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Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l'érosion et la production de coton et maïs sur un sol ferrugineux tropical sableux Recherche de systèmes de culture intensifs et durables en région soudanienne du Nord-Cameroun (Mbissiri, 1991-1992) Baboule Zachée BOLI (1), Éric ROOSE (2), Benjamin BEP A ZIEM (3), Kallo SANON (4) et Florent WAECHTER (5) (l) Ira, BP 163, Foumbot, Cameroun. (2) Centre Orstom, BP 5045, Montpellier cedex 1, France. (3) Ira, BP 33, Maroua, Cameroun. (4) Inera, BP 7192, Ouagadougou, Burkina. (5) 42, rue Rabelais, 67200 Strasbourg, France. RÉSUMÉ Sur les sols ferrugineux sableux de la savane soudanienne du Nord-Cameroun, l'intensification des cultures du cotonnier et des céréales fait appel au labour à la charrue, aux engrais minéraux, aux herbicides, à la protection phytosanitaire et aux variétés améliorées. Elle aboutit à la dégradation des terres quand l'érosion n'est pas suffisam- ment contrôlée: il s'ensuit un éloignement des blocs de culture. Pour sélectio.nner des systèmes de culture intensifs et durables, les auteurs ont installé un dispositif très complet (57 parcelles d'érosion de 100 à 1 000 m 2 , six lysimètres, etc.) qui permet d'évaluer l'érosion, le bilan d'eau et de nutriments ainsi que les rendements, sous une dizaine de techniques culturales et divers modes de gestion des matières organiques. Les résultats des deux premières campagnes sont présentés, en groupes de traitements relativement stables. Sous la savane, le ruissellement (Kram = 0,7 à 3 %) et l'érosion (0,5 à 3 t!ha/an) sont modestes, même si la savane est pâturée et brûlée. En milieu cultivé, les résultats sont très variables selon que le sol est nu ou couvert, compact ou ameubli. Les parcelles labourées ruissellent et s'érodent le plus (Kram = 30 à 35 % ,. E = 10 à 24 t!ha/an), mais donnent les meilleurs rendements. Les parcelles en semis direct, couvertes de résidus de culture, s'érodent modérément (Kram = 10 % ,. E = 2,2 à 7 t/ha/an), selon la disponibilité en biomasse. Malgré des pertes en eau et en terre modestes, les rendements en maïs sont souvent plus faibles (JO à 40 % de grain en moins que sur les parcelles labourées) : le tassement du profil et l'abondance de l'infiltration seraient les principales causes de cette réduction. Sous coton, les différences sont paifois positives sur les sols non dégradés mais négatives sur les sols dégradés. Il existe des interactions entre l'influence de la pente et celle des états de surface. Lorsque le sol est bien couvert (par exemple, les parcelles paillées et le semis direct avec résidus de culture en surface), l'érosion n'a pas tendance à augmenter avec la longueur de pente, ni avec l'inclinaison: il semble que ni la vitesse, ni l'énergie du ruissellement n'augmentent, grâce à la rugosité de la litière. En revanche, lorsque le sol est mal couvert (par exemple, les parcelles labourées), les risques d'érosion augmentent rapidement avec la pente. Aucun effet d'échelle n'est apparu avec l'augmentation de la surface expérimentale de 100 à 1 000 m 2 ,. mais iifaudra confirmer ces résultats dans les années à venir et les vérifier à l'échelle du versant, du terroir et surtout du bassin versant. Cah. Orstolll, sér. Pédol., vol. XXVIII, 2, 1993: 309-325 309

Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

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Page 1: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l'érosionet la production de coton et maïs sur un sol ferrugineux tropical sableux

Recherche de systèmes de culture intensifs et durablesen région soudanienne du Nord-Cameroun (Mbissiri, 1991-1992)

Baboule Zachée BOLI (1), Éric ROOSE (2), Benjamin BEP A ZIEM (3),Kallo SANON (4) et Florent WAECHTER (5)

(l) Ira, BP 163, Foumbot, Cameroun.(2) Centre Orstom, BP 5045, Montpellier cedex 1, France.

(3) Ira, BP 33, Maroua, Cameroun.(4) Inera, BP 7192, Ouagadougou, Burkina.

(5) 42, rue Rabelais, 67200 Strasbourg, France.

RÉSUMÉ

Sur les sols ferrugineux sableux de la savane soudanienne du Nord-Cameroun, l'intensification des cultures ducotonnier et des céréales fait appel au labour à la charrue, aux engrais minéraux, aux herbicides, à la protectionphytosanitaire et aux variétés améliorées. Elle aboutit à la dégradation des terres quand l'érosion n'est pas suffisam­ment contrôlée: il s'ensuit un éloignement des blocs de culture. Pour sélectio.nner des systèmes de culture intensifset durables, les auteurs ont installé un dispositif très complet (57 parcelles d'érosion de 100 à 1 000 m2

, six lysimètres,etc.) qui permet d'évaluer l'érosion, le bilan d'eau et de nutriments ainsi que les rendements, sous une dizaine detechniques culturales et divers modes de gestion des matières organiques.

Les résultats des deux premières campagnes sont présentés, en groupes de traitements relativement stables. Sousla savane, le ruissellement (Kram = 0,7 à 3 %) et l'érosion (0,5 à 3 t!ha/an) sont modestes, même si la savane estpâturée et brûlée.

En milieu cultivé, les résultats sont très variables selon que le sol est nu ou couvert, compact ou ameubli. Lesparcelles labourées ruissellent et s'érodent le plus (Kram = 30 à 35 % ,. E = 10 à 24 t!ha/an), mais donnent lesmeilleurs rendements. Les parcelles en semis direct, couvertes de résidus de culture, s'érodent modérément (Kram =4 à 10 % ,. E = 2,2 à 7 t/ha/an), selon la disponibilité en biomasse. Malgré des pertes en eau et en terre modestes,les rendements en maïs sont souvent plus faibles (JO à 40 % de grain en moins que sur les parcelles labourées) : letassement du profil et l'abondance de l'infiltration seraient les principales causes de cette réduction. Sous coton, lesdifférences sont paifois positives sur les sols non dégradés mais négatives sur les sols dégradés.

Il existe des interactions entre l'influence de la pente et celle des états de surface. Lorsque le sol est bien couvert(par exemple, les parcelles paillées et le semis direct avec résidus de culture en surface), l'érosion n'a pas tendanceà augmenter avec la longueur de pente, ni avec l'inclinaison: il semble que ni la vitesse, ni l'énergie du ruissellementn'augmentent, grâce à la rugosité de la litière. En revanche, lorsque le sol est mal couvert (par exemple, les parcelleslabourées), les risques d'érosion augmentent rapidement avec la pente. Aucun effet d'échelle n'est apparu avecl'augmentation de la surface expérimentale de 100 à 1 000 m2

,. mais iifaudra confirmer ces résultats dans les annéesà venir et les vérifier à l'échelle du versant, du terroir et surtout du bassin versant.

Cah. Orstolll, sér. Pédol., vol. XXVIII, n° 2, 1993: 309-325 309

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B. Z. BOLI, E. ROOSE, B. BEP A ZIEM, K. SANON et F. WAECHTER

Les matières organiques enfouies n'ont pas eu d'effet visible sur les risques d'érosion de ces deux premières années,mais l'action à court terme sur les rendements peut être spectaculaire. Seule la biomasse étalée à la surface du solréduit fortement l'érosion. Le labour (surtout avec un peu de fumier) produit bien, mais pour combien de temps? Lesemis direct protège bien le sol, mais la productivité est variable en fonction de la culture et de la pluviosité. Àl'avenir, on cherchera à améliorer le travail sur la ligne de plantation et à fractionner la fumure en fonction desrisques de drainage, à couvrir le sol par une plante de couverture (légumineuse) ou par les herbes naturelles grilléesau paraquat. Une autre solution consiste à alterner le labour avant maïs avec le semis direct du cotonnier l'annéesuivante.

MOTS CLÉS: Nord-Cameroun - Érosion - Ruissellement - Production végétale - Gestion de la biomasse ­Dégradation des sols - Restauration de la productivité - Techniques culturales - Haies vives - Pente- Savane soudanienne - Feu - Pâturage - Coton - Maïs.

ABSTRACT

EFFECTS OF CULTURAL PRACTICES ON RUNOFF, SOIL EROSION AND YIELD OF COTION AND MAIZEON ASANDY ALFISOL. INTENSIVE AND SUSTAINABLE CROPPING SYSTEMS RESEARCH

IN THE SUDANESE ZONE OF NORTH-CAMEROON

On tropical sandy ferrugineous soils of the sudanese savanna of North-Cameroon, intensive cropping of annualweeded crops like cotton and maize by plowing, fertilizing, protecting crops and the use of improved varieties cannotprevent soil productivity decrease when erosion prevention is neglected. To assess intensive and sustainable culturalpractices, the authors have built a very comprehensive device (57 rUfloffplots of 100 to 1000 m2

, six lysimeters, etc.)allowing to quantify erosion, water and nutrients balances, losses by runnoff and leaching, yields of biomass and theimpact of a dozen of cultural techniques and four biomass management practices. Results from the first two years ofexperimentation were similar as concern their ranking based on their effects on runofj, erosion under cotton andmaize. Runoff (Kram = 0.7 to 3 %) and erosion (0.5 to 3 tlha/year ) are moderate under the savanna, even whensubjected to early bushfire and grazing.

ln cultivated area, results vary according to surface topsoil status (sealing crusts area, litter, green cover... ) andcompaction of degraded soil profile. Ploughed plots give highest runoff (Kram = 30 %) and erosion (E = 10 to24 tlhalyear), however, they produce better yields of maize than no-tillage, chiefly on degraded soils. No-tilled plots,covered with cropping residues, got a better infiltration capacity (Kram =4 to 10 %) and lost less eroded soil (E =2 to 7 tlhalyear) but produced lOto 40% less corn because poor development of the root system and high infiltration.

1nteractions between the effects of slope and of surface status have been observed. When the soil is well covered(mulched, or direct seeding under abundant crops residues) erosion does not increase with the slope length, nor withthe slope gradient. Because of the litter roughness, the speedness and the runoff energy are not increasing. But whenthe soil is not well covered (plowed plots) erosion risks increase fastly with the slope. No scale effect has been observedbetween 100 and 1,000 m2

: these results must be confirmed next years and later on hillslopes and watersheds.1t has been noticed that burried organic matter like crop residues, and fann manure had no significant immediate

effect on erosion, but the increase of yield was spectacular on manured plots when erosion did not carry it away.Only biomass spread on the soil surface decreases runoff and erosion significantly on conventional tillage plots: butthe cost of mulching is too high for the farmers in terms of labour time.

For the future, research will try to improve tillage limited to the plantation lines, to limit erosion risk by coveringthe plowed horizon with a leguminous seeded under the maize, or with natural weeds burned by paraquat when 20 cmhigh. 1f the soil is covered, infiltration increases and it becomes necessary to split up fertilization in relation withleaching risks by drainage waters. An other alternative is plowing before maize and no-tillage on cotton the nextyear.

KEYWÛRDS: North-Cameroon - Runoff - Erosion - Soil productivity degradation - Cultural practices - Biomassmanagement - Cotton-maize rotation - Slope effects - Living hedges - Sudanese savannah - Fire- Grazing.

310 Cah. Orstom, sér. Pédol., vol. XXVIII, n° 2, 1993: 309-325

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Érosion et restauration des sols sableux du Nord-Cameroun

RESUMEN

EFECTOS DE LAS TECNICAS DE CULTIVO SOBRE EL ESCURRIMIENTO, LA EROSION Y LA PRODUCCION BAJO ALGODON y MAtZEN UN SUELO FERRUGINOSO ARENOSO TROPICAL. ELABORACION DE SISTEMAS DE CULTIVO INTENSIVOS y DURABLES

EN LA AREA « SUDANOSA» DEL NORTE-CAMERÛN (MBISSIRI, 1991-1992)

En los suelos ferruginosos arenosos de la savana del Norte-Camerùn, la intensificacion de los cultivos de algodony cereales (arado, abonos minerales, proteccion fitosanitaria, variedades mejoradas) no impide la degradacion delsuelo cuando la erosion no essuficientemente controlada. Poco a poco las parcelas cultivadas se alejan del pueblo.Paraelaborar y seleccionar sistemas de cultivo intensivos y durables, los autores instalaron un dispositivo muycompleto (57 parcelas de escurrimiento de 100 hasta 1 000 m2 y 6 lisimetros, etc.) que permite medir la erosion, losbalances hidrico y de nutrientes asi como los rendimientos bajo una decena de tecnicas de cultivo diferentes y variasmodalidades de gestion de la materia organica.

Los resultados de los dos primeros anos son presentados en grupos de tratamientos bastante estable. Bajo sabana,el escurrimiento (Kram = de 0,7 hasta 3 %) Y la erosion (E = de 0,5 hasta 3 toneladaslhectarea/ano) son debiles auncuando la sabana esta paturada y quemada.

En parcelas cultivadas, los resultados varian mucho segun la cobertura y la estructura (conpacta 0 mullidura) delsuelo. Las parcelas aradas son las que chorrean y corroen mas(Kram = de 30 hasta 35 %, E = de 10 hasta 24 t/ha/ano)pero dan los mejores rendimientos.Los terrenos de labranza cero, cubiertos de residuos de cultivo, corroen modera­damente (Kram = de 4 hasta 10 %, E = de 2,2 hasta 7 tlha/ano) segun la disponibilidad en biomasa. Apesar deperdidas en suelo y agua moderadas, los rendimientos de maiz, amenudo, sonmenores (se observa una disminucionde 10 hasta 40 % del rendimiento en granocomparativamente con las parcelas aradas), en estos suelos apisonadosel arraigamiento esdemasiado supeificial. Bajo algodon las diferencias son a veces positivas en los suelos reciencul­tivados pero negativas en los suelos degradados.

Existe interacciones entre las influencias de la pendiente y del estado superficial del suelo. Cuando el suelo tieneuna buena cobertura vegetal (por ejemplo las parcelas esparcidas con pajas 0 las parcelas de labranza cero conresiduos de cultivos en el suelo) la erosion 110 se incrementa con la longitud asi como la inclinacion de la pendiente :parece que no aumenta lavelocidad y energia del escurrimiento a causa de la rugosidad de la litera. En cambiocuando el suelo esta desnudado (parcelas aradas) los riesgos de erosi6n crecen rapidamente con las caracteristicasde la pendiente (longitud y %). No se encontro efecto de escala cuando la supeificie experimental cambia de 100 hasta1000 m2

, pero estos resultados tendran que ser confirmado en los proximos anos y verificados al nivel de la vertiente,del « terroir» y sobre todo de la cuenca.

Las materias organicas incorporadas no induciron efectos patentes sobre el riesgo erosi6n en los dos primerosanos pero su accion a corto plazo sobre los rendimientos es espectacular. Unicamente la biomasa desplegada a lasupeificie del suelo reducepoderosamente la erosi6n. La labranza (sobre todo cuando se le anade un poco de estiércol)produce bien pero hasta cuando ? La labranza cero asegura la proteccion del suelo pero los rendimientos son debilesa causa de un arriego limitado en estos terrenos arenosos y rapidamente apisonados. En el futuro se mejorara eltrabajo sobre la linea de siembra, elfraccionamiento de los abonos minerales en funci6n de los riesgos de drenaje,elrecubrimiento del suelo arado por una planta de cobertura (leguminosa) 0 por las hierbasnaturales destruidas conun producto quimico (paraquat). La rotaciôn, labranza antes del maizy siembra directa (labranza cero) para elalgodon, puede ser una otra alternativa.

PALABRAS CLAVES: Erosi6n - Escurrimiento - Producci6n vegetal- Gesti6n de la biomasa - Degradaci6n de lossuelos - Setos vivos - Longitud y % de la pendiente - Sabana de precipitaciones favorablesa la producci6n - Fuego - Pastoreo - Algodon - Maiz - Norte-Camerun.

PROBLÉMATIQUE

Les difficultés alimentaires et la rareté des terres de­viennent de plus en plus aiguës pour certaines populationsdu Cameroun. Il y a cinquante ans, la culture cotonnièrea été développée dans la zone soudano-sahélienne duNord-Cameroun (fig. 1), mais depuis les années soixante-

Cah. Orstolll, sér. Pédol., vol. XXVlll, n° 2, 1993: 309-325

dix on observe sa migration vers la zone soudanienne, plushumide. On peut invoquer deux raisons: une réduction de30 % des précipitations, mais surtout la dégradation de laproductivité des sols soumis à la culture intensive du co­tonnier, des céréales et de l'arachide, avec labour à lacharrue et usage d'engrais acidifiants.

311

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B. Z. BOLI, E. ROOSE, B. BEP A ZIEM, K. SANON et F. WAECHTER

La croissance de la population est désormais plus rapideque celle de la production vivrière. Pour faire face à ceproblème préoccupant, les structures étatiques proposentl'intensification et la mécanisation de l'agriculture. Onpeut alors se poser certaines questions. Quelle est la mé­canisation adaptée à l'Afrique intertropicale? Pourquoi lacharrue introduite en Afrique il y a plus d'un demi-sièclen'a-t-elle pas apporté la prospérité qu'elle a donnée auxrégions tempérées? Tirée par des bœufs ou par un tracteur,la charrue est bien connue dans les stations expérimentaleset les fermes d'État. Mais, en dehors des stations de re­cherche, elle n'a pas permis de s'affranchir de la culture

itinérante, suite à la dégradation des terres par l'érosion.L'expérience de la Société de développement du coton

dans la zone soudanienne du Nord-Cameroun ne semblepas échapper à cette règle. Depuis quelques années, eneffet, des blocs de culture qui ne produisent plus assez decoton, malgré les apports d'engrais minéraux, sont déclas­sés. De nouvelles terres sont désenclavées et défrichéespour tenter de maintenir la production, solution qui con­sacre le retour à la culture itinérante, laquelle est inadaptéeau contexte actuel du développement, car les villages sefixent et la terre arable n'est plus indéfiniment extensible(BOLI et al., 1991).

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FIG. 1. - Carte de situation, des précipitations annuelles moyennes et des migrations.Location map including mean annual rainfalls and migrations.

312 Cah. Orstom. sér. Pédol., vol. XXVIlI, n° 2, 1993: 309-325

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Érosion et restauration des sols sableux du Nord-Cameroun

Si l'on rapproche les données de l'évaluation des terresde savane de basse altitude du Nord-Cameroun (BRABANTet GAVAUD, 1985) de celles du recensement du Camerounen 1987, on observe qu'il n'y a aujourd'hui que deuxhectares de terre arable disponibles par habitant. Le déve­loppement de systèmes de culture intensifs et durablesdevient une urgence.

L'enquête préliminaire (BaLI et al., 1991), visant à com­prendre l'origine de la baisse de productivité des terres asouligné l'importance du déséquilibre du bilan des matiè­res organiques: celui-ci entraîne la dégradation des pro­priétés physiques, l'augmentation du ruissellement et del'érosion et finalement la fatigue du sol, incapable de stoc­ker l'eau et les nutriments indispensables à la culture in­tensive. Les pratiques culturales sont mises en cause, enparticulier le labour, qui expose le sol nu à l'agressivitédes premiers orages, et la culture en blocs sur de grandeslongueurs de pente. Le labour profond (20 à 25 cm) réalisépar une charrue à socs offre l'avantage de préparer un litde semences très propre, de favoriser une levée régulièredu semis, d'enfouir la fumure organique et minérale et deréduire la pression des adventices pendant les premiersstades de la culture. Malheureusement, ce labour « con­ventionnel» a l'inconvénient d'exposer à la battance despluies les matériaux profonds du sol, pauvres en matièresorganiques, de diluer celles-ci et d'accélérer leur minéra­lisation, de réduire la cohésion du sol, donc sa résistanceà l'érosivité des pluies et, en définitive, de favoriser leruissellement, l'érosion et la dégradation de l'état de sur­face du champs (ROOSE, 1981 ; LAL, 1983; DICKEY etSHELTON, 1987).

Les chercheurs qui ont étudié le problème du travail dusol dans les régions forestières ou soudano-sahéliennesvoisines aboutissent à des conclusions divergentes. À laplace du labour, trop dégradant en zone guinéenne, LAL(1983) préconise le « non-travail du sol recouvert de li­tière », tandis que CHARREAU et NICOU (1971), NICOU etPOULAIN (1982), en zone soudano-sahélienne (du Sénégalet du Burkina), pensent que le labour, bien conduit, estindispensable pour améliorer l'enracinement et intensifierla production. En 1987, NICOU et al., étudiant les effetsdes techniques culturales d'économie de l'eau à la parcellesur la production de céréales au Burkina, concluent « qu'iln'y a pas lieu de généraliser une technique culturale plutôtqu'une autre sur l'ensemble du territoire, car il faut s'adap­ter au contexte pédo-climatique ». Valable en zone semi­aride pour la conservation de l'eau, la technique du labouren zone soudanienne présente des avantages, des contrain­tes et des risques variés; nous pensons donc qu'il fautétudier les différentes techniques en termes de complé­mentarité et non d'exclusion réciproque. LAL (1983) ne

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conclut-il pas qu'il sera nécessaire, après un certain tempsde pratique du « non-travail », de décompacter le sol parun labour profond? L'art serait donc de détecter, danschaque situation socio-économique et pédo-climatique, lescombinaisons de techniques culturales qui assurent dura­blement une productivité élevée et qui ne dégradent pasl'environnement.

Nous aborderons ici le problème de l'évaluation destechniques culturales en fonction de leurs effets sur lesrisques de ruissellement et d'érosion des sols ainsi que surla production de coton et de maïs sur un sol ferrugineuxsableux fragile de la zone soudanienne du Cameroun. Nousavons comparé les techniques pratiquées dans la région àcelles qui ont fait leurs preuves ailleurs, en vue d'améliorerles systèmes culturaux ou d'en créer de nouveaux, plusadaptés au contexte physique et socio-économique régio­nal. Les mesures d'érosion ont été effectuées sur des par­celles de 100 à 1 000 m2 et les résultats de deux campagnessont analysés à l'aide du modèle « USLE »de WISCHMEIERet SMITH (1978).

LE MILIEU

La station expérimentale est située au village de Mbis­siri (latitude: 8°23'N; longitude: 14°33'E; altitude:380 m), à 40 km de Tcholliré, sur la route de Touboro, età 250 km au sud-est de Garoua (fig. 1). Le climat est detype soudanien avec 1 000 à 1 500 mm de pluie tombanten sept mois, entre avril et octobre (fig. 2). Les courbes

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S. S.300 .!! Q. 300

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FIG. 2. - Pluie et évapotranspiration Penman (station de Touboro).Rainfall and Penmann evapotranspiration (Touboro station).

313

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B. Z. BOLI, E. ROOSE, B. BEP A ZIEM, K. SANON et F. WAECHTER

« hauteur-intensité-durée » (fig. 3) permettent de conclureque, chaque année, il peut pleuvoir 75 mm en 24 heures,55 mm en 1 heure et 37 mm en 30 minutes. La végétationnaturelle est une savane arborée à Isoberlinia doka, à strateherbacée dense dominée par Hyparrhenia rufa, Pennise­tum pedicellatum et Andropogon gayanus (BRABANT et

GAVAUD, 1985). Dans les auréoles de parcours des cultu­res, la végétation passe à une savane arbustive à Daniellaolivieri, Terminalia, Commiphora africana, Combretum,Annona arenaria, etc. La strate herbacée change peu, saufdans les parcelles très dégradées où domine Dactylocte­nium aegyptiacum.

Hauteur de pluie (mm)

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Durée de pluie

FIG. 3. - Courbes hauteur-intensité-durée-fréquence des pluies à Garoua (Cameroun) pour la période 1955-1971. D'après le CIEH.Raillfall depth-illtellsity-duratioll-frequellcy curves at Garoua (Camerooll) for the 1955-1971 period. After ClER.

Le paysage est dominé par une butte témoin cuirasséeà 400 m d'altitude, développée au piémont sud des montsKoum. Au sud, ce plateau résiduel est relié au Mayo-Rey(affluent de la Bénoué) par un long glacis de 5 km, à penteinférieure à 3 %, légèrement concave. Ce glacis est entailléde ravines à pente plus raide (fig. 4).

La couverture pédologique (fig. 5), développée sur l'al­térite d'un grès ferrugineux, est constituée de sols ferru­gineux tropicaux indurés peu lessivés, très sableux (moinsde 6 % d'argile kaolinitique). L'épaisseur du sol meubleau-dessus de la carapace ferrugineuse augmente de quel-

ques centimètres au sommet de la butte résiduelle, à130 cm au centre de la concavité. La carapace affleure300 m après la zone de concavité, donnant lieu à une lignede résurgence (ROOSE, 1991 a).

Avant défrichement, le sol est donc très sableux (sablesgrossiers dominants), peu acide, pauvre en matières orga­niques, à taux de minéralisation correct, à très faible ca­pacité d'échange en cations essentiellement dépendante dutaux de matières organiques (moins de 10 % d'argile)(tabl. 1).

314 Cali. Orstoll!, sér. Pédol., vol. XXVlll, 110 2, 1993 : 309-325

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Érosion et restauration des sols sableux du Nord-Cameroun

____ Extension du terroir(nouveaux champs)

a Cuirasse affleurante

- Piste

Ê:~:~:~:~:3 Village

Cours d'eau­Zone inondable

Bloc expérimental

Limite du terroir(anciens défrichements)

Champs cultivés

Escarpement

Ravine

Courbe de niveau

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Source: Carte IGN 11200 000 "Roy Bouba'

FIG. 4. - Carte géomorphologique du terroir de Mbissiri (1/30000). D'après WAECHTER, 1993.Geomorphological map concerning Mbissiri area (1/30000). After WAECHTER, 1993.

LE DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL

TABLEAU 1Caractérisation des horizons de surfacedes blocs A, B et C avant défrichement

Characterization of surface horizonsin blocks A, B, and C before clearing

Horizon 0-20 cm 20-40 cm

Argile (%) 3à4 4à6Limons (%) 13 à 16 13 à 18Sables (%) 80à 84 76 à 83

pH eau 6,2 à 6,5 6à6,4

Mat. organiques (%) 1,4 à 1,6 0,6Azote total (%) 0,2 à 0,3 0,1 à 0,2

Capacité échange de cations 2,3 à 3,2 1,9 à 3,3(méq/100 g)

La quantification des effets des techniques culturales aété réalisée sur 57 parcelles d'érosion classiques, compo­sées d'un champ expérimental de 5 à 18 m de largeur, de20 à 100 m de longueur, de 100 à 1 000 m2 de surface,d'un canal collecteur retenant les sédiments grossiers, etde deux cuves de stockage des eaux et des suspensionsfines reliées par un partiteur permettant d'évaluer 42 m3

de ruissellement (ROOSE, 1991 b).La comparaison des bilans d'eau, des charges solides,

ainsi que de la production de biomasse, est réalisée danstrois situations, sur deux toposéquences voisines:

- une savane arborée, dont le sol est en jachère depuisplus de trente ans (pente de 2 %) ;

- une jeune défriche cultivée depuis 1990 (blocs A,B et C, pentes de 1 %,2 % et 2,5 %) ;

- une vieille défriche, dégradée et déclassée aprèstrente ans de culture (bloc D, pente de 2,5 % ).

Le dispositif comporte en outre six pluviomètres, deuxpluviographes à augets à rotation journalière, un bacd'évaporation enterré et six lysimètres de sol reconstituésur 0,5 à 0,9 m de profondeur.

Cah. Orstom, sér. Pédol., vol. XXVlll, n° 2, 1993: 309-325 315

Page 8: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

B. Z. BOLI, E. ROOSE, B. BEP A ZIEM, K. SANON et F. WAECHTER

Daniella Oltveri

Crète de plateau

~ Alfleurement carapace

Savane à Isoberlina Doka

Blocsexpérimentaux

C BE

' .Sommet•gravillonnaire

arrondI

Parcelles Canalde ruissellement de drainage

222 m·1

300m 3BOm

Affleurement rocheuxHor. gris foncé o cm 0 0 o cm

1au' food de ravines

brun 10 15 15 15

brun rouge 30 45 45 45Sols ferrugineux tropicaux sableux

carapace 4B lOB 130 12B

Ravine z axe de vallonentaIllant le glacis

1~1 26_7_m , 1__2_00_ m__

Sols ferrugineuxsur carapace

Nord

Hor. gris foncé

brun

brun rouge

carapace

o cm

14

27

90

Sols Hydromorphesen profondeur(résurgence)

o20

Tacheté 50

Tacheté 90

Sols hydromorphes grisdès la surface MBISSIRI

Lat. BO 23" NLong. 14° 33' E

~ J__=A=It.=e=jn.vi.ro.n1:

37=0=m=1l__

{. i jo 100 200 mètres

Sud

FIG. 5. - Toposéquences de Mbissiri (Nord-Cameroun).Toposequences at Mbissiri (Northern Cameroon).

LES TRAITEMENTS

Les comparaisons concernent les traitements suivants:

• Savane arborée:- totalement protégée;- brûlée précocement (un à deux mois après la der-

nière pluie utile) ;- brûlée précocement et pâturée (un mois après le re­

tour des pluies).• Témoin international: sol nu labouré une fois l'an et

sarclé dans le sens de la pente; il permet de calculer larésistance du « matériau sol» à l'érosivité des pluies.

• Témoin régional: labour mécanisé + NPKSB + urée,sarclage et buttage dans le sens de la pente, pour simulerles situations les plus difficiles et accélérer les processusde dégradation incriminés.

• Des variantes du témoin régional portant sur la densitéet la gestion des matières organiques:

- résidus de culture enfouis en début de saison despluies;

- enfouissement de 3 t/ha/an de fumier de chèvre oude terre de parc ;

- paillage d'herbes locales (Andropogon) après labourà raison de 5 t/ha/an (en humide) qui absorbe à la foisl'énergie des pluies et du ruissellement et qui apporte ausol des matières organiques stabilisantes;

- ombrière en plastique tendue à 10 cm du sol quin'absorbe que l'énergie des gouttes de pluies;

- densité double de semis (40 cm x 25 cm au lieu de80 cm x 25 cm).

316 Cah. Orstom, sér. Pédol., vol. XXVlII, n° 2, 1993: 309-325

Page 9: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

Érosion et restauration des sols sableux du Nord-Cameroun

• Travail réduit du sol + herbicides (Gramoxone +Round Up, 3 l/ha ) :

- travail à la houe réduit à l'ouverture du poquet pourenfouir les engrais (no tillage) ;

- travail continu sur la ligne de semis aux dents ou àla pioche sur 10 à 15 cm (minitillage) ;

- variantes: sarclage manuel ou chimique (peu de dif-férence sur l'érosion).

• Restauration des sols dégradés (bloc D) :- labour profond + NPKSB ;- labour profond + NPKSB + biomasse de sorgho

vigoureux;- labour profond + NPKSB + résidus de culture en­

fouis;labour profond + NPKSB + fumier enfoui;

- deux années de jachère naturelle herbacée;- deux années de jachère améliorée par le semis d'une

légumineuse (Calopogonium mucunoides).

• Effet de la longueur de pente et de sa réduction pardes « microbarrages perméables» :

- 24 parcelles de 20 m et 8 de 40 m de longueur enblocs A, B et D ;

- 6 parcelles de 60 m en bloc C et 2 parcelles de100 m en bloc D ;

- bandes enherbées de 1 m tous les 10 m ;

- haies vives de 2 m de largeur tous les 20 m (Cassiasiamea + Cajanus cajan + herbes diverses).

Toutes les parcelles cultivées ont reçu la même fertili­sation minérale. La rotation est bisannuelle et comprendle coton en 1991 (après un semis direct de maïs sur défri­che manuelle en 1990) suivi d'un maïs en 1992. Le maïsreçoit en plus 5 kglha de sulfate de zinc. Le labour a étéeffectué avec une charrue à deux socs tirée par un tracteurde 80 ch, à l'exception des parcelles avec bandes d'arrêtou haies vives qui ont été labourées aux bœufs. Le « mi­nitillage » a été réalisé au cultivateur à dents rigides (7 à10 cm).

En 1991, toutes les parcelles en travail minimal dubloc D ont été travaillées au cultivateur dans le but dedécompacter le sol dégradé par plusieurs années de culture.L'outil s'est avéré mal adapté au sol compacté, car il n'apas permis un bon enracinement du coton, ni du maïs quil'a suivi. Sur les blocs A et B, une trop faible poussée desadventices n'a pas permis de disposer de suffisamment debiomasse pour protéger les parcelles en travail minimal.En revanche, des pailles de Andropogon et de Pennisetumont servi au traitement « paillage sur labour» des blocsA, B et D.

Le tableau II donne d'autres éléments de la conduite dela culture.

TABLEAU IIPrincipaux éléments sur la conduite culturale des parcelles d'érosion de Mbissiri

Main elements concerning the cultural behaviour of runoft plots at Mbissiri

Traitement 1991 1992

Plante test Cotonnier Maïs

Labour Charrue à socs tractée Charrue à socs tractée

Date de labour 5n (0), 6n (A, B), m (C) 18/6 (A, B, C, 0)Herbicide total+ herbicide de pré-émergence Round Up et Gramoxone (4 I/ha) Round Up et Gramoxone

Lasso à 61/ha ou Atrazine

Date de semis 10n (0), 16n (A, B), 18n (C) 20/6 (0), 22/6 (A, B), 23/6 (C)

Densité normale 83 cm x 25 cm 83cm x 25 cm

Densité double 41,5 cm x 25 cm 41,5 cm x 25 cm

Engrais 100 kg/ha NPKSBo(15,20, 15,6,1) Idem + 5 kg/ha de sulfate de zinc

+ 50 kg/ha urée au semis et+ 50 kg/ha urée 30 j après semis

Fumure organique 6 tlha de terre de parc à bœufs 3 tlha de fèces séchées à J'airaprès labour de caprins et ovins avant labour

Cah. Orstom, sér. Pédol., vol. XXVIII, n° 2, 1993: 309-325 317

Page 10: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

B. Z. BOLI, E. ROOSE, B. BEP A ZIEM, K. SANON et F. WAECHTER

RÉSULTATS

Les précipitations

Les précipitations pluviométriques des deux premièresannées à Mbissiri Cl 174 et 1 513 mm) ont des hauteursqui se situent de part et d'autre de la moyenne régionalesur 37 ans observée à Tcholliré, situé 45 km plus à l'ouest,et à Touboro, à 125 km au sud-est (tabl. III).

TABLEAU IIIPluviosité mensuelle à Mbissiri en 1991-1992

comparée aux moyennes mensuelles de Tcholliré (1952-1990)et de Touboro (1952-1989)

Manthly rainfail at Mbissiri in 1991-1992as campared ta the manthly means at Tchailiré (1952-1990)

and at Taubara (1952-1989)

MBISSIRI TOUBORO TCHOLLIRE

Mois 1991 1992 1952-1989 1952-1990

Mars 7 0 16,5 11,1

Avril 22 85,5 65,2 52,6

Mai 185 86,5 113,3 124,6

Juin 52 188,4 159,6 175,9

Juillet 387 255 242,8 269,8

Août 315 413,3 313,9 305,8

Septembre 144 316,5 240,7 214,6

Octobre 61,9 168 94,0 91,5

Novembre - - 5,1 2,9

1 173,9 1 513,2 1 251,1 1275,8

Les périodes dangereuses, les plus humides, se situententre le 15 juin et le 15 septembre, selon les années. Despériodes déficitaires de deux à trois semaines sont fré­quentes en juin et juillet. En ce qui concerne l'érosion, onobserve de nombreuses pluies agressives de 60 à plus de100 mm par jour chaque année. Mais les événements lesplus érosifs paraissent liés à des séries d'averses entremi-juin et mi-septembre.

En 1991, la campagne a démarré tardivement, entre le10 et le 16 juillet: les pluies enregistrées durant le cyclecultural ont atteint 774 mm. En 1992, la campagne a dé­marré plus tôt (du 20 au 23 juin) et les précipitations durantle cycle ont atteint 1 184 mm.

Dans la zone soudanienne, avec une seule saison plu­vieuse de sept mois, il est difficile de conduire deux cyclesde culture pluviale sur la même parcelle. Cependant, lalongueur de la saison des pluies permet le choix de la datede semis pour la plupart des espèces cultivées. La Sode-

318

coton conseille de semer tôt le cotonnier pour qu'il profitedu pic de minéralisation et produise au maximum: mal­heureusement, le coton arrive à maturité quand les pluiessont encore importantes et les fibres peuvent être salies etdéclassées. Le semis tardif donne une production moindremais de meilleure qualité. Du point de vue de la conser­vation des sols, les semis retardés jusqu'au début de juilletpermettent d'obtenir une production suffisante de bio­masse, à partir des adventices ou des plantes de couverture,pour qu'elle puisse servir de paillage dans les systèmes depréparation conservatoire du sol.

Les effets catastrophiques des grosses averses et desséries de pluies en juillet-août qui sont à l'origine d'im­portants phénomènes de circulation de ruissellement et deterre pourraient être invoqués pour justifier les pratiquesdes paysans de la région, qui ont tendance à semer et àbutter de préférence dans le sens de la pente. En effet, lebuttage en courbe de niveau entraîne des ruptures de bil­lons et la formation de ravineaux et de coulées de sable àl'occasion de ces gros orages. Il faut donc préciser leseffets du billonnage en courbe de niveau avant d'engagerles paysans à changer de pratique.

Le ruissellement (fig. 6 et 7)

En savane, sur 45 pluies de plus de 5 mm de hauteur,seulement 16 ont produit un ruissellement significatif surla parcelle en défens tandis que 27 ont ruisselé sous savanebrûlée et pâturée. Le ruissellement maximal varie de 3 à10 % au terme d'une série de cinq pluies d'une hauteurcumulée de 160 mm. Le ruissellement annuel moyen dansle milieu naturel a varié entre 0,7 et 3 %.

En milieu cultivé, le ruissellement est très variable: lecoefficient de ruissellement annuel moyen varie de 1 à58 %, mais on peut regrouper l'ensemble des résultats ensix familles de comportements:

- les parcelles labourées non protégées ruissellent plusque toutes les autres: le coefficient de ruissellement an­nuel moyen (Kram) varie de 39 à 58 % et le ruissellementmaximal (Krmax) de 60 à 95 % des pluies journalières,selon que les parcelles sont cultivées ou dénudées;

- les parcelles labourées protégées par un paillage oupar une ombrière ruissellent plus modérément (Kram = 17à 32 % ; Krmax = 45 à 60 %) ;

- le billonnage cloisonné a contrôlé efficacement leruissellement (Kram < 5 %), Y compris durant une pluiede 110 mm, sans qu'on observe de rupture de billon tropgrave;

- les parcelles cultivées sans labour sous paillis(no tillage) ont subi un très faible ruissellement (Kram< 10 % ; Krrnax = 30 %) ;

- quant aux parcelles en jachère naturelle ou amélio­rée par une légumineuse, elles se comportent presque aussibien que la savane (Kram < 4 % ; Krmax < 12 %) ;

Cah. Orstam, sér. Pédal., vol. XXV1l1, na 2, 1993: 309-325

Page 11: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

Érosion et restauration des sols sableux du Nord-Cameroun

.tiges

r­Ograines

5.5

u •.••,7 •• ..83.8

3.3 3.•

2,8 28

savane non- mlni- labour labour labour labour labourjachère labour travail billon paillis haie culture sol nu

100 Ruissellement( % des pluies) 93 1 KRMAX

80

80 55 KRAM

40

35

2021

2,1

6 Rendements(UhaJan)

savane jachère non- mini- labour labour labour labour labour2·année labour travail billon paillis hale culture sol nu

.0 Érosion (VhaJan) et 40.0

35 LuspenSlOnSflc

9'halan

J3025201510

~ 3.0 ~ -<=2'",,2'-'~~L.:.J_---'-'--'---'L....:J'----'---'---'-L-JL-J--'---'---'-'--L-J...savane jachère non· minl- labour labour labour labour labour

2·année labour travail billon paillis haie culture sol nu

@_érosion totale D suspensions

Og:::1• tiges 1

10.010.0

3,73.6

3.2

2.62.S

2,.•

1 1 1 85 1KRMAX

1 64,~, V1 ~Pi/W~ 00 "

~:9.--- 15 17 1~ KRAM

savane jachère oon- mini- labour labour labour labour labour1"année travail travail billon paillis haie culture sol nu

Ruissellement( % des plUIes)

savane non- mini- labour labour labour labour labourjachère travail travail billon haie paillis culture sol nu

20

40

60

80

100

ÉrosionlOS 1 (Uha/an)

~ ~ 4.0 Dn5

'

5 ~n7'

0 uu~I~~ Il ~.5 1 1

~~.._1:_.. ,

4 Rendements(Vha/an)

savane jachère non· mini- labour labour labour labour labour1°année travail travail billon paillis haie culture sol nu

FIG. 6. - Synthèse de la campagne 1991 à Mbissiri des mesuresde rendement en coton (t/ha), de ruissellement (Kram et Krmaxen % des pluies) et de pertes en terre (sédiments en t/ha/an).Synthesis of the 1991 campaign at Mbissiri concerning the mea­surements of cotton yield (t/ha), runoff (Kram and Krmax % ofrainfall) and sail lasses (sediments in t/ha/year).

FIG. 7. - Synthèse de la campagne 1992 à Mbissiri des mesuresde rendement en maïs grain et paille (t/ha/an), de ruissellement(Kram et Krmax en % des pluies) et de pertes totales en terre etsuspensions (t/ha/an).Synthesis of the 1992 campaign at Mbissiri concerning the mea­surements of maize grain and straw yield (t/ha/year), of runoff(Kram and Krmax % of rainfa Il) and of total sail and suspensionlasses (t/ha/year).

- les haies vives et les bandes enherbées semblentefficaces pour les averses modérées. Elles jouent un rôlede filtre pour les événements les plus importants (Kram =10 à 20 % ; Krmax varie de 30 à 40 %).

On note que, sur les parcelles labourées, les ruisselle­ments de 1991 n'atteignent que la moitié de ceux de 1992.Cela pourrait s'expliquer par une pluviosité plus impor­tante en 1992 et une saturation du sol plus fréquente.

On a observé que les ruissellements sont les plus fortsau bloc D car le sol est plus compact et moins profondau-dessus de la carapace ferrugineuse que dans les autresblocs.

L'efficacité du paillage sur les parcelles, travaillées ounon, est liée non seulement à ['interception de l'énergiecinétique des gouttes de pluie et du ruissellement et à larugosité de la surface du sol, mais aussi à la macroporositécréée par la mésofaune du sol, notamment par les vers deterre: on a observé six à dix fois plus de turricules de

vers de terre sur les parcelles couvertes de litière que surcelles qui sont labourées (fig. 8).

Sous ombrière, laquelle amortit l'énergie des gouttes depluie, le ruissellement est loin d'être négligeable; il sem­ble que, sur ces sols sableux très fragiles, le tassement etla réorganisation de la surface du sol puissent se faire parsimple humectation.

L'érosion (fig. 6 et 7)

Les pertes en terre varient de 1 à 50 t/haJan selon lacouverture végétale, les techniques culturales et la pente.

En savane, les pertes en terre (E ::; t/ha/an) sont plusélevées que celles observées par ROOSE (1980) en Afriquede l'Ouest. On peut évoquer trois raisons à cette diffé­rence : des pluies plus abondantes, une forte activité bio­logique et le piétinement de la zone dénudée voisine ducanal lors de la construction du dispositif (projection di­recte dans le canal).

Cah. Orstom, sér. Pédol., vol. XXVJlJ, n° 2, 1993: 309-325 319

Page 12: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

B. Z. BOLI, E. ROOSE, B. BEP A ZIEM, K. SANON et F. WAECHTER

o+.-r:=='-+-'---L+--'---.L.+..L----'-+--'---.L.+--'----'---l

(suspensions: 0,1 à 1 t/ha/an). On peut cependant réduireles pertes en terre de 40 à 75 % sur les parcelles labouréesen les protégeant par l'épandage de 5 t/ha de litière.

L'épandage de paille sur un terrain labouré est un exem­ple de travail du sol conservatoire à condition que la bio­masse couvre au moins 30 % de la surface du sol après lesemis (DICKEY et SHELTON, 1987). Mais le problème estde récolter du paillage et de l'épandre sur un terrain la­bouré sans que cela entraîne des coOts prohibitifs. Or, dansla zone soudanienne, la longueur de la saison des pluiesn'est pas un facteur limitant. Les observations dans leSud-Est-Bénoué nous amènent à penser qu'il existe enmilieu paysan des méthodes permettant de concilier unlabour tardif et la présence d'adventices couvrant naturel­lement le sol pendant le début de la saison des pluies.Lorsque les adventices atteignent 20 à 30 cm de hauteur(mi-juin), les paysans font un labour qui n'enfouit pastotalement les herbes; ils sèment ensuite sur les raies delabour. Après la levée, les paysans procèdent au premierdésherbage qui consiste à arracher les adventices et à lesétaler sur le sol entre les lignes de semis. Cette techniquetraditionnelle pourrait être perfectionnée afin d'obtenir àla fois les effets positifs du labour et du paillage. Une autreamélioration consisterait à tuer chimiquement les herbespar un herbicide de contact avant de réaliser le labour.

Le billonnage cloisonné avant le semis s'avère une tech­nique intéressante du point de vue de la conservation del'eau et du sol (E = 0,1 à 2,1 tlha/an dans le bloc C).Cependant, il exige beaucoup de travail lors de la prépa­ration du sol et entraîne une réduction des rendements de10 à 40 % car les pieds de cotonnier se déchaussent àmesure que les billons s'érodent. Cette méthode, très in­téressante en zone plus sèche, ne nous paraît donc pas bienadaptée à la zone soudanienne.

semisdirect

surlilière

trallailrèduit

laoouren 92aprèssemis

paillis

labourlaboursur

maïs

laboursol nu

Nombre de turriculespar 100 m2

300

100

200

500

400

EFFETS DU TRAVAIL DU SOL

SOUS culture, les pertes en terre varient de 2 à 7 tlha/ansur les parcelles non travaillées et de 5 à 27 t/ha/an surles parcelles labourées.

Le tableau IV permet de comparer les pertes en terresur les parcelles labourées et sur celles avec travail mini­mal ou nul. Il montre qu'on perd 1,5 à 10 fois plus de terredans les parcelles labourées que dans celles qui sont pail­lées et non travaillées. Plus grave, les pertes en particulesfines en suspension sont elles aussi nettement plus fortessous labour (suspensions: 4 à 10 t/haJan) que sur les par­celles couvertes par les résidus de culture et peu travaillées

FIG. 8. - Nombre de turricules par 100 m2 observé sur les par­celles d'érosion de Mbissiri le 2 août 1993.Number of worm casls per 100 m2 observed in runoff plaiS alMbissiri on Augusi 2nd, 1993.

TABLEAU IVÉrosion (t/ha/an) en fonction

de quatre modes de préparation du solErosion (I/ha/year) as relaled la four types of sail tillage

Bloc Labour Labour + paillage Minitillage" No tillage"Résidus exportés Travail limité ligne Semis direct

A (100 m') 1991 9,2 2,2 6.7 6,31992 8,9 + (4,B) 5,3 + (1.3) 4,6 + (0,1) 6.1 + (0,1)

B (100 m') 1991 8,2 5,7 6.8 6,71992 16 + (4,6) 4,2 + (1) 13 + (0.3) 7,6 + (0,1)

C (1 080 m') 1991 5,1 0.51992 14.9 + (5.B) 2,2 + (0.3)

D (100 m') 1991 20.1 5,6 2,9 3,01992 27 + (10.6) 6,1 + (6,6) 3.5 + (1) 3.4 + (0.1)

" Les traitements en A et B avaient très peu de mulch.Les chiffres entre parenthèses indiquent les pertes en suspensions (en t1ha/an).

320 Cah. Orslom, sér. Pédol., vol. XXVIll, n° 2, 1993: 309-325

Page 13: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

Érosion et restauration des sols sableux du Nord-Cameroun

Bloc Pente moyenne 1991 1992

Curieusement, l'érodibilité de la parcelle dégradée(bloc D) n'est pas supérieure à celle du bloc B de la jeune

A 1 0,09 0,07B 2 0,06 0,24D 2,5 0,07 0,18

défriche: cela pourrait s'expliquer par un labour profondqui a remonté en surface une terre plus argileuse et plusrésistante dans le bloc D.

L'évolution des indices d'érodibilité ne dépend pas seu­lement de l'âge de la mise en culture des parcelles, maisaussi du degré d'intervention technique. Le labour moto­risé, en supprimant dès la première année toute la char­pente racinaire des ligneux et surtout des herbes annuelles,et en exerçant des pressions importantes sur le sol, produiten deux ans une dégradation du sol obtenue seulementaprès plusieurs années sur les parcelles ayant connu desinterventions manuelles.

À Séfa, au Sénégal, sur un sol ferrugineux tropical les­sivé, l'indice d' érodibilité est passé de 0,07 à 0,17 dès ladeuxième année (ROOSE, 1967).

À Saria, au Burkina, sur un sol ferrugineux tropicallessivé plus riche en argile, l'indice d'érodibilité du sol aatteint les valeurs annuelles suivantes: 0,07 ; 0,17 ; 0,30 ;0,25, etc.

Les ordres de grandeur sont donc très voisins pour cestrois sols ferrugineux sableux cultivés (ROOSE et al., 1978).

EFFET DE LA GESTION DES MATIÈRES ORGANIQUESOn a comparé l'effet des matières organiques sous

forme de résidus enfouis, de pailles déposées à la surfacedu sol (5 t/ha) et de fumier à raison de 3 t/ha/an.

On peut observer (tabl. VI) que le ruissellement et l'éro­sion sont du même ordre de grandeur, qu'il s'agisse defumier ou de résidus enfouis. Au bout de deux ans, cesdeux traitements n'ont guère amélioré la résistance du solà la battance des pluies par rapport au témoin régional(labour sans résidus). En revanche, on a vu que le paillageréduit souvent le ruissellement et l'érosion à moins de50 %. Cependant, en deuxième année, l'enfouissement de3 t/ha/an de fumier de chèvre donne souvent les meilleursrendements en maïs, d'autant plus élevés que l'érosion estfaible sur la parcelle concernée (c'est-à-dire lorsque lafumure organique est conservée sur la parcelle).

R = H pluies (mm)2

Les valeurs de l'indice K d'érodibilité ont été très fai­bles en 1991, première année de culture après défriche­ment (tabl. V).

Cela s'explique:- par la mise en culture tardive et la faible agressivité

climatique;- par la concavité des parcelles nues juste avant le

canal de sédimentation ;- par le rôle stabilisant du chevelu racinaire des gra­

minées de la jachère précédente.En 1992, les parcelles sont déjà beaucoup plus fragiles

(K = 0,07; 0,18 ; 0,24) et on s'attend à des valeurs encoreplus fortes pendant les deux cycles suivants.

TABLEAU VÉrodibilité des sols durant les deux premières campagnes

Sail erodibility during the first two campaigns

L'ÉRODIBILITÉ DU SOLOn ne dispose pas encore de toutes les données néces­

saires au calcul précis de l'érodibilité du sol. En particu­lier, il nous manque l'indice d'érosivité des pluies, et laparcelle n'a pas encore trois années de culture. À titreindicatif, on peut cependant estimer les valeurs suivantes(ROOSE, 1977) :

K = E (t/ha/an)R x LS x 2,24

LS ="fllo (0,76 + 0,53 S + 0,076 S2)

TABLEAU VIRuissellement (Kram), érosion et rendements

Runoff (Kram), erosion and yields

Ruissellement Érosion Rendement(Kram %) (tJhalan) (tJhalan)

Année Labour Lab.+ résidus Labour + Labour + Labour Lab. + rés. Labour + Labour + Labour Lab. + rés. Labour + Labour +convent. enfouis fumier paille convent. enfouis fumier paille convent. enfouis fumier paille

1991 (coton)A 17,7 19,2 16.2 15,1 9,4 7,5 7,1 2,6 0,9 0,8 1,2 0,8B 14,2 22,8 18,3 11,8 8,9 7,0 8,7 5,6 1,25 1,3 1,25 1,4D 15,1 17,6 14,1 16,7 21,7 21,9 15,3 6,6 1,57 1,1 1,15 1,0

1992 (maïs)A 32,2 36,2 34,1 15,9 10,3 6,4 6,3 6,0 5,2 5,4 9,6 4,1B 30,3 39,7 38,1 15,1 10,4 26,2 21,1 4,0 4,8 4,1 5,8 4,9D 32,6 46,1 40,9 33,3 21,4 28,2 31,4 7,0 4,65 5,25 5,3 4,05

Cah. Orstom, sér. Pédol., vol. XXVIII, n° 2, 1993: 309-325 321

Page 14: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

B. Z. BOLI, E. ROOSE, B. BEP A ZIEM, K. SANON et F. WAECHTER

L'effet du fumier a été spectaculaire sur les rendementsdu maïs au bloc A (9,6 tilla/an). Sur les autres blocs, lesgains de rendement sont d'autant plus faibles que les pertesen terre sont fortes. Les améliorations du rendement pro­venant de l'apport de fumier de chèvre ne s'expliquent passeulement par sa richesse en éléments fertilisants (3 %d'azote), mais aussi par l'amélioration de la structure etle stockage d'eau dans le sol.

EFFET DE LA LONGUEUR DE PENTED'après le modèle de WISCHMEIER et SMITH (1978), on

doit s'attendre à une augmentation significative de l'éro­sion lorsque la pente passe de 20 à 40, 60 et 100 m delongueur. On peut observer (tabl. VII) que l'érosion n'aug­mente pas systématiquement avec la longueur de pentelorsque le sol est labouré et qu'elle a même tendance àrégresser sur les parcelles soumises au semis direct dansla litière.

TABLEAU VIIEffet de la longueur de la pente, effet d'échelle et influence des haies

Effect of slope length, scale effect and influence offences

Érosion labour Érosion no tillage

Bloc Pente Surface Longueur coton maïs coton maïs(%) (m') (m) 1991 1992 1991 1992

A 1 100 5x 20 9,2 8,9 6,3 6,11 200 5x 40 6,1 4,6 3,9 3,3

B 2 100 5x 20 8,2 16,0 6,7 7,62 200 5 x 40 7,4 17,0 - 4,0

C 2,5 1080 18 x 60 5,1 14,9 0,5 2,2+ haie vive 2,5 1080 18x 60 - 6,1 - -

D 2,5 100 5x 20 20,1 27,0 3,0 3,4+ haie vive 2,5 500 5 x 100 - 21,0 - -+ haie vive 2,5 1000 10 x 100 - - - 2,3

EFFET DES HAIES VIVESDès la deuxième année, le cloisonnement des parcelles

par des haies vives (ou des bandes enherbées) de 2 m delargeur tous les 20 m est aussi efficace que le paillage ence qui concerne l'érosion (E < 3 t1ha/an dans les blocs A,B et C). Les bandes d'arrêt couvertes d'un tapis de litièreou de graminées retiennent surtout les sables: d'où laformation d'un petit talus. Ce n'est que lors des plus gros­ses averses que l'on constate encore des pertes significa­tives en eau et en suspensions fines au-delà des haies.Cependant, on observe souvent des mares temporaires enamont des haies vives. Le facteur C de Wischmeier variede 0,17 à 0,41 pour des parcelles cultivées de 40 m delongueur, avec des haies arbustives tous les 20 m sur despentes de moins de 2,5 %.

L'EFFET D'ÉCHELLEIl est important de savoir à quel point les mesures ef­

fectuées sur des petites parcelles de 100 m2 sont extrapo­lables aux champs paysans Cl 000 à 2 500 m2

). Pour cefaire, nous comparons dans le tableau VII les pertes enterre obtenues pour 100, 200 et 1 000 m2 sur les blocs A,B et C Geunes défriches) et sur le bloc D (vieille défriche).

On constate sur les parcelles labourées que l'érosion necroît pas de façon systématique, tout au moins les deux

322

premières années. Sur les parcelles non travaillées aveclitière, l'érosion a même tendance à diminuer lorsque lataille de la parcelle augmente ! Il y a probablement desinteractions entre le système de culture (la stabilité et larugosité de la surface du sol) et l'effet d'échelle. Par ail­leurs, le ruissellement reste du même ordre de grandeur.Tant que la rugosité du sol due au labour et surtout à lalitière empêche la vitesse de la nappe de ruissellement des'accélérer, l'érosion ne peut croître avec la longueur dela pente, surtout sur ces pentes douces Cl à 2,5 %).

L'effet d'échelle est donc peu évident entre 100 et1 000 m2

, mais il faut attendre confirmation de ces résul­tats pour les années suivantes et, de plus, rester prudentdans l'extrapolation des résultats de la parcelle expérimen­tale aux blocs de culture (100 ha) et aux bassins versants.

EFFET DU COUVERT VÉGÉTAL

Le couvert développé par les cultures de coton et demaïs réduit l'érosion des parcelles nues de 40 à 70 %. Lefacteur C du modèle de WISCHMEIER et SMITH (1978) variede 0,6 à 0,3 selon la vitesse de recouvrement du sol parla culture (et les adventices). Cela démontre la faiblessedu couvert végétal de ces cultures, tout au moins durantles deux premiers mois de leur croissance.

Cah. Orstom, sér. Pédol., vol. XXVIII. n° 2, 1993 : 309-325

Page 15: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

Érosion et restauration des sols sableux du Nord-Cameroun

SOL NON DEGRADE - Pente' 1% - Pluie: 849 mm

Sur le bloc D, l'observation des profils racinaires dumaïs a montré que la principale contrainte à la productivitésur les parcelles non travaillées est la compacité du sol quientraîne un mauvais enracinement (fig. 9). La productivitédu sol est avant tout fonction des caractéristiques qui af­fectent le développement du système racinaire des cultures.Le tableau VIII montre que, après décompaction du sol, lepotentiel de productivité du bloc D (dit dégradé) reste équi­valent à celui de la nouvelle défriche. La dégradation phy­sique superficielle du sol n'est pas synonyme de dégrada­tion de son potentiel de productivité. Elle traduit une forteinstabilité à l'eau des agrégats et une faible résistance à labattance. Cet état devient une contrainte à la productionvégétale lorsqu'il est associé aux facteurs qui favorisentune érosion intolérable.

r-----~ r: 173 mm~ E:7.0Uha

58639

MAIS 2700 kg/ha

D : 178 mm ·100 1 NO TILLAGE 1

D : 295 mm -40 88615

248 cm

·10:20'"

MAIS 5200 kg/ha

D : 66 mm·HlCl .....

D:166mm -40

La production végétale

Le tableau VITI montre que les rendements en cotongraine, en 1991, et en maïs grain, en 1992, sont biensupérieurs (10 à 40 %) sur labour que sur non-labour avecpaillage. Les rendements sur parcelles non labourées etnon dégradées sont égaux ou supérieurs à ceux des par­celles labourées quand la litière est peu abondante (ex. :blocs A et B, en 1991, coton).

Les parcelles couvertes de paillis et d' ombrière se com­portent de façon très comparable. L'érosion est donc dé­pendante non seulement de l'énergie de la battance despluies mais aussi de l'énergie du ruissellement, non négli­geable au cours des pluies importantes. En l'absence del'impact des gouttes de pluie sur les mottes (sous om­brière), la réduction de la rugosité initiale du sol est pluslente. La dégradation des mottes est alors due à la simplehumectation de ces sols sableux ainsi qu'au frottement dela lame ruisselée entre les mottes.

TABLEAU VIIIRendements comparés (q/ha) en coton graine

et maïs grain des parcelles d'érosionsur labour et semis direct sous litière (Mbissiri, 1991-1992)

Compared yields (hundredweights/ha) in couonseedand grain maize observed in runoff plots on ploughing and

direct drilling under /iuer ( Mbissiri, 1991-1992)

SOL DEGRADE - Pente: 3% - Pluie: 811 mm

r-::====~~~ r: 241 mm r:36 mm1- ;. E:21.3Uha ~E:2.3Uha'------,;;.,0;----,----'----, 676 '-----=..c..."'-'--'-r-.:-:-,O--~_;=.~---_,-,,' 439

::ilï .. 440 ·20 106

BLOC

Année Traitement A B C 0

1991 Labour 8,5 12,6 12,4 13,5(coton) Semis direct* 14,2- 14,8* 8,2 5,0

1992 Labour 51,3 49,2 38,0 50,6(maïs) Semis direct* 24,6- 26,3* 18,0 10,6

-paillage insuffisant sur les blocs A et B.

30J. 45j. 60j.

~r77cm

__1-L..5_9_cm__l95 cm L30j. 45j. 6Oj.

FIG. 9. - Bilan hydrique, rendements, enracinement et érosion. Com­paraison du système labour conventionnel et du semis direct sur lesblocs «dégradés » (0) et «non dégradés» (A) à Mbissiri. D'aprèsSANON, 1992.Water balance, yields. rooting and erosion. Comparison between theconventional ploughing system and direct drilling in «degraded»(D) and «non degraded» (A) blocks. Mbissiri. After SANON, 1992.

MAIS 4500 kg/ha MAIS 1200 kg/ha

_ ----<..J"-_---=-.l::...__.:..~01cm/l,40 cm &8 cm h..-30 j. 45 j. 60 j.

583 D : 272 mm -40 32

190 cm

60j.

1\

1 LABOUR 1 D: 176 mm .'00.. 1 NO TILLAGE 1

45j.30j.

D:Omm -HlO ....

D:79mm -40En 1991, la faible productivité des parcelles non travail­

lées semble due partiellement à la présence d'un épaispaillage de Andropogon sur le bloc C et de Dactylocteniumsur le bloc D, contrairement aux blocs A et B peu paillés.Sous paillage, on note un jaunissement des plants de cotonqui traduit une faim d'azote au terme du premier mois aprèsle semis. On ohserve ensuite une faible croissance végéta­tive. La faim d'azote est souvent expliquée par l'immobi­lisation microbicnne de cet élément en présence d'une bio­masse biodégradable. Cependant, il est aussi possible quel'augmentation de l'infiltration sur la parcelle couverte depaillis entraÎnc une augmentation des pertes d'azote dansles eaux de drainage ou encore crée des conditions d'en­gorgement, de lixiviation et de dénitrification. Ce jaunis­sement des plants fut aussi observé sur la parcelle labouréeet paillée du bloc D. La baisse de rendement dans ce cassemble être liée à la répartition des pluies, à l'espèce végé­tale cultivée, à la quantité de paillis et au tassement du sol.

Cah. Orstom, sér. Pédol., vol. XXVlll, n° 2, 1993: 309-325 323

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B. Z. BOLI, E. ROOSE, B. BEP A ZIEM, K. SANON et F. W AECHTER

La productivité végétale varie en fonction du sol; lesblocs A, B et C sont installés sur la même toposéquence,mais les rendements diminuent à mesure que l'épaisseurde l'horizon meuble se réduit. Elle est fonction des capa­cités de stockage du sol en eau et en nutriments.

ÉVOLUTION DU PH ET DU TAUXDE MATIÈRE ORGANIQUE DU SOL

En février 1991, 48 échantillons de sol (0-10 cm) ontété prélevés pour caractériser l'hétérogénéité de sa fertilitéen fonction de son histoire (tabl. IX).

Les taux de matière organique et d'azote sont très faibles(C/N = 10) sur ces sols ferrugineux tropicaux très sableux,peu acides. La vieille jachère, brûlée et pâturée régulière­ment depuis plus de trente ans, a peu amélioré la situation:il ne faut donc pas trop compter sur la jachère naturellecourte pour régénérer la fertilité des sols dégradés (RoosE,1993). Le fumier accumulé sur les lieux de parcage de nuitdu bétail a amélioré l'état du sol: la production de maïsde 1990 y est bien meilleure qu'ailleurs. Cependant, c'estla mésofaune (les vers de terre et les termites du gemeTrinervitermes) qui concentre les matières organiques à lasurface du sol. La faune a donc un rôle important à jouerdans le bilan des matières organiques.

TABLEAU IXVariabilité du pH et des teneurs en carbone et azote des dix premiers centimètres du sol en février 1991 à MbissiriVariability of pH and carbon and nitrogen contents in the first ten centimeters of sail in February 1991 at Mbissiri

% Matière organique N pH eau pH KCI

Termitières de Trinervitermes 1,9 0,12 6,6 5,9Turricules frais de vers de terre 1.8 0,06 7,0 6,3Ancien parc de nuit des animaux 1.6 0,08 6,9 6,0Vieille jachère de plus de 30 ans 1.2 0,06 7à6 6,3 à 5,3Jeune défriche de 2 ans 1,1 à 0,5 0,05 6,9 à 5,7 5,9 à 4,7Vieille défriche cultivée> 30 ans 0,5 à 0,4 0,01 6,6 à 5,3 5,7 à 4,3

CONCLUSION

Dans la zone soudanienne observée, les événements plu­vieux les plus décisifs pour la conservation de l'eau et dela fertilité des sols sont des séries de pluies et des aversesde plus de 60 mm par jour qui peuvent tomber lors dechacun des mois de juin, juillet, août et septembre.L'agressivité des pluies est particulièrement dangereuseen juin et juillet lorsque les sols ne sont pas encore cou­verts par les cultures.

Les sols ferrugineux sableux de cette zone sont trèsfragiles, à la fois vis-à-vis de l'agressivité des pluies, del'énergie du ruissellement et de certaines techniques cul­turales qui dénudent les sols, appauvrissent l'horizon cul­tivé en biomasse et en argile et, enfin, accélèrent leurdégradation physique par la battance, la minéralisation desmatières organiques humifiées, l'humectation et le tasse­ment.

Sous savane soudanienne, les pertes en eau, en suspen­sions fertiles et en terre sableuse sont très réduites. Enmilieu cultivé, ces pertes dépendent des techniques cultu­rales. Celles qui maintiennent une litière sur le sol favo­risent l'infiltration et la lixiviation, mais réduisent l'éro­sion. Par contre, le labour classique expose le sol à labattance des gouttes de pluie, provoque un ruissellementabondant sur la surface encroûtée du sol et une érosion sigrave qu'elle risque d'entraîner à moyen terme une baissesignificative de la productivité des terres. La dégradation

324

physique dépasserait certains seuils au-delà de douze àquinze ans.

Durant les deux premières années, le labour convention­nel a donné les meilleurs rendements tandis que le travailréduit du sol a favorisé l'infiltration et réduit l'érosion. Ilnous faut donc contrôler l'un et l'autre, soit en améliorantle travail du sol sur la ligne de plantation, soit en couvrantle labour (paillis ou plantes de couverture), soit encore encloisonnant la pente par des « microbarrages perméables»tous les vingt mètres. Le billonnage cloisonné ne semblepas une bonne solution pour ces zones très humides à causedu déchaussement des plantules.

La dégradation du sol pour un agronome est essentiel­lement d'ordre économique: lorsque les intrants ne sontplus remboursés par un rendement suffisant, la parcelleest déclassée.

Pour le pédologue, la dégradation physique du sol semanifeste par sa fragilité à la battance et par la formationd'horizons peu perméables, tassés en surface ou au fonddu labour. Cette dégradation physique ne réduit la produc­tivité végétale que lorsque sont réunies les autres condi­tions de développement d'une érosion dangereuse (pentetrop longue ou trop forte, surface du sol dénudée et fragi­lisée, pluies érosives, etc.).

Durant les deux années d'observation, les matières or­ganiques enfouies sous forme de résidus de récolte ou defumier ne semblent pas avoir eu d'effet significatif sur le

Cah. Orstom, sér. Pédol., vol. XXVIlI, n° 2, 1993: 309-325

Page 17: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

Érosion et restauration des sols sableux du Nord-Cameroun

contrôle du ruissellement et de l'érosion, contrairementaux résidus organiques laissés en surface. En revanche,l'apport d'une faible dose de fumier (3 t1ha/an) amélioreles rendements des parcelles protégées de l'érosion.

À la suite de ces deux années d'observation, il faut resterprudent pour proposer des améliorations au système. Ilnous semble cependant possible de suggérer les orienta­tions suivantes:

- améliorer le travail du sol réduit à la ligne de culture,y introduire une fumure organique localisée et répartir lafumure minérale en fonction des besoins des cultures etdes risques de drainage;

- introduire sous le maïs une jachère courte de légu­mineuses (Calopogonium mucunoides ou Stylosanthes ha-

mata) (KLEIN, 1994), laquelle fournira une litière mortepour la culture cotonnière suivante (alternance labour etsemis direct) ;

- retarder le labour pour favoriser la production d'unebiomasse qui pourrait servir de paillis sur la parcelle;

- introduire tous les vingt mètres une bande d'arrêtpaillée fourragère, soit enherbée, soit arbustive; entre lestalus qui se forment progressivement, la pente des terrescultivées en courbe de niveau s'adoucira au fil du tempset les risques d'érosion s'atténueront.

La méthode des parcelles d'érosion paraît être un bonoutil d'évaluation du fonctionnement des différents systè­mes de sols naturels ou cultivés, à travers l'étude de l'éro­sion ainsi que des bilans hydrique, chimique et biologique.

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325

Page 18: Effets des techniques culturales sur le ruissellement, l

Effet des techniques culturales sur l'érosion et la dégradation des sols sableuxdu Nord-Cameroun soumis aux cultures sarclées intensives: 309·325 Photos: E. Roose

Après labour, le maïsest soumis à un sarclage,puis à un buttage pourenfouir l'urée. S'il n'estpas exécuté strictementen courbe de niveau, Jebuttage augmente lapente du terrain, con­centre les eaux de ruis­sellement et favorise letransport des sables.

Parcelle de maïs soumise au labour. Noterque la surface du sol est complètement fer­mée par la battance des pluies très agres­sives de début de saison. Les grains de sableblanchis et nettoyés par les pluies couvrent lasurface du sol très appauvri en matièresorganiques. Le ruissellement peut dépasser80 % lors des gros orages.

Pour éviterque le sollabouré, peucohérent, soitexposé auxpluies, onpeut le cou­vrir avec despailles provenant des parcelles VOISines (ici 6 t/ha de paillesfraîches). Ce paillage ralentit considérablement l'érosion, maisimplique un gros supplément de travail en période chargée et n'apas d'effet sur les rendements des cultures.

Une autre solution:cloisonner le paysa­ge par des haiesvives herbeuses ouarbustives (Cassiasiamea) et laboureren courbes deniveau strictes.L:érosion est alorsréduite au niveau duversant, mais la

dégradation du sol se poursuit entre les haies sion ne développe pas un système cultural pluséquilibré (station IRA de Mbissiri).

IX

Une autre stratégie consiste à laisser pousser lesadventices, à les griller aux herbicides lorsqu'ellesatteignent 20 cm et à réduire le travail du sol à laligne de semis. Ruissellement et érosion sont alorstrès modestes, mais le maïs semble souffrir d'undrainage excessif et d'un manque d'azote.

Vue de la savane brûlée et pâturée traditionnelle et dela parcelle mise en défens. Noter J'envahissement parles grandes graminées pérennes et les arbustes là oùl'on a maîtrisé le feu allumé par les éleveurs.Ruissellement et érosion sont négligeables dans lemilieu naturel non brûlé, mais la pratique du feu resteindispensable pour le pâturage du bétail.