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Education contre dignité La laïcité. Ce terme est un peu large à mon sens. Elle est à la fois synonyme de liberté et d'injustice. Au fil du temps et des mots nous avons oublié ce qu'elle signifiait. La laïcité a été créée dans le seul but de ne plus imposer sa religion aux autres. Tandis qu'aujourd'hui elle semble pouvoir justifier tout et n'importe quoi entraînant une restriction des libertés notamment celle de ne plus pratiquer librement sa religion. Le témoignage qui va suivre est un témoignage personnel, il ne tient qu'à moi et ne reflète que mon histoire et mes pensées. Et Dieu sait qu'il me tient à cœur de le partager aujourd'hui. Ce témoignage je l'adresse d'abord à toutes les personnes qui se reconnaîtront à travers ce récit, s'il peut vous aidez j'en suis ravie. Je l'adresse également et particulièrement aux non musulmans afin qu'ils puissent à travers ces quelques mots comprendre les femmes comme moi, comprendre notre choix, comprendre notre combat. Afin de bannir d'emblée les préjugés (ou du moins essayer) je tiens à me présenter. Je m'appelle Hajar, j'ai 18 ans, je suis actuellement une formation comptable dans un lycée public de Lyon, ville qui m'a vu naître et grandir. Alors oui je suis française et musulmane. On m'a souvent posé la question: "Tu es française ou musulmane?" Comme si les deux à la fois étaient impossibles, comme s'ils étaient aux antipodes l'un de l'autre. Je suis française ET musulmane. Mais je l'avoue je suis musulmane avant tout, musulmane avant d'être française, musulmane avant d'être humaine, musulmane avant d'être terrienne. Je tiens à préciser ma pensée que j'espère vous comprendrez. Même si j'ai grandi dans une famille musulmane (qui autrefois ne l'était pas), j'ai décidé de le rester. Après avoir étudié la Bible, la Torah et le Coran j'ai choisi l'islam. Ma religion est donc un choix. Ma nationalité ne l'est pas. C'est pourquoi je suis plus fière d'être musulmane que française. Même si ça peut choquer certains j'estime être plus à même d'être fière de quelque chose que j'ai choisi. Pour pouvoir continuer mon récit il est important de préciser que je suis voilée. Et c'est maintenant que je tiens à freiner les préjugés. Mon père ne m'a nullement imposé mon voile. Mon frère non plus ne m'a pas contraint à le porter, puisque je n'ai pas de frères. Enfin et surtout, mon mari ne m'a pas forcé à le mettre puisque lui non plus n'existe pas. Je ne suis pas mariée. Si je me permets d'insister sur tout cela c'est tout simplement qu'en France nous n'arrivons pas toujours à concevoir le fait que le voile n'est pas lié à la soumission d'un homme. Bizarrement nous arrivons parfaitement à imaginer le fait que des hommes puissent prendre les armes, combattre, risquer leur vie et tout cela POUR leur Seigneur. Mais paradoxalement nous n'arrivons pas à concevoir qu'une femme puisse poser un simple bout de tissus sur sa tête POUR notre Seigneur. Vous l'aurez compris le voile est un choix, MON choix. Il est le fruit de mes recherches, le reflet de mes convictions, il est la marque de ma volonté de me soumettre à notre Seigneur et à Lui seul. Ce choix fait clairement ma fierté, il ne tient qu'à moi et pourtant il ne semble pas être au goût de tous. Cette longue présentation était pour moi nécessaire. Donc comme je disais je suis scolarisée dans un lycée public afin de suivre une formation comptable. Je vous invite à découvrir une scolarité en tant que femme voilée. Une scolarité en général banal : nous suivons les mêmes cours, passons les mêmes concours, avons les mêmes résultats, la même intelligence, les mêmes capacités. Une seule chose nous différencie des autres: tous les matins, nous franchissons le portail du lycée tristement. Pourquoi être triste quand les portes du savoir nous sont ouvertes?! Vous l'aurez compris tous les matins c'est avec regret et incompréhension que nous baissons notre voile au portail. J'ai longtemps effectué ce geste sans me poser de questions, sans me dire qu'il était en réalité injuste, oppressant et insultant. J'ai baissé mon voile des centaines de fois comme si il était normal de procéder ainsi. Puis, un matin comme les autres je suis arrivée au lycée. J'ai enlevé les épingles qui maintiennent mon voile, comme tous les matins: j'ai commencé à le retirer. Mais je me suis brusquement arrêtée et me suis interrogée. "Pourquoi dois- je retirer mon voile?" Cette question peut paraître extrêmement bête mais à vrai dire elle ne m'avait jamais effleurée

Education contre dignité

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Article numéro 2 de la série « Étudiant(e)s à ta plume ! », Hajar nous livre un témoignage poignant, profond, éclatant de sincérité « Éducation contre dignité ». Et toi qu´en pense tu ?

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Education contre dignité La laïcité. Ce terme est un peu large à mon sens. Elle est à la fois synonyme de liberté et d'injustice. Au fil du temps et

des mots nous avons oublié ce qu'elle signifiait. La laïcité a été créée dans le seul but de ne plus imposer sa religion aux

autres. Tandis qu'aujourd'hui elle semble pouvoir justifier tout et n'importe quoi entraînant une restriction des libertés

notamment celle de ne plus pratiquer librement sa religion.

Le témoignage qui va suivre est un témoignage personnel, il ne tient qu'à moi et ne reflète que mon histoire et mes pensées. Et Dieu sait qu'il me tient à cœur de le partager aujourd'hui. Ce témoignage je l'adresse d'abord à toutes les personnes qui se reconnaîtront à travers ce récit, s'il peut vous aidez j'en suis ravie. Je l'adresse également et particulièrement aux non musulmans afin qu'ils puissent à travers ces quelques mots comprendre les femmes comme moi, comprendre notre choix, comprendre notre combat.

Afin de bannir d'emblée les préjugés (ou du moins essayer) je tiens à me présenter. Je m'appelle Hajar, j'ai 18 ans, je suis actuellement une formation comptable dans un lycée public de Lyon, ville qui m'a vu naître et grandir. Alors oui je suis française et musulmane. On m'a souvent posé la question: "Tu es française ou musulmane?" Comme si les deux à la fois étaient impossibles, comme s'ils étaient aux antipodes l'un de l'autre. Je suis française ET musulmane. Mais je l'avoue je suis musulmane avant tout, musulmane avant d'être française, musulmane avant d'être humaine, musulmane avant d'être terrienne. Je tiens à préciser ma pensée que j'espère vous comprendrez. Même si j'ai grandi dans une famille musulmane (qui autrefois ne l'était pas), j'ai décidé de le rester. Après avoir étudié la Bible, la Torah et le Coran j'ai choisi l'islam. Ma religion est donc un choix. Ma nationalité ne l'est pas. C'est pourquoi je suis plus fière d'être musulmane que française. Même si ça peut choquer certains j'estime être plus à même d'être fière de quelque chose que j'ai choisi. Pour pouvoir continuer mon récit il est important de préciser que je suis voilée. Et c'est maintenant que je tiens à freiner les préjugés. Mon père ne m'a nullement imposé mon voile. Mon frère non plus ne m'a pas contraint à le porter, puisque je n'ai pas de frères. Enfin et surtout, mon mari ne m'a pas forcé à le mettre puisque lui non plus n'existe pas. Je ne suis pas mariée. Si je me permets d'insister sur tout cela c'est tout simplement qu'en France nous n'arrivons pas toujours à concevoir le fait que le voile n'est pas lié à la soumission d'un homme. Bizarrement nous arrivons parfaitement à imaginer le fait que des hommes puissent prendre les armes, combattre, risquer leur vie et tout cela POUR leur Seigneur. Mais paradoxalement nous n'arrivons pas à concevoir qu'une femme puisse poser un simple bout de tissus sur sa tête POUR notre Seigneur.

Vous l'aurez compris le voile est un choix, MON choix. Il est le fruit de mes recherches, le reflet de mes convictions, il est la marque de ma volonté de me soumettre à notre Seigneur et à Lui seul. Ce choix fait clairement ma fierté, il ne tient qu'à moi et pourtant il ne semble pas être au goût de tous.

Cette longue présentation était pour moi nécessaire. Donc comme je disais je suis scolarisée dans un lycée public afin de suivre une formation comptable. Je vous invite à découvrir une scolarité en tant que femme voilée. Une scolarité en général banal : nous suivons les mêmes cours, passons les mêmes concours, avons les mêmes résultats, la même intelligence, les mêmes capacités. Une seule chose nous différencie des autres: tous les matins, nous franchissons le portail du lycée tristement. Pourquoi être triste quand les portes du savoir nous sont ouvertes?! Vous l'aurez compris tous les matins c'est avec regret et incompréhension que nous baissons notre voile au portail. J'ai longtemps effectué ce geste sans me poser de questions, sans me dire qu'il était en réalité injuste, oppressant et insultant. J'ai baissé mon voile des centaines de fois comme si il était normal de procéder ainsi.

Puis, un matin comme les autres je suis arrivée au lycée. J'ai enlevé les épingles qui maintiennent mon voile, comme tous les matins: j'ai commencé à le retirer. Mais je me suis brusquement arrêtée et me suis interrogée. "Pourquoi dois-je retirer mon voile?" Cette question peut paraître extrêmement bête mais à vrai dire elle ne m'avait jamais effleurée

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l'esprit. Elle a fait suite à une multitude de questions qui se sont bousculées dans ma tête: Comment un simple bout de tissu peut-il déranger les autres? Comment peut-il atteindre leur liberté? Comment peut-il entraver leur sécurité? Ce voile que j'aime tant, ce voile que j'ai choisi, ce voile dont je suis fière, ce voile qui me rend heureuse, ce voile que je n'impose à personne: ce voile-là est sur ma tête et non sur celle des autres: alors comment peut-il en soit gêner une quelconque personne?! Personnellement je ne suis aucunement mal à l'aise face aux vêtements des autres. Je ne râle jamais lorsque je vois un homme portant un débardeur, même si je trouve cela affreux. Je n'ai jamais dévisagé une femme en leggings, même si je pense que la mode en a pris un coup. Je ne me suis jamais plaint de la mini-jupe d'une dame, même si je trouve que cet habit manque cruellement de pudeur. Surtout je n'ai jamais ordonné à quelqu'un d'ôter un vêtement qui me déplaît, et ce quoi que j'en pense. Ainsi quoi que vous pensiez du voile, peu importe ce qu'il vous inspire, peu importe que vous le trouviez ou non esthétique: vous n'êtes pas en droit de me l'enlever. Il est à moi. Il m'appartient. Il est sur ma tête et non sur la vôtre. Alors comment peut-on me forcer à le retirer? Pourquoi devrai-je enlever mon voile tous les matins comme si je devrais en avoir honte? Pourquoi devrais-je déposer ma fierté, mon bonheur au portail?

Ce matin-là toutes ces questions m'ont envahi l'esprit. Indépendamment de ma volonté je me suis mise à pleurer. J'ai versé des larmes de haine, des larmes d'injustices. Ce matin-là je n'ai pas eu le courage d'enlever mon voile. Je l'ai remis fièrement me disant intérieurement que je n'avais pas à en avoir honte! Je n'ai pas franchi les portes du lycée, je suis rentrée chez moi, certes bouleversée mais fière. Je me suis enfouie dans mon lit et j'y ai versé toutes les larmes de mon corps. Ce jour-là, j'en ai voulu à la terre entière. J'en ai voulu au gouvernement qui m'impose cette injustice. J'en ai voulu aux musulmans de ne pas s'être assez battu pour notre liberté. J'en ai voulu aux féministes qui crient à l'injustice quand une femme est forcée de porter le voile. Et je rappelle que cela ne fais pas partie de l'islam. Je leur en ai voulue de ne pas hurler à cette même injustice quand une femme est contrainte d'enlever le voile qu'elle a choisi! J'ai accusé la terre entière d'hypocrisie.

J'ai tout remis en question. J'ai remis en question la justice française, mon pays, et même ma volonté de continuer mes études. J'ai songé à quitter la France. J'ai pleuré pour cet avenir morbide que l'on laisse consciemment aux générations à venir... J'ai tout remis en question. Tout, excepté une chose: mon voile. Pourtant pour certaines personnes il aurait été la première chose à blâmer. Mais pas pour moi. Non, certainement pas. Il suffit de connaître sa valeur pour savoir ô combien il nous est cher. Alors si un simple bout de tissu peut me rendre heureuse, pourquoi vouloir chaque matin me rendre triste?

Depuis ce matin-là, je me suis fait la promesse de combattre. Combattre pour mes droits, combattre pour ma dignité, combattre pour la justice, combattre pour mon voile. Mais comment se battre quand la République est contre nous? Cette République qui nous avait promis la liberté. Une liberté bien utopique puisque mon voile est rejetée, sous couvert d'une loi injuste qu'est devenue la laïcité. Le proviseur m'a affirmé que cette loi a pour but de garantir l'égalité des élèves. Elle permet de ne pas être stigmatisé par les professeurs, par exemple, en ne dévoilant pas son appartenance religieuse. Mais au fond pourquoi vouloir la cacher? Est-ce une honte que de croire en Dieu? Doit-on avoir honte d'être musulman, chrétien, juif ou bouddhiste? Doit-on avoir honte de nos convictions et de nos pensées?

Et puis comment peut-on masquer sa religion alors que dans 70% des cas notre prénom trahit (ou plutôt dévoile) notre croyance. Avez-vous oublié? Je m'appelle Hajar ! Hajar était la femme du prophète Ibrahim (Abraham) que la paix soit sur eux. Je n'ai pas à avoir honte de mon prénom, je suis fière de porter le nom de cette femme courageuse et aimée de Dieu! Alors mon prénom serait-il lui aussi contraire à la laïcité? Dois-je changer ma tenue, mon prénom et mon identité pour pouvoir étudier? Doit-on changer ce que l'on est pour pouvoir être fier d'être français?

Vous comprendrez pourquoi je garde un goût amer de la laïcité. Une laïcité répressive à qui je reproche d'être bien trop sélective. Comment ne pas ressentir l'injustice quand vous discutez la tête dévoilée avec une directrice portant le christ autour du cou? Cette croix ne vous gêne aucunement mais c'est cette discrimination qu'elle vous rappelle qui vous dérange. Comment ne pas ressentir l'injustice quand vous marchez dévoilé dans un couloir où le sapin de Noël est installé? Comment ne pas ressentir l'injustice quand vous vous faîtes encore et encore convoquer pour restreindre vos libertés?

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Comment ne pas ressentir l'injustice quant à l'occasion des fêtes de fin d'année, "l'Arbre de Noël" est organisé au lycée tandis que "Le mouton de l'Aïd" n'est même pas concevable? Comment ne pas ressentir l'injustice quand la directrice adjointe, vêtue d'une mini-jupe, juge votre tenue indécente? Est-ce à moi de rappeler à cette dame que la décence s'affilie à la pudeur et qu'ainsi sa tenue est plus à même d'entraver les lois que la mienne?

Ce sont toutes ces petites injustices quotidiennes qui vous font penser que ces personnes, sous couvert de la laïcité, ne font que vous humilier. Ces mêmes personnes qui vous ont découragé dans vos études vous affirmant que "jamais vous n'y arriverez".

Mais heureusement, avec l'aide de Dieu, on ne s'arrête jamais face à ces injustices. Et paradoxalement elles nous rendent plus fortes. On a davantage la volonté de réussir, de ne pas être une simple citoyenne mais d'être la meilleure dans ce que l'on entreprend et ainsi prouver au monde entier que le voile n'est pas une contrainte. Il n'est ni un obstacle, ni un handicap. Il nous pousse à être des femmes cultivées, intelligentes et affirmées.

Ces injustices nous permettent de remercier Dieu. Le remercier de nous avoir guidés, le remercier de nous éprouver.

Enfin, le voile n'est pas contraire à la République. Il se trouvait dans nos églises bien avant de faire polémique, bien avant que la France ne soit laïque.

Le voile n'est pas un frein, la laïcité en est un.

Pour finir, j'encourage mes sœurs à être fière de ce qu'elles sont. Rien ni personne ne peut stopper vos rêves. Dieu Seul peut vous permettre de les réaliser. Alors battez-vous, ne lâchez rien. Allah seul est le garant de notre réussite. Même si cela est difficile, ne vous arrêtez jamais aux propos discriminants de certains de vos professeurs, de votre directeur ou généralement de tous ceux qui vous entourent. Si leurs propos ne visent pas à vous rendre plus forte (bien au contraire) passez outre. Allah est notre protecteur et Il nous suffit. Je répète gardez en tête une seule chose : Allah Seul est le garant de votre réussite.

Je demande à nos frères de ne pas nous oublier. Continuez à vous battre pour que vos sœurs, vos épouses et vos filles puissent devenir des femmes intelligentes comme l'étaient nos modèles, à l’instar d’Aïcha (qu'Allah l'agrée). Ne restez pas passifs, ne basez pas notre avenir sur l'espoir qu'un jour la France acceptera ce que l'on a choisi d'être. Construisez nous des écoles! Bâtissez-les à la sueur de votre front s'il le faut. Soyez fier de nous enfanter, de nous épauler, soyez fier de notre communauté.

Je demande aux français, musulmans ou non, de ne jamais s'arrêter à des préjugés. Ne faîtes pas de certains cas une généralité. N'oubliez pas une belle valeur de notre République (qui est également une valeur islamique): la Fraternité. C'est ainsi que l'on vivra en paix.

Enfin je ne demande rien de particulier à la République, de qui je n'attends plus rien. Je me permets juste de lui rappeler une chose: Le meilleur gouvernement n'est pas celui qui a le meilleur PIB, il n'est pas non plus celui qui possède la meilleure armée, ni celui dont les habitants sont les plus nombreux. Mais le meilleur gouvernement est celui dont les citoyens sont heureux.

Hajar, votre sœur en islam, votre sœur en citoyenneté, votre sœur en l'humanité.

Paix.