3
EGLISE DE LA MADELEINE, A DIJON. MESSIEURS , L'église de la commanderie de la Madeleine vient d'être détruite; il n'en reste plus que les pans de muraille qu'on a pu adapter aux constructions nouvelles- Le la messidor an rv, elle fut vendue nationalement avec les cour, jardin et bâtiments qui en dépendaient, y compris la vieille tour de St-Bénigne, reste vénérable de l'ancienne enceinte du Cas- trum. Les religieux hospitaliers de St-Jean-de-Jérusalem n'avaient pas été là dès le commencement de leur établissement à Dijon. Fondée sur la fin du XII e siècle, par Hugues III, duc de Bourgogne, en reconnaissance des services que les religieux hospitaliers lui avaient rendus lors de son premier voyage en Terre-Sainte, elle eut son premier établissement à l'est de la ville, à l'entrée du faubourg Saint-Pierre. Mais après le siège de Dijon par les Suisses, Louis de la Trémouille sentit la nécessité d'ajouter quelques boulevards aux anciennes fortifications, et décida qu'il y en aurait un à la porte Saint- Pierre. Les religieux de £t-Jean-de-Jérusalem furent donc obligés de déguerpir pour cause d'utilité publique. Ils se retirèrent dans l'intérieur de la ville, au Mex dé Magmj, vaste terrain qui, avant 1430, avait appartenu aux vicomtes de Dijon. Ils le vendirent alors à un maitre aux comptes, qui en fit hommage à la commanderie. C'est à l'ouest de ce Mex,k l'angle méridional formé aujourd'hui par les rues de l'Ecole-de-Droit et de la Madeleine, que François I, qui

EGLISE DE LA • MADELEINE,

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: EGLISE DE LA • MADELEINE,

EGLISE DE LA • MADELEINE,

A DIJON.

MESSIEURS ,

L'église de la commanderie de la Madeleine vient d'être détruite;il n'en reste plus que les pans de muraille qu'on a pu adapter auxconstructions nouvelles-

Le la messidor an rv, elle fut vendue nationalement avec lescour, jardin et bâtiments qui en dépendaient, y compris la vieilletour de St-Bénigne, reste vénérable de l'ancienne enceinte du Cas-trum.

Les religieux hospitaliers de St-Jean-de-Jérusalem n'avaient pasété là dès le commencement de leur établissement à Dijon. Fondéesur la fin du XIIe siècle, par Hugues III, duc de Bourgogne, enreconnaissance des services que les religieux hospitaliers lui avaientrendus lors de son premier voyage en Terre-Sainte, elle eut sonpremier établissement à l'est de la ville, à l'entrée du faubourgSaint-Pierre. Mais après le siège de Dijon par les Suisses, Louis dela Trémouille sentit la nécessité d'ajouter quelques boulevards auxanciennes fortifications, et décida qu'il y en aurait un à la porte Saint-Pierre. Les religieux de £t-Jean-de-Jérusalem furent donc obligésde déguerpir pour cause d'utilité publique. Ils se retirèrent dansl'intérieur de la ville, au Mex dé Magmj, vaste terrain qui, avant1430, avait appartenu aux vicomtes de Dijon. Ils le vendirent alorsà un maitre aux comptes, qui en fit hommage à la commanderie.

C'est à l'ouest de ce Mex,k l'angle méridional formé aujourd'hui parles rues de l'Ecole-de-Droit et de la Madeleine, que François I, qui

Page 2: EGLISE DE LA • MADELEINE,

ÛGI.ISE DE LA MADELEINE, A DIJON. 109

avait autorisé son lieutenant-général à prendre le terrain des reli-gieux pour construire un bastion, fit élever à ses frais} pour les in-demniser, l'église qui vient d'être démolie : elle avait soixante-quinzepieds de long.

Les plans et devis de cet édifice furent dressés en 1514 parEtienne Jacqueron, seigneur de la Motte. On commença les fonda-tions le 4 juin de l'année suivante, et, en 1520, tout fut terminé ;la croix était placée sur le pignon du chef de l'église; le toit étaitcouvert de ses tuiles étincelantes, blanches, rouges, vertes et noires,et deux grandes verrières étaient placées aux extrémités de l'église,en face l'une de l'autre.

Celle qui fermait la baie au-dessus du grand autel était l'ou-vrage de Jean Petit; peintre vitrier de Dijon. Elle représentait plu-sieurs mistères et ymaiges^ dit Jean Saumaise dans ses comptes: c'esttout ce que nous en savons.

L'autre, établie dans le pignon de la grand'porle, représentaitmonseigneur St Loys. Cette verrière avait été faite pour le palais; maiselle fut enlevée à sa destination primitive pour être placée dansl'église de la commanderie. Elle avait été faite par Jean d'Orain,lui aussi peintre vitrier de Dijon.

François I donna mille écus soleil pour la construction de cetédifice, c'est-à-dire, je suppose, 3,880 fr.; car c'est à ce total ques'élèvent les dépenses enregistrées par le payeur du roi.

Voilà donc, lorsqu'on fournissait les pierres, le prix d'une égliseà la renaissance, quand on construisait le Palais de justice et le por-tail de Saint-Michel. Alors la journée des ouvriers était de quatre,de trois et de deux sous ; le fer travaillé valait neuf deniers la livre ;les gages des hauts officiers et des receveurs généraux étaient decinquante et de quatre-vingts livres ; on s'habillait de drap pour unfranc; la mesure de blé coûtait quelques sous; on avait mille ha-rengs pour un écu.

Ne nous y trompons donc pas, l'ouvrier, si vous comparez sesdépenses avec les recettes que je viens d'indiquer, gagnait au moins

Page 3: EGLISE DE LA • MADELEINE,

1 1 0 ÉGLISE DE LA MADELEINE, A DIJON.

autant que celui de nos jours. Ainsi, la verrière qui dominait legrand autel avait 160 pieds carrés; et ils furent payés au peintreneuf sous tournois l'un, ce qui fit pour l'ensemble 7.700 sous, som-me équivalente à environ douze cents mesures de blé : c'est à peude chose près ce que coûterait aujourd'hui, ce me semble, une ver-rière de cette dimension.

Je laissé, messieurs, ces considérations d'un haut intérêt, pour ren-trer dans l'archéologie pure.

Vous avez recueilli trois pierres venant de cette église; elles cou-ronnaient autant de pilastres. L'une représente un sagittaire qui tirede l'arc en se retournant. Il est probable que ce morceau appartientà une époque antérieure à la construction de l'édifice; c'est peut-êtreun débris de l'ancienne église dont les matériaux furent employés à laconstruction de la nouvelle.

Les deux autres chapiteaux, bien que mutilès,ont, à ne pas s'y trom-per, le cachet de l'époque : c'est un style recherché, admirable dansses détails; les ornements sont scrupuleusement dessinés et fouillésavec une adresse et une profondeur remarquables. Quand le style nenous dirait pas l'époque de ce travail, les fleurs de lis et l'écusson deFrance nous l'indiqueraient assez; d'ailleurs, le nom du roi y estécrit par son initiale. Cette espèce de ë7~ ou de >9 tracé en forme defleur ou de végétal est un F, dont la partie caractéristique a été briséesur l'un des chapiteaux, mais qu'on retrouve à ne s'y pas tromper surl'autre, à droite et à gauche de l'écusson royal, avec lequel ces lettressont attachées au moyen d'un câble. C'est la première lettre du nomde François I, qui indemnisa la commanderie du sacrifice qu'elleavait fait en quittant la porte St-Pierre,et sous le règne de qui l'églisefut construite.

Ainsi, messieurs, les débris qui nous restent sont en quelque sortel'histoire abrégée de la construction de la Madeleine; et ces lignes, unsupplément à la rapide notice de Courtèpèe.

ROSSIGNOL,Membre de la Commission.