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Ecrits Notable Sur Le Monnaie de Copernicus a Davanzati,1934-Le Branchu

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  • CRITS NOTABLES

    SUR LA MONNAIEXVie SICLE

    DE COPERNIC A DAVANZATI

  • COLLECTION DES PRINCIPAUX CONOMISTESNOUVELLE DITION

    CRITS NOTABLES

    SUR LA MONNAIEXVIe SICLE

    DE COPERNIC A DAVANZATI

    Reproduits, traduits, d'aprs les ditions originales et les manuscritsAvec une introduction, des notices et des notes

    par

    Jean-Yves LE BRANGHUDocteur en Droit

    Avant-propos de Franois SimiandProfesseur au Collge de France

    Tome I

    AVEC QUATRE PLANCHES HORS-TEXTE

    PARIS ^LIBRAIRIE FLIX ALCAN

    108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108

    1934

    Toa6 droite de reproduction, d'adaptatloo et de tradaction rservs pour tous pays

  • // f 1 1.\ ^'

  • y4

    La Collection des principaux conomistes, quiavait t publie par E. Daire et dite par lalibrairie Guillaumin (en 15 vol. in-8o, dont cer-tains avaient t rimprims), est depuis longtempsentirement puise, tant en volumes originauxqu'en rimpressions. Les rares collections et mmeles rares volumes isols qui se prsentent en vented'occasion atteignent des prix exorbitants ; cer-tains volumes sont pratiquement introuvables.

    Tous les travailleurs en science conomique,tout le public de plus en plus intress par elle,dplorent les difficults ou mme l'impossibilitqui en rsultant avoir disposition commode (eten langue franaise pour les auteurs trangers)des grandes uvres de cette discipline dans le

    pass. Assurment les tudes conomiques sontaujourd'hui de plus en plus orientes sur les faits ;et la part autrefois trs large, sinon prpondrante,faite l'histoire des doctrines, considre en elle-

    mme, tendrait plutt une restriction relative.Mais, en ce mme temps, tout un champ nouveaud'tudes fcondes parat s'ouvrir et se cultiver quis'attachent ces uvres notables du pass enliaison avec la ralit qu'elles ont pu connatreet expriment ou interprtent de quelque faon ;et ce parat tre l, en mme temps qu'un apportfort utile la science elle-mme, un complmentde formation indispensable pour le travailleur djiniti cette science en son tat actuel.

  • VIII COLLECTION DES PRINCIPAUX CONOMISTES

    Il importait donc grandement cette heure defournir les moyens ncessaires cette tude. Lalibrairie Flix Alcan, cessionnaire du fonds Guil-laumin lorsque cette firme eut cess son exploita-tion, a jug le moment venu d'entreprendre cettetche et a bien voulu nous en confier la direction.

    Nous devons indiquer brivement ici commentnous concevons et pensons raliser cette Nouvelledition. Avant tout, marquons bien que c'est nonune rimpression, mme revue, mais une nou-velle dition . Si la publication de Daire a t fort

    remarquable pour son temps et a rendu des ser-vices incontests, nous devions cette heure, nousa-t-il sembl, envisager et adopter des conditionsde ralisation divers gards nouvelles :

    a) D'abord nos exigences concernant l'tablis-sement des textes sont devenues plus grandes ;nous viserons donc une revision soigneuse dutexte publi, conformment aux rgles de la criti-que moderne, avec collation, s'il y a lieu, desdiverses ditions ou des manuscrits, et, en cas

    d'importance, indication des variantes, sans

    prtendre cependant un travail de pure rudi-tion, et en gardant le souci d'une prsentationpratique et courante ;

    b) Pour les auteurs trangers, nous entendonsdemander de neuf traduction directe sur le meil-leur texte semblablement tabli ce jour dans lalangue originale ;

    c) La liste des auteurs et des uvres retenusdans la collection Daire nous parat appeler revi-sion et additions : d'abord, parce qu'avec le tempscoul depuis l'tablissement de cette collection

  • NOUVELLE DITION IX

    des auteurs alors contemporains sont entrs dansl'histoire

    ; puis, parce que le dveloppement destudes conomiques a, depuis lors, modifi souventl'ordre des valeurs entre les textes anciens, fait

    apparatre l'intrt ou l'importance d'uvres alors

    ignores ou mconnues ; enfin, parce qu' ce jourune collection de cet ordre nous parat ne plusavoir se rgler sur une orthodoxie ou un confor-misme liminatoires, mais devoir seulement sedterminer selon la valeur d'apport au dvelop-pement gnral de la pense conomique ;

    d) A ces divers gards un ordre chronologique,mme approximatif, nous parat ne plus avoirde raison majeure ; et la tomaison en volumesnumrots et de dimensions peu prs correspon-dantes n'avoir pas d'intrt, ou prsenter mme desrieux inconvnients lorsqu'elle a conduit runirdans un mme volume plusieurs uvres d'auteurset de caractres assez diffrents. Notre publicationen principe se prsentera donc en volumes sparspar uvre ou par auteur, et donc de dimensionsdiffrentes selon les cas, sans ordre chronologiqueoblig, et sans numrotation de tomes ;

    e) Ce plan de publication, dont la ralisations'chelonnera selon les conditions de bon travailpour les collaborateurs et d'acquisition pratiquepour les lecteurs, permettra aussi de rpondremieux, le cas chant, aux curiosits de l'heure, et

    plus vite, en tout cas, aux besoins les plus res-sentis pour les uvres matresses qui font dfaut ;

    f) Chaque uvre sera publie par les soinset sous la responsabilit d'un diteur qualifi : lesnoms que nous pouvons ds maintenant citer

  • X COLLPXTION DKS PRINCIPAUX ECONOMISTES

    d'hommes dont le concours nous est assur, etcette liste sommaire n'est pas limitative, suf-firont dj, nous semble-t-il, donner au publicgarantie de bon travail et de comptence. Dsmaintenant aussi, nous savons que nous pouvonsleur adresser nos meilleurs remerciements.

    Car, grce eux, nous avons l'espoir que cettenouvelle dition de la Collection franaise des

    principaux conomistes pourra rpondre auxbesoins qui ont paru, la librairie Flix Alcancomme nous-mmes, justifier cette entreprise ;et que le public comptent, dsireux de ces grandesuvres, voudra bien y faire un bienveillant accueil.

    Gatan Pmou, Franois Simiand.

  • AVANT-PROPOS

    L'ouvrage que nous prsentons ici dans laNouvelle dition de la Collection des principauxconomistes y est lui-mme une nouveaut de cettedition sur la premire, et trois gards : pourle sicle des auteurs, pour la nature des textes,pour le caractre de leur groupement.

    10 La Collection Daire, en effet, n'avait pascompris d'auteurs antrieurs Vauban, Bois-

    guillebert, Law, etc., ces anctres de la scienceet ces hommes courageux qui chut l'initiativedu progrs au commencement du xviii^ sicle ,avec qui finit l're de l'empirisme et de la routineet commence celle du raisonnement . Aujourd'huice nous parat tre, au contraire, tude ouverteet profitable que de regarder, par del les co-nomistes dnomms classiques ou prclassiques etau moins dj jusqu'au xvi^ sicle, ce qu'ontt les rencontres antrieures de l'esprit humainavec la ralit conomique.

    2^ Les textes ici rassembls, qui, pour la

    plupart, sont publis ici pour la premire fois,en dition contemporaine et en langue franaise, ont t, entre beaucoup d'autres crits du tempssur la matire, choisis et retenus pour une raison

    majeure commune : ce n'est pas comme consti-tuant tous une uvre principale ou extensive,

  • XII ECRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    plusieurs sont d'une dimension bien infrieureaux plus courts de l'dition Daire ; mais c'estdavantage comme susceptibles de reprsenter, divers gards, des positions caractristiques dont

    l'interprtation puisse tre de porte gnrale.3 Ils se trouvent tous se rapporter un mme

    ordre de faits qui, s'il y est diffremment trait,y apparat cependant toujours unique ou princi-pal : les faits montaires. Qu'un tel objet d'tudeapparaisse ainsi alors le centre commun des proc-cupations d'hommes aussi divers de pays, d'po-ques dans le sicle, de classes ou de fonctions, estaussi un fait, qui caractrise ce groupement et

    peut comporter galement interprtation de portegnrale.

    Ces trois points appellent sans doute, de notre

    part, quelques explications. Il est, ce jour, com-munment reconnu que l'conomie moderne etcontemporaine, pour tre vraiment atteinte depuissa formation et en des tapes premires mais dci-sives pour son dveloppement ultrieur, demande tre reprise au moins depuis le xvi^ sicle : cesicle o se sont produites tant de transformations,sociales, religieuses, intellectuelles, mais spciale-ment, dans Tordre conomique, une Rvolutiondes prix , partout fortement marque, partoutimportante et partout de consquence, dans lemonde conomique considr cette poque etatteint depuis par la plus forte volution. Il estreconnu aussi que cette Rvolution des prix, diver-sifie en datation, caractres, amplitude selon les

    pays, est cependant centrale aux transformations

  • AVANT-PROPOS XIII

    qui se manifestent alors chez tous (mais juste- \ment avec une diversification correspondante) :dans la situation respective et relative des diversesclasses de la socit, ou des diverses fonctions dela vie conomique ; dans la place et l'importancedes diverses branches de la production, agriculture,industrie, commerce ; dans la situation et l'volu-tion relatives des divers pays. Enfin il est commu-nment admis, sous diverses modalits de doctrine,mais en reconnaissance commune de fait, que cetteRvolution des prix est lie Tafllux des mtauxprcieux qui s'est alors produit en Europe en pro-venance de l'Amrique, en des conditions (de date,caractres, etc.) diffrentes selon les pays, mais,au total du sicle, en ralit d'ensemble pour tous.

    Si jamais quelque moment dans l'volutionhumaine a pu appeler attention et rflexion del'esprit humain sur le facteur conomique, n'est-cepoint celui-l entre tous ? N'est-il donc pas d'ex-

    prience centrale, et d'enseignement gnral, derechercher si et comment, dans la pense crite

    qui nous est transmise de cette poque, ces faitsont t aperus, reconnus ? ou encore s'ils s'y sont

    manifests ou ne laissent pas d'y transparatre de

    faon plus ou moins implicite ? et encore si etcomment ils y ont t compris, prvus, interpr-ts ? Ne serait-il pas surprenant que des transfor-mations de cette importance, sans prcdent d'ged'homme, n'eussent pas frapp les esprits, et donnquelque secousse aussi grande aux ides prexis-tantes touchant cet ordre de faits ?

    Quel tait encore, au dbut de ce xvi sicle, le

  • XIV CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    cadre le mieux constitu de ces ides ? Sans doute, ladoctrine canonique. Et de fait, cette doctrine, en

    somme, pouvons-nous reconnatre aujourd'hui,tait une remarquable expression de l'conomiemdivale au stade atteint : conomie d'changeen un cadre relativement limit, o les conditionsde la production et de l'change, ainsi que les cat-

    gories des personnes conomiques, pouvaient, enf effet, rpondre l'u sequalitas dans l'change,I selon une bonitas intrinseca , dtermines selonj

    '

    Iune communis sestimatio

    ,assurant chacun

    [ une rmunration juste , c'est--dire conforme la classe, la coutume, c'est--dire encore selonun ordre social conforme lui-mme la volontdivine, et subordonnant donc l'conomique desfins thico-religieuses ; une conomie, enfin, ola monnaie, intervenant, semblait-il surtout,comme moyen propre faciliter les changes,avait surtout tre bien dfinie, convenablementconstitue, et dfendue contre les fantaisies desprinces et les mutations arbitraires ; l'importancedonne cette dernire discussion donnant toute-fois penser, non seulement que la mutation taittentation frquente pour les finances royales en

    difficult, mais davantage peut-tre (ou conjointe-ment) que le manque relatif de monnaie tait alorsun mal chronique, ou peut-tre encore priodique, proportion du dveloppement des changes etde l'appauvrissement des apports nouveaux demtaux prcieux.

    Est-ce dans ce cadre de doctrine que la secoussedes faits en ce xvi sicle va se manifester ? Nichez les catholiques rnovs ni davantage chez

  • AVANT-PROPOS XY

    les rformateurs (sauf chez deux d'entre eux,de milieux conomiquement avancs, mais seule-ment touchant l'intrt, ce qui ne va pas jus-qu'au centre de notre matire), nous n'apercevonsnotable nouveaut de position : au contraire, la

    position traditionnelle s'y affirme renforce. Nousn'en apercevons pas non plus dans le cadre de ladoctrine hbraque. Et en efet la matire sortait

    justement alors de l'emprise et de la directionmajeure des doctrines confessionnelles. Gommentdes prix, variant (en un sens et en l'autre) dans les

    proportions que l'on sait, auraient-ils pu garder,le caractre d'tre justes , ceux-ci plutt queceux-l, et de rpondre des conditions dmenttablies des personnes, des classes et des pays,alors que celles-ci taient dans le mme tempsbouleverses ? Bon gr mal gr, alors, la vie co-

    nomique parat se soustraire une rgulationthico-religieuse ; et la valeur conomique, en cesens profond et durable, se lacise , en mmetemps qu'elle parat devenir relative et changeante.

    Est-ce donc en des auteurs laques que nousallons en trouver conscience et intelligence ? Lesdeux premiers dont nous donnons reproductionplus loin sont d'poques (dans le sicle) et de payso assurment l'effet, s'il en est un, de l'aflux demtal prcieux amricain n'a pu encore se fairesentir. Si cependant un grand esprit comme

    Copernic et un controversiste saxon de qualitont fait, alors et l, un si grand effort pourreprendre, renforcer, proclamer la thse tradition-nelle de la bonne monnaie contre la mutationaffaiblissante, n'est-ce point qu' celle-ci tendaient

  • XVI CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    alors de nouveau des forces sociales considrables ?L'histoire conomique peut nous confirmer cettecorrespondance, et mme l'tendre en d'autrescadres.

    En France et en Grande-Bretagne, en effet, lestextes postrieurs que nous publions ensuite s'at-tachent encore, et jusqu'aprs le milieu du sicle(Malestroit, Gresham, premire forme du Dia-logue A compendious or briefe examination... ),exclusivement ou avant tout, la mutation mon-taire comme origine et explication des perturba-tions ressenties. Enfin l'crit clbre de Bodindnonce l'aflux des mtaux prcieux originairesd'Amrique comme l'explication centrale du ren-chrissement et d'autres effets conjointement nots ;mais ce n'est pas sans retenir, en outre, plusieursautres causes concourantes ou interfrentes. Etla seconde version du dialogue anglais, insrantl'influence de l'apport amricain, laisse encore rle

    conjoint aux autres facteurs d'abord allgus.Notablement chez Bodin, mais de faon plus

    remarquable encore, vivante, expressive, dans le

    dialogue anglais, apparaissent les divers ordresde changements lis au mouvement gnral desvaleurs en monnaie, les diverses catgories d'int-rts, les uns favoriss, les autres desservis, et lafois toute l'importance, et toute la complication travers la vie sociale tout entire, des transfor-mations prouves.

    Un peu plus tard, une lgante analyse ita-lienne, qui termine notre recueil, pourrait paratreplus intemporelle, et soucieuse seulement de doc-trine conceptuelle. Mais le milieu d'o elle sort,

  • AVANT-PROPOS XVII

    prcdemment arriv une conomie dj avanceet maintenant arrt en son dveloppement parle dplacement des voies de la fortune, peut fairecomprendre et ce dtachement relatif et que ladoctrine tente ne soit pas soutenue cohrente

    jusqu'au bout, et fasse aveu implicite d'uneinfluence relle qu'elle tendait liminer.

    Au total, en tout ce sicle, en ces divers paysplus avancs ou moins avancs, alors que la pen-se religieuse, intellectuelle, artistique, est si pro-fondment rnove, il ne semble pas, touchant,cette ralit conomique, en transformation cepen- \dant si profonde et si neuve aussi, que nous aper-cevions une uvre de vritable gnie et vraimentnovatrice, une constitution doctrinale pleinementcohrente et de valeur comparable aux grandesuvres des conomistes classiques, et moins encore 1 nos thories contemporaines.

    Aussi, en ce cadre, encore plus qu'en d'autres

    du pass, nous apparatrait-il spcialement vain,et en somme sans raison, de nous tre attach ces formulations hsitantes ou embarrasses, sim-

    plement ou surtout pour examiner : si et dans

    quelle mesure elles prsentent une prformationde nos doctrines actuelles, et spcialement de" laclbre thorie dite quantitative de la monnaie ;ou encore si et dans quelle mesure elles tombentou non dans la prtendue erreur chrysohdo-nique . Donnons toute valeur possible aux textessouvent invoqus, comments, confronts ; enaucun d'eux, nous ne trouvons les lments vrai-ment constitutifs de la thse quantitativiste pro-prement dite : proportionnalit des mouvementsLE BRANCHU b

  • XVIII ECRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    des moyens montaires et de ceux des prix ;exclusivit du facteur montaire comme facteurd'un mouvement gnral des prix; automatismemcanique et immdiat de cette relation.Reconnaissons,, d'autre part, que nos auteurs les

    plus dgags de l'opinion vulgaire ne laissent pasd'accorder encore rle effectif la possession ou la variation de cet or ou argent illusoire .

    Si l devait tre l'intrt de reproduire ces

    textes, avouons que le butin serait assez mince.

    Trouvons ailleurs la valeur de ces crits et nosmotifs de les placer en cette collection.

    Justement travers leurs insuffisances, et

    parce qu'ils ne sont pas domins par un enseigne-ment doctrinal qui obnubile chez leurs auteursl'atteinte spontane et nave des ralits, ils valentpour nous par la direction force, semble-t-il,d'attention dont ils nous rvlent l'orientationalors majeure, par la sincrit de pense qu'ilsnous prsentent, par les tmoignages, soit expli-cites ou rflchis, soit plus encore implicites ou

    inconscients, qu'ils nous apportent sur les change-ments conomiques de ce temps.

    Ils donnent d'abord, et maintiennent jusqu'aubout, importance aux mutations montaires, parla discussion et, en gnral, la condamnation qu'ilsen prsentent avec une application rpte. N'est-cepoint qu'en effet ces pratiques, ou de forts courantsvers ces pratiques, se sont rencontrs de nouveauen ce sicle, et presque en tous pays, non pas seu-lement au dbut, mais encore avec et aprs l'affluxamricain ? N'est-ce point non seulement que les

  • AVANT-PROPOS XIX

    concomitants ou les effets de ces deux ordres dechangements montaires ont pu tre confondusdans l'opinion courante, et premire apparencegnrale, parce qu'ils se produisaient ensemble ou la suite ? Mais n'est-ce point encore que cesconcomitants et ces effets n'taient peut-tre pasaussi essentiellement diffrents ou distincts qu'uneanalyse conceptuelle ultrieure l'admettra d'auto-rit et sans regarder d'abord aux faits ? ( preuvenotamment l'exprience anglaise dans les deuximeet troisime quarts de ce xvi^ sicle).

    Puis, s'ils nous paraissent mal dgager unedoctrine pleinement cohrente et simple, n'avons-nous pas comprendre qu'ils puissent tre, eneffet, fort gns, fort embarrasss entre deuxordres de faits qui s'imposent alors galement l'esprit de leurs auteurs, qu'ils en aient ou nonconscience toujours nette ? D'une part, c'est larelativit, l'instabilit des valeurs conomiques,surtout lorsqu'elles s'expriment en chelle mon-taire qui ne prsente plus de base durable ; mais dfaut, quel terme fixe se raccrocher ? D'autre

    part, c'est l'importance que, malgr tout, paratavoir eu l'augmentation des mtaux prcieux etdes moyens montaires, soit dans le dveloppe-ment et l'enrichissement diffrencis qui sont cons-tats en cette priode entre les diverses nations,soit dans les changements aussi manifestes decondition conomique entre les catgories d'acti-vit, entre les classes sociales, entre les fonctions

    conomiques. N'est-ce point que, tout en tantrelative et changeante, ou justement peut-trepar ces changements, la rvolution dans les exprs-

  • XX CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    sions montaires des biens et des services se trouveavoir entran non pas seulement une pure appa-rence et bientt annule, mais des effets bien rels,qui, mme s'ils deviennent attnus ou compenssplus ou moins tardivement, ont eu le temps d'exis-ter, d'agir et d'avoir des consquences durables ?

    Nos auteurs ici ne comprennent peut-tre pasbien comment tout cela se produit et s'enchane.Mais voil des esprits, de qualit ingale du reste,jets sans prparation dans une priode de rvo-lution conomique la fois des plus complexeset des plus considrables, sans moyens d'infor-mation et de constatation (notamment num-riques) procdant des types et sources que nousconnaissons aujourd'hui, obligs de se rfrer seu-lement quelques donnes partielles, sporadiques,non labores, de tradition souvent autant que deconstatation effective : pouvons-nous leur faire

    grief de n'avoir pas abouti une reconnaissance

    \ assez nette de ces divers mouvements pour en dis-^ cerner et lier les diverses proportions, antc-

    jdences, squences, relations explicatives ? Ce quivaut en eux est qu' travers leurs raisonnements,plus ou moins conceptuels ou traditionnels selonleur tournure d'esprit et leur formation, ils n'aient

    pas laiss cependant soit de nous traduire dansleurs thses elles-mmes les positions de fait deleur classe ou de leur milieu, soit (pour les plusintressants ici) de nous noter les divers ordres de

    changements qui se produisaient sous leurs yeux.Leur mrite vritable donc n'est-il pas d'tre des

    tmoins non toujours pleinement conscients, maispar l d'autant plus significatifs, des grands faits

  • AVANT-PROPOS XXI

    complexes qui se droulaient en cette grandephase conomique ? d'avoir essay de les com-prendre et expliquer, et cela non point par uneconstruction conceptuelle simpliste qui en auraitlaiss tomber tout une part, mais, au contraire^en conservant tout de mme notation et souci deTensemble atteint ? Telles quelles, ces uvres nenous apportent donc pas une thorie interprta-tive de ces faits qui puisse nous satisfaire aujour-d'hui

    ; mais, de longtemps encore dans les auteurs

    ultrieurs, et peut-tre mme jusqu' notre poque^en possdons-nous une bien assure ? En tout cas,et en attendant, elles nous prsentent, et pour la

    premire fois dans l'ge moderne et sur une matireaussi importante, une application de Tesprithumain connatre et comprendre des faits cono-miques dgags comme tels ; elles nous confirmentremarquablement, tant par ce qu'elles en disent

    que par ce qu'elles en traduisent, ce que noussavons aujourd'hui de ces faits ; en soi enfin ellessont un intressant donn de fait, comprendre et interprter lui-mme la lumire de cette ralitleur contemporaine, dans son droulement, danssa complexit, dans ses consquences.

    M. Jean-Yves Le Branchu a donn beaucoupde travail et de soin la recherche, la collation, la traduction de ces textes, selon les meilleurs

    originaux et avec leurs variantes de quelqueintrt

    ;il y a joint les claircissements spciaux

    qui ont paru ncessaires ; il les a fait prcderd'une tude introductive, fort diligemment la-bore, sur le cadre et l'origine de ces textes, leurs

  • XXII CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    diverses prsentations, les personnes des auteurs,la signification des thses, leur influence et leur

    porte. On reconnatra, nous l'esprons, que, partoute cette uvre, il aura rendu service signalaux tudes conomiques, tant de doctrines quede faits.

    Franois Simiand.

  • INTRODUCTION

    Un des plus marquants parmi les faits qui caract-"^risent le xvi^ sicle est la hausse considrable des prixqui se produisit alors, hausse d'autant plus gnante pourla plupart des gens qu'elle succdait presque brutale-ment une priode de monnaie rare et, partant, chre..Sans doute, plus d'une catgorie d'intresss bnficiait-elle de cette hausse : tous les dbiteurs, notamment tousles dbiteurs long terme, voire mme les tats dbi-teurs, et davantage encore les tenanciers agricolesassujettis des redevances en une somme d'argentfixe selon des baux long terme. Cependant, ces avan-tages n'taient pas sans mlanges : d'une part, le

    mtayage tait assez rpandu dans certaines rgionset une partie des fermages se recevaient en nature

    ^

    ;

    d'autre part, les marchandises qu'taient obhgs d'ac-qurir les tenanciers, fer pour les instruments aratoires,certains tissus et vtements, les harnais pour les ani-maux de trait, avaient, elles aussi, enchri 2. Par contreles rentiers, les officiers du Roi ou des Provinces, la

    petite noblesse surtout, classe extrmement nombreuse l'poque ^, souffrent beaucoup de cet tat de choses

    1) 11 importe de signaler ici que pour les redevances en nature, certainestaient convertibles en argent suivant des barmes donns qui ne haussaientpas comme haussait le prix des denres elles-mmes.

    *) Cf. un des textes que nous publions ici, le Compendieux ou brefexamen... o se trouve examine la question de savoir si vritablement lespaysans ont gagn par le fait de cet tat de choses. Tome II, 68, p. 70-71.

    8) V. Raveau, VAgriculture et les classes paysannes dans le Haui-Poilouau XVI^ sicle.

  • XXIV ECRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    et ce sont leurs plaintes, leurs rclamations que Tontrouve consignes dans les crits de ce temps qui s'oc-

    cupent des phnomnes conomiques. Cette hausse desprix, cet universelle chert , chacun, pour parler comme

    Malestroit, tant grand que petit la sent sa bourse .On s'explique mieux ainsi ce besoin de rformes qui

    est le trait dominant de la politique de cette priode ;les mutations montaires dont on a dit tant de mal,que l'on a depuis si fort reproch quelques souverains,

    r Philippe le Bel en particulier, taient, dans la grandemajorit des cas, demandes, imposes presque par lepeuple, cause de la pnurie du numraire d'abord,(de la hausse des prix ensuite ^. C'tait, comme l'a ditMiller, une pidmie de grande envergure 2. Quelquesesprits cultivs s'opposent bien cette politique ; maisleurs efforts ne sont pas couronns de succs, bien queleur influence se fasse de plus en plus grande. Copernicdnonce l'habitude... ou, pour mieux dire, la raged'altrer, de dpouiller et de corrompre la monnaie ^,Bodin se plaint de ce qu'on a si bien obscurci le faitdes monnoyes par le moyen du billonage, que la pluspart du peuple n'y voit gote *. Le courant est alors

    Ij trop fort pour tre remont et il ne le sera pas : partl'Angleterre depuis 1561, on continuera dans la plu-part des autres pays user de ce moyen facile que sontles mutations montaires, que rendait encore plus aises

    l'emploi de la monnaie de compte.Un autre fait, trs important nous semble-t-il, a

    contribu rendre plus ncessaires et plus fondes les

    critiques qui s'levaient de la part de certaines personnes

    r 1)V. Harsin, Les Doctrines montaires et financires en France du

    XVJ^ au XVI11^ sicle, p. 4. Landry, Essai conomique sur les mutationsmontaires en France de Philippe le Bel Charles VII, p. 85 etss., p. 134-135.

    2) Miller, Studien zur Geschichte der Geldlehre. Die Entwicklung imAltertum und Mittelalier bis auf Oresmius, p. 97, cit par Harsin, op. cit.^p. 4.

    3) V. Infra, t. 1, p. 11.

    *) V. Infra, t. I, p. 158.

  • INTRODUCTION XXV

    contre les mutations : c'est au xvi^ sicle que s'est sur-tout dveloppe la fonction d'pargne de la monnaie.Les changements de valeur de l'unit montaire ne sontvraiment gnants que lorsque l'on thsaurise la monnaie,lorsque l'on fait des marchs long terme, lorsque l'onconvient l'avance de paiements futurs et espacs faire en units montaires, comme c'est le cas pour lesrentes foncires et constitues. Quand on ne se sert dela monnaie que comme d'un instrument d'change,pour perfectionner le troc, une mutation dont l'effetn'est pas toujours immdiat et que l'on peut souventprvoir l'avance, n'afecte que mdiocrement l'co-nomie d'un pays. Mais lorsqu'on est engag donnerou recevoir pendant une priode assez longue unesomme fixe de monnaie, lorsque crot, par suite descirconstances, le nombre de personnes jouissant d'unrevenu fixe (nous dirions aujourd'hui les fonctionnaires),lorsqu'il faut prvoir des paiements chelonns sur desannes et des annes, ces changements de valeur del'unit montaire deviennent alors extrmement gnants.Or, au xvi^ sicle, dans cette priode de renaissance

    conomique, dans cette priode o s'accroissent leschanges et o naissent de nouveaux courants commer-ciaux, une politique de crdit, une politique d'engage-ments long terme tait une ncessit. Cela expliqueraiten partie le fait que l'usage des mutations, s'il ne fut

    pas plus considrable que dans les sicles prcdents,souleva plus de critiques, fit natre davantage d'oppo-sition. Car cette politique, en effet, nous a valu unelittrature extrmement riche sur le faict des mon-noyes . On abandonne peu peu le point de vue juri-dique et la thorie fodale de la monnaie pour s'attacherde plus en plus au rle de la monnaie dans l'conomie,pour essayer de remdier aux maux et aux abus queprovoque son usage. Le grand auteur de l'poque ant-rieure au xvje sicle, Oresme, s'est intress la monnaie

  • XXVI CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    beaucoup plus comme un thologien et un juriste quecomme un conomiste ^.

    Au dbut du xvi^ sicle, avec Copernic, commenceune priode diffrente : on traite des phnomnes mon-taires d'un autre point de vue et l'observation joue unplus grand rle. La littrature conomique est d'unegrande richesse et d'une varit non moins considrable.Dans quelques pays, l'Angleterre par exemple, on trou-vera des apprciations, des jugements concernant l'tatconomique, sans parler des ouvrages spciaux ,aussi bien dans des Sermons, comme dans ceux de

    Latimer, que dans les innombrables ballades qui virentle jour ce moment.

    La monnaie par son altrationNous vaut cette calamit ;On ne connat pas encore compltementJ'out le mal que cela a engendr ^.

    Bien souvent encore, le pur point de vue conomiquen'est pas compltement dgag, bien souvent le jugementport sur un fait conomique ressemble quelque peu auxdicta du droit britannique, ces sortes de commentaires,ces things said by the way qu'inspire au juge anglaisl'examen de telle ou telle affaire. Mais nanmoins, unfait subsiste : le faict des monnoyes retient de plusen plus l'attention et la politique montaire du Princesuscite des approbations ou des critiques : c'est le pointde vue dominant de cette littrature conomique. Ladifficult rside, tant donn le nombre et la diversitdes textes, en choisir quelques-uns. Les crits quenous prsentons ici nous paraissent les plus caractris-

    tiques de l'tat d'esprit de l'poque. On trouvera, chez

    ^) V. Oresme, Traidie de la premire invention des Monnaies, rditpar Wolowski, Paris, Guillaumin, 1864.

    2) V. Ruding, Annals of Ihe Coinage, t. I, p. 305.

  • INTRODUCTION XXVII

    les uns comme chez les autres, les mmes proccupations,les mmes remarques, parfois aussi les mmes jugements.Cela montre l'uniformit des conditions conomiquesdu milieu o se trouvaient leurs auteurs et c'est la

    preuve aussi que les esprits sages, pondrs et sembla-blement placs jugent toujours de la mme manire desphnomnes identiques.

    II

    Tout le monde connat Copernic homme scientifique,personne n'ignore ses travaux comme astronome et

    fondateur du systme hliocentrique du monde pla-ntaire. Ce que l'on connat gnralement moins bien,c'est le rle de Copernic comme conomiste. La sp-cialisation est actuellement si bien entre dans nos habi-tudes qu'il est difficile de nous souvenir que telle n'tait

    pas la mthode du xvi^ sicle. Le chercheur, a critCopernic lui-mme, qui examinerait individuellementles divers phnomnes, sans tenir compte de l'ordreet de l'troite dpendance qui existent entre eux, pour-rait tre compar un homme qui, empruntant desfragments tels que mains, pieds et autres membres ducorps, peints de main de matre il est vrai, mais repr-sentant divers corps, s'aviserait ensuite de runir ces

    fragments htroclites, ne se rpondant pas mutuelle-ment et dont l'assemblage pourrait donner l'image d'unmonstre plutt que celle d'un corps humain ^.

    On peut dire sans crainte d'erreur que Copernic atoujours suivi ces principes qu'il expose : savant conscien-cieux, il ne s'est pas content d'assembler des fragmentsdivers et htrognes ; tous les problmes qui se pr-sentaient devant lui, il les a tudis personnellement etson rle en Pologne ne fut pas celui d'un pur thoricien :

    ^) Copernic, De revolulionibus orbium celeslum, cit par Dmochowski,Nicolas Copernic conomiste, dans Revue d'conomie politique, 1923, p. 108.

  • XXVIII ECRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    Copernic fut galement un architecte, un ingnieur, unadministrateur, un conomiste. Il n*y a que peu debranches de l'activit de son pays qu'il n'ait pas tudies,qu'il n'ait pas cherch dvelopper.

    C'est en qualit de chanoine du chapitre de Warmieque son activit en tant qu'conomiste et surtout semanifester. Copernic faisait partie de ce Chapitrecomme chanoine de Frauenburg. Le Grand-Matre del'Ordre Teutonique, Albert de Brandebourg, s'tantempar des biens du Chapitre de Warmie (en allemandWrmland), Copernic fut dlgu en 1521-1522 l'as-semble des terres de Prusse qui se tenait Graudenzpour protester devant le roi de Pologne contre l'usur-pation commise.

    Il convient de prciser au moins brivement, pourse rendre compte de la porte du texte de Copernic,la position de la Prusse vis--vis de la Pologne. Par letrait de Thorn (1466), la partie occidentale de la Prusseavec Malborg (Marienburg) y compris l'vch de Warmie,fut incorpore au royaume de Pologne. La partie orientalede la Prusse restait sous la domination de l'Ordre Teu-tonique, mais le Grand-Matre de l'Ordre devait recevoirrinvestiture du roi de Pologne. En 1526, l'Ordre Teu-tonique fut scularis et son Grand-Matre, Albert de

    Brandebourg, alli la famille du roi de PologneSigismond 1', reut, en devenant protestant, le titrede Prince de Prusse, tout en restant le vassal du roide Pologne. Cette partie de la Prusse fut nommePrusse ducale pour la distinguer de la Prusse occiden-tale ou Prusse royale. On trouvera d'ailleurs dans letexte de Copernic des passages o il fait directementallusion cet tat de choses.

    Les archives du Chapitre de Warmie, o l'on devraittrouver tous les renseignements concernant Copernic,furent malheureusement en partie dtruites par le feu.Une autre partie de ces archives fut transporte en Sude.

  • INTRODUCTION XXIX

    A l'heure qu'il est, c'est encore dans les archives deStockholm et d'Upsal qu'on peut trouver le plus dematriaux concernant le grand astronome et conomiste

    polonais ^. Une partie de ces archives fut rendue laPrusse en 1802.

    Il convient de signaler galement que Flix Reich,auquel Copernic adressait sa lettre sur la monnaie quenous publions ici ^, faisait galement partie du Chapitrede Warmie.

    Peu aprs l'Assemble des terres de Prusse laquelleavait t dlgu Copernic pour dfendre les droits du

    Chapitre de Warmie, Sigismond I^^, prvoyant unerforme montaire accomplir, pria Copernic de rdigerun mmoire sur cette question. Ce fut l'origine duMonete Cutende Ratio o Copernic runissait les divers

    arguments en faveur de la bonne monnaie, dfendaitune politique montaire sage par opposition la poli-tique suivie en Prusse.

    Il existe plusieurs manuscrits de ce texte. Nous allonsen donner une brve description :

    a) Manuscrit des Czartoryski, conserv dans lesarchives du Muse des Czartoryski Cracovie. Il setrouve dans un volume in-folio, n^ 249, qui fut dcrit

    par Korzenioski dans son catalogue des manuscrits dumuse (1887, p. 46). Au verso de la couverture, noustrouvons la description suivante du contenu du volume : A cause des mcontents, des dissentions ont eu lieu Dantzig. Le roi est enclin y aller et tout arranger.On a condamn mort six personnes. On a constituune municipalit nouvelle et la ville a t admise la

    protection royale. Le Prince de Prusse y a rendu visiteau Roi Sigismond. On trouve dans le volume les rsolu-

    1) Dmochowski, op. cit., p. 104.2) V. Infra, t. I, p. 25.

  • XXX CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    tiens prises par les marquis de Brandebourg pour lePrince de Prusse.

    Parmi d'autres textes, ce volume contient le dis-cours de Copernic, Moneie Cuiende Ratio, le trait deDecius sur la monnaie et la lettre de Copernic Deciuscrite au nom des Snateurs de Prusse. Le manuscritde Czartoryski contient une indication galement manus-crite aprs le titre : autori Nicolo Copernico; d'aprsle P^ Birkenmajer, cette annotation serait de la mainmme de Copernic. En ce qui concerne l'orthographeet les variantes il ressemble davantage au manuscritde Fischer qu' celui de Reich. Les annotations seraientde Copernic lui-mme ;

    h) Le manuscrit de Flix Reich se trouve auxArchives Secrtes de l'tat Knisberg, cote Schrank V.22. 27.1526. Ce volume faisait autrefois partie de la

    bibliothque du Chapitre de Warmie. Emport par lesSudois en 1616, il fut restitu conformment laconvention conclue entre les gouvernements sudois et

    prussien en 1801. Sur la couverture, on trouve unenotice de sept lignes peine lisibles : hec de MoneiaColleclanea dentur post morlem meam d. Nicoloa Copernicsiqiiid forte rbus suis prodesse poterini felix reich scrip-sit 1538 augusti 18. octobri 18. Le Monete Cutende Balioest crit par Reich sur six pages sans marge avec quel-ques annotations ;

    c) Le manuscrit de Friedrich Fischer se trouve ga-lement aux Archives de Knisberg. Il est renferm dansun gros fascicule reli et crit par Fischer, chancelier

    du Prince Albert de Brandebourg. Le fascicule est inti-tul Consilia et raiiones de abroganda mata ac adulterimamoneia et cuienda nova. Et plus bas : Allerlovy ratschlageprobierung der Muntz und aders dye Miintz des koni-

    greichs Polenn und die Landen preussen betreffendt. Letrait de Copernic est intitul Monet Cnlend Ratio.

  • INTRODUCTION XXXI

    L'orthographe de Fischer diffre lgrement de celle deReich.

    La lettre de Copernic Reich se trouve dans levolume crit par Reich appartenant aux Archives de

    Knisberg et dont nous venons de parler. Dans ce volumese trouve une feuille crite par une main autre que cellede Reich et portant la cote 5. 22. N 28. A la fin setrouvent les initiales de Copernic d'une main inconnue.A la mort de Reich, quand le document revint Copernic,celui-ci ajouta de sa propre main le reste de son nom l'initiale ainsi que l'adresse felici Reich et le titre deMoneta ^.

    Il est difficile de rsumer en quelques mots le mritede Copernic. Signalons tout d'abord qu'il est trs dif-ficile de rendre en franais, non pas sa pense, qui est

    toujours claire mais le terme exact qu'il emploie : ontrouve en effet chez lui un vocabulaire trs abondantde termes latins qui n'ont pas tous, ou qui n'ont plus en

    franais de correspondance exacte ^.

    Aprs avoir dfini la monnaie d'une faon trs gn-rale, il la reprsente plusieurs fois au cours de son uvrecomme participant la fois la fonction de signe et celle de gage. Son rle en outre est d'tre en quelquesorte la commune mesure des valuations ^ .

    Les causes de la dprciation de la monnaie, ce qui-

    est le point le plus important trait par Copernic sont,selon lui, au nombre de trois : le manque de poids, lemauvais aloi de l'alliage montaire et l'usure due au :long usage des pices de monnaie. Il ne parle pas de ;l'influence des importations de mtal prcieux d'Ame- irique, car l'effet de celles-ci ne s'est fait sentir en Europe, 1et surtout en Pologne, que beaucoup plus tard. |

    ^) Tous ces renseignements bibliographiques sont emprunts Dmo-chowski, Mikolaja Kopernika Rozprawy o Monecie i inn pisma ekonomizne.Nous les devons l'obligeance de M. Zoltowski.

    2) V. Dmochowski, Revue d'conomie Politique, 1923, p. 109 et s.3) V, Infra, t. I, p. 5.

  • XXXII CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    Les remdes la dprciation de la monnaie, il lestrouve dans la frappe d'espces mtalliques bonnes etstables. Il vaudrait beaucoup mieux, selon lui, songer rtablir la bont montaire d'autrefois que de penser lever de nouveaux impts. Le profit de ceux-ci ne sera

    qu'annuel tandis qu'une forte monnaie donnera un bn-fice durable ^. Copernic prconise l'tablissement d'un

    rapport stable entre l'or et l'argent (rapport qu'il vou-frait voir fixer selon la proportion 1-12) et se fait ainsi

    J'un des premiers thoriciens du bimtallisme.Mais c'est surtout au point de vue de ce qu'on a

    appel plus tard et tort la loi de Gresham que le mritede Copernic est le plus grand. Il a su, le premier, donnerune expression scientifique ce phnomne aperu bien

    I avant lui par Aristophane ^. Une plus grande faute,i crit-il, consiste introduire ct d'une ancienne1 bonne monnaie, une nouvelle monnaie mauvaise, car,Inon seulement celle-ci dprcie l'ancienne, mais, pour

    [ainsi dire, elle la chasse ^. Il est difficile de rsumer enaussi peu de mots et avec autant de prcision la loi

    qui affirme que la mauvaise monnaie chasse la bonnede la circulation et l'on s'aperoit encore mieux dumrite de Copernic si l'on se replace dans les circons-tances qui ont vu la naissance de son uvre *.

    1) V. Infra, t. I, p. 27.2) V. Infra, Introduction, p. lv-lvi.

    3) V. Infra, t. I, p. 9.

    *) On a parfois prtendu que cette loi se trouvait dj dans le ^raidiede la premire invention des monnaies de Nicolas Oresme (cf. ditionWolowski, p. lix). Voici les passages sur lesquels on peut se fonder pourtablir ce fait : Et encores, qui est pire chose, les changeurs et banquiersqui savent o l'or a cours plus hault pris, chacun en sa figure, ilz, parsecrtes cautelles, en diminuent le pays, et l'envoient ou vendent dehorsaux marchans, en recevant d'iceulx autres pices d'or, mixtes et de basaloy, desquelles ilz emplissent le pays. [ibid., p. m). Car, par adven-ture, les hommes portent plus volontiers leurs monnoies aux lieux ou ilzsevent (sic) icelles plus valoir... Encores par ces mutacions et empirancesdes monnoies cessent les marchans de venir de estranges royaumes etapporter leurs bonnes marchandises et richesses naturelles ou pays o ilzscavent icelles mauvaises monnoies avoir cours : car la chose qui plus

  • INTRODUCTION XXXIII

    L'influence de Copernic se fit sentir d'une faon trssensible lors de la rforme montaire de Sigismond I^r.Ce roi en effet, comme galement certains de ses suc-cesseurs, fut toujours partisan d'une monnaie sainealors qu'au contraire certains administrateurs prussienss'taient servis, soit-disant pour rtablir les finances

    publiques, du procd facile des surhaussements mon-taires. Pour remdier l'inconvnient rsultant del'existence simultane de plusieurs monnaies, le roi

    Sigismond l^^ avait en vue l'unification du systmemontaire des territoires faisant partie politiquementet conomiquement de la Rpublique polonaise : royaumede Pologne, Grand-Duch de Lithuanie, provinces prus-siennes. Cette rforme fut vote aux dites de Piotrkowen 1526 et 1528. Les rsolutions adoptes taientconformes aux ides de Copernic et introduisait en

    Pologne le systme bimtallique sur la base de la rela-tion 1 sur 12 ^ .

    Copernic fut ainsi l'un des artisans du maintien enPologne de la bonne monnaie. Son influence ne s'estgure sans doute manifeste autrement tant donn lefait que ses manuscrits ne furent publis qu'en 1816 ^,En replaant ces textes l'poque laquelle ils furentcrits, on se fera une ide trs juste de l'intelligenceavec laquelle Copernic avait trait de ces problmes.

    attraist le marchand porter ses richesses naturelles et bonnes monnoyesen ung pays est ou bonne monnoie est et se fait. Encores, en la terre mesmeso telles mutacions se font, le fait de marchandise est si trouble que lesmarchans et mechanicques ne savent comment communiquer ensemble,et pour ce, telles mutacions durans, les revenues du prince et des nobles,et les pensions et gaiges annuelz, les lievaiges et les sentiers et chosessemblables, ne se pevent bien ne justement tauxer ne payer, comme il aest et est de prsent ; et, qui pis est, la pecune et monnoie ne peult donnerou croire l'un l'autre... {ibid., p. lix-lxi). Le premier de ces passagesest assez explicite, mais c'est plutt l'affirmation d'un fait naturel quel'expression de ce qu'on est convenu d'appeler la loi de Gresham. Quantaux dernires citations, elles nous paraissent assez loin de la question.

    ^) Dmochowski, op. cil., p. 106.2) V. la notice en tte du texte, infra, t. I, p. 3-4.LE BRANCHU C

  • XXXIV CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    III

    La politique et la situation de la Saxe taient, dansla premire moiti du xvi^ sicle, aussi compliquesque la position respective de la Prusse et de la Pologne.Au problme montaire, qui s'est pos en Saxe avec uneacuit toute particulire due aux circonstances, s'ajouteun problme dynastique occasionn par la division dupouvoir entre les deux branches de la famille rgnante :branche ernestine et branche albertine ^.

    D'aprs le testament de Frdric II, Prince lec-teur de Saxe, ses deux fils, Ernest, n le 24 mars 1441et Albert, n le 27 janvier 1443, se partagrent le pou-voir, la dignit lectorale appartenant l'an.

    Le Prince lecteur Ernest, anctre de la brancheernestine, avait pous en 1460 Elisabeth de Baviredont il et six enfants : Frdric III le Sage, Albert

    archevque de Mayence, Ernest, archevque de Magde-bourg, Jean le Constant, Christine qui pousa Jean,Roi de Danemark et Marguerite qui pousa Henri, ducde Braunschweig-Lneburg. A la mort d'Ernest, lepouvoir, ou plutt la fraction de pouvoir qui appar-

    ^) Voici un tableau gnalogique schmatis de la famille rgnante deSaxe :

    Frdric II le Bon, lecteur de SaxeI

    Ernest (1441-1486)p. Elisabeth de Bavire

    I IIIFrdric III Albert Ernest Jean Christine-

    le Sage le Constant Marguerite(1446-1525) (1468-1632)

    I

    1" mariage

    Johann-Frdric

    mariage

    Albert(1443-1500

    George(1471-1539)

    Johann-Ernest Maria Margueritemort sans enfants

    (1553)

  • INTRODUCTION XXXV

    tenait la branche ane, passa son fils Frdric IIIdit le Sage, y compris la dignit lectorale. Frdric III

    rgna jusqu'en 1525, anne de sa mort. Comme iln'avait pas d'enfants, son frre Jean, dit le Constant,lui succda.

    Le Prince Jean, n le 30 juin 1468, joua un rleconsidrable dans l'histoire de la Rforme. Nous neconnaissons aucun prince, crit von Ranke, qui aitrendu plus de services l'tablissement de l'gliseprotestante. En 1529, il protesta contre la dcision dela Dite de Spire dfendant d'adhrer la ReligionRforme. Le 25 janvier 1530, il fit proclamer la confes-sion nouvelle la Dite d'Augsbourg. Il serait d'ailleursinexact de penser que l'influence du Prince Jean surla politique saxonne et sur la politique allemande datede 1525, date de la mort de son frre an Frdric III :

    celui-ci, conformment aux traditions de la maison deSaxe, l'avait associ au gouvernement bien avant 1525.

    Cette situation politique assez peu nette se compli-quait encore du fait du partage de la succession deGuillaume, landgrave de Thuringe. Comme celui-ci taitmort sans enfants en 1482, ses neveux, les Princes de

    Saxe, hritrent et se partagrent sa succession : Ernest,Prince lecteur de Saxe eut la Thuringe et Albert, laMismie.

    Ce fut vers cette poque que l'on dcouvrit de nou-velles et trs riches mines d'argent prs du Schneeberg.Lors du partage de 1486 la suite du dcs d'Ernest,ces mines ne furent pas divises en nature : les repr-sentants des deux branches ^ convinrent de les exploi-ter en commun et de partager les bnfices provenantde la frappe des monnaies 2. On conoit que ces conven-

    ^) Frdric III le Sage pour la branche ane (Ernestine) et Albertpour la branche cadette.

    *) V. Lotz, Die drei Flugschrifien iXber den Mnzslreil der schsischenAlheHiner und Ernesliner, p. iv.

  • XXXVI CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    tiens aient encore contribu obscurcir les questionsde politique montaire saxonne.

    Cependant, tant que vcut le Prince Frdric le

    Sage, la politique montaire de la Saxe fut extrmementprudente et mesure. On n'avait pas procd desmutations montaires, comme en beaucoup d'autrestats, on avait conserv la parit fixe en 1500 entrel'or et l'argent ^. Mais, en 1524, un marchand de Nurem-berg, Christophe Fuhrer, avait dj demand l'lvationde la valeur nominale de l'argent. Il prsenta son planau comte Albert de Mansfeld. Celui-ci se trouvait,depuis 1518 en union montaire avec la maison deSaxe, et, ayant agr le plan de Christophe Fuhrer, il

    essaya de gagner sa cause les deux princes qui se

    partageaient alors le pouvoir ^. Ceux-ci entrrent dansles vues du Comte de Mansfeld, mais, peu aprs, en 1526,le duc George changea d'avis et prtendit conserverl'ancienne monnaie ^.

    Pour dfendre ses ides, il fit publier un pamphleto elles se trouvaient rsumes : ce pamphlet officieuxn'tait autre que le Gemeine Siimmen que nous publionsici. Le Prince Jean le Constant fit rpondre ce pam-phlet par une Apologie o l'on attaquait les ides exposesdans le Gemeine Siimmen *. Un troisime pamphlet vit

    1) On avait ainsi fix en Saxe, en 1500, les parits respectives de l'oret de l'argent :

    1 Gulden = 21 Groschen d'argent ou 42 demi-Groschen.V^ id. = 7 Schreckenberger Groschen (d'abord frapps avec

    du mtal de la mine de Schreckenberg, puis aveccelui d'Annaberg et appels aussi Engelgroschen,groschen l'Ange).

    id. 1 Gulden Groschen, pesant 2 Lot d'argent (le prd-cesseur du Thaler).

    En 1524, VEislinger Mnzordnung, donne par l'Empereur Charles Vadopte, pour toute l'Allemagne, les mmes parits.

    2) Jean le Constant (branche ernestine) et George (branche albertine).^) V. Klotz Versuch einer churschsischen Mnzgeschichle. Von den

    llenslen bis aiif jelzige Zeiten, Ghemnitz, 1779, t. I, p. 250 et s.*) Voici le titre exact de ce deuxime pamphlet : Die Mnlz Belangende.

    Anlworl und bericht der furnemesten puncl und Ariikel auff des Bchlein so

  • INTRODUCTION XXXVII

    le jour l'anne suivante, publi par les soins du ducGeorge, o l'on reprenait la plupart des arguments etdes ides contenues dans le Gemeine Siimmen et o l'onattaquait VApologie ^.

    Le rsultat de cette querelle fut que les deux branchesde la maison de Saxe frapprent des monnaies diff-rentes :

    1) Le duc Jean le Constant (branche ernestine) fitbattre monnaie Zw^ickau et Buchholz

    ;c'taient des

    monnaies affaiblies correspondant au plan fix primiti-vement d'accord avec le comte de Mansfeld.

    2) Le duc George (branche albertine) dcida aucontraire, le 9 janvier 1530 avec ses conseillers, sesLandstnten, runis Dresde, que l'on devait conser-ver inaltrable prsent et dans l'avenir, le marc

    d'argent correspondant huit Gulden, chacun formant

    vingt et un Groschen .La suite des vnements est assez obscure ^. Il

    semble cependant qu'en 1531 le duc George fit uneconcession : le marc d'uvre d'argent, dans lequel oncontinuerait tailler huit Gulden, ne pserait plus que14 Lot 8 Grn d'argent au lieu de 15 Lot ^. Il traita surcette base avec Jean-Frdric, successeur de Jean le

    Constant, et, partir de 1534, on ne frappa plus qu'uneseule monnaie en Saxe.

    Le pamphlet que nous reproduisons ici ne fait pourainsi dire pas mention des questions politiques purementsaxonnes : il parle de la monnaie d'une faon gnrale,il pose les principes de la bonne politique montaire et

    der Mniz halben in der Chur und Furslen zu Sachssen Landen mil demTilel der Gemeinen stymmen jdoch sunder nemen krtzlich jm druck aus-gangen ist von denen so dagegen die wolfarl der Lande aus vnterlhenickeiiauch wol meine. Anno Dominj, M. D. X. X. X.

    ^) Voici le titre exact du troisime pamphlet : Apologia und voranl-wortung des was wider das Buchlein der gemeine siimmen im druck aus-gangen (1531).

    2) V. Klotz, op. cil., p. 254 et s.3) Le Marc contenait 16 Lot et chaque Lot 18 Grn.

  • XXXVIII CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    numre les nombreux avantages qui dcoulent de cettesage police. Aussi, d'un intrt mdiocre pour This-torien, il est au contraire extrmement intressant pourl'conomiste car il tablit et discute ds cette poque(1530) des concepts dont on a parfois fait honneur des crivains postrieurs.

    Deux observations surtout mritent une tude sp-ciale. Tout d'abord l'auteur anonyme du GemeineStimmen a une notion, vague encore videmment, maiscependant assez prcise pour le temps, de l'quation

    r quantitative : La marchandise est value et vendue

    I

    suivant la valeur de la monnaie : quand le titre de

    [celle-ci baisse, le prix des marchandises augmentera

    ^et le commerce diminuera ^. Sans doute, n'est-ce pasl la fameuse thorie quantitative, mais il n'en est pasmoins curieux de voir qu' cette poque, peu de tempsaprs Copernic, dont l'auteur n'a probablement pasconnu les travaux, il a observ ce phnomne avec unenettet aussi grande.

    En second lieu, on trouve dans cet crit une opinioncurieuse sur l'quilibre, sur la balance entre l'ensembledes dettes d'une part, et la monnaie en circulation d'autrepart : Il faut se demander s'il est possible que, dansun pays, il y ait autant d'argent comptant que dedettes contractes en cet argent comptant : le mal pro-venant de la perte des capitaux doit tre beaucoup plusgrand que le profit et l'avantage rsultant du change-ment de monnaie ^. Cet argument qui consiste, pourprouver la nocivit d'un surhaussement montaire, montrer que, du moment que l'ensemble du passif estsuprieur la masse de la monnaie laquelle s'appli-quera ce surhaussement, les pertes seront ipso fadosuprieures aux bnfices raliss du fait de la rforme

    1) V. Infra, t. I, p. 40.) V. Infra, t. I, p. 45.

  • INTRODUCTION XXXIX

    montaire, est assez inhabituel dans les crits de cette

    poque pour qu'on le note au passage.Il serait exagr de prtendre voir en ce pamphlet

    une uvre de grande envergure, mais, si on le replace son poque, si on tient compte des circonstances quil'ont fait natre, on ne manquera pas d'tre frapp parses mrites, par la solidit du raisonnement et parl'ordre logique avec lequel se suivent les diffrents

    arguments.

    IV

    Ni Copernic, ni l'auteur des Gemeine Stimmen nes'taient pos la question de savoir si la hausse des

    prix pouvait avoir une autre origine que l'affaiblis-sement de la monnaie. La hausse des prix, en effet,

    l'poque o ils crivaient (1525-1530) et dans les paysdont ils s'occupaient, ne s'tait pas encore produite ou,plutt, ne s'tait manifeste qu'avec une intensit trsrestreinte. Nous ne nous tendrons pas sur ce sujet :qu'il nous suffise de dire que, d'une manire gnrale,les prix ont surtout mont d'une faon sensible enFrai^ce aprs 1540 ^, faisant suite la hausse qui s'tait

    djfc4duite en Espagne et au Portugal ^. Pendantquelques annes en France, cette hausse n'inquita outremesure ni l'opinion publique, ni les savants ; puis,cette chert se prolongeant et se gnralisant, cettechert devenant telle que chascun tant grand que petit,la sente sa bourse

    ^,on se proccupa srieusement

    de ce nouvel aspect de l'conomie, on s'inquita descauses de cette chert et des remdes qu'il serait possibled'y apporter.

    ^) V. Simiand, Recherches anciennes el nouvelles sur le mouvement gn-ral des prix du XVI^ au XIX^ sicle, Diagrammes I et IV en particulier.

    2) V. Hauser, La Response de M Jehan Bodin aux Paradoxes de M. deMaleslroit, p. x\i-Kyu. -- ,. ^...^.^.^. ......... .--) Cf. Infra, t. I, p. 55.

  • XL CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    C'est l'importance de plus en plus grande que pre-naient les questions conomiques qui fit riger, en 1551,la Cour des Monnaies en cour souveraine du Royaume.Les historiens ont nglig pendant assez longtemps lesofficiers des monnaies

    ;on ne se rendait pas suffisamment

    compte de l'influence qu'ils avaient eu sur la politiquemontaire franaise, sur les dcisions et les lois concer-nant la monnaie i. L'un de ces officiers, Conseiller duRoi et Maistre ordinaire de ses comptes , le seigneurde Malestroict, fut charg, tant par commandement deVostre Maiest que par ordonnance de vostre chambredes comptes ^ , ainsi s'exprime-t-il dans la prface deson uvre, de travailler au faict des monnoyes ,c'est--dire de considrer les causes de l'estrange enche-rissement que nous voyons pour le iou'rd'huy de touteschoses ^ et d'examiner les remdes susceptibles d'att-nuer ce fcheux tat de choses.

    Malestroict dclare avoir travaill trois ans ce pro-blme et c'est comme le rsultat de ses tudes qu'ilprsente en 1566 ses Paradoxes sur le faici des Monnoyes.

    On ignore peu prs compltement l'identit de ceconseiller du Roi. Sur la page de titre de la rditiondes Paradoxes jointe la premire dition de la Besponsede Bodin

    *,un lecteur a ajout une note manuscrite :

    M Jehan Cherruyt, Sgr. de Malestroit. Les recherchesfaites par M. Hauser relativement ce personnage,notamment au Cabinet des Manuscrits la BibliothqueNationale, sont rests sans rsultat ^. Les autres anno-tations de cet exemplaire des Paradoxes n'apportent

    ^) Cf. Germain-Martin, La Monnaie el le crdit priv en France auxXVI^ el XV11^ sicles [Revue d"Histoire des doctrines conomiques el sociales,1909, t. II, p. 1 et s.)- Harsin, Les Doctrines montaires et financires en^France du XVl^ au XVIII^ sicle, p. 4b.

    2) Cf. Infra, t. I, p. 55.

    ) Cf. Infra, t. I, p. 55.

    *) Sur l'exemplaire annot conserv la Bibliothque Nationale sousla cote Rserve LF. 77.20.B.

    *) Cf. Hauser, op. cit., p. xxv.

  • INTRODUCTION XLI

    aucune lueur nouvelle sur la question ; ces notes se rdui-sent en ralit quatre : les trois premires sont cellesd'un lecteur presque contemporain de la publication de

    l'ouvrage : il y a d'abord l'indication dont nous venonsde parler relative la personnalit de Malestroict, puis,toujours sur la page de titre ^, une sorte d'envoi :

    Lecteur ne vous esionne point

    Sy ces deux sont d'avis contraireCar le mal estroil ne peut plaireAu bodin qui cherche repas ^.

    Une autre note, qui se trouve au folio a. 4. Vo. n'est

    qu'une simple explication : parce qu'ils pezoient un groschacun.

    La dernire annotation est d'une autre criture, lamme que celle de la feuille intercale dont nous donnonsci-aprs la teneur ^, et consiste en ces trois mots : solsou douzains *.

    C'est peut-tre en partie cette difficult d'identifierMalestroict qui a fait que la plupart des historiens l'onttrait avec une certain mpris. Un auteur dont la per-sonnalit est connue s'impose avec davantage de forceet d'autorit. Il convient toutefois de signaler que,depuis quelque temps, un certain revirement doctrinals'est produit : on a rendu justice l'uvre de Males-troict, on a mme apprci sa clart et sa valeur ^. Un

    ^) Reproduite en fac-simil dans Hauser, op. cil., hors-texte.2) Lecture de M. Hauser.) V. Infra, t. I, p. 53.

    *) Toujours folio a.4.Vo. de l'exemplaire numrot de la BibliothqueNationale. M. Hauser fait allusion ces annotations (il reproduit d'autrepart celles qui ont trait au texte de Bodin), mais sans en signaler le petitet le complet manque d'intrt. Par contre, les passages souligns sontnombreux.

    ^) Surtout Hauser, op. cil., p. xxxii et s. et La Controverse sur les mon-naies, 1566-1578 {Bulletin du Comit des travaux scientifiques et historiques,section des Sciences conomiques et sociales, 1905, p. 14) et Hargin, op. cil.^p. 33.

  • XLII CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    point cependant qu'on n'a jamais suffisamment mis enrelief est celui-ci : il existe, entre le but que se proposaitMalestroict et celui que voulait atteindre Bodin deuxans plus tard une diffrence fondamentale : le premierfaisait un rapport au Roi et la Cour des Monnaies.

    Pourquoi ce rapport a-t-il t publi, on l'ignore, laseule raison qu'on en puisse donner est l'intrt queprenait le public, ou, tout au moins, un certain public, ces discussions. Il y avait beaucoup de chances, notre sens, pour que ce rapport restt indit, commetant d'autres. Bodin, au contraire, a crit un ouvrage,il discute fond la question, il fait plus qu'une simpleanalyse, il philosophe sur ses arguments ^.

    Les Paradoxes prsentent quelques ides justes. C'tait un grand mrite, crit M. Hauser, que d'aper-cevoir dans la dprciation de la monnaie une des causesau moins il disait la cause unique de la haussedes prix... Il l'affirme (ce rapport) avec une rare nettet^.

    f Sans doute, Malestroict n'a-t-il pas vu (et ce fut le

    j grand mrite de Bodin) l'influence de l'afflux des mtauxI prcieux d'Amrique ; mais jusqu'en 1560 peu prs,comme M. Harsin en fait la remarque ^, la hausse ducot de la vie concorda peu prs avec l'affaiblissementdes monnaies ^ et Malestroict tait un peu excusable dene pas s'tre rendu compte du renversement de la situa-

    ^^tion. Le tort de Malestroict en somme a t de ne s'atta-cher qu'au problme national et franais alors que l'ob-servation de phnomnes semblables l'tranger (sur-tout en Espagne et au Portugal au xvi^ sicle et en

    ^) V. en outre, Infra, Introduction, p. xliv.^) Hauser, op. cit., p. xxxii.

    ^) Harsin, op. cit., p. 34.*) Raveau, VAgriculture et les classes paysannes dans le Haut-Poitou

    au XVI^ sicle, Introduction, V. galement dans Simiand, op. cit., lesanalyses des uvres s'occupant du mouvement des prix en France cettepoque.

  • INTRODUCTION XLIII

    Italie au Moyen ge) lui aurait peut-tre livr, comme Bodin, la clef du problme.

    Bien souvent, on ne prend pas garde non plus ausecond des Paradoxes de Malestroict : Qu^il y a beau-

    coup perdre sur un escu ou autre monnoye d'or ou

    d'argent, encores qu'on, la mette pour mesme prix qu'onla reoit. Gomme le dit M. Harsin, la notion du pouvoir ]d'achat de la monnaie est donc parfaitement dgagepar notre auteur et les exemples qu'il en donne achventde prciser son tude ^ . Malestroict constate fort clai-rement la perte subie du fait de la dprciation de lamonnaie, par le roi d'abord, puis par les seigneurs& autres subiectz de sa Maiest qui ont cens, gaiges,estatz & appoinctements ; ils se trouvent (comme leroi) payez en cuyvre au lieu d'or et d'argent

    ^.

    Il convient galement de signaler ds prsent que ^

    Bodin en 1568, lors de la premire dition de son uvre,ne fait pour ainsi dire aucune mention de l'affaiblis-;sment de la monnaie comme cause de hausse des prix.En 1578, lors de la seconde dition de la Besponse. il ;consacre au contraire de longs dveloppements ce

    point de vue ^.^

    Les Paradoxes d'ailleurs ne sont pas intressants

    uniquement par eux-mmes, par rapport leur auteur :ils le sont aussi parce qu'ils ont inspir pendant trslongtemps toute la politique montaire franaise ; ilsrenferment en quelque sorte la doctrine officielle de laCour des Monnaies. Nous reparlerons de cette questionen traitant de la Besponse de Jean Bodin *, car il estimpossible de sparer les deux ouvrages : la thse doittre considre en mme temps que l'antithse et celle-cine se comprendrait pas non plus sans la premire.

    1) Harsin, op. cit., p. 33.2) Cf. infra, t. I, p. 65.

    3) V. infra, t, I, variantes, p. 146 et s.*) V. infra, t. I, Introduction, p. xlix-li.

  • XLIV CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    Il ne saurait tre question de comparer les Paradoxesde Malestroict la Response de Jean Bodin. Les deuxuvres, nous l'avons dit, se placent sur des plans dif-

    frents, rpondent des buts qui ne sont pas les mmes ;le tort de nombreux historiens a t justement de vou-loir assimiler ces deux ouvrages. La Response n'a past, notre sens, dtermine uniquement par la publi-cation des Paradoxes

    ;Bodin s'intressait depuis long-

    temps ces questions, son activit intellectuelle a

    toujours fait une large place aux questions conomiques..Cette information trs tendue et trs varie tmoigned'une curiosit conomique qui apparat de bonne heuredans ses ouvrages ^ . La publication des Paradoxesa peut-tre t la raison immdiate de celle de la Res-

    ponse, mais Bodin aurait certainement, mme dans lecas o les Paradoxes n'auraient pas t crits, soit rdigun ouvrage analogue la Response, soit intercal des

    dveloppements du mme genre dans la Rpublique.Sans doute Bodin se laissa-t-il entraner par la dis-

    cussion au point de nier catgoriquement tout ce queprtend Malestroict : ainsi, dans la premire dition

    (1568) il n'accorde aucune importance l'influence desaffaiblissements montaires sur la hausse des prix etil y consacre au contraire de longs dveloppementsdans la seconde dition de son uvre (1578) ^. Souventles admirateurs de Bodin n'ont pas relev cette lacunequi existe dans la premire dition de la Response.

    Remarquons tout de suite que Bodin ne nous donneaucune prcision relativement la personnalit deMalestroict : il le prsente comme un homme qui

    ^) Hauser, op. cil., p. xxxvii et xxxix.2) V. infra, t. I, p. 146 et s. notes de variantes.

  • INTRODUCTION XLV

    mritoit bien que un plus grand que moy lui fst res-ponse

    ^

    ,mais il ne va pas plus loin que cette banale

    formule de politesse ; la seule indication que nous pou-vons trouver dans la Response est que, lors de la rditionde 1578, tous les Monsieur de Malestroit sont changsen Malestroit . Cette suppression du Monsieur indiquepeut-tre que la mort de Malestroict doit tre situeentre 1568 et 1578. Il est possible que ce soit aussi un

    peu la disparition de son contradicteur qu'il fautattribuer les nouveaux dveloppements de Bodin rela-tifs l'influence des mutations montaires o il sedjuge un tant soit peu. Signalons une petite parti-cularit : Malestroict s'crit avec un c dans l'ditiondes Paradoxes de 1566 comme dans la rimpression de1568 place en tte de la Response et au contraire, danscette dernire, Bodin crit toujours Malestroit sans c .

    On peut diviser la Response en deux parties assezdistinctes : dans la premire, Bodin critique les argumentsde Malestroict, dans la seconde, il expose au contraireses ides personnelles.

    Dans la partie critique, Bodin reproche surtout '

    Malestroit certaines erreurs commises par lui dans la

    comparaison entre les espces montaires en cours

    l'poque et les monnaies plus anciennes. Il n'y a pasde meilleure preuve de la complication du systme mon-taire d'alors que les discussions auxquelles il donnaitlieu

    ; aujourd'hui encore, malgr le progrs des tudesnumismatiques, malgr la connaissance presque parfaite ^

    que l'on a des lois et des ordonnances ayant influ surla circulation montaire, certains points n'en restent

    pas moins dans l'ombre. Il ne faut d'ailleurs pas s'ima-1

    giner que toutes les assertions de Bodin relatives la 1

    1) Cf. infra, t. 1, p. 74.

  • XLVI CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIEr

    I

    monnaie soient justes : il a fait lui aussi quelques erreurs1 dans ses valuations, erreurs que l'on trouvera releves

    (_dans le commentaire de M. Hauser ^.Dans sa Prface, Bodin commence par affirmer que

    Malestroict soutient, comme c'est exact, une opinioncontraire celle du public : Monsieur de Malestroit...a publi un petit livret de paradoxes o il soustientcontre l'opinion de tout le monde, que rien n'est enchri

    depuis trois cens ans 2. Ds le dbut de son ouvrage,Bodin s'attaque aux arguments de Malestroict. Toutd'abord devant que passer outre , il dclare vouloir

    poser brivement le raisonnement syllogistique sur

    lequel repose la dmonstration de Malestroict. Onne peult dit-il (Malestroict), se plaindre que une chosesoit maintenant plus chre qu'elle n'estoit il y a troiscens ans : sinon que pour l'achepter il faille maintenantbailler plus d'or ny d'argent que l'on ne bailloit alors.Or est-il que pour l'achapt de toutes choses Ion ne baille

    point maintenant plus d'or ny d'argent qu'on en bailloitalors. Donc puis ledit temps rien n'est enchri en France.

    Voyla sa conclusion, qui est ncessaire si on luy donnela mineure ^. Et de s'attaquer ensuite l'exempledu velours sur lequel Malestroict base une partie de sonraisonnement.

    Les arguments de Bodin sont parfois prsents dansun ordre un peu dcousu, mais il faut bien dire qu'il les

    appuie sur des donnes extrmement solides : les chiffresqu'il donne, les prix anciens et nouveaux qu'il cite

    correspondent le plus souvent peu prs exactement ceux qu'ont rvls les recherches modernes.

    La partie critique et la partie constructive ne sont

    pas, tant s'en faut, nettement spares l'une de l'autre.

    ^) Y. en particulier Hauser, op. cit., p. 86 (note p. 5, lignes 16-17),p. 101 (note p. 25, ligne 32).

    2) Cf. infra, t. I, p. 74.

    8) Ibid,, p. 76.

  • INTRODUCTION XLVII

    Les arguments destins prouver le mal-fond des asser-tions de Malestroict et les raisonnements qu'il tire desfaits personnellement observs par lui s'entremlent et,parfois, la mme ide sert indistinctement aux deuxbuts. Notons en passant, propos du fondement de laiBesponse, que c'est Bodin qui a eu probablement lepremier l'ide de l'observation scientifique et raisonnedes phnomnes conomiques. Son uvre a marqu unetape importante de la littrature conomique.

    Dans la premire dition, Bodin dclare attribuer la^hausse des prix trois causes ; il en cite d'ailleurs quatre : le trouve que la charte que nous voyons vient pourtrois causes. La principale & presque seule (que per-sonne iusques icy n'a touche) est l'abondance d'or &d'argent qui est auiourd'huy en ce royaume plus grandequ'elle n'a est il y a quatre cens ans. le ne passe pointplus oultre, aussi l'extraict des registres de la Cour &de la chambre que i'ay, ne passe poinct quatre cens ans.Le surplus, il le faut ceuillir de vieilles histoires avec peud'asseurance. La seconde occasion de charte vient en

    partie des monopoles. La troisime est la disette, quiest cause tant par la traitte que par le degast. La der-nire est le plaisir des roys & grans seigneurs, qui haussele pris des choses qu'ils aiment ^. Dans la secondedition, celle de 1578, il introduit une importante modi-fication : La cinquiesme (cause) est pour le pris des mon-noyes raval de son ancienne estimations. Et plus loin(V. Variante, p. 146) il s'tend longuement sur ce point.

    Nous ne discuterons pas en dtail les arguments deBodin quand il discute Malestroict. Nous nous bornerons dire qu'alors que ce dernier dclarait que le prix deschoses n'avait aucunement augment, que cette chertn'tait qu'une apparence, car on ne donnait pas plusd'or et d'argent que jadis, Bodin affirme au contraire

    1) Ibid., p. 83-84.

  • XLVIII CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    que les prix ont hauss de trois quatre fois depuis unsicle. Il appuie son raisonnement sur une srie d'exem-

    ples tirs des coutumes, en cartant, comme l'avaitd'ailleurs fait Malestroict, les annes de disette et de

    trop mauvaise rcolte ^.C'est quand il s'agit d'tablir les causes de cette

    chert que Bodin devient vraiment original et intres-sant : il faut donc montrer qu'il n'y avoit pas tantd'or & d'argent en ce royaume il y a trois cens ans qu'ily a maintenant ^ . Et, pour ce faire, il montre que lesrois ont lev dernirement et avec facilit de grandessommes soit par l'impt, soit par des moyens extra-ordinaires, notamment pour payer des ranons, alors

    qu'autrefois le moindre subside faisait se plaindre lepeuple, il montre que les grandes baronnies se vendent

    plus cher qu'il y a quelques sicles. Mais d'o vient toutcet or et cet argent que l'on trouve maintenant enabondance, ? Ici aussi, il y a plusieurs causes diffrentes :la principale est le commerce extrieur, le marchand& l'artisan qui font venir l'or & l'argent ^ . L'autre, c'est le peuple infini qui s'est multipli en ce royaume,depuis que les guerres civiles de la maison d'Orlans &de Bourgogne furent assoupies... Car la guerre de l'es-

    tranger que nous avons eu depuis ce temps la, n'estoit

    qu'une purgation de mauvaises humeurs ncessaire tout le corps de la repub *. Une troisime, qui se rat-tache d'ailleurs la premire, est la trafique du Levant,qui nous a este ouverte par l'amiti de la maison deFrance avec la maison des Othomans du temps du RoyFranois premier ^ . La dernire enfin l'efficacit de

    laquelle nous ne croyons pas beaucoup, fut l'influence

    ^) Ainsi l'anne 1565.2) Cf. infra, t. I, p. 85.

    3) Ibid., p. 89.

    *) Ibid., p. 91.

    ^) Ibid., p. 92.

  • INTRODUCTION XLIX

    de la banque de Lyon et des rentes constitues sur laVille de Paris ^,

    Mais tout cet or nouveau que nous acqurons parle moyen du commerce international ou par tout autrecanal, quelle est son origine ? Il nous vient des Indes travers l'Espagne, car les habitants de ce dernier paysont perdu l'habitude de travailler et tous les artisansou presque sont des Franais, parce qu'ils gaignentau triple de ce qu'ils font en France : car l'Espagnolriche, hautain & paresseux, vend sa peine bien cher ^ .A l'occasion du commerce avec l'tranger, Bodin nemanque pas de souligner la position privilgie danslaquelle se trouve la France, argument prsent d'ail-leurs l'poque par tous les crivains de tous les pays.

    On peut relever chez Bodin une certaine contradic-tion relative ses ides sur le commerce : il semble

    partisan d'une libert entire, ainsi le droit d'aubaine empesche le cours de la trafique, qui doibt estre franche,libre, pour la richesse & grandeur d'un royaume ^ ,ce qui ne l'empche pas, aprs cette affirmation de

    principes, de rclamer certaines limitations cettelibert qu'il prnait si fort un instant auparavant.

    Il faut se garder de juger Bodin suivant les ides quenous avons actuellement sur la prcision et la propritdes termes et des expressions. Bodin est parfois obscur,son style est contourn, peu clair, sa terminologie n'estpas encore nettement dgage. Ce sont l toutefois desdfauts communs aux crits de cette poque.

    Ils n'ont pas empch la diffusion de son uvrequi alla toujours en croissant : ses nombreuses ditionsen sont la meilleure preuve *. Toutefois, comme le

    1) Ibid., p. 93.

    2) Ibid., p. 94.

    3) Ibid., p. 121.

    *) Nous ne donnons pas la liste dtaille des diffrentes ditions de laResponse, trois seulement prsentant de l'intrt : l'dition originale de1568, la seconde dition de 1578 et la toute rcente dition Hauser (Paris,A. Colin, 1932). Signalons d'autre part que l'uvre de Bodin fut traduite

    LE BRANCHU d

  • L CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    remarque avec beaucoup de justesse M. Harsin ^, l'in-fluence de Bodin ne se fit pas sentir immdiatement. Iln'y a que peu d'auteurs qui partagent entirement sesides

    ;la plupart, ainsi que tous les officiers des Mon-

    naies, adoptent le point de vue de Malestroict. Bien

    plus, on ne trouve aucune trace de ses ides dans la

    lgislation de son temps. Le clbre dit de 1577 quiabolissait l'usage de la monnaie de compte, prpard'ailleurs par l'ordonnance de 1571 qui avait autorisle compte par cu, consacra la thse qui rsultait de la

    publication de son adversaire Malestroict. Les dlib-rations des notables de l'assemble de Saint-Germain-des-Prs sont significatives cet gard. Les rformesde Bodin ne paraissent mme pas avoir t srieuse-ment envisages ^. On trouve, il est vrai, en senscontraire, une affirmation de Bodin lui-mme ^ qui pr-tend qu'aux tats de Blois en 1576 les gnraux desMonnaies approuvrent son systme ; mais cette appro-bation fut toute platonique et il n'en rsulta aucun essaide mise en uvre. Au sicle suivant, alors qu'on avaitpu observer les faits avec plus de prcision, un auteur

    inspir dit-on par Richelieu, de Grammont *, s'il critiqueMalestroict et s'il soutient contre lui que la quantit demonnaie a rellement augment et que les prix ont bienhauss, n'en objecte pas moins Bodin que la valeurtotale des signes montaires en circulation est demeurela mme, bien que l'unit de valeur ait diminu. Ontrouvera d'ailleurs dans l'uvre de Davanzati, quenous publions ici, des ides qui se rapprochent de celles

    exprimes par de Grammont ^.

    en anglais sur l'ordre de l'archevque de Canterbury quelques annes aprssa publication (cf. Prface de la seconde dition, infra, t. I, p. 73).

    ^) Harsin, op. cil., p. 42.*) Ihid., p. 43.

    ) V. infra, t. I, p. 172.

    *) Auteur du livre intitul Le Denier royal, curieux trait de Vor et deVargent publi Paris en 1620.

    ) V. infra, t. II, p. 217.

  • INTRODUCTION LI

    Aujourd'hui, la controverse Malestroict-Bodin quise trouve rsumer tous les conflits de doctrines del'poque, est dfinitivement tranche en faveur del'auteur de la Besponse. L'essai de rhabilitation des

    Paradoxes, rhabilitation dont nous sommes partisan,ne nuit aucunement la valeur plus grande encore de la

    Besponse. Bodin, comme Malestroict, est partisan d'unemonnaie saine et stable, il se dclare en faveur, commeCopernic, d'un rgime bimtalliste et d'un rapport stableentre l'or et l'argent sur la base 1-12 et il proclame bienhaut que l'on doit se garder d'affaiblir la monnaie. Cettehausse des prix, qui, pour Malestroict, n'existait pas,n'est pas forcment un mal aux yeux de Bodin, carl'abondance d'or et d'argent qui est la richesse d'un

    pays, doibt en partie excuser la charte . Cette phrasesemble impliquer l'adhsion de Bodin la thse chry-sohdonique.

    Le grand mrite de notre auteur est d'avoir, le pre-mier, justement attribu la hausse des prix l'affluxd'or et d'argent en provenance d'Amrique. Cette sup-riorit qu'il a eue sur Malestroict, il la doit ses obser-vations minutieuses des phnomnes conomiques, son art de classer et d'interprter ces osbservations, enun mot, sa mthode.

    VI

    En conomie politique, de mme que pour touteautre science, il y a parfois des rputations usurpes ;ce n'est pas que nous prtendions diminuer le mritede Sir Thomas Gresham : nous considrons au contrairecelui-ci comme un grand financier, comme un banquieret un marchand minent, comme un homme qui a, l'undes premiers, compris les problmes du change inter-national et approfondi leurs difficults. Mais o l'on a

  • LU CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    manifestement exagr, c'est quand on a accept lejugement de MacLeod et quand on a voulu voir enSir Thomas le premier avoir nonc la fameuse loi :la mauvaise monnaie chasse la bonne de la circulation.

    Thomas Gresham naquit vers 1519 ; c'tait le secondfils de Sir Richard Gresham, Baronet. Marchand impor-tant de Londres, il eut vite s'occuper du problme duchange des monnaies et il acquit ainsi rapidement uneparfaite connaissance du commerce de la banque.En 1551, comme il le dit lui-mme dans son Avis SaTrs Excellente Majest la Heine, que nous reproduisonsici, Le Roi (Edouard VI) le chargea d'tre son agent Anvers, dans le double but de payer les dettes du Roiet de faire monter le change, alors 15 ou 16 shillingsflamands pour une livre sterling.

    Il faut mentionner ici que Thomas Gresham taitl'ami et le confident de John Dudley et que c'est grce ce personnage qu'il se vit confier un poste aussi impor-tant. John Dudley, fils d'Edmund Dudley, conseillerpriv de Henri VIII, eut une carrire excessivement

    rapide et glorieuse : en 1538, il est dput-gouverneur deCalais et fait vicomte Lisle en 1542. Excuteur testa-mentaire de Henri VIII en 1547, il atteignit l'apoge desa faveur en 1551 et 1552, poque laquelle il fut crduc de Northumberland et Lord Chancelier. L'annesuivante, il tomba en disgrce et fut dcapit la Tourde Londres le 22 aot 1553.

    Les dettes considrables que la couronne anglaiseavait contractes dans les Flandres et au paiement des-quelles devait s'efforcer Gresham n'taient pas tant lefait du Roi Edouard VI, monarque enfant et tenu entutelle, que celui de Henri VIII et aprs lui du Protecteur,duc de Somerset. Ils avaient contract dans les Flandres,et galement auprs des Fugger, des dettes considrablespour l'poque, dont les arrrages s'levaient quelquesquarante mille livres par an. Toute la politique de

  • INTRODUCTION LUI

    Gresham consista augmenter la masse d'or et d'argenten circulation en Angleterre, tout en payant les dettes

    royales ; ce n'tait l d'ailleurs que la politique tradi-tionnelle de Wolsey ^. Mais les efforts de Gresham semontrrent autrement fructueux que ceux du Cardinal :ds le dbut de 1552, il remboursa 63.500 livres auxFugger, et, peu aprs, encore 14.000 livres. En aot 1552,il demande au gouvernement anglais 1 .200 ou 1 .300 livrespar semaine, avec lesquelles il se procurerait 200 ou300 livres chaque jour par le change ; il se faisait fortainsi de rembourser en deux ans les dettes du Roi

    ;sui-

    vant certaines estimations, celles-ci se montaient alors 108.000 livres sterling 2. Le plan fut adopt par leConseil du Roi, mais les paiements ne durrent quequelques semaines et ainsi tous les projets de Greshamne purent tre excuts.

    A l'avnement de Marie Tudor, Gresham tomba endisgrce ; il perdait d'autre part son protecteur, le ducde Northumberland, et le remplaant de celui-ci, Gardi-ner, vque de Winchester, tait l'ennemi personnelde Gresham. Ce dernier fait d'ailleurs allusion dans son Avis la Reine l'hostilit de Gardiner. L'officede Gresham ne fut pas supprim, mais on mit sa placel'Alderman William Dauntrey.

    Cependant Gresham multiplia les dmarches pourqu'on lui rendit son poste d'agent dans les Flandres ;il trouva de nouveaux protecteurs et arriva ses fins ;il reprit ses fonctions le 13 aot 1553. Comme l'expor-tation d'or et d'argent tait interdite dans les Pays-Bas avec autant de rigueur qu'elle l'tait la mmepoque en Angleterre, Gresham imagina de nombreuxmoyens de contourner cette dfense : il allait jusqu'acheter et corrompre les fonctionnaires des douanes.

    ^) Cf. Shaw, Histoire de la Monnaie, p. 89 et s.*) Burgon, Life and Times of Sir Thomas Gresham, t. I, p. 88-94.

  • LIV CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    On sait d'ailleurs que ces interdictions lgales qui exis-taient alors dans tous les pays ou presque ne furent

    jamais respects ^.Gomme il le met en vedette dans son Avis la Reine

    les efforts de Gresham firent notablement monter lechange et rtablirent, pour un temps, l'quilibre finan-cier de l'Angleterre. Nous disons pour un temps ,car ces mmes difficults se reprsentrent de nom-breuses reprises. Signalons notamment en 1575 une

    ptition de la Gour des Monnaies demandant l'tablis-sement du compte en monnaie relle et la suppressionde la monnaie de compte ^, En 1595, vingt ans plustard le sujet tout entier fut examin de nouveau, pourla cinquantime fois, et soumis l'avis du Gonseil Priv

    anglais ; il fut montr comment les changeurs tran-gers russissaient, en arrangeant une hausse ou unebaisse de telle monnaie spciale, valuer trop bas lesmonnaies anglaises et les tirer du Royaume . Desactes du Parlement ont vainement essay de l'empcher,tout comme la mission de Sir Thomas Gresham auxPays-Bas pour porter plainte et la cration de l'officede Vexchanger qui a t discontinu comme dangereux l'tat. Une banque fut propose, mais la Reine n'ayantpas les 100.000 livres ncessaires pour l'tablir, il est

    propos actuellement de fixer le change 10 ou 12 %,le taux devant tre annuel, suivant l'tat des affaires,alors qu'on paie aujourd'hui jusqu' 20 % ^ .

    Le rle de Sir Thomas Gresham fut, comme on levoit, loin d'tre ngligeable et, s'il fut incapable de rem-bourser les dettes anglaises et de redresser, de faondfinitive, le cours du change britannique, la faute enest au gouvernement qui ne lui donna pas les moyens

    1) V. une apprciation sur cette question dans le Compendieux ou brefexamen... infra, t. II, p. 120-121, 138.

    2) V. le texte de cette ptition dans Shaw, op. cil., p. 65-66.*) Shaw, op. cit., p. 54-55.

  • INTRODUCTION LV

    d'y parvenir et non lui-mme. Il est permis de croire

    que, si on lui avait donn le pouvoir d'agir comme ill'entendait, Gresham aurait men bien sa dlicatemission.

    Dans l'histoire des doctrines conomiques toutefois,ce n'est pas tant par ses qualits de banquier et definancier qu'est connu Gresham : c'est surtout commecrateur de la loi qui porte son nom qu'on se souvient

    aujourd'hui de lui.Dans le Didionary of Poliiical Economy ^, MacLeod,

    parlant des effets de la circulation simultane de deuxmonnaies, l'une bonne et l'autre mauvaise en valeurintrinsque, constate que la bonne monnaie disparatde la circulation et que celle-ci ne comprend plus, lalongue, que de la mauvaise monnaie. Il ajoute que lepremier Gresham observa et analysa ce phnomne etqu'ainsi il est juste de donner cette loi conomique lenom de cet minent marchand .

    Il est curieux de voir que presque tous les conomistesont suivi MacLeod dans cette voie, faisant preuve encela d'un manque complet d'rudition. On peut en effettrouver ce fait rapport dans Aristophane : sous l'ar-chonte Antignes, en 407 A. G. (anne de la reprsen-tation des Grenouilles), on remplaa la bonne monnaied'argent par une monnaie d'or o la proportion ducuivre tait trs forte. Voici comment s'exprime Aris-tophane : Nous avons remarqu que, dans cette ville,on en use l'gard des honntes gens comme l'gardde l'ancienne monnaie. Celle-ci tait sans alliage, lameilleure de toutes, la seule qui ait cours chez les Grecset chez les Barbares

    ; mais, au lieu d'en user, nous pr-frons les mchantes pices de cuivre nouvellementfrappes et de mauvais aloi. Il en est de mme descitoyens : ceux que nous savons tre bien ns, modestes,

    1) p. 464, 123.

  • LVI CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    probes, habiles aux exercices de la palestre, la danse, la musique, nous les outrageons ; tandis que noustrouvons bons tout des infmes, des trangers, des

    esclaves, des vauriens de mauvaise famille, des nou-veaux venus dont autrefois la ville n'et mme pasvoulu pour victimes expiatoires ^.

    Sans doute, n'est-ce pas l l'expression bien scien-

    tifique de la loi dite de Gresham. Mais il importe de se

    rappeler les circonstances et de se souvenir du butmme de l'auteur : Aristophane n'tait pas un cono-miste, ce n'tait qu'un crivain ayant pour but, danscette uvre, de faire la critique des institutions ath-niennes.

    Et mme si l'on ne veut pas attribuer la paternitde cette dcouverte Aristophane, bien avant Gresham,en 1515-1525, Copernic avait dj formul cette loi etPavait formul aprs de profondes observations et d'unemanire toute scientifique ^. Rappelons enfin qu'on latrouve galement dans les manuscrits du Compendieuxet bref examen ^...

    Il importe donc de reviser, comme l'ont fait d'ail-leurs de nombreux auteurs modernes, le jugement htifet compltement dpourvu d'objectivit de MacLeod.Le rle de Sir Thomas Gresham, observateur trs avisdes phnomnes du change, l'un des premiers peut-tre avoir pntr le secret des changes internationaux,crateur de la Bourse de Londres, est assez glorieuxpour qu'on ne songe pas lui attribuer la paternitd'une loi qui, s'il l'a conue, avait dj t observe etformule bien avant lui

    ^) Les Grenouilles, traduction d'Artaut, v, 718 et s.2) V. infra, t. I, p. 12.

    8) V. infra, t. II, p. 156.

  • INTRODUCTION LVII

    VII

    L'ouvrage que nous prsentons sous le titre de Compendieux ou bref examen de quelques plaintescoutumires divers de nos compatriotes des tempsprsents : lesquelles, bien qu'en partie injuste et sansfondement, se trouvent cependant ici, sous forme de

    dialogues, compltement dbattues et discutes estcertainement l'un des textes conomiques les plus int-ressants du xvje sicle

    ;c'est aussi l'un de ceux qui ont

    subi le plus grand nombre de vicissitudes, non pas aupoint de vue de son succs, car celui-ci n'a fait ques*afirmer depuis la premire publication de l'ouvrage,mais en ce qui concerne la personnalit de l'auteur etle texte lui-mme de l'uvre, controverses qu'il fautse garder de croire termines de nos jours. Publi pourla premire fois en 1581 sous le titre que nous traduisonsavec comme seule indication d'auteur les initiales W. S.,l'ouvrage fut frquemment rimprim depuis lors ^ etces rimpressions reproduisaient le texte de l'dition

    originale de 1581.

    Mais, et ce fut le grand mrite de Miss Lamond de leconstater, le Compendieux ou bref examen... de 1581n'tait que la reproduction de textes antrieurs quelquepeu modifis, de manuscrits beaucoup plus anciens queW. S., quelle que soit son identit, n'avait fait qu'adap-ter aux circonstances nouvelles, que mettre au gotdu jour.

    De ces manuscrits, deux taient connus l'poque oMiss Elizabeth Lamond commena ses recherches qu'unemort prmature l'empcha d'achever. Son uvre futreprise et mene bien par le Prof. Gunningham. Elleaboutissait la publication de 1893 sous le titre de

    ^) V. la notice en tte de la traduction. T. II, p. 17-18.

  • LVm CRITS NOTABLES SUR LA MONNAIE

    The Gommon Weal of this Realm of England de lameilleure dition de l'uvre qui nous occupe. Le texteest celui d'un des manuscrits de l'ouvrage, le Lam-barde MS

    ;en note sont portes les variantes du second

    manuscrit (Bodleian MS) et de l'dition de 1581. Onne rendra jamais assez justice Miss Lamond et auProf. Gunningliam pour leurs patientes