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EDITORIAL Michel Rey” L a multiplication et la mondialisation des voyages intensifient considerablement la circulation internationale des agents infectieux, de leurs reservoirs (humains et ani- maux), et patfois de leurs vecteurs. Parmi les 17 millions de voyageurs que la France a export& - et reimportes - en 1998,3 millions environ se sont rendus dans des pays tropicaux et/au en developpement, oh ils ont ete exposes k~ des risques infectieux et para- sitaires notoirement major&. Toutefois, s’ il est vrai que de nombreuses endemies sont exotiques et plus ou moins circonscrites a des aires geographiques, aucun pays n’est epargne par le peril infectieux et par I’emergence de nouveaux pathogenes. Du fait de ses relations privilegiees avec I’Afrique sub-saharienne, principal reservoir mon- dial de paludisme, la France est le pays industrialise qui importe le plus grand nombre de cas de paludisme, dus en majorite a /? fdciparum (plus de 5 000 chaque annee, esti- mes par le Centre national de reference des maladies d’ importation). Ces cas sont asso- ties a I’absence ou I’ inadequation de la chimioprophylaxie, qu’ il s’agisse de touristes, de voyageurs professionnels ou d’ immigres ayant visite en famille leur terroir d’origine. Parmi les autres infections transmises par des vecteurs, la redoutable fievre jaune n’af- fecte que les voyageurs non vaccines, C’est la dengue, dont les aires endemiques conti- nuent a s’etendre, et dont le vaccin n’est pas encore au point, qui est I’arbovirose le plus souvent importee. Les infections enteriques predominent dans la morbidite lice aux voyages, Leur frequence est inversement proportionnelle au niveau d’hygiene du pays visit& La diarrhee ou turista est I’evenement le plus frequent, generalement benin, dQ a des agents tres varies. Le risque de contracter une hepatite A, pour le voyageur en provenance d’un pays industrialise, a beaucoup augment& parallelement a sa receptivite immunologique, du fait de la rarefaction de I’ infection naturelle dans ce type de pays. D’ou I’ importance de la vaccination des voya- geurs, mise en place a point nomme pour controler ce risque croissant. Les infections respiratoires representent un risque non negligeable en voyage. Faut-il rap- peler que la grippe (qui a cause en 1918 la plus terrible pandemie du XX” siecle, pro- voquant plus de 20 millions de morts) fait aujourd’hui rapidement le tour du monde en avion, et que la survenue d’une nouvelle pandemie, que nous aurons bien du mal a enrayer, est loin d’etre exclue. La legionellose merite une mention speciale, en raison des parti- cularites de son epidemiologic, et des contraintes de sa surveillance internationale. En ce qui concerne les infections veneriennes, nul ne peut nier le role des voyages inter- nationaux dans la propagation mondiale du sida. a President de la S&At6 de m&de&e des voyages. Revue Franpise des Laboratoires, marsh4 2000, No 321 17

Éditorial

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EDITORIAL

Michel Rey”

L a multiplication et la mondialisation des voyages intensifient considerablement la

circulation internationale des agents infectieux, de leurs reservoirs (humains et ani-

maux), et patfois de leurs vecteurs. Parmi les 17 millions de voyageurs que la France

a export& - et reimportes - en 1998,3 millions environ se sont rendus dans des pays

tropicaux et/au en developpement, oh ils ont ete exposes k~ des risques infectieux et para-

sitaires notoirement major&. Toutefois, s’il est vrai que de nombreuses endemies sont

exotiques et plus ou moins circonscrites a des aires geographiques, aucun pays n’est

epargne par le peril infectieux et par I’emergence de nouveaux pathogenes.

Du fait de ses relations privilegiees avec I’Afrique sub-saharienne, principal reservoir mon-

dial de paludisme, la France est le pays industrialise qui importe le plus grand nombre

de cas de paludisme, dus en majorite a /? fdciparum (plus de 5 000 chaque annee, esti-

mes par le Centre national de reference des maladies d’importation). Ces cas sont asso-

ties a I’absence ou I’inadequation de la chimioprophylaxie, qu’il s’agisse de touristes, de

voyageurs professionnels ou d’immigres ayant visite en famille leur terroir d’origine.

Parmi les autres infections transmises par des vecteurs, la redoutable fievre jaune n’af-

fecte que les voyageurs non vaccines, C’est la dengue, dont les aires endemiques conti-

nuent a s’etendre, et dont le vaccin n’est pas encore au point, qui est I’arbovirose le plus

souvent importee.

Les infections enteriques predominent dans la morbidite lice aux voyages, Leur frequence

est inversement proportionnelle au niveau d’hygiene du pays visit& La diarrhee ou turista

est I’evenement le plus frequent, generalement benin, dQ a des agents tres varies. Le risque

de contracter une hepatite A, pour le voyageur en provenance d’un pays industrialise, a

beaucoup augment& parallelement a sa receptivite immunologique, du fait de la rarefaction

de I’infection naturelle dans ce type de pays. D’ou I’importance de la vaccination des voya-

geurs, mise en place a point nomme pour controler ce risque croissant.

Les infections respiratoires representent un risque non negligeable en voyage. Faut-il rap-

peler que la grippe (qui a cause en 1918 la plus terrible pandemie du XX” siecle, pro-

voquant plus de 20 millions de morts) fait aujourd’hui rapidement le tour du monde en

avion, et que la survenue d’une nouvelle pandemie, que nous aurons bien du mal a enrayer,

est loin d’etre exclue. La legionellose merite une mention speciale, en raison des parti-

cularites de son epidemiologic, et des contraintes de sa surveillance internationale.

En ce qui concerne les infections veneriennes, nul ne peut nier le role des voyages inter-

nationaux dans la propagation mondiale du sida.

a President de la S&At6 de m&de&e des voyages.

Revue Franpise des Laboratoires, marsh4 2000, No 321 17

En termes de Sante publique, les infections importees ont en fait un poids tres it-regal. Les

maladies exotiques n’ont generalement aucune chance de provoquer des cas secondaires,

du fait soit d’un environnement inapproprie (paludisme, fievres hemorragiques virales, autres

infections a transmission vectorielle ou liees a un reservoir particulier), soit d’un niveau

sanitaire suffisant pour empecher la propagation d’infections enteriques (cholera). En

revanche, I’importation de maladies cosmopolites, eliminees ou en voie d’elimination (telle

la diphterie, la poliomyolite, et maintenant la rougeole en Amerique du Nord) peut justi-

fier une vigilance particuliere. Un autre probleme est particulierement preoccupant, celui

de I’importation, et de la diffusion, de souches bacteriennes multiresistantes (pneumo-

coque, gonocoque, salmonelles, shigelles, BK).

Bien entendu, les voyages vont continuer a se developper, ainsi que I’echange interna-

tional des pathogenes. Comment en limiter les consequences ? Deux reponses se met-

tent en place, le renforcement de la prevention des maladies transmissibles et celui de

la surveillance internationale de ces maladies. La medecine des voyages intervient a ces

deux niveaux. D’une part, elle s’efforce de developper ses activites de prevention, et de

toucher avant leur depart la plupart des voyageurs c( a risque )), pour leur conseiller vac-

cinations, chimioprophylaxie antipaludique, autres mesures preventives et precautions a

prendre. D’autre part, la medecine des voyages est impliquee dans le developpement de

la surveillance internationale des maladies transmissibles, ciblee sur les maladies emer-

gentes ou re-emergentes, incluant les maladies importees. Des systemes internationaux

performants se mettent en place, soutenus par I’essor considerable de la communica-

tion electronique, qui permet maintenant une transmission immediate des don&es et leur

analyse en temps reel. Les pays industrialises, beaucoup mieux pourvus que la plupart

des autres pays en moyens diagnostiques et en ressources, jouent un role majeur dans

cette surveillance internationale. II leur revient deja de detecter au retour d’un voyage une

maladie ou un foyer epidemique rest& ignores dans leur pays d’origine. II leur revient aussi,

et c’est I’interet de tous, d’appot-ter leur contribution - scientifique et materielle - aux labo-

ratoires et autres observatoires des pays en voie de developpement, impliques dans la

surveillance des maladies transmissibles.

Des progres appreciables ont ete obtenus depuis quelques an&es. Mais beaucoup de

chemin reste a parcourir.

18 Revue Franpm des Laboratolres, mars/avril 2000, No321