ÉDITORIAL Joël Thomas Ravix De Boeck Supérieur | Innovations 2013/2 - n°41pages 5 à 7

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2013-2-page-5.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Ravix Joël Thomas, « Éditorial »,

Innovations, 2013/2 n°41, p. 5-7. DOI : 10.3917/inno.041.0005

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n° 41 – innovations 2013/2 DOI: 10.3917/inno.041.0005 5

ÉDITORIALJoël Thomas RAVIX

Le luxe a toujours attiré et fasciné. Souvent synonyme de réussite sociale, le luxe est également condamné pour sa fu-tilité et ses excès. La chose n’est pas nouvelle puisque, dans son Dictionnaire philosophique, Voltaire écrivait déjà : « On a déclamé contre le luxe depuis deux mille ans, en vers et en prose, et on l’a toujours aimé ». Marqueur de différenciation sociale par excellence, le luxe marie élitisme avec tradition et modernité. Mais derrière l’imaginaire véhiculé par le luxe, on trouve des activités économiques dynamiques, souvent anciennes, s’ap-puyant sur des métiers d’art, des savoir-faire et des technologies sophistiqués. On s’accorde également à reconnaître que le luxe joue un rôle non négligeable dans la croissance économique en raison des effets d’entraînement qu’il exerce dans de nombreux secteurs et de sa forte présence à l’international. Pourtant, l’économie du luxe reste un domaine encore mal connu parce que difficile à circonscrire et à évaluer. Bien que les produits de luxe soient a priori aisément identifiables empiriquement, ils présentent cependant une très forte hétérogénéité qui rend délicat tout repérage analytique par les méthodes et les outils traditionnels de l’économiste. Dès lors, vouloir comprendre l’économie du luxe nécessite de forger de nouveaux concepts et d’imaginer de nouvelles approches.

Tel est l’objet de ce numéro spécial qui rassemble huit contributions portant sur les questions que soulève l’analyse économique du luxe. Dans cette perspective, le retour proposé par Arnaud Diemer sur la querelle du luxe, laquelle a animé tout le 18e siècle et qui est en partie à la source de l’écono-mie politique, est riche d’enseignement pour une réflexion contemporaine sur la nature du luxe. Il souligne en particu-lier que ce débat traduit un véritable changement de système de valeur au cours duquel le discours proprement économique vient se substituer aux discours moralisateurs. Revenant sur les enseignements des économistes classiques, l’article de Joël

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6 innovations 2013/2 – n° 41

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Thomas Ravix montre que leurs analyses s’inscrivent dans le prolongement du débat sur les implications politiques du déve-loppement du commerce et du luxe. En assimilant le luxe à une sorte d’innovation sociale, ces auteurs parviennent à expli-quer pourquoi le luxe se développe en période de crise écono-mique comme on peut à nouveau le constater actuellement. S’intéressant aux approches plus contemporaines, Anaïs Carlin explique que, pour traiter de la question du luxe, il est nécessaire d’abandonner l’hypothèse traditionnelle d’homo-thétie des préférences, qui caractérise la théorie économique standard. Elle interroge ensuite sur la pertinence des modèles qui ont recours à des structures de préférences non-homothé-tiques pour analyser les effets de la consommation de luxe sur la croissance économique. Les relations entre luxe est croissance sont également abordées par Dominique Foray en mobilisant le domaine de l’économie de la connaissance. Il analyse en par-ticulier les différentes raisons qui font que le secteur du luxe développe une chimie particulière qui favorise la combinaison de multiples capacités de savoir pour innover. Il montre ainsi que ce secteur possède la même vertu que l’industrie du high tech puisqu’il parvient à créer un ensemble de conditions favo-rables à l’innovation intensive et répétée. Dans cette perspec-tive, le secteur du luxe devrait pouvoir largement contribuer à la stratégie européenne de croissance fondée sur l’innovation et la connaissance (Europe 2020).

Mais l’analyse des relations entre luxe et innovation ne se limite pas à la seule dimension macroéconomique, elle présente également des spécificités industrielles qui tiennent au rôle des entrepreneurs, aux caractéristiques de certains secteurs du luxe et aux incidences de la contrefaçon. Ainsi, dans leur article, Sophie Boutillier et Dimitri Uzunidis proposent une analyse des principales étapes d’évolution des grands groupes français du luxe. Ils mobilisent le concept de potentiel de ressources de l’entrepreneur, qui combine trois éléments : connaissances, ressources financières et capital social, pour expliquer la dyna-mique entrepreneuriale dans l’industrie du luxe. Concernant le secteur des services, l’article de Marc Deschamps s’appuie sur la réforme récente du classement hôtelier en France, et en particulier la discontinuité attachée à la catégorie « palace », pour développer l’idée qu’il n’est pas possible de définir le luxe comme une catégorie analytique finie et unifiée, parce qu’il

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existe toujours une pluralité de logiques en action. Dans un registre différent, l’article de Rémy Herrera aborde le caractère singulier des relations entre luxe et innovation dans une éco-nomie socialiste comme Cuba. Il montre, à travers une analyse du cas des cigares cubains haut de gamme, que cette relation repose sur la coexistence de méthodes traditionnelles et de diverses formes d’innovations scientifiques et technologiques. S’appuyant sur le cas des cosmétiques de luxe, Nejla Yacoub et Blandine Laperche s’intéressent à la fonction stratégique de l’innovation technologique. Elles montrent que l’accumulation du capital-savoir est largement employée par les entreprises cosmétiques comme une stratégie permettant de lutter contre les effets préjudiciables, en termes d’image et de profitabilité, de la contrefaçon.

Bien évidemment, les différentes contributions qui com-posent ce numéro spécial n’épuisent pas la diversité des questionnements que soulève l’analyse économique du luxe. Néanmoins, en appréhendant certaines facettes du luxe sous l’angle de l’innovation, ces diverses contributions apportent un éclairage original et ouvrent de nouvelles pistes pour comprendre la nature des relations entre les dynamiques des industries du luxe et les transformations économiques et sociales contemporaines.

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