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1 CAFIPEMF Session 2008/2009 GOUTTE LANGLAIS Patricia Ecrire avant de savoir lire : l’écriture tâtonnée permet-elle de mieux préparer les élèves de maternelle à l’apprentissage de la lecture ?

Ecrire avant de savoir lire : l’écriture tâtonnée permet ... · Selon Emilia Ferreiro, les productions des enfants sont les manifestations les plus évidentes de leurs essais

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    CAFIPEMF Session 2008/2009

    GOUTTE

    LANGLAIS

    Patricia

    Ecrire avant de savoir lire :

    l’écriture tâtonnée permet-elle de mieux

    préparer les élèves de maternelle à

    l’apprentissage de la lecture ?

  • 2

    Sommaire Introduction ………………………………………………………………………………… …………4

    PARTIE I : Qu’est-ce qu’écrire à l’école maternelle et pourquoi écrire pour mieux se

    préparer à lire ? 5

    1- Les différentes formes de production d’écrit à l’école maternelle

    A- La dictée à l’adulte : intérêts et limites………………….. 5

    B- L’écriture inventée………………………………………. 7

    a) Qu’est-ce que l’écriture inventée ?......................... 7

    b) Pourquoi favoriser les essais d’écriture dés l’école maternelle ? 7

    2– Le lien entre le lire et l’écrire : pourquoi écrire pour mieux se préparer à lire ? 9

    A- Le lien entre le lire et l’écrire à l’école…………………… 9

    B- Lire et écrire : une interaction constante pour l’appropriation de l’écrit. 10

    C- Ecrire pour aborder le principe alphabétique…………………………. 11

    PARTIE II : Comment encourager et accompagner les essais d’écriture avec des élèves

    de maternelle ?........................................................................ 13

    1- Les deux formes de l’activité : spontanée ou accompagnée………………….

    A – Un espace d’écriture spontanée.…. 13

    B - La conduite des ateliers d’écriture….. 13

    2- Les différentes phases de l’activité…… …………………………………… 14

    3- Des aides pour les ateliers d’écriture …………………………………….. 16

    A- Des activités de découverte de la langue écrite………………………… 16

    a) Une pratique régulière de la dictée à l’adulte……………………. 16

    b) Des activités de lecture variées……………………………………… 16

    B- Ecrire en interaction…………………………………………………………. 17

    C- Des outils pour la classe…………………………………………………….. 17

    4- Le rôle de l’enseignant dans les situations d’écriture tâtonnée 18

    A- Une attitude bienveillante……………………………………………….. 18

    B- Un rôle différent selon les enfants………………………………………. 18

    5- Comment évaluer les élèves ?............................................................................ 19

  • 3

    PARTIE III : Mise en œuvre dans la classe et analyse critique 20

    1- Analyse des représentations initiales des élèves . 20

    A- Analyse des évaluations diagnostiques de lecture……………………… 20

    a) Description des tests de lecture ……………………………………. 20

    b) Mise en place d’un groupe témoin ………………………….. 21

    c) Analyse des résultats 21

    B- Premier essai d’encodage ………………………………………….. 22

    2-Mise en œuvre des activités d’écriture. 23

    A- Descriptif du travail réalisé 23

    B- Constitution des groupes pour l’atelier d’écriture accompagnée… 24

    C- La correction des écrits……………………………………………. 24

    D- La différenciation …………………………………………………. 25

    3-Evaluation des acquis des élèves et bilan 25

    A- Analyse des évaluations de lecture ……………………………….. 25

    B- Analyse de l’évolution des productions d’écrit des élèves…………. 27

    CONCLUSION 29

    BIBLIOGRAPHIE

    ANNEXES

  • 4

    INTRODUCTION

    Si l’apprentissage de la lecture ne fait pas partie des programmes de l’école maternelle, la

    découverte du code de l’écrit en est un objectif important. Dans le bulletin officiel du 19 juin 2008, il

    est d’ailleurs rappelé que « l’école maternelle doit favoriser grandement l’apprentissage

    systématique de la lecture et de l’écriture qui commencera au cours préparatoire. »

    Lier lecture et écriture est peut-être une manière de favoriser cette entrée dans l’écrit .Or

    certains maîtres n’osent pas demander aux élèves d’écrire avant qu’ils ne maîtrisent l’orthographe

    des mots et la structure des phrases : selon eux l’écriture servirait à évaluer des savoirs

    antérieurs construits en lecture.

    Toutefois de nombreux travaux de recherche sur l’entrée dans l’écrit ont montré l’intérêt de la mise

    en place d’activités d’écriture avant même que les élèves ne sachent lire.

    La connaissance des travaux de quelques psycholinguistes m’a ainsi amenée à

    m’interroger : de la même manière qu’on propose, aux élèves de cycle 1, des activités de

    découverte et de tâtonnement dans des situations de langage oral, au sein d’ateliers d’éducation

    physique, en arts visuels ou en sciences, ne peut-on pas confronter les élèves à cette même

    problématique pour l’écriture ? Il s’agirait alors

    d’écrire pour découvrir le fonctionnement de l’écrit et donc mieux se préparer à apprendre à lire.

    Ainsi partant de l’hypothèse qu’en mettant en œuvre des projets d’écriture et en permettant aux

    élèves d’écrire de manière autonome, il est possible de favoriser l’acquisition des compétences

    nécessaires à l’apprentissage de la lecture, j’ai mis en place dans ma classe divers ateliers

    d’écriture tâtonnée.

    Dans un premier temps, après avoir expliqué ce que signifie « écrire » à l’école maternelle, je

    décrirai l’écriture tâtonnée et le lien que l’on peut établir entre le lire et l’écrire. Puis, je

    présenterai la démarche qui permet d’encourager et d’accompagner les essais d’écriture à l’école

    maternelle.

    Enfin, après avoir réalisé l’état des lieux des représentations initiales des élèves, je procéderai à

    l’analyse critique de la pratique de classe et je dresserai le bilan de l’activité mise en œuvre.

  • 5

    PARTIE I

    QU’EST-CE QU’ECRIRE EN MATERNELLE ET POURQUOI ECRIRE POUR

    MIEUX SE PREPARER A LIRE ?

    Le verbe « écrire » a trois significations qu’il importe de distinguer.

    Ecrire peut désigner :

    -l’acte graphique, le geste graphique

    -l’activité de copie

    -la production d’écrits en tant que conception et mise en texte d’un écrit adapté à la situation de

    communication dans laquelle il s’inscrit.

    Les programmes distinguent les compétences d’écriture (au sens du geste graphique) et de

    production d’écrits. Nous nous attacherons ici aux compétences liées à la production d’écrits.

    La dictée à l’adulte et l’écriture inventée font partie des principales modalités de la mise en œuvre

    d’activités de production d’écrits aux cycles 1 et 2.

    Après avoir défini la dictée à l’adulte, qui est la forme la plus pratiquée à l’école maternelle, nous

    en analyserons les intérêts et les limites. Puis, nous pourrons voir quelles sont les spécificités de

    l’écriture inventée, quels bénéfices les élèves peuvent tirer de cette activité et comment des

    élèves de grande section de maternelle peuvent mieux se préparer à apprendre à lire en écrivant.

    1 : Les différentes formes de production d’écrits à l’école maternelle.

    A- La dictée à l’adulte : intérêts et limites.

    Depuis une vingtaine d’années, le terme de « dictée à l’adulte » a été intégré au vocabulaire de

    l’école pour désigner une situation pédagogique qui permet aux élèves d’écrire, de produire des

    textes avant même de savoir maîtriser le geste graphique et de connaître le code de la langue

    écrite.

    Les textes officiels de 1995 en ont fixé l’usage en demandant aux enseignants du cycle 1 de

    mettre en œuvre des activités de « production de textes en dictée à l’adulte collective ou en petits

    groupes »1

    La dictée à l’adulte est une situation mixte d’oral et d’écrit. Par cette activité, les élèves apprennent

    « à dicter un texte à l’adulte qui les conduit, par ses questions, à prendre conscience des

    exigences qui s’attachent à la forme de l’énoncé.

    1 Programmes de l’école primaire MEN CDDP 1995 (page 2)

  • 6

    Ils sont ainsi amenés à mieux contrôler le choix des mots et la structure syntaxique. A la fin de

    l’école maternelle, ils savent transformer un énoncé oral spontané en un texte que l’adulte écrira

    sous leur dictée » 22

    La dictée à l’adulte permet aux élèves de découvrir le fonctionnement de la langue écrite et les

    difficultés liées à la mise en mots et à la composition du texte.

    C’est une situation pédagogique intéressante au cours de laquelle « l’attitude langagière du maître

    peut favoriser (chez les élèves) la découverte de la nature de l’écrit »3. Selon les membres du

    groupe de recherche PROG, en verbalisant de plus en plus son activité de scripteur, l’enseignant

    éveille l’intérêt des élèves face au langage écrit. De plus, au cours de l’activité, le maître emploie

    des termes métalinguistiques soigneusement choisis : histoire, début, fin mais également phrase,

    mot, lettre, ligne. Il fait ainsi découvrir aux élèves le vocabulaire lié aux éléments de la langue, en

    les reliant au langage.

    Grâce à cette activité, l’élève se familiarise avec les différentes tâches à assumer quand on écrit

    et peut ainsi se représenter l’acte d’écrire.

    Toutefois, cette situation pédagogique présente quelques limites.

    Au cours de cette activité, le guidage de l’enseignant peut être assez fort, par :

    - les questions qu’il pose, questions qui sont celles d’un scripteur expert,

    - les pauses qu’il provoque, pour permettre une planification de la suite du texte,

    - les décisions qu’il aide à prendre sur les différences entre ce qu’on peut dire à l’oral et

    ce qu’on peut écrire,

    - le fait que ce soit lui le scripteur.

    La dictée à l’adulte est d’un intérêt certain qui « donne à voir » comment la chaîne orale se

    transpose à l’écrit mais elle reste une situation de production dirigée par le maître, qui ne permet

    pas à l’élève de produire de manière autonome.

    Or les auteurs de l’ouvrage Ecrire plus tôt considèrent qu’il « paraît important de mettre en œuvre

    des situations d’écriture finalisée dans lesquelles l’élève produit seul selon ses moyens et

    conquiert de lui-même la maîtrise d’outils d’écriture qu’il recherche et s’approprie par besoin. »4

    C’est ce que permet l’écriture inventée dont nous allons voir les spécificités.

    L’analyse qui suit nous permettra de comprendre en quoi l’écriture inventée peut être considérée

    comme une des activités préparatoires à la lecture.

    2 Bulletin Officiel du 19 juin 2008 MEN (page 13)

    3 Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école maternelle Groupe PROG Hachette 2000 ( page )

    4 Ecrire plus tôt Groupe coordonné par Jacky Ponsart CRDP Champagne-Ardenne 2005 ( page 5)

  • 7

    B- L’écriture inventée.

    a) qu’est-ce que l’écriture inventée ?

    Dans les situations d’écriture inventée ou tâtonnée, les élèves s’essayent eux-mêmes à écrire

    des mots qu’ils ne savent pas encore écrire. Ce type de tâche-problème les met en position

    d’élaborer des hypothèses sur le fonctionnement du système d’écriture et met en jeu une réflexion

    sur ce qui s’écrit par rapport à ce qui s’entend. Or, comme l’ont montré des chercheurs,

    notamment Emilia Ferreiro pour l’espagnol et Jean-Pierre Jaffré pour le français, l’essentiel de

    l’acquisition du système orthographique se passe avant même que l’enfant sache lire ou écrire.

    C’est par les hypothèses qu’il fait sur la manière dont s’agencent les lettres que le jeune enfant se

    construit progressivement une représentation du système d’écriture qui sous-tendra ensuite son

    orthographe.

    Diverses recherches relatives à la psychogenèse de l’écrit permettent d’établir que l’écriture

    inventée peut être un élément moteur dans la compréhension du code écrit : les enfants écrivent

    avec ce qu’ils savent faire, en construisant petit à petit une méthodologie de travail alliant la

    phonétisation, l’utilisation des référents et en s’appropriant leur projet d’apprentissage.

    Pionnière dans ce domaine, Emilia Ferreiro est une chercheuse mexicaine qui considère le lire-

    écrire comme un objet cognitif au même titre que les autres objets traditionnellement étudiés par

    Piaget. Son analyse a permis d’établir l’existence de plusieurs stades dans l’élaboration de la trace

    écrite. A travers une étude qui a porté sur une population de prés de 1000 enfants, elle propose

    une genèse de l’écrit : avant d’accéder à un stade alphabétique, l’enfant connaîtrait

    progressivement les étapes pré-syllabiques, syllabiques et syllabo-alphabétiques. (Voir annexe 1).

    Selon Emilia Ferreiro, les productions des enfants sont les manifestations les plus évidentes de

    leurs essais pour comprendre l’écriture. Leurs tentatives d’écriture sont révélatrices du stade où ils

    se trouvent dans le développement de leur conscience de l’écrit. Elles mettent en évidence leur

    compréhension du principe de la correspondance entre un graphème et un phonème ; elles

    permettent de savoir s’ils possèdent les conventions de l’écrit ainsi qu’une bonne discrimination

    auditive.

    b) pourquoi favoriser les essais d’écriture dés l’école maternelle ?

    « Pour les enfants, l’écrit est un objet de curiosité, d’intérêt et d’étonnement. Très tôt, ils

    demandent des explications et s’engagent volontiers dans des activités ardues d’écriture …..En

    moyenne section, les enfants ont envie d’écrire et s’exercent spontanément. »5

    Dés l’âge de 2 ou 3 ans, les enfants éprouvent un grand plaisir à noircir des pages de papier par

    des boucles et des simulacres d’écriture. Très tôt, ils commencent à s’intéresser aux écritures qui

    les entourent et il parait donc intéressant de profiter de cette appétence et de permettre aux élèves

    5 Le langage à l’école maternelle MEN Document d’accompagnement des programmes 2006

  • 8

    de faire des essais d’écriture. Ces derniers stimulent des interrogations sur le fonctionnement de

    l’écrit et favorisent ainsi l’entrée dans l’écrit des élèves. En outre, comme le précise Jacques

    Filjakow, « des études effectuées en France concordent pour montrer que, dans l’ensemble, les

    élèves en difficulté à l’école maternelle sont ceux qui seront en difficulté à l’école primaire lors de

    l’apprentissage de la lecture. »6 Il semble donc indispensable de tenter de prévenir ces difficultés.

    Ainsi, on peut par exemple proposer des situations d’écriture tâtonnée, dés l’école maternelle.

    La pratique de l’écriture tâtonnée a un double intérêt pédagogique :

    - d’une part, à travers des activités de découverte et de tâtonnement dans des situations

    de langage écrit, elle permet aux élèves de comprendre comment fonctionne l’écriture.

    - d’autre part, par l’examen des productions autonomes des élèves, elle permet à

    l’enseignant de voir ce que chaque enfant a intégré et de suivre son évolution dans ses

    conceptualisations de l’écrit.

    Dés lors, nous pouvons nous interroger sur ce lien entre le lire et l’écrire et nous demander

    comment les enfants peuvent mieux se préparer à apprendre à lire grâce à l’écriture ?

    6 Mauvais lecteurs, pourquoi ? Jacques Filjakow Magnard (p 230)

  • 9

    3 : Le lien entre le lire et l’écrire : pourquoi écrire pour mieux se préparer à

    lire ?

    a) Le lien entre le lire et l’écrire à l’école.

    Jacques Filjakow a pu constater que dans les pays hispanophones, « la lecture et l’écriture sont

    conçues comme le recto et le verso d’une même feuille. » et que les enfants sont très tôt incités à

    écrire. En France, généralement, la lecture précède l’écriture. Pendant toute une période, seule la

    lecture était enseignée : l’écriture n’avait pas sa place dans l’enseignement. Puis, on a enseigné la

    lecture, et plus tard, l’écriture. Depuis plusieurs années, les programmes semblent vouloir marquer

    une rupture avec ces pratiques en rappelant que la lecture et l’écriture doivent être des activités

    complémentaires. En effet, il apparaît que « l’articulation entre lecture et écriture reste un

    excellent moyen de renforcer les apprentissages ; l’écriture d’un mot qu’on ne sait pas écrire

    permet de revenir à une activité de synthèse qui vient compléter l’analyse. » (Ministère de

    l’Education Nationale, 2002)

    Par ailleurs, dans les programmes de l’école maternelle de juin 2008, on trouve un chapitre intitulé

    « se préparer à apprendre à lire et à écrire » qui semble montrer cette volonté d’associer

    l’apprentissage de l’écriture à celui de la lecture.

    Dans les pratiques, l’écriture a essentiellement un rôle de contrôle : écrire des mots sous la dictée,

    répondre à des questions…Plus les enfants sont jeunes et moins les activités de productions

    écrites sont fréquentes. La dictée à l’adulte reste la forme privilégiée de production d’écrits dans

    les classes de maternelle et l’écriture inventée y est peu ou pas pratiquée. Une analyse des

    manuels de lecture de CP réalisée par l’atelier maîtrise de la langue du département montre que

    certains manuels de CP proposent très peu de productions d’écrit. (Annexe 2)

    Dans un rapport du plan de prévention de l’illettrisme au CP en 2003-2004, on apprend que

    « l’apprentissage de l’écriture est apparu très généralement insuffisant et trop souvent indépendant

    de la lecture. La copie et la dictée de mots et de syllabes demeurent aussi rares dans les classes

    que l’écriture inventée qui constitue pourtant un moment intéressant de réflexion sur la langue. »

    Ce rapport ajoute qu’il faudrait « encourager les enseignants à augmenter la part de

    l’enseignement de l’écriture (graphisme et codage) qui doivent être des activités régulières et

    pluriquotidiennes. »

    En somme, il apparaît que, dans les pratiques, l’écrire tient une place minime par rapport au lire et

    que l’on va le plus souvent du lire vers l’écrire. Or, on peut peut-être imaginer le cheminement

    inverse : à savoir aller de l’écrire vers le lire.

    Mais pourquoi lier l’écriture à la lecture ?

  • 10

    b) Lire, écrire : une interaction constante pour l’appropriation de l’écrit.

    Les programmes de juin 2008 nous rappellent que « par trois activités clés (travail sur les sons de

    la parole, acquisition du principe alphabétique et des gestes d’écriture), l’école maternelle favorise

    grandement l’apprentissage systématique de la lecture et de l’écriture qui commencera au cours

    préparatoire. »7

    Or, pour pouvoir apprendre à lire l’élève doit être attentif à trois phénomènes différents et s’en

    approprier les mécanismes :

    - La première conquête est celle qui permet de comprendre que le mot écrit renvoie à un

    mot oral et non à la personne ou à l’objet qu’il représente. C’est ainsi que la longueur

    d’un mot est en relation avec les caractéristiques orales de ce dernier et non avec sa

    signification.

    - La deuxième conquête est celle qui permet de prendre conscience que l’écrit est

    composé de mots séparés les uns des autres (segmentation de l’écrit)

    - La troisième conquête, très progressive est celle qui éclaire le mécanisme d’encodage

    de l’écriture alphabétique. Il s’agit de mettre en relation des unités sonores et des unités

    graphiques. Il est important de laisser le temps à l’enfant de construire cette

    connaissance du principe alphabétique et de lui en donner les moyens.

    Il apparaît que pour savoir lire « la conscience phonologique et la compréhension du principe

    alphabétique sont deux composantes tout à fait essentielles, même si elles ne sont pas les seules

    … et doivent prendre leur juste place dans l’ensemble des apprentissages prévus par les

    programmes de l’école maternelle. »8

    La pratique de l’écriture tâtonnée vise l’acquisition de ces compétences et semble pouvoir

    favoriser la compréhension du principe alphabétique. Comme nous l’avons vu, c’est en écrivant

    que l’élève est amené à se poser des questions sur le fonctionnement de la langue écrite et peut

    ainsi progressivement comprendre le lien entre l’ oral et l’ écrit, percevoir la segmentation de l’écrit

    et mettre en relation les unités sonores et les unités graphiques .

    De plus, ce lien entre le lire et l’écrire apparaît dans la nature même de l’activité d’écriture au

    cours de laquelle on peut avoir recours à la lecture : pour rechercher des modèles dans les

    référents ou pour réguler la production (savoir ce que l’on a déjà écrit et ce qu’il reste à écrire).

    Voilà pourquoi, selon Jacques Filjakow, « c’est un non sens de considérer la lecture et l’écriture

    comme deux entités distinctes »9. Ce qui est à apprendre, c’est la langue écrite. Comme les

    activités de production d’écriture, les activités « vers la lecture » participent au travail cognitif de

    7 Bulletin officiel du 19 juin 2008 MEN (page 13)

    8 Le langage à la maternelle Document d’application des programmes MEN 2006 ( page 94)

    9 Entrer dans l’écrit Jacques Filjakow Magnard 1993 ( page 49)

  • 11

    l’élève, faisant de la langue un objet d’étude. Elles peuvent nourrir les essais graphiques de

    l’apprenti écrivain ou bien sont alimentées par ce travail de production d’écrit. Ainsi, ce va et vient

    entre l’état d’apprenti lecteur et celui d’apprenti scripteur peut favoriser l’entrée dans l’écrit des

    élèves.

    Bien sûr, il n’est pas question d’enseigner l’orthographe, le code écrit aux élèves de cycle 1 mais

    de leur permettre, par cette activité de production de « prolonger le temps de l’apprentissage, de

    parcourir le long chemin cognitif qui permettra d’accéder à la compréhension du système

    d’écriture. »10

    c) Ecrire pour aborder le principe alphabétique :

    L’écriture tâtonnée permet de placer véritablement l’élève dans une situation de recherche qui

    doit le conduire à découvrir lui-même les outils de l’écriture dans un ordre non fixé. L’analyse des

    productions écrites permet d’évaluer l’évolution de chaque élève, sur les plans :

    - du niveau de conscience orthographique : souci du sens du message, conscience de la

    permanence de l’écrit.

    - de la morphologie : sens de l’écriture, dispositions des mots.

    - de la syntaxe : segmentation de l’écrit, place et ordre des mots, des lettres.

    - du niveau de conscience phonologique : utilisation de signes conventionnels, valeur

    sonore attribuée aux lettres et aux syllabes, correspondance graphie/phonie.

    Compte tenu de l’ampleur des paramètres de l’observation, il convient de cibler précisément les

    axes de l’investigation.

    Selon Jacques Filjakow, l’écriture inventée permet à l’enfant de découvrir que le français écrit

    repose sur un principe alphabétique. Or nous savons (et les programmes nous le rappellent) que

    l’une des conditions nécessaires à la maîtrise de la lecture est cette connaissance du principe

    alphabétique.

    Telle est la raison pour laquelle, dans le cadre de l’expérimentation qui a été menée en classe,

    l’observation du cheminement des élèves portera sur la connaissance du principe alphabétique.

    Cela implique que l’on s’attachera essentiellement à observer :

    - le lien que fait l’élève entre l’oral et l’écrit

    - son niveau de conscience phonologique : l’utilisation de signes conventionnels, la valeur

    sonore attribuée aux lettres et/ou aux syllabes, la relation entre les lettres et les sons.

    En somme, c’est parce qu’elles visent le même apprentissage (celui de la langue écrite) que

    l’écriture et la lecture peuvent et doivent être associées. Pour permettre à l’élève d’entrer, puis

    10

    L’écriture avant la lettre

    Emilia Ferreiro Hachette 2000

  • 12

    d’évoluer dans le monde de l’écrit de façon autonome, il semble indispensable qu’il réalise très tôt

    que lire et écrire constituent deux actions distinctes mais complémentaires.

    L’école maternelle a un rôle à jouer dans ce domaine et la pratique de l’écriture tâtonnée peut

    être mise au service de cet apprentissage.

    Reste à savoir comment encourager et accompagner les essais d’écriture avec des élèves de

    maternelle ?

  • 13

    PARTIE II

    COMMENT ENCOURAGER ET ACCOMPAGNER LES ESSAIS D’ECRITURE

    AVEC DES ELEVES DE MATERNELLE ?

    1 : Les deux formes de l’activité : spontanée ou accompagnée.

    Dans le document d’accompagnement des programmes intitulé Le langage à la maternelle, il est

    spécifié que « Dés la section des moyens, l’organisation de la classe doit réserver une place

    spécifique à l’activité d’écriture » (page 100)

    J’ai donc installé dans ma classe un espace pour que les élèves écrivent librement et de manière

    spontanée.

    A – Un espace d’écriture spontanée.

    Disposant d’une classe suffisamment spacieuse, j’ai pu consacrer un espace assez grand à cette

    activité. Il s’agit d’un groupement de huit tables qui est exclusivement réservé à l’écriture et où les

    élèves peuvent se rendre à divers moments de la journée. Au départ, le matériel mis à la

    disposition des élèves se limitait à des feuilles et des crayons de papier car il importait de lancer

    les élèves dans leur projet d’écriture et je craignais que la multiplication des outils et des supports

    les incite davantage à pratiquer des activités d’ordre graphique. Dans un premier temps, il fallait

    s’attacher à faire comprendre aux élèves le but de l’activité au coin écriture.

    Puis l’espace consacré à l’écriture s’est progressivement enrichi des documents référents, de

    différents supports et de différents outils scripteurs.

    Les élèves peuvent accéder à cet espace au moment de l’accueil ou à un autre moment de la

    journée, lorsqu’ils ont fini leur travail. Les productions des élèves sont datées et conservées. A

    l’issue de chaque essai d’écriture, un temps d’échanges entre l’élève et l’enseignant est

    nécessaire pour que :

    - l’élève lise ce qu’il a voulu écrire et explique, le cas échéant ses stratégies.

    - l’enseignant transcrive le message en écriture normée afin que l’élève puisse effectuer

    des comparaisons.

    Par ailleurs, pour inciter l’ensemble des élèves à s’essayer à écrire, il semblait nécessaire

    d’organiser régulièrement des ateliers d’écriture.

    B- La conduite des ateliers d’écriture.

    Afin de permettre aux élèves de pratiquer deux formes d’écriture tâtonnée, j’ai mis en place deux

    sortes d’ateliers.

    - d’une part, je propose des ateliers d’écriture inventée. Ces ateliers se rapprochent dans

    leur mise en forme et dans l’attitude du maître des tests conduits par les chercheurs. Ils s’en

    différencient dans les buts et dans les sujets qui leur servent de support. Les tests des chercheurs

  • 14

    sont proposés sans lien avec les thèmes ou l’actualité de la classe alors qu’ici la démarche

    proposée s’y attache évidemment. C’est une situation d’écriture individuelle dont les objectifs

    sont de :

    - savoir quelles représentations chaque enfant a de l’écrit.

    - conduire l’enfant à réfléchir sur la langue et sur ce qu’il faut faire pour la maîtriser.

    Ces ateliers d’écriture inventée ont donc fonction d’évaluation et de situation d’apprentissage.

    - d’autre part, il paraissait intéressant de mettre en place ce que j’appellerai des ateliers d’écriture

    accompagnée. Ceux-ci sont conduits en petits groupes de 4 ou 5 élèves et se distinguent des

    ateliers d’écriture inventée par un rôle différent de l’adulte et par l’interaction. Ils ont pour but :

    - de faire prendre conscience aux élèves des différentes procédures mobilisées lorsque l’on

    écrit.

    - de conduire les élèves à réfléchir sur la langue et sur ce qu’il faut savoir et

    savoir faire pour la maîtriser.

    - de mobiliser ses savoirs sur la langue écrite en situation de production.

    - dialoguer, échanger et argumenter sur la langue écrite.

    Sur leur déroulement, ces ateliers se rapprochent de la dictée à l’adulte mais ils s’en distinguent

    par la taille du projet d’écriture (texte beaucoup plus long en dictée à l’adulte) et par le rôle du

    maître qui ne prend plus en charge ni l’aspect graphique ni la dimension orthographique du texte.

    L’intérêt de ces ateliers d’écriture accompagnée est de permettre aux élèves de progresser grâce

    à l’interaction. Ce point sera développé par la suite.

    Ainsi, les élèves peuvent pratiquer l’écriture tâtonnée de différentes manières.

    On peut, à présent s’interroger sur le déroulement de ces ateliers d’écriture.

    2 : Les différentes phases de l’activité.

    Qu’il s’agisse des ateliers d’écriture inventée ou de ceux d’écriture accompagnée, la conduite de

    l’activité est sensiblement la même. Toutefois, le rôle de l’enseignant est différent et l’on peut

    distinguer deux étapes pour les ateliers d’écriture accompagnée alors que l’on en trouvera une

    troisième pour ceux d’écriture inventée.

    - La première phase correspond au choix du projet d’écriture. C’est un moment

    d’échange oral durant lequel l’enfant ou le groupe d’enfants définit oralement ce qu’il

    souhaite écrire. Il s’agit de déterminer la phrase ou le texte qui permettent de transcrire

    ce que l’on veut dire.

    - Puis, il y a la phase de rédaction. Les élèves sont alors conduits à s’interroger sur

    comment faire pour écrire.

    Lorsque l’élève est seul, il fait librement ses choix pour écrire : il tâtonne, recherche, explore

    la langue écrite.

  • 15

    A l’intérieur d’un groupe, les élèves échangent, proposent des solutions, valident ou

    invalident la proposition d’un autre en argumentant. Ils associent leurs efforts pour chercher

    comment écrire un mot, une syllabe, une lettre…pour chercher dans les référents si

    nécessaire. Matériellement, ils se relaient dans l’acte graphique : le stylo change de main à

    chaque mot ou presque. Pendant cette phase, l’enseignant note les remarques et les

    comportements de chaque élève. Le maître exploite les propositions des élèves, favorise

    le dialogue, accompagne les recherches, donne des indices lorsque le groupe est bloqué,

    relance et valide les propositions d’écriture. A l’issue de cette phase, chaque élève du

    groupe est invité à recopier ce qui a été rédigé.

    - pour l’atelier d’écriture inventée, il y a une troisième phase : c’est un entretien individuel au

    cours duquel l’élève explique ce qu’il a écrit. Durant cette phase de verbalisation, lorsque

    l’enfant en est capable, il est invité à montrer la portion du texte dont il parle. En revenant

    sur sa production, il est conduit à réfléchir sur ce qu’il sait de la langue écrite, à formuler ses

    stratégies pour réaliser son projet d’écriture. Puis l’enseignant transcrit le message dans la

    norme orthographique en dessous de ce que l’élève a écrit. Ainsi, en mesurant l’écart entre

    ce qu’il a voulu écrire et ce qui est écrit par le maître, l’élève peut comprendre que

    l’écriture obéit à des règles de codage liées au principe alphabétique et /ou morphologique.

    Tel est donc le déroulement des ateliers d’écriture. On trouvera en annexes 3 et 4 des tableaux

    synthétisant les différentes étapes et spécifiant l’activité des élèves et le rôle du maître pour

    chacune d’elles.

  • 16

    3 : Des aides pour les ateliers d’écriture.

    Afin de permettre à l’élève d’entrer dans l’écrit, l’école doit jouer son rôle en proposant

    conjointement des activités de production et de réception. Aussi allons-nous voir comment les

    activités menées autour de la langue écrite peuvent être une aide pour l’écriture tâtonnée.

    A – Des activités de découverte de la langue écrite.

    a) Une pratique régulière de la dictée à l’adulte.

    Comme nous l’avons déjà vu, la dictée à l’adulte permet de travailler l’entrée

    dans l’écrit avec les jeunes élèves dés le moment où ils s’expriment à l’oral .Selon les membres du

    groupe PROG, c’est « une des meilleures situations pour comprendre que l’écrit, c’est du

    langage, ça parle. »11 .En voyant le maître écrire, tout en verbalisant ce qu’il écrit, l’élève perçoit

    les relations entre le langage et le système de l’écrit. Ce que l’enfant apprend au cours des

    séances de dictée à l’adulte pourra donc lui servir au moment où il aura à écrire.

    En outre, comme l’équipe de Mireille Brigaudiot, nous considérons que pour permettre aux élèves

    de construire leurs compétences et leurs représentations sur l’écrit, il est indispensable de les

    familiariser avec le langage écrit.

    b) Des activités de lecture variées.

    Les situations proposant à l’élève des confrontations à l’écrit doivent, en effet, être nombreuses

    dans la classe. Les diverses expériences de réception d’écrit peuvent permettre à l’enfant de

    comprendre un récit lu par le maître, de percevoir ce que lire veut dire et ce qu’apprendre à lire

    signifie.

    En outre, les jeux de manipulation de la langue orale, évoqués à la page 13 du Bulletin Officiel de

    juin 2008, doivent amener l’élève à comprendre que l’écrit (en plus de véhiculer du sens) note la

    phonie de la langue. En décrivant un mot, en utilisant le nom des lettres pour distinguer ce qui

    différencie deux mots, etc.…les enfants se dotent de connaissances importantes qu’ils peuvent

    réinvestir dans les moments où ils tentent de trouver la manière d’écrire un mot qui n’est pas

    présent devant eux.

    Toutes ces activités « vers la lecture » participent donc au travail cognitif de l’enfant, faisant de la

    langue un objet d’étude et peuvent ainsi nourrir les essais graphiques des élèves.

    Parmi les aides que l’on peut apporter aux élèves, il y a également l’interaction.

    Celle-ci intervient lors des ateliers d’écriture accompagnée.

    11

    Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école maternelle Groupe PROG Hachette 2000 ( page 135)

  • 17

    B – Ecrire en interaction.

    On constate souvent que l’interaction peut être un bon moteur d’apprentissage. C’est le cas dans

    l’activité d’écriture tâtonnée. L’hétérogénéité des niveaux de connaissance offre une ressource

    supplémentaire et l’interaction peut être une aide dans la mesure où elle permet aux élèves de

    s’organiser à plusieurs, de s’entraider, de verbaliser les procédures de résolution utilisées.

    Rappelons que l’un des objectifs des ateliers d’écriture accompagnée est de permettre aux élèves

    de dépasser leurs propres représentations. C’est pourquoi, il m’a paru essentiel de compléter les

    essais d’écriture inventée par cette activité d’écriture accompagnée : par la variété des échanges

    en cours d’atelier, les enfants confrontent leurs hypothèses, font bouger leurs représentations et

    peuvent ajuster les procédures .Cette forme de l’activité semble donc être une aide

    supplémentaire et ces ateliers peuvent permettre à chacun de progresser à son rythme et

    donnent la possibilité aux élèves inhibés d’être écoutés.

    Par ailleurs, pour créer des conditions favorables, il parait nécessaire de proposer des outils aux

    élèves.

    C- Des outils présents dans la classe.

    Les outils de référence ont un rôle important et sont les ressources dans lesquelles les élèves

    (lorsqu’ils sont prêts à le faire) vont pouvoir puiser les lettres, mots ou groupes de mots dont ils

    ont besoin pour écrire. Ces référents doivent être clairs, lisibles, pas trop nombreux et structurés.

    Ils sont élaborés progressivement et en tenant compte des besoins des enfants. Ainsi, à la fin du

    mois de janvier, les référents de ma classe de grande section sont les suivants :

    - des panneaux regroupant des mots du lexique de la classe (prénoms des élèves, noms

    des jours de la semaine, des mois de l’année, petits mots outils)

    - des textes écrits au cours de séance de dictée à l’adulte ou des ateliers d’écriture

    accompagnée.

    - des textes des comptines et des poésies apprises en classe.

    - un alphabet mural présenté avec 4 graphies (capitales d’imprimerie, script, cursives

    majuscules et cursives minuscules)

    Je rappelle que ces outils ont été élaborés très progressivement car il n’agissait pas de

    transformer l’atelier d’écriture en un exercice de copie mais ces référentiels semblent nécessaires

    dans la mesure où apprendre à s’y reporter et à s’en servir est un des enjeux de la pratique de

    l’écriture tâtonnée. Rappelons que cette activité permet de placer l’élève dans une situation de

    recherche qui doit le conduire à découvrir les outils de l’écriture. Or chercher le matériau dont on a

    besoin dans les mots affichés ou mémorisés est une des procédures possibles.

    Laissés à la disposition de tous, mais non imposés, ces outils sont et seront utilisés par ceux qui

    en ont un réel besoin, par ceux qui ont atteint le stade qui leur permet d’en comprendre l’utilité.

  • 18

    Une des missions de l’enseignant est donc d’installer ces outils dans sa classe et le cas échéant

    de fournir une aide à l’utilisation de ces derniers.

    Mais quel est encore son rôle lors des situations d’écriture inventée ?

    4 : Le rôle de l’enseignant dans les situations d’écriture tâtonnée et la

    différenciation.

    Même si l’enseignant s’efface à certains moments de l’activité pour laisser les élèves se poser et

    résoudre des problèmes d’écriture, son rôle n’en est pas moins très important.

    A – Une attitude bienveillante.

    Dans cette activité de production d’écrit, l’établissement d’une relation de confiance est primordial

    .L’enseignant doit se poser comme accompagnateur, il doit mettre l’élève en confiance,

    l’encourager, l’aider et faire preuve de tolérance .Il installe dans sa classe un climat où l’erreur est

    tolérée et devient même un élément essentiel de l’apprentissage .Les élèves ne sont pas dupes et

    savent très bien qu’ils n’écrivent pas comme l’adulte. Le maître n’attend pas une norme

    orthographique correcte de la part de l’élève et ne fournit pas de solutions .Il est là pour l’aider à

    franchir des obstacles, pour le rassurer, pour l’amener à écrire sans avoir peur de l’erreur .En

    s’appuyant sur ses écrits antérieurs, on peut aussi, en maternelle faire prendre conscience à

    l’élève de son évolution et du chemin qui lui reste à faire.

    B – Un rôle différent selon les enfants.

    Le rôle de l’enseignant est différent selon les enfants car il s’ajuste à l’état de leurs compétences.

    Comme nous l’avons vu, les productions des élèves permettent au maître de déterminer le stade

    précis de leur représentation du système écrit, leur capacité à entendre ou non les éléments

    phonologiques qui constituent les mots, l’utilisation des lettres pour coder des sons. Ainsi

    l’entretien individuel au cours duquel le maître conduit l’enfant à expliciter ses procédures, tente

    d’induire des corrections et valorise les efforts sera nécessairement différent d’un élève à l’autre.

    Si l’on veut que chaque élève progresse à son rythme, sans anticiper, l’étayage apporté par le

    maître se fera en fonction du stade où l’enfant se trouve. Ainsi, avec un enfant qui commence à

    attribuer une valeur sonore aux lettres, pourra-t-on revenir sur sa production pour l’amener à des

    corrections d’ordre « orthographo- phonologique ». Cela ne semble pas concevable avec un élève

    qui n’a pas encore établi la relation entre phonie et graphie. Ce rôle différent du maître est un des

    éléments de la différenciation que nous détaillerons dans la troisième partie.

  • 19

    5 : Comment évaluer les élèves ?

    En reprenant quelques données des chercheurs qui se sont penchés sur l’écriture inventée, il est

    possible de mettre en place une grille où apparaissent les différents stades de conceptualisation

    de l’écrit.

    Voici donc une grille possible qui distingue six étapes dans le niveau de conceptualisation de

    l’écrit :

    Phase 1 : traitement figuratif

    Phase 2 : traitement visuel

    Phase 3 : traitement de l’oral

    Phase 4 : encodage du sonore

    Phase 5 : utilisation du principe alphabétique

    Phase 6 : utilisation du principe alphabétique et segmentation de l’écrit

    On trouvera cette grille détaillée en annexe 5.

    Elle reprend trois grandes étapes de représentations des enfants :

    1- ils comprennent que l’écrit code socialement du langage.

    2- ils comprennent que ce code touche la face sonore du langage.

    3- ils comprennent que cette face sonore touche de toutes petites unités.

    L’application de cette grille nécessite que l’on prenne en compte les points suivants :

    - plusieurs phases peuvent coexister chez un même enfant

    - dans une même production, un enfant peut utiliser tout ou une partie des procédures

    correspondantes à une phase

    - on peut observer une progression et parfois une régression par rapport à cette grille.

    En somme, c’est par des activités complémentaires visant à préparer les élèves à apprendre à lire

    et à écrire, un climat de classe rassurant où l’erreur est tolérée et la mise en place d’outils de

    référence et d’une grille d’analyse des productions, que l’enseignant peut créer les conditions

    favorables à la pratique de l’écriture tâtonnée dans sa classe.

  • 20

    PARTIE III

    MISE EN ŒUVRE DANS LA CLASSE ET ANALYSE CRITIQUE

    1 : Analyse des représentations initiales des élèves.

    Afin de faire un état des lieux des connaissances de mes élèves, il était nécessaire de leur

    proposer une série de tests. En premier lieu, je leur ai proposé plusieurs exercices de lecture.

    A- Analyse des évaluations diagnostiques de lecture :

    1- Description des tests d’évaluations :

    Ces évaluations ont eu lieu mi octobre et visaient à affiner l’observation des connaissances

    des élèves sur la relation oral-écrit. Ces évaluations ont été proposées en passation

    individuelle ; ce qui me permettait d’interroger chaque élève sur ces stratégies de

    résolution.

    Un premier exercice s’intéressait plus particulièrement à la segmentation de l’écrit : il

    s’agissait pour l’élève de situer un mot d’une phrase écrite après lecture par l’enseignant.

    Dans le deuxième exercice, il fallait entourer le mot correspondant à un dessin parmi 3

    mots proposés. Les 4 mots à trouver étaient « ananas » « igloo » « marteau » « parapluie ». A

    chaque fois, il s’agissait de savoir si l’élève mettait en relation ce qu’il entendait et ce qu’il

    voyait. Je faisais identifier l’objet à l’élève en lui demandant de verbaliser son nom et je lui

    demandais d’entourer le mot que selon lui désignait l’objet. A chaque fois, l’élève devait

    expliquer comment il avait fait. Pour les deux derniers mots, l’enfant pouvait montrer sa

    capacité à comparer des mots et utiliser ses connaissances (mots « maman » et « papa »)

    pour retrouver un autre mot.

    Le troisième exercice consistait à retrouver un mot prononcé par le maître parmi 5 mots

    écrits sur des étiquettes. Pour chaque enfant, le mot a trouvé était différent car il s’agissait

    de trouver un mot qui commençait comme son prénom : par exemple, « Perron » pour

    Perrine, « Camion » pour Camille ou « Théière » pour Théo. Comme pour l’exercice

    précédent, je souhaitais savoir si l’élève était capable de comparer des mots et d’utiliser ce

    qu’il connaissait, en l’occurrence son prénom, pour retrouver un mot inconnu.

    Enfin, un dernier exercice a été emprunté au support d’évaluation intitulé L’apprenti lecteur

    en difficulté et conçu par André Ouzoulias .Ce test permet de vérifier si l’enfant a compris

    que la quantité d’écrit est approximativement proportionnelle à la quantité d’oral. Il s’agit,

    pour l’élève, de retrouver l’équivalent écrit d’un énoncé oral parmi trois réalisations écrites

    qui différent beaucoup par leur taille.

  • 21

    On trouvera en annexes 6 et 7 les exercices décrits précédemment.

    Pour compléter cette série, j’ai proposé aux élèves un test faisant partie des évaluations

    nationales de grande section. Pour chaque item, les élèves voient une paire d’images

    représentant des animaux et doivent entourer le dessin de l’animal qui a le nom le plus

    long. Comme le précédent, cet exercice permet d’évaluer la capacité des élèves à juger la

    longueur de la chaîne sonore et à apparier la longueur sonore à la longueur du code

    graphique. (Voir annexe 8)

    2 – Mise en place d’un groupe témoin :

    Afin de mesurer le plus objectivement possible l’efficacité de la démarche proposée, il m’a

    paru intéressant de mettre en place un groupe témoin. Dans l’école, il y a une autre classe

    de grande section et depuis plusieurs années, ma collègue et moi travaillons ensemble :

    nous avons les mêmes progressions dans les différents domaines et notamment dans celui

    de la maîtrise de la langue, nous proposons les mêmes activités autour de la lecture et

    nous utilisons les mêmes supports. Les activités proposées pour « se préparer à lire et à

    écrire » sont celles qui sont décrites dans le B.O du 19 juin 2008.

    Toutefois, ma collègue ne pratique pas l’écriture inventée dans sa classe. L’opportunité

    m’était donc offerte de pouvoir encore mieux mesurer l’efficacité des activités d’écriture

    tâtonnée .Ainsi, mi octobre , les élèves de cette classe témoin ont-ils passé les mêmes

    évaluations diagnostiques de lecture que les miens.

    3 –Analyse des résultats :

    Tableau des résultats des évaluations diagnostiques réalisées dans les 2 classes de grande

    section :

    Résultats du

    groupe expérimental

    (taux de réussite)

    Résultats du

    groupe témoin

    (taux deréussite)

    Retrouver un mot commençant comme son prénom 69, 56 % 70,45 %

    Retrouver le mot correspondant à une image 67,05 % 72,34 %

    Situer un mot dans une phrase écrite après lecture par

    un adulte

    52,17 % 55,86 %

    Retrouver le texte lu 27,27 % 36,13 %

    Entourer le dessin de l’animal 77,17 % 84,09 %

    En observant cette grille, on constate tout d’abord des résultats supérieurs de 3 à 9 % selon

    les items pour la classe témoin. Ceci peut certainement s’expliquer par l’âge des élèves .En

    effet, en regardant les dates de naissance, on remarque que :

  • 22

    - dans la classe témoin, 17 élèves sont nés entre le mois de janvier et le mois

    d’août et 7 sont nés après le mois d’août.

    - dans ma classe, 12 élèves sont nés entre le 1° et le 8° mois de l’année et 12

    sont nés de septembre à décembre.

    Ceci tend à montrer que l’âge des élèves et par conséquent la maturité (bien que non

    quantifiable) sont des facteurs à prendre en compte lorsque l’on évalue les élèves et il m’a

    semblé intéressant d’étudier les résultats de mes élèves en fonction de leur âge. (Voir

    annexe 9)

    Ceci dit, au moment de l’analyse des résultats de ces évaluations d’octobre, j’ai différencié

    les exercices visant à évaluer la conscience phonologique et ceux qui évaluent les

    connaissances des enfants sur la relation oral- écrit.

    Pour ce qui est de la conscience phonologique (qui nous intéresse plus particulièrement)

    les résultats observés sont les suivants :

    - pour l’item qui consiste à retrouver un mot s’apparentant à son prénom, 15 élèves sur 23

    ont trouvé mais seulement 8 peuvent se justifier en évoquant la comparaison avec le

    prénom.

    - pour l’item où il faut entourer des mots correspondant à des dessins, on peut diviser la

    classe en 3 groupes :

    - 7 élèves ont 100 % de bonnes réponses

    - 7 élèves ont 75 % de bonnes réponses

    - 9 élèves ont un résultat inférieur ou égal à 50 %.

    Pour cet item, sur l’ensemble de la classe, 7 élèves seulement sont capables de se justifier

    par rapport à ce qu’ils entendent.

    Si l’on globalise les résultats des tests visant à vérifier la capacité des élèves à mettre en

    relation lettres et sons, on obtient ce nombre : 66, 95 % de réussite.

    En ce qui concerne les items visant à évaluer la capacité des élèves à mettre en relation

    l’oral et l’écrit, les résultas d’ensemble sont de 52, 20 % de réussite.

    B- Premier essai d’encodage :

    Ce premier essai a eu lieu fin septembre. Suite à la lecture d’un album, j’ai demandé aux

    élèves d’essayer d’écrire le nom du héros : Tibili. Ce mot me paraissait phonétiquement

    assez simple, avec la répétition d’une même voyelle. Par ce premier essai, je voulais savoir

    ce que les élèves connaissaient du code de l’écrit et observer leur comportement. J’ai donc

    choisi de diviser la classe en trois groupes pour faire écrire les élèves ; ainsi avec un

    groupe de 8 élèves, je pouvais mieux voir les attitudes de chacun.

    Sur les 23 élèves, tous ont accepté d’écrire quelque chose et tous ont utilisé des lettres :

    - 6 élèves ont copié sur un voisin

  • 23

    - 1 élève a demandé un modèle et 1 autre a manifesté son incapacité, tout en proposant

    une écriture.

    - 4 élèves (parmi ceux qui n’ont pas copié) ont commencé par un T dont Théo qui a un

    prénom commençant par un T .Pour cet élève, il est difficile de savoir s’il s’est appuyé

    sur le début du mot d’autant qu’il n’a pas montré lors des évaluations de lecture sa

    capacité à mettre en relation graphie et phonie.

    - 2 autres élèves ont commencé leur écriture par « ti » : ils montrent ici leur capacité à

    s’appuyer sur l’attaque du mot et semblent manifester ainsi un début de conscience

    phonologique.

    - enfin, notons que pour l’ensemble des élèves, l’écriture se présente sous la forme d’un

    groupe de lettres en quantité raisonnable (9 au maximum) : ils n’ont pas cherché à

    remplir la ligne ou la page.

    - Pour chaque enfant, il y a une présentation horizontale et linéaire.

    En somme, l’hétérogénéité constatée à l’analyse des évaluations de lecture n’apparaît pas

    au regard de ce premier essai d’encodage.

    Fin septembre, l’ensemble des élèves se situe au stade où ils utilisent des lettres pour

    encoder sans valeur sonore. Suite à l’analyse de ces premières productions, on peut

    considérer que vingt et un élèves se situent entre les phases 2 et 3 et que les deux élèves

    qui ont commencé par « ti » sont plutôt entre la phase 3 et la phase 4.

    2 : Mise en œuvre des activités d’écriture.

    A- Descriptif du travail réalisé :

    Depuis le début du mois d’octobre, chaque semaine, les élèves ont l’occasion de participer

    à une activité d’écriture tâtonnée. Afin de pouvoir leur faire bénéficier des avantages de la

    production entre pairs et d’évaluer régulièrement le cheminement de chacun, les ateliers

    d’écriture accompagnée et ceux d’écriture inventée tels qu’ils ont été décrits précédemment sont

    pratiqués en alternance.

    Les occasions d’écrire dans la classe ne manquent pas : il peut s’agir d’écrire un mot aux

    parents à propos d’une sortie, de légender des photos, d’écrire une carte de vœux à la personne

    de son choix, d’aider le loup d’une histoire à écrire sa liste de courses pour faire des crêpes etc.

    Lors de cette activité, « écrire » a un sens car il s’agit aussi de permettre aux élèves de

    comprendre la dimension sociale du langage.

    En outre, à partir de la fin du mois de janvier, afin d’établir un bilan le plus précis possible sur le

    stade de conceptualisation de chacun des élèves et d’évaluer leur progression depuis le début

    octobre, je leur ai également proposé ce que Mireille Brigaudiot appelle des « essais

  • 24

    d’encodage ». Cette épreuve d’écriture inventée est calquée sur les tests des chercheurs : il s’agit

    de demander aux enfants d’écrire les mots ou la phrase dictés. Je leur ai alors dit que cela servait

    à apprendre à lire et à écrire et que cela me permettait aussi de savoir comment ils faisaient car

    à l’issue de l’épreuve, chacun allait me l’expliquer. Au total il y a eu trois séances de ce type qui,

    comme nous le verrons, ont permis d’établir avec précision le profil de chaque élève .En outre,

    ces séances ont induit pour certains élèves une réelle réflexion sur le code .

    B- Constitution des groupes pour l’atelier d’écriture accompagnée :

    Chaque groupe se composait de 3 ou 4 élèves.

    Dans un premier temps, j’ai essayé de constituer des groupes assez hétérogènes en me basant

    sur les premiers essais d’écriture et les évaluations de lecture. Or, il s’est avéré qu’à l’intérieur de

    chaque groupe, les écarts étaient trop importants et que cela nuisait aux élèves qui avaient une

    conceptualisation de l’écrit moins avancée. Les élèves les plus à l’aise monopolisaient la parole et

    l’étayage que je pouvais apporter était rendu difficile du fait de l’écart de conceptualisation de

    l’écrit entre les élèves.

    Ainsi, pour les séances suivantes, il m’a paru indispensable de repenser la constitution des

    groupes en veillant à les rendre plus homogènes .Cette nouvelle organisation a ainsi permis une

    meilleure participation de chaque élève au sein de son groupe.

    C- La correction des écrits :

    Comme nous l’avons vu, lors d’un atelier d’écriture inventée, l’entretien individuel permet à

    chaque élève d’expliquer ce qu’il a écrit et comment il a fait. Cette étape semble primordiale car

    elle permet à l’enfant de soumettre son écrit à l’épreuve de la lecture d’un tiers : ainsi l’élève est-il

    mis en situation de se poser lui-même la question de la validité. Au cours de cette phase, l’élève

    est conduit à se corriger et à utiliser ses ressources pour se corriger. Afin de ne pas anticiper sur

    les apprentissages, cet entretien a été mené selon les capacités de chacun. C’est ainsi que j’ai

    travaillé avec les élèves sur la correspondance graphie-phonie, lorsque leur production montrait

    leur capacité à associer lettres et sons.

    Les élèves ayant à présent l’habitude de pratiquer l’écriture tâtonnée et faisant preuve,

    pour la plupart, d’une conceptualisation assez avancée de l’écrit, j’envisage de privilégier la

    confrontation des productions et la validation entre pairs, pour la suite de l’expérimentation.

    Par ailleurs, contrairement à ce que j’ai pu lire dans les différents ouvrages concernant

    l’écriture tâtonnée, je ne souhaite pas réécrire, pour le moment, les productions en lettres

    cursives. L’ensemble des élèves proposant un écrit en lettres capitales, il me semble plus

    pertinent de réécrire chaque projet dans la même graphie et ce pour deux raisons :

    - d’une part, cela permet aux élèves de mieux mesurer les écarts entre leur production et

    l’écriture normée.

  • 25

    - d’autre part, écrire en lettres cursives me parait trop inducteur : il me semble, en effet, que

    les élèves écriront en cursives lorsqu’ils seront prêts. Je pense que jusqu’à présent ils ont utilisé

    la « lettre- bâton » car la concentration et l’effort cognitif de l’enfant néglige l’aspect graphique

    pour se consacrer d’abord aux contraintes de sens et orthographique. Compte tenu du fait que les

    enfants devraient encore progresser dans leur conceptualisation de l’écrit et que « l’écriture

    cursive doit faire l’objet d’un enseignement guidé afin que ces premières habitudes installées

    favorisent la qualité du tracé et l’aisance du geste » (BO de juin 2008), on peut envisager qu’un

    certain nombre d’élèves écriront en cursives d’ici la fin de l’année scolaire. Il sera alors pertinent

    de réécrire leurs productions dans cette même graphie.

    D- La différenciation :

    Dans le cadre de l’écriture tâtonnée, les moyens de mise en œuvre de la différenciation

    sont multiples. Tout d’abord, comme nous l’avons vu, la différenciation peut apparaître à travers le

    rôle différent que joue le maître auprès des élèves et de l’étayage qu’il apporte. Il est également

    possible de moduler la tâche en fonction du niveau de conceptualisation de l’écrit des élèves.

    Ainsi, pour un enfant qui se situe dans la phase 2 ou 3, on pourra solliciter l’écriture de quelques

    mots ou d’une phrase plus simple, alors que l’on peut être plus exigent avec un élève qui a

    compris le principe alphabétique. Pour ce dernier qui montre un niveau de conceptualisation de

    l’écrit avancé, le maître peut même envisager de lui proposer une activité d’écriture inventée,

    pendant que se déroule un atelier d’écriture accompagnée.

  • 26

    3 : Evaluation des acquis des élèves et bilan.

    A- Analyse des évaluations de lecture :

    Afin d’évaluer l’efficacité de la démarche proposée, il semble intéressant de soumettre les élèves

    aux mêmes évaluations de lecture que celles réalisées début octobre. Ainsi, pourrons nous

    observer, après quatre mois d’expérimentation, les progrès effectués par la classe expérimentale

    et ceux réalisés par le groupe témoin.

    Tableau des résultats des évaluations sommatives réalisées en février (comparées avec les

    évaluations diagnostiques)

    Groupe expérimental Groupe témoin

    octobre février écart octobre février écart

    Retrouver un mot commençant

    comme son prénom

    69,56%

    91,66%

    22,10

    70,45%

    75,83%

    5,38

    Entourer un mot correspondant

    à une image

    67,05%

    85,41%

    18,36

    74,34%

    86,36%

    12,02

    Situer un mot dans une phrase écrite

    après lecture par un adulte

    52,17%

    59,72%

    7,55

    55,86%

    65,15%

    9,29

    Retrouver le texte lu

    27,27%

    83,33%

    56,06

    39,43%

    72,72%

    33,29

    Entourer le dessin de l’animal

    77,17%

    98,95%

    21,78

    87 ,70%

    96,73%

    9,03

    En examinant ce tableau, nous pouvons faire plusieurs constats :

    - Tout d’abord, on remarque que les deux groupes ont progressé et que les résultats du groupe

    témoin restent supérieurs pour deux items.

    - Ce qui semble probant, c’est la différence de progression. En effet, si l’on excepte l’exercice

    qui consiste à retrouver un mot dans une phrase lue, on constate que pour l’ensemble des autres

    items, l’écart entre les évaluations d’octobre et de février est supérieur pour le groupe

    expérimental. Notons que cette différence de progression entre les deux groupes classes se situe

    entre 6 et 22 points selon les items ; ce qui n’est pas négligeable.

    Ceci tend à montrer que la pratique de l’écriture tâtonnée peut être une activité qui facilite

    l’acquisition des compétences liées à la lecture. En effet, comme cela a été précisé, les deux

  • 27

    classes concernées bénéficient des mêmes activités de lecture dans le cadre de progressions

    communes.

    Au regard de ces résultats, il apparaît que les élèves qui ont pratiqué l’écriture tâtonnée depuis

    quatre mois ont davantage progressé.

    En outre, chaque exercice ayant fait l’objet d’une passation individuelle, cela a permis de mener

    un entretien avec chacun des élèves et ainsi de l’interroger sur ses procédures de résolution. Cet

    entretien s’est révélé très intéressant pour identifier les élèves qui sont capables de se justifier et

    qui montrent une capacité à associer ce qu’ils voient (l’écrit) et ce qu’ils entendent (l’oral).

    Les résultats des observations concernant les évaluations de février peuvent être synthétisées

    dans un tableau.

    Tableau comparatif sur les procédures des élèves :

    Pourcentage d’élèves capables de se justifier en associant

    l’écrit et l’oral (graphie et phonie)

    Groupe expérimental Groupe témoin

    Entourer un mot correspondant

    à une image

    66 ,66 %

    54 ,54 %

    Retrouver un mot commençant

    par son prénom

    58,33 %

    45,45 %

    L’écart entre les deux classes peut inciter à penser que les élèves qui sont invités à écrire dans

    leur classe sont plus enclins à prêter attention aux sons qu’ils entendent et aux lettres qui y sont

    associées. La pratique de l’écriture inventée semble donc pouvoir favoriser le développement de

    la conscience phonologique.

    B- Analyse de l’évolution des productions écrites des élèves :

    Pour chaque enfant, une analyse des écarts entre la première et la dernière production

    peut permettre d’évaluer les progrès réalisés. Notons que pour cette étude, nous nous attacherons

    particulièrement à l’aspect phonologique des productions. Les annexes 10 et 11 présentent

    l’analyse des essais d’encodage réalisés début février.

    L’observation de ces dernières productions permet de faire les constats suivants :

  • 28

    - 11 élèves se situent encore dans la phase 2 de la grille et parmi eux 4 sont presque en

    phase 3. Notons que 6 de ces élèves sont nés en novembre ou décembre et font donc

    partie des plus jeunes.

    - 4 élèves sont dans la phase 3 dont deux évoluent rapidement vers la quatrième phase.

    - 7 élèves sont dans la phase 4 dont 2 évoluent rapidement vers la cinquième phase.

    - 2 élèves sont dans la phase 5. Parmi ces deux filles, une va bientôt atteindre la phase 6.

    En somme, on remarque que l’homogénéité des résultats constatée lors du premier essai

    d’encodage a disparue : chaque élève progressant à son rythme, l’évolution a été beaucoup plus

    rapide pour certains élèves que pour les autres. Ce qui est indéniable, c’est que tous les élèves

    ont malgré tout progressé et il est même parfois étonnant de voir l’évolution d’une semaine sur

    l’autre.

    Il semblerait donc que le fait d’écrire régulièrement permet aux élèves de progresser dans la

    découverte du principe alphabétique.

    Toutefois, il ne faut pas oublier que le facteur « temps » a certainement joué un rôle dans

    l’analyse de ces résultats et il est indéniable que la part de maturité est intervenue dans les

    progrès. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la majorité des élèves nés entre le mois de septembre

    et décembre se situent encore dans les premières phases de la grille.

    Mais si l’on considère à la fois les résultats des évaluations de lecture de février et l’évolution des

    productions d’écrits, il apparaît que la pratique de l’écriture tâtonnée peut favoriser l’entrée dans

    l’écrit de l’ensemble des élèves et semble les sensibiliser à l’aspect sonore de la langue.

  • 29

    CONCLUSION

    Force est de constater que l’enseignement de la production d’écrit autonome est peu

    ritualisé à l’école maternelle. Par manque de temps peut-être, par peur de ne pas savoir faire ou

    par difficulté à traiter le maximum cette activité au travers de la différenciation pédagogique,

    certains maîtres n’osent pas engager les élèves dans des activités d’écriture tâtonnée.

    Or c’est au cycle 2 que s’effectue l’entrée dans l’écrit décisive pour le reste de la scolarité et

    pour l’ensemble des champs disciplinaires. La grande section a un rôle à jouer et c’est à l’école

    maternelle de construire cette première conscience des réalités formelles de la langue. On sait

    entre autre que les habiletés phonologiques doivent être développées à partir de la grande section

    pour optimiser la capacité d’apprentissage de la lecture au CP et les attentes institutionnelles sont

    claires sur ce point. Le fait de mettre les élèves en situation de produire des écrits les amène plus

    tôt à se poser des questions sur l’analyse de la langue.Si l’enfant comprend facilement que le

    message écrit a un sens au travers des activités de lecture, c’est par la pratique de l’écriture qu’il

    fait le lien entre ce qui est dit et ce qui est écrit. Les activités de production d’écrits peuvent ainsi

    être intégrées à un dispositif d’ensemble pour développer la maîtrise de la langue et la célèbre

    phrase de Piaget « comprendre c’est réinventer ou reconstruire par réinvention » s’applique

    parfaitement à l’acquisition de la langue écrite. L’écriture inventée, en permettant à l’élève de faire

    preuve d’un recul bénéfique par rapport à la langue écrite, peut ainsi faciliter l’acquisition des

    compétences nécessaires à l’apprentissage de la lecture. Il ne s’agit surtout pas de mettre en

    place un apprentissage trop précoce de la lecture mais de permettre à chaque élève de

    s’approprier les connaissances et les compétences nécessaires pour apprendre à lire sans

    difficultés au cours préparatoire. Si la pratique de l’écriture tâtonnée continue ensuite durant les

    deux autres années du cycle 2, on peut alors envisager que tous les élèves réussiront leur entrée

    dans l’écrit.

  • 30

    Sommaire des annexes

    ANNEXE 1 Les stades d’évolutions de conceptualisation de l’écrit selon Emilia Ferreiro

    ANNEXE 2 Extrait de l’analyse des manuels de lecture de CP

    ANNEXE 3 Déroulement d’un atelier d’écriture accompagnée

    ANNEXE 4 Déroulement d’un atelier d’écriture inventée

    ANNEXE 5 Grille d’analyse des productions d’écrit

    ANNEXE 6 Fiche d’évaluation de lecture

    ANNEXE 7 Test de lecture issu de l’outil d’évaluation conçu par André Ouzoulias

    ANNEXE 8 Test issu es évaluations nationales proposées par le M E N

    ANNEXE 9 Résultats des évaluations d’octobre par classes d’âge

    ANNEXE 10 Analyse d’essais d’encodage réalisés début février

    ANNEXE 11 Analyse d’essais d’encodage réalisés début février (suite)

  • 31

    Les stades d’évolution de conceptualisation de l’écrit selon Emilia Ferreiro.

    Le développement de l’écriture chez le scripteur apprenti passe par plusieurs étapes clairement définies par Emilia

    Ferreiro et reconnues par les chercheurs :

    1. Le niveau pré syllabique .

    Lors de cette période, l’enfant va chercher à distinguer l’écrit du dessin. Il peut mêler des arabesques et quelques

    lettres de son prénom disposées dans un ordre arbitraire.

    A ce stade, les productions écrites sont étrangères à toute recherche de correspondance entre graphies et sons.

    Peu à peu, l’enfant s’approprie l’unité lettre. Dans un premier temps, il peut écrire de manière identique 2 « mots »

    auxquels il attribue des sens différents.

    Par la suite, il comprend qu’il doit y avoir une différence objective des écritures pour lire des choses différentes et il

    commence donc à jouer avec les unités graphiques en faisant varier la forme et la quantité pour rendre compte de

    mots différents.

    2. Le niveau syllabique .

    L’enfant tente d’établir des correspondances entre les aspects sonores et les aspects graphiques de son écriture.

    Généralement, l’unité sonore retenue est la syllabe et il produit souvent une graphie par syllabe.

    Ce mécanisme peut entrer en conflit avec les exigences de quantité minimale de lettres .En effet, à ce stade, l’enfant

    pense qu’il faut au moins 3 lettres pour écrire un mot.

    A ce stade, des enfants utilisent un système mixte dans lequel ils mêlent l’écriture intégrale ou partielle de mots déjà

    connus qu’ils retrouvent sur des référents de la classe et une écriture syllabique à laquelle ils ajoutent parfois

    d’autres lettres.

    3. Le niveau syllabico- alphabétique.

    A ce stade, coexistent deux manières de faire correspondre les sons et les graphies : celle propre à l’hypothèse

    syllabique et celle propre à l’hypothèse alphabétique, c'est-à-dire que quelques graphies représentent des syllabes et

    d’autre représentent des phonèmes .Ces écritures constituent des degrés intermédiaires entre deux systèmes

    d’écriture.

    4. Le niveau alphabétique.

    La dernière étape coïncide avec l’écriture proprement alphabétique, dans laquelle selon Emilia Ferreiro « chaque

    signe graphique représente un phonème de la langue ».

    Il s’agit d’écritures faciles à interpréter parce que, en plus de l’existence de la correspondance entre lettres et

    phonèmes, il y a prédominance de la valeur sonore conventionnelle.

    Quelquefois, les enfants utilisent des lettres non pertinentes par méconnaissance de la lettre conventionnelle pour

    un phonème particulier.

    La segmentation apparaît peu à peu. Le blanc graphique peut être apparent pour les mots connus et pas pour les

    autres.

    Annexe 1

  • 32

  • 33

    Déroulement d’un atelier d’écriture accompagnée (Deux étapes)

    Déroulement Rôle de l’enseignant Activité des élèves

    Choix du projet d’écriture

    Moment d’échange

    oral

    - l’enseignant fait verbaliser ce que les enfants veulent dire ; il conduit le dialogue afin d’aboutir à une phrase ou un texte commun.

    - Les élèves font un choix commun de projet d’écriture. Ils échangent leurs idées, les soumettent aux autres et acceptent qu’elles soient discutées, reformulées.

    Rédaction du projet

    Moment de

    réflexion et de production

    - par un questionnement permanent, l’enseignant sollicite les élèves pour savoir comment s’écrit chaque mot de la phrase ou du texte. - Il exploite les propositions, favorise la recherche dans les référents, fait épeler le mot à écrire etc… - il favorise le dialogue, accompagne les recherches, donne des indices quand le groupe est bloqué et valide les propositions d’écriture.

    - Les élèves, à tour de rôle prennent en charge l’écriture des mots (le stylo change de main) - Ils sont conduits à s’interroger sur comment faire pour écrire. - Ils échangent, proposent une solution, valident ou invalident la proposition d’un autre en argumentant. - Lorsque le projet est écrit, ils en font une copie individuelle.

    Annexe 3

  • 34

    Déroulement d’un atelier d’écriture inventée

    (Trois étapes)

    Déroulement Rôle de l’enseignant Activité des élèves

    AN

    NEX

    E 4

    Choix du projet d’écriture

    Moment d’échange

    oral

    - L’enseignant fait verbaliser ce que l’élève ou les élèves veulent écrire. - Il conduit le dialogue afin d’aboutir à un projet adapté à la consigne.

    - L’élève ou les élèves font un choix de projet d’écriture. - Lorsque c’est un projet commun, ils échangent leurs idées, les soumettent aux autres et acceptent qu’elles soient discutées, reformulées.

    Rédaction du projet

    Moment de production

    - Il n’apporte pas de réponses ou la norme aux élèves. - Il est surtout observateur - Il peut être amené à intervenir pour encourager, répondre à certaines sollicitations des élèves.

    - Chaque élève écrit pour le projet commun ou son propre projet. - Il fait librement ses choix pour écrire ; il tâtonne, recherche, explore la langue écrite.

    Entretien

    - Il adopte une attitude positive par rapport aux productions. - Il demande à l’élève de lui lire ce qu’il a écrit et comment il a fait pour écrire. - Il écoute l’élève afin de comprendre où il en est dans ses stratégies d’écriture et ses représentations - Sous la production de l’enfant, il écrit le message dans sa norme orthographique afin que l’élève puisse en mesurer les écarts.

    - L’élève explique ce qu’il a écrit. En revenant sur sa production, il est conduit à réfléchir sur ce qu’il sait de la langue écrite, ses stratégies pour écrire.

    Annexe 4

  • 35

    Grille d’analyse des productions écrites

    Phase 1 : traitement figuratif

    L’enfant utilise de dessins, des boucles ou des simulacres d’écriture.

    Il n’y a pas de traces de la valeur langagière de l’écrit.

    Phase 2 : traitement visuel

    Il y a utilisation de lettres ou pseudo lettres

    L’enfant utilise majoritairement les lettres de son prénom ou celles de l’alphabet dans l’ordre.

    Il montre qu’il a compris que pour écrire, il faut des lettres mais il les combine au hasard sans leur attribuer de

    valeur sonore.

    Puis, l’enfant utilise d’autres lettres que celles de son prénom.

    Phase 3 : traitement de l’oral

    L’enfant fait correspondre la quantité sonore des mots à une quantité graphique : il écrit donc plus de lettres pour les

    mots plus longs, et encore plus de lettres pour la phrase.

    On peut également constater que l’apprenant a compris la permanence de l’écrit : un même mot s’écrit avec les

    mêmes lettres .Il découvre qu’il existe un rapport fixe entre un mot oral et un mot écrit : c’est un pas de plus vers la

    clarté cognitive.

    Phase 4 : encodage du sonore

    L’enfant utilise la valeur sonore des signes pour encoder.

    A ce stade, les essais d’encodage montrent la volonté d’utiliser un code, quel qu’il soit : un chiffre (ex 2 pour écrire

    « de ») une lettre (« o » pour écrire « mo ») qui a valeur symbolique d’unité entendue dans la prononciation du mot.

    L’analyse des mots peut être la suivante :

    - mots écrits avec autant de lettres que de syllabes

    - mots écrits avec quelques correspondances grapho-phonétiques

    - trois ou quatre syllabes entières dans l’ensemble de la production

    Phase 5 : utilisation du principe alphabétique

    Il y a eu une progression dans la compréhension des relations existantes entre l’oral et l’écrit. L’écriture devient

    grapho-phonétique c'est-à-dire que l’enfant établit des correspondances phonographiques. Il a compris le principe

    de correspondance entre les sons et les lettres. L’ensemble des mots est écrit phonétiquement et lorsqu’il y a des

    erreurs de lettres c’est parce que l’enfant ne connaît pas la lettre ou le groupe de lettres qui transcrivent le son.

    A ce stade, l’élève montre un souci de correspondance phonétique entre ce qu’il écrit et l’énoncé qu’il cherche à

    transcrire.

    Phase 6 : utilisation du principe alphabétique et segmentation de l’écrit

    C’est le stade où l’enfant utilise le principe alphabétique et segmentent en mots.

    La phrase est alors écrite avec autant de parties que de mots.

    Annexe 5

  • 36

    Annexe 6

  • 37

  • 38

    Annexe 8

  • 39

    Résultats des évaluations d’octobre par classes d’âge :

    Résultats des élèves

    nés de janvier à août

    (pourcentage de réussite)

    Résultas des élèves nés de septembre à

    décembre (pourcentage de réussite)

    Retrouver un mot

    commençant comme

    son prénom

    63,63 %

    58,33 %

    Entourer le mot

    Correspondant au

    dessin

    63,63 %

    70,83 %

    Entourer un dessin

    selon la longueur du

    mot correspondant

    90,90 %

    66,66 %

    Retrouver un mot

    dans une

    phrase lue par l’adulte

    39,39 %

    36,11 %

    Retrouver un énoncé

    lu

    parmi 3 textes écrits

    proposés

    27,27 %

    16,66 %

    Annexe 9

  • 40

    Annexe 10

  • 41

    Annexe 11