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Elatine ojibwayensis sp.nov., une nouvelle espe ` ce d’Elatinaceae et revue des Elatinaceae du Que ´ bec Michelle Garneau Re ´sume ´: Une nouvelle espe `ce de la famille des Elatinaceae, l’Elatine ojibwayensis Garneau sp.nov., est de ´crite a ` partir de spe ´cimens re ´colte ´s dans le nord du Quebec. Cette nouvelle espe `ce repre ´sente le seul Elatine a ` fleurs te ´trame `res dans l’est de l’Ame ´rique du Nord. Sa re ´partition connue est restreinte au centre du Quebec entre 508 05N et 558 11N, sur le versant que ´be ´cois des baies de James et d’Hudson. Un traitement du genre Elatine au Quebec est pre ´sente ´, incluant la description, la carte de re ´partition de chaque espe `ce, ainsi qu’une clef de de ´termination. Mots cle ´s : Elatinaceae, Elatine, ojibwayensis, re ´partition, syste ´matique, Quebec. Abstract: A new species of the family Elatinaceae, Elatine ojibwayensis Garneau, sp.nov., occurring in Que ´bec is described based on plant specimens from northern Que ´bec. This new species is the only Elatine with tetramerous flowers in eastern North America. Its current distribution is restricted to 50805N and 55811N in central Que ´bec, in the James Bay and Hudson Bay basins. A description of each Elatine species together with a distribution map in Que ´bec is given. An an- alytical key to the species is also provided. Key words: Elatinaceae, Elatine, ojibwayensis, distribution, systematics, Que ´bec. Introduction La famille des Elatinaceae comprend deux genres en Ame ´- rique du Nord, soit les genres Elatine et Bergia. Seul le genre Elatine est pre ´sent au Que ´bec et au Canada. Depuis l’e ´tude des espe `ces nord-est ame ´ricaines par Fernald (1917, 1941), Fassett (1931, 1939) et Gauthier et Raymond (1949), peu de taxonomistes se sont inte ´resse ´s a ` ce genre. Ainsi, il existe toujours une controverse quant au rang taxonomique de l’Elatine americana place ´ par certains auteurs au rang varie ´- tal ou en synonymie de l’Elatine triandra. Dans la pre ´sente e ´tude, le rang spe ´cifique est conserve ´ en se re ´fe ´rant notam- ment a ` la forme, l’ornementation et la disposition des graines dans le fruit. C’est au cours du traitement de la famille des Elatinaceae pour la Flore du Que ´bec–Labrador nordique, un projet sous la direction de Serge Payette s’inscrivant parmi ceux du Centre d’e ´tudes nordiques de l’Universite ´ Laval, que l’examen de spe ´cimens provenant de localite ´s situe ´es a ` la limite septentrionale de l’aire de re ´partition du genre au Que ´bec a re ´ve ´le ´ l’existence d’une nouvelle espe `ce, l’Elatine ojibwayensis Garneau. Cette espe `ce se caracte ´rise par les quatre pie `ces composant chacune des enveloppes florales, un gyne ´ce ´e a ` placentation basale et des graines orne ´es de 12 cre ˆ- tes longitudinales aux nombreuses alve ´oles hexagonales. Mate ´ riel et me ´ thodes Les spe ´cimens des re ´gions bore ´ales canadiennes du nord du Labrador, du Que ´bec, de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan consigne ´s dans les herbiers suivants ont e ´te ´ examine ´s : CAN, DAO, GH, MT, MTMG, QFA, QUE, SFS, TRT, TRTE, USAS et WIN. Les acronymes sont ceux de Holmgren et al. (1990). Les caracte `res de distinction ob- serve ´s sont : l’ornementation, la forme et les dimensions de la graine, le nombre de carpelles, les dimensions de la cap- sule, le type de placentation, le nombre d’e ´tamines, la forme, les dimensions et la couleur des pie `ces du pe ´rianthe, la longueur du pe ´dicelle et la forme des feuilles. Les obser- vations, les dissections et les mesures ont e ´te ´ re ´alise ´es a ` l’aide d’un ste ´re ´omicroscope, a ` un grossissement de 50 a ` 80 et les photographies nume ´riques avec un appareil photo a `5 10 6 pixels. Re ´ sultats et discussion Les Elatine sont parfois confondues avec les formes pa- lustres du Callitriche palustris. Chez ces dernie `res, le fruit est un schizocarpe a ` quatre me ´ricarpes renfermant chacun une graine et les nervures secondaires de leurs feuilles n’atteignent pas la marge du limbe. Chez les Elatine, le fruit est une capsule multise ´mine ´e a ` paroi membraneuse et la marge du limbe est typique‘ment marque ´e de colora- tion rougea ˆtre a ` l’extre ´mite ´ de la nervure centrale et des nervures secondaires. Les caracte `res diagnostiques permet- tant de distinguer les diverses espe `ces sont le nombre et la forme des pie `ces florales, le type de placentation, la lon- gueur du pe ´dicelle et l’ornementation des graines. Toute- fois, ces caracte `res s’observent difficilement, compte tenu de la petitesse de l’ensemble de ces organes. Description du genre Elatine Les Elatine sont de petites plantes ge ´ne ´ralement annuel- les, aquatiques, palustres ou amphibies, souvent plus ou moins enfouies dans la vase, a ` tiges rampantes ou dresse ´es munies de racines adventives filiformes. Les feuilles, ac- compagne ´es de stipules membraneuses, sont simples, oppo- Rec ¸u le 20 janvier 2006. Publie ´ sur le site Web des Presses scientifiques du CNRC, a ` http://revcanbot.cnrc.ca le 1 septembre 2006. M. Garneau. Herbier Louis-Marie, Pavillon Charles-Euge `ne Marchand, Universite ´ Laval, QC G1K 7P4, Canada (courriel : [email protected]). 1037 Can. J. Bot. 84: 1037–1042 (2006) doi:10.1139/B06-074 # 2006 CNRC Canada

Elatine ojibwayensis sp.nov., une nouvelle espèce d’Elatinaceae et revue des Elatinaceae du Québec

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Elatine ojibwayensis sp.nov., une nouvelle especed’Elatinaceae et revue des Elatinaceae du Quebec

Michelle Garneau

Resume : Une nouvelle espece de la famille des Elatinaceae, l’Elatine ojibwayensis Garneau sp.nov., est decrite a partirde specimens recoltes dans le nord du Quebec. Cette nouvelle espece represente le seul Elatine a fleurs tetrameres dansl’est de l’Amerique du Nord. Sa repartition connue est restreinte au centre du Quebec entre 508 05’ N et 558 11’ N, sur leversant quebecois des baies de James et d’Hudson. Un traitement du genre Elatine au Quebec est presente, incluant ladescription, la carte de repartition de chaque espece, ainsi qu’une clef de determination.

Mots cles : Elatinaceae, Elatine, ojibwayensis, repartition, systematique, Quebec.

Abstract: A new species of the family Elatinaceae, Elatine ojibwayensis Garneau, sp.nov., occurring in Quebec isdescribed based on plant specimens from northern Quebec. This new species is the only Elatine with tetramerous flowersin eastern North America. Its current distribution is restricted to 50805’N and 55811’N in central Quebec, in the James Bayand Hudson Bay basins. A description of each Elatine species together with a distribution map in Quebec is given. An an-alytical key to the species is also provided.

Key words: Elatinaceae, Elatine, ojibwayensis, distribution, systematics, Quebec.

IntroductionLa famille des Elatinaceae comprend deux genres en Ame-

rique du Nord, soit les genres Elatine et Bergia. Seul le genreElatine est present au Quebec et au Canada. Depuis l’etudedes especes nord-est americaines par Fernald (1917, 1941),Fassett (1931, 1939) et Gauthier et Raymond (1949), peu detaxonomistes se sont interesses a ce genre. Ainsi, il existetoujours une controverse quant au rang taxonomique del’Elatine americana place par certains auteurs au rang varie-tal ou en synonymie de l’Elatine triandra. Dans la presenteetude, le rang specifique est conserve en se referant notam-ment a la forme, l’ornementation et la disposition des grainesdans le fruit. C’est au cours du traitement de la famille desElatinaceae pour la Flore du Quebec–Labrador nordique, unprojet sous la direction de Serge Payette s’inscrivant parmiceux du Centre d’etudes nordiques de l’Universite Laval,que l’examen de specimens provenant de localites situees ala limite septentrionale de l’aire de repartition du genre auQuebec a revele l’existence d’une nouvelle espece, l’Elatineojibwayensis Garneau. Cette espece se caracterise par lesquatre pieces composant chacune des enveloppes florales, ungynecee a placentation basale et des graines ornees de 12 cre-tes longitudinales aux nombreuses alveoles hexagonales.

Materiel et methodesLes specimens des regions boreales canadiennes du nord

du Labrador, du Quebec, de l’Ontario, du Manitoba et de laSaskatchewan consignes dans les herbiers suivants ont ete

examines : CAN, DAO, GH, MT, MTMG, QFA, QUE,SFS, TRT, TRTE, USAS et WIN. Les acronymes sont ceuxde Holmgren et al. (1990). Les caracteres de distinction ob-serves sont : l’ornementation, la forme et les dimensions dela graine, le nombre de carpelles, les dimensions de la cap-sule, le type de placentation, le nombre d’etamines, laforme, les dimensions et la couleur des pieces du perianthe,la longueur du pedicelle et la forme des feuilles. Les obser-vations, les dissections et les mesures ont ete realisees al’aide d’un stereomicroscope, a un grossissement de 50 a80� et les photographies numeriques avec un appareil photoa 5 � 106 pixels.

Resultats et discussionLes Elatine sont parfois confondues avec les formes pa-

lustres du Callitriche palustris. Chez ces dernieres, le fruitest un schizocarpe a quatre mericarpes renfermant chacunune graine et les nervures secondaires de leurs feuillesn’atteignent pas la marge du limbe. Chez les Elatine, lefruit est une capsule multiseminee a paroi membraneuseet la marge du limbe est typique‘ment marquee de colora-tion rougeatre a l’extremite de la nervure centrale et desnervures secondaires. Les caracteres diagnostiques permet-tant de distinguer les diverses especes sont le nombre et laforme des pieces florales, le type de placentation, la lon-gueur du pedicelle et l’ornementation des graines. Toute-fois, ces caracteres s’observent difficilement, compte tenude la petitesse de l’ensemble de ces organes.

Description du genre ElatineLes Elatine sont de petites plantes generalement annuel-

les, aquatiques, palustres ou amphibies, souvent plus oumoins enfouies dans la vase, a tiges rampantes ou dresseesmunies de racines adventives filiformes. Les feuilles, ac-compagnees de stipules membraneuses, sont simples, oppo-

Recu le 20 janvier 2006. Publie sur le site Web des Pressesscientifiques du CNRC, a http://revcanbot.cnrc.ca le 1 septembre2006.

M. Garneau. Herbier Louis-Marie, Pavillon Charles-EugeneMarchand, Universite Laval, QC G1K 7P4, Canada (courriel :[email protected]).

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Fig. 1. Elatine americana : (a) capsule, (b) graine; Elatine minima : (c) capsule, (d) graine; Elatine ojibwayensis : (e) capsule, (f) graine.

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sees, rarement verticillees, sessiles ou subsessiles, obovees-oblongues a lineaires-lanceolees, a marges obscurementcrenelees ou faiblement echancrees a l’extremite des nervu-res, les echancrures fortement teintees de rouge. Les fleurssont solitaires a l’aisselle des feuilles, hermaphrodites, cleis-togames chez les plantes submergees, a symetrie radiale. Leperianthe est forme d’un calice de deux a quatre sepales per-

sistants et d’une corolle de deux a quatre petales hypogynes.Les etamines composant l’androcee sont en nombre egal oule double du nombre de petales. Le gynecee comprend deuxa quatre carpelles soudes formant un ovaire supere, multi-ovule, a placentation axile, basale ou subbasale, chaque car-pelle surmonte d’un stigmate capite. Le fruit est une capsulea dehiscence septicide, a paroi membraneuse, globuleuse ou

Tableau 1. Caracteres distinctifs des especes du genre Elatine presentes au Quebec.

Caractere Elatine minima Elatine ojibwayensis Elatine americana

Feuilles Elliptiques ou spatulees a oblan-ceolees

Nettement spatulees Obovees a spatulees

Fleurs Subsessiles, pedicelle long de0,2 mm

Nettement pedicellees, pedicelle longde 0,5–0,7 mm

Subsessiles, pedicelle long de 0,1 mm

Calice 2 sepales beiges a centre vert,oves, 0,3 mm � 0,5 mm, pluscourts que la capsule

4 sepales verts teintes de pourpre a labase, sur la nervure centrale et a lamarge, oboves a orbiculaires, 0,9–1,4 mm � 0,5–0,6 mm, plus courts aaussi longs que la capsule

3 sepales verts a marge pourpre, elliptiques,0,5 mm � 0,3–0,5 mm, plus courts que lacapsule

Corolle 2 petales beiges, tres largementoves, 0,7 mm � 0,7 mm

4 petales rose pourpre, elliptiques, 0,8–1,0 mm � 0,5 mm

3 petales blancs ou roses, largement oboves,0,7 mm � 0,6 mm

Androcee 2 etamines 4 etamines 3 etaminesGynecee 2 carpelles 4 carpelles 3 carpellesPlacenta-

tionBasale Basale Subbasale

Capsule 0,7–0,9 mm � 0,9–1,5 mm 1,0–1,1 mm � 1,4–1,5 mm 1,5–1,6 mm � 1,1 mmGraines Faiblement arquees, 0,7 mm �

0,3 mm, garnies de 9 creteslongitudinales, chaque silloncomprenant 15 a 18 alveoleselliptiques, obtuses aux extre-mites

Arquees et apiculees, 0,7–1,0 mm �0,2–0,3 mm, garnies de 12 creteslongitudinales, chaque sillon compre-nant 30 a 37 alveoles hexagonales,obtuses aux extremites

Arquees, 0,5 mm � 0,2 mm, garnies de 6cretes longitudinales, chaque sillon com-prenant 16 a 25 alveoles hexagonales, ai-gues aux extremites

Fig. 2. Repartition au Quebec de l’Elatine americana. Fig. 3. Repartition au Quebec de l’Elatine minima.

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deprimee et concave, surmontee des stigmates persistants.Elle contient plusieurs graines cylindriques, plus ou moinsarquees a falciformes et garnies de cretes longitudinales,chaque sillon comportant 9 a 37 alveoles, celles-ci hexago-nales (fig. 1b, 1f) ou arrondies (fig. 1d) et obtuses ou aiguesaux extremites.

Revue des Elatine du QuebecA ce jour, deux especes indigenes etaient connues au

Quebec (Scoggan 1978; Gleason et Cronquist 1991). Ils’agit de l’Elatine americana (Pursh) Arn., et de l’Elatineminima (Nutt.) Fisch. & E. Mey. Ci-apres, une nouvelle es-pece est decrite, l’Elatine ojibwayensis Garneau. De plus,une autre espece, l’Elatine hydropiper L., s’est introduiteprobablement a partir de graines amenees avec des plantsdans les ruisseaux amenages du Jardin Botanique de Mon-treal et s’y maintient depuis quelques annees (Luc Brouillet,communication personnelle). Les principaux caracteres per-mettant de separer les trois especes indigenes sont presentesau tableau 1.

Elatine americana (Pursh) Arnott

SYNONYME: Elatine triandra Schkuhr var. americana (Pursh)Fassett

Tige ramifiee. Feuilles obovees a spatulees. Stipules cha-mois, triangulaires, 0,8 mm � 0,5 mm, aigues a l’apex.Fleurs trimeres, tres courtement pedicellees, a pedicellelong de 0,1 mm. Lobes du calice verts a marge pourpre,oboves a orbiculaires, 0,5 mm � 0,3–0,5 mm. Corolle detrois petales blancs ou roses, largement oboves, 0,7 mm �0,6 mm. Androcee de trois etamines. Gynecee de trois car-

pelles soudes a placentation subbasale. Capsule 1,5–1,6mm � 1,1 mm (fig. 1a). Graines arquees, 0,5 mm �0,2 mm, garnies de six cretes longitudinales, les sillons com-prenant chacun 16 a 25 alveoles hexagonales, aigues aux ex-tremites (fig. 1b).

Selon Gauthier et Raymond (1949), l’Elatine americanaest une espece paleo-estuarienne. En effet, son aire de repar-tition le long du Saint-Laurent et dans l’Outaouais (fig. 2)coıncide avec les rivages de l’ancienne mer de Champlain.Au Lac Saint-Jean, les localites de Saint-Prime et de Saint-Gedeon se situent sur le rivage de l’ancienne mer de La-flamme. L’aire de repartition de cette espece s’etend du Que-bec et du Nouveau-Brunswick jusqu’au sud du Delaware etla Caroline du Nord, et vers l’ouest, du nord du Connecticutjusqu’en Oklahoma et en Louisiane (Tucker 1986; Crow etHellquist 2000).

Elatine minima (Nuttall) Fischer & E. MeyerTige peu ramifiee, les rameaux se developpant aux nœuds

inferieurs. Feuilles elliptiques ou spatulees a oblanceolees.Stipules beiges, tres largement ovees, 0,2 mm � 0,2 mm, api-culees. Fleurs dimeres, subsessiles, portees par un pedicellelong de 0,2 mm. Lobes du calice beiges a centre vert, oves,0,3 mm � 0,5 mm. Corolle de deux petales beiges tres large-ment oves, 0,7 mm � 0,7 mm. Androcee de deux etamines.Gynecee de deux carpelles a placentation basale. Capsule0,7–0,9 mm � 0,9–1,5 mm, beaucoup plus longue que le ca-lice (fig. 1c). Graines faiblement arquees, 0,7 mm � 0,3 mm,garnies de neuf cretes longitudinales, les sillons comprenantchacun 15 a 18 alveoles elliptiques, obtuses aux extremites(fig. 1d).

L’aire de repartition de l’Elatine minima est boreale nord-est americaine avec affinites temperees, notamment de laplaine cotiere atlantique (fig. 3). Elle s’etend de Terre-Neuve a la Caroline du Nord et du Minnesota a l’est de labaie de James (Gleason et Cronquist 1991; Crow et Hell-quist 2000).

Elatine ojibwayensis Garneau sp.nov.Flores tetrameri. Perianthium calyce quatuor ellipticis se-

palis 0,9–1,4 mm � 0,5–0,6 mm et corolla quatuor ellipticispetalis 0,8–1,0 mm � 0,5 mm. Androecium quatuor stamini-bus. Gynoecium quatuor carpellis. Capsula 1,0–1,1 mm �1,4–1,5 mm duodecim semina arcuata et apiculata 0,7–1,0mm � 0,2–0,3 mm continens, instructa duodecim carinis lon-gitudinalibus, omni seriei instructae 30–37 alveololis hexa-gonis obtusis ad extremum.

HOLOTYPUS: Canada, Quebec, TE Jamesie, Baie de Rupert, sec-teur Waskaganish, 14 aout 1991, Jean Deshaye, 91–841(QUE).

AUTRES RECOLTES: Canada, Quebec, TE Kativik, Grande rivierede la Baleine, 16 aout 1989, Jean Deshaye, 89–269a (QUE);Canada, Quebec, TE Jamesie, Riviere Nottaway, 25 aout1991, Jean Deshaye, 91–1422 (QUE).

Herbes souvent submergees, formant de petits tapis de 2 a5 cm de diametre. Tige rampante et ascendante, charnue,haute de 1 a 2 cm, tres ramifiee et glabre. Feuilles a limbecharnu, vert avocat, nettement spatule, 1,2–5,0 mm � 0,3–2,0 mm, cuneaire a la base, arrondi a l’apex, a marge entierefaiblement echancree et rougeatre a l’extremite des nervures;nervation reticulee a peine perceptible a la face inferieure.

Fig. 4. Repartition au Quebec de l’Elatine ojibwayensis.

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Stipules caramel, pales a la marge, laciniees, 1,03 mm � 0,31mm. Fleurs tetrameres, solitaires, portees par un pedicellelong de 0,5–0,7 mm. Calice de quatre sepales vert avocat,teintes de pourpre a la base, sur la nervure centrale et a l’ex-tremite, elliptiques, 0,9–1,4 mm � 0,5–0,6 mm. Corolle dequatre petales rose pourpre, elliptiques, 0,8–1,0 mm � 0,5mm. Androcee de quatre etamines introrses, filets etroite-ment oblongs, trois fois la longueur des antheres, celles-cibasifixes, blanc creme, orbiculaires, 0,1 mm � 0,1 mm. Gy-necee de quatre carpelles a placentation basale, stigmatessubsessiles, exerts, rougeatres, capites, longs de 0,4 mm.Capsule glabre, brun pale a verdatre, 1,0–1,1 mm � 1,4–1,5 mm, aplatie a concave a l’apex, depassant le calicepersistant et surmontee des stigmates (fig. 1e). Graines, 12par capsule, fauve, arquees et apiculees, 0,7–1,0 mm �0,2–0,3 mm, garnies de 12 cretes longitudinales, chaquesillon comprenant 30 a 37 alveoles hexagonales, plus oumoins obtuses aux extremites (fig. 1f).

L’Elatine ojibwayensis n’est connu a ce jour qu’a l’ouestde la peninsule du Quebec–Labrador et du sud de la baie deJames au sud-ouest du Nunavik (fig. 4). L’epithete speci-fique derive du nom du lac glaciaire Ojibway, d’ou provien-nent les toutes premieres recoltes de cette nouvelle espece.

Les fleurs des especes nord-est americaines connues a cejour sont dimeres ou trimeres, et le nombre d’etamines estegal au nombre de petales. En Eurasie, le genre comprend plu-sieurs especes incluant des taxons a fleurs tetrameres, et quel-ques taxons dont l’androcee compte deux fois plus d’etaminesque de petales (Gorshkova 1974; Cook 1980). La nouvelle es-pece differe des taxons nord-ouest americains, tels l’Elatinecalifornica Gray, l’Elatine brachysperma Gray et l’Elatinerubella Rydb. (Munz 1959; Correll et Correll 1972), et des ta-

xons tetrameres eurasiatiques, tels l’Elatine hydropiper L.,l’Elatine hungarica Moesz, l’Elatine macropoda Guss. etl’Elatine callitrichoides (Rupr.) Kaufm., par le nombre depieces de l’androcee, la forme et les dimensions des piecesdu perianthe et la taille et l’ornementation des graines (ta-bleau 2).

L’expansion et le retrait des glaciers au cours du Pleisto-cene ont provoque la disparition et la formation de nou-veaux habitats, notamment dans les regions froides descotes de la baie de James et de la baie d’Hudson (Stebbins1984). Alors que plusieurs especes ont completement dis-paru, les populations de certaines especes se sont alors frag-mentees pour se refugier dans des endroits plus favorables(Hulten 1937). Ce phenomene est demontre, notammentpour la Beringie, par une etude en biologie moleculaire rea-lisee par Abbott et Brochmann (2003). D’apres Stebbins(1984), plusieurs especes arctiques-alpines sont issues d’es-peces diploıdes qui ont survecu aux periodes glaciaires, no-tamment chez les genres Saxifraga et Draba (Abbott etBrochmann 2003). Toutefois, les connaissances actuelles nepermettent pas d’etablir de liens entre l’Elatine ojibwayensiset les especes nord-americaines et eurasiatiques connues a cejour. En outre, la repartition de certains taxons recemmentdecrits, tels le Salicornia borealis Wolff & Jefferies (Wolffet Jefferies 1987) et le Rumex subarcticus Lepage (Lepage1955; Mosyakin 2005), s’apparente a celle de l’Elatine ojib-wayensis. Les Elatine etant de toutes petites plantes plus oumoins enfouies dans le substrat, elles passent facilement ina-percues et sont plutot rarement echantillonnees. Il est pos-sible que cette nouvelle espece soit presente dans toutel’aire de repartition de l’ancien Lac Ojibway.

Tableau 2. Caracteres distinctifs de l’Elatine ojibwaywensis, des taxons nord-ouest americains et des taxons tetrameres eurasiatiques.

Graines

Especes PetalesEta-mines

Car-pelles Forme

Longueur(mm)

Nombre decretes Ornementation

Species novaojibwayensis 4 elliptiques 4 4 Arquees 0,7–1,0 12 30–37 alveoles hexa-

gonales par sillon

Nord-ouest americainesbrachysperma 3 3 3 Faiblement arquees 0,4–0,6 9–15 alveoles hexago-

nales par silloncalifornica 4 oboves 8 4 Fortement arquees 10 25 alveoles par sillonrubella 3 3 3 Faiblement arquees 16–35 16–25 alveoles par sil-

lon

Eurasiatiquescallitrichoides 4 oboves 4 (5–6) 3 Droites ou faible-

ment arquees0,5 Ruguees

hungarica 4 oves 8 4 Fortement arquees 0,5 Alveoles hexagonaleshydropiper 4 elliptiques

a oves8 4 Droites ou asymetri-

quement arquees0,3 Alveoles rectangulaires

macropoda 4 oves 8 4 Droites ou asymetri-quement arquees

Alveoles hexagonales

orthosperma 4 oblongs-oves a oves

8 4 Presque droites afaiblement arquees

0,5–0,7 Rugueuses ou rivulees

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Cle d’identification des especes d’Elatine

A. Fleurs tetrameres; graines garnies de 12 cretes longitudinales, les sillons comprenant chacun 30 a 37 alveoles . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Elatine ojibwayensis

A. Fleurs dimeres ou trimeres; graines garnies de 6 a 9 cretes longitudinales, les sillons comprenant chacun 15–25 alveoles.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B

B. Fleurs dimeres; graines 0,7 mm � 0,3 mm, garnies de 9 cretes longitudinales, alveoles des sillons obtuses aux extremites. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Elatine minima

B. Fleurs trimeres; graines 0,5 mm � 0,2 mm, garnies de 6 cretes longitudinales, alveoles des sillons aigues aux extremites. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Elatine americana

RemerciementsL’auteure tient a remercier bien sincerement Robert Gau-

thier, Serge Payette, Jacques Cayouette, Gordon C. Tucker,Luc Brouillet et Pierre Morisset pour la revision du texte,leurs commentaires et suggestions, Kim Damboise et Ro-main Neron pour leur aide a la preparation des illustrationset Jacques Cayouette et Marcel Blondeau pour la traductionlatine de la diagnose.

BibliographieAbbott, R.J., et Brochmann, C. 2003. History and evolution of the

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