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Réinventer les lumières de la métropole > Sous l’égide de l’Unesco, 2015 a été proclamée « Année internationale de la Lumière » par l’ONU. Elle fête, en ce sens, le 200e anniversaire de la présentation du mémoire d’Augustin Fresnel à l’Académie des Sciences qui posait les bases de sa théorie ondulatoire de la lumière. D’un point de vue scientifique, celle-ci se situe à la croisée de nombreuses technologies : photonique, optique, numérique, métrologie, électronique… Elle intéresse au premier plan les chercheurs, elle est la source d’innovations majeures, elle se redéfinit et se re-pense aujourd’hui de telle manière qu’on lui découvre des potentiels insoupçonnés. Ces potentiels nous impactent d’ores et déjà, ils posent des questions et fournissent des réponses à la métropole. Comment valoriser le patrimoine urbain et assurer la sécurité en réduisant les consommations d’énergie ? Quels choix économiques prévalent à l’éclairage de la ville ? Quelles valeurs sociétales encadrent ces choix ? Les lumières de la ville sont-elles gouvernables ? Surtout, parce qu’elle est un formidable objet de transversalités, la lumière nous renseigne aussi sur notre besoin de convergences et de partage des savoirs. n « Nous sommes au seuil d’une nouvelle époque » Bertrand Vanden Abeel Mardi 27 octobre 2015 IMAGINER UNE MéTROPOLE FLUIDE brigitte.deyris-lumbroso @ edf.fr Paris, le 3 juin 2015 2 La lumière électrique, si longtemps attendue Alain Beltran 3 La lumière, esprit des sciences Thierry Gaudin 4 La lumière e(s)t la métropole 5 L’éclairage urbain, au défi de l’efficacité énergétique 6 La lumière en veille sur la smartcity 7 À la recherche de la lumière naturelle 8 La Défense : un grand paysage métropolitain et sa conquête d’une urbanité vivante 9 Pour une organisation systémique de l’éclairage public 10&11 Pluridisciplinarité, échanges, convergences : la lumière au croisement des savoirs 12 La lumière à venir : tendances, ruptures, attentes… Christophe Marty Les axes de recherche EDF Sandrine Leclercq SYNTHèSE DES DéBATS PROCHAIN éVéNEMENT

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Réinventer les lumières de la métropole

> Sous l’ég ide de l’Unesco, 2015 a été proclamée « Année

internationale de la Lumière » par l’ONU. Elle fête, en ce sens, le 200e anniversaire de la présentation du mémoire d’Augustin Fresnel à l’Académie des Sciences qui posa it les bases de sa t héor ie ondulatoire de la lumière. D’un point de vue scientifique, celle-ci se situe à la croisée de nombreuses t e c h n o l o g i e s   : p h o t o n i q u e , optique, numérique, métrologie, électronique… Elle intéresse au prem ier pla n les chercheu rs, elle est la source d’innovations majeures, elle se redéfinit et se re-pense aujou rd’hu i de tel le ma n ière qu’on lu i découv re des potent iels insoupçonnés. Ces potentiels nous impactent d’ores et déjà, ils posent des questions et fournissent des réponses à la mét ropole. Comment valoriser le patrimoine urbain et assurer la sécurité en réduisant les consommations

d’éner g ie  ? Q uel s c hoi x é c onom ique s prévalent à l’éclairage de la ville ? Quelles valeurs sociétales encadrent ces choix ? Les lumières de la ville sont-elles gouvernables ? Surtout, parce qu’elle est un formidable objet de transversalités, la lumière nous renseigne aussi sur notre besoin de convergences et de partage des savoirs. n

« Nous sommes au seuil d’une nouvelle époque »

Bertrand Vanden Abeel

Mardi 27 octobre 2015

ImagIner une métropole fluIde

[email protected]

paris, le 3 juin 2015 2 La lumière électrique, si longtemps attendue Alain Beltran

3 La lumière, esprit des sciences Thierry Gaudin

4 La lumière e(s)t la métropole

5 L’éclairage urbain, au défi de l’efficacité énergétique

6 La lumière en veille sur la smartcity

7 À la recherche de la lumière naturelle

8 La Défense : un grand paysage métropolitain et sa conquête d’une urbanité vivante

9 Pour une organisation systémique de l’éclairage public

10&11 Pluridisciplinarité, échanges, convergences : la lumière au croisement des savoirs

12 La lumière à venir : tendances, ruptures, attentes… Christophe Marty

Les axes de recherche EDF Sandrine Leclercq

SynthèSe DeS DébatS

prochain événement

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> Va ste sujet que celu i de la lumière. L’une des manières

d’en parler, me semble-t-il, est de la confronter aux attentes de la société. En ce sens, on peut qualifier la lumière électrique de lumière ultime, tant elle a su répondre de manière quasi parfaite aux besoins sociétaux.

HuIle, gaz, pétrole, et lampe à arc

Avant l’électricité, on s’éclaire à la lanterne, peu pratique, qui fonctionne à l’huile ou à la bougie ; on s’éclaire à la lampe à pétrole, bon marché, et dont une marque a même pris pour nom Électricine ; on s’éclaire surtout au gaz de ville, qui fut le grand concurrent de l’électricité au 19e siècle. Si l’on a pu parler de Ville Lumière sous le Second Empire, c’est grâce aux réverbères à gaz qui illuminaient Paris.

Les débuts de l’électricité sont à mettre au crédit de la lampe à arc, dont le principe est de faire passer un courant entre deux charbons. Dès 1844, la place de la Concorde est éclairée de cette manière. L’un de ses premiers effets est d’augmenter la productivité, puisque, dorénavant, on peut travailler de nuit comme de jour. Une grande partie des travaux d’Haussmann est d’ailleurs réalisée ainsi. De même, après la Commune, l’Hôtel de Ville est reconstruit en partie de nuit. Cependant, la lampe à arc possède deux inconvénients majeurs : elle est particulièrement aveuglante et, surtout, les charbons

se consumant, l’écart entre chacun d’eux s’agrandit jusqu’à ce que l’arc électrique disparaisse et que la lumière s’éteigne.

l’éclaIrage fera mIeux que deux polIcIers

Avec l’appa r it ion de la la mpe à incandescence, on gagne subitement en simplicité. Le progrès est immense et cette lampe en est à ce point le symbole que le principal journal scientifique en cette fin de 19e siècle a pour nom La lumière électrique. Toutefois la concurrence reste vive, et l’électricité est plus onéreuse que le gaz ou la lampe à pétrole. Pour convaincre le consommateur, voici ce qu’on peut lire comme “propagande“ (le mot de l’époque pour publicité) : « Si nous mettons en regard de ce supplément de dépense, la valeur d’une lumière fixe, la pureté de l’air, la suppression de la chaleur, des allumettes, de la bougie, de l’huile, le bien-être des gens, la conservation des peintures, des motifs de décoration et des livres, la propreté, la gaieté, la santé, la prolongation de l’existence, il n’y a pas à chercher de quel côté doit pencher la balance. » La propagande n’a pas tort : on installe l’électricité à l’Opéra de Paris afin de sauver ses peintures murales que l’utilisation du gaz détériore. Ce monument devient dès lors l’emblème de la victoire de l’électricité et sa vitrine.

Alors que l’éclairage électrique s’i nsta l le à l’Opéra Ga r n ier, u n

i n c e n d i e d û a u g a z r a v a g e l e Ringtheater, en Autriche, faisant 850 victimes. L’Opéra Comique sera lui aussi en partie détruit suite à une défection de l’éclairage au gaz. Pour des raisons de sécurité, les l ieux publics passent donc peu à peu à l’électricité. Idem dans les rues où la lumière électrique atteint la périphérie parisienne sous la formule suivante : l’écla i rage fera m ieu x que deu x policiers.

une vItrIne éclaIrée attIre le cHaland

Triomphante, l’électricité se célèbre à travers les expositions universelles de 1889 et 1900. Lors de cette dernière, la Palais de l’électricité est en fait

un Palais de la Lumière. Avec ses fontaines lumineuses, il connait un immense succès. L’électricité est devenue le symbole du progrès, de la science et, même, du bonheur. Un peu brute, trop pâle, puis trop puissant, l’éclairage électrique se civilise au fil du temps. Dans l’entre-deux guerres, il est même un temps associé au luxe, puis se démocratise à la faveur de la baisse des prix. Les pouvoirs publics

encouragent citoyens et commerçants à l’utiliser. Dans les années 1930, en particulier, de grandes campagnes publicitaires promeuvent la lumière comme moyen de vendre plus : une vitrine bien éclairée attire le chaland. L’ex posit ion universel le de 1937 réaffirme l’importance de la lumière à la fois par des démonst rat ions scientifiques et par l’intermédiaire du Pavillon de l’électricité et de la lumière qui conjugue cinéma et éléments futuristes.

On remarquera toutefois que les premières images qui nous viennent à l’esprit lorsque l’on pense à la ville éclairée sont celles de Times Square, à New York, ou de Picadilly Circus, à Londres. Paris a toujours refusé d’être envahi par des éclairages au

néon, souvent critiqués pour leur aspect agressif, voire vulgaire. Ici, ils ont été plutôt placés en bordure du périphérique.

Car, au fond, toute technologie évolue et se développe selon les us et coutumes d’une société et surtout selon ses attentes. Si elle ne le fait pas, elle aura beau être la meilleure technologie du monde, elle risque fort de disparaître. n > On ne peut évoquer la lumière

sans immédiatement penser à son double sens : la lumière physique, d’une part, et les lumières de l’esprit de l’autre. L’un des tous premiers grands esprits qui nous intéresse ici est le pharaon Akhenaton (1364-1337 av. JC). Au sein d’un système religieux complexe d i r igé pa r les prêt res égyptiens, Akhenaton, en visionnaire, avait introduit le monothéisme avec le Soleil comme dieu unique. Il s’agit d’une transformation considérable. Sur certains bas-reliefs, on peut effectivement voir les rayons du soleil se terminer par une main tenant la clef du Nil pour donner la vie aux plantes, aux animaux, aux humains et au pharaon lui-même. En quelque sorte, Akhenaton fut un prophète de la lumière et de l’énergie solaire.

le planté de bâton d’eratostHène

Restons en Egypte, mais faisons un saut de mille ans. Au 3e siècle avant Jésus-Christ, la grande bibliothèque d’Alexandrie était dirigée par un certain Eratosthène. Au cours de

sa vie, Eratosthène a notamment élaboré un catalogue de 600 étoiles et 44 constellations. Mais il est surtout resté dans l’histoire des sciences pour avoir réalisé une performance extraordinaire : évaluer la dimension de la terre, grâce à la lumière. Et il a su le faire au moyen de deux « outils » : un chameau et un bâton. Observant du côté d’Assouan lors du solstice d’été la lumière tombant dans un puits, il a constaté qu’aucune ombre ne se formait. Il en a donc déduit qu’ici et à ce moment précis, la lumière du soleil parvenait de façon totalement verticale. Il a alors demandé à un assista nt de pla nter u n bâton à Alexandrie, quelque 600 km plus au nord, et d’observer l’ombre du bâton le 21 juin à 12h00.

Connaissant l’angle formé par le bâton et le sommet de son ombre (7,2°) et supposant les rayons du soleil parallèles, il a imaginé l’hypothèse suivante : multiplier la distance entre Assouan et Alexandrie par le nombre de fois que l’on trouve cet angle dans un tour complet de la terre ( environ 70 fois) afin d’établir la circonférence du globe terrestre. Le chameau étant réputé pour son pas très régulier, le nombre de ses pas lui a donné une distance de 600 km entre les deux villes. Ainsi, Erathostène en est venu à évaluer la dimension du globe à 2% près.

la lumIère, au centre des scIences

De grands esprits se rencontrent : au siècle des Lumières, notamment ces deux personnages que furent Diderot et d’Alembert, directeurs de ce cette œuvre immense, L’Encyclopédie. Il est important de noter que cette époque charnière de notre histoire où les lumières de l’esprit prévalaient sur

l’obscurité des superstitions ne fut pas seulement française. On la retrouve en E c os se, da n s le mou vement «  Sc ot t i sh E n l ig hten ment  », en Allemagne (« Aufklärung ») ou en Italie (« Illuminismo »)…

P u i s, au début du 19 e s iè c le, Aug ust in Fresnel et James Clerk Maxwell, reprenant les intuitions de Huygens et de Liebnitz, introduisent l’idée que la lumière est une onde dont les comportements ouv rent un nouveau chapitre des lois de la

physique. Avec le 20e siècle, el le dev ient même un élément tout à fait cent ral des sciences et de la technique. Depuis 1983, le mètre est défini par la vitesse parcourue par la lumière dans le vide en une fraction de seconde. Avec de la lumière, on mesure : températures, pollution de l’air, vitesse ; spectrocopie, réfraction, p ol a r i mé t r ie… L e s t e c h n ique s développées en radiographie, au delà de l’imagerie médicale bien connue, permettent aussi de détecter les défauts d’un métal. La lumière sert à l’usinage dans la grav ure, la découpe. Les hologrammes reproduisent le relief. On peut aussi évoquer la transmission par f ibre optique ou les avancées m ajeu re s qu’a c on nue l a s a nté grâce à la lumière, qu’il s’agisse de chirurgie laser mais aussi de certaines techniques en ophtalmologie, sans pa rler de la lu m inot hérapie qu i connaît un véritable engouement. Pour toutes ces raisons, historiques

et techniques, on peut dire que notre système d’enseignement ne donne pas à la lumière la place qui lui revient.

trIompHe de la conceptIon ondulatoIre

Terminons ce rapide tour d’horizon en citant le rôle majeur que tiennent les sc ient i f iques f r a nç a i s da n s l’approche scientifique de la lumière. Le laboratoire Kastler (du nom de l’inventeur du laser à qui l’on a souvent

reproché de ne pas en avoir déposé le brevet) de l’École normale supérieure de Paris en possède en son sein deux éminents représentants : Claude Cohen-Tannoudji, prix Nobel de physique en 1997, et Serge Haroche, prix Nobel de physique en 2012. Alain Aspect est aussi un candidat sérieux au Nobel pour cette expérience qui lui a valu de dépasser les bases de la relativité d’Einstein : soient deux photons corrélés passant par deux trajets différents – lorsque l’un affiche sa polarité, l’autre le fait aussi, instantanément, dans une transmission d’information plus rapide que la lumière.

Nous sommes ainsi parvenus au triomphe de la conception ondulatoire de la lu m ière su r les tena nts de la conception corpusculaire, tels Descartes, Newton et Einstein. Les expériences du CERN et du laboratoire Kast ler montrent même que non seulement la lumière est ondulatoire, mais la matière l’est aussi. n

La lumière électrique, si longtemps attendue

La lumière, esprit des sciences

alaIn beltran

Directeur de recherche au cnrS pour l’unité mixte irice (identités, relations internationales et civilisations de l’europe). président du comité de l’histoire de l’électricité et de l’énergie.

tHIerry gaudIn

expert international en politique d’innovation et en propective. président de l’association prospective 2100. « Au 20e siècle, la lumière

devient un élément central des sciences et des techniques »

paSSé / futurS ..2

À l’Institut Rayonnement-Matière de Saclay.

Palais de l’électricité, lors de l’exposition

universelle de 1900.

« L’électricité : symbole du progrès, de la science, et même du bonheur »

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> Jusqu’à la fin des années 1920, les rues de Paris étaient éclairées à

la fois grâce au gaz et à l’électricité. On imagine sans mal les contraintes que cela pouvait supposer tant en matière de superposition des technologies que de cumul de gestions différentes. Cette problématique ne cesse de se reposer aujourd’hui, ne serait-ce que pour des raisons de réglementation européenne. Ainsi, l’histoire ne cesse de nous renseigner sur les enjeux actuels.

l’adHésIon à la métropole

Si l’on en revient aux grands travaux haussmanniens, on se rend compte qu’ils se sont déroulés durant près de 70 a n s, de L ou i s-Ph i l ippe à l’entre-deux guerres. Et cet effort de transformation gigantesque de la capitale a été rendu visible dès le 19e siècle par l’entremise de l’éclairage à arc. Les Parisiens se déplaçaient pour voir les chantiers, assistant et adhérant du même coup à la naissance de leur métropole. En termes d’intensité, le référent de la lumière ne fut donc pas tant, et pendant longtemps, l’éclairage public, celui de la ruelle au fin fond d’un faubourg, que celui du chantier, de cette énergie de la transformation, de cet effort tellurique qui exerçait une réelle fascination.

Fascination que l’on retrouve dans d’autres endroits comme les égouts, l’éclairage étant la condition sine qua non pour y pénétrer. On peut d’ailleurs se rendre compte que, très rapidement, la métropole n’est pas simplement identifiée à des lieux, des espaces publics ou des services, mais aussi à ses réseaux. Les Parisiens ont la culture du réseau. D’une part, sans doute à cause du fait mentionné en ouverture - cette compilation d’acteurs et les regroupements successifs qui se sont opérés dans le gaz, l’électricité ou le métro -, d’autre part pour cette fierté à pouvoir défier l’obscurité du sous-sol.

la nuIt, émergence d’une conscIence métropolItaIne

L’ef fort métropolitain s’est aussi exprimé à travers la réversibilité de l’architecture, les bâtiments émettant la lumière qui vient éclairer la ville, parfois à l’aide de néons, de publicités lumineuses à partir des années 1930. Pour autant, cette forme de publicité est mal acceptée. On peut même parler de schisme intellectuel majeur dû à la position des Modernes contre la lumière nocturne. L’architecture de néon est alors un peu immorale. Les cinémas Cinéac s’en étaient saisis en proposant de grandes façades aux néons qui se poursuivaient jusque dans la salle. De la même manière, le bâtiment Mallet-Stevens construit pour l’exposition universelle de 1937

était tout entier basé sur des actions scandaleuses en matière d’éclairages, mélangeant le dedans et le dehors, pervertissant les usages pour proposer une autre modernité. Faire bouger les limites de l’acceptable, offrir des espaces proches de l’hallucination, cela s’est donc passé la nuit.

Les années 1930 nous ont aussi livré un lieu unique, l’Office Central Électrique, sponsorisé par tous les grands acteurs de l’électricité, afin de sensibiliser les Parisiens aux usages de l’électroménager. On a alors eu recours à des designers et des architectes géniaux pour en faire, probablement, le lieu le plus moderne de tout Paris. Et cela nous interroge jusqu’à aujourd’hui quant aux aspects technologiques de la lumière. Nous emmènent-ils aussi loin ? Saurions-nous créer un espace d’expérimentation aussi formidable qu’à une époque où les enjeux techniques étaient pourtant plus limités ? Saurions-nous mettre en partage et mettre en jeu ces défis ? L’esprit de sérieux qui prévalait ches les Modernes semble avoir aussi conquis l’approche qui est faite du Grand Paris, un esprit qui empêche toute ambition intellectuelle, morale et artistique. L’exposition « Paris, la nuit », en 2013, au Pavillon de l’Arsenal, nous avait révélé l’importance de la nuit pour faire émerger la conscience métropolitaine. Car ce qui s’y joue de plus fort est sans doute l’incubation des valeurs de la Révolution française : valeurs de liberté, d’initiative, de recherche, de confrontation du scientifique et du profane, du populaire, voire du mercantile. Jusqu’à la 2nde Guerre mondiale, ce mélange des genres fut spécifique à la nuit. Et à ses lumières. n

Marc armengaud

> Élect r ique, essent iel lement électrique, la lumière ne peut

se soustraire au défi de la transition énergétique. Chef de projet Schéma Rég iona l du C l i mat, de l’A i r et de l’Énergie (SRCAE), Véronique Charbeaux rappelle que l’Île-de-France, au même titre que les autres régions, est mobilisée pour réduire ses consom mat ions d’écla i rage u rba i n. «  C’est l’u ne des dou z e mesures prioritaires du SRCAE, et chaque agglomération, commune ou intercommunalité de plus de 50 000 habitants doit établir un Plan Climat-Énergie Territorial (PCET) en compatibilité avec le SRCAE. » Dans ce PCET, des économies d’éclairage public doivent être prises en compte.

un trou noIr de 32 Ha ?

Ce devoir impose un défi aux villes, presque un paradoxe  : conci l ier attractivité et économies d’énergie, sécuriser la vie nocturne et embellir le patrimoine tout en réduisant la pu issa nce lu m ineuse qu i en est dépositaire. À certains endroits, ce paradoxe devient inextricable. « En 2013, raconte Marc Armengaud, est passé un décret limitant la possibilité pour les enseignes commerciales et les immeubles tertiaires d’émettre

des signaux lumineux à partir de dix heures ou minuit selon les cas. Pour La Défense, la question s’est posée d’enfreindre ce décret pour c ont i nuer à e x i s t er c om me u n personnage métropolitain majeur. Car si vous éteignez la plus grande place d’Europe, vous faites quoi ? » « Un trou noir de 32 ha, répond François Bourvic. Le complément d’éclairage par les tours est particulièrement siginificatif pour nous. » La question se pose autrement mais revient au même pour le boulevard circulaire du quartier d’affaires. Considéré en partie comme autoroute urbaine, il doit, comme toutes les autoroutes franciliennes, être éteint la nuit. De fait, il l’est sur 70% de son linéaire, en des endroits parfois traversés par des passages piétons, posant de sérieux problèmes de sécurité et d’inconfort pour les usagers et les habitants du site.

grâce aux gènes du calamar

Glowee peut être une alternative à cette problématique rencontrée par Defacto, car selon Sandra Rey : « La bioluminescence est parfaite pour assurer une présence lumineuse qui sert à la fois d’éclairage d’ambiance, d’éclairage de repérage et d’éclairage

de v isibilité.  » En apprenant que certains organismes v ivants tels que les lucioles, les méduses ou les ca la ma rs sont en mesu re de produire eux-mêmes de la lumière grâce à certains gênes, les créateurs de Glowee ont en effet entrepris de développer une technologie à partir de cette capacité unique, appelée bioluminescence. « On ingénierie une solution dans laquelle des bactéries issues du calamar peuvent vivre et se reproduire. Puis nous intégrons cette solution dans une coque en résine biodégradable et personnalisable », explique Sandra Rey. Transparent le jour, l’objet bioluminescent s’éclaire à la faveur de la nuit, produisant une lumière douce et f roide qui c onv ient pa r t ic u l ièrement au x vitrines commerçantes ou au mobilier urbain, tout en réduisant la pollution lumineuse. Issu du vivant, son impact est faible en termes d’empreinte écologique. Non électrique, il réduit de fait la consommation énergétique.

l’InnovatIon à led des vIllles

En France métropolitaine, l’éclairage représente une consommation totale de 40 TW/h par an, soit 10% de la consommation totale d’électricté.

« Ce n’est pas énorme, mais ce n’est pas non plus anecdotique », précise Sandrine Leclercq (voir aussi page 12). Agir sur l’efficacité énergétique reste donc primordial. En terme d’innovation, ce sont principalement les diodes électroluminescentes (LED, de l’anglais Light-Emitting Diode) qui sont au cœur des projets urbains. Le marché est dorénavant mature, comme l’explique Christophe Marty (voir page 12), et plus rien ne semble arrêter le déploiement de cette technologie. Même si, souligne Bertrand Vanden Abeele, « la France connaît quelques retards en comparaison de certains pays scandinaves. À Copenhague, où intervient Citelum, ce ne sont pas 3 ou 4 000 points lumineux que nous remplaçons mais entre 20 et 40 000 afin de reconfigurer entièrement l’éclairage urbain sous LED. » De faible dépense énergétique, ces diodes possèdent aussi l’avantage d’être malléables et précises dans leur utilisation. « Ainsi, la mise en valeur du patrimoine ne consiste plus à éclairer plus, mais à éclairer mieux, à mieux diriger la lumière », explique Sandrine Leclercq. S’ensuit l’opportunité de réduire efficacement la pollution lumineuse.

cercle vertueux de l’InvestIssement

La nécessaire efficacité énergétique à laquelle doivent se consacrer les collect iv ité locales n’est pas non plus sans lien avec une nécessaire efficacité économique. « Mettre la ville et son patrimoine en lumière, déployer de nouvelles technologies, répondre au besoin d’attractivité des villes, gagner en qualité d’éclairement, t o u t c e c i c o û t e d e l ’a r g e n t , résume Ber t rand Vanden Abeel. Aujourd’hui, la dépense moyenne

la lumière e(s)t la métropole

l’éclairage urbain, au défi de l’efficacité énergétique

marc armengaudphilosophe et urbaniste. associé et fondateur d’aWp.

« Ce qui s’est joué de plus fort au sein de la nuit, c’est l’incubation des valeurs de la révolution française : valeurs de liberté, d’initiative, de recherche, de confrontation du scientifique et du profane. »

bertrand vanden abeeleDirecteur commercial pour la france de citelum

« L’efficacité énergétique et l’efficacité environnementale sont au cœur de notre modèle économique pour ce qui concerne la lumière urbaine. »

florent longaDirecteur général de la société echy

« Notre ambition et notre vision sont de reconnecter l’humain au soleil quelque soient le bâtiment et l’emplacement dans le bâtiment. »

arIane scHumacHer chef du groupe r&D thermique habitat chez Saint-Gobain

« La lumière est une source d’énergie et d’innovation, mais surtout une source d’inspiration importante dans la conception des bâtiments. »

sandra rey cofondatrice de la société Glowee

« En utilisant la bioluminescence en complément à la lumière électrique, on aura un véritable impact sur l’efficacité énergétique de l’éclairage public. »

françoIs bourvIcDirecteur des espaces publics et des infrastructures chez Defacto

« Pour La Défense, la lumière est à la fois un défi technologique et un défi de confort d’usage pour nos usagers quand on sait à quel point ce quartier n’est pas aimé la nuit. »

SynthèSe DeS DébatS ..4 Présentation de Glowee.

Illuminations du Palais et des Jardins de Versailles, sous Louis XIV en 1668.

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des fêtes galantes à la ville démocratique

« La majorité d’entre nous n’en auraient entendu parler que sous forme de gravure : les fêtes galantes du 17e siècle portaient à son apogée l’esthétique versaillaise, toute entière tournée vers ces apparitions lunaires, sous les feux des flambeaux et des feux d’artifice. Le parc de versailles devenait un endroit scénographié par les techniques du théâtre : on peint des décors gigantesques, la cour se déguise, tout un attirail lumineux sert à tordre l’état de nuit pour le faire tendre vers l’artifice. D’une manière générale, l’approche culturelle de la nuit sous l’ancien régime est une poussée vers l’artificiel dont nous sommes encore porteurs.

Deux siècles plus tard, lors de l’exposition universelle de 1889, voici une jeune femme et quelques messieurs contemplant paris illuminé. ce spectacle là est celui qui nous vaut le qualificatif de ville lumière, il est la référence imaginaire de paris jusqu’à aujourd’hui. La conquête du point de vue panoramique constitue la culture des villes, elle est profondément démocratique. Du Sacré-cœur à la tour eiffel, tout le monde peut avoir un point de vue sur paris. La tour eiffel est avant tout un belvédère, ouvert jusqu’à minuit depuis très longtemps, un belvédère sur la ville en train de se faire. » Marc armengaud

Point de vue sur le Paris illuminé de l’exposition universelle de 1889.

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d’une v il le de 200 000 habitants, en termes d’investissement et de fonctionnement, pour son éclairage public est de 3 M€ par an. Avec la raréfaction des dotations budgétaires de l’État, il est nécessaire d’innover par des montages contractuels et de nouveaux dispositifs f inanciers. » Pour le représentant de Citelum, ces montages contractuels innovants (PPP bientôt transformés en marchés de partenariat, SEM à opérateur unique, contrats de conception-réalisation-exploitation de maintenance) doivent permettre aux autorités publiques

et à leus partenaires privés de co-construire des projets qui permettront de baisser les coûts de fonctionnement tout en atteignant les objectifs de performance nécessaires au bien être des uagers. Car, générer des économies d’énergie doit justement permettre d’entrer « dans un cercle vertueux où l’investissement prend le pas sur le fonctionnement. »

et sI l’on jouaIt ?

Mais peut-être peut-on aussi voir les choses autrement ? Juridiquement,

technologiquement, économiquement, nous sommes en mesure de répondre aux défis qui se présentent. Demeure une question que pose Livier Vennin, délégué au Grand Paris chez EDF : « Comment faire face efficacement à cette contradiction à laquelle nous sommes plus particulièrement soumis en tant qu’électricien, contradiction entre la démesure de notre siècle, ses capacités technologiques, et l’exigence de frugalité que vit actuellement notre société ?  » Une réponse ne serait-elle pas dans une forme de réinvention du jeu ? La lumière est

un formidable vecteur de jeu. Plutôt que de justif ier des postures très développement durable, ne peut-on pas s’amuser un peu ? Cet aspect ludique de la lumière connaît déjà certaines expérimentations  : aux Pays-Bas, le designer hollandais Daan Roosegaarde a créé la première piste cyclable f luorescente, grâce à une peinture qui accumule la lumière du soleil le jour pour la restituer la nuit. n

> En équ ipa nt leu r écla i rage u r b a i n d e L E D, l e s v i l l e s

s’ouvrent soudain à de nouvelles opp or t u n it é s qu i rejoig nent le vaste domaine d’expérimentation e t d’appl ic at ion pr é s ent é s ou s le terme de v i l le intel l igente. La tech nolog ie qu’emba rquent les diodes électroluminescentes permet en effet de véhiculer des données, ce

faisant, des informations. « Toutes les villes veulent devenir intelligentes, sourit Bertrand Vanden Abeel. Des projets f leurissent un peu partout. L a sma r tcit y s’appuya nt su r les réseaux, l’éclairage public en est vraiment le véhicule idoine de par sa spécificité à irriguer toute la ville. » Constamment alimenté en électricité, il peut effectivement se transformer

en réseau de communication, les la mpada i res se mua nt a lor s en bornes capables de faire remonter de l’i n for mat ion en voier ie pa r l’entremise de capteurs de trafic, de stationnement, de pollution, etc.poInts lumIneux, poInts d’InformatIon

Une ossature intelligente que Citelum met déjà en place à Copenhague. «   Nou s y dé plo y on s u n r é s e au d’éclairage entièrement communicant, explique Bertrand Vanden Abeel. Chaque luminaire est commandé par un réseau radio, point par point, ce qui nous permet de faire du “diming“, autrement dit de la gradation au point lumineux, grâce à de la détection de présence et de traf ic, et ainsi d’augmenter ou de diminuer l’intensité lumineuse pour qu’elle soit la plus juste possible. »

À La Défense, Defacto imagine sans peine ce que pourrait offrir une telle technologie déployée sur les 12 000 points lumineux du quartier d’affaires. Quartier où, comme le dit Xavier Auclair, chargé de mission chez

EDF, « on est souvent en perte de signal sur son smartphone, ce qui ne facilite pas l’appropriation des cheminements dans les sous-sols et les endroits les moins accessibles. » François Bourvic l’admet  : « Avec le phénomène de masse que génèrent les tours, on a effectivement des difficultés à capter le signal du GPS. Nous sommes en train de résoudre ce problème via des relais bluetooth répandus sur la dalle. Viendra ensuite le déploiement d’un système de géoloca lisat ion et la créat ion d’u ne appl icat ion sma r t phone. Nous avons fa it le choix d’une démarche pragmatique, en construisant des réponses pas à pas. Aujourd’hui, ce sont 500 bornes bluetooth, demain si nous pouvons utiliser les points lumineux, nous aurons une couverture, y compris i ndoor, qu i sera fa ntast ique. La question est comment y parvenir, quel bon niveau d’investissement réaliser pour installer la technologie LED et transformer ces 12 000 points lumineux à la fois. Mais nous savons que nous devrons y parvenir dans la décennie qui vient. » n

> Dès que l’on évoque la lumière des villes, on en vient à penser

à l’éclairage nocturne, à la manière dont on peut i l luminer les rues et les bât iments. Not re source lumineuse principale demeure pourtant celle qui provient du soleil, et c’est celle-ci que l’on cherche ava nt tout. Nous la cherchons l’été, en nous exposant aux rayons solaires, nous la cherchons l’hiver parce ce que nous en manquons. Cette lumière est essentielle, elle règle nos cycles biologiques, elle rythme nos journées, nos saisons. Longtemps vue comme une fantaisie « new age », la luminothérapie qui utilise des intensités proches de la lumière solaire est même devenue un traitement reconnu pour lutter contre la dépression saisonnière ou les troubles du sommeil.

un cHallenge pour le bâtIment

La lumière naturelle nous offre un bien-être tel que son utilisation e s t au j ou r d’ hu i au c œ u r d e s problémat iques d’écla i rement des bâtiments. Dans les bureaux, les espaces de travail, elle offre un confort v isuel qui améliore la concentration. « Si l’on parle d’innovation, la toute première pour nous, éclairagistes, est de chercher à optimiser au mieux la lumière naturelle. Capter ne serait-ce qu’1% de cette lumière suffit à éclairer un local », nous dit Christophe Marty. Les intensités lumineuses sont, en effet, sans commune mesure : quand l’éclairage artificiel d’une salle de conférence atteint une centaine de lux, la lumière du jour, elle, monte à 70 000 ou 100 000 lu x. Not re besoin de lumière et la dynamique que nous entretenons avec elle se perdent dès lors que l’on passe beaucoup de temps en intérieur. Si bien que, pour Ariane Schumacher, « l’intégrer le plus possible, composer avec la dualité éclairage naturel / éclairage artificiel, constituent un vrai challenge pour le monde du bâtiment. » Qui cherche et travaille su r les faç ades, les nouvel les possibilités qu’offrent les LED et

les diodes électroluminescentes organiques (OLED, Organic Light-Emitting Diode), ainsi que leur insertion dans les matériaux.

Cette problématique est encore plus sensible lorsqu’il s’agit d’espaces souterrains. L’approche réalisée sur les futures gares du Grand Paris Express par l’architecte Jacques Fer r ier i ncor pore com me u ne donnée fondamentale l’utilisation de la lumière naturelle. À La Défense, Defacto, son établissement public de gestion, cherche à requalifier les i m menses volu mes perdus qui aff leurent sous la dalle. Mais comment en faire des lieux de vie ? « À certains endroits que l’on appelle les entreponts, il est assez aisé de créer des puits de lumière que l’on peut compléter avec des LED au cas où la lumière naturelle n’est pas suffisante. C’est extrêmement plus compliqué quand on se trouve à 20 mètres sous terre… », rappelle François Bourvic.

une solutIon avec ecHy

Peut-être Defacto trouvera une réponse grâce à Echy. La startup cofondée par Florent Longa propose en effet une solution d’éclairage hybride à partir de lumière naturelle et de LED. « Notre système consiste en un panneau de capteurs qui suit

le soleil tout au long de la journée. Des lentilles de Fresnel concentrent le rayonnement solaire au sein de fibres optiques qui, rassemblées en faisceaux, parviennent jusqu’aux gaines techniques du bâtiment. À leur extrémité, la lumière naturelle est domestiquée par des luminaires designés de manière à la restituer au mieux. Elle est aussi couplée avec un éclairage électrique à base de LED pour continuer à produire un éclairement quand il n’y a plus de soleil. » La modularité de la fibre optique promet même d’autres usages pour Echy qui travaille sur la possibilité d’intégrer la lumière n a t u r e l l e à d ’a u t r e s s o u r c e s lumineuses telles que les écrans ou les projections. « Si des écrans peuvent être rétroéclairés par des LED, pourquoi ne le seraient-ils pas par la fibre optique et la lumière naturel le ?  », interroge Florent Longa. Une technologie qui offre par ailleurs l’avantage d’utiliser une énergie 100% renouvelable. Quelle que soit la source lumineuse, quel que soient le bât i ment et l’emplacement dans le bâtiment, Echy ne propose pas moins que de reconnecter l’humain à la lumière solaire, celle avec laquelle, selon les mots d’Ariane Schumacher, « nous sommes tous connectés. » n

la lumière en veille sur la smartcity

à la recherche de la lumière naturelle

Madrid

Copenhague

SynthèSe DeS DébatS ..6

À l’intérieur de la future gare du Grand Paris express de Villejuif.

lumières du grand paris

Pour préparer l’exposition Paris la nuit, en 2103, Marc Armengaud et ses collaborateurs avaient parcouru la métropole durant quatre ans. Voici quelques fragments de ce Grand Paris nocturne, parmi les 400 lieux qu’ils ont pu photographier.

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> E n j o u r n é e , L a D é f e n s e connaît une effervescence que

beaucoup de ceux qui ne connaissent pas le quartier d’affaires peinent à imaginer. En revanche, passées les heures de travail, i l se désertif ie. « La désaffection des utilisateurs de La Défense pour ce quartier est une vraie gageure pour nous, explique François Bourvic. 85% d’entre eux viennent en transports en commun et, hormis le chemin qui les mène du métro ou du RER jusqu’à leur lieu de travail, ils connaissent peu le reste. Les 170  000 salariés, les 30 000 habitants, les touristes, les étudiants éprouvent de la difficulté à s’appropier ce territoire de nuit. »

réapproprIatIon par la lumIère

L’attente est forte pour donner à ce haut lieu métropolitain une urbanité vivante et une mixité d’usages entre le jour et la nuit. D’autant que très procha i nement ouv r i ra le stade A rena 92 . «  Bât i su r u n modèle anglo-saxon, il combinera matches de rugby et événements. Or, la mairie de Nanterre a ref usé l’ouver ture de sa stat ion de R ER au f lu x des visiteurs. Par conséquent, tous ces spectateurs vont remonter vers la dalle. La question est d’autant plus pressante : tous les soirs, entre 20 et 40 000 personnes seront en attente de quelque chose en arrivant ou en sortant du spectacle. Et ce quelque chose n’a pas du tout été pensé », explique Marc Armengaud.

La réappropr iat ion du site est devenue un élément crucial pour son avenir. «  Nous pensons que son éclairage nocturne doit permettre cet te réappropr iat ion, ex pl ique François Bourvic. À travers les grands

monuments que sont l’Arche ou le CNIT, mais aussi à travers de plus pet its objets, comme les œuv res d’art de notre musée à ciel ouvert. » Defacto a, en effet, entrepris une mise en lumière des 67 œuvres présentes s u r s on e s pac e publ ic , œ u v re s connues de jour mais « ombres la nuit. Et l’on ne se doutait pas à quel point il serait important et admirable pour les utilisateurs du site de les voir apparaître de nuit. »

régénérer la vIlle

La mise en lumière de ce patrimoine est aussi l’occasion de régénérer un quartier qui a vieilli. Héritier d’une

certaine conception de la ville qui a plusieurs décennies, il comporte u n cer t a i n nombre de prod iges architecturaux majeurs. Toute la difficulté consiste à transformer ce patrimoine pour le faire adhérer aux attentes et aux enjeux de la société d’aujourd’hui. «  Ces enjeu x sont au nombre de trois, note François Bourvic. Il s’agit d’abord de répondre aux besoins informationnels que doivent permettre la connectivité et la géolocalisation. Le deuxième est lié au développement durable et au x économ ies d’énerg ie. L e troisième est de par venir à cette t r a n s f or m a t ion e n c on s e r v a nt l’ambit ion que nécessite ce haut

lieu des affaires. » Grand paysage urbain, particulier et significatif de la métropole, La Défense doit en effet tenir son rang à l’échelle du Grand Paris, exister de loin tout en délivrant à ces utilisateurs une certaine qualité urbaine. L’aspect sensoriel de la lumière doit y contribuer. Avec son gigantisme, sa dalle de 32 ha, ses souterrains qui comptent jusqu’à six niveaux, « la question de la lumière y est omniprésente, conclut Marc A r mengaud. Dessous, el le est la question de la vie. Dessus, il s’agit de la sk yline du premier quartier d’affaires européen. » n

la défense : un grand paysage métropolitain et sa conquête d’une urbanité vivante

pour une organisation systémique de l’éclairage public

SynthèSe DeS DébatS ..8

« Sous la dalle de La Défense, au sein d’un volume inoccupé que lui avait loué l’EPAD en son temps, le sculpteur Raymond Moretti a construit une œuvre protéiforme baptisée Le Monstre. Cachée du public,

elle est vouée, de par son aspect monumental (15 m de haut) à rester tapie dans l’ombre. Le Monstre fait figure de symbole de ces espaces parfois gigantesques qui affleurent sous la dalle. Beaucoup rêvent de

les reprogrammer, Defacto au premier titre. La lumière, pour cela, sera fondamentale. Comment organiser des volumes situés parfois à 20 m sous terre sans leur apporter la lumière qui permettra d’y développer des

activités ? Nous sommes là face à un enjeu majeur pour nous. » François Bourvic

> Tandis que l’innovat ion bat son plein, que des efforts de

rupture technologique s’incarnent à travers les startup, que l’on cherche à ant iciper les solut ions par des projets novateurs, l’organisation des lumières de la ville demeure, comme dans le cas d’autres réseaux, un sujet complexe. « Dès que l’on touche à des enjeux de technique métropolitaine, nou s nou s t rou v on s f ac e à de s problématiques systémiques. Or, on ne nous présente souvent que des solutions individuelles », déplore Marc Armengaud. Une tendance qui se double d’archaïsmes, de « modes de penser qui se fixent et deviennent des standards », poursuit l’urbaniste. Il en prend un exemple parallèle avec les égouts de Paris : « En réduisant nos consom mat ions d’eau da ns une logique vertueuse, les égouts se retrouvent sous-alimentés. Sans de petites crues, ils s’encrasseraient avec un risque sérieux de détérioration des réseaux. » À force, les usages et leur transformation font apparaître certaines contradictions…

un plan lumIère pour le grand parIs ?

L’organisation des lumières est aussi, tout compte fait, un sujet récent qui se traduit par des plans lumière. «  Cela a été créé à Lyon dans les années 2000, note Christophe Marty. Depuis, de nombreuses villes se sont habituées à créer des plans ou des schémas directeurs de la lumière. C’est u n moyen d’orga n i ser, de prévoir, d’intégrer les innovations et de les relier à l’urbanisme. De la même manière que l’on organise les vides et les pleins dans la ville, on doit organiser les ombres et la lumière. »

Ta n d i s q u e l e G r a n d P a r i s suppose u n saut d’échel le, «  u n changement culturel de l’approche de l’aménagement », comme le dit Marc Armengaud, « réf léchit-on à un plan lumière pour la métropole ? Est-ce que seul Paris a le droit d’être

lumineux et attractif », questionne Christophe Mart y. « Non, répond en substance Marc Armengaud. Au moment d’organiser l’exposit ion P a r i s , l a n u i t , e n 2 01 3 , n o u s avions sollicité les grands acteurs métropolitains pour connaître leurs actions, leurs données, le nombre de points lumineux qu’ils géraient, etc. Nous avions en vain tenté d’organiser une réunion. Beaucoup de ces acteurs trouvaient l’idée intéressante, mais, en fait, le sujet n’existait pas au niveau régional. »

au seuIl d’une nouvelle époque

Il ex iste au niveau communal ou territorial. En novembre 2014, par exemple, Saclay lançait un appel d’of f res en v ue de concevoi r et réaliser un plan lumière sur son campus. « L’éclairage public reste majoritairement de compétence communale en France, remarque Bertrand Vanden Abeel, plus rarement de compétence intercommunale. Il serait pourtant nécessaire d’avoir des schémas directeurs plus étendus en matière d’aménagement de la lumière. J’irai même plus loin : on devrait avoir une approche globa le au niveau de la ville entre investissement et fonctionnement. Réaliser une étude ne suffit pas, il faut ensuite pouvoir réaliser les investissements et assurer la modernisation des ouvrages. » Est-ce ce manque de planification, sa relative jeunesse, qui explique le déploiement encore timide des luminaires à LED dans les v i l les f rançaises ? Pour Bertrand Vanden Abeel, la réponse se décompose plutôt sous deux raisons : « La première est que nous sommes au seuil d’une nouvelle époque. Notre éclairage public actuel a été mis en place dans les années 80-90, pour des raisons avant tout sécuritaires. Il a été bien entretenu, mais il arrive en fin de vie et son renouvellement se heurte à un manque de f inancement. De fait, ces dépenses de renouvellement ont rarement été anticipées. L’autre

raison tient à la forme de gestion des équipements. Ils sont le fait de services techniques communaux puissants qu i gèrent bien leu r pat r imoine mais préfèrent f rag menter leurs investissements, quitte à mélanger les technologies. »

les réseaux, sujet démocratIque

Le Gra nd Pa r is en ta nt que tout n’existant pas, une approche globale de l’aménagement de sa lumière semble hors de portée. Pour Marc Armengaud, la question va même un peu plus loin, englobant tous les réseaux de la métropole : « Ces réseaux font l’objet d’attribution de marchés da ns des cond it ions “d’opacité“ (puisqu’on ne communique pas, on crée les conditions d’une réputation

d ’o p a c i t é ) q u i a l i m e n t e n t l a suspicion et l’impression qu’on nous fait payer trop cher. C’est un sujet démocratique grave qui a été écarté lors des premières réf lexions sur le Grand Paris en 2007. Identifier des territoires à enjeu métropolitain, tel que le supposait la feuille de route conduit, somme toute, à faire du coup par coup, sans régler des enjeux plus fondamentaux. »

Par manque de réflexion préalable, l a p l a n i f i c a t i o n d e s r é s e a u x s’exercerait alors de manière trop brutale, dans des scénarios de tout ou rien, alors que leur complexité r é c l a m e r a i t d ’ a v a n t a g e d e coordination des parties prenantes, une approche systémique concertée et pilotée. n

Plan lumière de Lyon.

La Défense de nuit.

Hors champ : damae, la lumière dans la peau

Le 5 juin, la startup Damae est devenue lauréate des pris eDf pulse 2015, dans la catégorie santé, après avoir déjà été primée au concours national d’innovation en 2014. Damae a développé un dispositif médical permettant de diagnostiquer des anomalies de la peau de manière non invasive. La méthode consiste à projeter un faisceau de lumière sur une surface cutanée. par réflexion, la lumière transmet des informations sur sa structure, reconstituée par informatique. Sans recours à une biopsie, le dermatologue pourra ainsi détecter une pathologie cutanée avant même que les premiers signes de la maladie ne se manifestent en surface.

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> E n aborda nt la lu m ière de manière trangressive, peut-on

faire bouger les lignes des politiques d’espaces publics ? Les techniciens, ingénieurs, éclairagistes travaillent-ils dans leur bulle ou associent-ils leur réf lex ion, le développement de leurs technologies, à d’autres manières de voir et de faire ? Pour Ariane Schumacher, la question est résolue : « L’innovation ne doit pas être seulement technique, mais associer toutes sor tes de c ompétenc es  : designers, architectes, sociologues, l i n g u i s t e s … de s gen s c apa ble s d’avoir des visions différentes, qui ne ma ît r isent pas forcément ce qu’est un photon ou un lux, mais qui sauront proposer des concepts et des solutions qui porteront le bâtiment vers des choses plus intéressantes et imaginatives. Certains artistes s ont c apa ble s de pr op o s er de s choses nouvel les, pas forcément industrialisables à grande échelle, m a i s por teu s e s d’u ne nou vel le manière de penser. »

un cluster dédIé

Très tôt da ns leu r réf lex ion, les c r é at e u r s d’ E c h y ont s ou h a it é associer architectes et designers. « À partir du moment où notre concept suppose l’installation d’un panneau de capteurs sur un bâtiment, nous devions le faire, au risque que, sinon, les architectes n’adhèrent pas à l’intégration de notre système », dit Florent Longa. Cette communauté d’échanges, on la retrouve d’une certaine manière au sein de l’Institut PhotoVoltaïque Francilien (IPVF) bientôt installé sur le plateau de Saclay. On la retrouve surtout sous l’égide du cluster Lumière installé à Lyon. Dans les années 2000, de nouvelles perspectives sont en effet apparues avec la lumière comme objet porteur, en matière de santé, de technologies ou d’embellissement du patrimoine urbain. « Nous avions le sentiment qu’il se passait quelque chose, explique Christophe Marty, et qu’il pouvait y avoir convergence de savoirs sur ces différentes thématiques. » Le cluster Lumière s’est créé en 2008 sur cette base : rassembler toutes les connaissances existant en France, afin d’élaborer des projets prospectifs. Il

pluridisciplinarité, échanges, convergences : la lumière au croisement des savoirs

Maison de verre et d’acier de tom Fruin installee dans le parc de brooklyn bridge à new york.

Façade du Palais des chemins de fer,

exposition universelle de 1937.

concLuSionSynthèSe DeS DébatS ..10

I l r e s s or t d ’ab or d p our moi de nos é chan ge s l ’ex tr a or d ina ir e transformation technique à laquelle

nous assistons. L’éclairage public est passé du gaz à l’électricité en un demi-siècle, et nous avons devant nous une mutation d’ampleur comparable. Qu’il s’agisse des LED, des OLED, ou d’autres manières de produire de la lumière, comme ce qui nous a été présenté avec la bioluminescence. On peut y associer la fibre optique et sa capacité de transmission d’informations ou encore la manière dont la lumière aide au calcul. Nous sommes sans doute au début de transformations qui prendront des dizaines d’années et supposeront des investissements considérables.

Or, passer d’une époque à une autre suppose de surmonter certains écueils, voire des dangers. Je citerais une anedote pour l’illustrer. À une époque où les automobiles faisaient du 50 km/h, on donnait aux ingénieurs des Ponts une prime chaque fois qu’ils plantaient des arbres au bord des routes. Aujourd’hui, les automobiles vont deux à trois fois plus vite, il en résulte que le défilement des arbres laisse une impression oculaire qui coïncide avec le rythme alpha du cerveau, provoquant des sorties de route.

La lumière interagit donc avec le vivant. Cette interaction mériterait, je pense, d’être fouillée d’avantage. D’autant qu’il s’agit d’un sujet complètement interdisciplinaire qui combine sciences des techniques, biologie, sociologie, économie… Or, les spécialistes ont tendance à fonctionner de façon éparpillée. La lumière pourrait donc se révéler un thème particulièrement fédérateur. Cela vaudrait la peine de créer ce mouvement, car lorsque les responsabilités sont ainsi disséminées, il en résulte trop souvent des décisions hâtives prises à partir de connaissances exclusives. Il serait bon que chacun intègre dans ses réflexions celles issues d’autres sciences. thierry Gaudin - Prospective 2100

regroupe aussi bien des fabricants, comme Philips, que des institutionnels ou des laboratoires du CNRS ou de l’École Nationale des Travaux Publics de l’État (ENTPE). Soient 170 adhérents, dont 80% sont des PME, et 80% des instituts travaillant dans le domaine de la recherche et de l’innovation en matière de lumière.

Le croisement des savoirs est aussi opérant à l’échelle européenne, avec l’European Lighting Cluster Alliance (ELCA) qui met en relation les travaux réalisés dans différents pays. « Des différences culturelles existent entre pays, note Christophe Marty. On sait qu’en Belgique, on éclaire les autoroutes, pas en France. Quelle est la meilleure façon de faire ? Les clusters et le monde de la recherche doivent se fédérer pour échanger sur ces différences. » n

une expo universelle en 2025 ?

À l’heure où une candidature de la france se précise pour organiser l’exposition universelle de 2025, marc armengaud s’interroge sur son bien fondé : « a-t-on besoin de ce grand démonstrateur pour accélérer la mise en œuvre du Grand paris ou est-ce une figure périmée ? » pour alain beltran, « il y a un dépérissement de ce concept, excepté peut-être dans les pays émergents. » parle-t-on beaucoup de l’expo de milan en cours ? « elle est très peu médiatisée, souligne christophe marty. La prochaine aura lieu à Dubai en 2020. ce sera l’occasion

d’y montrer nos innovations comme cela avait pu être le cas à Shanghai en 2010. nous espérons que la lumière en fera partie. » elle en faisait partie lors des précédentes expos qui se sont tenues à paris, occupant même une place centrale. Le thème prévu pour 2025 est celui des territoires et des métropoles. « L’occasion d’un grand rassemblement, selon marie Deketelaere-hanna, ex-directrice du syndicat mixte d’élus paris métropole. La lumière et l ’ombre sont aussi révélateurs des contrastes qui existent dans les métropoles, ce qu’elles ont de meilleur et de pire. »

10%la part de l’éclairage

dans la consommation électrique nationale

(soit 40 TW/h par an)

30€le coût par habitant

et par an en France de l’éclairage public

12 000le nombre de points lumineux

à La Défense

90%le pourcentage d’organismes marins capables de produire

une réaction de bioluminescence

170le nombre d’adhérents en France au cluster Lumière

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recherche & DéveLoppement ..12

> Nou s ne nou s som mes pa s t rompés. I l y a d i x a ns, les

p r o f e s s i o n n e l s d e l ’é c l a i r a g e annonçaient que la technologie LED serait au point en 2015. C’est le cas. Ce n’était pourtant pas évident. Il y a encore trois ans, un éclairagiste prescripteur pouvait s’attendre à des déconvenues en installant des LED. En 2006, ce que l’on nous annonçait comme une rupture souffrait encore de ma nque d’équipements et de f inancements. Nous t ravai l l ions a lor s e s s ent iel lement ave c de s lampes fluorescentes ou des lampes à iodures, des lumières très techniques dont on voit encore de nombreux vest iges. Mais aujourd’hui, nous y sommes. La révolution LED est bien en ma rche. On en constate des exemples un peu partout, l’un des plus significatifs est peut-être l’écla i rage d’accent uat ion de la Joconde, au musée du Louvre, réalisé uniquement à base de LED pour offrir un meilleur rendu des couleurs et mieux protéger l’œuvre.

L a s u i t e t e c h n o l o g i q u e s e r a naturellement la OLED qui repésentera une rupture de même nature. Son éclairage surfacique va nous permettre d’inventer de nouvelles solutions, d’imaginer de nouvelles réponses, de transformer des sources ponctuelles en sources réparties. La technologie n’est pas tout à fait mature, mais elle

commence à sortir des laboratoires. Tout comme le Li-Fi qui, grâce au déploiement des LED, nous permet déjà de transmettre de l’information t rès rapidement, captée pa r les smartphones et les objets connectés.

Mais, au sein du Cluster Lumière, nou s pen son s que l’i n nov at ion ne v iend ra pas u n iquement des tech nolog ies, el le v iend ra aussi des usages. L’un de nos adhérents, Holî, a créé une lampe Bluetooth multicolore contrôlée par smartphone. On peut télécharger des ambiances lu m ineuses et les pa r tager avec d’autres utilisateurs. Ainsi, ce n’est pas tant la lumière qui importe, mais la

façon dont les usages la transforment. Il en sera sans doute de même avec les smartgrids. Le croisement des besoins et des savoirs, l’open innovation, voilà la vraie rupture. Reste à se confronter à l’acceptabilité des utilisateurs. Nous savons que nous pouvons construire des véhicules autonomes, mais nous ne sommes pas tous prêts à rouler derrière l’un d’eux. Cette question de l’acceptabilité est fondamentale pour que les utilisateurs eux-mêmes soient source d’innovation. Car l’humain reste au centre de tout. Ne l’oublions pas, si nous voulons être sûrs de ne pas nous tromper. n

> L e s c h e r c h e u r s examinent la lumière

sous deux aspects : l’énergie et l’éclairage. En mat ière d ’é n e r g i e , n o t r e a x e d e recherche principal porte sur le photovoltaïque et comment nous pouvons intégrer cette ressource au réseau dans un souci d’éfficacité énergétique. Mais le sujet qui nous occupe plutôt ici est l’éclairage. De nos jours, celui-ci s’organise essentiellement autour du déploiement des LED, offrant de nombreuses opportunités, m a i s p o s a n t a u s s i d e nouvelles problématiques.

La LED ayant un rendement beaucoup plus important q u e l e s a u t r e s s o u r c e s lu m i neuses, sa prem ière

q u a l i t é e s t é v ide m me nt de réaliser des économies d’énergie. Elle peut se piloter, va r ier d’intensité à not re convena nce, et du même coup procurer un meilleur c on for t . Plu s rési st a nte, elle assure aussi de vraies économies de maintenance, notamment pour les sites i n d u s t r i e l s q u i d o i v e n t moins souvent stopper un process pour changer une simple ampoule. Au sein de l’éclairage public, elle apporte une dimension nouvelle : la possibi l ité, pa r exemple, de coupler lampadaires et véhicules électriques.

Mais la LED est aussi une technologie qui embarque beaucoup d’électronique.

S ’e n s u i v e nt de s r i s q u e s de perturbation du signal é l e c t r i q u e o u d ’a u t r e s applications électroniques. Par ailleurs, elle a très tôt suscité beaucoup d’attente et provoqué des déceptions (à ces débuts, par exemple, le fait de n’éclairer qu’un champ réduit, provoquant des problèmes de sécurité). C’est pourquoi nos recherches nous conduisent à développer des méthodologies d e q u a l i f i c a t i o n d e s luminaires supérieures aux simples normes qui existaient.

E n f i n , d e r n i è r e m e n t , une t roisième dimension l i é e à l a l u m i è r e e s t apparue. Elle concerne les télé c om mu n ic at ion s. L e déploiement des LED favorise

en ef fet celui du LiFi. Un grand nombre d’applications vont en découler au sein des villes. Particulièrement, la géoloc a l isat ion. I n st a l lé d a n s l e s l a m p a d a i r e s urbains, le LiFi permettra par exemple, par échange d’i n for m at ion s, de f a i re intervenir des secours en cas d’incident ou de malaise. Plus basique, mais très pratique, la fonction permettant de retrouver sa voiture dans un parking souterrain, si bien sûr celui-ci est… éclairé.

Le slogan historique d’EDF, « On vous doit plus que la lu m ière  », est donc donc toujours d’actualité. n

cHrIstopHe marty

architecte. pDG du bureau d’études ingelux. Secrétaire général du cluster Lumière de Lyon.

sandrIne leclercq

chef de département eco-efficacité et procédés industriels (epi) au sein d’eDf r&D

La lumière à venir : tendances, ruptures, attentes…

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.les axes de recherche EDF