ci-contre , On mesure les progrès fantastiques accomplis en 8 ans en se référant aux images du "Pôle express· de Robert Zemeckis. dont les personnages raides ne pouvaient en aucun cas être confondus avec des êtres vivants.

Ci-dessous, Jeffrey Katzenberg. James Cameron et Steven Spielberg posent aux côtés des caméras 3-0 Relief mises au point par Vince Pace et Cameron.

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Ci-dessus : James Cameron s'installe dans l'habitacle d'un hélicoptère Samson pour montrer aux acteurs comment ils doivent tirer. Les armes

du film ont été fabriquées par l'atelier Weta Workshop. sous la direction de Richard Taylor.

Ci-contre : James Cameron dans te décor de la salle des liens· dans laquelle se trouvent les

machines qui permettent aux humains de piloter à distance les corps des avatars Na'vis.

On remarque la forme d'un corps sur le support de la machine au premier plan. et derrière Cameron.

un fond vert qui permettra d'incruster le reste du décor. réalisé en 30 d'après les

croquis de Rick Carter.

duction, quel que soit le budget de développement technique et le temps que l'on y investirait. Au bout d'un moment, je me suis ren­du à l'évidence : il ne servait à rien de s'obstiner. J'ai dit: "Bon, c'est d 'accord,j'admets que ce n'est pas le bon moment pour s'atta­quer à ce projet", puis j'ai posé le script sur une pile de documents dans mes archives, et je suis passé à autre chose.

Jusqu'au moment où vous avez vu le travail accompli par Weta sur Gollum dans Le Seigneur des Anneaux .. . Effectivement, c'est en voyant ce personnage que j'ai vu que la plupart des étapes avaient été franchies. Mais il en restait encore d'autres.

RÉINVENTER LE CINÉMA Vous avez réussi à les franchir de votre côté. notamment en mettant au point la caméra Fusion avec Vince Pace. et en concevant de nouvelles techniques de tournage en 3-D Relief ... Oui, mais quand on travaille sur des méthodes de tournage dont chacun des équipements est un prototype, cela complique enco­re plus les choses. On avance dans l'inconnu le plus total, sans pouvoir s'appuyer sur le moindre point de repère. Plus d'une fois, nous nous sommes retrouvés dans de telles impasses que nous

ne savions pas si nous allions nous en sortir, et si le film allait pou­voir aboutir comme nous l'avions prévu. Il nous arrivait de nous arrêter net au beau milieu d'une journée de travail pour aller nous asseoir autour d'une table disposée sur le plateau de tournage, parce que nous n'arrivions pas à tourner un plan compliqué avec nos équipements prototypes. Nous discutions à bâtons rompus pour essayer de trouver des solutions, et quand nous en trouvions, il fallait inventer de nouveaux termes techniques parce que nous ne savions pas comment appeler ces nouvelles choses que nous inventions au fur et à mesure !

Vous avanciez pas à pas ... Nous tournions tant que nous obtenions ce que nous voulions, puis nous réfléchissions à la manière d'obtenir des choses plus pous­sées. Nous étions contraints d'arrêter, et dès que nous avions réso­lu ces problèmes-là, nous recommencions à filmer. C'était un pro­cessus exploratoire, pour découvrir tout ce que nous pouvions faire avec la simulcam et le reste du système. Parallèlement, il fallait modifier les programmations des machines, créer de nouveaux logi­ciels. C'était un énorme travail.

Comment arriviez-vous à garder une motivation intacte au jour le jour? C'est là que l'expérience acquise pendant le tournage de mes docu-

liMa motivation principale, c'était de créer quelque chose que j'aurais adoré faire quand j'étais enfant, donner vie à une aventure qui se déroule sur une autre planète, dans un monde totalement imaginaire et atypique~~ (James Cameron)

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Ci-dessous : Fratchement débarqul de son AustraUe nBtale. où il était devenu une vedette. Sam Worthington a fait un bond dans l'inconnu en venants 'installtr aux USA. et en participant

au casting d'"Avatar". Impressionné par son charisme. James Cameron l'a choisi en dépit

des réticences initiales du studio.

envie de faire de ce rôle, comment je pouvais me l'approprier. À chaque fois que nous nous retrouvions, je disais à Jim : "Bon, j'ai changé ceci, j'ai modifié un peu cette réplique-là ". De son côté, Jim réagissait en me faisant de nouvelles propositions, et nous avan­cions ainsi, en développant la relation de travail que nous espérions avoir si le studio acceptait que je joue le rôle.

En fin de compte. qu'est-ce qui a été le plus dur : perdre votre accent aus­tralien. ou apprendre la langue Na'vi ? Les deux ont été aussi difficiles l'un que l'autre ! (rires). La langue Na'vi est un vrai casse-tête. On a envie de s'arracher les cheveux quand on essaie de l'apprendre ! À un moment, dans le film, Jake dit : "La langue Na'vi, c'est l'horreur!", et jamais une réplique ne m'a

"La langue Na'vi est un exercice de prononciation vraiment épouvantable ... (Sam Worthington)

l" .

Ci-dessous : C'est James Cameron qui a suggéré à /rlcG de confier à Sam Worthington

le rôle du cyborg de 7erminator Renaissance·. Une prestation qui a permis au

comédien de se faire connai!re dans le monde entier en un seul film !

parue plus appropriée. En ce qui concerne mon accent australien, j'ai travaillé chaque jour avec un coach pour apprendre à parler avec un accent américain qui semble naturel. Cela fait partie des capaci­tés que l'on doit acquérir quand on mène une carrière aux USA. C'est très dur, mais je m'accroche. Je continue à travailler en ce moment. Je fais des progrès et je m'améliore au fil du temps. Mais la langue Na'vi, c'est un exercice de prononciation vraiment épouvantable .. . !

LE HASARD FAIT BIEN LES CHOSES Comment votre vocation d'acteur vous est-elle venue? Je m'en suis rendu compte à 22 ans, en mettant les pieds dans une école d'art dramatique. Je n'avais jamais pensé jouer la comédie auparavant. Tout cela a été accidentel. Pour tout vous dire, c'est dû à une fille que j'avais rencontrée pendant que je voyageais dans dif­férentes villes d'Australie, et avec laquelle j'avais une relation amou­reuse. Elle m'a expliqué qu'elle voulait tenter l'admission à un cours d'art dramatique, mais que les candidats devaient d'abord passer une audition. Elle m'a demandé de l'accompagner là-bas pour l'en­courager, et c'est ce que j'ai fait, sans aucune arrière-pensée. Enco­re une fois, je n'imaginais absolument pas pouvoir devenir acteur. Elle s'est levée et a fait une improvisation remarquable. Tout le mon­de l'a applaudie. J'étais ravi pour elle. Mais après, alors que je ne m'y attendais pas, on m'a dit : "Hé, toi ! C'est ton tour! ", et je me suis retrouvé sur scène sans comprendre ce qui m'arrivait. Je me suis lancé dans un truc, puis on m'a encouragé : "Continue !",ce que j'ai fait, et après ils m'ont rappelé pour m'offrir une place dans le cours ! J'étais sidéré! Malheureusement, ma copine n'a pas été choisie, et comme elle était furieuse, elle m'a laissé tomber une semaine plus tard ... mais c'est une autre histoire! (rires). J'ai donc étudié l'art dra­matique pendant trois ans au sein de ce cours. À cette période de sa vie, on est comme une éponge : on absorbe tout le répertoire clas­sique, de Tchekhov à Molière en passant par Shakespeare, et on finit par se dire que l'on pourrait peut-être faire carrière dans ce métier. En Australie, il faut être prêt à jouer dans n'importe quoi pour gagner sa vie, car le milieu du spectacle et du cinéma est très réduit. Il faut tourner des publicités, jouer au théâtre et dans des séries télé, puis

décrocher des rôles dans des films à petit budget. Ce n'est qu'après avoir tourné dans un premier film que j'ai commencé à croire que je pourrais peut-être vivre de ce métier. Mais quand je repense au hasard et aux circonstances qui m'ont poussé à suivre ces cours d'art dramatique, je me dis que c· est vraiment une bonne chose de tenter sa chance et de se lancer dans l'inconnu, de faire un grand plongeon. C'est ce que fait Jake dans Avatar, et je crois que c'est un bon mes­sage à faire passer au public : "N'ayez pas peur de ce qui vous attend au coin de la rue. Tentez votre chance!".

Vous avez écrit le script composé la musique et réalisé le court-métrage Enzo en 2004 : avez-vous envie de réaliser prochainement un long-métrage ? Non. Il faut que je reconnaisse que c'est bien au-dessus de mes capa­cités ! Pour être un réalisateur compétent, il faut être un leader né, savoir diriger une équipe, et posséder des connaissances techniques et artistiques très variées afin d'atteindre ses objectifs dans diffé­rents domaines. Je sais faire différentes choses, mais je considère ne pas être suffisamment bon dans chacun de ces registres. Quand on voit les multiples compétences de Jim pendant un tournage, on comprend alors tout ce qu'il faut savoir maîtriser pour parvenir à être un très bon réalisateur. J'ai travaillé sur ce court-métrage pour aider un ami à se faire connaître. Comme nous sommes tous les deux acteurs, nous pouvons nous entraider et nous apporter mutuelle­ment des conseils, des suggestions utiles. Pour réaliser, il faut être un bon leader. Pas un de ces généraux qui donne ses indications en observant la bataille du haut d'une colline, en toute sécurité, mais un chef qui se bat au milieu de son équipe, dans les tranchées ! Napo­léon a dit "Un leader est un marchand d'espoir", et c'est ce que Jim vous offre quand vous travaillez avec lui. Vous vous mettez à croire que tout est possible, et que sous sa direction, vous pourrez tout accomplir. Et c'est ce qui se produit réellement.

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Y a-t-il certains réalisateurs avec lesquels vous aimeriez tourner. certains projets que vous aimeriez initier ? Non, parce que j'aime être plaisamment surpris quand des gens viennent me trouver pour me proposer un projet qui les passion­ne. J'ai toujours du mal à répondre quand on me demande avec quels réalisateurs j'aimerais travailler, pour une raison toute simple : on peut aimer les films et le style d'un réalisateur, mais quand on le rencontre, si r on se rend compte qu'il est extrêmement préten­tieux, se comporte mal avec les gens, et agit comme un tyran, on n'a aucune envie de travailler avec lui ! Je préfère être agréable­ment surpris par quelqu'un avec lequel je n'aurais jamais pensé tra­vailler, mais qui s'avère être un garçon sympathique et bosseur, et avec lequel je prendrais plaisir à me lancer dans raventure d'un film. Je n'ai jamais conçu de plan de carrière à long terme. Je trouve que les surprises sont bien plus agréables et bien plus enrichissantes. Quand on me fait une nouvelle proposition, je me demande tout d'abord si j'aurais envie de m'immerger complètement dans ce mon­de, si le scénario délivre un message qui me touche, si c'est un film que j'aurais plaisir à montrer à mon neveu et si réquipe est assez sympathique pour que j'aie envie de passer quatre mois de ma vie avec tous ces gens. Je précise que dans le cas d'Avatar, c'est 14 mois que j'ai passé avec Jim et son équipe ! (rires).

UN GRAND SAUT VERS L'INCONNU En signant votre contrat pour Avatar. vous êtes-vous engagé à apparaître dans des suites ? Oui, nous avons tous signé pour apparaître dans trois films. Jim m'a parlé de certaines idées qu'il a eues, et de quelques directions vers lesquelles d'autres épisodes pourraient aller, mais je crois qu'il se laisse, comme nous tous, le temps de voir comment le public va accueillir le film. Avatar est unique, car c'est vraiment une expé­rience comme on n'en a encore jamais vue au cinéma. Nous allons voir comment les spectateurs vont réagir.

ou· avez-vous ressenti en vous voyant pour la première fois transformé en Na'vi? J'ai tout de suite remarqué que toutes les nuances de mon jeu d'ac­teur étaient transposées dans le personnage. Je crois être un acteur au jeu assez subtil, et je craignais que r on ne perde certaines choses pendant le processus d'animation de mon avatar Na'vi. Jim m'avait promis que ce ne serait pas le cas, et il avait parfaitement raison. Le moindre petit mouvement d'œil, la plus petite variation d'expression sont captés et retranscris fidèlement. Quand j'ai vu les scènes avec mon avatar, j'ai reconnu ma performance d'acteur. À aucun moment, je n'ai eu rimpression que le personnage avait été animé par d'autres personnes, à un tel point que ce ne serait plus moi.

Est-ce que c'est difficile de ne pas emporter le personnage avec vous. le soir. après le tournage ? Le rôle que j'interprète reste en moi après le tournage, effectivement. C'est quelquefois éprouvant, surtout pour les gens qui vivent à mes

côtés. L:autre jour, après avoir rencontré quelques journalistes, je lisais dans leurs articles qu'ils me décrivaient en disant "Sam Wor­thington est sérieux, intense, déterminé, assez sombre". Ce n'était guère étonnant, car j'étais en train d'interpréter Persée, un homme dont la famille a été massacrée, et qui se lance dans une odyssée sanglante pour la venger ! (rires). Quand on s'imprègne des pensées d'un personnage comme lui toute la journée, cela finit forcément par déteindre sur sa personnalité. Heureusement, dans mes derniers films, j'ai incarné des hommes jeunes et passionnés, et j'ai conti­nué à agir ainsi, en gardant cette énergie et cette passion à fleur de peau dans la vie de tous les jours, puisque de toute évidence, j'ai un peu de mal à sortir de mes rôles ... Avatar est le premier film dont j'assure la promotion pendant que je fais une pause dans mon tra­vail, car c'est une promesse que j'avais faite à Jim. Il m'avait deman­dé de me rendre totalement disponible pour pouvoir parler du film. J'espère donc être en mesure de vous parler de cette expérience en étant un peu plus détendu, un peu plus moi-même.

Ou en étiez-vous de votre carrière quand l'aventure d'Avatar a débuté pour vous. en 2007 ? Je tournais des films en Australie, ce que je faisais régulièrement depuis une dizaine d'année. Et peu avant d'auditionner pour Ava­tar sans savoir vraiment de quel genre de projet il s'agissait, je me heurtais à une sorte de "plafond de verre" en Australie. Je ne pou­vais pas aller plus haut là-bas, et j'avais le sentiment que si je ne bougeais pas, ma carrière allait stagner. Je venais d'avoir trente ans,

Ci-dessus , Jake participe à sa première sortie dans la peau d'un Na'vi. Il vient de débarquer d'un hélicoptère scorpion. escorté par des soldats et par les avatars de Norm et de Grace. Cette expédition dans la jungle va rapidement prendre une tournure inattendue ...

Ci-dessus , Grace se rend compte que Jake n'est pas le soldat bête et discipliné qu'eUe imaginait. li lui donnera le courage d'affronttr ses contractions. et de changer le cours de son destin.

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et j'ai eu envie de faire un bilan pour voir où j'en étais dans ma vie. Je me suis demandé où j'avais envie d'aller, et quelles étaient mes aspirations à tous les niveaux, professionnels et privés. En me regar­dant dans le miroir sans complaisance, je me suis dit que je man­quais de courage et que cela affectait mon travail. Il fallait que je me remette en cause, et que je prenne de nouveaux risques. J'ai regar­dé ce que j'avais amassé dans mon appartement, tous les objets de mon quotidien de "star du cinéma australien" , et je me suis deman­dé si c'était seulement cela qui définissait ce que j'étais. À ce moment­là, j'ai pris la décision de vendre tout ce qui m'appartenait. J'ai mis toutes mes possessions en vente aux enchères, ce qui n'a pas rap­porté grand chose, et j'ai donné le reste à mes amis. J'ai réalisé que j'avais passé trop de temps à écouter des gens me dire ce quïl fal­lait que je fasse. Cela peut arriver assez facilement quant on est acteur. Au bout d'un moment, on peut prendre fhabitude de délé-

guer à d'autres ce genre de décisions. Je me suis rendu compte que c'était stupide et quïl fallait cesser d'être passif pour devenir actif. C'est pour cela que quand Jim m'a appelé, je suis allé le voir et je lui ai dit "Ecoutez, j'ai vendu tout ce qui m'appartenait. J'ai empor­té deux sacs avec moi : un sac de livres et un sac de vêtements. Vous me faites passer une aud ition, parfait. Mais je voulais vous dire que si je m'implique totalement dans ce projet, et que je fais ce voya­ge avec vous, j'ai envie que nous travaillions vraiment ensemble". Et là, j'ai eu le sentiment d'avoir fait un grand pas en avant. D'être enfin devenu un homme de trente ans, le Sam que j'avais envie d'être. Cela n'avait rien à voir avec de farrogance ou de la prétention. Je voulais simplement contrôler ma propre destinée. Et quand vous parlez de cette manière à Jim, il vous comprend et vous respecte, parce quïl se rend compte quïl n'a pas une marionnette devant lui, un de ces acteurs qui est prêt à supplier pour décrocher un rôle. Mon attitude a été de lui dire "Voilà ce que je peux vous offrir, Monsieur Cameron. Voilà comment nous pouvons bien travailler ensemble". Et ça rejoint ce que vous disiez sur le conducteur de camion et le maçon que Jim et moi avons été. Nous nous sommes parlé dans des termes francs et directs.

GARDER SON CŒUR D'ENFANT Comment James Cameron vous a-t-il décrit le personnage de Jake ? Je me suis d'abord fait ma propre opinion en lisant attentivement le script, et en étudiant ce que Jake racontait de sa vie, et comment les autres personnages parlaient de lui. C'était déjà une mine d'infor­mations. Ses actions en disaient aussi beaucoup, puisqu'un homme se définit aussi par sa manière d'agir. Jake est un personnage qui ne recule pas devant les défis qui se présentent. Lorsque les Na'vis le testent et lui disent .. on va voir si tu es bien le guerrier que tu pré­tends être", Jake se lance dans faventure. Il grimpe le long d'une sorte de tige de haricot géant, pour atteindre les rochers flottants, et se rend jusqu'au repaire des banshees pour essayer d'en chevau­cher une et de voler avec. C'est un rite très dangereux, que doivent passer tous les jeunes guerriers Na'vis, et qui est appelé ltnimaïa. Quand nous avons tourné la scène du début du périple, Jim m'a décla­ré : "Il faut que tu fasses semblant de regarder la tige végétale qui monte jusqu'aux rochers". J'ai levé la tête, et il m'a dit "Plus haut !", j'ai continué et il a ajouté "Encore plus haut! Beaucoup plus haut!" . Je lui ai demandé à quelle altitude se trouvaient ces satanés rochers

Ci-dessus , Doublement éprouvé par l'accident qui l'a privé de ses jambes. et par le décès de son frère jumeau. Jake Sully va se rendre sur Pandora pour relever un nouveau défi. et retrouver ainsi le goût à la vie.

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et il m'a répondu : 'Vraiment très très haut !". Quand j'ai vu la scè­ne, je me suis rendu compte qu'il n'exagérait pas : à côté de ces mon­tagnes flottantes, l'Empire State Building aurait l'air d'une fourmi ! Mais cela n'empêche pas Jake de grimper tout là-haut. Il n'hésite pas non plus quand on lui propose de participer au r ituel des bâtons de feu, qui est une autre séquence intéressante. Voilà donc un aspect de Jake : cette nature téméraire, audacieuse. Mais il ressemble aus­si à mon neveu, qui avait 6 ou 7 ans à l'époque du tournage d'Avatar. Vous allez me rétorquer : "Mais quel est le rapport entre un Marine endurci et un gamin de 7 ans ?". La réponse, c'est le sens de l'émer­veillement. Et aussi un peu d'espièglerie. Quand Jake explore pour la première fois la jungle de Pandora, Grace, le personnage qu'in­carne Sigourney Weaver, lui dit "Ne touche pas à ces plantes, elles pourraient t'avaler tout cru !". Et bien sûr, il y touche. Il tambourine même dessus. C'est grâce à ce genre de réactions que mon neveu et tous les enfants qui verront le film pourront s'identifier à Jake. Le film repose sur cette capacité d'émerveillement, cette sensation

extraordinaire que l'on éprouve quand on découvre des paysages et des choses étonnantes, yeux grands ouverts et bouche bée. On ressent tout ce que ressentent les personnages, qu'ils soient humains, ou qu'ils mesurent 3 mètres 50 et aient l'air de félins bleus. Je crois que jouer Jake avec un peu de l'innocence de Ridley- c'est le pré­nom de mon neveu- était la chose à faire. J'y ai ajouté aussi un peu d'inconscience, parce qu'à 7 ans Ridley avait l'impression de pouvoir tout faire. S'il lui prenait l'idée de sortir tout nu dans la rue, ça fai­sait rire tout le monde. Si j'avais voulu faire la même chose, je me serais fait arrêter ! (rires). Il était plus audacieux que quiconque, à cette époque de sa vie, et je crois que cela caractérise qui est Jake Sully. Et nous espérons que ce message plaira autant aux specta­teurs de 7 ans qu'à ceux qui en ont 70 et plus !

Votre personnage est en proie à certains conflits dans le film. Etant donné qu'il est paraplégique. il ne peut se sentir "entier". et en pleine possession de ses moyens physiques que lorsqu'il se transfère dans son avatar. ce qui est en soi une contradiction. Et il se retrouve dans la position où il va combattre les humains. les gens de son propre camp. parce qu'ils détruisent Pan dora ... Et de plus, il ne peut pas vraiment être comme eux, parce qu'il est

un avatar. Un corps piloté à distance. Sans l'esprit qui l'anime, ce n'est qu'un amas de chair, en vérité. C'est une autre contradiction : étant donné qu'il agit par procuration, par l'intermédiaire de ce corps, Jake ne peut pas se battre lui-même pour défendre les Na'vis. Il est emprisonné dans son corps amoindri.

Comment arrive-t-il à résoudre ce conflit? C'est ce que l'histoire du film nous apprend, au fil de l'évolution des personnages. On voit comment Jake cesse d'être un jeune homme pour devenir un adulte qui prend ses responsabilités. Au début, il agit comme une tête brûlée, avec audace, mais aussi avec un peu d'inconscience. À force de prendre des risques inconsidérés, il finit par commettre des erreurs qui ont de graves répercussions. Mais il en tire les conséquences, agit pour réparer les dégâts provoqués, et c'est à ce moment-là qu'il devient un vrai héros.

Il y a plusieurs scènes d'amour importantes entre vous et Neytiri. .. Oui. Jake tombe amoureux de Neytiri dès qu'il la voit. Quand elle surgit en bondissant d'un arbre et utilise son arc et ses flèches pour chasser une meute de Viperwolves qui s'apprête à le dévorer, il est immédiatement séduit par son énergie, son courage et sa vivacité. Il faut dire que c'est une très jolie fille bleue ! (rires). Mais il voit aussi au-delà de sa simple beauté physique, ce qui est tout à son honneur. Par la suite, elle le rabroue et le dis­pute, parce qu'il ne sait pas comment se comporter dans la jungle. Vous avez rencontré Zoe, vous voyez donc quelle énergie peut déployer Neytiri quand elle est en colère ! (rires) . La relation entre Jake et Neytiri est donc faite de disputes et d'attirance mutuelle, comme les relations des couples de beaucoup d'œuvres de la littéra­ture classique. Bien sûr, leur relation évolue jusqu'à devenir intime ... mais en même temps, ce n'est pas le vrai corps de Jake, mais seulement son avatar qui se trouve aux côtés de Neytiri. Sans vouloir gâcher la surprise, disons que les Na'vis ont leurs propres moyens de "fusionner" spirituellement et physiquement, des moyens qui sont issus du lien particulier qui les relie à la Nature. Nous avons donc tenu compte des particularités des Na'vis dans ces scènes-là.

Quelle est la scène d'action la plus difficile que vous avez tournée avec le procédé de capture de performance ? Je crois qu'il s'agit de l'une des premières scènes que nous avons tournées ainsi. C'était aussi l'une de celles que nous avions répétées avec Zoe pendant les auditions, et Jim avait pensé, à juste titre, que comme nous la connaissions bien, cela faciliterait un peu cette pre­mière prise de contact avec le procédé. Il s'agit de la séquence pen­dant laquelle Neytiri vient au secours de Jake et chasse les Viper­wolves. Pendant que Zoe faisait semblant de décocher ses flèches et de frapper les animaux avec son arc, on jetait des sacs de gym sur moi, pour simuler les animaux qui bondissaient pour me mordre.

Vous imaginez ce que ça pouvait donner "en vrai" sur le plateau : c'était assez ridicule à voir ! (rires). Ensuite, il fallait que je fasse mine d'en repousser un ou deux, puis que je parle avec Neytiri, qui est furieuse que j'aie attiré cette meute par mon manque de discrétion, en me promenant dans la jungle. Elle s'éloigne à toute allure en esca­ladant des branches, et je tente de la suivre tant bien que mal, alors qu'elle est bien plus agile que moi. Je manque de tomber à plusieurs reprises, et elle me retient. La gestuelle et la chorégraphie de toute cette scène ont été assez difficiles à jouer, mais le résultat final est impressionnant et très beau, car c'est la première fois que l'on découvre que la forêt devient bioluminescente à la nuit tombée.

Pour conclure. puisque vous êtes devenu un acteur très demandé. est-il vrai que l'on vous avait approché pour le rôle de James Bond ? (rires) Comment Matt Damon s'appelle-t-il dans son dernier film ? L.:agent 0014, je crois ! Pour ma part, j'aurais tendance à m'appeler 003.5 ! (rires). Daniel Craig est absolument parfait dans ce rôle. Per­sonne ne pourrait le tenir mieux que lui, et surtout pas moi ! • •

PROPOS RECUEILLIS ET TRADUITS PAR PASCAL PINTEAU

Ci-dessous , La mission à laquelle Jake patficipe l'amène à confier aux militaires des infonnations secrètes sur l'habitat des Na'vis. tel l'arllre de vie représenté sur cet hologramme. tt est loin d'imaginer tes conséquences tragiques de ses révélations ...

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~~Réussir à devenir le personnage est

ma motivation principale, en tant que comédienne"

(Zoe Sa/dana)

oreilles ont subi le même sort. Les longues oreilles de nos per­sonnages sont donc elles aussi inspirées des nôtres. Même si cer­taines procédures étaient un peu contraignantes, nous ne nous plai­gnions jamais, car tout nous semblait nouveau et fascinant. Nous étions en train d'entrer dans un monde nouveau, et cela nous pas­sionnait au plus haut point !

Vous jouez un personnage très athlétique. toujours en mouvement. qui est capable de se défendre contre des animaux dangereux: quel type d'en­traînements physiques avez-vous suivis pour arriver en pleine forme sur le tournage? J'ai pratiqué la danse pendant longtemps, et je dois dire que cela m·a beaucoup aidée, et que Jim en a tenu compte lorsqu'il m·a choi­sie. Comme je me suis entraînée pendant des années, je savais très bien ce qu'il fallait que je fasse pour être à nouveau dans une for­me optimale. Neytiri est une créature qui a un comportement très félin : elle rampe tout en se cachant, afin d'observer ce qui se pas­se, elle est agile, bondit souplement. Étant donné que sa colonne vertébrale est prolongée par une longue queue, elle ne marche pas de la même manière qu'un être humain. A la lecture du scénario, j'ai tout de suite compris quïl allait falloir que je travaille ma mus­culature et ma souplesse. Et en tant que perfectionniste, j'ai adoré aller jusqu'au bout de cette démarche pour devenir ce personnage. Jim et Sam fonctionnent de la même manière, et nous nous entrai­dions pour atteindre nos buts communs.

Neytiri est bleue. très grande. et pourtant. elle réussit à être très séduisan­te. et même sexy : comment avez-vous réussi à faire passer ce côté atti­rant du personnage ? Je n'en sais rien . J'étais totalement investie dans le personnage, et je pense que sa forte personnalité transparaît et exerce une séduc­tion, même si elle est bleue et mesure plus de trois mètres de haut. Elle a plus de poitrine que moi, pour commencer ... (rires). C"est aus­si une guerrière.

Quelle a été votre source d'inspiration principale pour développer la force de caractère de Neytiri ? Ma mère. Elle est extraordinaire. Beaucoup de gens vous diraient certainement la même chose à propos de leurs parents, mais ma mère était vraiment ma Sarah Connor et ma Ripley pendant toute mon enfance. Elle était à la fois très forte, très courageuse, et avait

aussi la capacité d'apprécier la fantaisie et l"excentricité. Elle nous encourageait toujours à nous exprimer. Nous étions trois sœurs à la maison, et nous avons grandi dans un environnement qui n'était hostile en rien aux hommes. Ma mère n'avait des idées préconçues sur personne, qu ' il s'agisse d'un garçon ou d'une fille. Elle nous laissait aller au bout de nos passions et de nos rêves. Je considère qu 'elle a été mon premier professeur d'art drama­tique, sans le savoir. Si un jour, je décidais de me comporter com­me un garçon, et de m'habiller ainsi, elle me disait : ··oK, Zoe tu es un garçon !"et me laissait aller dans cette tenue à l"école ! (rires). Une fois, j'ai eu envie de me raser la tête pour voir ce que cela fai­sait, et elle m·a laissée faire. Quand il m'arrive d'hésiter à faire quelque chose parce que ce n'est pas vraiment raisonnable, je repense à mon enfance, et souvent, je me dis ""Et puis zut !""et je le fais. Nous étions vraiment des excentriques. Il nous arrivait même de célébrer Noël en mars ! (rires).

rAMOUR IMPOSSIBLE? Pouvez-vous nous dire ce qu·a vécu Neytiri. avant que l'histoire d"Avatar ne commence ? Ce qui lui est arrivé ressemble un peu à l'intrigue de "La mégère apprivoisée·· de Shakespeare. Neytiri est une princesse rebelle, fille du leader de son clan. Mais plutôt que d'agir en princesse, elle vou­drait être une guerrière. Elle ne supporte pas qu 'on lui dicte ce que sa vie doit être. Et déteste accomplir les tâches qui sont réser­vées aux filles. Elle n'a aucune envieile""succéder à son père et de diriger le clan. Elle préfère vivre dans la jungle, chasser et se nour­rir seule, en toute indépendance. Quand elle rencontre Jake, elle se rend compte quïl est lui aussi un rebelle dans l'âme.

Avez-vous tourné des scènes d'amour physique entre les deux person­nages? Oui, et elles ont été très intéressantes à tourner ! (rires).

James Cameron est très exigeant avec lui-même et avec ses collabora­teurs : quelles ont été les scènes les plus difficiles à tourner ? Cela va sans doute vous surprendre, mais ce sont justement les scènes de baisers !

Pourquoi ?

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À cause des problèmes techniques liés aux équipements que nous portions. Embrasser n'est pas difficile en soi , je suis toujours partante pour le faire ! (rires). Cela fait partie des petits plaisirs de ce métier: Mais c'est complètement différent quand on travaille sur un plateau de capture de performance, à cause de la technique. Il y avait d'un côté toutes les caméras qui enregistraient nos mou­vements grâce aux sphères et aux repères disposés sur nos cos­tumes, et nous portions aussi chacun une mini-caméra fixée à notre casque, et placée en face de nos visages, pour enregistrer nos expressions. On nous avait collé aussi des petits points verts sur le visage. Les repères corporels permettaient de nous situer dans

l'espace, et les caméras faisaient bouger automatiquement les muscles faciaux de nos personnages 3D. Mais vu la manière dont les caméras étaient placées, nous ne pouvions absolument pas approcher nos lèvres pour nous embrasser. Il était donc impos­sible de filmer normalement ce moment d'intimité. Mais c'était également très amusant par d'autres aspects ...

Comment avez-vous réussi à tourner ce baiser. en fin de compte ? Comme les supports de nos caméras entraient en collision dès que nous nous approchions l'un de l'autre, nous avons compris qu'il allait falloir tricher un peu. Nous avons lait semblant de nous embras­ser en laissant une bonne vingtaine de centimètres entre nos visages, ce qui était assez bizarre. Et il fallait mimer les mouvements du baiser comme cela, parce que Jim allait avoir besoin de ces infor­mations pour l'animation des personnages. Nous avons aussi reti­ré nos casques et nos caméras pour tourner la scène normale­ment, mais là aussi, nous avons eu des problèmes, par exemple quand l'un des petits marqueurs qui étaient placés sur mon visa­ge est venu se coller sur la bouche de Sam. C'était très drôle par moments ! (rires) .

Tout cela n'est pas évident quand on doit jouer une scène d'amour ... Oh, il faut garder son sens de l'humour dans ce genre de situations. Nous étions tellement gênés par ces obstacles techniques que nous en devenions un peu timides. Jim était mort de rire quand il nous observait. Il est toujours très respectueux du travail des acteurs, mais si jamais on trébuche devant lui, il sera le premier à éclater de rire et à dire "Mais qu'est-ce qui t'arrive?". Pendant que nous tour­nions cette fameuse scène d'amour, il nous disait: "Allez, Sam et Zoe, je sais que vous pouvez faire bien mieux que ça !".

Quelles sont les facettes de votre personnage que vous avez trouvées les plus attirantes ? Ce que j'aime particulièrement à propos de Jake et de Neytiri, c'est que Jake pourrait tout à lait être une femme, et Neytiri un hom­me. Ils sont totalement androgynes dans leur comportement. Ce sont deux êtres qui cherchent à donner un sens à leur vie, et qui, ce faisant, finissent par se trouver l'un l'autre. Ils essaient d'unir deux mondes et c'est très beau. Et ce que j'aime chez Neytiri, c'est sa for­ce au combat, ses qualités de guerrière, et d'héroïne qui en font un mélange de Sarah Connor et d'Ellen Ripley. Je ne sais pas comment r expliquer autrement.

UN TOURNAGE DE R~E Vous semblez être une vraie fan de science-fiction ! Oh oui, complètement ! o· ailleurs quand le service de marketing de Paramount me préparait à faire le tour du monde pour parler de Star Trek, ils me disaient : "Zoe, ce serait bien si vous pouviez dire de temps en temps dans les interviews que le film plaira aussi aux femmes, et qu'elles ne doivent pas hésiter à aller le voir". Quand j'ai entendu cela, j'ai pensé : "Mais pourquoi devrais-je dire ça ? Elles ne vont pas venir d'elles-mêmes, quoi qu'il arrive? Vous voulez rire!". J'étais persuadée que toutes les filles aimaient la science-

Ci-contre , Pour tourner les scènes où l'on voit Neytiri el Jake chevaucher des Banshees. Zoe Sa/dana et Sam Worlhington prenaient place sur des plateformes dont/es mouvements étaient pilotés par l'animation de la créature. préparée à l'avance. Les enregistrements de leurs gestes en capture de performance correspondaient alors exactement aux évolutions du reptile volant

Ci-dessous: Pendant les séances de capture de performance. des oreiUes de Na'vi et une queue étaient fixées sur le casque ella œnue de Zoe Sa/dana. afin de lui permettre de bouger en tenant compte de ces particularités anatomiques.

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Ci-contn : Attentive à I:Dus les signes qui pm•ent venir de la nature. Neytiri est

lmerveillle de voir ces petites créatures lumineuses venir se nourrir en nettoyant les

plaies de Jake. Pour ella. c'est la preuve que ce Na'vi inconnu est digne de confiance. Ces

animaux sont directement inspirés de méduses biolumiescentes que James Cameron a eu

l'occasion d'observer lors de ses plongles en sous-marin dans les grands fonds.

f3 Ci-contre , Malgré la douceur de son visage • .......,. Neytiri est une guerrière redoutable. dont les ~ flèches empoisonnées ne ratent jamais leurs .e5 cibles. EUe le prouve notamment en sauvant ~ Jake de l'attaque d'une meute de vipervolwes. ~ qui comme leur nom l'indique. évoquent à la ~ fois des vipères et des loups !

~~Collaborer avec le créateur de Sarah Connor,

c'était avoir l'assurance d'être

entre les meilleures mains

que l'on puisse imaginer !Il

(Zoe Sa/dana)

fiction autant que moi. J'ai été élevée au sein d'un foyer où les films que nous regardions en famille étaient 2001, l'odyssée de l'espace, ET., Cocoon et 8/ade Runner. J'ai été désolée d'apprendre que toutes les filles ne partageaient pas cet enthousiasme. Sommes-nous vrai­ment toutes programmées génétiquement pour ne lire que les œuvres romantiques de Jane Austen ? Jane Austen est une roman­cière formidable, mais si elle avait écrit quelques histoire se dérou­lant dans l'espace, ce serait encore bien mieux ! (rires). J'ai été éle­vé par une maman qui pensait ainsi.

Qu'est-ce qui vous attire à ce point dans la science-fiction ? Je ne sais pas. Je crois qu'en tant qu'artiste de cinéma, j'ai horreur de me limiter à des choix tout tracés. Il y a des gens qui rêvent d'in­carner Napoléon, et peut-être que mon rôle idéal serait de jouer Joséphine, ou un autre personnage historique de ce genre. Mais jouer une extraterrestre, c'est quand même un défi autrement plus inté­ressant! J'ai passé sept mois à essayer de me "déshumaniser". Je me souviens qu'à un moment, j'étais assise à table, pendant un repas familial, à l'époque où je faisais mes recherches pour tourner Ava­tar. Quelqu 'un m'a demandé si je voulais des pommes de terre, et instinctivement, j'ai soufflé comme un chat en colère. Naturellement, au moment où je l'ai fait, je me suis dit "Oh bon sang, qu'est-ce que je suis en train de faire?!", mais il fallait que j'en passe par là, pour ne plus avoir le réflexe d'agiter ma main ou ma tête de gauche à droi­te pour signifier que la réponse était "non". J'ai tenté de m'immer­ger complètement dans le rôle. Réussir à devenir le personnage est ma motivation principale, en tant que comédienne. Et arriver à tra­vailler avec des fans qui ont la même tournure d'esprit que la mienne, c'est tout simplement le paradis !

Après avoir grandi en regardant tant de films de SF. que ressentez-vous à présent que vous êtes apparue dans Star Trek et dans Avatar? Par moment, c'était assez surréaliste. J'avais l'impression de me retrouver à côté de moi, en train de m'observer. Quand je voyais Jim préparer sa caméra sur le plateau ou quand je discutais avec Sigour­ney Weaver, j'avais presque envie de me pincer pour vérifier que je ne rêvais pas. Tout d'un coup, je me disais "Oh, bon sang, je suis en train de parler avec Ripley, et c'est le créateur de Terminatorqui nous dirige !". En fait, Jim EST le terminator. Il ne s'arrêtera pas tant qu'il n'aura pas obtenu ce qu'il cherche. Son sens du détail est infaillible et en le voyant travailler, je l'ai trouvé tellement impressionnant qu'il m'est souvent arrivé d'en avoir la chair de poule.

Vous vous trouviez. Sam Worthington et vous. constamment dans l'œil du cyclo­ne qu'est Avatar: vous êtes-vous jamais sentis en danger pendant le tournage ? Non, jamais, car Jim avait prévu un environnement de travail par­faitement sécurisé afin que nous ne risquions jamais de nous blesser. Dans les scènes d'action, nous portions des harnais et étions suspendus à des câbles pour éviter de nous faire mal si nous glis­sions d'un élément placé dans le studio pour représenter un rocher, ou une grande branche. Des gens nous surveillaient à tout moment pour nous aider au cas où, quand nous sautions partout pour enjam­ber des obstacles. Mais il y a eu quelques incidents malgré tout. Une fois, alors que nous courrions, j'ai perdu Sam de vue pendant la bataille. Et je me suis arrêtée en me disant "Mais ou diable est-il passé?". D'après ce que l'on m'a raconté, je l'ai frappé par accident et je l'ai mis K.O. sans m'en rendre compte, en lui cassant aussi le

petit doigt... Il est arrivé également qu'un cheval me marche des­sus! Jim observait une scène sur un moniteur, tout en l'écoutant avec son casque, lorsqu'il a entendu un grand bruit et a demandé "Qu'est-ce qui vient de se passer ?". Quelqu'un lui a alors répondu : "Un des chevaux vient de marcher sur Zoe !".On l'a vu alors courir comme au ralenti vers moi, tandis que le cheval refusait obstiné­ment de bouger et de libérer mon pied. C'est comme si l'animal pen­sait "Il n'y a vraiment pas de quoi paniquer !" (rires). Jim est arri­vé, a tapoté les flancs du cheval, et l'animal a soulevé sa patte. Tout le monde est alors venu me retirer ma chaussure pour voir si j'étais blessée. Ma jambe est restée insensible pendant deux jours ...

Comment êtes-vous redevenue Zoe après avoir incarné Neytiri ? Il suffit de rentrer chez soi, de prendre une bonne douche et d'en­filer des jeans. Mais j'ai tout de même éprouvé une sensation de manque à la fin du tournage, semblable à celle que les réalisateurs et les metteurs en scène de théâtre doivent ressentir. On crée quelque chose et l'on s'implique tellement dedans que l'on a l'impression d'avoir donné naissance à un enfant dont on est contraint de se sépa­rer. C'est quand j'ai vu le film pour la première fois que j'ai eu le plus de vague à l'âme. Je voyais Neytiri et je reconnaissais mon visage et mes expressions, tandis qu'à d'autres moments, j'étais tellement happée par l'histoire que je voyais un personnage totalement indé­pendant de moi. Nous avons tous travaillé dans un esprit de com­munion si intense pendant un an et demi que Sam et moi avons pris l'habitude de nous revoir pour en parler. Nous nous disions "Bon sang, c'est fini à présent !". Nous avons eu l'impression de vivre dans un merveilleux magasin de jouets pendant un an et demi, en nous amusant comme des fous.

Pendant combien de jours avez-vous tourné ? Eh bien, j'ai terminé mon dernier plan de raccord à la fin juin 2009. Nous avions commencé à tourner en février/mars 2007 et nous n'avons pas arrêté jusqu'à Noël2008.

Aviez-vous sous-estimé le temps de réalisation du projet ? Avez-vous été surprise ? Non, car je n'ai jamais pensé à Avatar en ces termes. Nous faisions partie d'un projet radicalement nouveau, unique, et différent de tout ce qui a été fait auparavant, et en plus, nous tournions avec James Cameron ! Dans de telles conditions, on ne considère pas que le film doit être réalisé comme d'autres films. On ne se préoccupe même pas de savoir si le film va bien marcher. Le simple fait d'y participer est déjà un triomphe en soi, et c'est tout ce qui compte.

AU PLUS PRÈS DES ACTEURS Quel est le film de James Cameron que vous préférez? Je dirais Terminator, à cause de Sarah Connor.

2009 a été une année exceptionnelle pour vous. qui avez joué dans deux des plus gros blockbusters. Star Trek et Avatar ... J'ai pleinement conscience de ma chance, car pour une actrice, il est rare d'avoir l'opportunité de jouer deux rôles d'une telle qualité l'un après l'autre, et de travailler avec des réalisateurs aussi talen­tueux. JJ Abrams et James Cameron savent tous deux écrire des rôles formidables pour des femmes, et c'est rare à Hollywood. Dans

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Ci-dessous , Si Jake déçoit Neytiri en ne lui révélant pas qui il est vraiment il a l'occasion

de se racheter par la suite en l'aidant à défendre son peuple.

la plupart des films américains que je vois, je trouve que les rôles de femmes sont assez stéréotypés. Ils ne reflètent pas vraiment les personnalités des femmes que je connais dans la vraie vie, et qui font partie de ma famille, de mes amis ou des gens avec lesquels je travaille. Collaborer avec le créateur de Sarah Connor, et avec celui qui a fait d'Ellen Ripley une baroudeuse redoutable au combat dans Aliens, c'était avoir rassurance d'être entre les meilleures mains que ron puisse imaginer! JJ est lui aussi fantastique. Et tous les deux n'hésitent pas à utiliser le côté fragile et féminin de leur per­sonnalité. C est ce qui leur permet de créer des personnages plus complexes et qui échappent aux clichés. D'ailleurs, James a beau­coup aimé Star Trek, et ra fait savoir à JJ.

Concernant le procédé de capture de performance. James Cameron s'est appuyé sur le travail réalisé par Peter Jackson et Robert Zemeckis pour pousser cette technique encore plus loin : comment ces progrès ont-ils été intégrés à sa mise en scène et à son travail avec les acteurs ? Jim voulait bénéficier de la même intimité avec ses acteurs que pen­dant un tournage "classique". ll ne voulait surtout pas être contraint à nous donner ses indications à distance, isolé derrière une batte­rie de moniteurs et d'équipements par peur de bloquer le point de vue des caméras de capture de performance s'il s'aventurait sur le plateau. Le système a été conçu pour lui permettre de nous diri­ger pendant que nous jouions. Dans certains cas, Jim était tout près de moi et nous travaillions alors comme si nous étions seuls sur le plateau, sans gêner en rien r enregistrement des expressions et des mouvements. Comme Jim ne portait ni une tenue spéciale, ni une caméra pour filmer son visage, il était en quelque sorte " invisible" quand il venait à nos côtés. Nous appelions d'ailleurs le plateau "le volume", car c'est en fait un espace délimité dans lequel nous pouvons être enregistrés en trois dimensions sous tous les angles en même temps. " t..:invisibilité" de Jim est un des avantages de cet­te technique, car c'est bien évidemment impossible de travailler ain-

si sur un tournage classique, à moins de tourner un très gros plan, avec le réalisateur placé juste à côté de la caméra.

Et pour vous. que ressentiez-vous en jouant. tout en vous voyant immédia­tement transformée en Neytiri sur les écrans disposés sur le plateau ? C'était fascinant, parce que c'était comme si on validait immédia­tement en image la vision mentale de la scène que nous nous étions construite. Nous pouvions ajuster nos mouvements en fonctions des éléments de décor qui étaient également représentés en 3D. Mais il y avait des accessoires simples sur le plateau pour nous faciliter la tâche, notamment quand nous devions faire semblant de tra­verser la jungle très dense de Pandora. Les troncs d'arbres et les grandes tiges de bambou étaient figurés par ces longues tiges de mousse plastique que r on utilise dans les piscines, et avec lesquelles les enfants s'amusent. Concernant mon personnage, les seules choses qui n'apparaissaient pas en temps réel sur les images de synthèse étaient les mouvements des doigts- parce qu'ils sont trop compliqués à capturer, et doivent être reconstitués ensuite par les animateurs- et les mouvements de langue. Mais on voyait tout le reste en gros plan : les lèvres, les dents, les expressions.

Quels ont été les meilleurs moments que vous avez vécus cette année ? Sans hésiter, la joie de travailler avec des réalisateurs de grand talent. Je n'ai besoin de rien d'autre pour me sentir heureuse.

Votre personnage change au cours du film ... Oui, et celui de Sam également. Leur rencontre a un tel impact sur eux qu'ils ne peuvent pas continuer à penser et à agir comme avant. Jim sait écrire de très belles histoires d'amour, et celle-ci va res­ter dans les cœurs des spectateurs tout comme celle de Titanic. Jake et Neytiri étaient destinés à se rencontrer, parce que tout autour d'eux les poussait à ce que leurs chemins se croisent. Une fois qu'ils se sont trouvés, ils vont changer le monde, et c'est une très belle histoire.

Quels sont vos projets futurs ? J'ai des cicatrices un peu partout sur les jambes, parce que je viens de terminer le tournage d'un film d'action qui s'intitule The Losers, dans lequel j'ai fait presque toutes mes cascades moi-même. Nous avons d'ailleurs travaillé avec le même superviseur des cascades que sur Avatar. Après, je vais sans doute chercher un sujet plus dra­matique, focalisé sur révolution des personnages, pour changer un peu de registre. Mais peu après, je serai ravie de me retrouver avec une arme dans chaque main, suspendue à des câbles pour tourner des scènes spectaculaires (rires( . J'adore tourner des scènes d'action bien conçues, ou ron joue des choses intéressantes, tout en ayant des cascades très physiques à faire. t..:esprit et le corps fonctionnent au diapason, et c'est très agréable. • •

PROPOS RECUEILLIS ET TRADUITS PAR PASCAL PINTEAU

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Comment réagit-elle en rencontrant Jake ? Oh, elle le déteste immédiatement, parce que c'est un ancien mari­ne. J'ai beaucoup aimé son aptitude à détester certaines choses. On pourrait dire que c'est une dure à cuire, mais sous sa carapace, il y a une personne tellement passionnée par la botanique qu'elle a sacrifié sa vie à ses études. Quand elle a enfin le moyen de se rendre sur Pandora, et d'explorer cet environnement qui la fascine, elle se trouve enfin une famille au cours de son aventure.

Grace est-elle déstabilisée d'avoir accepté l'argent de la compagnie miniè­re pour continuer à mener ses travaux ? Oui, je crois que c'est un paradoxe déchirant pour elle. Ce n'est pas une question d'argent, en fait. Ce qui la chagrine, c'est que pour avoir la possibilité d'aller sur Pandora et d'étudier les jungles de cette pla­nète, cette lune, elle doit collaborer avec la société qui est en train de détruire cet environnement exceptionnel. Elle sait très bien pour qui elle travaille. Je me suis longtemps demandé quelle était sa moti­vation. N'aurait-elle pas dû donner sa démission et rentrer chez elle ? En réalité, je crois qu'elle ne peut plus étudier la botanique sur Ter­re parce qu'à cette époque future, les plantes ont pratiquement dis­paru. Son rêve, c'est de résoudre le mystère du fonctionnement de l'écosystème de Pandora, qui est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Pour elle, ce que l'on peut découvrir des secrets de la Nature sur Pandora est encore plus précieux que le minerai extrait par la socié­té RDA. C'est effectivement une situation très délicate pour elle, et je crois qu'elle en éprouve un profond malaise.

ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ Après Ripley et Diane Fossey. vous incarnez à nouveau une femme forte et déterminée : êtes-vous ainsi dans la vie ? Je crois que les femmes sont fortes et courageuses dans la plupart des cas. Comme vous le savez, elles exercent aujourd'hui des métiers qui ont longtemps été considérés comme des professions réservées aux hommes. Mais comme tout être humain, nous avons toutes nos moments de force et nos moments de fragilité. Personnellement, je ne considère pas les hommes et les femmes en fonction de leur sexe, parce que chaque être est un mélange unique de caractéristiques. Il ne faut donc pas avoir d'idées préconçues à son sujet. J'ai eu le pri-

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''l'arrivée d'Avatar en 3-D Relief, dans toute sa splendeur, va avoir un impact phénoménal sur la manière dont les studios conçoivent leurs productions" (Sigourney weaver)

Ci-dessus , À l'instar de Jake. le docteur Grace Augus~ne ~lise un avatar Na 'vi pour

explorer Pandora. Elle va entrer ainsi en contact avec les Nùis. hos61es aux

hommes qui détruisent leur planète. Comme on peut en juger sur cette image. le visage

de Sigoumey Weaver a été fidèlement transposé sur son avatar 30.

vilège de jouer des personnages forts, comme Diane Fossey, mais elle aussi avait ses doutes et ses fragilités. En ce qui me concerne, comme tout un chacun, il m'arrive de me sentir forte, et aussi de me sentir un peu plus fragile à certaines occasions.

Avez-vous dû vous entraîner un peu avant le tournage d'Avatar? Non, pas vraiment, car mon personnage fume des cigarettes à la chaîne, et ne quitte pratiquement jamais son laboratoire !

Iriez-vous jusqu'à dire qu'Avatar représente la prochaine étape de la réa­lisation des films en général. ou le procédé avec lequel le film a été crée ne peut-il s'appliquer qu'à un certain type d'histoires? La technologie que Jim a inventée est totalement intégrée à l'his­toire qu'il raconte, parce qu'il veut que les spectateurs aient le sen­timent de se retrouver dans la peau de Jake, quoi qu'il lui arrive, et tout particulièrement quand il tombe du haut d'une chute d'eau ou qu'il découvre les dangers et les lieux enchanteurs de Pandora. Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de réfléchir à ce que ces nouvelles technologies vont représenter à long terme pour l'industrie ciné­matographique, mais j'en vois déjà les conséquences immédiates. Je viens de tourner dans un film dont je ne peux pas encore vous parler, mais qui va être formidable, et j'ai appris tout récemment qu'il allait être converti en 3-D Relief. L.:arrivée d'Avatar en 3-D Relief, dans toute sa splendeur, va avoir un impact phénoménal sur la manière dont les studios conçoivent leurs productions. Je crois qu'ils vont avoir tendance à investir d'emblée dans le film en le tournant directement en 3-D, plutôt que d'attendre et de procéder à la conver­sion plus tard. Personnellement, je pense qu'Avatar a des kilomètres d'avance sur des films comme Le Pôle Express et Beowulf. Ce qui

m'a sidérée quand j'ai découvert les premières scènes du film, c'est que tout dans l'image semblait respirer et luire ... Tout paraissait incroyablement réel. Avatar va certainement marquer le passage à un nouveau niveau de perfection technique, et avoir de ce fait une influence sur toutes les superproductions à venir. Le film fonctionne extrêmement bien en 2D, et je ne l'ai d'ailleurs vu que sous cette forme-là. J'imagine que le fait de le découvrir en relief va être très impressionnant, mais déjà tel quel en 2D, il va être un événement marquant, dont l'impact aura des répercussions pen­dant plusieurs années. Avatar va inciter les spectateurs des films d'action à en vouloir plus. Ils ne vont plus se contenter d'explosions. Mais c'est difficile de deviner quelles seront toutes les répercus­sions du film, car Jim Cameron est inclassable. Personne d'autre ne peut réaliser les films qu'il crée.

Vous qui avez travaillé avec James Cameron auparavant. l'avez-vous trou­vé différent dans sa manière de se comporter sur le plateau d'Avatar? Je crois qu'il s'amuse plus aujourd'hui qu'il ne le faisait avant. C'est probablement dû au fait qu'il a une vie de famille heureuse à présent, et qu'il a pris le temps de réaliser ses rêves d'exploration a prés Tita­nic. Cette longue "pause" dans le domaine de la fiction lui a proba­blement fait du bien. Il était très heureux de se lancer dans un nou­veau film après que 14 ou 15 ans se furent écoulés. En ce qui me concerne, cela faisait longtemps que je n'avais plus tourné dans un film de science-fiction, ce qui rendait Avatar encore plus attirant. Nous avons acquis assez d'expérience tous les deux pour savoir que quand un projet comble chacune de nos aspirations d'artiste, il faut savoir en savourer la moindre seconde. Jim est certes un perfectionniste, mais c'est d'abord de lui-même qu'il exige les choses les plus ardues.

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Il a manipulé la caméra lui-même pour tourner la plupart des plans du film, et je ne crois pas que cela lui soit arrivé auparavant. Pen­dant ses journées de repos, il travaillait sur le montage du film, et continuait à vivre, respirer et dormir pour Avatar le reste du temps. Mais cela le rendait heureux. Aujourd'hui, Jim n'a plus rien à prouver et c"est sans doute cela la plus grande différence. Il peut profiter plei­nement de lïnstant présent, etfai eu lïmpression qu'il souhaitait presque que le tournage d'Avatar ne s'arrête jamais. Il aurait pu conti­nuer ainsi pendant des années parce que ce film lui permet d'explo­rer ce monde extraordinaire qu'il a inventé dans ses moindres détails. C" est un exploit tout à fait remarquable quïl a accompli là.

Il avait la réputation d'agir presque en dictateur sur ses précédents tour­nages .. . Je ne me souviens pas de lui agissant vraiment ainsi. Je peux vous dire par exemple que quand nous tournions Aliens, r équipe anglai­se était si fière de ce qu'avait accompli Ridley Scott dans le premier film qu'elle a vu d'un mauvais œil ce jeune réalisateur canadien puis-

ce genre de représentations, le public fait fonctionner son imagi­nation pour voir ce qui n'est pas figuré. C"est la raison pour laquel­le le processus de capture de performance m 'a semblé presque familier. Cela ressemblait presque aux cours de théâtre que l"on peut suivre au lycée. Bien sûr, on met un peu de temps à s'habituer à la camera qui filme son visage, parce qu 'elle se trouve juste en face de soi, au bout d'un support fixé au casque que ron porte. Com­me on n'a plus ses repères habituels, on se demande quel genre de plan va être tourné avec ça. Mais en fait, ces caméras ne sont utilisées que pour enregistrer nos expressions faciales. Nous por­tions aussi des oreilles de Na'vi et une queue, pour pouvoir bou­ger comme le feraient les personnages. C" était une expérience éton­nante. Pendant que nous tournions un plan large, Jim employait cette drôle de caméra de forme ronde tandis que des opérateurs filmaient la scène sous d'autres angles, et que trente autres per­sonnes restaient sur le côté du plateau pour s'occuper des ordina­teurs. Nous tournions donc ainsi un plan large à plusieurs reprises, mais nous n'avions pas besoin de tourner des plans complémen-

/Iles gens savent que s'ils viennent travailler pour James Cameron, ils vont vivre un peu en enfer, et un peu au paradis" (Sigourney weaverJ

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se lui succéder. Personne dans l"équipe n'avait entendu parler de James Cameron. Jim a organisé à plusieurs reprises des projections de Terminator pour que les gens puissent voir son travail, mais per­sonne de l"équipe n'y allait. Ils n'avaient donc aucune idée de son talent, et ne s· en sont rendu compte que vers la fin du tournage. Il a été obligé de se battre chaque jour pour gagner leur respect. Je me souviens que son assistant réalisateur rappelait toujours ··governor··, avec un brin de dérision. Jim lui disait ··sïl vous plaît, ne m'appelez pas governor"' et le type lui répondait ··oK governor !'' . L.:équipe était assez effrontée. Mais personne ne le traite plus ainsi aujour­d'hui. Et les gens savent que sïls viennent travailler pour James Cameron, ils vont vivre un peu en enfer, et un peu au paradis.

LA TETE TOUJOURS DANS LES frOILES Comment avez-vous vécu ce tournage dans lequel on utilisait tant de tech­nologies nouvelles ? J'ai adoré ça. Vous savez, mon mari dirige un petit théâtre off Broad­way, à New York, et nous n'avons jamais assez de moyens pour fabriquer les décors et les costumes. Pour moi, les sessions de cap­ture de performance, c'était exactement comme si je me retrouvais dans notre petit théâtre, revêtue d'un justaucorps noir, dans un espace où il n'y a pratiquement rien, et où r on utilise seulement des accessoires simplifiés à r extrême pour représenter les décors. Dans

laires du premier, car grâce au fonctionnement de la caméra ron­de et aux enregistrements réalisés avec le reste de ["équipement, Jim pouvait les réaliser par la suite, sans même que nous ayons besoin d'être présents sur le plateau. Il m'a expliqué comment le processus fonctionne à plusieurs reprises, mais je suis toujours étonnée par ce quïllui permet de réaliser.

Pouviez-vous voir chaque jour les scènes que James Cameron avait tour­nées ? Comme Jim pouvait voir nos avatars Na'vi en 30 en temps réel dans le viseur de sa caméra, il avait aussi la possibilité de nous montrer les scènes réalisées ainsi. Je pouvais donc voir à la fois les rushes "normaux" avec Grace, et ceux avec ravatar Na'vi de Grace. C"était utile parce que fai essayé de composer un personnage particulier. Grace est une scientifique extrêmement motivée, qui fume des ciga­rettes à la chaîne, et qui est tellement obsédée par son trava il que cela en devient une névrose. Elle est en train de tomber en morceaux, à force de passer des nuits blanches à mener des expé­riences. Le seul moyen de se relaxer qu'elle ait trouvé, c"est de se projeter dans le corps de son avatar pour pouvoir aller explorer la forêt, escalader les arbres et découvrir de nouveaux spécimen de plantes. Quand elle fait cela, elle est soudain pleine de joie, et adop­te un comportement complètement différent, qui se traduit aussi dans sa gestuelle.

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Combien de temps votre personnage apparaît-il sous sa forme d'avatar? Pendant à peu près la moitié de son temps de présence à l'image.

Partagez-vous la fascination de James Cameron pour l'espace et pour l'ex­ploration ? Oui, je crois que je peux dire cela. Mon père était un expert en astro­nomie et j'avais appelé mon chien Vénus par référence à la pla­nète ! J'avais l'habitude d'imaginer des histoires qui se passaient dans l'espace, mais je n'ai jamais été une de ces personnes qui sont des fans de littérature de science-fiction. Les quelques romans que j'ai lus dans ce registre m'ont paru froids et un peu trop "cérébraux". Je viens de louer un classique des années 50, Les Mines du roi Salo­mon, avec Stewart Granger et Deborah Kerr. Je n'avais jamais eu l'occasion de le voir, et je l'ai adoré. C'est un bon vieux récit d'aven­ture avec des personnages passionnants et du suspense. Et quand

c'est Jim qui m'a appelée. Nous étions restés en contact depuis Aliens, et il avait eu la grande gentillesse de participer à la céré­monie de l'inauguration de mon étoile sur le "Hollywood Walk of Fame" de Hollywood Boulevard. Il avait même écrit et prononcé un discours à cette occasion.

DES TH~MES D'UNE BR0LANTE ACTUALIT~ Avez-vous utilisé des références en dehors du script pour composer votre personnage ? Pas vraiment. Mais je me suis quelquefois inspirée de Jim, parce qu'il est perfectionniste. Il est totalement impliqué dans son travail, et peut être furieux quand quelque chose ne marche pas comme c'était prévu, mais cela ne l'empêche pas d'être chaleureux et d'avoir bon cœur. Il m 'est cependant arrivé de jouer en agissant comme il

Ci-dessus : L ·amr Na 'vi de 6mt ayant ~~ créi en labol'llllire. il est physiologiquement plus jeune qu'elle. Pour reflltlr cette cmcttristique. les arlistts de Legecy Effrcts et de Wet.t ont donné au persœnsge1'1pparenct que Sigoumey Wemr mit roici vingt ans.

"Tous les thèmes que l'on trouve évoqués dans l'histoire d'Avatar sont devenus des questions capitales depuis que nous avons

tourné le film" (Sigourney Weaver) je pense à Avatar, je suis entièrement d'accord avec Jim, quand il dit que c'est un film qu'il avait envie de voir quand il avait 14 ans. Moi aussi, j'aurais adoré voir le film à cet âge-là. Et aujourd'hui qu'il existe , je me sens particulièrement chanceuse de participer à cette grande aventure qui va vraiment vous faire oublier qui vous êtes, et vous entraîner dans un autre monde avec une telle inten­sité que vous allez avoir l'impression de respirer l'air de Pandora. Le film vous saisit complètement. Je n'ai jamais éprouvé une telle impression au cinéma.

Comment vous a-t-on proposé le rôle ? Jim m'a téléphoné. Il voulait que je joue ce rôle, et il m'a envoyé le script. J'avais suivi le travail qu'il avait fait sur ses documentaires, ses tournages dans les grands fonds et je trouvais cela passionnant. J'étais évidemment très heureuse qu'il m'ait choisie pour jouer Gra­ce. Comme nous l'évoquions auparavant, c'était un personnage conçu pour être incarné par un homme, mais le fait de l'avoir transformé en femme est tout à fait justifié. J'ai du mal à imaginer un acteur tenant ce rôle, à présent. Grace est un personnage très instinctif, et dont le comportement devient très maternel à la fin de l'histoire. Mais pour revenir à notre premier contact à propos du projet, oui,

l'aurait fait, notamment en ce qui concerne le "rythme de fonction­nement" de Grace. Jim peut sembler décontracté, mais il est tou­jours en train de faire avancer des travaux en cours, toujours en train de réfléchir à quelque chose. Son esprit n'est jamais vraiment au repos. Je peux dire que les choses que j'ai empruntées à Jim ne sont pas des traits de sa personnalité, mais plutôt le rythme soutenu qu'il s'impose dans son travail.

Vous avait-on donné beaucoup d'informations sur le monde de Pandora. en dehors de celles qui figuraient dans le scénario ? Nous nous sommes rendus à Hawaï et j'ai travaillé aux côtés d'un botaniste. J'ai appris à prélever des échantillons de plantes, mais il a tout de même fallu que nous improvisions certaines choses, étant donné que l'action du film se déroule sur une autre planète. Au cours de ses expéditions dans la jungle, Grace emporte avec elle des appareils pour analyser l'air, pour mesurer les différents gaz qui le composent, et faire d'autres tests. Il y a donc un aspect scien­tifique dans le film, qui a été traité très sérieusement. Nous ne l'uti­lisons que de manière subtile, mais cette partie du récit est restée intacte dans le film, comme j'ai pu le constater en assistant à la pro­jection. Je crois qu'un personnage comme Grace pourra être une

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source d'inspiration, particulièrement pour les jeunes filles. Les choses se sont arrangées à présent, mais pendant longtemps, on a inculqué aux filles ridée que les métiers scientifiques n"étaient pas faits pour elles, qu"elles n"étaient pas douées pour comprendre la science. Mais pour revenir au script, beaucoup d" éléments concer­nant Grace restaient ouverts. J"ai travaillé avec plusieurs botanistes, mais j"ai surtout lu et relu le script pour réfléchir au personnage. Grace est très particulière, vous savez. Elle me rappelle des gens comme Diane Fessey, qui sont tellement focalisés sur leur but prin-

cipal qu"ils ne font pas vraiment attention à quoi que ce soit ni qui que soit d" autre. C" est pour cette raison que des choses nouvelles se passent dans la vie de Grace quand Jake arrive et quand il par­vient à unifier le peuple Na"vi et à faire en sorte que l"on puisse ras­sembler les différents clans.

Diriez-vous que run des thèmes du film est !"environnement et ce qui est en train d" arriver à notre planète ? Je crois que la cupidité, qui est l"un des personnages de notre his­toire, joue un rôle majeur dans notre monde actuel. Nous savons tous qu"elle est à !"origine de la crise économique que nous traver­sons, et qu"elle est omniprésente, au moins aux États-Unis, dans le monde de Wall Street, et dans les agissements de quelqu"un com-

"J'ai eu l'impression que James Cameron souhaitait presque que le tournage d'Avatar

ne s'arrête jamais" (Sigourney Weaver)

Ci-dessus , O"abonl hostile à Jake. qu "eUe prrnd pour un soldat sans

ce mlle. 6race va s "attacher à lui. tout comme à Trudy Chacon (Michelle

RodriguezJ et à Norm Spellman (Joel David Moorr).

me Bernie Madoff. De manière générale.la cupidité est à !"origine des agissements de beaucoup de gens sur cette planète. Ce qui peut nous amener à réfléchir à la véritable importance des choses. Au fond, qu"est-ce qui compte vraiment? En quels termes mesure+ on le bonheur ? Ce que Jim nous a dit auparavant, c· est que la scien­ce-fiction existe pour que les humains puissent découvrir par eux­mêmes ce que c· est que d" être un humain, quelle est notre relation avec !"univers, et ce qui est vraiment essentiel dans nos vies. Tous les thèmes que r on trouve dans !"histoire d" Avatar sont devenus des questions capitales depuis que nous avons tourné le film, et je crois qu'ils sont beaucoup plus présents qu"avant dans nos esprits. Je ne pense pas que le film assène un message aux spectateurs pour

autant. Stephen Lang, qui incarne le Colonel Quaritch, parvient à le rendre attirant, au moins à certains moments du film. Dans cer­taines scènes, sa façon d"agir le rend même assez merveilleux. Mais sur cette planète, sur cette lune qu"est Pandora, les aliens, ce sont les humains. Et vous savez, je crois que cette idée en dit beaucoup sur notre propre monde, sans vouloir faire passer un message. Ava­tar présente des gens qui font confiance à la Nature, qui la com­prennent, qui sont connectés les uns avec les autres et qui ont aus­si un lien particulier avec les animaux. Il y a beaucoup d"idées développées dans cette histoire, mais ce n"est pas pour autant un film à message. C"est un divertissement très riche dans lequel on trouvera une histoire d"amour, des scènes de comédie, beaucoup d"action, et un enjeu si important qu'il incite les personnages à ris­quer leurs vies. Je crois que cette histoire arrive au bon moment et qu· elle incitera les spectateurs à réfléchir aux thèmes que nous abordons, mais cela n'interférera en rien avec le plaisir qu"ils éprou­veront à découvrir le film dans les salles. Les gens n"auront pas le temps de réfléchir pendant le film, parce qu"ils seront entraînés par les événements à une telle allure qu"ils auront l"impression de se trouver sur une montagne russe !

Vous avez joué dans des films de science-fiction vraiment inoubliables ... Je me fie à la qualité du script. J"ai tourné dans les quatre films de la série Alien, et dans Galaxy Quest, mais comme dans tous les genres, il faut d"abord trouver la bonne histoire. Je crois que ce sont surtout les très bons scénarios de comédie qui sont les plus rares. Et ceux de science-fiction aussi. C"est d"abord la qualité du script qui motive mon choix, quel que soit le rôle que r on me propose de jouer dedans, et quel que soit le genre du film. C"est ce qui m·a permis de jouer des rôles très variés, sans faire de plans de carrière très précis. Et c· est ce qui me plaît.

Comment pensez-vous que le pubüc va réagir en découvrant Avatar? Je crois que dès que vous allez vous asseoir dans le fauteuil de la salle de cinéma, vous allez être entraîné trés loin. Il me semble que c· est un sentiment que nous aimons tous. Il y a tellement de choses dramatiques qui se passent dans le monde en ce moment... J"ado­re qu"un film m"emmène ailleurs et me fasse oublier toutes mes pré­occupations. C"est ce que l"on éprouvait en allant voir un film de David Lean. Dès que vous vous retrouviez dans votre fauteuil et que la musique commençait, vous saviez que quelqu"un allait s"occuper de vous et vous prendre par la main pour vous entraîner ailleurs. C" est exactement ce que ï ai ressenti en voyant Avatar. Jim a pensé à tout et c"est absolument magique. J"ai toujours su qu'il parviendrait à atteindre ce but, et je suis heureuse de voir que c· est fait.

Due pensez-vous des films en relief. en général. et de la manière dont James Cameron a utilisé cette technique dans Avatar? En ce qui me concerne, ce qui était le summum de la science-fic­tion dans ce film, c"est la manière dont nous !"avons tourné, avec le système de capture de performance. Sur le point précis de la 3-D Relief, Jim a aussi imaginé de nouveaux équipements, qui placent Avatar nettement au-dessus de ce qui se fait d"habitude. Je n"ai vu que quelques films en relief, et bien souvent, j"ai trouvé que les effets 3-D étaient réduits à des gags qui vous détournaient de !"action. Ce n"est absolument pas le cas dans Avatar. Quand vous voyez une scè­ne toute simple avec deux ou trois personnes qui parlent, la sensa­tion de relief est parfaitement naturelle, rien ne vous choque ou ne vous semble artificiel. C" est un peu comme si vous aviez le meilleur siège dans le décor où se déroule !"action! Je trouve que c"est une réussite assez exceptionnelle. Jim s"était fixé un but et il ra pleine­ment atteint.

Aimeriez-vous participer à la suite d"Avatar? Ah, je n"ai pas le droit d"en parler ! (rires). Par contre, ce que je peux vous dire, c"est que Jim n·a pas de projet précis pour l"instant. Tout ce qui compte pour lui, c· est de terminer le film, et de présenter aux spectateurs cette aventure qu'il avait lui-même envie de voir quand il avait 14 ans. Cette grande saga épique d"aventure, d"amour, et de découvertes.

Pour conclure. pouvez-vous nous dire si vous participerez au nouvel épi­sode de SOS Fantômes qui se prépare actuellement ? Je sais que ce sont de jeunes auteurs qui collaborent à la série The Office qui écrivent SOS Fantômes 3. Je crois que Bill Murray va jouer dans le film, et tous les acteurs des films originaux souhaitent le meilleur à ce projet. Je pense que !"histoire concerne une nou­velle génération de chasseurs de fantômes et je n'imagine pas vrai­ment ce que je pourrais y faire. J"ai suggéré à Ivan Reitman que mon fils Oscar, que l"on a vu dans le second épisode, pourrait fa ire par­tie de la nouvelle équipe. Je trouverais ça amusant. Je ne pense pas que je ferai partie de ce nouvel épisode, mais en tous cas, je leur souhaite bonne chance. • •

PROPOS RECUEILLIS ET TRADUITS PAR PASCAL PINTEAU

{tl : Sigourney Weaver était la voix de l'ordinateur dans cette production Pixar.

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Tandis que le dernier film de James Cameron envahit les salles obscures, sa contrepartie vidéo-ludique exhibe enfin ses atours. Vaste projet d'un genre nouveau qui brise les schémas rituels, cette adaptation enrichissante nous promet de passionner les aficionados pour de nombreuses heures, dans un monde résolument dépaysant.

Ci-dessus : Le précieux contrôle des cieux est loin d'être assuré pour les troupes de l'armée

humaine. Des profondeurs de la jungle jusqu ·aux plus hauts sommets. la Nature

profite de la vigueur et de l'ardeur de ses champions. animaux comme autochtones

Na 'vis. pour défendre sa vitalité.

Page opposée , Na 'vis contre humains. animaux contre machines. hommes contre animaux. le conflit revêt plusieurs formes.

L 'histoire du jeu se situe deux ans avant les événements dépeints dans le film, au cœur d'une parcelle diffé­

rente de la planète. Le joueur y incarne Able Ryder, un spécialiste des signaux tout droit venu de la Terre pour renforcer les équipes de la RDA, consortium privé chargé d'exploiter les importantes res­sources naturelles de la planète Pandora. Sans grande surprise, on apprend que [humanité est arrivée à bout de celles dont disposait la Terre, et qu'il est donc nécessaire d'en importer pour vivre décem­ment, sans vraiment s'intéresser à l'impact sur autrui. Able a pour mission de localiser un site sacré que la société esti­me crucial pour ses opérations. Les Na'vis, population indigène légi­timement rétive à l'idée de laisser les envahisseurs et leurs machines infernales piller leur planète, ont décidé d'user de violence pour repousser les humains. Point névralgique du conflit, chacune des factions s'emploie alors à contrôler le site concerné, prétendument décisif pour le futur des populations autochtones. Une relecture spatiale de ce travers redondant de notre histoire, qui aborde [habituel dilemme : le héros va effectivement découvrir la pla-

nète et son peuple sous un autre jour, et devra choisir entre ses congé­nères ou ses nouveaux amis. Plus exactement, il appartiendra au joueur de décider de quel côté il fera pencher la balance, car la prégnance du choix est affirmée par le scénariste Kevin Schorrt, qui place ses inten­tions aux antipodes de tout déterminisme rigide. La trahison pour une cause juste ou la fidélité à des fins douteuses, les conséquences seront lourdes quelle que soit r option privilégiée.

CAMPING SAUVAGE ET RÉJOUISSANCES GUERRI~RES Dans Avatar : le jeu, le personnage est dirigé en vue à la troisième personne. Le joueur [aperçoit de dos, légèrement surélevé, réti­cule de visée à [horizon. Majoritairement, il s'agit en effet de com­battre à raide d'un arsenal impressionnant des ennemis successifs et variables, Na'vis ou animaux, machines ou soldats, dans les forêts foisonnantes de Pandora. Ponctuellement, le joueur peut piloter des véhicules ou contrôler des animaux volants, multipliant ainsi les sensations ressenties, amplifiant [expérience de jeu. La progression dans [histoire ainsi que l'alternance des cycles jour/nuit modifie la perception que le joueur peut avoir de son nouvel environnement. Hostiles, redou­tables, brossant un portrait d'enfer végétal, la flore et la faune locales deviennent progressivement magnifiques. Pandora se dessine alors comme le jardin d'Eden, un paradis sauvage ourlé de perfection que [harmonie maintenue par les Na'vis n'a pas souillé. Plongé dans un enchevêtrement naturel merveilleux, parmi des créatures originales et modélisées avec soin sur la base du moteur graphique du jeu Far Cry 2, le joueur est amené à se sentir minus­cule, désemparé face au gigantisme virtuel de Pandora. Grâce au Programme Avatar, pierre angulaire du scénario, le joueur peut prendre les traits de fun des Na'vis, explorer des espaces dantesques sans le matériel que la condition humaine impose pour la survie dans cet environnement dépourvu d'oxygène. Ses armes, car elles sont ici aussi fort sollicitées, sont alors rudimentaires bien qu 'effi­caces une fois maîtrisées. Trait d'union avec le film, Grace Augustine (Sigourney Weaverl, Tru­dy Cha con (Michèle Rodriguez) et le Commandant Quaritch (Ste­ven Lang) sont également présents dans le jeu, bien qu'en filigrane malgré la récurrence de certains d'entre eux dans la trame.

UN UNIVERS, DEUX HISTOIRES La version vidéo-ludique d'Avatar s'illustre par le fait qu'elle est tout aussi contributive que tributaire. Pour exprimer le lien entre les deux aventures, James Cameron précise "qu'il s'agit d'un monde, mais de deux moyens pour l'apprécier". Cette visée en tête, le réalisateur et l'équipe d'Ubisoft ont travaillé en étroite collaboration, de rau be du projet jusqu'à son aboutissement. "C'est la toute première fo is que j'ai été impliqué dans la création d 'un jeu depuis le commen­cement même du projet de film", résume-t-il. Lorsque [éditeur français a été chargé du projet, la première bar­rière entre les deux mondes du divertissement a été mise en exergue : une histoire ne se conte pas de la même manière lorsqu'elle est interactive que lorsqu'elle est consommée. Ubisoft désirant placer la narration au centre de son jeu, il fallait impérativement résoudre le casse-tête sur lequel ont buté de trop nombreux développeurs,

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au grand dam du public, joueurs comme cinéphiles. Outre la créa­tion d'une histoire différente de celle du film , il fallait envoyer des signaux émotionnels aussi intenses, malgré les spécificités inhé­rentes aux jeux vidéo. L.:équipe d'Ubisoft a donc enrichi le monde, créé une mythologie, dressant un premier portrait de leur projet répondant aux exigences ludiques, avant de proposer le résultat au maître d'œuvre final , James Cameron. Rapidement convaincu, rajoutant sa touche per­sonnelle, le réalisateur a donné le feu vert et le monde de Pandora s'est alors progressivement étoffé, alimenté par les scénaristes d'Ubisoft et l'équipe de Cameron réunis. Sur la base de ce socle com­

mun, l'histoire du jeu a été fondée avec pour objectif de présenter une autre facette de la planète luxuriante, une alternative pour arpen­ter ses vastes forêts autrement, sans pour autant s'écarter de ridée fondamentale. L.:univers imaginé par le cinéaste voici plus de dix ans s'est doté, grâ­ce à ce pendant vidéo-ludique, d'une interactivité et d'une profon­

deur qui permettent à ses fans de le parcourir à loisir, par l'expé­rience d'une histoire différente et nourrie par deux visions.

EFFETS VISUELS CROISÉS, TECHNOLOGIES DE POINTE L.:expérience puise sa force dans cet environnement rendu plus com­plet par cet échange constant, mais elle s'appuie également sur l'as­sociation de technologies proches, enfin réellement mises en com­mun et qui font le sel de cette aventure inédite. Yves Guillemot, PDG d'Ubisoft, affirmait dès l'annonce de la colla-

boration : .. Le scénario, l'intensité visuelle et les effets spéciaux seront une source d'inspiration exceptionnelle pour créer une expé­rience interactive unique ... lnspirés, ses propos préfiguraient effec­tivement le partage artistique qui a lié les créatifs durant l'aventu­re A~oatar. Ubisoft a bénéficié d'un accès total aux travaux précédemment réalisés pour le film, notamment ceux accomplis par Weta Digital en format numérique. Idées, croquis d'animations, animations, fichiers audio, modèles 3D, tout le matériel requis a été fourni par l'équipe de James Cameron pour favoriser la conception d'un résul­tat vidéo-ludique au plus proche du film.

UN SECRET BIEN GARDÉ Tout comme celui-ci, le jeu bénéficie par ailleurs d'un traitement 3D, malgré l'absence de télévision compatibles à ce jour, en dehors des prototypes. Grâce à la stratégie adoptée pour la réalisation du pro­jet le plus attendu de l'année, défini selon Brent George, directeur artistique d'animations chez Ubisoft, comme n'étant .. pas vrai­ment un film, ni vraiment un jeu, mais une expérience .. , le joueur peut vivre l'aventure au sein même d'un monde rendu singulière­ment crédible par un apport bilatéral. C'est la première fois qu'un projet de cette envergure est mené à son terme, chacun des deux médias empruntant à l'autre sans oublier d'approvisionner en retour, sur la même assise technique. Chez Ubisoft, on ne plaisantait pas avec la confidentialité qui auréo­lait Avatar. Dans les locaux de développement du jeu à Montréal, les

employés impliqués dans ce projet d'envergure ont été isolés, mar-

qués du sceau du secret. Au sein d'un compartiment érigé pour l'oc­casion, affectueusement surnommé .. le Bunker .. , une fourmilière

de développeurs se sont échinés dans la discrétion absolue, chacun d'entre eux disposant de deux ordinateurs pour la conception de ce projet pharaonique. Le premier était dédié à l'activité habituelle, dépourvue de restrictions, à contrario du second réservé aux tra­vaux liés à Avatar, imbriqué dans un réseau interne rigoureusement verrouillé. Une première chez Ubisoft ! Un carnet de développeur diffusé au goutte-à-goutte par le site offi­ciel, quelques informations délivrées par le scénariste, de rares images laissées en pâture par doses homéopathiques, Avatar: le jeu s· est éloigné de r effet buzz rencontré ces dernières années pour chaque grosse sortie. Le moindre mot, la plus petite icône, la tota­lité du contenu furent sous contrôle pour éviter la plus minime des fuites, les leviers employés s'étant avérés efficaces.

Sans aucun doute, la stratégie ainsi adoptée a le bénéfice de magni­fier la découverte pour les joueurs, bien souvent reléguée au statut du souvenir nostalgique. En revanche, romerta entourant le jeu ra desservi, laissant les projecteurs s'aligner sur d'autres titres davan­tage médiatisés. C'est toujours avec un léger regret que l'on voit le résultat d'un travail de longue haleine s'occulter par excès de pudeur, et c'est d'autant plus vrai pour une expérience dotée de ce poten­tiel. Il nous reste à espérer qu'elle inspirera les studios, de cinéma comme de jeux, pour assister à l'éclosion de nombreux contenus

alignés sur le même schéma. • •

DAVID R tDEL

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sur une économie d'abondance favorisant le progrès des sciences et de la technologie, tout en garantissant à chacun la satisfaction de ses besoins et désirs. Le travail tel que nous le connaissons ou le commerce ne sont plus nécessaires, avec pour conséquence la dis­parition de l'argent. En outre, Roddenberry utilisa sa série pour promouvoir ses idées éga­litaires en mettant en scène des interprètes de toutes origines eth­niques. À l'instar de Nichelle Nichets (Lieutenant Nyota Uhural. qui devint la première femme afro-américaine à tenir un rôle principal à la télévision. Walter Koenig (Pavel Chekov) incarne un personnage originaire de Russie à l'heure où les États-Unis étaient en pleine guer­re froide avec l'Union Soviétique. Sans oublier George Takei, inou­bliable lieutenant Hikaru Sulu dont le nom est un mélange de japo­nais et de philippin. Une audace que l'on retrouve avec Spock dont l'aspect vaguement satanique fut l'objet de vives polémiques, les pro­ducteurs craignant de choquer les téléspectateurs. Mais contraire­ment à Majel Barrett, qui interprétait le commandant en second dans le premier pilote, avant d'être débarqué par la Paramount qui jugeait la présence d'une femme à ce poste irréaliste, Spock resta en place et devint un des personnages favoris du public. Autre exemple de ce besoin d'exploser les règles en vigueur, r épisode intitulé La Des­cendance voit le premier baiser entre un Américain blanc (Kirk) et une Afro-américaine (Uhural, même si le scénario utilise un habile sub­terfuge à base de contrôle mental comme prétexte.

~ULTIME FRONTIÈRE Mais la vision idéaliste, et idéalisée, de ce que pourrait être notre futur ne s'arrête pas à un équipage universel. Pour incarner cette unité qu'il voulait plus étendue que les seules limites de la Terre, Gene Roddenberry imagine Starfleet, une organisation militaire atta­chée à la défense, la recherche et l'exploration spatiale, ainsi que la Fédération Unie des Planètes, qui regroupe différents mondes et systèmes sous une bannière unique. Enfin l'ensemble des séries et

films Star Trek situent leur action au sein d'une galaxie unique, dont l'exploration et la pluralité restent au cœur de la franchise. Riche, complexe et en perpétuelle évolution, la "Galaxie Star Trek" est subdivisée en quatre parties - les Quadrants - désignés par les premières lettres grecques, soit le Quadrant Alpha, le Quadrant Beta, le Quadrant Gamma et le Quadrant Delta. Chaque Quadrant est égal à un carré de 50 ooo années-lumière de côté et accueille divers peuples. Ainsi le Quadrant Alpha regroupe presque la totalité des planètes de la Fédération des Planètes Unies, y compris la planète Terre. Malgré plusieurs siècles d'exploration, l'essentiel de ce qua­drant demeure inexploré. Il rassemble l'Alliance Ferengi, l'espace Breen, l'Union Cardassienne, l'espace bajoran, la Confédération Garn ou encore la Fédération des Planètes Unies, à cheval sur le Quadrant Alpha et le Quadrant Beta. Celui-ci compte le puissant Empire Klin­gon, l'Empire Stellaire Romulien et l'espace Borg qui s'étend sur plus de 40 ooo annèes-lumière depuis le Quadrant Delta. S'ajoutent, entre autres, l'Empire Krenim, la Sodalité Vidiienne, l'espace Hirogen ou les Sectes Kazon. Enfin le Quadrant Gamma est l'espace le plus mys­

térieux et le plus méconnu de la galaxie. Les rares informations dis-

ponibles sont le résultat de rumeurs et des rapports du vaisseau Voyager, perdu dans le proche Quadrant Delta durant de longues années. En l'état actuel des connaissances rassemblées par Star­flee!, le Dominion y serait le grand contrôleur territorial, avec une taille estimée à environ dix fois celle de l'Empire Klingon. Évidem­ment chaque Quadrant rassemble une quantité incroyable de pla­nètes habitées ou occupées, au point qu'il est presque impossible d'en dresser une cartographie précise et exhaustive.

ETHNOLOGIE SPATIALE L.:univers de Star Trek est donc peuplé d'un grand nombre de races extraterrestres intelligentes, c'est-à-dire capables d'entrer en com­munication avec l'espèce humaine. Encore une fois, il serait long, fastidieux, et passablement soporifique de se lancer dans une inter­minable litanie de toutes les races apparues au gré de la franchise. Mais à l'instar de George Lucas avec Star Wars, chacune d'elles pro­fite d'une description détaillée, couvrant une large partie de son spectre identitaire. Ainsi les Ba jo rans sont physiquement très proches des humains, à l'exception de petites arêtes horizontales situées entre les yeux, sur le haut du nez. Ils portent une boucle ornée d'une chaînette, appelée d'ja pagh, à l'oreille droite. Le motif de ce bijou correspond à la caste à laquelle appartient celui ou celle qui le porte. L.:occupa­tion cardassienne ayant contraint un grand nombre de Bajorans à prendre les armes, le système des castes est devenu obsolète et les boucles d'oreille se sont peu à peu transformées en symboles religieux. Les Ferengis sont plus petits que les humains et possè­dent de larges oreilles (qui sont une zone érogène), des dents poin­tues qui attestent de leur origine insectivore, un front double et un cerveau à quatre lobes imperméable aux pouvoirs télépathiques des Bétazoïdes et des Vulcains. Toute leur culture repose sur la recherche du profit, leur fortune déterminant leur rang social. Citons encore les incontournables Klingons, humanoïdes généralement

plus grands et plus forts que les humains, ils possèdent une arête osseuse verticale sur leur front. Elle est la marque génétique de l'espèce, précisant l'appartenance à une maison, tout en différen­ciant les individus. L.:empire Klingon possède sa propre langue, sa technologie et sa culture, essentiellement tournée vers la guerre. Les principaux traits de caractère des Klingons sont l'agressivité et le sens de l'honneur, indissociable de celui de la famille. Les Klin­gons jouissent du statut de "race favorite" de la plupart des fans, certains allant jusqu'à parler le Klingon, "langue vivante" qui pro­fite d'une véritable existence grammaticale et orthographique à l'instar de l'Elfique enfanté par J.R.R. Tolkien. Il ne s'agit que de quelques exemples d'une cartographie ethnique et culturelle excessivement étendue, rassemblant plus de 80 espèces rencontrées au fil des séries et des films. Encore une fois, la com­paraison avec la galaxie Star Wars est inévitable étant donné que les deux franchises partagent une cosmologie très complète et com­plexe, largement documentée, en constante évolution, et mise à jour régulièrement par les scénaristes, les auteurs, les romanciers, les

producteurs et les fans eux-mêmes.

Ci-dessous , ta Fédération des Planètes Unies possède de nombreuses bases ou postes avancés à travers la galaxie. les plus connues se trouvant en orbite de la ferre. ou près de la planète Bajoran. cette dernière servant à organiser l'exploration du quadrant Gamma.

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V) U-1 __, Ci-dessus, dans /'ép1sode les descendants-. Kirk

et Uhura échangent un langoureux ba1ser alors qu'ils sont sous l'emprise psychologique d'extra­terrestres.Une image de tolérance qui ne fut pas

du goût de tout le monde ... Ci-dessous, Leonard Nimoy. entre des mains

expertes. s ·apprète à devenir M. Spock. En-dessous, Le Or Chape/ (Maje/ Barret épouse

de Gene Roddenberry) et le Or McCay (regretté OeFonest Kelley) à l'infirmerie.

UNITÉ COSMOPOliTE Autre constante de l'univers créé par Gene Roddenberry, la tradi­tion de r équipage cosmopolite. Mise en place dès Star Trek C/as­sic (ainsi renommée pour la différencier de ses nombreux spin-off), et systématiquement reprise sur toutes les séries, l'idée est de réunir une équipe hétéroclite visant à promouvoir la soif d'unité et de mixi­té voulue par Roddenberry. Et qui mieux que les capitaines peuvent incarner cette idée ! Après James T. Kirk, c'est au tour du Français Jean-Luc Picard (excellent Patrick Stewart) de reprendre le flambeau à l'occasion de Star Trek Next Generation (1987-1994!. Puis Benjamin Sisko (Avery Brooks), afro-américain, devient le capitaine de la base stellaire Deep Spa­ce Nine (1993-19991. avant qu'une femme, Kathryn Janeway (Kate Mulgrew). prenne les commandes du Voyager 11995-2001). À bord de ces différents vaisseaux, nous croisons des Borgs, des Vul­cains, des Klingons, des Fenregis, des Cardassiens, des Bajorans, des T rills et même un métamorphe Korrigan qui sont autant de sym­boles d'intégration et d'ouverture vers les autres. D'ailleurs il s'agit souvent des premiers membres de leur espèce à rejoindre les rangs de Starfleet, montrant le désir de créer une société multiculturelle où chacun partage son savoir et sa technologie.

ÉMANCIPATION MÉTHODIQUE Celle-ci occupe justement une place de choix dans Star Trek, les séries étant une source d'inspiration avé­rée pour de nombreux chercheurs qui y puisent certaines idées de ce que pourraient être les technologies de demain. Dès sa création, Star Trek n'hésite pas aligner un vocabulaire barbare et incompréhensible, visant à décrire des concepts scientifiques ima­ginaires s'appuyant sur une possible réalité en devenir. Des torpilles à photons au tricordeur en passant par l'holodeck, le moteur à distorsion, le combadge ou le bou-

elier occulteur, tout semble crédible puisque présenté sous un angle plausible de simple évolution technique. Au final, c'est tout un jar­gon propre à Star Trek qui nous est offert, et que la saga partage avec d'autres univers de science-fiction, voire d'autres domaines plus rationnels comme la marine, l'astronautique ou la physique. Pour l'anecdote, le téléporteur, sans doute le gadget le plus emblé­matique de Star Trek qui reste la seule série à en avoir fait un moyen de transport courant, ne doit son existence qu'à des raisons bud­gétaires. La première série n'avait pas les moyens de financer l'ef­fet spécial consistant à faire atterrir puis redécoller une navette à chaque épisode. La mise en scène de la téléportation se résu­mant, d'un point de vue des effets spéciaux, à un simple collage, elle fut adoptée. Reste que si Gene Roddenberry, et les différents auteurs de Star Trek après lui, sont parvenus à imposer des notions et des idées purement fantaisistes au moment de leur création, ces dernières se sont révélées être le point de départ de recherches sérieuses qui pourraient aboutir demain à rendre Star Trek moins fictionnel et plus pragmatique.

PREMIÈRE DIRECTIVE Néanmoins, tout n'est pas rose dans le monde magnifié de Gene Roddenberry, et les conflits politiques et territoriaux bouleversent régulièrement l'équilibre parfois précaire d'une assemblée si bigar­rée sur le plan ethnique, religieux, social et culturel. Si certaines races- sous la pression des fans- rejoignent la Fédération (tels les Klingons ou les Ferengis), d'autres en revanche restent une mena­ce omniprésente tant dans les séries que dans les films (les Borgs, les Romuliens, les Cardassiens). Mais là encore il n'est pasques­tion de manichéisme enfantin ou de raccourcis malheureux, les Star Trek allant au-delà pour nous offrir des récits complexes, pas­sionnants et propices à la réflexion. À l'image de Star Trek VI : Terre Inconnue (1991) qui permettait à Kirk de surmonter sa haine des Klingons pour permettre à la paix de s'installer. Idem pour Star Trek First Contact (1996) qui présentait les raisons du changement profond de l'espèce humaine au travers de la rencontre avec une autre forme de vie, en l'occurrence les Vulcains, leur permettant d'accéder à un nouveau niveau de conscience et de perception. Il en va de même pour les différentes séries dont les canevas narratifs très proches s'articulent souvent autour de valeurs essentielles telles

que le partage, l'écoute, la diversité, le res­pect de l'autre et l'échange. Déjà, Star Trek Classic introduit la "Première Directive" qui contraint la Fédération à ne pas interférer dans révolution des espèces moins évoluées, y compris lorsqu'elles sont menacées de destruction ou d'extinction. Un

principe qui résume assez bien r esprit Star Trek imaginé par Rod­denberry voilà plus de 40 ans, mais qui évolue ici, délaissant l'as­pect "exploration 1 premier contact" pour mettre en scène des races équivalentes sur le plan technologique, désireuse de ne pas interférer inutilement ou de manière ostentatoire, dans l'évolution d'une autre espèce. Pour mémoire, les Vulcains ne viennent au contact des hommes que parce que ces derniers sont parvenus à voler dans l'espace grâce au principe de la distorsion, rejoignant ainsi les autres races dans la connaissance et la maîtrise en matiè­re de conquête spatiale.

AU-DELÀ DES ÉTOILES Au lendemain de Star Trek, annulée en 1969 après seulement trois saisons, Gene Roddenberry s'essaye au cinéma sans grand succès avec Pretty Maids ali in a Row (1971). Il s'attelle ensuite à l'écriture de quatre nouvelles séries de science-fiction, The Gues­tor Tapes, Genesis Il, Planet Earth, et Strange New World, chacune ayant un pilote produit sans qu'aucun ne soit retenu. En 1975, il obtient le feu vert de la Paramount pour développer une seconde série Star Trek avec pour seule obligation de conserver un casting aussi proche de r original que possible. Baptisée Phase Il, le projet

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fut abandonné au profit d'un long-métrage devenu Star Trek, le film 119791 de Robert Wise. Malgré un accueil critique mitigé, cette première incursion au cinéma est couronnée de succès au box-office, entraînant la mise en chantier de multiples suites. Il est amusant de rappeler que le postulat de départ de Star Trek Il avancé par Roddenberry impliquait réquipage de rEnterprise dans rassassinat de John F. Kennedy. Proposition rejetée pat le studio qui décida de confier le film au scénaris-

te et producteur Harve Bennett, Gene Roddenberry se contentant du poste de consultant. Il eut un semblant de revanche en 1987 lorsqu'il inaugura une nouvelle série Star Trek sous le titre La nou­velle génération. Malheureusement, suite à un conflit avec la Guil­de des Ecrivains de Télévision !The WGAI, il ne put prendre un rôle actif dans la production de la seconde saison. Alors quïl était libre de reprendre le travail sur la troisième saison, sa santé déclina sérieusement, le contraignant à céder graduellement le contrôle à Rick Berman et Michael Piller. Le dernier film basé sur la série originale, Star Trek VI: Terre incon­nue 119911 de Nicholas Meyer, est dédié à la mémoire de Gene Rod­denberry qui aurait vu une version du film quelques jours avant sa mort à râge de 70 ans. Avec 726 épisodes et 11 films, la franchise Star Trek reste une réfé­rence incontournable. Son influence, tant au niveau de la technolo­gie que de la science-fiction Ides séries comme Babylon 5 ou Star­gate sont basées sur ce modèle), ou de la manière de concevoir un univers cohérant et réaliste, lui confèrent un impact colossal dont une grande part du mérite revient à Gene Roddenberry. Et si les controverses quant à la paternité de r ensemble des éléments appa­rus au fil de la franchise sont nombreuses, nul ne conteste le sta­tut de créateur visionnaire d'un auteur avant-gardiste et précurseur. Selon ses dernières volontés, une capsule de la taille d'un rouge à lèvres contenant ses cendres fut envoyée dans r espace, en orbite autour de la Terre, pour un peu plus de cinq ans, après quoi elles brûlèrent dans ratmosphère terrestre. Là où aucun homme n'est jamais allé avant. • •

THOMAS DEBELLE

Ci-dessus : le célèbre procédé de la téléporlation. Tout en haut de gauche à droite , Uhura !Niche/le Nichols}. lkari Sulu (George Takei). James T. Kirk (William Shatner}. Pmi Chekov {Walter Koenig}. Or Chapet (MajeiBarreQ. M. Scott (James Ooohanl. M. Spock (Leonard Nimoy/. et le Or McCay IDe Forrest KeUey/. L'équipage principal de la passerelle de f'Enterprise au grand complet !

À gauche : "Star Trek VI , Terre Inconnue- Alors que les Klingons sont au bord de l'extinction. Spock décide de négocier la paix avec eux. Ce sixième film de la série. signé Nicholas Meyer. et le dernier avec l'équipage initial aux commandes de f'Entetprise. est peut-être l'un des plus politisés.

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L'HISTOIRE DES

PIER.CINNJJCE.

LA NOUVELLE MAGIE Alors que James Cameron nous propose de rencontrer les Na'vis, des extraterrestres humanoïdes, revenons sur l'évolution technique des personnages conçus en images de synthèse. Du MCP de Tron à Davy Jones, en passant par le T1000, Woody de Toy Story, Jar Jar Binks ou encore Gollum, les personnages 3D n'ont cessé de s'approcher du photoréalisme ...

De haut en bas. de gauche à droite , "King Kong~ "Le Seigneur des

Anneaux , les Deux Tours ·. "Final Fantasy" et "L 'Incroyable Hulk".

Les images de synthèse doivent bien sûr leur existen­ce à l'essor de l'informatique. Les conflits étant tou­

jours synonymes de progrès technologiques, les ancêtres des premiers ordinateurs apparaissent au cours de la Seconde Guerre Mondiale. En 1943. des scientifiques américains développent une machine capable de calculer des tirs de missiles. Inauguré en 1945. l'E.N.I.A.C. (Electronic Numericallntegrator Analyser and Compu­ter) devient le tout premier ordinateur et réalise près de 100 000 calculs par seconde. Au cours de la décennie suivante, la puissan­ce des ordinateurs augmente de manière exponentielle. Lestra­vaux de recherche et de développement permettent ainsi la créa­tion d'applications innovantes. Au début des années 60, William Fetter modélise pour la première fois un être humain sur ordina­teur, en vue orthographique. Son logiciel permet de déplacer des points dans un espace tridimensionnel. En traçant des lignes entre ces points, il crée des représentations d'objets en " fil de fer" . Ces images de synthèse rudimentaires, que William Fetter nomme "Computer Graphies", sont à l'origine d'une série de découvertes qui révolutionneront l'industrie de l'audiovisuel. En 1967, Lee Har­rison cherche à animer des personnages dans un espace tridi­mensionnel et expérimente la capture de mouvement. Grâce à une

, DU CINEMA

tenue bardée de capteurs, les gestes d'un mime sont enregistrés et appliqués en temps réel sur un personnage 3D. Au début des années 70, les Français Pierre Bézier et Henri Gouraud mettent res­pectivement au point un mode de calcul de courbes et un logiciel permettant l'application d'ombres sur des objets 3D. En 1973. Fred 1. Parke élabore Face, la première animation faciale en images de synthèse. Un visage humain y simule des expressions réalistes en synchronisation labiale avec un texte. La même année, Ed Cat­mull, futur fondateur et président du studio d'animation Pixar, inven­te le système d'animation Motion Picture Language, qui lui permet d'animer une main et un visage, ainsi que la technique de " texture mapping" permettant de texturer des volumes 3D. Les images de synthèses sont encore rudimentaires, mais elles vont pouvoir faire leurs premières incursions au cinéma ...

PREMIERS PAS Dans ses court-métrages d'animation Metadata (19701 et La Faim (19751. le cinéaste Peter Foldes transforme des images 2D en gra­phismes 3D en mouvement. Les métamorphoses des personnages représentent une avancée dans le domaine des images de synthè­se. En 1976, une scène des Rescapés du futur, suite du célèbre Mond­westréalisé et écrit par le regretté Michael Crichton, montre la créa­tion d'un clone de l'acteur Peter Fonda. Pour les besoins de cette séquence, les producteurs font appel à Ed Catmull et Fred Parke afin d'animer sur un écran vidéo le visage de la réplique virtuelle du comédien. Il faut ensuite attendre 1981 et Looker- de Michael (rich­ton, toujours à la pointe de la science- pour découvrir le premier personnage totalement conçu en images de synthèse ; un clone vir­tuel de l'actrice Susan Day. En 1982, Tron révolutionne l'usage des

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effets spéciaux en dévoilant les premières scènes de cinéma entiè­rement réalisées en 3D. Au total, quinze minutes d'animation numé­rique ont été créées afin d'illustrer un monde numérique, une partie du film se déroulant à lïntérieur d'un ordinateur. Parmi les nombreuses trouvailles du film de Steve Lisberger - qui va bénéfi­cier d'une suite en 2010 -, notons la modélisation et ranimation en images de synthèse d'un "personnage informatique'',le MCP (Mas­ter Control Programl. Les scènes du MCP sont conçues par la socié­té Triple-!, dont le logiciel ASAS (Actor/Scriptor Animation System) utilise des dessins vectoriels. L.:image est décomposée sous forme de multiples polygones avant d'être recomposée en trois dimen­sions. Deux ans plus tard, The Adventures of André and Wally 8 est le premier cartoon entièrement réalisé en images de synthèse. Conçu par Lucasfilm Computer Graphies et réalisé par John Lasseter (futur réalisateur de Toy Story), ce court-métrage suit les aventures d'un personnage qui tente de détourner l'attention d'une facétieuse abeille. Mêlant habilement technique avant-gardiste et véritable récit, ce premier essai rencontre un franc succès au salon Siggraph de 1984 et incite lïndustrie cinématographique à se pencher sur les possi­bilités offertes par les images de synthèse. En 1985,le court-métra­ge canadien Tony De Pel trie met pour la première fois en scène un personnage virtuel à forme humaine -exprimant des émotions grâ­ce à ses expressions faciales et aux mouvements de son corps .. .

LA MOISSON AUX OSCARS En 1985, Le Secret de la pyramide est le premier film à intégrer de manière crédible un personnage virtuel au sein de prises de vues réelles. T 'est Dennis Muren, le superviseur des effets spéciaux pour lndustrial Light & Magic, qui a eu l'idée d'utiliser l'image de synthè­se pour cette scène", se souvient John Lasseter. "Personne n'osait trop espérer que ça fonctionnerait. Une figurine articulée avait même été fabriquée en cas d'échec ...... Dans cette production Spielberg racontant la jeunesse de Sherlock Holmes, d'épouvantables hallu­cinations prennent vie dont un chevalier qui sort littéralement d'un vitrail. Si elle ne dure qu'une dizaine de secondes, cette séquence élaborée par le studio ILM impressionne durablement les specta­teurs. Le film reçoit d'ailleurs une nomination à l'Oscar des meilleurs effets visuels. Au cours de l'année suivante, Luxo Jr, le premier court-

métrage du studio d'animation Pixar (ex-Lucasfilm Computer Gra­phies), révolutionne ranimation 3D grâce à la qualité de sa narra­tion. Le récit n'a rien à envier aux cartoons de la grande époque : le réalisateur John Lasseter transforme de simples lampes de bureau en personnages à part entière ! Luxo Jr. rencontre le succès auprès du grand public et montre que l'image de synthèse n'est qu 'un outil au service d'une histoire. Pixar (entr)ouvre alors la voie pour un long-métrage d'animation numérique ... À l'occasion d'une séquen­ce de voyage temporel où les visages de r équipage de l'USS Enter­prise subissent des altérations, Star Trek IV : Retour sur Terre (1986) devient le premier film pour lequel on scanne- à raide d'un laser­le visage de plusieurs comédiens. Il s'agit d'une étape importante dans le processus de reproduction numérique d'acteurs ... En 1989, les visages d'Ed Harris et de Mary Elizabeth Mastrantonio sont ain­si numérisés en 3D grâce à un appareil nommé Cyberware. Cette technique permet au pseudopode liquide d' Abyss de mimer leurs expressions. Il n'existe alors aucun autre moyen pour concrétiser ridée originale de James Cameron ! Le pseudopode liquide, qui a nécessité près de huit mois de travail, permet à ILM de décrocher l'Oscar des meilleurs effets visuels ...

UNE RÉVOLUTION EST EN MARCHE S'il n'est pas encore possible de créer des personnages humains photoréalistes, toute l'industrie du cinéma comprend que le numé­rique va permettre de concrétiser les idées les plus folles. S'il fal­lait auparavant utiliser diverses techniques (animation image-par­image, marionnettes, animatroniques, maquillages ... ) pour insuffler la vie aux créatures, les images de synthèse s'apprêtent à révolu­tionner le domaine des trucages. La société Kleiser-Walczak nom-

me d'ailleurs "synthespians" (acteurs de théâtre de synthèse iles personnages 3D. En 1991, Terminator 2: Le jugement dernier frap­pe un grand coup en introduisant le T1ooo, un cyborg de métal liqui­de polymorphe. Le corps du comédien Robert Patrick est intégra­lement scanné dans les locaux d'ILM, les techniciens lui traçant une grille sur l'intégralité du corps. Les différents mouvements (marcher, courir, etc.) du comédien sont ensuite filmés devant un fond vert. Enfin, les techniciens scannent son visage en trois dimen­sions afin d'obtenir un modèle en 3D du T-1000. "Nous étions à la pointe de la technologie ", se souvient James Cameron. "J'ai pris des risques avec Abyss ... et davantage avec Terminator 2. Sur Abyss, nous avons utilisé l'outil numérique pour une unique séquence. Si cela n 'avait pas fonctionné, cela n'aurait pas handicapé le reste du film. PourTerminator 2,le succès- ou le fiasco- reposait entiè­rement sur les effets numériques". Il est certain que le T1000 n'aurait jamais pu être conçu à l'aide des techniques de trucage traditionnelles. En 1991, le corps de l'acteur Jeff Fahey est égale­ment numérisé afin d'être intégré dans les scènes de réalités vir­tuelles du film Le Cobaye ...

DES DINOSAURES ET DES DRAGONS Deux ans plus tard,le studio lndustrial Light & Magic signe une nou­velle révolution dans le domaine des effets numériques : les dino­saures de Jurassic Park sont les premiers animaux 3D hyperréa­listes de l'Histoire du cinéma. Rappelons toutefois que les gros plans des créatures nécessitent l'utilisation de dinosaures animatroniques. Qu'importe, le film de Steven Spielberg marque un tournant dans l'histoire des effets visuels : à l'avenir, les trucages traditionnels seront peu à peu remplacés par les images de synthèse ... En 1994, ILM est à l'origine de deux avancées majeures : la création d'une fourrure en 3D (à l'occasion de l'adaptation cinématographique de La Famille Pierrafeu)et le remplacement d'un cascadeur par son avatar numé­rique (pour The Mask). The Mask représente également une évolu­tion, puisqu'il y est impossible de deviner quelles parties du corps de Jim Carrey sont remplacées par leur équivalent numérique. Toutes les déformations sont possibles et r acteur se transforme en un véri­table personnage de dessin-animé ... En 1995. Casperdevient le pre­mier personnage principal réalisé en 3D d'un film,les artistes d'ILM réussissant à lui insuffler une véritable personnalité. Les différents fantômes du film sont modélisés en scannant des sculptures des personnages. Les modèles 3D ainsi obtenus sont ensuite animés par " images clés" : les animateurs les placent dans les principales posi­tions que les personnages doivent prendre dans un plan. Le logiciel Softimage calcule ensuite les positions et mouvements intermé­diaires ... avant que des animateurs peaufinent le travail ! Rappelons que nous sommes encore à la préhistoire des images de synthèse - ou presque ! !.:apparition de logiciels spécifiques, comme Renderman ou Maya, facilite la modélisation et rani­mation de personnages 3D. Certaines tâches subalternes s'automatisent, com­me l'animation de vêtements ou de four­rure. Jusqu'à présent, les animateurs devaient se contenter d'animer des sil­houettes en "fil de fer". Mais en 1996, le logiciel d'animation CARl, dévelop­pé en interne chez ILM, permet d'affi­cher des personnages en rende ring complet (peau et muscles) pendant l'ani­mation. En 1996, le dragon du film Cœur de Dragon se retrouve alors doté d'ani­mations faciales et musculaires quatre fois plus complexes que le tyrannosau­re de Jurassic Park ! Mais une autre révolution est en marche ...

Ci-dessus : A l'occasion d'une inoubliable séquence du ·secret de la Pyramide·. un film réalisé par Barry Levinson en 1985. un personnage en proie à des hallucinations se retrouve confronté à un chevalier ... sortant littéralement d'un vitrail d'une église! Cette apparition d'une dizaine de secondes laissera plus d'un spectateur béat d'admiration ...

Ci-contre , Le ·Haster Control Program· du film 7ron- 11982!. un programme qui a pris le contrôle du monde virlueL.. comme son nom l'indiquerait presque !

En bas, En 1995. 7oy Story· révolutionne le cinéma d'animation en devenant le premier film entièrement réalisé en images de synthèse. Cet exploit des studios Pixar sera logiquement récompensé par un Oscar spécial...

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Ci-dessus , ïurassic Park· représetrle une autre révolution du cinéma grâce à ses

dinosaures photoréalistes. Si les gros plans des sauriens nécessitaient l'utilisation d'animatroniques. les plans larges ont

bénéficié de magnifiques images de synthèse signées lndustrial Ught & Magic. La magie du

cinéma dans taule sa splendeur !

Ci-dessus , Les films d'animation 30 du XX/e siècle ont bénéficié des derniers progrès

technologiques. dont t'animation et le rendu de fourrure en images de synthèse. Su/li de

"Monstrss et Compagnie· et le Chat Potté de "Shrek z· sont là pour le prouver.

rESSOR DES FILMS D'ANIMATION 3D Si Jurassic Park avait bluffé le monde entier en 1993 grâce à ses six minutes d'images de synthèse, quel accueil sera réservé au premier long-métrage d'animation 3D? À sa sortie, Toy Story[19951 rencontre un succès aussi colossal qu'inattendu et obtient un Oscar spécial. Il faut dire que les studios Pixar reproduisent les recettes de leurs pré­cédents courts-métrages: une technologie d'avant-garde au servi­ce d'une bonne histoire. Pas moins de quatre années furent néces­

saires à la création de ce long-métrage. Afin de réduire les risques, la première décision du réalisateur John Lasseter, en 1991. est de faire un film centré sur des jouets, le plastique étant une texture plus facile à reproduire en infographie. De plus, cela permet de limiter la présence d'êtres humains. très difficiles à réaliser à l'époque [et encore de nos jours !l. Un rendu réa­liste de fourrure ou de peau est effective­ment bien plus complexe à réaliser ... En 1997. un court-métrage des studios Pixar, Gerïs Game, a pourtant un humain pour personnage principal. Mais la modélisa­tion et ranimation ont déjà beaucoup pro­gressé depuis Toy Story; Ge ri, un vieillard, y est particulièrement expressif! Le court­métrage remporte logiquement un Oscar. .. Les productions Pixar suivantes, sous for­me de court-métrages comme de longs, remportent toutes un succès autant cri­tique que public. Leurs histoires originales et les évolutions technologiques succes­sives font du studio le fer de lance de rani­mation en images de synthèse. Ces réus­sites engendrent une pléthore de films d'animation 3D -les personnages au sty­le "cartoon" étant plus simples à créer ... Mais rares sont les studios à égaler Pixar : la plupart d'entre eux oublient qu'il faut développer des concepts originaux ! Plu­sieurs studios sortent toutefois du lot, dont Pacifie Data Images (FourmiZ), Dream­Works Animation (Shrek) et Blue Sky (L :4-ge de Glace). Au cours de la décennie sui­vante, les films d'animation 3D deviennent monnaie courante et ranimation 2D se retrouve en voie de disparition- jusqu 'au rachat de Pixar par Disney, mais ceci est une autre histoire !

LA DÉMOCRATISATION DU NUMÉRIQUE Mais revenons quelques années plus tôt. Toujours en avance sur son époque, Geor­

ge Lucas marque les esprits en sortant l'Edition Spéciale de Star Wars [19971. Vingt ans après la sortie du film original, il y réinsère une scène, coupée à l'époque par faute de moyens, dans laquelle un Jabba le Hutt créé en images de synthèse menace Yan Solo. t.:ef­fet n'est pas particulièrement réussi mais lui sert d'entraînement pour le défi qui l'attend : la création de Jar Jar Binks, un extrater­restre 100% virtuel. Décrié par les fans, ce personnage de La Mena­ce Fantôme [19991 représente pourtant une avancée technolo­gique majeure. De nombreux personnages de la seconde trilogie Star Wars seront totalement réalisés en images de synthèse, dont Watto, Taun We ou encore le Général Grievous. Même le vénérable Yoda profitera des récents progrès du numérique pour nous offrir

un spectaculaire combat dans L'Attaque des Clones [20021 ! Geor­ge Lucas peut désormais laisser libre cours à son imagination, une première dans l'Histoire du cinéma ... Parallèlement, les images de synthèses se démocratisent et commencent à remplacer les tru­cages traditionnels des films en prises de vue réelles. Le règne d'ILM sur la 3D est terminé. Les films de super-héros sont parmi les pre­miers films à tirer avantage des libertés permises par le numérique. À l'occasion de la scène finale de X-Men [2oool, Wolverine/Hugh Jackman est le premier héros à être doublé par un clone 3D. le temps de quelques plans. En 2002, le clone 3D de Spider-Man peut se balan­cer au bout de sa toile alors qu'en 2003, Hulk n'hésite pas à mon­trer qu'il est vert de rage. Mais ces personnages ne sont pas enco­re des représentations d'êtres humains photoréalistes et ne véhiculent guère d'émotions ...

LA VALLÉE DÉRANGEANTE En 2001 sort justement Final Fantasy : Les Créatures de l'esprit, pre­mier long-métrage ambitionnant le photoréalisme. Les textures de peaux et les expressions faciales, programmées par des anima­teurs, sont bluffantes de réalisme. Les personnages sont d'ailleurs constitués d'environ 100 000 polygones et animés à l'aide d'un sys­tème de capture de mouvements. Le jeu des acteurs, portant une tenue recouverte de demi-sphères réfléchissantes, est enregistré grâce à seize caméras programmées pour ne capter que les points lumineux. Un logiciel reconstitue ensuite ces mouvements dans un espace virtuel tridimensionnel. Le résultat est malheureusement bancal, le jeu des "acteurs" manquant... d'humanité ! Malgré leurs nombreuses qualités, de futurs films d'animation 3D dits "photo-

Ci-dessus , George Lucas aura attendu seize ans avant de réaliser sa seconde trilogie "Star Wars·. Mais cette patience sera couronnée de succès , les nouveaux outils mis à sa disposition par /LM concrétiseront ses rêves les plus fous. De Jar Jar Binks au Général Grievous. le pire côtoie cependant le meilleur ...

réalistes" . comme le court-métrage The Last Flight of the Osiris [The Animatrix, 20051 et Resident Evil Degeneration [20091 souffri­ront du même travers. Le sentiment que nous ressentons devant ces humains "plus que parfaits" est appelé "Uncanny Valley" [la Val­lée Dérangeante). Il s'agit d'une réaction psychologique suggérée par le roboticien japonais Masahiro Mori en 1970. TUncanny Val­ley" représente le malaise et l'incrédulité ressentis inconsciemment face à un robot, ou dans notre cas un personnage humanoïde. Plus ce dernier ressemblera à un être humain, plus ses imperfections nous sauteront aux yeux. Théoriquement, lorsque le personnage atteindra un certain niveau de perfection dans l'imitation de l'être

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humain, il sera enfin accepté Id' où le terme de "vallée", à fran­chir). Nombre d'entre nous ont déjà ressenti ce malaise devant cer­tains films ... et ont critiqué la qualité des personnages 3D par la sui­te! En 2002, la satire S1mone d'Andrew Niccol s'est attaqué à une autre problématique concernant les personnages en images de syn­thèse : et sïls remplaçaient les véritables acteurs ? Ladite Simone y est une actrice virtuelle dont les spectateurs du monde entier croient en l'existence. "Notre capacité à fabriquer du faux dépasse notre capacité à le détecter", proclame l'un des personnages. Qu'en sera-t-illorsque nous aurons dépassé 'TUncanny Valley"? Saurons­nous faire la part des choses, ou croirons-nous à tout ce que nous verrons? Ce questionnement risque de prendre de l'ampleur dans les dix prochaines années ! Pour l'anecdote, la réalité a dépassé la fiction lorsque la promotion du film fit croire qu 'une véritable actrice virtuelle avait été utilisée ...

LE PLUS PRÉCIEUX DES PERSONNAGES 30 La fin de l'année 2002 est marquée par l'apparition de deux créatures photoréalistes. Dans Harry Patter et la Chambres des Secrets, l'el­fe de maison Dobby, créé par ILM, bénéfice d'une palette d'expres­sions extraordinaire. Son réalisme est également renforcé par un programme révolutionnaire de diffusion de la lumière au travers de la peau. Mais l'excellence de cette touchante créature est rapidement balayée par la sortie du Seigneur des anneaux: Les Deux Tours, un mois plus tard. Entr'aperçu dans la Communauté de l'Anneau 12001), Gollum devient le premier personnage virtuel à toucher et à enthousiasmer les spectateurs. 'Le public l'accepte comme un acteur, et non pas comme une simple performance technique··, explique le superviseur des créatures Richard Taylor. Le visage 3D de Gollum exprime des sentiments d'un naturel confondant. Le comédien Andy Serkis a revêtu un costume bleu pour jouer face aux autres acteurs, avant d'être effacé numériquement. Affublé d'un costume de captu­re de mouvement, il a ensuite reproduit sa gestuelle sur les plateaux de Weta, le studio d'effets visuels du réalisateur Peter Jackson. Le résultat est tout simplement stupéfiant, et sera certainement consi­déré à l'avenir comme la plus grande réussite technique et artistique des années 2000 dans le domaine des effets visuels. Gollum est deve­nu le maître-étalon des personnages virtuels. En 2004, le réalisateur Robert Zemeckis crée avec le Pôle Express un nouveau genre de film d'animation 3D, à mi-chemin entre dessin-animé et photoréalisme. Il développe le technique de "capture de performance", qui permet d'enregistrer non seulement les mouvements du corps, mais égale­ment les expressions faciales des acteurs afin de les restituer avec exactitude dans un environnement virtuel. Cette technique permet à Tom Hanks de jouer plusieurs personnages dans le film. Le comé­dien porte un costume noir équipé de 72 points de repères blancs, alors que 151 petites sphères blanches sont collées sur son visage. Son interprétation est ensuite enregistrée en une unique "prise". À l'instar de George Lucas quelques années plus tôt, Robert Zemeckis s'affranchit des limites du réel et crée le "plateau virtuel'' -les décors étant également réalisés en 3D ! Tout devient alors possible ... La technique est réutilisée pour Beowulf(2007) et Le Drôle de Noël de Scrooge, sorti récemment en salles.

LA SEULE LIMITE EST ~IMAGINATION Grâce aux progrès technologiques, ces dernières années auront vu l'apparition de nombreux personnages 3D inoubliables. Il serait impos­sible d'en faire un compte-rendu exhaustif, mais n'oublions pas

que King Kong (2005) fut intégralement réalisé en images de syn­thèse ! Les expressions du roi de la jungle (joué par un certain Andy Serkis .. .) sont confondantes de réalisme, et sa fourrure comporte lit­téralement des dizaines de millions de poils ! En 2005, le visqueux Davy Jones des Pirates des Caraibes : Le secret du coffre maudit a terrifié plus d'un jeune spectateur. Les performances de Bill Nighy, l'interprète de ce monstre des mers, sont enregistrées directement sur le tournage grâce à une technique de triangulation. Pendant qu'une scène est tournée en 35 mm, deux caméras vidéo synchro­nisées filment l'action. Un logiciel reconstitue ensuite les mouve­ments de l'acteur dans un espace tridimensionnel. t.:excellence de la modélisation, des textures, du rendu et de l'animation de Davy Jones prouvent que les images de synthèse ont atteint une certaine maturité. Quand il s'agit de créatures imaginaires, la frontière entre le réel et la fiction semble disparaître ! James Cameron s'apprête à confirmer cette opinion grâce aux gracieux extraterrestre Na'vi d'Ava­tar. t.:ultime frontière technique des personnages 3D reste donc la représentation photoréaliste- et indécelable- d'êtres humains. Lorsque ce jour arrivera, la fiction aura bel et bien dépassé la réali­té. Encore faut-il réussir à traverser la "vallée" ... • •

A ....... des deux derniers l'fllfs ils "Pirates des Caraibes •. Dlry Jones séduira de nombreux 41fditleurs ... autant qu'il/es ,. ! Ce monstre semb~ ,.,.nt posséder une âme. Il est œ.p peur Gollum de parlager lllll,uium ...

PIERRE-ERIC 5ALARD

Ci-dessus : De "Final Fantasy" à "Beowutr. la course au photoréalisme est lancée. Mais il est bien plus difficile de recréer des humains plutôt que des dinosaures. créatures que nous ne croiserons jamais dans la réalité ...

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Q u'il semble loin le temps où George Méliès se propul­sait vers la Lune. Pourtant, le Voyage sur la Lune, en

1902. incarne la première pierre d'un édifice en perpétuelle construc­tion. Celle d'un art qui, encore aujourd'hui, ne connaît pas les limites de sa propre technologie. Grâce au génie de ce pionnier Ile premier à jouer avec les surim­pressions et les fondus). la France a, quelques années durant, gardé plusieurs longueurs d'avance sur ses homologues étran­gers. Jusqu'en 1907 où l'Américain James Stuart Blackton prend de court les techniciens français en inventant la technique de l'image par image dans Hôtel Hanté. Il peut ainsi faire se dépla­cer des objets sans intervention humaine. Le cinéma se trans­forme en magie. Concurrencé par un homme de l'Est, le Polonais Ladislas Starevich, il améliore encore son procédé deux ans plus tard avec Le Stylo magique. !.:astuce perdurera des décennies. Pour aboutir, en 1933. au chef­d'œuvre qu'est King Kong. Bénéficiant de la confiance de la RKO et de David O"Selznick qui leur offre un budget à la hauteur du défi, Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack mettent en scène le film­référence en matière d'animation image par image. Alors que Le Monde Perdu 119251 avait déjà terrifié les spectateurs quelques années plus tôt, le combat entre un singe géant et un dinosaure est considéré à l'époque comme le sommet des effets spéciaux. Willis O'Brien en est le concepteur. Son futur assistant a pour nom Ray Harryhausen,le pape du procédé qui en signera à la fois le paroxys­me et le crépuscule en 1963 avec Jason et les Argonautes. Entre temps, le cinéma a trouvé la parole et pris des couleurs. En 1926 apparaît le premier film "sonore", sans synchronisme labial. Don Juan est un succès. Mais pas autant que Le Chanteur de Jazz 119271. désigné dans les

livres d'histoire comme le premier film "parlant"". Il contient cepen­dant essentiellement des passages où la voix du chanteur a été syn­chronisée avec l'image et quelques rares dialogues. Suffisant pour faire office de révolution. Réalisés par Alan Grosland, les deux films redonnent un coup de fouet à la Warner, alors dans une situation financière délicate.

rHOMME PEUT DISPARAÎTRE, RÉTRÉCIR ET VOLER A partir des années 30, le muet se tait. Un autre bouleversement s'annonce : Disney, qui a profité du parlant pour donner une voix icelle de son fondateur Waltl à Mickey dans Steamboat Willie, ne s'arrête pas là. En 1933. le studio se lance dans un projet farami­neux : proposer le premier long-métrage d'animation Ile genre se limitait jusqu'ici à des formats courts!, qui plus est en couleurs. Après quatre ans de travail, Blanche Neige et les Sept Nains sort sur les écrans. Disney triomphe et assoit mondialement sa réputation. La deuxième Guerre Mon­diale vient freiner les inves­tissements technologiques. Surtout, le cinéma prend son temps pour digérer et apprivoiser deux change­ments aussi fondamen­taux. Pour le fantastique, les années 50 seront essentiellement celles des séries B et des films de monstres. En 1957. Jack Arnold visualise, dans L "Homme qui rétrécit, un cauchemar où l'Homme se retrouve trois fois plus petit qu 'une paire de ciseaux !concept exploité également dans Chérie j"ai rétréci les gosses en 19891. Le cinéma s'échine à représenter des aberrations physiques, comme pour lutter contre les lois de la Nature. En 1933. L "Homme invisible, manipulant les caches pour faire disparaître son héros, annonçait déjà le procédé plus sophistiqué de l'incrustation lsur fond vert ou bleu). Superman 119781 en fit d'ailleurs l'une des utilisations les plus abouties pour crédibiliser un autre fantasme, celui de l'homme volant. Les années 60 s'achèvent sur une œuvre monumentale : 2001:

t'Odyssée de l'espace marie grosse production et œuvre expéri­mentale. Stanley Kubrick confie ses outils au jeune Douglas Trumbull pour rendre cré­dible une vision de l'espace inédite.

ET GEORGE LUCAS BOULEVERSA TOUT George Lucas ne s·y trompe quand il lui pro­pose, en 1975. de prendre la tête de la socié­té d'effets spéciaux qu'il vient de créer,ILM,

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lndustrial Light and Magic. Trumbull refuse mais lui conseille d'en­gager John Dykstra, qu'il a formé sur Silent Running [19721. ""Nous sommes partis du concept de la prise image par image et l'avons adapté en le reliant à un ordinateur que nous avons construit nous­mêmes"", raconte Dykstra . La Guerre des Etoiles, phénomène mondial en 1977. est le premier long-métrage à contenir des mou­vements de caméra contrôlés par ordinateur. La révolution informatique est lancée. Déjà, en 1973. Mondwest inau­gure les premières images générées par ordinateur. Près de dix ans plus tard, Tron [1982) marque un pas de géant dans le domaine. Le film de Steve Lisberger, aux graphismes ahurissants, est à l'ima­gerie informatique de ce que "'Pong ·· est au jeu vidéo, un pionnier. La même année, Ridley Scott réalise ce que beaucoup considèrent comme le dernier grand film de science-fiction fabriqué à l"an­cienne : Blade Runner. À sa tête, un cer­tain Douglas Trumbull, qui, comme sïl avait senti la fin d'une ère, disparut ensui­te de la circulation. Les progrès deviennent vertigineux. En 1985, Steven Spielberg produit Le Secret de la Pyramide. Le premier personnage entièrement numérique [un chevalier sor­tant d'un vitraill s·y trouve. Il est l"œuvre de John Lasseter, qui fondera l"année sui­vante Pixar, bannière sous laquelle il réa­lisera en 1995 Toy Story, premier film entiè­rement en images de synthèse. C'est ensuite au tour de James Cameron d'abattre sa carte. Elle a pour nom Dennis Muren. L:un des membres fondateurs d"ILM lui concocte le pseudopode d"Abyss [1989) et leT -1000 liquide de Termina/or 2 [19911. Spielberg est bluffé et rengage pour Juras­sic Park [19931. ""Je voulais réaliser un film qui faisait honneur aux dinosaures, que les gens disent qu ïls ont vraiment vu un dinosau­re pour la première fois !", s· enthousiasme le cinéaste, presque gêné par la qualité du travail de Muren. Il doit annoncer à Phil Tippett, spé­cialisé dans les miniatures, quïl va remplacer son travail image par image par du numérique. ""Je l'ai convaincu de visionner les images de Dennis"", se souvient Spielberg. ""Après les avoir vues, il m ·a regar­dé et a dit : ""Je crois que j'appartiens au passé ...

LES NOUVEAUX JOUETS SE NOMMENT MOTION CAPTURE ET 30 1999 est l'année Matrix dont l'effet ··bullet time"" [la caméra bouge alors que l'image est gelée ou ralentie) va dépasser le cadre du sep­tième art pour devenir un gimmick visuel surexploité. Robert Zemec­kis fait lui une utilisation plus sobre, voire ""invisible"" du numérique. Dans Forrest Gump [19941 et Contact [19971, il l'intègre [aidé par Ken Ralston, lui aussi né dans les années 70 chez Lucas) dans des scènes qui se veulent réalistes. Le réalisateur n'en est pas à son coup d'es-

sai. En 1988, il a relevé, aux côtés de l"animateur Richard Williams, un défi insensé en mélangeant images réelles et dessins animés dans Qui veut la peau de Roger Rabbit. Sans le savoir, il a aussi inau­guré un concept : faire incarner un personnage par un acteur qui sera ensuite remplacé en postproduction. Chaque jour, Charles Flei­scher venait sur le plateau habillé en lapin pour donner la réplique à Bob Hoskins ... La technique sera plus contraignante ensuite puisque les comédiens voués à disparaître derrière leur double numérique devront être équipés de dizaines de capteurs visant à reproduire leurs mouve­ments [procédé appelé motion capture). Jar Jar Binks, dans La Mena­ce Fantôme 119991. a en partie été conçu ainsi. La créature Gollum [jouée par Andy Serkis, qui prêtera également ses traits à King Kong en 20051. dans Le Seigneur des Anneaux: Les Deux Tours [2002)

franchira un seuil de perfection suffi­sant pour pousser Robert Zemeckis à mettre en scène Le Pôle Express, où tous les personnages sont issus de la motion capture. Il remettra le couvert avec La Légende de Beowulf et Le Drô­le de Noël de Scrooge [2009). Témoin de ces évolutions technolo­giques, James Cameron se dit que son monumental projet, Avatar, peut deve­nir réalité. Créant lui-même ses camé­ras révolutionnaires, il confie à Weta [responsable du Seigneur des Anneaux/ la majorité des effets spéciaux. La 3D,

elle, ne s'annonce enfin plus comme le gadget des années 50 ou 80 mais comme un véritable produit d'appel. En visite sur le plateau, Peter Jackson est conquis et confie à Steven Spielberg que leur Tin­tin numérique n·a plus aucune raison d'attendre. Ceux à qui l'on doit les plus grandes avancées technologiques de ces trente dernières années [Lucas, Spielberg, Cameron, Zemeckis, Jackson ... ) se font concurrence tout en profitant réciproquement des inventions de cha­cun. Cette émulation n'attend que des successeurs prêts à relever le défi du cinéma du nouveau millénaire. ••

THOMAS GILBERT

I:JIXoATES POUR DIX

PAS DE , GEANT

1•Q7/ Dans Hôtel Hanté, l' Amé­ricain James Stuart Black ton est le premier à utiliser la technique de l'image par image.

1••71 Le Chanteur de Jazz est considéré comme le premier film parlant de l'histoire.

1•••/ Becky Sharp devient le premier long­métrage tourné en Technicolor.

1•••/ Stanley Kubrick et Douglas Trum­

bull révolutionnent la science­fiction avec 2001 : l'Odyssée de l'espace.

1.7Q/ Le procédé IMAX est lancé.

1•7•/ En mai, George Lucas fonde lLM (Indus trial Light and Magic), société d'effets spéciaux créée pour mettre en images La Guerre des Etoiles.

1•••1 Les dinosaures numé­riques de fumssic Park font entrer le cinéma dans une nouvelle ère.

1••""1/ Le procédé américain de son numérique DTS gagne la bataille contre son homologue fran­çais, le LC Concept.

1•••1 Toy StonJ devient le premier film entièrement généré par ordinateur. Pendant ce temps, est présenté à New York la première fiction de l'histoire en IMAX 3D, Les Ailes du Courage, de Jean­Jacques Annaud.

•aa•t La 30 prend son envol. Plusieurs films sortent sous ce format : Destination finale 4, Là­haut, Le Drôle de Noël de Scrooge, Avatar ...

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Ci-dessous : Enlrt l'incendie du musée et la séquence du french cancan. où les jambes des

danseuses viennent littéralement frôler le visage des spectateurs. "L 'Homme au masque

de cira· ne laisse personne indifférent 1 Lorsque le ralief est au service d'une mise

en scène intelligente. le résultat ne peut ilrf qu'inoubliable ...

Le succès de ce film confirme aux grands studios d'Hollywood que le relief est l'argument qui incitera les spectateurs à retourner en salles. Plusieurs dizaines de projets sont alors simultanément déve­loppés, et une véritable course à la surenchère est lancée. En avril 1953. les studios Warner Bros créent l'évènement grâce à L 'Hom­me au masque de cire (House of Wax}, un remake d'un film réalisé en 1933 par Michael Curtiz, Masques de cire. Annoncé comme étant la "première grande production hollywoodienne diffusée en 3-D", le film se fait pourtant damner le pion par le thriller J'ai vécu deux fois (Man in the Dark}, produit par Columbia Pictures en seulement quelques semaines et sorti en salles deux jours avant House of Wax! Tous les coups bas sont permis à Hollywood ... Mais l'Histoire du ciné­ma ne retiendra finalement que la réussite représentée par L'Hom­me au masque de cire. Ce chef-d'œuvre du fantastique dévoile les horreurs engendrées par la soif de vengeance d'un sculpteur, gra­vement brûlé lors de l'incendie de son musée de cire. Le film per­met également à son interprète principal, le légendaire Vincent Pri­ee, de devenir définitivement une vedette du cinéma fantastique. Pour l'anecdote, le réalisateur de ce film en relief, André De Toth, était borgne ! "C'est une histoire typiquement hollywoodienne ", confiait le regretté Vincent Priee. "Lorsque les dirigeants du studio cherchaient un réalisateur pour un film en 3-0, ils ont engagé un

homme qui ne voyait pas lui-même le monde en relief! André de Toth était un très bon metteur en scène, mais il n 'était pas fait pour travailler en stéréoscopie. Lorsqu ïl regardait les rushes, il se deman­dait pourquoi tout le monde était excité par ces images. Il ne pou­vait pas percevoir le relief. Le concept lui était complètement étran­ger. Il a pourtant tourné un bon film, doublé d'un excellent thriller. Tout le succès de !.:Homme au masque de cire lui revient. Il a utili­sé le relief avec parcimonie ; il y a finalement peu de scènes qui font sursauter les spectateurs en lui envoyant des choses au visage. Dans les films suivants, on balançait tout et n'importe quoi sur les spectateurs ... ··. Si André De Toth n'a pas pu admirer le résultat de son travail en stéréoscopie, cela n'a pas empêché le film de deve­nir un succès autant critique que financier. !.:illusion de profondeur est réussie, et le film n'abuse effectivement pas des gimmicks habi­tuels du relief. Les spectateurs se souviendront longtemps de l'in­cendie du musée de cire ... L'Homme au masque de cire est rapide­ment devenu un classique du cinéma fantastique, ainsi que l'une des plus grandes réussites de cet âge d'or du relief ... Rappelons que ce remake engendra lui-même un remake en 2005, avec une cer­taine Paris Hilton en tête d'affiche ...

LE PREMIER ÂGE D'OR Au cours des trois années qui ont suivi, plus de cinquante films ont bénéficié d'une diffusion en relief. En mai 1953. les studios Univer ­sal distribuent un autre classique du cinéma fantastique, ft Came from Outer Space (Le Météore de la Nuit}. Tiré d'une nouvelle de Ray Bradbury, ce film, réalisé par Jack Arnold IL 'homme qui rétré­cit}, raconte une invasion d'extraterrestres ... qui ne manque pas de scènes inquiétantes ! Le réalisateur livre une œuvre réussie, à laquelle le relief ajoute une dimension spectaculaire. Quand le pro­cédé qui nous intéresse ici est au service d'un film abouti, l'expé­rience ne peut être que plus marquante ! Mais il n ·en a pas été de même pour d'autres films de genre sortis à l'occasion de cette mode de la stéréoscopie. En juin 1953. un des films les plus mauvais de l'Histoire du cinéma, Robot Monster, permet de découvrir l'éclaireur d'une invasion extraterrestre chargé d'enlever des humains ... !.:en­nui est que ledit monstre ressemble à un gorille équipé d'un casque de scaphandre et d'antennes de télévision ! Relief ou pas, lenau­frage est inévitable ... Trois mois plus tard, le réalisateur Arthur Hil­ton signe Cat-Women of the Moon, un film de science-fiction au cours duquel des astronautes découvrent sur la Lune de jolies jeunes femmes vêtues de noir. Le résultat est aussi pathétique que le synop­sis, la pauvreté des dialogues n'ayant d'égale que celle des effets

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spéciaux et du jeu des acteurs. Si le relief est plus utile à la pro­motion qu'au film lui-même, certains spectateurs n'hésiteront pas à déclarer que seul ce procédé permet d'apprécier la vacuité du métrage à sa juste valeur! Ce que !"on pourrait comparer aux tra­ditionnelles soirées ''séries z·· entre amis de notre époque. Notons que trois Stooges joueront eux-même avec le relief à !"occasion de leurs 148e et 149e courts-métrages, Spooks! et Pardon My Back­fire. Quand un légendaire trio de comiques s'empare d'une tech­nique aux possibilités spectaculaires, aucune projection d'objets n'est de trop pour surprendre le public ! !.:animation n'est pas en reste : Bugs Bunny (Lumber Jack-Rabbit), Popeye (The Ace of Spa­ce) ou encore (asper le fantôme (Boo Moon) bénéficient de leur court-métrage en relief en 1953. En mars1954. Jack Arnold signe un second chef-d'œuvre du fan­tastique avec L "Étrange Créature du lac noir (Creature From the

Black Lagoon). Suite au succès du Météore vient de la nuit, les pro­ducteurs ont logiquement fait appel au célèbre réalisateur ... pour le meilleur! Tourné en relief, le film n'a aucunement besoin des astuces du procédé pour être un grand film fantastique. En Ama­zonie, une expédition scientifique se retrouve face à un monstre préhistorique ... Les amateurs de créatures surnaturelles se sou­viendront longtemps de la séquence de !"antre du monstre, alors que les membres de !"expédition disparaissent les uns après les autres ! Jack Arnold proposera une suite dès 1955. intitulée La Revanche de la Créature. Unique séquelle d'un film en relief à béné­ficier du même procédé dans !"Histoire du cinéma lee qui devrait bientôt changer grâce au regain d'intérêt pour la technique !l, ce film voit la créature être capturée par des scientifiques. Mais La Revanche de la Créature ne sera pas à la hauteur de r œuvre ori­ginale ... Il est d'ailleurs considéré comme étant !"ultime film de !"âge d'or du relief. Entre-temps, de nombreuses œuvres de genre auront connu une diffusion en stéréoscopie, du western à la comédie musi­cale (Kiss Me Kate, 19531 en passant par la science-fiction. Citons notamment The Mad Magician, sorti en mai 1954. où Vincent Prin­ce évolue dans le monde de la magie, Gog (juin 19541. où deux robots expérimentaux "s'émancipent", et Le Fils de Sindbad (juin 19551. produit par Howard Hughues. Sans oublier Le Crime était presque parfait d'Alfred Hitchcock (19541! Mais le public s'est déjà lassé du relief, qui a perdu !"attrait de la nouveauté- alors que de nou­veaux systèmes de projection font parallèlement leur apparition, dont le CinemaScope et la Vista Vision ... En outre, la complexité des équipements requis pour la projection stéréoscopique rebute de nombreuses salles. Les films sont diffusés dans de mauvaises conditions, ce qui provoque de plus en plus de migraines chez les spectateurs. Cette mode du relief s'épuise aussi rapidement qu'el­le est apparue, et par une étrange ironie du sort, les dernières pro­ductions sont majoritairement projetées en 20 !

DES BAS ET DES HAUTS Du milieu des années 1950 au début des années 1980, le relief se marginalise. En 1961, une œuvre canadienne, Les Yeux de l'enfer (The Mask), se montre innovante. Si le film est majoritairement en 20, les spectateurs sont invités à mettre des lunettes pour ana­glyphes (à verres bleu et rougellorsque le personnage principal revêt un mystérieux masque tribal. Le public partage alors les visions du héros. Pour !"anecdote, !"un des plus grands succès de !"histoi­re du cinéma en relief est un film érotique ! Sorti en 1969. The Stewardesses a récolté plus de 300 fois son budget. Les années 1970 ne sont pas synonymes de qualité pour la production stéréo­scopique : r époque est propice aux séries Z mêlant érotisme et go re. À !"exception de !"excellent Chair pour Frankenstein, réalisé par Paul Morrissey et Antonio Margheriti en 1973. Le mythe de Frankenstein y est détourné à la manière typiquement warholienne et les effets gares en 3-D sublimes. Malgré le légitime succès de ce dernier, il faut attendre les années 1980 pour assister à un -léger- retour du relief, plusieurs studios hollywoodiens tentant de relancer la mode. Ces bandes partagent plus d'un point commun : ce sont des suites de séries à succès ; elles ne représentent que des prétextes pour jeter au visage des spectateurs tous les poncifs du cinéma en relief ; enfin, la platitude de leur scénario n'a d'égal que la vacuité de leur existence. On retiendra (ou nonlle réussi Vendredi 13 chapitre 3:

Ci-dessous : En 1973. les effets stéréoscopiques et l'accumulation de gore et de sexe de "Chair pour Frenkenstein" renverseront l'estomac de plus d'un spectateur. Mais quand on retrouve à la production un certain Andy WarhoL est-ce vraiment ~tonnant ?

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Meurtre en trois dimensions 11982), un Dents de la mer 311983) de triste mémoire, et Amityville 3-D 119831. réalisé par un Richard Fleischer (Soleil Vert} en perte de vitesse. Heureusement, cet engoue­ment n'est que temporaire. Jusqu'à ce qu'une certaine société IMAX décide de s'intéresser au marché de la stéréoscopie. Dès son appa­rition, en 1986, ri MAX 3D obtient les faveurs du public. Afin de créer l'illusion du relief, ce procédé utilise deux caméras, représentant l'œil gauche et l'œil droit. Elles sont séparées par une distance équi­valente à celle entre nos deux yeux et enregistrent les images sur deux pellicules. Projetées simultanément, ces dernières donnent l'impression de voir les images en trois dimensions grâce à deux techniques différentes - nécessitant le port de lunettes dans les deux cas. La polarisation utilise des lunettes à cristaux liquides : l'œil gauche ne perçoit que l'image de la lentille gauche, et inver­sement. L.:autre procédé consiste à porter des verres d'obturation LCD. Ils sont synchronisés avec le projecteur, qui alterne rapide­ment l'affichage des images de gauche et de droite ... De nombreux let excellents) documentaires bénéficient de ce traitement, à com­mencer par Transitions en 1986. Au cours des années suivantes, IMAX développe un véritable réseau mondial de salles 3D à travers le monde, y compris en France !notamment au Futuroscope). Les spectateurs sont alors invités non pas à regarder des documen­taires, mais à les vivre ! Pendant une vingtaine d'années, IMAX aura ainsi le quasi monopole de la diffusion en relief- à l'exception des parcs d'attractions ...

lE R~GNE DES ATTRACTIONS Revenons en 1986. Le PDG des studios Disney, Michael Eisner, pro­pose à Michael Jackson le rôle principal d'une attraction pour les parcs Disneyland. Pour faire bonne mesure, la réalisation et la pro­duction sont respectivement confiées à Francis Ford Coppola et Geor­ge Lucas ! Les studios Disney ne font jamais les choses à moitié ... Ce trio inédit donne naissance à Captain EO, un film musical fan­tastique en relief, de 17 minutes, où le héros doit libérer une pla­nète de l'oppression grâce à la musique ! Cerise sur le gâteau, des effets de salle sont synchronisés avec le film, tels des fumigènes et autres lasers. Le film en lui-même bénéficie des talents du maquilleur Rick Baker Ile clip Thriller, Le Loup-garou de Londres} et des effets visuels d'lndustrial Light & Magic (Star Wars}. Pendant sa dizaine d'années d'exploitation, Captain EO rencontrera un grand succès auprès des fans du chanteur et du fantast ique. Il sera ultérieure-

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ment remplacé par un autre film en reUef, Chérie, [ai rétré­ci le public. Bien que la sal­le soit montée sur vérins hydrauliques, afin de simu­ler des vibrations, et que de nouveaux effets de salle soient ajoutés !projections d'air comprimé et d'eau). ce film familial s'avère moins réussi. En 1996, le parc Uni­versal Studios de Floride

accueille une attraction encore plus spectaculaire : Terminator 2 : 3-D- Battle Across Time. Pour l'occasion, James Cameron retour­ne derrière la caméra et tourne un court-métrage d'une douzaine de minutes. Les spectateurs sont invités à vivre un ultime combat contre Skynet, dont les cyborgs - liquides ou non - surgissent de l'image pour mieux surprendre. Le film est projeté en relief, à rai­de de six projecteurs 65 mm, sur trois écrans géants courbés. Le concept du relief est poussé à son paroxysme, puisque cette attrac­tion efface la frontière entre l'écran et la réalité. En effet, des comé­diens interprétant les personnages du film sortent littéralement de l'écran pour continuer le combat dans la salle! Les 70 millions de budget n'ont pas été superflus. Et pourtant, en 1999, Universal sur­passe cet exploit avec The Amazing Adventures of Spider Man, une attraction qui a englouti près d'un quart du budget du parc Islands of Adventure, soit 200 millions de dollars! Après s'être installés à l'intérieur de véhicules !équipés de vérins hydrauliques! et avoir chaussés des lunettes polarisées, les spectateurs accompagnent l'homme araignée dans sa lutte contre le Docteur Octopus. En com­binant des rétroprojections d'images de synthèse en relief, des effets

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spéciaux placés dans le décor et les mouvements du véhicule, l'at­traction permet de côtoyer pendant quelques instants Spider-Man et ses ennemis. Et lorsque le héros atterrit sur le capot du véhicu­le, les visiteurs peuvent en ressentir l'impact ! Les fans heureux n'ont plus qu 'à faire de nouveau la queue pour revivre cette expé­rience inédite ...

DÉMOCRATISATION Mais ces attractions n'existent qu'au sein des rares parcs Disneyland et Universal à travers le monde, qui se comptent sur les doigts de la main. IMAX l'a bien compris et diffuse dès1995 sa première fiction en IMAX 3D : Les Ailes du Courage, un moyen-métrage réalisé par Jean-Jacques Annaud. Fort de ce succès, la société lance l'IMAX DMR !Digital Re-mastering) pour s'implanter dans l'industrie cinémato­graphique. Cette technique de postproduction permet de retravailler numériquement l'image d'un film en 35mm afin de la transposer en haute résolution. Les films peuvent donc être .. gonflés .. en IMAX et bénéficier d'une image incomparable. Le premier film à utiliser cet­

te technologie est Apollo 13 de Ron Howard, en septembre 2002. The Mat rix Revolutions devient en novembre 2003 la première oeuvre hollywoodienne à sortir simultanément dans le réseau IMAX et les circuits classiques. L.:année suivante, Le Pôle Express est entière­ment transposé en IMAX 30. En juin 2006, Superman Returns devient le premier film traditionnel dont les scènes les plus spectaculaires sont converties en relief. La stéréoscopie et le numérique se rejoi­gnent pour la plus grande joie des amateurs de sensations fortes ! Ces derniers temps, de nombreux films ont bénéficié d 'une sortie simultanée en IMAX 3D : Harry Patter et l 'Ordre du Phénix, Beowulf. Fly me to the Moon, Harry Patter et le Prince de sang-mêlé, Mons­ters vs. Aliens ou encore Kung Fu Panda ... La liste s'allonge chaque

année. Notons cependant qu'aucun film tourné en prises de vue réelles n·a été entièrement transposé en IMAX 3D jusqu'à Avatar: .. La croissance du réseau /MAX intéresse l'ensemble des studios ... explique Richard L. Gel­fond, co-président d'lmax Corporation. ':À l'avenir, les spectateurs vont pouvoir profiter de notre spectaculaire for­mat pour découvrir leurs films préférés d'une manière inédite r. Le succès du format IMAX-30 ne pouvait pas laisser Hollywood et les réseaux de salles traditionnelles indifférents ...

LE NOUVEL ÂGE D'OR Les spectateurs de notre époque ont à leur disposition davantage de formes de loisirs qu'auparavant !internet, jeux vidéo, DVD, steaming vidéo ... ), le piratage s'est démocratisé et les plus fortunés peuvent créer leur propre salle de cinéma dans le salon. Comme une cinquantaine d'années auparavant, les studios hollywoodiens déci­

dent tout simplement d'investir dans le relief pour séduire leurs clients ! La boocle est ainsi bouclée. Sous l'im­pulsion de cinéastes aussi illustres que James Cameron, George Lucas, Peter Jackson et Steven Spielberg, un nouvel âge d'or de la stéréoscopie se met lentement en place. Encore faut-il disposer d'un vaste réseau de salles

équipées en projecteurs numériques. Car le relief qui nous intéresse, celui qui se développe près de chez nous, nécessite un projecteur numérique. Une fois qu'il est installé, aucun besoin de changer le ma.tériel pour proje­ter des films en 3-D ! La solution Real D, qui est la plus courante sur le marché, fonctionne à l'aide d'un écran métallisé et de lunettes passives jetables. Elle utilise le principe de polarisation circulaire, qui offre davantage de liberté de mouvement aux spectateurs. Or le succès du Pôle Express 12004). qui récolte un quart de ses recettes dans les complexes IMAX-30, incite- tant bien que mal- l'industrie à faire ce pari sur l'avenir. Parallè­lement, James Cameron et Vince Pace ont développé la caméra numérique HO Fusion, qui est utilisée pour fil­mer deux documentaires du réalisateur, Les Fantômes du Titanic 12003) et Aliens of the Deep 12005)- ainsi que deux films de Robert Rodriguez, Spy Kids 3D el Les Aventures de Sharkboy et Lavagirl. James Cameron s'est ensuite lancé alors dans la production d'Avatar, qui est officieusement annoncé comme étant le film qui inaugu­rera définitivement ce nouvel âge d'or. Mais le phénomène est déjà lancé. Étant intégralement conçus en images de synthèse, les films d'animation 3D sont aisément transposables en relief ; il suffit de revenir à la sour­ce des données numériques ... Les studios Disney, DreamWorks Ani­

mation et Pixar proposent désormais tous leurs films en 20 et 3-D relief. Les spectateurs ont également pu découvrir Beowulfi20071. La Nuit des Morts Vivants 3D 12008), Voyage au Centre de la Terre l2oo81. Mortelle Saint-Valentin 120091. Coraline 12009), premier film en stop-motion tourné en relief, Destination finale 412009). Le Drô­le de Noël de Scrooge 12009) ... 2010 verra notamment les sorties d'Alice aux Pays des Merveilles ITim Burton), Piranha 3DIAlexandre Aja), Resident Evil : Aftertife !Paul W.S. Anderson), Tron LegacyiJoseph Kosinski ) ... Et dès l'année suivante, des réalisateurs aussi renom­més que Steven Spielberg, Tim Burton et Robert Zemeckis nous invi­teront respectivement à visiter les univers des Aventures de Tintin: Le Secret de la Licorne, Frankenweenie et Yellow Submarine! 'Mis entre les mains de bons auteurs et d'un bon réalisateur, le relief va changer la manière dont les spectateurs percevront un film. Ils seront vraiment .. dans le film ... ce qui créera des sensations très excitantes ... déclare Jeffrey Katzenberg, fondateur de DreamWorks Animation. N'oublions pas non plus la conversion de films 20 en 3D. dont L 'Etrange Noël de Mr. Jack est un exemple plus que probant. George Lucas n·a jamais caché son intention de transposer sa saga Star Wars en relief dans quelques années. Peter Jackson et James Cameron, quant à eux, ont récemment déclaré qu'ils parta­geaient cette ambition ! Attendez-vous donc à redécouvrir Gollum, le T1000 et le Titanic sous un nouveau jour ... Aux États-Unis, la crois­sance du parc de salles équipées en projecteur numérique s'accé­lère. En France, elles sont encore peu nombreuses, en particulier à l'extérieur des grandes villes. Si Avatar tournera certainement une page de l'Histoire de la stéréoscopie, la .. mode .. n 'en est qu 'à ses

débuts. Car nous pouvons encore nous poser cette question : ce phé­nomène sera-t-il une passade ou représentera-t-il une véritable évolution du cinéma à grand spectacle ? Si le relief reste un outil au service d'une histoire, et non un gimmick consistant à jeter de la poudre aux yeux du public, son avenir est assuré. Avec cette dimen­sion supplémentaire, nos chers écrans n'en seront que plus fantas­tiques ! Découvrons donc Avatar en relief : la planète Pandora est

à portée de main ... et de lunettes ! • •

PIERRE-ERIC 5ALARD

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