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Science & Sports (2012) 27, 180—183 NOTE BRÈVE Effet d’une restriction de l’utilisation d’une jambe suite à une opération de genou sur le volume sanguin et l’oxygénation musculaire Effect of leg immobilization after knee surgery on muscle oxygenation and blood volume N. Olivier a,,b , M. Metron c , F. Prieur d,e a Université Lille-Nord de France, 9, rue de l’Université, 59790 Ronchin, France b UDSL, EA4488, 59790 Ronchin, France c Centre de rééducation « Les Hautois », rue de la IV e -République, 62590 Oignies, France d EA 4248, laboratoire AMAPP, 45100 Orléans, France e Équipe RIME, laboratoire CIAMS, 91405 Paris XI, France Rec ¸u le 25 janvier 2011 ; accepté le 29 avril 2011 Disponible sur Internet le 19 octobre 2011 MOTS CLÉS Genou ; Chirurgie ; Déconditionnement Résumé Introduction. Cette étude avait pour objectif d’évaluer, chez des sportifs, les effets d’une restriction de l’utilisation d’une jambe, suite à une opération de genou sur le volume sanguin (VS) et l’oxygénation musculaire (OXY) lors d’un exercice incrémental. Le VS et l’OXY ont été mesurés au niveau du quadriceps par spectrométrie dans le proche infrarouge (NIRS). Méthodes et résultats. Seize footballeurs opérés d’une ligamentoplastie de genou et huit sujets indemnes de pathologie (groupe témoin) ont participé à ce protocole. Les sujets ont réalisé un test incrémental sur chaque jambe en utilisant une presse en position assise. Les résultats montrent qu’à tous les niveaux d’exercice (valeurs absolues), OXY était significative- ment plus élevé pour la jambe opérée comparé à la jambe controlatérale, en revanche VS était identique. Aucune différence entre les deux jambes n’a été observée chez le groupe témoin. Conclusion. Le signal NIRS permettrait d’objectiver de fac ¸on indirecte les adaptations péri- phériques en réponse à une phase d’hypo-activité. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Olivier). 0765-1597/$ see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.scispo.2011.04.008

Effet d’une restriction de l’utilisation d’une jambe suite à une opération de genou sur le volume sanguin et l’oxygénation musculaire

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cience & Sports (2012) 27, 180—183

OTE BRÈVE

ffet d’une restriction de l’utilisation d’une jambeuite à une opération de genou sur le volume sanguint l’oxygénation musculaireffect of leg immobilization after knee surgery on muscle oxygenation andlood volume

. Oliviera,∗,b, M. Metronc, F. Prieurd,e

Université Lille-Nord de France, 9, rue de l’Université, 59790 Ronchin, FranceUDSL, EA4488, 59790 Ronchin, FranceCentre de rééducation « Les Hautois », rue de la IVe-République, 62590 Oignies, FranceEA 4248, laboratoire AMAPP, 45100 Orléans, FranceÉquipe RIME, laboratoire CIAMS, 91405 Paris XI, France

ecu le 25 janvier 2011 ; accepté le 29 avril 2011isponible sur Internet le 19 octobre 2011

MOTS CLÉSGenou ;Chirurgie ;Déconditionnement

RésuméIntroduction. — Cette étude avait pour objectif d’évaluer, chez des sportifs, les effets d’unerestriction de l’utilisation d’une jambe, suite à une opération de genou sur le volume sanguin(VS) et l’oxygénation musculaire (OXY) lors d’un exercice incrémental. Le VS et l’OXY ont étémesurés au niveau du quadriceps par spectrométrie dans le proche infrarouge (NIRS).Méthodes et résultats. — Seize footballeurs opérés d’une ligamentoplastie de genou et huitsujets indemnes de pathologie (groupe témoin) ont participé à ce protocole. Les sujets ontréalisé un test incrémental sur chaque jambe en utilisant une presse en position assise. Lesrésultats montrent qu’à tous les niveaux d’exercice (valeurs absolues), OXY était significative-ment plus élevé pour la jambe opérée comparé à la jambe controlatérale, en revanche VS était

identique. Aucune différence entre les deux jambes n’a été observée chez le groupe témoin.Conclusion. — Le signal NIRS permettrait d’objectiver de facon indirecte les adaptations péri-phériques en réponse à une phase d’hypo-activité.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Olivier).

765-1597/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.scispo.2011.04.008

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Effet d’une restriction de l’utilisation d’une jambe sur l’oxygénation musculaire 181

KEYWORDSKnee;Surgery;Deconditioning

SummaryIntroduction. — The aim of this study was to assess effects of a leg immobilization period follo-wing surgical of knee on muscle oxygenation (OXY) and blood volume (VS) monitored with NearInfrared Spectroscopy (NIRS).Methods and results. — Sixteen amateur soccer players having undergone anterior cruciate liga-ment reconstruction and eight healthy subjects (control group) took part in this study. Fromhorizontal leg press, the subjects carried out a graded test on each leg. At each submaximalpower (absolute values), OXY were significantly higher in non-surgical leg, on the other handthe data of the VS are identical in both legs. No difference was observed for the control group.Conclusion. — The technique of near infrared spectrometry could objectify the peripheral adap-tations in response to a phase of reduced activity.

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© 2011 Elsevier Masson SAS

1. Introduction

À la suite à d’une ligamentoplastie de genou, l’activitémotrice résiduelle est limitée et une moindre sollicita-tion de la jambe opérée est requise. Cette diminutiondébute à l’accident et se poursuit plusieurs semaines aprèsl’opération. Il est bien établi que la restriction de cetteactivité ambulatoire a un effet délétère sur la fonctionmusculaire. Une atrophie musculaire, une diminution del’activité des enzymes oxydatives et du volume mitochon-drial ainsi qu’une élévation de l’activité des enzymesglycolytiques peuvent se produire après une période dedésentraînement. Il a aussi été observé que la capacité devasodilatation artérielle était altérée à la suite d’une immo-bilisation [1]. Cela suggère que l’inactivité pourrait induireune diminution du débit sanguin musculaire et par consé-quent une diminution de l’apport d’O2 pendant l’effort.Les conséquences de la réduction de l’activité motrice surl’apport d’O2 et de son utilisation par le muscle lors del’exercice n’ont pas été explorées à partir de données issuesde la spectrométrie dans le proche infrarouge (NIRS) dansce contexte clinique. Pourtant, cette technique noninva-sive pourrait être intéressante à utiliser en rééducation, ellepermet de suivre en continu l’évolution de l’oxygénation(OXY) et du volume sanguin (VS) dans le muscle actif pen-dant l’effort [2]. L’objectif de cette étude est d’évaluer leseffets d’une restriction de l’utilisation d’une jambe suiteà une opération du genou sur OXY et VS lors d’un exerciceincrémental.

2. Population et méthodes

2.1. Population

Seize footballeurs de niveau régional (âge : 25 ± 3 ans ;taille : 178 ± 4 cm ; masse corporelle : 75 ± 4 kg) ont parti-cipé à cette étude. Ces personnes ont été transférées dans leservice de rééducation fonctionnelle 6 ± 2 jours après la chi-rurgie de reconstruction du ligament croisé antéro-externe(technique : Kenneth Jones). Pour l’ensemble des sujets, ils’est écoulé une période moyenne de 3,1 ± 0,2 mois de ces-

sation des activités sportives entre le traumatisme initialet la date opératoire. Le groupe témoin était composé dehuit personnes saines sans aucun antécédent chirurgical, cegroupe était apparié en âge et en sexe au groupe des sportifsopérés.

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rights reserved.

.2. Protocole

es sujets ont réalisé, cinq semaines après l’opération, unest incrémental sur chaque jambe en utilisant une pressen position assise. La cadence était imposée par un métro-ome à 50 répétitions/min. La charge initiale était de 20 kg,a durée des paliers était d’une minute et les incrémentse charge de 10 kg. Les tests incrémentaux se sont tou-ours déroulés le matin, dans des conditions identiques.oncernant le groupe de sujets opérés, le premier test étaitffectué avec la jambe opérée. Le patient était encou-agé tout au long de l’évaluation et avait pour consigne’atteindre le palier le plus élevé possible. Un second testncrémental était réalisé 24 heures plus tard avec la jambeaine, le patient était stoppé lorsque celui ci atteignaita charge correspondant à la charge maximale obtenue duoté opéré. Concernant le groupe témoin, un tirage auort a systématiquement été réalisé avant la mise en placeu protocole afin de déterminer la jambe à évaluer enremier.

.3. Mesure de l’oxygénation et du volumeusculaire

’appareillage utilisé (cwNIRS, NIMS, États-Unis) a étéalidé par Lin et al. [3]. La procédure d’application de’électrode en regard du vaste externe était la même pour’ensemble des tests incrémentaux. Le capteur était appli-ué sur le muscle, préalablement localisé grâce à uneontraction volontaire, à environ 12 cm du genou. Il étaitigoureusement maintenu en position grâce à une bandelastique. L’épaisseur du pli cutané au niveau de la sur-ace d’application de l’électrode NIRS était en moyennee 0,74 ± 0,25 cm assurant une mesure effective du muscleiblé. Le système NIRS permettait de mesurer les variationse l’oxyhémoglobine (HbO2) et de la désoxyhémoglobineHHb). Les variations de l’oxygénation musculaire était éva-uées avec OXY (OXY = HbO2 — HHb) et les variations duolume sanguin étaient évaluées avec VS (VS = HbO2 + HHb).es signaux OXY et VS enregistrés au niveau du vaste latéraltaient exprimés en unités arbitraires (UA).

.4. Le protocole de rééducation conventionnelle

ous les patients ont bénéficié d’une prise en charge en hôpi-al de jour du lundi au vendredi à raison de cinq heures

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182 N. Olivier et al.

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igure 1 Volume sanguin de la jambe saine et de la jambe op

uotidiennes. Les exercices et techniques mis en placetaient similaires de facon à standardiser la rééducation.es premières semaines étaient caractérisées par des dépla-ements en béquilles avec orthèse. L’objectif prioritairetant une remise en charge progressive du patient avec uneécupération des fonctions élémentaires du genou : ampli-udes articulaires, verrouillage actif en extension, fonctionusculaire minimale.

.5. Analyses statistiques

es calculs statistiques ont été réalisés avec le logiciel Systat.0. Les moyennes et les écarts-types ont été calculés pour’ensemble des variables. Pour chaque paramètre, un teste normalité Shapiro-Francia a été réalisé. Une analyse deariance à deux voies (intensité de l’exercice par jambe) àesures répétées a été utilisée. Le seuil de significativité a

té fixé à p < 0,05.

. Résultats

our le groupe opéré, à toutes les intensités d’exercice, VSe la jambe opérée était identique à VS de la jambe saineFig. 1). En revanche, OXY de la jambe opérée était signi-cativement plus élevé (Fig. 2). Pour le groupe témoin, VS

dp

a

igure 2 Oxygénation musculaire de la jambe saine et de la jamrbitraires. * p < 0,05.

lors de l’exercice incrémental (n = 16). UA : unités arbitraires.

t OXY de la jambe gauche n’étaient pas différent de VS etXY de la jambe droite.

. Discussion

l semblerait que la réduction de l’activité ambulatoire’ait pas de répercussion sur l’évolution du volume san-uin musculaire lors de l’exercice puisqu’aucune différence’a été enregistrée entre la jambe saine et la jambepérée (Fig. 1). Pourtant, certains travaux mettent envidence une diminution de débit sanguin et une moinsrande vasodilatation après une phase de décondition-ement. Cependant, Rakobowchuk et al. [4] ont montréu’une période d’immobilisation unilatérale avait pourffet d’altérer la structure de l’artère fémorale (diamètret compliance) de la jambe non concernée par l’hypo-ctivité. Nous émettons l’hypothèse que, dans notre étude,a sous-utilisation de la jambe opérée a probablementngendré des modifications vasculaires sur la jambe saine,e qui pourrait en partie expliquer l’absence de diffé-ence entre VS de la jambe opérée et VS de la jambeaine. Une mesure des débits sanguins locaux au niveau

e l’artère fémorale serait nécessaire pour préciser ceoint.

En revanche, il semble que la réduction de l’activitémbulatoire ait eu un effet important sur l’évolution de

be opérée lors de l’exercice incrémental (n = 16). UA : unités

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Effet d’une restriction de l’utilisation d’une jambe sur l’oxy

l’oxygénation musculaire lors de l’exercice incrémentalpuisque OXY de la jambe opérée était plus élevée que OXYde la jambe saine à toutes les intensités d’exercice (Fig. 2).Étant donné que, lors de l’exercice incrémental, les valeursd’OXY des deux jambes du groupe témoin étaient iden-tiques, cette différence serait liée à la sous-utilisation dela jambe opérée. Cette plus grande oxygénation musculairepourrait s’expliquer par un déconditionnement périphériquemusculaire et métabolique se traduisant entre autres parune diminution significative de l’activité des enzymes oxy-datives. Cette réduction serait plus rapide que la réductionde la capillarisation et de VO2-max. Ainsi, après trois semainesd’inactivité sportive, il a été constaté une baisse de 64 %de l’activité des principales enzymes oxydatives. Certainstravaux ont aussi mis en évidence une réduction de 28 %de la capacité mitochondriale de synthèse de l’ATP aprèsseulement trois semaines de désentraînement. L’ensemblede ces modifications pourrait ainsi conduire à une moinsbonne capacité à utiliser l’oxygène lors de l’effort. La consé-quence de cette altération de la capacité du muscle àutiliser l’oxygène serait une réduction de l’extraction del’oxygène et donc une élévation du niveau d’oxygénationmusculaire de la jambe opérée. Cela est en accord avec nosrésultats indiquant que OXY était significativement plus éle-vée pour la jambe opérée que pour la jambe saine (Fig. 2).Nos données sont donc en accord avec celles de la littératuremême si, à l’heure actuelle, peu d’études ont analysé leseffets d’une période de désentraînement sur l’oxygénationmusculaire mesurée avec la spectrométrie dans le proche

infrarouge. La technologie NIRS pourrait être intéressante àutiliser en réathlétisation dans la prise en charge de spor-tifs blessés afin d’analyser la récupération des capacitésmusculaires.

tion musculaire 183

. Conclusion

ors d’un effort incrémental, nos résultats mettent envant un niveau d’oxygénation musculaire plus élevé poura jambe opérée comparé au coté controlatéral sain. Leignal NIRS permettrait d’objectiver de facon indirecte eton-invasive les adaptations périphériques en réponse à unehase d’hypo-activité.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

1] Bleeker MW, De Groot PC, Rongen GA, Rittweger J, FelsenbergD, Smits P, et al. Vascular adaptation to deconditioning and theeffect of an exercise countermeasure: results of the Berlin bedrest study. J Appl Physiol 2005;99(4):1293—300.

2] Hamaoka T, McCully KK, Quaresima V, Yamamoto K, ChanceB. Near-infrared spectroscopy/imaging for monitoring muscleoxygenation and oxidative metabolism in healthy and diseasedhumans. J Biomed Opt 2007;12(6):062—105 [Review].

3] Lin Y, Lech G, Farmer JM. Noninvasive, low-noise, fast imagingof blood volume and deoxygenation changes in muscles usinglight emitting diode continuous-wave imager. Rev Sci Instrum2002;73(8):3065—74.

4] Rakobowchuk M, Crozier J, Glover EI, Yasuda N, Phil-lips SM, Tarnopolsky MA, et al. Short-term unilateral leg

immobilization alters peripheral but not central arterialstructure and function in healthy young humans. Eur JAppl Physiol 2011;111(2):203—10. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20852882.