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Effets de l’hypnose lors des soins dentaires Charlène Jugé, Stéphanie Tubert-Jeannin Université d’Auvergne, faculté de chirurgie dentaire, laboratoire EA3847, 63000 Clermont-Ferrand, France Correspondance : Stéphanie Tubert-Jeannin, Université d’Auvergne, faculté de chirurgie dentaire, laboratoire EA3847, 11, boulevard Charles-de-Gaulle, 63000 Clermont-Ferrand, France. [email protected] Disponible sur internet le : 18 février 2013 en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Presse Med. 2013; 42: e114e124 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. e114 Revue de la littérature Summary Effects of hypnosis in dental care Objective > Hypnosis is widely used in medicine and dentistry, but many practitioners still consider it as a mysterious tech- nique. Thus, a systematic review was conducted to assess the effects of hypnosis during dental treatment. Methods > A literature search was conducted on PubMed (19812012) to retrieve references, written in French or Eng- lish, reporting controlled clinical studies that have evaluated any type of hypnosis. The quality of included studies was assessed by evaluating randomisation, blindness and drop- outs. The effects of hypnosis on anxiety, physiological para- meters, patients’ behaviour or pain were analysed descrip- tively. Results > The electronic search retrieved 556 references. Nine studies, generally characterized by low methodological qua- lity, were selected. Results indicated that hypnosis has significant positive effects on anxiety, pain, behaviour and physiological parameters when it is compared with no treat- ment. When hypnosis is compared with other psychological treatment such as cognitive behavioral therapy (CBT), the effects on anxiety and behaviour are almost identical with an advantage for CBT. Individualized hypnosis brings more benefits than standardized hypnosis with audio recordings. Conclusion > This review demonstrated the effectiveness of hypnosis but the poor quality of the clinical studies and the multiplicity of evaluation outcomes limit the level of evidence. Résumé Objectif > L’hypnose est largement utilisée en médecine et en odontologie mais de nombreux praticiens considèrent encore celle-ci comme une technique mystérieuse. Ainsi, une revue systématique a été réalisée pour évaluer les effets objectifs de l’hypnose lors des soins dentaires. Méthodes > Une recherche bibliographique a été réalisée via PubMed entre 1981 et 2012 pour retrouver les articles rédigés en français ou en anglais rapportant les études cliniques contrôlées ayant évalué différentes approches hypnotiques. La qualité des études a été notamment appréciée en se basant sur la randomisation, l’évaluation en aveugle des critères de jugement et le taux de perdus de vue. Les effets de l’hypnose sur l’anxiété, la douleur et d’autres paramètres physiologiques ainsi que le comportement ont été évalués de façon descrip- tive. Résultats > Neuf études, globalement caractérisées par une qualité méthodologique faible, ont ainsi été sélectionnées parmi les 556 références retrouvées. Il est apparu que l’utilisa- tion de l’hypnose lors des soins dentaires a des effets positifs significatifs sur l’anxiété, la douleur, le comportement et les paramètres physiologiques du patient quand elle est comparée à l’absence de traitement. Quand l’hypnose est comparée à d’autres techniques de prise en charge psychologique comme la thérapie cognitivocomportementale (TCC), les effets sur l’anxiété et le comportement sont comparables avec un avan- tage pour les TCC dans deux études. L’hypnose avec un tome 42 > n84 > avril 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.08.006

Effets de l’hypnose lors des soins dentaires

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Presse Med. 2013; 42: e114–e124� 2013 Elsevier Masson SAS.

Tous droits réservés.

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Summary

Effects of hypnosis in dental c

Objective > Hypnosis is widely usbut many practitioners still connique. Thus, a systematic revieweffects of hypnosis during dentaMethods > A literature search

(1981–2012) to retrieve referenlish, reporting controlled clinicaany type of hypnosis. The quaassessed by evaluating randomouts. The effects of hypnosis onmeters, patients’ behaviour or

tively.Results > The electronic search rstudies, generally characterizedlity, were selected. Results isignificant positive effects on aphysiological parameters when

ment. When hypnosis is compatreatment such as cognitive beffects on anxiety and behavioan advantage for CBT. Individubenefits than standardized hypnConclusion > This review demonhypnosis but the poor quality omultiplicity of evaluation outcom

Effets de l’hypnose lors des soins dentaires

Charlène Jugé, Stéphanie Tubert-Jeannin

Université d’Auvergne, faculté de chirurgie dentaire, laboratoire EA3847, 63000Clermont-Ferrand, France

Correspondance :Stéphanie Tubert-Jeannin, Université d’Auvergne, faculté de chirurgie dentaire,laboratoire EA3847, 11, boulevard Charles-de-Gaulle, 63000 Clermont-Ferrand,[email protected]

Disponible sur internet le :18 février 2013

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ed in medicine and dentistry,sider it as a mysterious tech-

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anxiety, physiological para-pain were analysed descrip-

etrieved 556 references. Nine by low methodological qua-ndicated that hypnosis hasnxiety, pain, behaviour andit is compared with no treat-red with other psychologicalehavioral therapy (CBT), theur are almost identical withalized hypnosis brings moreosis with audio recordings.strated the effectiveness off the clinical studies and thees limit the level of evidence.

Résumé

Objectif > L’hypnose est largement utilisée en médecine et enodontologie mais de nombreux praticiens considèrent encorecelle-ci comme une technique mystérieuse. Ainsi, une revuesystématique a été réalisée pour évaluer les effets objectifs del’hypnose lors des soins dentaires.Méthodes > Une recherche bibliographique a été réalisée viaPubMed entre 1981 et 2012 pour retrouver les articles rédigésen français ou en anglais rapportant les études cliniquescontrôlées ayant évalué différentes approches hypnotiques.La qualité des études a été notamment appréciée en se basantsur la randomisation, l’évaluation en aveugle des critères dejugement et le taux de perdus de vue. Les effets de l’hypnosesur l’anxiété, la douleur et d’autres paramètres physiologiquesainsi que le comportement ont été évalués de façon descrip-tive.Résultats > Neuf études, globalement caractérisées par unequalité méthodologique faible, ont ainsi été sélectionnéesparmi les 556 références retrouvées. Il est apparu que l’utilisa-tion de l’hypnose lors des soins dentaires a des effets positifssignificatifs sur l’anxiété, la douleur, le comportement et lesparamètres physiologiques du patient quand elle est comparéeà l’absence de traitement. Quand l’hypnose est comparée àd’autres techniques de prise en charge psychologique commela thérapie cognitivocomportementale (TCC), les effets surl’anxiété et le comportement sont comparables avec un avan-tage pour les TCC dans deux études. L’hypnose avec un

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It is therefore necessary to conduct further clinical studies toconfirm the effects of hypnosis during dental treatments.

thérapeute en « live » apporte plus de bénéfices qu’un enre-gistrement audio avec une hypnose standardisée.Conclusion > Cette revue de littérature montre l’efficacité del’utilisation de l’hypnose lors de soins dentaires mais la faiblequalité des études cliniques répertoriées et la multiplicité descritères d’évaluation utilisés limitent le niveau de preuveobtenu. Il apparaît donc nécessaire de conduire d’autres étudescliniques plus larges et complètes pour pouvoir mieux apprécierles effets de l’hypnose lors des soins dentaires.

Effets de l’hypnose lors des soins dentaires

IntroductionL’hypnose, connue depuis l’Antiquité, a pris un nouvel essor auXX

e siècle avec un psychiatre américain, Milton Erickson (1901–

1980). Pour lui, l’état hypnotique n’est pas, comme on lecroyait jusqu’alors, le résultat de l’influence d’un hypnotiseurtout-puissant sur un sujet faible, à qui le premier pouvait fairefaire toutes les fantaisies qu’il lui ordonnait.L’Association médicale britannique a ainsi donné en 1955 unedéfinition de l’hypnose précisant qu’il s’agit d’un état passagerd’attention modifiée. L’hypnose est définie aujourd’hui commeun processus dynamique et la transe hypnotique comme unétat de conscience particulier situé entre la veille et le sommeil.L’hypnose est un phénomène naturel : dans notre vie quoti-dienne, nous nous trouvons plusieurs fois par jours en état detranse hypnotique spontanée. Cet état familier n’est pas iden-tifié dans la vie courante du fait de sa banalité. La capacitéd’accéder à l’état hypnotique est donc une faculté que chacund’entre nous possède. En hypnose médicale, le thérapeutefacilite la transition et le maintien de l’état de transe hypno-tique en utilisant un langage particulier. Il se produit alors chezle patient, un changement dans le mode de fonctionnement ducerveau avec notamment une altération des perceptions. Lepatient focalise son attention vers son vécu intérieur et metentre parenthèses les éléments extérieurs non pertinents. Lacommunication entre le patient et le praticien thérapeute estbien au coeur de la pratique de l’hypnose [1–4].Les champs d’application de l’hypnose en médecine sont vasteset de nombreuses études cliniques ont permis d’évaluer sonefficacité pour réduire l’anxiété et la douleur lors de soinsmédicaux invasifs ; l’hypnose est utilisée alors en complémentou en remplacement des techniques pharmacologiqueshabituelles d’analgésie [5–7]. L’hypnose fait aussi partie del’arsenal thérapeutique pour le traitement des douleurschroniques [8].De même, les effets bénéfiques de l’hypnose ont été mis enévidence en obstétrique lors de l’accouchement [9].L’intérêt pour l’hypnose est croissant car il existe de la part despatients une demande importante pour des thérapeutiquesnon médicamenteuses avec potentiellement moins d’effets

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secondaires. D’autre part, les progrès de la recherche enneurosciences ont permis d’expliquer les modalités avec les-quelles l’hypnose intervient au niveau du système nerveuxcentral et participe au contrôle descendant de la douleur[10,11].Ainsi, l’usage de l’hypnose se développe et ce notamment enodontologie. Tout d’abord, la sphère oro-faciale est le siège dedouleurs chroniques invalidantes telles que les algies facialesatypiques : l’hypnose peut alors être un outil thérapeutiqueefficace pour soulager les patients [12]. La peur et l’angoisseassociées aux soins dentaires sont des obstacles au bon dérou-lement des soins, voire des facteurs d’évitement des soinsdentaires [13]. L’anxiété face aux soins dentaires s’explique enpartie par la peur de la douleur générée le plus souvent par desexpériences précédentes douloureuses et traumatisantes. Faceà ce problème, des solutions existent telles que la réalisationdes soins dentaires sous anesthésie générale, sédationconsciente ou l’utilisation de thérapies psychocomportemen-tales [14,15].L’hypnose peut faire partie des solutions proposées etreprésente une source d’amélioration de confort facilitant lebon déroulement des séances de soins futures, notammentchez les enfants [16].Ces éléments montrent l’intérêt de l’hypnose en médecine eten odontologie mais de nombreux praticiens considèrentencore celle-ci comme une technique mystérieuse ou ésotéri-que. Il apparaît donc intéressant d’évaluer l’apport réel etconcret de l’hypnose en odontologie. Les techniques de « den-tisterie basée sur la science » sont actuellement largementutilisées pour évaluer l’impact des traitements mis en place encabinet dentaire. Il existe deux revues systématiques ayantévalué les effets de l’hypnose en odontologie chez l’enfant [16]ou lors de procédures médicales utilisant des injections [17].Les résultats de ces deux revues confirment l’intérêt de l’hyp-nose médicale sur l’anxiété ou la douleur mais aucune revue n’aencore évalué l’effet de l’hypnose lors des soins dentairesnotamment chez l’adulte. Une revue systématique a doncété réalisée pour répondre à la question suivante : quels sontles effets de l’hypnose lors des soins dentaires ?

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C Jugé, S Tubert-Jeannin

Méthodes

Recherche bibliographiqueUne recherche bibliographique a été réalisée sur la base dedonnées PubMed (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed) en utili-sant les mots clés suivants : (hypnosis OR autosuggestion ORauto-suggestion OR relaxation therapy) AND (dental OR dentistOR oral cavity OR dentistry OR tooth OR teeth) AND (anxiety OReffects OR efficacy OR evaluation OR impact OR trial OR clinicalOR random*).

Critères d’inclusion

Les références correspondant à des articles rédigés en anglaisou en français ont été prises en compte. Les articles écrits dansune autre langue n’ont pas été considérés. Les référencesanciennes sans résumé, souvent publiées avant 1981, n’ontpas été évaluées du fait de l’impossibilité d’appliquer lescritères d’inclusion.Les références rapportant des revues de littérature, des étudesépidémiologiques ou des études expérimentales faites chezl’homme ou l’animal ont été exclues. Les études évaluantl’effet de l’hypnose auprès de patients souffrant de troublesdouloureux chroniques ont été exclues.Les études cliniques prospectives comparant un groupe avechypnose avec un groupe contrôle ont été sélectionnées. L’hyp-nose devait être utilisée en lien avec la réalisation de soinsdentaires. Les études considérant tous types de participants oude soins dentaires ont été sélectionnées. Tous les types deméthodes hypnotiques ; avec intervention d’un thérapeute oupar utilisation d’une cassette audio ont été sélectionnés. L’hyp-nose pouvait être associée ou non à l’usage de l’anesthésielocale ou à des techniques de sédation. L’intervention hypno-tique pouvait avoir lieu avant ou pendant le(s) soin(s) den-taire(s). Les groupes contrôles n’avaient aucune interventionhypnotique mais pouvaient bénéficier d’autres traitementscomme la relaxation, la diffusion de musique, l’anesthésiegénérale seule, un moyen de sédation seul ou une thérapiepsychologique. Les études intégrant tout type de critère d’éva-luation (douleur, comportement, paramètres physiologiques,anxiété) ont été incluses.

Sélection des études et extraction des données

Les titres et résumés des références retrouvées ont été ana-lysés. Une première sélection d’articles susceptibles de figurerdans la revue systématique a été réalisée. Ainsi, les référencesrapportant des études expérimentales, épidémiologiques, desrecommandations ou revues de synthèse ont été éliminées. Lescopies complètes des études potentiellement pertinentes(études cliniques) et de celles avec une insuffisance dedonnées dans le résumé ont été obtenues et examinées.Les données suivantes ont été extraites des étudessélectionnées : auteur, pays, année de publication, typed’étude, nombre et caractéristiques des patients, type de soins

dentaires réalisés, méthode hypnotique utilisée, caractéris-tiques des groupes contrôles ainsi que les paramètres étudiés,les résultats des comparaisons effectuées et le nombre desujets inclus et ceux exclus ou perdus de vue (= drop-out)avant analyse.

Évaluation de la qualité des études

L’évaluation de la qualité des études s’est faite selon troiscritères principaux : la randomisation, l’évaluation en aveugledes paramètres de l’étude et le nombre de sujets perdus de vue(drop-out). La randomisation est obtenue par tirage au sort del’attribution des traitements et donc des groupes d’étude pourchaque patient. Elle permet d’attribuer au traitement étudié, enexcluant tout autre critère susceptible d’être mis en cause, lesdifférences observées entre les groupes en fin d’étude. L’aveu-gle réduit les risques de biais lors de l’évaluation des critères dejugement. Dans le cas d’une étude en double aveugle, nil’investigateur ni le patient ne connaissent le traitementadministré ce qui assure l’objectivité de l’évaluation. Pourles études incluses ici, le respect de l’aveugle par l’examinateura été considéré comme un élément important de qualité, lepatient ayant connaissance du traitement administré. La perted’une proportion importante de sujets (drop-out) entre l’inclu-sion dans l’étude et l’analyse est source de biais. Le risque debiais augmente si le taux de drop-out varie selon les groupes ouquand il n’existe aucune information sur le nombre de sujetsperdus en cours d’étude. La comparabilité initiale des groupesétudiés peut alors être altérée et la validité des résultats remiseen cause.

Analyse des effets de l’hypnose

Dans cette revue systématique, l’appréciation des effets del’hypnose a été réalisée de façon descriptive sans calculsstatistiques ou de méta-analyse. Deux comparaisons ont étéréalisées : hypnose versus pas de traitement et hypnose versusautre traitement. Pour chaque comparaison, les données d’éva-luation telles que l’anxiété, la douleur, les paramètres physio-logiques (pression artérielle, fréquence cardiaque), lecomportement (pleurs-cris) ont été analysées séparément.

Résultats

Recherche bibliographiqueUne recherche bibliographique a été réalisée le 11 juin 2012 enutilisant les mots clefs annoncés précédemment. Cinq centcinquante-six références ont été retrouvées.

Sélection des études

Parmi les 556 références retrouvées, 384 comprenaient unrésumé et 335 étaient rédigées en anglais ou en français. Àpartir de ces 335 références, 33 études cliniques ont étéprésélectionnées sur résumé pour une évaluation approfondiedu texte de l’article.

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Figure 1

Procédure de sélection des études incluses

Effets de l’hypnose lors des soins dentaires

L’application des critères de sélection a conduit à l’exclusion de24 de ces études. Parmi celles-ci, 12 études ont été exclues carles patients ne bénéficiaient pas de soins dentaires lors del’étude. L’absence d’un groupe contrôle dans dix autres étudesa entraîné leur exclusion.Une étude rapportant un cas clinique a été exclue également.Une étude évaluant l’effet d’un traitement d’acupuncture auri-culaire a aussi été exclue (figure 1).

Description des études incluses

Ainsi neuf études ont été incluses regroupant au total 708 par-ticipants (tableau I) [18–26]. Huit des neuf études sont desessais thérapeutiques contrôlés avec des groupes parallèles etune étude est un essai croisé [18]. La taille des échantillonsvarie d’un minimum de 29 à un maximum de 174 patients.Deux études concernent des enfants [18,26] tandis que lesautres regroupent des patients adultes. Pour six études, il s’agitde personnes en bonne santé, sans troubles psychiatriquesalors que dans trois études, les patients sont des personnesphobiques des soins dentaires [18,21].Selon les études, deux types de comparaison sont réalisés :� hypnose versus pas de traitement [18,22–24,26] ou musique

de relaxation [25] ;� hypnose versus autre thérapie incluant la thérapie cogniti-

vocomportementale (TCC) [20], la désensibilisation et la

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thérapie de groupe [21] ou la thérapie psychophysiologique(TPP) [19].

La méthode hypnotique la plus largement utilisée est l’enre-gistrement audio de suggestions hypnotiques [20,22–25]. Cinqétudes font intervenir un thérapeute : un dentiste [18,20], unpsychologue [19,21] ou un anesthésiste [26]. Dans deuxétudes, il est précisé que des suggestions hypnotiques visantà favoriser le confort, le soulagement de la douleur ou lacicatrisation ont été utilisées [22,23].Les soins dentaires effectués varient selon les études ; soinsdivers avec traitements restaurateurs [18–21,26], extraction dedents de sagesse [22,23,25] et pose d’implants [24].Les patients ont reçu des soins sous anesthésie locale sauf dansdeux études où les patients ont eu une sédation inconsciente[23,25].Le critère d’évaluation le plus fréquemment retrouvé est l’an-xiété avec neuf échelles de mesure différentes selon les études[19–24,26]. D’autres échelles psychologiques sont prises encompte pour évaluer les opinions négatives, le désir et lapossibilité de contrôle exercée par le patient lors des soinsdentaires [20], l’état de relaxation [19], l’efficacité du traite-ment [20], le comportement [18,26] ou la coopération lors dessoins [19]. L’évaluation de la douleur est fondée sur l’utilisationd’échelles visuelles analogiques [23,25,26], l’évaluation de laquantité d’anesthésique nécessaire [25] et de comprimés

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Tableau I

Description des études incluses

Étude Taille Comparaison Population Soins dentaires Techniqued’hypnose

Critèresévaluation

Échelles utilisées

Eitner et al.,2011 [24]

82 HypnosePas de traitement

Adultes Implants AudioPeropératoire

AnxiétéP. Physiologiques

Corah’s Dental Anxiety ScaleModifié (AZI)

FC, PA, Saturation

Enqvist et Fischer,1997 [22]

72 HypnosePas de traitement

Adultes Extraction dents de sagesse AudioPréopératoire

AnxiétéDouleur

Échelle visuelle analogique (EVA)Consommation d’antalgiques

Ghoneimet al., 2000 [23]

60 HypnosePas de traitement

Adultes Extraction dentsde sagesse avec sedation

AudioPréopératoire

AnxiétéDouleurNausées

State-Trait Anxiety Inventory (STAI)Douleur (EVA), antalgiques

Nausées (EVA)

Mackey, 2010 [25] 91 HypnoseMusique de relaxation

Adultes Extraction dentsde sagesse avec sedation

AudioPeroperatoire

SédationDouleur

Consommation de propofolet d’antalgiques

Douleur postopératoire (EVA)

Moore et al.,1996 [21]

174 HypnoseThérapie de groupe

DésensibilisationContrôle (AG)

AdultesPhobiques

Soins dentaires ThérapeutePréopératoire

AnxiétéPeur

Corah’s Dental Anxiety Scale (DAS)Dental Fear Survey (DFS)

Dental Beliefs Survey (DBS)State-Trait Anxiety Inventory (STAI)

Geer Fear Scale (GFS)Échelle visuelle analogique (EVA)

Hammarstrandet al., 1995 [19]

33 HypnoseThérapie

psychophysiologiqueContrôle (AG)

Adultes femmesPhobiques

Soins dentaires ThérapeutePréopératoire

AnxiétéComportement

HumeurPeur

Corah’s Dental Anxiety Scale (DAS)Dental Situation Reactions (DSR)Mood Adjective Checklist (MACL)

Geer fear Scale (GFS)

Wannemuelleret al., 2011 [20]

137 Hypnose (audio)Hypnose (thérapeute)

TCCContrôle (AG)

AdultesPhobiques

Soins dentaires Audio ou thérapeutePré- et peropératoire

AnxiétéOpinions

et attitudes vis-à-visdes soins dentaires

Hierarchical Anxiety QuestionnaireCorah’s Dental Anxiety Scale (DAS)

State-Trait Anxiety InventoryDental cognition questionnaire (DCQ)

Iowa Dental Control Index (IDCI p)

Gokli et al.,1994 [18]

29 HypnosePas de traitement

Enfants Soins dentairesInj. anesthésie

ThérapeutePeropératoire

P. PhysiologiquesComportement

FC, saturationNorth Carolina Behavior rating Scale (NCBRS)

Huet et al.,2011 [26]

30 HypnosePas de traitement

Enfants Soins dentairesInj. anesthésie

ThérapeutePeropératoire

AnxiétéDouleur

Comportement

Modified Yale anxiety scale (YPAS)Échelle visuelle analogique (EVA)

Pleurs, mouvements (mOPS)

TCC : thérapie cognitivocomportementale ; P ; paramètres ; FC : fréquence cardiaque ; PA : pression artérielle ; Inj. anesthésie : évaluation au moment de l’anesthésie locale.

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Tableau II

Qualité des études incluses

Étude Randomisation Examinateuraveugle

Sujets exclus ou perdusavant analyse, par groupe (%)

Qualitéde l’étude

Eitner et al. (2011) [24](n = 82)

Oui Non précisé Non précisé 1

Enqvist et Fischer (1997) [22](n = 72)

Oui Oui Incertain : 3 sujets exclusdans le groupe Hypnose

2+

Ghoneim et al. (2000) [23](n = 60)

Oui Non précisé Non précisé 1

Mackey (2010) [25](n = 91)

Oui Oui Non précisé 2

Moore et al. (1996) [21](n = 174)

Oui (hors groupecontrôle, 51 patients)

Non précisé Au total : 12,5 %Hypnose : 12 %

Thérapie de groupe : 20 %Désensibilisation : 10 %

2

Hammarstrand et al. (1995) [19](n = 33)

Oui (hors groupecontrôle, 11 patients)

Non précisé Au Total : 41 %TCC : 27 %

Hypnose : 54 %

1

Wannemueller et al. (2011) [20](n = 137)

Non Non précisé Au total : 44 %TCC : 40 %

Hypnose/thérapeute : 61 %Hypnose/enregistrement audio : 53 %Contrôle/Anesthésie générale : 31 %

0

Gokli et al. (1994) [18](n = 29)

Essai croisé Oui, double aveugle Non précisé 2

Huet et al. (2011) [26](n = 30)

Oui Incertain (« evaluationby a dentist not involved in the

treatment process »)

Au total : 3 %Hypnose : 7 %

Pas de traitement : 0 %

2+

Qualité : score de 0 à 3 selon le nombre d’items avec une évaluation positive (randomisation, examinateur aveugle, perdus de vue < 20 %).

Effets de l’hypnose lors des soins dentaires

d’antalgiques utilisés [22,23,25]. Les paramètres physiologi-ques (pression artérielle, saturation en oxygène, rythmecardiaque) sont mesurés par monitoring [18,23,24]. Enfin, laprofondeur de la transe et l’hypnotisabilité sont évaluées(Stanford Hypnotic Clinical Scale) dans une étude [21], et lesnausées et complications post-chirurgicales dans une autreétude [23].La période d’administration du traitement hypnotique et lemoment d’évaluation des critères de jugement varient aussiselon les études. Ainsi, le traitement hypnotique a été admi-nistré en pré-, per- ou pré- + peropératoire. De même, l’éva-luation a eu lieu après la phase de traitement hypnotique maisavant les soins dentaires ou lors de la réalisation de l’anesthésielocale ou après la réalisation du traitement dentaire (tableau I).

Qualité des études incluses

La répartition dans les groupes est faite par randomisationdans sept des neuf études (tableau II). Dans l’étude de

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Wannemueller et al., c’est le réceptionniste de la cliniquequi répartissait les patients dans les différents groupes selonles disponibilités des thérapeutes et à la demande des patients[20]. Pour l’étude de Gokli et al., les patients ont reçu succes-sivement les deux procédures testées (avec ou sans hypnose)mais il n’est pas précisé si l’ordre des traitements a été tiré ausort ou non [18].L’étude de Gokli et al. aurait été réalisée en double aveugle selonles auteurs, les enfants ne sachant pas qu’ils avaient bénéficiéd’une séance d’hypnose [18]. Deux études ont été réalisées ensimple aveugle où l’examinateur ne connaît pas le groupe auquelappartiennent les sujets [22,25]. Pour cinq études, aucuneindication n’est donnéeà cesujet [19–21,23,24]. Dans une étude,l’évaluation en aveugle n’est pas annoncée clairement [26].Pour quatre études, le nombre de patients exclus ou perdus devue n’est pas indiqué.Pour les autres études, ce taux varierait d’un minimum de 3 %[26] à un maximum de 44 % [20]. Le taux de perdus de vue est

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Tableau III

Hypnose versus pas de traitement : évolution de l’anxiété (%) [22–24]

Étude Scored’anxiété

Hypnose Pas de traitement

Phase préopératoire Phase opératoire Phase préopératoire Phase opératoire

Avant Après Avant Après Avant Après Avant Après

Huet et al.,2011 [26]

YPAS(Max : 100)

23 (23–56)+ 23 (?)*** 28 (23–100) 50 (?)***

Écart : 0 Écart : 22

Eitner et al.,2011 [24]

AZI(Max : 60)

29,23 (9,83)§ 15,29 (7,59) 29,58 (7,93) 30,18 (7,42)

Écart : S13,94 (7,65)* Écart : 0,60 (7,36)*

Enqvist et Fischer,1997 [22]

EVA(Max : 10)

5+ (?) 4,4 (?) 2 (?) 4,9 (?)

Écart : S0,6 Écart : 2,9***

Ghoneimet al., 2000 [23]

STAI(Max : 80)

32,9 (8,7) 38,4 (?) 30,8 (7,3) 42,5 (?)

Écart : 5,5 (13,9)** Écart : 11,7 (7,2)**

+ Médiane (minimum–maximum) ; § moyenne (écart-type) ; Max : score maximum ; ? : données non disponibles.*p < 0,001, **p = 0,03, ***p = 0,02.

C Jugé, S Tubert-Jeannin

souvent variable selon les groupes avec des taux particulière-ment élevés (> 50 %) dans certains groupes avec hypnose[19,20]. Ainsi, sur les neuf études incluses, aucune n’est d’ex-cellente qualité avec à la fois randomisation, évaluation enaveugle et suivi des sujets par groupe.Globalement, le risque de biais est élevé puisqu’aucune étuden’a rempli la totalité des critères de qualité attendus, soit larandomisation, l’évaluation des critères de jugement par unexaminateur « aveugle » et un taux de perdus de vue connu etfaible. Pour une étude [20], aucun des critères de qualité n’estrempli tandis que pour cinq études [18,21,22,25,26], la rando-misation associée à une évaluation en aveugle ou à un faibletaux de perdus de vue réduisent le risque de biais.

Évaluation des effets de l’hypnose

Hypnose versus pas de traitementLes six études ont été réalisées sur des patients non phobiques[18,22–26]. Elles ont permis de comparer l’effet de l’hypnosepar rapport à un groupe contrôle ne recevant aucun traitementou avec une simple diffusion de musique. Elles rapportent desrésultats significatifs en faveur de l’hypnose concernant l’an-xiété, la douleur, le comportement et les paramètres physio-logiques.Dans quatre études ayant évalué l’évolution de l’anxiété despatients, des différences significatives entre les groupes ont étéobservées (tableau III). En préopératoire, Enqvist et Fischernotent une stabilité de l’anxiété dans le groupe hypnose et uneaugmentation dans le groupe contrôle [22]. Il convient de noterque le niveau d’anxiété n’était pas équivalent au départ entre

les deux groupes avec des patients moins anxieux dans legroupe sans hypnose. Ghoneim et al. observent quant à euxune augmentation significativement plus faible de l’anxiétédans le groupe hypnose comparé au groupe contrôle [23]. Dansces deux études, les patients du groupe hypnose ont écoutéchaque jour une cassette audio contenant des suggestionshypnotiques dans la semaine précédant l’intervention[22,23]. En postopératoire, Eitner et al. ont noté une nettediminution de l’anxiété (�47 %) dans le groupe hypnose alorsqu’une relative stabilité (+2 %) est observée dans le groupecontrôle [24]. Les patients du groupe hypnose avaient écoutéune cassette audio préenregistrée placée dans un oreiller sousleur tête pendant l’intervention. De même, l’hypnose réaliséeen peropératoire réduit l’anxiété des enfants pendant l’anes-thésie locale comparée au groupe sans hypnose [26].Concernant la douleur, quatre études montrent des différencesen faveur de l’hypnose.Les patients avec hypnose ont ainsi consommé moins d’antal-giques [22,24,25] et ont quantifié leur douleur comme étantplus faible en per- ou postopératoire [25,26]. Enfin, la quantitéde produits nécessaires pour la sédation (propofol) était moinsimportante sous hypnose, comparée au groupe contrôle [25].Pour le comportement, des écarts significatifs sont observésnotamment concernant le nombre de pleurs chez les enfants[18,26]. Gokli et al. ont ainsi montré une incidence des pleursmoins importante dans le groupe hypnose (17,2 %) comparéau groupe contrôle (41,4 %) [18].Les études de Gokli et al. et de Eitner et al. montrent uneévolution plus favorable des paramètres physiologiques sous

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Hypnose versus autres traitements : évolution de l’anxiété (échelle DFS) [21]

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hypnose [18,24]. Dans une étude, une stabilité du rythmecardiaque (�3,9 bpm) est retrouvée sous hypnose tandisqu’une augmentation de +10,4 bpm est notée dans le groupecontrôle pendant la phase peropératoire, c’est-à-dire aumoment de l’injection de l’anesthésique local [18]. Dans l’autreétude, un écart significatif est noté en préopératoire entred’une part une diminution du rythme cardiaque de �4,7 %sous hypnose et une augmentation de +9,7 % dans le groupecontrôle [24]. En postopératoire, une diminution légèrementplus marquée du rythme cardiaque (�4,7 %) est obtenue soushypnose comparée au groupe contrôle (�2,7 %) [24]. Enpréopératoire, un écart significatif est aussi observé pour lapression artérielle diastolique qui diminue de �7,8 % soushypnose alors qu’elle augmente de +7,4 % dans le groupecontrôle [24].Il convient de noter que le nombre d’épisodes de vomisse-ments était plus important dans le groupe hypnose (1,28)comparé au groupe contrôle (0,27) selon Ghoneim et al. [23].

Hypnose versus autre traitement

Les trois études comparant l’hypnose à une autre thérapierapportent des résultats plus contradictoires [19–21]. Cesétudes ont été réalisées auprès de patients phobiques avecdes niveaux d’anxiété élevés au départ. Dans deux études, lespatients ont bénéficié d’une thérapie dans les semainesprécédant l’intervention dentaire [19,21]. Pour l’autre étude,l’hypnose a été utilisée en pré- et peropératoire (hypnosestandardisée) et en peropératoire (hypnose individualisée)

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[20]. Les critères d’évaluation utilisés concernent l’anxiété etle comportement des patients.Les études de Hammarstrand et al. et Wannemueller et al. ontobservé une évolution des scores d’anxiété (DAS) favorableavec l’hypnose [19,20]. Selon Wannemueller et al., le scored’anxiété (DAS) diminue en postopératoire de près de 20 %avec l’hypnose (standardisée ou individualisée) et de 28 %avec la TCC alors que l’anxiété reste stable pour les patients dugroupe de référence avec anesthésie générale [20]. Mooreet al. observent une évolution favorable équivalente des scoresd’anxiété pour l’hypnose, la désensibilisation ou à la thérapiede groupe comparé au groupe contrôle [21].Ainsi, les scores d’anxiété (DFS, max = 100) diminuent dans legroupe hypnose de 81,5 au départ, à 38,1 après la thérapie puis29,7 après réalisation d’une session de traitements dentaires(figure 2). Ces résultats se maintiennent partiellement ensuite.L’anxiété réaugmente légèrement lorsque les patients retour-nent consulter leur dentiste habituel. Ainsi, dans le groupehypnose un score de 40,6 est observé après un an de suivi. Lapeur (EVA : 0 à 100) initialement très élevée (> 85) évolue defaçon favorable après la session de soins dentaires avec unediminution respectivement de 87 % sous hypnose, 82 % aprèsdésensibilisation et 90 % avec la thérapie de groupe. Cetteévolution est suivie d’une légère réaugmentation lorsque lespatients retournent consulter leur dentiste habituel : les scoresde peur varient alors légèrement selon les groupes avecEVA = 23 avec la thérapie de groupe et EVA = 30,9 pour l’hyp-nose [21].

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Selon Hammarstrand et al., la perception des patients vis-à-visdes soins dentaires (DSR : Dental Situation Reaction) et leur étatde relaxation (MACL : Mood Adjective Checklist) sont significa-tivement améliorés dans le groupe avec TPP alors que l’écartn’est pas significatif sous hypnose. Il convient de noter que lenombre de sujets était très faible dans cette étude (hypnose :5 patients, TCC : 8 patients) et qu’un manque de puissance peutexpliquer l’absence de significativité [19]. Pour Wannemuelleret al., les opinions négatives vis-à-vis des soins dentaires (DCQ :Dental Cognition Questionnaire) diminuent en postopératoireavec des résultats plus favorables pour l’hypnose individualisée(�54 %) et la TPP (�37 %) comparé à l’hypnose standardisée(�28 %) ou l’anesthésie générale (�26 %) [20]. La perceptionpar le patient qu’il garde le contrôle lors des soins (IDCI : IowaDental Control Index) augmente en postopératoire dans tousles groupes avec un avantage pour la TCC (+39 %) comparé àl’hypnose standardisée (+30 %) [20].

DiscussionCette revue systématique avait pour objectif d’apprécier leseffets de l’hypnose lors des soins dentaires. Cette revue montreque l’hypnose aurait des effets positifs sur l’anxiété, la douleur,le comportement et les paramètres physiologiques du patientquand elle est comparée à l’absence de traitement. Quandl’hypnose est comparée à la TCC, les effets sur l’anxiété et lesperceptions des patients vis-à-vis des soins dentaires seraientplus marqués avec la TCC.Les résultats des études sélectionnées indiquent aussi quel’hypnose individualisée apporterait plus de bénéfices auxpatients que l’hypnose standardisée avec utilisation d’enregis-trements audio. Les bénéfices de l’hypnose seraient importantslors de la phase pré- et périopératoire mais plus difficilementmaintenus lors du suivi à distance lorsque le praticien théra-peute n’est plus présent. Le lien entre le praticien thérapeutepratiquant l’hypnose et le patient est un élément majeur del’efficacité de l’hypnose. En cas de changement de praticien, lapersistance des effets bénéfiques de l’hypnose, concernantnotamment l’anxiété, n’est pas facilement assurée. Il a cepen-dant été montré que des patients anxieux ayant eu un traite-ment par hypnose fréquenteraient plus régulièrement lescabinets dentaires ce qui indiquerait un effet positif à longterme de ce type de traitement [27].Ces résultats sont en accord avec la revue systématiqueCochrane réalisée par Al-Harasi et al. concernant les effetsde l’hypnose chez les enfants lors des soins dentaires [16].Cette revue a regroupé trois études évaluant les effets del’hypnose versus « pas de traitement » pour deux études etles effets de l’hypnose versus « sédation consciente » pour uneétude. Les études concernaient les actes de soins dentairescourants ainsi que les traitements orthodontiques. Les résultatsde cette revue indiquent un impact positif de l’hypnose surle comportement des enfants lors de l’anesthésie locale.

Néanmoins, l’effet serait moins efficace lors de la réalisationd’une extraction. De même, lorsque l’hypnose est comparée àla sédation consciente, cette dernière technique est préféréepar les enfants. Une autre revue systématique Cochrane aévalué l’intérêt de l’hypnose et d’autres aides psychologiquessur la douleur et l’anxiété lors des procédures de soins utilisantdes aiguilles [17]. Dans cette revue, 28 études ont été inclusesavec 1951 patients au total. Les techniques de distraction,l’hypnose et les interventions cognitivocomportementales sesont montrées efficaces pour réduire la douleur ou l’anxiété parréférence à un groupe ne recevant aucune intervention psycho-logique. Ainsi, pour l’hypnose, l’effet a été apprécié en se basantsur les résultats de cinq études. La revue met en évidence uneréduction significative de la douleur perçue et de l’anxiété avecl’hypnose lors de la réalisation d’injections avec des aiguilles.La présente revue systématique est fondée sur les résultatsde neuf études, qui variaient grandement quant aux popula-tions étudiées, aux protocoles ou aux critères d’évaluationutilisés [18–26]. Deux études concernaient des enfants alorsque les autres ont été réalisées chez les adultes. La disparitéentre les patients existait aussi en termes de niveau d’anxiétéinitiale puisque trois études ont été réalisées auprès depatients phobiques. Selon les études, les soins dentairesréalisés et les techniques hypnotiques évaluées étaienttrès différents.Cinq études faisaient intervenir un thérapeute tandis que lesautres utilisaient un enregistrement audio. De plus, le contenude la séance était différent selon le thérapeute ou la personneayant préparé l’enregistrement. De même, l’hypnose réaliséeen une séance dans certains cas était difficilement comparableà l’hypnothérapie effectuée sur plusieurs séances.L’hypnose a été comparée à différentes autres techniques deprise en charge psychologique selon les études comme la TCCou la thérapie de groupe. La multiplication des éléments decomparaisons et des objectifs poursuivis complique l’inter-prétation des écarts observés selon les groupes ; l’effet del’hypnose a été évalué en utilisant différents critères tels quel’anxiété, la douleur, le comportement et les paramètres phy-siologiques. Selon les études, ces critères n’étaient pas toussystématiquement présents ou évalués à des périodes dif-férentes. De plus, pour chaque critère, de multiples échellesont été utilisées ce qui ne permet pas facilement la compa-raison des résultats d’une étude à l’autre.Ainsi, les études incluses dans la revue ne permettent pas derépondre complètement à la question de l’efficacité de l’hyp-nose en pratique courante lors des soins dentaires.Notamment, les besoins de standardisation des procédures enrecherche clinique favorisent l’étude de l’effet de l’hypnosestandardisée avec utilisation d’enregistrements audios. Peut-on alors parler d’hypnose ? L’hypnose implique une interrela-tion entre thérapeute et patient qui est la base du succès de latechnique hypnotique.

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Le niveau de preuve des résultats obtenus dans cette revue estfaible avec un risque de biais élevé. Deux éléments expliquentce faible niveau de preuve.Tout d’abord, la qualité de certaines études incluses dans laprésente revue est faible [18–26]. Sept études sont des étudesrandomisées mais la méthode de randomisation est rarementprécisée. L’évaluation en aveugle des critères de jugementn’est assurée que pour trois études. Concernant les perdus devue, seules quatre études précisent clairement leur nombre.Il apparaît aussi que les groupes où était pratiquée l’hypnosesont caractérisés par un grand nombre de perdus de vue. Laréussite de la prise en charge par hypnose repose sur lamotivation et la coopération du patient. Hors dans les étudescliniques, les patients ne choisissent pas le traitement qui leurest attribué. Cette contrainte méthodologique à la base de laqualité des essais cliniques pose potentiellement problème lorsde l’évaluation de l’efficacité de l’hypnose. Il convient de noteraussi qu’une seule étude a pris en compte les patients perdusde vue dans les résultats en réalisant une analyse en intentionde traiter [20].Les patients perdus de vue peuvent être des personnes enéchec pour le traitement étudié (hypnose) et la non prise encompte de ces éventuels échecs peut conduire à surestimerl’intérêt du traitement.De plus, l’analyse réalisée dans cette revue est limitée à uneanalyse descriptive et qualitative des résultats. La réalisationd’une méta-analyse avec estimation de l’effet de l’hypnosepour l’ensemble des études incluses permettrait d’avoir uneévaluation plus objective et complète de son efficacité. Cescalculs semblent pourtant difficilement réalisables du fait no-tamment du petit nombre d’études retrouvées, de différencesméthodologiques majeures existant entre les études et de lamultiplicité des critères d’évaluation utilisés. Cette hétérogé-néité impliquerait de multiplier les groupes de comparaisonréduisant le nombre d’études par sous-groupe d’analyse.

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La méthodologie utilisée pour réaliser la présente revueprésente des limites relatives notamment au risque de biaisde publication. Toutes les études cliniques pertinentes n’ontprobablement pas été trouvées du fait de l’application decritères restrictifs quant à la date et à la langue de publication.De même, il est possible que des études pertinentes n’aient pasété publiées ou quelles ne figurent pas sur la base de donnéesPubMed. Le biais de publication pose problème quand lesrésultats « positifs » sont publiés ou retrouvés plus fréquem-ment que les résultats « négatifs » : l’effet du traitement évaluéest alors potentiellement surestimé. Le risque de surestimationde l’effet « hypnose » paraît limité dans la présente revue carles résultats obtenus sont cohérents avec ceux retrouvés dansdes revues systématiques précédentes [16,17].Cette revue systématique a permis de mettre en évidence uneffet positif de l’hypnose sur la douleur et l’anxiété lors dessoins dentaires. Les conclusions de la revue doivent cependantêtre prises avec précaution car le niveau de preuve est faible. Laconduite d’études cliniques plus larges et de bonne qualitéméthodologique paraît nécessaire pour confirmer et préciserl’ampleur des effets bénéfiques de l’hypnose lors des soinsdentaires.Il est possible néanmoins d’affirmer que l’hypnose constitue unoutil supplémentaire intéressant pour le chirurgien-dentistesusceptible d’améliorer le vécu des soins dentaires pour lespatients. L’hypnose emploie des techniques de communicationet d’accompagnement du patient. Elle correspond à uneapproche centrée sur le patient permettant d’améliorer sonbien-être au cabinet dentaire. L’hypnose fait partie de l’arsenalthérapeutique pour la prise en charge de la douleur et del’anxiété comme l’anesthésie locale, la sédation consciente,inconsciente et les traitements psychocomportementaux oumédicamenteux.

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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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