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ÉDITORIAL / EDITORIAL Éditorial Editorial G. Pickering © Springer-Verlag France 2012 La recherche sur les interactions entre les domaines de la douleur, de la cognition et des émotions sest amplifiée au cours de la dernière décennie, tant au niveau comportemen- tal quen neuroimagerie. Les travaux précliniques et clini- ques concourent à montrer que la douleur affecte de larges réseaux neuronaux impliqués dans les phénomènes cognitifs et émotionnels. L influence délétère de la douleur chronique sur les capa- cités cognitives des patients (attention, prise de décision, mémoire) a bien été montrée et pourrait résulter dune limitation de la capacité de fonctionnement du cerveau face à la charge envahissante et continue de la douleur, accentuée chez certains patients par une hypervigilance et un catastro- phisme. La mémoire tient une place toute particulière car ses altérations peuvent être très parcellaires avec des retentisse- ments temporels tardifs, variables et souvent imprévisibles après une expérience de douleur aiguë (réminiscence, dou- leur fantôme). La relation douleur/émotion a également été largement étudiée, tant en recherche expérimentale que chez les patients souffrant de détresse émotionnelle et en quête dun traitement efficace. La neuroimagerie a permis diden- tifier et de manipuler les aires corticales impliquées, et le chevauchement important entre les circuits douleur/cogni- tion/émotion est une piste explicative des interactions cons- tantes et complexes entre ces trois domaines. Au cœur de la problématique des troubles cognitivo- émotionnels vécus par les patients douloureux, la somme des connaissances acquises aujourdhui et rapportées dans ce numéro par des scientifiques et des cliniciens, que ce soit chez lanimal, le volontaire sain ou le patient, peut constituer un socle solide de réflexion pour aider à la prise en charge des patients douloureux. Elle peut aussi nourrir loptimisa- tion de la relation patient-soignant dont les subtilités sont un gage de réussite. G. Pickering (*) Centre hospitalier universitaire Gabriel-Montpied, service de pharmacologie, 58 rue Montalembert, F-63000 Clermont-Ferrand e-mail : [email protected] Douleur analg. (2013) 26:1 DOI 10.1007/s11724-012-0322-8

Éditorial

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ÉDITORIAL / EDITORIAL

Éditorial

Editorial

G. Pickering

© Springer-Verlag France 2012

La recherche sur les interactions entre les domaines de ladouleur, de la cognition et des émotions s’est amplifiée aucours de la dernière décennie, tant au niveau comportemen-tal qu’en neuroimagerie. Les travaux précliniques et clini-ques concourent à montrer que la douleur affecte de largesréseaux neuronaux impliqués dans les phénomènes cognitifset émotionnels.

L’influence délétère de la douleur chronique sur les capa-cités cognitives des patients (attention, prise de décision,mémoire…) a bien été montrée et pourrait résulter d’unelimitation de la capacité de fonctionnement du cerveau faceà la charge envahissante et continue de la douleur, accentuéechez certains patients par une hypervigilance et un catastro-phisme. La mémoire tient une place toute particulière car sesaltérations peuvent être très parcellaires avec des retentisse-ments temporels tardifs, variables et souvent imprévisiblesaprès une expérience de douleur aiguë (réminiscence, dou-

leur fantôme). La relation douleur/émotion a également étélargement étudiée, tant en recherche expérimentale que chezles patients souffrant de détresse émotionnelle et en quêted’un traitement efficace. La neuroimagerie a permis d’iden-tifier et de manipuler les aires corticales impliquées, et lechevauchement important entre les circuits douleur/cogni-tion/émotion est une piste explicative des interactions cons-tantes et complexes entre ces trois domaines.

Au cœur de la problématique des troubles cognitivo-émotionnels vécus par les patients douloureux, la sommedes connaissances acquises aujourd’hui et rapportées dansce numéro par des scientifiques et des cliniciens, que ce soitchez l’animal, le volontaire sain ou le patient, peut constituerun socle solide de réflexion pour aider à la prise en chargedes patients douloureux. Elle peut aussi nourrir l’optimisa-tion de la relation patient-soignant dont les subtilités sont ungage de réussite.

G. Pickering (*)Centre hospitalier universitaire Gabriel-Montpied, service depharmacologie, 58 rue Montalembert, F-63000 Clermont-Ferrande-mail : [email protected]

Douleur analg. (2013) 26:1DOI 10.1007/s11724-012-0322-8